^ t;-.v^ ''X-' v>^' :*-^ 1^-*.. '^ fc^f- OrU^ W hiT/ •«>^- ^c^:>^ x^^ LES MERVEILLES DE LA NATURE LES INSECTES LES MERVEILLES DE LA NATURE L'HOMME ET LES ANIMAUX PAR A. E. BREHM comprennent : LES RAGES HUMAINES ET LES MAMMIFÈRES ÉDITION FRANÇAISE REVUE PAR Z. GERBE i vol. grand in-8 i ie\i\ ciiliinnfs, furnianl niiemble 1,300 pajfs a\fe 770 ll|;urfS d Ti'J plaiiclifS lioii leslc sur papier leinlé. LES OISEAUX ÉDITION FRANÇAISE REVUE PAR Z. GERBE 2 vol. grand in-8 ii dtux («lonnfs, foiraanl ensfniWf 1,500 pages avet 'il8 figura el 'lO pianflies hors inle un papier teiole. LES INSECTES LES MYRIOPODES, LES ARACHNIDES ET LES CRUSTACÉS ÉDITION FRANÇAISE PAR J . KUNCKEL D'HERGULAIS ul. grand iu-8 ii deux ruivunct, furnianl enienilili' l/iOO pagrt avec 1,.'>00 (\fam H W plani'lips liiir> IrMc sur papiu Itiule. LES VERS, LES MOLLUSQUES LES POLYPIERS, LES ZOOPHYTES ET LES INFUSOIRES ÉDITION FRANÇAISE PAR LE DoCTEUR A. T. DE ROCHEBRUN'E 1 lui. prand in-8 ii dfiix colonnes a\fr 1,000 lijnres el -20 plantlies. ISous publierons successivement les Poisso?is et les Reptiles. fnniieii. — T»p. et stér. rut A. E. BREHM 4^ 4,^ ^^^^^^^''^ *'?w ^4> LES INSECTES LES MYRIOPODES, LES ARACHNIDES ET LES CRUSTACÉS ÉDITION FRANÇAISE J. KUNCREL D'HERCULÂIS AIDE-.NATI'RALISTE AU M U :• É U M d'hISIOIRE NATURELLE PARIS LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE et FILS Rue Hautefeuille, 19, près du boulevard Saint-Germain Tous droits réservés. ■*■*••**** AVANT-PROPOS Nous continuons la publication des Merveilles de la tiatttre de A.-E. Brehm, et nous allons étudier les /mecto, \cs M//rio- jiodes, les Arachnides et les Crustacés. Nous n'avons pas voulu donner une simple traduction de l'ouvrage allemand, malgré l'autorité qui s'attachait au nom de M. le D' C.-L. Taschenberg, chargé par A.-E. Brehm de la direction de cette partie de son grand ouvrage. L'édition française diirère notablement de l'original. Nous nous sommes adressé à M. J , Kiinckel d'Herculais, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle, que des travaux origi- naux sur l'Organisation et la Biologie des Insectes ont placé haut dans l'estime des Naturalistes. Joignant au charme du conteur et aux qualités solides de l'écri- vain les connaissances profondes du savant, il a fait profiter les Merveilles de la Nature des travaux postérieurs à la publication de l'édition originale; il a rectifié bien des erreurs; il a mis dans l'exposition du sujet un ordre et une méthode qui faisaient souvent défaut. M. Kûnckel d'Herculais raconte les mœurs des Insectes les plus remarquables de nos pays, il décrit leurs merveilleuses industries, leurs curieuses Métamorphoses^ en un langage savant^ mais clair, et par là même accessible aux personnes les plus étrangères à la science. ;< L'ouvrage de Brehm, dit un savant russe, dans l'analyse qu'il a donnée de ce livre, est tellement augmenté et modifié dans l'Édition française, qu'on peut le compter parmi les œuvres originales de M. J. Kûnckel d'Herculais. ^^ {Zagranitchnij Wiestnik, Moniteur de l'Étranger, 1882. n° 2, fév., p. 64.) C'est à ceux qui veulent acquérir des connaissances générales sur la vie et les mœurs des Insectes, à ceux qui sont curieux des choses de la nature que ce livre est destiné. L'auteur s'est attaché de préférence à faire passer sous les yeux les espèces qui sont indigènes, parce que nous avons tout intérêt à ne point les fouler au pied dédai- gneusement sans les connaître; ne risquons- nous pas d'écraser brutalement l'ami ou le serviteur fidèle, de laisser prospérer à nos dépens celui dont le brillant costume nous charme agréablement? Quelquefois, pour compléter son histoire, l'auteur tracera le portrait de quelques Animaux exotiques ; ceux-ci n'ont-ils pas reçu pour attirer notre attention tous les dons du ciel, richesse de coloration, formes étranges, mœurs singulières ? M. Kûnckel d'Herculais a choisi avec intention les Insectes qui présentent un intérêt général ; et pour ne pas tomber dans une confusion inextricable, il les a décrits en suivant l'ordre méthodique adopté par les Naturalistes. Tel qu'il est, cet ouvrage s'adresse a la fois aux Naturalistes voués à l'étude des Insectes, aux Agriculteurs, aux Industriels qui s'adonnent à l'acclimatation, à la domestication des espèces utiles, aussi bien qu'à la destruction des espèces nuisibles. Ce livre s'adresse encore à ceux que l'on est convenu d'appeler les gens du monde. Enfin il ne sera pas déplacé entre les mains des enfants, car à côté de détails peut-être un peu techniques, il renferme des pages d'une lecture attrayante, bien faites pour éveiller et capter leur imagination. Outre les figures et planches de l'édition allemande, que nous publions intégra- lement, nous en avons ajouté un grand nombre ; elles ont été dessinées d'après nature par Â.-L. Clément et Mesplès et gravées par Vermorcken (d'Anvers); c'est dire leur valeur artistique en même temps que leur rigoureuse exactitude scientifique; elles augmentent la valeur et le charme de cette publication. Ib Mai 1882. .J.-B. BAILLIÈRE et FILS. TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE I. I.a vie des Insectes dans les Bruyères. Hombyle, Guêpe, Agrotis, Cé- toine, Abeille, Bourdon, Mds d'Araignée (Âgelène), Pompile, Echinomye, Cicindèle , Acri- dium, Geotrupes, Grillon, etc.. . .'iO II. Les Coléoptères pendant l'inonda- tion 74 III. Insectes descadavressur une Taupe (Silphes, Trox, Hister, Staphylin, Nécrophore, Calliphore, Sarco- phage, etc.) Iii7 IV. Ce que peuvent les forces coalisées (Chenille d'Acronycte, Vanesse, Frelons, Muscides, Silphes, Bou- sier, Nécrophores) I .S8 V. Le Lucane cerf-volant et le Capri- corne héros 173 VI. L'Euchirus aux longs bras (mille et femelle 207 VII. Le Dynasles hercules (mâle et femelle) 211 VIII. La vie nocturne des Insectes (Che- nille de Noctuelle, Ecaille, Carabe doré, Hémerobe, Arge, Anthrax, Acridium, Sauterelle verte dé- " vorani un Papillon, Phrygane, IX X. .XI, XII. XIII. XIV. XV. XVI. XVII. XVII lîéduve, Féronie) 442 Le Phasme géant 408 Les Criquets voyageurs (Saute- relles) 422 Nid de Termites dans le Sennaar., 456 Les Ephémères 482 Les Libellules (Demoiselles) (Nym- phes d'Agrionides, Caloptéryx éclatant, éclosion d'une Libellule, la ponte aérienne et sous-marine delà Demoiselle fiancée, dépouille d'une Nymphe de Libellule dépii- mée) 494 Les Hyménoptères au printemps (deux Diptères parasites : Bomby- lius venosus et Myopa ferruginea. .\pides : Nomada flava. — Bourdon terrestre et .Abeilles communes. — Andrena cineraria et Andrena nigro-aînea) 522 Essaimement des Abeilles .^48 Nid de Polybia scutellaris G38 Guêpier souterrain, Nid de la Guêpe germanique attaqué par une Boudrée apivore 633 Guêpier aérien, Nid de la Guêpe sylvestre.. . 634 o-=i Fig. I. — Insectes attirés par les Arums Attrape-Mouches et les Stapelia (page 6). INTRODUCTION CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES ANIMAUX ARTICULÉS. Les Papillons aux mille couleurs, les Fourmis la- borieuses, les Mouches importunes, les Mille-pieds lucifuges, les Araignées tisseuses, et encore bien d'autres animaux, ^oisins deces êtres qui vont nous occuper, présentent tous un plan commun d organi- Brehm. sation très différent de celui que nous offrent les animaux dont l'histoire fait le sujet des volumes précédents. Chez les Mammifères, les Oiseaux, les Reptiles, les Batraciens, les Poissons, une char- pente interne osseuse ou cartilagineuse sert à l'in- VII — 1 INTRODUCTION. sertiun des parties musculaires qui la recouvrent et qui en masquent les articulations ; ici il existe au contraire un ordre de choses diamétralement opposé. La peau constitue une carapace plus ou moins consistante, qui, pour assurer les mouve- ments, est divisée en articles ou segments reliés entre eux par une partie membraneuse. Chez les uns ces articles se groupent en trois régions, l'une céphalique, la seconde thoracique et la troisième abdominale ; chez d'autres les deux premières régions se fusionnent et se confondent en un Céphalothora-j;; chez d'autres encore, la tête seule reste distincte pondant que le thorax et l'abdomen sont constitués par une série d'articles semblables entre eux. La distinction des parties en supérieures et in- férieures prend elle-même de l'importance, sur- tout, par exemple, lorsque à la région dorsale les articles sont plus ou moins confondus, tandis que à la région ventrale ils restent séparés ou inverse- ment. Aux limites de certains segments ou an- neaux, comme on les nomme aussi, bien qu'ils for- ment assez rarement des anneaux fermés, se trouvent insérés des bourrelets, des saillies de for- mes diverses qui se prolongent dans l'intérieur du corps et servent d'attache aux muscles ainsi qu'à d'autres parties molles. On peut dire en un mot que la peau articulée constitue un squelette cutané externe. Le plus souvent ce squelette porte aussi des pro- longements, des appendices, également articulés, destinés à divers usages, tels que la locomotion, la manducation, l'acte de la reproduction, ou encore à d'autres fonctions, qui jusqu'à présent n'ont pas été toutes déterminées. Parmi ces appendices les plus importants entre tous sont les pattes. En raison de ce plan d'organisation spécial les animaux en question à corps articulé ont été appe- lés Xrtieulés (insecta) pour les opposer au type des animaux vertébrés à moelle épinière précédem- ment décrits. Mais les Vers annelés sont également articulés et la dénomination d'Insectes a pris, au commencement de ce siècle, un sens plus restreint qu'au temps de Linné. Gerstœcker (depuis 1855) a proposé de lui substituer celle à' animaux à membres articulés [AmnHovoDA] qui est généralement adoptée de nos jours. Les Arthropodes ne se distinguent pas seulement des animaux vertébrés par leur aspect extérieur, mais encore parleur organisation interne, ainsi que nous allons le démontrer par un rapide examen. (Voy. fig. 4.) Chez ceux-ci, en effet, du cerveau, centre principal, part une moelle épinière qui se prolonge à l'intérieur de la colonne vertébrale. Chez ceux-là nous voyons à la partie correspondante un vaisseau dorsal uniloculuire ou multiloculaire, c'est-à-dire à une ou plusieurs cliambres, principal ageut d'une circulation très modifiée, qu'on nomme aussi par analogie le cœur. A l'opposé du vaisseau dorsal, le long de la région ventrale, s'étend une paire de cor- dons nerveux qui, à divers endroits, se renflent en forme de nœuds ou ganglions et constituent la chaîne dite ganglionnaire, dont l'ensemble représente la moelle ventrale ou système nerveux général. En- tre le vaisseau dorsal et la moelle ventrale est situé le canal digestif qui, de même que cliez les Verté- brés, aboutit à deux ouvertures, l'une buccale et l'autre anale; droit dans une partie de son éten- due, sinueux dans le reste, il présente des circum- volutions variées, mais dans ses diverses subdivi- sions il diffère considérablement du canal digestif des animaux supérieurs. Pour se rendre à la bou- che, sa partie antérieure s'ouvre un passage entre les deux connectifs reliant les deux ganglions anté- rieurs; ces connectifs constituent ainsi un collier œsophagien. En d'autres termes, comme l'a établi Cuvier, chez les Vertébrés le cerveau et la moelle épinière sont situés au-dessus de l'appareil diges- tif, tandis que chez les animaux articulés — comme chez les Annelés en général — le cerveau seul étantplacé au-dessus du canal alimentaire, la chaîne ganglionnaire tout entière s'étend au-dessous du tube digestif ; un collier circa œsophagien relie le ganglion sus-œsophagien ou cerveau au ganglion sous-œsophagien ou premier ganglion de la chaîne venttdle. Des muscles, un appareil digestif,des organes glan- dulaires en rapport avec les fonctions digestives et variant quant à la conformation et quant aux usages, des organes génitaux, des appareils servant à la res- piration remplissent la cavité du corps. Les organes génitauxc[\à occupent la majeure partie des segments postérieurs sont pairs comme chez les animaux su- périeurs; ils se partagent en deux moitiés symétri- ques et débouchent au-devant de l'anus. Les organes des sens atteignent chez les Arthro- podes le même degré de perfection que chez les Vertébiés quand ils ne le dépassent pas ; ceux de la vue et du toucher sont universellement répan- dus; l'odorat et le goût sont quelquefois d'une sub- tilité extraordinaire. La tête est le siège essentiel des organes des sens. La respiration chez les Arthropodes ne se fait point à l'aide de [lounions ou de branchies locali- sées en communication avec la bouche ou une au- tre ouverture située à la tête. C'est le corps entier qui est mis en réquisition pour cette fonction active. A cet effet il est traversé par un tissu ramifié com- posé de tubes d'une ténuité extrême appelés tra- chées, qui s'ouvrent à l'extérieur par des ouvertures, nommées stigmates, qui donnent accès à l'air. Le système branchial peut aussi exister, et en pre- mière ligne il caractérise les Crustacés, animaux aquatiques qui s'éloignent encore à d'autres titres des Arthropodes terrestres et aériens. L'enveloppe tégunientaire des Arthropodes con- siste essentiellement en une peau proprement dite ou hypoderme recouverte par une cuticule plus ou INTRODUCTION. moins épaisse. Celle-ci est riche en azote, insoluble dans l'eau, l'alcool, l'élhcr, les acides et les alcalis étendus ; sous l'action du feu elle charbonne et se consume sans se fondre comme le fait la corne. Celle substance, la plus inaltérable des matières or- ganiques, a reçu d'Odior, qui l'a découverte en l8-'3, le nom universellement adopté de chitine. La présence de la chitine suffit à elle seule pour caractériser les Arthropodes. La ressemblance de la chitine avec la corne n'est donc qu'apparente, et si par la suite reviennent les expressions de matière ou de formation cornée il ne faut y voir que des ter- mes consacrés par l'usage dont il n'est pas aisé de se défaire, alors même que depuis longtemps ils ont été regardes comme inexacts et impropres au point de vue scientifique. Les Crustacés présentent une particularité; leur enveloppe chitineuse est imprégnée de carbonate et de phosphate de chau.x qui donnent à leurs tégu- ments une grande dureté. On dit alors qu'ils sont revêtus d'une caropdce. Ces quelques observations préliminaires suffiront pour circonscrire l'ensemble dos Ariliropodes et mettre en é\idence leurs caractères si opposés ;» ceux des Vertébrés. Cette opposition ne manquera pas de s'accentuer davantage dans les pages sui- vantes, quand nous considérerons en particulier et de plus près les diverses classes d'Artliro- poiles. Celles-ci sont au nombre de quatre: les Insectes, les .Myriapodes (plus correctement, lesMïmoponEs), les AnACH.NiDEs et les Crustacés. Les trois premières seront seules traitées dans ce volume. L'Entomologie est la partie de la Zoologie qui traite particulièrement des animaux articulés ; l'Entomo- yriipliie esl l'histoire de ces êtres; VEnlomotomie est l'étude de leur organisation ; les entomologistes qui renferment leurs connaissances zoologiques dans d'étroites limites se servent souvent pour préciser des termes de Myrioloyie, d'Arachnologie ou de Carcinologie, lorsqu'ils s'occupent exclusive- ment soit des Mjriopodes, soit des Arachnides, soit des Crustacés. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES INSECTES. — ORGANISATION. Les Insectes se trouvent partout; dans l'eau et sur la terre, sur les plantes et les animaux, se traînant sur le sol ou volant dans l'air ; ils sont universel- lement répandus là où la vie animale est possible, excepté dans la haute mer, car le petit nombre des espèces trouvées sur les algues ou sous les roches sont d'une rareté extrême ; ce sont les Crustacés conformés spécialement pour la vie marine qui remplacent les Insectes au sein des mers. Plus on se rapproche des pôles, plus les Insectes deviennent rares, pauvres en espèces, bien que parfois les individus d'une même espèce se présen- tent en plus grand nombre. Par contre ils dimi- nuent jusqu'à disparaître complètement au fur et à mesure que l'on s'élève vers les sommets neigeux des montagnes, par exemple dans les Alpes de la Suisse à une altitude de 2812 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ils deviennent d'autant plus nom- breux, affectent des formes d'autant plus remar- quables, revêtent des couleurs plus variées et plus éclatantes qu'ils habitent une latitude plus chaude. Les Insectes (Hexapoda), arrivés au dernier terme de leur développement, se reconnaissent extérieu- rement par ce seul fait que leur corps articulé est divisé en trois régions (flg. 2) ; la première ou tête porte deux antennes, les jeux et les pièces buccales, la deuxième ou thorax toujours six pattes et généra- lement quatre ou deux ailes, la troisième ou abdomen n'est pourvue d'appendices qu'à sa partie terminale, ces appendices étant en rapport avec les fonctions de repioduclion. En ce qui concerne leur mode de développement les Insectes se distinguent par la modification de formes qu'ils subissent en passant Fig. 2. — Principales parties du corps d'un Insecte Orthoptère (*). par les phases diverses de leur existence. Us ont ce qu'on appelle des métamorphoses. {') A, tète. — T, thorai. — AB, abdomen. — j , yeux. — n, an- teuues. — pth, prothorax. — msth, mésothorax. — iutth, niétatho- raî. — VxtP^y P3) l'remière, deuxième et troisième paire de pattes. — fli, I remiére paire d'ailes ou ailes supérieures. — co- deuxième paire d'ailes ou ailes inférieures. — A, hauche. — c, cuisse. — j, jambe. — t, (arse. INTRODUCTION. SYSTÈME TLGL-MKNTAIIIE ET APPENDICCLAIBE. ■»e la tête. — La tête, chez l'Insecte complète ment développé, parait composée d'une seule pièce rattachée au thorax par une peau mince ; elle peut, si elle n'est point soudée à ce dernier, se mouvoir en tout sens; elle a au contraire ses mouvements limités, si elle est engagée dans l'ouverture du thorax, comme le serait un bouchon dans un gou- lot ou encore si le thorax s'avance au-dessus d'elle en surplomb. Cependant cette apparence uni-arti- culée n'est qu3 superficielle, car dans l'origine la tCte est formée de plusieurs anneaux (c'est ainsi que nous nommerons dorénavant tous les segments simples); les deux premiers représentent les yeux et la paire d'antennes, les trois autres chacun une paire de mâchoires et forment un ensemble d'appa- reils de la plus haute importance pour l'Insecte; la distinction de ces anneaux nous entraînerait dans des détails tellement minutieux pour la plupart que nous pouvons pour le moment les passer sous silence. Cependant avant de les considérer de plus près remarquons du moins que le front occupe l'es- pace compris entre les contours supérieurs des yeux, les joues, la région s'étendant du bord posté- rieur des yeux à l'ouverture buccale, la face, la partie antérieure du front dont l'extrémité s'avance au devant de la bouche pour former Yépistome, ap- pelé aussi chaperon ou clypeus. nés yeux. — Les yeux des Insectes sont immo- biles et solidement fixés de chaque côté de la tête ; la vue peut chez eux embrasser un champ plus vaste que chez les Vertébrés aidés de leurs deux yeux mobiles. Sans remuer son corps l'Insecte voit par dessus et par dessous et aussi bien en avant qu'en arrière; c'est ainsi que le léger Papillon aper- Fig. 3. — Schéma d'un œil rétinien d'Arthropode (*). cevant sans cesse de quel côté on veut l'approcher ne se laisse point poursuivre. La cause de l'étendue si grande du champ de la vision réside dans la structure de l'œil de l'Insecte. Cet ail consiste dans la réunion d'une quantité prodigieuse de petits veux dont la surface ou facette (•) C, cornée. — fac, cônes. — mentuii'es des bâtonnets. — ^o, ne{f optique (d'après Xulin). ;r, bàloniiels. — P, gaines pig- ngliun du neif optique. — no, régulièrement hexagonale se distingue à l'aide d'un faible grossissement. Ces yeux le plus ordinairement au nombre de deux à six mille, quelquefois plus, quelquefois moins, forment de chaque côté une masse hémisphérique parfois très saillante que l'on nomme œil composé ou réticulé ou à facettes (fig. 3). Voici d'après Muller un tableau approximatif qui permettra de se rendre compte du nombre immense d'yeux élémentaires qui entrent dans la constitution d'un œil composé : .Mordelle 25,088 Hanneton 8,820 Libellula 12,5*4 Papilio 17.355 Spliinx convolvuli 1,300 Cossus ligniperda 11,300 Bombjl mori 6,236 Musca domestica 4.000 Fourmis (d'après Forci) i à 1,200 Quelquefois l'on distingue sur les contours des facettes des inégalités régulières ; s'ils sont munis de cils la surface cornée générale de l'œil parait velue (Abeille, les mâles de quelques Volucelles, etc 1. Sous chaque facette est implanté immédiatemeni un cane diaphane et réfringent comparable à un cristallin, entouré d'une couche colorée, c'est-à- dire, d'une gaine pigmentaire faisant fonction de choroïde ; l'extrémité de chaque cône est en rapport avec un filet nerveux. Tous ces cônes sont étroite- ment rapprochés à leur base d'insertion et leurs filets nerveux se réunissent pour constituer le ganglion optique qui est relié au renflement ganglionnaire qu'on est convenu d'appeler cerveau. L'ensemble d'une facette ou cornéule, d'un cône entouré d'une choroïde, d'un filet nerveux avec cellule nerveuse, consiituo le bâtonnet optique ■,l'œi\ composé est donc une réunion de bâtonnets optiques indépendants. La puissance, l'étendue de la vue chez l'Insecte dépendent probablement du diamètre et de la con- vexité de l'enveloppe cornée et de la distance qui sépare celle-ci de la membrane rétinienne; nos connaissances sur la vision des Animaux articulés sont d'ailleurs fort incomplètes. Nous savons seule- ment qu'ils voient les mêmes rayons du spectre solaire que nous, qu'ils ne voient aucun de ceux que nous ne voyons pas (M. Bert). Quelquefois les couches colorées de l'intérieur produisent d'admirables effets de chatoiement, qui disparaissent après la mort, mais rappellent le tapis des Mammifères {Chrysops, Tabanus, Hemerobius). Les yeux à facettes occupent une surface plus ou moins grande de la tête. Ils ont souvent leur côté interne découpé et sont séparés plus ou moins par une pièce frontale concave qui leur donne l'aspect réniforme ; quelquefois même ils sont nettement séparés, comme chez certains Insectes aquatiques, de manière à permettre la vision au fond des eaux aussi bien que dans l'espace aérien (Gyrin). Indépendamment des yeux composés la tête porte "^^^^l^ÈME^ TÉGUMENT AlUE ET APPENDÎCULAIRE. 'Sr lim'ûTj^zl Coupe longitudinale d'un Insecte Diptère {Volucella) (page 2) (')• de petits yeux simples nommés ocelles ou stemmatcs, habituellement groupés par trois suivant une courbe plane ou réunis en triangle, tantôt plus rarement au nombre de deux rapprochés de la ligne de séparation des yeux composés. Pour l'as- pect extérieur, on ne saurait mieux les comparer, qu'à de délicates petites perles enchâssées et mon- tées par un bijoutier. Chaque ocelle présente une organisation com- parable à celle que nous offre l'œil composé; au- dessous de la cornée unique se trouve d'abord un cristallin unique, puis une série de bâtonnets ana- logues à ceux des yeux à facettes. Bien peu d'Insectes possèdent seulement des yeux simples (Chenilles, larves de Tenlhrèdes), et bien peu d'entre eux sont aveugles; quelques Co- léoptères qui vivent dans les cavernes ou qui^ traî- nent leur existence cachés sous des blocs de pierre, des larves de Coléoptères, d'Hyménoptères, de Diptères amies de l'obscurité sont privées des or- ganes de la vision; mais ces aveugles ne sont point insensibles à la lumière, car, arrachés de leurs retraites, ils cherchent à fuir, à se dissimuler dans les moindres réduits, tant l'éclat du jour leur impose de souffrances. Des antennes. — Les antennes, les cornes, sui- vant la locution vulgaire, constituent la paire anté- rieure des appendices articulés ; elles sont insérées sur le sommet ou sur les côtés de la tête, tantôt en avant, tantôt en arrière, très souvent sur le bord (*) A, muscle dorsal gauche abaisse ëorsal et son aorle a.— (, la grande amp gauche. — œ, œsophage, suivi des gl «ccolées à l'estomac, —j, jabot ayant r de l'aile. — V, vaisseau nie Irachi'enne abdominale ndes gastriques eu grappe u-dessus deui anses de la interne du contour réniforme des yeux. Elles comptent un nombre plus ou moins considérable d'articles et fournissent une première preuve de cette prodigieuse richesse de formes qui se présen- teront à nous en maintes occasions. Sans insister sur ces variations nous observerons que l'article basilaire servant de support se distin- gue des autres articles par son épaisseur ou sa lon- gueur ; l'ensemble forme la tige. Les articles de cette tige sont semblables entre eux (fig. 7) ou bien les supérieurs sont plus ou moins modifiés, de ma- nière à prendre l'apparence de peigne (fig. 10), de lamelle (fig. 16), de bouton, de massue (fig. 14), s'ils n'affectent pas toute autre disposition. On a des antennes sétacées (fig. 5), sétiformes (fig. 6), fili- formes (fig. 1), fusiformes (fig. 8), noueuses, pecli- nées (fig. 10), flabellées (fig. H), etc. Les variations de forme sont infinies, suivant les ordres, les fa- milles, les genres et les sexes; aussi les entomolo- gistes classiflcateurs ont-ils tiré de la disposition de ces appendices d'excellents caractères (voy. fig. 5 à 18). Dans les antennes droites, les articles sont en série rectiligne; dans les antennes coudées ou bri- sées (fig. Ib et 18), les articles de la lige forment un angle avec l'article basilaire ordinairement allongé. Pendant que chez certains Insectes les antennes sont si petites que pour un œil peu exercé elles peuvent passer complètement inaperçues, chez d'autres elles dépassent plusieurs fois en longueur le corps entier. Les savants ne sont pas encore d'accord sur les glande salivaire gauche. - f, intestin avec tubes de Malpighi. - 0 ovaires — c cerveau et lobe optique droit. — g, ganglion thora- cique. - 9' et g-, prenAer et second ganglion abdominal. (D'après J. Kunckcl.) INTRODUCTION. usages des antennes. Il est hors de doute que celles qui sont très développées sont le siège d'un sens servant aux perceptions de l'Insecte dans ses rapports avec le monde extérieur. Dans la plupart des cas, ainsi que l'indique leur nom allemand Fiihlhorner (mot à mot : cornes du toucher), elles servent au toucher, ce que déinontrentleurs tâton- nements continuels. D'autres fois elles semblent aussi remplir les fonctions dévolues aux appareils auditif et olfactif des animaux supérieurs. Les mâles de beaucoup de Papillons de nuit, no- tamment des Bombycides {Bombyx quecrus, Aglia Tau,Liparis dispar, Orgya antiqua, etc.) recherchent à des distances énormes, môme de plusieurs lieues, une femelle introuvable; durant leur vol impé- tueux, ils redressent leurs antennes fortement pectinées et certainement le sens de l'odorat peut seul les mettre sur la vraie piste. Chacun peut se rendre témoin de ces faits merveilleux, il suffit de dissimuler au fond d'une pièce dont on laisse la fenêtre ouverte une femelle de Liparis dispar, es- pèce très répandue, et on sera tout surpris de voir des mâles la découvrir, fût-elle cachée dans l'en- droit le plus retiré ? Les entomologistes ont môme basé sur celte faculté remarquable un ingénieux procédé de chasse ; lorsqu'ils ont capturé ou obtenu par l'élevage des chenilles des femelles de Bomby- cides dont ils désirent se procurer les mâles, ils installent l'une d'entre elles dans une boîte cou- verte d une gaze et la placent dans un jardin ou sur la lisière d'un bois ; bientôt viennent voleter au- tour de la prisonnière et soupirer en leur lan- gage, les galants, que le naturaliste sans pitié se réjouit de crucifier. Et dire que la peine du talion n'existe pas 1 Qui n'a pas été témoin à la campagne de l'arrivée autour du cadavre d'une taupe, au- tour d'une bouse, d'une foule d'Insectes venant des quatre coins de l'horizon ; qui n'a pas vu les Abeil- les et les Guêpes voltiger autour des bassines de confiture, les Fourmis découvrir les friandises les mieux dissimulées, les Mouches sentir de bien loin les aliments à leur goût cachés à leurs regards. Et celui qui observe la femelle de l'Ichneumon quand elle se met à la recherche d'une larve dis- simulée dans le tronc d'un vieil arbre pour lui confier ses œufs, ne manquera pas de déclarer dans une expression toute humaine, qu'en sondant tous les trous, toutes les anfractuosités, elle a senti et trouvé du bout de ses longues antennes l'objet de ses investigations. Les erreurs dans lesquelles tombent les Insectes fournissent une preuve éclatante de la délicatesse de leur odorat. Sur le littoral méditerranéen crois- sent des Aroïdés dont les fleurs exhalent une odeur cadavéreuse des plus pénétrantes; ce sont le Gouet chevelu [Arum crinilum), la Serpentaire (Arumdra- cimculus), etc. (fig. 1). Réprimez par amour pour la science votre répugnance, approchez-vous et vous ne serez pas médiocrement surpris, de voir se dé- battre dans le cornet floral {la spalhe) des Mouches à viande, des Coléoptères nécrophiles ; alléchés par l'odeur, ils sont venus de tous côtés pour déposer leurs œufs, et leur méprise est si grande qu'ils confient à la fleur le sort de leur progéniture ; ils cherchent alors à s'échapper, les malheureux; ils grimpent hardiment, ils vont prendre leur essor, mais des poils roides, inclinés, se dressent de toutes parts et leur opposent une barrière infranchissable ; ils s'épuisent en vains efforts et tombent enfin au fond du gouffre où les attend une mort misérable. Ces Arums ont bien mérité leur nom d'Attrape-Mou- ches. Les fleurs de certaines Asclcpiadées, originai- res du cap de Bonne-Espérance, les Stapelia (S. hirsuta, variegata , etc.), répandent au loin les exhalaisons fétides de la chair corrompue, et les Insectes séduits et trompés par ces émanations mensongères arrivent en foule pour mettre en lieu sûr leur postérité ; dupes inconscientes, c'est aux dépens de leur propre vie et de celle de leurs des- cendants qu'ils vont assurer la fécondation et la propagation de la plante. L'observation démontre donc d'une façon irré- futable que les Insectes ont l'odorat extrêmement développé; mais les auteurs ont émis les opinions les plus divergentes sur le siège de la perception. L'air étant le véhicule nécessaire des odeurs, l'air pénétrant dans des ca\ités, les fosses nasales, en relation avec les appareils respiratoires, certains anatomistes, et ce ne sont pas les moins célèbres — on compte parmi eux Baster, Lehman, Cuvier, Duméril, Burmeister, Straus Durckeim, Lacordaire — étaient persuadés que les sensations olfactives ne pouvaient être perçues qu'à l'origine des voies respiratoires, c'est-à-dire au voisinage des stig- mates. Les rapports constants chez les Vertébrés de la cavité nasale avec la bouche avaient conduit d'autres naturalistes, notamment Huber, le grand observateur des abeilles, et plus récemment M. Wolf à penser que l'olfaction résidait dans la cavité buc- cale; Lyonet, Marcel de Serres, Treviranus, etc., supposèrent que les palpes labiaux et maxillaires sentaient les odeurs. Enfin chez tous les Vertébrés et la plupart des animaux les organes des sens sont situés dans la tête et reçoivent des nerfs venant du cerveau ; frappé de l'uniformité de cette disposition anatomique, et remarquant que le nez, organe de l'odorat, était toujours placé à la partie antérieure de la tête, de Blainville pensa que les antennes, situées de môme chez les Insectes à la région an- térieure de la tête et toujours portées en avant pendant la marche et le vol, devaient jouer le rôle de cet organe. Quoi qu'il en soit, des naturalistes profonds observateurs, Réaumur, Rœsel, des en- tomologistes fort savants, A. Lefèvre, B. Perris, etc., ont considéré les antennes comme des appareils de perception des odeurs. Aujourd'hui c'est l'opinion la plus généralement adoptée, surtout depuis qu'on a fait l'étude microscopique des antennes. Mais il SYSTÈME TÉGUMENTAIRE ET APPENDICULAIRE. Fig. G. Fig. 5. Fig. 7. Fig. 8. Fig. 9. Fig. 10. Fig. 11. Fig. 13. Fig. 14. Fig. Ig. Fig. 5 à 18. — Antennes de différents Insectes (*). est encore une opinion sur le rôle de ces organes qu'il convient de citer; c'est l'opinion de savants Ominents, tels que Kirby et Spence, Slraus, Carus, Oken, Burmeistcr, Newport, Goureau, Landois, d'après laquelle les antennes serviraient à l'audi- tion; Lespès, entraillé par une erreur d'observa- tion, a môme décrit et figuré de nombreux oto- cystes, et récemment M. Gràber a cru trouver un appareil auditif dans les antennes de quelques Diptères. C'est Erichson le premier qui, en 1847, a appelé l'attention sur la structure des antennes en décou- vrant sur certains articles, ou sur leurs expansions foliacées, de petits trous microscopiques isolés ou rassemblés de manière à simuler un crible ; ces trous ou mieux ces pores étant les orifices de pe- tites cavités au fond desquelles était tendue une fine membrane. Hicks a repris l'étude commencée par Erichson et montré que la présence des pores sur les antennes des Insectes avait un grand carac- tère de généralité. Mais c'est Landois et surtout Leydig qui ont démontré que chacun de ces petits pores était en relation avec une terminaison nerveuse spéciale. Dans un mémoire tout récent (1880) M. Hauser a publié sur la physiologie et l'histologie des antennes, organes de l'odorat, un mémoire très complet accompagné de figures ori- ginales où se trouvent représentées les organistes servant à percevoir les sensations olfactives, mais les rapports avec les nerfs sont mal définis. Quant à l'audition, nous avons dit précédem- (*) Fig. 5. Locusia. — Fig. 6. ^schna. — Fig. 7. Carabus mo- nilis, — Fig. 8. Macroylossa steltatarum. — Fig. 9. Afjriotes. — Fig. 10. Salurnia Pyri.— Fig. 11. Corymbiles aulicus. — Fig. 12. Erislalù lenax. — Fig. 13. Volucella plumata. — Fig. 14. Vanessa ment que beaucoup d'auteurs plaçaient son siège dans les antennes; ils s'appuient pour soutenir leur opinion sur la structure de ces appendices chez quelques insectes, comme les Cigales et les Libellu- P- Fig. 19. — Extrémité d'une antenne de la Formica rufa ["). les. Chez celles-ci, en effet, ils sont formés d'une soie, implantée sur quelques articles basilaires très courts, et cette soie, ce style rigide, serait suscep- tible de transmettre au cerveau les vibrations sonores. D'après cela, une opinion mixte a été sou- Atalanta. — Fig. 15- Vespa crabro. — Fig. 16. PolyphyUa fullo. — Fig. 17- Paussus. — Fig. 18. Otiorynchus Uyustici. ^D'après nature.) (*•) p, poils. — 0, cônes olfactifs. — a, dépressions au fond des- quelles s'ÎDsèreat ces derniers éléments (d'après Leydig). INTRODUCTION. l-ig- 27. Fie. 28. Fig. 29. Fig. 30 h 30. — Bouches de difTércnts Insectes ("). tenue par plusieurs auteurs. Comme il se peut, disent-ils, que deux fonctions, réparties chez les êtres élevés dans deux appareils distincts, soient, chez les animaux plus inférieurs, dévolues à un seul appareil à moins qu'elles ne fassent complètement •iéf-ut, car on ne saurait admettre après tout que nos organes olfactifs soient assimilables à ceux des Insectes, il est très possible que chez les uns les intennes remplacent les oreilles, chez d'autres le nez des animaux supérieurs et que chez d'autres encore elles cumulent la perception des odeurs et celle des sons. Quoi qu'il en soit, on ne saurait révo- quer en doute que les Insectes soient capables de percevoir les sons, puisqu'un grand nombre d'entre eux produisent des slridulati ms, des bourdonne- ments, des piaulements, et pourquoi les produi- saient-ils s'ils ne devaient les entendre ? D'ailleurs tous ces bruits ne sont souvent que des refrains d'amour, ainsi chez les Orthoptères, chez les Cica- dides, ce sont les mâles seuls qui portent des instru- ments de musique, et. Cigales, Grillons, Sauterelles (*) Figures : 20. Tête de l'Abeille commune Tue de face. — îl. Tête du Bourdon terrestie vue en dessous. — îî. Pièces de la bouclie de lAiidrena labialis. — 23. Du Cimbex variabilis. — 24. Dessous de la têle de Procruites coriaceus. — 25. Moitié droite de la nmclioire uc la Ctciitdela campestris. — 26. Du Staphï/linns olens. — 27. De Locusta viriilis^ima. — 28. Télé de Cicada orni vue de face.— 29. Tête d'un Papillon diurne. — 30. Trompe de Tachiim grossa {Echinomya). chantent tout le jour pour appeler leurs compagnes. Mais l'audition n'est point localisée dans la tète. (Voy. plus loin, § dils sen's.) De la bouche. — Les pièces de la bouche sont placées à la partie antérieure de la tiîte. Leur des- cription pourra être comprise et précisée d'une ma- nière aussi brève que possible à l'aide des figures ci-dessus oii les mômes lettres désignent toujours les mêmes parties. Toutes les variations que pré- sente leur degré de développement peuvent être rap- portées à deux types de conformation : l'un servant à mordre, à broyer des aliinents solides, l'autre à sucer, à pomper des liquides; mais il n'en résulte pas que les broyeurs soient privés de la faculté de lécher les liquides. A l'exception du labre ou lèvre supérieure, pièce impaire, qui forme habituelle- ment une plaque de chitine fixée au devant de l'épis- tome, mais pouvant aussi se réduire et se souder à ce dernier, les pièces broyeuses consistent évidem- ment en trois paires d'appendices qui, adaptées à — Toutes les figures très grossies : a, menton ; b, languette ; &', pa- raglosses ; c, palpes labiaux; les trois réunis forment la lèvre infé- rieure; d, mandibules ; e, mâclioires ou maxiltes consistant dans les pièces suivantes ; /". le gond ou cardo ; g, tige; h, lobo interne k', lobe externe ou galea ; i, palpe maxillaire; A', épistome appelé également chaperon ou clypeus : o, lèvre supérieure ou labre ; ». dent mobile de l'intérieur de la mâchoire, onglet. SYSTEME TEGUMENTAIRE ET APPENDIGULAIRE. Fig. 31. — Appareil servant b. mesurer la force musculaire des Insectes (page 16). la manducation, portent le nom de mâchoires et sont attachées aux trois derniers anneaux cépha- liques. La paire supérieure inarticulée constitue les mâ- choires supérieures ou mandibules {d, fij;. 20, 21, 24); l'attache mobile qui fixe celle-ci à l'extrémité des Jones leur permet de se mouvoir symétriquement l'une contre l'autre comme les deux brandies d'une paire de cisailles. Elles'sont formées naUirellement de chitine, et, qu'elles soient pointues ou tron- quées, elles ne sont jamais dentées qu'à leur extré- mité ou sur leur bord interne. Normalement elles sont semblables, mais l'une peut être plus robuste que l'autre. Chaque mandibule peut en elle-même, selon sa forme, être comparée à une pioche, à une pelle, à un ciseau, etc. Chez le Lucane mâle, et les Lucanides en général, les mandibules, semblables au bois des cerfs, dé- passant de beaucoup la tûle, se dressent menaçantes Breh.\i. et formidables sans pouvoir servir à la manduca- tion ; chez nombre de leurs proches parents, ces mêmes mandibules, contraste singulier, réduites à de minces membranes, sont également impropres à broyer les aliments. Chez le Hanneton màcheur de feuilles et ses congénères les mandibules sont cachées, mais elles ont la tranche interne élargie à l'instar des dents molaires des Htiniinants. Chez beaucoup d'Insectes, en particulier les Hyménoptères chasseurs et ceux qui hantent les fleurs, gourmets délicats qui ne sont alléchés que par le suc parfumé des nectaires, les mandibules sont extraordinairement fortes, mais servent à tout autre usage qu'à broyer les aliments. Ces mandibules sont devenues les outils indispensables à l'édification des demeures, au maniement des matériaux de cons- truction, à la préhension des aliments destinés à la progéniture. On nomme mâchoires inférieures ou maxHlcs VII — 2 10 INTRODUCTION. (e, lig. 20,21,22, 23,24,29) la deuxièmo puire d'ap- pendices qui le plus souvent est plus faible que la première, mais quelquefois ne le cède en rien à celle-ci (Libellules) ou même la dépasse en solidité (Bousiers). Chaque moitié de ces mâchoires toujours symétriques est composée de plusieurs parties. Une pièce oblique est le cardo (f, fig. 23,26,27) par lequel le maxillaire s'attache sur le côté en dessous ou un peu en arrière de la mandibule. Le cardo, variant de la forme triangulaire à la forme allongée en tige, est le plus souvent de nature cornée. .La pièce qui suit immédiatement est la tige ou tronc {g, fig. 21, 22, 23, 25, 26, 27) fi.xée à angle droit sur le cardo; elle constitue une plaque cornée, généralement plus longue que large ; chez les Abeilles cette pièce ressemble à un peigne parce que sa tranche interne présente une rangée de soies. Du côté interne se trouvent les lobes {h, fig. 20.21. 2.', 23, 23,26, 27) dont la partie basilaire interne sert à la mastication. Si ces lobes sont garnis de dents ou d'épines ils sont aussi résistants que les mandibules, autrement ils ont une consistance plus molle, plus cutanée. La fonction de cette partie est de préparer la nourriture pour faciliter la dégluti- tion. Elle est en fait la pièce la plus importante de l'ensemble des mâchoires. Elle est simple chez cer- tains Coléoptères, chez les Hyménoptères mellifères. Ell(î peut être longue ou courte; le plus souvent elle se subdivise en deux branches, l'une supérieure di- rigée en dehors, et l'autre inférieure dirigée en de- dans. Delà des dispositions variées dues à la fois à la conformation des lobes et à leur mode d'insertion. Ainsi chez divers Coléoptères par exemple, le lobe inlerne h se rattache dans toute sa longueur au côté interne de la tige g (fig. 26). Chez les Tenthrèdes les deux branches sont juxtaposées â l'extiémité (fig. 23) ; d'autres fois, bien qu'attachée d'une ma- nière semblable à la tige, l'une est recouverte par l'autre comme cela se voit pour le lobe membra- neux du Lucane. Chez les Sauterelles la branche supérieure recouvre l'inférieure comme d'un casque ou galca (fig. 27, h'). Le mode de conformation des mâchoires est ca- ractéristique dans les trois grandes familles de Co- léoptères carnassiers, savoir : les Cicindèles, les Carabes et les Djtiques. Ici la branche extérieure se transforme en un corps filiforme, bien articulé, ayant tout à fait la structure des palpes, que nous ne tarderons pas à connaître {h', fig. 2i, 2o, 26). L'adjonction de quelques parties accessoires con- tribue grandement à varier leur aspect. Recou- vert de soies serrées, le côté interne devient tantôt une véritable brosse, tantôt un peigne ; quelquefois les soies n'occupent que la pointe ou manquent complètement. Au lieu de poils raides ou mous il peut y avoir des dents mobiles, ou des saillies im- mobiles, séparées par des entailles. Les Cicindèles se distinguent par la présence d'une dent mobile à l'exlrémitédu lobe interne (fig. 2a, n); les voraces Sauterelles, les carnassières Libellules ont plusieurs dents. A l'extrémité de la tige ou tout près de l'extrémité, le plus souvent dans l'angle formé par le lobe supé- rieur, est inséré un palpe : le palpe maxillaire [i, fig. 21 à 27 et fig. 30), semblable à une petite antenne et formé de un à six articles qui peuvent différer entre eux pour la forme et les proportions. II ne faut pas oublier que c'est la présence de ce palpe qui caractérise la mâchoire et la distingue de la mandibule. La troisième paire de pièces buccales n'est re- présentée que par une pièce simple épaissie et for- tement entaillée au milieu, c'est la lèvre inférieure (labium). Cette lèvre représente réellement une paire de mâchoires, ainsi que le prouve la compa- raison des pièces buccales des Insectes avec celle des Myriapodes et des Crustacés ; sa profonde divi- sion chez divers Coléoptères et Orthoptères et la pré- sence de deux palpes, les palpes labiaux (c, fig. 20 à 2i et fig. 29) formés de deux à quatre articles, fournissent une nouvelle démonstration. Ordinai- rement plus courts que les palpes maxillaires, ils sont attachés au bord antérieur ou plus souvent sur le côté de la lèvre inférieure. Chez les Apides ces palpes sont homomorphes, lorsque les articles égaux s'emboitent régulièrement l'un dans l'autre par la pointe (c, fig. 22), et dimorphes (c, fig, 20 et 21) au contraire, quand les deux articles basilaires sont de longues écailles et lorsque les deux articles de l'ex- trémité affectent la forme de petits lobes atrophiés attachés à la pointe du deuxième article. Le menton (a, fig. 21 à 24) forme la partie pos- térieure de la lèvre inférieure ; c'est sur cette pièce médiane qu'est insérée la languette (6, fig. 20 à 23) membraneuse plus ou moins dévelop- pée. Le menton est diversement conformé; il est plus large que long dans la majorité des cas, sa partie antérieure seule étant variable, et se rapproche de la forme carrée. Chez certains In- sectes , comme les Abeilles , la forme allongée l'emporte (fig. 22) et il devient presque un tube entourant la languette. Celle-ci (è) peut être éten- due sur le menton sans le dépasser comme chez la plupart des Coléoptères, peut devenir plus longue ou mCme entièrement libre en s'attachant seule- ment au bord antérieur du menton. Elle est à peine distincte si son rôle est nul ou à peu près, dans l'a- limentation ; si elle est bien -développée, elle a son extrémité arrondie quelque peu tronquée ou tri- fide comme chez les Tenthrèdes (fig. 23). C'est chez les Abeilles mellifères qu'elle atteint son plus grand développement ; elle peut môme dépasser la lon- gueur du corps de l'animal. Son extrémité est alors garnie de villosités servant à retenir le miel avant de le porter à la bouche, et se divise en trois lobes ; les deux latéraux sous le nom de paragloses 6' se distinguent de la pièce principale. Ces lobes sont à peu près égaux chez les Cimbex (fig. 23) ; d'autres SYSTEME TEGUMENTAIRE ET APPENDICULAIRE. H fois (fig. 21) ils embrassent à sa base la pièce prin- cipale qui est très allongée, de lelle sorte que l'en- semble de l'appareil guslatif rappelle un épi garni de ses barbes. Lapuissanleorganisalionde la bouchedecespelits êtres est aussi merveilleuse que préjudiciable aux biens de l'homme comme agent de destruction. On connaît les ravages occasionnés dans les bois de construction de nos maisons par un Coléoplère de 4 millimètres de longueur et ceux que causent d'au- tres Insectes en s'attaquant aux arbres des forûls. Ce sont des milliers d'hectares qu'ils ont fait tom- ber sous leur dent, et qu'ils font encore tomber tous les jours (Forêts du Hartz, 1783; bois de Vin- cennes, 1836 ; forêts de la Bohème, 1875, etc.). Que celui qui veut se faire une idée de leur force passe son doigt entre les mandibules d'un Lucane ; s'il veut de plus voir couler du sang, qu'il choisisse pour son épreuve les courles pinces de la femelle; plus cruelle encore sera la morsure du Slaphjlin. Les métaux eux-mêmes, du moins le plomb, ne sont pas un obstacle invincible à leurs attaques. Des bois habités par des larves xylophages ont été employés dans des constructions, après avoir été re- couverts de lames de plomb très épaisses; rien n'a arrêté les Insectes adultes avides de lumière et de soleil ; ils ont rongé bois et métal, creusant avec une merveilleuse et patiente résignation des trous d'une régularité mathématique. Les Sircx (Hymé- noptères) n'ont-ils pas eu l'habileté de tarauderla toi- ture de l'Hôtel- Dieu de Lyon, les chambres de plomb des fabriques d'acide sulfurique de Freiberg? N'ont- ils pas eu la puissance de perforer les balles de cartouches de nos soldats ? (Guerre de Crimée.) Dans les collections du Muséum d'Histoire naturelle de Paris on pourra voir de curieux échantillons de métaux percés par les Insectes. Les parties de la bouche servant à la succion ap- paraissent comme des mâchoires modifiées et mé- connaissables; si différentes qu'elles soient d'un ordre à l'autre, on peut toujours les ramener aux parties correspondantes des parties broyeuses. C'est à de Savigny que revient le grand mérite d'avoir établi en 181 files homologies des piècesde la bouche des Insectes. Chez les Punaises, les Cigales, les Notonectes, les Pucerons, et en général chez tous les Insectes Hémiptères, que la conformation semblable de leur bouche a fait appeler Insectes à bec, la forme générale qu'affectent ces pièces est celle d'un bec (fig. 28 et 29, A et B). La troisième paire de mâ- choires ou lèvre inférieure des broyeurs devient ici un tube de 3 à 4 articles qui peut être courbé et raccourci, et peut le plus souvent aussi se mou- voir dans foute sa longueur. C'est le fourreau qui dans son espace rétréci recèle quatre soies fines et étroitement serrées. Chaque paire de ces so'es répond, lune aux mâchoires supérieures et l'aulrc uux mâchoires inlérieures. Une petite pla- que cornée, insérée à la face supérieure de la nais- sance du fourreau, représente la lèvre supérieure. Quant aux palpes, on n'en trouve çà et là que des traces. Tel est l'appareil de succion à l'aide duquel l'a- nimal perce les tissus animaux et végétaux pour y Fig. 32. — Appareil buccal de Noloriecte ("•) puiser sa nourriture toujours liquide ; appareil que l'on ne saurait comparer qu'au trocart des chirur- giens. Ce bec, quelquefois de la longueur delatêteet parfois du corps entier, est appliqué pendant le re- pos sur la ligne médiane et contre le sternum ; mais il forme avec le corps un angle droit ou obtus, quand l'Insecte se redresse pour s'en servir. S'il est court et épais et de plus recourbé, il devient impos- sible à ce dernier d'en varier la direction. Cliez les Lépidoptères, les homologies des pièces buccales sont plus malaisées à saisir, d'autant mieux qu'atrophiées ou profondément modifiées elles sont dissimulées par des poils et des écailles. Les seules parties apparentes sont la trompe proprement dite, trompe que les Papillons plongent dans les co- rolles des fleurs pour en pomper le nectar, et de grands palpes c, gracieux ornements qui font saillie en avant des yeux. Si l'on épile avec précaution la tête d'un de ces Insectes, au-dessous de la partie proémi- nente, on trouve une très petite pièce membraneuse qui repose sur l'origine de la trompe, c'est le la- bre ; de part et d'autre deux petites pièces repré- sentent les mandibules; de chaque côté de la base de la trompe des palpes rudimentaires composés de deux articles figurent les palpes maxillaires et viennent démontrer que la trompe, en réalité, est formée par les mâchoires accolées. Une petite pièce triangulaire placée au-dessous figure la lèvre infé- rieure et supporte deux très longs palpes labiaux c de trois articles couverts de poils ou d'écaillés. La trompe, au repos toujours enroulée et dissimulée entre les palpes labiaux, peut chez quelques espèces, (•) A, tête vue de pi-ofil. — a, rostre ou lèvre inf^irieurc. — ô, c, ti, e, ses quatre articles. — /", labre. — B, rostre isolé. — C, uoe des mandibules. — D, une des mâchoires. la INTRODUCTION. dans les Sphinx notamment, atteindre une longueur démesurée et peut même chez certaines espèces disparaître complètement. En se juxtaposant, les m<àchoires ont laissé entre elles un canal par lequel passent les liquides pompés par l'Insecte, et por- tent des appareils particuliers qui servent évidem- ment d'organes du toucher et du goût. La trompe toujours souple et flexible chez la majorité des Lé- pidoptères est susceptible d'acquérir quelquefois une rigidité extrême et de se transformer en un mer- veilleux oulil perforant, à la fois poinçon, tarière, râpe et lime {Ophideres). L'inoîfensif Papillon est devenu l'ennemi redoutable des fruits tropicaux. La structure de l'appareil qu'on est convenu d'ap- peler trompe ou suçoir chez les Mouclies, les Cou- sins et les I iptères en général, est extrêmement compliquée par le fait de la variation du nombre des pièces qui la composent; les différents groupes de l'ordre des Diptèresont chacun la bouche construite sur un plan particulier. La trompe est constituée surtout par la lèvre inférieure qui, en se repliant longitudinalement, va fermer la bouche en dessus (fig. 30 a) de manière à constituer un canal, et qui souvent, en s'allongeant par devant, devient char- nue et se coude afin de pouvoir rentrer plus aisé- ment dans une cavité ménagée à la partie inférieure de la tôle. Celte lèvre est la partie de l'appareil buc- cal qui atteint le développement le plus complet. Quant aux autres pièces qui entrent dans la cons- titution de la bouche, les auteurs, sans chercher à établir les homologies, se sont, pour la plupart, con- tentés de les nommer soies et, suivant le nombre de soies qu'ils trouvaient, classaient les Diptères en Hexachètes, Totrachètes, Dichètes (à six soies, à quatre soies, h deux soies). Aujourd'hui on peut préciserdavantage et homologuer toutes les parties. Si l'on examine les Cousins et les Taons il est aisé de reconnaître l'existence d'une pièce impaire pro- longement du pharynx, ïépipharynx, d'une paire de mandibules et de mâchoires pourvues de palpes, toutes ces pièces étant enveloppées par la lèvre in- férieure terminée par deux parties charnues juxta- posées dont l'ensemble vu de profil et au repos si- mule un polit marteau, et vu de face et en action représente une ventouse; ces parties terminales sont les jMniglosses b'. Si l'on dissèque au contraire la bouche d'un Syrphide, àristale ou Volucelle, on ne trouve que Vépiphanjnx et ïhypopharynx, pro- longement du pharynx, formant par leur réunion une sorte de bec de plume par lequel la salive se déverse dans l'intérieur delà trompe, une paire de mâchoires, simples pièces de soutien, avec leurs palpes et la lèvre inférieure terminée par les para- glosses. Si l'on soumet au microscope la trompe d'une Mouche proprement dite, d'une Echinomya ou de la Mouche de nos maisons par e.xemple, on constate que la simplification est poussée beaucoup plus loin, les mandibules et les mâchoires elles- mêmes ont disparu; on ne trouve plus que l'épi pharynx et l'hypopharynx soudés ep constituant un canal par lequel s'écoule la salive, les palpes maxil- laires i et la lèvre inférieure a. Ainsi donc dans la bouche des Diptères la lèvre supérieure et les man- dibules disparaissent les premières, les mâchoires s'atrophient ensuite, laissant les palpes comme té- moin ; la lèvre inférieure, pièce fondamentale, per- siste toujours. C'est dans le pharynx que sont situés les muscles qui, élargissant et rétrécissant la cavité buccale, dé- terminent l'ascension des liquides. Voici comment opère un Cousin lorsqu'il nous pique et suce notre sang: il applique sur le point de notre individu qu'il a choisi ses paraglosses formant ventouses, perfore la peau de ses mandibules, lancettes acérées, agran- dit la piqûre de ses mâchoires, scies délicates, dé- verse dans la plaie une goutte de salive irritante destinée à produire un afflux de sang, met en action ses muscles pharyngiens, et cela fait, se délecte à loisir du meilleur de nous. Heureux ceux que pro- tège un cuir épais et insensible ! L'organisation des paraglosses des Diptères, et particulièrement des Syrphes et des Mouches, est des plus remarquables ; chacun d'eux contient un tronc chitineux longitudinal qui se divise en une série de branches parallèles transversales, tronc et branches sont couverts d'anneaux chitineux sem- blables à ceux des trachées, d'où leur nom de fausses trachées; les anneaux des branches sont interrom- pus à la face inférieure de manière à donner au ca- nal qu'elles entourent une grande élasticité. Ces fausses trachées assurent l'extension des paraglosses et leur fonctionnement comme ventouses ; leur re- lâchement détermine l'occlusion de l'orifice buccal. De fort belles terminaisons nerveuses viennent en- core donner à ces paraglosses un caractère particu- lier ; le nerf labial se divise en une multitude de filets dont le cylindre axe se rend à une cellule ganglionnaire entourée d'un groupe de cellules du névrilcme, et se met ensuite en rapport avec de longs poils placés sur la face supérieure et groupés surtout vers l'extrémité, ou traverse pour faire saillie au dehors des poils rudimentaires situés à la face inférieure : l'on a donc d'un côté des organes de tact d'une délicatesse infinie, de l'autre des or- ganes du goût admirablement disposés. Du tborax. — Le deuxième groupe des segments du corps de l'Insecte constitue le troyic, ou thorax, qui porte seul les organes du mouvement. Le tho- rax est composé lui-même de trois anneaux : le prothorax, ou corselet des anciens auteurs, auquel sont attachées les pattes antérieures; le mésotho- rax, qui supporte la seconde paire de pattes et les ailes antérieures; elle métathorax, où sont insérées les pattes et les ailes postérieures. Ces Jrois an- neaux sont, selon les besoins, inégalement déve- loppés, et l'un d'eux devient habituellement pré- pondérant. SYSTÈME TEGUMENTAIRE ET APPENDICULAIRE. 13 A.L.Clim.n\ Fig- 33. Fig. 3i. Fig. 35. Exlrémité des pattes de Mouches. — Disposition et structure des ventouses (*) (page 14). Chez nombre d'Insecles le prothorax prédo- mine; libre et fixé par une altache mobile sur le mésothorax, il semble vu, en dessus, former à lui seul le thorax (Coléoptères , Punaises, Saute- relles, etc., etc.). Chez d'autres Insectes, les Diptè- res, les Lépidoptères, les Hyménoptères par exem- ple, le prothorax a presque intièrement disparu, alors que le mésothorax a pris un accroissement considérable. Chaque segment du thorax se divise en deux grandes régions, l'une dorsale qu'on nomme le tergum, l'autre sternale, qui a reçu le nom de pcctus ; le tcrgiim se subdivise en quatre pièces : le ■prxscutum, le scutiim, le scutellum et le posiscutel- liim; ces pièces sont inégalement développées dans les différents segments ; c'est en général sur la ter- gum du mésothorax qu'on les aperçoit distincte- ment. La partie dorsale du prothorax nommée par les entomologistes bouclier, qui forme souvent une espi'ce de couverture aux ailes antéiieures, sans que ce soit au préjudice de la mobilité du segment, est le scutum ; il se distingue par sa forme et sa co- loration,, et est seul apparent chez les Coléoptères; dans quelques Orthoptères, on peut au contraire discerner les quatre pièces constituantes du tergum du prothorax. La pièce que les naturalistes dési- gnent sous l'appellation d'écusson, et qui s'interpose habituellement entre les élytres sous la forme d'un petit triangle, est le scutellum du mésothorax ; chez certains Hémiptères il prend un développement tel- lement exagéré qu'il recouvre l'abdomen et les ailes (Sculellérides). Le pectus est formé par la réunion de trois pièces essentielles : sternum, é/As- ternum, épimére, auxquelles viennent s'adjoindre dans le mésotliorax le paraptére. (') Fig. 33. Dernier article du tarse de la patte antérieure de la Musca vûmitona,vu par la face inférieure et grossi 200 fois, — Fig. 34. Le même vu de profil, grossi 200 fois, t, tarse; g, griffes; e, éperon; Nous ne pouvons entrer dans la description de toutes les parties constituantes du squelette des Insectes et discuter leurs attributions; nous ajou- terons seulement que le sternum de chaque anneau pénètre dans la cavité du thorax pour constituer suivant la ligne médiane une sorte de squelette in- terne qui a reçu le nom d'cntothorax et joue un rôle important : il sert d'attaches à de puissants muscles moteurs des pattes, et protège le système nerveux. Aussi certains naturalistes de l'école philosophique, précurseurs de l'école transfor- miste. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, Carus, Robineau- Desvoidy, l'ont-ils comp^iré à la colonne vertébrale des animaux supérieurs. Le premier segment de l'abdomen entre souvent dans la constitution du thorax, ainsi chez beaucoup d'Insectes (Coléoptères, Orthoptères, Hyménoptè- res) un segment intermédiaire est solidement atta- ché à la partie dorsale postérieure, figurant la moitié supérieure d'un quatrième anneau thora- cique ; tandis que chez les Mouches, les Hémiptères, les Libellules, ce môme segment forme un anneau complet qui se rattache en dessous à l'abdomen. Chez les Papillons également l'anneau en question est considéré, par quelques auteurs, comme Iho- racique bien- que par sa nature il doive se rattacher à l'abdomen. Après les antennes et les mâchoires, viennent comme appendices les six membres articulés. Chaque membre est composé à partir de son point d'attache de la hanche, du trochanter, de la cuisse, de Idijambeel du tarse (,fig. 2). La hanche ou coxa est cette pièce courte, libre qui est plus ou moins enclavée dans la cavité de l'épimère. Le trochan- ter simple ou double est placé entre la hanche et p, pulvilU couverts de petites Tentouses. — Fig. 35. Trois des petites ventouses v extrêmement grossies. (D'après TuEfen West.) 14 INTRODUCTION. la cuisse, qu'il rend plus indépendantes l'une de l'autre et facilite les mouvements de la cuisse. La cuisse ou fémur représente la partie la plus robuste du membre entier, surtout des membres postérieurs quand ils sont organisés pour le saut. La jambe ou tibia est à peu près de la même lon- gueur que la cuisse, mais relativement étroite, elle augmente d'épaisseur à partir du point d'articula- tion ; son estrémité est presque toujours armée de toutes petites épines mobiles, appelées éperons ou épines terminales, tandis que sa surface est par- semée de dents, d'aiguillons ou de soies. Le tarse enfin se compose d'articles courts, mobiles les uns sur les autres et dont le dernier se termine par deux griffes (fig. 33 et 34 g) et quelquefois par une seule. Le plus souvent les articles sont en même nombre à toutes les pattes, ils ne sont jamais plus de cinq; mais quelquefois leur nombre est moindre aux membres postérieurs qu'aux antérieurs. En outre, de petits éperons et des pulvilU (fig. 33 et 34 p] placés entre les griffes donnent une plus grande as- surance dans la marche et permettent à beaucoup d'Insectes de circuler sur les corps les plus lisses et d'y prendre les attitudes les plus hardies. Ne de- meurons-nous pas surpris de voir les Mouches cou- rir avec aisance sur les vitres, se suspendre sans hésitation au plafond, dormir profondément la tête en bas? Les pulvilli, en effet, sont des sortes de brosses ou de pelotes couvertes de milliers de ti- gelles minuscules, terminées par d'admirables ven- touses microscopiques capables de se modeler sur les rugosités les plus délicates (fig. 33^3 et 35 v). Les trois paires de membres sont de grandeur trop différente pour qu'il soit possible de les con- fondre. Les membres antérieurs et postérieurs seuls comportent des modifications importantes, les premiers pour devenir ravisseurs [Mantis, Vespa) ou fouisseurs {Atcuchus, Gryllotalpa), les derniers pour se rendre propres au saut {Haltica, Pulex, Lo- eusta) ou à la natation {Dytiscus, Hydrophilus, iSoto- necta), selon que l'exige la manière de vivre de l'In- secte; les pattes médianes servent seulement à assurer l'équilibre pendant la locomotion. Les ailes sont exclusivement des appendices du mésothorax et du métathorax (fig. 2 n, et «j), suivant certains naturalistes, Oken, de Blainville, Latreille, Carus, Newport, Owen, etc.; quoique étant des or- ganes de mouvement de même que les pattes, elles ne sauraient être considérées ainsi que ces dernières comme des saillies ou des expansions appartenant au squelette cutané ; elles seraient, quelque extraordinaire que cela puisse paraître, des dépendances de l'appareil respiratoire, c'est à-dire des branchies trachéales aériennes desséchées. Cette manière de voir est absolument erronée, les ailes sont des appendices spéciaux formés par un refoulement de l'hypoderme comme tous les appendices ; l'étude du développement postem- bryonnaire aussi bien que l'observation du déplis- sement des organes du vol au moment de l'éclosiou en fournissent la démonstration; d'ailleurs cliez beaucoup d Insectes, les Diptères, les Coléoptères, par exemple, les ailes ne renferment qu'une seule trachée d'une ténuité infinie serpentant le long de la plus grosse nervure. Les ailes s'articulent avec le thorax par l'inter- médiaire d'une série de petites pièces {épidémes d'articulation) qui assurent leurs mouvements de pivotement pendant le vol. Tantôt les quatre ailes semblables entre elles .sont minces et traversées par des nervures (Né- vroptères, Hyménoptères), tantôt les antérieures constituent une masse chitineuse durcie, très ré- sistante, deviennent impropres au vol, et servent de bouclier protecteur aux ailes inférieures; elles sont connues sous le nom d'élytres (Coléoptères). Chez certains Hémiptères l'élytre n'est fortement chilinisée que dans sa moitié antérieure, sa moitié postérieure restant membraneuse, ce sont des lié- mélytres (Hémiptères hétéroptères). Quelquefois les ciiles antérieures présentent une consistance intermédiaire entre celle des élytres et des ailes membraneuses (Orthoptères), on a proposé de les appeler tegmina. Dans les ailes minces et membraneuses les ner- vures servent de soutien; leurs anastomoses des- sinent un réseau et circonscrivent sur toute la surface de l'aile des espaces nommés cellules, aux- quels il serait préférable de substituer le terme d'aréoles , le mot cellule ayant un sens précis dans le langage histologique. Chez les Diptères les ailes antérieures seules ont conservé leur structure; les ailes postérieures se sont modifiées à tel point qu'elles sont devenues méconnaissables et que beaucoup d'entomologistes les ont considérées commedes organesparticuliers ; ces balanciers, ainsi nommés à cause de leur res- semblance avec l'appareil dont se servent les dan- seurs de corde pour se maintenir en équilibre, sont bien des appendices du métathorax corres- pondant aux ailes ainsi que le démontre l'analomie et le développement. Beaucoup d'Insectes sont complètement aptères. De l'abdomen. — L'abdomen enfin, qui forme la troisième des grandes divisions du corps de l'In- secte, comprend de trois à neuf, anneaux. Le chiffre de onze segments est rarement atteint parce que les deux derniers entrent dans la com- position de l'armure génitale ; si le nombre des segments reste en deçà de neuf, ceux qui manquent sont atrophiés ou recouverts par les anneaux voi- sins, transformés en oviscaptes, en aiguillons, pinces ou autres appendices qui servent habituelle- ment à caractériser le sexe féminin. Ici, mieux que dans toute autre partie du corps, on recon- naîtra que chaque anneau est composé d'un arceau dorsal et d'un arceau ventral, lesquels sont reliés SYSTEME MUSCULAIRE. il par- une membrane plissée aux anneaux voisins, Je lelle sorte que l'abdomen est susceptible de se di- later et môme de s'arrondir comme une outre cliez les femelles gonflées d'oeufs. Du reste la région dor- sile reste molle chez les Insectes dans toute l'éten- due de celte partie qui est protégée par les élytres. En dehors de la conformation que peut avoir l'abdomen, la manière dont ce dernier est attaché :iu thorax détermine toujours le faciès de l'Insecte. Si par exemple, comme chez les Coléoptères, il est étroitement relié bord à bord à la paroi du thorax, on dit qu'il est soudé ; et on pourrait croire qu'il ne forme qu'une seule pièce avec ce dernier s'il ne s'en distinguait par l'absence des pattes. Dans tous les cas où les élytres font défaut l'abdomen est séparé du thorax par un étranglement. Il peut être attaché suivant une ligne transversale; dans ce cas il est dit sessilc {Pimpla) ; ou adhérent s'il est fixé par un point seulement et non rétréci à sa partie antérieure (Abeille commune), ou bien pé- donciilii s'il est rétréci en une sorte de style à son origine (Amnophile). Il est des Insectes qui présen- tent cette disposition poussée à un tel point d'exa- gération qu'elle leur donne un cachet de fragilité et d'élégance extrême ; ceux-ci ont la taille fine, tandis que d'autres ont la taille épaisse, entre les deux il y a toutes les transitions imaginables que nos termes insuffisants de sessile, d'à peine pédon- cule, etc., ne peuvent désigner que d'une façon vague et incertaine. Des poils et des écailles. — Le squelette cu- tané de l'Insecte avec tous ses appendices aussi bien que la physionomie des parties prises isolément, abstraction faite de la forme et de la proportion de ces dernières, de leur nombre, de la solidité de leur surface d'attache, ainsi que de leur coloration et de leurs accessoires, présentent une variation extraor- dinaire. Telle ou lelle parlie est plus ou moins cou- verte de poils, de soies, d'écaillés, de pointes ou d'épines serrés ou espacés, et souvent les poils, les soies ou les écailles recouvrent si abondammenlle corps entier qu'il est complètement dissimulé. t Quant à la pompe des vêtements de l'Insecte, — dit Ciiarles Nodier qui se délassait de ses travaux littéraires par l'étude de l'Entomologie, — rien ne peut en donner une idée à ceux qui n'ont vu que les cours de l'Orient dans leur plus magnifique splendeur. La pourpre et la soie, l'azur et le ver- millon, l'émeraude et le rubis ne sont que les fastes de l'homme; je vous montrerai dix mille Insectes qui perdraient tout à échanger leur toilette conlre celle de Cléopâtre. On croirait que la nature émer- \eillée de son ouvrage, quand elle eut produit les pierres précieuses, regretta de ne les avoir pas ani- mées, et que c'esl pour réparer sa distraction qu'elle inventa les Insectes. » Ce ne sont pas seulement les splendides Papillons qui doivent une si attrayante richesse de couleurs aux écailles qui recouvrent leurs ailes ; les Coléop- tères et autres Insectes, notamment ceux de la zone lorride, acquièrent grâce à elles l'éclat de l'or, de l'argent le plus pur, les reflets changeants de l'o- pale, le chatoiement des pierreries. Les écailles sont plus caduques et peuvent se détacher en partie jusqu'à rendre l'Insecte méconnaissable [Polt/dro- sus). (Voy. pour plus de détail les généralités sur les Papillons et les Coléoptères.) Les écailles et les poils ne constituent pas tou- jours le revêtement des téguments des Culéop- tères, des effloiesccnces diversement colorées qu'efface le moindre froissement recouvrent le corps et y forment souvent mille dessins variés (La- rinMs).Lapeau elle-même, ordinairement de nuance sombre , affecte quelquefois les plus brillantes couleurs, tantôt solides et stables, tantôt fugaces ou ternes après la mort. Les aiguillons et les épines sont les ornements les plus résistants de l'Insecte; ils forment des expan- sions saillantes sur les pattes, surgissent isolés sur diverses parties du corps, et contribuent ainsi à la variation des nuances. Les poils ou les soies constituent le revêtement le plus répandu; rare- ment ils disparaissent complètement; mais ils tendent à manquer sur les régions voisines de l'œil et ces régions sont considérées comme nues. SYSTÈME MUSCULAIRE. Puissance mnscnlaire. — Le système muscu- laire des Insectes ne le cède en rien comme puis- sance à celui des Animaux vertébrés, on peut même affirmer qu'il est capable de développer un travail infiniment plus considérable; l'observation le dé- montre surabondamment. Chacun de nous n'a-t-il pas vu la Fourmi traîner des proies énormes dix fois, vingt fois plus volumineuses qu'elle ; n'a-t-il pas suivi les mouvements incessants de certaines pe- tites Mouches qui, infatigables, se balancent des heures entières autour des rosaces ou des lustres qui décorent nos maisons; n'a-t-il pas constaté que les Taons suivaient et dépassaient les meilleurs chevaux lancés au galop? Un cerf-volant ne peut-il pas tenir entre ses mandibules, en élevant et abais- sant alternalivemenl la tête et le corselet, une règle d'acier de 30 centimètres de long et pesaat 400 grammes, et il ne pèse lui que 2 grammes 7 (M. de Lucy.) Pour rendre le fait plus saisissable, M. Félix Plateau a entrepris une série d'expériences ingénieuses des plus démonstratives ; il a fait traî- ner de petits chariots remplis de poids, véritables balances, par de lourds Hannetons transformés en bœufs ; il a chargé de fardeaux des Insectes bons voi- liers transformés en oiseaux de proie; et il a constaté d'abord ce grand fait : c'est que la puissance mus- culaire est en raison inverse de la taille, les plus petits Insectes étant capables de déployer les plus grands efforts ; puis il a établi ru'un Hannetoa INTRODUCTION. Fig. 3G. — Système musculaire d'une larve de Diptère (Volucella) (') (page 18 était infiniment plus fort qu'un cheval, qu'il était même vingt et une fois plus fort; qu'une Abeille était même trente fois plus vigoureuse ; en effet un cheval ne peut exercer un effort supérieur au soixante-septième de son poids, alors qu'un Hanne- ton traîne aisément une charge équivalent à qua- torze fois son poids, qu'une Abeille attelée met sans peine en mouvement un chariot pesant vingt fois plus qu'elle. En d'autres termes un Hanneton peut entraîner facilement quatorze de ses pareils, une (*) Fig. 36. Système musculaire ventral d'une larve de Volucella sortaria (Diptères), a, muscles demi-annulaires; dl, muscles droits Abeille vingt de ses compagnes. Se fait-on une idée des prodiges que l'Homme accomplirait s'il était aussi heureusement doué, s'il avait à son service des animaux domestiques ayant la puissance mus- culaire de rinsecle? Nous demeurons étonnés de- vant les monuments gigantesques de l'antiquité; combien plus gigantesques seraient les construc- tions que l'homme édifierait s'il avait à son service la force que possède le plus chétif Moucheron ! La figure 31 donnera une idée exacte de l'appareil dont latéraux; d, grands droits inférieurs; ï-, rétractcurs; e, extenseurs. (D'après H. Kiinckel.) SYSTÈME MUSCULAIRE. 17 Fig. 37. — Système musculaire d'un Insecte Diptère adulte {' {*) f'g- 37. — Système musculaire d'une Xoîucella zonaria adulte [Diptères). — A gauche les grands muscles^ tcU qu'ils se pr^àenteut après l'eulevenicnt des téguments; à droite, les muscles proToods tels qu'ils se préseotent après l'enlèvement des grands muscles. A, grand dorsal abaisseur des ailes; — B, les sternali dorsaux et l'épisternali dorsal élévateurs des ailes; — C, long estenseur du trochanter de la patte moyenne ; — a, 6, r, muscles moteurs de la tête ; — d, extenseur de l'aile ; — e, abaisseur du bord antérieur ; — /", rétracteur de l'aile et élévateur de son bord autéi leur ; — k, muscle agissant sur le balaoci! 60 fois. servent seules à la locomotion ; les pattes anté- rieures se sont modifiées de manière à servir éga- lement à la capture des proies (Mantes et Nèpes), ou même se sont complètement atrophiées (Njmpha- lides parmi les Lépidoptères). Chez les Dytiscides les trois premiers articles du tarse se sont réunis pour former un organe circulaire couvert à sa face inférieure d'une centaine de ventouses de dimen- sions variables, qui leur permettent de s'agriffer aux objets ou de se cramponner à leurs femelles. 11 est des Hémiptères qui courent sur l'eau de nos ruisseaux et de nos bassins avec une rapidité et une aisance que nous leur envions ; les poils de leurs tarses retiennent des bulles d'air qui les empêchent de s'enfoncer (Hydromètres). Les In- sectes qui vivent dans l'eau ont généralement une forme naviculaire, aplatie ou élancée qui favorise leur déplacement ; ce sont les pattes postérieures transformées en rames et dont les tarses sont tantôt élargis (Dytique), tantôt couverts de poils serrés (Hydrophile, Notonecte) qui mettent l'animal en mouvement. Les membres postérieurs, dont les cuisses sont susceptibles de prendre un développement consi- dérable pour loger des muscles énormes, consti- tuent de puissants ressorts qui permettent aux Puces, par exemple, d'exécuter des bonds prodi- gieux. Quelques Insectes ont la faculté de sauter et cependant ils ont les membres courts et propres uniquement à la marche; tels sont les Podurelles et les Elatérides. Un appendice fourchu, inséré sur l'avant- dernier anneau et replié sous l'abdomen peut subitement se détendre, frapper la terre et Fig. 40, 41 et 42. Potynema natans, — Fig. 40. Femelle grossie 30 fois. — Fig. 41 et 42. Aile ai'.érieure et aile postérieure grossies 60 fois. D'après sir John LuLboc'i. INTRODUCTION. lancer les Podures dans l'espace. Les Elatérides ou Taupins que le hasard a fait tomber sur le dos, se courbent de manière qu'une pointe que porte leur prosternum s'engage dans une cavité du mé- sosternuni et se tendent ainsi comme des sortes de ressort; puis brusquement faisant échapper la pointe slernale ils se détendent; le bord antérieur du prothorax et l'extrémité des élytres viennent alors frapper le sol ; projetés en l'air ils font le saut périlleux et retombent presque toujours sur leurs pattes. La progression est déterminée quelquefois par un artifice singulier. Les larves de libellules, qui emmagasinent de l'eau dans leur intestin pour y puiser l'oxjgène nécessaire à leur respiration, Fig. il. — Aspfct d'une Guêpe à laquelle on a dore le'x- uémité des deux grandes ailes. L'animal est supposé placé dans un rayon de soleil. D'après M. Marey. peuvent, par une contraction énergique des mus- cles du rectum, chasser violemment celle eau et par réaction se lancer en avant ; renouvelant leur manœuvre plusieurs fois de suite elles échappent à la poursuite de leurs ennemis. 11 y a bien des siècles que la nature a imaginé ces appareils pro- pulseurs que l'industrie moderne a cherché à uti- liser, car les Libellules vivaient aux époques géologiques les plus reculées. Mais il est encore une singularité dans le mode de locomotion qu'il est nécessaire de signaler; certains petits Hyménoptères parasites du groupe des Proc- lolrupides hantent les eaux, chose extraordinaire, et se servent de leurs ailes ciliées comme de na- geoires. La découverte de ces Pingouins liliputiens les Polynema natans et les Preshvichia aqimtica faite par sir John Lubboek, en 1863, dans un étang de l'Angleterre est venu transformer bien des idées, soulever bien des problèmes. (iLe vol est la poésie du mouvement s. Il n'est point d'homme, qui, voyant l'Oiseau prendre son essor ou planer des journées entières, l'Insecte voltiger capricieusement ou volera tire d'ailes, n'ait éprouvé un sentiment d'admiration ; roi de la terre, maître des eaux, l'homme est esclave; le domaine des airs lui est fermé. Faut-il s'étonner que toutes les créatures aériennes aient à ses yeux quelque chose de surnaturel, de sacré, de divin? Faut-il être surpris qu'il ait pourvu d'ailes toutes les créatures enfantées par son imagination, les dieux comme les anges? La légende d'Icare ne personnifie-l-elle pas la lutte de l'homme cher- chant à s'emparer de l'empire des airs; et toujours ramené à la réalité et à l'impuissance l'être domi- nateur est condamné de siècle en siècle à voir l'Insecte qu'il foule aux pieds dédaigneusement posséder une faculté qu'il n'a pas, celle de quitter la terre et de parcourir l'espace au caprice de sa volonté. Les mathématiciens, les anatomistes ont cher- ché, les uns à surprendre les principes de la mé- canique animale s'appliquant au vol, les autres — ce sont les moins nombreux — à étudier la dis- position des pièces solides et des muscles qui mettent en jeu les appareils servant à franchir l'espace. Borelli, Straus-Durckeim, Liais, etc., se sont efforcés de donner la théorie exacte du vol des Oiseaux et des Insectes, M. Maurice Girard a cherché à déterminer le rôle de chacune des ailes et des différentes régions de l'aile, mais ce sont les travaux poursuivis pendant ces dernières années par M. Petligrew et M. Marey qui nous per- mettent de bien comprendre les mouvements des ailes, car tous deux ont analysé ces mouvements avec une précision infinie. Hâtons-nous de le dire, les mathématiciens comme les physiologistes ne se sont point attachés à se rendre un compte exact des moyens que l'Oiseau ou l'Insecte avaient à leur disposition peur meltre en action les organes loco- moteurs. M. Petligrew et M. Marey ont tous deux de leur côlé découvert le tracé exact des mouvements de l'aile ; ils ont reconnu que son extrémité décri- vait une courbe en 8 de chiffre qui était l'expression de ses mouvements d'abaissement, d'élévation et de torsion (voy. fig. M), mais ils onl donné tous deux une explication différente dos causes des mouvements de torsion. M. Marey prétend quelles muscles de l'In- secte ne commandent que des mouvements de va et vient » et que n c'est la résistance de l'air qui modifie le parcours de l'aile » ; d'après cela reprenant la théorie émise en 1680 par Borelli, développée par Straus-Durckeim, complétée par Liais, l'éminent physiologiste prétend « que l'aile de l'Oiseau, de l'Insecte agit sur l'air à la façon d'un plan incliné pour produire contre cette résistance une réaction qui pousse le corps de l'animal en haut et en avant ; l'abaissement de l'aile soulève l'Oiseau ou l'Insecte en lui imprimant une impulsion en avant, l'éléva- tion de l'aile qui s'oriente à la façon d'un cerf-vo- SYSTÈME MUSCULAIRE. 21 lant soutient le corps de l'animal en attendant le coup d'aile qui va suivre. » Après avoir dit que le poids est nécessaire au vol, M. Pelligrew démontre que toutes les ailes sont des vis par leur structure et par leur fonction et qu'elles agissent comme un véritable cerf-volant à la fois pendant les coups descendant et ascendant; tout en admettant, ce qui est indéniable, que l'aile éprouve de la part de l'air un recul d'en bas et d'en haut, il insiste sur ce fait que la créature volante douée de volonté et ca- pable de se diriger, transmet à ses propres surfaces de déplacement les mouvements particuliers néces- saires à la progression ; ces mouvements n'étant nul- lement le fésultat de chocs de courants aériens for- tuits qu'elle n'a pas le moyen de régler. A l'exemple du professeur d'Edimbourg, nous ne saurions trop pro- tester contre l'opinion admise par Straus, M. Marey, M. Maurice Girard, etc., l'aile n'est point un organe passif et ses changements de plan pendant le vol ne sont point déterminés par la pression alternative de l'air sur la face supérieure et la face inférieure de l'aile, la région antérieure de l'aile avec ses nervu- res rigides, restant fixe, la région postérieure mem- braneuse et flexible s'incurvant seule et tour à tour en haut ou en bas. Chabrier, ayant uniquement représenté dans son travail sur le vol des Insec- tes les muscles abaisseurs et élévateurs, et n'ayant ni figuré ni mentionné les petits muscles chargés de diriger les mouvements de l'aile, a été la cause involontaire de la généralisation de l'opinion favo- rable à la passivité des organes du vol. Aussi ne faut- il pas s'étonner que M. Marey ait été entraîné à dire que « l'anatomie de l'Insecte ne révèle pas l'existence de muscles capables de commander tous les mouve- ments si complexes de l'aile. On ne reconnaît guère, dit-il, dans les muscles moteurs de l'aile que des élévateurs et des abaisseurs ». C'est une grave erreur ; indépendamment des grands muscles abaisseurs et élévateurs, il existe une foule de petits muscles qui impriment aux organes du vol mille mouvements et modifient à chaque ins- tant leur inclinaison. 11 suffira de jeter un coup d'oeil sur la figure 37 pour avoir une idée exacte des muscles qui mettent en jeu les ailes d'une Mouche. A gauche, les téguments étant seuls enlevés on aperçoit en A le grand dorsal abaisseur de l'aile gauche, en B les deux sternali dorsaux et l'cpis- ternali dorsal élévateurs de l'aile gauche placés à la suite les uns des autres; il est clair que sur le côté droit les mêmes muscles se répètent pour agir sur l'aile droite. A droite le grand dorsal, les sternali dorsaux et l'épisternali dorsal sont enlevés : on aperçoit l'extenseur de l'aile droite rf,rabaisseur de son bord antérieur e, le muscle rétracteur et élé- vateur du bord antérieur/'. Indépendamment de ces muscles, il existe encore d'autres petits muscles agissant sur l'aile, mais qui ne sont point visibles sur la fig. 37, notamment un très petit muscle suspendu à un véritable palonnier ; ce muscle capable d'agir quelque soit l'inclinaison ou la rapi- dité de vibrations de l'aile, déterminerait, suivant moi, le mouvement en 8 de chiffre. Pour de plus amples détails voy. Kùncke\, Recherches sitr l'orga- nisalion et le développement des Volucelles. Il est encore une observation qui achèverait de démon- trer que l'aile de l'Insecte n'est point passive, et obéit k la volonté : chez les Oiseaux il y a la queue qui sert de gouvernail, tandis que chez les Insectes il n'existe aucun appareil capable de remplir le môme rôle, l'abdomen n'ayant que des mouve- ments très restreints en rapport avec la fonction respiratoire ; on ne supposera certes pas que le long et grêle abdomen des Rhyssa (Hyménoptères) que, l'abdomen rudimenlaire des Evania (Hy- ménoptères), puissent agir à la manière d'un gou- vernail. On a voulu faire jouer un grand rôle pendant le vol à l'appareil respiratoire; on a prétendu que les Insectes, comme les Oiseaux, se transformaient en véritables montgolfières ; « les Criquets voyageurs deviennent de petites montgolfières et tout explique comment ces animaux pesants sont rendus capa- bles de traverser d'immenses espaces » dit un pro- fesseur éminent. La haute température de l'Oiseau, l'accroissement de la température des Insectes lorsqu'ils volent, ont fait supposer que l'air contenu soit dans les poches aériennes, soit dans les tra- chées et les ampoules trachéennes, était capable de s'échauffer suffisamment pour diminuer notable. ment le poids spécifique de l'animal. M. Pettigrew fait observer avec raison que la légèreté tant van- tée des Insectes, des Chauves-Souris et des Oi- seaux est illusoire au plus haut degré; ces animaux sont aussi lourds à volumes égaux que la plupart des créatures vivantes et le vol peut être accom- pli par des êtres qui n'ont ni poches à air, ni os creux, les poches à air se rencontrent chez des animaux qui ne sont jamais destinés à voler; le vol, dit-il, est moins une question de légèreté qu'une question de poids et de puissance appliqués avec intelligence à des surfaces volantes conve- nablement construites. Nous reviendrons sur la question de l'élévation de la température pendant le vol en traitant de la chaleur animale. On peut partager les Insectes en deux grandes divisions : I» ceux qui ont des muscles alaires in- sérés directement aux ailes et qui ont un système de muscles indépendants pour chacun de ces or- ganes, la plupart des Névroptères, par exemple, chez lesquelles chaque paire d'ailes peut indiffé- remment concourir au vol sans l'intervention de l'autre paire, de telle sorte que l'ablation d'une paire d'ailes n'entraîne pas l'abolition de 1 la locomotion aérienne; 2° ceux qui n'ont qu'un système de muscles unique mettant en jeu soit une paire d'ailes, soit les deux ailes. Dans le pre- mier cas, une seule paire d'ailes est utilisée dans le vol (Coléoptères, Orthoptères); dans le second 22 INTRODUCTION. cas, les deux paires d'ailes, reliées l'une à l'autre sont entraînées solidairement (Lépidoptères, Hémi- ptères, Diptères) ; nous avons décrit précédemment (p. 18) le mécanisme qui maintient la solidarité de l'aile inférieure et de l'aile supérieure. 11 est essentiel de faire remarquer que les ailes ne jouent pas le môme rôle chez tous les Insectes et qu'elles n'ont ni les mômes dimensions, ni la même struc- ture dans tous les groupes. M. de Lucy a démontré que la surface de l'aile décroît à mesure qu'aug- mentent les dimensions et le poids de l'animal, ainsi par exemple, le Cousin qui pèse 460 fois moins que le Cerf- Volant a 14 fois plus de surface, que la Coccinelle qui pèse toO fois moins que le Cerf-Volant a b fois plus de surface ; et n'avons- nous pas tous les jours sous les yeux les Papillons {Limenitis, Morpho) au corps grêle, aux ailes im- menses, les Taons au corps lourd et trapu, aux ailes étroites. On conçoit très bien d'après cela qu'il n'y ait pas de relation fixe entre cette surface et colle de l'animal à élever ; mais il y a, ainsi que le fait observer Pettigrew, une relation invariable entre le poids de l'animal, la surface des ailes et le nom- bre des oscillations qu'elles font en un temps donné, « le problème du vol se résolvant en un autre de poids, de puissance, de vitesse et de petites surfaces ou bien en un second de faible densité, médiocre puissance, petite vitesse et grandes surfaces, le poids étant une condition sine qud non ». Ainsi le nombre des battements ou oscillations de l'aile étant chez une Mouche commune de 330 par seconde, l'Abeille de 190, n'est plus que de 28 chez une Li- bellule et de 9 chez un Papillon, la Piéride du chou. (M. Marey.) On croit que chez tous les Insectes en général les nervures constituent un réseau trachéen aéri- fère auquel on a fait jouer un rôle important. Il n'en est rien : chez les Lépidoptères, les Névrop- tères, les Hyménoptères, toutes les nervures con- tiennent une trachée, mais chez les Coléoptères et les Diptères, il y a seulement un rameau trachéen dans la nervure costale; le développement du ré- seau trachéen et des nervures est en rapport avec les dimensions de l'aile. Beaucoup d'auteurs ont voulu faire intervenir les èlytres dans le vol et ont prétendu qu'elles ser- vaient souvent de parachute lors de la descente ; l'observation ne justifie point leur opinion. La Cétoine (fig. 53) dont les ailes restent soudées pen- dant le vol, était une exception embarrassante, mais un jeune naturaliste, M. Poujade, a publié d'excel- lentesfiguresreprésentant une série d'Insectes dans les attitudes du vol, et leur examen nous apprend que beaucoup d'entre eux mettent leurs élytres dans une situation telle qu'elles ne peuvent avoir aucune prise sur l'air; les Nécrophores (fig. 57 et 58), ainsi que l'avait déjà dit Rœsel, les Silphes, les Staphilins (fig. 51), redressent leurs élytres, les renversent et les disposent sur l'abdomen dans an plan longitudi- nal; les Onlhophagus (fig. 54 et 55) les soulèvent simplement en les faisant tourner autour de la suture comme charnière, les Hister (fig. 56) met- tent leurs élytres horizontales et perpendiculaires à l'axe du corps, mais étendues elles dépassent à peine les pièces axillaires de l'aile intérieure. Les figures 51 à 58 (p. 25) sont instructives à plus d'un titre, elles nous montrent la position toute spéciale des pattes médianes relevées au-dessus du corps en nous indiquant la position du bord antérieur de l'aile pendant le vol qui permet de comprendre qu'elle fonctionne réellement comme un véritable cerf-volant. Nous avons ainsi une nouvelle confir- mation de l'explication du mécanisme du vol que nous avons donné. De toute façon la surface alaire est infiniment trop considérable ; elle peut être réduite sans pré- judice dans de fortes proportions ; des expériences instituées par M. Girard, M. Pettigrew, M. Joussetde Bellesme le démontrent surabondamment. On peut enlever perpendiculairement au bord antérieur le tiers des quatre ailes chez les Libellules, le tiers des deux ailes chez les Mouches sans modifier le vol; on peut même supprimer complètement l'aile inférieure chez quelques Papillons et chez quelques Hyménoptères sans abolir la locomotion aérienne. Je rapporterai à ce sujet une expérience person- nelle ; ayant fait récolter et transporter dans mon cabinet tous les Bourdons que l'on put saisir en une journée à l'École botanique du Jardin des Plantes de Paris, je les anesthésiais à tour de rôle et sûr de les opérer sans lésion, je leur coupais délicatement les ailes inférieures ; la fenêtre était largement ou- verte, le temps était beau, les amputés se réveil- lèrent l'un après l'autre et prirent leur vol sans pa- raître affectés le moins du monde de la perle de deux de leurs membres. Le lendemain je cap- turais sur les fleurs de l'École, à quelques cen- taines de mètres du lieu d'opération, mes invaUdes (Kiinckel). Cependant chez; les Diptères la perle des petits organes rudimentaires, les balanciers (voy. p. 14), qui tiennent la place des ailes inférieures, anéantit le vol ascendant ; physiologistes et naturalistes ont constaté le fait, mais sans pouvoir donner une rai- son absolument satisfaisante de l'importance de leurs attributions. M. le docteur Jousset de Bellesme à la suite d'expériences intéressantes (1878) a été conduit à penser que les balanciers avaient pour fonction de restreindre la course de l'aile en ar- rière, de reporter ainsi l'axe de sustentation en avant du centre de gravité et par là, de déterminer le volascendant. De toutes ces expériences qui permettant de mesurer la surface utile de l'aile, il ressort un fait d'une importance capitale : c'est qu'on peut impunément rogner, tailler, mutiler la région postérieure membraneuse de l'aile, mais qu'il es SYSTEME NERVEUX. 23 interdit de supprimer et mc^nic de léser le bord an- térieur rigide, les nervures coslales et sous-costiiles jouant absolument le m(>me rôle que la membrure antérieure du cerf-volant; l'enfant ne sait-il pas par expérience que la destruction ou mémo la rupture de celte membrure empêche son jouet de s'élever dans les airs? SYSTÈME NERVEUX. Le système nerveux des Annelés se compose fondamentalement de deux chaînes ganglionnaires parallèles (comme dans le Malacobdellc, sorte de sangsue marine, parasite des Mollusques) rappe- lant la symétrie bilatérale de tout l'embranche- ment et disposées de façon à ce que chaque anneau renferme une paire de ganglions, c'est-à-dire, le ganglion correspondant de chacune des deux chaînes; les cordons longitudinaux qui vont d'un ganglion au suivant ont reçu le nom de connec- tifs. Dans les Articulés les ganglions ne sont plus séparés dans chacun des anneaux ; ils se rappro- chent, et un ou deux cordons transversaux appe- lés commissures les relient ; on trouve celte dis- position chez les embryons, les larves et cer- taines formes adultes peu élevées; bientôt la coalescence augmente, la commissure qui unit les ganglions d'un même anneau disparait, les deux ganglions se groupent sous une enveloppe com- mune, les connectifs restant distincts; enfin les connectifs finissent par s'accoler et les deux chaî- nes primitives confondues, entourées d'une gaine commune, le névriléme, se présentent sous l'aspect d'une chaîne simple avec ganglion unique; mais, soumise au microscope, celte prétendue chaîne simple se dédouble et reprend son caractère de dualité. La coalescence au lieu de se faire unique- ment dans le sens transversal se fait également et simultanément dans le sens longitudinal ; les gan- glions se rapprochent, se fusionnent pour former de volumineux centres nerveux el certains anneaux renferment alors les ganglions que devraient possé- der leurs voisins. La centralisation passe par toutes les gradations elpeut même êtrepoussée si loin que l'on ne voit plus qu'une masse nerveuse dans la tête, — cerveau et ganglion sous-oesophagien réu- nis, — et une masse nerveuse thoracique (Mouche domestique, CEslre, Punaise dos bois, etc.). C'est dans les larves, larves des Coléoptères ou des Hy- ménoptères par exemple, que l'on rencontre le système nerveux le plus voisin du type primordial, système dans lequel les deux ganglions d'un même anneau tout en étant réunis, sont reliés par deux connectifs distincts et séparés. Le système nerveux du ver de farine (larve de Tenebrio) que nous avons représenté ci-contre (fig. 45) présente une telle dis- position. Chez les Insectes à métamorphoses complètes le système nerveux des adultes diffère très sensible- ment de celui des larves, généralement le nombre des ganglions est moindre. Herold el Newport chez les Lépidoptères, M. Blanchard chez les Coléoptères ont établi que les ganglions de plusieurs anneaux se (usionnaient par suite du raccourcissement de la chaîne ganglionnaire suivie de l'atrophie de cer- tains connectifs, ainsi qu'on peut s'en convaincre en jetant les yeux sur les fig. 45, 46, 47 et 48. Mais, dans certains cas, le nombre des ganglions parait aug- menter, en effet les centres nerveux très ramassés et confondus en une masse unique dans la larve (fig. 49) se disjoignent dans la nymphe, par suite da développement de longs connectifs, et des ganglions se trouvent rejelés jusque dans l'abdomen ; c'est ce qui a lieu chez les Diptères appartenant à la famille des Slratiomydes, à celle des Tabanides, des Cono- pides, des Syrphides ou des Muscides (Muscides acaly- ptérées), par exemple chez les Stratiomes, les Taons des bœufs, les Conops, les Platystomes, les Eris- tales, les Syrphes, les Volucelles, etc. (Kûnckel, 18('8 et 1879). Déjà même chez les Muscides calyp- térées la disjonction est manifeste entre le ganglion sous-oesophagien et le centre thoracique unique, comme le montre la fig. 50. Si l'on envisage le mode de groupement des gan- glions, il est facile de voir qu'il est constant dans certains ordres, qu'il varie à l'infini dans certains autres; on peut dire en termes généraux que le nombre des ganglions esl constant dans chaque famille de la classe des Insectes. Le zoologiste peut tirer du nombre et du dispositif des centres ner- veux d'excellents caractères, pour déterminer les affinités et établir les bases d'une classification naturelle. Le cerveau ou ganglion sus-œsophagien, émet d'abord une première paire de nerfs, les nerfs an- tennaires, une seconde paire, les nerfs optiques et une troisième paire, les nerfs de la lèvre supé- rieure; le ganglion sous-œsopliagien envoie i ns un ordre invariable une première paire de nerfs aux mandibules, une seconde aux mâchoires, une troisième à la lèvre inférieure ou plutôt aux mus- cles pharyngiens; chacun de ces organes, an- tennes, mâchoires, etc., reçoit aussi bien des filets nerveux moteurs agissant sur leurs mus- cles, que des filets sensitifs se rendant aux appa- reils servant à la perception des sensations, aux palpes par exemple ; ces nerfs moteurs et sensilifs étant confondus sous le même névriléme. De cha- cun des ganglions qui viennent à la suite part une paire de nerfs qui se distribuent aux muscles de chaque anneau, comme chez la larve de l'enebrio, par exemple (fig. 45) ; même lorsque plusieurs ganglions se sont rapprochés pour former un cen- tre nerveux, il y a généralement autant de nerfs moteurs partant de ce centre qu'il y a de ganglions primitifs. Les centres nerveux thoraciques toujours volumineux, surtout chez les Insectes adultes, à cause de l'importance de leurs attributions sont 24 INTRODUCTION. Fig. 45. fig- iC. Fig. 47. Fig 48. Système nerveux de différents Insectes. Fig. 49-50. chargés d'innerver les muscles alaires et les mus- cles des pattes : le centre prothoracique dessert la première paire de pattes ; le mésothoracique, la deuxième paire de pattes et les muscles moteurs de la première paire d'ailes ; le centre métathora- cique, la troisième paire de pattes, la deuxième paire d'ailes et les muscles élévateurs et abaisseurs de l'abdomen chargés de lui imprimer le mouve- ment de va et vient d'un soufflet permettant alterna- tivement aux trachées de se remplir d'air ou de se dégonfler. Le dernier centre abdominal, réunion Fig. 45. Lar-?e de Tenebrio. — Fig. 46. Teoebrio adulte. — Kg. 47. Larve de Dyliscus. — Fig. 43. Dytiscus adulte. Ces quatre de plusieurs ganglions, est chargé, de l'innervation des organes génitaux, des muscles moteurs de l'armure génitale et des pièces anales. Indépendamment du système nerveux principal ou système de la vie animale, correspondant phy- siologiqiiement au système nerveux cérébro-spinal des Animaux vertébrés et dont le cerveau seul est au-dessus du tube digestif, il existe un système nerveux viscéral ou système de la vie organique disposé tout entier au-dessus du canal alimenlaire. De chaque côté de l'origine du nerf antennairele figures d'après M. Blanchard. — Fig. 49. Larve da Vulucella. — Fig. 50. Musca adulte. SYSTEME NERVEUX. Fig. 51. Tig. 52. Fig. 53. Fig. 54 et 55. Fig. 56. Fig. 57. Vol des Insectes (page 22). Fig. 58. cerveau émet un nerf qui se rend en avant à un petit ganglion nommé, à cause de sa position, le gajî- glion frontal ^fig. 47 et 48) ; de ce ganglion partent : en avant un nerf, qui distribue ses branches au pharynx ainsi qu'à la bouche, et présente quelquefois de petits renflements ganglionnaires; en arrière, un nerf dit nerf récurrent qui passe sous le cerveau, c'est-à dire sous la commissure qui réunit les deux masses cérébrales ou ganglions cérébroïdes, et se rend immédiatement à un très petit ganglion ratta- ché de chaque côté à une paire de petits gan- glions presque soudés au cerveau et reposant sur la partie aortique du vaisseau dorsal : ce sonl les gan- glions angéiens qui président aux mouvements du Fig. 51, Staphylin. — Fig. 52, Hanneton.— Fig. 53, Cétoine. — Fig. 54 et 55, Oulhophagus. — Fig. 56, Hisler Fig. 57 et 58, Nécropbores. Brebm. cœur; derrière eux et en relation immédiate se trouve une paire de ganglions placés sur les deux troncs trachéens qui de part et d'autre ont pénétré dans la tête : ce sont les ganglions trachéens. Quant au nerf récurrent ou stoinato-gastrique, après avoir traversé le petit ganglion impair, il suit la face supérieure de l'œsophage jusqu'au gésier, là il se renfle généralement en un ganglion et distri- bue ses ramifications à l'estomac. L'ensemble de ce système nerveux a été assimilé au pneumo- gastrique des Vertébrés (Newport, M. E. Blanchard, Leydig). Il existe encore une troisième forme du système nerveux très distincte surtout chez les chenilles. De la plupart des ganglions de la chaîne ventrale part un mince filet qui se rend à un petit ganglion médian de chaque côté duquel se détache un nerf qui commantie les muscles chargés de l'occlusion VU — 4 INTRODUCTION. des stigriKiles. C'est le système nerveux dccouverl au dix-huitième siècle par Ljonet, étudié et admi- rablement figuré par Newport et par I.eydig, système que l'on compare aujourd'hui au grand sympathique des Vertébrés. Les Animaux articulés, les Insectes en particulier, ont donc un ensemble de ganglions qui dirigent l'exéculion de tous les actes volontaires, qui pré- sident aux mouvements involontaires des différents viscères, des nerfs qui conduisent à la périphérie les manifestations conscientes ou inconscientes des centres nerveux, des nerfs qui rapportent aux centres les impressions perçues à la péripiiérie par les organes des sens disséminés ou localisés. Les Insectes sont sous ce rapport aussi bien doués que les Animaux vertébrés les plus élevés, puisqu'ils sont pourvus de nerfs de mouvement et de nerfs de sensibilité; seulement ces nerfs, au lieu d'avoir leurs racines distinctes,sont confondus sous un né- vrilème commun. Chez les Vertébrés le cerveau est le point de départ unique de tous les actes volon- taires et le centre de perception de toutes les sen- sations; et il n'en est pas de même chez les Insec- tes, les ganglions cérébroïdes peuvent être consi- dérés, il est vrai, comme représentant le cerveau, car ils ont une action prépondérante indiscutable, puisqu'ils innervent les principaux organes des sens, tels que ceux de la vue, de l'odorat, du goût, mais ils partagent avec les autres ganglions aussi bien la faculté de commander les mouvements que cille d'enregistrer les sensations. La physiologie expérimentale en fournit la démonstration (Trevi- runus,'VN'ulckenaer, Burmeister, Dugès,Yersin, etc.). Si d'un coup de ciseau, on enlève brusquement la têle d'une Guôpc, si d'un second coup l'on sépare l'abdomen, on voit les trois, tronçons conserver leur viLiilité, leur molililé, leur sensibilité : la tête agite ses antennes, ouvre et ferme ses mandibules et ses mâchoires; le thorax remue ses ailes et ses pattes; l'abdomen darde son aiguillon sur le doigt qui le touche. Le Hanneton dont l'oiseau a arraché les entrailles, dévoré les muscles du thorax, au bout de 24 heures écarte encore les feuillets de ses an- tennes; bien plus, une Mouche décapitée prend son vol, se retourne lorsqu'elle est sur le dos, brosse Sun corps, lisse ses ailes, en un mot fait sa toilette comme si elle n'avait pas été mutilée. Chose plus extraordinaire, les Fourmis privées de leur abdomen sont capables de courir, de se battre, de recon- naître leurs compagnes, de soigner leurs larves (Huber, Ebrard, Forel). Chaque segment du corps ayant sa vie propre, l'Insecte ne meurt pas d'un seul coup, mais graduellement; il subit en quelque sorte autant d'agonies, autant de morts qu'il a de centres nerveux; la vie ne s'éteint définitivement que lorsque chaque anneau a épuisé sa vitalité pro- pre ; cela e,st si vrai que, chez un Taupe-Grillon coupé par le milieu, les mouvements ne s'arrêteront dans la partie antérieure .céphalique et thoracique) qu'après quaire-vingl-deux heures, et dans la partie postérieure (abdominale) qu'au bout de cent huit heures. Mais dans les mouvements de ces tron- çons on constate que la faculté directrice vers un but unique fait défaut; en interrompant les com- munications entre le cerveau et les autres centres nerveux, on a supprimé la coordination des mou- vements ; le cerveau possède donc une suprématie indéniable sur tous les autres centres nerveux. On doit à Dujardin une découverte qui, dans ces derniers temps, en se généralisant, a pris une im- portance considérable. Cet habile observateur a remarqué que sur les lobes cérébroïdes des Abeilles reposait une paire de protubérances qu'il a nommée les corps joÉdonculcs, et il a attribué à l'existence de ces proéminences le remarquable développement intellectuel de ces Insectes. Depuis on a constaté (Trevirauus, Leydig, Forel, etc.) la présence de ces corps chez d'autres Hyménoptères sociaux (Bour- don, Fourmi, etc.) et on les a comparés à des cir- convolutions cérébrales. Sans pousser l'assimilation aussi loin, nous devons admettre, d'après les tra- vaux récents poursuivis en Allemagne (Rabl-Ruc- kardt, Dietl, Flôgel, Berger, etc.), que le cerveau des Hyménoptères industrieux comme celui de tous les Insectes en général présente une organisation beaucoup plus complexe qu'on aurait pu le soup- çonner; mais à l'heure présente nos connaissances sur la structure du cerveau chez les Vertébrés et chez les Invertébrés ne sont pas suffisantes pour que l'on puisse tenter des rapprochements et fixer le siège des différentes facultés intellectuelles. Nous nous bornerons à dire que du cerveau, aggloméra- tion de petites cellules, partent des fibres qui se rendent aux ganglions; les unes traversant pour se rendre aux ganglions suivants, les autres se rendant aux parties qu'elles doivent innerver; chaque gan- glion présente donc un entre-croisement de fibres autour duquel sont groupées des cellules nerveuses, dites cellules ganglionnaires; ce sont ces cellules qui donnent à chaque ganglion son autonomie propi e. Les nerfs des Articulés et des Invertébrés en gé- néral se distinguent de ceux des Vertébrés par un caractère d'une fixité absolue ; ils sont constitués par des fibres élémentaires, réduites au cylindre- axe et réunis sous une gaine commune, le névri- lème, sans être jamais entourés de myéline. ORGANES DES SENS. Dn toucher. — Toutes les régions du corps quelles qu'elles soient sont le siège de la sensibi- lité générale, on ne peut toucher une région du corps, fût-elle revêtue de la plus épaisse carapace, sans que l'insecte ne manifeste de la crainte, ou ne se mette sur la défensive ; mais dans ce cas la sen- sibilité est obtuse, lorsque le segment est revêtu de poils rigides, ces poils sont ciiargés de sentir les moindres frôlements. Certains d'entre eux sont ORGANES DES SENS. il /i\|l Fig. 69. — Poils tactiles du palpe maxillaire du Grtjllo- Fig. 60. — Ofgaiie de l'ouïe d'un Ortlioiitère •.Œilipoda talpa vulgaris (*}. cœrulescens], vu de l'intérieur et à un faible grossisse- ment {page 28) ("). plus particulièrement organisés pour apprécier et transmettre les sensations les plus délicates ; mais alors très souvent ces poils tactiles sont disposés sur des organes articulés que l'animal peut porter de tous côtés et constituent des appareils de toucher aussi perfectionnés que les corpuscules du tact que possèdent les animaux vertébrés. Les antennes, les palpes maxillaires, les palpes labiaux, les paraglosses, etc., portent à leur extrémité un grand nombre de ces poils qui sont en relation directe avec les centres nerveux. C'est Leydig qui le premier a appelé l'attention sur les terminaisons nerveuses tactiles de la larve d'un Diptère, le Core- thra ptumicoriiis. Voici d'ailleurs la structure de ces appareils tactiles; la figure ci-jointe (fig. 59) aidera singulièrement à comprendre la description. Chaque poil rigide est inséré sur le tégument par une partie membraneuse qui lui donne une grande élasticité, une grande souplesse pour éviter les conséquences d'une rupture; l'âme du poil est en relation directe avec un filament d'aspect particulier qui se rend à une cellule nerveuse située au centre d'un gros ren- flement rempli de cellules; ce renflement n'étant en réalité que la dilatation du névrilème d'un nerf. En d'autres termes, le cylindre axe du nerf se rend à une cellule unique, puis se met en rapport avec l'Ûme du poil, la cellule nerveuse proprement dite étant entou- rée de nom breuses cellules, dépendant du névrilème, qui la masquent entièrement (Kiinckel et Gazagnaire). De la Tue. — Nous avons déjà parlé de la vue, en décrivant les yeux ; nous renverrons au cha- (•) n, renflements nerveux fusiformes ; A, c. Uules de l'hypoderme ; c, couche de chitine avec base d'implantation des pail-; p, [loils tactiles (d'après .M. Jubert). C'est au centre de ces renflements que se trouve en réalité la cellule nerveuse; d'ailleurs le cjliudre axe, qui est directement en rapport avec l'âme du poil, pas plus que la .cclhjle nerveuse ne sont Heures. pitre oii nous avons longuement décrit ces appen- dices (voy. p. 4 et 5). De l'odorat. — Précédemment, après avoir décrit et figuré les antennes, après avoir défini leur structure, nous avons laissé pressentir que nous nous ralliions à l'opinion la plus générale- ment adoptée, celle qui admet que ces appendices sont des organes du toucher et surtout des or- ganes de perception des odeurs. La physiologie fournit des arguments très démonstratifs qui viennent corroborer les considérations anato- miques. M. lîalbiani et M. Auguste Forel ont exécuté une série d'expériences qui semblent prou- ver péremptoirement que les antennes sont bien le siège de l'odorat. Prenant une série de mules de Bombyx du mûrier venant d'éclore et ayant la précaution de les isoler et de les éloigner pour qu ils n'aient aucun contact avec les femel- les, le professeur du Collège de France les di- vise en deux lots, qu'il met dans des boites dis- tinctes. L'un des lots est conservé intact, l'autre est mis en expérience : tous les Papillons qu'il ren- ferme ont subi une délicate opération, leurs larges antennes pectinées ont été coupées à la racine. Si on approche la boite contenant le lot laissé intact des tables sur lesquelles se trouvent les femelles, on voit les Papillons, même à une distance de plu- sieurs mètres, battre des ailes et entrer dans une violente agitation : au contraire si on approche des femelles les Papillons dépourvus d'antennes, on est surpris de voir les malheureux amputés de- meurer les ailes basses, immobile?, impuissants à manifester la moindre sensation ; l'impression des fortes émanations qu'exhalent les femelles n'est ('•) a, nerf acoustique terminé par un ganglion ; b, c, > La même légende se trouve reproduite dans un ouvrage pulilié en 1665 par Christophe Isnard (Mémoires et instructions pour le plant des Meuriers blancs, nourriture des Vers-à-soye). C'est au xvi'' siècle que la légende d'Aristée s'élait transformée pour s'appliquer aux Vers à soie; Vida, l'auteur d'un poème célèlire inti- tulé De Bombwiim cura et usu (lii"27)qiii a eu plus de cinquante éditions, s'était fait l'imitateur de Virgile. Cependant dès 1638, François Redi, médecin de Florence avait démontré l'absurdité de ces croyances en prouvant que les vers qui naissent dans la chair putréfiée proviennent des œufs déposés par les Mouches. Swammerdamm (IfiCii) et Vallisneri (1700) achevèrent de porterie dernier coup à la doctiine de la génération spontanée des Insectes. Toutefois au xviii» siècle cette doctrine trouva de zélés défenseurs dans les Jésuites, notamment dans les pères Kircher et Bonanni ; le père Kircher ne dit-il pas qu'il a vu naître des milUers de Fourmis du cadavre d'une seule Fourmi, de sorte, dit-il, que le cadavre semblait se résoudre en Fourmis. 11 a fallu le talent d'observation, toute la logique de raisonnement de Réaumur pour renverser du telles assertions; et ce ne fut pas sans peine, car les rédacteurs du journal de Trévoux défendaient en habiles casuisles les membres de leur corporation. Différences sexuelles. — Les appareils de re- production distingués en mâle et femelle sont portés par des individus différents, et tout ce qu'on dit des Insectes liermaphrodites se rapporte à des cas de monstruosités, qui se présentent sur un même individu, lorsque l'un de ses sexes est porté à gau- che et l'autre à droite ou lorsque diverses parties du corps reproduisent un mélange quelconque des sexes. Un œil exercé dislingue souvent avec peine les deux sexes, en raison de leur similitude presque DEVELOPPEMENT ET METAMORPHOSES. 43 complète, il ne se présente pas moins des cas où les sexes diffèrent d'une manière si frappante qu'on ne peut vraiment faire de reproche aux naturalistes, s'il leur est arrivé d'introduire dans la science des noms différents pour la femelle et pour le mâle d'une mémeespce. Ainsi il se peut ijue ce dernier porte des ailes et que la femelle en soit privée 0/v/i/a anti- qua, quele corps de l'un soit autrement conformé on coloré que celui de l'autre. Les dilVérenccs peuvent mOme s'accuser davantage. Cliez les grands Dytiques, les femelles affectent drux formes dissemblables: les unes ont les élytres lisses comme les mâles, les autres en plus grand nombre les ont sillonnées longi- tudinalement sur plus de la moitié de leur étendue. Le sexe femelle du grand Lépidoptère diurne de l'Inde, des îles de la Sonde et de la Malaisie, le Piipitio Memnon, se présente également sous deux formes très distinctes qui voltigent ensemble dans les mêmes localités et ne montrent pas de formes de transition ; chez lune de ces formes les femelles didèrent des mâles par la coloration et les dessins et chez l'autre par une longue queue spatulée qui termine chaque aile postérieure. Les deux sexes d'un autre Papilionide à queue d'hi- rondelle de l'Amérique du Nurd, le Papilio turnus offre un fond d'une teinte jaune à New-York et à la Nouvelle-Angleterre, tandis que la femelle est noire dans le sud de l'Illinois. Et dans nos bois humides ne voit-on pas voler la charmante Carte géographique qui, suivant les saisons, se montre sous deux aspects si dissemblables que l'on a pen- dant longtemps distingué deux espèces : Vanessa {Araschniu) prorsa et levana? Ces phénomènes offerts par une seule espèce ont été désignés souslenomde Dimorphisnie et même sous l'appellation plus générale de Polymorphisme, car il est des cas où une même espèce se présente sous plusieurs formes: tel esi le PiipilioOrinemis des îles Oéaniennes, qui a trois sortes de femelles. Mais rien n'est aussi étrange que le polymorphisme du Fapilio Mtrope de l'Afrique australe ; personne n'aurait jamais soupçonné une parenté entre le mâle aux ailes soufrées bordées et tachetées de noir porteur d'une queue spatulée et les femelles sans queue ; les unes à fond noir coupé d'une bande d'ocre pâle et constellé de petites taches jaunes ou blanches, d'autres noires ornées de larges taches blanches, d'autres encore à fond noir interrompu par une large bande orange et semé de quelques taches blanches. Dans les temps actuels les faits en question ont acquis une grande importance aux yeux deWallace, de Darwin et ses adeptes dans la théorie de l'ori- gine des espèces. La localisation d'une de ces for- mes amenée par des causes diverses, donnerait naissance à une espèce ; c'est ainsi que se seraient créés les différents types. Wallace surtout, qui a observé et étudié dans ses voyages la faune des Archipels de la .M.daisie, a défendu pur de nom- breux arguments l'opinion de l'appaiilion, même actuelle, des espèces nouvelles par isolement et fixation des formes polymorphiques. itppsireilii de la roproiliiction. — Les organes de repioduclion occupent généralement la partie postérieure de l'abdomen et consistent chez le mâle en une paire de glandes soit simples, soit muHilo- bées où se développent les éléments fécondateurs, auxquelles s'ajoutent des glandes annexes et sou- vent des réservoirs formés par la dilatation des ca- naux déférents des glandes principales ; ces canaux se réunissent en conduit unique qui se 'ermine par un organe diversement conformé. Les femelles ont deux ovaires composés chacun d'un certain nombre de gaines constituant autant d'ovaires indépen- dants qui s'ouvrent dans un oviducte dans lequel débouchent une ou plusieurs poches, destinées à recevoir et à conserver le liquide fécondateur, la poche copulatrice et une paire de glandes sébacées. Chez les Lépidoptères, le Bombyx du mûrier par exemple, la séparation des parties est poussée très loin ; un oriHce particulier conduit dans la po- che copulatriie, qui se relie par un étroit conduit au réservoir des éléments fécondateurs, l'oviducte débouchant au dehors par un orifice distinct. Nous insisterons en parlant du Ver à soie sur l'impor- tance, physiologique de cette disposition. ^^?X ^vf a' "'' ^ ~"^ Fig. 88 i 90. - OEufs dune Tipulide grossis 200 fois. Annelés. Les bourrelets germinaux s'accroissent peu à peu latéralement de manière à entourer complètement le vitellus et viennent se réunir sur la ligne médiane dorsale; les zonites sont alors complètement fermés et les arceaux dorsaux cons- titués. En même temps se différentient les feuillets du blastoderme ; le feuillet externe formera la peau de l'embryon elle système nerveux comme chez les Vertébrés ; le reste du blastoderme formera les au- tres organes. Le développement de l'embryon que nous ne suivrons pas plus loin dans ses détails nous apprend que la tôte est composée originairement de plusieurs anneaux primordiaux et que les appendices cépha- liques, thoracique et abdominaux se forment par bourgeonnement à la face ventrale de chaque côté de la ligne médiane. Au bout d'un espace de temps relativement court, hig. 83. OEuf veuinldelre pondu; on \oit en j le niicropyle dans lequel esl cugagi; un élément féeundileur. — l'ig. 89. OEuf deux heures après la ponte. — Fig. 90. OEuf trois heures api-ès la ponte ; le blaslodernie est complètement formé. — c/j, chorioo ou coque de l'œuf. — g, pôle postérieur de l'œuf avec un niicropyle. — y, vi- tellus enveloppé de sa membrane vitelliuc. — b, blastoderme. — a, c, (i, e, globules polaires (d'après Ch. Robin). (Ces globules polaires provieriuent-ils chez les lusetles de la di- vision de la vésicule gcrmiuative ainsi (ju'un l'a constaté sur divers animaux; on l'ignore actuellement.) DÉVELOPPEMENT ET MÉTAMORPHOSES. Fig. 91. — Embryon d'un Cliirnnome (Diptère). Fig. 92. — Jeune Saumon venant d'éclore. Comparaison de l'embryon de l'Articulé et de l'embryon du Vertébré. le jeune est assez fort pour briser la coque de lœuf et commencer son existence indépendante. Le jeune est une Larve qui la plupart du temps n'a pas la moindre ressemblance avec l'Insecte parfait ; le plus souvent, il rampe comme un Ver sur le sol ou dans la terre, cherchant sans cesse à apaiser à l'aide de feuilles, d'animaux ou de matières tom- bés en putréfaction, une faim toujours inassouvie ; l'Insecte parfait au contraire sous une physionomie toute différente a les mouvements légers, voltige dans les airs et choisit pour sa nourriture le miel et la rosée du matin. L'état de Nymphe, période de repos, se place entre ces deux états et leur sert de transition. Ainsi donc ce n'est qu'après s'ûtre dé- pouillé de ses enveloppes de Larve et de Nymphe qu'apparaît l'Insecte parfait, c'est-à-dire dans l'étal qui représente l'image (Imago pour les auteurs anglais et allemands) accomplie de l'animal que ces enveloppes avaient masquée. Développemeut postembryonnaire. — lléta- morphose. — En d'autre termes l'Insecte subit des transformations ou Métamorphoses complètes. Ce- pendant tous les Insectes ne subissent pas d'une manière absolue de tels changements ; d'autres, en minorité toutefois, dont les Larves ressemblent en- tièrement à leurs parents, et auxquels il ne manque que des ailes, quelques articles aux antennes ou aux membres, n'ont que des Métamorphoses incomplètes; ce sont des ôtres de transition entre les Arthropodes Fig. 91. — Embryon de Chirommus. — v, -vésicule -«itelline. — c, cerveau ou ganglion sus-œsophagien. — *y, ganglion sous-œso- phagien. — ç.git... jxn, chaîne ganglionnaire. — at, antenues. — mrf, mandibule. — ma, mâchoire. — l, lèvre inféiieure. — d, i-égiun antérieure et postérieure du tube digestif. — a, anus. (D'après M. Veismann.j Breum. à Métamorphoses complètes et ceux qui ne pas- sent point par des Métamorphoses pour arriver à l'état parfait. Il est des Insectes (Cantharidides) qui subissent des Métamorphoses plus compliquées, ainsi que l'a découvert M. Fabre en 18S7,carils passent succes- sivement par l'état de Larve carnassière, de Larve mellivore , de Pseudonymphe immobile, et enfin de véritable Nymphe avant d'arriver à l'état par- fait. On dit que ces Insectes ont une llypermé- tamorphose. La Métamorphose des Insectes n'est pas restée inconnue aux observateurs de l'antiquité la plus ténébreuse et a été, de bonne heure, comparée à l'existence corporelle et spirituelle de l'Homme. Swammerdamm, qui a pénétré profondément les mystères delà nature, savait bien jusqu'à quel point il lui était permis de pousser la comparaison ; ce- pendant, dans un passage de ses œuvres, il se laisse entraîner : « la Métamorphose des Papillons, dit- il, se passe d'une manière si extraordinaire afio que nous ayons devant les yeux l'image de la résur- rection et que nous puissions la loucher de nos mains. » Regardez cette Larve qui rampe sur la terre et se nourrit d'aliments grossiers ; après des semai- nes, des mois, elle termine son obscure carrière et tombe dans un étal de mort apparente; enveloppée d'une sorte de linceul, renfermée dans un cercueil, elle est ordinairement ensevelie sous terre oit elle reste immobile. Ranimé par la chaleur des rayons Fig. 92. — Jeune Saumon venant d'éclore. — v. vésicule ombi- licale ou ïitelline. — c, cerveau. — m, moelle épiuière. — eu, co- loune vertébrale. — b, bouche. — d. tube digestif. — a, anus. — CŒy cœur surmonté de la braochie. (U'après un dessin inédit de M. Gerbe.) VU — 7 50 INTRODUCTION. solaires, l'Insecte surgit hors de son tombeau na- guère maintenu fermé par la terre, l'air et l'eau; il rejette ses humbles vêtements et rev6t une riche robe de noce pour se préparer à jouir d'une existence accomplie. Toutes ses facultés se déve- loppent, et bientôt il gravit le degré le plus élevé de perfection que sa nature lui permette d'atteindre ; il n'appartient plus à la terre, c'est un être aérien qui puise le nectar dans le calice des fleurs, s'enivre d'amour et met en œuvre les admirables facultés que naguère il ne savait pas posséder; dans son sommeil, il a acquis de merveilleux outils, que des sens d'une perfection idéale lui permettent de mettre en œuvre. (( Voyez le Papillon : c'est moins un animal à part que la floraison d'un autre animal. Le Papillon est un âge du Vermisseau, comme la fleur est un mo- ment passager de la plante. Une créature peu douée en apparence, peu riche de vie et de conscience, condamnée, vous le diriez, à ne représenter, dans la nature, que la laide et pâle existence, à faire nom- bre et à remplir un des vides de l'échelle infinie, s'éveille tout à coup. L'Insecte lourd et rampant devient ailé, idéal ; sa vie est tout aérienne; être de terre, pétri de grossières humeurs, il devient hôte de l'air et fils du jour. Qui a fait cette merveille? L'amour. — Le Papillon, c'est la période d'amour. N'admirez plus s'il épand ainsi ses ailes, s'il caresse toute fleur, s'il poursuit çà et là son joyeux caprice. Tout est d'or à ses yeux, tout nage pour lui dans cette atmosphère embrasée qui fait la beauté des choses. Heureux être! il s'épanouit à son heure, il rejette sa lourde robe de boue ; il s'enivre, il mène durant quelques moments la plus céleste des vies, puis il meurt. ''Il ne fleurit que pour mourir. Sitôt qu'il a pu assouvir sa soif, sitôt qu'il a bu sa pleine coupe de joie, il se dessèche. Heureux! Pour lui, aimer, c'est vivre; avoir aimé, c'est mourir! Je ne doute pas que, durant ce court espace, U ne se con- dense en la conscience de ce petit être tant de volupté, que sa vie fugitive ne l'emporte sur celle des plus puissantes créatures et ne dépasse de beaucoup en valeur celle de la grande majorité des hommes. — Court et briflant éclair, fleur d'un jour, salut à loi, ô bien-ainié de Dieu, à toi dont la vie resserre en quelques heures ces trois moments divins : fleurir, aimer, mourir (1)1 » Le Papillon doré posé sur la croix tombale de nos morts passe pour une allégorie de la résurrec- tion que chacun peut interpréter à sa manière ; soit comme allégorie de la résurrection dans le sens des idées de Swaramerdamm, soit de l'immortalité de l'âme qui dans le cas particulier s'est échappée du corps qui la tenait captive, à l'instar de ce l*apillon qui prend son essor vers la lumière céleste après avoir abandonné sur la terre sa dépouiUe de nymphe : (l)F.rnC5t liciiaii, Catiban. pour devenir ce Papillon analugue aun auges? » Los anciens regardaient le changement de la Che- nille en Papillon comme une transmutation réelle. i( Imô si transmutantur et animalia et plantx, cur idem metallis denegatum? » disait Moufel, l'historien des^ Insectes à une époque où l'Alchimie était en honneur. Malpighi fut le premier qui, dans son Anatomie du> Ver à soie, constata que la Chenille, la Chrysalide et le Papillon sont trois formes d'un môme être : et Swammerdamm démontra que, sous la peau de ht Larve prête à se changer en Chrysalide, se trouveni les membres de l'Insecte adulte : « La Chenifle dit-il, est le Papillon môme revêtu d'une membrane qui. nous cachait tous ses membres » ; et plus loin le grand anatomiste précise sa pensée sur les I\léta- morphoses dans une image toute poétique : « Les Nymphes sont cachées dans le ver, ou plutôt sous^ la peau, de la môme manière qu'une fleur tendre est renfermée dans le bouton. » Aux yeux de Swammerdamm , il n'y a ni transmutation ni métamorphose, fl y a seulement accroissement par addition de parties, accroissement par épigénése. Réaumur a confirmé les vues de l'observateur hollandais et a montré expérimentalement que les pattes des Papillons n'étaient autres que les pattes écaifleuses des Chenilles. Bonnet, le philosophe- naturaliste, avait une notion très précise de la Molamorphosc lorsqu'il l'analysait sous le rapport psychologique : « L'Insecte, dit-il, qui est d'abord Chenille, puis Chrysalide et enfin Papillon, ne revêt pas autant de Personnalités différentes qu'il revêt de formes ; ou, pour m'exprimer correctement, if n'y a pas trois Moi dans la Chenille La Che- nille n'est que le masque du Papillon ; c'est donc- toujours la môme individualité, le même Moi, mais qui est appelé à sentir et à agir par différents or- ganes en différents (sic) périodes de sa vie. » l\lais Bonnet avait des idées très confuses sur le phéno- mène physique de la Métamorphose ; entraîné par sa théorie de l'emboîtement des germes, il prétend que « le germe de l'Insecte qui se métamorphose contient actuellement toutes les enveloppes dont cet Insecte doit se défaire, et tous les organes qui les accompagnent. Ces différentes peaux, emboî- tées les unes dans les autres, ou arrangées les unes sur les autres, peuvent être regardées comme autant de germes particuliers renfermés dans le germe principal Dans les six premières jambes de la Chenille sont emboîtées les six jambes du Papiflon. » Lyonet, Herold ont le mérite de recon- naître dans les Chenilles la présence des rudi- ments des ailes du Papillon, et Pictet constate que chez les Névroptores (Phryganides), s'il y a relation entre les anciennes pattes et les nouvelles, il y a cette dillérence que les muscles de l'ancienne jambe ne sont aucunement les muscles de la nou- velle, et que la formation de ces nouveaux organes est tout à fait indépendante des anciens. :> DÉVELOPPEMENT ET MÉTAMORPHOSES. 51 Fi g. 03. Fig. 96. l'ig. 'J7 METAMORPHOSE COMPLETE. Fig. 93 à 99. — Métamorphose d un Hyniénoptère (Abeille). Larve, nymphe et adulte. Métamorphose des tissus. — La Métamor- phose dos formes extérieures des Insectes est tou- jours accompagnée de la Métamorphose des or- ganes inlernes ; il n'y a pas seulement appari- tion d'appareils n'existant pas auparavant, il y a adaptation de certains organes à des fonctions nouvelles, il y a création d'éléments anatomiques nouveaux. On peut concevoir que la patte écail- leuse de la Chenille devient la patte du Papil- lon, mais il est plus difficile de comprendre com- ment les mandibules et les mâchoires de cette même Chenille vont se modifier pour constituer la trompe du Papillon ; il est encore moins aisé de comprendre comment une Larve apode, qui ne pos- sède que des faisceaux musculaires servant à la reptation, acquiert des mucles puissants capa- bles de mettre en mouvement des rames aériennes. Nous allons esquisser à grands traits ce que nous avons appelé le développement postembryonnaire. Dans une Larve, quelle qu'elle soit, tout organe appendiculaire qui existera plus tard soit dans la Nymphe, soit dans l'Insecte adulte, se trouve à l'état embryonnaire ; c'est ainsi que les ailes des Lépidoptères, par exemple, existent sous la forme de replis de la peau, que les yeux, les antennes, les pièces buccales, les pattes, les ailes, etc., des Diptères, se montrent sous la forme de petites masses, replis de l'hypoderme. M. Weismann a donné à ces masses le nom de Scheiben (disques), nous leur avons préféré (Kiinckcl) le nom i'histo- blastes qui ne préjuge en rien leur forme et in- dique leur nature embryonnaire. D'après cela on conçoit très bien que. si un de ces appendices a paru dans la Larve, il se retrouve dans l'adulte en ayant subi des modifications de grandeur et de forme ; c'est ainsi que nous voyons la grande lè- vre inférieure préhensile et rétraclile des Larves de Libellules devenir la lèvre inférieure courte et immobile des Libellules adultes. Les modifications de forme des appendices ou leur apparition entraînent des transformations dans le système musculaire ; c'est alors que nous voyons Fig. Ç3 et 95, larve grossie, en dessous et en dessus. — Fig. 89, «elte dernière de grandeur naturelle. — Fig. 97 et 99, ujmphe gros- se constituer presque entièrement de nouveaux muscles; quelques faisceaux peuvent demeurer no- tamment dans l'abdomen, mais les muscles mo- teurs des ailes en particulier se constituent de toutes pièces. Certains auteurs (Weismann) admet- tent que les nouveaux muscles sont constitués par les matériaux des muscles anciens, d'autres (Kiinckel) pensent qu'ils sont créés avec des maté- riaux nouveaux, et ne croient pas que des fibres dégénérées puissent recùnstiluer des fibres actives ; dans ce cas des cellules musculaires embryonnai- res se développeraient aux dépens du tissu adipeux. Le système nerveux se modifie d'une manière très remarquable; dans la plupart des Insectes le nom- bre des ganglions tend à diminuer par suite de la rétraclion des connectifs qui détermine la coales- cence de plusieurs d'entre eux chez les Lépido- ptères, Coléoptères, etc. (d'après Herold, Ncwport, M. Blanchard); mais chez tous les Diptères apparte- nant aux cinq grandes familles des Stratiomydes, Tabanides, Syrphides, Conopides, .Muscides acalyp- térées (d'après Kiinckel, Ed. Brandi), les ganglions très rapprochés et même confondus dans les Lar- ves, au lieu de se fusionner, se dissocient, et de longs connectifs se constituent pour les réunir les uns les autres. Les organes digestifs subissent aussi des transformations considérables ; c'est ainsi que Herold et Newport nous ont montré heure par heure la transformation de l'estomac long et vari- queux de la Chenille en l'estomac court et dilaté du Papillon, l'apparition du jabot, la modification des glandes séricigènes, ainsi que le refoulement dans l'abdomen des tubes deMalpighi. Ces phénomènes sont accompagnés de la mue de la cuticule du lube digestif, de la dégénérescence des fibres de la tu- nique musculaire ; la tunique propre, restant pour servir de base à la reconstitution générale. L'appa- reil respiratoire subit lui aussi de grandes modifi- j cations ; chez les Larves il y avait généralement un système de trachées longitudinales et transversales tubulaires, il va se constituer sur leur trajet de vas- tes ampoules ; et dans les Nymphes de Diptères, m dessus et eu desa naturelle. — Fig. s. — Fig. 9*, nymphe en dessus, de 3, adulte de grandeur naturelle. 52 INTRODUCTION. il apparaîtra un système de transition avec stig- mates particuliers et un admirable réseau de tra- chcoles en anses. Les organes de la reproduction existaient àVétat embryonnaire dans la Larve, vont se constituer entièrement dans la Nymphe et se développer rapidement. En résuwié, dans la Métamorphose des organes il se passe deux phénomènes bien distincts, le pre- mier phénomène consiste dans la destruction des éléments anatomiques hors d'usage (histolyse) ; le second consiste dans la reconstitution d'autres éléments anatomiques (histogenèse) ayant à rem- plir des fonctions nouvelles ou à entrer dans des organes nouveaux. Les produits provenant des éléments dégénérés sont enlevés par les tubes de Malpighi et rejetés sous forme de méconium au moment de l'éclosion ; les matériaux de construc- tion des éléments nouveaux sont puisés dans la masse du tissu adipeux dissocié qui joue le rôle d'un viteUus poslembryonnaire (Kiinckel). Accroissement et mues. — Que le développe- ment soit continu, régulier, comme chez les In- sectes à Métamorphoses incomplètes, soit qu'il ait lieu après des intervalles de repos comme cela a lieu quand la Métamorphose est incomplète, il est toujours accompagné du phénomène de la mue qui se renouvelle plusieurs fois pendant la période d'é- volution. Le phénomène de la mue consiste essen- tiellement dans le dépouillement complet de l'en- veloppe tégumentaire chitineuse, dans le rejet de ce qu'on appelle la cuticule. Les mues ont lieu à des époques déterminées, elles se font plus tôt chez les uns, plus tard chez les autres, se renouvellent plus ou moins fréquemment, orninairement trois à quatre fois, mais pas plus de sept à huit fois. Chaque mue est une véritable crise qui a tous les symptômes d'une maladie; les Larves demeurent immobiles, cessent de manger et de- viennent extrêmement sensibles aux influences ex- térieures, surtout aux intempéries des saisons ; l'an- cienne peau se déchire à la région dorsale, et l'animal, s'aidant de violents mouvements, parvient à se dégager revêtu d'une livrée plus fraîche, parfois colorée tout autrement, parfois agrémentée de quel- ques ornements nouveaux. Tous les appendices, tous les poils se dégagent de l'ancienne peau ; re- jetée, cette peau représente le plus délicat mou- lage d'être vivant qu'on puisse imaginer. La mue est un phénomène résultant essentielle- ment de l'accroissement de l'animal; celui-ci, em- prisonné dans un vêtement trop étroit, s'en débar- rasse pour tirer de sa propre substance un habit neuf plus ample qui lui permette de prendre un nouvel embonpoint. En termes scientifiques l'Ar- thropode se dépouille à différentes reprises, sui- vant les nécessités de sa croissance, non pas de sa peau, mais de la cuticule chitineuse qui recouvre cette peau proprement dite ou hypoderme; cet hy- poderme sécrète de nouveau, sous la forme de gouttelettes liquides qu'on voit suinter de toutes parts, une matière qui ne tarde pas à se solidifier au contact de l'air pour constituer une cuticule chitineuse (Larves et Nymphes) et même un véri- table squelette externe {Insectes à Métamorphoses incomplètes). Le renouvellement cutané n'est pas seulement extérieur, les appareils internes prennent part à ce rajeunissement ; les tubes respiratoires aussi bien que le canal digestif rejettent leur tunique interne, et subissent même quelquefois un changement sen- sible ; c'est ainsi que les Larves aquatiques perdent très généralement leurs branchies à leur dernière mue, car aucun Insecte adulte, comme nous le sa- vons déjà, ne possède ces organes, à l'exception toutefois de certains Névroptères, les Pteronaicys. Toutes les Larves, quelles qu'elles soient et quel que soit le milieu où elles passent leur existence, sont soumises à la mue ; on a pu croire pendant un certain temps que celles qui sont plongées dans certains liquides ne muaient pas ; cela tenait à une erreur d'observation, les Larves d'ÛEstrides {Hypoderma) qui vivent dans la sanie des tumeurs qu'elles déterminent sous la peau des Bœufs, des Chevreuils, des Cerfs, les Larves de Muscides qui pullulent dans les plaies ou les matières en décomposition toutes fluides changent de peau ; les modifications qui s'accomplissent dans les pièces buccales et dans les stigmates en fournis- sent la preuve aussi bien que l'observation directe. Il est un cas unique où une dernière mue s'accom- plit tardivement non plus chez la Larve, mais chez l'Insecte adulte : les Éphémères, abandonnant leur enveloppe de Nymphe, quittent les eaux où elles- ont vécu et s'envolent ; mais bientôt elles s'arrê- tent pour se cramponner solidement aux objets en- vironnants ; et l'on est tout surpris de voir de cette Éphémère sortir une autre Éphémère délicate et transparente qui ne tarde pas à prendre la volée, laissant une dépouille qui semble l'Insecte en- dormi. C'est seulement pendant la période larvaire que s'accroît l'Insecte ; de là l'incomparable voracité des Larves et des Chenilles et l'augmentation continue des proportions de leur canal digestif. La destruc- tion des substances végétales que peuvent occasion- ner les Larves dans les jardins, les forOls, les champs et les pâturages, sont surtout appréciés par ceux-là mêmes qui ont à en supporter les dommages. Une Chenille peut, par exemple , consommer en vingt- quatre heures plus du double de son poids de nour- ritute végétale, et augmenter d'un dixième le poids de son corps ; la Chenille du Sphinx ligustri, mau- vaise fileuse, lorsqu'elle atteint toute sa taille, pèse 1000 fois plus qu'àsa sortie de l'œuf; le Ver à soie, qui accumule dans ses glandes séricigènes une immense quantité de soie, pèse au bout de trente jours 9 300 fois plus qu'au moment de sa naissance ; DÉVELOPPEMENT ET METAMORPHOSES. 53 ilélait long de I millimètre et sa taille mesure 02 à 06 millimètres. Mais le développement qui dépasse en rapidité tout ce qu'on peut imaginer est celui des Larves des )iusc\des^ {Muiifa,Calliphor(i, Liicili'i, Sarcophagn) ; chacun a pu les voir à l'œuvre ces vulgaires asticots, et observer que leur volume augmentait avec une prodigieuse accélération. Si nos Animaux domestiques possédaient à un tel de- gré la faculté d'assimilation, ce serait merveille, ils engraisseraient à vue d'œil et leur précocité serait vraiment extraordinaire. Des liarves. — Les Larves des Insectes qui su- bissent des Métamorphoses complètes ont la forme allongée et le corps enfermé dans des anneaux égaux et réguliers mais ne sont pas pour cela des Vers dans l'acception zoologique rigoureuse du mot Ver: quoiqu'on ait l'habitude de les designer ainsi de proférence quand on dit : Vers du blé (Larves de Fig. 100 ei lui. — Larve pourvue de pattes et larve apode. (Coléoptères.) Charançon), Vers de l'arine (Larves de Ténébrion), Vers de vase (Larves de Chironome), Vers gris (Che- nilles d'Agrostis), Vers de la noisette (Larves de Bala- nimis], ou de la pomme (Chenilles de Carpocapsa) ; en général quand il s'agit de bois, de fruits attaqués, on dit qu'ils sont piqués des Vers. Ce sont ordinai- rement les Larves apodes qu'on désigne sous cette appellation. Malgré leur apparence vermiforme, les Larves présentent entre elles des différences notables. En premier lieu il y a des Larves munies de pâlies et d'autres qui en sont privées. Celles-là ont à la suite de la tête cornée trois anneaux qui deviendront la cage thoracique de l'Insecte parfait; ces anneaux portent trois paires de pattes articulées (fig. '.15) se terminant en une ou deux griffes et sont nommées pattes thoraciques en raison de leur insertion, mais plus généralement pattes écailleuses, expression peu heureuse passée dans le langage entomolo- gique. Si elles manquent, la Larve est considérée Fig. 100. — Larre pourvue de pattes (S/aps). — FI», loi. — Larve «pode (Céraml>i/x). comme apode fig. (01), alors môme que des protu- bérances verruqueuses indiquent la place des appendices locomoteurs. En dehors des pattes tho- raciques, il peut encore se présenter sur quelques- uns ou sur la majorité des anneaux des pattes ven- trales ou pseudopodes, qui ne sont jamais articulées, mais apparaissent comme des expansions cutanées : telles sont les pattes membraneuses des Chenilles ^fig. 102, des Larves de Syrphidcs (En's^i/is, Ilelophi- Fig. 102. — Larvb pourvue de pattes vraies et de pattes membraneuses. (Clienille de Bombycide.^ lus, Volucellu, etc.), de Tabanides, etc. Le corps de la Larve étant composé de douze anneaux au plus, sans la tète, le maximum possible du nombre des pseudopodes sera de 2i. La tète cornée a les pièces buccales construites pour la mastication môme dans le cas où l'Insecte parfait a la bouche conformée pour la succion ; cependant chez les Larves de Muscides, de Syr- phides (Diptères) la bouche est déjà disposée pour favoriser la succion. Les Larves sont tanlôtcéphalées, c'est-à-dire pour- vues d'une tête cornée, tantôt acéphalées, la partie antérieure sans forme déterminée ayant la faculté de sortir et de rentrer; cette extrémité pointue et rétractile n'est pas une tète, car elle ne renferme pas le cerveau, qui est refoulé dans le troisième et le quatrième anneau. Ces Larves seront étudiées de plus près lorsque nous traiterons des Diptères. A l'état de Larve certains Insectes suceurs broient leurs aliments; on peut déjà conclure que la diffé- rence de structure de la bouche, en rapport avec 54 INTRODUCTION. la manière de vivre de chaque espèce, laisse entre- Toir d'autres dilTéreiices dans les mœurs. Parmi les Larves, les unes vivent à l'état de liberté sur les plantes, et il n'est pas rare que leur robe soit revêtue de couleurs brillantes ou d'ornements élégants, poils, épines ou tubercules; d'autres se tiennent sous les pierres, sous les feuilles pourries ou choisissent d'autres retraites cachées qu'elles ne quittent que de temps h autre, surtout la nuit; d'autres enfin ne se montrent jamais au dehors et passent leur existence tantôt dans la terre ou les plantes dont elles creusent et minent diverses par- lies, racines, liges ou feuilles; tantôt dans le corps des animaux, tantôt dans l'eau des mares, des ri- vières et des torrents. Les Larves lucifuges se distinguent entre toutes par une teinte pâle incertaine ; et une coloration plus définie et plus foncée ne se montre que surlesparties Fig. 103 à 107. — l'ourreaux construits par les larves de Pliryganides. fortement imprégnées de chitine ; elles sont imman- quablement plus claires encore après chaque mue. Quelques Larves savent se construire un four- reau qu'elles portent avec elles et où elles se réfu- gient au moindre soupçon de danger; c'est avec la soie qu'elles sécrètent qu'elles construisent leurs demeures, mais elles savent y joindre des bûchet- tes (Chenilles à'Œceticus), des feuilles, des liges de graminées, des brins de mousse (Chenilles de Psy- ché), des fragments de feuilles découpées, des par- celles d'étofTes empruntées aux matières dont elles se nourrissent (Chenilles des Tinéides) ; certaines Chenilles de Psychides ont le privilège d'établir des fourreaux contournés en hélice qui imitent à s'y mé- prendre les coquilles des petits colimaçons ; les Lar- ves de Phryganides (Névroptères) se tissent des ha- bitations portatives qu'elles couvrent de fragments de bois, de sable, de débris de coquilles rencontrés au fond des mares et des ruisseaux, et l'aspect de ces habitations varie à l'infini suivant les espèces et les milieux ; parmi les Cléoptères les Larves de Cbjlhra errent çà et là, portant un abri formé de parcelles de terre agglutinées. Toutes ces Larves se déplacent à l'aide de leurs trois paires de pattes anté- rieures et se cramponnent au moyen de leurs pattes membraneuses ou de leurs pseudopodes à l'intérieur de leurs fourreaux. C'est dans ces demeures por- tatives dont elles calfeutrent l'ouverture qu'elles accomplissent leurs métamorphoses ; on peut dire qu'elles passent leur vie entière dans un cocon. Dp8 tVrmplieg. — L'Insecte, pendant le stade du développement qui précède sa Métamorphose et qui se termine par une dernière mue, est une Nymphe. La Nymphe diffère quelquefois à peine de la Larve (fig. 112); active comme elle, elle continue à prendre de la nourriture, et ses pièces buccales — \ymplies et Clirysalides. sont semblables (Libellules, Éphémères, parmi les Névroptères, tous les Orthoptères, tous les Hémi- ptères, etc.). Les Insectes qui ont de telles Nymphes sont dits à Métamorphoses incomplètes. Les Nym- phes peuvent différer absolument des Larves ; inac- tives, ou exécutant à peine quelques mouvements des anneaux de leur abdomen, elles sont incapables de prendre le moindre aliment. Les Insectes qui possèdent de telles Nymphes sont appelés à Méta- morphoses complètes. Ici immédiatement après la mue qui donne naissance à la Nymphe apparais- sent distinctement sur celle-ci les antennes, les rudiments des ailes, les pattes enveloppées d'une pellicule transparente; la Nymphe reproduit alors les formes exactes du futur Insecte ; les trois princi- pales sections du corps ainsi que les anneaux de à 110. — NjmplK HaDQelon, vue ( vue en dessous, — hrvsalide de Bumin 5 libres ou en momies. — V'i^. 108. n dessus. — Fig. lO". Njmphe de Fig. 110. Nymphe de (erarabji. — DÉVELOPPEMENT ET METAMORPHOSES. 5S l'abdomen s'nccusent nettement (fig. 108, 109 et III). On a alors des Nymphes libres semblables k des «momies», (Coléoptères, Hyménoptères ; Pbrygani- des et MjTméléonldes parmi les Névroptères; Culici- des, Tipulides, Asilides, etc., parmi les Diptères). Celte reproduction n'est pas toujours aussi fidèle ; les appendices peuvent se consolider, se souder, s'ap- pliquer sur le corps, avec lequel ils forment un tout recouvert d'une peau chitineuse durcie, par exemple chez les Papillons, on a alors des Chrysalides. Le futur Insecte peut encore Ûtre mieux emmail- lollé si la dernière dépouille se sépare simplement du corps de la Larve pour constituer à la véritable Nymphe une enveloppe prolectrice supplémentaire. C'est ce qui arrive chez les (Eslrides, les Stratio- mydes, Syrphides, les Mouches proprement dites : la peau de la Larve, en se desséchant, conserve sa forme ou prend celle d'un tonnelet et protège la véritable Nymphe enveloppée seulement d'une peau transparente d'une fragilHé extrême. 11 ne faut pas confondre ces tonnelets avec certains co- cons qui leur ressemblent beaucoup par les appa- rences extérieures et sont fabriqués par les Larves des Hyménoptères. Très communément, ainsi que nous l'avons déjà dit, la Larve file un petit amas de soie pour se pendre par les pattes postérieures transformées (Lépido- ptères nymphalides) qui constituent la prétendue queue des Chrysalides (Kiiuckel), ou bien pour s'at- tacher par une ceiuture de soie et par la prétendue queue (Lépidoptères papilionides) ; elle fait, pour s'en entourer, un cocon soyeux ou une coque de consistance parcheminée, soUde et épaisse, qui au dehors ne trahit en rien son origine. Dans la plu- part des cocons on distingue les tils avec lesquels ils sont tissés-, dans les coques il "est impossible de déceler la nature de la matière constituante. En général les Nymphes nues ne sont Jamais abandonnées aux rayons solaires directs ni aux in- tempéries ; — les ChrysaUdes des Lépidoptères diur- nes exceptées, — eUes restent cachées sous la terre, sous les feuilles, les écorces ou à l'intérieur d'au- tres corps ; au contraire les Nymphes recouvertes ou entourées d'un cocon se trouvent à l'air libre. On peut admettre que le revêtement, de quelque nature qu'il soit, préserve l'être sans défense contre les mouvements et les froissements, qui seraient une cause perturbatrice pouvant entraver le déve- loppement complet de l'Insecte. Il paraît naturel que la Nymphe se trouve gé- néralement aux endroits oii se tenait la Larve, et cependant il n'en est pas toujours ainsi. Aucune Larve vivant dans la terre ne sort, il est vrai, pour se transformer, mais par contre un grand nombre de celles qui ont vécu sur les feuilles, dans les fruits, dans l'intérieur des tiges ou des animaux abandonnent leur premier séjour et vont se mé- tamorphoser dans le sol. On ne saurait toujours dire quel est le motif qui pousse la Larve à changer de domicile. Si la Chenille perforante sort de sa re- traite avant de se changer en Nymphe soi-disant parce que le Papillon avec sa bouche désarmée ne pourrait se frayer un passage à travers une tige de roseau, le bois d'un tronc, etc., il ne s'ensuit pas que celte supposition juste en apparence soit fondée ; en effet, c'est précisément parmi les espèces perfo- rantes que nous trouvons peut-être le plus grand nombre de Nymphes qui restent à l'endroit même où la Larve a vécu. Celle-ci avant sa transformation, poussée par son instinct, a ménagé une galerie de sortie et n'a laissé qu'une mince cloison à l'oritice ; quelquefois môme, après avoir avoir percé une ou- verture complète elle l'a refermée avec un léger tissu soyeux que le Papillon déchirera aussi aisément que la cloison végétale. Beaucoup de Nymphes sont armées de petites épines où d'autres aspérités peu visibles qui les re- tiennent aux objets pour donner à l'Insecte parfait un point d'appui et diminuer ainsi les fatigues du pénible travail que nécessite son éclosion. Certaines larves aquatiques abandonnent l'eau pour se transformer (Larves de Dysticides, d'Hy- drophilides parmi les Coléoptères; Larves de Slra- tiomyides, d'Éristales, d'IIélophiles, etc., parmi les Diptères). Beaucoup d'autres se changent en Nvm- phe dans le milieu liquide, mais des modifications profondes se déclarent à ce moment dans leur appareil respiratoire ; tels Insectes Diptères qui respiraient par un siphon caudal (Larves de Cou- sin, de Ptychoptère), ou par des branchies pos- térieures (Chironome, etc.), respirent au moyen d'appareils particuliers situés sur le prothorax : c& sont des cornes sligmatifères [Culcx, Corethra), un long appendice stigniati fère {Ptyrliopteraj, des houp- pes branchiales {Chironomus) ; tous ces appendices quels qu'ils soient donnent aux Nymphes les aspects les plus singuliers. Des changements semblables s'accomplissent chez des Larves et des Nymphes ter- restres {Volucella, Syritta et Syrpliides en général). Durée de l'éTolution. — Mais il est aussi des cas où il faut bien reconnaître que nous ne savons pas pourquoi les choses se passent tantôt d'une fa- çon et tantôt d'une autre ; la nature veut-elle seu- lement nous donner le spectacle de son génie in- ventif'? L'Insecte est comme la plante annuelle qui pen- dant toute son existence ne développe qu'une fois sa tige, ses fleurs et ses fruits et qui, à la maturité, a atteint le but de sa vie, en assurant, par ses grai- nes apte à la germination, la conservation de son espèce. 11 a rempli sa tâche quand, après avoir passé par l'état d'QEuf, de Larve et de Nymphe, il a atteint sa maturité et selon la règle s'est accouplé une seule fois. Le mâle meurt bientôt après; la femelle périt seulement quand elle a pondu ses œufs féconds, ce qui arrive au bout d'un temps assez court ou plus lard à l'approche de l'hiver. La reine des 56 INTRODUCTION. Abeilles conserve ses fonctions génératrices pen- dant des années, mais ce fait ne renverse point la règle. L'Insecte, quoiqu il ne soit pas complètement annuel comme les plantes auxquelles nous l'avons comparé, a donc la vie courte ; mais certaines espèces se reproduisent si rapidement qu'elles ont plusieurs générations dans l'espace d'une année, tandis que d'autres n'en ont qu'une seule au bout de cinq ans. Au Mexique ce n'est qu'au bout de cent ans que l'Agave produit une hampe florale de la hauteur d'une maison ; au bout de quelques semaines elle se développe en un magnifique lustre pyramide se ramifiant en un millier de bouquets de fleurs qui brillent comme de petites flammes à l'extrémité des rameaux ; un siècle est nécessaire pour l'accom- plissement du phénomène qui exige à peine un an chez nos plantes estivales. De même, dans l'Amé- rique du Nord, un Insecte exige pour son dévelop- pement plus de temps que tous les autres ; une Cigale met, dit-on, dix-sept ans, pour arriver au terme de son évolution et a reçu en conséquence le nom de Cicacla siptemdecim. La femelle pond de 10 à 12 œufs dans un sillon profond qu'elle creuse à l'aide de sa tarière tranchante dans un rameau de pommier résultant de la pousse de l'année précé- dente. A cinquante-deux ou soixante jours de là les larves sortent de leurs œufs, se laissent tomber, puis s'enfouissent à proximité du pied de l'arbre et le rameau meurt et se dessèche. Les Larves se nour- rissent sur place pendant dix-sept ans du suc des racines ; on admet une si longue période, parce que c'est au bout de cet espace de temps que les Cigales apparaissent en quantité prodigieuse. Enfin les Nymphes surgissent de leurs retraites souterraines ; cramponnées solidement aux rugosités du sol, elles se débarrassent de la peau qui les revêt; l'In- secte va jouir de son existence aérienne. Si c'est un mâle, il chante comme notre Grillon; les femelles s'apprêtent et l'accouplement a lieu; la ponte ne tarde pas ; au bout de trente-six jours tout est teminé et les Cigales disparaissent de nouveau pendant dix-sept ans. Il importe, à cette occasion, de porter notre at- tention sur certaines expressions précises dont il sera souvent fait usage par la suite. Ainsi on dit, par exemple, que la génération d'un Insecte est. simple, lorsque celui-ci ne survit pas au cycle de l'année où s'est accomplie sa Métamorphose, alors même qu'il se transforme plusieurs fois ; l'on dis- tingue dans ce cas une génération d'été et une gé- nération d'hiver. Celte dernière embrasse tou- jours une période de temps plus considérable parce que l'Insecte passe toujours l'hiver à l'état de repos dans n'importe quelles phases de son développe- ment. Bien entendu, il n'est pas question de l'année usuelle, mais bien de l'espace de douze mois qui pour les divers espaces n'a pas le même point de départ. La génération d'été de la grande Piéride du chou par exemple débute en avril-mai, époque de la ponte. Les Papillons qui en provien- nent prennent leur essor vers le mois d'août, et la gé- nération estivale est terminée. Avec les œufs de ces Lépidoptères commence la deuxième génération dite d'hiver dont les Chrysalides sont formées avant l'hiver et qui finit en avril avec l'éclositin des nouveaux Papillons. Mais s'il s'agit des Insectes dont l'évolution dure quatre ans comme le Hanne- ton, ou dix-sept ans comme la Cigale citée plus haut, on n'a qu'à mettre de côté les années du calendrier. Comparativement à l'immense quantité d'Insectes connus, il en est peu parmi dont on a suivi com- plètement les phases du développement ; néan- moins ou peut à peu près admettre les lois sui- vantes comme indication des connaissances ac- quises à ce sujet : 1° La vie larvaire est plus longue que la vie de l'Insecte parfait, même si ce dernier passe l'hiver; une exception à cette règle est fournie par les In- sectes qui vivent en communauté (Abeilles, Fourmis, Termites). 2° Les Larves mineuses des bois ou des tiges, les Larves souterraines prennent un temps plus long pour se transformer que celles qui vivent sur les plantes, etc., ou hors du sol. 3' Les Larves apodes et surtout les Larves acé- phales sont celles qui se développent le plus rapi- dement. 4° Plus il faut de temps à la Larve pour acquérir son développement complet, plus est courte la vie de l'Insecte parfait. Les Chrysalides n'éclosent pas toutes avec une parfaite régularité, et souvent la durée de l'évolution est plus longue pour les unes que pour les autres, sans que l'on ait j'amais pu connaître le motif de cette anomalie. Au mois de juin 183(1 Frauendorf remporta chez lui deux nids du Gastropacha lanestris, qu'il avait trouvé en abondance sur un bouleau et qui est si commun en Allemagne. Les Chenilles filè- rent leurs cocons en août. Le premier Papillon appa- rut le i 8 septembre, le second le 1 i octobre ; tous deux étaient des mâles. Une vingtaine d'individus des deux sexes sortirent au printemps de i 837, ce qui était l'é- poque normale, d'autres les suivirent en automne, quelques-uns l'année suivante, et l'éclosion du der- nier de tous eut lieu le 4 mars 1842. Cet individu était donc resté cinq ans et demi à l'état de Nymphe, il avait mis, à se développer, autant d'années que les premiers éclos avaient mis de semaines. On a fait des observations analogues sur d'autres Papillons, ex- cepté chez les Diurnes et les TiniMdes, qui ne pré- sentent pas toutefois de telles dill'érences quant à la durée de leur évolution. 11 ne faut pas s'éton- ner que ces exemples soient surtout connus chez les Lépidoptères, car ce sont eux qui de tout temps ont capté les observateurs et sont le mieux et le plus complètement connus dans leurs Méta- morphoses. Nous citerons les observations sui- DÉVELOPPEMENT ET METAMORPHOSES. 37 Fig. 113. Fig. Ui. UÉTjtHOIlPBOSE INCOMPLÈTE. Fig. 11'.' à IIG. — Métamorphose des Névroptères (Libellulides), Fig. 11.,. Fig. un. vantes fuites sur des Hyménoptères : d'une miime galle rapportée de la Sénéganibie sont sortis des Insectes adultes {Cynips) en septembre 1879 et une année après en septembre 1880 (Kûnckel). J. Smith rapporte que sur deux cent cinquante larves de l'Abeille des murs {Anthophora parietina) vingt-cinq se transformèrent en nymphes pendant l'été de lso2 bien que les œufs aient été pondus en 1849 et que le développement de cette espèce s'accomplisse d'ordinaire en l'espace d'un an. L'expérience a suffisamment enseigné que la chaleur jointe à l'humidité, que l'abondance de nourriture favorisent le développement delà Larve, et que celui-ci est entravé si ces conditions font dé- faut. Tout éleveur pratique de Lépidoptères sait qu'il peut faire éclore dès le temps de Noèl et dans tout l'éclat de ses couleurs, le même Papillon qui à l'état de liberté ne pourrait guère éclore qu'en mai, s il a soin de maintenir la Chrysalide auprès d'un poêle chaud et de l'humecter fréquemment. Tout au contraire, il faut que l'éleveur transporte dans un milieu froid les œufs du Ver à soie, s'il ne veut pas s'exposer au danger de voir éclore au prin- temps les jeunes Chenilles avant que les feuilles de mûrier ne soient poussées. Toutefois si, immé- diatement après la ponte, ainsi que l'a décou- vert M. Duclaux, on soumet les œufs du Bombyx du mûrier au froid en les laissant séjourner dans une glacière, on sera tout surpris de voir ces œufs ra- menés dans une chambre chaude éclore rapide- ment; par une sorte de paradoxe le froid, au lieu de retarder l'évolution, l'a accélérée ; on serait tenté Fig. 11 3. Nymphe iW-Kschna grandis en cliasse saisissant une larve d'Éphémère. —Fig. 1 13. Dépouille de Nymphe abandonnée par l'In- secte parrait. — Fig. 115. Nymphe de Libellula depres&a en chasse Bmehm. de dire que les œufs ont conscience d'avoir passe l'hiver. Ces exemples ne sont pas de ceux qui se présentent dans la nature, dans la pleine liberti; des bois et des champs, ils sont en partie le résultat de l'influence de l'Homme. .Mais notre dire est en core confirmé par d'autres exemples. Un observa- teur attentif peut voir que par un temps défavorablo un Insecte peut apparaître quatre semaines plus lard et même davantage que dans les années propices à son développement ; il ne manquera pas de remar- quer qu'un même Insecte, qui se transforme fort ra- pidement durant l'été, met bien plus de temps à accomplir son évolution si le froid survenant brusquement l'oblige à hiverner. L'influence de la température de l'année nous est démontrée delà manière la plus frappante lorsque nous considé- rons un Insecte très répandu à la surface du globe et qui vit dans des contrées où la chaleur moyenne est différente : tel est le Papillon du chou dont nous avons déjà parlé. Dans l'Allemagne septentrio- nale et centrale on le voit voler pour la première fois dans la deuxième quinzaine d'avril, puis de nou- veau depuis la fin de juin jusqu'en septembre; dans tous les cas sa Chrysalide hiverne. En Sicile où ce prolétaire vit aussi, il voltige de novembre en jan- \ier. Chez nous la thenille ne résiste pas au froid, bien que quelques Chenilles d'autres espèces hiver- nent, tandis qu'elle supporte très bien l'hiver plus doux de la Sicile. On pourrait croire d'après cela que dans les pays chauds, où les variations de température sont moindres, le développement des Insectes s'accom- s'emparant d'une larve d'Ephémère. — Fig. 116. Dépouille de la Nymphe ab-indonnée par l'iasecte parfait. — Fig. 114. Libelbda de- pi'essa tenant d'éclore. VH. - 8 58 INTRODUCTION. plit d'une façon plus régulière que dans les zones froides et que sa durée varie seulement suivant les espèces. Mais , ralimentation qui joue un rôle si important pendant le développement, ainsi que nous l'iivons vu, est soumise dans les pays équi- noxiaux aux mêmes vicissitudes que chez nous parce que dans ces régions les condilions climaté- riques ne restent pas les mômes durant l'année entière, la saison sèche et la saison des pluies alternant comme chez nous l'été et l'hiver. Moritz raconte qu'à Caracas un certain Bombyx qui vit en société file son cocon en novembre, mais attend, pour se transformer, la saison des pluies et ne se change en Chrysalide qu'au mois de mai. Plus loin il mentionne encore une espèce du grand genre Snturnia qui éclot d'une façon irrégulière. Un mâle apparut en octobre, un mois après le passage à l'état de Chrysalide, une femelle fit son appari- tion en décembre , plusieurs individus des deux sexes sortirent de leurs cocons en février ; et il res- tait encore des Chrysalides vivantes, à la fin du mois, au moment où il expédia sa lettre en Europe. L'inégalité de l'éclosion des Bombycides est un fait connu de tous ceux qui dans ces dernières années ont tenté d'acclimater en Europe quelques- unes des grandes espèces asiatiques ou améri- caines pour utiliser leur soie; souvent il leur est arrivé de voir les mâles et les femelles, au lieu d'éclore simultanément, quitter leurs cocons à de longs intervalles; dans ces conditions le rapproche- ment sexuel, lorsqu'il peut réussir, se fait alors que mâles ou femelles sont épuisés et à bout de force; le petit nombre d'œufs féconds que l'on peut ob- tenir ne récompense pas des peines que les éduca- tions ont nécessitées. Voulons-nous trouver la rai- son d'une si frappante irrégularité ; la voici : s'il ar- rive que l'animal succombe pour avoir suivi la voie normale, il en reste d'autres qui survivent en n'o- béissant pas à la loi commune, la nature veut par là assurer la conservation de l'espèce. Dans tous les pays où l'hiver se signale par la neige et la gelée la vie des Insectes est complètement suspendue; mais le printemps suivant nous apprend chaque fois qu'elle n'avait pas cessé pour cela. Les uns hivernent sous la forme d'un œuf, d'autres sous celle d'une Larve, et parmi elles, cela va sans dire, toutes celles dont l'évolution exige plusieurs années ; ceux-ci tra- versent la mauvaise saison à l'état de Chrysalide; ceux-là à l'état d'Insecte parfait. Il est rare qu'un seul et même Insecte passe l'hiver sous deux de ces formes. Blécanisme «le l'éclosion. — Les Insectes pour abandonner leur enveloppe de Nymphe et sortir de leurs cocons ou de leurs coques emploient les niojens les plus variés. Le Papillon cherchant à venir au jour fait effort ; l'enveloppe de la Chry- saUde se rompt longitudinalement sur la région dorsale. Il dégage alors peu à peu son thorax, puis sa tête, ensuite ses pattes et enfin ses ailes, des gaines, qui les protégeaient. La plupart des Insectes emploient le même procédé ; quelques-uns cepen- dant usent de différents artifices, mais les efforts qu'ils doivent exercer sont bien faibles puisqu'ils ne sont enveloppés que d'une mince cuticule transparente. Les Lépidoptères dont les Chrysa- lides sont enfermées dans des cocons n'ont pas seulement à se débarrasser de leur enveloppe de Nymphe, il faut encore qu'ils percent la paroi de leur prison. Réaumur croyait que le Papillon du Ver à soie coupait à l'aide des facettes de ses yeux les fils de son cocon ; de là cette croyance que les cocons ainsi percés ne pouvaient être dévidés ; en réalité le Papillon rejette un liquide particulier qui a la propriété de ramoUir la soie et lui permet simple- ment d'écarter les fils pour s'ouvrir un passage ; aujourd'hui en lestant ces cocons artificiellement on est parvenu à les dévider et à démontrer ainsi que les fils n'étaient nullement rompus. Les Phryganes éclosent dans l'eau ; les Nymphes libres dans leurs fourreaux s'ouvrent un passage avec leurs mandibules et nagent sur le dos à la façon des Notonectes en s'aidaiit de leurs pattes in- termédiaires ciliées qui font fonctions de rames, jusqu'à ce qu'elles aient rencontré la tige d'une plante aquatique à laquelle elles se cramponnent au moyen de leurs pattes antérieures ; elles sortent alors de l'eau et se débarrassent de leur enveloppe, abandonnant pour toujours les mandibules qui leur ont rendu de si grands services. Un grand nombre de Diptères qui sont renfer- més dans des pupes emploient un singulier moyen pour enfoncer les portes de leur cachot ; les Mus- cides en particulier méritent qu'on examine leur éclosion, car on a devant soi un curieux speclacle. Elles ont la faculté d'enfler la région frontale de leur tête, c'est-à-dire, de faire saillir entre les deux yeux une sorte de vessie rétractile et d'une blan- cheur éclatante d'abord très petite qui se gonfle de plus en plus jusqu'à prendre une forme à peu près comparable au mufle d'un Hippopotame, les an- tennes étant en dessous et se trouvant absolument cachées; cette vessie se dégoiifie, disparaît dans la tête pour reparaître de nouveau et après des apparitions successives, rentre définitivement sans laisser aucune trace de son existence. De Réau- mur et Lacordaire admettent que l'air est l'a- gent du gonflement de l'ampoule ; il n'en est rien. M. VVeismann a démontré que la dilatation était due à un afflux de sang et M. Kunckel a prouvé que cet afflux était déterminé par la contraction des mus- cles du thorax. C'est donc la pression du sang qui fait • éclater la partie antérieure de la pupe et en détache les premiers segments. La Mouche pour rompre sa coque sait se transformer en presse hydraulique. Lorsque l'Insecte éclot, ses ailes sont repliées et toutes recroquevillées ; par quel artifice parvient- il à les étendre? De Réaumur admet que l'air s'in- DnEiiv, Iiisccles. T. VII, p. 59. PI. T. Corbcil. Crelé, imp Pans, J.-B. Baillière et Ois, édil. L.\ VIE DES INSECTES DANS LES BRUYÈRES. BOMBVLE, GUÊPE, AGROTIS, CÉIOmE, ABEILLE, BOURDO.N, N.DS D'ARAmNÉE (aOÉLÉNE), POMPiLE, ÉCH.NO.VE, CICINDÈLE, ACmmUM, GEOTRUPES, GRILLON, ETL. PRODUCTION DES SONS. 59 Iroduit jusque dans les ailes, comme il pénètre dans l'abdomen pour le gonfler et augmenter la capacité du corps; l'Insecte boit l'air, dit-il, dans son langage imagé. 11 n'en est rien, il est aujour- d'hui bien démontré que c'est le sang qui est le véritable agent de l'extension des ailes ; en péné- trant entre les deux membranes aussi bien que dans les nervures il contraint l'aile à se défroncer et maintient sa rigidité jusqu'à ce qu'elle se soit atl'ermie et desséchée. 11 ressort de cela un ensei- gnement: l'éclosion des Insectes a lieu générale- ment le matin à la pointe du jour, lorsque les plantes sont couvertes de rosée, parce qu'il faut une atmosphère humide pour éviter une dessicca- tion funeste qui empêcherait le développement de ces ailes ; c'est pour cela que souvent en captivité les Nymphes venant à éclore dans une chambre trop sèche ne donnent que des Papillons avortés. M. leD' Jousset de Bellesme a faitconnaître (1878) le mécanisme ingénieux qui concourait au déplis- sement de l'aile de la Libellule ; le sang est bien l'agent principal du défroncement, mais, pour aug- menter la pression du sang, l'Insecte remplit d"air son tube digestif. Réaumur dans ce cas particulier aurait eu raison de dire que l'Iusecte buvait de l'air. PRODUCTION DES SONS. La plupart des Insectes sont muets. Peu d'entre eux produisent des sons perceptibles et ceux-là de- puis l'antiquité les poètes ont essajé de les exalter. Homère compare la parole de ses héros de l'Iliade au chant des Cigales et pour les Grecs les stridula- tions du Grillon et des Sauterelles étaient le com- plément des charmes de l'été. Anacrécn n'a-t-il pas exalté la Cigale"? Anneltede Droste IIuIshufF chante ainsi dans son poème intitulé les Bruyères: « Aussitôt les mille touffes de la bruyère s'éveil- lent et fourmillent ; le Grillon agite rapidement sa petite patte, la frotte contre la colophane de la rosée et chante ainsi sur le violon ses pastorales amours. Le Scarabée donne du cor en maîtrehabile; le Cousin aiguise prestement ses ailes argentées, pour faire rendre au triangle des sons plus clairs. La Mouihe fait à la fois le soprano et le ténor ; et toujours grossissant son précieux trésor le corps en- touré de sa riche ceinture, l'Abeille est entrée en scène avec sa voix de basse; lourdement accroupie dans les fleurs de la bruyère, les posants Bourdons fout gronder la contre-basse Jamais chœur n'a fait entendre ainsi les accents de mille voix, comme ceux qui sortent de la verte bruyère » (PI. 1). Parmi les sons il faut distinguer, d'après Landois, ceux qui sont obtenus par le frottement de cerlaines parties du corps pourvus de stries, de rides ou d'autres inégalités, et les sons produits dans un appareil vocal dépendant de l'appareil respiratoire comme chez les Animaux supérieurs. Toute une série de Coléoptères font entendre, surtout si on It-s serre entre les doigts, un petit bruit, qui n'est dû qu'au frottement l'une contre l'autre des diverses parties de leur corps. Il en est qui font glisser le bord postérieur du prothorax sur le pédoncule du mésothorax couvert de stries transversales : les Capricornes (Cérambycides) , les Leina, les Dona- cia, etc. Chez les Nécrophores, les Trox, ce sont deux bandelettes étroites, du cinquième anneau ab- dominal, qui frottent contre des bunJeletles trans- versales de la face inférieure des élytres. Chez les Bousiers {Geotrupes), un bruissement sec est obtenu par le mouvement transversal du bord de la hanche postérieure contre le bord du troisième anneau abdominal. Le Criocère rouge du lis promène les stries du bord des élytres contre la surface granu- leuse de la partie correspondante de l'abdomen. Le chant des Orthopti'res résonne au loin, mais il ne provient aussi que du frottement dos mem- bres postérieurs contre les ailes, ou du frotte- ment de celles-ci entre elles; ainsi que nous le verrons plus tard en étudiant de près ces Insectes. Les Cigales chanteuses ont un appareil musical, caché par des opercules ou volets, comprenant des corps vibrant directement sous l'action d'un muscle spécial (timbales), des membranes vibrants par in- fluence et renforçant le son produit {miroir et mem- brane plissée) et des cavités sonores (Voy. Cigale). Chez les Insectes volant, comme les Abeilles, les Bourdons et leurs congénères, ainsi que chez les Mouches, ce ne seraient pas seulement les rapides vibrations des ailes et des muscles internes qui inter- viendraient pour produire le bourdonnement. Selon Landois, des appendices fuliacés attachés à l'orifice de quelques stigmates frappés par l'air qui s'échappe des trachées entreraient en vibration et concour- raient au bourdonnement. Le Sphinx atropos fait entendre un cri perçant, et chacun de chercher comment un Papillon peut crier. Les plus éminents Entomologistes ont émis les opi- nions les plus diverses sur la production de ce bruit; il n'y a pas de région du corps qu'ils n'aient consi- dérée comme le siège de la stridulation si singulière de ce Sphinx. Mais il est d'autres Lépidoptères qui portent des appareils musicaux beaucoup mieux connus : ce sont les Sctina et la Chrhnia pudica. Selon M. Perez, les ailes par leurs rapides oscilla- tions produiraient à elles seules le bourdonne- ment; il est impossible d'admettre cette manière de voir trop exclusive. En 187.), on a constaté ce fait importani, c'est que les Volucella, les Crio- rhina, les Musca et autres Diptères, sous l'in- fluence de la peur, ramènent leurs ailes dans la po- sition qu'elles prennent pendant le sommeil, et impriment à tout leur corps un frémissement vio- lent et continu en faisant entendre un piaulement des plus aigus; si à ce moment on saisit l'Insecte entre les doigts, on éprouve une sensation de cha- touillement telle que la main s'ouvre malgré soi (Kûnckelj. 11 est certain d'après cela que les Insectes 60 INTRODUCTION. Fiî. 124. Fig. 117 à 124. — Les Insectes et leurs Parasites végétaux. peuvent bourdonner étant au repos sans le con- cours des ailes, car la section.de ces organes n'em- pêche pas la production d'un son. M. le docteur Jousset de Bellesme a donc eu raison de dire que les Bourdons et les Mouches pouvaient émettre deux sons, un son grave correspondant aux mouvements Fig. 117 el 118. — Dcui Larves, portant chacune un Champignon en massue (Clavule). La 6g. 117 est la larve d un Coléoplèrc du genre Carabus; le Champignon est le Torrubia cinerea. La fij;. 118 est la Lar\e d'un Hyménoptère du genre Tenthredo ; le Champignon qu'elle porte est le Torrubia {Si>hxria) enlomorrhiza. — Fig. 119 et 120.— Deui cailavres de Guêns portant chacune eutre la tête et le corselet (sur le cou) le Torrubia iSt>hxria) sphzrocephala. — Fig. 121. — Un cidavre de Fourmi portant un Chainpignon (Toitu- bia niyrmeeoj,hila).— V\f. IJî.- Une nymphe de Cigale portant le Torrubia militaris, var. sobolifcra). — Fig. 123.— Fragment du cadavre d'une Chenille de Bombyi de la ronce. Cette Cbenille est oscillatoires de l'aile, et un son aigu qui est à l'oc- tave du premier, correspondant au frémissement des muscles du thorax. Il a démontré également que la production des sons était indépendante de la fonction respiratoire et n'était nullement empê- chée par l'obturation des stigmates thoraciques. couverte de VIsaria farinosa, qui est le Torrub'a [Sphasria) mi- tilaris à l'état conidiephore (Germain de Saint-Pierre). — Fig. 124. — Laboulbeitia pilosella, espèce nouvelle trouvée sur les élytres d'uu CiAi. plère du genre Lathrobinm (Staphyliuldel, grossie 400 fois. — a, 6, fragments de l'élylre hérissés de pelits poils; c, pédicule du champignon adhérant à l'élylre par une substance noirâtre comme résineuse et dure j d, e, f, sporanges à divers degrés de développement; g, h, i, longs poils à divers degrés de développe- ment dont les champignons sont hérissés. Les uns sont colorés (ï), les autres incolores [g)',j, deui spores allongées dont sort le contenu verdàtre. (Ch, Robin.) LES INSECTES ET LEURS PARASITES VÉGÉTAUX. 61 X ^ Fig. IÎ7 Fi^'- 12-^- "^^^' Fig. 12') il 120. — Psorospermies ou Corpuscules des Vers à soie. Fig. 120. Fig. 128. LKi I.NSECTES ET LEL'RS PARASITES VÉGÉTAUX. La grande majorité des Insectes vit aux dépens du rcgiie végétal; Larves et Adultes rongent racines, buis, feuilles, fleurs, graines et spores ; à son tour le règne végétal s'attaque au\ Insectes el vit à leur dé- triment. L'Insecte s'est acharné à empêcher la pro- pagation de la plante, la plante s'acharne à empêcher la propagation de l'Insecte. Ce sont les Champignons surtout qui se développent sur les Insectes et les font périr; il existe même un groupe entier de ces végétaux qui est désigné sous le nom i'Eiitomo- phyteg ou à'Entomomycétes. Au siècle dernier les au- teurs ont déjà signalé les plantes qui croissent sur les Larves d'Insectes et les désignaient sous le nom de .Mouches végétantes {Tiie vegetable Fly, Musca ve- getabilis). Le plus curieux de ces champignons est certainement le Sphsria {Cordyceps) Robertsii qui se développe sur le premier segment de la Chenille de VHepiahis viresccns de la Nouvelle-Zélande et at- teint li à 13 centimètres de hauteur. Toutes les Sphériacées paraissent se développer sur les Larves el les Nymphes et déterminer leur mort; les unes croissent sur des Chenilles (fig. \23), sur des Larves d'Hyménoptères (fig. 118), de Coléoptères (fig. 117), ou des Nymphes de Cigales (ûg. 122), quelquefois môme sur des Insectes adultes, des Fourmis (fig. lit), et des Guêpes (fig. Il9et 120). Il est d'autres champignons qui se développent également sur les Insectes, ce sont les Isarin, les Laboidbenia, les Stil- bum. Les Isaiia se rencontrent sur des Carabes vi- vants, des chenilles d'Euchelia, des chrysalides de Noctita, des Guêpes, des Papillons, des Araignées ; les Laboulbenia se trouvent (L. Rougeti) sur les an- tennes des Coléoptères du genre Bnœldnus [L. Gue- r.ni elpiloselhi), sur les élytres des Coléoptères, les Fig. 125. — Psorospermies di Ver à soie, dites corpuscules vi- brants, grossies 1700 fois, —a, formes faabitucU>'s;i, autres formes ; c, formes anormales provenaot de la souilure de deux ou plusieurs corpuscules eu voie de dévetoppement. — Fig. i26 Psoiosjiermies aux difftirentes phases de l^ur évolution; x, taclii claire, probible- m^nl le ;?iic/ei«. — Kig. I î7.— Portion del'iotestinde la chenille de 3iinb}jx nittstria rendue artifîcieUement corpusculeuse. P, masses Gyrinus et les L'ithrobium, nous avons représenté le Laboulbenia pUosella d'après M. Ch. Robin; les Stilbum croissent sur le corps des Charançons. Une maladie qui cause de grands ravages dans les Magnaneries est la Muscardine : cette maladie se manifeste par l'apparition sur les Vers à soie de moisissures pulvérulentes produites par un cham- pignon, le Botrytis Bassiana; les spores par leur dissémination sont capables de propager la mala- die et d'infester des éducations tout entières. 11 y a une quarantaine d'années on a écrit de nom- breux mémoires sur la Muscar3ine, car elle cau- sait à cette époque de vives inquiétudes aux édu- cateurs de Vers à soie. Depuis, une nouvelle maladie beaucoup plus grave s'est déclarée ; anéantissant pendant plusieurs années la récolte de la soie , non seulement en France, mais dans toute l'Europe et l'Asie Mineure, elle nous a rendu tributaire de la Chine et du Ja- pon. Cette maladie est la Pébrine; Cornalia ayant dé- couvert dans les Vers à soie contaminés la présence de corpuscules, elle a reçu le nom de maladie cor- pusculeuse. M. Balbiani a reconnu que ces corpus- cules étaient do véritables Psorospermies, c'est-à- dire des sortes d'Algues inférieures, comparables à celles que Jean Millier a découvert chez les Pois- sons. La multiplication de ces Psorospermies est si rapide, qu'elles envahissent peu à peu tous les tissus qu'elles désorganisent; d'une petitesse in- finie, grossies 1700 fois elles ont à peine 8 milli- mètres, eUes traversent la paroi de tous les orga- nes et peuvent aussi pénétrer dans l'œuf. On sait que pour éviter la propagation de l'infection cor- pusculeuse on examine les Papillons; il suffit même de contrôler les femelles ; si elles ne renfer- ment pas de Psorospermies, on obtiendra des œufs de matières psorospermiques dans lesquelles les Psorospermies com. meuceot à se former; P', amas de Psorospermies à l'état parfait S, enveloppe séreuse de l'intestin; M et M', couches de fibres mus- culaires.—Fig. 128. — Psorospermies P dans l'intérieur des cellules v:tellines. — Fig. i»0. — Psorospermies d'un Papillon de laPyr.jle Tor/iix viridana) grossies 1500 fois. — A, vue de face; B, vue de proûl; C, après traitement par l'eau salée. (Balbiani.) 62 INTRODUCTION. sains quand même le mâle serait infesté; en effet, une particularité de l'organisation de l'appareil reproducteur des femelles empêche les corpus- cules d'arriver jusqu'à 1 œuf. Les Vers iisoie sont affligés d'une troisième mala- die non moins désastreuse, la Ftacherie, qui est ca- ractérisée par la présence d'un ferment en grains de chapelets (Pasteur). D'autres Algues inférieures habitent l'intestin des Insectes, telles sont : le Leptothrix Inscctorum qu'on rencontre sur la surface de la muqueuse du rectum des Dytiques, des Gyrins, des Iules; les Arthromitus du tube digestif des Iules; les Mou/i- néa de l'intestin des Chrysomèles, des Cétoines, des Gyrins ; les Iiiterobryus, les Eccrina du canal digestif des Iules, des Passales, des Polydesmes. A l'automne, sur les vitres des appartements, sur les rideaux, les lustres, on trouve des Mouches do- mestiques mortes, distendues et couvertes d'efflo- rescences blanches; c'est un Champignon, VEmpusa Muscœ, qui couvre de ses spores les Diptères et nous débarrasse de ces liôtes désagréables. Les Insectes, non contents d'être la proie des Mammifères, des Oiseaux, des Reptiles et de leurs propres congénères, d'être capturés par les plantes elles-mêmes, les Dionées, les Népenthès, les Dro- sera qui les dévorent et les digèrent, ont leurs tissus rongés par les Cryptogames et les Algues. DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES INSECTES. Il n'est pas de région du globe qui soit privée d'Insectes ; les régions circumpolaires, comme la zone torride, ont leurs habitants, et il n'existe pas un coin de la surface de la terre où le naturaliste ne puisse se livrer à l'observation ou faire d'intéressantes récoltes. Les Insectes se répartissent de mille manières, suivant les cli- mats, les productions du sol; ceux qui habitent les contrées tempérées diffèrent essentiellement de ceux qui vivent dans les pays tropicaux ; ceux qui habitent les plaines ne ressemblent guère à ceux qui passent leur existence dans les hautes montagnes ; quelques-uns cependant sont cosmopo- lites. La variation des formes est en rapport avec la diversité des habitudes ; les uns errent sur le sol, les autres se dissimulent sous les pierres, sous la mousse, sous les écorces ; ceux-là nagent dans les eaux limpides ou vaseuses, ceux-ci courent sur les plantes ou visitent les fleurs; il en est qui vivent au milieu des matières animales ou végétales en décomposition; beaucoup sont des parasites exter- nes ou internes des animaux. La plupart aiment à se montrer à la clarté du jour lorsque le soleil brille de tout son éclat ; quelques-uns fuient la lu- mière et ne sortent de leur retraite que la nuit, à moins qu'ils ne passent leur existence entière dans des cavernes ou des grottes. Les Insectes sont partout et partout s'imposent à nous tantôt pour nous charmer, tantôt pour nous inspirer la répul- sion. Ils nous charment par leurs parures, leurs moeurs, leur intelligence; ils nous inspirent de l'a- version parce qu'ils détruisent les arbres, les plan- tes, les fruits et mille objets à notre usage, parce qu'ils s'attaquent à nos animaux domestiques et à notre personne ; quelquefois ils nous répugnent parce qu'ils exhalent des odeurs désagréables, mais le plus souvent nous les méprisons sans rai- son parce que nous les trouvons laids. Quels que soient les milieuxet les circonstances, l'observateur pourra donc toujours se livrer à l'étude des Insec- tes soit dans un intérêt scientifique, soit pour sa- tisfaire sa curiosité. Influence des saisons et du climat. — Dans les pays froids et tempérés l'apparition de ces Animaux coïncide avec la disparition de l'hiver et le retour du printemps; au retour de la belle saison, ils éclosent ou sortent de leurs cachettes pour mener une existence très active; en France et dans l'Europe tempérée les mois d'avril, mai et juin sont les mois oii ils se montrent en plus grand nombre; ils disparaissent presque tous pendant les grandes chaleurs de l'été pour apparaître de nou- veau en septembre et en octobre. Aux premières atteintes du froid ils périssent ou prennent leurs quartiers d'hiver. Que celui qui veut se faire une idée de la quantité d'espèces qui hivernent à l'état d'In- secte parfait aille dans les bois en automne alors que l'engourdissement n'a pas encore commencé, qu'il cherche sous les feuilles mortes amassées de- puis des années, sous les touffes sèches des brous- sailles qui croissent aux endroits abrités, sous les pierres et autres endroits préservés de la violence du vent, il trouvera une abondante variété de Coléoptères, de Mouches, de Guêpes, de Punaises, d'Araignées ; çà et là il verra un Papillon de nuit sortant des feuilles sèches, mais tous aurons l'air abattu et chercheront à se soustraire au regard le plus vite possible. Parmi ces appari- tions on reconnaîtra peut-être des formes que l'on est habitué à voir en d'autres localités pendant la belle saison ; mais beaucoup d'autres qui choisis- sent ces cachettes pour leur séjour habituel et ne s'exposent que rarement à la clarté du jour. La présence d'une paire d'élytres de Hanneton, d'un Frelon couvert de moisissures et sans pattes ou d'autres débris pourrEiits faire croire que l'on est tombé sur l'emplacement d'un grand cimetière de ces petits êtres et qu'aucun d'eux ne survit à l'hiver. Retournez y une seconde fois quand celui- ci nous quitte, quand la gelée et la neige sont passées, prenez quelques poignées de ces feuilles à demi décomposées et mettez-les dans un sac et portez-les chez vous. Après quelques heures de séjour dans une chambre chaude, jetez votre butin sur un tamis de fil de fer; secouez-le au-dessus d'une feuille de papier bien blanc, et vous ne DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE DES INSECTES. 63 verrez pas sans étonnement l'animation qui rè- gne sur ce papier; si votre mémoire est fidèle, vous recoiiniiitrezquanlité de ces Insectes que vous avez rencontrés en automne au môme endroit. Nous dirons à cette occasion que celte opération constitue une méthode excellente bien connue du collectionneur, pour se procurer des quantités d'Insectes, c'est ainsi qu'il se procurera surtout une foule d'Insectes extrêmement petits qui pen- dant les excursions d'été ont passé inaperçus ou qu'il a négligé de recueillir parce qu'il poursuivait alors un autre but. ' Toutefois il est un certain nombre d'Insectes qui ne craignent pas d'affronter les rigueurs de l'hi- ver; un petit moucheron, le Trichocera hiemalis (Diptère), voltige pendant les belles journées ; les HiLernia, les Nyssia (Lépidoptères) voltigent et pon- dent en novembre, décembre, février et mars ; le Boreus hyemalis (Névroptères), le Cynips optera (Hy- méiioplères), le Chionea araneoides (Diptères) et beaucoup de Podurelles courent sur la neige et la glace [Podura similata, Achorutes tuberculatits, De- soria glacialis). Dans les prairies du Gornergrat (val- lée de Zermatt), que la neige venait à peine d'aban- donner nous trouvions en juillet, sous les pierres, les chrysalides des Arctia Qiienseli et Cervini ; leurs che- nilles avaient résisté aux rudes températures des ré- gions glaciales à 3000 mètres au-dessus de la mer. 11 ne faudrait pas croire que dans les régions tropicales un éternel printemps engage les Insec- tes à se montrer durant toute l'année ; ils apparais- sent pendant la saison des pluies et disparaissent pendant la saison sèche qui représente notre hiver. Dans les régions froides les Insectes ne sont pas moins nombreux que dans les régions tempé- rées, mais ils n'appartiennent qu'à un petit nom- bre de genres ; la variété des formes augmente au fur et à mesure que la température moyenne de- vient plus douce et les genres vont toujours se mul- tipliant lorsqu'on avance vers l'équateur. Il est nécessaire de faire remarquer que les espèces bo- réales descendent en général assez bas vers le sud, tandis que les espèces intertropicales ne remontent que fortuitement vers le nord. Cela se conçoit, les hautes montagnes, les Alpes, par exemple, ne possè- dent-elles pas le mômechmat que la Suède etla Nor- vège, la flore n'a-t-elle pas les plus grandes analo- gies? La similitude de la flore entraîne généralement celle de la faune, et nous ne serons pas surpris de trouver en France, comme en Norwège, les Blethisa et\es Pelophila (Coléoptères carabides), de voir vo- ler dans nos Alpes aussi bien qu'en Scandinavie l'Erebia Lappona, VArgynnis Pales, V Arctia Quenseli. Si les pays chauds ne nous cèdent qu'un petit nom- bre d'Insectes, ils enrichissent la faune européenne de quelques-unes de leurs plus magnifiques es- pèces ; le docteur Boisduval a établi que les plus beaux Sphinx (S. Ncrii, Ceterio, Atropos et môme Convolvidij étaient originaires de l'.^frique et qu'ils ne pouvaient se multiplier chez nous qu'à la faveui de certaines conditions climatériques ; la jolie De- jopeia pulchvlla nous vient également des pays si- tués de l'autre côté de la Méditerranée. Délimitations de» Faunes. — Les frontières géographiques pas plus que les frontières po- litiques ne circonscrivent nettement une Faune; ni les fleuves, ni les montagnes, ni même la mer, n'opposent de barrières infranchissables au pas- sage des Insectes, et leur dispersion est favori- sée toutes les fois qu'ils se trouvent transportés dans des milieux propices à leur multiplication. La Faune d'un pays quel qu'il soit a donc toujours des rapports avec celle des pays limitrophes. « Les plus hautes montagnes, les glaciers et les neiges éternelles sont franchis par les Insectes; dans un séjour fait dans la vallée de Zermatt en 1864, tra- versant le col du Cervin ou col de Saint- Théodule (3330 mètres au-dessus du niveau de la mer), je remarquai dans les névés une foule de trous ré- guliers cylindriques profonds de quelques centi- mètres, semblables à ceux que les grosses gouttes d'une pluie d'orage creusent dans la terre pou- dreuse, au fond desquels gisaient des Insectes gé- néralement morts ou paralysés par le froid ; c'étaient de grandes Noctuelles du genre Triphsena et surtout un très grand nombre de petits Coléoptères [Apho- dius, Onthop/iagus, etc.), principalement des Apho- dius. La chaleur animale qu'ils possédaient avait été suffisante pour fondre la neige autour d'eux, mais bientôt saisis par le froid, la mort était venue les surprendre. On était au mois de juillet, le so- leil dardait ses rayons, le temps était magnifique et je pus suivre tout à mon aise les Insectes qui passaient d'une vallée dans l'autre, du val Tournanche à la vallée de Zermatt au-dessus des névés et des glaciers, sans être engourdis par le froid (Kiinckel)». Depuis, les aéronaules ont constaté dans leurs ascensions des faits du même ordre; MM. C.Flammarion et G. Tissandier ont rencontré voltigeant à une altitude de 1730 mètres des Papillons de nos plaines dont le vent ne semblait gêner nullement les évolutions. On pourrait objecter qu'il n'est pas étonnant que des Insectes bons voiliers puissent se transporter ou puissent être transportés à de grandes dislances; mais que la dissémination des Insectes aptères de- meure inexplicable ; ici interviennent certaines con- sidérations climatologiques qui nous permettent de supposer que ces Insectes privés d'ailes, les Ca- rabes par exemple, étaient répandus autrefois sur une aire géographique beaucoup plus étendue et que les modifications apportées par le temps et les hommes les ont condamnés à rester confinés dans les montagnes où ils trouvent encore les conditions biologiques favorables à leur développement. On conçoit d'après cela qu'il est fort difficile de délimiter une Faune, et c'est ainsi que nous avons vu la Faune de l'Europe prendre une extension de plus en plus grande; c'est ainsi que successivement 64 INTRODUCTION. à l'Euroj^e, limitée primilivement au nord par les Océans, à l'est par les monts Durais, la mer Caspienne et le Caucase, au sud par la mer Noire et la Méditerranée, on a joint l'Algérie, le Maroc, Madère, les îles Canaries, le delta du Nil, la Pales- tine, la Syrie, l'Asie Mineure, l'Arménie, enfin tout le nord de l'Asie jusqu'au fleuve Amour, et même le Groenland. Pour justifier l'extension des limites de celte Faune, on a admis comme principe que toute Faune locale qui possédait 60 pour 100 d'es- pèces européennes devait faire partie intégrale de la Faune de l'Europe. (Staudinger, Catalogue des Lé- pidoptères.) Les mêmes difficultés existent lorsqu'il s'agit de fixer les limites de la Faune française, et des Ento- mologistes distingués (M. Fauvel dans sa Faune gallo-rhénane) y comprennent les Faunes de la Belgique, de la Hollande, du Luxembourg, de la Prusse rhénane, du Nassau et du Valais. Abstrac- tion faite des montagnes dont nous indiquerons la Faune spéciale et sans étendre la Faune au delà de certaines limites raisonnables, on peut en réa- lité diviser la France en quatre grandes régions : régions septentrionale, centrale, méridionale et méditerranéenne. La région septentrionale com- prend les bassins de la Somme, de la Seine, de la Meuse et de la Moselle; la région centrale renferme le bassin de la Loire et celui du Rhône jusqu'au bassin de l'Ardèche inclusivement ; la région méri- dionale est formée par les bassins de la Dordogne, de la Garonne et de l'Adour; la région méditerra- néenne comprend le bassin de l'Aude, de l'Hérault, du Gard, de la Durance, du RhOne inférieur et du Var. La Corse ne doit pas être comprise dans la division précédente ; sa Faune, à bien des titres toute spéciale et intimement liée à celle de l'île de Sar- daigne, se rapproche de la Faune italienne. Enfin en dehors de ces quatre grandes régions de la France continentale, il faut admettre la région alpestre, région commençant vers 130u ou 1400 mètres d'al- titude. Les régions septentrionale, centrale et mé- ridionale ont de grandes affinités avec la région alpestre dans les parties qui sont couvertes de fo- rêts et sont loin de renfermer des Faunes parfaite- ment homogènes : les espèces méridionales remon- tent quelquefois jusque dans les régions centrales et septentrionales ; ainsi sur les côtes de l'Océan on retrouve certaines espèces qui appartiennent essen- tiellement à la Faune du midi, et il arrive môme parfois que ces espèces établissent de véritables colonies dans certaines localités favorables; la forêt de Fontainebleau, par exemple, donne asile à de nombreux représentants des climats plus chauds. La région alpestre peut se subdiviser en deux régions secondaires, la région subalpine et la région alpine proprement dite, toutes deux cor- respondant exactement à des zones délimitées et caractérisées par les espèces botaniques qui s'y ren- contrent. La région subalpine commence à l'alti- tude de 13 à 1400 mètres, à la limite de la végéta- tion des arbres feuillus(chêne,hêlre, bouleau, etc.), et s'arrête à l'altitude de 2000 mètres dans les Al- pes et de 2400 mètres dans les Pyrénées ; el'e embrasse par conséquent toute la zone où crois- sent les arbres résineux. La région alpine com- mence à l'altitude de 2000 et 2i00 mètres et s'é- tend jusqu'aux neiges éternelles, c'est-à-dire, embriisse toute la zone où poussent le Rhododen- dron et le Salix herbacea; la Faune de cette région ne renferme qu'un petit nombre d'espèces, mais on remarque ce que l'on a observé pour les plantes, beaucoup d'entre elles sont identiques ou appa- rentées à celles qui vivent dans les pays glacés du nord de l'Europe ; elles sont les survivantes de celles qui habitaient notre pays à l'époque glaciaire. Si nos .\lpes donnent asile à des Insectes po- laires, nos départements que baigne la Méditerra- née nourrissent une foule d'Animaux qui vivent également dans les pays chauds qui la circonscr'.- vent ; aussi ne faut-il pas s'étonner que la Faune méditerranéenne soit avec la Faune alpestre la plus riche en espèces, la plus remarquable par la variété des types. Pour ne citer que quelques exemples, je rappellerai qu'un Scorpion, le Buthiis ou Androctonus occitanus, si commun en Algérie, se trouve dans nos départements des Pyrénées- Orientales et des Bouches- du-Rhône; que les Ateu- chus, ces Coléoptères qui roulent si patiemment la boule faite de bouse destinée à la nourriture de leurs larves, habitent l'Algérie, l'ilalie, l'Espagne et notre région méditerranéenne. Faune des cavernes. — Il est encore une Faune localisée exclusivement en France dans la région méridionale et la région méditerranéenne qui mé- rite d'appeler l'attention : c'est la Faune souterraine, qui comprend principalement la Faune des grottes. Les Insectes cavernicoles n'ont été rencontrés en France que depuis une vingtaine d'années ; d'ailleurs il faut bien se rappeler que le premier Insecte habitant dos cavernes n'a été découvert en Carinthie par le comte Hohenvrart qu'en 1S3I. De- puis, leur recherche a fait véritablement fureur et les Entomologistes européens et américains ont ri- valisé de zèle pour explorer les grottes; les Alpes, les Pyrénées et les parties des États-Unis situées sous la même latitude sont les seules régions jus- qu'à présent dont les anfractuosités et les cavernes aient oQ'ert une Faune cavernicole. M. Lucante dans son Essai géographique sur les cavernes de la France et de l'étranger estime que le nombre des grottes et cavernes du sud de la France est d'en- viron 800, mais toutes n'ont pas fourni leur con- tingent à la faune hypogée. Si les Entomologistes ont été préoccupés surtout d'accroître le nombre des espèces qu'ils pouvaient accumuler dans leurs collections, ils ont incidem- ment soulevé quelques problèmes des plus intéres- DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE DES INSECTES. 63 Fig. 136 Fif;. 130 à 13!i. — Arachnide et Insectes fossiles. saiils. A l'origine, les Insectes habitant les cavernes ont été considérés comme des Animaux absolu- ment aveugles, et le nom d'Anophtalm: a été, pour ce motif, donné à un des genres de Coléoptères carabides les plus nombreux et les plus répandus ; mais l'observation plus attentive d'un grand nombre d'individus recueillis à toutes les profondeurs dans une même grotte a démontré que ceux qui vivaient au voisinage de l'entrée possédaient des rudiments d'yeux, tandis que ceux qui habitaient les parties Fig. 130.— Cyctophtalmus (Microlabis) S/eniiery/ (Terrain car- boa fere). D'après Bucklaud. — Fig. 131. — Mylothrites Pluto, Hcer (Terrain tertiaire). — Fig. 1-32 et U.j. — Bi/drop/dtiis gir/a'ileus. Hier (Terrain tertiaire). — Fig. 134. — Lalhi-obiuin (OMopléresU- phylinidei Œningense , Heer (Terrain lertiairel. -- Fig. lîb. — Gryllacri: (Urtiioplèic Un;en, Heer (Terrain tertiaire). — Bitini.M. les plus reculées, et par conséquent les plus obscu- res, devenaient complètement aveugles ; on a pu suivre graduellement l'atrophie des organes de la vision. D'autre part, les Zoologistes admirent de prime abord l'existence d'un nombre considéra- ble d'espèces , chaque grotte a.jant ses Espèces propres, la localisation étant poussée à ses der- nières limites. Peu à peu une réaction des plus vives s'est manifestée en faveur d'une opinion toute contraire; les Animaux cavernicoles ne furent plus Fig. 136. — Agrion (Névroptère) H;/9, Scud) ; les Termites ont donné des preuves de leur activité destructive dans les troncs d'arbres des forêts carbonifères (Saarbruck) ; M. Scudder a constaté que les larves de Libellules vivaient à celte époque (cap Breton;; les Charançons eux-mêmes, d'après Buckland, révèlent leur présence dans les minerais de fer de Coalbrook Dale (Angleterre) : ce sont les Curculionidci Ansticii et Prcstvicii. On a reconnu l'existence des Arachnides pulnio- 68 INTRODUCTION. nées et tracliéemies dans les terrains carbonifères. 11 y a quelques trente ans la découverte, faite en BohOme par le comte de Sternbergdes restes remar- quablement conservés d'un Scorpion a fait sensa- tion, et le Microlabis {Cyclophtalmus) Stcmbergi a été représenté par tous les Paléontologistes; quoiqu'on ait trouvé depuis dansTlUinois d'autres Scorpionides {EoscoriAus carbonarius et anglicus, Mazonia Woo- diana), à Dudley (Angleterre) une sorte de Phryne l'Eophi-yausPrestwicii; dans le Lancashire VArchitar- bus subovalis,ïi. Woodward et dans l'IUinois VArchi- turbus rutiindatus, Scuddcr, tous deux apparentés aux Phrynes et aux Phalangides (Faux Scorpions), nous n'avons pu résister au désir de reproduire le type fossile le plus anciennement connu (fig. 130, p. e;;). On a signalé en Silésie et dans l'IUinois l'ap- parition à l'époque de la houille des Lycosides fAranéides), les Protolycosa et les Arthrulycosa. Aux temps houillers on n'a constaté l'existence d'aucun Insecte suceur. Les Insectes paraissent manquer dans le terrain permien et dans le trias, — quoique M. Dohrn ait décrit un Névroptère, VEiigereon Bœckin.iii, comme appartenant au permien,- mais ils commencent à se montrer en nombre dans les terrains jurassiques. Les formaiions liasiques de Schambeles (Argovie), les couches du lias des comtés de Glocester, de Warwitk, de Somerset, de Dorset (Angleterre), les schistes de Stonesfield (Angleterre), les calcaires lithographiques de Solenhofen et d'Eischatt en Ba- vière, ont l'ourni d'abondantes récoltes d'Insectes fossiles. C'est principalement à Brodie, Germar, von Munster, Hagen, II. Weyenberg que nous devons la connaissance de ces animaux. Les Névroptères sont extrêmement nombreux. M. Hagen, qui lésa parfaitement décrits, mentionne 38 espèces à Solenhofen seulement, — aujourd'hui on peut porter ce nombre à 42, — et en y joignant les espèces trouvées en Angleterre, 27 espèces, on arrive au chiffre important de 69 espèces ; une seule d'entre elles étant commune aux deux faunes {Heterophlebia (iis/ocatal. Il y aparmi elles des Hémerobes (H. pnscî(s, fossWi), dos Fourmilions Myrmeleo extinctus). Pa-imi les Orthoptères, qui compte pour hO p. lUO dans le chiffre d Insectes trouvés à Solenhofen, on disim- gue des Fortituhiria (Forficulidesi, des Gryltit'^s, des Phaneropteru (Locustides), des Acheta (id.), des Lo- cusla (id.). M. Brodie a représenté un grand nombre de débris de Coléoptères du lias; M. Weyenberg a décrit 29 Coléoptères de Solenhofen : ce sont des : Carabides, Silphides, Historides, Scarabéides {Ce- tonia ?) Bnpreslides, lllalérides, Curculionides, Chrysomélides, leur état de conservation généra- lement délcctueux ne permet souvent qu'une dé- terminatioii générique approximative. Les Hymé- noptères sont représentés par les Apiaria antiqua, lapiden, vctemna, le Dornbus conservatus. Les Hémip- tères comptent parmi eux des Nauco)is, des Belos- loma, des Nepu, des Ricania (genre aujourd'hui relégué entre les Tropiques), des Lystra, etc. M.Weyenbergh a fait une remarquable découverte; il a fait connaître le plus ancien des Lépidoptères, et, chose remarquable, ce Papillon jurassique (So- lenhofen) est un Sphinx qui rappelle tellement le Sphùxx convolvuli,\e Sphinx du Liseron, si répandu dans nos campagnes, qu'on est porté à se de- mander si le Sphinx Snelleni n'est pas réellement le Sphinx convoliuli; nous regrettons de ne pas faire nos lecteurs juges et arbitres. Les Diptères ont laissé également un petit nombre d'empreintes. Les terrains crétacés ne nous ont transmis au- cun débris d'Insectes. Les terrains tertiaires au contraire conservent en maints endroits les restes d'une Faune exces- sivement riche; les gisements de Salcedo et de Monte Bolca en Italie, d'Aix en Provence, de Corcnt et de Menât en Auvergne, de Siebengebirge, de Radoboj en Croatie, d'Œningen et d'Uznach en Suisse, sont célèbres. L'ambre que l'on renconlre sur les eûtes de la Baltique et qui n'est que la ré- sine d'arbres disparus {Pinus succinifcr) a conservé admirablement de nombreux Insectes. La Faune tertiaire est la mieux connue ; c'est elle qui pré- sente les types qui rappellent le plus nos formes actuelles, Névroptères, Orthoptères, Coléoptères, Hyménoptères, Hémiptères, Lépidoptères, Diptères, nous ont é'.é transmis, et leur état de conservation est souvent tel qu'il est possible de les décrire avec précision et de les comparer aux Insectes contem- porains. C'est à Oswald Heer que nous sommes redevables des plus beaux travaux sur la Paléon- tologie des Insectes tertiaires, mais il ne serait pas juste de ne pas signaler l'excellente étude compa- rative faite par M. Oustalet de la famie de l'Auver- gne et de la faune d'Aix. Il suffit de jeter les yeux sur les planches qui ac- compagnent les mémoires de 0. Heer et la thèse de M. Oustalet pour connaître la Faune entomolo- gique tertiaire, pour apprécier sa richesse, pour voir ses affinités avec la faune actuelle, pour re- connaître que certains genres n'existant plus dans nos pays sont relégués non pas sous les tropiques, mais dans des régions à température moyenne douce, à hivers tempérés. Nos lecteurs n'auront qu'à jeter les yeux sur les figures d'Insectes que nous joignonsà cet ouvrage (fig. 131 à fig. 139) pour constater que toutes les formes avec lesquelles ils sont familiarisés existaient sur le sol de l'Europe, il y a déj.\ quelques milliers d'années. Mais au mi- lieu des formes européennes ils seront tout surpris d'apercevoir des formes qui ne se rencontrent plus que sur d'autres continents. Hs recnnnaiiront parmi les Névroptères, des Agrions (fig. 13b), des.Csthnes, des Libellules (larves, nymphes etadul- tes), des Phryganes avec leurs fourreaux, — ce ne sont pas nos t spèces, mais des espèces analogues ; — des Termites inconnus aujourd'hui dans nos con- trées; parmi les Orthoptères nous trouvons des LES AIITHROPODES AUX DIFFERENTES ÉPOQUES GÉOLOGIQUES. 69 P/iimeio/ /((')•((, aujourd'hui confinés en Amérique cl aux Indes, des Gryllacris (fig. 13;i) actuellement relégués en Mulaisie ; parmi les Coléoptères nous rencontrons des Carabides {Ncbria, Ctilosoma, Ainaid, llarpahis), des Dyliscides {llyliscuii, Cy- bistcr, Dineutes), des Silphes, des llister, des Hy- drophiles (fig. 132 et 133), des Copris, des Onlho- phages , des lUiprestides (Chalcophora, Capnodis, Anthax a, etc.), des Elatérides {Cardivphoms, Dia- canthus , Lncon, etc.), des Tcléphores, des Can- thai'ides, des Cérambycides {Ciyliis, Meso^^a, Sa- perda, etc.), de nombreux Curculionides {Bruclats, Ri/huchitcs, Bnichycerus, Lixits, Cleoi>us, Cossonus), des Chrysomélides [Chnjsofiiela, Orema, Goniocicna), des Coccinelles. Les Hyménoptères apparaissent en nombre; les Xytocopa, les OswiVi, les Bomi«s, les Anthoporites nous indiquent que les fleurs étaient apparues ; le peuple immense des Fourn is ^fig. 138) se montre sous toutes les formes et sous tous les aspocis {Formica. Portera, Myrmica, etc.). Les Hé- miptères sont fort nombreux ; les Scutellérides (Pa- chycoris, Tetyra), les Pentatomides (Cydnus, lenta- tomu, Eurydema, Acanthosoma), lesCoréides {Palœo- coris, Alydus, Lyromastes, Coréites), les Lygéides {Lijiiseus, rachymcrus, Li/gœiics), les Membracides (Aradus, Tingis), les Réduvides {Nabis, Harpactor, Pirales], les Hydrocorides {Nepa, Naucoris, Corisa). lcsCicadides(Cïca(ia), les Fulgorides {Tettigometra), les Cicadellides {Cercopis, Aphrophora, Teltigonia), les .\phides {Apkis, Lachmis, Pervphigus], ont des représentants qui se rapportent à des genres qui se trouvent actuellement dans l'I-^urope tempérée ; il sufiil de jeter un coup d'œil sur les noms géné- riques que nous venons d'énumérer pour recon- iiaitre le bien fondé de notre assertion ; quelques- uns cependant sont particuliers à la faune tertiaire (d/diwpsù, Neurocoris, Paleocoris, Uarmostitcs, Ce- })haiocoris, Divtyophorius, etc.). Les Papillons voltigeaient eux aussi à cette époque et malgré leur fragilité ont laissé des témoins admi- rablement . conservés. Lorsque M. de Saporla annonça en IS3S la découverte d'un Papillon dans les terrains tertiaires d'Aix en Provence, ce fut une révolution dans le monde naturaliste, et l'on se partagea en deux camps ; les uns se refusèrent à admettre l'assertion du Paléontologiste, les autres l'acceptèrent pour vraisemblable, mais firent la proposition d'une enquête ; un dessin fut adressé à M. Audouin, professeur au Muséum, et M. Bois- duval fut chargé de son examen. 11 reconnut que ce Lépidoptère ne se rapportait à aucune espèce vivant sur notre sol, et crut devoir le rapporter au genre Cyllo ; mais craignant d'être le jouet d'une super- cherie, il n'osa pas se prononcer définitivement avant d'avoir vu le fossile lui-même. M. de Saporla protesta, mais les doutes ne furent levés que lors- qu'il consentit à mettre sous les yeux des Entomo- logistes, non plus le dessin, mais l'empreinte elle- même; une nouvelle discussion à laquelle prirent parties l.épidoptérologues les plus compétents, s'en- gagea, et le docteur Boisduval rangea définitivement le Papillon parmi les Satyrides et les Cylto et le baptisa du nom de C. srpidta ; yi . Lefôvre pré- lendit qu'il ne pouvait prendre place parmi les Cj/Ui et qu'il ét^iil intermédiaire entre les Vanesses et les Salyres; aujourd'hui, d'après les remarques et les études de MM. Butler et Scudder, on admet qu'il doit bien se ranger parmi les Satyrides, mais qu'il est allié au Neorina LowH de Bornéo et aux .\n- tirrh'Bi Philûctetes el Anchiphkbia Archœa de l'Amé- rique tropicale; il a pris le nom de Neorinopis se- pidta. L'étude de ce Lépidoptère faite et refaite ]iar les Entomologistes les plus compétents démontre donc à elle seule que sur notre sol vivaient des espèces dont les congénères ne se trouvent plus que dans les régions tropicales. Depuis, la décou- verte d'autres Papillons tertiaires a été faite et lujns figurons (fig. 131, p. 63) le iH(//o//i7«piers. Les Coléop- tères carnassiers par excellence sont les Cara- bides ; ils courent sur le sol, et s'abritent sous les pierres, sous la mousse, les feuilles mor- tes et les bûches; les uns vivent dans les plaines cultivées, les autres dans les bois; pour les recol- les il faudra donc retourner les pierres, gratter la mousse et les feuilles, soulever les biîches et les fagots. La recherche de ces Carabides qui amènera également la rencontre d'un certain nombre de Staphylins, n'exige aucun attirail ; il suffit d'avoir auprès de soi deux flacons, à encolure assez large, l'un contiendra la moitié de sa capacité de sciure de bois blanc tamisée, c'est-à-dire débarrassée des poussières et des éclats de bois, dont les parcelles ayant I ; à 2 millimètres cubes soient imprégnées do benzine, de manière que le gaz délétère en se dégageant constamment entretienne une atmos- phère asphyxiante ; l'autre contiendra quelques bandelettes de papier non collé, de papier à filtrer par exemple, sur lesquelles on aura répandu quel- ques gouttes de benzine ; le grand flacon servira à la récolte des Coléoptères de grande et de moyenne taille, le petit à la récolte des Coléoptères de taille exiguë. 11 faut toujours avoir soin de proscrire le colon dans lequel les Insectes embarrassent leurs membres et dont on ne peut les dégager que défraîchis et mutilés. Quanta la capture des car- nassiers qui hantent les charognes abandonnées, les Nécrophores, les Silphes, certains Staphylins et Histérides, elle est facile ; il faut seulement bra- ver toute répugnance, retourner à l'aide d'un bâton les cadavres des petits Mammifères, et ramasser à la hâte les hôtes troublés qui fuient de tous côtés ; une paire de bruxelles pourrait être utilisée par les délicats, mais une main gantée sera plus agile et arrêtera promplement les fuyards. Pour s'emparer aisément de tous ces carnassiers et carnivores, on peut se servir de pièges ; les plus simples de tous consistent en fosses à bords per- pendiculaires que l'on creuse dans les endroits fa- vorables pour que les Insectes errants viennent s'y précipiter ; on peut perfectionner ces pièges ; à cet ellét on enfouit dans la terre jusqu'au ras du sol soit des pots à fleurs, soit des bocaux dont les bords lisses détient toute tentative d'évasion, un appas, cadavre de taupe, viande crue, etc., placé au fond de ces vases attirera une foule d'animaux noc- turnes. La recherche des Insectes aquatiques, carnassiers ou herbivores, exige l'emploi d'un instrument in- dispensable, le Troubleau ; le troubleau est un filet en grosse toile résistante à tissu clair solidement attaché à un cercle de fer, et fixé à l'aide d'un écrou ou d'une vis de pression à un long et fort manche non flexible fuit de bois très résistant; avec un tel engin on peut fouiller la vase, ar- racher les herbes flottantes et capturer toute la gent aquatique. A cet effet à chaque coup de filet on déverse la vase et les herbes sur la terre ferme et on attend patiemment que les Insec- tes hijti^cus, CybisUr, Acilius, IJijdaticus, Agahus, llij'lroporus, Gyrinus, Colymbetes etc., Animaux de proie ; Ilydrophilus, Hydroe, Hydrobius, Pkilliydnis etc.. Animaux herbivores, se dégagent pour s'enfuir et rentrer dans leur élément. S'agit-il de s'emparer des Coléoptères qui grimpent le long des herbes pour prendre leur vol ou fréquentent les fleurs des prairies, le troubleau se transforme en filet fauchoir qu'on promène vivement à travers les herbes en imitant les mouvements du faucheur; ce filet fait d'une toile forte à tissu plus serré que le précédent rend de grands services et permet de s'emparer d'une foule de petites espèces; Mordellides, Lycides, Téléphorides, Malachides, Dasytides, Clérides, Cis- télidos, (Cdémérides, Curculionides, Cérambycides etc., tombent infailliblement au fond du filet et vont rejoindre dans des flacons les victimes déjà asphy- xiées. Les fleurs des arbustes, les buissons et les taillis recèlent une foule de Coléoptères que l'œil le plus exercé ne saurait découvrir, un procédé brutal \ ous permet de les découvrir ; on étend à terre une nappe, la nappe des déjeuners sur l'herbe et, armé d'une canne ou d'un simple bâton on bat les bran- ches et môme les fagots et les bourrées à coups re- doublés ; on n'a plus qu'à se ba sser pour ra- masser riche provende. Les Entomologistes de profession ont perfectionné ce genre de chasse ; le parapluie qui accompagne tout promeneur est devenu un précieux auxiliaire ; mais on ne sau- rait que faire dans ce cas du parapluie de soie, trop élégant, et même du simple parapluie de coton- nade de couleur, trop vulgaire, dont les ronces auraient bientôt raison ; on se sert d'un grand para- pluie en toile écrue qui réunit trois avantages, il garantit de la pluie, du soleil et remplace avan- tageusement la nappe. Lorsqu'on pénètre au bois, dans les futaies, de vieux arbres montrent leurs troncs vermoulus, leurs écorces fendues, c'est alors que le besoin d'un outil se fait vivement sentir pour fouiller les débris, soulever les écorces ; le couteau serait trop faible, la hache ou même la hachette, difficile à transporter, serait d'un maniement dangereux ; on a imaginé, l'écorçoir [ùg. ii'i); c'est une tige de fer quadrangu- laire légèrement courbée, solidement enmianchée dont l'extrémité élargie, en forme de losange à bords curvilignes tranchants est plate d'un côté et carénée de l'autre ; l'écorçoir est l'engin le plus utile au chasseur ; de la Brlilerie a eu l'heureuse idée de rendre cet instrument plus maniable, il en a ar- ticulé la tige, et l'outil facile à mettre en poche est DE LA RÉCOLTE ET DE LA CONSERVATION DES INSECTES. 73 Kig. ni. — Filet destiné à captu- rer k's Insectes, au vol ou au repos. Fig. 143. — Mailloche servant à imprimer aui arbres une se- cousse brusque qui fasse tomber les In- sectes. Fig. U:î. — Eror- çoir destiné à soulever les écorces ou à fouiller la terre. Fig. 144. — Pince h raquette', servant surtout ù s'empaii r des Hyménoptères àaiguillon. devenu par un simple artifice une pioche fort utile, tout en restant un écorçoir. C'est ainsi que grâce à cet instrument on surprendra les Scoljtes, les Cucujides, les Longicornes, les Charançons, etc. Lorsqu'on cherche à connaître les hôles des four- milières, un engin nouveau devient indispensable; cet engin est un tamis ou crible dont le fond est un treillis en fil de laiton ou en fil de fer galvanisé, à mailles assez fines, de deux millimètres environ, muni d'un couvercle ; si l'on se trouve, par exemple, en présence d'un nid de Fo)'mica rufa, on jette pèle mêle sur le tamis Fourmis et bûchettes et l'on ferme prestement l'appareil pour se préserver des morsures des habitants affolés; on tamise ensuite tout à son aise, soit sur une nappe, soit dans un sac adapté à l'appareil ; Fourmis et bûchettes restent emprisonnées, tandis que les hôtes d'une taille exi- guë passent à travers les mailles. Il ne faut pas se contenter de jeter sur le crible les débris qui for- ment le monticule caractéristique des Fourmilières, il est nécessaire, si l'on veut capturer tous les Myrmécophiles, de s'emparer des nids entiers et d'opérer avec rapidité afin de ne pas donner aux parasites le temps de s'enfuir. Les époques les plus favorables pour pratiquer ce genre de chasse sont les mois d'automne el d hiver, depuis octobre jus- Brkum. qu'en avril; l'engourdissement hivernal permet de recueillir les fourmilières sans être inquiété par les habitants. Dans les ' guêpiers, notamment dans ceux de la Vespa çjermanica, vivent quelques rares Coléoptè- res, le Metœcus parudoxus (Rhipiphorides), par exemple, dont les Larves se développent aux dé- pens du couvain des Guêpes ; pour s'en emparer, il faut commencer par se débarrasser des habitants des nids; pour cela pendant la saison d'automne, fin septembre et commencement d'octobre, on in- troduit, la nuit venue, dans la galerie qui conduit à l'habitation, un tampon de coton ou de linge, un fragment d'épongé imbibée de benzine en ayant soin d'obturer complètement l'orifice: le lende- main, les Guêpes seront toutes mortes ou anesthé- siées, et l'on pourra extraire le nid sans danger. Mais par ce procédé violent on peut avoir tué non seulement les Hyménoptères, mais encore les larves et les nymphes des Rhipiphores dont on aurait obtenu facilement l'éclosion. On peut éviter facile- ment cet accident. M. Rouget de Dijon a proposé un procédé fort original; il consiste à mettre la galerie de sortie en communication avec un long roseau; comme les Guêpes obligées de suivre cet interminable couloir, ne peuvent s'échapper qu'une VII.— 10 INTRODUCTION. h une, armé d'une paire de ciseaux et d'une grande somme de patience, exécuteur des hauios œuvres, on les coupe en deux avant qu'elles n'aient pris leur vol. Il est plus commode et plus expédilif de mettre le roseau en rapport avec une cloche à melon; les Guêpes s'y réunissent et il est facile de les asphyxier en masse. Mais il est encore des infiniments petits qui échappent aux investigations et que le hasard peut seul mettre sous les yeux; il faut les contraindre à sortir de leur retraite, pour cela on injecte de la fu- mée de tabac dans les fissures étroites où ils se dis- simulent; à cet effet on peut se servir avec succès d une sorte de pipe imaginée par M. J. Grouvelle ilans l.iquelle se consume le tabac, mais dont on repousse la fumée au lieu de l'aspirer. 11 est inutile de dire que l'on ne part pas en chasse muni d'un bagage aussi encombrant; le troubleau ou le filet faucheur, le parapluie, l'écorçoir et les flacons sont seuls vraiment indispensables, on fera bien de se munir également d'un certain nombre de petits tubes qui serviront à emprisonner des larves de Coléoptères que l'on voudrait étudier, ou h isoler les espèces délicates ou d'une grande r.ireté. Lorsque la débâcle des glaces et la fonte des nei- ges amènent des inondations, quand les pluies dorages, grossissant les cours d'eau, causent des débordements, les habitants des vallées sont dans" lu consternation, les Entomologistes, oublieux des misères de leurs semblables, sont au comble de la joie ; jamais occasion si belle ne s'est présentée de faire de riches récoltes de Coléoptères Au moment delà débâcle, des millions d'Insectes, des Coléoptères en grande majorité, sont encore lilongés dans leur engourdissement hivernal; quel- ques-uns seulement qui sommeillaient sur des pentes i-levées, exposées au soleil, profitant de l'action bien- faisante de ses rayons, ont commencé à se mouvoir. Voici que viennent mugissants les flots glacés qui minent et bouleversent tout. Les fragments de bois, les chaumes, les roseaux, les graines des plantes unis à tous les débris qui ne manquent ja- mais sur les rives d'un fleuve sont emportés ; ils Ilot- tentà la surface, et poussés çà et là, sont rejetés sur les bords où ils restent abandonnés lors du retrait des eaux dessinant par de longues traînées les niveaux atteints pendant la crue. Ces sédiments sont l'expression vivante de tout ce qui se trouvait à la surface du terrain avant la submersion. Si l'on recueille de suite une partie de ces dépôts encore humides, pour la porter chez soi afin d'en rem- plir partiellement des bocaux maintenus dans une chambre chauffée, aussitôt que les débris seront séchés et que l'action bienfaisante de la chaleur se sera fait sentir, on ne tardera pas à voir régner une grande agitation. Que l'on plonge alors quelques tiges de bois dans les bocaux, bien- tôt elles se couvriront de Coléoptères de toutes sortes, les uns plus nombreux que les autres et appartenant aux espèces les plus diverses. Que l'on attende au contraire que la chaleur des rayons solaires ait réveillé nos engourdis et suffi- samment desséché les débris noyés en ne laissant humides que les couches inférieures ; il suffira de soulever, de remuer ces débris pour y apercevoir une animation, un fourmillement extraordinaire; tous les Insectes, qui, charriés par le courant, ont pris terre après avoir échappé à mille dangers, et se sont accoutumés à trouver là une retraite assurée, ont été troublés dans leur quiétude. C'est sous ces roseaux accumulés que vous serez sûr de les ren- contrer jusqu'à ce que l'augmentation progressive de la température de l'air les invite à se disperser pour aller à la recherche de leur nourriture, et pour vaquer aux soins de leur reproduction. Parmi ces Coléoptères, il y a des Punaises, des Araignées, çà et là quelques Chenilles et quelques pupes propres à la vallée du fleuve ou aux autres val- lées des affluents qui fout partie du même bassin; c'est ainsi qu'à Paris même sont transportés les in- sectes qui habitent les montagnes calcaires de la Côte-d'Or et du plateau de Langres, ainsi que ceux qui hantent les montagnes granitiques du Morvan ; c'est ainsi que sur les bords de la Giroude se rencontrent les habitants de l'Auvergne entraînés parla ûordo- gne et ceux des Pyrénées amenés parla Garonne et ses affluents. Remarquons à cette occasion qu'un zélé naturaliste a ainsi à sa disposition un moyen sûr d'apprendre à connaître, d'une part, les Coléo- ptères qui dans son pays passent l'hiver à l'état parfait et, d'autre part, la Faune des montagnes où les fleuves prennent leur source. Dans l'inondation produite par l'orage, le ta- bleau présente les péripéties du naufrage. Les coteaux, de môme que les prairies, voisines des fleuves, sont pleins d'animation. L'orage éclate et noie champs et forêts sous des cataractes ; la gent hexapode, chassée de ses retraites par l'eau qui les envahit, arrachée par l'ouragan à la feuille où elle se cramponne, roule de tous côtés emportée par un déluge imprévu (PI. II). Éperdu, chacun cherche le salut ; un Carabique s'accroche à un briii d'herbe ; une Coccinelle le suit, puis une lourde Chryso- mèle; tout auprès grimpe un Carabe noir, mais, hélas! la faible feuille plie sous le poids, et l'In- secte devient le jouet des flots; sans perdre sa pré- sence d'esprit il se maintient solidement sur le brin qui doit être sa planche de salut, il se retourne et remonte. C'est en vain ; trop lourd, il retombe dans l'élément liquide entraînant la feuille avec lui. 11 renonce, et plein d'anxiété rame courageusement; une tige d'ombellifère s'offre à lui et il a en- core assez de force pour s'élever un peu au-dessus de l'eau; il rencontre une ChrysomOle et rapide- ment passe sur son corps; celte dernière effrayée se laisse choir et se trouve dans la situation où était le Carabe ; celui-ci accablé se repose enfin, il Oreiim. Iiisecles. T. VII, p. 71. PI 11 Piri!, J -B. Baillii-recl fils, éjil LES CÛLÉOPTÈKES PENDANT L'INONDATION- DE LA RÉCOLTE ET DE LA CONSERVATION DES INSECTES. passe SCS antennes à travers se< niamlibules, brosse SCS élylres cl semble se féliciter d'avoir échappe au danger. C'est ainsi que l'on voit passer nageant maint et maint Insecte qui cherche à saisir au pas- sage le moindre fétu. Sur la rive un groupe de Coléoptères noirs, verts et bleus, semblent se concerter pour éviter le dan- ger, car ils redressent leurs têtes et agitent leurs an- tennes. Une paire de yeux verts et vitreux sont depuis longtemps dardés sur eux; et prestement, ils sont iMigli mis dans l'estomac d'une Grenouille; ceux qui n'ont pas été happés gesticulent déconcertés, ahu- ris. Un tronc de saule dont quelques rameaux re- tombent ei dépafs>nt de beaucoup les herbes avoi- sinantes, constitue un solide refuge pour ses habi- tants et un port de salut assuré pour bien des nau- fragés. .\ussi est-il toujours hanté par une nom- breuse population. Bien tranquillement un svelte l!;iatéride se serre contre de jeunes rejetons de gro- seillier, à côté de lui un Longicorne (Lajnm textor) aux larges épaules, un(.harançon xerl (Clilorophamts viri(lis) portant son mâle sur le dos grimpent et fuient l'humidité qui gagne de proche en proihe. Ils étaient là tous hébergés et nourris avant l'in- vasion des eaux et ils continueront leur paisible existence quand celles-ci seront écoulées, lis y demeureront toujours, monteront un étage de plus s'il le faut, vivant en paix avec leurs voi- sins Chrysoméliens, verts ou bleus, marcheurs ou sauteurs. Notre tableau (PI. II) de la détresse des Coléoptères dans l'inondation ne donne qu'une faible idée d'un des actes de ce drame, où d'autres scènes analogues se reproduisent; si nous tombons sur un emplace- ment favorable par exemple où l'ean tranquille à sa surface forme une petite baie. Ici le manque de secours est plus grand encore et il n'est plus per- mis aux noyés de songer à attérir en terre ferme. L'eau charrie des feuilles, des roseaux, des brins de bois, (les écorces et d'autres débris de toutes les gran- deurs, des bouchons, des graines, etc., tous animés par des nageurs involontaires. Voici venir snr un fragment de roseau un petit Aphodius, qui a cer- tainement accompli un long voyage aquatique sur ce frêle esquif; là bas un Cloporte et un Mille-pieds se laissent aller à la dérive et emporter dans le port tranquille. Le calme réside, mais c'est le calme de la désolation. Les fragments charriés se balan- cent dressés ou penchés ; et poussés les uns contre les autres ils cèdent la place à d'autres ou s'étagent les uns au-dessus des autres. Tout bouillonne et se retourne en tous sens, et en silence. On ne voit que des êtres vivants auxquels il est impossible d'attein- dre le bord du rivage où même de se maintenir à la surface des Ilots. Mettez-vous à la place de ceux qui sont réduits à cette extrémité et vous compren- drez leur lamentable situation. Leur vitalité cepen- dant est plus grande qu'on ne le supposait, elle ré-iisle aux forces de la nature qui renversent des maisons, roulent des blocs de pierre et malgré tout, le plus souvent, ils sont sauvés, car l'eau ne tarde pas à se retirer et à les laisser à sec. Si à ce moment on considère ceux qui sent sauvés, on est étonné de les rencontrer en aussi grand nombre. L'inondation les a donc surpris bien subitement, pour qu'ils n'aient pas fait usage de leurs ailes peur s'enfuir; essentiellement mar- cheurs, ils ne prennent leur vol que lorsque le soleil brille du plus vif éclat ou lorsque l'instinct de la reproduction les oblige à se déplacer. Ce n'est même pas en s'envolant qu'ils cherchent leur salut, lors- qu'ils sont tombés dans un de ces fossés creuses par le forestier. Préparation dea Coléoptères. — Rendu au lo- gis, c'est alors que commence la besogne la plus aride, celle de la préparation ; pour ce faire, on verse peu à peu le contenu du flacon rempli de sciure et d'Insectes sur du papier à filtrer et on les pique au fur et à mesure ; on emploie à cet effet de longues épingles, dites épingles à Insectes, longues généralement de Ki lignes (3fi millimètres), quel- quefois de 18 (I) ; les Entomologistes ont adopté nn usage devenu classique, celui de piquer tous les Insectes sur l'élylre droite ; on implante l'épingle vers le sommet de manière à ce qu'elle traverse le sternum à droite entre la seconde et la troisième patte. Cela fait, on dispose les embrochés sur une planche de liège et avec de longues épingles, on dispose les pattes et les antennes symétriquement. Eli Angleterre on a l'habitude d'étendre fous les appendice», mais le moindre heurt peut briser un membre; en France on préfère ranger les pattes soùs le corps et replier les antennes en arrière le long du corps ; on évite ainsi les chances de rup- ture et on peut dissimuler habilement la perte d'un membre. On verse également sur du papier à filtrer les petits Coléoptères du second flacon ; mais, comme l'exiguité de leur taille ne permet pas de les piquer, on colle délicatement chacun d'eux sur des petits rectangles ou triangles de carton blanc (fig. \i~, p. 79), que l'on embroche avec une des longues épingles à Insectes. Il va sans dire que ces procédés de préparation ne peuvent être employés que par le Naturaliste séden- taire ; ils ne sont pas à la portée du Naturaliste voya- geur. Celui-ci doit se borner à retirer les Insectes provenant de ces chasses des flacons de chasse, à les faire sécher, puis à les disposer par lits dans des pe- tites boîtes en les enfouissant sous des couches suc- cessives de sciure de bois bien sèche et fortement tas- sée. Au retour il n'aura qu'à les tirer, à les exposer à l'humidité, sous une cloche (voyez plus loin Ramo- lissoir), pour rendre la souplesse aux articulations (1) On trouve ces épingles dans le commerce; celles qui proviennent de fabricaiion allemande sont les meil- leures. Parmi les différents numéros, n'* I à In, les n"' i, â et 6 sont les plus utiles. INTRODUCTION. et il lui sera aussi facile de les préparer que des Insectes frais. Chasse des liépîdoiuères. — La récolte des Lé- pidoptères exige des procédés particuliers ; la fragilité d.' leurs ailes, la délicatesse de leurs écailles que le moindre frottement détache, nécessite une foule de jii-écautions. On se sert pour la chasse du classique filet à Papillons; ce filet est une longue poche coni- que en crêpe de soie verte ou en tulle, cousue à un ruban de soie de môme couleur qui forme une coulisse dans laquelle s'engage un cercle de fer de ■iO Cîntimctres de diamètre environ ; ce cercle se plie en deux ou en quatre et s'emmanche à l'aide d'une vis et d'un écrou à une longue canne de bambou légère cl flexible. Avec un peu d'habitude on de- vient fort habile à saisir môme au vol les Papillons les plus rapides ; mais, la capture faite, il faut im- primer un demi-tour au filet de manière à fermer l'entrée pour empêcher la fuite du prisonnier ; cela l'ait, on l'oblige à se réfugier au fond de la poche de gaze ; avec mille précautions on le contraint peu à peu à demeurer immobile et délicatement, lorsque ses ailes sont i-elevées, on lui comprime le thorax entre le pouce et l'index afin de le tuer rapidement sans qu'il puisse se débattre. Les Lépidoptérologues disent qu'en agissant ainsi on étouffe le Papillon ; il n'y a là qu'une simple périphrase inngée; en réalité par la compression on a désorganisé les cen- tres nerveux thoraciques, mais nullement anéanti les fonctions respiratoires. On introduit alors la main dans le filet, puis on le retourne pour recevoir la \ictime ; ses ailes sont généralement fermées, un léger souffle les entr'ouvre et armé d'une longue épingle à Insecte on le transperce par le milieu du thorax. C'est ainsi qu'on chasse généralement les Papillons diurnes ; la chasse des Nocturnes et des Papillons infiniment petits exige une foule de pré- cautions; aujourd'hui, pour recueillir ces Lépidop- tères dans toute leur fraîcheur et éviter le contact des doigts, on emploie un artifice des plus sim- ples. Lorsque l'Insecte est capturé on introduit dans le filet un flacon à très large goulot et adroitement on force le captif à passer dans cette nouvelle pri- son; il s'agite quelque peu, mais au bout de quel- ques secondes il tombe foudroyé. Ce flacon a été soigneusement préparé ; au fond, quelques mor- ceaux de cyanure de potassium ont été placés, une couche de ouate les enveloppe, un disque de papier collé sur le pourtour les maintient; sous l'influence de l'air et de l'humidité le cyanure se décompose lentement et se transforme en carbonate de po- tasse et en cyanogène, c'est-à dire en acide prus- sique ; l'atmosplière du flacon contient donc tou- jours des vapeurs du plus redoutable des poisons. C'est ainsi qu'on peut collectionner dans toute leur splendeur ces minuscules Papillons qu'on appelle des Microlépidoptères dont l'envergure n'excède souvent pas 1 à 2 millimètres et qui sont des chefs- d'œuvre de délicatesse, des merveilles de beauté Il est beaucoup de Lépidoptères, le plus grand nombre môme, qui dorment le jour et volent seulement la nuit ; les Entomologistes ont ima giné plusieurs artifices pour les prendre aisément. La possession d'une femelle d'une des gran- des espèces de Bombycides permet, ainsi que nous l'avons déjà dit page 6, de s'emparer de bien des mâles ; pour cela, on l'installe tout à son aise dans une cage de gaze que l'on place dans un endroit bien choisi, la lisière d'un bois, une clairière ; attirés par dos émanations que nos sens impuissants ne peuvent saisir, les mâles ne tardent pas à venir de toutes parts voltiger autour de la captive, et le chasseur sans scrupule et sans cœur voue à la mort ces infortunés soupirants. La chasse à la lanterne peut être pratiquée avec quelque succès. Par les belles soirées d'été, lorsqu'on laisse les fenêtres ou- vertes, une foule de Papillons de nuit viennent voltiger autour dos lumières, décrivent autour d'elles des orbes de plus en plus petits et finissent, fascinés, par se précipiter à travers les flammes. Tous nous les avons vu tomber languissants, les antennes et les ailes brûlées sur nos livres, nos journaux, ou s'épuiser en vains efforts, pour pé- nétrer à travers les glaces des réverbères, et cher- chant à comprendre comment ces êtres qui re- doutent la clarté dujouretl'éclatdu soleil pouvaient être attirés par la lumière artificielle, nous nous som- mes pris pour eux d'une grande pitié, maudissant la fatalité qui les conduisait aveuglément à la mort. On n'a donné jusqu'à présent aucune explication plausible de cette attraction irrésistible; mais les Entomologistes désireux de s'emparer d'une foule de Papillons de nuit, ont mis à profit l'amour des Insectes nocturnes pour la lumière; à cet effet ils installent dans un endroit qu'ils jugent propice une nappe sur laquelle ils posent une lanterne dont la flamme puisse jeter une vive clarté; et ils s'empa- rent au filet ou au flacon des Noctuelles et des Géomètres qui viennent bientôt voleter aux alen- tours. Il est un genre de chasse bien connu qui permet de faire à peu de frais d'excellentes cap- tures : c'est la chasse à lamielUe : on sait que dans certaines circonstances les feuilles des arbres se couvrent d'un enduit sucré et l'on a pu remarquer que mille Insectes fort alléchés viennent visiter ces feuilles ; imitant la nature, on a eu l'idée d'enduire avec du miel délayé ou de la mélasse les arbres pla- cés sur les lisières ou autour des clairières des bois, les arbres des vergers; quelquefois à défaut d'arbres on badigeonne des pieux ou des cordes. Pendant le jour ce sont les Mouches, les Abeilles, les Guêpes qui viennent butiner, mais à la nuit close les Pa- pillons nocturnes arrivent à tire d'ailes pour s'in- staller autour d'une table servie tout à leur goût. Approchez-vous sans crainte, dardez votre lanterne, quelques-uns cherchent à se dissimuler, mais la plupart des soupeurs ne se dérangeront pus, ils se DE LA RÉCOLTE ET DE LA CONSERVATION DES INSECTES. laisseront plutôt empaler sur pliicc (jua d'abandon- ner leur festin, tant est grande la puissance de la gourmandise -, il faut dire, pour les excuser, que parmi les hommes bien des gourmands ont su et savent encore mourir à table. M. de Pojcrhimoff a imaginé un Piéae à Papil- lons très ingonicux; il consiste en deux nasses de gazo verte réunis par un cylindre également en gaze percé de larges ouvertures longitudinales; une forte corde traverse l'appareil de part en part, elle sert à le suspendre à une branche d'arbre et à tendre les nasses. Les Papillons attirés par le miel dont on a enduit la corde, pénètrent par les ouver- tures, s'ils veulent s'échapper en voltigeant, ils en- trent dans la nasse supérieure, s'ils se laissent choir en s'endormant, ils tombent dans la nasse infciieure. 11 suffit d'ouvrir les coulisses qui fer- ment les extrémités des nasses pour s'emparer des inisonniers. Ce genre de chasse a cet avantage de permettre au chasseur de passer la nuit dans Sou lit. Le Lépidoptérologue ne se sert guère de l'écor- çoir, si ce n'est pour chercher les Chrysalides sous les écorces ou dans la terre au pied des arbres : mais il peut employer un instrument capable de lui rendre quelques services, le madlet. Les Papillons nocturnes ont souvent l'habitude de dormir pen- dant le jour sur le tronc des arbres ; ils défient le regard et sont souvent posés hors de portée ; si on imprime à l'arbre un brusque ébranlement, ils se liassent choir ; si on a le coup d'œil assez sûr pour reconnaître les points où ils sont tombés on peut faire quelques bonnes prises ; une nappe éten- due sur le sol facilite les recherches. Ce ne sont pas tous les maillets que l'on peut utiliser pour ce genre de chasse. Les maillets ordinaires de bois, dé- tinioreraient les arbres et les gardes forestiers se- raient en droit de vous dresser procès-verbal; on emploie des maillets construits spécialement ; ce sont des cylindres de plomb pesant environ un ki- logramme, recouverts d'une première garniture de liège, puis d'une seconde garniture de cuir épais, et pourvus d'un manche de bois dur ayant lo centi- mètres de long. L'emploi de cet instrument, mal- gré les perfectionnements de sa construction, doit être réservé ; il peut déterminer la formation de plaies sur les arbres à écorce mince et à bois tendre, principalement sur les arbres résineux. Quel que soit le mode de chasse, les Papillons transpercés sont piqués solidement dans une boite munie d'un fond de Uège ; mais en voyage et sur- tout dans les voyages d'outre-mer, il faut procéder différemment ; tous les Papillons dont le corps est grêle, une fois étouffés, ne sont plus embrochés, ils sont mis en jjai'illote ; la papillote est un carré de papier qu'on plie en triangle suivant une paral- lèle à la grande diagonale, de manière à pouvoir replier la partie restante pour la fermer. L'usage des papillotes rend de grands services et permet d'entasser dans des boites des milliers de Lépidop- tères qui risquent d'autant moins d'être défraîchis qu'ils sont tassés davantage. Récolte et éducation des Clienilles. — Au- jourd'hui les Entomologistes qui se livrent sérieu- sement à l'étude des Lépidoptères, se livrent à un tout autre genre de chasse ; ils cherchent les Chenilles et les élèvent avec des soins infinis, les uns pour étudier toutes les formes des Insectes, le plus grand nombre pour obtenir des Papillons qui n'ayant jamais volé soient d'une fraîcheur merveil- leuse et n'aient point laissé une écaille aux ronces du chemin, pour voir éclore des variétés ou des aberrations qui donnent un grand prix à leurs col- lections. La chasse des Chenilles exige une grande patience, une grande étude des mœurs et des con- naissances botaniques assez étendues ; certaine- ment le hasard vous mettra en présence d'un cer- tain nombre d'espèces comrnunes errant sur le sol (Chelonia (aj ;, Bombyx ruhi), mais beaucoup d'entre elles se dissimulent sous les feuilles au ba^ de la plante qui les nourrissent ou au voisinage, et ne sortent que la nuit pour manger ; d'autres vivent dans les tiges, les troncs, les feuilles, les fleurs, les fruits, etc., chacune d'elles ayant un genre de vie particulier ; la grande majorité vit à découvert, les unes sur les plantes basses, les autres sur les ar- bustes, d'autres sur les arbres, quelques-unes même au sommet des plus grands arbres. Le fikt fauchoir employé par le Coléoptérologue peut permettre de recueillir certaines d'entre elles, mais il faudra quelque sagacité pour discerner la plante qui la nourrissait; \e parapluie est de tous les instruments celui qui rend le plus de services, il pcrmel, lors- qu'on bat les buissons et les taillis méthodique- ment, de récolter les Chenilles de tel ou tel végétal ; il sert également à emmagasiner les feuilles sèches et les mousses au milieu desquelles se dissimulent les Chenilles qui vivent sur les plantes herbacées ; le maillet, lorsqu'on bat les arbres au-dessus d'une nappe ou d'un drap, rend quelques services. 11 est inutile de dire que le chasseur devra se trouver pourvu d'une boîte à compartiment ou d'un cer- tain nombre de petites boîtes ; les boîtes sembla- bles à celles qu'emploient les pêcheurs à mettre leurs vers, mais pourvues d'une ouverture sur le couvercle sont fort commodes parce que les plan- tes qu'on y renferme sont préservées de la des- siccation ; le chasseur de Chenilles ne devra pas ou- blier de porter en bandouillère la classique boîte à herboriser qui lui permettra de conserver fraîches les provisions de bouche, les siennes avant d'en- trer en campagne, celles des Chenilles pendant lexcursion. Ce n'est pas tout que de récolter, il faut encore élever et conduire à bien ; si on a des Chenilles ayant subi leur dernière mue, la peine sera petite, mais si on a des jeunes sujets venant d'éclore la INTRODUCTION. peine sera grande ; et tout dépendra alors d'une bonne installation et surtout de l'expérience. Pour élever les Chenilles, obtenir leur transfor- mation en ChrysaHdos, et leur métamorphose en Papillons aussi parfaits de coloration que de forme, il faut s'armer de patience et entourer ses pension- naires de soins vigilants. Il ne suffit pas de les en- fermer dans des boîtes étroites où l'air reste con- finé, de leur dispenser de temps à autre d'une main avare, une nourriture flétrie; et croire que, débar- rassé de tout souci, on n'aura plus qu'à attendre l'éclosion des Papillons; la maladie ne tarderait pas à faire de nombreuses victimes dans ces éducations misérables, et si quelques Chenilles parvenaient à se métamorphoser elles ne donneraient que des Papillons avortés, aux ailes frippées ou recroque- villées. De grandes boîtes carrées en bois, au fond garni d'une couche de mousse, au couvercle aussi élevé que la boîte elle-même, garni sur cinq faces de toile métallique, sont fort utiles, on peut v en- Fig. 14 Pot dispusé pour l'rlevage des Clienilles. fermer des tlaçons dans lesquels trempent les liges des plantes ou les branches des arbres ; les éduca- tions des Lépidoptères diurnes, des Bombyx, des Satarnia, Lasiocampa, Chelonia, etc., des Noctuéli- des [Catocala], réussissent parfaitement dans de telles conditions, les Chenilles pouvant se pendre au couvercle, filer leurs cocons dans les angles ou dans les feuilles, se chrysalider dans la mousse. Il faut avoir soin de renouveler l'eau des flacons, de changer les branches assez souvent avant qu'elles ne soient flétries; de laisser les Chenilles passer elle-mêmes des branches fanées sur les branches fraîches, si on cherchait à les prendre avec les doigts, elle se cramponneraient si fortement qu'on ne saurait les arracher sans les froisser. De temps en temps il faudra arroser ses pensionnaires, car il ne faut pas oublier que la siccité de l'air ambiant est souvent préjudiciable; à cet effet on projette à l'aide d'un pulvérisateur l'eau qui se dépose en Pig. 14S. Les raracaui plongés d.ins l'eau soni recouverts d'une "iie niaiiitenue par une carcasse en lil de fer. gouttelettes si fines qu'elles simulent la rosée du matin. Mais la plupart des Chenilles, celles des Noc- tuelles et des Géomètres, s'enterrent pour se chrysa- lider, il faut donc les installer de manière à co fig. I'i6. — Étaloir servant à la préparation des iiisoctcs qu'elles puissent trouver la terre à leur portée; à cet effet on rempli des pots à fleurs jusqu'à mi-hau- ?ig. 146. Préparation d'uD Coléoptère (ordinairement elle se fait • une planchette de liège); préparation de deui Névroptères .-ivec ; bandes de papier glacé; préparation de deux Papillons ave > bandes de papier végétal dont la transparence permet de rendrft npte de l'arrangement des ailes. DE LA RÉCOLTE ET DE LA CONSERVATION DES INSECTES. 79 lis. I4S Fig. 147. Fig. 101. Fig. 147 il loi. — Préparation des petits Insectes. leur de terre meuble, teiro de bruyère ou terre or- dinaire mêlée de sable fin, de grès par e.\eniple, en ménageant au centre un trou pour y loger un bocal rempli d'eau dans lequel on met les feuilles et les branches, et on recouvre le tout d'un couvre-plat en lil de fer et on l'ajuste soigneusement pour que les élèves ne puissent pas s'évader. Les pots à fleurs et les couvre-plats constituent l'outillage le moins dis- pendieux et le plus utile du Naturaliste qui voudra se consacrer à 1 élevage ou aura nécessité de con- server des Insectes vivants pour la dissection. Mais il est un piocédé d'éducation que l'on devra préférer toutes les fois qu'on pourra le pratiquer: c'est l'élevage direct sur les plantes et les arbustes, soit à l'air libre, soit dans un jardin, soit sur des plantes enracinées cultivées sur des terrasses ou balcons. Pour cela on dispose les Chenilles sur des rameaux bien choisis, dépourvues de Pucerons, de l'ourmis, de Perce-oreilles, et on enveloppe les ra- meaux d'un manchon de toile ou de fort canevas couli.ssé aux deux extrémilcs. Ainsi protégées du bec des oiseaux et privées de la liberté, les pensionnai- res croissent rapidement; on n'a qu'un souci, celui de les changer de rameaux pour leur assurer une provende abondante et de surveiller l'époque de leurs Métamorphoses. Sous le ciel clément de nos départements méridionaux (Var, Alpes-Maritimes), ce procédé réussit particulièrement bien et je me souviens d'avoir vu le jardin d'un Lépidoplérologue distingué, M. Millière, sous un aspect bien singu- lier ; ce jardin était un véritable jardin botanique dans lequel on pouvait rencontrer des échantillons de toute la flore de la région ; mais toutes les plan- tes portaient des petits manchons de gaze qui abri- taient les Chenilles d'une foule d'espèces de Papil- lons méridionaux rares ou difficiles à se procurer. Fig. 147. Petits Insectes collés sur des morceaux de carton. — Fin. 14'<. Fils d'arsent ou de platine préparés. — Fig. 149. Ma- flicre de piquer uu Microlépidoptère. — Fig in(i. Microlépidoptereà Nous ne nous étendrons pas plus longuement sur ce sujet, nous renverrons les Entomologistes à l'ex- cellent Guide de l'ékvtur de Chenilles de Berce, résumé de quarante ans de pratique. Préparation des liépidoptères. — On ne se contente pas de recueiUir les Papillons, de les pi- quer et de les conserver tels quels ; ils meurent dans les attitudes les plus variées ; quelquefois, les Papil- lons de jour expirent les ailes relevées ne laissant voir que la face inférieure, presque toujours les Pa- pillons de nuit succombent les ailes supérieures rabattues recouvrant entièrement les ailes infé- rieures; on est donc obligé de les contraindre à se montrer sous l'aspect le plus favorable ; mais leur préparation exige une grande dextérité et une légè- reté de main toute féminine. On étend leurs ailes sy- métriquement au moyen d'un appareil qu'on appelle un étaloii: L'étaloir (fig. I4C) est une planchette de bois tendre creusée en son milieu d'une rainure au fond de laquelle se trouve une couche d'agave. On engage le corps du Papillon dans la rainure, on pique l'épingle qui le traverse dans l'agave et on l'enfonce jusqu'à ce que les ailes affleurent les bords de la planclielte, puis avec une épingle d'acier on étend les ailes et on les maintient avec d'étroites bandelettes de papier glacé solidement fixées avec des épingles ; cela fait on donne aux antennes et aux œufs une position convenable et l'on n'a plus qu'à laisser s'opérer la dessiccation; au bout de 8, 10 ou 15 jours, suivant la température et le volume des Papillons, la préparation est complète et l'on peut retirer les Insectes de l'étaloir. 11 faut se garder de les enlever trop tôt, dans la crainte qu'ils ne prennent de mauvaises attitudes, ce qui obligerait à les étaler de nouveau. Tous les Papil et Mici'ohyménoptères préparés et piqués sur des prismes de moelle de sureau. — Fig. 15). Microlépidoptêre très grossi, piqué sur un billot de moelle, le dos duos une rainur. 80 INTRODUCTION. Ions mal préparés, desséchés ou enfermés dans des papillotes, doivent être exposés àl'humidité qui rend peu à peu à leurs articulations la souplesse et per met d'étendre antennes, pattes et ailes sans la moindre crainte de rupture ou de déchirure ; l'expo- sition à l'humidité se fait dans un ramoUnsoir ainsi établi : on remplit une terrine ou une cuvette de grès pulvérisé ou de sable fin fortement arrosé, on pique diroctement les Insectes sur le grès ou bien on les étend sur une feuille de papier, puis on les recouvre d'une cloche dont on lute les bords avec du sable humide ; au bout d'un temps plus ou moins long suivant la saison, suivant la taille des sujets, les animaux sont suffisamment ramollis pour être maniés sans danger. 11 faut avoir soin de verser sur le sable quelques gouttes d'alcool dont les vapeurs empêcheront le développement des moisissures. Si l'on veut conserver des Papillons ou même d'autres Insectes avec toute la souplesse des articu- lations afin de les préparer à loisir, on peut les en- fermer dans un vase hermétiquement clos au fond duquel se trouve une couche de feuilles de Laurier- cerise {Prunus lauro-cerasus) hachées qui dégagent de la vapeur d'eau mêlée d'acide prussique qui em- pêche le développement des moisissures. Les Anglais ont coutume de disposer leurs Lépidop- tères sur des étaloirs peu élevés de manière à ce que étant piqués très bas, les doigts puissent saisir aisé- ment l'épingle, en France on pique plus haut afin de pouvoir assujettir les Insectes dans les boîtes à l'aide d'une pince courbe qu'on passe au-dessous d'eux. Pour donner aux collections un aspect plus agréable, on étend les ailes d'une façon rigoureuse- ment symétrique ; en France on dispose les ailes de façon que le bord inférieur de la première paire d'ailes sôit perpendiculaire à l'axe de l'étaloir, puis on ramène les ailes inférieures jusqu'à ce que la portion du bord antérieur des ailes inférieures or- dinairement cachées, soit recouverte (fig. 146, p. 78); on peut reprocher à ce procédé d'exagérer les mou- vements en avant des ailes et de mettre à découvert les replis des ailes postérieures qui emboîtent l'ab- domen des Nyniphalides comme d'une gouttière; les Entomologistes anglais et un certain nombre d'amateurs français donnent aux Papillons une atti- tude plus naturelle en évitant de ramener les ailes antérieures trop en avant. La préparation des petits Insectes : Micvolépiiloptéres, Mkrohyménoptères, etc., exige des soins tout particuliers, il est impossible de les piquer avec les plus fines épingles sans risquer de les détériorer; on emploie un artifice, au lieu d'épingles on se sert de bouts de fils d'argent ou de platine d'un centimètre de longueur et d'une ténuité infinie; on saisit avec une pince un de ces fils et, s'aidant d'une loupe, on transperce les Insec- tes les plus délicats, placés sur le dos, sur un petit bloc de moelle de sureau creusé d'une rainure. La préparation des Microlépidoptères se fait sur de petits étaloirs en glace, les sujets étant placés sur le I dos ; l'opération faite, on enfonce les brins de fil sur des petits prismes de moelle de sureau préparés d'avance qu'on enfile avec des épingles à Insectes (fig. 147 à lot). ChniiBe et récolte des Orthoptt^res, des j\l— Troptères, des némiptères et des Hyménop- tères. — La chasse des Orthoptères ne comporte pas de procédé particulier; la plupart étant cou- reurs ou sauteurs peuvent être pris à la main ou avec le filet fauchoir; ceux qui atteignent de grandes dimensions méritent d'être recueillis avec quelques précautions : à cet effet on les enfonce dans dos cornets de papier résistant bien fermés et on s'ef- force de les asphyxier à l'aide de vapeurs délétères pour éviter qu'ils ne déchirent les parois de leurs prisons à belles mâchoires ; on peut également pa- ralyser leurs mouvements au moyen des ligatures faites avec du gros fil autour de leurs robusies membres. Les Orthoptères seront empalés par le milieu du méso thorax. Les Névroptères sont capturés à l'aide du filet à Papillons et sont étalés comme eux; les voya- geurs pourront sans crainte les enfermer dans des papillotes. On les pique au milieu du méso- thorax. La chasse des Hémiptères ne diffère en aucune façon de celle des Coléoptères; mais au lieu, lors de la préparation, de les piquer sur l'élytre droite, on les transperce par le milieu de l'écusson. La récolte des Hyménoptères se fait générale- ment comme celle des Lépidoptères, car un grand nombre d'entre eux visitent les fleurs, et le filet à Papillons sert à les capturer ; mais la plupart de ces Insectes portent un dard dont ils usent à noire grand détriment pour nous infliger de cruelles pi- qûres ; l'emploi du flacon au cyanure de potassiun; ou au chloroforme est absolument indispensable pour les prendre et les asphyxier. On a préconisé pour la chasse des Hyménoptères la pince à raquette (fig.' 144, p. 73); elle est certainement utile, mais vous oblige à transpercer les Insectes tout vivants. La visite des vieux murs en pisé, des talus ou def sa- blières exposées au soleil est obligatoire et seule permet de s'emparer aussi bien des Hyménoptères mellifères que des Hyménoptères qui vivent à leurs dépens ; l'éducation des Chenilles, la récolte des Chrysalides procurera une foule de parasites, Ichneuinonides et Ghalcidides. On prépare les Hyménoptères comme les Papillons, mais souvent on s'épargne la peine de les étaler. Les Diptérologues sont malheureusement peu nombreux, ils n'ont d'ailleurs aucun procédé de chasse particulier; le filet à Papillon, le flacon asphyxiant et les épingles sont les seuls engins qu'ils puissent utiliser. On n'étale généralement pas les Diptères, quoi qu'il soit préférable de les pré- parer pour donner un aspect plus ordonné aux col- lections. DE LA RÉCOLTE ET DE LA CONSERVATION DES INSECTES. 81 Types des principaux Ordres de la Classe des Insectes. Ordre des COLÉOPTÈRE.S. Fig. 152. — Le Lucane cerf-volant i^Lacanus cenun). Ordre des ORTHOPTERES. Corbeil, Crél6, imp. Pwi». BiiUière et ail, edil. Fig. 153. —La Mante religieuse (ifan^is re%iosa). Breiim. VIL — 11 82 INTRODUCTION. Récolte et congervation des JLarves, Che- nilles, Myriopodes, Arachnides, etc. — Une récolte dont la conservation en colleclion est plus difficile, est celle des Larves, des Chenilles, des Parasites de Mammifères et d'Oiseaux, des Myrio- podes, des Arachnides (Araignées, Scorpions, (xo- des, etc.). Le plus souvent on noie ces animaux dans ralcool et on les conserve dans de petits tubes ou dans des flacons ; mais il est une précaution à prendre, pour ne pas être désagréablement surpris en les voyant se désorganiser et tomber en pour- riture, c'est d'éviter d'employer des alcools trop faibles ou affaiblis par l'eau que rendent les Arti- culés qu'on y plonge en trop grand nombre. Cette recommandation s'adresse particulièrement aux Na- turalistes voyageurs qui devront toujours prendre la peine de changer l'alcool de leurs flacons de chasse pour éviter des mécomptes. 11 est certain que l'alcool adultère les couleurs, modifie les formes des animaux mous, mais aucun autre liquide prétendu conservateur n'a pu le remplacer ; il a le grand avantage au retour de permettre l'étude ana- lomique. Les collectionneurs, pour préparer les Chenilles en évitant l'emploi de l'alcool, ont imaginé le pro- cédé suivant. On comprime d'abord la Chenille entre les doigts de manière à déterminer la rupture du tube digestif et à obliger tous les viscères à s'échap- per par l'ouverture anale ; cela fait, on introduit dans cette ouverture une paille qu'on fixe avec une épin- gle; puis par l'intermédiaire de celte paille, on gonfle la peau de la Chenille pour lui rendre sa forme pri- mitive, en la tenant au-dessus d'une plaque de tôle fortement chauffée jusqu'à ce qu'elle soit bien des- séchée. Par cette méthode on a l'avantage d'avoir des pièces de collections, dites soufflées, qu'on peut mettre à côté des Papillons, mais ces pièces souvent déformées par le gonflement et la dessiccation, et toujours décolorées, ne sont pas aussi bonnes pour l'étude que celles conservées dans l'alcool. Quel- ques Entomologistes ont la patience de les peindre afin de leur restituer leurs couleurs. Conaervation et clasBement des collecttons. — La conservation des collections exige des soins de tous les jours, car les Insectes desséchés ont de nombreux ennemis; une grande vigilance est né- cessaire pour empêcher des Larves de Coléoptères, des Chenilles de Tinéides, des Acariens, de faire des ravages incessants, de commettre d'irréparables dé- gâts. Les Insectes les plus nuisibles aux collections sont avant tout les larves des Anlhrènes (Coléop- tères),— celles des Anthrenus museorum sont mal- heureusement trop connues, — qui rongent quel- quefois les sujets les mieux préparés au point de ne laisser comme témoins que les épingles ; les larves des Dermestcs (Coléoptères) principalement celles des Atlagenus pellio, des Dcnnestes lardarius s'attaquent de préférence aux nids de Guêpes, le couvain desséché leur offrant un aliment très nu- tritif; les larves des Tribolium ferrugineum se plai- sent à dévorer les Chrysalides encore renfermées dans les cocons (Chrysalides de Vers à soie notam- ment); les larves des Ptines, et surtout celles du Ptitius fur, dévastent quelquefois les collections en- tomologiques, et nous avons vu des Chenilles de Teigne dévorer des Cicindèles. Lorsqu'on aperçoit sous le corps d'un Insecte une légère poussière, débris des repas des rava- geurs, il faut s'empresser d'imprimer à la boite de brusques secousses qui les forcent souvent à tomber; mais lorsque les ennemis sont logés dans le corps même des Insectes, il faut les faire dé- guerpir. Pour cela on introduit dans les cartons un tampon de ouate fixé autour d'une épingle et imprégnée de benzine ou préfcrablement de sul- fure de carbone dont les vapeurs délétères, si les cartons ferment hermétiquement, ne tardent pas à les chasser de leurs cachettes et à les asphyxier; on les trouve mortes au fond des boîtes. Il est préférable, lorsqu'on connaît avec certitude l'In- secte attaqué, de l'isoler et de l'enfermer pendant quelques jours dans un vase bien clos contenant du cyanure de potassium ou du sulfure de carbone ; cela fait on pourra le réintégrer sans crainte dans la collection. Quand les collections ont été exposées à l'humi- dité, elles deviennent souvent la proie des Acariens et les Tyroglyphits entomophagus réduisent en pous- sière même les Coléoptères qui semblent les plus résistants. L'humidité détermine l'apparition des moisissures qui sont encore plus funestes que les Insectes et les Acariens rongeurs ; car lorsqu'elles habillent comme d'une toison les Papillons, les Diptères, les Hyménoptères, il est presque impos- sible de les enlever sans détériorer les sujets ; toutefois un pinceau imbibé d'éther permettra de débarrasser à peu près complètement les Coléoptè- res et de tenter la conservation des autres Articulés moins bien cuirassés ; l'acide phénique souvent re- commandé a l'inconvénient de lâcher les ailes des Papillons. Il est encore une altération, mal définie quant à sa nature, qui peut entraîner la perle des col- lections; c'est celle altération par laquelle les In- sectes semblent recouverts de tâches huileuses et qui fait dire aux Entomologistes que les Insectes sont tournés au gras. Le mal n'est pas irrémédiable, lorsque les Insectes sont résistants et de colora- tion sombre comme la plupart des Coléoptères, on se contente de les plonger dans un bain de benzine rectifiée en ayant soin de les y laisser séjourner quelques jours ; lorsque ce sont des Papillons qui sont tournés au gras, on les imbibe de benzine et on les recouvre de terre de Sommières qui a la propriété d'absorber les corps gras ; au bout de "2 i heures on pourra les débarrasser au moyen d'un pinceau manié avec légèreté et on sera tcul sur- DE LA RÉCOLTE ET DE LA CONSERVATION DES INSECTES. 83 Types des principaux Orares de la Classe des Insectes. OnoRE DES ISIÎVROPIÉRES. OnuRi; dks HYMÉNOPTÈRES. rig. 151. — La Demoiselle (Agrion pif/la). Fig. 155. — Le Sircx géant {Sirex g>!/fs). Ordre des LÉPIDOPTÈRES. Ordre des RHV.NCOTES : Sous-ordre des HÉMIPTÈRES. Fig. 156. — Le Papillon du ver à soie {Bombyx Uori). Fig. 157. — Le Pentalomo (Tesseratoma papillota). Ordre des RHYNCOTES : Sous-ordre des HOMOPTERES. Fig. 158. — La Cigale (Cica la pleUja). 84 INTRODUCTION. pris de les retrouver avec leurs brillantes couleurs. En résumé la bonne tenue et la propreté, les vi- sites fréquentes, l'isolement des échantillons con- taminés, l'emploi des vapeurs de sulfure de car- bone, permettront de conserver les collections les plus précieuses. Toutefois lorsque l'on possédera des Insectes d'une grande rareté ou ayant servi de types pour la description, nous conseillerons de les iso- ler dans des tubes bien bouchés ou dans de pe- tites cages de verres soigneusement calfeutrées. Les boites ou les tiroirs dans lesquels on grou- pera les collections devront être en bois, plutôt qu'en carton, le carton ayant la propriété d'absor- ber l'humidité et de favoriser le développement des moisissures; le fond sera garni d'une plaque assez épaisse d'excellent liège et reposera sur une plan- chette de bois tendre, — le bois de Paulownia qu'emploient les Japonais pour confectionner mille objets serait particulièrement approprié, — afin que les épingles, si elles venaient à traverser le liège, ne soient pas émoussées ou tordues au con- tact d'un bois résistant. Les boîtes pourront avoir le couvercle vitré, ce qui facilitera la surveillance, à la condition d'être rangées dans des armoires où la lumière ne puisse pas pénétrer, car la lumière est le plus grand agent destrucleur des collections; elle anéantit rapidement les plus brillantes couleurs et finit par avoir raison des tons qui nous parais- sent les plus solides ; les élytres noires et résistantes des plus massifs Coléoptères sont elles-mêmes déco- lorées. C'est pour cela que dans les Musées on est contraint de ne mettre sous les yeux des curieux que des collections sacrifiées dont il faut renouveler les sujets tous les 8 ou 10 ans ; les collections pré- cieuses renfermant les types ou les pièces rares doivent être rigoureusement conservées dans l'obs- curité absolue. On sait que le jaune a la propriété d'arrêter les rayons chimiques du spectre solaire, aussi a-t-on proposé de recouvrir les boîtes de verres de couleur jaune ; nous croyons cette pré- caution dispendieuse superflue, puisqu'on peut enfermer les boites vitrées dans des armoires. On a proposé, pour atténuer l'action destructive de la lumière, de recouvrir les boîtes vitrées d'écrans mobiles que les visiteurs n'auraient qu'à soulever pour satisfaire leur curiosité. La fermeture des boites ou des tiroirs sera aussi hermétique que pos- sible, car les larves d'Anthrènes profilent des moindres fissures pour pénétrer et dévorer Papil- lons, Sauterelles, Scarabées. On a imaginé diffé- rents procédés d'occlusion perfectionnés qui ont été prônés tour à tour; tantôt on a revêtu les gorges de velours, tantôt on a pourvu les boîtes d'une lame de métal souple, de zinc par exemple, péné- trant dans une rainure des couvercles, tantôt on a établi des doubles gorges : rien ne remplace la vigi- lance, car en ouvrant les boîtes pour intercaler de nouveaux sujets, on peut introduire sans s'en dou- ter l'ennemi dans la place. Pour le rangement des collections particulières généralement peu considé- rables, les boîtes seront préférables; pour le clas- sement des grandes collections appartenant à des Musées, les tiroirs offriront de sérieux avantages ; en général on groupe alors tiroirs par séries de 8 ou 9 dans des meubles indépendants qu'on peut facile- ment déplacer et transporter, leurs dimensions étant fort raisonnables. Quant au classement, il devra toujours être mé- thodique. Les noms devront être écrits très lisible- ment ; les noms de familles et de genres tracés sur des étiquettes spéciales figureront en tête, les noms spécifiques tracés sur des étiquettes ditlérenles seront placés au-dessous de chaque spécimen, lorsque le rangement sera fait par lignes horiion- tales, au-dessous de la série des spécimens qui représentent l'espèce, lorsque le rangement sera fait par colonnes verticales; chaque étiquette por- tera non seulement le nom latin de l'espèce suivi du nom de l'auteur ayant le premier distingué el décrit l'espèce, mais encore les principaux rensei gnements biologiques, c'est-à-dire les indications d'habitat, d'époque d'apparition et de régime- quand il s'agit d'Insectes phytophages, par exemple, mentionner le nom commun et scientifique de? plantes qui les nourrissent. Indépendamment de ces étiquettes qui portent des inscriptions générales, on fixera à l'épingle une petite étiquette sur la- quelle seront indiqués les détails particuliers au spécimen lui-même qui méritent d'être conservés ; tels sont, par exemple, les certificats d'origine, les dates de capture, etc. On ne saurait croire combien ces détails vétilleu> en apparence, ont une grande importance; il est des groupes entiers d'Insectes qui vivent sur le sol de la France dont nous ignorons les mœurs. Des étiquettes encadrées de filets diversemeni colorés ou tirées sur des papiers difl'éremmeni nuancés sont fort utiles pour indiquer les grande;^ démarcations géographiques et permettent d'em- brasser d'un seul coup d'œil le mode de distribu- tion sur le globe d'une famille, d'un genre et même d'une espèce ; au Muséum de Paris, dans les collec- tions entomologiques, la couleur blanche indique les Insectes qui habitent l'Europe ; la jaune, ceux qui se trouvent en Asie et dans les îles de la Sonde ; la rose, ceux qui proviennent de l'Australie et de toutes les îles Océaniennes; la verte, ceux qui vi- vent sur le continent américain et aux Antilles, enfin le bleu, ceux qui se rencontrent en Afrique et à Madagascar. CLASSIFICATION DES INSECTES. La classification des Insectes repose sur les ca- ractères essentiels fournis par les ailes et les pièces buccales. C'est Linné, le premier, qui a eu l'idée de se ser- vir des caractères fournis par l'absence ou la pré- CLASSIFICATION DES INSECTES. 85 Types des principaux Ordres de la Classe des Insectes. OHonE DES DIPTÈRES. Types des Ordres secondaires de la Classe des Insectes. i;ors-oiiDnE DES STREPSIPTÈRES. Sous ordre des THYSANOPTÈR ES. Sous-ordre deï THYSANOURES. T'ig. IGO. — Le Xeiios 1res grossi. /, , \( ,v,„ l''ig. \tyi. —La Poûurelle (l'oUura villosa) ▼ ' très grossir Fig. 161. — Le Tlirips des céréales {Thrips cereatium) très grossi. Sous-OBriRE DES ANOPLOURES. Sousordre des .VPHANIPTÈRES. Fig. 163. — Le Pou de la tête (Pedicitlus capilis) très grossi. Fig. 104. — La Puce pénétrante {Rltyncoprion pêne 'raiis) très grossie. INTRODUCTION. scnce dos organes du vol, par la structure de ces appendices pour partager les Insectes en plusieurs ordres ; remarquant les différences qu'offrait cette structure, il leur attribua une importance considé- rable et pensa devoir en déduire les appellations des urdres qu'il créait. Ainsi furent introduits dans la science les dénominations : De Coléoptères ou Insectes à ailes supérieures en olui, c'est-à-dire recouvrant les ailes inférieures d'une sorte de carapace (x'.Xeo;, enveloppe, étui ; j;re- pc'v, aile), ce sont les Scarabées ; Ji' Hémiptères ou Insectes à ailes supérieures mi- coriaces et mi-membraneuses {r.u.i, à moitié ; itTEsov, aile\ ce sont les Punaises ; De Lôpidoptércs ou Insectes couverts d'écaillés (liTiX;, écaille ; nTepov, aile), ce sont les Papillons; De Ncvroptéres ou Insectes à ailes sillonnées par de nombreuses nervures fv-ùjov, nervure ; niîfiv, ;iile), ce sont les Demoiselles, les Éphémères, les FourmUions, etc. ; H' Hyménoptères ou Insectes à ailes membraneuses (jariv membranes; nrtfov, aile), ce sont les Abeilles, les Guêpes et leurs congénères; De Di[)tères ou Insectes à deux ailes (Si;, deux; -7£pov, aile), ce sont les Mouches; H' Aptères ou Insectes privés d'ailes (a, privatif; irrepo'v, aile), c'étaient pour Linné tous les Articulés n'ayant pas d'ailes. Cette classification présente quelques imperfec- tions; les caractères tirés de la consistance des ailes n'étant pas suffisants pour caractériser les ordres et préciser leur délimitation, Linnée avait réuni dans l'ordre des Hémiptères, les Punaises, les Cigales, etc., Inseétes essentiellement suceurs, et les Sauterelles, les Grillons, etc.. Insectes essen- tiellement broyeurs. Latreille (1796) reconnut la nécessité d'établir une distinction plus précise, en créant l'ordre des Orthoptères (de ôfec;, droit, et de wTspdv, aile) renfermant tous les Insectes dont les ailes postérieures à nervures longitudinales droites et rigides ne se replient pas sous les ailes antérieu- res, par opposition à l'ordre des Coléoptères dont les ailes inférieures ont une ou deux articulations leur permettant de se ranger sous les élytres. Cet émi- nent Entomologiste s'attacha également à subdivi- ser les Aptères d'une manière plus naturelle en séparant nettement les Arachnides, les Myriopodes et les Crustacés des Insectes aptères qu'il partagea en Suceurs (Puce), en Thysanoures (Podurelle) et en Parasites (Poux). Fabricius, célèbre Entomologiste danois, frappé de voir que la disposition, la forme et la structure des dents fournissaient pour la classification des Mammifères d'excellents caractères, pensa que l'ar- mature buccale des Insectes pouvait fournir des caractères de même valeur permettant un groupe- ment rationnel. Cette conception appuyée sur l'ob- servation lui permit d'établir une classification très philosophique (1773 ù 1798), mais il remplaça les noms linnéens par d'aulies qui ne sont pis tous heureusement choisis; voici le résumé de sa clas- sification comparée à celle de Linné. /"f""™' CL1SSIF1C1II01 de Fab,-.<;,us. deUuoé. EuEUTHsinTA... Màchoîres DUCS libres palpip;ères (de Colboptkhes asiO.fo;. libre; yv48o;, màehoire). ULOJIATi .Mâchoires coiiyeiles par uu lobe OnTiiopTÉiiKj oblus ou galea (de ijlo». gencive; iclutls (I;. ■;vàOo,-, mâchoires pour exprimer que les mâehuircs sunl engagées dans une sorte de gencive). SlMSTATi Mâchoires coudées h leur base et NÉvnopTiincs soudées avec la lèvre (de ïuv[TT>i|»t, nolos In ' réunii-; y^àfioç, mâchoire). libellulid's. lu Ti;riuili's. les TbiNaDoureï. ^"'^" Siù.-hoircs cornées, comprimées, HIMK^orliillE» souvent allongées (de ,,,£.,, je comprime, j aplalis, poureiprimer que les mâchoires sont aplaties). OooWTi Mâchoires cornées, denli^es; deui Libbliulidcs palpes (de oSoO;, dîovxo;, dent; fvà- Oo,-, mâchoire, pour exprimer que les mâchoires soûl dentées). •^■•"sSiTi Bouche munie d'une langue spirale LépiDOPTiau située entre des palpes redressés. {(iefkZnaa. lanjcue; -fvàeo;, mâ- choire, pour exprimer que ces In- sectes lèchent le miel des llcuis). liYN00TA(21 Bouche formée par un rostre à HÉniPTiiiiES. gaine articulée (de ^uv;(o.:, bec ; Yvà9oî, mâchoire, pour exprimer que la bouche est transformée en bec. Ahtliata Bouche formée par un suçoir sans Diptèrks anieulalion (de àvxXiu, cnal; el moplourn. ■'vàeo;, mâchoire, pour exprimer aiasi que lii que la bouche est transformée Jracbuides en uu caual servant au passage polmouiircs 1 'S liquides). Au siècle dernier la conformation de la bouche des Insectes était mal connue, aussi ne faut-il pas s'étonner des imperfections que présente la classi- fication de Fabricius ; les travaux remarquables de Savigny en établissant les homologies des pièces buccales allaient permettre d'apprécier les mérites de la classification de l'Entomologiste danois en lui donnant toute perfection. Les défauts sautent aux yeux ; certains ordres correspondent exactement aux ordres créés par Linné, par exemple, les Eleu- thcrata, les Piezata, les Gtossata ; mais d'autres, mal définis, renferment des animaux fort dissemblables : les Antliata ne réunissent-ils pas les Poux, les Araignées et les Mouches; les Puces à Métamor- phoses complètes ne sont-elles pas réunies aux Pu- naises à Métamorphoses incomplètes? D'autre part, les caractères assignés aux Eleiitherata, Uloiiata, Synistata, Piezata, Odonata, s'appliquent aussi bien à d'autres ordres puisque nous savons que les mâ- choires sont toujours accompagnées de palpes el qu'elles sont généralement dentées. La classification la plus généralement adoptée repose sur trois caractères principaux : métamor- (1) L'ordre des Orthoplères a été créé par Latreille en 1796. (2) Qui doit s'écrire plus correctement, ainsi que l'a fait remarquer Burraeister, Bhynchota pour Uhyncognnlha. CLASSIFICATION DES INSECTES. «7 phose, conformation de la bouche, l'orme et struc- Inre des ailes. I.cs Insectes se partagent tout natu- rellement en deux grandes catégories : les Insectes à méliimorphoses complètes, c'est-à-dire, passant par trois formes distinctes (larve, nymphe et adulte), et les Insectes à métamorphoses incomplètes ayant, depuis la naissance jusqu'à la mort, la même orga- nisation et pouvant seulement parmi phénomène de mue acquérir des ailes; mais il est un ordre, celui desNévroplères, qui établit le passage entre les deux grandes divisions en se partageant en deux grou- pes, l'un passant par une série de métamorphoses {Nivroptéres proprement dits), l'autre n'ayant que des métamorphoses incomplètes {Psciido-névroptires) comme les Orthoptères. La conformation de la bouche fournit les caractères les plus constants, et permet d'établir une gradation entre les diffé- rents ordres d'Insectes, les uns étant absolument broyeurs, c'est-à-dire, ayant des mandibules, des mâchoires et une lèvre intérieure conformées pour la mastication [Coléoptères {ûg. to2), Orthoptères (tig. 153), Nèvroptéres (fig. 154)); ceux-ci étant lé- cheurs, c'est-â-dire, ayant des mandibules préhen- siles, mais des mâchoires allongées, et une lèvre inférieure, transformée également, très allongée permettant l'absorption des aliments fluides {Hymé- noptères (fig. l.To) ); ceux-là étant suceurs, c'est-à- dire, ayant toutes les pièces buccales transformées et conformées par la succion des aliments liquides, soit par l'adaptation des mâchoires {Lépidoptères (fig. 156) ), soit par la transformation de la lèvre inférieure {Hémiptères, Diptères) ; tantôt dans ce cas les mandibules elles mâchoires conservant un rôle actif pour la perforation des tissus animaux ou vé- gétaux {Rhyncotes subdivisés en Hémiptères (fig. 157), en Homoptères (fig. 158) et certains Diptères), tantôt elles restent sans emploi et demeurent comme des témoins (fig. 159), ou même s'atrophient complètement (autres Diptères). Les caractères fournis par les ailes ne viennent qu'en troisième rang, car les organes du vol ne sont pas essen- tiels et peuvent manquer dans tous les grou- pes; mais, comme ces caractères ont servi à Linné à donner les noms des ordres et que ces noms sont passés dans la langue de tous les peuples, ils ont pris conventionnellement une importance primordiale. Nous avons groupé dans le tableau suivant les caractères essentiels qui permettent de distinguer les ordres de la classe des Insectes ; en regard des grands ordres nous avons placé pour mémoire quelques groupes qui ont été regardés par un cer- tain nombre d'Entomologistes comme des ordres distincts, mais que la plupart des Naturalistes mo- dernes rattachent aujourd'hui aux grands ordres ; nous suivrons leurs errements, désirant avant loiil simplifier la classification afin de permettre aux lecteurs de se reconnaître au milieu d'un monde où les habitants se comptent par millions. Ces sous-ordres ou ordres secondaires sont les Strepsiptères, les Thijsanoptéres, les Thysanoures, les Anoploures et les Aph'niiptères. Les Strepsiptères forment un petit ordre établi par Kirby; il se compose d'Insectes parasites des Hyménoptères, que l'on a rattachés tantôt aux Co- léoptères, tantôt aux Névroptères, et qui se distin- guent par de singulières particularités. Les mâles sont ailés, ont de longnes jambes et de gros yeux ; les femelles sont aptères, apodes et aveugles; les ailes antérieures sont enroulées à leur extrémité (d'où le nom de Strepsiptères : de arj iœu, tourner, et de TCTEpov, aile' et les ailes postérieures sont plis- sées longitudinalement (fig. 160\ L'ordre des Thysanoptércs créé par Ilaliday com- prend de très petits Insectes pourvus de quatre longues ailes membraneuses non réticulées mais frangées de longs cils (d'où leur nom de Thysanop- tércs : de 6ùa%vc;, frange; ivTep'.v, aile). La conforma- tion de leur bouche, munie de mandibules séti- formes, de mâchoires aplaties, allongées, pointncs, à palpes de deux ou trois articles, les. rapproche des Orthoptères et des Névroptères ; leurs tarses de deux articles se terminent par des ventouses (fig. 161). Les Thysanoures sont encore de petits Insectes aptères que la constitution de la bouche rapproche des Orthoptères, car ils ont des mandibules et des mâchoires aptes à la manducation ; ils sont carac- térisés par la présence à l'extrémité de l'abdomen d'une paire d'appendices ciliés souvent repliés sous le corps et permettant le saut (ôùoavî;, frange; ciifsi, queue) (fig. 1G2). Les Anoploures également aptères, mais dépour- vus d'appendices abdominaux (ivoTTXcç, sans armes, sans stylets; cùjx, queue) ont la bouche conformée soit pour la succion, soit pour la mastication suivant qu'ils piquent la peau des .Mammifères ou entaillent la plume des Oiseaux pour sucer le sang (fig. I(i3). Les Aphaniptères peuvent être considérées comme des Diptères sauteurs à ailes rudimentaires (àœavi^u, cacher; tctejicv, aile) et former une simple famille, celle àesPulicides; en effet, comme eux, ils ont des Métamorphoses complètes ; leur armature buccale présente une construction particulière, mais comme la bouche des Diptères se modifie à l'infini d'un groupe à un autre, on ne doit attribuer qu'une valeur relative à la conformation spéciale dus organes de la succion (fig. I6i), 88 INTRODUCTION. Classification des Insectes. Ailes antérieures forlemeut chiljnisé s ayant l'a pparence de la corne (Elytres) et ne se croisant jamais. Ailes postéiif repliant tr 1 OLEOrTKUES. 1 Larves et adultes ayant les pièces buc- ) cales conformées pour la maslica- Mëlamorplioses co>iiplv(es. Ailes antérieures chiiiiiisées, ma's sou- ples (Termina) se croiàaut l'uue sur l'autre. Mèfaiiiorphoscs incom/ifcles. j Ouatro ailes membraneuse.-. / Mrtamorphoses rn,ijp!rtes ou iuconii>!r/cs.\^ ilïTHOPTKRES. M'VHOPTKRES. Larves ajant les pièces buccale? con- / rormées pour la mastication ou la l Adultes ayant !cs mandibules déve- . loppées,' les mâchoires et la lèvre / allongées. ' Larves ayant les pièces buccales cou- . formées pour la mastication. y Adultes ayant les mandibules rudi- mentaires et les mà-hoires trans- / formées en trompe pour la succion. Larves et adultes ayant les mandibu- , les et les mâchoires transformées \ en. lancettes ot renfermées dans une gaine formée par la lèvre iniê- j Larves ayant les pièces buccales con- formées pour la mastication ou la Adultes ayant la lèvre inférieure trans- formée en suçoir ou trompe, les mandibules et les mâchoires ou très développées ou atrophiées ; les pal- pes maxillaires persistant. ' sées Tune sur l'antre. . HVMÉNOPTl'nES. Mét'iinorpliosvs complètes. ) Aiies couvertes de petites écailliv. Métamorphoses complrtps. 1 I.KPIUOPIKRKS. Deux paires d'ailes de consistance va- riable ; les postérieures toujours memluancuses. i UtMlPIÈIlES. .„: Métamorphoses incmiij» rtt's. ]i ' H05I0PTKRES. Ailes antérieures membraucusos. \ Ailes postérieures transformées en /"i lanciers. DIPTf.lUS. ÀriiAHiPTBi Jfétixtnorplioses compir C'est à ceux qui veulent acquérir des connais- sances générales sur la vie et les mœurs des In- sectes, à ceux qui sont curieux des choses de la nature, que ce livre est destiné. Nous nous sommes attachés de préférence à faire passer sous les yeux les espèces qui sont indigènes parce que nous avons tout intérêt à ne point les l'oule.r au pied dédaigneu- sement sans les coimaître ; ne risquons-nous pas d'écraser brutalement l'ami ou le serviteur fidèle, de laisser prospérer à nos dépens celui dont le bril- lant costume nous charme agréablement. Quelque- Ibis pour compléter notre histoire générale, nous tracerons le portrait de quelques animaux exoti- ques ; ceux-ci n'ont-ils pas reçu pour attirer notre attention, tous les dons du ciel, richesse de la colo- ration, formes élranges, mœurs singulières. Nous choisirons de préférence les Insectes qui présentent un intérêt général ; et, pour ne pas tomber dans une confusion inextricable, nouslesdécrironsen suivant l'ordre méthodique le plus généralement adopk- par les Naluralisles. FIN Uli L'l^T•lODUCÏln^•. m LES COLÉOPTÈRES. 89 Fig. 1C5. — Le Goliath de Drury mâle et femolle. Bredm. — VU. Insectes. — i2 LES INSECTES LES COLEOPTERES — COLEOPTERA ou ELEUTHERATA Die Ko fer. — T/te Scelle, Caractèrog. — Pièces de la bouche indé- pendantes, disposées pour broyer, et compo- sées d'un labre, d'une paire de mandibules, d'une paire de mâchoires palpigères et d'une lèvre inférieure également porteur de palpes, prothorax libre, c'est-à-dire non soudé au mé- solhorax, ailes antérieures fortement chitini- sées, ayant l'apparence de la corne, réunies suivant la ligne médiane par une suture et nommées élytrcs, de Autpov, étui, parce qu'elles recouvrent et protègent les ailes postérieures, ailes postérieures membraneuses se repliant transversalement sous les élytres : tels sont les caractères extérieurs des Coléoptères. Leur développement ne s'achève que par une série de transformations : ils sont ;\ Métamorphoses complètes. La tête est rarement libre, elle est le plus souvent plus ou moins engagée dans le corselet, ce qui restreint l'amplitude de ses mouvements. Son mode d'attache ainsi que sa conformation sont infiniment variés. La dispo- sition en rostre due au prolongement de sa partie antérieure est la plus remarquable de toutes ; elle peut être donnée comme une preuve de la grande diversité de forme qu'elle peut présenter. Nous nous sommes suffisamment étendus sur les pièces de la bouche (1) pour reprendre leur élude ; nous ajouterons seulement que les palpes maxillaires sont formés de quatre arti- cles, les palpes labiaux de trois ou quatre arli- (I) Pages 6 et suiv. des et qu'à la lèvre inférieure le menton dé- passe sensiblement la languette qui est le plus souvent indivise. Les yeux à facettes sont entiers ou échancrés, et quelquefois si profondément divisés qu'ils semblent former deux paires d'organes de la vision, une supérieure et l'autre inférieure ; par contre les ocelles simples n'existent que par exception. Nulle part on ne trouve une plus grande variété de formes dans les antennes que chez les Coléoptères (p. 7, fig. 7, 9, 11, 16, 17 et 18;. Le nombre le plus constant de leurs articles est de onze, il peut s'élever quelquefois jusqu'à quarante- quatre. Elles diffèrent beaucoup par la lon- gueur et bien davantage par la forme: ce sont des soies, des fils, des massues, des scies, des peignes, des éventails, etc., ou des appendices de conformation irrégulière sans terme de comparaison. Ces formes en peignes, en lamel- les, etc., acquièrent de l'importance pour éta- blir des divisions dans certaines familles, ainsi que nous le verrons plus tard. Le prothorax très développé imprime un cachet particulier à la physionomie de l'In- secte. Le mésothorax est relégué de diverses manières à l'arrière-plan, et de fait il n'e.xige pas un trop grand volume pour l'attache ries muscles, car ce sont surtout les pattes moyennes aux mouvements peu importants qui lui sont subordonnées, ainsi que les élytres qui ne sont pas des organes de vol ; à partir du pointoùle scutellum sedessine nettement, il se dérobe sous le contour antérieur de l'élytre. 92 LES COLEOPTERES. Le segment métathoracique lui-même reste atrophié surtout dans sa partie supérieure; ce n'est que chez les Coléoptères qui sont con- damnés à faire une grande dépense de force pour la natation ou le vol, qu'il se prolonge sur la face ventrale assez en arrière pour couvrir en partie les premiers anneaux de l'abdomen. Les élytres sont caractéristiques ; leur suture s étend rigoureusement sur la ligne médiane du corps, et il serait peut-être plus exact de dire qu'elles sont conniventes. Chez quelques types, celles-ci cependant chevauchent l'une sur l'autre, comme on le remarque chez les Meloés et quelques autres Coléoptères ; en général les élytres ne sont pas simplement appliquées sur la partie dorsale, elles entou- rent et embrassent une partie des côtés du corps par un rebord externe. La saillie angulaire formée par les bords antérieurs et latéraux constitue l'épaule qui peut être plus ou moins saillante. Ce n'est que sur les élytres tronquées que le bord postérieur affecte une forme angu- laire sur la suture et du côté externe; la plu- part du temps, les élytres finissent en pointe ensemble ou séparément et se terminent avec l'extrémité du corps ; quelquefois elle laisse libre cette extrémité ou pycjidium qui alors est recouvert d'une couche de chitine. L'abdomen n'est guère visible chez les Coléoptères dont les élytres sont tronquées ; chez ceux dont les élytres sont courtes la plus grande partie de l'abdomen reste libre et est recouverte en dessus comme au-dessous d'une carapace chitineuse. Les ailes postérieures ne sont traversées (jue par un petit nombre de fortes nervures. Le milieu de leur bord antérieur porte une tache chitineuse, le stiijmnte? indiquant l'articula- tion, c'est-à-dire la brisure, qui leur permet de se replier afin de se cacher complètement sous les élytres. Du reste dans le mode de plisse- ment il y a quelques diOérences qui ont reçu des noms spéciaux que nous passerons ici sous silence. Ces ailes membraneusts sont seules propres au vol et chaque fois qu'elles font défaut ou qu'elles sont atrophiées, la faculté de voler se perd et cette anomalie a pour con- séquence la soudure longitudinale des élytres le long de leur suture. Les pattes, généralement grêles et propres essentiellement à la marche et à la course, peuvent, suivant les mœurs, être modifiées en pattes natatoires, fouisseuses ou sauteuses. Les pattes natatoires sont aplaties dans toutes leurs parties et encore élargies par une ran- gée de soies ou de cils; elles ne se meuvent qu'horizontalement et sont presque to'.ijours insérées au dernier anneau thoracique. Les pattes fouisseuses sont généralement de? membres raccourcis en forme de tronçon ayant les jambes élargies et dentées sur leur tranche extérieure, et les cuisses courtes et épaisses, disposition qui dans son complet dé- veloppement est propre aux pattes antérieures. Le saut est effectué à l'aide des pattes posté- rieures quand celles-ci ont les cuisses renflées elles jambes droites et relativement longues. Quant au nombre des articles des tarses on y a attaché, autrefois du moins, une grande im- portance pour la classification; on appelle: Pentamères, les Coléoptères qui présentent cinq articles aux tarses ; Télramères, ceux qui en présentent quatre, ou sensiblement quatre quand l'un d'eux reste très petit et caché par l'article voisin. Les Ilétéromères se distinguent par cinq articles aux tarses antérieurs et quatre aux postérieurs; tandis que les Trimères n'en ont que trois, au moins aux pattes postérieures. L'insertion de l'abdomen au thorax est asse? profonde pour que le premier anneau de l'abdomen loge les hanches postérieures ; à cet anneau font ordinairement suite six an- neaux qui quelquefois aussi se réduisent à quatre. Sur la face dorsale on distingue d'ha- bitude huit anneaux de consistance molle tant qu'ils sont recouverts par les élytres [irotec- trices. On ne trouve presque jamais chez les Co- léoptères de prolongement tubuleux ou de tarière servant à la ponte, ni les pièces acces- soires de cet organe, et cette circonstance permet toujours de distinguer ces Insectes des Orthoptères, même de ceux qui ont exception- nellement les élytres jointes par une suture (Forficules). Cependant, ainsi que nous le verrons plusloin,lesDyliscides ontunoviscapte parfaitement caractérisé. La forme et les proportions relatives des trois principales parties du corps sont si variées que les Coléoptères ne peuvent être ramenés à un type fondamental unique, car on trouve toutes les transitions entre la forme linéaire et orbi- culaire, entre la forme discoïde et la forme sphérique. Tantôt, les contours des trois divi- sions du corps sont nettement distinctes, tantôt ils sont confondus de manière à constituer un tout. Ici des gibbosités, des cornes, des pointes,. LES COLÉOPTÈRES. 93. parfois de dimensions exagérées, rendent diflbr- mes et méconnaissables la tête ou le corselet : nous citerons comme exemple le Goliath de Drury (fig. 163); là des épines, des soies, des poils ou des écailles couvrent l'Insecte d'un revêlement protecteur qui défie les attaques, ou d'une riche parure qui charme par son élégance. Les couleurs sombres et uniformes prédo- minent surtout chez ceux qui sont les enfants des régions tempérées et froides; mais nous trouvons aussi des couleurs variées d'une ma- i;nificence extrême, et ne le cédant en rien par le brillant de leur éclat aux pierres précieuses et aux métaux. Nos connaissances sur les Larves des Coléop- tères sont encore bien incomplètes, car même en admettant que quelques espèces aient pu cire ajoutées au nombre de 681 connues de Chapuis elde Candèze (1833), le chiffre de 1 ,300 n'en reste pas moins bien faible par rapport ;\ celui des Coléoptères adultes, que l'on peut toujours estimer à 100,000 espèces. Pour la diversité d'aspect, les Larves sont loin d'approcher seulement des Coléoptères parfaits. Gomme la plupart d'entre elles mè- nent une existence cachée, la lumière leur a refusé les vives couleurs et ce sont les teintes jaunes ou d'un blanc jaunâtre qui dominent. Toutes ont la tête cornée, suivie de douze anneaux, trois thoraciques et neuf abdomi- naux; chez les Dytiscides, les Hydrophilides, les Donacides, huit seulement sont apparents ; elles n'ont point de pattes, ou bien celles-ci sont au nombre de six cornées et attachées aux trois anneaux Ihoraciques. Le dernier segment abdominal peut porter des appendices de forme et de nature très variables. Les pattes sont formées de cinq articles; on peut y re- trouver les mêmes parties que dans les In- sectes adultes, c'est-à-dire une hanche, un trochanter, une cuisse, une jambe et un tarse. Ce tarse rudimentaire formé d'un seul ar- ticle, peut manquer ; la jambe se termine alors gr-néralement par une, chez quelques familles, par deux (Cicindélides, Carabides, Dytiscides, Gyrinides), et dans quelques cas par trois griffes (Méloïdes). On trouve tous les passages entre les véritables pattes et de simples tubercules. La tète qui souvent peut être quelque peu retirée dans les premiers an- neaux est inclinée de telle sorte que les pièces de la bouche se rapprochent de la poitrine, ou bien elle se dirige droit en avant et présente quelques diversités de conformation. Les yeux simples s'ils ne manquent pas, ce qui est le ca^ le plus fréquent, sont situés sur le côté au nombre de un à six. Beaucoup de Larves onl des antennes filiformes ou cunéiformes, pla- cées sur les côtés de la lêle près de l'inser lion des mandibules; composées d'un petit nombre d'articles, généralement de quatre, ra- rement de cinq, souvent de trois ou de deux; quelquefois elles ne sont représentées que p.ii un petit tubercule inarticulé difficilement ro- connaissable. Dans un grand nombre d'espèces fCarabides et Chrysomélides) le troisième ar- ticle, rarement le deuxième, porte vers son extrémité un petit article additionnel. Par ex- ception les antennes peu vent compter un grand nombre d'articles, quarante même chez les Cyphon. L'appareil de la manducation est construit sur le même plan que celui des Coléoptères adultes il est placé à l'intérieur de l'ouverture buccale chez ceux qui broient leurs aliments, et au-devant de celle-ci et la recouvrant un peu chez ceux qui prennent leur nourriture par succion. Chez les carnassiers, la lèvre su- périeure manque le plus souvent et l'orifice buccal est dépassé par le prolongement du front ou par un scutelle détaché de celui ci. Les mandibules ne manquent jamais et sont diversement conformées suivant la nature de l'alimentation : allongées, aiguës, dépourvues de dents chez les espèces carnassières, elles servent surtout à retenir les proies ; chez les Dytiscides, elles présentent cette particularité d'être creusées d'un canal qui permet la suc- cion des liquides ; courtes, fortes, obtuses et dentées chez les Larves lignivores, elles sont en forme de lames, élargies à leur extrémité et mullidentées chez les Phytophages. Les mâ- choires généralement libres, parfois soudées à la lèvre inférieure sont analogues à celles des Insectes parfaits. Bien que certaines par- ties de la lèvre inférieure puissent manquer, celle-ci n'en reste pas moins aussi constante que la mâchoire inférieure elle-même. Les douze anneaux sont lisses et durs ou mous et ridés transversalement ; ils sont ou bien à peu près égaux entre eux, ou bien les trois premiers représentant le thorax dépassent les autres quelque peu. Le dernier anneau présente aussi un aspect particulier, soit par suite d'une modification de forme, snit par suite de la présence d'appendices du rectum ou d'une saillie transformé en fausse patte anale Vi LES COLEOPTERES. qui servent chez nombre d'espèces à la rep- tation. Les stigmates au nombre de neuf paires -^ont placés sur les côtés du corps, sur le premier anneau ou dans le voisinage de celui-ci, ainsi que sur le quatriôme et les huit anneaux qui -suivent; chez les Larves des espèces aquatiques (Dytiscides, Hydrophilides) et quelques autres (Donacies), on ne compte que huit stigmates -de chaque côté, parce que la neuvième paire disparaît dans la pointe terminale du corps qui constitue un siphon à l'aide duquel elles viennent respirer à la surface de l'eau. Les Nymphes appartiennent à la catégorie des Nymphes en forme de momies et montrent, distinctes et recouvertes de leurs membranes, ■ies appendices du futur Insecte, savoir, les pattes, les antennes et les ailes, appliquées li- brement sur le corps. Quand on les inquiète, ■«•lies s'agitent avec une vivacité e.xtraoïdinaire ; elles restent étendues et entièrement déga- gées dans le gîte creusé arlificiellement par les Larves à l'endroit même qu'elles habitaient ou dans le voisinage ; rarement les Nymphes reposent dans une coque agglutinée ou se tien- nent suspendues par l'extrémité du corps sur la feuille où ont vécu les larves à l'instar des Chrysalides de beaucoup de Papillons. L'éclosion du Coléoplère exige un temps plus ou moins long, suivant la laille. En général, la période est ici plus longue que pour tous les autres Insectes. Cette durée trouve suffisam- Tnent sa raison d'être dans ce fait qu'un laps de temps assez long est nécessaire pour la consolidation et la coloration des parties ri- ches en chitine et principalement des ély- Ires. Certains Coléoptères prennent leur essor avec vivacité sous l'action des rayons solaires, d'au- tres choisissent la nuit pour prendre leurs ébats; quelques-uns ne tombent sous le regard du chasseur à l'affût, ou du savant que par accident; lorsque par une belle nuit d'été on étudie devant sa table de travail en laissant sa fenêtre ouverte, certaines espèces viennent voltiger autour de la lumière. La plupart vivent silencieux et inaperçus soit sur des plantes qui les cachent, et leur existence ne semble pas révélée pour la majorité des hom- mes, tandis que leur attention est éveillée par le vol capricieux des Papillons qui sem- blent les narguer, parles balancements aériens des farouches Libellules aux ailes miroitantes, par le saut bruyant des Sauterelles, ainsi que par le bourdonnement des Bourdons et des Abeilles. Distribution j^éoloffique. — Dans les temps passés, alors que de grandes masses d'eau cou- vraient la terre et qu'il y avait à sa surface d'é- normes bouleversements causés par des inon- dations, bien des Coléoptères ont succombé ; quelques-uns par un heureuxhasard n'ont point été complètement anéantis et se sont transfor- més en fossiles que l'on découvre chaque jour. Nous avons vu précédemment qu'ils commen- çaient dans les terrains carbonifères, mais deviennent plus abondants dans les terrains se- condaires et surtout dans les terrains tertiaires et se rencontraient en abondance engagés dans l'ambre. Nous devrions, en vérité, joindre leur étude à celle des espèces actuellement existantes, mais la Paléontologie entomologique n'est encore qu'à ses débuts, et aucun Naturaliste n'a encore osé entreprendre une étude d'en- semble. ciaggification. — Depuis le temps de Linné, nombre d'Entomologistes pleins de zèle se sont efforcés de présenter une méthode aussi naturelle que possible pour grouper les Insec- tes ; aucun ordre n'a été travaillé autant que ce- lui des Coléoptères. Fabricius, Lalreille, West- wood, Burmeister, Erichson, Leconte, La- cordaire, et une pléiade d'auteurs modernes, qui se sont occupés isolément de quelques familles, ont conquis les titres les plus méri- toires par leurs travaux sur les Coléoptères et leur classification. Mais, comme nous n'avons ici aucune rai- son d'opter entre les qualités plus ou moins pratiques de l'une ou de l'autre de ces métho- des, nous suivrons pour le groupement des familles l'ordre admis par le savant professeur de l'Université de Liège, Lacordaire, dans son travail impérissable « le Gênera des Coléop- tères (1) ». (1) Commencée en 1854 cette œuvre, qui atait absorbé toute l'activité do Lacordaire, serait malheureusement restée inaclievée à cause de sa mort préniatarée et se se- rait arrêtée au neuvième ■volume, avec les Capricornes, si M. le D' Cliapuis n'eût entrepris de la terminer dnns l'esprit du maître (1874-1875). LES CICINDÉLIDES. 9» LliS CICINDÉLIDES — CICINDELW.E Die Sawlkiifer. Caracti^rea. — Les Caractères suivants en l'ont un groupe homogène. La tête est rela- tivement courte et grosse, les yeux volumi- neux et saillants la font paraître excavée en- dessus, le frontest phit.Ies antennes sonlallon- gées et grêles, le menton est profondément cchancré, la languette très courte dépourvue de paraglosses est cachée parle menton, les man- dibules sont longues, arquées, armées de fortes dents et croisées l'une sur l'autre. Le lobe externe de la mâchoire inférieure est transformé en un palpe à deux articles /*', et l'extrémité des mâchoires est munie d'une dent mobile ou onglet M (fig. 166). Cette dent mobile qui peut Fig. 166. — Mâchoire de Cicindèle champêtre. exceptionnellement manquer dans quelques espèi;es constitue le caractère essentiel qui relie tous les Coléoptères ayant le port des Cicindèles. Le tergum de prolhorax offre deux sillons transversaux, l'un antérieur, l'autre pos- térieur, reliés entre eux par un sillon longitu- dinal. L'écusson ne manque jamais, mais ne s'interpose que faiblement entre les élytres qui recouvrent complètement l'abdomen. Les ailes en général très développées, s'atrophient quelquefois tout à fait. Les pattes longues et grêles ont cinq articles à leurs longs tarses; les hanches sont arrondies, élargies seulement dans la paire postérieure ; le trochanter se prolonge fort loin sur la face interne des cuis- ses des membres de la troisième paire. Les jambes sont toujours terminées par deux épines très acérées. Les pattes antérieures pré- sentent des dillerences sexuelles par l'élargis- sement prononcé des trois premiers articles chez le mâle. L'abdomen est composé de sept anneaux chez le mâle et de six chez la femelle, mais dans les deux sexes les trois premiers sont étroitement soudes. Uœurs, habitudes, régime, — Ce sont de^ Insectes fort cariiaîsiers, d'une agilité sans égale h la course, au vol rapide, mais de courte- durée, qui vivent ;\ découvert et n'ont pas, comme les Car.ibides, l'habitude de se cacher sous les pierres ou la mousse. Les unes aiment- les endroits sablonneux, les landes arides, celles-ci errent sur les rivages des eaux douces^ ou salées; celles-là courent sur les feuilles et. et les troncs d'arbres. Distribution géosraphiiiue. — Près de 700 espèces, 673 d'après le catalogue de la collec- tion de M. le baron de Ghaudoir, — réparties en genres divers pour constituer la grande^ famille des Cicindélides (f/ci'i(/(,'/i'(/a;), se ren- contrent dans toutes les régions du globe. Nous ne pourrions décrire, ni figurer tous ces remarquables Coléoptères ; mais nous croyonri- devoir mentionner quelques-unes des formes les plus intéressantes. LES CICINDÉLINES - CICINDELIN.E Die Cicindelinen. Caractères. — A l'exceplion de quelques espèces presque entièrement d'un blanc d'i- voire, elles ont un faciès commun et sont pour la plupart caractérisées par des taches blanches veloutées se détachant sur le foncî foncé ou bronzé des élytres, taches qui figu- rent un dessin en demi-lune sur les épaules» un autre dessin en croissant aux extrémités, une bande brisée ou coudée médiane, découpée- de la façon la plus variée. La taille en général n'excède pas de 12 à 13 millimètres. Indépendamment de tous les caractères- communs aux Cicindélides, la tribu des Cicin- délines en possède un particulier qui permet de la séparer nettement des tribus voisines:- le troisième article des palpes maxillaires est plus court que le quatrième. Distribution géographique. — Plus de- quatre cents espèces se rencontrent sur toute la surface de la terre avec une prédilection marquée pour les régions sèches et sablon- neuses tant à l'intérieur des continents que sur les bords de la mer, dans les plaines coaimu 96 LES COLEOPTERES. dans les montagnes, en préférant néanmoins les zones chaudes du globe. LA CICINDÈLE CHAMPÊTRE — ClCINDELd C.tnPESTniS. ncr Feld SanJMfcr. la Cicindèle champêtre est, un Coléoptère de taille moyenne qui court et vole. Ses man- dibules en forme do faucille sont effilées à leur pointe et leur tranche interne est armée de trois dents pointues; elles sont si longues que lorsqu'elles se croisent elles chevauchent l'une sur l'autre de telle sorte qu'elles impri- ment à sa physionomie une expression sauvage et trahissent un naturel carnassier ; des yeux très saillants, une grande mobilité de tous les appendices et surtout des antennes filiformes à onze articles insérées au-dessus dû la racine des mandibules complètent le portrait de cette bête féroce. Le corps dont on pourra remarquer la forme dégagée beaucoup mieux dans les figures de la pi. 1 que dans notre ligure 167, est vert mat, la Fig. 167. — La Cicindèle champêtre. base des antennes, les pattes sensiblement ve lues sont rouge cuivreux, cinq petits points blancs latéraux et un point discoïdal souvent cerclé de brun sur chaque élylre, permettent de reconnaître entre toutes la Cicindela cam- pestris. Il peut y avoir quelques variations dans la couleur du fond qui passe parfois au bleu, ainsi que dans les dessins sur les élytres. Hœiirs, habitudes, régime. — D'une agilité extraordinaire, errant surtout en été sur les chemins ou au milieu des terrains sablon- neux, jamais la Cicindèle ne se laisse appro- cher ; elle s'envole d'un trait en laissant l'impression d'un petit éclair bleuâtre, pour s'abattre quelques pas plus loin. A peine jette- l-on les yeux sur le point où elle s'est posée dans l'espoir de la surprendre que, s'élancent de droite et de gauche deux, trois Cicin- dèles, et avant que l'on ait pu faire un pas toutes ont déguerpi, vous narguant à l'envi ; lassées de vos poursuites elles prennent leur course à travers les herbes et les bruyères. On voit quantité de ces Animaux courir et voler autour de soi pendant une journée de so- leil; maison ne parvient pas à en saisir un seul si l'on n'emploie quelque artifice. Souvent on réussit, dans ses chasses, ;\ capturer un de Larve. Nymphe. Fig. 168 et 169. — Larve et nymphe de la Cicindèle champêtre. ces Coléoptères fatigué en jetant sur lui son filet. Captif il ne s'est pas encore rendu. Une ouverture inaperçue, simple écartement de mailles, si les doigts ne la ferment pas immé- diatement, lui livre passage, et il s'échappe pres- tement; saisi, il se débat avec fureur et mord avec rage tout autour de lui, agite ses longues jambes, et autant que sa faiblesse le permet il lutte à outrance pour recouvrer sa liberté; sans se douter que dans sa colère il exhale un parfum de rose fort agréable qui ne vous en- gage pas à renoncer à sa capture. Par les temps couverts la Cicindèle cham- pêtre se tient parmi les herbes et les bruyères et montre peu d'activité, mais quand paraît le soleil elle chasse avec ardeur et s'empare avec la sûreté de coup d'œil d'un oiseau de proie des Insectes qui voltigent à sa portée ; c'est ainsi Fig. no. • Larve de Cicindèle champêtre à l'affût dans sa galerie. que dans les chemins sablonneux elle s'empare des Aphodius à la recherche d'une provende. La Larve (fig. 168' se fait remarquer par ses LES CICINDELES. 97 Fig. 171. — Cicindèle sylvatiquc. Manticore maxillée. Fig. 173, — Cicindèle au long cou. formes étranges. Le rentlement de la partie inférieure de la face et la présence de deux tubercules dirigés en avant sur le huitième anneau lui donnent un aspect tout particulier. La tête cornée est munie de quatre yeux, deu.K grands placés en dessus et deux plus pe- tits en dessous ; elle porte deux antennes de quatre articles et un appareil masticateur ana- logue à celui du Coléoptère lui-même. Les trois premiers anneaux ont chacun une plaque dor- sale chiliniséeen dessus, et en dessous une paire de pattes terminées par une double griffe. Cette Larve se creuse dans le sable une gale- rie verticale de la grosseur d'un tuyau de plume ayant jusqu'à 47 centimètres de profondeur. Ce n'est pas à l'aide de ses pattes qu'elle se meut dans le puits qu'elle habite ; elle s'arc- boute à la façon d'un ramoneur, et les crochets qui font saillie sur les tubercules du huitième anneau lui permettent de se cramponner aux parois et de se mouvoir avec la plus grande facilité. De sa large tête elle ferme l'orifice de sa galerie et attend le passage des petits (^arabiques, des Fourmis et autres Insectes errants. La figure 163 la représente à l'affût dans son terrier. Aussitôt que l'un d'eux passe sur ce plancher mouvant, la Larve dis- paraît au fond de sa retraite, entraînant avec elle sa victime qu'elle se met en devoir de dé- vorer où plutôt de sucer pour en extraire les parties liquides. Pour rejeter les débris au dehors, elle met à profit la concavité du sommet de sa tête dont elle se sert comme d'une pelle. Il ne se présente pas toujours à temps voulu, pour assouvir sa faim, une quantité suriisanle de victimes; mais, comme tous les Animaux Breh-m. — VII. carnassiers, elle peut supporterde longs jeûnes. On ne sait si elle subit toutes ses transfor- mations dans l'espace d'un an ; il est permis d'en douter ; comme on a observé la trans- formation en Nymphe vers la première moitié d'août, il est peu admissible que les diverses phases du développement puissent s'accomplir dans le court espace de temps compris entre la fin de mai, époque où apparaît notre Cicin- dèle, et le mois d'août. Avant de se transformer, la Larve élargit le fond de son terrier, et en ferme l'ouverture. La Nymphe (fig. 164) se distingue par la présence d'appendices dorsaux épineux, qui font sail- lie sur les côtés du cinquième anneau abdo- minal, et qui sont sans doute destinés à venir en aide au Coléoptère au moment où il se dégage de son enveloppe. D'après les observations qui ont été faites, l'éclosion de l'Insecte parfait s'effectue au bout de quatorze jours. Outre la Cicindèle champêtre, il en est encore quelques-unes répandues en France, en Alle- magne, et dans l'Europe centrale ; telles sont: le Cicindela hyhrida presque aussi commune que la précédente dans les terrains sablon- neux des bois et des dunes ; le C. sylvatica qui est rare et n'habite que les grands bois comme les forêts de Fontainebleau et de Rambouillet (voir fig. 171) ; le C. maritima des dunes de la Manche et de l'Océan jusqu'en Bretagne; les C. littoralis et flexuosa des bords de l'Océan, de- puis Biarritz jusqu'en Bretagne, et des bords de la Méditerranée ; C. circumdata des plages méditerranéennes; le C. littorala qui court sur Insectes. — 13 98 LES COLEOPTERES. le sable sur les rives des fleuves de l'Europe orion- laleîvallée du Rhône) ; le C. gcrmanica qu'on ren- contre assez souvenlcourant dans les chaumes, les prés secs, et quelques autres espèces. LA CICINDÈLE AU LO>G COU — COLLYIllS I.ON- GICOLTAS. Dcr LanijhaUigcr Sandluifer. Caractères. — La Cicindèle au long cou des Indes Orientales représente par excellence la Irihu des GoUyrines ; elle en est la forme la plus allongée, la plus grêle; le troisième ar- ticle des antennes est très long, mince et aplati ; la lèvre supérieure est si développée, ([u'elle recouvre les mandibules; la Icte, très resserrée en arrière, a le front e.xcavé en forme (le selle et porte des yeux énormes. Le corps est uniformément d'un bleu noir brillant, hor- mis les pattes, qui sont rouges (lig. 173). Distriltutiou ^éograpliique. — Les Colly- ris, extrêmement nombreux en espèces, sont des Coléoptères qui habitent exclusivement le sud de la péninsule indienne et les îles de la Sonde avoisinantes. llœiirg, habitudes, rég^îme. — D'une agilité hors ligne, ils courent sur les feuilles des plantes basses et des buissons, s'envolent subitement lorsqu'on veut les saisir; ils affectionnent les endroits humides à la lisière des forêts ou dans les clairières artilicielles que les sauvages ou- vrent ;\ l'aide du feu, et se livrent h. la ch;isse des très petits Insectes (D"' Harmand). A i\Ladagascar se montrent de véritables Gi- Cindèles, mais un genre tout particulier s'y trouve cantonné, c'est le genre Pogunostonca ; l'Amérique possède les Ctenoftoma; les Tln.rates, les 'rricoiidi/la sont confinés dans les îles de la Sonde, aux Moluques, à la Nouvelle-Guinée; par une e.xception bien singulière, l'Espagne et l'Afrique possèdent un représentant [Telraclm eupliratica), d'un genre presque exclusivement américain. Les Manlicores, tous relégués dans l'Afrique australe, sont aussi remarquables par leurs formes que par leurs dimensions; ces géants parmi les Gicindélides sont entièrement noii s ; ils courent sur le sol avec rapidiié et se cachent sous les pierres ; nous représentons le Manlkora maxiilosa (fîg. 172). LES CARABIDES — CARABIUM Die Laufkàfer. Caractères. — Les Carahides, désignés fré- i]uemment sous le nom de Garabiques, se rap- prochent tellement des Gicindèles par la forme des palpes attachées aux lobes de la mâchoire inférieure, qu'on les aurait laissés dans une seule et môme famille s'ils n'étaient pas privés de la dent mobile du lobe interne de la mâ- choire. Leur menton est fortement découpé et diversement denté; leurs pattes moins grêles sontplus robustes, et trois ou quitre articles du tarse des pattes antérieures sont élargis chez le mâle. D'ailleursleur faciès ne permettra jamais de les confondre avec les Gicindélides. Leurs mandibules n'ont jamais la longueur qu'elles atteignent chezles Gicindèlesetne sont jamais armées de dents effilées sur leur bord interne. Les élytres atteignent ordinaire- ment l'extrémité de l'abdomen, mais elles sont tronquées et embrassent les côtés du corps; elles sont lisses ou cannelées longitudinale- ment; ces cannelures sont simples, ou ponc- tuées ou interrompues. Les ailes cachées sous les élytres manquent souvent ou sont réduites à des vestiges; lorsqu'elles existrnt, elles servent peu et plutôt la nuit. L'abdomen compte dans les deux sexes six anneaux généralement; les trois premiers sont fortement soudés entre eux. Les Carahides ont souvent des couleurs laussi brillantes que les Gicindélides, mais les tons noirs, verts, rouges cuivreux, bruns bron- zés, dominent et donnent à la famille un as- pect plus uniforme. Distribiilion içi'og^r.aphique. — Les 8 500 es- pèces de Carahides se répartissent en G13 gen- res et habitent toutes les contrées de la terre; elles semblent prédominer en général sur les au très Coléoptères dans les parties tempérées ou froides, et all'octent des formes caractéristiques dans certaines contrées. Ainsi il en est qui ne se montrent que dans les montagnes et jamais d.ins la plaine et, vice versa; beaucoup aiment les climats les plus froids, d'autres préfèrent les déserts brûlants. Mœurs, liabitudeg, régime. — Ces InsectCS LES ELAPHRINES. fl9 fuient bien plus la lumière du soleil qu'ils ne la recheichcnl; aussi se tiennent-ils de préfé- rence pendant le jour sous les pierres, sous les mottes de terre, les bois pourris, etc. Ce sont des Coléoptères noclurnes, essentiellement chasseurs et carnassiers. Les Larves ne sont malheureusement con- nues que chez un petit nombre d'espèces. La tiHe, portée en avant, est munie de six yeux de chaque côté, les uns arrondis, les autres ellipti- ques; elle est pourvue d'une armature buccale robuste, mais les mandibules ue servent qu'à maintenir, à blesser la proie et non pas à la broyer ; la bouche, d'ailleurs fort rélrécie, ne peut livrer passage qu'à des aliments fluides. Le corps est recouvert de plaques plus ou moins chitinisées, et le segment abdominal, suscep- tible de se redresser, se bifurque en deux appen- dices caractéristiques. Les anneaux Ihoraciques portent six pattes terminées par deux griffes. LES ELAPHRINES — ELAPURINyE [i) Vie Elaphrinen. Caractères. — Les Élaphrincs rappellent à bien des égards les Cicindôles, particuliè ■ roment par leurs yeux plus proéminents que chez tous les autres Carabides et par la forme générale de leur corps constamment plus petit, ainsi que notre dessin peut en donner une idée. Dans cette tribu le mésosternum est distinct, et les éperons des jambes antérieures sont l'un antéapical, l'autre apical. Distribution géographique. — Les lilaphrcs et les Blelhises, qui leur ressemblent beaucoup, habitent l'hémisphère boréal. Mœurs, habitudes, régime. — Par leur ma- nière de vivre les Elaphrines peuvent être consi- dérées également comme établissant la transi- tion entre lesCicindèles et les Carabes. De même que celles-là, elles aiment les rayons du soleil sous l'influence desquels elles courent avec une grande agilité, non pas dans les lieux secs, mais sur les rives vaseuses, sur le bord des mares à demi desséchées, dans les prés hu- mides où les herbes sont clairsemées. L'ÉLAPURE DES RIVAGES — ELAPIIRUS niPARlilS. Der Ufer-Rischhafei: Le corps vert bronzé del'Élaphre des rivages (1)' E)œsp6.-, agile. [h'tap/irus riparhis) est fortement ponctué et quatre rangées de tubercules violets et en- châssés ornent chacune de sesélylres (fig. 174). Le menton est armé d'une dent bilide, et les trois ou quatre articles des tarses antérieurs des mâles sont faiblement élargis et garnis de soies blanches en dessous. En outre, ce Co- léoptôre possède un appareil stridulant : le côté dorsal de l'avant-dernier segment ab- dominal est divisé en trois espaces dont les deux latéraux ont leur bord postérieur muni d'une cannelure quelque peu cour- bée et dentelée. Par les mouvements que Fig. 174. — ÉUplii-e des rivages. l'Insecte imprime à son abdomen chaque cannelure vient frotter une nervure sail- lante, située à la face inférieuie des élytres, et un son strident se fait entendre. Landois a décrit avec plus de détail cet appareil mu- sical. 11 ne fuit pas eu s'envolant, et, pour échapper, il se lie à la rapidité de sa course afin de trouver une cachette assurée. Avec une célérité in- croyable il disparaît sous un morceau d'écorce, une tige de roseau pourri, se dissimule au milieu des joncs et des herbes, ou se cache dans les gerçures du sol qui apparaissent après (juclques jours de soleil. C'est dans ces re- traites que pendant le mauvais temps il reste inaperçu de la Bergeronnette jaune, du Plu- vier et autres Oiseaux insectivores qui dans les mêmes localités surprennent et dévorent la nombreuse engeance d'Insectes qui se dé- lectent au soleil. 11 suffit de piétiner la vase toute fendillée pour voir les Élaphres sortir en grand nombre. L'Élaphre des rivages se trouve dans toute la France au bord des eaux courantes. Chez nous, indépendamment de VEla- plu-iis riparim , il est encore quelques es- pèces qui en sont très voisines, les E. cupreiis, idiginosiis, aweus et le Ulel/asa mui- lipunclala. ^ iOO LES COLEOPTERES. LES NOTIOPHILES PHILUS (11 NOTIO- Caractères. — Insectes de petite taille à corps rectangulaire, déprimé, bronzé très Fig. 175. — Notiopliile aquatique. brillant; à tête large striée entre deux gros yeux proéminents; à antennes filiformes de la longueur au plus de la tête et du prothorax ayant les quatre premiers articles glabres; au labre saillant, arrondi, cachantles mandibules, celles-ci dépourvues de poils sur le côté in- terne; à prothorax transversal rétréci à la base, le bord antérieur formant une saillie médiane; à prosternum très saillant en ar- rière et recouvrant en partie le mésosternum ; à élytres planes à bords parallèles brillants présentant de chaque côté de la suture un large intervalle lisse, brillant et miroitant, élytres portant une série de lignes de points ou fossettes formant des stries (fig. 175). Distribution géographique. — Les 23 es- pèce de Notiophiles connues sont répandues en Europe, dans le Caucase, en Sibérie, dans l'Afrique méditerranéenne et l'Amérique boréale. Mœurs, Iiabitudes, régime. — Ces petits Élaphrines aux reflets bronzés courent avec une agilité sans égale aux bords des eaux et s'a- britent sous les pierres, sous les feuilles sè- ches, dans les endroits sablonneux, mais hu- mides. Le Notiophilus aqualicus que nous représen- tons est une espèce répandue dans toute l'Europe. LES OMOPHRONINES — OMOPHRONINM (2) Caractères. — Les Omophronines se distin- guent des Élaphrines par un caractère, qui ne Fig. ne. — Omophron limbe. se rencontre d'ailleurs chez aucun autre Ga- rabide : le mésosternum est recouvert par le prosternum. Les éperons des jambes anté- (I) NÔTio;, liumide; ,o;, ami. (3) 'Qiji.Ô9pwv, cruel. rieures sont l'un apical, l'autre anté-apical. Ce sont des Insectes de taille-au dessous de la moyenne, dont la coloration testacée est pres- que toujours relevée de bandes ou de taches, d'un vert métallique éclatant. Ils sont Ions réunis dans le seul genre Onophron. Distribution géograpliique. — Les 22 es- pèces connues habitent aussi bien l'Europe que l'Egypte, le cap de Bonne-Espérance, le Sénégal, Madagascar, l'Inde et l'Amérique du Nord. SIreurs, liabitudes, régime. — Les Omophron se rencontrent au bord des eaux courantes où ils vivent en petites sociétés, cachés dans le sable. On peut les déloger de leurs refuges en arrosant le sable ou en le foulant aux pieds. Nous représentons \'0. llmbatum (lig. HG], espèce européenne fort commune au bord des rivières, notamment dans toute la France. La seconde espèce d'Europe est cantonnée en Espagne. LES NEBRIES. 101 LES CARABINES — CABABINyE Die Carahinm. Carnclèrea. — Mésoslcrnum cunéiforme en ■;ivant, rejoignant la partie postérieure du prosternum ; celui-ci est plus ou moins pro- longé en arrière ; cavités cotyloïdes ouvertes < n an ière ; éperons des jambes antérieures tous deux apioaux ; les trois premiers articles des tarses antérieurs généralement dilatés chez les milles. Derniers articles des palpes maxillaires et labiaux sécuriformes, c'esti\-dire en forme de hache, jamais excavés en dessus. Élytres rebordées. La plupart sont dépourvues d'ailes. LES NÉBRlES — NE BRI A (1) C'apactères. — Antennes grêles, de la lon- gueur au moins de la moitié du corps ; dent du menton médiane, courte, large et bifide ; der- nier article des palpes allongé et à peine sécu- riforme. Prothorax généralement cordiforme. nisirîbution ^éogrsipliiqiic. — Les 110 îsebria connues sont réparties principalement surle continent européen, dans l'Asie boréale et l'Amérique boréale, l'une d'elles a été trouvée <'n Océanie (Taïti). Nos Alpes, nos Pyrénées, nos monts d'Auvergne et du Lyonnais, possè- dent un certain nombre d'espèces particulières. Mœurs, habitudes, régime. — LcS nom- breuses espèces de ce genre vivent sous les pierres au bord des eaux, dans les montagnes à toutes les hauteurs et même au voisinage des neiges éternelles. Les larves de deux d'entre elles (N. breincollis et Germari] sont décrites. Le type du genre est le ISebria complanala ou arenaria (fig. 177) ; il est large, peu convexe, et atteint une longueur de 17 à 19 millimè- tres ; de couleur jaune testacée pâle, souvent blanchâtre; les élytres quelquefois immacu- lées, ou marquées de petites lignes brun noirâ- tre, qui peuvent s'élargir et former deux gran- des bandes ou fascies. C'est la coloration des téguments, que Latreille a comparée à celle de la robe d'un faon, qui a déterminé le choix du nom générique de Nebria. Cette espèce est com- mune sur les bords de la mer, aussi bien sur les côtes de la Méditerranée que sur celles de l'O- céan, mais elles ne dépassent pas la Bretagne. (I) NeSpia:, tscheté comme un faon. Dans toute la France, sous les pierres et les débris de toute nature, se trouve communément le Nebria bierkollis ffic:. 1781 qui se distingue : Nébrie des sables. par son prothorax et ses élytres d'un brun noir, luisant, quelquefois rougeâtre; par ses an tenues, ses palpes, ses jambes et ses tarses roux ferru- gineux; par sa tête portant auprès des yeux Fig. 1"8. — Nébrie à cou bref une forte impression ridée et ponctuée; par la brièveté de son prothorax, d'où son nom de hrevicollis, qui est deux fois aussi large que long et rétréci en arrière, à côtés relevés; par ses élytres à bords moins parallèles que le N. com- planata. à stries profondes, fortement ponc- tuées et crénelées. Nous citerons parmi les autres espèces fran- çaises: le N. psammodes qui se trouve sous les pierres au bord des eaux dans nos départe- ments les plus méridionaux ; les N. livida des bords du Rhin ; picicornis des Vosges, des Alpes, des Pyrénées, Jockiscliii, nivulis {Gytlenhali), castanea, laticoUis des Alpes ; rubripes des monts d'Auvergne ; Foudrasi des montagnes du Lyon- nais : OUvieri, Lafresnayi, Lariollei des Pyré- nées. 102 LES COLEOPTERES. LES LEISTUS — LEISTUS (1) Caractères. — Apparentés aux Xebrm, les Leistus sont neltement caractérisés par une foule de traits particuliers. Leurs mandibules non dentées sont largement dilatées en lame aplatie, et leurs mâchoires légèrement ciliées Fig. 179. — Mâchoire de Leistus. du côté interne portent sur le côté externe une sorte de peigne dont les dents sont termi- nées par un style rigide ; ce qui est une dis- position toute spéciale (fig. 179i. Oistrihuiion géi.graphique. — On Compte trente espèces de Leistus qui sont confinées en Europe et dans l'Asie boréale (Silkha). Mœurs. — Les Leistus sont des Insectes élé- gants, de moyenne taille, agiles, qui se cachent sous les pierres, les mousses, les écorces, les feuilles humides. La France possède : les L. spinibarbis, piinc- ticeps et fulvibarbis aux teintes bleu foncé mé- tallique ; les L. rufomarginalus, ntlidus, ferru- gineus, 7-iifescens et piceus teintés de noir et de brun, 7ïitldiis seul à reflets verdâtres. LES CARABES — C ARA BUS (2) Aucun groupe d'Insectes ne donne une idée plus complète de lafamille que le genre Cara/yws, et c'est avec raison qu'il a imposé son nom au groupe entier; les belles espèces qui le com- posent seront toujours un objet de prédilection pour le collectionneur, car elles attirent le re- gard parleur taille, par leurs brillantes couleurs, souvent métalliques, parla conformation géné- rale de leur corps. Dans la nature à l'étal de li- berté et mieux encore dans une colleciion bien ordonnée, elles contrastent avec la légion des autres espèces, presque toutes de taille moyenne ou petite; la plupart des Carabes atteignent en effet une longueur de 22 millimètres et acquièrent plutôt une dimension supérieure qu'une dimension moindre; le minimum d'a- il) Ariiavfii, pillard. (2) KipaSo;, escarbot. baissement de la taille paraît être de 15 mil- limètres. Caractères. — La lète portée en avant est sen- siblement plus étroite que le corselet; la lèvre supérieure, immobile, soudée à l'épistnme, estbilobée et légèrement ou fortement excavée en dessus; les mandibules lisses n'ont généra- lement qu'une seule dent à la base, cependant elles en ont quelquefois deux ; les mâchoires sont allongées, à extrémité très aiguë et cro- chue ; leurs palpes externes ont leur dernier article sécuriforme tronqué; le menton faible- ment échancré est pourvu d'une dent médiane triangulaire, simple, aiguë généralement de même longueur que les lobes latéraux; le dernier article des palpes est semblable au dernier article du palpe maxillaire externe; les antennes filiformes ont le troisième article subcylindrique à peine plus long que les autres. Le prothorax ou corselet, toujours plus large en avant qu'en arrière, est plus ou moins cordiforme avec ses bords latéraux relevés; il laisse les élytres entièrement libres ; celles-ci, de forme ovale, ont une coloration identique à celle de la tête et du corselet et présentent sur leurs bords des tons plus brillants, tandis que leur surface offre une grande diversité de con- texture. Il en est peu qui paraissent lisses même à l'œil nu; bien au contraire, elles sont comme rayées par une aiguille; beaucoup ont des cannelures longitudinales régulières ou symé- triquement entrecoupées qui produisent l'effet de rugosités; sur celles qui sont finement striées il y a des rangées régulières de sail- lies, d'impressions ponctuées ou d'excavations plus grandes rehaussées par une coloration différente ou plus brillante, comme chez notre Carabe doré des jardins. Si la surface devient plus inégale, les côtes longitudinales (trois de chaque côté) forment des côtes séparées par de profonds sillons qui peuvent présenter à leur tourtes ornements les plus variés. A part quelques espèces dont les ailes sont rudimentaires, celles-ci avortent constamment, de sorte que le genre Carabe ne renferme que de vigoureux marcheurs. Les pattes sont solidement construites; les cavités cotyloïdes dans lesquelles s'engagent les hanches sont ouvertes en arrière; chez les mâles seuls, les tibias des pattes de la seconde paire sont garnis en dehors d'une frange de soies rousses, et les trois ou quatre piemiers articles des tarses sont élargis et gainis d'une semelle feutrée. LES CARABES. 103 De Ions ces caraclères, Lacordaire fait remar- quer, avec raison, que le seul conslanl est fourni par le labre, qui est toujours simiilement bilubé. Le vert doré, le bleu métallique, le brun bronzé sont avec le noir les couleurs dont sont revêtus les Carabes; suivant les contrées, les tons changent à l'infini, les sculptures des ély- tres se modifient de mille façons, et l'on voit apparaître une multitude de variétés qui sus- «ilent bien des difficultés pour la détermina- tion et la délimitation des espèces. Uistribution gréog^paphiquc. — Les 285 es- pèces de Carabes connus sont pour la plupart ■ antonnées dans l'hémisphère boréal et dans l'ancien monde; l'Europe et l'Asie se partagent presque tous les Carabes; en Europe elles ne queur se recule, se place au-devant de la proie .^u'il a si péniblement terrassée, implante dans «on corps ses griffes antérieures, Rxe en terre ■celles des autres membres, et ainsi campé il la -déchire à belles mandibules et à belles mâchoires jusqu'ù ce qu'il ait converti sa chaire en une sorte de bouillie qu'il avale. S'il survient un importun qui trouble son repos, il agite ses pattes posté- rieures en manière de menace et de protesta- tion, ou cherche à mordre autour de lui, jus- qu'à ce qu'il ait réussi à éloigner l'indiscret. Ces observations ne sont possibles, comme «îious le disions, que dans les années oh les Chenilles de Liparides {Ocneria monacha et dispar), de Peocess\onnn\res{Cnet/tocampa pro- ressÙDica et piti/ocampa) se sont multipliées au -point de causer de graves désastres aux forêts. iQuand celles-ci disparaissent, le Sycophante -devient si rare, qu'il peut se passer des années sans que l'on en rencontre un seul. L'Insecte parfait sort de la Nymphe à la fin de l'été ou en automne, mais l'accouplement n'a lieu qu'après l'engourdissement hivernal. La femelle dépose ses œufs dans la terre. La Larve, observée tout d'abord par Réaumur, ne diOôre guère dans sa conformation générale de celle des Carabes. Comme on la voit d'habi- tude suffisamment repue, elle paraît moins cylindrique et semble plus large au milieu qu'aux extrémités. De même les plaques chi- tineuses dorsales ne recouvrent pas entière- ment les anneaux, et laissent voir les interval- les de la peau tendue entre ces derniers, ce -qui n'a pas lieu chez une Larve amaigrie où les plaques susdites sont nécessairement rap- prochées. Les épines cornées du dernier anneau sont terminées en crochets recourbés vers le ciel et ornés d'une dent k leur base. De même que les Insectes parfaits, les Larves de Calosome hantent les arbres et se nourris- sent de Chenilles dont elles percent le ventre de leurs puissantes mandibules; les victimes ■qu'elles ont saisies ont beau s'agiter, se tour- menter, marcher, elles ne les abandonnent que lorsqu'elles les ont entièrement sucées. Elles s'établissent souvent, ainsi que Réau- mur l'a constaté le premier, dans les nids des •Chenilles processionnaires : « Ces vers très gloutons, dit-il, sçavent se placera merveille pour que la proie ne leur manque pas, ils sça- vent trouver les nids des processionnaires et s'y établir. Il ne m'est guère arrivé de défaire un nid de ces chenilles où je n'aye rencontré quelque ver de cette espèce, et souvent j'y en ai rencontré cinq à six. Là ils peuvent assuré- ment manger autant qu'ils veulent; il n'y a pas de jour apparemment où chacun d'eux ne fasse périr un bon nombre de ces chenilles ou de leurs crisalides, car ils continuent à se tenir dans les nids des processionnaires après qu'elles se sont mi'tamorphusées en crysalides. » Carnassières et féroces, ces Larves ne se con- tentent pas de se livrer à des razzias terribles; s'il y a plusieurs locataires dans un même nid, il peut arriver que le plus goulu, qui s'est gorgé au point de ne plus pouvoir faire un mouve- ment, ne devienne la proie d'un de ses frères plus agile. Arrivée à terme pour la transformation, la Larve se creuse sous terre un gîte disposé ho- rizontalement et l'état de nymphe ne dure que peu de semaines. Ce Calosome généralement rare, qu'on ren- contre isolément, apparaît quelquefois en grand nombre pendant les mois de mai et de juin ; il y a quelques années le bois de Boulo- gne était infesté de Chenilles processionnaires, et il n'était pas d'arbre qui ne portât un ou plu- sieurs de leurs nids, aussi trouvait-on encore assez souvent leur ennemi acharné (1S67); au- jourd'hui la torche ayant été promenée sur tous les nids, les Sycophantes ont disparu. Bouray est une localité des environs de Paris où il se montre assez souvent. En réalité il est plus répandu dans le Midi que dans le Nord. LE CALOSOJIE INQUISITEUR — CM.OSOMA tNQUISiJOK. Der Kleine Elelterlaufluifer. Caractères. — Ce petit Calosome a la forme du précédent, mais il est plus petit puisqu'il n'a que 14 à 18 millimètres de long; ses ély- tresplus convexes sont également couvertes de stries ponctuées; les intervalles qui séparent ces stries sont ridées au lieu d'être lisses ; les quatrième, huitième et douzième portent de môme une série de gros points, mais ceux-ci sont plus profondément enfoncés. Sacoloration est en dessus brun bronzé brillant avec une bordure verte ou plus rarement entièrement bleu foncé, en dessous et sur les bords des LES CYCHIUNES. H«f rig. 1S3. — Larve. Fig. 193. — Njniplie. Fig. 194. — Adullc. rig, 192 il 191. — Le Calosome de Madèro. élytres elle est vert métallique plus brillant. lIuL'urs, liabitudcs, r«-i;iiue. — Lc petit Ca- losome {Calosoma inquiùtor) ne se trouve que sur les arbres feuillus des forôts de l'Europe septentrionale et moyenne ; mais il a été capturé également en Portugal, en Algérie, en Syrie. 11 ne recberche point les grands arbres, mais les taillis dechône.de hêlreet de charme, les troncs que l'on peut atteindre avec la main etdontonpeut secouer les branches facilement. C'est surtout au printemps, pendant les mois de mai et de juin, que l'on peut les faire tomber on quantité des taillis decbcne que les Che- nilles de Tinéides [Ihdias quercana et virida- na) dévastent et dépouillent de leur feuillage. C'est toujours un curieux spectacle de voir à un coup donnésur l'un des troncs, deux ou trois ou môme plusieurs Calosomes tomber sur les feuilles sèches, s'y cacher malicieusement pen- dant que de tout côté les Chenilles semblables ;\ des pendus se maintiennent à un fil. Le dan- ger est-il passé, nos Calosomes se mettent en chasse et s'apprêtent à grimper; chemin fai- sant, ils pourront trouver un morceau friand qui les dédommagera largement du désagré- ment qu'où leur a fait subir. Cet Insecle n'est pas très rare en France, mais, comme le Sycophante, il se montre en grand nombre certaines années; il se trouve dans tous lés bois des environs de Paris, à Meudon, à Saint-Germain, à Bondy, etc. Le Calosoma Maderx ou indagatov (lig. 192 à 194) est encore un Insecte de nos contrées ; c'est un Coléoptôre noir foncé terne, d'assez grande taille (2() h 31 millimètres), aux élytres couvertes de stries longitudinales reliées par des rides transversales qui simulent des écailles imbriquées; ces élytres portent chacune trois rangées de points généralement d'un beau vert métallique. Ce Calosome, ii rencontre des précédents, ne hante pas les forêts, mais les plaines sablon- neuses et môme les champs cultivés, où il so livre à la chasse des Chenilles et môme de.s Orthoptères. Ce rare Insecte est méridional et se trouve aussi en Algérie et en Syrie; on peut dire qu'il n'a été capluré aux environs de Paris qu'acci- dentellement. M. Lucas a fait connaître sa Larve et sa Nymphe — nous les figurons ic'i (fig. 193 et 193) — qu'il a rencontrées fréquem- ment aux environs d'Orau, pendant les mois de janvier, de février et de mars. E.xtrômemenl carnassières les Larves de ce Calosome se nour- l'issent de Colimaçons et se logent dans les coquilles de leurs victimes. L'Europe possède une quatrième espèce, le C. auroiiiinctalum qui a été très souvent confondu avec le précédent parce qu'il pré^ente comme lui trois rangées de points enfoncés aux reflets (i'uu beau vert métallique ; c'est un Insecte rare et septentrional qui vit dans les dunes de- sables de la Suède, du Danemark, de l'Alle- magne et des côtes de Bretagne (Morbihan). LES CYCHRINES — CYCURIN.E C'aractèrcH. — Le facics de CCS Coléoptères ne permet de les confondre avec aucun autre ; l'allongement de la tôte et du prolhorax leur donne un aspect tout particulier; la forme de leurs palpes, à défaut d'autres caractères, sui"- 112 LES COLÉOPTÈRES. firait à elle seule pour les différencier des Cara- bides ; les palpes, en effet, sonllongs et leur der- nier arlicle, en forme de bâche tronquée obli- quement, est excavé sur la face supérieure; leur labre profondément échancré semble fourchu. Distrlliutioii géo^rapliitiue. — Les Cycliri- lies sont des Insectes appartenant essentielle- ment à l'hémisphère boréal qui habitent l'Eu- rope et surtout l'Amérique du Nord où ils sont fort nombreux. Les Cychrines proprement dits comptent 48 espèces : Cycfinis,33 ; Noma7-etus, 3; Sp/ixrodents, 7; Scaphinotus, 3. Un genre fort curieux et très caractérisé [Damaster) est cantonné dans les îles de l'archipel du Japon. Hœurs, habitudes, régime. — NouS ne con- naissons que les mœurs de nos espèces indi- gènes LES CYCHRES — CYCHRUS (1) Caractères. — Ces Coléoptères moins grands que les Carabes, sont de couleur noire, bron- zée ou cuivreuse, et ont une physionomie pro- pre qui les distingue enlre tous. Leur lôte est allongée, leur prothorax petit, étroit et cordi- forme, leurs élytres beaucoup plus larges que le prothorax et soudées embrassent fortement le corps; le premier article des antennes est allongé et en massue; le labre est bifide, les mandibulesallongées droites, portent plusieurs dents internes à leur extrémité; les pattes sont longues ; les pattes antérieures larges sont simples et semblables dans les deux sexes. On a constaté que les espèces de nos pays produi- saient une stridulation aiguë par le frottement de leur abdomen contre deux petites rainures de leurs élytres. Distribution géographique. — Régions froi- des et tempérées de l'Europe et des États-Unis. Mœurs, habitudes, régime. — Les Cychres habitent exclusivement les forêts, où ils se ca- chent sous la mousse, les pierres, les troncs renversés et les feuilles mortes ; ils se nourris- sent de Mollusques terrestres; la conformation de la tête se prête merveilleusement à ce ré- gime, elle leur permet de pénétrer dans les pe- tites coquilles des Gastéropodes qu'ilsdévorent. La France possède trois espèces de Cychi-us: les C.carahoides o\\rostralus{û^. 195), atlenuatus et spintcuUis. Le premier est un Insecte entière- ment noir aux élytres finement chagrinées, ne présentant aucune trace de dessins en forme de (I) KuxpEÎ';i nom mylliologique. chaînons, qui est commun dans les Alpes elles montagnes, mais ne se trouve que rarement pendant l'hiver dans les parties humides des grands bois à Marly, à Bondy, Montmorency, Oyclire à museau. Compiôgne. Le second est également noir, mais son corselet et ses élytres sont bronzés ; celles-ci sont très rugueuses et portent chacune trois rangées de gros points saillants brillants qui forment des sortes de chaînes; ce Cychre est plus fréquent dans les montagnes que dans les forêts peu élevées; les Alpes, les Vosges sont ses habitations de prédilection ; on le capture, mais très rarement, aux environs de Paris dans les forêts de Compiègne et de Scn- lis. Nous ne citerons que pour mémoire le C. spinicollis qui appartient;! la faune espagnole., mais a été pris quelquefois dans les Pyrénées. Chez tous les Carabides dont nous avons parlé jusqu'à présent, les jambes sont entières, c'est-à-dire sans échancrure interne, chez ceux dont nous allons nous occuper, les jambes pré- sentent, au contraire, à leur face interne une échancrure derrière laquelle se trouve l'une des deux épines terminales ou éperons; aux jambes antérieures l'un de ces éperons est anté-apical, l'autre apical. Le nombre des Carabides qui présentent ce dernier caractère est de beaucoup le plus con- sid,érable, et c'est parmi eux que viennent se ranger toutes ces espèces petites et moyennes noires, vertes ou d'un brun bronzé, presque toutes nocturnes, mais qui errent souvent aussi pendant le jour. Ils sont si nombreux, ces In- sectes, si affairés, lorsqu'ils courent çà et là à la recherche d'une retraite ou évitent le pied du passant, qu'on est bien forcé de les aper- cevoir. Nous nous permettrons de nous arrêter seulement à décrire les espèces qui méri- tent attention par quelques particularités de LES ODAGANTHINES. H3 Fig. I9G. — Odacaiitlio melaimre. Fig. 197. — Dryple denté. l'ig. I9S. — lîrachiiie rrépilarit. leur organisation ou quelques traits de leurs mœurs. Un grand nombre de Carabides se ressem- blent par leur aspect extérieur aulant que par leurs mœurs qui restent à peu près les mômes. Ils présentent en f^énéral les caractères sui- vants: tète ovale un pnu réirécie postérieure- ment de manière j'i présenter une sorte de cou ; antennes fortes et filiformes; languette grande, cornée, complètement réunie ;\ ses lobes laté- raux ou paraglosses; mandibules assez sail- lantes plus pointues que recourbées ; le dernier article des palpes n'est jamais subulé, c'est-à- dire terminé en alêne ; corselet cordiforme à bords postérieurs parallèles ; élylres générale- ment plus larges que le corselet, Irontiuées ou écliancrées à leur extrémité, aux angles exté- rieurs ai rondis ; jambes antérieures fortement échancrées, tarses en général semblables dans les deux sexes, les trois premiers articles peu- vent être dilatés chez les mules, rarement chez les femelles, les trois ou quatre premiers arti- cles des pattes intermédiaires sont élargis en même temps que ceux-ci ; corps quelque peu aplati et à abdomen composé de huit anneaux chez le mâle et de sept chez la femelle. LES ODAGANTHINES — ODACAN- THINjE Carnetèrca. — Leur tête est rétrécie en ar- rière pour former un cou court, très étranglé ; leur prolhorax allongé est souvent très long; les paraglosses sont de même longueur ou plus longues que la languette elle-même; les tarses filiformes sont semblables dans les deux sexes. Toutes les Odacanthines sont de petite taille. Distribuiioii ^én<;rapliique. — Ces Insectes sont étrangers u l'iMirope, à l'exception des Buiiu.M. — VU. Orlacantha, et sont répartis dans les régions chaudes de l'ancien et du nouveau monde. Les Casnonia (G8 espèces) appartiennent pour la plupart à l'Amérique du Sud, au grand bassin de l'Amazone, à la Colombie, la Guyane, la Nouvelle-Grenade, quelques-unes sont asiati- ques (Chine, Cachemire, Birmanie), austra- liennes, d'autres africaines (Port Natal, Séné- gal, Algérie). Les Ophionca (4 espèces) sont des Indes orientales et d'Australie ; les 67e/);- dia (7 espèces) sont africaines ; les Odacantlia necomptentque trois espèces, une européenne, une sénégalaise et une birmane. Mœurs, liabidiiles, ri'-(tinie, — LcS CdSlloma que Lacordaire aobservés au Brésil etàCayenne courent avec la plus grande agilité dans les endroits sablonneux, au bord des eaux et s'envolent à la façon des Cieindèles pour se poser à ([uelques pas. Nous connaissons les mœurs de VOducantha iiielaïuira, joli Insecte aux brillantes couleurs dont la taille ne dépasse pas G millimètres (ûg 196). 11 est facile à distinguer entre tous : sa tête, son corselet, son abdomen sont bleu d'acier, ses élytres fauves portent vers leur extrémité une grande tache également bleu d'acier ; les antennes à l'exception des trois premiers articles, l'extrémité des cuisses sont noirs; tout le reste du corps est roux testacé ; le corselet couvert de gros points enfoncés porte sur la ligne médiane une dépression très accusée ; les élytres sont ornées de plusieurs séries de points écartés etiieu maïqués. Ce petit Carabicle est un habitant de la France septentrionale et centrale où il est assez rare; on le prend de septembre en mai en fauchant les Prêles et les Roseaux qui croissent dans les marécages ou sous les détritus qui se trouvent au bord des marais; il a été souvent capturé autour des étangs des environs de Paris. Lnslcies. — 13 m LES COLEOPTERES. LES GALERITINES — GALERITINyE Caracicres. — Ces Insecles ont tous les ca- ractères des Odacanthines, dont ils ne dilfèrent en réalité que par la longueur démesurée du premier article des antennes qui est plus grand, toute proportion gardée, que dans tous les autres Carabides. Distribution géographique. — Tous les genres qui composent cette tribu sont étran- gers à l'Europe, à l'exception des genres Drypla, Zuphium et Polystichus. Les espèces qui les composent sont réparties dans les régions cbaudes de l'Ancien et du Nouveau Monde. Mœurg, habitudes, rt-girac. — On connaît les mœurs de nos Drypta, Zuphium et Po/ysli- c/nts indigènes; mais on possède quelques ren- seignements sur diflérentes espèces exotiques : Lacordaire a observé à Gayenne les Calophxua qui passent leur vie sur les feuilles et s'envo- lent avec aisance ; M. Salle ainsi que MM. Cha- puis et Candèze ont fait connaître les Méta- morphoses du Galeitla Lecontei de l'Amérique du Nord dont la Larve, des plus singulières, est certainement la plus curieuse qui soit parmi les Carabides. LES DRYPTES — DRYPTA Les Dryptes sont des Insecles de petite taille, fort élégants, dont les 23 espèces sont réparties sur le continent africain et l'Inde. L'Europe possède les Drypta dentata et distincia. LE DRYPTE DENTÉ — DRYPTA DEJSTATA. Le Drypta denlata est un bellnsecte allongé, de 7 h 9 millimètres, bleu verdâtre, revêtu d'une fine pubescence grise, et couvert d'une forte ponctuation sur la tête, le corselet et les élytres; la bouche, les pattes et les antennes sont fauves, l'extrémité du premier article, le troisième article des antennes ainsi que les torses sont noirâtres. Le corselet cordiforme, bien plus étroit que les élytres, est allongé et porte un sillon médian. Le quatrième article des tarses est divisé en deux lobes longs et étroits (fig. 197). Le Drypta se prend dans les endroits humi- des, soit dans les marécages sous les débris de roseaux fauchés, ou dans les bois sous les fa- gots, sous les pierres, depuis le mois de sep- tembre jusqu'au mois d'avril. Disséminé çà et là dans toute l'Europe tempérée et méridionale, on le capture assez rarement en France, sur- tout dans le bassin de la Seine. Le Drypla dislinr/a, qui est jaune avec une bande verte sur la suture des élytres s'étendant jusqu'aux deux tiers de leur longueur, est exclusivement méridional, de la Sicile, de l'Espagne, du Maroc et de nos provinces du midi où il se montre très rarement. Les Zuphium que nous ne citerons que pour mémoire sont des Insectes de petite taille, très plats, noirs, bruns, ferrugineux ou testacés; des taches de l'une ou l'autre nuance se détachent souvent sur un fond de coloration différente. Ils vivent sous les pierres, dans les endroits humides, et exhalent une odeur pénétrante. Les 30 espèces connues sont réparties en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique et môme en Océanie; ils sont en général des régions chau- des. La France méridionale donne asile aux Zuphium olens et Chevrolali. Les Polystichus, qui ressemblent aux Zu- phium, sont un peu moins plats ; comme eux ils affectionnent les localités humides et s'abritent sous les pierres des pays chauds où on les trouve souvent en société. Moins nombreux que les Zuphium, car on n'en compte que 9 espèces, leur aire de distribution géographique est fort étendue. Le Polystichus villutus est un Insecte que les inondations nous apportent du Morvan et de la Côte-d'Or jusqu'à Paris; c'est un Cara- bide plutôt méridional. LES BRACIIININES — BRACEININJE Ces Insectes constituent une tribu homogène et leur faciès est si particulier que l'Entomolo- giste le moins habile peut les reconnaître sans hésitation; tous ne possèdent-ils pas la plus remarquable des facultés, celle de lancer avec force par l'anus quelques gouttelettes d'un li- quide corrosif, d'une odeur très forte, qui a la propriétéde sevaporiserinstantanémcnten pro- duisant une crépitation des plus vives (fig. 1'j9) ; c'est pour cela qu'on les nomme vulgairement des Bombardiers, et c'est pour le même motif que beaucoup d'espèces ont reçu des qualifica- tions qui rappellent cette dénomination popu- laire. Il suffit, pour observer le phénomène tout à son aise, de plonger un de ces Insectes dans un flacon d'alcool ; on entend alors une série de petites crépitations assez fortes, jusqu'à ce LES BRAGHINES. H5 ■<< ^ '•X'^ Fig. 199. — Bracliine se défendant de 1 attaque d un Carabe que notre arlilleiir condamné à mort, ayant épuisé sa poudre et ses forces, se rende et dépose les armes. Caractères. — La tôte et le prolliorax sont toujours plus étroits que les élylres ; ce dernier est cordiforme; les élyires, fortement tron- quées à l'extrémité, de manière à laisser l'extrémité de l'abdomen à découvert, sont presque toujours couvertes de côtes ; d'un pore situé dans l'excavation externe des mandibules sort un poil ou soie. Les espèces sont assez dilliciles à distinguer, parce qu'on se base pour les décrire sur des caractères tirés de la couleur ou de la diffé- rence de forme que présentent les diverses par- ties du corps, caractères qui ne reposent sou- vent que sur des particularités difficiles à observer. Les espèces les plus grandes attei- gnent 17 millimètres | et ont généralement de jolis dessins jaunes sur un fond noir ; celles de nos pays sont munies d'ailes com- plètement développées, qui manquent à beau- coup d'autres venant du sud de l'Europe ou de l'Amérique du Nord; elles ont les élytres uni- formément noires ou rouge-brique, ordinaire- ment à reDets bleuâtres, et n'atteignent qu'une petite taille. * Distribution géographique. — Ges intéres- sants Goléoptères se trouvent sur tous les points du globe, l'Australie exceptée (l'Aus- tralie posséderait cependant deux Pheropso- phus) et leurs espèces sont plus nombreuses dans les pays chauds que vers le nord; des 10 espèces qui vivent en France, il n'en reste que 4 en Allemagne et une seule en Suède, où elle est très rare. Us sont fort nombreux; on en a décrit plus de 230 espèces; le genre Braclànus compte à lui seul 130 espèces. Blœurs, habituavs, régime. — NûUS connais- sons les mœurs des Brachinines indigènes, ce sont des Insectes qui vivent généralement en petites familles sous les pierres ou sous les détritus végétaux, dans les endroits où règne quelque fraîcheur ; leurs Larves ne sont pas connues. LES BRACHINES — BRACHINUS Caractères. — Nos Brachines indigènes peu- vent se partager en deux groupes. Ceux-là sont aptères, ont les élytres à épau- les effacées et dont la base n'est pas beaucoup plus large que le cor.selet, élytres qui vont s'élargissant peu à peu jusqu'à l'extrémité et sont couvertes de côtes saillantes; leur menton porte une dent médiane souvent échancrée; ils se distinguent encore par la coloration, car ils ont des élytres toujours noires, ce sont les Aplinus de beaucoup d'auteurs. Geux-ci sont ailés, ont les élytres à épaules accusées, et dont la base est plus large que le corselet, élytres qui sontoblongues ou presque carrées ; leur menton n'a pas de dent mé- diane, la coloration de leurs élytres est presque toujours bleu foncé ou vei dàtre, celle de la tète et du corselet est toujours jaune rougeàlre; ce sont les Bracliiiius proprement dits. U Aplinus disp/o^or [lohiS millimètres) estun Insecte espagnol qui se trouve assez communé- menldansles Pyrénées orientales, auxenvirons H6 LES COLEOPTERES. dePort-Vendres, VAJ'yremeus (7 à 10 millimè- Ire?) habile les Pyrénées (Luchon); YA.Alpinus (10 millimètres) se prend dans les Basses-Alpes. LE BUACniNE CRÉPITANT — SJIJCIIINVS CltEl'ITANS. L'une des espèces les plus remarquables EIUCALINjE Cette tribu, qui se partage en 17 genres, n'est pas très nombreuse et ne comprend jusqu'à ce jour quel7U espèces environ qui toutes sont étrangères à l'Europe. M. Kiinckel d'Herculais a appelé récemment l'attention sur l'étrangeté de ses formes, la bizarrerie de sa physiono- mie [La Naiure, 1880;. I.i; .MORMOLYCE PlIVLLOnES — MORMOLYCE riirr.LouES. Les Lebia peuvent être mis au nombre des plus charmants des Carabides, mais combien lis nous paraissent chétifs et misérables ces Insectes, lorsque nous les comparons à leurs congénères des pays intertropicaux? En Aus- tralie, aux Indes orientales, en Afrique et sur- tout à Madagascar, les Leùia sont remplacés par des Insectes élégants et de plus grande 118 LES COLEOPTERES. taille, se dissimulant comme eux sous les écor- ces ou les troncs d'arbres renversés, les Thy- reoptcrus qui se font remarquer notamment par la forme des élytres dont le bord externe, tendant à s'élargir, porte sur son pourtour une légère expansion. CaractiTcs. — L'île de Java recèle une sorte de Thyréoplère dont tous les organes, comme le fait remarquer Lacordaire, semblent s'être monstrueusement développés, tant ils ont pris un accroissement exagéré : la petite bordure de l'élytre, par exemple, est devenue une im- mense expansion horizontale, qui donne à l'ani- mal l'aspect le plus original et une apparence foliacée fort singulière (fig. 201). A ces carac- Fig. SOI. — Le Mormolyce phyllodes. tères viennent s'en joindre d'autres, non moins frappants ; la tête s'attache au prothorax par un long cou étranglé, porte de gros yeux ronds, des antennes aussi longues que l'animal tout entier ou peu s'en faut; le corselet très aplati a la forme d'un losange aux bords denliculés; les élytres elles-mêmes, indépendamment de leurs expansions démesurées, sont couvertes de stries longitudinales interrompues par quel- ques tubercules. En jetant les yeux sur la ligure ci-contre, on saisira mieux tout ce qu'a d'étiange ce Coléoplère et l'on comprendra que le nom de Mormolyce (;j.ofu.oXûx-/i) (1), que l'appellation de phyllodes (tpuXXwî-/;;) (2), lui ont été justement appliquées. Les habitants de Java emploient pour désigner nolrelnsecte un terme moins savant, mais tout aussi expressif : ils le nomment « le violon » ; ce n'est pas qu'ils le croient capable de produire des sons, mais, frappés par les apparences extérieures, ils ont trouvé que sa forme rappelait celle de cet ins- trument de musique. Distribution géographique. — Les Mormo- lyces ne sont pas connus depuis une époque (1) Qui signifie spectre. (2) Qui veut dire semblable ù une feuille. fort ancienne; recueillis dans la région occi- dentale de l'île de Java par les voyageurs Kuhl et Van Hasselt, ils furent envoyés pour la première fois en Europe vers 1820 et adressés au Musée de Leyde. Hagenbach s'empressa de décrire et de figurer le M. phylloiks, mais les Naturalistes qui l'avaient capturé étant morts, les renseignements biologiques manquèrent à l'au- teur pour compléter. son travail. Les Mormolyces phyllodes demeurèrent fort rares pendant bien des années; recherchés par les grands musées, enviés par les riches collectionneurs, servant de prétexte à de nombreuses discussions sur leurs affinités naturelles, ils avaient une valeur considérable, aussi ne faut-il pas s'étonner que le Muséum de Paris, il y a quelque vingt ans, ait payé un de ces Insectes, aussi bizarre qu'extraordinaire, la somme énorme de 1,0(JO francs. Les facilités de communication, la fré- quence des voyages, ont tout changé ; les Mor- molyces jadis si précieux se sont répandus dans le commerce ; il n'est pas de collections, môme particulières, qui n'en possèdent de nombreux reprcsent;mts : le musée de Gênes en conserve à lui seul 24 exemplaires, et tout récemment MM. Montano et Rey en ont envoyé de nom- breux spécimens à notre Muséum. De nouvelles espèces ont été découvertes dans les îles de l'Archipel de la Sonde et sur le continent in- dien, le M. phyllodes a été retrouvé non seule- ment à Java, à Bornéo, mais à. la presqu'île de Malacca. Nous n'avons rien à dire des M. Ila- gcnbachi et Castelnaudi, ils ne diffèrent du type que par la forme du prothorax et de l'expan- sion foliacée des élytres. Toutes les espèces de Mormolyces ont entre elles les affinités les plus étroites, leurs mœurs sont identiques et ce que nous dirons de l'une se rapporte rigou- reusement à l'autre. Mœurs, habitudes, ré»iiuc. — Ces Coléop- tères habitent les régions tropicales, et si leur grande taille ne leur permet pas de s'insinuer sous les écorces, la minime épaisseur de leur corps leur est favorable pour se dissimuler sous les troncs d'arbres renversés; lorsqu'à force de bras on déplace un de ces géants terrassés, on trouve les Mormolyces blottis en- tre l'écorce et le sol; aveuglés par la lumière, ils restent immobiles ; revenus promplement de leur surprise, ils détalent avec une agilité incomparable ; si le chasseur ne saisit pas prestement sa proie fascinée, quel que soit son adresse, l'Insecte sera assez habile pour se mettre hors d'atteinte par une fuite préci- LES DITOMINES. 119 pilée. M. de Caslelnau, dans ses excursions à travers la presqu'île de Malacca, a été à niôrae d'étudier les mœurs de ces Coléoptères, mais ce sont les Naturalistes hollandais qui nous ont transmis les remarques les plus intéressantes sur leurs métamorphoses et nous ont l'ail con- naître les larves et les nymphes. Le Naturaliste Uverdyk a adressé tout d'abord ses observa- tions accompagnées des pièces à l'appui à M. Verhuel (1) ; plus tard (1861), on a publié d'Overdyk lui-même quelques remarques très intéressantes fuites en 1842. La larve du Mormolyce, par une singulière coïncidence, rappelle tout à fait les larves de nos (Carabes et de nos Calosomes, la larve de notre ijarabe doré, très répandue dans nos campagnes, et surtout celle du Llalosome sycophante qui dévore les chenilles processionnaires du chêne; si la coloration est différente, la forme géné- rale du corps est la même. Les rapports sont si grands que l'éminent Entomologiste I.acor- daire a cru devoir supposer biun à tort que M. Verhuel avait représenté par erreur la larve d'un autre Carabide. La tête de couleur brun foncé, ainsi d'ailleurs que le premier anneau, porte une armature buccale en tous points ana- logue à celle des Carahus et des Calosoma, seulement le palpe maxillaire est double au lieu d'être simple; les deux anneaux suivants sont de teinte moins foncée ; tous les autres sont marqués de taches orangées se détachant sur un fond jaune-vert mal; le douzième an- neau, comme celui des larves de Carabes et de Calosomes, supporte une paire d'appendices, qui ne sont plus représentés que par deux stylets filiformes. Les larves de Mormolyces phyllodes, d'après les observations d'Overdyk, vivent dans d'énor- mes Polyporus qui croissent sur les troncs et les racines pourris des arbres des forêts vierges des montagnes de Java (mont Gedée) ; ces champignons, que les Javanais nomment Gam- tuur, ressemblent aux volumineux bolets (des Polyporus également) que nous voyons se déve- lopper sur nos arbres indigènes ; elles creusent dans leurs tissus des loges où elles se tiennent à l'affût pour saisir les Insectes qui passent à leur portée; très carnassières, elles poussent la voracité jusqu'à se dévorer entre elles. En l'espace de huit à neuf mois ces larves ont pris tout leur accroissement et se transfor- ment en une nymphe qui se distingue au (1) Anna'es des scitnces naturelles, ISU. premier aspect par la disposition qu'affectent les longues antennes ; la tête est cachée sous le prolhorax et les antennes sont repliées en S pour dissimuler leur longueur. Au récit d Ûverdyk, les Mormolyces sécrè- tent un liquide corrosif d'une virulence telle que le chasseur, qui les saisit sans crainte, perd pendant vingt-quatre heures l'usage do ses doigts; l'Insecte mort ne conserve pas heureusement ses redoutables propriétés, car les Entomologistes paralysés, temporairement il est vrai, auraient écrit sur ce sujet de gros mémoires. LES DITOMINES — DITOMINJS Caractères. — Les Ditomines sont des In- sectes de petite et moyenne taille, de couleur noire ou brune, quelquefois bleue; souvent aptères, qui savent fouir le sable et s'y creu- ser des retraites, dont nous possédons quelques types génériques, les Diiumus, les Aristus, les Apotomus. Les Dilomus sont des Insectes de moyenne taille au corps épais, à la tête volumi- neuse souvent ornée d'une corne, aux mandi- bules robustes quelquefois également chargées de cornes, au corselet en forme de croissant aux pointes arrondies, relié au mésothorax par un étranglement très prononcé. Les Aristus sont des Carabides de moyenne taille (M à 14 milli- mètres), à la physionomie étrange ; leur tête énorme est supportée par un corselet en forme de demi-lune aux pointes aiguës, celte tête et ce corselet réunis ayant la moitié de la lon- gueur du corps; un coup d'oeil jeté sur la figure ci-joinle permettra déjuger de la singularité de ces Animaux. Les Apotomus sont de très petite taille, ils se distinguent entre tous les Ditomines par la longueur des palpes maxil- laires qui dépasse celle de la tête, laquelle est [jelile ; le corselet, contrairement à ce qui a lieu chez les Dilomus et les Aristus, esl plus long que large. Uistributioa géographique. — LesDilomines appartiennent pour la plupart à la France médi- terranéenne, les Aputomus seuls ayant une aire géographique très étendue. Nos espèces indigènes habilent nos déparlements les plus méridionaux ; cependant le Dilomus cahjdonius, le Liitomus fulcipes, Y Apotomus cbjpeatus[i'v^. 202j ont été capturés de temps à autre aux envi- rons de Paris. Blœurs, babitudes, rcçinie. — Les Ditomus et les Aristus ont des mœurs fort curieuses. 120 LES COLEOPTERES. Choisissant pour élire leur domicile des friches arides bien ensoleillées, ils se creusent de pro- fonds terriers où ils s'abritent et au fond des- quels ils se retirent ;\ la moindre alerte ; ils ne Fig. 'JOÏ, — Arisle à bouclier. sortent que la nuit pour aller aux provisions, car, chose singulière, ces Carabides ne vivent pas de proie, ils récoltent des graines de gra- minées et d'ombellii'ères et les entassent dans leurs retraites ; lorsque les grandes pluies inon- dant leurs terriers les obligent à s'enfuir, ils cherchent un refuge sur les épis de froment et au milieu des ombelles chargées de graines. On ne s'attendait guère à trouver des Insectes granivores paimi les rapaces les plus cruels. LES ANTHIANllNES — ANTHIANINjE Caractères. — Les Antkia sont de grands et, beaux Insectes, les mieux doués peut-être de désert, on peut dire qu'ils sont les Touaregs de la gent hexapode. Nous représentons r^.rfecem- gullala du Cap de Bonne-Espérance ((ig. 203). LES SCARITINES — SCARITINjE Caractères. — Un type qui s'éloigne des précédents par sa conformation et par plu- sieurs caractères propres est celui des Scarites. Le prothorax est relié au mésothorax par un pédoncule mésolhoracique, ce qui lui assure une mobilité extraordinaire ; ce prolhorax ou corselet a la forme d'un croissant, l'écusson est nul ; lesjambes antérieures larges, palmées, à dents externes très fortes, sont propres à fouir et présentent une échuncrure du côté interne ; la tête est large, carrée ; les mandi- bules sont grandes, menaçantes et presque aussi longues que la tête; la lèvre supérieure est trilobée; les antennes courtes insérées sous une expansion du front ont leurs articles moniliformes, c'est- ft-dire disposés en grains de chapelet avec l'article basilaire si long que l'antenne semble brisée. Les espèces qui composent ce genre peuvent être de très petite taille et de très grande taille, toujours sans ornements et sans sculptures, elles sont de couleur noire uniforme. Distribution gc«>s;raiibiuue. — >-'C* Scari- tines. dont on a décrit plus de 800 espèces, habitent toutes les régions du globe; les Sca- Fig. 203. — Aiuliia i 10 taches. tous les Carabides; la taille, la puissance de leurs mâchoires, la rapidité et l'agilité de leurs membres en font des chasseurs redoulables. Us sont caracléiisés par leur languette qui est très grande, cornée, en forme de spatule con- cave et dépourvue de paraglisses. Distribution géo^niphique. — Ils habitent les parties les ])lus chaudes de l'Afrique (3 es- pèces seulement sur 31 se trouvent en Arabie et aux Indes) et se livrent à la chasse dans le Fig. 204. — Scarito g6ant. r/iesproprement ditsflUespJ'CPs), les Dhnhirins (127 espèces), les Clioina (204 espèces; comp- tent dans nos contrées un certain nombre de représentants. Slœurs, liabituiles, rfgime. — Lcs Scai'ites se creusent, au bord des fleuves ou dans le voisinage de la mer, des tious en forme de tube qu'ils ne quittent guère le jour et à l'eu- trée desquels ils se tiennent en embuscade, attendant qu'une proie passe à leur poilée. LES PANAGEINES. 121 Fi». 205. — Soarito des sabir Fig. 208. — CalUsto Itiiii^. Fig. 507. — Clivine fouisseuse. Après le coucher du soleil, ils sortent avco prudence de leur retraile, mais ils s'y préci- pilenl en tonte hâle à l'approche d'un danger en cela ils rappellent noire Grillon champûtre. Plus tard, quand l'obscurité est complète, deve- nant plus hardis, ils so mettent bravement à la poursuite de leur proie. Lacordaire a trouvé dans les forôts de l'Amé- rique plusieurs espèces de Scarites sous les pierres et les troncs d'arbres pourris ; à Buenos- Ayres, il a rencontré le Scariles anthranlaus dans les cadavres d'Animaux desséchés dont il rongerait les parties tendineuses. Heer a observé à Madère la Larve du Sca- riles alihreviatus; à ce qu'il nous apprend, elle se distingue de la Larve des autres Carabides par une grosse tête privée d'yeux ; les jambes sont assez courtes, les hanches relativement longues et détachées; le troclianter et les cuisses aplaties ont une double rangée d'épines <"ourles à leur face interne, et l'anneau ter- minal est pourvu de deux appendices bi-arti- culés. Le Scarite géant (5cn>v7e.ç(7/(7armt Fig. 509. — Clilœnie veloutée grossio. les espèces aux élytres noires, à la tôteà peine bronzée, les C . holofericeus, C. stikicoltis ; et en- fin une espèce au-dessus du corps bleu, le C. azureus (Pr. mérid.j. LES HARPALINES. — HARPALINJ<: (2) Die HarpaliiiLii. Les Harpalines sont caractérisés incomplè- tement par la dilatation chez les mâles et quel- quefois chez les femelles, des quatre premiers articles des tarses des pattes antérieures et (S'i "Apna)o:, ravisseur. LE ZABRE DES CÉRÉALES. 123 quelquefois des pattes intermt'diaires, articles qui sont garnis à la face inférieure d'expansions pecliuées et de poils épineux. Celle tribu né- cessiterait de nouvelles études. Les genres Acinopus, Dradt/cellus, Hai palus, Amù/ystomus, Stenolop/ins, sontEuropéens. Nous citerons pour mémoire les Harpalus parce que les représentants de ce genre nombreux (350 espèces réparties sur le globe entier) abondent dans nos pays et comptent au nombre des Insectes les plus communs. Nous les voyons courir et voler partout quand le soleil brille; pendant les chaudes soirées de l'été, lorsque le soir nous laissons nos fenêtres ouvertes, attirés par les lumières, ils viennent s'abattre sur nos livres; ils ont une préférence marquée pour y \ Fig. 210. — Uarpale bronzé. les terrains sablonneux et secs, les friches le.-; plus arides. Dans le bassin de la Seine on en trouve au moins 42 espèces. Sous les pierres ou dissimulés dans les ombelles des carottes on prend communément 1'^. punctkollis; on trouve cachée un peu partout et venant aux lumières, VU. ruficornis; nous flainrons le plus commun de tous VH. xneus (lig. 210), qu'il n'est pas rare de voir courir même dans les rues de Paris. LES ZABRINES. — ZABRINJE (1) Die Zabrineii. Nous avons appris à connaître, parmi les Carabides, des Animaux volants, grimpeurs et fouisseurs. Nous allons décrire les mœurs singulières de quelques herbivores souvent fort nuisibles aux céréales. Caractèpes. — Les Za/^;-ws aux formes lourdes et épaisses établissent une transition entre les Harpalines et les Féronines proprement dits; ils sont caractérisés par une lèvre supérieure presque carrée bordée en avant, une dent au (I) Zï6p6;, vorace. milieu du menton profondément échancré et Iiar le dernier article des palpes presque cylin- drique, toujours plus court que l'avant-dornier. Le corselet bombé, presque rectangulaire, ap- pliqué rigouretisemeiU contre les élytrcs égale- ment bombées et rectangulaires en avant, don- nent à ces Coléoptères une conformation peu gracieuse. Les pattes sont robustes, courtes, épaisses. Les jambes des membres an léricu rs se distinguent par une particularité : elles ont trois éperons, outre les épines habituelles dont l'une est siluée sur le bord extérieur et dont l'autre inférieure est placée à l'extrémité, elles portent une troisième épine plus petite implantée ;\ l'extrémité de la jambe à côté de l'épine infé- rieure et terminale. Chez le mâle, les trois pre- miers articles des tarses antérieurs sont élargis en forme de cœur, et les élytres sont habituel- lement plus brillantes que chez la femelle. Uistributioii gûosfr.ipliiiiue. — Les espcCCS connues aunombre de Gl habitent de préférence les régions méditerranéennes y compris les Açores, quehiues-unes se trouvent dans l'Eu- rope moyenne et une seule espèce est répandue depuis le Portugal jusqu'en Prusse, depuis l'île de Chypre jusqu'en Suède; son aire d'ha- bitation est donc fort étendue. LE ZABKU DUS CÉRIÎALKS. -- ZiUliUS lilUUUS. Der Getrcide-Liiu/kiifer. Ce Carabique est le Zabrus des céréales [Zabrusgibbas on tenebrmdes) qui par son ap- parition en quantités innombrables dans quel- ques contrées a acquis une certaine célébrité, mais ii coup sûr une triste célébrité (lig. 211). lig. 211. — Adulte. Fig. 212 et2U. — Larve. Fig. 211 i 2l;i. - Le Zaljre des céréales. Ce fut en 1812, alors que la Larve de notre Coléoptère dévastait les semis d'hiver et plus tard l'orge sortant de terre dans la région ma- ritime de Mansfeld en Saxe, que l'attention fut IM LE ZABRE DES CEREALES. appelée; le fait, signalé par Gei-mar, fut mis en doute par les savants qui supposèrent que l'ob- servation reposait sur quelque erreur; car il ne venait ;\ l'idée de personne que des Larves de Carabides, d'ordinaire si carnassières, puissent avoir un régime herbivore; aussi la Société des Naturalistes de Halle désigna-t-elle une com- mission pour étudier la question. Depuis trente ans l'apparition peu souhaitée du Zabrus des céréales s'est renouvelée à plusieurs reprises dans les parties les plus di- verses de la province de Saxe, sur les bords du Rhin, dans la province actuelle du Hanovre, en Bohême et ailleurs encore. Passerini a signalé les ravages causés en 1832 et 1833 dans les provinces de Bologne, de Ferrare et dans lés Romagnes par ce terrible Insecte; l'attention étant attirée sur cet ennemi des céréales, on a pu s'assurer de la gravité des dégâts qu'il com- mettait non seulement à l'état de Larve, mais encore à l'élat d'Insecte parfait. Nous avons figuré le Zabrus yil/bus de gian- deur naturelle (fig. 211); il sera facile de le reconnaître à l'aide des caractères génériques que nous venons de décrire et que nous allons encore compléter. Le corps est noir ou brun-noir en dessus; le dessous, qui est plat, est couleur de poix ainsi que les pattes ; le corselet légèrement déprimé à sa base est couvert de ponctuations fines et serrées et ses angles postérieurs sont droits ; l'écusson est en triangle aigu ; enfin les élytres, anguleuses aux épaules, sont munies d'une pe- tite dent et sillonnées de stries profondes et ponctuées ; les ailes sont bien développées ce qui n'est toutefois pas le cas pour toutes les espèces. Le Zabrus des céréales vit soit dans les champs de seigle, de blé ou d'orge, soit à proxi- mité, à l'époque où le contenu des grains est encore laileu.'î. C'est en été qu'il sort de sa Nymphe. Comme la plupart de ses proches, il se montre fort peu le jour et se cache sous les pierres, les mottes de terre, etc. Aussitôt que le sokil a disparu derrière l'horizon (depuis 8 h. i/j environ), il quitte sa retraite, trimpe le long d'un chaume jusqu'à l'épi, et, s'il trouve des grains encore tendres, il s'installe solide- ment et se met en devoir d'éplucher le grain, puis de le dévorer en commençant par le som- met. Dans cet exercice il déploie une ai deur telle, que ni un coup de vent, ni une secousse inattendue ne peut le faire tomber du poste où il se repaît. Ou trouve généralement les épis rongés et sucés de bas en haut, les uns un peu plus que les autres. Breiter rapporte 18 9) qu'un champ de seigle du comté de Bentheim, pendant les heures de pâture depuis huit heures et demie du soir jusqu'à sept heures du matin, paraissait entièrement noir; il n'était pas un épi, qui ne portât un de ces terribles dévastateurs. C'est là d'ailleurs que les deux sexes se rencontrent et s'accouplent. La femelle fécondée pond ses œufs, sans nul Conte, sous terre centre des graminées qui poussent dans les chimps ou à côté. Car il est prouvé que les graminées sauvages servent à la nourriture de ce Coléoptère; on a observé en Moravie, en Bohême et en Hongrie, que les champs les plus exposés à la dévastation sont ceux qui occupent l'emplacement d'anciens prés ou pâturages qui touchent aux prairies. La Larve ne tarde pas à se montrer et à se nourrir des tendres semis et des feuilles cotylé- donaires des graminées; on l'a rencontrée maintes fois dévastant les semailles d'hiver, soit en automne, soit surtout au printenips qui a suivi l'hivernation. On ne peut guère la con- fondre avec les autres Larves qui vivent dans les champs dans les mômes conditions, car elle revêt complètement les caiactères propres aux Larves des Carabides (fig. 212 et 213). La tête un peu concave en dessus est p".js longue que large et un peu plus étroite que le corselet ; les mandibules se terminent en pointe et le milieu de leur tranche interne est armé de dents mousses. Derrière l'insertion des mandibules se trouvent les antennes de 4 ar- ticles et 6 yeux placés perpendiculairement sur 3 rangs de cha(|ue côté; les palpes ont 4 ar- ticles, la lèvre inférieure est bi-arliculée. Les plaques dorsales, — celle du premier anneau est plus grande et brune, et les suivantes sont plus petites et rougeâlres, — sont toutes traver- sées par un léger sillon longitudinal. Outre ces plaques dorsales, les anneaux dépourvus de pattes ont encore nombre de petites taches cornées qui à la face ventrale forment des des- sins fort élégants. L'extrémité forme une pointe obtuse qui se partage en 2 appendices charnus bi-arliculés (|ui sont recouverts comme le reste du corps, surtoutla tête, de poils épars, courlset sétacés. La Larve adulte mesure 2« millimètres. Pendant le jourello setientà uneprolondeurde 150 millimètres et plus, dans un terrier tubu- leux qu'elle s'est creusé et dont elle ne sort ([ue la nuit pour prendre sa nouiriture. La manière dont elle s'y prend pour manger» LE ZABRE DliS CEREALES. 12.> comme ses habiliuies, préseulenl une l'ouïe de parliculaiilés. Ainsi, comme les autres Larves des Garahiques, elle triture ses nliments, c'est- ù-dire les feuilles des jeunes plantes, mais sans les avaler; elle se borne à les mâcher et à en boire le suc exprimé. C'est ainsi qu'elle con- vertit au printemps, lors de la poussée des liges, quelques pousses en petites pelotes qui se dessèchent, et jonchent le sol. Les semis peuvent disparaître complètement avant l'hiver ; ceux qui auront résisté, au prin- temps seront dévastes par places, soit su ries lisiè res, soit au milieu des champs. L'extension des dégâts dépend de l'abondance des Larves qui se groupent sur quelques points, les œufs étant pondus par paquets ; d'ailleurs une observation attentive permet de reconnaître quelle est la colonie qui doit être considérée comme le foyer de l'invasion. Quoique l'observation laisse apprécier l'état, des dégâts, il faut néanmoins un certain art et une habitude consommée pour bien se rendre compte de la manière dont ces dégâls sont commis: ainsi que nous le disions, la Larve se cache pendant le jour dans sa retraite tubuleuse qu'elle augmente en profondeur h mesure qu'elle grandit elle- même ; et ce tuyau, quoique pouvant subir ((uelques déviations, reste vertical dans sa direc- tion générale. Aussitôt que notre Larve soup- (,'onne l'approche d'un danger, par exemple si elle perçoit à l'instar de la Taupe les vibrations imprimées au sol par un pas vigoureux, elle se laisse tomber au fond de sa retraite. Pour la déterrer, on pourrait donner maints coups de bêche ; car si elle est ramenée ainsi à la surface, elle ne larde pas, recouverte qu'elle est de terre meuble, à s'échapper, à fuir sans être aperçue. Pour la surprendre avec certi- tude, il faut aller vers le soir s'assurer de l'ou- verture et de la direction de sa retraite et en cela on est guidé par les débris desséchés qui la recouvrent ordinairement. On coupe le tuyau par un coup de bêche, et la motte étant rejetée sur le sol, on y trouvera la partie supérieure du tuyau où la larve est encore logée. Celle-ci a été surprise sans avoir pu gagner le fond de sa demeure. On n'a pas encore réussi à connaître par des éducations artificielles la durée de la vie de cette Larve; ces éducations sont d'ailleurs 1res difficiles parce qu'en captivité les Larves de Zabre se dévorent entre elles aussitôt qu'on ne leur fournit plus une quantité de céréales bullisautes pour leur entretien. Le l'ait particulier de l'existence simultanée de Larves de diverses grandeurs, fait qui se repro- duit chez d'autres Larves qui mettent plus d'une année à l'accomplissement de leurs métamor- phoses, avait également fait admettre que l'évolution d'une génération demandait plu- sieurs années ; mais on est revenu sur cette opi- nion grâce à de récentes observations. Les indi- vidus provenant d'une éclosion du milieu de juin environ hivernent; après leur engourdisse- ment hivernal, ils passent îi l'étal de Nymphe à la mi-mai, et à l'état d'Insecte parfait quatre- semaines après au plus tard. Ainsi il n'y ;t réellement qu'une seule génération par an. La" Larve, au moment de se transformer ei» Nymphe, se retire au fond de son terrier qu'elle agrandit tant soit peu, et là, à l'abri de tout accident, elle subit ses métamorphoses. D'après les rapports officiels, des champs entiers de seigle deviennent noirs tant sont nombreuses ces Larves dévastatrices; elles vi- vent si serrées qu'un seul coup de bêche peut en ramener de quinze à trente sur le sol, ainsi qu'on l'a vu en 18G9 dans la circonscription de .Minden; il devient donc du plus grand intérêt pour le propriétaire des cultures de mettre un terme à ces dévastations ou de les combattre. Faut-il, comme nous le disions plus haut, déterrer les Larves et s'en emparer? Les Taupes se chargeraient bien mieux de celle besogne, mais elles semblent précisément manquer par- tout où les Larves du Zabre des céréales se montrent en grand nombre. On doit toujours détacher de l'épi le Coléoptère parfait et le détruire, et cela en tout temps et sans relâche pour prévenir toute éclosion future. Jul. Kiihn conseille de son côté, de procéder à l'extirpation des chaumes et au hersage de suite après les moissons dans les champs où l'on a remarqué le Coléoptère et où l'on peut présumer que la ponte a eu lieu. Ce procédé hâte la germination des grains tombés et per- dus. Aussitôt après on laboure le sol sans hésiter à pleine profondeur. De cette manière on coupe les vivres à la nouvelle génération, surtout si l'on retourne rapidement les champs voisins après la moisson, et si dans les alen- tours on retarde les semailles autant que le permet la localité. En outre, il faut observer la plus grande prudence, partout où cet ennemi des céréales a fait son apparition dans la succession des cultures et ne jamais ensemencer successi\e- inent ni seigle, ni blé d'hiver, ni orge. L'aller- 12C LES PTEROSTIGHINES. Kig. 214. -Aban strié. Fig. 215. — Molopi terric:le. Fig, 216. — Sterope mouillé. Fig. 217. — Feronie peu ponctuée. nance des cultures faite méthodiqHenaent per- nieUra à coup sûr sinon de se débarrasser complètement du Zahrus, au moins d'erapô- cher sa multiplication e.\agérée. On peut pré- venir les dégâts futurs de la manière la plus sûre en établissant autour de la surface infes- tée, un fossé aussi régulier que possible et •creusé dans la partie non attaquée, afin d'être ■assuré qu'on n'a pas laissé de Larves en dehors de la ligne de démarcation. Ces fossés réunis- sent les conditions les plus avantageuses s'ils gU'^'P'î i ^''''<>;i 'li'i ^ l'aspect de. forme de leurs palpes maxillaires et labiaux : le- pénuUième article est très rentlé vers l'extré- mité ; le dernier article, très petit et aciculaire, semble implanté à l'extrémité du précédent. Disiribution g^éo;>'rapliique. — Cette tribu extrêmement nombreuse, — on en a drcrit P65 espèces, dont 384 Bimbi/lium, — habile de préférence les régions froides ou monta- gneuses des régions boréales ou tempérées. Mœurs, habitutics, rés;ime. — Les représen- tants de celte tribu aiment l'humidité, aussi séjournent-ils de préférence au bord des eaux, où on les voit courir au soleil; quelques-uns se tiennentde préférence sur les riv^iges de lamer; tous se blottissent sous les pierres et les dé- tritus. Les Cillenus se trouvent sur les plages et, à l'exemple des yEjim, se laissent recouvrir par la marée ; le C. lateralis se rencontre assez sou- vent sur le littoral de la Manche et de l'Océan. Les Anillus sont au.x Btmhvliuni ce que les Anop/i'almus sont aux Tvcchus; ce sont des Fig. 22G. — Lieiubiuium i quatre taclics. Insectes aveugles qui se réfugient sous les pierres recouvertes de paille en décomposition et qui, airachés à leurs demeures, courent très vite malgré leur cécité; l'/i. cœcus des environs 134 LES DYTIGIDES. dcBordeaiixet de Toulouse est le type du genre. Nous n'essayerons pas d'énumérer tous les Cembi'liiim qu'on rencontre sur le globe entier, Tii même en France, il suffira de savoir qu'on trouve plus de 50 espèces aux environs de Pa- ris. Nous figurons (fig. 226) le B. guadrigutla- lum, qui est répandu dans toute l'Europe sur les bords des étangs et des rivières. Apres avoir dépeint la manière de vivre des Carabides en général, avoir signalé les parti- cularités que présentent quelques groupes et fait comprendre h l'aide de figures la confor- mation fondamentale de ces Insectes, il serait oiseux d'entrer dans plus de détail sur celte famille. Nous ne pouvons que conseiller à celui qui désire voir réunis ses différents représentants d'aller les rechercher dans leur retraite d hiver depuis le mois d'octobre jusqu'au retour du printemps ou de les surprendre en action pen- dant la belle saisrm. Pour cela il ne faut ni ar- tifice ni expérience acquise, il suffit de soulever la première grosse pierre venue dans un che- min quelconque de la campagne et d'explorer la terre sous-jacente. On est alors en présence d'un spectacle qui peut différer selon la localité et la saison, mais qui permet de pénétrer les mystères delà vie intime des Insectes; en hiver on les rencontre immobiles, engourdis, et au printemps on les trouve agiles et prompts à prendre la fuite. Au milieu de ce monde vaiié dominent toujours les Carabides. LES DYTIGIDES — DYTICWyE (1) Uic Schwimmkdfcr. Le promeneur ami de la nature et observa- teur des petits ôtres qui s'offrent à son regard, peut bien rencontrer ci et \h quelque Cara- l)ide; mais s'il veut faire connaissance avec les Insectes qui vivent dans l'eau, il ne saurait se fier au hasard. Pour les observer, il lui faudra déployer plus de zèle, et montrer plus d'intérêt qu'un promeneur ordinaire; il devra nécessai- rement circuler autour des mares et des fossés remplis d'eau stagnante en les examinant atten- tivement. Il y a là bien des merveilles à voir, et bien des enseignements à recueillir pour celui qui s'intéresse aux populations qui passent tout ou partie de leur existence dans les eaux, pour dévorer ou être dévorées. Si les carnassiers aériens ou terrestres se complaisent dans le meurtre, ceux que le sort a renfermés dans un trou plein d'eau d'où la sortie n'est pas aisée et où le faible est toujours à la merci du plus fort, se livrent au.\ plus horribles tueries. Puissions-nous assez intéresser nos lecteurs à cette population aquatique, en lui exposant l'histoire des Coléoptères nageurs ou Dytiques pour les engager à se rendre eux-mêmes sur les lieux et à voir de leurs propres yeux. Nous au- rons alors atteint notre but, car nous savons qu'ils seront amplement récompensés de leur curiosité et qu'ils verront bien plus et beaucoup mieux. Caractères. — Les Dyticides ou Hydrocan- (I) Aviîixo;, qui aime à plonger. thares, dont nous allons nous occuper, sont des Carabides modifiés pour la vie aquaLique (fig. 227, 229, 233 à 240). Mais, comme ce mode d'existence comporte bien moins de variations que la vie à l'air libre, nous trouvons moins de différence dans la conformation. Les pièces de la bouche et les antennes ne diffèrent en rien de celles des Carabides. La branche externe de la mâchoire subit la trans- formation palpiforme caractéristique. Le corps est universellement élargi etquelque peu aplati ; son contour forme un ovale régulier sans inter- ruption, ce qui est dû au profond enchâssement de la tête dans le corselet, à la connivence par- faite de ce dernier avec les élytres et à la vous- sure continue et régulière des parties dorsales et abJoniinales. Les pattes, et principalement les postérieures, servant de rames, sont très larges, généralement grandes, et de plus, forte- ment ciliées (fig. 227) ; les hanches transversales prennent ordinairement des dimensions énor- mes, atteignent les côtés extérieurs du corps; elles sont totalement soudées au métasternum. Tandis que le quatrième article des tarses an- térieurs reste atrophié, les trois premiers, et parfois jusqu'à un certain point le suivant, sont élargis chez le mâle d'une manière toute particulière. Les trois premiers segments de l'abdomen sont soudés également. Les rapports les plus étroits existent entre cette famille et les deux précédentes ; la ressem- bl.mcc de l'appareil de la manducation dans les LE DYTIQUE BORDE. 133. trois familles des Cicindélidcs, des Carabides el des Dylicides avait niûine conduit les anciens auteurs à les réunir mélhodiqucment en un seul groupe sous la dénomination de carnas- siers {Adephuf/ij. Les seules couleurs que nous présentent ces Coléoptères sont le noir, le bruu et aussi le vert- olive chez les grandes espèces, quelques des- sins d'un jaune sale se montrent parlois et de préférence sur les bords. De même que les grands Carabes rejettent par l'anus une liqueur biune d'une odeur re- poussante, dans le but de lasser celui qui les a saisis entre les doigts, et de reconquérir leur liberté individuelle, de même les Dytiques lancent à la face de leurs ennemis un liquide incolore d'une odeur nauséabonde, produit de la sécrétion de leurs glandes anales accumu- lée dans leur vaste poche rectale; ils émettent en outre par les articulations antérieures et postérieures du corselet un liquide laiteux ex- halant également une odeur désagréable. Distributioa géographique. — Les 'JOO es- pèces connues de Dyticides sont réparties sur toute la terre, mais prédominent toutefois dans les régions tempérées. Elles se ressemblent en général par leur aspect et aussi parla coloration h peu près uniforme, au point que celles qui habitent les zones plus chaudes ne se distin- guent aucunement de nos Dyticides indigènes. llœuri, habitudes, régime. — Organisés pour la natation, les Dylicides le sont éga- lement pour le vol. Comme ils habitent exclu- sivement les eaux stagnantes qui se dessèchent souvent en été, ils seraient exposés à une mort certaine, s'ils ne possédaient pas d'ailes puis- santes. Ils ne quittent jamais leur élément pendant le jour, mais seulement la nuit, en grimpant préalablement le long d'une plante aquatique, pour prendre plus facilement leur essor. 11 est aisé de comprendre, d'après cela, comment les plus grosses espèces sont ame- nées quelquefois à se réfugier dans des ton- neaux à eau de pluie, dans des conduits ou di- vers autres réservoirs ; parfois on rencontre ces Insectes le matin couchés sur le dos, résignés à leur sort, à la surface des vitres des serres ou des couches qu'ils avaient prises pour la surface brillante d'une pièce d'eau. Beaucoup d'entre eux mettent à profit leur faculté de voler pour se rendre dans les bois et y passer l'hiver, ca- chés sous la mousse où on les trouve engourdis en compagnie de Carabiques, de Brachélytres et d'autres Insectes. Comme ils ne respirent point par des bran- chies, ils ont besoin d'air et le recherchent h la surface de l'eau. De temps à autre on les voit quitter le fond, monter au niveau de l'é- lément liquide où ils se maintiennent suspen- dus en équilibre, l'extrémité abdominale émer- gée (fig. 232); ce qui permet à la dernière paire de stigmates de puiser l'air pur i\ la surface de l'eau, et au tissu feutre qui revêt l'abdomen de retenir et d'emprisonner sous les élytresai» moment où l'Insecte plonge de nouveau une forte couche d'air; pour faciliter la respiration, ces stigmates postérieurs sont au moins trois fois plus grands que les autres. La chaleur des rayons solaires les attire ;\ la surface; par les jours sombres ils s'éloignent et se cachent sous les plantes aquatiques, ou s'enfouissent dans la vase ; dans les eaux dépourvues de végétation, ils font eux-mêmes défaut; nous verrons pour- quoi tout à l'heure. C'est vers l'automne qu'on les trouve en plus grand nombre ; et vrai- semblablement ils sont nouvellement éclos et destinés à prendre leurs quartiers d'hiver. La grande majorité des Dyticides ont les hanches fortes et élargies en avant; leur nata- tion s'exécute par un mouvement synchroni- que des pattes postérieures et par conséquent entièrement selon lesrègles techniques de l'art , mais quelques petites espèces aux hanches pos- térieures étroites meuvent alternativement les pattes de derrière : on peut dire qu'ils nagent en faisant la coupe. » Quant aux Larves, elles ressemblent h celles des Carabides, mais elles en ditfèrent notable- ment et se reconnaissent facilement à leur faciès (lig. 228) ; le corps, de 12 anneaux recou- verts de plaques chitineuses, est mis en mouve- ment par six pattes grêles, ciliées, terminées par un tarse d'un seul article muni d'une double griife ; le dernier segment seul très résistant est tubuleux et terminé par deux appendices pen- nés, à insertion articulée, en relation avec la dernière paire de stigmates ; ces appendices avaient été autrefois considérés comme des branchies trachéennes. La tête élargie transver- salement et dirigée en avant se distingue par ses mandibules falciformes simples, ses mâchoi- res hbres et pourvues de palpes multi-articulés, son menton charnu portant des palpes ai arti- cles, par l'absence de languette ainsi que delèvra supérieure, et enfin par des antennes à 9 arti- cles et 6 yeux simples disposés sur deux rangs de chaque côté. Les mandibules présentent une remarquable disposition; elles ne servent pas 136 LE DYTIQUE BORDE. seulement à maintenir et à blesser la proie saisie comme chez les Larves de Carabides, mais elles remplissent en môme temps les fonctions lie l'ouverture buccale qui fait complètement défaut; ces mandibules sont creuses et portent un peu en arrière de leur point terminal une fente qui livre passage aux aliments liquides : le fait de la transformation des mandibules en un appareil de succion est une particularité qui est, à n'en point douter, fort singulière. LE DYTIQUE BORDÉ — DYTICUS MAIiGirfJLIS. Der Gesâumte fadenschivimmkafer. LeDy tique bordé (Z)^?iCM.. dimidlatus et pu7iclulalus fréquentent les eaux courantes des contrées tempérées de l'Europe à l'encontre de tous les autres qui préfèrent les eaux stagnantes. Tandis que chez le genre Dyticus ou Dyliscus les griffes des pattes postérieures sont sensi- blement égales et mobiles, nous voyons dans les Dylicides de taille moyenne des genres Acilius et I/i/dalicus deux griffes inégales dont la supérieure est immobile, et dans le Cybisler Itœselii une seule griiTe mobile. En général, les caractères distinctifs attribués aux espèces consistent dans les différences que présente la conformation des griffes et celles qu'ofl'rent les élargissements des pattes antérieures et moyennes. LES CYBISTETER — CYBISTETER (1) Les Cybisleler sont des Insectes de grande taille, tout proches parents des Dytiques; la plupart sont d'un vert olive foncé en dessus, avec les côtés du prolhorax jaune et une bande laléiale de même couleur ; cette bande pou- vant manquer. Le corps du mâle est lisse, les femelles ont sur leurs élytres de fines stries très seirées qui les recouvrent en totalité ou en partie. L'Europe et la France ne possèdent que le C. Bœsela (fig. 239). LES ACILIES — ACILIUS (2) L'Acilie sillonnée [Acilius sulcatua): la femelle est figurée dans notre figure 229, p. 133, !e mâle a aux pattes antérieures le môme élargissement discoïde que le Dytique, mais il diffère de ce dernier par la structure des griffes aux pattes de derrière et par le défaut de bordure sur le dernier anneau de l'abdomen. Chez les femelles les cannelures longitudinales se prolongent sur (1) Kuêi2Msnapv.^'<;, court, è)iUTpov, élytre) nommés aussi Staphylins [Staphylinidx ou Brachehjlra).^ se distinguent sans peine des autres Coléoptères par le caractère qui leur a valu le nom qu'ils portent ; mais ils n'en pré- sentent pas moins une grande variété dans leur aspect; leurs mœurs et la conformation des diverses parties du corps (fig. 247 à 252j offrent mille particularités qui dans d'autres familles acquerraient beaucoup plus d'im- portance. Distribution géographique. — On Connaît aujourd'hui plus de 4,000 espèces de Staphyli- nides répandues sur toute la surface de la terre. Caractères. — Bien que chez le plus grand nombre on compte 5 articles aux tarses, il en est qui n'ont que 4 et même 3 articles. Les aniennes ont 11 et parfois aussi 12 articles; elles sont dressées, généralement filiformes et sonl coudées sur leur article basilaire ; leur article terminal peut être renflé ; d'autres modifications comprises dans les limites que nous indiquons peuvent se présenter. Quoique la forme linéaire etallongée du corps soit générale, il est des cas où la partie anté- rieure étant devenue rectangulaire, l'abdomen qui s'y rattache prend l'aspect d'une queue cyliiidriaue. D'autres fois encore nous voyons des con^tours fusiformes rappelant les Carabes à col allonsé, ou bien encore des formes toutes cylindriques à côté d'espèces complètement aplaties. Les espèces indigènes ont en partage pour la plupart une robe sombre ou d'un jaune sale, dépourvue d'ornements ; quelques-uns sont d'assez grande taille (20 à 23 millimètres), mais la grande majorité est de très petite dimension. En général leur aspect est peu remarquable; parmi les exotiques cependant il en est qui se distinguent par un vif éclat métallique. HIiBurs, habitudes, régime, — La plupart vivent à terre, et de préférence en société sous les matières en décomposition, dans le fumier, sur les cadavres, dans les champignons ligneux comme dans ceux qui s'altèrent rapidement, sous les écorces, sous les pierres ou encore dans les endroits sablonneux, souvent en com- pagnie des Carabides. Un sort commun les rapproche aussi de ces derniers dans le cas d'une inondation soudaine comme celle dont nous avons essayé d'esquisser précédemment un tableau général (page 74 et 73). Certaines espèces fréquentent les Fourmi- lières {Myvmedonia) ou y vivent exclusivement {Lomechusa); quelques-unes habitent les Guê- piers ( Velleius) ; d'autres, au lieu de se complaire dans d'humides foyers de putréfaction, ont des aspirations plus élevées, elles recherchent les fleurs dont elles sucent le nectar. Sous l'action du soleil les Brachélytres té- moignent beaucoup de vivacité et aiment à LES STAPHYLINS. I/i9 ■{■///. F'S- "-îi'- l'ii;. --'iS. Fig. 2i9. Fig. -.'.SO. Fig. -.01. Fi-. 242. Stnpliylin pubescoiit. Oxypore roux. Pœdore des rivages. Slapliylin odorant. Pliilonte bronzé. Stapliylin césaricn. FiK. 217 à 252. — Les Staphylinides. voltiger çà et là ; les grandes espèces toutefois volent aussi pendant les belles soirées de l'été. Leur nourriture consiste en substances décom- posées, d'origine végétale ou animale, ou en Animaux vivants. Quelques genres et quelques espèces sont pourvus d'un ou deux ocelles accessoires sur le front, chose rare chez les Coléoptères. Bien plus remarquable est encore le fait de la viviparité observé récemment par Schiodte chez quelques espèces des genres Spli-achthaei Coro- luca qui vivent avec les Termites de l'Amé- rique du Sud. Plus que chez tout autre Goléoptère, la Larve des Staphylins ressemble à l'Insecte parfait en raison de l'aspect déjà larviforme que donnent à ce dernier ses élytres courtes, pouvant rester inaperçues, ainsi que l'appa- rence vermiforme du corps entier. Le petit nombre de celles qui sont connues ont de 4 à 3 articles aux antennes, de 1 à 6 yeux i-imples de chaque côté, des tarses à 5 articles termi- nés par une griffe unique, deux stylets bi-arti- culés à l'extrémité abdominale; l'anus fait sail- lie au dehors et sert à la progression, c'est encore là un trait caractéristique. Les Larves des grandes espèces poursuivent les autres Larves ; mais on peut les élever en captivité en les nourrissant avec de la chair. La trans- formation se fait auprès de l'habitat de la Larve, dans une cavité souterraine où la Nym- phe ne reste que quelques semaines avant de se montrer sous la forme d'Insecte parfait. D'après ce que nous avons dit, il est impos- sible de jeter un coup d'oeil même superficiel sur la famille entière, ni d'exposer l'intérft général que présentent les représentants àc. ses nombreuses subdivisions; nous nous con- tenterons de nous arrêter aux espèces qui se signalent par une vive coloration ou sur celles que l'on rencontre partout communément et que nous avons figurées dans nos gravures. LES STAPHYLINS — STAPHYLINUS{[) Die Staphylininen. Caractères. — Comme caractères du genre entier qui renferme plusieurs espèces élé- gantes, souvent revêtues de poils serrés qui leur donnent un aspect velouté, les plus belles et les plus grandes de toute la famille, on re- marque encore : les antennes droites insérées sur le bord antérieur du front; les mandibules puissantes, falciformcs, recourbées et dirigées en dehors; les mâchoires inférieures bilobées portant des palpes dépassant de beaucoup les lobes ; la languette petite sinuée en avant avec ses paraglosses coriaces beaucoup plus longues qu'elle et ciliées au côté interne; la tête carrée aux angles ronds, aussi large ou plus large que le corselet qui est arrondi en arrière et au- quel elle est rattachée par un rétrécissement en forme de bouchon; les élytres arrondies ou brusquement tronquées à l'extrémité ; les han- chesdes membres antérieurs élargies; lesmem- bres médians fort écartés. (1) STaçvXîvo;, staphylin, sorte d'Insecte. 150 LE STAPHYLIN A RAIES D'OU. LE STAPUYLIK A RAIES D'OR — ST. CMSAREUS ET LE STAPHYLIN A ÉLYTRES ROUGES — ST. ERYTIinOPTEltUS. Der Gohlstreifige moderkàfer . Le&U-phy\'inkTaiesd'oT{Staphylinuscsesareus, fig.252 et pi. III) qui se trouve fréquemment en compagnie du Slaphylin à ély très rouges {S. ery- th?-opterus)esl entièrement noir avec la tête et le corselet vert bronzé et les antennes, les pattes velues et les élytres d'un rouge brun ; les li- gnes légères qui ornent l'abdomen, le bord an- térieur du corselet, sont formées par un tissu de poils couchés d'un jaune d'or. La bordure postérieure jaune d'or du corselet et un corps plus robuste distinguent cette espèce de son sosie. Le Staphylin à raies d'or se rencontre de préférence dans la forêt où il circule çà et là. Toutefois, d'après quelques observateurs, il paraît aussi vivre à la manière des Galosomes, car M. Taschenberg rapporte qu'il l'a fait tomber en secouant des taillis de chêne dans les locali- tés où il se trouvait à foison. Bien qu'il ne l'ait pas vu manger, son attention étant portée ail- leurs à ce moment, il est porté à croire qu'il était en quête d'une nourriture qui ne doit pas consister uniquement en matières décomposées comme on l'a prétendu généralement. Ce qui peut confirmer cette opinion, c'est que Bou- ché a élevé plusieurs de ces Larves en les nour- rissant avec de la chair fraîche. «M. Lucien Tessier a fait connaître récem- ment (1880) quelques traits particuliers fort cu- rieux des mœurs de ce Staphyhn. Cet insecte se creuse sous une pierre, pour y passer l'hiver, un trou cylindroconique de 35 millimètres de profondeur sur 1 5 millimètres de diamètre, aux paro': tellement lisses que l'on pourrait croire sa maison cimentée ; à côté de ce premier ap- partement, il en creuse un second, mais avec beaucoup moins de soin que le premier. A quoi peut servir ce deuxième compartiment si peu en rapport avec le luxe déployé pour la construction du premier? Mais laissons la pa- role à M. Tessier. « Dans une chasse d'hiver, j'eus la bonne fortune de rencontrer à l'affût sur le bord de son trou un grand et vigoureux S. cxsareus qui se tenait tellement immobile qu'il semblait paralysé par le froid ; il n'en était rien, il guettait un Carabus granulalus qui errait en quête d'une proie autour de la pierre qui cachait sa retraite. Mal lui en prit au Carabe de se diriger vers l'antre du Sta- phylin, il ne devait plus en sortir ; car à peine arrivé à portée, celui-ci sortant à l'improviste, d'un coup de mandibules lui coupe la tête et rentre dans son trou pour la croquer. Le malheureux décapité continue sa route, ti- tubant de ci de là, le Staphylin abandonne la tête, revient à la charge, et après quelques minutes d'efforts réussit à séparer le corselet qu'il traîne jusqu'à son trou, puis il essaye d'y apporter le reste du corps Le lende- main quelle ne fut pas ma surprise en ne voyant plus aucun vestige du Carabe et en re- trouvant mon Staphylin au même poste que la veille; je ne pouvais croire qu'il eût dévoré un si gros Insecte en un seul jour, et je voulus m'en assurer : je relevai complètement la pierre qui servait d'abri, et je retrouvai une grande partie du corps du Carabe dans le deu- xième compartiment du logement du Staphy- lin; j'y trouvai aussi une vingtaine d'élytres d'Insectes de toute sorte, mais surtout de Feronia et de Bembidium. J'étais donc fixé maintenant sur l'utilité de ce second loge- ment, il s'agissait de savoir ensuite si celte ré- serve était faite pour les cas de famine ; je sus plus tard que non : l'instinct de ce Staphylin le pousse à enfouir les cadavres de ces victimes afin d'enlever toute crainte aux Insectes qui viendront se faire massacrer autour de son trou, car il tue pour le plaisir de tuer plutôt que pour satisfaire son appétit. • ic Fait-on une chasse sur un cadavre en dé- composition d'un petit Mammifère, on y trou- vera souvent le Slaphylinus cœsai-eus se pro- menant autour de ce cadavre, non pourprendre part au festin que sont en train de faire une foule d'Insectes, mais bien pour massacrer quelques uns d'entre eux. Les mœurs du .S . ery- thropterus sont à peu près les mêmes. » Notre espèce, de même que celles qui sont voisines et de grande taille, se voient quelque- fois par des temps chauds courant sur les che- mins, tout affairées. Pendant leur promenade ces Insectes frappent le regard par leur aspect étrange ; à la moindre alerte ils redressent leur abdomen excessivement mobile et le maintien- nent courbé en arc au-dessus du thorax; cette manière de se pavaner semble dénoter une grande irritation, car ils prennent cette attitude pour se mettre sur la défensive lorsqu'on les excite. Ils n'ont des mouvements si lestes, si brusques, que grâce àla merveilleuse flexibilité de leur corps. LES OXYPORES. loi LE STAPIIYI.IN POILU — ST. rVBESCENS. Der Kunhaaiigc Staphyline. Le Staphyîin poilu {S. pubescens, flg. 247) n'affectionne que faiblement la posture dont nous venons de parler. Le fond de la coloration est brun de rouille, plus foncé sur le corselet et les élytres, plus clair sur la tête; toutefois le corps entière- ment recouvert de poils soyeux reflèle toutes les couleurs parmi lesquelles le gris argenté domine sur la face inférieure de l'abdomen et de la partie postérieure du thorax, tandis que la face dorsale est parsemée d'inégalités d'un noir velouté. LE STAI'UYLIN ODORANT — OCYPVS OLElfS. Dcr Stinkendc Moderkâfer. Le rapprochement très marqué des hanches médianes est le seul caractère qui distingue le genre Octjpus du précédent. Le Staphyîin odorant Ocypmolens, fig. 230), un des plus grands et des plus massifs de la famille, est entièrement noir à l'exception de l'extré- mité des antennes qui est couleur de rouille ; les poils feutrés qui le recouvrent lui donnent un aspect mat. Il est de plus pourvu d'ailes, tandis qu'un de ses congénères de forme plus élancée en est privé. Il affectionne les forêts tout aussi bien que les champs, oii on le rencontre errant partout ; il n'est pas rare de trouver sa Larve abritée sous les pierres. Nous citerons encore parmi les espèces in- digènes : le grand et beau 5. hirtus, à la tête et au corselet couverts de poils soyeux jaunes d'or, aux élytres habillées d'une pubescence noire à la base, cendrée à l'extrémité, mais semés de points noirs, aux 3 derniers seg- ments de l'abdomen couverts de poils jaunes d'or, le S. maxi/losits, à la tête et au corselet noirs, aux élytres revêtues d'une pubescence noire coupée d'une large bande cendrée, se- mée de points noirs, à l'abdomen couvert d'une pubescence grise, marquée de noir ; les S. nebii- losus et mtn-ùuis, noirs couverts, d'une pubes- cence serrée, grise, coupée de fascies rousses; le 5. mtirinus se distingue par sa taille moin- dre, par la coloration des palpes et des pattes qui sont entièrement noires et surtout par la largeur de la tête qui n'excède pas celle du corselet, par la présence de 2 fascies cendrées en dessus et en dessous del'abdomen; le 5. cya- neus, noir à reflets bleus sur la tôte, le corse- let et les élytres. LES PHILONTEIES — PBILONTBUS (1) Caractères. — Le genre Philonthus (ng.251) renferme plus de 100 espèces européennes très difficiles à distinguer et qui présentent tous les caractères des genres précédents dont il ne se distingue que par sa languette arrondie à l'extrémité. Uœurg, habitudes, rpfjiiuc. — Les Philonthus ne sont rares nulle part, ils hantent de préfé- rence les endroits humides où le sol est riche en matières décomposées, mais ne recherchent point précisément le fumier comme leur nom scientifique l'indique à tort. Le Philonthus œneus est des plus communs dans toute la France. LES OXYPORES — OXYPORVS (2) Des deux jolies espèces que dans notre fi- gure 248 nous avons posées sur un champi- gnon, celle placée vers le bas est VOxyporus rufus (flg. 248 et 233) qui compte parmi les plus élégants représentants de la famille. Caractères. —, La forme semiluuaire de l'article terminal des palpes labiaux constitue leprincipal caractère qui distingue les Oxyporus des 3 genres précédents. Les mandibules en forme de faucille se dressent menaçantes et se croisent pendant le repos. UœurB, habitudes, régrime. — h' Oxyporus rufus vit dans les champignons ligneux ou charnus et ne compte certainement pas parmi les raretés. Le fond général de sa coloration est noir brillant ; le corselet est rouge vif et deux ta- ches de même couleur marquent les épaules, tandis qu'une troisième s'étend sur l'abdo- men dont l'extrémité reste noire. Les pattes, leur base exceptée, sont rouges, ainsi que la base des antennes en massue et les pièces de la bouche; toutefois les mandibules sont noires. (1) «tOo;, ami; ôvOo;, fumier. (2) 'OÇtTiopo;, qui va vile. loi LES PSELAPHIDES. Fig. 253. — 0-\ypoi'e rcux. Fig. 2ô5. — Clavigor testacé. Fig. 254. — Lomccliuse paradoxe. LES P.^DERES — PjEDERUS (1) Die Piiderinen. Tandis que tous les Brachélytres précités et quantité d'autres encore que nous n'avons pas nommés ont les stigmates prothoraciques visibles derrière les hanches antérieures (dans le cas où chez un Insecte desséché le thorax ne s'abaisse pas trop) ; chez les derniers de la famille ces stigmates sont recouverts par un repli chitineux du corselet. Caractères. — Une lèvre supérieure indivise, un très petit article terminal aux palpes maxil- laires, le quatrième article des tarses bilobé, des hanches postérieures cunéiformes, un corselet presque sphérique et des antennes insérées dans le bord latéral du front : tels sont les caractères du genre Psederus. Distribution géographique. — Ce genre Com- prend 30 espèces dont 11 sont européennes. LE STAPIIYLI> DES RIVAGES — P.SDEltUS RlPAlilUS. Le Staphylin des rivages (Pœderus riparius, flg. 249) est rouge, seuls la tête avec l'extrémité des antennes, les genous, les 2 derniers an- (1) Ila;6ipio;, vermillon. neaux thoraciques et la pointe abdominale sont noirs, les élytres grossièrement ponctuées sont bleues. Ce Coléoptère affectionne le bord des eaux courantes et stagnantes ; il grimpe aussi le long des herbes qui croissent en ces lieux et se trouve ordinairement en petites familles. LES LOMECHUSES LOME en USA Caractères. — Ces Insectes, les plus intéres- sants de la nombreuse tribu des Aléocbarines, se distinguent entre tous par leur tête engagée dans le prolhorax jusqu'aux yeux, par la forme de leur corselet dont les angles postérieurs sont très saillants et par les touffes de poils qui bordent les 3 premiers segments de l'ab- domen ; ces poils jouent un rôle physiologique important. Distribution géographique. — Les Lomé- chuses sont européennes ; l'une d'elles serait américaine. Mœurs, habitudes, régime. — Les Lome- c/iusa, comme leurs proches parents les Di- narda, habitent les fourmillières ; on doit à Lespôs d'excellentes observations sur leurs mœurs singulières qui rappellent celles des Glavigers. Nous les décrirons en parlant des Fourmis. Le L. paradoxa (fig. 254) se trouve dans toute la France avec la Fourmi rousse. LES PSELAPHIDES — PSELAPHID/E Die Pselaphidcn. Les Psélaphides (Pselapkidx) sont des Co- léoptères lilliputiens intéressants à bien des titres, qui vivent cachés sous la mousse, les feuilles mortes, les écorces, les pierres et se plaisent même en société des Fourmis. Caractères. — Us forment une petite famille qui se lie étroitement aux Staphylins par leurs élytres écourtées qui ne leur permettent pas de couvrir l'abdomen dans toute son étendue. Toutefois il est impossible de confondre les deux familles. Les Psélaphides ont des formes ramassées LE CLAVIGER TESTACE. loi ^hmi/f'" Fig. 256. Larve. Nécrophores enterreurs enfouissant un Mulot. Fig. 2ô7. — Adultes. et leur corps s'élargit de plus en plus vers l'ex- trémité. Ils ne possèdent point cette faculté dans laquelle les Staphylins sont passés maî- tres, de dresser leur abdomen et de le diriger en tous sens parce que les 5 anneaux qui le forment sont emboîtés les uns dans les autres. Par contre ils agitent sans cesse leurs antennes en massue et leurs palpes maxillaires à 1 ou 4 articles qui d'ordinaire s'avancent beaucoup en avant de la bouche; leurs palpes labiaux à 1 ou 2 articles sont au contraire fort courts. Les m;\cboires inférieures ont les 2 lobes membra- neux, l'externe étant beaucoup plus grand que l'interne. On compte, parfois avec peine, une ou deux griffes aux extrémités. Slœurs, liabitudes, régime. — Celles des espèces dont le sort n'est pas lié à celui des Fourmis, volent et prennent leurs ébats le soir. Dans les inondations d'été, l'eau les en- traîne, les enlève à leur retraite et les rejette par centaines avec d'autres compagnons d'in- fortune sur les rivages sablonneux. C'est dans ces conditions que le collectionneur peut faire une ample moisson de ces petits Coléop- tères qu'il serait bien pénible de récolter au- trement. Les Larves sont encore inconnues. DistribuUon géographique. — LcS InsCCtes parfaits ontété recueillis dans toutes les régions du globe, l'Asie exceptée oii probablement ils sont restés inaperçus à cause de leur peti- tesse; car dans les pays extra-européens on met plutôt la main sur les formes les plus grandes que sur de petits Coléoptères insigni- fiants mesurant tout au plus 2 millimètres et demi. Breum. — VIL LE CLAVIGER TEST.ICE — CLtllGER TESTJCEUS. Dcr Geîbe KeiilenMfer. Le Claviger testaceus ou foveolatus fortement, grossi dans la figure 235, compte parmi les es- pèces peu nombreuses et infirmes de nais- sance dont la manière de vivre est on ne peut plus intéressante. Caractères. — La Conformation générale est celle qui se retrouve dans la famille entière et les caractères particuliers de l'espèce sont : yeux nuls, élytres soudées ayant les angles postérieurscomme ridés et revêtus d'une touffe de poils, élytres portant de plus une forte excavation à la naissance de l'abdomen. Les tarses n'ont point de griffes et leurs deux pre- miers articles sont si courts qu'ils sont de- meurés inaperçus pendant longtemps. L'abdomen nu et luisant est pourvu seule- ment à son extrémité de poils semblables à ceux qui recouvrent le reste du corps ; il est presque globuleux, légèrement bordé sur les côtés, et les 5anneaux soudés ne sont distincts qu'à la face inférieure. Le mâle se distingue de la femelle par la présence d'une petite dent à la face inférieure des cuisses et des jambes. Uœurs, habitudes, régime. — Les Clavigers vivent dans les nids de Fourmis jaunes ; lorsque l'on a jeté le trouble dans leurs habitations en soulevant les pierres sous lesquelles elles s'abri- tent, elles les emportent dans leurs demeures avec la même sollicitude que leurs Nymphes. Cette manière d'agir dénote une réelle solida- rité entre les deux Insectes, confirmée d'ail. Insecti;s. — 2C. 154 LE CLAVIGER TESTACÉ. leurs par des observations scrupuleuses dues à M. le pasteur P. W. J. Muller de Wasserle- ben, près de Wernigerode. Cet observateur intrigué à la vue de cette singulière association, emporta chez lui dans des bocaux, Clavigers et Fourtnis, ces dernières à tous les degrés de développement, en y joi- gnant de la terre du nid et des brins de mousse. Dès le jour suivant nos prisonniers ayant re- pris leur existence accoutumée devinrent l'ob- jet des études les plus zélées et les plus cons- ciencieuses suivies, bien entendu, avec l'aide de la loupe. L'exposé des faits qui va suivre re- pose sur des observations si souvent répétées qu'il n'est pas possible d'émettre un doute sur leur véracité, ni de supposer quelqu'interpré- talion erronée. Mais laissons parler lui-même notre patient investigateur : « Les Fourmis vaquaient sans autre préoccupation à leurs travaux habituels ; les unes soignant et léchant leur progéniture, les autres restaurant la construction du nid en portant de la terre de part et d'autre; d'au- tres encore se reposaient en restant immobiles à la même place durant des heures entières; enfin quelques-unes s'occupaient à faire leur toilette. Chaque Fourmi se nettoyait elle- même autant que j'ai pu voir, mais, de même que les Abeilles, elles laissaient brosser et lé- cher par leurs compagnes les parties du corps qu'elles ne pouvaient atteindre avec leur bou- che et leurs pattes. Pendant ce temps les Cla- vigers circulaient en toute confiance et libre- ment au milieu des Fourmis, ou bien restaient tranquilles dans les couloirs généralement ap- pliqués contre le verre ; tout semblait indiquer qu'ils se trouvaient dans leurs conditions nor- males. Suivant mes prisonniers sans relâche et sans en détourner les yeux, je fus stupéfait de voir que chaque fois qu'une Fourmi s'ap- prochait d'un Claviger, elle se mettait à le ca- resser doucement avec ses antennes, ce à quoi le Claviger répondait avec ses propres anten- nes, puis elle le léchait sur le dos avec une ardeur évidente; en commençant toujours par la touffe de poils attachés à l'angle postérieur et externe des élytres. «La Fourmi écartant ses grandes mandibules se mit alors à sucer à pleine gorgée et à plu- sieurs reprises toute la touffe qu'elle embras- sait ainsi, puis elle lécha encore la partie an- térieure du dos et surtout la partie concave. Ce manège était répété toutes les 8 ou 10 mi- nutes, tantôt par l'une, tantôt par l'autre de ces Fourmis et très fréquemment sur le même individu, quand celui-ci avait rencontré plu- sieurs Fourmis ; mais finalement elles le lais- saient libre après une courte inspection. » De même que, sur les branches des arbres, les Pucerons fournissent à d'autres Fourmis leur liqueur sucrée et sont pour cette raison recherchés avec tant d'ardeur et traités avec tant de bonté par elles, de même les Clavigers procurent aux Fourmis qui ne montent pas sur les arbres une friandise sucrée qui con- siste en un liquide sécrété par les poils. Mais aussi nos Fourmis ne sont pas ingrates. Écoutons encore le pasteur: « Pour ne pas laisser périr d'inanition mes prisonniers, et pour les observer le plus longtemps pos- sible, je dus naturellement leur procurer une nourriture appropriée. Dans ce but j'humec- tai à l'aide d'un pmceau les parois du verre près du fond ainsi que quelques brins de mousse avec de l'eau pure, avec du miel étendu d'eau et je disposai encore çà et là quelques petits fragments de sucre et de cerises mûres afin que chacun puisse se servir à son goût. Les Fourmis dans leurs courses arrivè- rent successivement et s'arrêtèrent pour lécher avec avidité les parties humectées qu'elles avaient rencontrées. Et bientôt elles se trou - vèrent réunies plusieurs ensemble. « Quelques Clavigers survenus passèrent ou- tre sans participer en rien à ce festin. !( Mais voici que des Fourmis repues se pos- tent immobiles sur le chemin, attendant au passage les Fourmis qui n'avaient pas encore trouvé de nouriiture pour leur donner la bec- quée, puis descendent au fond du vase rem- plir le même office envers leur progéniture. (I J'avais déjà songé à trouver une autre ali- mentation pour les Clavigers qui n'avaient touché à rien de ce qui était à leur disposition, lorsque je vis l'un d'eux faire la rencontre d'une Fourmi gorgée de nourriture. Tous deux restèrent immobiles. Je redoublais mon attention et il se présenta à mes yeux le spectacle le plus rare, le plus inattendu. J'ac- quis la certitude que le Claviger est nourri de la bouche même des Fourmis. « J'eus de la peine à me convaincre de la réa- lité du fait, et déjà je commençais à douter de la justesse de mes observations, lorsque je pus le constater de manière à n'en pouvoir douter, en trois et quatre endroits et môme davan- tage. « Quelques-unes de ces distributions de vi- LK CLAVir.KR TESTA CE. 135 vres se faisaient sur les parois immédiates du vase, ce qui me permit d'employer une len- tille d'un bien plus fort grossissement et d'ob- server la manœuvre dans tous ses détails. Chaque fois qu'une Fourmi rassasiée se trou- vait en présence d'un Claviger affamé, celui-ci comme s'il flairait la nourriture et demandait sa part, dressait tfite et anLennes en les diri- geant vers la bouche de la Fourmi et tous deux restaient immobiles. Après un palper et un lé- ger frottement réciproques exécutés avec les antennes, les têtes faisant face, le Coléoptère ouvrait la bouche cl la Fourmi faisant de même lui dégorgeait, s'aidant des pièces buccales, la nourrilure précédemment prise, laquelle ne tardait pas à être absorbée avec avidité. Le repas terminé, chacun se nettoya les pièces de la bouche en les ouvrant et les fermant al- ternativement, puis se dirigea de son côté. L'échange de becquées durait d'habitude une douzaine de secondes, et après ce laps de temps la Fourmi se mettait ordinairement en train de lécher les bouquets de poils du Claviger de la manière que nous avons dite. « C'est de cette manière que dans mes petits bocaux, les Clavigers ont été nourris plusieurs fois et régulièrement dans la journée par les Fourmis, et cela aussi souvent que je mettais à portée la nourriture et l'eau fraîche ; chose d'ailleurs de première nécessité pour les Fourmis. Jamais je ne vis un Claviger toucher aux aliments, tels que : miel, sucre ou fruits mis directement dans le bocal; à l'exception toutefois de l'humidité condensée sur les pa- rois du verre que le petit Coléoptère se mit quelquefois à lécher. 1 Quelque grandes que soient la tendresse et la sollicitude des Fourmis pour leur progéniture, celles qu'elles témoignent aux Clavigers ne pa- raissent pas moindres. Et c'est une chose vrai- ment touchante de voir que, même dans les cas où les poils de ces derniers ne sont point fournis en liquide nourricier, la Fourmi en passant devant le Coléoptère lui prodigue ses caresses avec ses antennes; de voir avec quelle délicate prévenance elle tend la nourriture au Claviger affamé, même avant d'avoir donné à la couvée la part qui lui revient. La Fourmi laisse patiemment passer le Claviger sur son corps, se met même à jouer avec lui : elle saisit par- fois avec les mandibules celui de ces Coléop- tères qui se trouve sur son passage, le met sur son dos et le promène ainsi à une assez grande dislance, puis le dépose de nouveau à terre. « D'autre part l'attifude pleine de confiance du Coléoptère vis-à-vis des Fourmis n'est pas moins merveilleuse. On ne croirait pas être en présence d'Insectes de genres différents, mais plutôt avoir devant soi les divers membres d'une seule et même famille ; ou mieux encore, les Clavigers ne semblent être que des enfants qui vivent avec assurance et sans souci du lendemain chez leurs parents, recevant d'eux les soins et la nourriture qu'ils peuvent leur demander sans difficulté chaque fois qu'ils en éprouvent le besoin, et leur rendant aussi de^ services réciproques dans la mesure de leui capacité. (• C'est ainsi que j'ai vu un Claviger nettoyer une Fourmi repos int tranquillement, sommeil- lant pour ainsi dire : tanlôt il s'y prenait par les côtés, tantôt il se posait sur elle, lui bros- sant le dos et l'abdomen avec sa bouche, et ce manège a duré près d'un demi-quart d'heure. » Ici s'ajoute encore une observation intéres- sante : une deuxième espèce de Claviger vit exactement de la même façon chez une autri^ espèce de Fourmi; la Fourmi jaune la traite néanmoins de la même manière que celle qui vit auprès d'elle, bien que les deux espèces de Fourmis se fassent la guerre. Dans une récolte on mit par erreur avec des Fourmis jaunes plusieurs de ces Coléoptères et huit ou dix Fourmis de l'autre espèce en question. Aus- sitôt les Fourmis jaunes, se précipitant sur leurs rivales, les massacrèrent l'une après l'autre ; mais, épargnant les Clavigers, elles les adoptèrent et les nourrirent absolument comme les leurs. Plus tard, plusieurs trans- ports intentionnels de ces deux espèces do Coléoptères d'un flacon dans l'autre où se trouvaient des Fourmis d'espèces étrangères conQrmèrent cette observation. M. Lespès, observateur plein de sagacité, a vérifié les observations du Naturaliste allemand et dans une étude sur la domestication des Clavigers parles Fourmis, il a relaté ses obser- vations. « J'ai voulu déterminer, dit-il, si cette domestication est un fait instinctif ou bien le résultat d'une sorte de civilisation... J'ai eu d'abord une société de Lasius niger qui nour- rissait des Claviger Duvalii. Quand j'ai donné des Clavigers de la même espèce ;\ des Fourmis prises dans des sociétés qui n'en avaient pas, j'ai toujours vu les Clavigers mis en pièces et dévorés et non pas soignés et nourris comme dans les sociétés qui en élèvent... J'ai obtenu le même résultat avec les Lasius niyev de Tou- 13G LES SILPHIDKS. loiise et avec ceux de Marseille. Cette observa- lion démontre que l'habitude d'élever des Cla- vigers et les connaissances nécessaires pour en tirer parti n'appartiennent qu'à quelques socié- tés et sont le résultat d'une sorte de civilisation. « Une objection très forte pourrait être faite à cette conclusion. Il serait possible qu'il existât entre les diverses sociétés de la même espèce de Fourmi une sorte de haine qui s'étendrait à leurs Animaux domestiques. Voici comment j'ai déterminé qu'il n'en est rien. « Dans une société je prends quatre ou cinq ouvrières que j'enferme à part et auxquelles je donne un sirop fortement coloré avec du car- min. Elles en boivent et la couleur rouge ap- paraît à travers leurs téguments. J'enlève le sirop et je m'assure qu'il n'y en a aucune par- ticule qui reste dans le vase. J'introduis alors une ouvrière d'une société difl'érente. Au bout de quelques minutes de trouble elle est ac- ceptée et la couleur rouge, qui devient visible dans son abdomen, montre bien qu'elle a reçu i\ manger. Avec un peu de patience, on voit du reste les ouvrières déjà repues lui offrir du sirop sur leur langue. Il n'y a donc aucune haine entre les diverses sociétés de la même <-'spèce Il est, je crois, permis de conclure de mes observations que la domestication des Clavigers est non pas un fait instinctif, mais un fait d'intelligence commun à tous les individus de quelques sociétés, un vrai fait de civilisa- tion. » Quelle merveille ! Les Clavigers sont unique- ment et entièrement prédestinés à certaines espèces de Fourmis, et celles-ci par leur ins- tinct inné et la conscience qu'elles ont des jouissances que ces Coléoptères leur procu- rent, les chérissent, les protègent elles entre- tiennent comme leurs nourrissons. Les Cla- vigers, privés d'yeux et d'ailes, sont les plus impolenls de tous les Coléoptères ; ils sont con- damnés à vivre dans les Fourmilières où ils naissent et meurent sans jamais pouvoir dé- serter les lieux où ils ont reçu le jour. Qui aurait cherché sous les pierres les preuves d'une amitié si dévouée, d'une telle alleclion? D'après la figure d'une dépouille de Nymphe que notre observateur a trouvée, il est évident que la larve est munie de six pattes. Ainsi que cela se voit pour d'autres Coléoptères, cette Nymphe reste fixée par l'extrémité abdominale dans la peau dont la Larve se dégage pendant la Métamorphose, et sur celle peau on dis- lingue encore les petites pattes. LES SILPHIDES — SILPHID.^ Die Aaskufer. Caractùres. — En raison de la variété de forme des Silphides, on ne peut indiquer comme caractéristique général de ces Insectes, que : leurs antennes ordinairement de H ar- ticles, rarement de 10, devenant de plus en plus grosses vers l'extrémité ou se terminant brus- quement par un boulon ou massue ; leurs lobes de la mâchoire sensiblement distincts, cornés on cutanés ; leur languette bilobée et leurs ély- tres n'atteignant ordinairement pas l'extrémité de l'abdomen. Par les hanches saillantes et en forme de coin des pattes antérieures et mé- dianes, par les six anneaux mobiles de leur abdomen, les Silphes se séparent encore de tous les autres Coléoptères à antennes clavi- f ormes. Oistribution ffôographique. — On connaît 460 espèces de Silphides répandues sur tout le globe, mais paraissant plus nombreuses "iurtout dans les zones tempérées. Hœurs, habitudes, régime. — On leS trouve tous, ou du moins presque tous, auprès des ca- davres d'Animaux, soit pour s'en repaître, soit pour y pondre leurs œufs. Quand on les saisit, ils ont la faculté peu agréable de rejeter par l'anus ou par la bouche, quelquefois par les deux extrémités, un liquide infect. A défaut de leur aliment de prédilection, ils se jettent aussi sur des matières végétales en putréfaction ou s'attaquent aussi à des Insectes vivants sans épargner ceux de leur propre es- pèce. Leurs mouvements sont vifs et leur odorat est si subtil qu'il les guide à coup sûr et les conduit à tire d'ailes vers l'endroit où le ca- davre d'un Oiseau, d'un Lapin, d'une Taupe, d'un Poisson, etc., commence à entrer en dé- composition. Les Larves se ressemblent entre elles par leur manière de vivre qui est identique à celle de l'Insecte parfait, mais nullement par leur conformation ; ce qui est d'ailleurs en CiicHji, laseciei. T. Vit, p. liî. IM. 111. Pans, l.-D Bailliére el fils, édil. Corbeil, Créle, iiiip INSECTES DES CADAVRES SUR UNE TAUPE. SILPHES, TnOX, HISTliR, STAPHYLINS, DERMESTES, NÉCROPHORE, CALLIPHURF., SARCOPHAGE. ETC. LES iNECllOPHORES. 157 rapport uvec les différences que présentent ces Coléoplùrcs ; aussi reviendrons-nous sur ce sujet lors de la description des espèces. LES NKCROPIIOHES — NECRO- PHORLS (1) CaractiTes. — Les Nécrophores forment un des genres les plus naturels et les plus homogènes entre tuus les Coléoptères ; ce sont des Insectes de grande et de moyenne taille, souvent velus en dessous et sur le prolhorax, d'une couleur tantôt noire, tantôt noire avec la massue des antennes, le pourtour du prothorax et des bandes ou des taches fauves sur les élytres. Ils se distinguent par les caractères suivants : les 4 derniers articles des antennes sont réunis en bouton ; les palpes maxillaires se terminent par un article cylindrique et acuminé au bout et sont beaucoup plus longs que les palpes la- biaux; la tête grosse, rélrécie postérieurement en col, est penchée et en partie abritée sous le corselet qui est presque discoïde et largement bordé; les élylres tronquées laissent à nu les 3 derniers anneaux abdominaux; les pattes sont fortes, les postérieures sont attachées à des hanches transversales et rapprochées, les jambes se distinguent par le grand élargisse- ment de leur extrémité et, chez le mâle, par l'élargissement des i premiers articles des tarses antérieurs et moyens. Les uns ont les jambes postérieures recour- bées, les autres, droites. On remarque encore qu'ils font entendre une petite stridulation en frottant contre le bord postérieur des élytres les deux cannelures qui se trouvent sur la face dorsale du cinquième an- neau abdominal. Distribution géographique. — Lcs 40 et quelques espèces de ce genre sont propres surtout à l'Europe et à l'Amérique du Nord. Mœurs, liabitudes, régime. — Quoique CeS Insectes éminemment nocturnes se voient assez souvent courant de ci de là, même en plein jour, c'est autour des cadavres des petits Mam- mifères qu'on trouve ordinairement les Nécro- phores. Bourdonnant comme des Frelons, ils viennent s'abattie autour d'eux en donnant à leurs élytres une posture caractéristique très bien représentée par Rœsel et M. Poujade (voy. pag. 2.5, lig. 57 et 58). Pareilles à "2 valves, elles se dressent à droite et à gauche; leurs bords in- (l) Key.foîofo;, qui transporte les morts. ternes se dirigent en dehors pendant que leurs bords externes se rapprochent au-dessus du dos en affectant la disposition d'un toit. Il arrive ainsi successivement jusqu'à 6 indi- vidus (fig. 2 J7) qui se trouvent alors réunis au- près du cadavre qu'il s'agit d'enterrer; ils com- mencent par explorer le sol pour savoir s'il possède les conditions favorables à l'enfouisse- ment. Nos Coléoptères trouvent-ils que tout est en règle? Ils se placent à une distance conve- nable l'un de l'autre pour ne pas se gêner réci- proquement tout en restant sous le cadavre, ri.'poussent la terre avec leurs pattes, si bien qu'un rempart s'établit tout autour de la Sou- ris que nous prenons pour exemple et qui par son poids ne tarde pas à s'enfoncer. Le travail est-il arrêté par quelque obstacle, ce qui est presque toujours inévitable, tous nos Nécro- phores surgissent à la surface, considèrent l'obstacle, dressent d'un air rélléchi tête et an- tennes, examinent le terrain en spécialistes consommés. Bientôt tous les travailleurs concentrent leurs efforts sur le point qui offrait quelque résis- tance, et l'obstacle supprimé ils reprennent tranquillement leur besogne de fossoyeurs. On ne saurait croire combien il faut peu de temps à ces Animaux pour accomplir leur travail, car la Souris a bientôt disparu et une petite élévation de terre qui ne tardera pas du reste à être égalisée, indique seule encore la place où se trouvait le cadavre. Dans une terre bien meuble, les cadavres peuvent être enfouis jusqu'à une profondeur de 30 centimè- tres. Gleditsch, qui a tant médité sur les ques- tions de botanique et d'économie, a de son temps souvent et longuement observé ces fos- soyeurs à l'œuvre ; il nous rapporte qu'en 50 jours, quatre d'entre eux enterrèrent suc- cessivement deux Taupes, quatre Grenouilles, trois Oiseaux, deux Sauterelles, les intestins d'un Poisson et deux morceaux de foie de Bœuf. Pourquoi tant de zèle, d'activité? C'est, a-t-on l'habitude de dire, l'instinct des créatures '( inintelligentes », l'impulsion de leur nature, qui nous fait voir merveille sur merveille, dans les manifestations extérieures les plus diverses. La preuve qu'il y a ici en jeu beaucoup plus qu'un instinct aveugle, et qu'il ne peut être question d'inintelligence pas plus pour ces \nsecles que pour d'autres qui attirent peu l'attention, nous est fournie par le fait suivant : On suspendit en l'air un cadavre à l'aide d'un fil attaché à un bâton qui était lui-même fi.xé en terre ; les Né- 158 LES NECROPHORES. crophores accourus, après s'être assuré qu'ils ne pouvaient arrivera leur fin par les procédés ordinaires, parvinrent à faire tomber le corps suspendu (PI. III). l'armi les très nombreuses observations qui montrent l'intelligence de ces Insectes, je choi- sirai celle-ci qui a été faile récemment par M. Thiriat. « Par une chaude journée de juil- let, me trouvant, dit-il, dans un petit jardin dont la circonférence était disposée en plate- bande, remplie de fleurs, et le centre en une place sablée et battue, je remarquai sur ce sable une Souris dont un Chat avait croqué la tête. Bientôt, j'entendis le bourdonnement de plusieurs Nécrophores qui, au nombre de deux, vinrent s'abattre sur le petit cadavre. Aussitôt ils s'occupèrent de l'enterrement sur place. Le sol, fortement tassé, et qui avait presque la consistance du béton, ne put être entamé par leurs fortes pattes. Les deux Insectes, après avoir parcouru les environs, montèrent sur la souris et tinrent conseil. Bientôt un des deux s'envola. Environ un quart d'heure après, quatre Nécrophores arrivèrent presque au même instant. Celui qui s'était envolé était probablement au nombre de ceux qu'il était allé chercher. Tous les ouvriers se mirent à l'œuvre: se plaçant sur le dos, sous le cadavre, ils le firent avancer, dans l'espace d'une demi- heure, jusqu'auprès de la plate-bande, ofi ils voyaient un sol meuble, qui permettait de creuser facilement la fosse. Arrivé au but, il se trouva un obstacle qui n'avait pas été prévu, Une haie de buis nain, formant bordure, inter- ceptait le passage ; il y avait bien un petit inter- valle, mais il se trouva trop étroit pour que le cadavre y pût passer. Les Nécrophores essayè- rent en vain de creuser la terre en ce point, la terre était trop battue. Il fallait les voir s'agi- tant, courant aux environs, se consultant et reprenant leur coui'se : on devinait leur anxiété. Explorant la bordure de buis, ils trouvent enfin, à une distance d'un mètre environ, un pas- sage assez étendu entre les touffes. Il s'agit de transporter le cadavre de la Souris jusqu'à ce point éloigné, ou de l'abandonner sans sé- pulture. Les cinq Insectes se réunissent, et après avoir sans doute délibéré sur la grave question qui se présente, tous se remettent à l'œuvre avec une nouvelle énergie. Poussant, tirant le cadavre le long de la haie de buis, s'arrêtant pour vérifier s'il avançait, puis tra- vaillant de nouveau avec ardeur, les Nécro- phores mènent à bien leur opération; la petite Souris enterrée à une profondeur d'un décimè- tre ne montrait plus au dehors que l'extrémité de la queue. Mon observation commencée à deux heures du soir était finie à quatre heures du soir. » Pour en revenir à la question soulevée, ces Insectes savent fort bien que d'autres Coléop- tères vivant de charognes, que de grosses Mou- ches pleines de sollicitude pour leur progéni- ture, peuvent survenir, désireuses d'assurer à leur lignée une nourriture abondante et à leur goût. C'est pourquoi les Nécrophores déploient à l'excès force et énergie, non pas pour satis- faire leur gourmandise comme le Chien repu qui cache un os, mais pour pondre leurs œufs sur le cadavre qu'ils ont choisi. Quant à leurs repas, ils les prennent en compagnie de nombreux compères partageant leurs penchants ou au moins leurs goûts gas- tronomiques, tels que : Silphes, Dermestes, Hister et quantité de Larves de Muscides grouillantes et repoussantes, qui en peu de temps ont raison de toute charogne non en- terrée pour n'en laisser subsister que les os. Dans notre dessin intitulé « ce que peuvent les forces réunies » (pi. IV) se trouve repré- senté le début d'une de ces attaques en masse d'un cadavre d'Oiseau. Car les phases subsé- quentes ne se prêteraient plus à une repro- duction artistique ; d'ailleurs dans une autre figure, celle des « Insectes des cadavres » nous avons représenté les espèces les plus connues. Lorsque le sol présente des conditions dé- favorables à l'enfouissement ; lorsque par exemple un terrain pierreux, un sous-sol en- chevêtré de racines de graminées se jouent des elforls de nos petits mineurs ; ceux-ci s'en rendent compte bien vite, et s'empressent d'u- tiliser le cadavre qu'ils ont découvert pour leur propre alimentation et non pas pour la ponte; c'est dans une occasion plus favorable qu'ils sauront déployer leurs facultés et leur intelli- gence. Enfin, lorsqu'ils ont surmonté toutes les difficultés grandes ou petites, lorsque l'enter- rement est terminé grâce au déploiement de toute leur énergie, a lieu l'accouplement, et la femelle disparaît de nouveau sous terre où elle reste cachée pendant Set jusqu'à 6 jours. Quand elle surgit de nouveau à la surface, elle est à peine reconnaissable, car elle est alors complètement recouverte par une multitude de parasites acariens à 8 pattes {Gamasus Co- leoplerorwn) . Sa destinée est accomplie, et Bbehm, Insecifs. T. VU, p. U,S. PI. IV. Ions J B Bj IIi r el Sis eJ Cuibi-il C Lie imp. CK QUE PliLVENT LES FORCES COALISÉES- GUENILLE d'aCRONVCTE, V.VNESSE, FRELONS, UL'SCIDES, SILPHES, BOUSIER, NÉCROPHORES. LES SILPHES. lo'J une autre créature prend sa place et s'apprête à jouir à sa manière des derniers jours de sa courte existence. Voulons-nous voir à présent par nous-mê- mes les résultats obtenus par nos Coléoptères, c'est le moment de procéder à une opération à la vérité fort malpropre : il s'agit de mettre de nouveau au jour la Souris, si péniblement enterrée par lui, et de la mettre dans un bocal avec une quantité de terre suffisante en ayant soin de rendre une partie du cadavre visible en l'appliquant immédiatement contre les pa- rois du verre; car en moins de 15 jours les oeufs seront éclos. Les observations subséquentes sont de na- ture trop peu estbétique pour être décrites longuement et consistent à suivre les Larves se tordant comme des serpents au milieu de la pourriture, saisissant ç;\ et là les parcelles de terre, absolument comme un Chien s'emparant d'un os. En peu de temps et après plusieurs mues, elles ont atteint toute leur croissance comme la Larve que nous avons figurée (fig. 236, p. 133). Leur teinte générale est d'un blanc sale ; les 6 pattes sont faibles et à une seule griffe, les antennes ont 4 articles et sont, ainsi que la tête et les mandibules, d'un jaune brun; la même teinte caractérise encore les plaques en forme de couronnes qui surmontent la partie dorsale et antérieure des anneaux du corps et qui servent de soutien et de point d'appui pendant la reptation. Nous remarquons encore que la tête est pourvue d'une lèvre supérieure et que les 6 ocelles latérales forment 2 grou- pes de chaque côté. Pour se transformer, la Larve s'enfonce davantage dans le sol ou elle se creuse une loge qu'elle cimente avec soin. La Nymphe, d'abord blanche, devient ensuite jaune et de plus en plus foncée au fur et à me- sure que leNécrophore adulte se développe. Bien que la marche de la transformation soit assez rapide pour permettre la succession de 2 générations dans l'année, il n'y a qu'une génération par an. La manière de vivre de tous les Nécrophores est la même. Le N. germanicus est la plus grande espèce d'Europe; il ne mesure pas moins de 23 à 32 millimètres. Entièrement noir, il est marqué sur le chaperon d'une tache triangulaire rouge fauve et se fait remarquer par la teinte rouge du bord externe des élytres. 11 est représenté à gauche de la PI. IV. Le N. humator, de plus petite taille, 18 ;\ 2C millimètres, est également noir, sauf la massue des antennes qui est rousse. Il est une série de Nécrophores indigènes qui se distinguent par leurs élytres rouge testacé, à bandes transversales noires ; les uns ont la massue des antennes rousse, les autres, noire. Le plus commun est le A', ves- pil/o{\Gb. 22 mill.) qu'il est impossible de con- fondre avec ses congénères, ses jambes pos- térieures étant fortement arquées (fig. 257); les M. vesttgator, fosso?', rwpator (fig. 238), se- Fig. 258. — Nécropliore fureteur. pultor, aux jambes postérieures droites, habi- tent tous la France et hantent les charognes: le N. mortuorum qui n'a que 12 à 13 miilmètres se trouve également sous les cadavres, mais il préfère les Agarics en décomposition. LES SILPIIKS — SILPHA (1) Caractères. — Le genre Silphe [Silpha) pro- prement dit, qui a donné son nom à la famille entière, se distingue par une tête ovale et aplatie, pointue en avant, attachée à un corse- let qui la couvre en partie et dont le bord pos- térieur est semi-circulaire. Ce corselet s'a- dapte étroitement aux élytres aussi larges que lui et dont l'extrémité arrondie recouvre en- tièrement la pointe abdominale si toutefois celle-ci n'est pas saillante d'une manière spé- ciale, comme c'est plus particulièrement le cas pour les femelles. Les antennes à 11 articles s'épaississent tou- jours à l'extrémité en une massue de 3 à 3 ar- ticles. Un crochet corné arme le côté interne de la mâchoire inférieure et les palpes atta- chés à celle-ci sont, ainsi que chez les Nécro- phores, plus longs que les palpes labiaux. Oiltribution géographique. — Les 67 es- pèces de Silphes sont, à peu d'exceptions près, entièrement noirs et leur genre de nourriture les condamne à passer leur vie, la plupart du (1) StXçT], sorte d'Insecte (la Blatte). ICO LE SILPHE NOIR. temps, à la surface du sol ; elles habitent toutes les régions de la terre, à l'exception de l'Aus- tralie LE S1I.PIIE DES RIVAGES — SIIPHA LITTOItALlS. Caractères. — Ce Silphe, type du genre, Necrodes, établit le passage entre les Staphy- lins et les Silphes, leurs stigmates prothora- ciques étant visibles; c'est un grand Insecte noir luisant de 13 à 25 mil), aux 3 derniers articles des antennes jaunes; aux élytres for- tement tronquées et élareies à l'extrémité, Fig. 254. — Le Silplie des rivages. portant 3 carènes très accusées ; aux cuisses postérieures énormes, dentées en dessous; aux jambes arquées (fig. 259 et pi. III). Ifœiirs, haltituiles, régime. — Le Silpha lit/oralis se trouve sous les charognes. Sa Larve qui se rencontre dans les mêmes con- ditions a été décrite par Chapuis et Candèze. 11 habite la France septentrionale ; mais n'est pas très commun. LE SILPHE NOIR — SILPHJ ATRATA. Dit SchwarzçjMnzcnde Aaskà^er. Caractères. — Ses contours sont de forme elliptique ; il est fortement bombé en avant et totalement d'un noir brillant (fig. 260, 261) La tête, dirigée perpendiculairement en des- sous, est, de même que chez tous ses congé- nères, en partie recouverte par un corselet à bords saillants, arrondi en avant en demi-cer- cle ; ce corselet est assez grossièrement ponctué pour devenir rugueux, excepté à l'extrémité pos- térieure qui dépasse quelque peu la naissance des élytres. Les élytres snnt fortement relevées sur les bords et arrondies en arrière, si bien qu'à la suture elles ne sont point tronquées d'une manière bien appréciable. Le long de chaque élytre s'étendent trois arêtes obtuses également distantes l'une de l'autre ainsi que de la carène formée par la suture médiane. Les intervalles sont rugueux et grossièrement ponctués. Les jambes et les 5 articles des tarses sont couverts de soies courtes, et les tarses antérieures du mâle sont pourvus de semelles feutrées. Avec ce signalement, il n'est guère possible de confondre cette espèce avec une autre fort voisine, le 5. lœvigata. Hœnrs, habitudes, régime. — Le Silphe noir (Siljjha alrata) est un des plus répandus; Fig. 260. Fig. 261. Fig. 262. Fig. 263. Fig. 2G0 à 262. — Silphe noir et sa larve. - Fig. 26.3. Hister des fumiers. à l'état parfait il se trouve pendant tout l'été dans les bois, errant sur les chemins qui les traversent ou s'abritant sous les pierres ou sous la mousse; il fait une chasse fort active aux Limaces. La Larve (fig. 262) est noire en dessus, plus claire en dessous ; elle est formé de 12 segments dont les tergites ont la forme de boucliers qui s'élargissent de plus en plus depuis la tête jusqu'au milieu du corps et se rétrécissent en- suite considérablement. Cet élargissement vers le milieu est dû à une extension du bord de chaque bouclier, l'anneau terminal porte à son extrémité 2 appendices charnus. Ceux-ci sont encore dépassés par l'anus qui faisant saillie au dehors aide à la progression. La tête, en partie cachée, porte deux antennes assez lon- gues à 3 articles et derrière celles-ci deux ocelles latérales. Habituellement cette Larve, comme celles du genre entier, se tient cachée; elle mue plu- sieurs fois et s'accroît rapidement. Par suite de sa voracité elle se développe rapidement, et après chacune de ses mues elle reprend sa cou- leur noire, bien qu'elle soit toute blanche au sortir de sa dépouille. Elle est très mobile et cherche à se cacher aussitôt qu'elle se croit poursuivie. Lorsqu'elle a acquis toute sa taille, elle s'enfonce assez profondément sous terre, se construit une loge où elle devient une LE SILPHE DES BETTERAVES. 161 l''ig. '.'64 — Anthrène des Musées Fig. îCâ. — Ptine voleur Fig. SBC. — Dermesto Fig. 267. — et sa Larve (p. no). et sa Larve. du lard et sa Larve (p. 167). pelleteries (p. 108). Fig. 264 à 267. — Les Dermestidos. Attagène des et sa Larve Nymphe courbée en forme de point d'interro- gation. Le vaste corselet masquant la tête, ne laisse aucun doute sur son identité. Au bout de dix jours, l'Insecte parfait appa- raît. Celui-ci passe l'hiver et peut procréer l)arfois deux générations par an. Les grandes crues des rivières de l'Allema- gne, du commencement d'avril 1865, ame- nèrent vivants au milieu de détritus laissés par K'S inondations, une quantité innombrable de Silpha atiala, ainsi que de Silpha obscurn. Au premier printemps se fait l'accouple- ment et immédiatement après a lieu la ponte ; pour mener à bien cette opération, la femelle se sert de la longue extrémité tubuleuse et protractile de son abdomen qu'elle glisse sous des feuilles pourries ou sous la couche su- perficielle du sol. Tout ce manège prend un temps assez considérable, aussi voit-on ramper les Larves à diverses époques et les trouve-t-on en été en même temps que l'Insecte parfait. LU SILPIII': DES BETTKRAVE.S — SILPn i Ol'ACA. Caractères. — Cette espèce se distingue par un corselet dont les inégalités sont;\ peine indiquées, par la pubescence soyeuse, grise, qui recouvre le dessus du corps et masque sa couleur noire, sa taille mesure environ 10 mill. llœur§, kabitiKles, ré^^ime. — Le Silpha opaca est essentiellement phytophage et sa BiŒnM. — VII. Larve cause dans certaines années des dom- mages très sensibles aux plantations de Bet- teraves. Nous devons à Curtis et à Guérin- Meneville de bonnes observations sur les dégâts causés par cet Insecte. Citons tout d'abord l'auteur anglais. « En juin 1844, mon attention était appelée pour la première fois sur ce sujet parW. Ogilby, qui m'envoya des spécimens de Larves que lui avait remis le Rév. Edward Bowen ; et il m'in- formait qu'elles avaient mangé toutes les bet- teraves sur la ferme de John Ferguson, de Castle Forward, Londonderry. Il n'en était plus question lorsque je reçus une communication du Rév. C. Maxwell, de Birdstown, London- derry, datée du 31 mai 1846, avec une de ces Larves et constatant que ses betteraves étaient dévorées par cet animal, le 9 juin il ajouta que chaque plante avait été anéantie. Le champ fut entièrement couvert de fumier de ferme; vers le 23 avril, environ 5 mille ares furent semés en carottes et 5 mille ares en panais; puis régulièrement un acre de betteraves, en- suite de navets de Suède; et vers le 1" mai, de betteraves. Chaque récolte promettait de réussir, excepté les betteraves, qui étaient détruites par les Larves en question. On en voyait de grandes quantités parmi elles, mais on n'en trouvait aucune dans la partie du champ consacré aux autres cultures. Peu à peu, cependant, les betteraves furent assaillies par ces mêmes Insectes; il semblait qu'elles Insectes. — 21 162 LE SILPHE A QUATRE POINTS- étaient attaquées dès qu'elles sortaient de terre, à savoir aux environs du 21 mai; les Larves disparurent vers le milieu de l'été ; deux seule- ment purent 6lre trouvées le 24 juin; elles étaient à l'état de Nymphe, ou mortes de faim faute de nourriture. Ce sont les feuilles qu'elles dévorent en laissant seulement les nervures. En 1847, M. Ma.xwell, dit dans une lettre datée du 12 juin, que ces animaux destructeurs ont encore visité les mêmes cultures cette année à la même époque et dans les mêmes circon- stances, mais en plus grand nombre et avec un accroissement de dégâts... «La récolte est si totalement détruite qu'il n'est plus utile d'es- sayer d'éloigner ces Insectes par la chaux ou autrement. « En 1846, M. Bazin et M. Guérin-Méneville constatèrent la présence du Sil/iha opaca dans les champs de betteraves et furent à môme de voir leurs dépradations ; depuis, à différentes reprises elles ont fait leur apparition dans nos départements du Nord, où les cultures de bette- raves occupent de grandes surfaces pour ali- menter l'industrie sucrière; on a trouvé quel- quefois les Larves de Silphe, d'ordinaire si cachées, attachées en quantité si prodigieuse aux jeunes plantes, que celles-ci en étaient toutes noires. LE SILriIE A CORSELET ROUGE RJCICi- SILPIIÀ TIIO- Uolhhalsiger Aaskàfer. Caractères. — Le Silphe h corselet rouge Fig. 203. — Silphe à corselet rouge. (fig. 268), est l'une des deux espèces d'Europe qui ne sont pas restées fidèles à l'uniforme noir que revêlent toutes les autres, car son corselet est d'un rouge vif. Notre figure 268 la représente d'une manière assez recoiinais- sable pour nous dispenser de porter davantage l'attention sur elle. niœurs, habitudes, régime. — Il n'est pas rare dans les bois sablonneux de toute la France, où on le prend souvent au vol ; il se plaît à dévorer les Escargots écrasés. LE SIL1>IIE A QUATRE POINTS. — SILrilÀ QVADRl- PUIS CT AT A. Der vierpunktige Aaskàfer. Le Silphe à quatre points est l'autre es- pèce à livrée de couleur, et aux instincts chas- seurs (fig. 269). Le fond de sa coloration est noir, il est vrai; mais le corselet, le scutellum et quatre petites Fig. 209. — Silphe à quatre points. taches sur les élytres sont noirs, tout le reste de la face dorsale est d'un brun jaune ver- dâtre. Ces Silphes ne se plaisent point à errer dans les champs et les chemins, ni à se cacher sous les pierres, les mottes et les cadavres ; ils ont des goûts plus recherchés, ils préfèrent la chair fraîche à celle qui est gâtée. Souvent au prin- temps, quand brille le soleil, ils aiment à volti- ger autour des chênes que les Tinéides (Halias viridana) dépouillent de leur feuillage, puis ;\ se poser sur l'extrémité des branches pour courir à la recherche de leur proie. Ils se plai- sent aussi à grimper dans les buissons, surtout dans les taillis de chênes et de hêtres pour se livrer à la recherche des Chenilles qu'ils se délectent à dévorer. On peut souvent les sur- prendre à l'œuvre; il suffit de battre les taillis pour en faire tomber un assez grand nombre, fréquemment en compagnie du petit Calosome inquisiteur. A terre, le Calosome et le Silphe se condui- sent d'une manière fort différente. Le Calo- some, comme nous le savons, se dérobe quel- quefois a la hâte sous le tapis de feuilles qui couvrent le sol; le Silphe, au contraire, emploie une ruse bien usitée de ses congénères et de beaucoup d'autres Coléoptères : il penche sa tête en avant bien plus que d'habitude, raidit ses pattes, reste couché immobile sur le dos, et fait le mort; néanmoins pour jouer ce rôle il n'y met pas tout la ténacité voulue ; revenu de l'effroi qu'il a éprouvé pendant sa chute brutale, il revient bientôt à la vie, et prend la fuite. LES UISTERIDËS. 163 Nous citerons encore parmi les espèces fran- çaises, 5. ruqosa, sinuatit, qui sont communes partout sous les cadavres, la «S. carinala, qu'on trouve errante dans nos grandes forêts (Fon- tainebleau, Saint-Germain-en-Laye, Rambouil- let) ; les S. Irhli^, obscura, reticuluta, qui se rencontrent très fréquemment dans la France entière. LES HISTÉRIDES — HISTERID/E me Stutzkafer. Dans le même milieu où se complaisent les Nécrophores et les Silpbes, on trouve aussi quelques représentants de la famille des Ilisté- rides {Hislei'idx). Caractères. — Ce sont des Coléoptères aux formes comprimées, larges et écrasées, parfois complètement plats et recouverts d'une cara- pace extrêmement dure, d'un brillant extraor- dinaire, sur laquelle peuvent s'émousser toutes les épingles. En dehors du noir, relevé quel- quefois de reflets métalliques bleus ou violets souvent très éclatants, leur coloration n'offre pas d'autre nuance que le rouge. Leur tête pe- tite, étroite, est fortement engagée sous le cor- selet ; chez beaucoup d'espèces elle peut se rétracter et disparaître entièrement, comme la tête de la Tortue dans sa carapace. Les mandibules sont dirigées en avant. Les lobes de la mâchoire, dont l'externe est plus grand que l'interne, sont membraneux et ciliés; la languette, courte, se cache d'ordinaire sous le menton; les palpes et maxillaires la- biaux sont filiformes. Le corselet élargi d'avant en arrière, à bords tranchants est rétréci étroitement à la nais- sance des élylres. Celles-ci, élargies ou non au milieu, sont plus ou moins tronquées à leur extrémité et laissent toujours à nu l'extrémité abdominale {(lygidium) qui forme une pièce chitineuse triangulaire dont la pointe est ar- rondie. Les élytres sont parcourues par de fines stries longitudinales qui servent de guide pour la détermination des espèces. Les pattes sont aplaties et peuvent se ré- tracter et rentrer dans des cavités creusées sur la face inTérieure du corps. Chez tous, les tarses filiformes à 5, rarement 6 articles, se dissimulent plus ou moins dans une rainure creusée le long des jambes. L'abdomen est composé de cinq segments dont le premier est sensiblement plus long. La démarche pesante des llister, en har- monie avec l'ensemble de leur structure, est des plus frappantes ; l'impression que produit leur aspect général est ineffaçable ; les Bister sont aux Coléoptères ce que les Tortues sont aux Reptiles. Ce qui contribue encore à rendre leur physionomie originale, c'est l'habitude qu'ils ont de se rétracter et de rentrer la tête et les pattes pour simuler la mort, dès que quel- que chose d'inaccoutumé se présente à eux. Distribution géographique. — Les Uisters, au nombre de IISO espèces, sont répandus sur tout le globe. On doit à M. de Marseul d'excel- lentes monographies de ces Insectes dont l'étude est si difficile et si aride. Mœuri, habitudes, régime. — Pendant les chaudes soirées d'été, plus rarement dans le milieu du jour quand le soleil darde ses rayons brûlants, les Histers font usage de leurs ailes ; aisément ils peuvent alors fran- chir quelque distance et aller à la recherche de leur nourriture. Du reste, ils ne se conten- tent pas d'un régime composé de matières animales en putréfaction; ils tiennent tout autant aux substances végétales qui sont en voie de désorganisation ; aussi les trouve-t- on en abondance dans le fumier, dans les champignons mous qui s'allèrent rapidement, sous les écorces et enfin, plus rarement, dans les Fourmillières. Les Larves sont allongées, elles ont 12 an- neaux, et le premier anneau ainsi que la tête sont cornés ; par leurs appendices caudaux et leur anus rétractile, elles se rapprochent des Larves des Staphylins. Les pattes extraordinai- rement courtes et minces restent fort rappro- chées des côtés du corps et se terminent par une seule griffe presque sétacée. La tête n'a ni lèvre supérieure, ni languette, ni ocelles, mais elle porte deux antennes à 3 arlicles, le premier long, le dernier fort court recourbé eu dedans. Les mandibules fortes, en forme de faucille, sont garnies de dents sur la tranche interne. La lèvre inférieure, dépourvue de lan- guette, porte des palpes bi-articulés et elle est 164 LHETAIRIE FERRUGINEUSE. tixée sur des tiges libres, soudées entre elles «t qui sont cornées à la base, et charnues au sommet. La petitesse de l'ouverture buccale ne per- met que rintroduction d'aliments liquides qui sont tirés de cadavres d'animaux et de subs- tances végétales en décomposition. LES HISTERS — HISTER (\) Die Ilisterinen. Caractères. — Les Histers font partie des représentants de la famille qui peuvent retirer leur tête sous la partie avancée du corselet. Les antennes coudées, se terminant par une massue de 3 articles, sont insérées sous un rebord du front et peuvent se replier et se loger dans une cavité située sur le bord anté- rieur du prothorax. Les mandibules fortement saillantes, dentées au milieu, se dressent mena- çantes et se dirigent obliquement en bas. L'extrémité abdominale descend obliquement et les jambes postérieures sont armées exté- rieurement de deux rangées d'épines. Tels sont les caractères communs à tout le genre Hister abondamment répandu sur toute la terre. L'IIISTER DES l'UMIERS — HISTEH FIMETARIVS. Der Mist Stutzkâfer. Caractères. — Cette espèce ^fig. 2C3 et 270;, dont la taille ne dépasse pas 6 millim., se re- connaît à son prothorax qui se termine en arrière par un petit prolongement arrondi qui Fig. 270. — Hisier des fumiers. s'ajuste contre une courbe rentrante du bord ;du mésothorax; elle se distingue encore par la .ponctuation évidente du bord des élytres qui est replié en dessous ; celles-ci sont marquées vers le côté de 3 stries dorsales occupant toute la longueur, d'une quatrième strie dorsale très petite et d'une cinquième suturale également (1) Hisier, histrion. courte qui s'arrête au milieu de l'élytre. Les jambes antérieures sont munies de 4 fortes dents ; la première est petite. L'éclat des élytres est de plus rehaussé par une large tache rouge géminée qui se dessine sur cha- cune d'elles. Nous avons représenté cet Insecte de grandeur naturelle, (fig. 263), et grossi, (fig. 270). Uœurs, habitudes, rég^ime. — L'Hlster dcs fumiers [Hister ftmetarius ou sinuatus) vit de pré- férence dans les fumiers des pacages secs et sablonneux ; de temps à autre on le rencontre aussi marchant de son pas embarrassé par les sentiers, où souvent l'écrase le pied des pas- sants auquel ne peut le soustraire son habi- tude de rentrer tête et pattes sous sa carapace. LES HÉT.ERIES — EETjERIVS[\) Caractères. — Les Helœrius diffèrent des Histers par leurs antennes courtes, en massue et probablement non articulées, et par les jam- bes élargies munies au dehors d'une espèce de gouttière pour y loger les tarses. L'IllJTAiniE FEKRtlGINEISE — UETjERÏUS FEItnUOIlSEUS. Caractères. — VHclxrius ferrugineus ou ses- quicornis, le représentant le plus commun du genre, est un joli petit Coléoptère de 1"'™,15 de long, jaune de rouille, brillant, recouvert de quelques poils dressés, au corselet marqué de rebords saillants, aux élytres finement striées. Uoeurs, habitudes, régime. — Il vit d'or- dinaire dans les colonies de la Fourmi des bois (Formica rufa), mais dans des conditions plus indépendantes que les Clavigers ; car on l'a aussi rencontré sous des pierres où, il est vrai, les Fourmis paraissaient avoir eu aupara- vant leur domicile. Les collectionneurs qui se font une spécialité de récolter les espèces « Myrmécophiles », c'est- à-dire les Insectes qui ne se trouvent que dans les Fourmilières, tamisent toute la colonie des Fourmis à travers un crible de fil de fer que les Fourmis ne traversent point ; puis ils met- tent dans un sac tout ce qui a passé (voy. p. 73). Ce n'est que rentrés chez eux qu'ils se livrent à l'aise à leurs minutieuses recherches. Ils choi- sissent, comme étant l'époque la plus favo- rable pour pratiquer ce genre de chasse, les (1) 'ET«ifo;, camarade. LE MELIGETHES DU COLZA. 163 Fig. 371. — Moligethes du colza el sa Larve (très grossis). Fig. 27Î. — Meligethes du colja (grandeur naturelle,^ Fig. ï73. — Malachia bronzée. mois de mars et d'avril, saison où les Fourmis sont engourdies et peu agressives. LES SAPRINES — SAPRINUS (1) LesSaprines forment à côté des Histers un des genres les plus riches en espèces de la fa- mille entière : il compte à ce jour 292 espèces. Us ont la même distribution géographique, la même physionomie, mais ils sont plus brillants et môme ils ont un éclat métallique, à reflets bleus, verts ou violets. Ce qui les distingue tou- tefois, c'est l'absence de la saillie prosternale spéciale aux Histers; néanmoins ils peuvent rentrer la tête sous le corselet, comme ces derniers ; leur taille n'excède pas 3 ou 4 mill. Les mœurs sont les mêmes que celles des Histers. LES NITIDULIDES — NITIDULIDE Die Glanzkâfer. Caractères. — Les Nitidulides reproduisent sur une petite échelle la forme des Histérides sans en avoir la dureté tégumentaire, ni l'uni- formité de Coloration. Les élytres sont d'or- dinaire un peu tronquées; les pattes sont courtes avec les hanches antérieures et posté- rieures écartées ; les tarses de 5 articles, comp- tant par exception 4 articles aux pattes pos- térieures ; les 3 premiers articles sont presque toujours élargis. Les antennes non coudées se terminent en une massue de 3 à 4 articles. La mâchoire inférieure ne comprend d'ordi- naire qu'un seul lobe. Distribution géographique. — Les Nitidu- lides (yitiduh'i/œ) réunissent environ 800 es- pèces et forment une famille répandue dans toute l'Europe et l'Amérique, disséminée en Afrique et jusqu'en Australie. Uœurs, habitudes, régime. — Ces petits Coléoptères vivent isolés ou réunis en troupes ; on les trouve sur diverses fleurs, sous les écor- ces, sur les exsudations fermentées et mucilagi- neuses des arbres de nos forêts (chênes, ormes, bouleaux, hêtres), dans les champignons, dans des débris de nature animale ; à ce propos M. Taschenberg rappelle un souvenir de sa (1) laTtpo:, sale, grossier. jeunesse : « Une fois dans un moulin, une de ces espèces sortit par légions {Nilidula bipus- (ulata) d'une tourte au café qui m'était offerte et me fit perdre l'appétit de Kermesse que j'a- vais apporté avec moi. » LES MELIGETHES — MELIGETHES ^1) LE MELlGETIltS DU COLZA .ENELS. MELIGEIUES Der Raps Glanzkàfer. Caractères. — Le Meligethes du colza (fig. 271 et 272) est un petit Coléoptère, vert bronzé, qui foisonne sur les fleurs du Colza, du Navet, ainsi que d'autres Crucifères, et se montre plus tard sur les fleurs des plantes les plus diverses; les individus isolés peuvent rester- inaperçus car ils ne mesurent que 2 millim. environ. Cet Insecte a la forme d'un petit carré à angles émoussés et la partie inférieure de son pro- thorax se termine en arrière par une sorte de pointe. Les jambes des pattes antérieures sont étroites, à bord externe régulièrement denté en scie, celles des autres pattes sont un peu (!) M6)iYïi6r|:, qui Cause une douce joie. i66 LES DERMESTIDES. plus larges, tronquées obliquement à leur es- trémilé et recouvertes jusqu'à mi-hauteur de leur bord externe par des soies courtes et Irôs serrées. Mœurs, habitudes, régime. — Les mœurs et le développement des Meligethes, observés avec le plus grand soin par Heeger, Cornélius Ormerod, et surlout par Perris, sont aujour- d'hui parfaitement connues; ce sont des In- sectes amis des fleurs, mais amis intéressés, car ils vivent à leurs dépens. Après l'hivernation les Meligethes quittent leurs retraites et voltigent çà et là avec vivacité pendant les heures ensoleillées ; ils vonl à la re- cherche des plautes pour se nourrir au détri- ment de leurs boutons et de leurs fleurs, puis finissent par s'accoupler. Trois ou quatre jours après, surtout s'il ne fait pas de vent, la femelle enfonce la pointe extensible de son abdomen dans le bouton d'une fleur et y glisse au fond un œuf ovoïde. Au bout d'une ou deux semaines, selon que le temps est beau ou mauvais, la Larve éclat et se nourrit des parties internes Fig. 27 i. — Meligethes à pattes rousses. Fig. -275. — Soronia très ponctuée. de la fleur, rongeant, surtout après avoir grandi, les siliques naissantes auxquelles elle fait bien plus de tort que l'Insecte parfait. Dans l'espace de 10 jours elle mue jusqu'à 3 fois, y comjjris la mue qui accompagne sa transformation en Nymphe, ce qui réduit son existenpe à un mois. Au terme de sa croissance elle mesure tout au plus 4 luillim. J, sa forme est sensiblement cylindrique et sa coloration rappelle beaucoup celle des Haltises. Elle a la tête brune ou noi- râtre, les six premiers de ses 12 anneaux sont pourvus de pattes courtes et le dernier se ter- mine par un appendice ^n forme de verrue. Sur le dos de chaque anneau on remarque — le premier excepté qui est corné — 3 taches épineuses; au centre de ces taches, les épi- nes sont plus petites et manquent aux anneaux antérieurs , tandis qu'à la circonférence des taches elles sont oblongues et égales entre elles. La tête étroite est pourvue de 3 ocelles simples de chaque côté, d'antennes à 4 articles et d'une lèvre supérieure cornée. Les mandi- bules, fortes, se sont creusées et leur extré- mité finit en pointe. Il faut avoir l'œil exercé du Naturaliste pour apercevoir ces Larves réunies en société nom- breuse sur les fleurs de Colza, et il est aisé de comprendre que, lors de la fructification, la présence des longs pédoncules dénudés et pendants doit être en grande partie être mise sur leur compte. La Larve pour passer à l'état de Nymphe, se laisse choir et se glisse sous la surface du sol où elle se file un cocon lâche, dans lequel on trouve bientôt après une Nymphe blanche mo- bile dont l'extrémité se termine par deux ap- pendices charnus. Au commencement de juin, apparaît le Go- léoptère. Des Larves adultes recueilliesie 3 juin donnèrent déjà des Insectes parfaits le 27. Les Meligethes ainsi éclos vaguent sur les fleurs de môme que ceux qui ont passé l'hiver, mais ils ne se reproduisent pas dans l'année courante , ils se réservent pour le printemps suivant. La figure 274 représentant le Meligethes ru- fipes très grossi donne une idée très fidèle du genre. Les Soronia sont des Nilidftlides antophiles dont les Larves vivent dans les plaies des ar- bres (fig. 275). LES DERMESTIDES — DERMESTWm Die Speckkùfer Nous traiterons ici de quelques espèces qui fréquentent nos habitations en nous causant de graves préjudices, et méritent d'être tra- quées et poursuivies sans trêve ni merci, tant elles nous causent de dommages. Ces Coléoptères, réunion des formes les plus LE DERMESTE DU LARD. 1G7 voisines, comprennent une centaine d'espèces en tout et constituent une famille à laquelle on a donné le nom dérivé de celui des plus gran- des espèces, c'est-à-dire le nom de familles des Dermestides {Derrnestidx). Caracièrcs. — Les caractères les plus saillants communs aux divers membres de celle famille sont les suivants : Corps de conformation assez variée ; mais très entier par suite de la conjonction étroite de ses 3 principaux segments ; tête plus ou moins ré- Iractile généralement ponctuée à la surface et présentant une excavation frontale dirigée en dessous sur laquelle sont attachées les antennes claviformes ; hanches antérieures très rappro- chées ; hanches postérieures cylindriques élar- gies presque toujours sur les deux faces lesquel- les portent un sillon propre à loger les cuisses repliées; un sillon semblable creusé sur ces der- niers reçoit de même les jambes repliées ; les tarses ont 5 articles ; l'abdomen a 5 anneaux. La présence d'un œil lisse ou ocelle sur le front est un caraclfre des plus remarquables que présente la plupart des genres. Uœurs, habitudes, régime. — Dans leurs allures elles mœurs il y a également une grande similitude ; ils possèdent tous à un haut degré le talent de la dissimulation. S'ils soupçon- nent que quelque danger menace leur intéres- sante personne, ils rentrent leurs pattes et leurs antennes, renfoncent leur tôLe sous le corselet, et restent étendus comme morts pendant un laps de temps notable. D'autre part, ils se font remarquer par leur vie vagabonde et par l'indifférence avec laquelle ils se choisissent une société. Peu leur importe de se trouver à côté d'un Papillon voltigeant au milieu des parfums des fleurs, ou en com- pagnie de compères lucifuges et malpropres qui se vautrent dans les restes d'une charogne infecte ; il leur est parfaitement égal de se trou- ver, soit dans le bois pourri d'un tronc d'arbre, soit dans le coin d'une salle à manger, dans la fourrure d'un vieux tapis ou dans nos sophas rembourres, ou encore dans le corps d'un précieux Coléoptère qui fait l'orgueil du collec- tionneur ; telles sont leurs habitudes peu dilfi- ciles; cependant celui-ci a une certaine prédi- lection pour tel milieu et celui-là pour tel autre milieu. Comme leur nourriture et surtout celle de leurs Larves (à l'état parfait ils sont un peu plus supportables) consiste principalement ca toutes sortes de matières animales dessé- chées, on les trouve partout au dehors comme an dedans de nos habitations, sur les navires, dans les cuirs, dans les collections d'Histoire naturelle, etc. Ils voyagent sur toute la terre et deviennent cosmopolites dans toute l'acception du mot. Grâce à leur existence cachée qui ga- rantit leur sécurité, ils se multiplient beau- coup et peuvent, dans des conditions favora- bles, causer de réels dégâts dans nos maisons, particulièrement en s'altaquant aux fourrures, aux matelas, aux couvertures et aux tapis de laine de toute sorte, aussi bien qu'aux collec- tions des Musées d'Histoire naturelle. Il s'agit donc de nous occuper en première ligne de leurs Larves voraces. Celles ci se distin- guent par une robe velue à poils denses et dressés, qui forment çà et là des touffes, surtout en arrière, par des antennes à 4 articles; ordi- nairement par des ocelles situées de chaque côté de la tôte et par des pattes courtes à une seule griffe. Lors de la transformation, la peau se fend le long de la région dorsale et la Nymphe reste renfermée dans cette dépouille protectrice. LES DERMESTES — DERMËSIES (1) Caractère!. — Les Dermestes se distinguent par les caractères génériques suivants : menton plus long que large, arrondi en avant ou légè- rement ; languette membraneuse fortement échancrée, ciliée en avant ; lobes des mâchoires, coriaces — l'interne se termine par une forte dent, tandis que l'externe, beaucoupplusgrand, est quelque peu tronqué obliquement en avant. — Les palpes maxillaires se terminent par un article cylindrique,les palpes labiaux par un article obtus et ovo'ide. Le corset bombé se rétrécit en avant, il présente sur les flancs deux échancrures peu profondes, une fossette pour y loger l'extrémité claviforme des antennes. Les élytres, de même largeur dans toute leur longueur, recouvrent entièrement l'extrémité abdominale et déterminent ainsi la forme pres- que cylindrique de tout le corps. L'abdomen couvert de poils couchés et feutrés présente comme caractère dislinctif chez le mâle une fossette sur le troisième et quatrième anneau ou seulement sur ce dernier. Llî DERMESTE DU LAUD — DEn.VESTES LAli- DARIVS. Der Speckkâfer. Le Dermeste du lard (Rg. 26G) se recon- (I; Aefnr,5-7,:, ver qui ronge les peaux. 168 LE DERMESTE DU LARD. naît aisément entre tous ses congénères, pac la large bande brun clair transversale qui se dé- tache sur le fond uniforme noir brunâtre des élytres. Slœiirs, habitudes, régime. — La Larve assez allongée, s'amincissant en arrière, est presque deux fois plus longue que l'Insecte parfait ; blanche surle ventre, brune sur le dos, elle est couverte de poils dirigés en arrière dont les plus longs forment des pinceaux à la partie poHérieure ; à l'extrémité, sur le dernier an- neau se dressent encore deux crochets cornés et recourbés en arrière. Grâce à ses 6 pattes et ;\ l'anus qui peut se retourner en dehors, la I.arve peut accélérer sa course, mais elle se (li'place assez rapidement en marchant de pré- férence à reculons. On trouve la Larve de mai en septembre, et pendant ce temps elle change quatre fois de peau en trahissant sa présence p.ir sa dépouille qu'elle abandonne et qui reste dans les endroits oti les courants d'air ne peu- vent l'emporter. Finalement la Larve devient plus massive, moins velue, ce qui indique que sa transformation est proche. Elle se cache alors tant bien que mal dans sa résidence habi- luelle; puis la peau se fend sur le dos comme dans les mues précédentes, et la Nymphe de- vient visible tout en restant enfermée en grande partie dans la dépouille. Cette Nymphe a la jiartie antérieure blanche, la postérieure rayée de brun ; elle s'agite vivement si on l'inquiète. Le Dermcste parfait est généralement déve- loppé en septembre ; mais reste longtemps renfermé dans la peau fendue de la Nymphe sans sortir de sa double enveloppe ; ce n'est qu'au printemps suivant qu'ont lieu l'accou- plement et la ponte. Le Dermeste et sa Larve ne se trouvent pas seulement dans les garde-manger, etc., mais partout où il y a des restes d'origine animale ; dans les maisons, les colombiers, sous les cha- rognes, dans les fourrures et les collections zoologiques. Taschenberg rapporte qu'il est tout saisi au souvenir d'un fait qui démontre suffisamment combien il faut s'acharner à poursuivre de pa- reils hôtes si on veut autant que possible met- tre obstacle aux progrès d'une invasion. « Une petite caisse clouée et remplie de Coléoptères (lu Brésil, avait été reléguée dans un coin en raison du peu de valeur attribuée au contenu. Un jour qu'on faisait de l'ordre la petite caisse fut examinée à son tour, Chrysomèles, Capri- cornes, Charançons et autres qui dans ces con- trées privilégiées pullulent en quantités in- nombrables, se comptaient par centaines et avaient été reçues comme présent d'un négo- ciant qui résidait dans ce pays. Après avoir en- levé les couches supérieures pour conserver néanmoins les exemplaires les moins détério- rés, les parties inférieures furent mises au jour. Tous les vieux cadavres d'Insectes sem- blaient avoir ressuscité... Quel spectacle! Au milieu d'une poussière brune où étaient ense- velis des fragments de plus en plus petits des Coléoptères brisés et rongés, grouillaient pêle- mêle des centaines de Larves de Dermcste af- fairées et qui semblaient protester énergique- ment par leur attitude conire la perturbation apportée dans leurtranquillité, contre l'atteinte portée aux droits que leur prescrivent les soins de leur couvée. » « Heureusement qu'un feu clair flambait dans le poêle ; nous lui octroyâmes toute la compagnie, afin qu'aucun œuf n'étant sauvé, la dent redoutable des Larves ne puisse exercer ailleurs de désastreux ravages. » Les nids de Frelons et de Guêpes que l'on désire conserver, deviennent souvent la proie des Dermesles, le couvain abandonné et des- séché leur offrant une abondante nourriture. Les autres Dermestes, gris de souris ou noirs sur le dos (fig. 276), recouverts en dessous de Fig. 270. — Dermeste omiulo. poils serrés et couchés donnant à toute la face inférieure une teinte blanche crayeuse plus ou moins prononcée, se tiennent dans la nature sous les cadavres, parfois parmi les objets d'His- toire naturelle qui ont fait de longues traver- sées sur mer et auxquels ils ont été adjoints fortuitement pendant l'emballage. Quant le collectionneur veut, ainsi qu'il le fait pour tous les Insectes qu'il tue, percer d'une épingle le Dermeste, avant sa dessicca- tion, il éprouve une résistance particulière, en rapport avec la structure de ce Colécptère. La L'ATTAGÈNE DES PELLETERIES. 169 ris ^'î''- -" Xyniplio. Fig. 2Ï8. — Larve. Fig. 2"9. — Insecte adulte Fig 277 à 279. — L'Attagène des pelleteries. préparation présente pour les Dermestes des difficultés plus ou moins grandes au novice, auquel cllene réussit presque jamais, non seule- ment en raison de la dureté des élytres, mais aussi par le fait de la résistance considérable de celle-ci comparativement à celle de la membrane molle qui relie toutes les parties té- gumentaires entre elles. Généralement toutes ces parties se déboitent dès que la pression de l'épingle se fait sentir sur l'élytre. Quelques autres Coléoptères (Silphes, Aphodies) peu vent d'ailleurs présenter le même phénomène. Quand l'Insecte est bien desséché, les parties chitineuses ont acquis quelque consistance, l'épingle peut alors percer l'élytre et traver- ser le corps entier sans amener de dislocation. LES ATTAGÈNES — ATTAGENUS (1) Caractères. — Une ocelle située sur la tête distingue le genre Atlayenus du précédent ; bouche libre, non recouverte par une expan- sion antérieure du prothorax, hanches mé- dianes très rapprochées: tels sont les carac- tères qui le séparent des genres sur lesquels nous jetons un coup d'œil. LATTAGÈ>E DES PELLETERIES — ATTAGENUS PELLIO. Der Pehkàfer. VAttagenus Pellio (fig. 267 et 279) a la forme générale des Dermestes, mais il est plus petit et bombé sur le dos (4 millim. de long). Il est gris noir, avec quelques points blancs formés par des poils argentés situés : trois sur le bord postérieur du corselet, un très accusé sur le milieu de l'élytre, deux à peine visibles et très fugaces sur les côtés de chaque élytre (ils sont trop accusés sur la figure 279). (1) 'ATïaYr.v, nom d'un oiseau. BKEU.M. — VII. Mœurs, habitudes, régime. — VAllacjeiUS pellio a une existence libre et choisit son domi- cile d'été sur les fleurs do l'Épine blanche, de la Reine des prés, des Omhellifères, etc., où il vit en très bonne intelligence avec son digne ami V Anthrenm museorum qui sera décrit plus loin et avec bien d'autres Coléoptères. L:\ il se couvre de pollen jusqu'à se rendre méconnaissable et mène sans souci une existence agréable. Mais c'est dans nos appartements, que nous le voyons apparaître en nombre, surgissant de quelque coin poudreux, si un rayon de soleil printanier vient l'inviter à se promener sur le plancher, ou à prendre son essor pour retrou- ver la liberté ; attiré par la lumière, il croit ren- contrer l'espace; il se trompe grossièrement, il est arrêté par les vitres de nos fenêtres ; chaque fois dans son vol il se heurte la tète contre la vitre éclairée et tombe en arrière ; on le voit alors s'agiter en désespéré sur le rebord de la fenêtre pour se redresser sur ses petites pattes; il écarte ses élytres comme s'il voulait voler, tourne en tout sens, jusqu'à ce que per- dant l'équilibre il s'abatte sur le plancher. C'est alors que, profitant de sa détresse, on l'écrase sans pitié pour se débarrasser de sa re- doutable postérité. Car, tout insignifiant qu'est ce Coléoptère, il faut se garer de sa Larve, hôte néfaste encore plus difficile à poursuivre que l'Insecte parfait. En réparant un divan qui avait servi dix-sept ans sans désemparer et dont la bourre conte- nait quantité de soies de porc, le tapissier resta tout confondu à la vue de la multitude de « mites » dont il était farci; mais en réalité ces mites n'étaient que les peaux des Larves de notre Attagène qui étaient disposées en cou- ches épaisses, ce qui établissait d'une manière indubitable qu'elles avaient élé abandonnées par une quantité innombrable d'Insectes nés dans le meuble. On fut obligé, pour pouvoir iNSECTh'S. — 22 170 L'ANTHRÈNE DES MUSÉES. encore utiliser le matériel, de le mettre au four pour le débarrasser des couvées qu'il de- vait renfermer encore. Dans une carapace de Tortue terrestre du musée de Halle, dépouille osseuse dans la- quelle il devait y avoir peu de matière nu- tritive, il y avait cependant pour locataires une garnison de ces destructeurs, dont la présence était trahie par la ceinture de pous- sière qui se montrait de temps à autre au- tour de la lourde carapace du Chélonien. Ce n'est également qu'après avoir exposé la Tortue pendant plusieurs heures à la chaleur d'un four qu'on se mit à la restaurer, ce qui fut fait selon les règles, comme il sied à un Musée public. ' Pressées par la faim les Larves s'attaquent même aux objets en corne; une tabatière res- tée sans usage, un porte-cigare tous deux en corne, furent fortement rongés; un certain Fig. 280. — Attagôiie moucheté. nombre de Larves vivantes trouvées dans le voisinage ainsi que la présence de leurs dé- pouilles ne laissaient subsister aucun doute sur l'état civil des ravageurs. La Larve des Attagônes (fig. 278) ressemble beaucoup à celle du Dermeste, mais elle est plus petite et h son maximum de taille n'a point d'appendices en crocheta l'extrémité atténuée de son corps La tête est grosse, couverte de fins poils, le dos est garni de poils courts jaune brun dirigés en arrière et qui à l'extrémité for- ment un pinci-au terminal. Elle replie volontiers en dessous la partie antérieure du corps, s'avance |)ar saccades, et vit exactement comme l'es- pèce précédente et de même subit sa transfor- mation vers la fin d'août. Quand elle en a le choix, elle se nourrit de préférence aux dépens des poils et de la laine, des peauK d'animaux, brutes ou apprêtées, et ce sont celles-ci qui les attirent dans nos habitations, où les fourrures, les matelas rem- bourrés, les tapis de laines, lui procurent une retraite d'autant plus sûre que ces objets sont moins battus, moins aérés et moins nettoyés. La transformation en nymphe (lig. 277) s'ac- complit sur le théâtre môme de leurs méfaits. C'est aux mois de mai, juin et juillet que la Larve de YAtlagenus se développe, alors que précisément les pelleteries sont mises décote; c'est justement à ce moment qu'elles exi- gent une aération et un battage des plus actifs. Nous avons représenté également (fig. 280) un des plus jolis Attagônes floricoles, l'A. mou- cheté [A. panlherinus). LES ANTIIRÈNES — ANTURENUS (4) Un troisième groupe de la cohorte dévasta- trice est le genre Anthrèue. Caractères. — Ce Sont des Coléoptères petits etarrondis, couverts de poils ou plutôt d'écail- lés très caduques grises en dessous, d'une teinte brun foncé, jaunes, blanches en dessus où elles dessinent des fascies. Les antennes ont 8 articles dont les 2 der- niers sont épaissis en un bouton. La tête peut se retirer entièrement sous le prothorax de manière à ne laisser libre que la lèvre supé- rieure; le prothorax rétréci en avant porte un lobe médian assez aigu qui recouvre plus ou moins l'écusson ; une saillie prosternale grêle pénétre dans une échancure du mésosternum, sous le mésolhorax fendu transversalement. Le sommet de la tôle porte aussi une ocelle. L'ANTHRÈ^E DES MUSÉES. — AISTUREISVS aVSEOlWM. Dcr KabinetMfer. Carac<èrcB. — Ce Goléoptère (fig. 259) de a^^.iS de long, couvert en dessus d'écaillés brunes, coupées par trois fascies d'écaillés grises jaunâtres, se trouve, comme nous avons dit, à la fuis sur les fleurs et dans nos habita- tions; dans ce dernier cas, il fréquente de pré- férence les collections d'Insectes qui laissent à désirer sous le rapport des soins ; et qui ne sont pas assez souvent passées en revue. Mœurs, hnbituvieg, régfimcg. — L'Anthrène est par lui-même encore tolérable, mais sa Larve, déforme un peu écrasée, à poils bruns et dont l'extrémité se termine par un long bou- quet de poils tronqué, est un hôte bien nuisi- (I) 'Av6pr,vr,, Bourdou. LE BYTURE TOMENTEUX. ni ble ; on ne saurait prendre trop de précautions contre son imporlunilé. Au début cette larve est si minuscule, qu'il est difficile de la décou- vrir; elle pénètre ii travers les moindres fentes et se montre tout à coup dans des réduits que l'on avait crus hermétiquement fermés. Quelque préservées que soient les boîtes à Insectes, cet ennemi apparaît quand même de temps à au- tre, soit qu'un œuf ait été introduit avec le ca- davre d'un Insecte, soit que la Larve ait réussi ;\ trouver quelque passage à travers lequel elle s'est glissée. Celui qui a subi le dommage sen- tira mieu.t que qui que ce soit les dégâts qu'une seule de ces Larves peut occasionner. D'ordi- naire elle vit ii l'intérieur du cadavre de l'In- secte, mais exceptionnellement elle se pro- mène aussi à sa surface, de sorte qu'elle détériore môme les parties apparentes. Dans le premier cas sa présence e*t trahie par une légère poussière brune répandue sous le corps de l'Insecte habité ; dans le deu.^ième cas, le plus rapide coup d'œil décèle son pas- sage, car antennes, pattes et ailes menacent de se détacher; quelquefois môme le destruc- leur finit par faire disparaître sa proie ; laissant comme témoin au collectionneur désappointé l'épingle qui embrochait l'insecte. Une forte secousse, le choc de la boîte contre l'angle d'une table, mettent facilement à dé- couvert le reclus ; une forte chaleur le tue, mais il faut avoir la précaution de la rendre insuffisante pour altérer les Insectes de la col- lection. Ces Larves s'attaquent aussi aux poils des Mammifères empaillés et les dévorent par pla- ces; elles dévorent également les tuyaux des plumes des Oiseaux ainsi que la peau au voisi- nage de leurs narines et celle qui recouvre les pieds ; elles se conduisent en tout point comme les espèces des genres précédents. Si l'on saisit avec une pince une de ces Larves par le milieu du coips pour s'en rendre maître, aussitôt elle se débat d'une façon vraiment étonnante : le bouquet de poils terminal s'étale démesurément et à la base surgissent alors de chaque côté trois faisceaux de poils transpa- rents d'une délica'esse extrême. On trouve les Larves d'Authrènes presque toute l'année, ce qui permet de conclure à une certaine inégalité dans le développement ou à l'existeace de plusieurs générations par an. C'est en mai et juin, api es plusieurs mues, que la Larve passe à l'état de Nymphe en restant enfermée dans sa dernière peau. Le laps de temps qui s'écoule entre deux mues varie singulièrement, car on a observé jusqu'à six semaines de diflérence. Les nombreuses dépouilles que l'on trouve à côté d'un seul Insecte mort, dans une boite ;\ fermeture hermétique, laissent penser que les mues sont plus nombreuses que chez les autres Coléoptères; ce que devront encore confirmer des observations suivies. De même que chezlesgenres voisins, l'Insecte parfait a l'habitude de rester plusieurs semai nés renfermé dans la dépouille de la Nymphe. LES BYTURES — BYTURUS (1) Caractères. — A la fin de Cette famille men- tionnons encore un petit genre de Coléoptères dont les caractères concordent avec ceux du genre Dermeste, mafs dont la taille ne dépasse pas celle des Altagenns et qui porte des appen- dices aplatis aux deuxièmes et troisièmes arti- cles de tarses et une dent à la racine des griffes. Lr. BYTURi: TOMENTEUX. — BYTUnUS TOMEK- TOSUS. Der Hiinbee) made. Mœurs, habitudes, réprime. — Ce genre ren- ferme un Insecte, couvert d'une pubrscence jaunâtre ou verdâtre, que les Entomologistes nomment Bijturus tomentosus ; il ne fréquente pas nos habitations, mais hante diverses fleurs et passe inaperçu de tous ceux qui ne sont pas amateurs d'Insectes. Il n'en est pas de même de sa Larve allongée et dont le dernier anneau est surmonté de deux cornes recourbées et dressées; elle est sensiblement dépourvue de poils et a de plus des goûts plus délicats que celles des genres précédents. En eflfet, les jardiniers la désignent sons le nom de « Ver des framboises », car elle habite ces fruits jusqu'à leur maturité. Dans certaines années favorables elle peut dégoûter bien des personnes susceptibles. Elle se trouve ordinai- rement sur les fruits mêmes; mais elle les quitte si on soumet ceux-ci pendant quelque temps à l'immersion. (1) Byturus ou Biurui, Ver qui ronge la vigne. 172 LES LUCANIDES. LES BYRRIIIDES — DYRRHIDiE Die Furjenkâfer. Avant d'entreprendre l'étude de la longue série des familles admises par les auteurs sys- tématiques qui sont bien connus de tous, disons encore quelques mots de la famille des Byrrhides. t'aractères. — Cette famille est caractérisée pour ainsi dire par une exagération de la con- formation des Ilister. Presque globuleux (de là le nom spécifique de Byrrhus pUida), ses repré- sentants ont du reste des habitudes analogues, sauf quelque différence dans le régime ; ils ont de même le talent de faire le mort et ressem- blent ainsi à des graines plutôt qu'à des In- sectes. Quand ces Coléoptères ovoïdes et fortement bombés replient les membres il devient très difficile de reconnaître la présence de ces der- niers. Les pattes aplaties dont les antérieures sont attachées à des hanches cylindriques ou ovoïdes, et les postérieures à des hanches trans- versales et très rapprochées, s'appliquent si exactement sur le corps, les jambes entrent si bien dans un sillon de la cuisse, les 5 tarses ramassés entre les jambes et le corps, qu'on peut seulement distinguer quelques sutures, mais nullement des pattes. De plus la tête rentre en entier sous le corse- let, de telle sorte que le front et la face seuls limitent en dessous la partie antérieure du corps, et sont invisibles en dessus. Les antennes légèrement claviformes peuvent se cacher en entier sous les bords du corselet. Les deux lobes des mâchoires sont inermes. Ou distingue 5 anneaux à l'abdomen et les trois premiers sont soudés entre eux. niatribution géographique. — Les 133 es- pèces qui iormenl toute la famille ne sont ré- pandues qu'en Europe et dans l'Amérique du Nord, et elles sont plus nombreuses dans les montagnes que dans la plaine. Mœurs, habitudes, régime. — Les ByrrheS sont généralement recouverts de poils bruns veloutés et se nourrissent exclusivement de substances végétales, de mousses, de débris desséchés ; car on les trouve abondamment le long des pentes brûlées du soleil, sous les pier- res, mais aussi à de hautes altitudes, dans les montagnes où règne souvent une température peu élevée. En été on les voit marcher de leur pas incertain près des pâturages et ils semblent attendre de préférence la nuit pour prendre leur vol. Comme ces Coléoptères ne quittent jamais le sol, certaines espèces se rencontrent parmi les débris que nous amènent les inondations du printemps. ^ Les Larves des Byrrhes, autant qu'on les connaît, sont cylindriques, un peu infléchies sur le dos où elles sont recouvertes de plaques dures, surtout sur les 3 anneaux antérieurs dont le premier est à lui seul aussi long que les deux autres réunis; et sur le reste des an- neaux les plaques sont un peu plus molles et demi-circulaires. Après le premier anneau, ce sont les deux derniers qui sont les plus longs, et le postérieur est pourvu de deu.x appendices qui aident à la progression concurremment avec les pattes, courtes et à une seule griffe. Ces Larves se trouvent dans la terre sous les gazons, où elles se transforment en Nymphe ; le Coléoptère éclot avant l'hiver. Le Byrrhus pilula est l'espèce la plus répan- due dans toute l'Europe. LES LUCANIDES — LUCANIDM Die Kammhornkàfer. Les deux groupes des Lucanines et des Pas- salines, réunis, forment une seule famille sé- parée récemment de la famille des Scarabéides ou Lamellicornes pour constituer celle desZu- canides ou Pectinicornes. Caractères. — Lcs Lucanides se distinguent par les caractères suivants : les antennes coudées ont les 3 derniers et môme les 7 der- niers de leurs 10 articles élargis en dents de peignes immobiles. Des deux lobes de la mâchoire, l'interne prend communément la forme de crochet, l'externe rarement. Les 5 anneaux abdominaux sont rectilignes et com- plètement recouverts par les élytres . Les biŒiiM Iitse le T VII p 173 PI V orlicl ), a : lementon èchancré, — dans l'échancrure est insérée une langue cor- née, tridentée, — les lobes des mâchoires cor- nées, en forme de griffes, les mandibules, de la longueur de la tète, semblables dans les deux sexes, pourvues d'une dent fixée h la base et d'une dent mobile en avant, le labre indépen- dant. Les Passalines, surtout les représentants du nenre Passale proprement dit, reproduisent à peu près la conformation que nous avons vue chez les Scarites. Le corselet pédicule est régu- lièrement transversal etquadrangulairc, un peu rétréci en avant mais non en arrière; le corps est aplati chez la plupart, à tel point que les élytres fortement sillonnées à la surface devien- nent entièrement planes. La tête plus élroile que le corselet est couverte d'inégalités rabo- teuses, et son bord antérieur est souvent asy- métrique. Le fouet des antennes, au moins une fois aussi long que le manche, est rendu ru- gueux par des soies serrées et les 6 derniers articles se terminent diversement selon les espèces en dents de peigne. Toutes les espèces sont d'un noir ou d'un brun luisant très prononcé. Uistribiilion géogrîipliique. — Le nombre des espèces s'élève environ au chiffre de 173; les 6 septièmes â peu près sont propres à l'A- mérique; celte tribu n'a aucun représentant en Europe. Mœurs, Uabitiuie», r«'giine. — Leurs Larves vivent comme celles des Lucanes, dans les ar- Fig. 284. — Passale interrompu. bres qui dépérissent; mais elles sont lisses, sans rides transversales ; leurs antennes n'ont que 2 articles ; les pattes prolhoraciques et méso- fhoraciques sont grandes, tandis que les méta- thoraciques imparlailement développées sont réduites à deux mamelons. Nous figurons (fig. 284) le Passahs inlernip- tus ou comutus, grande espèce de l'Amérique du Nord. LES SGARABÉIDES OU LAMELLICORNES - SCARABMIDM OU LAMELLICORNIA Die Blatlhornkâfer. Les Scarabéides ou Lamellicornes [Scara- (I) IMaarjj.o:, cheville parce qu'ils percent des trous dans le bois. iœ2rfa;,Z,ame///co?vufl) constituent une famille fort bien délimitée, qui renferme h elle seule plus de 650 espèces réparties sur toute la terre; moins LES SCARABÉIDES OU LAMELLICORNES. no nombreuses en Auslialie, elles fourmillent par- tout ailleurs; l'Europe nourrit 383 esptccs. Une pareille lichesse en espèces entraîne comme on le pense bien une grande variabilité; aussi l'œil est-il séduit aussi bien par la grande taille —cette famille renferme les géants des Coléoptères — et la magnificence des vête- ments que par la beauté, la singularité des formes et des couleurs. Dans aucun autre groupe, si ce n'est le pré- cédent, nous ne trouverons d'aussi grandes dif- férences entre les deux sexes dans une même espcce. Souventles mâles se distinguent des fe- melles par la présence sur la tôle ou le corselet (quelquefois sur tous deux ;\ la fois) de protu- bérances ordinairement en forme de cornes (tig. 160 et pi. VI et pi. Vil) ; souvent encore ils dillcrent tellement des femelles par la co- loration et les détails de sculpture, que l'on a de la peine à reconnaître dans les deux sexes une seule et môme espèce ; ces différences sont accentuées surtout chez les plus grandes espè- ces, tandis qu'elles s'amoindrissent chez les autres, jusqu'à disparaître môme tout à fait chez les plus petites. Cette loi ne s'applique pas seulement aux espèces, mais encore aux indivi- dus. Comme chez les Lucanes, des Larves dont le développement a été entravé produisent des Insectes adultes qui n'ont pas atteint toute l'am- pleur de leurs formes; si ces avortons sont de sexe masculin, ils ressemblent davantage aux femelles par suite de l'atrophie plus ou moins prononcée des divers appendices en forme de cornes, de fourches, etc., qui ornent habituel- lement la partie antérieure de leur corps. Malgré toutes les variations dans leur confor- mation générale les Scarabéides présentent un caractère d'une fixité absolue : leurs antennes sont toujours disposées sur un plan identique. En eifet, les 3 à 7 articles terminaux très courts se prolongent universellement en un feuillet mince, beaucoup plus long chez le mâle que chez la femelle, qui forment pendant le repos un appendice terminal oîi les feuilles serrées l'une contre l'autre constituent par leur juxta- position une massue lamelleuse. Quand le Go- léoptère se prépare à prendre l'essor, ou lors- que ses mouvements s'animent, les lamelles %'icavtcnt en éventail (flg. Ki). C'est en cela que réside la différence fondamentale qui sépare les Lamellicornes des P';ctinicorncs. Les yeux, généralement gros, arrondis, sail- lants, latéraux, subissent un peu l'empiétement des joues qui les pénètrent plus ou moins ; fré- quemment ils sont cachés par les angli's anté- rieurs du corielet. Les hanches sont tantôt transversales et logées dans des cavités tantôt * coniques et très saillantes en dehors; les anté- rieures sont toujours contigiiës. Les jambes an- térieures sont en général élargies et dentées sur leur bord externe; les cuisses sont grosses et solides. Les tarses, toujours formés de 3 ar- ticles, peuvent manquer aux patios antérieures ( Scarabxus);\e dernier article porte presque tou- jours une tige grôle terminée par deux ou plu- sieurs poils (stylet onguéal); les crochets termi- naux des tarses sont ou égaux et simples, ou variables. En somme, parsuite de leur organisa- tion, ils sont tous des marcheurs gauches et lourds, embarrassés; ils sont au contraire d'ha- biles fouisseurs pour ce motif que tous, Copro- pbages ou Phytophages, sont condamnés à dé- poser leurs œufs dans la terre ou le bois pourri, que tous, lors de l'éclosion, sont obligés de tra- verser le sol ou le terreau qui remplit les cavités des arbres. Malgré leurs formes épaisses, la plupart sont d'excellents voiliers. Leurs élytrcs laissent ordinairement à découvert l'extrémité de l'abdomen ou pi/f/idium. Les Larves sont molles, grasses et le plus souvent ridées ; recourbées en arc, elles ne peuvent jamais se redresser et sont réduites à progresser couchées sur le côté. En raison de cette courbure de leur corps, leurs 6 pattes ne peuvent les aidera marcher sur le sol, aussi se montrent-elles fort embarrassées dès qu'on les retire de leur milieu, leur organisation les con- damne fatalement à s'acheminer en fouissant le sol ou le bois pourri. Leurs pattes, assez lon- gues, comptent 3 articles, — la hanche étant la plus développée et le tarse pouvant manquer ; — leurs antennes ont 4 articles, les yeux font dé- faut, à une seule exception près. Deux robustes mandibules arquées, pourvues d'une dent basi- laire, à extrémité dentée ou taillée en biseau, et deux mâchoires à deux lobes i)ortant des palpes de A articles, un menton dépourvu de languette et ayant des palpes biarticulées, un labre suffi- samment grand pour recouvrir presque entière- ment les pièces buccales : telles sont les parties constitutives de la bouche; l'abdomen de 9 an- neaux a son e.xtrémité volumineuse renflée en sac et porte une ouverture anale transversale : ce qui les distingue des Larves de Lucanides, Les téguments transparents sont couverts de soiea et de poils. La Larve du Hanneton, connu sous le nom de Ver blanc [Enderling ou Engcrlîng), peut ser- iSO LES SCARABEES. vir de lypc et donne une idée parfaite de toules les Larves de Lamellicornes. De môme que l'Insecle parfait, la Larve d'un grand nombre d'espèces vivent de substances végétales vivantes, et il en est qui dans certaines conditions causent do grands préjudices aux cultures; tandis que d'autres ne se nourrissent que des parties végétales décomposées et habitent naturellement les cavités des vieux troncs d'arbres carriés, ou pullulent dans le terreau ou la tannée que l'Homme amasse pour ses cultures ou les besoins de son indusliie; d'autres, au contraire, se plaisent au sein des matières excrémentitielles que rejettent les Mammifères herbivores. De même que dans d'autres groupes nous trouvons ici des excep- tions à la règle, c'est-à-dire des Coléoptères et des Larves qui se nourrissent de charognes. La durée de l'évolution est d'autant plus lon- gue que les espèces sont plus volumineuses; chez les petites espèces le cycle évolutif est d'une année, chez les grandes de deux, trois années et même davantage. Lacordaire partage les Lamellicornes en deux grands groupes : les Lamellicornes .lipa- rosticliques et les Lamellkorn'js plewosiictiques c'est-à-dire en Co/û-opànges et en Phylopha'jes {Mistkâfer et Loithkàfer, si nous voulons nous servir de termes allemands exprimant le genre de vie de ces Animaux). Chez les pre- miers : la languette est toujours distincte du menton et les stigmates abdominaux sont si- tués sur la membrane qui unit entre eux les arceaux dorsaux ventraux de l'abdomen ; leurs Larves ont les deu\ lobes des mâchoires libres. Chez les seconds au contraire la languette est le plus souvent cornée et soudée au men- ton, mais parfois elle est distincte, de consis- tance coriace ou membraneuse; les stigmates abdominaux sont situés en partie sur la mem- brane qui réunit entre eux les arceaux dorsaux et ventraux et en partie sur les arceaux ven- traux eux-mêmes ; leurs Larves ont les deux lobes des mâchoires soudées. Pour ne pas être trop minutieux, nous pas- serons sous silence d'autres caractères qui dif- férencient les deux grandes divisions et qu'il serait oiseux d'énumérer. LES COPRINES — COPRINS Die Mislluifei: Caractères. — Chez les Coprin es le chape- 1 on dilaté en avant et sur les côtés, recouvre les organes buccaux qui sont absolument in- visibles en dessus ; la lèvre supérieure lamel- liforme et membraneuse n'est pas apparente, les mandibules, en forme de lamelles, sont membraneuses, à tranche externe cornée; les mâchoires ont leurs lobes très grands, co- riaces ou membraneux, et ciliés; la languette est également membraneuse ; les palpes maxil- laires sont glabres et filiformes; les antennes insérées sous le chaperon comptent 8 ou 9 ar- ticles, le premier très grand, les trois derniers formant la massue; l'écusson manque géné- ralement; l'abdomen compte 6 arceaux ven- traux soudés ensemble; les jambes postérieures ne comptent qu'un seul éperon. Presque tous ces Coléoptères sont de taille moyenne ou petite ; quelques-uns acquièrent une grande taille. Mtcurs, haliitiidcs, rî's:îine. — Us vivent ainsi que leurs Larves dans le fumier et de pré- férence dans les excréments des Mammifères herbivores, d'où leur nom de Copj-op/iages; gui- dés par un odorat subtil qui leur décèle de fort loin la présence d'une bouse ou d'un crottin, ils arrivent à tire d'aile et ont bientôt consti- tué une tablée fort respectable. Les trous, grands ou petits, que l'on aperçoit sous les dépôts stercoraires, indiquent que le sol est miné par eux et qu'ils ont approprié les locaux destinés à Imir progéniture. Ceux ci entraînent dans ces retraites, des aliments qu'ils accumulent autour d'un œuf en quantité suffisante pour nourrir une Larve; ceux-là rou- lent en boule une masse de matières en la con- solidant avec de la terre et du sable, boule qu'ils roulent au loin et qu'ils enfouissent pour la dé- vorer tout à leur aise; ce sont, suivant l'expres- sion populaire, des Pilulaives. Livingstoue parle d'une espèce du Kuruman, probablement un Scarabée appelé par les indi- gènes « akanvangerbeete », qui nettoie et purilie les villages en s'emparant des ordures fraîches pour se confectionner des boules de la grosseur d'une bille de billard qu'elle enterre avec soin. LES SCARABÉES — SCARADjEUS (1 ) Caractères. — Ce sont des Insectes larges, déprimés, qui se fontremarquer parlalongueur ! el la gracilité de leurs pattes postérieures aux ! jambes arquées aux tarses étroits qui contras- j tent avec la largeur et la structure de leurs pat- (1> Scarahxiif, escarboti LE SCARABEE SACRE. 181 les anli''iicures aux jambes dilal<^es et l'ortemcnt dentées du côté externe qui ne portent jamais de tarses; leur chaperon (iemi-circiilaire e^t armé de Gdcnls;leurpro thorax transversal, plus large ciuc les éiytrcs, est crénelé et cilié latérale- ment; les jambes médianes et postérieures se terminent par un grand éperon tranchant. ItiNlriliutiou géographique. — IliSSentiel- lement africains, quelques-uns d"entrc eux habitent l'.Asie; trois espèces se rencontrent dans le midi de la France, sur le littoral mé- diterranéen. LE SCARABÉE SACHE — sc.^^.^n.rt^s SJCEn Dry liciliiier PiUendrchcr. Le Scarabé sacré {Scarabxus sacer\ est un Coléoptère dont l'étude offre le plus grand intérêt biologique et historique ; habi- tant des régions méditerranéennes, il a joué un rùle important dans le culte des anciens Egyp- tiens qui voyaient d;ins les mœurs et la conl'or- malion de ce Coléoplère, l'allégorie de la terre, du soleil et du courage martial ; ils l'ont sculpté dans des proportions colossales, ils l'ont figuré sur leurs monuments, ils l'ont peint dans l'intérieur de leurs temples et sur les sarco phages qui renferment les momies de leurs rois (fig. 2.S6, 28/ et 288). Elien dit (1) : « les Scarabées {Canlliarus) sont tous du sexe masculin ; ils construisent avec du fumier des boules qu'ils roulent devant eux, les couvent pendant ^18 jours et après ce laps de temps, les petits en sortent. » Pline, de son côté, dit (2) : ils font des boules colossales avec du fumier, les roulent en arrière avec leurs pattes et y pondent de petits vers (il veut dire des œufs) d'où il naîtra des Scarabées de leur espèce, et ils les protègent aussi contre le frcid de l'hiver. » Ailleurs il dit encore que, à côté d'au- tres remèdes prescrits par la clinique médicale, l'on suspendra sur le corps, le Scarabée qui roule des pilules dans le cas de fièvre quarte. Telles sont les puériles divagations que les an- tiens nous ont transmis sur les Bousiers. Après avoir raconté de pareilles fantaisies à nos lecteurs, nous ne pouvons nous dispenser de leur montrer l'animal merveilleux sous son véritable aspect et de décrire les m(curs des Bousiers dans toute leur exactitude. Caractères. — Quant à l'espëcc elle-même, voici les particularités qui permettent de la re- (1) 10, 15. ' (2) 11, 38, 3i, connaître (fig. 285) : front râpeux, prothorax garni sur les côtés de petits points élevés, ély- tres marquées de six sillons longitudinaux i)eu Fig.2S5. — Scar.ibc'M ur la boule et fait corps avec elle. Le tout, pilule et Bousier cramponné à sa surface, roule désormais en bloc sous la poussée du légitime propriétaire. Une la charge lui passe sur le corps, qu'il ocoipe le dessus, le dessous, le côté du fardeau roulant, peu lui importe ; l'aide tient bon et reste coi. Singulier auxiliaire, oui se fait car- rosser pour avoir sa part de vivrei. ! Mais qu'une rampe ardue se présente, et son beau rôle lui revient. Alors, sur la pente [pénible, ii sn met en chef de file, retenant de ses bras dentés la pesante masse, tandis que son confr're prend appui pour hisser la charge un peu plus haut. Ainsi, à deu.x, par une combinaison d'efforts bien ménagés, celui d'en haut retennnt, celui d'en bas poussant, je les ai vus gravir des talus où, sans résultat, se serait épuisé l'entêtement d'un seul. Mais tous n'ont pas le même zèle en ces moments difficiles : il s'en trouve qui, sur les pentes où leur concours serait le plus né- Lnsectes. — 2i 186 LE SCARABEE SACRE. cessaire, n'ont pas l'air de se douter le moins du monde di's ilifficultés à surmonter. Tandis que le malheureux Sisyphe s'épuise en tenta- tives pour franchir le mauvais pas, l'autre, tranquillement, laisse faire, incrusté sur la houle, avec elle roulant dans la dégringolade, avec elle hissé derechef. » « J'ai soumis bien des fois deux associés à l'épreuve suivante pour juger de leurs facultés inventives en un grave embarras. Supposons- les en plaine, l'acolyte immobile sur la pelote, l'autre poussant. Avec une longue et forte épingle, sans troubler l'attelage, je cloue au sol la boule, qui s'arrêt" soudain. Le Scarabée, non au courant de mes perfidies, croit sans doute à quelque obstacle naturel, ornière, ra- cine de chiendent, caillou barrant le chemin. 11 redouble d'efforts, s'esciime de son mieux; lien ne bouge. — Que se passe t-il donc? Allons voir. — Par deux ou trois fois, l'Insecte fait le tour de sa pilule. Ne di^couvrant rien qui puisse motiver l'immobilité, il revient à l'arrière et pousse de nouveau. La boule reste inébran- lable. — Voyons là-haut.— L'Insecte y monte. Il n'y trouve que son collègue immobile, car j'avais eu soin d'enfoncer assez l'épingle pour que la tête disparût dans la masse de la pelote ; il explore tout le dôme et redescend. D'autres poussées sont vigoureusement essayées en avant, sur les côtés ; l'insuccès est le môme. Jamais bousier, sans doute, ne s'était (rouvé en présence d'un pareil problème d'ineitie. » « Voilà le moment, le vrai moment de récla- mer de l'aide, chose d'autant plus aisée que le collègue est là, tout près, accroupi sur le dôme. Le Scarabée va-l-il le secouer et lui dire quel- que chose comme ceci : « Que fais-tu là, fai- néant! Mais viens donc voir, la mécanique ne marche plus ! » Rien ne le prouve, car je vois longtemps le Scarabée s'obstiner à ébranler l'inébranlable, à explorer d'ici et de là, par dessus, par côté, la machine immobilisée, tan- dis que l'acolyte persiste dans son repos. A la longue, cependant, ce dernier a conscience que quelque chose d'insolite se passe ; il en est averti parles allées et venues inquiètes du con- frère et par l'immobilité de la pilule. Il descend donc, et à son tour examine la chose. L'alte- l.ige à deux ne fait pas mieux que l'attelage à un seul. Ceci se complique. Le petit éventail de leurs antennes s'épanouit, se ferme, se rou- vre, s'agite et trahit leur vive préoccupation. Puis un trait de génie met fin à ces perplexités : « Qui sait ce qu'il y a là-dessous? » La pilule est donc explorée à la base, et une fouille lé- gère a bientôt mis l'épingle à découvert. Aus- sitôt il est reconnu que le nœud de la question est là. » « Si j'avais eu voix délibérative au conseil, j'aurais dit : « Il faut pratiquer une excavation et extraire le pieu qui fixe la boule. » — Ce procédé, le plus élémentaire de tous et d'une mise en pratique facile pour des fouilleurs aussi experts, ne fut pas adopté, pas même essayé. Le Bousier trouva mieux que l'homme. Les deux collègues, qui de ci, qui de là, s'insinuent sous la boule , laquelle glisse d'autant et remonte le long de l'épingle à me- sure que s'enfoncent les coins vivants. La mol - lesse de la matière, qui cède en se creusant d'un canal sous la tête du pieu inébranlable, permet cette habile manœuvre. Bientôt la pe- lotte est suspendue à une hauteur égale à l'épaisseur du corps des Scarabées. Le reste est plus difficile. Les Bousiers, d'aboid couchés à plat, se dressent peu à peu sur les jambes, pous- sant toujours du dos. C'est dur à venir à mesure que les pattes perdent de leur puissance en se redressant davantage ; mais enfin, cela vient. Puis un moment arrive où la poussée avec le dos n'est plus praticable, la hauteur limite étant atteinte. Un dernier moyen reste, mais bien moins favorable au développement de force. Tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre de ses postures d'attelage, l'Insecte pousse, soit avec les pattes postérieures, soit avec les pattes antérieures. Finalement, la boule tombe à terre, si l'épingle, toutefois, n'est pas trop lon- gue. L'éventrement de la pilule par le pieu est tant bien que mal réparé et le charroi aussitôt recommence. » « Mais, si l'épingle est d'une longueur trop considéral)le, la pelote, encore solidement fixée, finit par être suspendue à une hauteur que l'Insecte, se redressant, ne peut plus dépasser. Dans ce cas, après de vaines évolutions autour du mât de cocagne inaccessible, les Bousiers abandonnent la place si l'on n'a pas la bonté d'âme d'achever soi-même la besogne et de leur restituer leur trésor, ou bien encore, si on ne leur vient pas en aide en exhaussant le sol au moyen de petites pierres plaies » « Si l'Insecte est tout seul en face des difficultés de la boule clouée au sol, s'il n'a pas d'acolyte, ses manœuvres dynamiques restent absolument les mêmes, et ses efforts aboutis- sent à un succès, pourvu qu'on lui donne l'in- dispensable appui d'un plate-forme, édifiée LE SCARABEE SACRE. 187 petit à petit avi moyen de petites pierres. Si pareil secours lui est refusé, le Scarabée, que le toucher de sa clùre pilule trop élevée ne stimule plus, se décourage et, tôt ou tard,;\ son grand regret, sans doute s'envole et disparaît. Où va-t-il? Je l'ignore. Ce que je sais bien, c'est qu'il ne revient pas avec une escouade de compagnons priés de lui venir en aide .. Pilule délaissée pour cause de force majeure, est pi- lule abandonnée sans retour, sans tentative de sauvetage avec secours d'autrui. » Ainsi donc, l'an ique légende qui a cours encore dans la science et se trouve reproduite par les auteurs français et allemands les plus modernes, doit êtie reléguée parmi les contes de Fées; le Scarabée d;ins l'embarras ne s'en va pas à travers les airs à la l'ccherche de cama- rades complaisants assez aimables pour se dé- ranger de leurs propres occupations pour lui donner un coup de main ; les amis si dévoués, de par la légende, ne sont que des gourmands, dévorés de convoitise, qui ne cherchent qu'à s'emparer de l'appétissante pilule préparée avec amour par un industrieux confrère, des fripons astucieux qui consacrent toute leur intelligence à étudier l'art de détrousser les gens sans les assommer. Mais reprenons l'histoire de nos laborieux Scarabées. Oîi roulent-ils ainsi leur boule, image du monde? Nous ne saurions mieux faire que de suivre le chaimant conteur pro- vençal, M. Fabre : <> Orientés au hasard, à travers plaines de sable, fourrés de thym, or- nières et talus, les deux Scarabées collègues quelque temps roulent la pelote et lui donnent ainsi une certaine fermelé de pâle qui est peut- être de leur goût. Chemin faisant, un endroit favorable est adopté. Le Bousier propriétaire, celui qui s'est maintenu toujours à la place d'honneur, à l'arrière de la pilule, celui enfin qui, presque à lui seul, a fait tous les frais du charroi, se met à l'œuvre pour creuser la salle à manger. Tout à côté de lui est la boule, sur laquelle l'acolyte reste cramponné et fait le mort. Le chaperon et les jambes dentées atta- quent le sable; les déblais sont rejetés à recu- lons par brassées, et l'excavation rapidement avance. Bientôt l'insi cte disparaît en entier dans l'antre ébauché. Toutes les fois qu'il re- vient à ciel ouvert avec sa brassée de déblais, le fouisseur ne manque pas de donner un coup d'oeil à sa pelote pour s'informer si tout va bien . De temps à autre, il la rapproche du seuil du terrier; il la palpe, et, à ce contact, il semble acquérir un redoublement de zèle. L'autre, sainte nitoui'he, par son immobilité sur la boule, continue à inspirer confiance. Cepen- dant, la salle souterraine s'élargit et s'appro- fondit, le fouisseur fait de plus rares appari- tions, retenu qu'il est par l'ampleur des tra- vanx. Le moment est bon. L'endormi se réveille, 1 astucieux acolyte décampe, chassant derrière lui la boule avec la prestesse d'un larron qui ne veut pas être pris sur le fait. Cet abus de confiance m'indigne, mais je laisse faire, dans l'intérêt de l'histoire : il me sera toujours temps d'intervenir pour sauvegarder la morale, si le dénuûment menace de tourner à mal. » « Le voleur est déjà à quelques mètres de dislance. Le volé sort du terrier, regarde et iio trouve plus rien. Coutumier du l'ait lui-même, sans doute, il sait ce que cela veut dire. Du flair et du regard, la piste est bientôt trouvée. A la hâte, le Bousier rejoint le ravisseur ; mais celui-ci, roué compère, dès qu'il se sent talonné de près, change de mode d'attelage, se met sur les jambes postérieures et enlace la boule avec ses bras dentés, comme il le fait en ses fonctions d'aide. — « Ah ! mauvais drôle ! j'é- vente ta mèche : tu veux alléguer pour excuse que la pilule a roulé sur la pente et que tu t'ef- forces de la retenir et de la ramener au logis. Pour moi, témoin impartial de l'atl'aire, j'af- firme que la boule, bien équilibrée à l'entrée du terrier, n'a pns roulé d'elle-même ; d'ailleurs le sol est en plaine; j'affirme t'avoir vu mettre la pelote en mouvement et l'éloignés avec des intentions non équivoiiues. C'est. une tentative de rapt, ou je ne m'y connais yas. » — Mon témoignage n'étant pas pris en considération, le propriétaire accueille débonnairement les excuses de l'autre, et les deux, comme si de rien n'était, ramènent la pilule au terrier. » Il Mais si le voleur a le temps de s'éloigner assez ou s'il parvient à celer la piste par quel- que adroite contre marche, le mal est irrépa- rable. Avoir amené des vivres sous le feu du soleil, les avoir péniblement voitures au loin, s'être creusé dans le sable une confortable salle de banquet, et, au moment où tout est prêt, quand l'appétit, aiguisé par l'exercice, ajoute de nouveaux charmes à la perspective de la prochaine bombance, se trouvei- tout à coup dépossédé par un astucieux collaburateur, c'est, il faut en convenir, un revers de fortune qui ébranlerait plus d'un courage. Le Bousier ne se laisse pas abattre par ce mauvais coup du sort : il se frotte les joues, épanouit les anten- 183 LE SCARABEE SACRE. nés, hume l'air et prend son vol vers le tas pro- chain pour recommencer à nouveau. J'ad- mire et j'envie celte trempe de caractère. » « Supposons le Scarabée assez heureux pour avoir trouvé un associé fidèle, ou, ce qui est mieux, supposons qu'il n'ait pas rencontré en route de confrère s'invitant lui-même. Le ter- rier est prêt. C'est une cavité creusée en terrain meuble, habituellement dans le sable, peu pro- fonde, du volume du poing, et communiquant au dehors par un court goulot, suffisant au passage de la pilule. Aussitôt les vivres emma- gasinés, le Scarabée s'enferme chez lui en bou- chant l'entrée du logis avec des déblais tenus en réserve dans un coin. La porte close, rien ne trahit au dehors la salle du festin. Et main- tenant, vive la joie ; tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ! La table t st somptueu- semeni servie; le plafond tamise les ardeurs du soleilet ne laisse pénétrerqu'une chaleurdouce et moite ; le recueillement, l'obscurité, le con- cert des Grillons, tout favorise les fonctions du ventre. Dans mon illusion, je me suis surpris à écouter aux portes, croyant ou'ir pour couplets de table le fameux morceau de l'opéra de Gula- thêe : « Ah ! qu'il est doux de ne rien faire, fjuand tout s'agite autour de nous. » « Qui oserait troubler les béatitudes d'un pa- reil banquet? Mais le désir d'apprendre est ca- pable de tout ; et cette audace, je l'ai eue. J'in- scrisici le résultatdcmesviolationsdedomicile. — A elle seule, la pilule presque en entier rem- plit la salle ; la somptueuse victuaille s'élève du plancher au plafond. Une étroite galerie la sépare des parois. Là se tiennent les convives, deux au plus, un seul très souvent, le ventre à table, le dos à la muraille. Une fois la place choisie, on ne bouge plus; toutes les puissances vitales sont absorbées parles facultés digeslives. Pas de menus ébats qui feraient perdre une bou- chée, pas d'essais dédaigneux qui gaspilleraient les vivres. Tout doit y passer par ordre et reli- gieusement. Alesvoirsirecueillisautûurde l'or- dure, on dirait qu'ils ont conscience de leur rôle d'assainisseurs de la terre, et qu'ils se livrent, avec connaissance de cause, à celte merveilleuse chimie qui, de l'immondice, fait la fleur, joie des regards, et l'élytre des Scara- bées, ornement des pelouses prinlanières. Pour ce travail transcendant, qui doit faire matière vivante des résidus non utilisés parle Bœuf, le Cheval et le Mouton, malgré la perfection de leurs voies digeslives, le Bousier doit être ou- tillé d'une manière particulière. Et, en effet. l'Anatomie nous fait admirer la prodigieuse longueur de son intestin, qui, plié et replié sur- lui-même, lentement, élabore les matériaux en ses circuits multipliés et les épuise jusqu'au dernier atome utilisable. D'où l'estomac de l'herbivore n'a rien pu retirer, ce puissant alambic extrait des richesses qui, par une sim- ple retouche, deviennent armure d'ébène chez le Scarabée sacré, cuirasse d'or et de rubis chez d'autres Bousiers. » « Or, cette admirable Métamorphose de l'or- dure doit s'accomplir dans le plus bref délai : la salubrité générale l'exige. Aussi le Scarabée est-il doué d'une puissance digestive peut-être sans exemple ailleurs. Une fois en loge avec des vivres, jour et nuit il ne cesse de manger et de digérerjusqu'àcequeles provisions soient épuisées. La preuve en est palpable. Ouvrons la cellule où le Bousier s'est retiré de ce monde. A toute heure du jour nous trouverons l'In- secte attablé, et dei-rière lui, appendu encore à l'animal, un cordon continu grossièrement en- roulé à la façon d'un tas de câbles. Sans expli- cations délicates à donner, aisément l'on devine ce que ledit cordon représente. La volumineuse boule passe, bouchée par bouchée, dans les voies digeslives de l'Insecte, cède ses principes nutritifs, et reparaît du côté opposé filée en cordon. Eh bien, ce cordon sans rupture, sou- vent d'une seule pièce, toujours appendu à l'orifice de la filière, prouve surabondamment, sans autre observation, la continuité de l'acte digestif. Quand les provisions louchent à leur fin, le câble déroulé est d'une longueur éton- nante : cela se mesure par juans (1). Où trouver le pareil de tel estomac, qui, de si triste pitance, afin que rien ne se perde au bilan de la vie, fait régal une semaine, et même quinze jours durant sans discontinuer. » « Toute la pelote passée à la filière, l'ermite reparaît au jour, cherche fortune, trouve, se façonne une nouvelle boule et recommence. Cette vie de liesse dure un à deux mois, de mai à juin ; puis, quand viennent les fortes chaleurs aimées des Cigales, les Scarabées prennent leur quartier d'été et s'enfouissent au frais dans le sol. Ils reparaissent aux premières pluies d'au- tomne, moins nombreux, moins actifs qu'au printemps, mais occupés alors apparemment de l'œuvre capitale, de l'avenir de leur race. >> Cherchons maintenant à connaître comment les Scaval/ieus assurent la perpétuité de leur es- (I) Pan, mesure de longueur en usage dans le Midi, comptant "24 centimètres. LE SCARABEE SACRE. 189 pèce. Suivant les auteurs, c'est dans l'intérieur de ces boules promenées par monts etpar vaux, qu'ils ont déposé leurs œufs, et chaque boule ne contieniirait qu'un œuf. Fabre, l'ingénieux observateur, a fait table rase des opinions re- çues et suivant son expression pittoresque, (I la tendresse maternelle ne soumet pas sa progé- niture au supplice du tonneau de Régulus ». «J'ai ouvert par centaines, dit-il, les pelotes roulées par les Bousiers ; j'en ai ouvert d'autres extraites des terriers creusés sous mes yeux ; et jamais, au grand jamais, je n'ai trouvé ni loge centrale, ni œuf dans ces pilules. Ce sont invariablement de grossiers amas de vivres, fa- çonnés à la hâte, sans structure interne déter- minée, de simples munitions de bouche avec lesquelles on s'enferme pour couler en paix quelques jours de bombance. Les Bousiers mu- tuellement se les jalousent, se les pillent avec une ardeur qu'ils ne mettraient certainement pas à se dérober de nouvelles charges de famille. Entre Scarabées, le vol des œufs serait une ab- surdité, chacun ayant assez à faire pour assurer l'avenir des siens. Donc sur ce point désormais aucun doute : les pelotes que l'on voit rouler aux Bousiers jamais ne contiennent d'œufs. » Fabre ne se rebute pas par l'insuccès de ses observaiions ; abordant la méthode expérimen- tale, il organise une vaste volière sur une arène de sable et la peuple de Scarabées : les Oiseaux sont des Coléoptères. Cela fait, il s'ingénie à se procurer la provende nécessaire à ces Copro- phages, et le professeur dans son ardeur à voir réussir ses expiÎTiences ne craint pas d'aller sur la grande roule cueillir, à la dérobée, dans un cornet de papier le pain quotidien de ses élèves. Quelquefois le sortie favorisait : un âne appor- tant au marché d'Avignon les produits maraî- chers de Château-Renard ou de Barbentane dé- posait son offrande en passant devant sa porte, et il la recueillait pieusement. Malgré tous ses soins, les tentatives d'éducation échouèrent; au bout de quelque temps, les Scarabées con- sumés de nostalgie, et amoureux de l'espace, se laissèrent misérablement mourir de faim sîus livrer leur secret. Sans se décourager, Fabre lance dans la plaine, une bande d'écoliers, qu'il allèche par l'espoir d'une pièce blanche, à la recherche des fameuses boules qui devaient contenir œuf ou larve ; les bambins. Dieu sait s'ils ont des yeux de Lynx, après mainte et mainte excur- sion revinrent l'oreille basse. Aujourd'hui encore les mœurs d'un des In- sectes les plus remarquables par son passé historique et légendaire, par ses habitudes étranges, les mœurs d'un des Coléoptères les plus volumineux qui abonde sur tout le littoral méditerranéen, sont mal connues. Les écoliers provençaux de l'avenir seront peut-être plus heureux que les écoliers d'Avignon ; ils sauront peut-être découvrir dans leurs profondes ca- chettes les Œufs, les Larves et les Nymphes des Scarabées. Toutefois nous devons dire que Mulsant a dé- crit, il y a quelques quarante ans, la Larve du Scarabée sacré, sans nous dire toutefois dans quelles conditions il l'avait rencontrée ; sa description mérite donc d'être vérifiée ; la voici telle qu'il l'a donnée : Sa conformation reproduit celle du Ver blanc ou Larve du Hanneton ; mais elle est plus semicylindrique, avec le dos en partie ardoisé. Ses antennes ont 5 articles, le pre- mier moins grand que le second ; celui-ci à peu près égal aux deux suivants et comme eux subglobuleusement renflé vers le sommet ; le dernier plus court et plus grêle. L'épistome jaunâtre a la forme d'un parallélogramme transversal ; la lèvre supérieure est trilobée, les mandibules noires et cornées à l'extrémité sont armées au côté interne de trois dents peu profondément découpées ; les deux lobes des mâchoires sont garnis de poils épineux et terminés chacun par un crochet unguiforme; les palpes maxillaires ont i articles tandis que ceux des lèvres sont courts et n'en ont que 2. Cette Larve met plusieurs mois à se dévelop- per. Le Bousier sort de saretrailcau printemps suivant ; et les jeunes à l'exemple de leurs pa- rents, sans avoir pu rien apprendre d'eux par l'observation et l'éducation, roulent néanmoins des pilules exactement de la même manière et dans le même but, tant est grande la puissance de l'hérédité. Le Scarahœussacer (fig. 285) est fort commun dans tous les pays qui circonscrivent la Méditer- ranée ;onle trouve fréquemment dans le midi de la Fiacre et particulièrement en Provence ; il n'est pas rare aux environs de Marseille sur les bords de la mer. La France compte encore quelques espèces de Scarabées dont les mœurs sont celles du S. sacré ; ce sont des Pilulaires par excellence. Le 5. semipunc talus généralement plus petit que le précédent [^i à 31 mill.) se dislingue aisément par la ponctua-tiOn varioïique du 1!)0 LES SISYPHES. prothorax et par la présence d'une saillie en forme de dent sur le bord po-térieur des cuisses postérieures. 11 fréquente les lieux sablonneux de la France méridionale; il est fort commun sur les plages de Cette, de Palavas (Montpellier) et du golfe Juan. Fig. 30:j. — Scarabée à large cou. Le S. lalicollis (13 à 22 mill.), au prothorax lisse parsemé sur ses bords de points varioli- formes, aux élytres lisses creusées de six sil- lons aussi larges que les intervalles convexes, (fig. 290) est l'espèce circa-médilerranéenne qui remonte le plus vers le nord ; elle se trouve en effet aux environs de Lyon (Moûts d'Or, La Pape). Le 5, variolûsus (13 à 24 mill.), que la pré- sence de nombreux points varioliformes sur le prothorax et les élytres (fig. 289) ne permet de confondre avec aucune autre espèce, est une espèce italienne, espagnole et algérienne. Le 5. pitis est encore une espèce européenne (Italie, Grèce, Russie méridionale). Nous devons encore signaler le 5. jEgytio- rum au corps vert doré que Caillaud, le voya- geur au Nil Blanc, a rencontré au Sennaar, et qu'il regarde comme un des Scarabées que les Égyptiens adoraient. Il est encore des Scarabélides indigènes au très , que les 5car»ia;HS, qui monirent autant de pré- voyance et de sollicitude pour leurs enfants et qui, pour les protéger et les nourrir, fabriquent également des pilules ; ce sont les Sisyphes et les Gymnopleures. LES GYMNOPLEURES — GYMNO- PLEUIWS Caractères. — Ces Bousiers ressemblent aux Scarabées, quant à la forme générale ; mais ils possèdent souvent un vif éclat métallique ; ils s'en distinguent par la forte échancrure du bord extérieur des élytres eu arrière desépaules et par l'existence des tarses antérieurs dans les deux sexes. Distribution g^pog^raphique. — Répandus dans toutes les régions chaudes et tempérées de l'ancien continent, les Gymnopleures sont assez nombreux en espèces ; plus d'une soixan- taine ont été décrits. Mœurs, habitudea, régime. — Ces InSCCtes sont des Piliilaires émérites qui ont les mœurs des Scarabées. Nous citerons comme espèces françaises les G. 7}iopsus, Stiawi. (l'igellalus, des provinces chaudes et tempérées (environs de Lyon) LES SISYPHES — SISYPIIUS Caractcro». — Les Scarabéidi S scn'. ""a^iUs à distinguer des représentants des deux genres précédents, par l'épaisseur de leur corps qni égale souvent la moitié de sa longeur, par l'al- longement et la gracilité des pattes postérieures dont les cuisses dépassent notablement l'ab- domen ; leurs jambes intermédiaires sont ter- minées par deux éperons, leuis aniennes ne comptenl que 8 articles au lieu de 9; ils ont des tarses aux pattes antérieures. Distribution g^éoçrupliique. — Les espèceS, au nombre d'une trentaine, sont africaines et indiennes; une d'elles (fig. 291) habile cepen- dant l'Europe méridionale [S. Schxfferi) Fig. 201. - Sisyphe de Sclioeffer Mœurs, babituiies, réjfime. — Les manœu- vres du 5/s//p/i»s 5c//a,'/7erj aux longues jambes qui affeclioune les terrains calcaires du centre et du midi de la France sont bien connues : c'est un fabricant de pilules fort habile. Tas- rhenberg lapporLe qu'un aini lui envoya d'Es- pagne une pilule faite par cet In-ecte; elle s'était tellement durcie par la dessiccation i\ lair, qu'il fallut la scier en deux pour eu étudier la structure intérieure. LES COPRIS. !91 Le diamètre total mesurait environ 34 mil- limMres : la couche extérieure formait une sorte d'écorce de 5 millim. et demi, très dense, le contenu 'se distinguait nettement par sa structure plus filamenteuse, moins compacte, el s'était quelque peu détaché sous la forme d'une boule distincte par la dessiccation. Dans la boule interne, très dure et fibreuse, se trouvait probablement l'œuf desséché ou la Larve morte en bas âge, qui, si elle avait vécu, aurait consommé la boule intérieure pour at- teindre toute sa croissance, tandis que l'é- corce aurait servi à la Nymphe de coque pro- lectrice. D'autres Coléoptères vivent en troupes nom- breuses dans les fumiers, les crottins et les bou- ses dont ils entraînent des fragments dans des trous qu'ils creusent immédiatement au-des- sous; tels sont les Cofiris noirs aux formes car- rées et bombées, les brillants Plianxm de l'A- mérique du Sud, aux reflets métalliques bleus, verts, dorés, rouges, et les petits Omhophagus répandus sur toute la terre ; ce sont les Co- III iites proprement dits. Us se distinguent à première vue des Scara- Ini'us parla conformation des jambes : celles de la deuxième et de la troisième paire de pattes sont dilatées et robustes au lieu d'iHre grêles ; le premier article de leurs tarses est fort long tl de forme variable. Beaucoup d'entre eux portent une ou môme deux cornes sur le front, implantées sur la tête du mâle à peu près comme celles d'un taureau ; souvent le corse- let est également surmonté d'appendires sem- blables. Les différences sexuelles, insaisis- sables chez les Scarabées, sont en général très accusées. Les Coprines proprement dits ne roulent pas sur le sol des pilules à la façon des Scara- bées ; mais certains d'entre eux, Copris ou Onthophayxs, s&venlen fabriquerde semblables qu'ils enterrent immédiatement et déposent au fond de leurs retraites ; les autres sans in- dustrie se bornent k amasser dans les trous profonds qu'ils creusent les aliments néces- saires à l'alimentation de leurs Larves. LES COPRIS — COPIilS (1) Cavactères. — Indépendamment des carac- tères indiqués ci-dessus, les Copris en possè- ^1) Kcritfo;. excrément. dent quelquesautres. En général de très giande taille ou de taille moyenne, leurs formes sont massives, leur front porte chez les mâles une ou deux cornes, chez les femelles, une simple carène transversale ; leur prothoraxgrand, con- vexe, excavé, cornu, ou chargé de tubercules chez les mâles, porte des impressions ou une ca- rène transversale chezles femelles; leurs pattes sont robustes et construites pour fouir le sol ; leurs jambes antérieures ont trois ou quatre dents; leurs jambes médianes et postérieures sont très élargies et ciliées. Distribution jfi'ograpliique . — L'ancien genre Copris. aujourd'hui subdivisé en une di- zaine de genres, comprend environ loo espèces. Le genre Copris actuel en a conservé pour sa part une cinquantaine ; tous ces Insectes ha- bitent de préférence les régions inlertropicales de l'Ancien et du Nouveau-Monde; cependant quelques-uns d'entre eux vivent en Europe el particulièrement en France, tels sont C. Hispa- nus, exclusivement provençal el languedocien. Fig. T.)i. — Copris lunaire. elLunaris (fig. 292) qui remonte vers le nord et n'est pas très rare. Mœurs, habitudes, régime. — Les mœurs de nos Copris indigènes sont assez connues. Les mères creusent chacune directement un puit'^ sous la bouse ou sous le crottin qu'elles ont choisis, et aménagent, à un décimètre ou deux, une assez vaste salle ; puis brassées par bras- sées, elles entraînent à reculons au fond du souterrain des matériaux biuts pris au hasard. La provi;.ion faite, chaque femelle s'occupe de faire un minutieux triage ; elle fait choix tout d abord des matériaux les plus fins, les pUi> délicats qu'elle dispose avec un soin inlini au- tour d'une niche centrale qui reçoit l'œuf; cela fait, elle les entoure de couches successives com- posées d'éléments de plus en plus grossiers, feutrant habilement les brins filamenteux pour obtenir une adhérence parfaite de toutes les parties de consistance dilTérentc. << Comment, 1 d.ins une complète obscurité, au fond d'un ' terrier qui .encombré de vivres, laisse à peine lu 192 LES COPRTS. place pour se remuer, le Coprls vient-il à bout d'œuvre pareille, lui si gauche d'allures, si raide en ses mouvements ? Quand on songe à la délicatesse du travail accompli et aux gros- siers outils de l'ouvrier, pattes anguleuses pour éventrer le sol et au besoin le tuf, l'idée vient d'un Eléphant qui s'aviserait de lisser de la dentelle. Explique qui voudra ce miracle de l'industrie maternelle(l)? » « La pilule où l'œuf est renfermé a générale- ment le volume d'une moyenne pomme. Au centre est une niche ovalaire d'un centimètre environ de diamètre. Sur le fond est fixé ver- ticalement l'œuf, cylindrique, arrondi aux deux bouts, d'un blanc jaunâtre du volume à pou près d'un grain de froment. La paroi de la niche est crépie d'une matière brune verdâtre luisante, demi-fluide, vraie crème stercorale destinée aux premières bouchées de la Larve. Pour cet aliment raffiné, la mèrecueillerait-elle la quintessence de l'ordure? L'aspect du mets me dit autre chose et m'affirme que c'est là une purée élaborée dans l'estomac maternel. Le pigeon sécrète une sorte de laitage qu'il dé- gorge ensuite à sa couvée. Selon toute appa- rence, le Bousier a les mêmes tendresses : il digère à demi des aliments de choix et les dé- gorge en une fine bouillie, dont il enduit la paroi de la niche où l'œuf est déposé. A sou éclosion, la Larve trouve de la sorte une nour- riture de digestion f;icile, qui lui fortifie rapi- dement l'estomac et lui permet d'attaquer les couches sous-jacentes, auxquels manque ce raffinement de préparation. Sous l'enduit demi- lluide est une pulpe de choix, compacte, homo- gène, d'où tout brin filandreux est exclu. Par de là viennent des assises grossières, où les fibres végétales abondent, enfin l'intérieur de la pelote est composé des matériaux les plus communs, mais tassés, feutri's en coque résis- tante. ') « Un changement progressif dans le ré- gime alimentaire est ici manifeste. En sor- tant de l'œuf, le tout débile vermisseau lè- che la fine purée sur les murs de sa loge. Il y en a peu, mais c'est fortifiant et de haute valeur nutritive. A la bouillie de la tendre enfance succède la pâtée du nourrisson se- vré, pâtée intermédiaire entre les exquises dé- licatesses du début et la nourriture grossière de la fin. La couche en est épaisse et suffisante pour faire du vermisseau un robuste ver. Riais (1) J.-H. Fiibre, loc. cit. alors aux forts la nourriture des forts, le pain d'orge avec ses arêtes, le crultin naturel plein d'aiguilles de foin. La Larve en est surabon- damment approvisionnée, ettoute sa croissance prise, il lui reste une couche formant cloison autour d'elle. La capacité de l'habitacle s'est agrandie à mesure que grossissait l'habitant, nourri de la substance même des murailles ; la petite niche primitive à parois très épaisses est maintenant une grande cellule à parois de quelques millimètres d'épaisseur ; les assises intérieures de la maison sont devenues Larve, Nymphe ou Scarabée suivant l'époque. Fina- lement la pilule est une solide coque, abritant dans sa loge spacieuse le mystérieux travail de la Métamorphose. » Dans les régions chaudes du globe les Copris atteignent quelquefois une taille énorme, aussi Coprisi Anlenor. avons-nous cru devoir représenter le Copi is (fig. 203) ou Ueliocn/jvis Antenor du Sénégal; c'est une espèce absolument noire. En Améri- que, depuis les États-Unis jusqu'à la Patago- nie, les Copris sont remplacés par les Pha- nxm, qui sont aussi remarquables par l'éclat de leurs couleurs que parles saillies aux for- mes bizarres qui décorent leur tète et leur corselet. On raconte, que des Heliocopris Midas des L'APHODIIC KOUISSKUSI-;. H)3 Fig. '.'Jl. — Les Lèllires ccplialoles coiiia:it les U; ligne ip. l'JU »ndes orientales sortirent de niasses de terre durcie qu'on avait prise pour des « boulets de canon » ; l'un d'eux apparut 13 mois et un autre IG mois après qu'on eut recueilli ces boulets. Nous ne saunons passer sous silence les Bu- bas el les Onitisde nos côtes méditerranéennes ainsi que l'immense peuplade des Ont/iophagus répandus sur tout le globe et dont la petite taille estrebaussée par mille couleurs éclatan- tes et par les armatures de la tôle et du corselet souvent ornés de cornes fourchues. Ces On- Ihophages, qui comptent environ 322 espèces, habitent les déjections des Solipèdes et des grands Ruminants ou les matières excrémen- titielles de l'homme et même quelquefois les débris de matières animales. LES APHODIES — APBODIUS {i) Die Aphodiinen. Die Dungkiifer. Caract6re8. — I.es pièces de la bouche et les antennes des Aphodius ont la même con- formation que dans les genres précédents ; mais l'abdomen compte cinq anneaux, les jambes postérieures sont terminées par deux épines, et, ce qui achève de les distinguer, l'extrémité arrondie des élytres recouvre chez eux l'extrémité abdominale. Presque tous ont le corps à peu près cylindrique et sont d'assez pelite tail j, la couleur dominante est en général le noir ou le brun sale. Leur tête semi-circulaire s'aplanit au milieu et porte des yeux indivis. Le corselet est bordé en avant (1; "Açoôo:, excrément. Bi;i:uM. — VII. d'une membrane mince, et en arrière un scn- tellum très distinct lui fait suite. Les hanches moyennes sont rapprochées ; les postérieures, par leur élargissement, couvrent générale- ment la naissance de l'abdomen. Distribution géographique. — Ce genre CSl surtout nombreux dans les zones tempérée^ et froides de l'Europe (H5 espèces). Mœurs, habitudes, régime. — Ce sont eux qui pendant les belles soirées d'été ou môme en plein soleil, se livrent par milliers à ces évo- lutions aériennes autour d'un fumier comme le feraient les Abeilles autour de leur ruche ; et le tas entier semble parfois s'animer tant ils sont nombreux. Us mènent une existence d'autant plus facile qu'ils ne creusent point le sol, ne façonnent point de pilules pour leur descendance, mais qu'ils pondent directement leurs œufs dans le fumier ou les excréments; aus^i leur reste- t-il suffisamment de temps, s'ils ne sont pas occupés à lécher leur répugnante friandise, pour prendre leurs ébats à travers les airs quand brille le soleil. L'AriIOOIE FOUISSEUSE. — APHODIUS FOSSOU. Grabender Dungkàfcr. L'Aphodie fouisseusse {Aphodius fossor) (fig. 296), d'un noir luisant, aux élytres quelquefois rouge-brun, est la plus grande de nos espèces. Elle se reconnaît à son chaperon tronqué auri- culé, c'est-à-dire ayant les angles antérieurs recourbés au-devant des yeux, à son front armé de troiUubercules, à son corselet lisse, à ses élytres liuement striées arrondies à l'extrémité, avec les intervalles des stries bombés aux abords du scutellum qui est très distinct et enfin au Insectes. — 23 194 LES GÉOTRUPES. premier article des tarses postérieurs qui est à peu près aussi long que les 4 suivants. La me présente des différences sexuelles : les trois tubercules, qui ne sont qu'indiqués chez la femelle, sont plus saillants chez le mâle, et celui du milieu affecte la forme d'une corne. Fig. 296. — Apliodie fouisseuse. La Larve (fig. 293) a : la tôte brune avec une impression longitudinale peu profonde à sa partie supérieure, et çà et là quelques longs poils; le chaperon nettement séparé du front; la lèvre supérieure arrondie et velue; 5 arti- cles aux antennes, celui du milieu étant le plus long; les mandibules longues, de couleur noire, et de grandeur inégale, la gauche étant plus longue que la droite, celle-ci portant trois saillies, celle-là, au contraire, étant bifide avec la dent postérieure plus grande que l'anté- rieure ; les mâchoires munies d'une forte dent ; les palpes maxillaires de 3 articles; les palpes labiaux de 2 articles seulement. Le corps est comme toujours formé de 12 anneaux quelque peu ridés transversalement. Cette Larve se trouve toute développée au printemps, simplement étendue dans la terre au-dessous du fumier de l'année précédente, et se transforme rapidement en Insecte parfait. LES GÉOTRUPINES — GEOTRUPINM Die RossJiùfer. Die Geotrupincn. Certaines grandes espèces deCoprophages de France, d'Allemagne et des pays voisins, con- fondues autrefois avec beaucoup d'autres sous le nom de Scarabées, sont connues également sous le nom de Bousiers (Géotrupes). Nous les voyons souvent embarrassés dans leur démar- che, se traînersurles chemins, dansleschamps et les bois ; souvent encore, lorsqu'ils volent à la tombée de la nuil, leur bourdonnement frappe nos oreilles. C'aracti^res. — Ici la lèvre supérieure et les mandibules sont cornées, au lieu d'être mem- braneuses comme chez les précédents, et ne sont pas recouvertes par le chaperon ; les mâ- choires sont semblables à celles des Scarabsous et des Copris. Les Géotrupines sont les seuls Scarabéides dont les antennes comptent 11 ar- ticles, et ce caractère suffit à lui seul pour les distinguer; les yeux sont complètement par- tagés en deux parties. En outre on les reconnaît : à leur chaperon qui porte souvent chez les mâles une corne, un tubercule, ou chez les femelles une carène séparée du front par une ligne droite ou angu- leuse; à leur corps ovoïde, raccourci, assez fortement bombé en dessus ; à leur corselet quadrangulaire postérieurement qui présente souvent des différences notables suivant les sexes; à leurs éiytres couvrant tout l'abdomen et ne laissant à découvert que son extrémité, la brièveté de l'abdomen, de 3 anneau.x, est tout à fait caractéristique. Les pattes sont éminem- ment fouisseuses ; les cuisses antérieures, comme les Lucanides, portent souvent un bou- quet de poils formant une tache soyeuse d'un beau jaune doré ; les jambes delà même paire sont dentées en scie sur la tranche externe, et celles des autres pattes se distinguent parleurs carènes situées sur le bord externe. LES GÉOTRUPES — GEOTRVPES (1 Car.ictères. — Indépendamment des carac- tères de la tribu, ils en possèdent de particu- liers : leur chaperon est rhomboïdal, rebordé, généralement séparé du front par un sillon an- guleux ; il est unituberculé en son milieu ; leurs jambes postéiieures quadrangulaires, un peu arquées, sont munies de 3 à 5 ca- rènes. En dessous les hanches postéri 'ures canne- lées produisent, par leur frottement contre le bord du troisième anneau alj,!ominal, un bruit stridnlent qui du reste paraît être de peu d'importance. Les Géotrupes sont noirs ou d'un brillant métallique. Uistribution g^éographique. — Leur extCD- tion géographique se borne aux régions tem- pérées de l'Europe et de l'Amérique du Nord, aux monlagnes de 1 Himalaya en Asie, au Chili dans l'Amérique du Sud, et en Afrique aux côtes septentrionales; on a décrit 90 espèces environ. Mœars, haliitiifles, régime. — Les Géotru- pes ou Bousiers des crottins, iiinsi nommés parce que plusieurs espèces hantent de préfé- (1) Fij, terra; Tfujiâw. je perfore. LE GÉOTRUPE STERCORAinK. 193 renne le crollin do cheval, ont une forme lourde et des allures gauches bien plus ap- propriées au métier de fouisseur qu'à la vie aérienne, et de fait leur sort n'a rien d'enviable. A peine ont-ils quitté leur profonde retraite pour venir à la lumière du jour, que les soucis de leur progéniture les réclame. Chaque es- pèce suivant ses goûts recherche la bouse ou le crottin abandonnés sur les chemins, dans les bois ou les pâtures; dans la saison avancée elles choisissent aussi les Champignons mous si recherchés à la fois par tant d'Insectes et par les Limaces. D'abord le Géotrupe pénètre dans le crottin ou le champignon, s'y vautre et apaise sa pro- pre faim, chose essentielle, puis creuse tout près dans le sol un puits ayant jusqu'à 30 centi- mètres de long. 11 comble ensuite ce trou per- pendiculaire avec une portion de la matière du crottin ou du champignon et y pond un seul (ruf. Autant il y a d'oeufs à pondre, autant il y ;ide puits à creuser et souvent aussi autant de las de crottin à chercher ; car un individu ne s'empare jamais seul d'un placer. Il est obligé de partager sa fortune avec d'autres compa- gnons de son espèce, de sa famille, ou de sa race, voir môme avec d'autres Coléoptères dont nous nous souvenons bien et dont nous ne parlerons plus; car tout lambeau de terre où la vie a pris naissance n'est pas nécessaire- ment une propriété privée où l'on puisse vivre comme coq en pâte. L'Insecte est cond.imnéau partage ; au plus fort, au plus adroit la part du lion. Aussi la découverte de l'endroit recherché où le Géotrupe puisse couler quelques heures tranquilles est-elle pleine de difûculté ; le jour, tout affairé, courant sur le sol, il s'inquiète peu des pieds qui peuvent le martyriser ; le soir, il prend son essor et, rasant la terre, le bruit sourd que produit son vol révèle sa présence. Sans cesse en mouvement, il semble ne se re- poser jamais. S'il ne prend ses ébats que le soir, c'est qu'il préfère la nuit pour s'accoupler et assurer le sort de sa progéniture. Son séjour dans un milieu malpropre, ses habitudes fouisseuses, exposent le Géotrupe à être envahi par ces mômes parasites que nous avons déjà vus sur le corps du Nécrophore dans des circonstances semblables. On aperçoit les Acarides courant les uns après les autres sous le thorax et l'abdomen, et ils deviennent d'au- tant plus nombreux que le Géotrupe est plus épuisé et qu'à bout de forces, il approche de sa fin. En automne on trouve çà et là ccColéoptère étendu sur le dos, cadavre desséché, les pat- tes raides et écartées, et abandonné de ces pa- rasites eux-mômes. Il est mort de sa mort naturelle, tandis que d'autres de ses frères sont, de même que certains Bourdons, deve- nus la proie d'une Pie-Grièche qui les a em- palés sur une épine. Le temps fait disparaître tout ce qui pour- rait révéler la demeure future du Géotrupe ; un enfoncement circulaire avec quelques ondula- tions indique seul son emplacement. Durant l'été et l'automne la Larve poursuit son déve- loppement au fond du conduit souterrain, passe à l'état de Nymphe et finalement d'In- secte parfait, lequel sort au printemps suivant pour inaugurer sa résurrerlion en se mettant à l'œuvre dont nous avons esquissé le tableau. LE GÉOTRIPE l'RlIXTAMKR. — GnOTltl l'IS lEIiiS ALIS. Der fruhlings Rosshafer. Le Géotrupe printanier {Geotmpes vemalis) est la plus petite des espèces de France et d'Allemagne : elle n'a que 13 à 15 millimètres de long, sa surface dorsale polie est d'un noir bleuâtre ou d'un beau bleu d'acier; le dessous du corps et les cuisses sont bleu ou bleu violet ; les jambes sont noires ou en parlie bleuâtres. LE GEOTRUPE STERCORAIRE. - STEIiCOKJHlUS. GEOTIWI'ES Gemeiner Rosskàfer. Le Géotrupe stercoraire {Geolrupes slercorn- rius) a les élytres fortement sillonnées ; il est Fig. 297. — Géotrupe stercoraire. de couleur noire en dessus avec des reflets bleus ou verts, sur le pourtour du thorax et des élytres, le dessous est bleu-violet; sa taille mesure 16 à 27 millimètres (fig 207). 196 LE LÈTHRE A GROSSE TÈTE. C'est le seul Géolrupe dont la Larve soit con- nue avec certitude ; elle est caractérisée par ses antennes de 4 articles et par ses fortes man- dibules arquées, tridentées et armées, au mi- lieu, d'une dent trifide, à la base, d'une dent molaire. LE GIJOTRIPE PHALANGISTE. — liOETRUPES TVPIIMVS. Du!i Dreihorn. Le Géolrupe phalangiste (fig. 298) est notre jilus belle espèce; remarquable par la forme du corselet du mâle auquel 3 cornes dirigées in avant, ainsi que le mpi-^^sente notre gravure KIg. 'iJb. (Jrotrupc 'lypliieuf. donnent le plus singulier aspect. Les élytres, im peu plus aplaties que chez les autres es- l»èces, sont d'un noir pur très brillant, ainsi que le reste du corps. Gomme cette espèce a les mandibules armées d'une dent externe avant la dent terminale, les lobes internes de la mâchoire plus dévelop- pés et le menton moins profondément découpé, les autours systématiques ont proposé de la séparei des autres sous le nom générique de Ceratop/njus ou de Miiiotaurus. Elle se trouve de préférence sur les pâturages secs où paissent les Moutons, dont les excré- ments, et peut-ôlre ceux des Cerfs et des Che- vreuils, constituent la nourriture de prédilection de la Larve et de l'Insecte parfait. Nous signalerons encore parmi les espèces françaises le G. mulalor, de toute la France; le G. hypocrila ou pilularius, espèce plutôt méri- dionale ; le G. sylvalicus, habitant de nos bois, et le brillant G. corruscan^:, aux reflets vert cui- vreux, d'Espagne et des Pyrénées. LES LÈTHRES — LETHRUS (1) Caractères. — Les Lelhrus se rattachent (1) Étjmologie incoiiiiue. étroitement aux Géotrupes par la conformation générale du corps, mais se distinguent toute- fois des autres membres de la famille par leurs antennes dont les deux derniers articles sont inclus dans le troisième qui les précède, comme léserait un oignon dans sa pelure, d'où l'un des noms allemands de ce Coprophage {Ziviebd- hornkàfer). Par suite de cette structure les antennes ns se déploient pas en éventail et ne semblent formées que de 9 articles. Les mandibules sont grandes, dentées du côté interne et encore plus remarquables chez le mâle, où elles sont armées en dessous d'une grande corne ((ig. 294). Oiatribution géographiiiae. — Ce genre asiatique, composé de quelques espèces, s'é- tend depuis la Sibérie jusqu'en Russie, et une espèce [Lelhrus cephalotes) arrive môme jus- qu'en Autriche où elle habite les régions sè- ches et sablonneuses. lUœuri, habitudes, régime. — Les mœurs curieuses de ces Scarabéides méritent atten- tion; aussi allons-nous les décrire. LE LÈTHRE A GROSSE TÈTE. — LETHliVS CEPHALOTES. Rebemchneider. Ce Coléoptère, par les dommages sensibles qu'il peut occasionner dans les Vignes, a sa attirer depuis longtemps l'attention des culti- vateurs hongrois et a reçu également le nom de Coupeiw de Vigne. D'un noir mat ponctué, aux élytres fort courtes formant presque un demi-cercle, il mesure une vingtaine de millimètres. Les Lètbres se tiennent dans le fumier (Jèsséché et auprès des racines de plantes vivaces, où ils vivent par couple, renfermés dans des trous creusés sous terre. Dès le premier printemps, quand les chauds rayons du soleil pénètrentle sol etfont pousser les bourgeons de la Vigne, on aperçoit sur la terre de nombreux trous semblables à ceux qui se voient sur les pâturages et les clairières des bois et qui sont dus à nos Coprophages indigènes. C'est surtout le matin et après trois heures de l'après-midi, que les Lelhrus sortent de leurs retraites, mais pour y ren- trer aussitôt, à l'instar du Grillon champêtre, dès que le moindre bruit les met en alerte. S'ils ne sont pas dérangés, ils s'avancent en toute hâte auprès des Vignes, coupent les bour- geons et les jeunes pousses devant ou non don- LliS TROX 197 lier des raisins, et les enli'aîaent dans leurs puits en marchant à reculons. Ce manège dure tout l'été; par un temps pluvieux, le Coupeur de la Vigne ne se montre pas, et pendant les vendanges il est devenu introuvable. D"après Erirhson, le Coléoptère moissonne aussi les Graminées et les feuilles lie Pissenlit. Mais comme aucun observateur ne parle de la nourriture des Lèllires, et qu'il n'est question que de la coupe des pousses de la Vigne, il est permis de croire que les fragments végétaux fanés servent à la nourriture de l'iu- .M'cte, mais surtout et en premier lieu à l'ali- luenlalionde la couvée. Lorsqu'une provision suffisante a été introduite, la femelle pond un seul œuf; elle creuse ensuite de nouveaux trous où elle dispose successivement à la façon des néotrupes les rations destinées à chacun de ses enfants. Apres avoir assuré le sort de sa progéni- ture, le Lethrus a parcouru le cycle de son évo- lution, et ses descendants ne verront le jour qu'après l'hiver, pour remplir les mêmes fonc- tions. Il est dirpicile, sans nuire aux racines des ceps, de déterrer le Lethrus, aussi, en raison de cet obstacle permanent, la Larve et le déve- loppementde notre ennemi delà Vigne ne sont- ils pas encore suffisamment connus. LES TROGINES — TROGIN-E Caractères. — L'abdomen ne compte plus que cinq segments ; le- pattes antérieures, au liou d'être destinées à fouir, ne servent qu'à la locomotion, aussi ne s'élargissent-elles pas el leurs hanches sont- elles très brèves; les élytres recouvrent complètement l'abdomen. Leurs organes buccaux ne présentent rien de particulier. LES TROX — TROX (1) Ces Insectes, de taille moyenne, de forme ovale, aux téguments solides et raboteux, aux élytres tuberculeuses, aux ailes développées ou avortées, vivent dans les endroits sablonneux, et leur corps est souvent couvert de terre; rare exception chez les Scarabéides, ils recher- chent les cadavres dont ils dévorent les ten- dons. Par le frottement de leurs élytres con- (I) Mfw;, qui ronge. Ire l'abdomen ils font entendre une stridula- tion. Les Tvox perlatus, /lis/ndii.i, scaOcr, sabiilosus (fig. 299], sont des espèces^ indigènes. Fis. •.199. — Tro\ des sablas. Le deuxième groupe des Lamellicornes, celui des Pleuroslictica, comme les appelle La- cordaire, à cause de la différence de position de leurs stigmates abdominaux, comprend les Phytophages, que l'on partage en cinq grandes divisions : les Mélolonthines, les Enchirines, les Ridélines, les Dynaslinei el les Cétonines. LES MÉLOLONTIIINES — MELOLON- IHINM Die Melolonthinen. L'étude de ce groupe si riche, dont le Hanne- ton est le type par excellence, est un des plus difficiles de la famille des Scarabéides, car la distinction des espèces repose souvent sur les particularités les plus minutieuses; une grande uniformité dans la distribution des couleurs, brune, gris-brun ou noire, ainsi que dans la physionomie générale caractérise tous ces Coléoptères, si voisins les uns des autres. On attache surtout quelque importance : en première ligne, aux pièces de la bouche, à la forme des hanches, à la conformation du der- nier anneau abdominal; et, en deuxième ligne, à la forme du scutellum, aux dentelures des jambes, aux différences sexuelles, aux griffes doubles et toujours égales qui terminent les pattes, etc. Caractères. — La tête est le plus souvent carrée ou largement arrondie, ou parabolique en avant des yeux et rebordée au moins sur le bord antérieur; une suture sépare générale- ment le chaperon du front; les yeux sont presque toujours volumineux et globuleux, engagés dans le prolhorax et entamés par une expansion des joues ; les antennes ont sept, huit, neuf ou dix articles ; la massue, trois à 198 LE Hanneton commun. sept; les mandibules ne dépassent pas le cha- peron; le prothorax est généralement de la largeur des élytres ; celles-ci laissent à décou- vert l'extrémité de l'abdomen; les pattes anté- rieures sont plus longues chez les mâles que chez les femelles, mais leurs jambes sont plus robustes et plus profondément dentées chez les lenielles ; les trois derniers stigmates abdomi- naux divergent faiblement. l.eurs larves, autant qu'on les connaît, se nourrissent de racines, tandis que les In- sectes parfaits dévorent les feuilles; aussi cer- taines espèces peuvent devenir au plus haut degré nuisibles aux cultures, lorsqu'elles ap- paraissent en grandes masses concentrées en certains points. Uistribulion géo^s^raphique. — On compte près de 2,000 espèces de Mélolonthides (1931) ; l'Europe nourrit le moins de Mélolonthides (94), l'Afrique le plus grand nombre (361), l'Asie, l'Amérique du Nord et l'Australie cha- cune environ (de 103-121) une quantité égale, l'Amérique méridionale i64. LES MÉLOLONTHES — MELO- LONTHA (1) Le genre Mélolonlhe se distingue de ses voisins: pnrlesl feuillets allongés, qui forment l'ig. :JUU. - Aiueiines du Hanneton foulon niàle. Fig. 3Ul. — Antennes de la femelle du Hanneton commun. la massue de l'antenne chez le mâle (fig. 300), tandis que chez la femelle (fig. 301), ces feuillets sont plus courts et au nombre de 6 seulement; par les griffes dentées à leur base dans les deux sexes. Le Hanneton commun {Mdolontha vulgarU) donne une idée très fidèle du gioupe entier. LE HAIViXUTOJi COMMUN. — MELOl.OATUA lULG.tltlS. Gemeincr Maikafcr. C'aracU-res. — Le Hanneton commun est trop connu pour que nous en fassions une lon- (I) Mr,'/ 'f, !jAri, Hanjieton. gue description; il se reconnaît à ses taches triangulaires d'un blanc crayeux rangées sur les côtés de l'abdomen, à la longue pointe qui termine l'extrémité abdominale, à la couleur testacée des antennes, des jambes et des ély- tres tranchant sur le fond noir général, et en- core à la pulvérulence blanche répandue g"! et là sur le corps, pulvérulence qui disparaît plus ou moins par le frottement chez les vieux in- dividus. Une variété au corselet rouge est assez fré- quente. La jeunesse allemande désigne les in- dividus ainsi colorés par le nom de « Turcs rouges » ; les jeunes garçons de l'Alsace nom- ment les Hannetons à thorax rouge des «rois » et ceux à pattes noires des « rois maures ». Les gamins de Strasbourg appellent plaisam- ment le Hanneton : Maiatzel {mev\e de mai) au lieu de Maikàfev. Les Anglais appellent cet Insecte Cockc/iaft7\ C'est à son apparition au mois de mai que le Hanneton doit son nom allemand de « Scarabée de mai », Maikàfev ; mais il ne fau- drait pas en conclure qu'il ne se montre pas pendant d'autres mois. Mœurs, habitudes, régime. — Un prin- temps doux engage le Hanneton à sortir de terre en avril ; un printemps pluvieux le con- traint à rester dans le sol, aussi n'apparaîl-il qu'en juin. On peut dire que dans les années dites « à Hannetons », notre Insecte vole depuis le mois de mai jusqu'à la mi-juin. Les quelques cas d'apparition de Hannetons en septembre et mars sont tout exceptionnels et eu dehors de leur période normale ; mais ils se présentent toujours et doivent être attri- bués au labour actif de la charrue qui ramène ces Insectes à la surface. Aussitôt que ces Coléoptères sont sortis de terre et s'ils ne sont pas gênés parle mauvais temps, ils prennent leur essor non seulement dans les soirées chaudes, oii, pleins d'acti- vité, ils cherchent à se nourrir et à s'accoupler, mais se montrent encore très remuants pendant le jour soit en plein soleil, soit par un temps lourd. Lorsque le Hanneton veut prendre son es- sor, il fait provision d'air ; il imprime à tout son corps un mouvement de va-et-vient, en maintenant ses élyties entr'ouvertes : on dit alors qu'il compte ses écus. Il remplit ainsi ses trachées et les ampoules aériennes qui sont disséminées dans tout son corps, ainsi que le montre la belle figure donnée par Strass- LU HANNETON COMMUN. l<)9 Dnrckeim que nous avons reproduite (p. 41 ; llg. 82). D'après les rccherchus de Landois,les branches qui émanent des troncs principaiix de ces tubes et qui de là se rendent dans les diverses parties du corps renferment jusqu'à 550 vésicules en partie plus grandes chez le mâle que chez la f(;mellc. Les Hannetons surgissent d'ordinaire dans des localités déterminées, et leur apparition en grandes masses se rattache à un cycle pé- riodique. Dans la plupart des contrées de l'Allemagne on voit tous les quatre ans, d'après Ralzeburg, le retour de leur néfaste apparition. En Fran- CDuie, on signale les années 1805, 1809... 1857, 18CI, 18C5, 1869, 1S73; en Weslphalie 18^.8, 1862, 1861-., 1870, 1874; à Berlin 1828, 1832, 1836... 18G0, 1861, 1SC8, 1872, comme remar- quables par l'invasion de ces Coléoptères. Dans la plus grande partie de la Saxe on admet par tradition que les années bissextiles sont aussi des années à Hannetons. En Suisse les grandes apparitions se repro- duisent tous les trois ans, comme sur les bords du Rhin et en France. Dans la circonscription de Bâle et dans la région qui en France s'étend jusqu'au Jura et au Rhin les années 1830, 1833, 1836, 1839 furent néfastes. Dans le pays de Berne, dans les parties occidentales et sep- tentrionales de la Suisse, les années 1831, 18ji, 1837, 1840, etc., ont été remarquées. Dans le canton d'Uri, ainsi qu'au sud etàrorientdulac de Lucerne, on a signalé des invasions en 1832, 1835, 1838, 1841, etc. Sur le Rhin les années 1836, 1839 et 1852; sur le Weser les années 1838, 1841 et 1844, furent riches en Hannetons. Cette différence d'une année dans le cycle évolutif chez un môme animal réside dans des causes locales; quelques degrés de plus ou de moins dans la température moyenne doivent en être la cause principale. Dans l'année bis- sextile 18C4, qui fut en Allemagne une année à Hannetons, ceux-ci, à cause de l'inclémence de la saison, ne se montrèrent qu'aux 13 et 14 mai, et en quantité si prodigieuse que le sol était par places entièrement criblé par leurs trous de sortie, lis se livrèrent à leurs dépréda- tions jusqu'à la mi-juin, et dépouillèrent com- plètement les plus beaux Chênes de leur feuil- lage pour disparaître ensuite totalement; ce- pendant on trouvait encore le 8 et môme le '28 Juillet quelques paires accouplées. Qui ne les a vus par paquets de quatre et davantage grimpant surlesChCncs elles arbres fruitiers déjà dépouillés, se débattant, se dis- putant une rare nourriture ou une femelle ; qui ne les a vus, en traversant un bois effeuillé dans une année qui leur est favorable, se dé- mener sur les épis de seigle, les tiges des gra- minées ou d'autres plantes basses? ils sont si nombreux que l'air est empesté par l'odeur dégoûtante qu'exhalent leurs excréments. Ce n'est que dans la nuit avancée et le matin de bonne heure que, suspendus par leurs pat- tes rapprochées, ils se reposent sur les arbres et les buissons, surtout sur les Pruniers, les Cerisiers de nos jardins et sur les Chênes, les Marronniers, les Érables, les Peupliers et la plupart des autres arbres feuillus des forôls. C'est alors qu'il est le plus facile de les faire tomber et de les ramasser en frappant brus- quement les troncs d'arbres et non pas en les secouant. La femelle fécondée demeure plusieurs jours avant que les œufs aient atteint la maturité nécessaire à la ponte ; puis elle gagne un sol meuble de préférence à d'autres terrains com- pacts, calcaires ou sablonneux et y pond à une profondeur de 5 à 7 centimètres une tren- taine d'œufs un peu allongés, de la grosseur d'un grain de chènevis et légèrement aplatis, qu'elle dépose par petits tas (voir fig. 302). Ce travail accompli, elle ne reparaît plus, quel- quefois elle se montre encore à la surface du sol ; mais, épuisée par une telle dépense de for- ces, elle n'a qu'à subir le même sort que le mâle et à succomber. Quatre à six semaines après, les Larves sont écloses et se mettent à ronger les fines radi- celles des plantes avoisinantes jusque vers la fin de septembre, époque à laquelle elles ont atteint une vingtaine de millimètres et la gros- seur d'une petite plume d'oie, après quoi elles pénètrent profondément en terre à 40, 50 el même 60 centimètres, suivant que le thermo- mètre s'abaisse plus ou moins, pour y subir !o sommeil hivernal. Au retour delà belle saison, elles remontent vers la surface et se livrent à leur travail de destruction avec une ardeur redoublée etréparentleurs forcespar unenour- riture succulente. Alors, âgées d'un an environ, elles sont devenues plus volumineuses; leur activité dévorante et les dégâts qu'elles com- mettent les obligent à se disperser de plus en plus. C'est pendant les jours les plus longs de l'année jusqu'à l'équinoxe d'automne que les ravages qu'elles occasionnent sont le plus ap- 200 LE HANNETON COMMUN. préciables. A partir de ce moment, elles redes- cendent et subissent leur deuxième sommeil hivernal toujours à des profondeurs variables suivant la rigueur de la température. Après ce repos, elles se rapprochent de la surface et re- commencent leurs déprédations. Quand trois années se sont écoulées depuis la ponte, elles ont pris tout leur accroissement et sont aptes à se transformer en Nymphes; elles s'enfoncent de nouveau dans la profondeur du sol à 1 mètre, 1"',50, et l'on peut admettre que de août à septembre tous les Vers blancs d'une seule et môme année passent à l'état de Nym- phe. Avant l'entrée de l'hiver les Hannetons sont entièrement développés et prêts à remplir toutes leurs fonctions, mais s'ils ne sont pas dérangés, ils restent couchés dans leur ber- ceau jusqu'au printemps suivant. Suivant la profondeur et la consistance du terrain le Hanneton a besoin de plus ou moins Fig. -Mij. Fig. 302. OEufs. — Fig. 303. Larve âgée d'un an.- Fig. 304. Larve âgée de trois ans. —Fig. 305. Nymplie vue en dessus. — Fig. 306. IVymplie vue en dessous. de temps pour se dégager et apparaître à la surface du sol ; il choisit toujours pour se mon- trer les heures de la soirée. La Larve ou Ver blanc est un ennemi trop redoutable de nos cultures pour que nous passions sous silence sa conformation ex- térieure, bien que nous en donnions une figure. Pour compléter la définition de cette Larve, nous ajouterons : les pattes à 4 articles se terminent par une griffe simple et sont de cou- leur jaune rougeâtre comme la tête ; le corps à rides transversales est d'un blanc sale pas- sant au bleuillre à l'e-xtrémité ; la tête glabre est dépourvue d'yeux, mais porte comme ca- ractère distinctif deux antennes à 4 articles dont l'avant-dernier dépasse le dernier en dessous par un prolongement en forme de dent ; les mandibules sont puissantes à tranche large, entière et noire ; les mâchoires ont les lobes soudés et munies de palpes à 3 articles, et enfin la lèvre supérieure dure, en demi- cercle, et la lèvre inférieure pourvue de pal- pes à 2 articles ferment la bouche des deu.t côtés. Dégâts causés par les Ilannetons. — Ratze- burg, qui a publié un magnifique ouvrage sur les Insectes nuisibles aux forêts, prétend avec raison que « le Hanneton est le plus terrible destructeur de nos cultures » ; sa mullipli- cation est telle qu'il cause des dommages incalculables aux forêts comme aux céréales; Larve, il attaque les racines de nos arbres fruitiers, tout aussi bien que celles des vé- gétaux herbacés; Adulte, il dévore le feuil- lage des Chênes, des Érables, des Peupliers, des Ormes, des Cerisiers, des Pruniers et de bien d'autres; la disette le force à s'attaquer même aux Conifères, du moins aux Pins et aux Mélèzes; s'il s'abat sur les Sapins, ce n'est que pour en dévorer les cLalons mâles. Les Larves que les agriculteurs nomment mans, vers blancs, turcs, meuniers, etc., sont eu réalité les plus redoutables: Ratzeburg rap- porte que dans la plaine de Kolziber elles dé- truisirent plus de mille arpents de Pins de six à sept ans ; Duponchel rappelle qu'elles anéan- tirent trois fois de suite des semis de Chênes faits sur une étendue de 6 hectares ; Vibert men- tionne la destruction de luzernières, de champs d'Orge et d'Avoine, de semis de Pois, de salades, de plants de Fraisiers, etc.; et dans ses propres cultures en 1823 et 18:i6 la disparition de plus cinquante mille planls de Rosiers greffés et non greffés. Ce pépiniériste estime que sur une pièce de terre de trois arpents il y avait plus de 150 mille Vers, c'est-à-dire plus de deux Vers par plant. « Pour la seule année 1825, dit-il, ma perte a surpassé le montant des contribu- tions que ma commune paie à l'état. « M. Mar- saux, directeur de la pépinière forestière de Versailles, compte que de 18G1 à 1862 la perte matérielle de cette pépinière a été de plus de 1 million de plants de toute nature, et que la perte des pépinières de Saint-Germain a été à peu près égale; quant aux déprédations com- mises dans les plantations particulières il rap- porte qu'elles furent incalculables. M. Reiset LK HANNETON COMMUN. -Mi Fig. sul. — naiineton commun, l'ig. .iiis. — niiizotroguc au solstice, au vol. Fig. WJ. — Hanneton foulon. Fig. 307 à 309. — Les Hannetons. estime que d'après les constatations officielles laites en 1866 dans cent soixante et une com- munes du département de la Seine-Inférieure, les dommages furent évalués à2,6i8, 702 francs; si l'on avait étendu l'expertise au département entier et à l'année entière, on serait arrivé à une évaluation dépassant 25 millions. Dans son exploitation, qui comprend une étendue de 100 hectares, cet agriculteur évalue ses pertes à 18,700 francs portant principalement sur la culture de la Betterave ; d'après ses observa- lions, certaines pièces de terre contenaient en moyenne 23 Mans par mèlre superficiel ou 230,000 par hectare; or, comme dans cette étendue de terrain on cultive environ 100,000 pieds de Betteraves , chaque Betterave peut être dévorée par deux Vers blancs ; et comme dans un hectare on élève environ 80,000 pieds de Colza, chaque plante oléagineuse peut être attaquée par plus de deux Vers blancs. Dans le département de l'Aisne, à différentes reprises, la récolte des Betteraves fut sérieuse- ment compromise. Pendant les années dites sans Vers blancs : 1858 on récolta 21,000 kilog. à l'hectare 1859 — 23,800 — 1861 — 25,200 — Pendant les années à Vers blancs : 1857 on ro'-olta seulement 5,000 kilog. à l'hectare. 18C0 — 9,800 — 1862 — 14,900 — Bwillil. — VII. Ce qui constitue une perle de 60 p. 100. En 1864 et 1865, dans l'arrondissement de Saint-Quentin, les plantations de Betteraves furent dévastées, et en 186S la perte sur 10,000 hectares fut estimée à 160 millions de kilogr. de racines (1). Ces quelques évaluations démontrent sura- bondamment combien il est nécessaire de pro- céder à la destruction de pareils hôtes. Destruction de» Hannetons. — • Les LarveS, comme les Insectes adultes, doivent être dé- truits. Quelques Mammifères insectivores sont cer- tainement de grands destructeurs de Mans, la Taupe notamment, et sa voracité est un sûr garant des services qu'elle rend. Pouchet rap- porte que l'une d'elles dévora successivement avec la plus extrême gloutonnerie 15 Vers de terre, 6 Mans et 2 Hannetons ; et tous les ob- servateurs (Flourens, Dugès, Pouchet, etc.) sont d'accord pour affirmer qu'elle ne peut rester un seul jour privée de nourriture sans périr d'inanition. Dans les cultures les Taupes sont des hôtes désagréables qui bouleversent les plantations, élevant dans les prés ces mon- ticules qui font le désespoir du faucheur, creu- sant dans les plates-bandes des galeries sans respecter les racines qui les gênent ; aussi les délruil-on par tous les moyens. (I) Ces derniers renseignements m'ont été obligeam- ment fournis par M. Millet, ancien inspecteur des forêts. Insectes. — 26 202 LE HANNETON COMMUN. Cerlains Oiseaux sont de précieux auxiliaires; les Corbeaux-freux, les Corneilles, les Choucas, les Pies, qui s'aballent sur les sillons, dévorenl tous les Mans que la charrue a mis à découvert, mais, hélas ! ces Oiseaux, s'ils rendent des ser- vices, sont, dit-on, préjudiciables : les bandes rie Freux ne s'attaquent-elles pas aux céréales et ne segorgenl-elles pas de blé gL-rmé, les Cor- neilles, les Pies ne détruisent-elles pas les ni- chées des Oiseaux Insectivores pour nourrir leurs jeunes? L'homme intervient pour di- minuer le nombre de ses serviteurs; ne sait- on pas que l'on organise au printemps de gran- des destructions de Corbeaux dans les forêts et les parcs où ils se sont établis en famille. Depuis 15 ans, dans le déparlement de la Seine, de Seine et-Oise , de Seine-et-Marne , de la .Marne, de l'Oise, de la Seine-Inférieure, de l'Eure on fait des hécatombes au moment où les jeunes quiilent le nid, et cependant on Irouve toujours dans leur estomac des Hunne- • tons, des Mans, du gravier, et seulement, par exception, des jjrains de blé. Les Moineaux, eux aussi, sont des auxiliaires méritants, car ils nourrissent leurs jeunes presque exclusive- ment avec des Insectes et surtout avec des Hannetons qui oll'rent de plantureuses ressour- ces alimentaires; c'est ainsi qu'une nichée de 5 jeunes était alimentée sans relâche depuis A heures du matin jusqu'à 7 heures du soir avec des Hannetons dont les élytres avaient été soi- gneusement enlevés. Mais les Moineaux ont un régime mixte, et, adultes, devenus granivores, ils s'attaquent aux récoltes; l'homme s'inter- pose alors pour ne pas les laisser se multiplier outre mesure ; souvent môme, au lieu de main- tenir un juste équilibre, dans sa fièvre de des Iruclion, il met à prix la tête de ses secoura- bles amis (1). Ti'agricullure ne peut donc se reposer sur les aiiimanx sauvages du soin de sauvegarder ses récolles. On a proposé de faire recueillir les Mans par des femmes et des enfants suivant la charrue; voici quelques chiffres empruntés à M. Reiset qui démontrent les avantages de celte pratique. « Nous avons pu constater les bons résullals obtenus en ramassant avec soin les Mans dans une pièce de terre qui en était in- festée ; trois labours avaient précédé la planta- tion des Colzas, effectuée pendant les premiers jours d'octobre 18G6. Deux femmes suivant la (1) Je dois ces renseignements à l'obligeance de M. Mil- let, aucien inspecteur des roi'cts. charrue avaient ramassé dans 1 hectare 40 ares de terre : Au premier labour. . . Au deuxième labour. . Au troisième labour.. no kilog. de Mans. 111 — C:i — 344 « Quinze journées de femmes employées pour exécuter ce travail ont coûté 16 fr. 50, ce qui représente une dépense de 11 fr. S80 , sur les moyens de prévenir les malheurs causés par Y Anisoplia auslriaca. 11 fut décidé qu'on établi- rait des dépôts de blé et qu'on demanderaitune subvention au gouvernement au fur et à me- sure des besoins. Le professeur Lindemann fit une conférence où il exposa que l'Insecte nui- sible avait ravagé les récoltes dans six gouver- nements : ceux d'Oiel, Toula, Riazan, Voro- nège, Penza et Tamboff. Dans le seul district de Ranembourg, du gouvernement de Riazan, l'Anisoplie avait dévoré des blés pour la somme de 200,000 roubles, soit 7(0,000 francs. Le pro- fesseur conclut que si cet Insecte continuait à se propager, sa présence menaçait la Russie d'une véritable calamité au point de vue écono- mique. Dans la séance du 8 août, le zemstvo de Kamyschin (gouvernement de Saratof) établit que, pour assurer l'alimentation publique du district, et l'ensemencement des terres des paysans, il faudrait 000 mille pouds de blé, et un capital de 800 mille roubles (2 millions 800 mille francs environ). En cette année 1880, les ravages se sont étendus à 18 provinces, et les pertes ont été éva- luées à 1 million de roubles, c'est-à-dire à 350 ou 400 millions. LE PHYLLOPERTHE HORTICOLE. 2' 0 Fig 311 — Clirjsophorc \crt dore Les paysans, pour empêcher les Anisoplies de dévorer leurs blés, imaginèrent de traîner des cordes sur leurs champs a(in de les obliger à s'envoler; mais, hélas! ils ne réussirent qu'à étendre le mal : les Insectes chassés vinrent se poser un peu plus loin et continuèrent leurs méfaits sur la propriété voisine. N'y aurait-il pas lieu, pour amener la dimi- nution du nombre de ces Insectes, de recom- mander une pratique de la Lombardie? pour protéger les champs contre les insectes, on a installé des sortes de petits colombiers où les Moineaux trouvent toutes leurs aises pour ni- difier. Ces nichoirs artificiels ne rendraient-ils pas d'immenses services en Russie? Peut-on craindre la multiplication exagérée des Moi- neaux, puisqu'on a la facilité de détruire leurs couvées si on le juge nécessaire? (Millet.) LES PHYLLOPERTHES — PEYLLO- PERTHA Ces Scarabéides ne sauraient être confondus avec les Anisnplia, dont ils ont le faciès ; la forme du chaperon, celle du labre et la struc- ture des tarses antérieures étant particulières ; en effet le chaperon demi-circulaire ou coupé carrément piésente antérieurement un rebord Breum. — VII. délicat et rectiligne ; le labre est découvert el échancré.Le lobe externe des mâchoires porte six dents, comme chez les Aniso/ilia. Les jam- bes sont munies en dehors de deux dents, et les pattes antérieures se distinguent par leurs griffes plus grandes. LE l'HYLLOPERTHE HORTICOLE. — PHYLLO- rEliril l IIORTICOLA. Gartm-Lauikùfir. Un Coléoptère extrêmement commun et des plus proches voisins des précédents, est le petit Scarabée des roses ou des jardins, le petit Hanneton de la Saint-Jean (Pkylloperlha hortico/a), qui envahit nos jardins où il ronge les plus belles fleurs si on ne prend pas contre lui les précautions nécessaires. Le Phyllopertha horlkola est un Insecte qui atteint de 9 à 11 millimètres de long; il est d'un vert bleuâtre, brillant, très velu, conformé comme l'Anisoplie, mais un peu plus aplati. Sur ses élytres brunes ou noins s'étendent alternativement des stries et des rangées de ponctuations longitudinales et irré- gulières. Ce Coléoptère, très répandu, se montre cha- que année, mais ne paraît pas périodiquement Insectes. — :27 210 LES DYNASTINES. en grandes masses ; il ne dépouille pas seule- ment les plantes d'ornement et les aibres frui- tiers de nos jardins, mais il couvre de ses lé- gions les arbustes de pleine terre, surtout en juin. C'est ainsi que Taschcnberg l'a observé pai millions à Altum, dans l'île de Boskum, vers la lin d'août et au commencement de septembre sur les nerpruns, sur les ronces et les saules nains. Il est paresseux comme ses proches voi- sins, néanmoins il vole en plein soleil ; sa vie est courte certainement, mais son développe- ment demande plusieurs semaines ; car on le rencontre plus ou moins isolément jusque vers l'automne. Là où il apparaît en masse jusqu'à devenir un fléau, on peut le recueillir et le dé! iiirc le matin ou pendantde mauvaisjours en secouant les arbustes oii il se tient et en maintenant au- dessous un parapluie ouvert et renversé. La Larve du /'/(////o//e;7/m vit de racines de di- vers végétaux et n'épargne point celles des plantes cultivées en pot [Saxi/raga, Trol- lius, etc.). Nous devons présumer que le développement s'accomplit dans l'espace d'une année. Nous citerons pour mémoire nn de nos plus jolis Scarabéidfes indigènes, VAnomala xnea, dont la belle couleur vert doré passe quelque- fois au bleu, au violet et au noir, et que l'on capture même aux environs de Paris sur les saules. LesRulélides renferment, à n'en pointdouter, les plus beaux Coléoptères connus. Les Pelid- noUi, les Plusiolis, les C/ialco/ilethis, les Chryso- jihora, les Cluynna ont les plus merveilleuses colorations que l'on puisse rôver, « la nature les a révolues de cuirasses resplendissantes de- v.int lesquelles pâlirait tout le luxe de l'Asie, au jour de triomphe d'un sultan. » Le sauvage lui-niêmeaélé séduit par leur éclatante beauté, et, mariant les resplendissantes élytres du Cliry- sophora clirysochlora aux plumes des ïangara, les Indiens du Uio-Napo ont su composer d'a- gréables parures, notamment des pendeloques pour orner leur chapeau. Les énormes cuisses de ces Rutélides entrent aussi dans la composi- tion des parures de ces Indiens , enfilées comme des perles, elles composent de gracieux colliers. Nous avons représenté un de ces ornements et un collier d'apiès les échantillons rapportés par M. André et Gh. Wiener, qui font partie des collections du musée ethnograpliique (voir plus loin le chapitre consacré aux Buprestes). La figure 311 représente fidèlement le Chry- sophora chi-ysochloia, le Scarabée chargé d'or et de pierres précieuses ; mais, hélas ! l'artiste malgré son talent n'a pu le revêtir des riches tons de sa palette ; il a dû tristement se con- tenter de reproduire les formes avec une scru- puleuse exactitude. LES DYNASTINES — DYNASTINJ^ Die Riesenkâfcr. Die Dijnastinen. Carac<<^reB. — Les Scarabées géants [Dynas- ti'./x) se distinguent du groupe précédent par leurs griffes toujours égales, et du groupe des anthophiles qui va suivre, par leurs hanches antérieures implantées transversalement. Chez eux le chaperon se soude avec la face et mascjue complètement le labre, mais il laisse à découvert le bord extérieur des mandibules. Celles-ci ■■'jnt cornées, dentées à l'intérieur et le plus souvent pourvues, par petites places, de poils ciliés. Le lobe externe de la mâchoire se soude avec la branche interne, de môme que la langue se réunit au menton. Les antennes ont presque toujours 10 articles, dont les 3 ter- minaux forment la massue terminale dans les deux sexes. Les hanches antérieures transver- sales sont enfermées dans leurs cavités coty- loïdes; les 3 derniers stigmates abdominaux divergent fortement en dehors. Les Dynastides possèdent presque tous des organes stridulants qui fournissent des carac- tères génériques que Lacordaire a su utiliser; ce sont généralement des rides transversales ou llexueuses, des rugosités situées sur le pygi- dium sur lesquelles vient frotter le bord pos- térieur des élylres; quelquefois ce sont les élytres qui portent les stries. Ainsi que l'indique leur nom, les Coléoptères de ce groupe renferment les plus grands et les plus massifs non seulement de tous les Lamel- licornes, mais encore de tous les Coléoptères en général. En même temps, c'est ici que se pré- sente d'une manière saisissante les différences sexuelles dont nous avons parlé plus haut. Le plus souvent les mâles ont le piothorax ainsi que la tête surmontés de prolongements en forme de cornes, de pointes de l'aspect le plus étrange, d'excroissances dont la raison d'être est inexplicable et qui ne sont qu'un apanage du sexe mâle; inutiles à la femelle, ces ornements seraient même incommodes et BnEHii, Insectes T. VII, p. 31). PI. VU. IVris, J.-U. Djlllierc cl 111-, i-dil LE DYXASTES HERCULE Mâle et femelle. LE DYNASÏES HERCULE. 211 gOnanls ai plus haut degré lorsqu'elle doit assurer le sort de sa progéniture. Par contre, colle ci a souvent le corselet élargi d'avant en arrière et recouvert de rugosités granu- leuses, ce qui facilite la pénétration dans la terre, dans le terreau ou les troncs pourris, où elle va déposer ses œufs. nuiribution géographique. — Les Sca- rabées géants, au nombre de près de .^00 es- pèces, sont presque exclusivement répartis sur les régions les plus chaudes du globe; moitié d'entre eux sont propres à l'Amérique; quelques-unes des grandes espèces se trouvent éparses dans toutes les contrées de la terre. Mœurs, hahitudes, régime. — Pendant le jour, la plupart de ces Coléoptères se cachent dans le bois décomposé, les troncs des arbres, sous les feuilles sèches ou dans d'autres ca- chettes analogues ; la nuit ils se réveillent dé- ployant leur activité, ils se préparent au vol par de longues aspirations, puis soulèvent sim- I)lement leurs élytres sans les écarter complè- tement. Leur vol lourd, bruyant, s'entend de fort loin. Les quelques Larves qui sont connues vi- vent dans le bois pourri et ressemblent fort à colles des Phyllophages par leurs rides trans- verses et leur extrémité abdominale renflée en sac; leur tête paraît relativement très élroile, eu égard au corps gros et ramassé. Leurs man- dibules se distinguent par des dents termi- nales et des stries transversales sur le côté externe; des poils veloutés, plus ou moins ser- rés et mêlés de quelque soies isolées, recou- vrent tout le corps. La Métamorphose, qui ne s'accomplit qu'au bout de plusieurs années, a lieu dans une co- que solide que la Larve se construit avec les matières qui l'entourent et dans laquelle le Coléoptère attend que ses téguments aient la consistance nécessaire pour s'ouvrir un pas- sage sans s'exposer à subir des froissements ou des compressions; leurs cornes monstrueuses et les diverses autres excroissances étranges dont il n'est pas rare de les voir armés, sem- blent indiciuer d'ailleurs que leur dégagement ne pourrait se faire avant leur complète solidi- licalion. LES DYNASTES — DYNASTES {l) Caractt-res. — Ce genre, indépendamnnnt d'une foule de caractères, se dislingue nette- (I) iu.iir/;:, roi. ment par la présence chez les mâles d'une corne très grande, arquée et plus ou moins dentée, implantée sur le vertex, et d'une corne horizontale plus ou moins longue, velue en dessous, fixée sur le prolhorax. En outre, il existe une saillie derrière les hanches anté- rieures, qui a la forme d'un cône allongé-obtus et est très velue; la naissance de la pointe abdominale (pyg'dium) porte une frange d'as- sez longs poils jaunes. LU nV.NASTCS IIEUCULK — DYIVASTES IlEliCVLES Hercukskàfer. Une certaine célébrité se rattache au màlc du Dynastes Hercule {Pi/nasfes Hirculis) à cause de sa taille énorme et de sa forme bizarre (pi. VII). Il mesure 127 millimètres: tm peu moins de la moi'ié à peu près est la lon- gueur de la corne qui de la région antérieure du prothorax s'étend droit en avant. Cotte corne, tapissée en dessous de soies jaunes, recouvre une deuxième corne d'un tiers plus petite, implantée sur la tôle et recourbée en dessous, (les deux cornes portent la première deux crochets latéraux vers lo milieu, la secot>de plusieurs sur la face interne ; elles sont noires comme le fond de tout le corps sur lequel tranche le vert-olive clair des élytres qui ne présentent que quelques taches noires. Bien didorenle est la feraelle (pl. Vil) : il n'existe aucune trace d'armure sur la lôle ou le thorax; un feutre brun recouvre uniformé- ment le dessus et le dessous du corps; des rugosités grossières donnent à la partie supé- rieure un aspect mat, les extrémités des élytres étant seules lisses ; la teinte générale ne penche point vers le noir pur, mais vers le brun. Ce magnitiiiue Coléoplère habile l'Amérique tropicale, les Antilles, la Colombie ; on le tiouve sur les troncs des vieux arbres au cœur ver- moulu, il recherche la sève qui s'écoule des arbres abattus; on lui prèle une assez singulière habitude, il saisirait entie ses cornes céph^ili- qne et thoracique lesjeunes pousses des arbres et, imprimant à son corps un mouvement de balancement, il volerait circulairoment jusqu'à ce que les branches soient détachées. 11 ne compte pas piécisément parmi les raretés, ainsi que l'atteste sa fréquence dans les collections européennes. Au Mexique se trouve un Dynastes un peu plus petit, le D. Hyllu^; aux États-Unis (Caro- LE SCARABEE NASIGORNE. Une) vit le D. lithyrus; en Colombie habite le D Neptunus d'un noir profond, qui a deux cornes horizontales au prothorax. Moufet a figuré une autre espèce de Dynas- lide du Mexique, l'Éléphant {Megalosoma elephas), dont le mâle porte sur le front une corne fourchue et sur le prothorax trois cor- nes horizontales; et il raconte naïvement à son sujet, que « d'après la loi à laquelle sont soumis les Scarabées {Canthari), il n'a point de femelle, il est son propre créateur; il en- gendrelui-même sa progéniture.» Ce que Jean Camerius fils exprime dans le distique suivant en envoyant une image de cet Insecte à l'ennius : Me neque mas gignit, neque femiiia concipit, autor Ipse milii solus, seminiumque milii. Telles étaient les connaissances des lettrés des siècles passés; incapables d'observer eux- mêmes, ils répétaient les erreurs des anciens, souvent même en les amplifiant. LES ORYCTES — ORYCTES [\\ Caractères. — Les mandibules sont saillan- tes, arrondies à l'extrémité, concaves, et le lobe externe de la mâchoire est lamelliforme, arrondi et cilié ; la lèvre inférieure allongée se termine en pointe; les pattes sont robustes; les jambes antérieures sont fortement triden- tées ou quadridentées, les autres sont pourvues en dehors de deux carènes obliques. La tête porte une corne arquée chez les mâles, un tu- bercule chez les femelles ; le prolhorax, excavé profondément chez les mâles, est impression- né chez les femelles. '' LE SCARABÉE NASICORNE — ORYCTES NJSICOIINIS Nashornkâfer. Sous des apparences plus modestes, se pré- sente notre Orycles nasicorne [Onjctes nasicor- nis, fig. 312eL313),quelesenfantsnomment tous fig. .312. — Le mâle. Fig. 313. — La femelle. Fig. 312 et 313. — Le Scarabée nasicorne. le lîhinccéros; le mâle ne porte qu'une grande corne sur la tête et deux éminences égales sur la saillie située au-dessus de la profonde excavation de la moitié antérieure du corselet; ses élytres sont striées par des rangées de points, et le brun-noir de son corps passe for- tement au rouge en dessous. La femelle n'a point de corne ; un tubercule indique seule- ment la place de l'ornement de son époux. La taille atteint 26 à 27 millimètres. Ce gros Coléoptère affectionne le nord de l'Europe, et vit de préférence dans le tan épuisé qui sert en horticulture à faire les cou- ches chaudes ou que l'on élend sur les roules, par exemple à Hambourg, à Brème, etc. Il ne paraît point rare là où il s'est une fois ins- ' tallé: c'est ainsi qu'il est commun à Paris dans le voisinage des tanneries. Les conditions d'exis- tence qui s'offrent à lui en dehors de l'interven- tion de l'Homme ne se rencontrent pas sou- vent; aussi est-il rare dans nos campagnes. Il se montre en juin-juillet; le mâle vole à la tombée de la nuit à la recherche d'une com- pagne ;ilpérit après l'accouplement, tandis que la femelle s'enfonce dans le tan où elle pond ses œufs séparément. Ceux-ci éclosent à la fin d'août environ, et les Larves mettent plusieurs années à tirer de la maigre provende qui leur est dévolue les maté- riaux utilisables. A l'instar des Larves de Lu- (IJ 'OpOxTï-,:, fossoyeur. CÉTONINES. 213 Fig. 314. — Goliath i nez fourcliu (p. ÎI5\ Fig. 315. — Cétoine dorée (p. 215). Fig. 316. — Tricliie fasciée. canes, elles ont les stigmates plus grands et la lêle sensiblement ponctuée. Pour devenir Nymphes, elles s'enfoncent profondément dans le sol, et se construisent ime coque ovoïde dans laquelle on trouve la Nymphe nu bout d'un mois et le Coléoptère parfait deux mois après; celui-ci reste enfermé jusqu'à sa parfaite consolidation. LES CÉTONINES — CETONIN^ Le groupe le plus nombreux parmi les Sca- rabéides après les Coprines et les Melolon- thines est celui des Cétonines. Ici les formes les plus accomplies, les colorations les plus éclatantes font leur apparition. Caractères. — Le corps ramassé ordinaire- ment, de grosseur moyenne, est sensiblement aplati; il rappelle la forme d'un écusson héral- dique. Les élytres, dont les contours n'enchâs- sent point l'abdomen et qui ne recouvrent pas l'extrémité abdominale, sont réunies le long de la suture; elles se soulèvent légèrement lorsque l'Insecte veut prendre sa volée, mais ne s'écar- tent presque jamais (fig. 53, p. 25 et pi. I), si ce n'est chez les Gnorimus et les Trichim. Les han- ches antérieures sont cylindro-coniques, tandis que les hanches postérieures sont élargies et s'étendent sur le premier anneau abdominal. Le chaperon recouvre la lèvre supérieure ainsi que les mandibules et se soude avec la face, de même que la languette cornée se soude au menton. Les mandibules se compo- sent d'une partie externe cornée, mince, étroite, en forme de lancette obtuse, et d'une partie interne en forme de lamelle; les mâ- choires n'ont pas de lobe interne proprement dit, — une dent cornée la remplace, — leur lobe externe, tantôt en lamelle cornée ou coriace, trigoneou lancéolée, tantôt en crochet ou en griffe, est toujours accompagné d'un faisceau de poils. Les antennes, insérées à découvert au bord antérieur des yeux, comptent 10 arti- cles, dont les 3 derniers forment la massue. Suivant qu'immédiatement derrière l'épaule le bord de l'élytre laisse voir ou non la pièce du métathorax qui porte les hanches {épi- mère), legroupe peut se diviser en deux sections : l'une apparentée aux Cétoines, la plus riche en espèces, et l'autre alliée aux Trichies, relative- ment pauvre. Uistribution géographique. — Plus d'un tiers du groupe entier habite l'Afrique, la vingt cinquième partie tout au plus se trouve en Europe; ils ne sont exclus d'aucune con- trée du globe, et les formes les plus belles sont propres aux zones torrides. Mœurs, habitudes, régime. — Ces Coléo- ptères, amis du soleil, ne redoutent pas la lumière et n'attendent pas la nuit pour sortir de leurs retraites. Représentants les plus no- bles et les plus distingués de la famille des Scarabéides, ils savent apprécier les mets les plus délicats dignes de l'état parfait ; au lieu de se repaître de feuilles vertes, de champignons pourris ou de matières excrémenlitielles, ils recherchent les fleurs aux exhalaisons parfu- mées ou violentes, celles des Églantiers des bois et des Rosiers de nos jardins, celles des Ronces, des Troënes, des Lierres, etc., se repo- 214 LE GOLIATH DE DHURY. senl sur les ombelles des Sureaux, n'hésitenl pas à plonger dans la corolle des Lys. Ils pren- nent part au festin en compagnie des volages Papillons,des Mouches joyeuses et des Abeilles en liumant le nectiir, en dévorant non seule- ment le pollen, mais les étamines elles-mêmes et quelquefois les pétales ; ils se plaisent aussi :\ sncerles humeurs exsudant des troncs d'arbres. Les Larves s'éloignent sensiblement de celles des groupes pré(:édents; leur dernier segment abdominal n'est pas divisé en deux par un sillon Iransver.-al; leur tête, plus étroite, est moins large que le corps, les rides transversales sont moins prononcées sur les anneaux ; une villo- sité veloutée plus forte couvre leur corps. Elles se rapprochent des Larves du Dvnasles géant par les mandibules dentées à l'exlrémilé et striées transversalement sur la face externe. Elles vivent exclusivement dans le bois pourri et réduit à l'état de terreau. LES GOLIATH — GOLIATllUS Les représentants de ce groupe sont les plus remarquables des GiHonines; la taille, l'arma- ture de la tête, l'allongement des pattes anté- rieures chez les mâles, leur donnent une phy- sii)nomie particulière qui étonne et charme. Les Gtilialh sont de magnifiques Insectes dont les dimensions atteignent certainement celles ties Dynastides, mais dont le vêtement est in- liniment plus agiéable; ils n'ont pas, à l'exem- ple des llutélines, les couleurs des métaux pré- cieux, ils Sont vêtus de fin velours dont les nuances noires, blanches, jaunes, violettes, s'iiarmonisenl pour caresser l'œil. Caracti-res. — La tète des mâles Bst allongée, concave, fortement cnrénée latéralement en avant des yeux, et surmontée de deux sortes dit cornes avec le chaperon prolongé en une [grosse pièce paitagée en deux cornes courbes, redressées et tronquées ; la tête des femelles pres(iue plane ne porte pas de cornes ; les pattes antérieures, fort allongées chez les mâles, ont leurs jambes inermes; celles des femelles beaucoup plus courtes ontleurs jambes armées de trois fortes dents. Tels sont les caractères auxquels on reconnaîtra toujours les Goliath (Voy. lig. KiO, p. 89). ■>tRtriliii(ioii Kéournpliîqne. — Les Goliath, dont ou ne compte que S à 6 espèces, — trois sont les plus auciennnement connues, — ha- bitent l'Afriiine australe et particulièrement les côtes de Guiuée. Mœurs, habitudes, régime. — LeurS mœurS sont pour ainsi dire inconnues; suivant le docteur Savage, ils se nourrissent de la sève des arbres. LE GOLIATU DE DIIURY. — GOLIATHVS DliVRM. Ricsen-Goliath. Le mâle du Goliath géant de la Guinée supé- rieure (fig. 16 ), p. 89) atteint le développement maximum : sa longueur, depuis le sommet de la tête jusqu'à l'extrémité de l'abdomen, dé- passe souvent 10 centimètres; en y comprenant les jambes, sa tailie peut mesurer 17 et même 18 centinif'tres. La lêle, inclinée obliquement, porteau dessus desyeux deuxcornes émoussées et dressées, et en avant une corne large, four- chue, ;\ extrémités tronquées. Le menton con- vexe est plus court que large; le lobe externe des mâchoires est bidenté et très fort. Le cor- selet presque circulaire, plus large au milieu, présente sur son contour postérieur 3 sinuo- silésdout la plus petite an-devant du scutellum. Celui-ci est plus porté en arrière que les épau- les, c'est-à-dire que la suture des élylres est plus courte que leur bord exiérieur. Les pattes très longues contrasleni avec celles de la femelle qui sont beaucoup plus courtes, surtout les antérieures. Tels sont les caractères dislinclifs du Goliath mâle. Ce Coléoptère porte un vêtement de veLmrs blanc nacré ; le corselet est relevé par 6 bandes longitudinales noires : les élytres sont ornées d'une large bande longitudinale de velours noir. La femelle (fig. ICO, p. 89^ a plus de brillant et point d'ornement céplialiiiue, mais porte 3 dents aux jambes antérieures. Ce beau Coléoptère est connu en Europe depuis 177(1, et il est si recherché parlescollec- lionneurs que la paire en a été payée jusqu'à SUlhalers (112fr. 50). Nous citerons encore le G. cacicus, au thorax de velours-chamois coupé de 6 bandes de ve- lours noir violacé, aux élylres de velours blanc nacré relevées d'une tache triangulaire noire sur les épaul s, et le G. gif/nnlens, au thorax de velour-> blanc relevé de 6 bandes de ve- lours noir, aux élytres de velours violet cou- pées à la base d'une bande de velours blanc sinueuse, espèce des plus rares et des plus re- marquables, que les colleclionneurs se dispu- tent à piix d'ur; il peut valoir ôo, 100 et même ioO francs. LA CÉTOINE DOREE, 215 LES CÉnATOWHimiS — CERATORHINA Gabitnase. Les Cératorhines, apparentées aux Golialhs, composent un genre magnifique. De grande taille, porteurs de riches vêlements, armés — du moins les mâles — de singuliers appendices céphaliques ; ces Insectes comptent parmi les plus beaux Coléoptères. Caractères. — Le genre Cerathovina est ca- ractérisé parla saillie antécoxale du prothornx ; saillie qui est large, plane et arrondie ou an- guleuse à l'extrémité; et par la forme de la mâchoire dont le lobe externe est denliforme, oblique et porteur d'un pinceau de poils; tan- dis que la branche interne, iaermechezle mâle, est terminée le plus souvent par une dent chez la femelle. Distribution séogfrapliique. — Les 23 es- pèces actuellement décrites sont toutes afri- caines. Nous signalons : LE GOLIATH A IVE7. FOUr.CllU. — CERATOniIllSJ [DlCRAISORllllSA) SMITHI. Ce Scarabéide, remarquable non pas tant par sa taille que par d'autres particularités inté- ressantes, nous donne une idée très exacte de la conformation de ces Cétonines. Ce beau CoIéoptère(rig. 314) est vert bronzé; les ély très jaunâtres ont chacune 2 taches noi- res et une bordure de même couleur; en des- sous l'abdomen est rouge ; les cuisses, les jambes sont rougeâtres. La femelle, un peu plus large, n'a point d'ar- ruure sur la tête; ses pattes sont plus courtes et ses jambes antérieures ont leur extrémité plus élargie, pourvue en dehors de 3 dents tranchanles qui manquent sur le côté interne qui est pourvu de petites dentelures. LES CÉTOINES — CETONIA (1) Caractèros. — Les Cétoines proprement dites ont pour la plupart le lobe extrême des mâchoires en crochet simple et le lobe interne armé d'une dent ; leur prothorax trapézoïdal est échancré très fortement à la base ; leur pro- sternum présente très rarement une saillie en avant des cuisses ; toutes, à quelques excep- (1) Étjmologie inconnue. lions près, ont de belles couleurs à lellcls mé- talliques. Ulatribution sroerapliiqiic. — Ces Scara- béides sont européens et asiatiques ; les con- trées circa-méditerranéennes sont riches en es- pèces ; on en a décrit plus d'une cent line (127). Mœurs, habitudes, réj^imrs. — Esseilliello- ment floricoles, à l'état parfait, leurs Larves vivent dans le bois décomposé. LA CÉTOINE DORÉE. — CEIOMJ AUKAIA. Gemeiner Gollkafcr. Caractères. — Le Scarabée des Roses ou Cétoine dorée {CeUmia aurata) représente la forme fondamentale du j;roupe entier (lig 313); elle se distingue de quelques autres espèces fort voisines par une ligne saillante qui s'étend de chaque côté de la suture des élytres et qui apparaît comme un sillon, par un appen- dice en forme de bouton au mésosternum; le dessous du corps est d'un rouge cuivré, lu dessus vert doré brillant, très rarement bleu et encore plus rarement noir. Le chaperon est coupé droit en avant et à bords saillants et épais; le corselet est ponctué seulement et fortement sur les côtés. Moeurs, habitudes, rrginie. — Qui ne Con- naît ce Coléoptère vert doré aux élytres coupées sur leur moitié postérieure de lignes transver- sales couvertes d'écaillés; qui ne l'a vu sous les chauds rayons du soleil, voltiger çà et là, faisant entendre son bourdonnement sonore parmi les plantes elles arbustes en fleur, tantôt se posant sur les Roses, les Spirées, les lUiu- barbes, ou sur les Épines, Us Troènes, les Boules-de-neige sauvages, les Lierres et cent autres? Elles paraissent dormir alors que, tran- quilles, elles rongent les ctamines des fleurs ou lèchent les sucs qui s'écoulent des nectaires. Souvent elles se réunissent sur l'inflores- cence dis Ombellifères ensoleillées, cU'on aper- çoit en môme temps quatre ou cinq individus qui scinlilleut comme des pierres précieuses. Lorsque le soleil brille de tout son éclat, soudain, au gré de ses caprices, la Cétoine part en bour- donnant, les longues ailes étendues hors des élytres à peine soulevées (fig. 53, p. 23 et pi. I). Le ciel est-il couvert, elle reste posée des heures entières à la même place comme endormie, ef, si le temps devient désagréable, elle se cache au miheu de l'ombelle, ou s'enibnce dans le cœur des Roses. Si on la saisit, elle rejette par derrière un liquide blanc, gras, salissant, d'une 216 LES TRICHIES. odeur désagréable, dans le but évident de re- conquérir sa liberté. On voit quelquefois, lançant de tous côtés leurs feux étincelants, les Cétoines réunies en troupes serrées sur de vieux Chênes ou d'autres arbres dont les plaies laissent exsuder une sève malade. Attirées comme bien d'autres Insectes, elles y trouvent toutes les jouissances des gastronomes accomplis. « Jamais je n'oublierai que dans la lande de Dessau, si aimée des Entomologistes collec- tionneurs du voisinage, un jour, sous la cime d'un vieux Chêne planté au centre d'une clai- rière, j'aperçus au beau milieu d'une pha- lange serrée de Cétoines communes une espèce beaucoup plus rare, la Celonia spe- ciosissima, qui brillait de l'or le plus pur, comme une perle sur un diadème. Il était impossible de l'atteindre, mais la tenta- tion était trop grande pour ne pas tout essayer pour entrer en possession d'un tel joyau. Me servant de ma canne comme d'un javelot, je fus assez heureux, après quelques essais infructueux, de faire tomber la Cetonia spe- ciosis'u'ma avec quelques-unes des autres Cé- toines vulgaires effrayées et surprises, tandis que le gros de la troupe s'envola tranquille- ment au loin en bourdonnant (Taschenberg).» Fig. 317. — Caoma al finis. Les Cétoines ne sont pas, à proprement par- ler, nuisibles; mais dans un jardin, en ron- geant les Roses, elles les rendent difformes. Si on se propose de recueillir des graines de quelques plantes, on peut être déçu ; man- geant les étamines et dévorant le pollen des fleurs, elles empêchent la fructification. Ce n'est pas elle, mais une autre très voi- sine, propre à l'Europe méridionale, qu'Aristote a nommée Melolontha aurata; celte dernière, concurremment avec le Hanneton, servait de jouet à la jeunesse grecque qui exerçait sur elle mille cruautés enfantines; ce qui était inévi- table, elle servait en même temps de remède. Semblable au Ver blanc, la Larve est munie d'un chaperon et d'une lèvre supérieure, de mandibules inégales, de palpes maxillaires à 4 articles, de palpes labiaux à 2 articles et d'an- tennes à 4 articles, le dernier étranglé et finis- sant en pointe émoussée. Les pattes, courtes, sont privées de griffes et se terminent par un bouton obtus. Un bourrelet saillant sépare la ré- gion ventrale de la partie dorsale de l'abdomen. Elle vit dans le bois pourri, dans le terreau, et se trouve en quantité dans les Fourmilières de la Formica rufa où elle se nourrit des par- celles ligneuses que les Fourmis emploient dans leurs constructions et qui finissent par tomber en décomposition. Au bout de trois ans, arrivée au terme de son accroissement, elle se construit, avec des dé- bris de bois qu'elle agglutine avec soin, une coque solide dont elle polit l'intérieur avec grand soin; ainsi protégée contre les accidents et les intempéries, elle se transforme en Nymphe. LA CÉTOINE MARBRÉE. —CETONIA MARMOBJTA. • Marmorirte Ceionie. La Cétoine marbrée (Cetonia marmorata), d'un brun foncé avec quelques lignes fines et blanches ainsi que quelques ponctuations sur la face dorsale très brillante, est un peu plus grande et plus rare que l'espèce précédente. On la trouve presque toujours dans les vieux saules, ou léchant la sève qui en exsude; c'est dans leurs troncs vermoulus ainsi que dans ceux des Chênes et des Châtaigniers, que la Larve trouve sa nourriture. Nous citerons encore parmi nos Cétoines indigènes, la C. Flurkola, aux innombrables variétés teintées de mille façons, depuis le vert bronzé jusqu'au violet métallique; la grande et belle C. fpeciocissima, vert doré, aux rebords des élytres bleu-violet; les C. af finis (fig. 317), floiicola, opaca, morio, sticlica, hirlella, squalida. LES TRICHIES — TRICHIUS (1) Caractères. — Les Trichius ou Scarabées à pinceaux se distinguent des précédents par la conformation de leur corps qui a subi d'im- portantes modifications. Leur corselet est plus discoïde et non découpé auprès du scutellium, ou plutôt relevé en bourrelet sur le bord et 11) 0(.i?, poil. LES4irRIGHIES. 217 Fig. 322. Fig. 320. Fig. 318. Fig. 319. Fig. .321. Fig. 323. Fig. 318. Fig. 318 à 323. — Ornements des Sauvages de l'Amérique du Sud (p. 222i et Féticlies des Nègres. Fig. 318. — Collier fait avec les cuisses du Cltrysophora chrysochlova par les Indiens du liio-ÎVapo. (Musée etlmograpliique.) Fig. 319. — Pendeloques des Indiens du Rio-Napo fabri- qués avec des os, des graines, des dents de singes et des élytres de Chrysophora. (Musée ethnographique.) Fig. 320. — Coque ovigère ou oothèque d'une Mante suspendue à une Idole nègre. (Musée des Colonies.) Fig. 321. — Pendeloque de boucle d'oreilles en usage chez les Roucouyennes (bords de l'Ama- zone) ; elle est composée d'une queue d'Écureuil ornée de plumes noires et blan- ches de Trogon, de plumes bleues pâles de Brehm. — VII. Muiiaquin, de plumes rouges de la queue d'un Pyranya à laquelle est suspendue une sorte de petit lustre chargé d'élytres de Buprestes géants. (Musée ethnographi- que : coll. Crevaux ; coll. Pinart et an- cienne coll. du cabinet du roi.) Fig. 322. — Cocon de Bombycide (Oikelicus) suspendu à une Idole nègre. (Musée des Colonies.) Fig. 323. — Une pendeloque constituant la frange d'un ornement de bras fait entièrement d'os enfilés en usage chez les Indiens du Rio- Napo. La pendeloque est composée de graines et d'élytres de Buprestes géants. (Musée ethnographique : collection An- dré.') Insectes. — 28 218 LA TRICHIE PASCIÉE. leurs élytres moins larges ne sont pas échan- crés aux épaules. Ici les élytres n'étant pas sinués sur leurs bords externes pour livrer pas- sage aux ailes doivent s'écarter pendant le vol. Les Larves se rapprochent davantage de celles des Mélolonlhidos, elles en diCFèrent surtout par la forme de l'anus, l'ouverture anale étant trilobée; la moitié supérieure du lobe transversal se termine en pointe au milieu, tandis que la moitié inférieure présente au même endroit une fente courte. LA TRICHIE ERMITE. — OSMODERMA EltEVITA. Lederkâfer. La Trichie ermite ou Scarabée à odeur de cuir(fig. 324), mérite d'être mentionnée comme Fig. .324. — La Trichie ermite. la plus grande espèce de cette section en Eu- rope où elle représente les Goliaths, si nous considérons sa conformation générale et cette circonstance particulière que ses hanches sont encore visibles d'en haut. Caractères. — Ce Coléoptère d'uu brun noir brillant à reflets violets a de 26 à 33 millimètres de long ; il a : la région dorsale antérieure lon- gitudinalement sillonnée; les élytres sensible- ment plus élargies et rugueuses; le corselet excavé et à bords relevés; le mâle a au de- vant des yeux un crochet dressé, tandis que la femelle est dépourvue de cette excroissance. Le lobe externe de la mâchoire est grand, brièvement triangulaire, pointu et corné, tandis que le lobe interne, plus petit, se termine par une dent pointue et crochue. mœurs, habitudes, régime. — Cet InseCte que nous appelions pendant notre enfance, à cause de son odeur qui rappelle celle du cuir de Russie, le Scarabée à odeur de cuir, a comme tous ses congénères une allure en- gourdie et ne se trouve jamais sur les fleurs, mais sur les troncs pourris. Les Saules sont la résidence la plus répandue de notre Co- léoptère; les Chênes, Hêtres, Bouleaux, Til- leuls, et les arbres fruitiers lui servent aussi de logis à condition toutefois qu'ils aient le cœur malade et assez friable pour servir de nourriture à sa Larve; celle-ci, probablement, met plusieurs années à se développer. LA TRICHIE FASCIÉE. — TllICHIUS FASCIJTVS. Gebànderter Pinselkâfer. La Trichie fasciée est d'un aspect plus agréa- ble que l'Ermite. Caractères. — Les hanches ne sont pas visi- bles d'en haut, les pattes sont plus élancées et les jambes antérieures ont deux dents à l'ex- térieur chez les deux sexes. Comme chez tous les vrais Trichius, le lobe externe de la mâ- choire est de consistance coriace, en forme de lancette et porte un pinceau de poils, pen- dant que le lobe interne est inerme. Le chaperon est plus long que large, abord antérieur forte- ment sinueux, couvert ainsi que la tête et le corselet de poils jaunes abondants et longs; les parties inférieures, l'extrémité anale ainsi que les hanches qui se touchent dans la paire postérieure sont aussi velues, mais les poils sont blanchâtres ; les élytres sont réunies à leur suture par deux bandes jaunes. Mœurs, habitudes, ri'-gime. — Cette espèce est propre aux montagnes et aux collines de l'Allemagne moyenne et méridionale, et se rencontre de juin en août sur les fleurs des prairies et sur les ronces épanouiies, parfois en grande abondance surtout dans le Harz ; elle se trouve en France, dans les régions froi- des et tempérées. Comme les Céloines, les Trichies plongent au plus profond des fleurs dont ils rongent les parties internes sans re- muer sensiblement le corps. La Larve vit comme celles des autres Céto- nines dans le bois pourri des arbres feuillus; mais sa longévité n'est pas encore déterminée aussi bien que chez les autres espèces. Il est aisé de comprendre du reste que les obser- vations sur toutes les Larves qui vivent de cette manière sont entourées de bien des dif- ficultés. Dans les environs de Paris une espèce toute voisine {T. abdominalis) se rencontre commu- nément. Il est encore une Trichie indigène qui mé- rite d'être signalée, c'est la Trichie noble {Gno- LES BUPRESTIDES. 219 7'imus no/iilis) au corps vert métallique brillant, au ventre orné de taches blanches. Ce brl In- secte qui aime à se reposer sur les ombelles, notamment sur celles des Sureaux, n'est pas rare en France dans les régions au climat froid ou tempéré. LES VALGUES — VALGUS (1) Caractères. — Il nous faut citer encore ces petits Insectes qui présentent quelques parti- cularités intéressantes : leur corps court est pourvu d'élytres plus brèves que celles des Trkhius; leur coloration est uniformément noire et ils sont revêtus d'écaillés blanches ou jaunâtres qui dessinent des bandes et des ta- ches irrégulières. Par une singulière exception, les femelles sont armées d'une tarière très allongée et barbelée qui leur permet d'intro- duire leurs œufs dans les arbres morts. LE VALGUE IIEMII'TERE. — rJLGVS IIEMtPTKtlVS. Ce Scarabéide est noir, garni d'écaillés blan- ches qui dessinent sur les élytres une bande basilaire, une tache médiane et une autre à l'extrémité. Nous l'avons représentée (fîg. 323), sa taille varie entre 7 et 10 millim. Fig. 325. — Le Valguo liémiptère, femelle. Sa Larve vit dans le bois pourri des Saules et autres bois tendres; elle réduit souvent en poussière les pieux des palissades. LES BUPRESTIDES — BUPRESTIDM Die Pmchtkàfcr. Les Buprestes forment une famille naturelle des plus homogènes, celle des Bupresli'lae, et quoique vivant à l'état parfait, les uns sur les bois, les autres sur les fleurs ou les arbustes, à la façon des Scarabéides, ils s'en éloignent néanmoins par leur aspect extérieur. c.'aractërD BUPUESTi: DES PINS. — CHALCOl'IlOnt lUÀItlJNA, Grosser Kiefern-Pmcht htfer.' Le grand Bupreste des Pins [Chakophnj'a Mariana), une des plus fortes espèces euro- péennes, est d'un brun bronzé recouvert d'une couche blanche poussiéreuse, il est marqué Fig. 337 et 328. —'Le grand Bupreste des Pins et sa Larve. sur le corselet de 3 saillies calleuses longitu- dinales, et sur chaque élytre de 3 côtes lisses émoussées dont celle du milieu est interrompue par 2 fossettes grossières et quadrangulaires ; il a le corps elliptique, allongé, légèrement bombé. Sa longueur totale varie entre 26 et 30 millimètres. Le scutellum existe, mais il est fort petit et carré. La tête est excavée, et les an- tennes sont formés d'articles plus longs que larges, dentés en scie à partir du 4° article. Cette espèce vit dans les forêts de Pins des plaines sablonneuses du nord de l'Allemagne, et en général partout où prospèrent ces Coni- fères dans toute l'Europe et môme en France, mais sans y devenir nuisible, car sa Larve ne se nourrit qu'aux dépens des souches et des troncs d'arbres morts. Nous l'avons représenté ainsi que sa Larve (fig. 327 et 328), afin de donner une idée delà conformation de la famille par un de ses prin- cipaux représentants. LES EUCHROMES — EUCHROMA (1) Caractères. — Les pores anteunaires sont re- couverts de villosités. Les antennes, robustes, fortement dentées en scie aiguë, sont portés par une tête plane pourvue de gros yeux; le pro- thorax transversal est arrondi sur les côtés ; les (OEûxpwn». qui a de belles couleurs. 222 LES POECILONOTES. élytres, allongés, convexes, graduellement ré- trécis en arrière, sont échancrés à l'exlrémilé et portent deux épines terminales ; les pattes robustes ont des tarses dont les quatre pre- miers articles sont munis de grandes lamelles. Distribution idéographique. — Ce beau genre ne renferme que deux espèces confinées dans le Brésil, la Colombie et le Mexique. LE BUPRESTE GÉANT. — EUCIlliOMA GIG.INTEJ. C'est un grand et magnifique Insecte (fig. 329), type du genre, fort anciennement connu et très répandu dans les collections ; il est remar- quable par sa taille aussi bien que par l'éclat de ses vêlements; sa coloration variant unifor- mément du vert au rouge cuivreux est relevée sur le corselet par deux grandes taches bleu d'acier; ses élytres sont couverts de rides qui, accrochant la lumière, en font ressortir les reflets métalliques. Tel est l'aspect qu'il pré- sente lorsque nous le voyons aligné tristement dans nos collections; vivant, une efflorescence d'un jaune vif le recouvre tout entier. Usagées. — Les sauvages de l'Amérique du Sud, les Indiens Galibis des environs de Cayenne, au siècle dernier, les Roucouyennes et autres tribus des affluents inférieurs gauche de l'Ama- zone, même encore de nos jours, font entrer les élytres du Bupreste géant dans la composi- tion d'une foule d'objets servant à leur parure. Ils en ornent, par exemple, les pendentifs de leurs immenses boucles d'oreilles aux formes des plus originales, si originales même qu'on aurait quelque difficulté à les faire agréer par nos élégantes. A la longue plume de Ara rouge qui pénètre dans le lobe de l'oreille, est attaché une série de pendants constitués par une queue d'écureuil, ornée de part et d'autre de plumes de Couroucou noir et blanc, taillées en éche- lons, de plumes de Manaquin bleu pâle, de plu- mes de Pyranga rouge ; à cette queue est sus- pendue un petit cercle, formant lustre, chargé d'élylres de Bupreste. Nous n'avons pu résister au désir de figurer (fig. 321) un de ces singu- liers ornements que nous avons fait copier sur les échantillons faisant partie du Musée ethno- graphique de Paris et provenant de l'ancienne collection du Cabinet du roi, des collections Crevaux et Pinard, et dont je dois la communi- cation à l'obligeance de M. le docteur Hamy. Sur les bords du Rio Napo, les élytres des Buprestes sont employés autrement. Avec des os d'Oiseaux soigneusement enfilés, les Indiens fabriquent de longs brassards dont la frange est entièrement faite d'élytres (fig. 323). Il ne faudrait pas croire que ce soit l'éclat des Buprestes qui attirent les Indiens; amis du bruit, le cliquetis des élytres les charment et ils ont su fabriquer à peu de frais des grelots fort originaux. Nous avons représenté comme type des Bu- prestides une des plus magnifiques espèces des Indes Orientales, le Catoj:anlha bicolo?- (fig. 326), du plus beau vert métallique au corselet orné de deux taches oranges cernées de bleu métallique ; au-dessous du corps presqu'enlièrement d'une belle coloration jaune-orange très luisante. LES BUPRESTINES — BUPRESTINjE Die Buprestinen. Caractères. — Les Buprestes proprement dits ont les pores antennaires concentrées dans une fossette sur chacun des articles ; ces fosset- tes étant tantôt inférieures, tantôt terminales, ou situées sur la tranche interne des articles. Distribution géograpliique. — Cette tribu, qui est infiniment plus nombreuse que les deux précédentes, a par conséquent une aire de distribution géographique beaucoup plus étendue ; le monde entier est son domaine. LES POECILONOTES — POECILO- NOTA (1) Le genre Pœcilonote {Lampra) renferme la plus belle entre toutes des espèces de l'Europe, le Bupreste des tilleuls {Pœcilonola rutUans), d'un vert d'émeraude et rouge cuivré sur les bords. Les élytres sont parsemés de petites lignes et de petites taches qui simulent une marqueterie noire, tandis que la partie dorsale de l'abdomen est d'un beau bleu d'acier ; aussi, pendant le vol, ce Coléoplère élale-t-il un luxe de couleurs étourdissant. Il atteint une lon- gueur de a à 13 millimètres, et il ne se trouve que sur les Tilleuls et en Ire autres sur les vastes promenades plantées de vieux arbres. 11 est facile de reconnaître les ouvertures de sortie à leur forme lancéolée sur les vieux troncs débiles. Quelques-uns de ces trous sont même bouchés par le front doré des Bu- prestes qui semblent n'avoir pas eu la force d'élargir suffisamment leurs galeries pour se (1) IloixiXo;, marqueté; vliique. — Les Lacons, dont on compte une centaine d'espèces réparties sur tout le globe, nous intéressent à certain titre, l'une d'entre elles, le Lacon //(«r»(((s étant fort commun dans toute l'Europe. LE LACON GRIS DE SOUUIS. — L.ICOi\ MVJilNUS. Màuserjraucr Scknellhafer. C'est un Coléoptère aux formes élargies et aplaties, au vêtement gris, soyeux qui, adulte, dévore les pédoncules des roses, et à l'état de Larve, commet des dégâts dans les pépinières en rongeant les tendres radicelles des jeunes arbres et arbrisseaux : Pommiers, Poiriers, Pruniers, Cerisiers, etc. LES ÉLATÉRINES — ELATERIN^E Die Elatérinen. Caractères. — Les Elatérines proprement dits se distinguent des Agrypnines par l'absence des sillons prosternaux destinés à loger les an- tennes, de telle sorle qu'au repos celles-ci sont libres ; elles sont plus longues que le pro- thorax, quelquefois flabellés chez les mâles. LES ATIIOUS — ATHOUS (1) Caractères. — Cos Insoctes sont de taille moyenne, allongés, pubescents, aux longues antennes de H articles ; aux hanches posté- rieures étroites s'élargissant graduellement ; aux tarses armés de crochets simples. nistributiun géograpliique. — Les Athous, qui comptent 120 espèces décrites, sont pro- pres aux zones froides et tempérées de l'hé- misphère boréal. L'ATHOUS VELU. — J'fllOUS UIIITUS. Raulier Schmied. CeTaupin est une de nos espèces les plus con> munes qui se montre souvent en grand nombre pendant le courant de l'été sur les fleurs des Umbellifères dans les prés, sur la lisière des bois et le bord des chemins; il vole de fleur (1) A, privatif; hao;, agilo. 228 LES PYROPHORES. en fleur, pour y puiser le miel, à partir de midi, tant que le soleil reste au-dessus de l'horizon. C'est un Coléoptère inoffensif, long de 13 millimètres et large de A 1/2 millimètres, au corps noir luisant, uniformément masqué par une villosité grise, quelquefois à élytres brunes. Le front à bord antérieur très saillant est détaché; les articles du milieu des antennes sont tous aussi larges que longs et triangulai- res, le deuxième étant plus court que le troi- sième. Le corselet, également et finement ponc- tué, est plus long que large, un peu élargi au milieu et sensiblement rentrant, au devant des deux angles latéraux qui sont fort saillants ; les élytres creusées chacune de 9 sillons ou plutôt de 9 lignes de points ont les intervalles finement ponctués et l'extrémité arrondie. Le prosternum s'élargit beaucoup en avant et ne porte point de rainure pour recevoir les anten- nes. Les hanches postérieures s'élargissent tou- jours en dedans, les tarses et les grilfes sont simples, le premier article étant aussi long que les deux suivants réunis. La Larve de VAthous hivtus est inoffensive comme l'Insecte parfait ; elle a la physio- nomie vermiforme de toutes les Larves d'Ela- térides, elle est recouverte de la cuirasse so- lide jaune rougeâtre habituelle et ses pattes sont de même très courtes, comme on peut le voir dans la figure, p. 104, chez l'Elater des moissons ; mais elle est relativement plus forte, plus aplatie et pourvue de quelques poils sétacés. La tète fortement déprimée, beaucoup plus large que longue, porte une plaque acéphlique, pourvue d'une petite pointe médiane, fermant la bouche en dessus; les an- tennes sont courtes et de 3 articles. Le premier des 12 anneaux du corps est deux fois plus long que les autres qui sont tous égaux; et sur toute la région dorsale règne un sillon médian enfoncé. Le dernier an- neau, à peine un peu plus étroit est dentelé sur les bords, aplati en dessus, marqué de quel- ques rugosités et à bord postérieur découpé en demi-cercle ; chaque côté de la découpure porte un appendice bidenté ; ces dents sont diver- gentes, se dressant vers le ciel, l'interne se re- courbant en dedans. Ces dents sont brunes ainsi que les dentelures situées sur les bords de l'anneau. Le ventre aplati est protégé par deux bourrelets saillants qui s'étendent sur toute la longueur du corps, et c'est dans les replis de ceux-ci que se cachent les stigmates; dans l'anneau postérieur la face ventrale est entou- rée encore par un autre rebord latéral plus pe- tit. C'est entre ce rebord et la limite anté- rieure du dernier anneau que s'ouvre l'anus, que la Larve peut faire saillir pour s'en faire faire un appui dans la reptation. Cette Larve, facile à reconnaître par cette description, d'après les observations de Can- dèze, vit sous les écorces des arbres morts, et se nourrit de Larves. LES PYROPHORES — /'F7?O/'0Oflf/5(l) Les riches contrées de l'Amérique centrale et méridionale nourrissent environ une cen- taine d'espèces d'Elatérides, qui à côté du pri- vilège caractéristique que possède la famille, partagent encore avec les Lampyres celui de luire dans l'obscurité. Les « Mouches de feu » ou Cuciijos de grande et de moyenne taille appartiennent au genre Pyrophoi-us; elles sont généralement d'un brun sombre et recouvertes d'une fourrure épaisse de poils gris-jaunâtres, et reconnaissables à la tache jaune de cire placée à chaque angle postérieur du corselet, taches qui sont le siège principal d'oii émane cette merveilleuse illumination. Cap.ictèpes. — Le frout de ces Taupins (fig. 330) est tronqué ou arrondi, marqué en avant d'un rebord épais ; les yeux sont très gros, les antennes, à partir du quatrième article, dentées ou non en scie. Le corselet transversal est convexe et se termine postérieurement aux deux angles par une pointe plus ou moins forte. Les tarses sont filiformes, comprimés et velus en dessous. Distribution géographique. — Les Pyro- phores dont on a décrit 89 espèces, sont exclu- sivement américains; ils sont répandus depuis le sud des États-Unis jusqu'au Chili ; surtout au Brésil et dans les Antilles. Mlœurs, habitiules, régime. — Il ne faut pas s'étonner que ces Insectes que la nature a doué d'une faculté aussi extraordinaire, aient attiré l'attention des hommes avant l'apparition des Naturalistes. Déjà Moufet a imparfaitement figuré et décrit (1634) une grande espèce qu'il nomme Cicin- dela, en grec Kephalulampis, parce que c'est près de la tête et non à l'extrémité du corps que se trouve l'appareil producteur de la lumière ; il rapporte ainsi ce qu'il a trouvé à son sujet dans les relations de voyages d'Oviédo (1526). (1) nùpocpipo;, qui porte du feu. LES PYROPHORES. 22'J « Le Cociijo, quatre fois plus grand que notre espèce volante (il a précédemment décrit le Ver luisant ou Lampyre aussi sous le nom de Cicindela), appartient au genre des Scara- bées. Les yeux brillent comme une lanterne, et éclairent tellement l'atmospbère, que cha- cun peut lire dans sa chambre, y écrire ou vaquera d'autres occupations. Plusieurs réunis donnent une liimi&re d'une bien plus grande clarté encore, au point qu'une société peut Fig. 330. — Le Cucujo. au milieu de la nuit obscure cheminer à son gré à l'aide de ce seul éclairage qui ne peut être soufflé par le vent, ni assombri par l'ob- scurité, ni éteint par la pluie ou le brouillard. Les ailes ouvertes et étendues, ils brillent d'une lumière aussi vive vers leur partie pos- térieure. «Avant l'arrivée des Espagnols, les indigènes ne se servaient pas d'autre lumière soit dans les maisons, soit au dehors. Mais les Espagnols se servent de torches et de lampes pour l'éclai- rage domestique, parce que la clarté que jette l'Insecte disparaît complètement en même temps que la vie. Toutefois s'ils sont obligés de sortir au dehors pendant la nuit, ou s'ils ont à combattre un ennemi nouvellement arrivé sur le terrain, ce Coléoptère seul leur sert de guide pour trouver leur chemin, et à cet effet chaque soldat est porteur de4 Cocujos ; de cette manière ils arrivent parfois à déjouer les embûches. « Ainsi quand le noble Thomas Candisius et le chevalier Robert Dudley, fils du célèbre comte Robert de Leicester, mit le premier le pied sur la côte des Indes Occidentales, et qu'ils abor- dèrent dans la nuit, ils aperçurent dans la forêt avoisinante une quantité innombrable de lu- mières semblables à des torches allumées qu'ils virent se rapprocher d'une façon imprévue : ils s'en retournèrent rapidement sur leurs vais- seaux, pensant que les Espagnols s'étaient établis dans les bois, mèches allumées, avec leurs canons. Ou trouve encore d'autres Insectes de ce genre, mais comme le Cocujo tient la première place, Oviédo les passe sous silence. « Les Indiens ont coutume de se frotter le visage et la poitrine avec un onguent préparé avec cet animal, afin de paraître aux yeux des autres comme une personne incandescente. On ne peut concevoir comment cela serait pos- sible , car avec la vie s'éteint aussi la vertu éclairante du Coléoptère, et ce n'est qu'immé- diatement après la mort que l'éclat persiste encore, mais il est certain qu'il ne dure pas longtemps. « Les Indiens utilisent ces Insectes de cent manières ; ils ne pourraient dormir à cause lies piqûres des Moustiques nocturnes si les Cocujos ne chassaient ces Moucherons avec autant d'avdeur que les Hirondelles mettent à la poursuite des Mouches ; ils ne pourraient accomplir leurs travaux nocturnes, sans cet éalairage naturel. Pour se procurer ces précieux Insectes ils ont imaginé plusieurs manières de les capturer, que nous communiquerons au lecteur en partie d'après Pierre Martyr et en partie d'après des témoins oculaires. « Quand, par la privation de lumière, ils se voient obligés de passer toutes leurs nuits dans l'inaction, ils sortent avec un tison allumé et se mettent à crier Cucuje, Cucuje, remplissant l'air de leurs appels perçants, jusqu'à ce que les Coléoptères arrivent, soit qu'ils voltigent vers la lumière qui les attirent, soit que fuyant le froid, ils se laissent tomber à terre ; les uns les recueillent avec des branches et des toiles, les autres se servent de filets faits exprès, jusqu'à ce qu'ils puissent les saisir à la main. « Il y a encore là-bas d'autres Insectes volants qui luisent dans l'obscurité, mais ils sont beau- coup plus grands que nos espèces indigènes et leur lumière vive rayonne fort loin. Ils éclai- rent si bien que ceux qui entreprennent un voyage, s'attachent à la tête et aux jambes ces Insectes ; de cette façon on les aperçoit de loin, et font reculer de crainte ceux qui ignorent le fait. « Les femmes ne se servent pas d'autre lu- mière, la nuit, pour leurs travaux domesti- ques. » En exceptant l'assertion erronée d'après la- quelle ces Coléoptères chassent aux Mouches, les faits principaux ont été confirmés posté- rieurement, et on peut aussi admettre que le 230 LES AGRIOTES. nom usuel de Cucujo désigne à la Havane et probablement aussi sur le continent, le Pijro- phorus noclilucus, si largement répandu. D'après Alex, de Humbold et deBonpland, la Larve vit aux dépens des plantations de Cannes à sucre, auxquelles elle peut parfois causer de sensibles dommages; toutefois elle ne semble pas se nourrir de cette seule plante. Peut-être est-ce cette espèce ou une autre de grande taille, portant le nom de Cucubano à Porlo- Rico, qui vole de mars en mai sur les routes des villages et se montre dans les maisons et sur les chantiers, ce qui porte à croire que sa Larve vit aussi dans le bois. L'Insecte adulte a été de temps à autre im- porté accidentellement ça et là en Europe avec des bois du commerce. En 1766, à Paris, l'apparition d'un de ces Insectes répandit la terreur en voltigeant dans le faubourg Saint-Antoine, ainsi que le rap- porte une lettre du docteur Bondazoy insérée dans les Mémoires de l'ancienne Académie des sciences. Depuis, des navires chargés de bois provenant de Saint-Domingue apportèrent quelques Cucujos à Rouen, et en 1806, Snellen Van VoiJenhoven en vit un à Leyde, qui fut pris sur du bois de Campêche ; la lumière verte qu'il répandit fut si vive, rapporte-t-il, que l'on put lire sans diflicuUé le texte d'impression ordi- naire. Les Indiens s'emparent des « Mouches de feu », qui pour eux sont l'objet d'un commerce à la Vera-Gruz, en agitant dans l'air un charbon ardent attaché à un fil, vers lequel les Co- léoptères ainsi attirés dirigent leur vol. On les conserve dans de petites cages construites en bois ou avec du fil de fer très fin, et on les nourrit avec des fragments de canne à sucre, en ayant soin de les baigner tous les jours deux fois, afin que le soir ils soient à môme de mani- fester dans tout son éclat leur éclairage fan- tastique. On peu lies conserver vivants assez longtemps, car récemment on en a transporté plusieurs en Angleterre et en France. M. Laurent, capitaine de la Floride, M. de Dos Hermanas, M. Laca- zette, ont apporté des Cucujos à Paris et l'on a pu vérifier que les assertions des voyageurs n'avaient rien d'exagéré. Quelques savants, MM. Ch. Robin et Laboulbène ont pu, grâce à cela, étudier les organes phosphorescents de ces Élatérides (Voy. p. 36 et 37). La force éclairante des Pyrophores sert à des buts différents suivant les pays. Ainsi on en en- ferme plusieurs dans une calebasse vidée et garnie de trous, qui devient de la sorte une pe- tite lanterne très originales. Très spirituel est l'usage qu'en font les femmes créoles pour rehausser leurs charmes. Le soir elles enferment chaque Coléoptère dans un petit sac de tulle très fin, et réunissant plusieurs de ces sachels elles les disposent en rosettes et les attachent à leur vêtement. Elles savent aussi les mêler avec art à des Heurs faites avec des plumes do Colibris parsemées de brillants, et en former des couronnes dont elles ornent leurs cheveux; rien n'égale le ravissant aspect de ces parures naturelles. Nous figurons comme type du genre Corym- l''ig. 3-31. — Coryiiibites cruciatiLS. b'ues, genre fort nombreux dans nos pays dont les mœurs n'offrent rien de particulier, le C. crucialus (flg. 331). LES AGRIOTES — AGRIOTES (i) Caracières. — Le front n'est point séparé de la face par un sillon transversal, mais se re- courbe au milieu, et en divergeant de chaque côté recouvre la bouche en formant un rebord. Les antennes filiformes ont le premier article cylindrique, tandis que les autres sont égaux et en forme de massue, le dernier seul étant en forme de lancette. Le corselet, aussi long que large, fortement bombé, arrondi sur les côtés, se termiue aux angles postérieurs par deux pointes faiblement carénées. La suture pecto- rale du prothorax paraît double et creusée en avant, sans toutefois former une rainure pour recevoir les antennes. DiNtribution géographique. — Ce genre assez nombreux — on compte soixante et onze espèces décrites — habite l'hémisphère boréal de l'Ancien et du Nouveau Monde. llœurii, habitudes, réjij'ime. — Les Larves de plusieurs espèces européennes, que les culti- vateurs désignent ainsi que ses proches alliées sous le nom àeVers en fil de fer {wireworms) sont ^1) 'AyfioTïi;, rustique. LE TAUPIN DES MOISSONS. 231 on ne peut plus nuisibles, car elles rongent le chevelu et les radicelles des jeunes plantes; il est vraisemblable qu'elles vivent plusieurs années. LE TAUPIN Di:S M«»1SS0>S. — ELJTElt SEGETIS. Smitschnellk'ifer. L'Elater ou Taupin des moissons [Agriotea lineatm ou ser/etis), est une espèce extrême- ment répandue (fig. 332) dont la Larve (fig. 333) a attiré l'attention ; bien plus que celles de ses congénères, elle a su acquérir une triste célé- Fig. 33Î et 333. — Insecte adulte et sa larve. Lo Taupin des moissons. brifé. Le corps est moins aplani que dans l'es- pèce précédente et dans bon nomlire d'autres, et la figure ci-jointe peut donner une idée de sa forme extérieure. Sur chaque élytre on compte huit rangées de lignes noii'es ponctuées, laissant des intervalles égaux dont le deuxième et quatrième ù partir de la suture sont un peu plus foncés que les autres. Toute la surface du corps et des pattes a un aspect gris-jaunâtre dû à des poils, tandis que à la face inférieure le fond noir tranche davantage. La longueur totale est à peu près de 9 millimètres. illœurg, haliitudos, rp^^iine. ■ — Ce Taupin vague partout à travers champs, prés et che- mins. La femelle dépose ses œufs de diverses manières, dans le voisinage des plantes, sur le sol ou sous terre, et la Larve qui en sort ne tarde pasrisenourrirdes partiesvégélales les plus ten- dres. Son accroissement est extrêmement lent et dure plusieurs années (probablement 4) avant d'être à terme pour passer à l'état de Nymphe. ' Notre figure 333 montre que sa forme est la même que celle des autres Larves d'Elatérides ; chez elle l'anneau terminal finit en une pointe obtuse, et il est marqué à sa partie antérieure de deux dépressions noires et ovales ; en dessous du même anneau, l'ouverture anale en demi- cercle ;\ bordure saillante sert de point d'ap- pui exactement comme nous l'avons indiqué pdur la Larve de lElater velu. Les autres an- neaux, très fermes, cylindriques et jaunes, ne se distinguent guère les uns des autres : le premier et le deuxième sont seuls un peu plus longs. La tête a une forme aiguë, elle est plus foncée vers la bouche, les antennes dont elle est munie ont 3 articles, et les yeux parais- sent manquer. Les mandibules sont bi dentés, les mâchoires allongées portent des palpes de A articles, et des lobes en forme de palpes de 3 articles. Sur le menton étroitement rectan- gulaire s'attache en avant la lèvre inférieure triangulaire, munie de palpes bi-articulés, sans trace de languette. Le front ne forme point séparé et ferme de haut en bas l'ouverture buccale dépourvue de lèvre supérieure. Le 12 septembre, Taschenberg rapporte qu'il recueillit 12 individus de cette Larve qui avaient élu leur domicile entre les racines d'un chou assez misérable d'aspect et venu dans un champ humide. Ayant pris le soin de les mettre dans un pot de fleurs où il sema des graines de navette dont les futures racines de- vaient leur servir de nourriture, quand les plantules eurent atteint une hauteur de deux pouces, elles commencèrent à se faner. C'est dans cet étal que le pot fut placé devant la fenêtre de la chambre chaufl'ée. En février suivant quelques Pois y furent plantés, et ceux- ci atteignirent un pied de long, mais grêles et maigres en raison de la saison. Bientôt les Pois se fanèrent subitement. Le (ijuillet, en exami- nant la terre traversée en tous sens par les ra- cines, trois Coléoptères fraîchement éclos fu- rent découverts ainsi que la fmgile dépouille naturellement déformée de la Nymphe ; les autres Larves avaient disparu. La Nymphe est blanche, a les yeux noirs surmontés d'une petite pointe brune, elle a le corps terminé par 2 petits appendices cau- daux ; elle reste, à nu sans coque, couchée dans la terre pendant quelques semaines. On peut apercevoir depuis le printemps jus- qu'en automne cet Elatéride courant à la re- cherche de sa nourriture et circuler de fleur en fleur sur les prés; mais il ne faudrait pas croire que les individus vus au premier prin- temps soient les mêmes qui se montrent en au- tomne. Les Coléoptères les plus vieux sont sur- tout ceux qui après avoir accompli l'acte de la re- 232 LES DASGYLLIDES. production périssent peu àpeumais dont certai- nement quelques individus sont encore vivants au moment même où de nouveaux éclos appa- raissent. Ceux-ci se rassemblent vers l'automne et prennent leurs quartiers d'hiver avec d'autres vermines aux approches du mauvais temps. On a la preuve derhivernalion de ce Coléop- tère par les grandes crues du printemps : les eaux l'entraînent hors de sa retraite avant qu'il soit sorti de son engourdissement et le charrient en grand nombre. Les Larves de ce Taupin ont attiré l'attention dans les circonstances les plus diverses. Témoi- gnant à peine quelque prédilection pour l'une ou l'autre plante cultivée, elles attaquent toutes celles qui sont à leur portée. Ainsi des semis d'Avoine à peine germes dispa- raissent par places entières. En cherchant atten- tivement on voit que la tigelle a été entaillée ou rongée de part en part au-dessus de la radicelle, et on trouve tout à côté les Larves coupables. Elles causent des dommages aux semis d'hiver en octobre-novembre, mais bien moins qu'aux semis d'été. Ailleurs elles endommagent de jeunes plants de Pois dont elles rongent la tige souterraine, ou bien s'attaquent aux Betteraves qui à la pre- mière ou i\ la seconde façon sont trouvées fanées par bottes entières. On a observé qu'elles deviennent plus redou- tables dans les sols légers que dans les terres compactes ; mais qu'elles poursuivent leurs dé- vastations au plus haut degré dans les champs drainés, chaulés et récemment défrichés. Ce n'est pas seulement dansles champs que ces Larves fontsentirleur voracité, mais encore dans les potagers et lesjardins d'agrément, détruisant les Carottes, les Choux, les Laitues, les Giroflées, les OEillets, les Liliacées et d'autres végétaux. Il est donc nécessaire de la détruire . Malheu- reusement, comme dans la plupart des cas analogues, les moyens que l'on a proposés pour agir contre cet ennemi de la végétation sont in- suffisants ou impraticables. Des jardiniers an- glais recommandent la méthode des appâts. A cet effet on répand aux endroits attaqués, des trognons de salades (ou d'autres débris équiva- lents). Les Larves de Taupins n'écoutant que leur gourmandise se jettent en grand nombre sur les trognons pendant la nuit, et il faut cha- que matin les enlever et les recueillir. Pour les champs, on a préconisé un autre système, qui suivi et renouvelé trois années de suite, a fait, dil-on, disparaître complètement les Larves; c'est l'emploi des tourteaux des colza, qu'on brise en morceaux de la grosseur d'une noisette et qu'on enterre en grande quantité jusqu'à une profondeur d'environ 10 centimètres 1/2. Tous les insectivores, tant parmi les Oiseaux qui parmi les petits Mammifères, poursuivent les Larves de Taupins, et réclament protection. Il est intéressant d'apprendre qu'il existe un petit Hyménoptère, un Ichneumon, qui sait trouver la Larve souterraine pour y déposer ses œufs. Kollar a élevé cet Ichneumonide qu'il appelle le Bracon dispar. LES DASGYLLIDES — DASCYLLIDM Die Dascilliden. La petite famille desDascyllides mérite d'être mentionnée, non pas parce que ses représen- tants sont curieux, mais à cause de l'impor- tance considérable que présente la Larve de l'une des espèces qui, à cause de ses moeurs et de sa conformation, peut être confondue par un œil peu exercé avec l'un des plus dangereux ennemis de nos cultures. LES DASCYLLES — DASCYLLUS Die Dascillinen. Caractères. — La tête beaucoup plus étroite que le corselet, et penchée et resserrée en avant des yeux, s'avance sous l'apparence d'un mu- seau ; le corselet une fois aussi large que long, rétréci en avant et en arrière où il est presque connivent aux élytres qui sont oblongues, pa- rallèles, arrondies en arrière. Les hanches sont transversales, coniques et dressées ; les tar- ses ont cinq articles dont les quatre premiers sont pourvus en-dessous d'une lamelle bilobée. Cette particularité, ainsi que l'existence de fortes mandibules saillantes en croissant, de mâ- choire dont le lobe externe est divisé en deux lobes semblables et d'une languette partagée en quatres lobes, caractérisent la famille entière. Ilistributioii géoçrapliique. — Les DaSCyl- lus se trouvent çà et là sur les Ombellifères ou quelques autres plantes. LE DASGILLE CERVIN. 233 Kig.SSi. Fig.335. Fig.33G(«)- Fig. 33] 01338. Fig. 33i à 338. — Lampyre splondidulo. Fig. 33i, 337 et 338. — Larve. Fig. 335. — Femelle. Fig. 33G (ri). — Màle. Fig. 334 à 342. - Fig. 3-39. Fig.340(i). Fig. 341. Fig. 342. Fig. 339 à 342. — Lampyre noctilurmo. Fig. 339. — Larve. Fig. 310 (4) — Màle. Fig. 341.— Femelle. Les Lampyres. Fig. 342. — Màle retourné. LE DASCILLE CERVIN. — D.ISCILLVS CEIUIISUS. Greiskâfer. Le Dascillus cervinus est un Insecte allongé, oblong, recouvert de poils gris cendrés fins cl serrés ; les griffes et, quelquefois aussi, les élylres laissent apercevoir la couleur du fond qui est brun de poix; les antennes sont filifor- mes; les pattes sont jaune-bi un. C'est un Coléoptère qu'on rencontre plutôt dans la montagne, dans les Alpes françaises et suisses, au mont Pilât, dans l'Allemagne mon- lueuse et en Autriche dans le Niederlausitz, dans la province de Brandebourg et en général, paraît-il, dans les plaines basses de l'Allemagne du Nord. .Uœiirs, Iiabitude§, régime, — TaSChcnberg rapporte qu'on lui envoya, au commencement d'avril 1874, une grande quantité de Larves vivantes, qui avaient causé une vraie panique dans le Niederlausitz où on les avait trouvées en massés innombrables parmi les racines des Graminées d'une prairie, et vraiment ce fut pour la première fois que l'on vit apparaître ce nouvel ennemi de nos cultures resté jusqu'a- lors inconnu. 11 présuma que ces Larves étaient dans leur jeune âge et qu'elles appartenaient à un Rhizolrocjus ou à un autre Melolonthide, qui se nourrissent des racines des Graminées. En effet ces Larves ressemblent aux Vers blancs par la forme et l'aspect de leurs corps, toutefois elles se distinguent par la grosseur de la tête et par la forme étroite et tronquée de son extrémité postérieure; elle est entièrement chilinisée. La tête est à peu près conformée Breiim. — VII. et disposée comme chez le Ver blanc ; elle n'a pas d'yeux et compte quatre arliclesaux an- tennes; les mandibules ne ressemblent pas ;\ celles des Melolonthides et sont construites sur un plan très différent : faiblement recourbées, elles sont armées à leur extrémité d'une dent simple et au milieu d'une dent double. Les mâchoires portent des palpes de trois arti- cles ; leurs deux lobes sont cornés, allongés et se terminent par une pointe à double crochet. Les pattes ont des griffes simples, et sont in- sérées plus près de la ligne pectorale médiane que chez le Ver blanc. D'ailleurs en y regar- dant de plus près on trouve encore d'autres différences entre les deux Larves qui au pre- mier coup d'oeil paraissent si semblables. Avec l'envoi, il reçut en même temps l'avis que les Graminées n'étaient plus mangées par les Larves et que depuis trois semaines on ne trouvait plus que des individus de 17 millim. de long, mais déjà en partie retirés à une profon- deur de 23 centimètres 1/2. Les Larves furen t mises, avec le gazon envoyé dans un grand vase de verre rempli de terre où l'on sema de l'herbe; ;\ partir du 7> mai quel- ques Coléoptères firent leur apparition, mais à une seule exception près, ils avaient tous les élytres chiffonnées, indice d'un avortement manifeste. D'après la quantité de Larves, il aurait dli sortir bien plus de Dascillus ; et comme en fouillant !a terre avec soin on ne ren- contra que des vestiges des autres Larves, il est présumable qu'elles s'étaient enlre-dévorées. 11 est probable que les œufs avaient été pon- dus au commencement du printemps précédent. Insfxtks. — 30 234 LES LAMPYRINES, LES MALACODERMES — MALACODERMIDM Die Weichkàfer. Caractères. — La famille suivante créée par Latreille réunit sous le nom de Malacodermes ou Coléoptères à peau molle un grand nombre d'espèces, qui possèdent des téguments mous le plus souvent de consistance de cuir souple, des élytres se recroquevillant surtout après la mort ; à ce caractère il faut encore ajou- ter les suivants : languette cornée ou mem- braneuse sans paraglosses ; mandibulescourtes ; les deux lobes de la mâchoire (l'interne parfois atrophié) foliacées et ciliées; palpes labiaux tri-arliculés ; palpes maxillaires quadri-arti- culcs ; hanches antérieures et moyennes co- nico-cylindriques, les postérieures transver- sales ; les jambes généralement sans éperons terminaux; tarses à cinq articles, quelquefois les antérieurs à quatre articles chez les mâles ; abdomen ayant jusqu'à six à sept anneaux li- bres chez quelques mâles, et enfin des antennes de conformation très diverse habituellement de onze, mais quelquefois aussi de dix ou douze articles. Chez la plupart les différences sexuelles sont très marquées, soit aux antennes, aux élytres, aux ailes, soit aux pattes antérieures ou aux deux derniers anneaux abdominaux. Distribution géographique. — Les MalaCO- dermes ont des représentants sur tous les points du globe. Slœurs, iiabitudes, régime. — La plupart des espèces indigènes fréquentent les fleurs et les végétaux, non pour y chercher des prin- cipes sucrés; mais pour y poursuivre leurs proies. De même que les Insectes parfaits, les Lar- ves présentent entre elles quelques différences, et nous ne pouvons en dire ici davantage d'une manière générale, si ce n'est qu'elles ont six pattes et qu'elles sont carnivores ; nous les décrirons en traitant des groupes eux-mêmes. LES LAMPYRINES — LAMPYIUN.E Die Lampyrinen. Caractères. — Les antennes insérées sur le front sont contiguës ; les mandibules sont grêles; les palpes sont grands, à dernier ar- ticle tronqué obliquement; la tête est re- couverte par le prothorax qui est arrondi en avant ; les pattes sont comprimées avec le quatrième article des tarses bilobé ; mais, traits particulièrement remarquables, les der- niers segments de l'abdomen sont pourvus à la face ventrale d'organes phosphorescents. L'appareil consiste en de nombreuses cellules renfermées dans des capsules à parois minces, et dont les unes sont transparentes tandis que les autres contiennent une masse finement granuleuse ; à cette disposition est joint encore un réseau serré de ramifications pro- venant des tubes aériens. Kôlliker croit que ces cellules transparentes constituent l'élément lumineux et que la phosphorescence est pro- duite par les nerfs qui y passent et qui sont soumis à la volonté de l'animal. Matleucci, de son côté, pense au contraire que la masse phosphorescente est mise en combustion par le courant d'oxygène dirigé sur elle par les tu- bes aériens. Nous n'énumérerons pas toutes les hypothèses que les savants ont émises pour expliquer ces phénomènes lumineux, il fau- drait un volume (voy. p. 30 et 37). Ce qui est certain, c'est que la phosphores- cence, relativement faible à l'état de repos, devient plus vive pendant le vol et par suite de causes d'excitations venant de l'extérieur, qu'elle diminue de nouveau par une trop grande irritation, mais demeure sous l'in- fluence de la volonté du petit Insecte. Moufet, le vieil auteur du dix-septième siècle, traite des « Cicindela » dans son quinzième chapitre et démontre par les nombreuses épi- thèles qui leur ont été décernées, que depuis l'antiquité l'homme a connu la faculté éclai- rante de ces Coléoptères nocturnes, et que bien des observateurs se sont occupés de leur ma- nière de vivre. Les Grecs et les Romains leur ont donné de nombreuses dénominations qui désignent cette faculté ou quelquefois aussi le siège d'où elle émane, telles que : lampuris, kysolampis, pyrolampis, bosU-ykos, pyrgolam- pis, etc., chez les Grecs, et cicindela, noctduca, nitedula, lucio, luciola, lucula, lucernula, ve- nus, etc., chez les Romains. Les peuples de race latine ont conservé l'une LE LAMPYRE COMMUN. 235 ou l'autre de ces dénominations en les modi- fiant à leur guise ; chez les Italiens on appelle ces Coléoptères : liiciola, lucïo, far[alla, bislola, fuogola, lacervola, hdserola; chez les Espa- gnols on les nomme li/ziergana, luciernega. Les Polonais les appellent Zknotnike, Clirza- zezick, Siciecaaj ; les Hongrois Eyelticudoeklo, /logaratska vilantso ; les Françiiis Ver luisant, Moiir/ie éclairante; les Anglais Gloworm, Shi- newonn , Glassworm ; les Allemands disent Zinduczele ou Licgt/imugk, Zindivurmle pour le mille suivant les localités; car dans diverses contrées de l'Allemagne le mâle ailé {Cicin- dela) ne luit pas, mais seulement sa femelle aptère dite (Ver des gazons) Grastvwm, Gugle, Ftnerkàfer. Aux environs de Francfort-sur-le- Mein on appelle ces Coléoptères Scarabées ou Mouche de Saint-Jean. Après avoir énuméré tous ces noms, notre auteur anglais poursuit ainsi: « Chez nous les mâles ou Cicindèles ailés ne luisent pas de même qu'au pays des Basques, mais seulement les femelles qui sont des A^ers; par contre en Italie et aux environs de Heidelberg les femelles sont toutes privées de la faculté éclairante et les mâles paraissent lumineux. Je laisse aux philosophes le soin de chercher la cause de ces faits. » Vient ensuite une minutieuse et complète description du mâle ailé, il rappelle que celui- ci porte à son extrémité abdominale deux taches en forme de croissant situées l'une à côté de l'autre, qui émettent pendant la nuit une lumière rappelant le soufre allumé ou des charbons incandescents volant à travers l'at- mosphère. Au dire du vieil auteur, jamais en Angleterre le mâle n'est lumineux. Succède la description de la femelle aptère décrite comme un être vermiforme ne progressant que len- tement, analogue à une Chenille, qui se nour- rit de ses excréments et dont l'extrémité blan- châtre (les trois derniers anneaux) projette une merveilleuse lumière rayonnant comme une étoile terrestre, qui peut rivaliser pour l'éclat avec celle d'une lanterne ou celle du rayonnement lunaire. Plus loin, il prétend, d'après les observations de deux hommes célèbres, que dans l'accou- plement, des paires sont restées unies jusqu'au lendemain de l'après-midi, et que le mâle mourut de suite et la femelle seulement vingt jours après, mais ayant préalablement pondu une grande quantité d'œufs. Quant à ce qu'Aris- tote dit du développement, Moufet le trouve inintelligible à cause des dénominations incer- taines employées, et il termine son savant mé- moire par une poésie dans laquelle la Cicindèle ailée est chantée par Antoine Thylésius. Dans ces temps on savait donc déjà que la femelle était privée d'ailes en môme temps que l'on connaissait plusieurs espèces. Uistrihution géographique. — Les Lampy- rines, répandus dans tous les pays de la terre, vivent en plus grand nombre dans l'Amérique du sud où ils affectent les formes les plus variées, la plupart toutefois étant ailés dans les deux sexes. LES LXUPYRES — LAMPYRIS H) Caractères. — Ils sont faciles à distinguer des autres Lampyrines parla forme de la lame ou repli du prothorax qui est verticale anguleuse ou tronquée vers les hanches antérieures et par la forme du pygidium qui est convexe entier ou échancré. Les femelles sont aptères. Comme les habitants des Indes occidentales, nous avons nos « Mouches de feu », mais d'une nature assurément fort différente. En Alle- magne, en France, vivent deux esoèces qui prédominent à tour de rôle suivant les régions. LE LAMPYRE COMMUÎV. — L.4MPYniS SPLENDIDULA. Kleines Johanniswùrmchen. La plus petite et la plus répandue est le pe- tit Lampyre commun {Lampyris splendidula) (fig. 334 à 338). On reconnaît facilement le mâle (fig. 336 a) gris brun aux deux taches vitreuses de son cor- selet, qui peuvent aussi se fondre entre elles le long du bord antérieur qui est translucide ; on distingue aisément la femelle (fig. 335) d'un jaune blanchâtre aux deux lobules ou moignons qu'elle porte derrière le corselet, qui sont les vestiges des élytres ; les deux sexes ont les mandibules avancées et courbées en faucille. La Larve vermiforme (flg. 33 i, 337 et 338) a les six pattes écartées ; sa tête fort petite reste cachée pendant le repos. Les anneaux du corps sont à peu près égaux, le dernier pouvant pré- senter une sorte d'entonnoir consistant en deux disques à rayons cartilagineux se péné- trant réciproquement et qui sont reliés par une membrane. Les deux disques sont rétractiles ( 1 Aîtiimipî;, Ver luisant. 236 LE LAMPYRE NOCTILUQUE. et extensibles ; ils forment, en raison de la manière de vivre de la Larve, un appareil indispensable pour le maintien de la pro- preté. La Larve, se nourrissant de petits Mollusques, est condamnée à être souillée fortement par l'abondant mucilage qu'ils sécrètent et à être couverte de grumeaux de terre fortement ag- glutinés; elle se nettoie à l'aide de sa bouche en forme de suçoir, qu'elle passe à diverses re- prises çà et là sur son corps. Cette manœuvre a sans doute donné lieu à l'assertion erronée rapportée par Moufet, d'a- près laquelle lu femelle confondue avec la Larve se nourrissait de ses propres excréments. LE LAMPYRE NOCTILUQUE. — LAMPYRIS XOC- TILUCA. Grosses Johannisivûrmchen. Le grand Lampyre [Lampyris noctiluca) a lus mandibules saillantes chez le mâle et ne pré- sente point de taches fenestrales sur le corse- let, mais de petites taches phosphorescentes sur la face ventrale de l'abdomen (fig. 339 b et 342) ; aussi possède-t-il un faible pouvoir éclai- r;int. Il atteint une longueur de 11 millimètres. La femelle (iig. 341), qui a de 15 à 17 millimè- tres et demi de long, est privée même de ru- diments d'ailes, ce qui lui donne un aspect larvaire ; néanmoins elle se distingue de sa Larve (fig. 340) par le corselet plus développé, la tète moins cachée et un pouvoir éclairant sensiblement plus grand. Celte espèce paraît être plus abondante dans l'ouestde l'Europe (France) et dans l'Allemagne méridionale que dans le nord. Uœurs, habitudes, régime. — Les terrains humides et les endroits touffus et ombragés dans le voisinage de l'eau nourrissent de nom- breux mollusques terrestres et sont par suite les localités que les Lampyres choissisent par excellence pour leur reproduction. C'est là que pendant les soirées d'été se voient des spectacles qui laissent loin derrière eux les contes imaginaires des Fées et des Elfes. Des centaines d'étincelles traversent en tremblo- tant l'air embaumé du soir; elles s'éteignent brusquement, laissant les yeux éblouis, puis les étoiles scintillantes commencent une nouvelle danse silencieuse. Çà et là sur la terre humide rayonne au cré- puscule une fantastique phosphorescence qui éclaire d'une vive lueur tiges, feuilles, brins d'herbe et de mousse; fixe, immobile et glacée malgré tout son éclat, elle ne brûle pas, elle ne réchauffe même pas ce qui l'approche. Les étoiles filantes sont les mâles, qui célè- brent leur hymen en dardant leurs rayons au- dessus des étoiles fixes qui sont leurs femelles, et en exécutant une véritable danse aux flam- beaux. A la pointe du jour tout cet éclat disparaît, et la petite étincelle qui brille aujourd'hui sera éteinte demain; et pour toujours, si le flambeau de l'hymen a été allumé; sinon le faible Insecte, pendant le jour, se cachera sous l'herbe, et, chaque nuit, errant çà et là, se montrera comme un point lumineux. Les œufs déposés à terre sont sphériques, colorés en jaune et ne tardent pas à éclore en donnant naissance aux Larves que nous con- naissons déjà, et qui arrivées au terme de leur croissance après avoir hiverné ne peuvent être aperçues que par celui qui les recherche ; car, bien qu'elles luisent faiblement, leur lumière toujours dirigée contre le sol ne les décèle que difficilement. Dans les quelques semaines qui précèdent les évolutions aériennes du mâle, les Larves de- viennent plus massives et plus inertes, cessent démanger ; leur enveloppe cuirassée ne tarde pas à se déchirer sur les flancs des 3 premiers anneaux et la Nymphe se dégage. Il va de soi que celle-ci diffère suivant qu'elle doit donner le jour à un mâle ou à une fe- melle. La Nymphe mâle montre les futures ailes sous la forme de moignons et ressemble sous tous les rapports à celle de tous les Coléoptères ; la Nymphe femelle affecte une forme intermé- diaire entre la Larve et la femelle déjà fort sem- blables, aussi serait-il trop long d'insister ici avec précision sur les différences que présen- tent ces trois phases du développement de la femelle ; on peut se borner brièvement à dire que cette Nymphe est comme une Larve immo- bile légèrement recourbée en dessous. Osten-Sacken rapporte au sujet de l'espèce de Lampyride, la plus commune aux environs de Washington, le Lightwingbug [Pholinnspyra- tis), à peu près ce qui suit : le mâle et la femelle se ressemblent complètement, seulement le premier a les antennes plus longues et le pou- voir éclairant plus prononcé, et il a 2 anneaux abdominaux entièrement lumineux, tandis que la femelle n'a qu'une tache phosphorescente demi-circulaire sur l'anneau qui précède l'avant- LES TÉLEPHOHINES. 237 dernier et seulement 2 petites taches de même nature sur celui-ci. Cette lumière l)rille comme un vérifable éclair et l'éclat qu'elle répand est vraiment éblouissant quand on tient le Coléoptére dans la main. Si l'on se trouve dans une prairie hu- mide aussitôt après le coucher du soleil, des milliers do Lampyres s'élèvent verticalement dans l'air, se dirigent de côté à quelquedistance, puis s'abaissent un peu pour se relever de nou- veau. Comme ils ne scintillent qu'en s'élcvant on voit toujours monter la grande masse qui n'est composée que de mâles maintenant leur corps droit pendant le vol, de telle sorte que leur extrémité abdominale semble une petite lanterne suspendue. De temps à autre, l'un d'eux plane immobile, vraisemblablement pour se chercher une femelle au milieu du gazon. Les femelles restent immobiles redressant en l'air leur abdomen, et éclairent ainsi le mâle et le guident. Au début il fait encore assez jour pcmr suivre le vol de chaque Lampyre. On voit alors à l'en- trée de la nuit le mâle, après quelques évo- lutions vacillantes, descendre à peu de dis- lance d'une femelle. Les éclairs jaillissent de part et d'autre, ils se rapprochent peu à peu jusqu'à ce que finalement ils se rencontrent. Les points lumineu.x que l'on aperçoit plus tard dans les herbes ne proviennent plus que des couples, et les quelques mâles isolés que l'on voit encore voltiger dans l'air à celte heure sont ceux qui n'ont pas encore trouvé de com- pagne. LES PEOSPR.E^ES—PnOSPB^NUS{i) Il est un petit Lampyrine indigène que nous devons citer à cause de sa singularité, c'est le P/ios/ihœniis hemiplerus. Le mâle de 5 à 6 mill. brun avec les deux derniers anneaux pâles se fait remarquer par son prothorax ogival et sur- tout par ses élylres qui, réduites à des moi- gnons, couvrent à peine le premier segment abdominal sans cacher les ailes qui manquent complètement. La femelle est encore plus étrange que son époux, quoiqu'elle soit plus grande (7 à tO mill.) et de même couleur, les élytres réduites à des vestiges sont à peine vi- sibles et les ailes font défaut ; elle est d'ailleurs extrêmement rare à cause de ses habitudes sédentaires et peu lumineuse. Le mâle au cou- (1) *û;, lumière ; çaivô:, brillant. traire se traîne pendant le jour un peu partout sur le sol ou les plantes basses; le soir il pro- jette une faible lumière à l'aide des deux taches phosphorescentes qu'il porte sur son avant- dernier anneau. LES LUCIOLES — LUCIOLA (2) Les voyageurs qui ont parcouru le midi de l'Europe et surtout l'Italie ont tracé tant de pages merveilleuses sur les Lucioles, petites étoiles vivantes qui voltigent le soir en troupes nombreuses, que nous ne saurions les passer sous silence. Les Lucioles se distinguent aisé- ment des Lampyres par ce fait que leur tête est imparfaitement recouverte parle prothorax et que les deux sexes sont également pourvus d'élytres et d'ailes; elles se reconnaissent en outre à la brièveté de leur corselet transversal; les mâles ont trois segments de l'abdomen phosphorescents, les femelles deux seulement. Nous ne possédons en France, dans les dé- partements du Var et des Alpes-Maritimes, que le Luciola Lusilanica; le Luciola Italica, l'ins- pirateur des poètes, habite l'Italie. LES TÉLÉPIIORINES — TELE- PHORIN.E (3) Bie Tc'lephoiinen . Caractères. — On a réuni ensemble dans le groupe des Téléphorines un certain nombre de genres qui ont les caractères suivants : une lèle libre sans épistome distinct, un labre non distinct, des pattes grcMes non comprimées, un trochanter situé au côté interne des cuisses, le quatrième article des tarses bilobé et enfin un abdomen composé de 7 anneaux. Ils se distinguent des Lampyrines par le mode d'insertion des antennes qui sont implantées sur le front à quelque distance l'une de l'autre, par quelques particularités dans la disposition des pièces buccales; indépendamment de l'ab- sence de labre, ils ont les mandibules plus longues et souvent bifides ou dentées; leurs mâchoires sont robustes, grandes et grosses ; les palpes grêles n'ont plus leur dernier article tronqué. Distribution géographique. — Bien repré- sentée en Europe, cette tribu ala grande majo- rité des espèces qui la composent réparties dans les deux Amériques. (2) Lucciola, Ver luisant. (3) Jfjle, loin ; çofo;, qui porte. 238 LES TELEPHORINES. llœurs, habitudes, régime. — Plus d'un de nos lecteurs a déjà eu connaissance de récits de journaux parlant de» Vers de neige », c'est- à-dire de vers qui seraient tombés sur la neige à la première pluie d'hiver. Déjà en 1C72 une semblable apparition fut remarquée et consignée avec soin ; et le même « phénomène » eut lieu, comme le raconte De- ■geer, en janvier i749, en divers endroits de la Suède, et à cette occasion on rappela qu'anté- rieurement on avait déjà observé de ces Vers trouvés isolément sur les neiges et les glaces d'un lac, ce qui indiquait visiblement qu'ils y avaient été entraînés par lèvent. A la fin d'un hiver rigoureux (H février 1799), l'apparition se montra de nouveau dans la Rheingau sur la route de montagne à Offcnbach, à Bingen, etc., et produisit une telle impression que l'autorité judiciaire du canton de Stromberg dépêcha sur les lieux des agents pour dresser procès-verbal afin de savoirquel jour telles personnes avaient prétendu voir la pluie des Insectes. La su- perstition, qui cherche toujours dans toute apparition extraordinaire de la nature à voir une intervention, un châtiment céleste, ne tarda pas à pronostiquer cette fois tous les sinistres, la peste, la famine, et les terreurs d'une guerre nouvelle. Ces mêmes Vers, longs de 13 à 3,3 millimètres, apparurent en Saxe au mois de février 1811, et en Suisse le 30 janvier 1836. A Mollis dans le canton de Glaris ils couvraient une surface de 23,000 à 30,000 perches carrées (Quadratruthen), agglomérés en quantité si considérable, qu'une surface d'une toise carrée (Quadrat Klafter) présentait 5 ou 6 amas, et près de la forêt, 12 à 13. Quelques-uns se trouvèrent même sur les toits du village. On aurait trouvé une explication rationnelle de ce phénomène remarquable, si on l'avait cherchée. Les renseignements pris concor- dent et permettent d'établir que ces « Vers », que nous connaîtrons bientôt de plus près, avaient été par des causes diverses troublés dans leur retraite et arrachés de leurs asiles; car, comme nous le verrons plus loin, ils hi- vernent sous les pierres, les feuilles, les raci- nes d'arbres, etc. Ici ce fut une trop grande humidité due à des pluies continues, ou quel- ques journées relativement plus chaudes qui les obligèrent de monter à la surface; 1:\ ce fu- rent les bûcherons qui en abattant les Sapins et les Hêtres les amenèrent au dehors en re- tournant des masses de terres non gelées. Une autre fois, ce fut un ouragan violent, qui avait soulevé ces petits animaux avec bien d'autres êtres vivants et les avait entraînés au loin et même sur des champs couverts de neige, où il était facile de les apercevoir. La merveille est donc expliquée et les faits naturels auxquels elle se relie éclaircis. LES TÉLÉPIIORES — TELEPHORUS Caractères. — Indépendamment des carac- tères de la tribu, ils ont encore quelques par- ticularités ; les palpes maxillaires assez courts ont leur dernier article fortement sécuriforme ; les palpes labiaux également courts ont leur dernier article très grand, sécuriforme et pres- que triangulaire. Mœurs, hahituiles, régime. — Or, il s'agit de savoir quels sont ces Vers qui apparaissent en nombre immense. Nous ne serons pas obligé de le demander à la Hongrie, à la Suède ou à la Suisse, et nous n'aurons pas besoin d'at- tendre une pluie d'Insectes pour les connaître de plus près. Si le long des haies, des lisières des bois, près des enclos, des jardins, ou à d'autres endroits analogues, nous retournons en hiver une pierre un peu grosse, nous trouverons au- dessous d'elle, entre autres, une petite bête un peu recouverte de terre, recourbée en croissant, d'un noir velouté et plongée dans son engourdissement hivernal ; ou bien si nous attendons le retour d'une température plus douce, nous verrons le même animal sous la même pierre, mais sorti de sa couchette, se choisir comme proie l'un de ses petits com- pagnons de sommeil ; nous le rencontrerons aussi sur les chemins en train de sucer quel- que petit Coléoptère écrasé. Partout où nous l'apercevrons, nous le reconnaîtrons toujours facilement, entre tous les Insectes, au tissu feutré et velouté foncé qui recouvre sa face supérieure à l'exception de la moitié antérieure de sa tête. Cette tête apla- tie, cornée, pourvue de deux yeux, d'une paire d'antennes bi-articulées, est privée de chape- rons et de lèvre supérieure, mais porte de cour- tes et robustes mandibules armées d'une forte dent au milieu ; des mâchoires découpées en demi-cercle sur lesquelles sont implantés des palpes triarticulés, et une lèvre inférieure assez grande sur laquelle sont fixés des palpes bi- articulés. Les pattes courtes insérées sur les trois premiers anneaux nous ramènent au phé- LE TÉLÉPHORE COMMUN. 239 nomène précité et nous montrent que nous n'avons pas affaire à un Ver, mais bien à une Larve de Coléoplère qui pour l'ensemble de sa conformation nous rappelle les Larves des Vers luisants ligures p. 233. A la fin de mars, ou bien encore au commen- cement d'avril, on peut voir chaque année où les Larves abondent, comment elles s'emparent d'un Lombric ou d'une Larve de Tipule, en s'y implantant si solidement qu'elle se laisse sou- lever en l'air avec sa proie. Elles sucent com- plètement leur victime et finissent volontiers par la dévorer entièrement. L'Entomologiste novice, dans ses chasses au.x Chenilles, qui introduit quelques-unes de ces Larves dans ses boîtes pour des études ulié rieures, ne se doute pas qu'il a mis le loup dans la bergerie; rentré chez lui il trouvera la plupart des Chenilles attaquées et entamées, sinon déjà mortes; de sorte qu'il appren- dra à tes dépens que ces Larves sont des ani- maux utiles à l'horticulteur et à l'agriculteur. En avril et mai, elles deviennent lourdes dans leurs mouvements, roulent gauchement çà et là, se raccourcissent complètement et finissent par rester pendant cinq ou six jours à la même place où elles ont passé l'hiver, puis elles se débarrassent de leur peau pour devenir une Nymphe un peu recourbée en avant, d'un rouge pâle, aux yeux noirs. Quand le printemps montre toutes ses ri- chesses, lorsque l'Épine noire a déjà jeté au vent ses fleurs délicates et l'Epine blanche ouvert ses corolles, mille Coléoptères ont de- puis longtemps quitté leur cachette d'hiver, ou se sont dépouillés de leur fragile enve- loppe de Nymphe : alors entrent en ligne avec eux certains Coléoptères élancés aux longues antennes, pas précisément beaux, qui font le siège des fleurs et voltigent de l'une à l'autre, ou restent comme le Hanneton suspendus çà et là aux branches si le temps est rude et humide. Pour trouver leur nourriture, de prédilec- tion ils fréquentent les fleurs, mais ne deman- dent pas leur subsistance à la fleur même; ils s'emparent des autres Insectes qui s'y rendent dans le but d'y chercher le miel. Du reste ils ne sont pas exclusivement carnassiers et se repaissent aussi de sucs végétaux, et une espèce, le Telephorus obscurus, a été aperçue à plusieurs reprises dévorant de jeunes pousses de Chênes, dont elle causait la mort. 11 faut reléguer parmi les fables, malgré de sérieuses affirmations, l'assertion d'après la- quelle une espèce d'un jaune de limon, assez commune chez nous, s'attaquerait aux épis encore mous sur lesquels se développe l'ergot du seigle. LE TÉLÉl'UORE COMMUN OU TÉLÉPIIORE BRUN. — TELEPIIOIWS FUSCVS. Gemeitw Viekhkafer. Le Téléphore brun (fig. 343) est le plus com- mun de ces Insectes; ses longues antennes de onze articles, rouge-jaunâtre à la base, sont in- sérées sur le front et courbées en dessous à leur oiigine; la tête moitié noire et moitié rouge reste en partie masquée par le corselet arrondi; celui-ci est rouge à l'exception d'une large tache noire médiane antérieure ; les élytres sont noires, recouvertes d'une fine pubescence grise; la poitrine est noire, revêtue de poils gris; les pattes relativement grêles sont égale- ment noires, parsemées de poils gris avec les tarses de cinq articles rougeâtres, l'avant-der- nier étant divisé en 2 lobes. La griffe externe des pattes postérieures porte à sa racine une petite dent qui manque aux autres membres. L'abdomen est noir et rouge. L'ensemble de ces caractères distingue cette espèce des autres, au nombre de plusieurs cen- taines, qui ont avec elle la plus grande analogie, et sont surtout spéciales auxzonesfroideselplus particulièrement aux régions montagneuses. Nous citerons encore le T. livldus, répandu par toutel'Europe, qui est uniformément jaune Uavescent avec le corselet armé en son milieu d'une large tache rouge; la poitrine noire, les pattes antérieures et médianes rougeâtres, les pattes postérieures rouges avec le sommet de la cuisse et les quatre cinquièmes des jambes noires; l'abdomen noir et rouge. Fig. 343. — Télé- Fig. 344. — Drile Fig. 345. — Drile pliore brun. flavescent mâle. flavesctint femelle Le Drilus flmescens est un singulier Malaco- derme dont le mâle et la femelle fournissent un remarquable exemple de dimorphisme ; ils sont tellement dilTéreuls qu'il est impossible de 240 LES CLERIDES. prime abord de leur trouver'' une parenté. Le mâle noir aux élytres jaune testacé porte de jolies antennes flabellées (fig. 3M) ; la femelle (fig. 345) aptère aux antennes courtes monili- formes, au ventre rebondie, à l'aspect d'une Larve et se traîne péniblement sur le sol. Leurs Larves observées parMielzinskl elparDesmaret se nourrissent de petits Mollusqnps Hélix nemo- ralis principalement] dont elles habitent les co- quilles et où elles accomplissent leurs Méta- morphoses. LES MÉLYRmES — MELYRIN.^ {l) THeMelyrinen, Caractères. — Un certain nombre de Mala- codermes de petite taille vivant exclusivement sur les fleurs des plantes herbacées ont été réunis en un groupe, celui des Mélyrines, en raison du mode d'insertion des antennes et de la forme du chaperon. En effet, les antennes sont insérées latéralement au devant des yeux et le chaperon est nettement distinct. Uistribution séogfraphiiiue. — Ce groupe a des représentants dans toutes les régions du globe. LES MALACHIES — MALACBIUS {±) Caractères. — Ces jolis Insectes dont les couleurs vives rachètent la petitesse de la taille se distinguent entre tous par une particularilé fort singulière : ils ont la faculté de faire saillir sur les côtés du corps, quand on les excite d'une façon quelconque ou quand on les saisit, des vésicules rétractiles rouges ou orangées que les anciens auteurs ont nommées des cocardes ; les unes sont situées sur le bord antérieur du prothorax, les autres sur les côtés de l'abdo- men, derrière les hanches postérieures. Distribution géog^rapliique. — C est un genre nombreux, limité à l'Europe et aux par- tics avoisiuantes de l'Asie et de l'Afrique. LA DIALACHIE BRONZÉE. — MALdCHWS yENEC/S. Grosser Blasenkàfer, Parmi eux, ce sera le Malacluus xneus (fig 273, page 165) qui nous intéressera davantage. Une mesure que G millim. 1/2, mais c'est la plus grande espèce indigène. Ce Coléoptère est d'un vert brillant avec la partie antérieure de la tête jaune d'or, les angles antérieurs du corselet, les élytres, à l'exception d'une large tache suturale, écar- lales. Chez le mâle, les deuxième et troi- sième articles des antennes filiformes se ter- minent en dessous par un crochet tordu; les antennes elles-mêmes sont insérées entre les yeux et très bas sur le front. Ce Coléoptère, partout très commun au printemps, a une cer- taine valeur au point de vue de l'agriculture, à cause de la chasse qu'il fait aux Larves du Meligethes du colza. La Larve d'un rose pâle, avec la tête et les pattes ferrugineuses, à quatre ocelles de chaque côté, six longues pattes, son abdomen est ter- miné par deux pointes cornées, recourbées en haut. Elle vit exclusivement de proie, se tient derrière les écorces, sous de vieux toits de chaume on ailleurs encore, mais préférant toujours plutôt se cacher, que de se tenir au dehors et de courir librement à la surface des végétaux. LES CLERIDES — CLERWyE (3) Die Bunlkdfei'. Celte grande famille est apparentée à la pré- cédente; Latreille n'en faisait même qu'une section, cependant elle possède des caractères propres qui la séparent nettement. Caractères. — Entre tous il en est deux qui ont une véritable importance, l'un qui réside dans les tarses, l'autre qui a son siège dans les hanches ; en effet il existe sous les articles des (1) fttymologic incounuc. (2) MaXaxrJ;, mou. tarses des lamelles qui ne font jamais défaut, et les hanches sont transversales, enfoncées, recouvertes par les cuisses. Voici d'ailleurs d'autres caractères qui achè- vent de les particulariser : menton carré ou en forme de trapèze ; languette sans paraglosses ; mâchoires â deux lobes lamelliformes et ciliées; palpes labiaux plus longs que les maxillaires (3) KVïjfo;, ver cjui vit dans les ruches. LES TRIGHODES. 2il Fig. 310, 347 et 348. — Clairon formicaire. (Larve, Nymphe et Adulte.) ^^.M§? Fig. 319. —Clairon dos Abeilles. Fig. 350. — Nécrobio îicol roux, avec l'article terminal; yeux en général échan- crés ; antennes de onze articles, llabellées, dentées ou terminées en massue. Les pattes antérieures sont portées sur des hanches saillantes, cylindro coniques ; les hanches moyennes sont presque globuleuses, écartées, les postérieures ont la disposition in- diquée ci-dessus. L'abdomen est composé en dessous de o à 6 segments tous libres. Distribution gr^o^raphlque. — Les espèces, d'un aspect élégant, sont au nombre de plu- sieurs centaines (700 environ), et se répartissent surtout le globe; elles sont particulièrement nombreuses en Amérique. LES THANASIMES — THANASIMUS {\) Caractères. — Corps oblong ; tête grande, ovalaire ; labre échancré ; mandibules pour- vues d'une dent interne; languette membra- neuse, bilobée et ciliée ; antennes assez courtes aux trois articles terminaux formant une mas- sue lâche ; yeux très échancrés ; corselet étranglé fi la base avec une dépression triangu- laire en dessus ; élytres plus larges que le cor- selet, parallèles et arrondies au sommet. LE CLAIRON FORMICAIUE. — Tlf INASIitlUS rORMlCAIilVS. Ameismartiger Buntkâfer. Ce joli Insecte (fig. 348) a la tête et le bord antérieur du corselet noir, le reste du corse- let, l'écusson, le sommet des élytres rouges, les quatre cinquièmes des élytres noires cou- pées par deux bandes transversales sinueuses, blanches; le reste du corps noir. Ce Coléoptère vit dans le vieux bois et se nourrit deproie ainsi que sa Larve; il se montre abondamment dans les forêts de Conifères, et se tient surtout sur les troncs abattus ou en- core debout et fortement perforés. Là, il court (1) 0avâ(ri|J.oç, mortel. Breum. — VIL avec agilité de haut en bas, poursuivant sur- tout les Bostriches. S'il a réussi à s'emparer de l'un d'eux, il le maintient avec ses pattes an- térieures et le dévore. La Larve (fig. 347), de couleur rose, a le seg- ment prothoracique complètement chitineux sur la face dorsale, tandis que les deux premiers anneaux ne sont marqués que de quelques ta- ches. La tête porte de chaque côté deux ran- gées de cinq ocelles, des antennes bi-articulées et insérées sous une saillie au-dessus de la ra- cine des mandibules, un chaperon parcheminé, une lèvre supérieure à bordure sinueuse, des palpes maxillaires tri-articulés, des palpes la- biaux bi-articulés. Nous figurons la Nymphe (fig. 346). Cette Larve mérite bien de la forêt, encore plus que l'Insecte parfait, par l'activité qu'elle met à poursuivre sous les écorces les Larves de toutes sortes de Xylophages. Une espèce voisine, le T. iimtillarius, d'une taille un peu plus forte, au front jaune, à la tête et au corselet noir, aux élytres rouges à la base, blanches au sommet, noires, coupées de deux lignes blanches sur le restant, a les mêmes mœurs que les précédentes et n'est pas rare à Fontainebleau sur les tas de bois. LES TRIGHODES — TRICEODES (i) Ces Clérides plus robustes, mais de con- formation analogue aux précédents, sont de magnifiques Insectes, généralement très velus, d'un bleu foncé ou aux reflets verts, marqués sur les élytres dehandesrougesbordéesdebleu ou vice versa ; ils font l'ornement des Heurs. Caractère*. — Ils ont : la lèvre supérieure presque carrée, les mandibules tridentées, les mâchoires formées de deux lobes cornés, ve- lus et pourvus de longs palpes filiformes, les palpes labiaux encore plus longs portant comme les précédents un article terminal trian- (l'i TpixoôiSri;, qui est couvert de poils. Insectes. — 31 LA NKCllOBIE A COL ROUGE. gulaire; les antennes de onze articles dont les trois derniers forment une massue trian- gulaire déprimée et tronquée, les yeux forte- ment échancrés en triangle. Le corselet cylin- drique se rétrécit en arrière et les élytres ont exactement la même forme que chez les Cle- rus. Les pattes sont robustes, avec les cuisses postérieures bien plus courtes que l'abdomen; le premier article très court, avec le deuxième plus long, et les tarses sont longs surtout aux pattes postérieures. Distribution g^po^rapliique. — Les vingt-cinq espèces connues ont pour patrie presque ex- clusive l'hémisphère boréal ; beaucoup d'entre elles hantent les contrées que baigne la Médi- terranée ; l'Europe possède quelques espèces dont deux se rencontrent souvent en France et en Allemagne. lllœur§, habitudes, réerime. — Ils se tien- nent sur les fleurs, surtout sur les Ombellifè- res et la Reine des prés (Spirea ulmaria), d'où elles chassent les autres Insectes. LE CLAIRON DES ABEILLES. — TRICnODES APIARIVS. Gemeiner Immenkûfer. Le Clairon des Abeilles (flg. 349), qui mesure 12 millimètres de long, est entièrement bleu- noir, fortement ponctué et très velu; les élytres d'un rouge vif ont le sommet bleu et sont tra- versées par deux bandes également bleues qui manquent très rarement ; leur ponctuation grossière devient moins dense en arrière. On le trouve en mai-juillet; il n'est rare dans aucune partie de la France et de l'Allemagne. La Larve ressemble singulièrement à celle du Clairon formicaire, elle est seulement un peu plus ramassée, et sensiblement renflée en arrière. Elle se trouve de préférence dans les ruches de l'Abeille domestique où elle détruit les Larves, les Nymphes et des Abeilles à demi mortes sur le plancher des ruches pauvres, mal tenues où elle se cache dans les fentes pour hiverner. En avril elle recommence à dé- vorer le couvain jusque vers la fin mai, se rend ensuite dans le sol où elle s'établit dans une coque tapissée à l'intérieur et y devient au bout de trois ou quatre jours une Nymphe très semblable à celle que nous avons figurée (fig. 346). Après quatre ou cinq semaines, le Coléoptère sort de sa retraite. Quelques Larves semblent déjà se transfor- mer en Nymphe dès la première année et pas- sent ensuite l'hiver dans cet état. Celles-ci don- nent alors le jour au Trichodes au mois de mai suivant. Une seconde espèce toute voisine (C. alvea- rius) qui se distingue de la précédente par la disposition des taches bleues des élytres, l'écusson étant entouré d'une tache bleue, la tache terminale des élytres n'atteignant pas le bord, se rencontre avec la précédente sur les fleurs, mais sa Larve se tient, à partir de juillet jusqu'en avril de l'année suivante, dans les ga- leries des Sirex dont elle poursuit la Larve, dans les nids des Mellifères sauvages (Osmie, Megachile, Anthophore). LES NÉCROBIES — NECROBIA (1) Parmi les Clérides il est un genre qui a ac- quis une grande célébrité non pas à cause de la beauté de ses couleurs, de la singularité de ses formes, de l'étrangeté de ses mœurs, mais par suite de l'intérêt historique qui s'attache à sa création. Caractères. — Ce genre qui appartient h la tribu des Corynétines, et qui n'esta vrai dire qu'un démembrement du genre Corynetes, se distingue par la forme des antennes qui se ter- minent en une petite massue de trois articles, par la structure du dernier article des palpes qui est ovalaire et tronqué, par le nombre des articles des tarses dont on ne compte que qua- tre au lieu de cinq. Ce sont des Insectes de petite taille, les uns entièrement vert bleuâtre, les autres au corps rouge avec les élytres bleues. Distribution géographique. — Le genre de vie de ces Insectes ne permet pas une localisa- tion déterminée et a entraîné leur dissémina- tion sur tout le globe. Mœurs, habitudes, TÙgime. — Les Nécro- bies vivent exclusivement dans les matières animales desséchées où elles déposent leurs œufs et où se développent leurs Larves. LA NECROBIE A COL ROUGE. — NECROBIA RVFICOLLIS. Ce petit déride (fig. 330) fort élégant a la tête bleue verdâtre, les antennes noires, le cor- selet et l'écusson rouges, les élytres bleues avec la région basilaire rouge, le dessous du corps rouge avec le ventre bleu, les pattes rouges. (1) Nexpoç, mort ; piow, je vis ; dans le sens do je donne la vie au mort. LA NÉCROBIE A COL ROUGE. 2i3 Cet Insecte a acquis une grande notoriété, parce qu'il a sauvé la vie à Latreille, l'illustre Entomologiste introducteur de la méthode na- turelle dans la classilicalion des Insectes; et c'est par reconnaissance que ce savant lui a donné le nom de Nacrobia. Voici d'ailleurs d'après Bory de Saint- Vincent, témoin et ac- teur, comment l'Insecte arracha Latreille à la mort la plus misérable. n Latreille n'était connu, avant 1793, que par des communications d'Insectes nouveaux faites aux Entomologistes de l'époque, et par des mentions de Fabricius et d'Olivier. Prêtre à Brives-la-Gaillarde, il fut arrêté avec les curés du Limousin qui n'avaient pas prêté serment, quoique, ne desservant pas la paroisse, il ne dût pas être compris dans la catégorie. Ces malheureux ecclésiastiques, avec ceux qu'on recruta en chemin, furent conduits à Bordeaux sur des charrettes, pour être embarqués et dé- portés à la Guyane. Us arrivèrent vers le mois de juin, et furent déposés à la prison du grand séminaire en attendant qu'un navire fût pré- paré pour les transporter. On prétend que le proconsul de Robespierre, qui alors représen- tait le Comité de salut public dans le pays, avait fait disposer le navire pour qu'il pérît en route. « En ce temps, quoique fort jeune, je m'oc- cupais déjà beaucoup des sciences naturelles : mes parents possédant un beau musée, qui depuis plusieurs générations se formait dans ma famille. Je m'occupais surtout d'Insectes, et suivant des cours d'Analomie, les élèves en Chirurgie que j'y voyais se faisaient un plaisir de m'apporter les Papillons ou les Coléoptères qui leur tombaient sous la main. Le 9 thermi- dor qui arriva, comme on pressait la déporta- tion des prêtres, la fit suspendre. Le procon- sul sanguinaire fut rappelé à Paris pour rendre compte de sa conduite; un représentant plus doux fut envoyé à sa place. La guillotine fut démontée, les arrêts de mort cessèrent, on ne fit plus d'arrestation ; mais les prisons ne se vidèrent que lentement et les condamnés à la déportation n'en devaient pas moins être ex- pédiés. Leur départ fut retardé jusqu'au prin- temps, et Latreille demeura ainsi détenu et bien malheureux à la prison du grand sé- minaire. « Dans la chambre qu'occupait Latreille, était un vieil évèque, bien malade, dont un jeune chirurgien allait chaque matin panser les plaies. Quelques jours avant la mort de ce pauvre Monseigneur, comme le chirurgien achevait son pansement, un Insecte sortit de je ne sais quelle fente du plancher. Latreille le saisit, l'examine, le pique avec une épingle sur un bouchon, et paraît tout content de la trou- vaille. C'est donc rare? dit l'élève chirurgien. — Oui, répond l'ecclésiastique. — En ce cas, vous devriez me le donner. — Pourquoi? — C est que je connais un jeune monsieur qui a une belle collection de bons livres, et me donne diverses choses à mon goût quand je lui porte des petites bêtes. — Eh bien, portez- lui celle-ci; diles-lui comment vous l'avez eue, et priez-le de m'en dire le nom. « Le petit bonhomme accourut chez moi, me remit le Coléoptère ; je me mis à chercher dans Geoffroy, dans ce qui avait paru d'Olivier, dans l'édition de Linné par Villers et dans Fabricius, qui était ce qu'on avait de mieux, y compris le Sijilema nalurx de Gmelin. Le lendemain, quand l'élève vint savoir ma réponse avant d'aller au séminaire, je lui dis que je croyais son Coléoptère non décrit. Ayant ouï cette dé- cision, Latreille vit que j'étais un adepte, et comme on ne donnait point aux détenus de plumes ni de papier, il dit à notre intermé- diaire : Je vois bien que M. Bory doit connaître mon nom. Vous lui direz que je suis l'abbé La- treille, qui va mourir à la Guyane avant d'avoir publié son traité sur l'examen des genres de Fabricius. Quand ceci me fut rapporté, je fus de suite trouver mon père etM. Journu-Auber, mon oncle, qui, sortis du fort de Hâ depuis trois mois, avaient repris dans notre ville, ou la terreur cessait graduellement, leur grande in- fluence de fortune et de position. Je leur appris qu'un Naturaliste habile était détenu, et les priai de s'intéresser pour lui. Dargelas que je prévins aussi se joignit à nous ; on obtint avec quelques difficultés, mais enfin on obtint de l'administration du département, que Latreille sortirait de prison sous caution de mon oncle, de Dargelas et de mon père, comme convales- cent, et qu'on le représenterait quand l'autorité le réclamerait. Avec l'ordre de sortie, Dargelas courut au séminaire réclamer le prisonnier. La troupe venait de partir pour le funeste embar- quement. Nous courons au port; les malheu- reux sont déjii sur le ponton. Dargelas prend un bateau, et vient au milieu de la rivière où l'on appareillait ; il montre ses pièces ; Latreille lui est livré ; il nous l'amène, et trois jours après, comme il s'hébergeait avec nous et nous expri- mait sa reconnaissance, on apprit que le navire 244 LES PTINIDES. qui portait ses compagnons d'infortune avait sombré en vue de Bordeaux, et que les ma- rins seuls s'étaient sauvés sur la chaloupe du bord. « Trois mois après, mes parents avaient fait agir à Paris et obtenu la radiation complète do l'honorable victime, qui se rendit ;\ pied dans la capitale. » LES PTINIDES — PTINIDM Caractères. — Les Ptinides sont reconnais- sables à leur tête rétraotile qui peut rentrer dans l'intérieur du prolhorax qui la recouvre alors d'une sorte de capuchon, à leurs antennes de 9 à M articles qui ont des formes variables, à leurs yeux arrondis, entiers et saillants, à leurs mandibules courtes et robustes en géné- ral, à leur lobe interne des mâchoires souvent extrêmement réduit, à leurs palpes maxillaires comptant quatre articles, à leurs palpes labiaux de trois articles, à leurs hanches dont les anté- rieures et les médianes sont cylindriques, peu saillantes, et les postérieures transversales élargies ou non, à leurs tarses de cinq articles. Distribution géographique. — Ces Insectes répandus partout sont souvent cosmopolites ù cause du genre de vie de leurs Larves. Mœurs, habitudes, régime. — A 1 état adulte les Ptincs proprement dits se cachent sous les écorces des arbres prêts à périr de vé- tusté, dans les fagots, sous les mousses, dans les herbiers et les collections d'animaux négli- gés; sans respect pour la mort ils se réfugient même sous les bandelettes des Momies enfouies dans les nécropoles égyptiennes [Gibb'mm). Jamais ils ne se montrent à nos yeux, car ils sont amis de l'obscurité. Ce ne sont pas eux qui font grand dommage, mais leurs Larves portent partout leurs ravages. 11 est d'autres Ptinides, les Anobium et leurs proches parents, qui ne sont pas moins re- doutables ; leurs Larves attaquent aussi bien le bois mort encore sur pied, que les planchers, les lambris, les meubles, les bibliothèques, les herbiers ; ce sont elles qui perforent de part en part les manuscrits et les livres les plus précieux, qu'on dit alors piqués des Vers. LES PTINES ~ PTIKVS (1) hie Ptinen. Caractères. — Us se distinguent particu- (l IlTrivo;, qui vole. liôrement par le mode d'insertion des anten- nes, celles-ci en effet sont implantées sur le front; elles sont filiformes et comptent 11 ar- ticles. LE PTINE VOLEUR. — PTINUS FUR- I)er Dkh oder Kràuterdieb. Le Ptine voleur [Ptinus fur) compte parmi les hôtes les plus désagréables de nos maisons, en compagnie desquels nous l'avons figuré (p. 161, fig. 268). Comme eux, il se cache dans les coins, et ne se promène guère que la nuit, montant le long des murs et déployant son activité à rechercher sa nourriture. Ce Coléoptère, à peine long de 2 millimètres et demi, est d'aspect insignifiant mais diU'érent suivant le sexe. La femelle a les élytres ovalaires fortement ponctuées, striées, ornées antérieu- rement et postérieurement de deux bandes do poils blanchâtres pouvant souvent disparaître, tandis que le mâle les a presque cylindri- ques, tachetées ou non, marquées de ponc- tuations profondes également disposées en séries ; le corselet presque globuleux dans les deux sexes, un peu rétréci en arrière et creusé d'un sillon médian, relevé en carène seulement chez le mâle, est orné de quatre fascicules de poils frisés renversés en arrière ; les cuisses, très grêles à la base, se renflent subitement ; le corps est couleur de rouille dans les deux sexes. Sa Larve d'un blanc grisâtre, de 4 millimè- tres et demi de long, privée d'yeux, a la tête brune munie d'antennes fort courtes et de puis- santes mandibules, son corps velu porte six pattes; celui-ci est recourbé en dedans, ce qui montre qu'elle ne prend pas ses aises et qu'elle n'est pas hbre do se promener au dehors. Les Herbiers et les Collections entomologi- ques sont ses repaires de prédilection, et c'est surtout 1;\ que dès la naissance elle commet ses plus grands dégâts; elle se niche dans les grosses calalhides des composées, dans LES ANOBIES OU VRILLETTES- 2ia Fig. 351. — \rillctto marquetée. Fig. 35'2. — Piiliiius l'ig. 3,')3. — Lyctus pectinicornis. canaliculii. Fig. 3 j4. — Apate capucin. les fissures des cartons, et, toujours ;\ la recher- che des plantes dont elle fait sa pâture, elle perce d'épaisses couches de papiers, perfore les tiges, les feuilles, les fleurs qui lui bar- rent le chemin. Dans les entrepôts, les cham- bres remplies de provisions, partout enfin où restent sans être dérangés pendantlongtemps des produits assimilables, notre Larve trouve une nourriture suflisante. En août elle relie par des fils les débris qui l'entourent dans sa der- nière retraite et passe à l'état de Nymphe. Au bout de quinze jours l'Insecte adulte est en état de jouer son rôle dans la nature. LE PTINE JAIJNE DE LAITON. - PTIXUS JIOLO- LEVCUS. Mcssingfjelbcr Bohrh'l/'er. De temps à autre on observe dans les habi- tations quelques autres espèces de ce genre ou d'un genre extrêmement voisin, et entre autres le Ptinus jaune de laiton [Plinus hololeucus) importé dans ces derniers temps en Allema- gne par le commerce et qui a beaucoup éveillé l'attention. Ce Coléoptcre de forme ramassée, au corse- let globuleux, aux élytres largement ovales, frappe les yeux par sa fourrure jaune de lai- ton, soyeuse, tant que le frottement n'a pas mis à nu le fond noir du corps. A cause de sa forme ramassée et de sa lèvre supérieure bordée, par suite de la présence d'une dent émoussée au milieu du menton dont le bord est entier, tandis que chez le Ptinus il est pointu, on a établi pour notre Coléoptère le genre Niplus. Depuis une série d'années il passait des col- lections anglaises dans celles des Français ou des Allemands et paraissait cantonné dans la Grande-Bretagne, lorsque récemment il s'est montré vivant dans quelques maisons à Ham- bourg, Zwickau, llosswein ; il fut envoyé vivant ;\ la fin d'avril 1873 à M. Taschenberg avec la remarque suivante : observé par places en quantités prodigieuses dans les entrepôts de Quedlinbourg, il commençait à diminuer, mais on l'avait rencontré dans les habi- tations particulières où il avait été importé par les emballages d'articles de verrerie. Il est hors de doute que ce Coléoptcre est originaire de l'extrême Orient; car Felderman l'a d'abord dénommé et décrit dans sa faune (ranscaucasienne. LES ANOBIES OU VRILLETTES — ANOBIUM {[) nie KlopfMfcr odci- Wcrholzlaifer. Caractères. — On reconnaît les Anobiums aux caractères suivants : en opposition à ce qui a lieu chez les Ptines, les antennes sont insérées au bord antérieur des yeux ; la massue des antennes formée par les articles 0, 10 et il est aussi longue ou plus longue que la tige ; le. corselet bossu, en capuchon, à bords tran- chants, cache presque entièrement une tête petite, dirigée en dessous ; le corps est cylin- drique et pubescent. L'extrémité des mandibules cstbidentée; la mâchoire est formée de deux lobes velus et porte des palpes filiformes, quadri-articulés, tronqués obliquement en avant ; l'article terminal des palpes labiaux est tronqué et élargi. Aux deux premières paires de pattes, les hanches sont cylindriques, peu saillantes, elles sont à peine écartées dans la paire postérieure; les cinq articles des tarses sont entiers et peuvent se replier sous le corps comme les antennes ; car ces Coléoptères ont aussi l'habitude défaire le biort, défiant toutes les provocations, toutes ^1) 'Avaêiow, je ressuscite. 2i6 LES ANOBIES OU VRILLETTES. les excitations sans donner signe de vie : aussi leura-l-on donné le surnom de « boudeur». Itistribution géographique. — On connaît environ soixante espèces, dont la moitié habile l'Europe. Mœurs, habituiles, régime. — ToUS CeS Co- léoptères font entendre à certains moments des coups secs à intervalles réguliers rappe- lent le tic tac d'une montre. Si l'on entend ce bruit pendant la nuit dans la chambre silencieuse d'un malade, l'antique superstition le considère comme an- nonçant la dernière heure du patient: « l'Hor- loge de la mort » a fait entendre son glas funèbre. Mais en recherchant une explication naturelle et rationnelle du fait, on a cru d'abord reconnaître le mouvement rhylhmi- que de la Larve et de l'Insecte parfait ron- geant le bois; mais si on prête l'oreille on constate que si ses coups sont certainement très réguliers, le son qu'ils produisent ne ressemble en rien au tic tac d'une montre. C'est le Goléoptère qui produit ce bruit de la manière suivante : rentrant les pattes anté- rieures et les antennes, redressant le corps principalement appuyé sur les pattes du mi- lieu, il le projette en avant et frappe le bois avec le front et la partie antérieure du cor- selet. Becker à Hilchenbach a fait quelques obser- vations à ce sujet : « Parmi les nombreuses occasions où je guettai, dit-il, les coups frap- pés, une seule se présenta où je pus voir le Coléoplère frappant en dehors de la galerie li- gneuse. Ce fut au 1" mai 1863, vers le soir, ■que je fus témoin du fait, dans une chambre de mon logement où l'on avait déposé de vieilles planches. En tournant et retournant intention- nellement ces planches, je fus amené à trou- ver deux Anobium lessellalum récemment éclos, que je portai sur une table en les cou- vrant d'une cloche de verre. Au bout d'une heure je fus saisi d'étonnement, en voyant mes deux Ânobiuins unis de la façon la plus intime. Ceci ayant duré quelque temps et après que tous deux se furent de nouveau séparés à quelques pouces de distance, la femelle se mit à frapper ; le mâle dressa alors les an- tennes, exactement comme s'il voulait épier, puis il répondit par le même signal ; ce duo d'amour se continua pendant qu'ils se rap- prochaient de plus en plus et fut couronné de succès. « Les sérénades de coups frappés et les rap- prochements intimes se répétèrent à des in- tervalles plus ou moins longs jusque dans l'après-midi du lendemain. Au bout de ce temps les deux Coléoptères se tinrent tran- quillement séparés et à distance. Le matin du jour suivant, le mâle trahit dans tous ses mouvements un affaiblissement sensible, ne put bientôt plus marcher, et succomba le lendemain. » L'année suivante notre observateur reprit ses recherches à nouveau et les confirma. 11 raconte qu'il retira d'un vieux bois un couple qu'il sépara en mettant chacun des deux in- dividus dans une boîte d'allumettes vide bien close : « Le 8 avril, raconte-t-il, vers le crépus- cule j'entends l'un d'eux frapper; ce à quoi l'au- tre répondit bientôt. A mon grand désappointe- ment, le mâle mourut dans la nuit ; mais la femelle me causa une bien agréable surprise ; car en frappant contre la table où elle était placée avec une aiguille à tricoter, elle essaya d'imiter le choc, et me répondit pendant plu- sieurs jours par son petit signal avec une telle ardeur, qu'elle trahit ses désirs amoureux, mobile de son manège. Le 2 mai mon Goléop- tère me répondit pour la dernière fois ; il vécut encore jusqu'au 15, sans avoir, à ma connais- sance, pris la moindre nourriture. » ïaschenberg eut l'occasion d'épier, quoique moins complètement que Becker, les manœu- vres de cette espèce. « Ce fut les 13 et 16 avril 187-2, dit-il, pendant les heures de l'après- midi, que mon attention fut éveillée par des coups très forts. Le premier jour le bruit s'é- teignit bientôt et je ne l'entendis pas davan- tage. Mais le jour suivant il reprit et devint persistant. Je me mis à la recherche de mon sonneur et je finis par trouver au sommet de la fenêtre, derrière un lambeau de tapisserie arrachée, un superbe Anobium qui en frappant contre ce papier sec et élastique produisait un bruit extraordinairement sonore. » « L'Horloge de la mort » des esprits fai- bles devient donc indubitablement, grâce aux observations de Becker, « l'Horloge de la vie ». C'est pour procréer une nouvelle vie que nos Coléoptères s'appellent en frappant ces coups, tout comme les Lampyrides, plus poé- tiques sans doute, qui s'invitent aux doux épan- chements d'amour au moyen du télégraphe optique qu'ils ont inventé avant l'Homme. Les Anobies perforent à l'état de Larve le bois mort et de préférence les bois de Conifères, des Peupliers, des Tilleuls, des Bouleaux et des LA VR1J.LI5TTB DU PAIN. 247 Aulnes ou d'autres bois tendres d'arbres leuil- liis et, de là, sont transportés dans des lieux retirés où rien ne les trouble, comme les églises, les châteaux inhabités ; alors ils s'établissent dans les colonnes, les poutres, les sculptures précieuses, les vieux meubles de famille où ils causent des dégâts très sensibles. Les Larves, comme les précédentes, courbées et ridées, munies de six pattes courtes, se creusent des galeries dans le bois en ayant soin de ménager la couche extérieure, et le soir, quand tout est silencieux, elles font entendre leurs raclements dans l'épaisseur d'une vieille clôture, d'une ta- ble ou d'une chaise dont elles rongent l'intérieur jusqu'à le réduire en petits fragments et en poussière. Elles ont, paraît-il, acquis tonte leur taille en mai ou plus tard suivant les espèces. Alors elles se ménagent une logette un peu spa- cieuse, pour se transformer en Nymphes, qui, au bout de quelques semaines, deviennent In- sectes parfaits. Ceux-ci continuent l'œuvre de la Larve et arrivent enfin à gagner le large en per- forant ces milliers de trous parfaitement ronds que les marchands d'antiquité s'ingénient à imi- ter pour donner aux produits de leur industrie le cachet d'une haute antiquité. Ce sont ces trous qui trahissent à la longue la présence du «Ver» dans les boiseries, les poutres, l'encadre- ment des fenêtres d'un vieil édifice ; et ces ou- vertures serventaussi plus tard auxLarvesnou- velles pour rejeter au dehors la « vermoulure». Si l'Insecte s'est introduit récemment rien ne laisse soupçonner la présence des Larves qui commettront leurs ravages tout à leur aise et l'on ne pourra rien faire ou à peu près pour la conservation de la pièce attaquée. C'est en juin que le Coléoplère prend son essor ; là où ils ont élu domicile, on les voit accoupl<^s, le mâle plus petit porté par la fe- melle. L.V VRILLETTE MARQUETÉE. — AyOIlIUM TESSEL- LATUM. Bunter Klopfkiifcr. Le grand Anoéium tessellatum (fig. 351) est celui qui a les plus fortes dimensions. 11 se distingue de toutes les autres espèces par son corselet non creusé sous les bords, et par la ponctuation fine qui recouvre tout le corps à l'exception des élytres. De plus, les ar- ticles des tarses sont triangulaires et la face supérieure du corps est brune, parsemée de marbrures formées de poils gris jaunâtres. I.A VRILLETTE OPINIATRE. — AISODIUM PEll- TINAX. Der Trotzlwpf, die Todtenuhr. VAiinhinm perlinnx est noir ou d'un brun couleur de poix, sensiblement plus petit, il a les bords et les angles du corselet arrondis, marqués en dessus d'un creux en losange de chaque côté avec une petite tache de poils jaunes et une ponctuation profonde sur les élytres comme chez les espèces suivantes. LA VRILLETTE DES TABLES. — ANODIVM STltlA- TUM. Gestreiter Werkhohkûfer. L'Anobie striée {A. strlatum) est presque de moitié plus petit que le précédent, d'une couleur de poix plus ou moins foncée, cou- vert de poils fins et courts. Ses élytres sont striées-ponctuées, le corps est arrondi et non tronqué à l'extrémité. Les bords du corselet se courbent en angles vers les épaules, mais sans être entaillés. LA VRILETTE DU PAIN. — ANOBWM PANICEUM. Brodkâfer. L'Anobie du pain (A. paniceum), pour citer encore une quati'ième espèce ayant la même conformation que les précédentes, a le corse- let plan convexe, un peu rétréci en avant et le corps cylindrique brun rougeâtre recouvert d'une fourrure assez épaisse. Cette espèce ne recherche pas exclusivement, comme semble l'indiquer son nom, le pain dur, mais encore les substances végétales riches en matières amylacées ou sucrées; elle se tient dans les graineteries, dans les herbiers en com- pagnie du Ptine voleur ; elle perce même le pa- pier que l'on colle provisoirement avec de l'empois sur les vitres fêlées ; elle hante le bis- cuit de mer ; partout elle devient fort nuisible. Ce sont les lieux d'élection de la femelle pour déposer ses nombreux œufs; les Larves qui éclosent ne tardent pas à convertir les subs- tances alta(]uées en poussière concurremment avec l'Insecte parfait. Il est encore quelques Anobium, répartis dans des genres particuliers, que nous devons mentionner, car ils peuvent nous être très préjudiciables. 248 LES TENEBRIONIDES. Fig. 357. — Blaps présage de mort. Fig. 358. — Pimélio variée. Fig.'.359. — Akis Le PtiUnns pectinicornis (fig. 3^i2) est un petit Insectemesiirantàpeineimillimètres, déforme cylindrique, que la structure de ses antennes permet de reconnaître entre tous ; ces appendi- ces en effet, pectines chez les femelles, flabellés chez les mâles, forment d'élégants panaches ; il n'est pas rare dans nos maisons, car sa Larve perfore nos vieux meubles et même des meu- bles neufs, pare.xemple lorsque lesplacagesont été appliqués sur des bois qu'on n'avait pas débarrassés de l'aubier. Le Catorama tabaci, aux antennes terminées en massue, est un petit Coléoptère queM. Gué- rin-Méneville a découvert dans des cigares de la Havane ; il les perce de part en partetleur ôte toutevaleur, puisqu'ils ne peuventplus être fumés. \/Apate (Bos/richis) capitcina (fig. 354) est le type d'une petite famille, celle des Apalides ou Bostric/iùles ; c'est un Insecte de taille moyenne au thorax noir, aux élytres rouges, dont la Larve se développe dans le bois. Le Lycltis cana/iculatus (Rg. Soi), type de la famille des Lyctllcs, est un Coléoptère de 3 à 'i millimètres de longueur de forme allongée, aux élytres marquées de nombreux sillons, dont la Larve se développe dans le bois. Elle réduit en poussière les poutres, les frises, les meubles de Chêne où il reste trace d'aubier. Les Trogosilides, aujourd'hui rapprochés des Nitidulides, étaient placés par Latreille à coté des Lyctides. Le Tro'jOsiia niauritanua (fig. SoG), Fig. 355, 356. — Trogo-iite mauritanienne. (Larve et adulte.) qui est le type de la famille, est un Insecte long de 7 à 8 millimètres, noirâtre en dessus, brun plus clair en dessous, avec les élytres striées, qui se réfugie sous les écorces, se trouve dans les noix, le pain, etc. Sa Larve (fig. 355), connue en Provence sous le nom de Cadellc, attaque le grain et devient très préjudiciable. L'adulte carnassier détruit la Tinea (jranella. LES TENEBRIONIDES — TENEBRIONIDjE Die Schimrzluifer oder Tenebrioniden. C'est avec la famille des Ténébrionides {Me- lasomata, Tmebvionidx) que commence la série des Coléoptères hétéromères. Malgré la diver- sité de formes qu'affectent les espèces, au nom- bre de plus de 4,500, réparties dans de nom- breuses sections, ces Insectes n'en constituent pas moins un grand groupe isolé et bien défini, et montrant de grands rapports dans la colora- lion, qui est uniformément noire, et la confor- mation des tarses. Caractères. — Les pièces de la bouche sont ainsi constituées : la languette, amplement couverte parle menton inséré dans une échan- crure, présente des paraglosses; les mandibules, courtes et puissantes, sont armées d'une dent molaire à la base et les mâchoires ont deuxlo- LES BLAPS. Fis. SCO. — Opairo il Sranriis sti-ié. %(\i. — Diapnri-. ; guette avec une impatience extrême ; il quitte prestement le corps de sa bienfaitrice et se pose sur l'œuf. L'Abeille, après avoir fait tout ce que sa tendresse maternelle lui a prescrit, c'est-à-dire après avoir approvisionné les cellules où doi- vent se développer ses jeunes, ferme herméti- quement leur entrée, c'est maintenant que notre jeune Larve va commencer sa carrière. Elle dévore l'œuf, sa première nourriture, puis, déposant le mas(|ue qu'elle portaitjusqu'à ce moment, elle se transforme en une Larve molle, sensiblement différente d'aspect et qui, étant organisée pour se nourrir de miel, s'ac- croît et atteint tout son développement sous l'influence de ce régime. Notre figure 381 repré- sente cette Larve. Elle a 12 anneaux, pourvus de stigmates depuis le deuxième thoracique jusqu'au huitième abdominal inclusivement. La tête privée d'yeux est cornée, la lèvre supé- rieure s'avance en trapèze, les mandibules fortes et courtes sont faiblement courbées et armées d'une dent à lintérieur; les antennes, les palpes sont triarticulés, les pattes courtes à griffes simples. On peut se demander avec raison ce que devient le Triongulin qui par erreur grimpe sur une Abeille mâle, sur nu Hyménoptère fouisseur ou une Mouche velue et ne peut arri- ver à son but. Victime de son erreur, il est condamné fatalement à périr. C'est parce que le développement ultérieur dépend ici de conditions toutes particulières où le hasard joue le rôle principal que la nature a pourvu à la conservation de l'espèce en don- nant à la femelle la faculté de pondre des my- riades d'œufs. — Newport a compté que l'une d'elles avait pondu 4,218 œufs, — qu'elle a doté les Larves de curieux instincts, et qu'elle les fait naître dans des circonstances qui leur per- mettent de discerner les Abeilles, surtout des genres Anlfiophora, Macrocera, Andrena, Halic- lus, Eucera, Osmia, Bomfnis et autres, qui peu- vent assurer leur sort. (In pourrait croire que la Larve, après avoir consommé sa ration de miel, et ayant atteint son développement complet, se transforme au moins en Nymphe à la manière ordinaire. 11 n'en est rien pourtant. La peau se fend dans la 2G0 LE MELOE COMMUN. nioilié antérieure du clos et, après avoir été re- foulée à demi en arrière, a laissé en partie à découvert une fausse nymphe ou psendochry- salide (fig. 3S2). C'est une masse inerte, de consistance cornée, de couleur ambrée, de 20 mill. de longueur et composée d'une tête suivie de 12 anneaux; courbée en arc, elle a l'abdomen aplati, le dos bombé, une tête, sorte de masque sur lequel sont sculptées plu- sieurs saillies immobiles qui correspondent aux diverses parties futures de la tète, et des protubérances sur l'emplacement desquelles se montreront les pattes. A l'intérieur de cette Pseudochrysalide dont l'enveloppe cornée s'isole du contenu, se dé- veloppe de nouveau une troisième Larve molle et vermiforme qui dans un temps très court devient une Nymphe véritable (fig. 383). Telle est la marche de la Métamorphose des Méloés ; elle a pu être observée en entier chez les uns et avec quelques interruptions chez les autres. C'est à Newport et Fabre que nous sommes redevables des belles observations qui nous ont révélé ces faits absolument inattendus et sur- prenants au plus haut degré; elles ont été poursuivies sur le Meloe cicatricosus. LE MÉLOÉ DIGAKRÉ. — MELOE VAIIIEGITVS. hunier Oelkàfer. Le Méloé de mai [Melop variegatus ou maja- lis), est répandu dans toute l'Europe, le nord- ouest de l'Asie et le Caucase et semble parlicu - lièrement commun en France et en Allemagne (fig. 379). 11 est d'un vert métallique plus ou moins bleuâtre ou à reflets purpurescents, marqué de grossières rugosités ; le corselet posé d'aplomb se rétrécit un peu en arrière et a ses bords légèrement relevés. Sa longueur totale varie de H à 26 niillim. selon que la Larve im- portée dans la cellule de l'Hyménoptère y a trouvé une plus ou moins grande provision de miel. Cette Larve jeune ou Triongulin a de 2 à 3 mil- lim., elle est d'un noir luisant et organisée comme nous l'avons dit plus haut. Elle peulêtre extraordinairement abondante, et partant se trouver aussi sur l'Abeille do- mestique, mais toutefois dans des conditions particulières. Ce Triongulin ne se contente pas de se glis- ser parmi les poils de l'Abeille, mais il pénètre entre les anneaux imbriqués de l'abdomen et détermine chez l'Hyménoptère de violentes convulsions qui causent sa mort. Il reste posé sur les Abeilles mourantes, qui jonchent le plancher de la ruche, ou bien, après avoir quitté les cadavres, erre çà et là au milieu des débris; mais à son tour il est néces- sairement condamné à périr. On a trouvé en avril-mai, soit le Triongulin du M. vai-iegalus, soit celui d'une autre espèce, on ne sait laquelle, mort ou à l'agonie, étendu dans les rayons et à la surface du miel; car, avant d'avoir consommé l'œuf et avoir fait sa première mue, il ne peut se nourrir de miel. 11 en résulte que ce n'est point par leur exis- tence parasitaire que les Meloés sont nuisibles aux Abeilles, mais leurs Larves dans le premier âge devieiment préjudiciables aux Abeilles pourvoyeuses par lesquelles elles se laissent introduire dans la ruche, aux ouvrières récem- ment écloses, aux Faux-Bourdons ainsi qu'à la Reine, sur lesquels elles se cramponnent pour percer leurs téguments. Les phases ultérieures du développement de cette espèce ne sont pas encore connues. LE MELOÛ C0J1MU>. — MELOE PlWSCAlUliMVS. Gemeiner Mmwurm. Le Méloé commun [Meloe proscarabxits) est encore plus répandu que le précédent dans les mômes contrées. Il est d'un noir bleu à reflets violets, marqué do ponctuations sur la tète et le corselet ; celui-ci presque carré n'est que faiblement rétréci en arrière et arrondi aux angles; les élytres sont marquées de stries transversales leur donnant un aspect gaufré ; chez le mâle le 6° article des antennes est élargi en disque et échancré en dessous (fig. 376, 377). La taille varie autant que chez le précédent, et chez les individus petits, les élytres dépassent même l'abdomen. Le Triongulin un peu plus petit que celui du Meloé précédent, n'a que 2 millimètres un quart; sa tête est aussi plus arrondie, moins triangulaire et la teinte du corps est jaune va- riant du clair au foncé. On le trouve également sur l'Abeille domes- tique et particulièrement entre les poils du thorax, mais il ne perce jamais le corps et par conséquent ne cause aucun dommage. Les phases ultérieures du développement 1 n'ont pas encore été observées. LES MYLABRES. 261 Fig. 38 4. — Mylabrc do Fuosslin. Fig. 38à. — Mylabru variable. Fig. 384 à 38G. — Les Mylabres. Fig. 38(i. — Ccrocomc do Scliœffer, Il paraît que parfois cette Larve peut attein- dre la deuxième phase de son développement; du moins Assmuss a trouvé dans une ruche in- forme, peu féconde et presque dépleuplée, une seule fois deux Larves de 13 millimètres de long arrivées à la deuxième phase et qu'il a rapportées à notre espèce parce qu'il avait observé à la fin de mai la première forme du Meloë pi'usca- rabxm sur ses Abeilles. Malheureusement, malgré tous les soins, elles ne purent être élevées et moururent au bout de peu de jours. On trouve encore en France quelques autres espèces : le .)/. cyaneus, autumnalis (flg. 378), violaceus, pu7'piirascens, tuccius, rugosus, breui- cullis cicatt'icosiis . LES CANTHARIDINES — CANTHARI- DIN.E Dit- Cantharidinen. Caractères. — Les Insectes de cette tribu se distinguent nettement des Méloïnes par quel- ques caractères saillants : leur métasternum, au lieu d'être court, est au contraire fort al- longé, leurs hanches intermédiaires, au lieu de recouvrir les hanches postérieures, sont distinctes de ces dernières; au lieu d'être aptè- res, ils sont presque toujours ailés. LES MYLABRES — MYL ABRIS (I) Lie Mylabrinen. Caractères. — Les élvtres, recouvrant pres- qu'en toit les ailes et le corps, sont toujours élargies postérieurement; le fond en est habi- tuellement noir marqué de bandes légères ou de taches de couleur rouge ; quelquefois au con- (1) MuiaSpi;, nom que Dioscoride donne à I.t Cantbaride. traire ce senties dessins noirs qui se détachent sur un fond clair ; les cuisses et les jambes sont linéaires, les jambes porlent de longs éperons terminaux; les tarses égaux, longs, un peu aplatis, sont armés de griffes doubles caracté- ristiques. Les espèces en raison de l'uniformité de leur conformation et de leur coloration sont fort difficiles à distinguer les unes des autres. Distribution géois^raphique. — Fort riches en espèces, — on en compte plus de 200, — ce genre est essentiellement méditerranéen, afri- cain et asiatique. La France méridionale, la Suisse, possèdent quelques espèces : M. Fuess- Hiii (flg. 384), vaiiabilis (flg. 385), aux dessins infiniment variables, qui remonte jusqu'au centre de la France et peut arriver près de Paris, M. quadriptmclata, duodecimpunctaln, (ji'ininata, flexuofa. Mœurs, liabitudes, régime. — Ce sont des Insectes amis du soleil qui S'e plaisent sur les Graminées et les plantes basses, et dont les mœurs ne sont pas encore connues; on sup- pose qu'à l'exemple de leurs congénères ils se développent dans les nids de certains Hymé- noptères. Usages. — Ces Insectes dans beaucoup de pays remplacent les Cantharides pour les pré- parations médicales, car ils possèdent les mêmes vertus; d'ailleurs ces Mylabres parais- sent être les véritables Cantharides des anciens qui lesemployaientfréquemmenten médecine; voici d'ailleurs ce que Dioscoride rapporte à leur sujet : «Les Cantharides qui ont le corps allongé, épais, et les élylres parées de bandes transversales jaunes, sont très efficaces; celles au contraire qui sont de la môme couleur n'ont point de vertu. » Certaines espèces exotiques fort abondantes sout utilisées pour l'extraction de la Canthari- dine. Nous mentionnerons simplement un fort joli 262 LE SITARIS MURALIS. Insecte apparenté au Mylabre, le Cerocoma Schœfferi[Ç\g. 386), qu'on trouve dans nos dépar- tements méridionaux sur les fleurs des champs (Scabieuses, Marguerites) ; il est reionnaissa- ble entre tous à la l'orme de ses antennes cour- tes, de 9 articles, élargies en spatule à l'ex- trémité, à sa belle couleur passant du bleu au vert métallique, relevé par des poils fins blanc cendré; les antennes et les tarses étant seuls testacés. LES SITARIS — SITARIS (I) Bie Sitarinen. Caractères. — Ils sont faciles à reconnaître il leurs élytres béantes, dès leur origine, for- mant une courbe sinuée à partir de la suture, prolongées en queue sur les côtés, extraordi- nairement amincies à leur extrémité qui se ter- mine en pointe obtuse, et qui ne cachent qu'imparfaitement les ailes bien développées. Les antennes sont filiformes, les mandibules courbées à angle droit vers le milieu, les mâ- choires bilobées garnies de poils; les hanches postérieures sont éloignées des hanches moyen- nes ; le crochet inférieur des tarses est ordi- nairement simple, ou parfois pectine dans la môme espèce. LE .SITARIS MURALIS. — SlTJflIS MURJUS- Rollisch^Henijev Biencnktifir. Ce Sitaris (fig. 387) est un Insecte entière- ment noir à l'exception des épaules qui sont jaune rougeâlre (Sitm-is miiralis, travesti par Fabricius en Aecydalis humei-alis), est un Co- léoptère intéressant du midi de l'Europe, qui a été observé dans le nord jusqu'au sud duTyrol et récemment à Francfort-sur-le-Mein où on en a trouvé plusieurs individus contre une maison. Commun dans le midi de la France, on le rencontre quelquefois dans les environs de Paris et même en Normandie. Par sa forme générale, plutôt que par ses Métamorphoses, il rappelle le Rhipiphore Porte-éventail. Itlœurg, lialiitudies, régime. — C'est au.X bel- les recherches de Fabre (2), que nous devons la connaissance des transformations singulières des Sitaris, c'est à ses remarquables observa- tions que nous devons la découverte du phé- (I) l'jTcipiov, grain de blé. V-'. Fabie, Annules des Se. nat., 1. IX, 1837. nomène de l'Hypermétamorphose. Mais lais- sons l'auteur lui-même raconter les péripéties par lesquelles il a du passer pour arriver à sa découverte et nous admirerons une fois de plus sa merveilleuse sagacité, son admirable patience. « Le terrain de molasse des environs de Car- pentras (Vaucluse) se prêle à un genre de cons- tructions économiques qu'on utilise fréquem- ment dans la campagne, sous forme de hangars, de celliers et enfin de modestes retraites au milieu des vignes. Entre deux puissantes dalles de grès séparées par un lit convenable de terre marneuse ou de sable friable, on pratique une excavation qui a pour plafond la dalle infé- rieure ; et l'édifice est bâti. » « Les faces latérales de celte excavation, surtout vers l'entrée, et le plafond, lorsque le roc n'y est pas immédiatement à nu, sont forées d'une multilude d'orifices circulaires pressés l'un contre l'autre jusqu'à se trouver fréquemment conligus. Ces trous arrondis dont la régularité peut défier la tarière, et les cor- ridors capricieusement flexueux auxquels ils servent d'entrée et qui s'enfoncent à 2 ou 3 décimètres dans les parois, sont l'ouvrage d'un Hyménoptère collecteur de miel, d'une Antho- ]}\ïov&, Anlhoijhora /j(7i/jes, fort commune dans ces contrées Quand ces abris, ces grottes, soit naturels, soit produits par la main de l'homme, ne sont pas à sa portés, l'Antho- phore bâtit ces cellules dans l'épaisseur des nappes verlirales d'un sol nu et exposé au mi- di, comme en présentent les talus des chemins profondément encaissés Si l'on veut assister aux travaux de l'industrieuse Abeille, c'est dans la dernière quinzaine du mois de mai qu'il faut se rendre sur ces divers chantiers. On peut alors, mais à respectueuse distance, contempler dans toute son activité vertigineuse le tumultueux et bourdonnant essaim occupé à la construction et à l'approvisionnement des cellules. En août et septembre, tout est silen- cieux, dans le voisinage des nids, car les t ravaux sont achevés depuis longtemps, comme le témoignerait au besoin les nombreuses toiles d'Araignées qui tapissent tous les recoins, et s'enfoncent en tube de soie dans l'intéiieur des galeries de l'Hyménoptère... A quelques pou- ces (leprofondeurdanslesol, dorment jusqu'au printemps prochain des milliers de Larves et de Nymphes enfermées dans leurs cellules d'argile. Des proies succulentes, incapables de défense, ne pourraient-elles tenter quelques- LE SITARIS MURALIS. 263 parasites assez industrieux pou ries atteindre?... Ici la surface entière d'un talus ù pic ou tout le plafond d'une grotte est tapissé de cadavres secs d'un Colcoptcre, le Silaris imavl'S, appen- dus an réseau soj'eux des Araignées. El don- nant la vie au milieu mûine de la mort, parmi ces cadavres circulent affairés des Sitaris mâles s'accouplant avec la première femelle qui passe à leur [lorlée, tandis que les femelles fécondées enfoncent leur volumineu.K abdomen dans l'o- ritice d'une galerie et y disparaissent à recu- lons. Il est impossible de s'y méprendre : quelque grave intérêt amène en ces lieux ces Insectes qui dans un petit nombre de jours apparaissent, s'accouplent, pondent et meu- rent aux portes mômes des habitations des Anthophores. « Donnons maintenant quelijues coups de pioche au sol où doivent se passer les singu- lières péripéties que l'on soupçonne déjà et où. Tannée dernière, pareille chose s'est passée ; peut-être y trouverons-nous des témoins irré- cusables du parasitisme présumé. Si l'on fouille riiiibilation des Anthophores dans les derniers jours du mois d'août, voici cequ'on observe Les cellules de ces Hyménoptères d'une régu- huité géométrique irréprochable, d'un Uni l)arfait, sont des ouvrages d'art creusés à une profondeur convenable dans la masse môme du banc argilo-sablonneux et sans autre pièce rapportée que l'épais couvercle qui en ferme l'orilice étroit. Ainsi protégées par la prudente industrie de leurs mères, hors de toute atteinte au fond de leurs retraites solides et reculées, les Larves de l'Anthophore reposent à nu dans leurs cellules dont l'intérieur est poli avec un soin minutieux Parmi ces cellules, les imos renferment des Larves et proviennent des travaux du dernier mois de mai ; les autres, sans aucun doute plus vieilles, sont occupées par l'Insecte parfait qui, métamorphosé trop lard, passera l'hiver dans cette retraite ; d'autres encore , aussi nombreuses que les précédentes, renferment un Hyménoptère pa- rasite,uneMélecte {AJelecta a?v«a. 395. — Cellule contenant une Larve de Sitaris à son deuxième âge flottant sur le miel. Fig. 393 il 39:. — Nid du Colletés succinctus, d'après V. Mayet. d'autre pari, elle se rapproche des Chrysalides, parce que l'Animal, pour arriver ;\ cet état, a besoin de se dépouiller de sa peau comme le font les Chenilles; elle dillere de la Pnpe parce qu'elle n'a pas pour enveloppe le tégu- ment superficiel et devenu corné de la Larve, mais bien un tégument plus interne; et elle diffèie des Chrysalides par l'absence des sculp- tures qui trahissent, dans ces dernières, les appendices de l'Insecte parfait. Enfin, elle dif- fère encore plus profondémenl de la Pupe et de la Chrysalide, parce que de ces deux or- ganisations dérive immédiatement l'Insecte parfait, tandis que ce qui lui succède est sim- plement une Larve pareille à celle qui l'a pré- cédée. Pour une organisation nouvelle j'em- ploierai volontiers celui de Pseudo-lurve em- I loyé déjà par Newport à propos des Méloés ; mais celle expression ne rappelle pas le carac- tère es?enliel de cette organisation, la consis- tance cornée de ses téguments, son apparence de Pupe ou de Chrysalide; d'ailleurs, elle s'ap- pliquerait beaucoup mieux à la seconde forme (juB je viens de décrire ou bien à la suivante ou à la quatiième, cardans les deux états, rani- mai a vraiment les traits d'une Larve, et cette Larve n'a aucune ressemblance intime avec la Larve primitive ou celle qui est issue de l'œuf. J'emploierai donc pour désigner l'organisation actuelle, la dénomination de Pseuiln-chrijsal'de, et je réserverai les noms de Larve primitive, de seconde Larve, de troisième Larve, pour dési- gner, en peu de mots, chacune des trois formes dans lesquelles les Sitaris ont tous les caractè- les des Lar\es. i . .^,. « Quelques Sitaris ne restent guère qu'un mois à l'état de Pseudo-chrysalide. Leurs au- tres Morphoses s'accomplissent dans le courant du mois d'août, et au commencement de sep- tembre, ils arrivent à l'état d'Insectes parfaits. Mais, en général, l'évolution est plus lente; la Pseudo-chrysalide passe l'hiver, et ce n'est, au plus lot, qu'au mois de juin de la se- conde année que s'opèrent les dernières mor- phoses. Passons sous silence cette longue pé- riode de repos et arrivons aux mois de juin et de juillet de l'année suivante, époque de ce qu'on pourrait appeler une seconde éclosion. » « La Pseudo-chrysalide est toujours enfer- mée dans l'outre délicate, formée par la peau de la seconde Larve. A l'extérieur rien de nou- veau ne s'est passé; mais à l'intérieur de graves changements viennent de s'accomplir... Les téguments cornés de la Pseudo-chrysalide se sont détachés de leur contenu tout d'une pièce, sans rupture, de la même manière que l'avait fait, l'an passé, la peau de la seconde Larve; et ils forment ainsi une nouvelle enve- loppe utriculaire sans adhérence aucune avec son contenu, et incluse elle-même dans l'outre façonnée aux dépens de la peau de la seconde Larve. De ces deux sacs, sans issue, emboîtés l'un dans l'autre, l'extérieur, comme ou l'a déjà vu, est transparent, souple, incolore et d'une excessive délicatesse; le second est cas- sant, presque aussi délicat que le premier, mais beaucoup moins translucide à cause de sa co- loration fauve qui le fait ressembler à une mince pellicule d'ambre... Enfin dans sa cavité s'ai)ei-Ç(iit quelque cho-^e, dont la forme reporte 270 .LE SITARIS DES COLLETES. aussitôt l'esprit à la seconde Larve. Et en effet si on déchire la double enveloppe qui protège ce mystère, on reconnaît, non sans étonne- ment, qu'on a sous les yeux une nouvelle Larve pareille à la seconde (fig. 391). Après une transfiguration inconcevable, l'Animal est revenu à son point de départ! Miraculeuse souplesse de l'organisation qui se prête à de jjareils changements à vue! Deux jours au plus après sa première apparition, elle retombe dans une inertie aussi complète que celle de la Pseudo-chrysalide... » « La durée de la troisième Larve n'est guère que de quatre ou cinq semaines ; c'est aussi à peu près la durée de la seconde. Dans le mois de juillet, où la seconde Larve passe à l'état de Pseudo-chrysalide, la troisième passe à l'état de Nymphe, toujours dans l'intérieur de sa double enveloppe utriculaire. Sa peau se fend en avant sur le dos, et à l'aide de quelques faibles contractions qui reparaissent en cette circonstance, elle est rejetée en arrière sous forme de petite pelote. 11 n'y a donc rien ici qui diffère de ce qui se passe chez les autres Coléop- tères. La Nymphe (fig. 392) qui succède à cette troisième Larve, ne présente non plus rien de particulier; c'est l'Insecte parfait, au maillot d'un blanc jaunâtre, avec ses divers organes appendiculaires limjjides comme du cristal, et étalés sous l'abdomen. Quelques semaines se passent pendant lesquelles la Nymphe revêt en partie la livrée de l'état adulte, et, au bout d'un mois environ, l'Animal se dépouille une der- nière fois pour atteindre sa forme finale... Enfin vers le milieu du mois d'août, il déchire le double sac qui l'enveloppe, perce à l'aide de ses mandibules le couvercle de la cellule d'An- thophore, s'engage dans un couloir, et ap- paraît au dehors à la recherche de l'autre sexe. » Telles sont les belles observations qui sont venues modifier profondément nos connais- sances sur les Métamorphoses des Insectes, en nous faisant connaître des transfigurations multiples des plus étranges; c'est à Fabre, le brillant continuateur de Réaumur, que re- vient l'honneur d'avoir découvert VHtjpei'inéla- morp/iose. Depuis la publication de ses recherches (1837) de nouvelles études sont venues confir- mer la justesse de ses observations. M. Valéry Mayet a publié en 1875 (1) un très intéressant (1) V. Mayet, Annales de la Suc. eut. de Ffance, Ib'j m(:mo\ve.%\iv\iiiMœurs elles Métamorphoses duSi- Inrk colletis ou analis qui habite les cellules d'une Abeille du genre Colletés dont les nombreuses colonies s'établissent dans de grandes carrières de sable aux portes même de Montpellier. Les mœurs de ces Sitaris ont la plus grande ana- logie avec celles des Sitaris nwralis; cependant elles en diffèrent par quelques particularités fort curieuses. Ainsi les Triongulins des Sitaris colletis n'hivernent pas pelotonnés au milieu des dépouilles de leurs œufs; éclos du 13 au 30 septembre, quatorze ou quinze jours après la ponte, ils restent quelques jours engourdis, mais se mettent bientôt en campagne, du 30 septembre au 3 octobre, et envahissent les ga- leries des Abeilles pionnières. C'est la nuit qu'elles les attaquent, lorsque celles-ci, épuisées par le travail d'une longue journée, vont se reposer dans leurs galeries; elles s'attachent par grappes aux pattes des Hyménoptères et grimpent prestement sur leur dos pour s'ins- taller à la naissance des ailes et se crampon- ner aux plus longs poils. Us se fixent indiffé- remment sur les mâles ou les femelles. « Une fois bien établis, ils attendent patiemment, voi turés du matin au soir, que l'heure de la ponte de l'Abeille soit arrivée. Celle dernière met un jour à peu près pour creuser sa galerie et pré- parer la cellule qui est une loge en forme de dé à coudre très allongé (fig. 393,394 et 393) et ta- pissé d'une couche de matière blanche et trans- parente. Le jour suivant, la provision de miel est achevée. Au moment sans doute où l'œuf qui vient d'être pondu est fixé par une sécrétion visqueuse aux parois de la cellule, un et souvent plusieurs Triongulins quittent le dos de l'A- beille pour sauter sur l'œuf ou contre la paroi de la loge. La ponte de son œuf terminée, l'A- beille, confiante, ferme sa cellule et va recom- mencer son travail un nombre de fois égal à celui des œufs qu'elle a à déposer. « (I Sur les six cents cellules environ que j'ai emportées et observées dans mon cabinet, cel- lules recueillies en octobre, novembre, décem- bre, janvier, février, mars, avril, mai, juin et juillet, j'en ai trouvé trente ou quarante qui n'é- taient habitées ni par des Colletés, ni par des Si- taris. J'ai ouvert toutes ces cellules. Dans tou- tes j'ai trouvé la provision de miel intacte et à la surface de ce miel, ou immergés dans cette substance, de deux à cinq Triongulins morts. » u Sans doute, me suis-je dit, ou l'œuf a été insuffisant pour nourrir plusieurs convives, ou une lulle acharnée, fatale à tous les combat- LE SITARIS DES COLLETES. 271 tanls, s'est livrée sur cette arène d'un nouveau i;enre. Mais ce n'était i;\ qu'une liypollièsc. 11 nie restait à la confirmer pai" l'observation. » « Désireux d'approfondir ce côté intéres- sant, j'ai attendu le mois de septembre avec impatience. Je me suis appliqué à observer un grand nombre d'Abeilles en train d'approvi- sionner leurs cellules. Avec un petit carré de papier blanc lixé dans le talus au moyen d'une épingle, je marquais le matin les galeries où j'avais vu entrer des Abeilles chargées de pollen, et si, le soir, l'approvisionnement était terminé, je m'emparais de la cellule, sinon je remettais au lendemain. » « J'ai transporté ainsi dans mon cabinet en- viron quarante de ces cellules, toutes closes du jour ou de la veille. Au moyen de ciseaux bien affilés je les ai coupées à un millimètre au-dessous de l'opercule, de manière à avoir une section bien nette, et les ayant fixées au fond d'une boîte avec une goutte de gomme, j'ai pu observer l'intérieur tout à mon aise. » « Dans toutes l'œuf de l'Abeille était, non pas posé sur le miel, comme chez les Anlhophores et la plupart des Mellifères, mais collé hori- zontalement par un de ses bouts à la paroi la- térale (flg. 39i), à deux millimètres au-dessus du miel, la partie convexe tournée vers le haut. Huit renfermaient chacune un Triongulin oc- cupé soit à essayer d'entamer la peau de l'œuf, soit, y ayant réussi, à s'abreuver du liquide albumineux qu'il contient; quatre enfin ren- fermaient plusieurs Triongulins qui, dans une agitation extrême, se livraient, soit sur l'œuf, soit contre les parois de la cellule, à une lutte acharnée qui parfois durait vingt-quatre heu- res. I) « J'avais en ce moment-là quatre ou cinq pontes de Silaris écloses dans des tubes, c'est- ù-dire plus de deux mille Triongulins qui ne demandaient que le combat. J'en mis un ou deux dans chacune des cellules qui n'en ren- fermaient qu'un seul, et j'eus ainsi une dou- zaine de champs de bataille à observer. La lumière ne paraît nullement gêner les com- battants. Tantôt ils se précipitent l'un contre l'autre, les mandibules ouvertes, tantôt ils se poursuivent sur les parois de leur étroit do- maine, au risque de tomber dans le miel. Cha- cuUjdes champions cherche à saisir son en- nemi entre les plaques écailleuses qui recou- vrent les anneaux. C'est la plus rigoureuse application de la sélection naturelle de Darwin. (Juand le plus vigoureux ou le plus habile a réussi ;\ introduire ses crocs dans le défaut de la cuirasse, il soulève son adversaire à la force des mandibules et le met ainsi dans l'impuis- sance la plus complète. Le cou tendu, forte- ment cramponné au moyen des crochets de ses tarses et de l'appareil fixateur dont j'ai parlé plus haut, le vainqueur reste ainsi im- mobile des heures entières, abaissant seule- ment de temps en temps son ennemi pour le mieux saisir et le mieux transpercer. (Juand le vaincu épuisé par ses blessures est jugé hors de combat, il est précipité dans le miel, où bienlôl englué, il achève de mourir. » « Pendant ce temps -là il arrive souvent qu'un troisième larron profile de la bataille pour s'emparer de l'œuf et y plonger la tôle. Quand le vainqueur veut prendre possession du prix de sa victoire, il trouve ainsi la place occupée. Alors c'est une nouvelle lutte qui commence; mais elle ne ressemble en rien à la première : la ruse seule est employée. Le Triongulin occupé à sucer l'œuf ne se dérange jamais, il est passif sous les coups de son en- nemi; se faisant le plus petit possible. Il res- serre tant qu'il peut les anneaux de son abdo- men; mais en général s'il n'est pas vaincu le premier jour, il l'est le second. Son appareil digestif, gonflé par les sucs nourrissants qu'il absorbe, ne tarde pas à distendre les anneaux de son abdomen, et alors l'ennemi, qui veille, a bientôt fait de le blesser à mort. 11 est à son tour précipité dans le miel. » « Débarrassé de tout concurrent, notre Triongulin peut enfin arriver à cette nourriture tant désirée. 11 a bientôt trouvé l'ouverture pratiquée à l'œuf par sa dernière victime et il y plonge la tête avec ardeur; mais il n'est pas au bout de ses peines. L'œuf de l'Abeille est juste suffisant pour un Triongulin. Au bout de quatre ou cinq jours, notre affamé est, la tête en bas, au niveau du miel, sur la dépouille fanée de l'œuf qui, détendue, s'est affaissée le long des parois de la cellule. Il lui manque toute la nourriture animale que son dernier ennemi a absorbée avant de mourir, et inca- pable de subir sa première mue qui ferait de lui une Larve mellivore, il meurt à son tour, reste suspendu à la peau de l'œuf ou va aug- menter dans le liquide sucré, le nombre des noyés. » « Ce qui s'est passé là, sous mes yeux, dans mon cabinet, se passe évidemment dans les cellules enfoncées dans les parois du talus, et c'est ce qui explique ce nombre relativeineut 272 LE SITARIS DES COLLETES Fig. 396. — Larve. Fig. 3a7 -Mâle. l'ig. 'M6 et M'J. — Femelles. Fig. 396 h 399. — La Cantharide. considérable de cellules pleines de miel et qui ne renferment que des Triongulins englués et l;i dépouille flétrie de l'œuf de Colletés. Parfois pourtant le Triongulin victorieux doit arriver ;\ opérer sa première mue, car j'ai rencontré quatre ou cinq fois, à côté de deux ou trois Trioggulins noyés, une petite Larve mellivore ; mais elle était morte. Elle n'avait pu résister sans doute à la crise occasionnée par une mue opérée dans de si mauvaises conditions. Enfin, de loin en loin, peut-être une fois sur cent, la Larve victorieuse, qui a passé par toutes ces péripéties, arrive à franchir cette crise de la première mue; mais elle met longtemps à re- prendre le dessus. Six mois après, alors que ses congénères qui n'ont pas eu d'ennemis h vaincre sont prêtes à se transformer en Pseudo-nymphes, elle n'a que la grosseur d'une Larve de deux ou trois mois, et n'ar- rive à son état de Pseudo-nymphe qu'en octo- bre ou novembre. Le Silaris met alors deux années au lieu d'une pour subir toutes ses Métamorphoses et achève de se transformer au mois d'août comme ceux qui n'ont qu'un an d'existence. » «... Mais revenons au Triongulin qui a été assez heureux pour se trouver seul possesseur d'une cellule, ou qui, s'étanlpromptement dé- barrassé de ses ennemis, a trouvé l'œuf intact. Nous l'avons laissé cramponné sur l'œuf, la tête tournée vers l'extrémité qui s'avance au-dessus du miel. 11 a fini non sans peine, par entamer l'épiderme luisant qui n'offrait aucune prise à ses mandibules. Par l'ouverture qu'il a prati- quée, il boit avec tant d'avidité que parfois sa tête disparaît jusqu'à la hauteur des yeux, pla- cés pourtant fort en arrière. Le premier jour, l'œuf, encore peu détendu, conserve sa position horizontale, l'Insecte a peu augmenté de vo- lume; le second et le troisième jour, l'œuf est un peu affaissé et les plaques du Triongulin se dessinent en noir sur le blanc de sa peau forte- ment tendue; le quatrième jour, l'inclinaison de l'œuf est de 45 degrés, et l'Insecte est encore plus gonflé. Enfin, le septième jour, l'enveloppe de l'œuf, complètement vidée, pend inerte au niveau du miel (fig. 395). Le Triongulin, à l'état de véritable boudin, y est accroché, la tête en bas et incapable d'aucun mouvement. Mais bientôt une fente se produit sur son corselet et sur ses deux autres anneaux thoraciques, et le huitième jour ne se passe pas d'ordinaire sans qu'une nouvelle Larve, d'un blanc immaculé, ne soit sortie de la dépouille du Triongulin et ne se soit mise à la nage dans le miel dont elle fera désormais sa nourriture. » Le développement delà Larve du Silaris colle- tis s'achève exactement comme celui du Silaris muralis, en passant par cette série de transfigu- rations que Fabrea si justement appelée VHy- per»iélaino7-/jkose, aussi nous ne nous répéterons pas. Nous ferons seulement remarquer qu'une particularité dansles mœurs desHyménoplcres, détermine dans la manièi'e de vivre des deux es- pèces de Sitaris, des différences considérables. h'Aiit/iop/iora pilipes dépose chacun de ses œufs à la surface du miel, et le Triongulin du .'>. 7nii- ralis doit saisir le moment même de la ponte pour s'embarquer sur sa nacelle ; aussi a-t-il toutes les chances pour se trouver seul posses- seur de l'œuf convoité ; au contraire, le Colleles succinctus fixant son œuf à la paroi de la cellule, tous les Triongulins du .S. collelis qui abandon- neront leur monture seront sûrs de pouvoir at- teindre l'objet de leurs désirs ;faudra-t-il alors s'étonner qu'ils soient plusieurs à se disputer leur proie, et qu'ils soient souvent condamnée à la conquérir de haute lutte ? LA CANTHARIDE. 273 Tig. iOO, 401, 402. - L'Kincaule rayco, iiuilc ot femelle. l'ig. 4U3. — Le Caloptèue diUérentiel. Fig. 41)0 à 403. — Los Cantharides américaines el le Criquet dont les œufs servent à la nourriture de leurs Larves. LES CANTHARIDES— CANTHAIilS (1) Vie Cantharkkn. Caractères. — Les caraclères du genre sont les suivants, mais il est juste de dire qu'il les partage pour la plupart avec leurs con- génères réparties dans d'autres genres : l'épi- stome dépasse notablement le niveau de l'inser- tion des antennes qui comptent toujours 1 1 ar- ticles, mais ne se terminent jamais en massue; les élytres recouvrent entièrement l'abdomen el sont légèrement déhiscentes à l'extrémité ; elles ont la division supérieure des crochets (1) Kav6apîç, cantharide. BRiiiiM. — vn. des tarses non peclinée, et le pénultième ar- ticle des tarses fort allongé, cylindrique. Distribution $;éo^r»i>hique. — Lcs espèces sont en nombre considérable, plus de 250 sont réparties en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique ; l'Amérique en possède le plus, l'Europe le moins ; l'Australie etles Archipels de la Polynésie et indo-malais n'en possèdent pas. LA CANTHARIDE — CJNTIIARIS VESICATORIA. Spanische Flieije. C-aractères. — Ces Insectes sont reconnais- sablés à leurs belles élytres vert doré forte- ment granulées, marquées de deux fines ner- vures longitudinales, à leurs antennes filiformes atteignant la moitié de la longueur du corps Insectes. — 33 274 LA GANTHARIDE. chez le mâle et moilic plus petite chez la fe- melle. La tête cordiforme, le corselet posé d'aplomb, etobtusément pentagone, caractéri- sent également ces Coléoptères dont la lon- gueur totale atteint environ 17 à 19 1/- millimè- tres. Distribution g^éographique. — La Cantha- ride se trouve en Suède, en Russie, en Allema- gne, en France, mais abonde surtout dans le midi de l'Europe. En Espagne où on les récolte, les Canthari- des paraissent bien communes, d'oii le nom vulgaire de Mouches d'Espagne. Aujourd'hui, celles qu'on emploie dans les officines sont ti- rées principalement de la Russie méridionale. llwurs, Iiabitutles, résiiuc. — Les Mouclies d'Espagne {Canlharis veskatoria) se montrent dans des localités circonsciites en quantité prodigieuse, certaines années, et trahissent au loin leur présence par l'odeur forte qu'elles exhalent ; en nombreuses sociétés, elles dépouil- lent les plus beaux Frônes de leur feuillage, dénudent ensuite complètement les Lilas et les Troënes, et se déplacent lorsqu'elles ne trou- vent plus rien à mettre sous la dent. D'après lesremarques sommaires extrailes de son journal entomologique, Taschenberg rap- porte que, à Naumbourg, le 16 juin 1850, il a rencontré des masses colossales de Cantharis veskatoria, qui avaient déjà complètement effeuillé les Frênes du voisinage, sur les Li- (jnslrum vuUjare et les Thalklrwn . Quelques années plus tard, il a trouvé des masses aussi considérables dans l'est de la pro- vince de Saxe, mais depuis, chose extraordi- naire, après un séjour de plus de vingt ans entre ces deux poinis, à Halle, il ne l'a vue que très isolée et dans de rares années (1873). La femelle pond dans la terre, de nom- breux œufs dont il sort un Triongulin, mar- chant à reculons ainsi qu'on l'a observé, et ayant la forme qu'indique notre figure 396, mais dont nous ignorons encore la destinée. Se fondant sur sa ressemblance avec les Triongulins connus et sur la similitude des mœurs des Insectes parfaits de la même fa- mille, on est porté à croire que, comme les Larves des Méloés, des Zonilis et des Sitaris dont le développement est connu, elles vivent en parasites aux dépens de certains Apides, peut-être des Bourdons. On a opposé à cette hypothèse que le nombre immense des Can- Iharides était inconciliable avec des mœurs parasitaires. Mais, d'autre part, si l'on songe à l'immense quantité de Bourdons qui sortent de leurs trous au printemps, et si Ion réfléchit que d'autres parasites se multiplient considé- rablement si leurs hôtes se montrent en nom- bre extraordinaire ; il n'est pas non plus im- probable que de semblables conditions encore ignorées peuvent se présenter et favoriser la multiplication des Cantharides. M. Lichteinstein a réussi par des éducations arliflcielles faites avec une patience et une habileté consommée, à obtenir toutes les trans- formations de la Cantharide; l'expérience a eu raison de l'observation , mais il reste tou- jours à connaître les conditions naturelles du développement de ces Méloïdes. Laissons la parole à l'auteur lui-même. « Après bien des essais infructueux je suis parvenu à faire accep- ter au Triongulin des estomacs d'Abeille à miel d'abord, puis des œufs et de jeunes Larves de diverses espèces d'Abeilles, notamment d'Osmia et de Ceralina chakiles Seulement il faut avoir soin de joindre du mielàl'œuf ou à la Larve présentée, car la nourriture n'est propre qu'à cette première forme larvaire et l'instinct semble dicter au petit Triongulin qu'il ne doit toucher à l'œuf ou à la Larve que quand il y aura à côté d'elle le miel suffisant pour ali- menter la forme qui va lui succéder. Dès que cette condition est remplie, le Triongulin plonge sans hésiter ses mandibules acérées dans l'œuf ou dans la Larve môme bien plus grosse que lui et on le voit rapidement grossir. » « Du cinquième au sixième jour il change de peau. 11 perd ses soies caudales et sa cou- leur brune : c'est un petit Ver blanc hexapode qui se meta manger le miel. Cinq jours après nouveau changement de peau avec accentua- tion des premières modifications. Après cinq autres jours, nouvelle mue. Ici les yeux ont tout à fait disparu ; les" pattes et les mâchoires sont devenues brunes à l'extrémité et cornées : l'Insecte a l'apparence d'une petite Larve de Scarabée et l'on devine qu'il est destiné à fouir la terre. Elle s'enfonce dans la terre des tubes de verre et forme une loge. Au bout de cinq jours encore, nouvelle mue, mais cette fois ce n'est plus une Larve qui se présente, c'est une pupe assez semblable à une Pupe de Muscide. La couleur est d'un blanc corné, elle est im- mobile, ayant l'apparence d'une Chrysalide. Cet état dure tout l'hiver, et l'on dirait que la vie s'est retirée complètement de celte Pupe inerte, si de temps en temps, sous l'influence de circonstances que j'ignore, elle ne faisait LES EPICAUTES. 275 suinter de ses pores des gouttelettes d'un fluide transparent hyalin. » a Le 15 avril, cette Pupe brise son enveloppe et il apparaît de nouveau une Larve blanche ressemblant i\ celle nommée Scarabéoïde, mais sans avoir les ongles et les michoircs robustes, ne montrant que des pattes rudimenlaires. Ellenemangepaset, le 30 avril, elle donne une Nymphe semblable à toutes les Nymphes de Coléoptères avec tous les membres bien visi- bles. Blanche d'abord, cette Nymphe se colore assez vile ; le 17 mai, elle a déjà une teinte fon- cée; le 19,1a Cantharide apparaît avec sa bril- lante cuirasse. L'évolution complète a duré environ un an. » Récolte. — Quand les Cantharides se trou- vent en quantité suffisante pour que leur récolte en vaille la peine, on secondes branchesoù elles se tiennent cramponnées pour les faire tom- ber sur des toiles étendues sur le sol, en pro- cédant le matin de bonne heure ou pendant de mauvais jours lorsqu'elles sont engourdies par le froid; on les tue soit en les exposant à la vapeur du vinaigre bouillant, soit en les sou- mettant à l'action de la chaleur artificielle ; puis on les sèche rapidement en les étendant sur des claies ou enles mettant au four. Lorsqu'elles sont bien desséchées, il est nécessaire de les renfermer dans des vases hermétiquement clos pour éviter aussi bien l'humidité qui les alté- rerait, que les émanations de leur produit actif très volatil qui déterminerait des irrita- tions cutanées très graves et occasionnerait notamment de cruelles ophlhalmies. Usages. — On sait d'ailleurs que, broyées finement et mélangées avec une substance agglutinante, elles constituent les vésicatoires universellement employés comme dérivatif dans les affections aiguës et que l'extrait alcoolique forme ce qu'on appelle la teinture de Can- tharide. La tropcélèbreAqiia-Tofana neserait, d'après Ozanari, qu'un extrait alcoolique de Can- tharide, décomposé par l'eau. Ces Insectes étaient déjà employés du temps de Moufet, n'étaient point utilisés en Allema- gne; car il observe que les Belges les nomment (I Spansch vlighe », les Anglais « Cantharis » ou « Spanish Flye, » tandis que les Allemands l'appellent simplement « Scarabée vert » ou « Scarabée d'or » . La Cantharidine pure se présente sous la forme de cristaux lamelleux, micacés et bril- lants, très solubles dans l'éther et les huiles grasses. Le prix de ces Coléoptères desséchés varie suivant les circonstances ; un pharmacien qui en avait fait une récolte dans son jardin entre 1850 et 1860, la vendit à Berlin à raison d'un thaler, c'est-à-dire 3 fr. 75, la livre. LES EPICAUTES — EPICAUTA (1) C'araotôpes. — Les ('antharides américaines, le plus souvent noires ou grises par suite d'un revêtement de poils abondants, ou marquées alternativement de raies noires et grises, ont été récemment séparées des Cantharis pour former le genre « Epicauta » à cause de quelques particularités : leurs antennes sétacées sont plus courtes et à peine aussi longues que la moitié du corps; leur corselet est plus allongé que large et enfin leurs élytres sont plus rôlrécies à l'origine. iiœurs, habituiies , r«'giine. — Plusieurs es- pèces de l'Amérique du Nord, telles que Epi- cauta cinereaet viilala, très communes aux en- virons de Saint-Louis, se montrent de temps à autre en quantités innombrables sur les plants dePommesde terre, dont elles dévorent toutes les feuilles, détruisant ainsi la récolte entière à l'instar du Coléoplère du Colorado, le Doryphora, qui a récemment acquis une triste célébrité. L'observation des mœurs de V Epicauta villata a conduit M. Riley à faire une série de décou- vertes d'un haut intérêt qui permettront très probablement de découvrir les transformations encore inconnues de notre Cantharide indi- gène. M. Riley a constaté tout d'abord que l'abondance extraordinaire des Epicauta sui- vent les apparitions de certains Orthoptères Acridiens {Caloptenus spi-etus) qui causent de grands ravages aux États-Unis, et y remplacent les fameux Criquets voyageurs du nord de l'A- frique ; partant de là, il a pu découvrir que les Larves de certains Epicauta vivaient aux dépens des œufs de difl'érentes espèces de Criquets, no- tamment des œufs du Calopttnus di/ferentialis. Ainsi que nous le verrons plus loin, les Criquets enveloppent leurs œufs d'une coque, c'est-à- dire sécrètent une substance particulière qui constitue une coque ovigère ou Oot/ièque qui contient environ 70 à 100 œuls disposés irrégu- lièrementet qui est coiffée d'un léger couvercle de matière muqueuse. Les jeunes Larves de Cantharides savent se frayer un passage à tra- vers la substance mucilagineuse qui ferme la (I) 'Ettixciîm, brûler i la surface. 276 LES EPICAUTES. coque ; et là tout à leur aise dévorent suc- cessivement toute la ponte du mallieureux Criquet. Comme les Méloés, comme les Sitaris, les Epicautes passent par ces remarquables trans- formations que notre Réaumur moderne Fabre a découvertes et subissent une Hypermélamor- p/iose. Mais les différentes formes qu'affectent successivement ces Canthaiides américaines diffèrent essentiellement des formes correspon- dantes des Méloés et des Sitaris, et leur évolu- tion, par suite de la différence des conditions biologiques, présente des particularités fort curieuses. Depuis juillet jusqu'en octobre chaque fe- melle A'Epicauta vittata creuse dans le sol une cavité dans laquelle elle dépose 130 œufs envi- ron, qu'elle recouvre complètement en grat- tant le sol avec ses pattes, à l'instar du chat qui dissimule ses émanations révélatrices, et renouvelle la même manœuvre jusqu'à ce qu'elle ait mis en lieu sûr tous ses œufs dont le nombre s'élève à 4 ou 500. Ces Méloïdes ont soin de choisir pour effectuer leur ponte les mêmes endroits chauds bien exposés au soleil qu'affectionnent les Acridiens et où ceux-ci ca- chent également en terre leurs coques ovigères. Au bout de huit oudix jours, suivant la tem- pérature du sol, les jeunes ïrionguhns (fig. iOG) font leur apparition. D'abord pâles et faibles, ils se colorent rapidement en brun clair et commen- cent leur vie errante; lorsque le soleil vient les réchauffer, ils acquièrent toute leur activité et arpentent le sol de leurs longues jambes, scru- tant avec leur large tête et leurs robustes mandibules chaque pli, chaque crevasse du terrain, où à l'occasion ils se terrent et se ca- chent; les poils épineux qui les hérissent leur facilitant la besogne ; à la moindre alerte ils se roulenten boule comme des Cloportes. Bestioles carnivores par excellence, elles peuvent sup- porter la faim et résister à 15 jours d'absti- nence complète ; on conçoit combien il leur est nécessaire de pouvoir soutenir un long jeûne, car il leur faut souvent plusieurs jours pour trouver une coque ovigère de Calupterms. Parvenu à cet Oolhèque tant désiré, notre Triongulin se creuse une galerie à travers la substance muqneuse qui lui sert de couvercle, avalant, chemin faisant, les déblais qui lui four- nissent son premier repas. Hardi à l'ouvrage, il travaille sans trêve, ni repos et arrive d'un seul trait jusqu'aux œufs qu'il convoite ; d'un coup de mandibule, il déchire celui qu'il a choisi et se délecte à en humer le contenu (fig. 403 et 406). Cela dure deux ou trois jours; il est alors si repu que son corps distendu comme une petite outre est obligé de s'incurver. Incapable de se mouvoir, il ne tarde pas à changer de peau et apparaît sous la forme d'une Larve blanche, molle, pourvue de pattes très réduites, qui rappelle tout à fait par sa forme une Larve de Carabide ; aussi M. Riley la désigne-t-il sous le nom deLarve Carabidoides{?i^. 407 et 408). Cette première transformation s'est effectuée huit jours après la consommation du premier repas. Lorsque cette Larve s'est repue durîint huit au- tres jours environ, une nouvelle mue survient, et il apparaît une nouvelleLarve de physionomie toute différente ; le corps a pris presque com- plètement l'aspect d'une Larve de Lamellicoine, mais avec les pièces buccales et les pattes rudi- mentaires ; cette deuxième Larve a revêtu la forme Scarabxidoïdes. Au bout de 6 à 7 jours la peau se déchire et tombe, mais l'animal ne subit que de très légères modifications . Il grandit ra- pidement, sa tête étant constamment plongée dans les œufs si appétissants des Acridides ; mais bientôt il a ménagé dans le sol une petite ca- vité très lisse où il s'étend sur le côté ; le troi- sième ou quatrième jour, la mue s'opère et la Pseudochrysalide apparaît avec ses pièces buc- cales et ses membres complètement rudimen- taires. Un long espace de temps s'écoule, l'In- secte hivernant généralement sous cette forme ; mais, au printemps, une nouvelle mue survient et la troisième Larve qui apparaît ne diffère en aucune façon de la dernière forme de la se- conde Larve ; très active, elle fouille le sol, mais au bout de quelques jours, elle se trans- forme en une véritable nymphe qui, 5 ou 6 jours après, donne naissance à l'Insecte parfait. La nouveauté, l'imprévu de la découverte du Naturaliste américain nous ont engagé à mettre sous les yeux des lecteurs des reproduc- tions très fidèles des figures qui accompagnent son mémoire. Voici d'abord, p. 273 (fig. 403) le Criquet, le Calopienus di/fti-entialis, dont les pontes serviront d'aliment aux jeunes Epi- cautes ; puis les Cantharides elles-mêmes sur les tiges de Pommes de terre qu'elles dévo- rent (fig. 400 à 403) ; enfin cette série de figures représente (fig. 404) de grandeur naturelle et (fig. 403) grossie, une coque ovigère ouverte montrant le canal que le Triongulin a percé à travers la substance muqueuse qui ferme l'Oo- thèque et le Triongulin lui-même dévorant un œuf; puis (fig. 406) la jeune Larve ou Triongulin LES EPIGAUTES. 277 rig. 404. l'ig. 406. Fig. 41J et 411. F Fig. 404. — Coque ovigère ou Oothèquo d'un Acrklide, le Caloptenus clifferenlialis, de graïuleur na- turelle. Fig. 405. — La môme, très grossie, montrant lo Triongulin dévorant un œuf. Fig. 406. — Le Triongulin très grossi. Fig. 407. — La seconde Larve sous la forme Curahiiloidcs, vue do dos et très grossie. Fig. 412 Fig. 408. — La même, vue de profil et trf's grossici- Fig. 400. — La seconde Larve sous sa forme Scarabspi- doi'les, très grossie, lig. 410 et 411. — Pseudoclirysalide, vue de profil et sur la face dorsale. Fig. 412 et 4 13. — La véritable Nymplie, vue de profil et sur la face ventrale. Fig. 404 à 413. — Métamorphoses de la Cantharide rayée, d'après M. Riley. et (fig. 407 et 408) le Triongulin transformé en une Larve affeclantune forme 6'arai«/oi''/e, c'est- à-dire, semblable à celle d'une Larve de Carabide, ensuite (fig. 410 et 411) la Pseudonymphe ou fausse Chrysalide (lig. 409;, la troisième Larve el enfin (fig. 412 et 413) la Nymphe véritai)lc. Indépendamment de son intérêt, l'obser- vation do M. Riley offre quelques particularités qui méritent d'être signalées ; n'y a-t-il pas quelque chose de singulier de voir un Insecte nuisible à une de nos plantes utiles, s'attaquer dans son premier âge à un Insecte nuisible aux céréales ? 278 LES CURCULIONIDES OU CHARANÇONS. LES OEDEMERIDES — ŒDEMERIDM Die (Edemeriden. Caractères. — Celte famille, la dernière des Coléoptères hétéromères, est très homogène; elle renferme des Insectes allongés, svelles, à longues antennes filiformes, à pattes grêles, qui ont le faciès des Longicornes avec lesquels on lesalongtemps confondus. Leurs organes buc- caux ont la resse blance la plus étroite avec ceux des Méloïdes; mais leur tôle, au lieu d'être rattachée au prolhorax par un col brusquement étranglé, se rétrécit graduellement en arrière, ce qui les difiérentie complètement. Les qua- tre tarses antérieurs ont cinq articles ;les pos- térieurs, quatre articles. Distribution géng^rapliique. — Lcur répar- tition sur la terre est très étendue ; l'Europe, l'Asie, l'Amérique et d'autres régions du globe donnent asile à leurs représentants. Mœurs, habitudes, rég^ime. — Ce sont des Insectes essentiellement floricoles qui déposent leurs œufs dans le bois décomposé, même par- fois dans les bois rejetés par la mer sur la plage et immergés à chaque marée. LES OEDÉMÈRES — OEDEME RA (1) Ces Insectes, généralement de couleur mé- tallique, sont remarquables par la forme des pattes postérieures chez les milles : les cuisses sont démesurément renflées et très arquées ; les jambes, robustes et comprimées, sont égale- ment arquées et anguleuses à la base. Nous représentons (fig. 41-4) VŒdemera po- dagrar'uv, joli Goléoplère qui semble habillé de soie verte et de soie jaune, aux élytres déhis- centes, graduellementrétrécies, à trois nervures saillantes, flaves et bordées de vert bronzé chez Fig. 414. — OEdomère de la podagraire. le mâle, d'un beau jaune flave chez la femelle ; il offre de nombreuses variations dans la colo- ration des différentes parties du corps suivant les sexes et les individus. Ce charmant Insecte, ornement des fleurs, se trouve dans toute la France, sur les Ombel- les et souvent sur VŒgopodium podagruria. LES CURCULIONIDES OU CHARANÇONS — CURCULIONIDjE Die RusselMfer. Les Curcnlionides [Curculionidse] ou Charan- çons, vont maintenant absorber notre atten- tion ; c'est la famille la plus vaste qui existe non seulement dans la classe des Insectes, mais dans le Règne animal ; on a décrit actuelle- ment plus de 10,000espèces et certainement il en existe plus du double; ce serait faire injure au lecteur que de s'appesantir trop longuement sur ces milliers d'êtres aux mœurs peu variées; mais certaines d'entre elles doivent forcément intéresser, parce qu'elles sont des plus nuisi- bles à nos végétaux alimentaires. 'Oiôr,!!», enflure; |irifôç, cuisse. Ils se montrent dans les pays chauds, revê- tus des plus riches, des plus éclatantes cou- leurs, et leur beauté dépasse toute expres- sion; ils peuvent disputer le prix pour le luxe et l'élégance, aux plus merveilleuses concep- tions de l'artiste qui marierait les métaux les plus précieux aux émaux les plus brillants. Dans nos pays ils ont, en général, des vête- ments très modestes. Caractères. — Ainsi que l'indique le nom Ae.l{lnjnchuphores qu'on leur a également donné, leur tête se prolonge en un rostre ou bec, carac- tère primordial par excellence qui permet de les distinguer entre tous les Coléoptères; ce LES SITONES. 279 rostre porte à son extrémité l'appareil buccal qui, sauf l'absence de la lèvre supérieure, est au complet et qui se dislingue par ses palpes tri-articulés à la lèvre inférieure et quadri-arti- culés aux mâchoires. Les mâchoires n'ont d'ordinaire qu'un seul lobe et sont en totalité ou en grande partie recouvertes par le menton dans la première légion de Lacordaire, la- quelle se subdivise en outre en sept grou- pes, ou bien elles sont complètement décou- vertes, comme dans la deuxième légion qui renferme 76 groupes ou sections. Les mandi- bules en général sont courtes, de forme très variable. Les antennes, insérées dans une fos- sette, ont de 8 à 12 articles ; elles sont le plus souvent coudées à partir du deuxième article et terminées par une massue. Le corselet ou pronotum se confond avec les lianes du prothorax. Les hanches antérieures se touchent et sont implantées dans des cavités colyloïdes fermées, les hanches médianes et postérieures restent séparées. Les tarses, qui ont ordinairement une semelle spongieuse, comptent -4 arlicles distincts (à l'exception des Uryophthorus qui en ont un 5'^) ; le 3° article est ordinairement bilobé. L'abdomen, complètement recouvert par les élytres, se compose de 5, rarement de 6 an- neaux dont le 3' et le 4° sont ordinairement plus courts que les autres. Le rostre qui affecte presque toutes les for- mes imaginables, tend en général à s'allonger. Dans bien des cas cependant, lorsque sa lar- geur se maintient à peu près égale à celle de la tète, on peut, en raison de sa brièveté, se demander sil'on a devant soi un Curculionide, mais l'existence de tous les autres caractères particuliers à la famille, réunis dans l'Insecte, empêche de commettre une fâcheuse méprise. Par contre, dans certains cas il devient fili- forme et d'une longueur telle qu'il dépasse celle du corps entier. La brièveté ou la longueur plus ou moins grande de ce rostre change tellement l'aspect du Coléoptère que l'on a par- tagé les Curculionides en deux groupes princi- paux opposés l'un à l'autre : celui des Bréviros- tres et celui des Longiroslres. Le rostre anguleux ou arrondi, épaissi ou arrondi en avant, droit ou courbé en dessous, peut ou non se replier dans un sillon pectoral ; cette diversité de forme et de situation fournil autant de caractères qui nous serviront à distin- guer les genres de la famille qui s'élèvent à 3j0 environ. Mais ce n'est pas seulement le bec, ce sont encore les antennes, les pattes, l'aspect général, qui concourent à diversifier, dans des limiles fort étendues, les formes des Curculionides; on peut observer dans celte famille les contras- tes les plus extraordinaires entre les formes ramassées globuleuses, et les formes linéaires grêles. Uistrlbution gôog^rapliique. — ' La famille des Curculionides surpasse toutes lesautrespar sa richesse en espèces; elle a nécessairement une aire de répartition géographique qui embrasse tout l'univers; le nombre de leurs représentants l'emporte sur toutes les autres familles ;\ mesure que l'on se rapproche de l'équaleur; on peut dire que les Charançons préfèrent l'Amérique à l'ancien continent; et que l'Amérique du Sud est une mine inépui- sable de ces Insectes. Tous les Curculionides, à part quelques ex- ceptions de grandeur médiocre, vivent sur les plantes, et, comme le plus souvent les espèces sont spéciales à des espèces végétales par- faitement déterminées, leur répartition géo- graphique correspond rigoureusement à celle des plantes. mœurs, Iiabilmlcs, régime. — 11 n'exisle aucune partie des végétaux depuis la plus mince radicelle jusqu'au fruit mûr qui soit pré- servée des attaques des Larves de ces Insec- tes; bourgeons, feuilles, fleurs, fruits, tige, écorce, moelle, racine, tout est rongé à l'envi. Ces Larves ressemblent surtout à celles des Ptinics. Elles ont la tête arrondie dirigée en dessous, le corps légèrement courbé, ridé, privé de pattes, plus ou moins velu et un peu atténué en arrière. La tête, cornée, est pourvue d'un chaperon carré, de mandibules courtes et robustes, souvent dentées à l'extrémité, de mâchoires prolongées en un lobe court, angu- leux, muni d'un petit palpe de deux ou trois ar- ticles, d'un menton charnu, épais, uni à la lan- guette et porteur des palpes biarliculés, très courts. Les antennes sont réduites à deux petites saillies ; les yeux manquent le plus sou- vent ou sont en petit nombre. LES SITOiNES — SITONES (1) Cara«tèp.-s.— Les Sitones (fig. 413 à 417) pré- sentent les caractères suivants: la tôle, peu al- longée au devant des yeux, forts et saillants, (Il Inojvn;, grainetier. 280 LES OTIORHYNGHES. s'amincit légèrement pour se terminer en un bec court, tranchant sur les bords et marqué à sa surface d'un sillon longitudinal. Les antennes, insérées aux angles de la bouche, sont coudées et assez minces, leur fouet se maintient à la hau- teur du milieu de chacun des yeux au bord in- férieur desquels s'arrête la fente qui le reçoit. Les élytres sont ensemble plus ou moins cylindriques, toujours plus larges que le cor- selet, tronquées aux épaules et à l'extrémité ; les ailes sont bien développées. Les jambes sont simples, fort longues, sans épines à l'ex- trémité. Oistribution idéographique. — Les 82 es- pèces de ce genre vivent en Europe et attei- gnent la région méditerranéenne ; quelques- unes se trouvent dans l'Amérique du Nord. LE SITONES RAYÉ — SITON£S LIISEATUS. Liniirier Graurùssler. Caractères. — Le Sitones rayé [Sùoties linea ■ tus) est un représentant des moins brillants des Curculionides brévirostres (fig. 416). Les écailles ou squames qui le couvrent lui donnent une teinte grise ou gris verdâlre ; la tête, 3 raies longitudinales sur le corselet, et les intervalles lisses qui séparent les lignes ponctuées des élytres, portent des squames plus claires et plus jaunes. La tête est de plus sillonnée lon- gitudinalement, le corselet quasi-cylindrique un peu renflé toutefois sur les flancs est de beaucoup plus large que long. Slopurs, habitude!*, r«''ginie. — En compa- gnie d'autres espèces dont il est difficile de les distinguer et avec lesquelles ils se confon- dent souvent, les Sitones rayés se promènent en troupe sur le sol et les plantes basses, après être sortis de leur engourdissement hivernal. Ils paraissent choisir de préférence pour leur nourriture les Papilionacées, c'est du moins ce que nous apprenons en examinant les champs où se cultivent les Pois, les Fèves, la Luzerne et d'autres plantes fourragères voi- sines. On aperçoit souvent des renflements annu- laires, soit autour des cotylédons des plantules de ces végétaux, soit autour des feuilles ten- dres de plantes plus âgées. Ce changement que l'ignorant pourrait attribuer à un état normal à cause de la régularité de l'anneau, est causé par la dentafl'amée de nos Sitones, qui favorisés par la végétation exubérante des jeunes plantes, dont ils n'épargnent ni les cotylédons, ni les ti- gelles, a ainsi provoqué un afflux de sève extraordinaire et circonscrit. Ces enfants des zones froides restent, sous le rapport de la beauté de la coloration, bien en arrière de leurs proches parents des îles Phi- lippines et de la Nouvelle-Guinée. Dans ces der- nières contrées, il y a de noirs Pachyrhynchm, au corselet et aux élytres renflés, qui sont ornés de bandes, de taches écailleuses d'un bleu d'azur, dorées ou argentées, et qui produisent à l'œil le plus bel elfet. Nous ferons remarquer à celte occasion, pour la gouverne de ceux de nos lecteurs qui auraient l'occasion de voir une grande collec- tion de Curculionides, que, parmi les Bréviros- tres, ce sont les genres de l'Amérique du Sud, Cyphus, Plalyomus et Compsus, qui renferment les espèces qui se distinguent particulièrement par la délicatesse des nuances et le vif éclat métallique de leurs écailles ou squames; ce qui, du reste, confirme ce qu'on observe géné- ralement pour les autres familles ou les autres ordres. LES OTIORHYNGHES — OTIORRYN- CHUS{\). Die Oliarhynchinen. Caractères. — Ces Curculionides se distin- guent tous par une tête peu inclinée, non en- foncée dans le corselet jusqu'au bord posté- rieur des yeux et qui se termine en avant par un bec court. Celui découpé à son extré- mité s'élargit sur les côtés au delà de l'insertion des antennes qui est située très en avant. Ces découpures antérieures de la tôle forment des sortes de lobes et justifient les noms allemands de Charançon à lobes. Charançon à large bou- che, qui ont passé dans le langage scientifi- que. La fossette d'insertion des antennes est située au-dessus du bord supérieur des yeux ; elle est beaucoup trop courte pour loger le pre- mier article des antennes. Le fouet anlennairc se compose de 10 articles; les deux premiers sont sensiblement plus longs que larges, mais les trois derniers sont si rapprochés qu'ils se réunis- sent en massue terminale compacte. Le corse- let, coupé droit aux deux extrémités, s'élargit au milieu; le scutellum est à peine distinct; les élytres fort dures sont plus larges que le corse- (1) 'UtIov, auricule ; p\i^/o;, rostre, loba. L'OTIORHYNQUE NOIR. 281 Fig. 41.->. Fig. 416. Fig. 417. Fig. il5à4n. — Lo Sitoncs rayé et quelques espèces voisines très grossis. let, mais peu saillantes aux épaules, rélrécies chez le mâle, un peu plus élancées chez la femelle ; l'extrémité se rétrécit également da- vantage chez cette dernière. Les hanches antérieures sont très rappro- chées ;\ leur insertion ; les jambes ont toutes un crochet terminal courbé et les tarses quadri- articulés se terminent par des griffes simples. Ces Charançons sont privés d'ailes. Une coloration sombre, noire ou brune de- venant parfois grise par un revêtement d'écail- lés, est l'apanage du genre entier; toutefois quelques espèces favorisées sont ornées çà et 1;\ d'écaillés dorées ou argentées. Distribution gi-ospaphique. — Ces Coléop- tères aux formes ramassées, dont on a décrit à l'heure actuelle plus de 400 espèces, sont pro- pres surtout ;\ l'Europe, et représentés en outre dans la région méditerranéenne et en Asie ; de toutes les Curculionides indigènes ce sont les plus riches en espèces. Mœurs, habitudes, rôgime. — Ces Curcullo- nides, du moins les plus grandes espèces, sont en majorité dévolues aux forêts des montagnes. L'OTIORHVNQUE NOIR.— OTIORIIYNCHUS NIGEll. Schwui'zer Bickmaulrûssler . Cet Otiorhynque ou grand Charançon noir, comme l'appellent les forestiers, est un Coléop- tère d'un noir luisant aux pattes orangées, mais dont les genoux et les antennes sont éga- lement noirs; ses élytres sont marquées de rangéeslongiludinalesde ponctuations creuses; et au fond de chacune de celles-ci se trouve un petit poil gris (fig. 418 et 419). Il se trouve presque toute l'année dans les forêts de Conifères des montagnes, sans préci- sément manquer tout à fait dans la plaine. Étant aptère, il est attaché au lieu qui l'a vu naître et on est sûr de le retrouver toujours Brehm. — VII. en août et plus (ard h\ où il s'est installé une première fois, sous la mousse, sous les débris qui couvrent le sol, sous les pierres, etc., où il semble engourdi, tant il est lourd dans ses mou- vements. Quand on voit ce Coléoptère entouré dans son voisinage de débris du corps de ses sem- blables, on se demande si la pierre qui l'abrite est sa pierre funéraire ou si elle lui sert d'asile pendant son engourdissement hivernal. Les deux suppositions peuvent parfaitement s'ac- corder : notre Insecte est-il las de l'existence elcherche-t-il un Heu tranquille pour reposer enfm sa tête fatiguée, alors c'est un vieux Co- léoptère qui a atteint le terme de sa vie ; veut-il seulement y passer son sommeil d'hiver, c'est que, né au sein de la terre pendant l'été, il a encore à jouir del'air etde la liberté, avant que la saison inclémente ne le force à se traîner défi- nitivement vers sa retraite. Que l'hiver ait été rigoureux ou non, c'est vers la Pentecôte que nos Coléoptères sont logés en majorité dans les souches de Sapins et rongent les jeunes troncs immédiatement au-dessus du sol, surtout si à l'abri du gazon ils peuvent se livrer à leur travail en toute sé- curité et sans être dérangés. Plus tard ils mon- tent davantage et se délectent aux dépens des jeunes pousses de mai. Grâce aux crochets terminaux de leurs jam- bes, ils peuvent se cramponner solidement aux branches au point que le vent le plus violent ne peut les faire tomber; il faut faire un certain effort pour les détacher avec les doigts, aux- quels d'ailleurs ils s'agripent fortement quand on les saisit. C'est aussi en mai que se fait l'accouplement. La femelle fécondée pénètre alors dans la terre et y dépose un grand nombre d'œufs. Les Larves aussitôt écloses attaquent les ra- cines des Conifères en y procédant à la façon Insectes. — 36 282 LES PRYLLOBIUS. des Vers blancs, et on les trouve d'habitude réunis en petits groupes. Ces Larves ressem- blent beaucoup à celles de VHijlobius abietis, mais elles portent des rangées transversales de crochets épineux et leur corps est fortement velu. Comme durant l'été on trouve ces Larves simultanément à tous les degrés de développe- Hg. 418 et 419. L'Otiorynque noir, de grandeur natu- relle et grossi. ment, il est évident que les Métamorphoses ne s'accomplissent pas d'une mani5re régulière même si elles se font dans le cycle d'une année depuis l'éclosion de l'œuf jusqu'à la sortie de l'Insecte parfait. Celte irrégularité explique l'apparition successive des Adultes qui depuis juin jusqu'en septembre viennent se joindre à ceux qui ont hiverné. La première année, les végétaux attaqués commencent par jaunir, et la deuxième ils roussissent et meurent; aussi est-il nécessaire de combattre à outrance la multiplication de ces Coléoptères en les recueillant et en les dé- truisant. LOTIORUYNQUE FOURCHU — OTIORIIIXCIIUS SVLCATVS. Gefurchter Bickmaulrû^sler. De nombreux Curculionides phytophages à bec lobé, qui ne sont pas aussi exclusivement solidaires de plantes spéciales, ni par consé- quent aussi inféodés à leurs lieux de naissance, sont exposés à être entraînés par les inonda- lions et à être jetés ch et là sur les rives au caprice des flots. Aussi ne faut-il pas s'éton- ner que l'une ou l'autre de ces espèces puisse devenir néfaste à nos cultures. Tel est roiiorhynque fourchu {Otiorhynckiis sîilcatus), espèce plus petite dont le corps noir est marqué irrégulièrement détaches squameu- ses d'un jaune grisâtre. Ce Curculionide vit sur les jeunes pousses de la Vigne, pendant que sa Larve ronge les racines des Primevères, des Framboisiers, des Saxifrages, des Cinéraires et d'autres plantes. Il est fort préjudiciable aux horticulteurs. L'Otiorhynque à tête pointue (0. mjrita), semblable au précédent, mais d'un ton plus gris, et l'Otiorhynque à bec lobé {0. picipes), ont de même de temps à autre endommagé les jets de la vigne ou les scions greffés ; l'Otio- rhynque de la Livèche ou Bécnre (0. liguslici) s'est attaqué aux Pêchers de Montreuil. Ces espèces et d'autres qui se montrent éga- lement nuisibles doivent être recueillies aussitôt qu'elles paraissent avant, que la femelle ail déposé ses œufs. Sous le nom de Curculionides ou de Charan- çons verts, Ratzeburg a autrefois réuni un certain nombre de Curculionides de genres divers ayant généralement le corps revêtu d'une riche robe écailleuse vert doré, rouge cuivre ou à reflets métalliques bleus, et vivant le plus souvent sur les arbres feuillus dont ils dévorent les bourgeons. LES PIIYLLOBIUS — PllYLLOBIUS {{) Lie Grùnrûssler . Le classificateur comprend dans ce groupe les Brévirostres à lobes du genre Phyltubius, dont les antennes ont la fossette d'insertion montant presqu'au devant du milieu antérieur des yeux ; ces Coléoptères ont les élytres do forme ovale obtusément anguleuses aux épau- les et abritant des ailes complètes. Ces Charançons vivent sur différentes essen- ces, particulièrement sur les jeunes Hêtres, dont ils criblentles feuillesde petits trous ronds tellement nombreux que les pousses nouvelles dépérissent ou meurent. Ils apparaissent en mai et juin, commettent leurs méfaits et s'ac- couplent ; les femelles descendent pondre dans la terre où les Larves, se nourrissant, d'après ce que l'on suppose de racines diverses, (1) il'iJXXov, feuille ; piow, je vis. LES BRACHYCERES. 283 séjournent jusqu'au printemps suivant; elles se métamorphosent alors et les adultes sortent de terre pour grimper sur les arbres. Les P/ii/llobius arr/entatus ou LiseUes argentées perforent les feuilles des Hêtres, des ChCnes, des Bouleaux et de nos arbres fruitiers; le /■•. Py>'i perce les bourgeons des Hôlres, des Chênes et des arbres fruitiers; le P. calcaralus s'en prend aux feuilles et aux bourgeons des Hêtres et des Chênes ; le P. viiidkollis crible de trous les feuilles et les bourgeons des Chênes, des Hêtres, des Aulnes, des Trembles ; le P. oblungus ronge les bourgeons des Hêtres. C'est ici que viennent encore se ranger quel- ques genres ailés, placés à la tête de la série, entre autres le genre Metallile.i, h bec qua- drangulaire, aplati au sommet, et dont le fouet des antennes a les articles basilaires cunéifor- mes, ainsi qiie le genre Polydivsus à bec arrondi et à articles basilaires du fouet allongés. Le Polydrosus micans perce en juin les feuil- les des Chênes, des Hêtres et des Coudriers. Le développement de ces Coléoptères vul- gaires est jusqu'à présent peu connu, mais par leur robe ils se rapprochent, plus que la plu- part des espèces indigènes, des formesbrillantes propres aux zones torrides. LES BRACHYCERES - CERUS{\) BRAcnr- Die Bmchycerinen, Kurzhorner. Caractèrea. — Les Brachycères rappellent d'une manière singulière les Pimélies (Hétéro- Fig. 420. — Brachycerus barbarus. mères), par les proportions massives de leurs diverses parties et leurs couleurs sombres ; aussi du premier coup d'oeil on voit qu'ils sont condamnés à se traîner lourdement et gauchement sur la terre et parmi les plantes. En y regardant de plus près, on distingue sur leurs élytres ovales ou rectangulaires des des- (I) Bpayùî, court; xépa;, corne, antenne. sins hiéroglyphiques lisses ou formant saillie (fig. 420). La tête posée à peu près d'aplomb a le bec fort, élargi, en avant et séparé par un fort étranglement dû h un sillon transversal ; les antennes sont courtes et se replient dans une fente courbée en arc. Les yeux sont plus ou moins bordés d'un renflement surtout au sommet, ce qui rehausse la rugosité de la sur- face; les rugosités sont plus apparentes encore sur le corselet transversal, qui paraît ainsi cou- vert d'inégalités très prononcées : sillons, bos- ses, épines latérales, etc. Ordinairement le cor- selet devient aussi lobé vers les yeux, si bien que ceux-ci semblent couverts et protégés par un abat-jour. Le scutellum manque. Les élytres varient beaucoup dans leurs for- mes ; elles suivent délicatement le contour laté- ral du corps qu'elles enchâssent, ou forment sur les côtés un ourlet plié à angle droit; elles s'arron- dissent aux épaules et en arrière, ou forment un rectangle voire môme un carré. Les pattes sont également massives, les cuisses sont singuliè- rement épaissies; les hanches médianes se touchent ; les jambes sont droites, anguleuses à leurs extrémités ; les tarses étroits, cylindriques- ont les trois pi'emiers articles épineux ou ciliés. La carapace chitineuse du corps si épais des Gurculionides est en général très dure ; mais ici elle présente un degré de résistance in- connu, une pointe d'acier trempé la traverse difficilement. Distribution g^éo^raphlque. — Les Brachy- cères ont leurs nombreuses espèces répandues principalement en Afrique et dans la région méditerranéenne. Alœiir§, habitudes, ré<;ime. — D'après leS observations de MM. Damry, Laboulbène, Ba- ron, les LarvesdecesCurculionides vivent dans les bulbes des Liliacées, celles du Brachycerus albidenlatus habitent en Corse les bulbes de l'Ail ordinaire et de l'Échalotle (Alli'um ascalo- nicmn) ; celles du B. Pradieri ont été trouvées aux Sables-d'Olonne dans les gousses de YAl- liun spherocephalum ; celles du Z?. undalus atta- quent les bulbes de toutes les espèces de Narcisses cultivés ; à Antibes elles ont détruit des collections entières. Chaque bulbe, au dire dePerris, ne contient qu'une seule Larve. Toutes les espèces do Gurculionides qui nous restent à décrire sont comprises dans la deu- xième légion de Lacordaire et se caractérisent par des mandibules libres et non recouvertes 284 LE LIXE PARALYSANT. LES LIXES — LIXUS Die Eleoninen. Caractères. — Ces Coléoptères à forme sin- gulièrement allongée et cylindrique sont doués, comme les Larinus leurs proches parents, de la faculté remarquable de sécréter une pous- sière jaune qui les recouvre et qu'ils ont le pou- voir de renouveler jusqu'à un certain point si le frottement les en a dépouillés. Tous ces Insectes ont le corps cylindrique, le bec très long, elle sillon antennaire prolongé sous le rostre. Les yeux sont de forme ovale ; le corselet a le bord postérieur bisinué. Le scu- tellum manque. Les cuisses antérieures sont insérées sur des hanches écourlées et les jam- bes se terminent toutes par un crochet court à l'aide duquel ils se cramponnent solide- ment. Oistrîbution g;éog^rapliiqne, — Ils sont ré- pandus sur toute la terre et leurs Larves, du moins celles des espèces indigènes vivent dans les tiges qu'ils perforent et qui appartiennent à diverses plantes. Blœurg, habitudes, régime. — Ils ont l'ha- bitude de se laisser choir en repliant leurs pattes s'ils soupçonnent quelque danger ou si l'on imprime la plus légère secousse à leur sup- port, etc.; aussi est-il aisé de les recueillir dans le filet fauchoir qui imprime un brusque balancement aux parties supérieures des plan- tes qui les nourrissent. LE LIXE PARALYSANT — LIXUS PARlPtECTICVS. Làhmcnder Stenijelbohrcr. Caractères. — Le Lixus paraplecticus est un Coléoplère conformé d'une façon toute particulière. Nos figures 421 et 422 donnent une idée de son aspect; son corps débarrassé de la fleur qui le recouvre paraît alors être gris brun. Il a le corselet marqué de fortes ponc- tuations rugueuses et longuement cilié au bord antérieur vers les yeux. Son nom lui a été donné à tort par suite d'une supposition erronée : les Chevaux se- raient paralysés après avoir mangé sa Larve. llœiirs^ habitudes, régime. — Cette Lai'VO vit en elfet dans les tiges épaisses et creuses du Cumin de cheval [Phellandrium aquaiicum ou plus récemment Œnanthe aguatica), con- curremment avec celle de VHelodes Phellandrii et aussi dans les tiges du Sium lalifolium et d'autres Ombellifères aquatiques. Si vers la floraison on examine de près, sur le Lord d'un marécage, un fourré de la pre- mière de ces plantes, on peut observer çà et Fig 421. — Lise paralysant sortant d'une tige d'Ombel- lifère, grandeur naturelle. là sur les tiges quelques trous du diamètre d'un fort grain de plomb de chasse. Dans ce dernier cas, l'Insecte est déjà sorti ; mais en fendant des tiges d'apparence intacte, on trouve Fig. 'ill. — Llxe paralysant, grossi. à leur intérieur, libres et isolés entre chaque nœud, des Nymphes ou des Lixes adultes récem- ment cclos, encore tout blancs et d'autres plus solides, prêts à sortir à leur tour. Entre chaque nœud il n'y a jamais qu'un Lixus, tandis que d'autres habitués se trouvent d'ordinaire en société plus ou moins nombreuse. Ces Coléoptères hivernent, dans un endroit retiré, assuré à proximité d'une localité qui au printemps fournira de jeunes pousses de la plante nourricière. Taschenherg les a trouvés entièrement développés et amplement couverts de leur poussière farineuse, le 30 septembre 1872, dans une mare presque desséchée en- tourée de la plante hospitalière sur laquelle il les prit en masse considérable avec le filet fau- LES LARINES. 285 rig. 423. — Coque entière. Fig. 424. — Coque ouverto (a) par Fig. 125. — Coque coupée en doux le Cliarançoa (6). montrant lo Charançon desséche. Fig. 423 à 425. — Los Coques do Larinus ou Troliala. choir ; plusieurs d'entre eux étaient même solidement accouplés. D'après d'autres obser- vateurs, l'accouplement aurait également lieu au printemps suivant. Si sa demeure est surprise au printemps par l'inondation, le Lixus se sert pour se protéger d'un singulier artifice. Il descend sous l'eau en rampant le long de la plante. C'est sur la par- tie submergée elle-même que la femelle dé- pose ses œufs un à un à l'époque de l'année où un petit nombre de plantes nourricièri.'s seulement ont poussé hors de l'eau. Elle n'at- tend même pas la venue de celle-ci; la nature l'a organisée de telle façon qu'elle peut effec- tuer sa ponte sous l'eau. Une deuxième espèce partage seule avec celle-ci cette particularité d'avoir les élytres terminées par des pointes fourchues. LES LARINES — LARINUS (1) Caractères. — Au lieu d'avoir le corps allongé et étroit des Lixus, ces Curculionides ont le corps ovoïde ; leur rostre est épaissi, arrondi, un peu arqué, leurs antennes sont courtes, assez fortes, insérées, comme chez les précédents, un peu en avant du milieu du rostre; leur prothorax moins long que large est bisinué à sa base, lobé derrière les yeux ; l'écusson est très petit ; leurs élytres ova- laires, un peu plus larges que le corselet, sont (1) Fafivo;, gras, épais. arrondies à l'extrémité ; ils ont comme les pré- cédents les jambes arquées et les ongles des tarses soudés à la base. Distribution g^éojs^raphique. — Ce genre comprend de nombreuses espèces (104) con- finées pour la plupart dans les régions tempé- rées et chaudes de l'Europe, de l'Asie boréale et le nord de l'Afrique. Mœurs, habitudes, ré^^ime. — Lps Larinus se rencontrent ordinairement sur les Cardua- cées qui nourrissent leurs Larves : celles du L. maculosus du midi de la France vivent dans les capitules de VEchinops 7-itro; celles du L. mau- riis, également méridional, se développent dans les capitules du Buphtalmuin spinosum; celles du L. cynarx (?) habitent les têtes et les tiges des Artichauts du Midi ; celles d'une autre espèce déterminent sur les tiges d'Ono- ■pordon la formation de sortes de galles. Usages. — Ce sont certaines de ces galles produites parles Larves pour avoir la facilité de se transformer en Nymphe et qui renferment encore l'Insecte adulte que l'on emploie dans la médecine orientale. Ces galles ou plutôt ces coques, sont con- nues à Conslantinople sous le nom de Tricala ou de Trêhala, et sont récoltées en Syrie dans le désert entre Alep et Bagdad sur les rameaux d'une espèce A' Onopordon ; les Arabes leur donnent le nom de Tkrane, qui se serait trans- formé successivement en Thrale, Tréhala et Tricala. Elles sont à peu près de la grosseur d'un œuf de moineau; ovoïdes et rugueuses, 286 LE GRAND CHARANÇON DU SAPIN. de couleur blanc grisâtre, elles ressemblent aux galles employées dans la teinture (fig. 423); elles sont fixées par le côté au végétal de telle sorte que lorsqu'on les arrache, l'emplacement de la tige est occupé par une fente qui laisse voir la cavité interne; souvent un trou rond (fig. 424) percé h une extrémité indique que l'Insecte adulte a pris son essor. Concassées avec l'Insecte qu'elle renferme (fig. 425), ces coques sont traitées par l'eau bouillante, à la dose de IS grammes par litre d'eau, et l'on prescrit en Turquie et Syrie cette décoction aux malades atteints d'affection des organes respiratoires, notamment de bron- chites catarrhales. De saveur sucrée, les Tré- hala ne se dissolvent pas entièrement dans l'eau à la température ambiante; elles renfer- ment du sucre réductible, de l'amidon et une substance albuminoïde ; elles mériteraient une étude plus approfondie. LES HYLOBIES — HYLOniUS{l) Die Hyhbiincn. Caractères. — Ces Cnrculionides se distin- guent entre tous, par la structure des crochets des tarses qui sont libres; par leurs antennes attachées sur un rostre massif arqué et plus long que la tête, et insérées auprès de la bouche (fig. 428) ; par leur prothorax rugueux et assez for- tement échancré inférieurement; par leur scu- tellum plan, en triangle curviligne, lis ont les élytres calleuses avant leur déclivité posté- rieure ; les cuisses épaisses porteurs de dents en dessous ; les jambes terminées chacune par un fort éperon; ces éperons permettent à ces lourds Coléoptères de se cramponner si solide- ment, qu'il devient difficile et même doulou- reux de les détacher des doigts qu'ils ont saisis. Distribution géog-raphique. — Ce sont des Insectes répandus principalement dans les régions froides ou tempérées de l'hémisphère boréal; l'Europe possède plusieurs espèces des plus nuisibles. Mœura, habitudes, réjyime. — Les Hijlobius vivent aux dépens des Conifères qu'ils épuisent en aspirant à l'époque de la montée de la sève le suc des jeunes pousses ; d'autant mieux que a sève ainsi amorcée s'écoule par les nom- breux trous pratiqués ; l'écorce se tuméfie et la (1) SûXov, buis; piow.je vis. branche meurt. Ce sont les pépinières ou les plantations qui sont attaquées de préférence par ces Cnrculionides. Nous avons figuré ci- contre les deux espèces qui dans l'aménage- ment des forêts sont considérées comme les dévastateurs les plus redoutables. LE GRAND CHARANÇON DU SAPIN — ItYLOUlVS ABIETIS. Grosser Fichtenrûsselkctfer Caraetî-rcs. — Le grand Charançon ou Hylo- bius brun des Sapins {Hylobius abietis) a une prédilection spéciale pour le Sapin, et se dis- tingue par sa grande taille à laquelle il doit son nom, par sa coloration, au fond brun-marron marqué de taches en bandelettes formées par des brosses de poils jaunes de rouille (fig. 426 et 427). Mœursjhabitudes, régime. — L'époqueprin- cipale, à laquelle l'InsectS prend son essor et s'accouple sont les mois de mai et de juin; toutefois ou trouve encore quelques couples isolés en septembre; mais à partir de cette époque la femelle ne s'occupe plus de sa cou- vée. Quand nous parlons du moment où un Insecte prend son essor nous voulons désigner le moment de son apparition générale, sans prétendre qu'il ne vole plus çà et là. Notre Coléoptère vole en plein soleil, et se transporte au loin pour vaquer aux soins de sa reproduction et rechercher les endroits appropriés à son régime ; dès qu'il n'a pus atteint son but, on le voit se traîner pesam- ment vers un jeune tronc ou grimper sur une branche, puis s'arrêter et se mettre à dévorer. Comme nous le disions, c'est un dévastateur des plantations, car il ne peut entamer la rude et épaisse écorce des vieux arbres, mais ronger seulement par place les écorces plus minces. A la suite des blessures faites, la résine exsude, se durcit et donne au tronc ou à la branche un aspect galleux peu agréable; mais bientôt les aiguilles jaunissent et l'arbre entier ne tarde pas à mourir. Pour s'accoupler le mâle grimpe sur la fe- melle, et tous deux restent longtemps dans cette posture sous laquelle ils se montrent par- tout sur les troncs, les bûches, etc. L'acte accompli, ils cessent de manger et le mâle ne tarde pas à mourir, la femelle succombe seulement après avoir effectué sa ponte. Les œufs d'un blanc sale sont déposés dans les fentes de l'écorce des souches et souvent LE GRAND CHARANÇON DU SAPIN. 287 Fif-. v-'h. Fig. 42U. Fig. 4-27. Fig. 4"26. — Adulte de grandeur naturelli". Fig. i'2T. — Adulte très grossi. Fig. 4'28. — Rostre de profil très grossi. Fig. 426 à 430. — Le grand Charançon dos Sapins. Fig. 423. — Larve grossie Fig. 430. — ISymplie grossie. sur les nodosités des racines qui font saillie hors du sol, particulièrement au point de section des racines des arbres abattus. Il en résulte que les grandes coupes de Pins et de Sapins qui s'étendent sur une grande surface constituent le milieu le plus favorable pour la reproduction de ce Coléoptère, plutôt que celles qui n'occupent qu'un espace restreint. Les Larves éclosent environ deu.x ou trois se- maines après, se creusent jusqu'à l'aubier des galeries de plus en plus grandes en rapport avec leur accroissement, perforent même l'au- bier sous les écorces légères et poursuivent les ramifications des racines jusque dans la terre, à une profondeur de 64 centimètresau-dessous de la surface du sol. Finalement à l'o-xtrémité élargie de la ga- lerie se trouve la Nymphe renfermée dans une coque formée de sciure de bois. Nous n'ajou- terons pas un mot de plus sur celle-ci ni sur la Larve qui sont figurées toutes deu.x (fig. -429 et 430). Le développement n'a pas une régularité qui permette d'en préciser la durée d'une façon rigoureuse; car on trouve en hiver à la fois des Larves, des Nymphes et des Insectes par- faits, soit dans des trous pratiqués par d'au- tres Insectes, soit dans la terre. On peut ad- mettre soit une génération annuelle, soit une génération bisannuelle ; les deu.\ suppositions peuvent être vraies. En effet, si les couvées sont dans une même localité soumises selon les années à une variation de quelques degrés dans la température moyenne annuelle, il en résulte que les conditions locales sont favo- rables ou contraires, et peuvent influencer sensiblement leur développement en l'accélé- rant ou le retardant. Les pontes sont alors plus ou mois précoces ou tardives. Ainsi que nous l'avons vu, ce n'est point la Larve, mais l'Insecte parfait qui se signale par ses dégâts et entraînelamortdes jeunes plantes qu'elle ronge; mais il est aussi préjudiciable parce qu'il prépare les voies au petit Cha- rançon des Pins; et chacun d'eux de son côté poursuit son travail de destruction. Nous avons indiqué les marques les plus sensibles de ces dégâts ; mais notre Coléoptère ronge aussi les bourgeons et entrave leur dé- veloppement, s'attache aux pousses de mai que le vent brise facilement à la moindre entaille, et s'en prend môme aux jeunes bourgeons des Bouleaux, des Alisiers et des Sorbiers. Blojens de destruction. — La manière la plus efficace de prévenir le fléau est de laisser en friche les clairières qui résultent des cou- pes et d'attendre deux ou trois années avant de procéder à de nouvelles plantations. Car la génération précédente n'existant plus dans les souches des arbres abattus, les Co- léoptères qui en proviennent sont forcés par suite de manque de nourriture de se mettre en I quête d'autres localités. Cette précaution a I été pleinement couronnée do. succès dans le 288 LE PETIT CHARANÇON DES PINS. Harz ; il en est d'autres que nous passerons sous silence parce que nous n'écrivons pas ici pour les Forestiers. Signalons toutefois en pas- sant un moyen de destruction des plus sûrs de l'Insecte parfait. On utilise comme piège des fragments d'écorce et des fagots que l'on ré- pand et que l'on ramasse le lendemain de bonne heure ou le soir dans les dernières heures de l'après-midi. On y trouve alors en- tassés les Curculionides qui affectionnent beau- coup ces débris. Il vaut mieux se servir de l'écorce du Pin que de celle du Sapin qui se dessèche beaucoup plus vite que la première. On plie en dedans les plaques d'écorce et on les étend la face interne contre le sol où on la fixe par une pierre posée sur l'un des bouts. Dans le royaume de Saxe on recueillit, en 1835, dans toules les forêts de l'État 6,703,747 individus de notre Hylobius et les frais se montèrent à 1933 thalers et 20 1/2 silbergros- chen ; l'année précédente, on avait ramassé, du !"• mai au 13 juillet, 7,043,376 Coléoptères au prix de revient de 2001 thalers, 6 1/4 silber- groschen. La journée la plus productive fut le 30 mai. LE PETIT CHARANÇO.\ DU SAPIN — nVLOBIUS riNJSTIlI. Kleinn- FiehtenriisselMfer Le petit Charançon ou Hylobius brun du Sapin {Hylobius jùnasli'i) est de moitié plus petit et se reconnaît à ses poils d'un jaune plus pâle formant plutôt des taches que des bandes. D'après le conseiller des forêts Kellner, il se irouve abondamment dans les forêts de la Thu- ringe (1 petit sur 6 gros Hylobius), il est fort nui- sible comme le précédent ; toutefois l'aisance de son vol lui permet de se tenir sur des arbres élevés ; en cela il se distingue encore du grand Hylobius. LES PISSODES — PISSODES (1) Caractt^res. — Les Pissodes sont des Curcu- lionides de petite et de moyenne taille, cou- verts de rugosités quijdiflèrent des Hylobius parleurs antennes attachées sur le milieu du rostre, par leur scutellum arrondi et proémi- nent, et par leur prothorax qui n'est que fai- blement échancré en dessous sur son bord anléro- inférieur. (1) IIkjijwSy);, qui produit de la poix. "-^^5^ LE PETIT CHARANÇON DES PINS — PISSODES IWTdTUS. Kleiner KicfernriisselMfer Le petit Charançon des Pins ou Pissodes h points blancs (Pisso'les notalus) se présente à nous comme un deuxième et plus redoutable dévastateur des cultures forestières. Caractères. — La coloration du corps est brune tirant tantôt sur le jaune, tantôt sur le rouge. Quelques bouquets de poils légers, presque blancs, ornent le corselet et se grou- pent sur le milieu des élylres par grandes ta- ches et postérieurement sous forme de bandes. Ces pâles dessins ne sont pas toujours iden- tiques par suite du frottement qui a pu détacher des bouquets de poils. Très fréquem- ment ces poils ou squames disparaissent complètement par l'usure chez de vieux Co- léoptères; le temps imprime donc son cachet au vieil Insecte et la calvitie le rend fort diffé- rent du Charançon jeune et fraîchement éclos (fig. 431 et 432). Notre Pissodes notatus se laisse distinguer de plusieurs de ses congénères par l'irrégularité des ponctuations qui marquent ses élytres. En effet ces ponctuations disposées en raies longitudinales deviennent beaucoup plus gros- ses et presque carrées sur le milieu des élytres, contrastant ainsi avec les points plus petits et arrondis qui les entourent. Mœurs, liiihltiKles, rrsime. — De même que le grand Hylobius brun, ce petit Coléoptère paraît aussi en mai, mais toutefois en nombre plus considérable et avec une aire d'extension plus vaste. Il cherche sa nourriture sur le Pin sylvestre et sur le Fin de Weymouth, dans l'écorce des- quels il introduit son bec, en n'y puisant ce- pendant qu'une faible ration alimentaire tout en occasionnant de nombreuses plaies. Celles- ci ressemblent à de grossières piqûres d'ai- guilles et donnent lieu à cette exsudation ré- sineuse qui donne un aspect galeux à la sur- face. D'habitude il s'attaque aux phmts de quatre ;\ huit ans, et si ceux-ci lui font défaut il s'en prend aussi à de plus âgés, mais jamais ;\ des arbres de trente ans environ. Si le temps chaud devient stable, la vitalité du Coléoptère aug- mente et l'accouplement a lieu. Au moment de la ponte les Hylobius et les Pissodes se conduisent d'une façon fort différente. Ici la femelle ne recherche pas seulement des troncs LE PETIT CHARANÇON DES PINS- ^8'J lig. 433 et 43 Fig. 431 et 432. Fig. Fig. 431. — L'Adulte, de grandeur naturelle. Fig. 432. — L'Adulte, très grossi. Fig. 433, 434. — Larve, de grandeur naturelle et grossie Fig, 431 à 436. — Le Pissodes ponctué des Pins. Fig. 435. — Nymphe, grossie. Fig. 430. — Souche de Pin écorcée en partie pour montrer les galeries des Larves et les Cocons. maladifs de quinze à trente ans, ou des arbres rabougris plus âgés, mais encore des troncs vi-^ goureu.\ et exceptionnellement des souches, des racines ou des bois coupés et amassés. Les galeries de la Larve sont ordinairement établies au-dessous des premières branches ou un peu au-dessus. Elles serpentent irrégulière- ment, en décrivant des circonvolutions peu pro- noncées, deviennent de plus en plus larges et prennent sous l'écorce une direction descen- dante à mesure qu'elles s'étendent plus loin (fig. 436). L'espace n'est point vide dans ces galeries ; il est rempli de débris conglomérés, affectant la forme de boudins; et mouchetés de brun et de blanc. A l'extrémité de ces boyaux, la Larve, si l'écorce est mince, se creuse dans la profon- deur du bois une cavité ovoïde qui dans les petits troncs pénètre même dans la moelle, et Mreiim. — VIL dans cette retraite se confectionne avec de fins copeaux qu'elle a fabriqués une sorte de coque ayant l'aspect d'un amas de charpie (fig. 436) et dans lequel elle se transforme en Nymphe (fig. 435). Celle-ci, après un repos de quelques semai- nes seulement, donne le jour au Coléoplère qui le plus souvent se fraie un passage en automne par un trou qui semble foré par un grain de plomb, et se retire pour passer l'hiver à la base des troncs, dans les fentes de l'écorce, parmi la mousse, ou les feuilles tombées. Par suite de l'irrégularité dans la marche du développement, il reste toujours quelques Larves et Nymphes au fond de leur retraite. On a môme trouvé des Larves isolées dans des cônes de l'année précédente provenant de Pins chétifs. Comme ce Coléoplère dépense toute son ac- I.NSEGTES. — 37 290 L'APION DU TREFLE. liviLé à ronger un seul et même arbre, auquel il confie en outre sa progénilure, il devient ra- pidement nuisible surtout aux jeunes plants, et d'autant plus que d'autres vermines l'aident dans ses déprédations ; aussi faut-il avoir sans cesse l'œil sur lui. La vigilance exige que l'on enlève au fur et à mesure les plants attaqués qui paraissent condamnés. Le genre Pissodes touche de près aux élé- gants Heilipus de l'Amérique du Sud, dont ils sont comme les représentants dans les zones froides de l'hémisphère boréal. Il est encore toute une série d'espèces du même genre qui intéressent le forestier; mais leur distinction trop minutieuse nous entraî- nerait au delà des limites que nous nous som- mes tracées. LES APIONS — APION{V) Die Apioninm. Les Apions [Apion) sont de charmants petits Coléoptères, qui se trouvent partout et de- meurent souvent inaperçus à cause de leur petitesse: quelques-uns se rencontrent toute l'année, car, revenus de leur engourdissement hibernal, plusieurs d'entre eux grimpent sur les buissons aussitôt qu'ils se revêlent de leur verdure pour en redescendre avec la chute des feuilles et reprendre leur sommeil d'hiver; d'autres fréquentent les plantes basses dont ils se nourrissent ainsi que leurs Larves. Caractères. — Le corps est pyriforme, plus gros en arrière, aminci en avant où il se ter- mine en un rostre mince et cylindrique qui semble plus long et plus grêle chez la femelle que chez le mâle ; près de la base ou vers le milieu du bec sont insérées des antennes clavi- formes et non coudées. Le corselet toujours plus long que large est tout à fait cylindrique ou un peu conique ; le scutellum ne forme qu'un point. Les cuisses sont en massue et inermes ; chez quelques espèces les hanches postérieures peuvent être plus épaisses que les antérieures ; les jambes sont droites et les tarses longs, les élytres sont fortement sillon- nées. Le deuxième anneau de l'abdomen, séparé seulement du premier par une suture droite très délicate, égale en longueur les deux sui- vants pris ensemble. Le corps n'est pas orné de ^l) "Atiiov, puiro, par allusion à Iciii- forme. dessins, mais, le plus souvent, possède un éclat métallique bronzé, noir, bleu ou vert; quelques espèces sont rouge minium. Cette uniformité d'aspect jointe à une grande petitesse rend la distinction des espèces parfois très difficile. Distribution g6o^rapliique. — Les Apions comptent parmi eux plus de 400 espèces ré- parties sur toute la terre. Mœurs, habitudes, régime. — Beaucoup d'entre elles sont fort nuisibles, parce que leurs Larves s'attaquent à nos plantes cul- tivées. L'APION DU TREFLE. — APIOri JI'IIICANS- SonncHebendcs Spitzmauschen. Caractères. — VApion apricans a le bec fai- blement courbé, d'une épaisseur égale dans toute sa longueur, portant les antennes in- sérées au milieu; le corselet rétréci en avant est fortement ponctué ; les élytres ovoïdes, glo- buleuses, sont parcourues de stries ponctuées avec les intervalles légèrement bombés. Ce petit Coléoptère est noir luisant ; la base des antennes, les jambes antérieures, les cuis- ses des autres pattes sont jaune orangé ; les genoux de toutes les pattes sont noirâtres ainsi que les tarses (fig. 437). Mœurs, iiabitudes, régime. — Après l'hiber- nation a lieu l'accouplement, ii la suite duquel la femelle pond plusieurs œufs sur l'inflores- cence du Trèfle et sans doute d'autres Trifo- liées. Les petites Larves qui atteignent 2 mill. au plus mangent les graines tendres et vertes à peine formées ; perçant le calice, elles ron- gent une semence, puis elles attaquent une graine voisine et ainsi de suite; trois ou quatre d'entre elles suffisent pour dévorer toutes les semences d'une tête de Trèfle, qui prend tout à fait l'aspect trompeur de la maturité. A l'épo- que de la première fenaison, les Larves deve- nues adultes passent à l'état de Nymphe au milieu des fleurs du capitule. On ignore si, dans une même année, une deuxième géné- ration peut accomplir toutes ses phases. L'Apion assimile et 1'^. trifolii ont tous deux les mômes mœurs et l'on sait que beaucoup d'autres espèces vivent d'une manière toute semblable aux dépens des graines de Papi- lionacées, ou s'introduisent dans les tiges. Ainsi YApion Craccx dévore les graines du Vicia cracca, mauvaise herbe qui pullule en L'APODÈRE DU NOISETIER. 291 maint endroit; VApion u/icis ronge celles de VUlex europxus; VApiun Sai/i de l'Aménque at- taque les semences du fiaptisia linctoria; l'A- pluii flavipes vit dans les capitules du TriMle blanc de Hollande et l'.-i. livescerum, dans ceux du Sainfoin; VApàm ulkkula \iro\'oi.\\\c sur VUlex Fig. 43". — L'Apioii du Trùne. nanus la formation de galles dans lesquelles la Larve hiverne et passe ;\ l'état de Chrysalide; VApion radiolus perce les tiges des Malvacées [Malva, Althxa, Lavalera) et s'y transforme en Nymphe. Les Larves que l'on a observées se ressemblent tellement, que ce n'est qu'avec peine et à l'aide du microscope que l'on arrive à les distinguer. Les mœurs des nombreuses espèces qui vi- vent sur les arbustes nous sont encore incon- nues. LES ATTELABINES. — LES RHYN- CIIITINES fli'e AUdahimn, Die Rliynchitinen. Aux Apions se rattachent les Curculionides à antennes droites, non coudées. Quelques es- pèces présentent le plus vif intérêt, car la fe- melle assure la destinée de sa progéniture avec un soin et une prévoyance extrêmement rares parmi les Coléoptères. Pour procurer le nécessaire ;\ sa couvée, la femelle atteint son but en faisant subir les préparations les plus diverses aux parties végé- tales destinées à ses enfants pour arrêter la sève et les obliger à se faner. Elle nous apprend ainsi que la nourriture des Larves, ainsi fanée ou desséchée, ne doit plus être humectée que légèrement et tout au plus par l'humidité at- mosphérique. L'exposé ultérieur de plusieurs cas détermi- nés et les habitudes spéciales aux espèces con- (irmeront et éclairciront davantage ce que nous venons de dire. LES APODÉRES — APODEIîUS{\) Caractères. — Le bec gros et court inséré comme une bosse au devant de la tête porte ;\ (I) "Atco, avec ; Sspri, cou. sa partie supérieure des antennes en massue, non pliées;en arrière des yeux proéminents, la tôle présente un étranglement qui se pro- longe en un collier conique. Le sculellum est grand, transversal ; les élytres droites, plus lar- ges que le corselet et échancrées pour loger l'écusson, s'arrondissent en arrière en laissant à découvert l'extrémité abdominale. Les han- ches antérieures saillantes se touchent, les pos- térieures restant écartées ; les cuisses en massue sont inermes ; les jambes tantôt droites tantôt courbes se terminent par un crochet chez le mâle et par deux crochets chez la femelle; en- fin l'article terminal des tarses porte deux cro- chets réunis à la base. Les deux premiers an- neaux abdominaux sont soudés entre eux. Itistribiition gféo}jrai>liiCHITE DU BOULEAU. — RIIYNCIIITES BETULETl. Stahlblauer Rebenstecher. Caractères. — Le Rhynchite bleu d'acier du Bouleau, le Fabricant de cornets, le Tour- neiM', le Fabricant de sifflets, etc. {/{hync/iites ieluleti) est bleu, quelquefois vert doré, bril- lant et lisse. Le bec n'atteint pas la longueur de la tête et du corselet réunis. La tête est concave entre les yeux ; la longueur du corse- let égale le milieu de sa largeur, il est, ainsi que les élytres, couvert de fines ponctuations mais sans rugosités ; il est faiblement com- primé en avant et porte la trace d'un sillon longitudinal; le mâle est pourvu d'une épine thoracique latérale dirigée en avant (fig. 441). llieurs, habitudes, régime. — Ce Coléop- tère enroule souvent plusieurs feuilles ensem- ble sur les arbres et arbrisseaux les plus divers. Il paraît en mai-juin dans les bois sur les Hêtres, les Peupliers, les Tilleuls, les Saules, les Bouleaux, les Peupliers du Canada, les Poi- riers, les Coignassiers et la Vigne. Comme il recherche pour sa nourriture les parties ten- dres et herbacées de ces végétaux, et de jeunes feuilles pour construire le berceau de sa progé- niture, ces besoins paraissent être la raison du choix de résidences si diverses. C'est parce qu'il entame les jeunes pousses dont l'extrémité ne larde pas à se flétrir qu'il peut occasionner les plus grands dégàls sur les Poiriers et tout particulièrement sur la Vigne, s'il se trouve en grande quantité. S il ne rencontre pas de jeunes feuilles, il se met aussi à tracer avec son bec des lignes étroites à la partie supérieure des feuilles en enlevant au fur et à mesure la cuticule et la partie verte pour ne laisser que la membrane inférieure. Les rouleaux en forme de cigare construits par lui peuvent être faits de diverses manières: les feuilles relativement petites des Saules, Hêtres, Poiriers, sont réunies plusieurs ensem- ble, mais une seule des larges feuilles de la LE RHYNCHITF.S DU BOULEAU. 29a Vigne ou du Goignassierlui suffisent pour faire son rouleau. La piqûre des jeunes pousses, ou si elle ne réussit pas, celle des pétioles de feuilles pro- vofjue un arrêt dans la circulation de la sève et un commencement de la flétrissure de la feuille qui se prèle mieux alors :\ la confection du rouleau. Nous ne croyons pas pouvoir nous dispen- ser de reproduire ici les intéressantes obser- vations de Nordlinger : « Le 12 juin 1850, ;\ neuf heures et demie du malin, rapporte notre auteur, nous aper(;ùmes un Hynchite sur un peuplier du Canada. Le soleil donnait, mais l'air était animé par la bise pendant que notre Coléoptère se tenait sur un rejet. « Celui-ci affectionne beaucoup cet arbre pour son travail, parce que les feuilles n'y sont pas trop éloignées les unes des autres et, peut- être, parce qu'elles lui échappent moins facile- ment pendant l'opération dans leur mouve- ment d'accroissement. " Le Rhynchite était une femelle, car il lui manquait les deux épines thornciques, — le mâle d'ailleurs est d'une taille beaucoup plus petite. — « Notre Coléoptère courait affairé sur plusieurs feuilles terminales penchées et un peu fanées : conséquence du travail exécuté de bonne heure le malin, ou même déj;\ dans le courant de la journée, et consistant dans la piqûre pratiquée habilement dans le pétiole afin d'arrêter la sève. C'est indubitablement dans ce but et pour le rendre par suite plus fiexible, qu'il a entaillé le rejeton dans toute sa longueur de crénelures serrées et transver- sales quoique légères. "Le rejeton ainsi approprié à la construction du rouleau par suite de l'arrêt de sève, con- sistait en plusieurs feuilles, dont la première complètement développée, encore assez fraî- che et raide; une deuxième non encore com- plètement développée et de la grandeur d'une feuille de peuplier ordinaire, déjà passable- ment fanée ; une troisième plus petite, de la dimension d'une feuille de lilas de Perse, en- core toute fraîche et couverte comme les deux plus jeunes feuilles ultérieures d'une exsuda- tion végétale et par conséquent impropre au travail d'enroulement. Çà et là on voyait sur les feuilles de petits excréments noirs et gru- meleux. (I Sans aucun doute ce fut la feuille non adulte de la grandeur d'une feuille de Peu- plier ordinaire qui attira surtout l'attention de la femelle par sa flaccidité et par sa faible ré- sistance. Elle voulut visiblement débuter par cette feuille prédestinée, car elle s'y cram- ponna solidement avec ses pattes on y pres- sant fortement son bec, sans doute pour la rendre encore plus flexible. Mais bien qu'elle essayât en divers endroits et h plusieurs repri- ses, la feuille resta rebelle. Alors elle se mit à examiner toutes les feuilles du rejeton, pro- bablement pour se convaincre qu'avec celle- ci il n'y avait non plus rien à faire; puis elle essaya de nouveau mais en vain de rouler le bord de la feuille choisie. «Nous craignîmes que sa patience ne vînt à se lasser. — Mais point 1 Le Ilhynchite mar- che alors sur la feuille adulte et très peu fa- née, s'y réconforte en raclant un peu de ma- tière verte, puis s'en retourne bientôt vers son point d'essai et s'y remet à l'œuvre. — Encore en vain! A bout de patience il quitte la feuille. Il veut en essayer une autre, mais au lieu de s'y rendre par la voie détournée du pétiole, il se suspend, appuyé seulement sur les pattes postérieures et le corps entier tendu perpendiculairement au dehors dans le but de saisir la nouvelle feuille. Une fois celle-ci atteinte, il reste tout à coup immo- bile, peut-être effrayé par notre présence, tend ses antennes dans l'espace en les rap- prochant en pointe; mais retourne bientôt à ses soucieuses promenades. Plusieurs fois il se met à piquer les pétioles, peut-être pour obtenir une plus grande flaccidité des feuilles. » Il recherche de nouveau son ancienne feuille; mais encore une fois, il n'y a rien à y faire. Il se rend alors à la feuille sous-jacenle et mince pour s'y restaurer de nouveau. Cette fois il ronge à travers toute la feuille la matière verte de la face supérieure, non pas en traçant des lignes minces mais en découpant un espace assez grand et presque rond. « Mais voici qu'un lourd Lamellicorne vient bruire et tomber stupidement sur la place : il aurait infailliblement renversé l'industrieuse créature, si nons n'avions paré ce mauvais coup. Notre protégé s'en préoccupa fort peu, du moins il retourna à sa pâture, mangea et resta en repos pendant o minutes. « Cependant, après une nouvelle visite de toutes les feuilles fanées, il revient à sa pre- mière feuille où il a déjà déployé vainement tant de force et d'adresse et se met à compri- mer avec son bec les rides qui se trouvent sur les bords. Déjà la forme de cornet se dessine. 206 LE RHYNGHITE DU BOULEAU. Il entre dans celui-ci, mais il ne paraît pas le satisfaire : car il le quitte de nouveau, court çà et là et quitte le pétiole à plusieurs reprises. Mais voici que notre Coléoptère se cramponne de toutes ses forces sur un pli, le presse vi- goureusement avec son bec et répète plusieurs fois la même opération jusqu'à ce qu'enfin l'en- roulement fasse quelques progrès, malgré le vent qui à ce moment entrave d'une manière in- tempestive ses opérations en agitant les feuilles du Peuplier. Au bout de quelques minutes la moitié de la feuille est roulée. 11 continue en- suite de môme sur l'autre moitié. Toutefois, au beau milieu de son travail, convaincu sans doute qu'en suivant le procédé commencé il ne viendrait pas à bout, il s'arrête pour suivre un autre système Vraie preuve d'intelligence! « Il était facile de voir qu'allant et venant sur la deuxième moitié de feuille il en frottait les bords avec son extrémité abdominale qui sé- crétait en petite quantité une matière agglu- tinante ; et qu'il finissait par encoller solide- ment ces parties grâce à cette manière de repas- sage répété. C'était chose merveilleuse de voir comment le Coléoptère maintenait la surface lisse de la feuille avec ses petites griffes et comment il arrivait à y assujettir ses pattes. «Or voilà donc le demi-rouleau déjà suspendu; mais il a encore sa pointe et ses inégalités qui ne tardent pas à s'effacer par la pression du bec et le procédé d'encollage de notre Insecte. Alors le Rhynchite pratique dans le rouleau un peu au-dessous de son attache au pétiole, un trou profond ovi son bec disparaît tout entier. Il sort de nouveau, se retourne et pose son extré- mité abdominale sur l'ouverture du trou, pen- dant qu'il maintient fortement levés le corselet et surtout la tête. Cette posture jointe au grand abaissemffnt du rostre et des antennes, annon- çait qu'il se passait quelque chose d'extraordi- naire, — la ponte d'un œuf. Cela dure quel- ques secondes. Brusquement le Coléoptère se retourne et avec son bec achève d'assurer la position de l'œuf dans le trou, puis il se met à agrandir le rouleau qu'il s'agit d'enve- lopper dans la vieille feuille voisine. (c Après avoir déployé tant de vigueur, il fait ici encore preuve de grande intelligence. Tan- tôt notre femelle disparaît sous un lambeau de feuille, tantôt elle monte ou descend, sans qu'on puisse saisir au début et reconnaître quel est son plan, mais au milieu de ses va- et-vient l'enroulement de la deuxième feuille avance rapidement. C'est un véritable plaisir que de voir comment le deuxième lambeau est enfin appliqué et tiré par les pattes de l'Insecte et comment il l'encolle et le repasse avec son extrémité abdominale. Soigneusement et avec les mêmes moyens les deux bouts du rouleau quelque peu béants sont clos et il prend l'as- pect d'un rouleau de banque pour la confection duquel le bec et les pattes auraient remplacé les doigts, la matière agglutinante la cire à ca- cheter; mais l'extrémité abdominale aurait fait à la fois fonction de cachet et de fer à repasser. « A 11 heures le rouleau fait avec les deux feuilles réunies était achevé. Sur place, le Rhynchite chercha à y joindre la troisième feuille plus petite. Avec force il la tourna en spirale autour du cylindre, puis s'arrêta capri- cieusement, fit quelques pas, retourna à son ouvrage et travailla si bien qu'au bout de 6 mi- nutes la nouvelle feuille était comprise dans le rouleau. '( Voici que notre (Coléoptère prend de nou- veau la posture scabreuse qu'il avait déjà prise antérieurement en appuyant son dos contre le rouleau et en se maintenant sur ses pattes postérieures. De celte manière il saisit la cin- quième petite feuille, la tire à lui et l'encolle fortement. Mais la petite feuille n'est par fanée et elle est recouverte de l'enduit particulier aux jeunes feuilles de Peuplier, aussi l'abandonne- t-il. Il saisit alors l'avant-dernière et 4° feuille, la tend fortement dans le sens de sa longueur et la plie. A son grand désappointement, elle lui échappe à son tour comme la 5° ; aussi se lésigne-t-il aies abandonner toutes deux et s'apprête-t-il à essayer d'enrober la grande feuille voisine sur laquelle il n'avait jusqu'à présent fait autre chose que de manger. « Mais auparavant il se donne encore quel- ques minutes pendant lesquelles il prend ses aises en restant posé à la surface de la feuille. A présent, la tête tournée, vers le rejet, et à environ un centimètre de celui-ci, il entame en le cisaillant avec son bec, le pétiole qu'il coupe presqu'entièrement. Le travail dure bien 9 minutes, après lesquelles le Coléoptère mord légèrement et à plusieurs reprises le pétiole de la feuille presque pendante, sans doute pour le paralyser. On pourrait croire que notre In- secte reste suspendu jusqu'à ce que la feuille une fois fanée soit devenue facile à enrouler. En réalité il retourne auprès du rouleau, y pond un œuf comme précédemment, mais en consolidant rapidement la position de l'œuf par le procédé décrit plus haut. LE RHYNCHITE DU BOULEAU. 297 Fig. 443. — Le Charançon très grossi. Fig. 444. — Le rostre, très grossi et vu de profil. Fig. 445. — Le Charanoon attaquant les Noisettes pour effectuer sa ponte. Fig. 443 à 445. — Le Charançon des Noisettes. « Une nouvelle tentative pour enrouler les feuilles terminales, n'a pas de succès complet car la feuille supérieure est encore rebelle. Promptement le Colcoptère se résout à entre- prendre son travail sur la feuille qui lui sert de pftture, presque fixée, mais encore toute fraîche. C'est une chose vraiment merveilleuse que la force et l'adresse avec laquelle il la tire i'i lui. Mais comme le pétiole descend trop bas, il soulève avec force le rouleau à l'instar du ba- telier qui monte sa voile carrée, et cela mal- gré la courbure que doit faire le pétiole dans sa résistance et procède à l'enroulement, de telle sorte que la nervure médiane delà feuille est prise transversalement dans le rouleau ; car malgré la courbure imprimée au pétiole, la feuille descendrait encore trop bas. "Encore une fois il abandonne complètement la feuille, mais pour y revenir à plusieurs repri- ses dans le but de l'enrouler de la môme façon, car la feuille est toujours encore raide et rebelle, ce qui s'exécute dans des postures du corps ex- trêmement scabreuses. Finalement, il reconnaît l'impossibilité de s'en rendre maître, il l'aban- donne et enroule de nouveau la petite feuille an- térieure qui pendant ce temps s'était déroulée, « Une nouvelle tentative faite pour enrouler la feuille servant de pâture échoua après que le travail fut déjà fort avancé. « Ce fut à midi et demi que nous quittâmes le Coléoptèrequi, infatigable, reprenaitson travail. « .\ notre retour, à 1 heure 10 minutes, la feuille servant à sa pâture était roulée d'une manière irréprochable. Notre Coléoptère s'y Breum. — VIL promenait, allant, venant, frottant de temps à autre ses jambes contre le corps, l'œil fixé sur une feuille voisine qu'il cherchait i\ y rattacher, mais qu'il lâcha de nouveau, pour encoller et repasser encore les bords de la feuille précé- demment roulée. Cette fois on vit même la ma- tière collante se tirer en fils, peut-être à cause de la chaleur qui régnait à ce moment. Tout à coup, sans s'arrêter sensiblement, et après de courts préparatifs faits avec les ailes, notre Co- léoptère s'envola vers une autre branche et de I;\ dans les airs. Au bout d'une minute il revint se poser sur une feuille rapprochée du rou- leau, voltigea autour de cet endroit; après que nous l'ayons perdu de vue, il se montra encore une fois sur un rameau avoisinant son rouleau pour s'envoler définitivement. » Pour se faire une idée de l'adresse, de la force et de la persévérance avec lesquelles le Coléoptère travailla, Nôrdlinger fait observer expressément qu'un vent assez fort souffla tout le temps, agitant sans cesse les feuilles déjà si mobiles du Peuplier du Canada au point de faire tomber cent fois tout autre Coléoptère. 11 n'est pas impossible qu'on ait vu, ainsi qu'on le prétend, deux de ces Coléoptères jouant folâtremenl sur le même rouleau, car ils deviennent très vifs pendant la chaleur; mais conclure de là que le mâle collabore avec la femelle dans la construction du rouleau semble prématuré. Cette peinture complète de la marche de la nidification concorde parfaite- ment avec ce que l'expérience nous apprend sur d'autres Insectes, dont un grand nombre Insectes. — 38 LE RHYNCHITE DU BOULEAU. surtout chez les Hyménoptères déploient un bien plus grand art dans les soins qu'ils don- nent à leur couvée ; mais je ne connais aucun exemple où les mâles, toujours paresseux, y témoignent quelque activité ; ce ne sont que les femelles qui sous ce rapport sollicitent notre intérêt, et il n'est pas rare qu'elles nous donnent les témoignages les plus touchants de l'abnégation matérielle et du désintéressement le plus complet. Elles peuvent servir d'exem- ples à mainte marfttre de l'espèce humaine I Pour compléter l'histoire du développement de notre Rhynchite, ajoutons encore que le rouleau observé le 24 juin était rempli en grande partie d'excréments filiformes, mais ne contenait plus de Larves. Celles-ci étaient au contraire sorties par un trou arrondi et avaient pénétré dans le sol jusqu'à une profondeur de 3 à 4 centimètres, où renfermées dans une cavité de la capacité d'un pois et polie à l'in- térieur, elles s'étaient transformées en Nym- phes d'un blanc sale fortement courbées, cou- vertes de soies abondantes et portant des yeux de couleur brune. Le 8 août, on ne trouva, en procédant au déterrement, que des Nym- phes et pas une Larve, et le 13 suivant, les premiers Insectes parfaits commencèrent déjà à sortir. L'état de Larve dure donc de quatre à cinq semaines, et le développement complet a lieu dans l'espace de soixante jours. Dans chaque rouleau se trouvent de quatre à six Oîufs, mais jamais on y voit une ouverture par laquelle ils auraient été introduits dans le cylindre terminé, car ils y sont placés pendant laconstruction môme, ainsi quenousl'avonsvu. On trouve quelquefois des rouleaux com- mencés, qui pour une raison ou pour une autre n'ont pu être achevés. Par un temps humide quelques-uns de ces cylindres peuvent se dérouler. Le plus or- dinairement, la plupart se dessèchent et res- tent attachés à la plante mère au delà du temps d'évolution des Larves; mais tombent par la suite ; de temps à autre néanmoins le rouleau entier est parfois détaché par le vent. Les Coléoptères que l'on aperçoit durant les beaux jours d'automne et qui même se trou- vent accouplés, proviennent des œufs pondus en premier lieu, ou sont môme d'origine plus récente et ont été attirés hors de leur berceau par la douceur de la température ; fait qui d'ail- leurs se reproduit chez d'autres Curculionides. Avant l'hiver, ils se cachent de nouveau, sans procéder davantage, faute de temps, à la nidification ; et en effet deux générations par an, comme on l'avait admis, serait chose con- traire à la règle. LE RIIVNCIHTE DU PEUPLIKU. ropULi. RIIYNCIIITES Pappelstecher. Caractères. — Le Rhynchite du Peuplier [Rhi/nchitcs Po/j?CinTE DES PUl'MEBS. curiiEus. RUyiSCHITES Pflaumenhohrer. fc'aractères. — D'autres espèces vivent encore à l'état de Larves dans les fruits non mûrs, et mentionnons encore pour clore le Rhynchites des Pruniers (/M^»ic/;«ïes c»/j?'ei(s).llestde même taille que le Rhynchite du Peuplier, de cou- leur bronzée, faiblement couvert de poils gris encore plus rares sur la partie dorsale. Le bec est grêle, les stries ponctuées des élytres sont prononcées et leurs intervalles sont également ponctués; saLarve se nourritdejeunes Prunes, Cerises, Cormes, Alises [Pyrus iorminalis). mœurs, habitudes, régime. — Quand les Prunes ont atteint la grosseur d'une amande, la femelle coupe à moitié le pédoncule dans l'espace d'une heure, cherche à la surface du fruit un endroit convenable à l'introduction d'un œuf, y creuse un trou à plat qu'elle élargit en épargnant autant que possible l'épiderme ou dessus de la plaie, dépose son œuf dans cette ouverture qu'elle recouvre de son épi- derme. Elle retourne ensuite à son premier travail et se met à ronger l'autre moitié du pé- doncule ou l'entame assez complètement pour que le moindre vent ou le propre poids de la Prune fasse tomber celle-ci. L'ensemble du travail prend environ trois heures. Dans l'espace de quatorze jours l'œuf éclôt, la Larve se met à dévorer la chair non mûre du fruit et atteint tout son développement dans cinq ou six semaines. La Métamorphose s'accomplit sous terre. Les quelques Coléop- tères qui apparaissent en automne sont les plus précoces et doivent prendre leurs quartiers d'hiver ; mais le plus grand nombre ne sortent du sol qu'au printemps prochain. Le Rhynchiles Fragarix est particulièrement nuisible aux grosses espèces de Fraisiers dont il coupe les pousses. LES BALANINES— BALANINUS Die Btilanininen. Caractères. — Ces Curculionides ont le rostre très long, très grêle, épaissi à sa racine, cilié, strié, ponctué; moins courbé chez le mâle, ce rostre l'est davantage chez la femelle et porte, un peu en arrière du milieu, des an- tennes grêles et coudées ; celles-ci se replient exactement dans un sillon creusé jusqu'auprès des yeux et se terminent en une massue ar- rondie en bouton, dont les 7 derniers articles du fouet sont à peine plus longs que larges (flg. 144). Le prothorax, aux angles arrondis, rétréci en avant, est tronqué en arrière ; l'é- cusson est petit; les élytres un peu convexes, plus larges que le corselet, sont en forme de triangle curviligne. Les cuisses en massue por- tent généralement une dent triangulaire, les jambes droites se terminent en crochet, le 3° article des tarses est élargi. Le 2° segment de l'abdomen est plus long que chacun des deux suivants ; le corps est pubescent. Ils ont l'habitude de replier leurs pattes sur le corps et de se laisser choir à la moindre ap- parence de danger. Distribution géographique. — Lcs Balani- nus, dont les 44 espèces sont souvent difficiles à distinguer en raison de la grande similitude de leurs formes, sont répartis sur toute la sur- face du globe et sont surtout richement repré- sentés en Europe. LE CHARANÇON DES NOISETTES. — BJLJMJSrS NVCVM. Hasclnussrussler. Caractères. • — Le Charançon des Noisellcs [Balaninits nticum) et ses congénères sont de LES ANTHONOMES. 301 Fig. 446. Fig. 'l'iT. ^, N \^"-^^ Fig 449 Fig. -lis. Fig. Fig. 446. — Bouton attaqué. Fig. 447. — Larve grossie. Fig. 448. — Nymphe grossie. Fig. 449. — Adulte très grossi. Fig. 44G à 449, — L'Anthonome du Pommier très grossi. Fig. 4oO. Fig. 452. Fig. 450. — Fleur avec Ariilioiiomc do grandeur na- turelle. Fig. 451. — Bouton habité par une Larve. Fig. 452. — Adulte très grossi. Fig. 4.JU à 452. — L'Anthonome du Poirier. toutes nos espèces indigènes celles dont le bec est le plus allongé. Il est de forme ovoïde, noir, et entièrement recouvert de poils gris-jau- nâtre, moins serrés sur le scutelluni qui est arrondi, sur les épaules ainsi que sur les ély- tres qui dessinent une sorte de cœur (fig. 443). Il mesure 6 millimètres sans compter le rostre qui a la longueur de la moitié du corps. Uœurs, habitudes, réivimc. — Le « Yer » de la Noisette est universellement connu et surtout le trou par lequel il est sorti pour de là subir ses transformations dans la terre ; car, comme chacun sait, dans la Noisette per- forée, on ne trouve plus l'animal, mais seule- ment l'amande à moitié ou en totalité rongée ainsi que l'amas d'excréments, seules traces de son ancienne présence et de son activité des- tructive. A la mi-juin la femelle fécondée pique jus- qu'au cœur la Noisette à demi développée (fig. 4-i5), pond un œuf dans le trou ainsi pra- tiqué et le glisse jusqu'au fond à l'aide de son bec. Ceci se passe dans un temps assez court pour permettre à la plaie de se cicatriser, et il faut y regarder de très près pour distinguer la moindre trace de blessure. En mai, notre Coléoptère circule sur les Noisetiers et les Chênes, mais ne provient pas des Larves de l'année précédente ; car d'après les observations faites, celles-ci restent ca- chées jusqu'en juin de l'année suivante; elles passent alors à l'état de Nymphe pour devenir Insectes parfaits en août, époque où ils se montrent encore au dehors, ou bien restent dissimulés jusqu'au printemps suivant. LE GR.iND ET LE PETIT CHARANÇON DES GLANDS. — BiLANlNUS GLJNVIVM ET B. TURBJTUS. Grosser und Klciner Eichelbohrer, Caractères. — En Allemagne encore deux autres espèces extrêmement voisines dont la massue antennaire paraît sensiblement plus mince et qui a son dernier article au moins deux fois aussi long que large. Ce sont : le grand Charançon des Glands {Balaninus glan- cliuin ou venosus) dont le corselet a les bords abrupts depuis le milieu jusqu'auprès des ély- tres avec lesquelles il forme presqu'un angle droit; le petit Charançon des Glands {Balani- nus tiirbatus) au bec fortement courbé (surtout chez la femelle), dont le corselet forme sur les bords un angle très obtus avec la base des élytrcs comme chez le Balaninus nucum. Slœurs, habitudes, régime. — Ces deux es- pèces, qui ont des mœurs semblables à celles du Charançon des Noisettes, vivent à l'état de Larve dans les Glands et deviennent par là très nuisibles, lorsqu'on veut récolter la glandéc pour effectuer des reboisements. LES ANTHONOMES — ANTBONOMUS Die Blûtenstecher, Die Anthonominen. Caractères. — Les Anlhonomes pourraient être pris pour de grands Apions à formes alour- dies, mais leurs antennes coudées, ainsi que les brosses de poils ou les taches qui couvrent le fond de leurs élytres permettent de les distinguer au premier coup d'œil. D'autres 302 LES CHARANÇONS DU POMMIER ET DU POIRIER. caraclères encore les séparent : leur bec est mince et droit; leurs yeux sont petits, ronds ; leurs antennes longues et grôles, insérées sous le rostre, ont le fouet de 7 articles, le 1" esttrès allongé, tandis que les autres forment une mas- sue fusiforme ; le prothorax est rétréci, tronqué obliquement en avant; les élytres sontconvexes, ovales, un peu plus larges que le corselet. Les pattes sont assez longues, les antérieures plus grandes que les autres ; les cuisses sont en massue et dentées en dessous, les jambes à peine courbées ; les anneaux abdominaux sont libres. Distribution séostrapliique. — Le genre est répandu sur toute la terre, mais moins en Amérique que partout ailleurs. On a décrit une centaine d'espèces. Mœurs, habitudes, régime. — Les pluS grandes parmi les espèces européennes qui, en général, n'oflrenl pas d'individus à fortes di- mensions du reste, sont très préjudiciables aux arbres fruitiers. La femelle pique dès le pre- mier printemps les bourgeons lloraux pour y glisser ses œufs; les Larves aussitôt écloses, se mettent à dévorer le contenu de ces bour- geons et les empochent de se développer. Les pétales brunissent, et le Pommier ou le Poirier qui présentent beaucoup de bourgeons, ainsi attaqués, ont l'air d'être roussis par le feu ; dans certains pays on donne à cause de cela le nom de « \ncendid\re {B?-e>mer) » à l'auteur du dégil, sans que ce qualificatif puisse s'appliquer à une espèce déterminée, car plusieurs de ces Coléoptères vivent exactement de la même ma- nière. Le plus souvent ce terme s'applique à l'Anthonome du Pommier (fig. 449). Ces Coléoptères et leurs nombreux congé- nères font tous le mort si on les approche, et se laissent tomber à terre en repliant leur bec et leurs pattes contre le corps. LE CHARANÇON DU l'OMMIER. — ANTIIONOMUS PO MO RU M. Âpfelblùtenstechci'. LE CIIAUANÇON DU POIRIER. — ANTHONOMUS PYRl. Birnknospenstecher . Caractères. — Le Charançon du Pommier (fig. 449) se distingue par les bandes transver- sales eQ'acées, grises qui passent à travers ses élytres d'un brun de poix. Ces bandes, qui consistent en une villosité grise, deviennent droites et n'atteignent pas exactement les bords de chaque élytre chez l'autre espèce, très voisine, l'Anthonome du Poirier (fig. 4b2). Cesdeuxespèces qui se distinguent par ce ca- ractère au premier coup d'œil, présentent en- core quelques autres différences, si on les con- sidère de plus près, et vivent sur les Pommiers et les Poiriers. Mceurs, habitudes, régime. — Au prui- temps ils quittent de bonne heure leur retraite d'hiver, et bien que par un fort soleil ils puis- sent voler avec activité, ils se mettent le plus souvent à monter le long des troncs pour ga- gner les branches ; en automne ils descendent à la recherche d'un abri pour y passer l'hi- ver, au pied de l'arbre, derrière une écorce sou- levée ou sous une motte de terre. La femelle fécondée s'attaque aux bourgeons ;\ l'aide de son long bec en y pratiquant des trous, soit pour manger, soit pour introduire un œuf. Les conditions et le résultat de ces attaques peuvent se présenter fort différemment; car les bourgeons floraux, comme on le sait, ren- ferment plusieurs boutons à fleurs chez ces deux arbres fruitiers. Si le bourgeon principal est encore fermé, quelques-uns des boutons sim- ples peuvent seuls être atteints; alors dans le cours du développement les boutons qui re- cèlent un œuf s'arrêtent, ne tardent pas à. tom- ber tandis que les boutons préservés suivent leur évolution. Si, au contraire, l'estivalion des jjoutons simples est assez avancée, ceux-ci, pouvant tous être gratifiés d'un œuf, se des- sèclient et paraissent comme roussis par le feu. La Larve cachée sous son abri se déve- loppe rapidement en rongeant les organes de la fructification, étamines, pistil et ovaire, jus- qu'à ce qu'elle ait atteint la taille de G milli- mètres; ce qui exige quinze jours. Elle est alors blanche, allongée, de forme conique, courbée en arc, apode, et finit par devenir une Nymphe aux formes élancées et très mobile. Huit jours après l'Insecte parfait est complète- ment formé, mais il n'abandonne sa retraite que deux ou trois jours après en perçant la fleur d'un trou et prend son essor. Il est facile d'élever la seconde espèce avec des bourgeons de Poirier, qui paraissent « roussis », encore renfermés dans leur enve- loppe commune. Le développement des Larves suit une marche si rapide que des boutons flétris, recueillis à la mi-avril, sortent dès le 30 avril une grande quantité d'Anthonomes. Les arbres fruitiers à bourgeons longtemps fermés et par conséquent tardifs, ont le plu.s à souffrir de ces Coléoptères, et en outre le LE CHARANÇON DU HÊTRE. 303 dégât est augmenté \h où des conditions almos- [thériques ou l'état défavorable de l'arbre dé- terminent un arrêt dans le développement; car il découle de la manière de vivre des An- Ihonomes, que leurs Larves ne peuvent pros- pérer que dans les bourgeons dont elles arrêtent le développement. Si l'évolution de ceux-ci surprend et précède la naissance de la Larve, le développement ultérieur de celle- ci est gravement compromis. 11 n'y a aucun moyen de combattre ce redou- table Insecte; il faut se reposer du soin de le détruire sur ses ennemis naturels, notamment sur certains petits Ichneumons, les l'impla (jvaminellœ et liracon varialor. LE CHAUA>ÇOIV DES DRUPES. — JNTIIOJSOMUS Steinfruchtbohi'e): Caractères. — Une troisième et non moins intéressante espèce est l'Anthonome des Dru- |)es [Anthonotnas drupariim), un peu plus fort (|ue les précédents. Elle a le corps rouge- brun, fortenient couvert de poils jaunes gris, et elle est facile à reconnaître à ses doubles bandes en zigzags situées immédiatement der- rière le milieu des élytres et qui sont formées par l'absence locale de villosilé. llœurs, habituiles, pôginie. — Ce Coléop- tère, qui dit-on ronge activement la fleur du Pécher, se trouve principalement sur le Meri- sier à grappe {Cevasus padus), dans l'amande duquel la Larve vit solitaire. Néanmoins il paraît avoir des mœurs assez peu régulières aussi, car il se développerait dans les noyau-x du Prunellier épineu.\ ; Taschenberg a môme trouvé dans les noyaux des Cerises aigres- douces desséchées des Larves, des Nymphes et des Insectes parfaits, qui naturellement avaient été tués lors du passage des Cerises au four. L'un des Coléoptères avait réussi à pratiquer son trou de sortie et n'avait plus qu'une mince pellicule à perforer, un autre avait pénétré jusqu'à la chair; tous deux fu- rent surpris par la mort au moment où il ne leur restait plus à exercer que le plus léger ellort pour traverser la partie molle du fruit. LES ORCHESTES — ORCBESTES Caractères. — Le rostre rond et légèrement courbé, plus long que la tète et le corselet réu- nis, se replie en dessous pendant le repos; les antennes coudées sont situées plus près des yeux que de l'extrémité. La tôte et le corselet ont ensemble la forme d'une cloche, et sont relativement peu proéminents; le prolhorax est petit, rétréci en avant; le scutellum appa- raît comme une petite fossette ; les élytres, plus larges que le corselet, ovales, allongées, convexes, arrondies en arrière, laissent l'ex- trémité de l'abdomen ii peine à découvert. Les pattes, de médiocre longueur, ont les han- ches antérieures très rapprochées, les cuisses courtes et en massue munies en dessous d'une petite dent. Dans la paire postérieure les cuis- ses et les jambes sont organisées pour le saut. Distribution g^éograpliiqiie. — Les Orches- tes ont leurs nombreuses espèces (50 environ) répandues en Europe et non seulement dans l'ancien monde, mais encore en Amérique. Mœurs, habituiles, ré<;ime. — Les petites (< Puces terrestres » de forme ovale qui sautil- lent fohUrement, si on les approche, sont bien connues de nos lecteurs qui peut-être les ont même déjà entendues sauter. En effet, si en au- tomne, on marche sur les feuilles près de la li- sière des bois on entend ces petits Insectes réu- nis pour passer l'hiver, qui troublés sautent sur les feuilles sèches etrebondissent bruyamment. Cependant ce serait une erreur de croire que tous ces patits Coléoptères sont seules des « Puces terrestres»; beaucoup deCurculionides et d'autres Coléoptères ont la faculté de sauter. LE CIHIIAXÇON DU llÈTUi:. — OIICUESTES F.l GI. Buchcnspringrùssler . Caractères. — Le Charançon du Hêtre [Oi-- chestas Fa^j) est l'espèce qui malgré sa ténuité et son insignifiance apparente se fait remarquer davantage. Sans le bec il mesure 2 millimètres et demi; il est noir, couvert d'une villosité fine et égale à reflets grisâtres ; les antennes et les pattes sont légèrement teintées de jaune- brun (fig. 458). Mœurs, liabitudes, régime. — Après avoir passé l'hiver, notre Goléoptère s'installe au mois de mai sur les feuilles en voie de bourgeonne- ment, àla fois pour se nouirir et s'y reproduire. Dans le premiercas, il perce de petits trous (fig. •457 et 438) ; pour remplir sa seconde tâche, la femelle accole solidement un œuf contre la ner- vure médiane en le poussant sous la cuticule près de la base de la feuille. Le plus souvent elle choisit des feuilles intactes qu'elle gratifie d'ordinaire d'un seul œuf d'un blanc jaunâtre. 30 't LES CIONES. La Larve, éclose au bout de huit jours, se met à ronger le parenchyme entre les mem- branes supérieure et inférieure de la feuille en se creusant une mine de plus en plus large, dirigée vers la partie antérieure et extérieure, pour se terminer d'ordinaire auprès de la pointe (fig. 439). Une fois arrivée là, la Larve a acquis tout son accroissement. Elle a l'anneau prolhoracique foncé, partagé en deux au milieu, et porte un appendice charnu, conique sur son dernier anneau. Notre Larve élargit en- core la mine et passe à l'état de Nymphe en «'entourant d'un cocon transparent. L'Insecte parfait, éclôt à la mi-juin, et appa- raît aussi quelquefois plutôt, car la Larve n'a guère besoin que de trois semaines et la Nymphe d'une semaine pour arriver au terme du développement. Il se met bientôt à sauter de feuille en feuille en les rongeant comme ses parents le faisaient avant lui, et se cache quand l'approche de la mauvaise saison se fait sentir. Mais par quoi se manifeste sa présence? La Fig. 453. — Orchestes de l'Aulne mine qui aboutit au bord et à l'extrémité de la feuille brunit aussitôt que la matière verte en a été consommée; mais dans le courant de l'été elle se détache de la feuille, de sorte que celle-ci s'enroulant irrégulièrement, paraît rongée d'avant en arrière et présente les bords décomposés et filandreux. Quand des milliers et des milliers de feuilles d'un vieux Hêtre sont ainsi marquées, le su- perbe colosse paraît roussi de haut en bas comme il le serait si les tendres feuilles du printemps avaient été surprises par les gelées, ou frappées par la grôle depuis plu- sieurs semaines. Mais si un vieil arbre peut supporter une pareille épreuve une fois ou môme deux fois et résister à une nutrition in- complète due à l'altération du feuillage, les plantations de Hêtre sont dans une situation plus critique si le fléau les atteint au même de- gré ; et s'il se répète plusieurs années, de suite, elles peuvent être détruites entièrement. Nous représentons (fig. 453) l'Orchestes de l'Aulne. LES CIONES — ClONUS Die Cioninen. Caractôpes. — Ces Coléoptères petits, de forme ramassée, presque globuleuse, offrent des dessins élégants en forme de mosaïque dus à des poils légers régulièrement disposés sur un fond d'une autre couleur. Chez la plupart on voit à l'origine et au milieu desélytresune tache suturale d'un noir velouté (fig. 454, 453 et 436). Le rostre allongé, cylindrique, arqué, est re^ plié contre le sternum, sans qu'il y ait toute- fois une rainure bien distincte pourle recevoir, les yeux sont rapprochés sur le front et le fouet des antennes coudées ne se compose que de 5 articles très courts, de sorte qu'il égale le man- che en longueur. Le scutellum est assez grand, ovale ; le prothorax est conique, tronqué en Fig. 454. — Scropliulaire chargée Fig. 455 et 456. — de coques de Clone. Cione de (grandeur na- turelle et très grossi. Fig. 454 à 45G. — Le Cione de la Scropliulaire. avant, les élytres sont convexes, ovalaires, plus larges que le corselet ; les pattes sont courtes, les cuisses en massue, dentées en dessous. Le deuxième segment de l'abdomen est plus long que les troisième et quatrième réunis. Le mâle diffère de la femelle par le dernier article des tarses qui est plus allongé et par ses griffes inégales dont l'interne est plus déve- loppée que l'externe. Cette différence sexuelle est surtout sensible aux membres antérieurs. Distribution géographique. — Les Cionus sont pour la plupart européens ; quelques-uns sont africains ou asiatiques ; 40 espèces ont été décrites. lllœurs, liabitudes, régime. —Les Ct'onus ont des mœurs encore différentes. Ils se tiennent librement sur les fleurs et les jeunes capsules de certaines plantes, en se maintenant non LES GRYPTORHYNOUES. aoèî Fig. 157. Fig. '158. Fig. 457 à 459. — Feuilles de Hêtre et Cliarançon du Hêtre vus à la loupe. — Feuilles criblées do trous par l'Adulte et minces par la Larve (fort grossissement). avec leurs pattes, mais à l'aide des plis trans- versaux de leur corps et d'un enduiL glutineux. I.E ClOMi UE L.V SCItOl'IlULAIRE. — CIOMJS SCltO- l'HltAHli:. Bntuniriiiz, Blattscluibev. Caractères. — Noire Coléoptère est noir et couvert d'écaillés serrées ; les flancs et la ré- gion pectorale antérieure sont d'un blanc de neige ; les élytres sont d'un gris ardoisé foncé, avec les intervalles qui séparent les stries longitudinales d'un noir velouté moucheté de blanc et la suture marquée en avant et en arrière d'une grande tache également d'un noir velouté. Mœurs, habitades, rég^ime. — Le t'ione de la Scrophulaire [Cionus scraphularùv) vit en so- ciétés nombreuses depuis mai jusqu'en août sur le Scropliularia nodnsa. En juillet on peut trouver quelques Larves adultes, prêles à se transformer, d'un vert bru- nâtre et renfermées dans des cocons vitreux collés sur la plante, comme on le voit dans la figure 454. Trois semaines après environ les Co- léoptères commencent à apparaître. Souvent il ne sort de ces petites coques vé- siculeuses que de minuscules Ichneumons BRhaiiM. — VII. [f'/tri/socharis conspkua), de la famille des Pté- romalides. Diverses autres espèces de Clones vivent de la même manière sur les Molènes ( Verbasrum), telles sont les C. Verbasci, T/iapsi, Solani, hor- tulanus. LES CRYPTORHYNQUES — CRYPTO- RYNCHUS[\) Weidenriissli'i', Crypthorynchincn. Caractères. — Le rostre dc ces Coléoptères plus ou moins déprimé et élargi à la base peut se replier dans un profond sillon pectoral qui, aboutissant aux hanches antérieures, sépare celles-ci d'une façon toute naturelle ; les an- tennes médiocres, assez robustes, ont le fouet en massue veloutée formé de 7 articles; le pro- thorax brusquement rétréci en avant est muni de lobes au-dessus des yeux; les élytres, plus larges que le prolhorax, ont les épaules cal- leuses ; les pattes médiocres, les postérieures ne dépassant pas l'extrémité de l'abdomen et môme plus courtes, ont des cuisses en massue fl) Kp'jTiïrJ:, caché; pOy/o;, bec, rostre. LXSECÏES. — 'à'J 306 LES CEUTHORHYNQUES. et des jambes comprimées munies, vers leur sommet à la face externe, d'une bande de poils rigides. Distribution géographiiue. — Ce genre ren- ferme plus de 200 espèces presque toutes amé- ricaines, mais cependant répandues sur toute la terre dans les parties chaudes et tempérées. LIi CUYPTOUHYiNytE DE LA PATIENCE. — fiîl /'- TOmiYNClIVS LIPATIII. Weissbunter Erlenwiinjer. Le Cryptorhynque de la Patience [Crypto- rhijnchus Lapat/u), est le seul représentant européen de ce vaste genre. Caractères. — Ce joli insecte de 7 1/2 à millimètres de long, fortement rugueux à sa rig. 460. — Cryptorhynque Fig. 46 1 et 462. — Cryptorliyn- vu à la loupe. que de grandeur naturelle. Fig. 460 à 462. — Le Cryptorliynque de l'Aulne. surface, aie corps couvert d'une couche^serrée d'écaillés noires, brunes et blanches et d'un blanc de craie sur le dernier tiers des élytres. Il vit sur les Saules et les Aulnes blanc et rouge sans nuire aux feuilles qu'il ronge. C'est en mai qu'il se montre en plus grand nombre et le plus souvent accouplé, le mâle posé sur la femelle. Plus tard ces Coléoptères deviennent plus rares et disparaissent à la fin de juillet ou au commencement d'aoïit, pour apparaître de nouveau vers l'automne et se montrer isolé- ment en octobre. Gomme il se trouve en juillet des Larves à terme et des Nymphes, les Coléoptères qui se montrent plus tard peuvent être nouvellement éclos; ceux-ci, avant d'accomplir leurs fonc- tions de reproduction, se cachent pour hiverner. La femelle fécondée pond ses œufs dans la partie ligneuse de la plante nourricière et la Larve éclose ronge par place la partie sous-cor- ticale, de telle sorte quel'écorce peut paraître percée de trous; delà elle monte plus haut en se creusant une galerie verticale. 11 est possible que cette manière de ronger implique une couvée bisannuelle, carchez d'au- tres Larves perforantes on a aussi remarqué, la première année, une érosion superficielle et, la deuxième année, une plus profonde pé- nétrant dans le bois. La Larve adulte reste à l'extrémité de sa galerie, s'y retourne et passe à l'état de Nymphe. Sur les coteaux aux environs de Halle, les Larves vivent dans les vieilles souches noueuses des Osiers, et, de complicité avec d'autres Xylo- phages elles accélèrenl leur destruction. Ces Larves deviennent plus nuisibles dans les jeunes Aunées et les souches soumises à des coupes régulières, car elles transpercent le jeune et le vieux bois et le font périr. Elles s'attaquent aussi aux jeunes plants de Bou- leaux et les anéantissent. Là ovi elles ont éta- bli leur centre de déprédation, il ne reste plus qu'à abattre et à brûler les parties infestées. LES CEUTHORHYNQUES — CEVTtiO- RHYNCUS (1) Ceutliorhynchinen. Si nous mentionnons les Ceuthorhynques ce n'est point à cause de leur prépondérance ma- nifeste quant au nombre de leurs espèces, mais c'est au contiaire parce qu'ils se font remarquer de la façon la plus désagréable dans nos champs et nos potagers malgré leur petite taille et leur aspect insignifiant. Caractères. — Quelques-uns sont caracté- risés par un fond sombre relevé par de petites taches légères le plus souvent mal définies ; mais la plupart des espèces sont difficiles à distinguer les unes des autres à cause de la nuance foncée de leur robe. Leur rostre filiforme, cylindrique, arqué, peut se replier entre les hanches antérieures, mais sans pouvoir se loger dans une rainure bien délimitée comme dans le genre précédent. Le sillon qui reçoit les antennes est dirigé en dessous ; celles-ci sont grêles, courbes et portent un fouet de 7 articles en massue acu- minée et articulée. Le corselet, court, est ar- rondi sur les côtés, plus ou moins rétréci en avant, étranglé, puis élargi en lobes à son bord (I) Ki'jOt/;, caclic ; ixi-^'/ui, bec, rostre. LE CHAHANUON DES HAVES. 307 antérieur, de telle sorte que Irc'^s souvent àl'é- tat de repos, les yeux restent complttenient couverts. Les élytres sont courtes, beaucoup plus larges à leur naissance que le corselet, tronquées aux épaules, à peine un peu plus longues que larges et arrondies sans couvrir l'extrémité anale. Les pattes robustes ont les cuisses eu massue et les jambes tranchantes à leur extrémité. Distribution géographique. — A part quel- ques espèces propres à l'Amérique du Nord, les Ceutorhynques habitent de préférence les zones froides et tempérées do l'Europe, de l'Asie et du nord de l'Afrique. On en a décrit plus de 200 espèces. I-K CIIAR.tIVÇOIN nu CHOU. — ceuthouiiy^ciics svrxicoLus. Kohlijalknrûfskr. Cnractères. — Le Ceuthorhynque du Chou Ceiitliorhynriius sulcicollis{i\g. 466 et 467) est d'un noir profond, un peu luisant, couvert, surtout vers les épaules, d'écaillés fines, giises, serrées en dessous et espacées en dessus sans former nulle part de dessins plus clairs comme cela se voit chez d'autres espèces. Le corselet forte- ment ponctué a le bord antérieur légèrement relevé, portant un petit crochet de chaque côté et un sillon médian profond ; les élytres sont profondément striées, fortement ridées avec les intervalles lisses et ont l'extrémité garnie de pointes écailleuses. Les cuisses sont armées de dents courtes en avant. La longueur totale atteint 3 millimètres sur 2 de large. Mœurs, habitudes, régime. — En raison de l'irrégularité de son développement on trouve ce Coléoptère depuis le premier printemps jusqu'en été sur les fleurs des Crucifères tant spontanées que cultivées; il va sans dire que c'est sur ces dernières qu'on le remarque, car ce sont ces plantes qu'il endommage considé- rablement dans nos potagers et nos champs. La femelle fécondée pond ses œufs au bas de la partie aérienne de la tige, ou sous terre contre le pivot de la racine du Colza, des di- vers Choux de nos potagers, mais aussi de la mauvaise herbe universellement répandue dans les champs, l'Erysime sauvage. La place qui a été dotée d'un œuf se renfle et s'accroît de plus en plus par suite de l'irri- tation locale occasionnée par la dent de la Larve, et une sorte de Galle ne tarde pas à se produire. Les jeunes plantes qui portent cette galle globuleuse ras Icrrc peuvent môme ôtre prises pour des plants de radis. Si les Coléoptères sont très nombreux, plu- sieurs Galles, ordinairement isolées, peuvent se trouver réunies sur un môme pied et y cons- tituer des renflements arrondis, irrégulière- ment tuberculeux et informes dans l'intérieur desquels on Irouve au milieu de leurs excré- ments jusqu'àvingt-cinqLarves. CesLarves sont blanches comme celles de bien d'autres Cur- culionides, fortement ridées transversalement, sans présenter d'autre particularité distinctive. Durant l'été, arrivées au bout de deux mois à leur terme d'accroissement à partir de la sortie de l'œuf, elles pratiquent un trou de sortie arrondi et abandonnent la Galle pour se creuser à la surface du sol une cavité ovoïde dans laquelle elles ne reposent que peu de se- maines à l'état de Nymphe. Les Larves qui proviennent d'œufs pondus postérieurement, hivernent dans leurs Galles, comme on peut le voir sur les semis d'hiver du Colza ou sur les tiges vigoureuses des Choux, des Choux-fleurs, ou encore, mais plus rare- ment, des Choux rouges. Les Galles dues à ces pontes tardives et ap- paraissant sur des souches robustes, sont moins cantonnées sur la base de la tige et se montrent au contraire à une certaine hauteur le long de celle-ci. Il y a donc imprudence à laisser debout pendant l'hiver les trognons de Choux garnis de galles; ce n'est qu'en les brû- lant qu'on met en pratique l'unique moyen de détruire les couvées. L'Insecte parfait dévore les feuilles et les fleurs de la plante, sans lui nuire d'une ma- nière sensible, et les Coléoptères qui périssent les premiers sont, ou sortis de la Nymphe, ou sont des retardataires de l'année passée sortis tardivement de leur retraite. La couvée à la- quelle ils donnent naissance, a encore le temps d'engendrer au moins une génération d'hiver qui est à même d'arriver à l'état de Larve. Dans d'autres contrées, d'autres espèces se montrent encore sur les Choux, et leurs Larves rongent de même l'intérieur du tronc, mais sans produire de galles. LE CHARANÇON DES UWES. — CEUTnOlIflYACIWS JSSlMtLIS. Aenlicher Vervorgctirùssler. Caractères. — Un Ceuthorhynque analogue, le Ceiithorhyiichus asshitilis (fig. 46r>) ressemble 308 LES BARIDIUS. extraordinairemenl au précédent. De forme un peu plus élancée, il a les écailles blanches plus abondantes et plus grisâtres sur le dos, les cro- chets latéraux plus pointus et les extrémités des cuisses énormes. Il se montre de même sur les Crucifères, mais sur les Raves et les Navets en fleurs ; sa Larve, d'après Curtis Goureau, vit solitaire dans les Siliques où elle se nourrit des graines encore vertes. LE CEUlIIOniIYNQUE A TACHE BLANCHE. — CEV- TIlOItllYNCnUS MACULA ALB I. Weissfleck, Verbon/enriisfiler. Caractères. — Le corps est revêtu en dessous et sur les bords des élytres d'un épais duvet qui forme une tache unique sur le milieu du corselet et autour du scutellum; les antennes, les jambes et les tarses sont au contraire ferru- gineuses. Mœurs, habitudes, ré$;ime. — La Larve vit dans les graines de Pavot, qui ne sont pas en- core mûres, et se transforme en Nymphe dans un cocon fait de terre agglutinée. LES POOPHAGES — POOPHAGUS (li Caractères. — A côté des Geuthorhynques viennent se placer ces petits Curculionides qui en ont tous les caractères, mais auxquels l'al- longement du corps et la pubescence qui les revêt donnent un faciès tout différent. Distribution {idéographique. — Les deu.X es- pèces de ce genre habitent l'Europe. LE CHAUAXÇON DU CRESSON. NATUnSTll. POOPH 4GVS Caractères. — C'est un Insecte de 3 millim., vert bronzé, couvert d'une pubescence gris jaunâtre, à rostre long, cylindrique, très arqué, noir, à extrémité fauve, à corselet canaliculé au milieu et ponctué, aux élytres striées deux fois aussi longues que le corselet, aux pattes fauves à extrémité des cuisses noires. Mœurs, habitudes, régime. — C'est au colo- nel Goureau que nous sommes redevables des meilleures observations sur les mœurs de ce Charançon ; nous les lui emprunterons en partie. Si dans les premiersjours de juin on fend lon- (1) noo^àyo;, lierbivore. gitudinalement par le milieu une tige de Cresson de fontaine [Sisymbrïum nasturtium) d'une di- mension un peu forte, on y trouve communé- ment une petite Larve qui mine cette tige suivant son axe et qui laisse dans le tuyau médul- laire ses excréments et des débris un peu jau- nâtres. Cette Larve blanchâtre, cylindrique, à tête ronde écailleuse, apode, atteint toute sa croissance dans la première quinzaine de juin et s'enferme dans un cocon ovale, court, formé d'une soie grossière et de débris de moelle et d'excréments. On trouve un, deux ou même trois de ces cocons dans une même tige, mais espacés entre eux. L'Insecte parfait se montre à la fin de juin et les premiers jours de juillet. Les personnes susceptibles et dégoûtées de- vront donc s'abstenir de manger du Cresson au mois de juin et de juillet; à moins qu'elles n'aient rejeté absolument toutes les tiges, pour ne conserver que les feuilles. L'absorption de ces Insectes ne présenterait d'ailleurs aucun inconvénient. LES BARIDIUS — BARIDIUS (2) naridiinen. Caractères. — Les Baridim (autrefois Baris], se reconnaissent à la forme ovale de leur corps noir souvent relevé par un éclat métallique vert ou bleu, â leurs téguments très durs et à leur habitude de replier complètement leurs membres et de serrer fortement les cuisses, les jambes et les tarses perpendiculairement en dessous en inclinant le rostre qu'ils appli- quent contre les membres antérieurs quand ils font le morl pour échapper aux poursuites de leurs ennemis. La tête est globuleuse ; les yeux, petits, sont insérés immédiatement à la base du rostre. Celui-ci est épais et cylindrique, un peu courbé et taillé obliquement en dessous comme l'in- cisive d'une souris; il est marqué de ponctua- tions enfoncées et porte vers son milieu des antennes coudées dont le manche peut, à l'état de repos, se replier dans une rainure profonde. Les antennes, courtes, robustes, ont le fouet formé de 7 articles dont le premier plus long et plus épais et le dernier en forme de bouton, sont reliés par les 6 autres qui deviennent de plus en plus gros. '1) Bàoi;, barque. LE BARIDIUS NOIR. 30'J Fig. 463. Fig. 404. Fig. 463. — Baridius vert. Fig. 464. — Baridius à rostre cuivreux. Fig. 4C.'>. — Ceutliorliynque dos Raves. Fig. 463 à 4C8. — Los Ceutliorliynques et les Baridius, vus h la loiipo Fig. 467. 4C8. 466 et 467. — Ceutliorliynque du Chou. g. 468. — Galles produites par ce dernier, de gran- deur naturelle. Le corselet, h. contours quadrangulaires, se rétrécit un peu en avant et offre deux sinuosi- tés à son bord postérieur. Le prosteinnm pré- sente une surface plaie et sans sillon bien marqué, entre les hanches antérieures. Le scutellum est petit, distinct et arrondi; les élytres, dont la largeur égale tout au plus la moitié de la longueur du corps de tout l'In- secte à partir du bord antérieur du corselet, laissent ù découvert l'extrémité abdominale ou pygidium. Les pattes, courtes, robustes, ont des cuisses en massue inermes, des jambes comprimées, droites, des tarses courts se ter- minant par des crochets petits et libres. Ce sont au moins ainsi que se caractérisent les espèces européennes qui mesurent en moyenne 4 millimètres et demi de long. Uistribution j^éo|;raphique. — Le nombre des espèces décrites s'élève à environ 250, mais leur faciès n'est pas uniforme, et nos espèces ne peuvent donner aucune idée des belles et robustes formes aux couleurs variées de l'Amé- rique tropicale qui est habituellement consi- dérée comme leur véritable patrie. llœura, habitudes, régime. — Plusieurs es- pèces indigènes vivent aux dépens des Choux ; associés aux Ceutorhynques et à certaines « Puces terrestres, les Haltises » ; ils peuvent rendre la vie dure au cultivateur de Choux, s'ils surgissent en nombre considérable. LF, B.VRIDIUS VKRT. — BJRiniUS CHLOItlS. Rftps Munszahnriisslfr. Caractères. — Le Baridius chloris (fig. 463) est d'un vert brillant, ayant parfois des reflets bleuâtres. Le corselet presque lisse au milieu est parsemé de ponctuations, mais les intervalles sont beaucoup plus grands que les ponctuations mêmes. Les élytres sont simplement striées, mais à l'aide d'un grossissement on distingue des rangées de ponctuations dans les intervalles. Les côtés du bec et de la poitrine, les cuisses et l'abdomen dépourvu d'écaillés blanches, dans sa partie antérieure, sont grossièrement ponctués avec les côtés du prosternum plus rugueux. Mœurs, habitudes, régime. — La Larve, blanche, vit en minant les parties inférieures de la tige des Colza et certainement d'autres Crucifères; elle pénètre jusque dans les rami- fications extrêmes des racines et s'y transforme en Nymphe; celle-ci donne le jour au Coléop- tère en juin. Ce dernier peut rester caché, ou s'il trouve une occasion favorable, déposer ses œufs dans les semis avant l'hiver, car on trouve au prin- temps des Larves très inégalement développiîes. D'autres ne s'accouplent qu'à cette dernière époque, et leurs descendants n'apparaissent naturellement que plus tard en été et ne se montrent pas avant l'année suivante. LE B.VRIDirS >'OIR. — lIAItlDlVS VICINVS. Perhsivarzer Mnunzalinrïissh'r. Le Baridius noir [Baridius picintis] vit de la même manière dans d'autres espèces du genre Chou, auxquelles il confie ses œufs au prin- temps à défaut des semis d'automne, et après être sorti de sa retraite d'hiver, par exemple des Choux dans lesquels il est né l'automne précédent. 310 LES GALANDRINES. I.E BARIDIUS A ROSTRE CUIVREUX. — B lltjnWS CUPRinOSTRIS. Rothrûsseliger Mauszalmrùsslcr. Les mêmes mœurs se retrouvent chez le Baridius à rostre cuivreux [Baridius cupriros- tris (fig. 4G4), vert légèrement métallique; sa Larve ronge les troncs de Choux pommés et des Choux-raves en produisant des excrois- sances galleuses et devient surtout préju- diciable aux jeunes plants de Choux-rave^. LES GALANDRINES — CALANDRIN.¥. Ciilandrincn. Il est un groupe qu'il est impossible de pas- ser sous silence, celui des Calandrines, bien qu'il appartienne presque exclusivement aux zones torrides et qu'il ne soit représenté que par quelques espèces insignifiantes dans le sud de l'Europe. Mais il renferme les géants de la famille qui se font remarquer par leur livrée due à un fin revêtement. Deux de ses membres minuscules, qu'on rencontre malheureusement trop souvent dans les greniers, méritent d'être signalés. Caractères. — Sans nous étendre sur la ca- ractéristique de ce groupe ou de l'un ou de l'autre de ses genres, nous ferons remarquer que les antennes, par la conformation spéciale de leur article terminal, s'éloignent de celles qui sont connues jusqu'à ce jour. Le fouet compte toujours 6 articles, la massue à base cornée est le plus souvent en forme de hache. Chez toutes d'ailleurs ces antennes ne sont jamais insérées en arrière du premier tiers du rostre (le Prolocerius femelle excepté). Les élytres plates n'atteignent jamais l'extrémité de l'abdomen et laissent le pygidium à découvert. Le rostre porte souvent une brosse de poils serrés; la couleur de l'animal entier est sou- vent due à une couche brune semblable à du givre et qui çà et là, surtout au milieu du corselet, peut faire place à un reflet. Nous représentons (fig. ■564 et 463) le Rhyn- chophore [Rliynchuphorus Schnch) Schach et le Protocerius colosse [Protocerius colossus) comme formes typiques de Calandrines, mais il est aussi des formes sensiblement plus grêles, qui n'étant plus aplaties prennent l'apparence de fuseau. Chez d'autres le bec s'élargit à l'extrémité en prenant des contours anguleux ou dentelés, et chez d'autres encore {Cyrtoirachelus longipes), les pattes antérieures s'allongent démesuré- ment, ce qui d'ailleurs se présente aussi chez Fig. 4C9. — Le Rhynclioplioro Scliacli (grandeur naturellel, divers groupes que de même nous avons passé sous silence. Les téguments sont toujours durs, de couleur Fig. 470. —Le Protocerius colosso femelle, (grandeur naturelle). noire ou rouge-brun, ou bien de couleur rouge, jaune ou grise, distribuée soit uniformément, soit sous forme de dessins ou de taches. Les mâles se distinguent sensiblement de la LE CHARANÇON DU BLE. 311 femelle par la conl'ormation du bec. des jam- bes, des antennes, etc. Mœurs, habitude*, régime. — On ne Con- naît que quelques Larves exotiques qui do préférence vivent dans l'intérieur des Palmiers, des Cycadées, des Bananiers, des Cannes à su- cre, qu'ils perforent en causant de sérieux dommages eu raison de leur grande multipli- cation. LES C.\L\NDRES — CALANDRA (1) Lacordaire restreint aux plus petites espèces de tout le groupe la dénomination de Calandra appliquée autrement à l'ensemble de toutes les espèces. Caractères. — Le rostre mince, légèrement courbé, à peu près de la longueur du corselet, porte à sa naissance immédiatement devant les yeux, des antennes coudées dont le fouet est composé de 6 articles ramassés en bouton ovoïde; le corselet, beaucoup plus long que large, aplati, est légèrement rétréci en avant. Les élytres de la largeur du corselet, aux cotés parallèles, sont arrondies en arrière. Les pattes de longueur médiocre, robustes, ont les cuisses en massue, surtout les antérieures, les jambes, droites, comprimées, armées à leur extrémité d'un crochet corné ; les jambes antérieures ont à leur face interne de petites dents crénelées. Mœurs, habitudes, régime. — Deux d'entre elles, probablement originaires de l'Orient, ont été transportées par le commerce et se sont répandues non seulement dans toute l'Europe mais encore dans le monde entier; ce sont: la Calandre des céréales, le Charançon du blé [Calandra granuria, ou Sitophilm granarim) la Calandre du riz, ou Sitophilus oryzse qui hantent les magasins et les entrepôts de grains, parce que les adultes ainsi que leurs Larves se nour- rissent des grains de nos céréales. Les Larves vivent aux dépens du grain que la mère a percé et doté d'un œuf. LE CHARANÇON DU BLÉ. — CÀLjyVRA GlUyjRIA. Schwazer Korntrurm, Koniriissler. Caractères. — Le Charançon du Blé{fig. 471), connu dès la plus haute antiquité, est rougeàtre ou brun-noir, un peu plus clair aux antennes et aux jambes; sans le bec il est long de ^l) Étymologic inconnue. ;i millimètres 75 sur un millimètre et demi de large mesuré aux épaules. Le prothorax est marqué de ponctuations profondes un peu allongées qui ne laissent place qu'à une ligne médiane luisante. Les élytres sont sillonnées de stries ponctuées profondes ayant leurs intervalles lisses. Mœurs, habitudes, régime. — La Larve dé- vore les grains de Blé et atteint tout son déve- Fig. 411. — Le Cliaian(;on du Blé très grossi. loppement quand ces grains n'ont plus que leur enveloppe destinée à lui servir d'abri protecteur pendant qu'elle subit sa transformation. C'est cinq ou six semaines après la sortie de l'œuf qu'apparaît la première couvée provenant des Charançons qui ont passé l'hiver. Au bout de quinze jours les nouveaux Charançons éclos vaguent à leur reproduction, et avant l'hiver, pour la seconde fois, les individus qui ont hi- verné dans les fentes du plancher, de la char- pente et autres recoins du grenier, assurent le sort de leurs jeunes. Moyens de destruction. — • On sait Suffisam- ment que la propreté et la ventilation sont les meilleurs moyens préventifs contre cet ennemi dont les dégâts sont incalculables, et récem- ment une application raisonnée a produit les plus heureux résultats dans la destruction du « Ver ». Par un système de drainage, consistant en tuyaux disposés horizontalement à travers l'amas de grains, à 3 bons mètres de distance les uns des autres, tuyaux qui s'ouvrent isolé- ment au dehors ou dont l'ouverture aboutit à un orifice unique, on détermine une circulation d'air et l'on maintient ainsi les greniers à la température de l'air ambiant ; les petits Coléop- tères qui aiment la chaleur dont ils ont besoin pour leur développement abandonnent les las de grains. Cette méthode se recommande encore en ce qu'elle permet de donner au tas de grains une hauteur plus grande qu'il ne serait pos- sible dans toute autre condition, Le pelletage ou l'intervention des machines qui maintiennent les grains en mouvement rendent de grands services en empêchant la :j12 LES BRENTHIDES. ponte et entravant le développement des Lar- ves. Mais il l'aut avoir soin de laisser dans un coin un petit amas de blé qu'on ne remue pas, afin que tous les Charançons puissent s'y réfugier; en faisant ainsi la part du feu on est assuré de réunir une immense quantité d'Insectes qu'on peut détruire tout à ton aise. Un Hyménoplère, un petit Chalcidien, le Ptc- romalm Irilici, pond ses œufs dans les Larves du Curculionide et cause ainsi une heureuse destruction du redoutable ennemi du fro- ment. LA CAL.i.MUlE DU KIZ. —SITOPIIILUS OJtYZ.i:. Beisaliufcr, Reisskornrtissler. De même que ce Coléoptère vil de blé, de même le Charançon du Riz [Calandra oryzœ) se nourrit de grains de riz dont les dépôts lui ser- vent de séjour, sans pouvoir, plus que l'espèce piécédente, se perpétuer à l'air libre. 11 se dis- tingue de ce dernier par une petite tache sur chaque épaule, une autre sur chaque éiytre, la couleur rouge des côtés tranchant sur un fond noir profond, un corselet marqué de ponctua- tions très arrondies et serrées, sur les élytres où les intervalles étroits sont garnis de petites brosses de poils jaunes. Les petits Curculionides noirs lisses, et aux formes généralement étroites, qui ne se distin- guent suffisamment des précédents que par la pointe abdominale couverte par les élytres, appartiennent au groupe des Cossonides et ont aussi des représentants en Europe et en Allemagne, mais ils ont une apparence insi- gnifiante et établissent le passage entre les Curculionides etles Scolytides. LES BRENTHIDES — BRENTHID.E Die Langkàfer. La conformation des membres de la famille (les Brenthides est extraordinaire au plus haut degré. A cause de la présence du rostre on avait primitivement réuni ces Coléoptères aux Curculionides; ils en ont été détachés ré- cemment pour constituer une famille à part en raison des caractères spéciaux et tranchants qui les distinguent. Cnractères. — Dans aucune autre famille de Coléoptères on ne voit les diverses parties du tronc tendre ;\ s'allonger d'une manière aussi générale que dans celle-ci. La tête se prolonge en un rostre, et tous deux sont d'une seule venue; depuis l'extrémité jusqu'au point d'in- sertion des antennes, où se présente un élar- gissement latéral, rien ne vient interrompre leur continuité ; il n'existe ni saillie, ni échan- crure, ni sillon transversal qui puisse indi- quer où cette tête commence, ni où elle finit. Elle est d'habitude cylindrique, à moins que chez le mâle, ce qui se voit dans beaucoup d'espèces, elle ne soit aplatie et ne porte à son extrémité des pièces buccales rappelant à vrai dire les branches d'une paire de tenailles. La longueur du rostre varie chez les di- (1) fifiévio:, orguuil. verses espèces et aussi selon les sexes ; chez le mâle il atteint de plus grandes proportions que chez la femelle. La lèvre supérieure fait défaut, le menton, généralement très grand, masque la languette ainsi que les mâchoires avec leurs palpes. Les antennes insérées sur le rostre comptent nor- malement il articles rarement 9 (Ulocérides), ce qui les distingue des Curculionides qui ont toujours 12 articles ; elles ne sont pas coudées, mais épaissies antérieurement tout en étant disposées comme un chapelet de perles. 11 faut que l'article basilaire soit attaché d'une ma- nière bien délicate au rostre, car on est surpris d'étonnement de voir les antennes de ces ani- maux, desséchés dans une collection, remuer tout à coup, si une secoussse,un ébranlement quelconque leur est imprimé. Le prothorax fort long, tantôt ovalaire coni- que et sans sillon médian, tantôt elliptique ou rétréci en avant, déprimé et canaliculô en dessus, est d'ordinaire aussi large que les élytres; ses flancs se confondent complète- ment avec le pronotum. Le mélalhorax s'allonge également. Les élytres sont longues, étroites et à côtés pa- rallèles ut se prolongent chez le mâle de plu- LE BRENTHE ANT-HORAGO. :m;î Fig. ■i"4. Fig. 475, Fig. 479. Fig. 474. — Le Briiclie des Pois. Fig. 475. — Pois attaqués. Fie. 476. — Le Bruclic des Fèves 477. — Sa tête, tivs grossif. 470. — Le Bruche dos graines. Fig. 47S. — Sa Larve grossie. Fig 474 i. 470. — Les Bruches, vus h la loupe. sieurs espèces par des appendices caudiformes accusant encore l'allongement des formes. Les jambes sont grêles, mais sans paraître très longues, comparées à ce corps linéaire; les hanches antérieures et intermédiaires, glo- buleuses et saillantes, sont insérées dans des cavités cotyloïdes fermées en arrière; les jam- bes antérieures sont élargies au bout et potir- vues sur le côté interne d'une excavation qui remonte le long du bord et divise leur extré- mité en deux saillies en forme de dents. Les 2 premiers anneaux de l'abdomen, soudés en- tre eux, sont très longs. La différence individuelle dans la taille chez une même espèce est digne de remarque. Distribution ^po^raphiquf . — Les Brentlli- des comprennent environ 600 espèces et sont répandues sur tout le globe, l'Europe exceptée, une seule espèce qui habite le sud de l'Europe (Amorphocephahis coroiialuCIIORA(;0. — BREISTIIVS .i?iciionAi,o. Le Brenthe Anchorago (fig. 47:2 et 473), com- Fig. 472 f't 473. — Le Brentlie Anchorago, mile et femelle. mun au Brésil, peut fort bien représenter ces Coléoptères. Insectes. — 40 31 i LANTHRIBB A TACHES BLANCHES. Dans cette espèce, le rostre atteint chez le mâle une longueur plus grande que chez ses congénères. Le fond de sa coloration est d'un rouge brun foncé sur lequel tranche deux lignes longitudinales rouge de sang, passant au jaunâtre, situées sur les ély- tres. Des dessins analogues, qui se présentent aussi sous forme de taches, se trouvent chez beaucoup de membres de la famille. LES ANTHRIBIDES ^ ANTHHWID/E [\] Die Mmilhâffir, Les Anlhribides associés aux Curciilionides par un grand nombre d'auteurs, en ont été sé- parés par Lacordaire, avec autant de droit que les précédents. Caractères. — La tête se prolonge de même, en un rostre tantôt allongé, tantôt court, ro- buste et un peu élargi, jamais filiforme, sans qu'il y ait trace de ligne transversale indi- quant une séparation. La mâchoire est bilobée , ces lobes sont étroits, arrondis à leur extrémité, délicatement ciliés et terminés par des palpes filiformes, quadriarticulés, ceux de la lèvre étant tri- arliculés; les mandibules sont plus ou moins saillantes, élargies et dentées à la base, arquées et aiguës à leur extrémité. La lèvre supérieure est distincte, arrondie et ciliée en avant. Les antennes insérées sur le rostre sont droites, non coudées et formées de H articles dont les derniers constituent une massue lâche, articulée, parfois semblant s'effacer, et devenant filiforme; ces antennes sont insérées à des points fort divers du rostre et implantées dans une fossette latérale. Chez le mâle elles atteignent en général une assez grande lon- gueur, et sont alors beaucoup plus longues que le corps; c'est par là et bien aussi par la forme générale du corps que l'on peut leur trouver une analogie, qui n'est pas à mécon- naître, avec les Capricornes que nous étudie- rons après eux. La partie antérieure du sternum est mar- quée d'une carène transversale qui par sa longueur, ses modifications diverses, etc., four- nit de bons caractères génériques. Les hanches antérieures et médianes sont presque globuleuses, séparées et insérées dans des cavités colyloïdes fermées ; les hanches postérieures sont sensiblement plus larges que longues ; les jambes sont tronquées à leur (1) "AvOo:, fleur; xfiêu,, je détruis. extrémité et jamais armées d'éperons ni de crochets terminaux. Le 3"^ article des tarses est le plus souvent si bien caché par le 2° que l'on pourrait mettre sa présence en doute; les griffes portent chacune une dent en dessous. L'abdomen est formé de cinq anneaux assez égaux; le dernier ou pygidium reste toujours visible en dessus. Ces Coléoptères sont couverts d'un vête- ment sombre composé exclusivement de poils qui se nuancent diversement pour former des taches plus claires variées ou des dessins nua- geux. DiBtribution ^éog^raphique. — La famille est riche en espèces ; celles-ci s'élèvent au nombre de 800 et se répartissent sur tout le globe. Elles sont prépondérantes dans la Ma- laisie; l'Europe n'en possède que 19 espèces réparties en 7 genres. Moeurs, habitudes, régrime. — Les Anthri- bes se trouvent sur des t-roncs d'arbres mala- des ou sur les champignons, beaucoup plus rarement sur les feuilles ou les fleurs. La plupart ont le vol lourd, quelques-uns par contre se montrent sous ce rapport fort agiles : il en est même qui jouissent de la faculté de sauter. On ne connaît encore que très peu de Larves ; mais par leur aspect extérieur elles ne sem- blentpas s'éloigner de celles des Curculionides, et l'on peut en conclure que la plupart d'entre elles creusent l'intérieur des végétaux. L'ANÏHUIBE A TACHES BLANCHES.— ATVTIllilBVS JLBINUS. Weissfleckigcr MaulMfer. L'Anthribe à taches Uanches {Anthfibus al- hiinis) est l'un des plus remarquables. Notre figure 480 donne une idée de sa conformation et de sa grandeur ; les dessins clairs que l'on LES BRUCHIDES. 315 voit sur le fond couleur de chevreuil sont d'un blanc de neige, et il en est de môme de la tête et de l'abdoinen y compris le dernier anneau pectoral, ce que nous ne pouvons voir dans la flgiu-e. A la naissance du rostre élargi sont l'ig i80 — LAntiibe i t iches blanclios. situés un peu oblitjuement les yeux réniformes et au-devant d'eux sont insérées les antennes presque filiformes, qui chez la femelle n'attei- gnent que la moitié de la longueur du corps, mais qui en revanche sont épaissies en avant. Le grand écartement des hanches antérieu- res caractérise tout particulièrement celte espèce. ïaschenberg a quelquefois trouvé ce Co- léoptère sur les troncs attaqués du Hêtre rouge, mais toujours très rarement. LES BRACHYTARSES —BliACUY- TARSUS Caractj^ri*8. — Leur rostre est court et porte des antennes faiblement claviformes insérées dans un sillon latéral courbé en dessous. Les yeux sont grands et touchent le bord antérieur du corselet. Ce dernier est quadrangulaire, avec un double rebord à sa base, et ses an- gles postérieurs aigus ne s'appliquent pas con- tre les épaules. Les élytres ne dépassent pas le corselet en largeur et le scutellum n'apparaît entre celles-ci que sous la forme d'un point. Distribution |sréog;rapliique. — Les quelques espèces de ce genre sont européennes et amé- ricaines. Mœurs, iiabituiles, régime. — Les petites espèces, insignifiantes en apparence, du genre Brachytarse, ont des mœurs fort intéressantes. On les trouve sur les fleurs, et leurs Larves sous la carapace brune hémisphérique des Coche- nilles {Cuccus) servant d'abri et de refuge à la jeune couvée de ces dernières ; on croit qu'elles se nourrissent des œufs de ces Coccus. Du moins c'est ce que l'on a observé chez les Brachylarsus scrabrosus et varius. Tous deux sont des petits Coléoptères à la forme ramassée et ovoïde, aux dessins formant une sorte de marqueterie caractéristique. LES BRUCHIDES — BRUCHIDM Die Sumenkdfcr. Les Bruchides [Bnuhidx) sont de petits Co- léoptères de forme ovale, moins bombés en dessus qu'en dessous, qui par leurs mœurs et leur faciès se rapprochent des Curculionides auxquels on les avait autrefois réunis; néan- moins ils présentent tant de particularités dis- tinctives qu'il n'est plus possible de maintenir cette réunion. Caractères. — Leur tête penchée se rétrécit derrière les yeux en un étranglement en forme de cou peu apparent, tandis qu'en avant elle se prolonge en museau comme chez plusieurs familles mentionnées précédem- ment et non pas en rostre. Les antennes, ro- bustes, souvent dentées ou pectinées, jamais coudées, sont formées de 11 articles; elles sont libres, c'est-à-dire insérées à découveit et non pas dans une fossette et sont habituel- lement insérées en avant et près des yeux. Les yeux sont grands, échancrés, c'est-à-dire réniformes. Les hanches antérieures n'ont pas la même conformation chez tous les Bruchides : chez les Bruches proprement dits, elles sont coni- ques, rapprochées et conniventes par derrière, les hanches médianes sont presque globuleu- ses et les postérieures sont transversales et rapprochées. Les cuisses sont comprimées et larges, les jambes se terminent en crochet et les griffes qui font suite aux tarses de 4 arti- cles sont munies d'appendices. Des 5 anneaux de l'abdoiaen, le 1", avec sa saillie intercoxale le plus souvent prolongé en pointe, dépasse les aulres en longueur; l'extré- 316 LE BRUCHE DES POIS. mité de l'abdomen ou pygidium est largement développé et découvert. Les membres de cette famille ont dans l'or- ganisation, de grands rapports avec les Anlbri- bes : cependant la conformation des pièces de la bouche, la structure des antennes, l'indépen- dance du 3° article des tarses les différentient; au contraire la disposition des pièces de la bouche, la forme de leurs Larves, les rappro- chent sensiblement des Chrysomélines. Quoi- qu'il en soit les Bruchides consliUient une famille des plus homogènes. Distribution géog^raphique. — Au nombre d'environ 400 espèces, les Bruchides sont ré- pandus sur toute la terre, mais particulièrement en Amérique et en Europe. Mœurs, habitudes, régime, — C'est parce que les Larves connues jusqu'à ce jour vivent dans les graines, surtout dans celles des Papil- lionacées, qu'on leur a donné la dénomination allemande indiquée ci-dessus. LES BRUCHES — BIWCHUS Caractères. — Les Bruches vrais se recon- naissent aux caractères généraux de la famille et à quelques particularités. Leurs cuisses pos- térieures, assez grosses, sont dentées ou non dentées ; leurs jambes postérieures droites, tronquées au bout, sont armées sur la tionca- ture d'une courte épine souvent accompagnée d'une à trois autres plus petites. Distribution géographique. — Ce genre des plus populeux renferme les nombreuses espè- ces européennes ; 80 à 100 espèces . LE DRL'CIIK DliS l'OIS. - JlItUCIIUS l'ISI. Ërbsenkâfcr . Caractères. — Le Bruche des Pois {Brucbus pisi, fig. 474) est noir, revêtu d'une toison cou- chée de poils gris jaunâtres et blancs, il a au milieu de chaque côté du corselet une petite pointe cachée par ces poils. Les élytres sont ornées vers leurs extrémités largement anon- dies, d'une baude transversale formée de petites taches blanches et la pygidium est marquée de deux petites taches ovoïdes noires qui res- tent nues. Les 4 premiers articles des antennes en massues sont jaune rougeàtrc, les cuisses antérieures toutes noires; les jambes et les tarses antérieures, l'extrémité des jambes et les tarses de la paire médiane sont également j-aune rougeâtre; les cuisses postérieures sont armées d'une forte dent en dessous et vers la pointe. Distribution géographique. — Ce Coléop- tére, probablement originaire des États-Unis, aujourd'hui cosmopolite, semble être plus pré- judiciable aux Pois dans l'Amérique du Nord et en Allemagne que partout ailleurs. llœurs, liabitudes, régime. — Au printemps et au plus tard au commencement de mai, il pra- tique un trou de sortie circulaire à travers les cotylédons (lig. 475). C'est ainsi qu'il surgit des Pois réunis en tas, ou disséminé sur le sol au moment des semis; il reste engourdi, comme mort, si le temps est froid, pour se réveiller et courir avec ardeur sous l'influence du soleil. Dès qu'au dehors les Pois sont en pleine flo- raison, les Bruches se jettent sur eux, soit qu'ils aient été transportés par les semis, soit qu'ils s'y rendent en s'envolant des provisions enmagasinées. Après l'accouplement, la femelle colle un très petit nombre d'œufs sur une gousse toute jaune, c'est-à-dire sur l'ovaire mis à nu après défloraison, et habituellement même elle n'en dépose qu'un sur chaque jeune fruit. Ces œufs sont cylindriques, quatre fois plus long que larges, arrondis aux deux bouts et d'un jaune citron. Une fois le sort de la couvée assuré, ce qui nécessairement prend quelque temps, surtout s'ils sont interrompus par plusieurs jours de pluie, la femelle ayant alors accompli sa lâche meurt. Les jeunes Larves pénètrent dans la gousse en rongeant et recherchent les Pois eux- mêmes ; et c'est le développement de ceux-ci qui décidera si la Larve peut se contenter d'un seul grain ou si elle a besoin d'en entamer plusieurs. Si le Pois est assez fort pour que sa crois- sance ne soit point entravée par la dent de la Larve, tous deux se développent alors simulta- nément et ce seul Pois suffit au complet déve- loppement du petit animal ; au contraire si le Pois est trop faible pour résister à la Larve, celle-ci est obligée d'attaquer un deuxième Pois dans lequel elle doit pénétrer d'a'-sez bonne heure pour permettre ;\ l'entrée pratiquée de se cicatriser complètement. Jamais la Larve ne recherche une deuxième gousse. Les Bruches sonten majorité ramassés àl'étal de Larves contenues dans les Pois mûrs à l'épo- que de la récolte; d'une part, on peut admettre que dans chacun des Pois ainsi occupés le Coléo- LE BRUCHE COMMUN. 3(7 ptère se trouve déjà loul formé avant l'entrée de l'hiver; du moins il semble inexact d'ad- mettre que la Laive puisse encore manger ;\ cette époque. Parmi les Pois qui lui lurent envoyés des environs d'Olmutz, plusieurs que Taschenberg ouvrit à la mi-février 187o contenaient des Lar- ves desséchées et quelques Coléoptères morts et imparfaitement développés ; mais l'immense majorité de ces Pois donnèrent naissance à des Bruches, marchant allègrement et qui sous l'in- fluence du soleil se mirent à voler vers la fe- nêtre en témoignant une suprême satisfaction de se voir rendus à la liberté. LE DRIÎCIIE DES FÈVES. — BRUCHUS KUFI.V.IMS. Bohncn 1,11 fer. Caractôres. — LeBruche des Fèves [Brur/nis ritfiiiianus, fig. 476, p. 313) est très semblable au précédent et n'en diffère que par son corselet relativement plus long et par ses deux petites dents moins distinctes, par ses élytres plus courtes et particulièrement par les dessins un peu différents sur ces dernières. Les cuisses antérieures sont rouges-jaunes et les posté- rieures moins nettement dentées. Mœurs, habitudeN, régime. — La Larve vit de la même manière que la précédente, mais dans les Fèves et les Haricots et vraisembla- blement jamais dans les Pois. Elle pénètre perpendiculairement dans les cotylédons en se taillant une entrée circulaire et s'y prend de telle sorte qu'extérieurement on n'aperçoit aucune lésion sur la Fève; plus tard la mince pellicule qui recouvre toujours le trou pratiqué reste encore translucide. M.Grosjean a signalé (1879) le préjudice que ce Bruche peut causer aux Féveroles qui en- trent aujourd'hui pour une grande part dans l'alimentation des Chevaux ; c'est ainsi qu'il a constaté que dans des échantillons, fournis par la Compagnie générale des Omnibus de Paris, la proportion des Fèves atteintes, était de 30 p. 100 et que 200 Fèves endommagées contenaient 380 à 400 Bruches ; en moyenne chaque Fève était donc attaquée par deux In- sectes. Un Bruche consomme, pour atteindre tout son développement, environ 140 milli- grammes de Fèves; la perte de poids, obtenue par la différence existant entre le poids d'un nombre de Fèses indemnes et celui du même nombre de Fèves endommagées atteignit 18,.") pour 100; la perte était presque d'un cin- r/uième; en mettant le quintal à 18 fr. 50, la perte sèche a pu être évalué à 3 fr. 40. On conçoit d'après cela combien une expertise faite avec soin est nécessaire pour connaître la valeur nutritive des grains. Li: Dltl'CIIC DE LA Lli.MILLi:. — mil CHUS r.ILLlIUCORNIS. Lin^i iilinfcr. C'aractôrcg. — Long de 3 millimètres, large de 2 millimètres, ce Bruche (fig. 481) est noir, tacheté de blanc ; la tète, le corselet et les élytres sont noirs, mais ces dernières sont relevées par deux lignes transversales de taches blanches, souvent peu marquées ; l'extrémité de l'abdomen ou pygidium est revêtu de duvet blanchâtre et chargée de deux grandes taches noires ; les pattes antérieures sont rougeâtres, les médianes noires avec l'extrémité des jam- bes fauves, les postérieures noires. Fig. 481. — Bi-uche de la Leiitillr;. Mœurs, habitudes, régime. — Cet Insecte pond dans les jeunes gousses des Lentilles, en ne confiant qu'un œuf à chaque graine; les Larves dévorent la moitié ou même les trois- quarls des cotylédons, passent l'hiver dans les graines et se métamorphosent au printemps; les adultes apparaissent vers l'époque de la floraison des Lentilles. LE BRVCilUCOJUMVy. ~ VnVCII US OlUXlItlUS. Gemeinei- Samenbifcr. Caractères. — Le Bruche commun [Bruchus fjranarim, fig. 479, p. 313) diffère des précé- dents par une taille moindre, des formes plus raccourcies et une coloration différente : il est d'un noir assez luisant, les articles basilaires des antennes et les pattes antérieures sont jaunes rouges, avec les tarses exceptionnelle- ment et les cuisses encore plus rarement, noirs. Les cuisses postérieures sont profondé- ment échancrées, et l'angle aigu formé par l'échancrure se prolonge en une petite dent variant suivant les sexes. La surface du cor- selet est marquée de deux points blancs, d'une 318 LES SGOLYTIDES. tache plus grande également blanche située immédiatement en avant du scutellum; une tache sulurale jaunâtre fait suite au scutelle. Les autres dessins blancs qui couvrent les ély- .tres sont irréguliers, foimant des taches plus ou moins disposées en bandes ; deux taches de même nature entières et rondes se trouvent encore sur le pygidium. SlœurS) habitudes, régime. — Commun dans le centre elle nord de l'Allemagne, il pa- raît être moins exclusif dans le choix de sa nourriture. On peut le trouver dans VOrobus tnberosiis, dans divers Lat/iyrus, dans le Vicia sepiujH vulgaire ; on l'accuse même d'être nui- sible à la (eve ( Vicia faba). Curtis mentionne les dégâts qu'il cause aux Féveroles destinées aux Chevaux; il cite ce fait qu'une cargaison de 1,001) mesures de Fèves importée de Sicile à Newcastle sur la Tyne, était tellement infestée que la farine, après le passage sous la meule, paraissait animée tant étaient nombreux les Coléoptères qui, voltigeant de tous côtés, envahirent le moulin; chaque Fève contenait de 3 à 3 Insectes. Dans les gousses de petites espèces de La- thyrus ou de Vicia, il ne reste guère à un mo- ment donné naturellement que l'enveloppe. Celte circonstance ne doit pas engager la Larve à passer l'hiver dans son berceau. Si l'on tient compte que l'Insecte se développe de meilleure heure dans les Viciées sauvages, plus précoces d'ailleurs, il est facile de concevoir comment on aperçoit déjà le petit Coléoptère se pro- menant avec vivacité à la mi-septembre. La Larve est aveugle, apode et sans antennes; elle ne se distingue point des deux autres à l'œil nu. LE BUUCIIE DUS llAltICOTS. — liRUCUVS OBJECTLS. Les Haricots jusqu'à présent ont étépréservés des attaques des Bruches ; cependant M. Mau- rice Girard a signalé, dans les Haricots admis à l'Exposition universelle de 1878 et provenant les uns d'Espagne, les autres du Venezuela et de la République Argentine, la présence du liruclMs uOiectus, originaire de l'Amérique du Nord et fort répandu aux États-Unis, au Mexi- que, aux Antilles et même dans l'Amérique du Sud. Malheureusement ce Bruche a fait égale- ment son apparition en France dans les dépar- tements méridionaux, notamment dans celui .des Pyrénées-Orientales et en Corse ; rencontré déjà chez les épiciers de Toulon et de Mar- seille il est à craindre qu'à l'exemple du Bruche des Pois, il ne se répande, non seu- lement en France, mais dans toute l'Europe. Un Bruche appelé aussi le Bruche des Len- tilles (iff?'wc/iMs /chs) s'en prend encore aux Len- tilles. D'autres espèces aflectionneul les graines d'autres végétaux : Gleditschia, Mimosa, Acacia, et de quelques Palmiers, etc., dans les pays chauds. Oeatruction des Uruches. — La multipli- cation des Bruches peut dans certaines an- nées s'exagérer à tel point qu'elles causent un préjudice réel; pour diminuer leur nombre, il y a certainement un procédé infaillible, mais il est véritablement pire que le mal : il consiste à suspendre pendant deux ou trois ans dans les localités envahies la culture des Pois, des Fèves ou des Lentilles ; mais il est un autre moyen moins radical qui permet de faire disparaître de notables quantités de Bruches, des Pois et des Lentilles, c'est le triage des graines. Ce triage s'effectue d'une façon fort simple; on fait tremper pendant un jour ou deux les graines, celles qui sont attaquées et renferment des Insectes surnagent, tandis que celles qui sont saines se réunissent au fond. On sera donc ainsi certain de ne semer que des graines intactes. Quant à l'absorption des Bruches, elle est inoffensive et n'ollusque que les délicats. LES SGOLYTIDES — SCOLYTiDyE Die Boiiicnkàfer. Caractères. — Les caractères extérieurs des Scolyiides ou Xylophagides sont les suivants : de petite taille, ils ont le corps cylindrique, une tête épaisse terminée par un très court museau armé de mandibules en général peu saillantes, arquées et denticulées au côté interne, les autres pièces de la bouche restant cachées, les mâchoires étant pourvues d'un LES BLASTOPHAGES. 31» seuMoI)e; ils présentent encore des antennes courtes coudées, de 3 ;\ 12 articles, terminées en massue, et des yeux grands et transversaux. Us se distinguent de leurs proches alliés par la brièveté de la tôte, des palpes, des an- tennes et des jambes, ainsi que par leurs jam- bes comprimées, plus ou moins arquées cl denliculées sur le bord externe, suivies de tarses à 4 articles. L'abdomen compte cinq segments. Les deux premiers étant souvent soudés entre eux. Dans cette famille les deux sexes ne sont pas aisés à distinguer l'un de l'autre. Les Larves ont la plus grande ressemblance avec celles des Cnrcnlionides, seulement elles ont une forme moins ramassée et plus com- plètement cylindrique. Mœurs, habitudes, régime. — Xylophages redoutables, ils s'attaquent aux végétaux li- gneux et sont par excellence des ravageurs des forêts. Leur manière de vivre en commun à l'état de Larve comme h celui d'Insecte par- fait, leur habitude de creuser des galeries dans l'écorce même des arbres ou immédiatement au-dessous, sont autant de caractères qui justifient leur réunion en famille naturelle. Le plus souvent, ;\ partir du commencement un peu élargi de la galerie, sorte d'anticham- bre où chez beaucoup d'espèces l'accouple- ment a lieu, les femelles minent plus loin et établissent le couloir appelé Mutlergang, « ga- lerie maternelle », d'où partent des excava- tions latérales secondaires également espacées entre elles et destinées chacune à recevoir en dépôt un œuf unique. Les jeunes Larves écloses ne rongent que les alentours de la galerie maternelle à droite ou à gauche, si celle-ci se dirige verticalement ou obliquement, et en dessus ou en dessous si la grande galerie prend une direction trans- versale. Elles arrivent ainsi à établir les « gale- ries de Larves » ou galeries latérales qui s'élar- gissent de plus en plus au fur et à mesure de leur accroissement. Chacun des couloirs est encore agrandi à son extrémité, pour devenir une loge commode destinée à la Nymphe. C'est ainsi que prennent naissance d'élé- gantes arborisations, dont la forme fondamen- tale est particulière à chaque espèce et en rap- port avec leur situation, quoiqu'elles puissent subir quelques variations par suite de la ren- contre d'un autre système de galerie. Les divers plans suivis dans la manière de ronger par les différentes espèces de Scolytides sont très intéressants, malheureusement nous ne pouvons accorder une trop grande place à ces petits rongeurs, nous ferons seulement re- marquer qu'en outre des galeries de sonde et des galeries latérales ou horizontales, il se pré- sente aussi des galeries rayonnant en étoile; la disposition des galeries est tellement caracté- ristique, que l'on peut déterminer l'auteur des dégâts fi la vue d'un fragment d'écorce attaqué. Si l'on songe que ces petits mineurs sont très féconds et que plusieurs d'entre eux ont 2 générations par an, il ne faut pas s'étonner que de temps à autre des centaines et des milliers d'hectares des plus belles forêts, que des plantations séculaires soient condamnées ;\ s^'cher sur pied, comme par exemple tout récemment dans le Bohmerwald, jadis à Vin- cennes et à Paris môme. Les Conifères nour- rissent la grande majorité des espèces euro- péennes et subissent relativement de plus grands dommages que les arbres feuillus qui sont hantés par d'autres espèces. Les Scolytides ne vivent pas tous précisément dans les écorces des végétauxligneux : V Hylastes Trifolii pond dans les racines du Trèfle et de la Luzerne; le T/iamnuryus [Tomicus) Euphorbis: se développe dans les tiges vivantes de VEuphor- bia amygdaloides; le Tomicus bispinus préfère les tiges grimpantes de la Clématite commune {Clemalis vitalba) ; le Tomicus dactyliperda ha- bite les noyaux Dattes et y subit ses Méta- morphoses; ces fruits ainsi attaqués par cen- taines sont dépréciés, les excréments qu'ils renferment leur donnant un fort mauvais goût ; ce Tomicus s'en prend aussi aux noix d'Arec [Areca Katechu). LES BLASTOPHAGES — BLASTO- PfJAGUS (I) Kie/'eriimurkliâfer. Caractères. — Tête posée transversalement, visible pardessus ; yeux étroits, allongés, fine- ment chagrinés; massue antennaire ovoïde, de 4 articles distincts, reliée au manche par un funicule de 6 articles; coi'se\el (protioiiim) con- fondu avec les flancs du prothorax; troisième article des tarses élargi et bilobé : tels sont les caractères de ce genre. Distribution géographique. — Les quel- ques espèces de ce genre sont européennes. (1) B^iuTTi, bourgeon ; çàyo!» mangeur. 320 LE PETIT BLASTOPHAGE DES PINS. LIi GRA>D BLASTOl'HAGi; DICS TINS. — BLASTO- l'IIAGVS riNlPEItDA. Grosser KiefernmarTxMfcr. C'nrnc<ères. — Le grand BListophage des Pins (Bla^lop/iagiis ou Bylurgus piniperda, fig. 482) peut être considéré comme le type du genre. 11 est couleur noire de poi.x, passant seu- lement au rouge sur les antennes et les pattes. Mœurs, habitudes, régime. — Notre Co- léoplère apparaît déjà en mars par un temps fa- vorable, mais il ne s'accouple guèrequ'en avril, et le rapprochement des sexes a lieu à l'entrée du trou de sortie où le mâle se montre tou- jours au dehors. La femelle choisit de préfé- rence pour effectuer sa ponte les troncs récem- ment coupés ou les souches enracinées; les galeries commencent par un trou nettement taraudé, s'étendent jusque sous la face interne de l'écorce et se dirigent verticalement le long de celle-ci. Les galeries latérales sont très rap- prochées les unes des autres et atteignent jusqu'à 8 centimètres de long. Pour subir sa nymphose, la Larve ayant acquis toute sa taille se creuse une retraite au sein de la partie subéreuse. En 1836, année au commencement de la- quelle le développement des Larves paraissait favorisé mais que des jours plus rudes entia- vèrent ensuite, Ratzeburg observa une pre- mière éclosion de Coléoptères le 22 avril; le 27, les galeries avaient déjà 5 centimètres de long et contenaient de 30 à 40 œufs ; le 2 mai, les premières Larves étaient vivantes et attei- gnirent la moitié de leur développement le 18. Le 18 juin (4 semaines plus tard), il y eut les premières Nymphes; le 2 juillet, apparurent des Coléoptères encore tout blancs et mous, et ce ne fut qu'au 15 du même mois que les premiers trous de sortie furent pratiqués. Par un temps défavorable la couvée peut aussi ne se développer qu'en août. C'est le moment de la dévastation. LesXylo- phages minent transversalement les pousses jeunes ou âgées des Pins qui portent des cônes, atteignent la moelle, et dévorent celle-ci de bas en haut (fig. 487). A l'entrée du trou s'élève une éminence produite par l'exsudation de la ré- sine, et les pousses atteintes, si elles sont grêles et faibles, sont facilement abattues par le vent : si les pousses principales de la cou- ronne restent, de nouvelles pousses latérales se développent en formant des touffes serrées, au lieu et place du bourgeon terminal rongé et vidé. Comme il en résulte que l'accroisse- ment normal de l'arbre se trouve altéré et comme provoqué par une taille artificielle, on a donné le nom de « Jardinier des bois » au provocateur du phénomène. Pour hiverner, le Biastophage sort habituel- lement en passant par l'entrée principale ou par un autre trou pratiqué plus haut, recher- che les bois de haute futaie et se cache pro- fondément sur les troncs au-dessus des ra- cines, non seulement derrière les plaques d'écorce, mais encore jusque dans les trous qui pénètrent le liber. Ces Scolytes pullulent malheureusement dans toutes les plantations de Pins [Pins laricio, piinaste?', lord Weimouth, sijlvestris , marilima) et causent de grands ravages auxquels on ne connaît de palliatif que l'abatage et l'écorçage sur place des arbres malades ou attaqués, des arbres rabougris ou cassés et des chablis, (^es Insectes ont heureusement des ennernis natu- rels qui leur font une guerre active, notam- ment le Clairon formicaire (voy. p. 241 , fig. 34'j à 318) et certains Hyménoptères parasites (Ichneumonides et Chalcidides). LE PETIT BLASTOPHAGE DES PI\S. — liL.tSTOPIl A- Gvs M IIS on. Kleiner Kiefernmnrkliâfer. Caractères. — Le petit Blastophage des Pins {Blastophngus minor) fort voisin de la grande espèce (fig. 488), s'en distingue, non pas toujours parune taillemoiudre,mais bien par une parti- cularitédans ladisposition des rangées de poils qui garnissent les intervalles des stries sur les élytres. En effet dans cette espèce ces poils se continuent jusqu'au bord extrême des élytres, tandis que chez la précédente ils s'arrêtent au point où celles-ci forment la pente qui descend vers l'extrémité anale. Mœurs, habitudes, réffime. — Du reste il vit de la même manière, sans toutefois être aussi répandu. Pour effecluer sa ponte il ne choisit que les écorces lisses, et par conséquent les jeunes Pins ou les sommets des arbres élevés. Nous serions entraînés trop loin , si nous voulions examiner de plus près encore d'autres espèces qui vivent d'une manière analogue et sont préjudiciables aux Pins. L'HYLÉSINM'] DU FHKNK % w\ ^(è Fig. 4S8. Fig. 48Û. fig. ■(82. — Le grand Blastopliagc et grossi. de gi-ai di ur uiurclie Fi Fi KiK. 48o. — Aiilenne grosslu. l''i l'ig. 481. — l'atloet tarse grossis. Fi 485. — Larves de gi-aiideui" naturelle et grossies. 48C. — Nyniplie très grossie. 487. — Pou'so terminale de l'iii rongée. Fig. 488. — Le petit Blastopliagc. Fig. 482 à 48S. — Les Blastophages des Pins. LES IIVLESINES — U Y LE SINUS \) bk Bylesininen. Caractères. — Ces Insectes onl la tôle non globuleuse, courte, à front vertical prolongé en un très court museau visible d'en haut et aussi large qu'elle ;les antennes pourvues d'un l'unicule de 7 articles portant une forte mas- sue oblongue de -4 articles aussi longue que lui; les yeux étroits, allongés; le prothorax convexe, rétréci et coupé oljliquement en avant ; les élytres plus ou moins allongées, cylindriques, à déclivité postérieure arrondie; les jambes arquées et denticulées sur le bord externe : les tarses à article 1 plus long que 2, à article 3 élargi et bilobé. Le corps est cylin- drique. Ils présentent en général des dessins nuancés sur les élytres, chose rare chez les Scolylides. Distribution gvosrsiphitiue. — Les espèces sont pour la plupart européennes, quelqties- 'I) "l7y,, bois; c;;vw, j'endommage. RmaiiM. — VII. unes se rencontrent aussi dans l'Amérique du Nord, aux Indes, en Afrique. L UVHisii>E DU FKÈMI^. — IULESIMJS t'JUXlMl. Caractèreii. — Le grand rougeur du Frêne, ainsi qu'on le nomme vulgairement, est un Insecte de trois millimètres, ovale, noir, marbré de grisAtre, aux antennes fauves, plus longues que la tête, terminées par une massue oblon- gue acuminée, cornue et pubescente, à la tète noire, couverte d'une pubescence cendrée, au corselet plus long que large et convexe, de couleur noire mais revêtu d'une pubescence cendrée devant l'écusson, aux élytres d'une fois aussi longues que le corselet à stries ponc- tuées et marbrées de taches irrégulières brunes et cendrées. Le dessous du corps est couvert de poils épais, gris, aux pattes noirâtres, aux tarses ferrugineux. Mœurs, habitudes, régime. — Il exerCC des ravages très sensibles sur les Frênes en s'atta- quant de préférence aux arbres malades ou languissants ou aux arbres sains abattus pour Lnskctiîs. — Il ;!22 LES PHLCEOTRIBES. y déposer ses œufs; mais il ne craint pas de s'en prendre aux plus jeunes arbres pour en sucer la sève. Leur apparition a lieu en avril ou mai, et aussitôt après la fécondation les femelles se précipitent en troupe sur les victi- mes qu'elles ont choisies; elles percent un trou dans l'écorce et creusent entre elle et le bois une galerie horizontale perpendiculaire aux fibres, en forme d'acculade, dont le trou d'entrée est le milieu, puis elles pondent à in- tervalles égaux de chaque côté de la galerie. Les jeunes Larves se pratiquent chacune une galerie verticale, c'est-à-dire parallèle aux libres, qu'elles élargissent peu à peu au fur et fi mesure de leur accroissement, jusqu'à ce qu'elles aient atteint toute leur taille au com- mencement de juillet; elles aménagent alors à l'extrémité de leur galerie une petite loge oii elles se transforment en Nymphes. Les In- sectes parfaits percent l'écorce pour prendre leur essor à la fin de juillet ou au commence- ment d'aolit; mais ils ne tardent pas à per- forer de nouveau les écorces soit pour y pom- per la sève, soit pour y déposer leurs œufs. On conçoit que ces deux générations assurent une telle multiplication des Hylésines que leurs Larves peuvent causer des dégâts con- sidérables dans les Frênaies. Lorsque les adultes s'attaquent aux jeunes arbres pour y chercher leur nourriture, ils rongent l'écorce à la naissance des branches et même des feuilles et y déterminent un afflux de sève qui se manifeste par la production d'excrois- sances noueuses. Un petit Hyménophère, indépendamment de beaucoup d'autres, du genre Enrytoma de la famille des Chalcidides , VEunjioma ruftpes qui mesure environ trois millimètres, est un grand destructeur des Hylésines ; les femelles percent à l'aide de leur tarière les écorces au- dessus des galeries creusées par les Larves pour y déposer leurs œufs ; chacune des jeunes Larves aussitôt éclose a l'instinct de s'atta- cher à une Larve d'Hylésine et de la sucer; cela fait, elle se métamorphose dans les galeries mêmes. Les Larves parasites sont bbinches, tnolles, glabres, avec une tête ronde en partie rentrée dans le premier anneau du corps et armée de deux mandibules jaunâtres ; quoique apodes elles font saillir de leur dos des mame- lons qui jouent le rôle de pattes et leur per- mettent de se mouvoir dans les galeries des Hylésines. L'IlVLESIMi; CRENELE. — HYLESIXVS C/IENATUS. Caractères. — L'Hylésine crénelé [Hylesinus crenatus), long de quatre à cinq millimètres, noir ou brun, ordinairement glabre, aux élytres deux fois plus longues que le corselet et forte- ment striées, avec les intervalles des stries cre- vassées et garnies de crénelures aiguës, vit de la même manière dans le Frêne. L'HYLESINE DE L'OLIVIEK. — lnLESl^t'S OLEtPEUDA. Caractères. — Le rongeur de l'Olivier qui mesure un millimètre et demi à deux millimè- tres de longueur est noir ou brun, couvert de petits poils dressés, aux antennes rousses, à la face velue, au corselet noir plus long. que large, convexe, couvert d'une pubescence jau- nâtre, aux élytres deux fois aussi longues et plus que le corselet, arrondies à l'extrémité et striées, couvertes de petits poils dressés jaunâ- tres, aux paties rousses. Mœurs, habitiidcg, ré<;ime. — Cet Hylésiue attaque ordinairement l'Olivier, mais s'il re- monte vers le nord, il sait discerner une parenté entre le Frêne, le Lilas et son arbre de prédi- lection. H creuse de préférence ses galeries dans les branches et choisit les Oliviers malades dont la végétation est loin d'être exubérante ; il faut donc avoir le plus grand soin des arbres lan- guissants, les arroser, les fumer, et surtout au printemps les émonder attentivement, c'est-à- dire les débarrasser de toutes les branches ta- chées qui dénotent la présence de l'ennemi, branches que l'on brûlera sans tarder. LES PHLOEOTRIBES — PHLOEO- TBIBUS (1) Caractères. — i)e genre est excessivement tranché ; la forme des antennes et leur mode d'insertion sont tout à fait particuliers. Ces antennes ont un funicule de 5 articles , au f"' article aussi long que les 4 autres réunis, supportant une massue de 3 articles prolon- gés, chacun du côté interne, en une longue la- melle; elles sont insérées sur le front au bord interne des yeux. '1) >\')'A'j:, i'corcu ; •Ef/i£(o, je perce. LE TOMIQUB TYPOGRAPHE. .•52:? I-E SCOLVTE DE L'OLIVIER. OLEK. l'IU.Oi:oriilBVS Caractères. — Ce petit Scolylide. qui me- sure environ deux millimètres, est noirâtre, habillé d'un duvet grisâtre; les antennes sont rousses, hérissées de poils ; la tête est un peu enfoncée dans le corselet, qui est bombé, ponctué en dessus et couvert de poils voutl; les élytres, deux fois aussi longues que larges, sont bombées, ponctuées et creusées de dix stries peu distinctes. ntstribution g^éo^rapiiique. — Cet Insecte est répandu dans toute la région méditerra- néenne partout où l'on cultive l'Olivier, auquel il est des plus nuisibles. Mœurs, habitudes, réprime. — Ce rongeur de l'Olivier, comme le précédent, attaque les branches et établit particulièrement ses gale- ries qu'il creuse entre l'écorce et l'aubier aux enfourchures des rameaux; il aime surtout les jeunes rejets qui poussent sur les souches recépées, la gomme semblable à la manne qui s'écoule des ouvertures qu'il pratique, ainsi d'ailleurs que les rameaux l)risés par le vent, décèlent sa présence. Li:S TO.MIQUES (1)()U BOSTRlCllESl^) — TOMICL'S OU BOSTRICHUS Die Tomicincn, Die Bostrychinen. Caractères. — Les vrais Tomiques ou Bostri- ches (T'om/cMS ou Bostrichvs) ont la tête globu- leuse et leurs antennes (fig. 493) présentent un funicule de 5 articles reliant le manche à la massue assez petite formée elle-même de 4 arti- cles faiblement articulés; les yeux sont étroits, sinués en avant, transversaux. Le corselet allongé, cylindrique, forme en avant comme une calotte au-dessus de la tête; il est sur sa moitié antérieure marqué de points fins et ser- rés. Les élytres, cylindriques, sont comme tron- quées et excavées à leur extrémité, avec les bords moins fortement denliculés sur l'exca- vation. Les jambes (fig. 494) ont leur bord ex- terne denliculé ; les tarses (fig. 49.5) ont les ar- ticles 1 à 3 égaux. Le corps est cylindrique. Chez plusieurs espèces de ce genre les sexes ont un aspect sensiblement dilférent : la fe- melle n'a'point _d'excavation à l'extrémité des élytres, ou bien celles-ci sont presque globu- leuses et fort courtes chez le mâle (l'nmïcus (1) Toiiixô;, qui pst propre à couper. (2) BoO-, bœuf; Tpi/s:, clieveux. di^pnr) et présentent encore d'antres caractères dislinclifs. i.r TO>iiQUiî TVi'or.uAPiii:. — Toviruf; riro- CltAVIIlS. Gcnieiiwr Borhenhnfer, Biiohdrufher . lin des Scolytides les plus grands (cinq mil- limètres et demi) et les pins nuisibles aux Pins est le Bostryche commun ou typographe. Tomi- cm ou liostiic/ius typnqraithus (tig. 489 et 490). Caractères. — Les élytres, sillonnées de ran- gées de ponctuations grossières, portent quatre dents de chaque côté sur la partie latérale de leur extrémité profondément excavée; la troi- sième de ces dénis, rouge ou brun de poix, est garnie de poils lâches de couleur jaune. Mœurs, habituiles, régime. — Après les premières journées chaudes du printemps, on voit quelques Bostriches isolés encore en- gourdis errer sur les troncs ou voltiger silen- cieusement çà et là prêts à battre en retraite vers leurs quartiers d'hiver si le temps se re- froidit. Vers la mi-mai, tous sont d'habitude sortis de leur torpeur hivernale et se pré- parent à assurer leur reproduction. Si l'em- placement leur convient pour établir leur couvée, là où ils sont nés eux-mêmes et peut- être un grand nombre de leurs ancêtres, rien n'entrave leur évolution . Dans le cas contraire, ils s'élèvent dans les airs, afin, semble-t-il, de rechercher un emplacement convenable ; et sans exagération, après leurs Métamorphoses, on peut comparer leurs attroupements à des essaims d'abeilles ou à de petits nuages. Ils hésitent à fixer leur choix et paraissent faire les difficiles ; ils donnent la préférence au vieux bois sur le jeune ; à celui qui est étendu, abattu par la hache ou le vent, sur celui qui est resté debout; ils élisent domicile dans la partie supérieure des tiges à partir de la naissance des grosses branches. Ils préfèrent certaines résidences à d'autres, et les Epicéas à tous les autres Conifères. Un terrible ouragan qui s'est abattu, le 6 no- vembre 1864, sur les importants massifs du Risoux et du Grand-Vaux (Jura), y renversa, rapporte M. Grandjean, conservateur des Fo- rêts, plus de 88,700 arbres. Epicéas pour la plupart, soit un volume de o3 000 mètres cu- bes de bois dont l'exploitation n'était pas en- core complètement achevée en 1871. Pendant leur séjour prolongé sur le sol de la Forêt, ces arbres s'altérèrent et furent bientôt 32 ï LE TOMIQUE TYPOGRAPHE. Fig. 40-1. Fig. VX,. 1 iK 40 ■^ Fis. -480. Fig. 4ni. Fig. 4Rf). — Tnmique typoKi-aplic, <\c graiuloui' iiatii- rellc Fig. 490. — Le mfme, grossi. Fig. 491. — Larve, de grandeur naturo'.lp Pt grossir». Fig. 49?. — Nyniplie grossie. Fig. 493. — Antenne grossie. Fig. 49). 494. — .lambo grossie. 49,'>. — Tarse grossi. ''i9B. — (ialeries de ponte de la femelle et galeries dos Larves, de grandeur naturelle. iO". — Galeries en étoile du Tomique clialcograplie, de grand, nat. Fig. 489 à 497.— Les Tomiques et leurs galeries. visités par les Tomiqiies typographes, qui atta- quent de préférence les Epicéas dépérissants. Ces Coléoptères se multiplièrent avec une ra- pidité désolante; après l'e.sploitalion des Cha- blis, ils se jetèrent immédiatement sur les arbres restés debout et en firent périr un grand nombre, qu'on dut exploiter d'urgence. De 1870 à 1873, on s'occupa sans relâche à extraire de ce foyer d'infection tous les arbres visités par les Tomiques dont le nombre s'est élevé à plus de 180,000 et représentant un volume de 73,000 mètres cubes. Grâce à l'ap- plication persévérante de cette mesure, les ravageurs ont à peu près entièrement disparu et tout péril est aujourd'hui conjuré. L'emplacement â leur convenance étant trouvé, les Tomiques percent dans l'écorce un trou droit qu'ils élargissent graduellement pour se pratiquer une loge dans laquelle s'accomplit le rapprochement sexuel et duquel part vers le haut et vers le bas la galerie maternelle (fig. 496) à laquelle seront confiés les œufs, ainsi que nous l'avons indiqué. Peu après la ponte, les femelles meurent dans l'intérieur de leur mine, ou parviennent encore péniblement à se dégager et â sortir. Les Larves écloses (lig. 491) creusentàdroite et â gauche des galeries latérales très rappro- chées, exactement comme le montre notre figure (fig. -496), à l'exception du coin situé à gauche de celle-ci (fig. 497). La génération arri- vée à son complet développement reste encore quelque temps dans son berceau et ronge irré- gulièrement ses galeries qui se remplissent d'excrémenls et qui, de régulières qu'elles étaient primitivement, deviennent informes. Si la saison est avancée, nos Tomiques res- tent en plice et hivernent; mais si le temps radouci les y invite, ils sortent et se disper- sent au dehors pour chercher ensuite plus loin leurs quartiers d'hiver. Les Coléoptères éclos de bonne heure dans l'année, délaissent volontiers leur berceau après une pluie chaude, vers midi, pour se livrer à leurs ébats, et donner le jour à une deuxième couvée. Celle-ci, dans des conditions favorables, peut LE TOMIQUE TYPOGRAPHE. ;i^25 Fig. 408. — Scoly le destructeur, ti'c'-« grossi. Fig. 409. — Sa Larve, de grand, nat. cl très gross Fig. .■>00. — Sa Nymphe, très grossie. Fie iOS -1 -lOÎ. G Fig. 50?. Fig. :.()n. IFig. 501. — Galeries de ponte et galeries des Larves, de grand, nat. Fig. 50?. — Scolyte de Ratzeburg, très grossi. Les Seolytes et leurs galeries. encore arriver ;\ terme; mais dans la plupart des cas les Larves ou les Nymphes (fig. 492) sonl réduites ;\ hiverner ; elles ne peuvent pas- ser la mauvaise saison en toule sécurité que si récorce reste hien jointe et bien appliquée sans que l'humidité puisse y pénétrer. Ce sont les Insectes parfails qui résistent le mieu.t; car on en a observés qui sont sortis, et en temps voulu, de bois flottés qui étaient restés exposés aux atteintes de la gelée pendant 3 semaines. Les Larves et les Nymphes péris- sent promptement, si en arrachant l'écorce on les expose à l'action des rayons solaires aussitôt après l'abatage fait en temps opporlun ; aussi la décorticalion permet-elle de détruire des quantités énormes de Larves et de Nymphes. Un ennemi acharné est un antre Goléoptère, le Clairon formicaire ou Thanasimus fnrmi- cartus (Voy. p. 241 fig. 346 à 358) dont les Larves poursuivent sans relâche sous les écor- ces Larves et Nymphes et dont les Adultes chassent avec ardeur sur les troncs d'arbres le rongeur des Sapins lui-même. Le Tnmiciis chalcographns, qui est plus petit que le précédent (2 mill.), a des mœurs à peu près semblables, mais ses galeries parlent d'un même centre et vont toujours en divergeant (fig. 497) ; elles sont creusées également dans les Epicéas. Le T. stenoqi'aphus (6 h. " mill.) attaque par- ticulièrement les Pins (Pins sylvestre, laricio, maritime, etc.) et vit à la façon du T. typo- graphe. Le T. bidens (1 à 2 mil!.) recherche les jeunes Pins de 5 à iO ans, d'espèces diverses suivant les latitudes [Pinns s>/lueslrh, niaritimn, mici- anal). Le T. curvidens (1/2 à 3 mill.) choisit de pré- férence pour creuser ses galeries les Sapins {Afjies pectina'a). Le 7". lariris (3 mill.) s'attaque aussi bien au Mélèze qu'aux Pins d'espèces diverses (Pins laricio, sylvestre, maritime, d'Alep, etc.). Le 1'. eurygraphm, non content de percer les écorces, taraude également le bois des Pins. Le Xyloterm Unealux établit sa demeure :î26 LE SGOLYTE DESTRUCTEUR. dans les Pins, Sapins, Mélèzes de fortes di- mensions et pénètre même dans le bois. Tous ces Tomiqnes sans exception sont des plus nuisibles et causent souvent d'énormes préjudices dans les Forêts de Conifères. LES SCOLYTES — SCOLVrUS (I) Die Scolytinen. Caractères. — Le faciès est extrêmement différent de celui des autres représentants de la famille. La tète ovoïde est presque privée de museau ; les antennes ont un funicule de 7 articles portant une massue compacte plus grande que lui, les yeux sont étroits et très allongés; le prothorax convexe, rétréci et coupé carrément en avant, a son pronotum séparé des flancs par de fines arêtes latérales; les élytres, un peu plus longues que le corse- let, médiocrement convexes, à bords paral- lèles, sont tronquées à leur extrémité, mais n'ont pas, chose particulière, de déclivité pos- térieure ; le troisième article des tarses est bilobé; l'abdomen présente ce caractère remarquable d'être retroussé à partir du deuxième segment (fig. ."iOi). Ces Insectes sont uniformément noir bru- nâtre ou rougeâtre avec le prothorax lisse ou iinement penché, les élytres un peu rugueuses couvertes de stries peu profondes et ponctuées. Distribution géographique. — Toutes les es- pèces actuellement décrites sont européennes. LK SCOLYTE DESTRUCTEUft. — SCOLYTIS DESTRVCTOR. drosser Rûstersplintkfifer. Caractères. — Le grand Rongeur de l'Orme, VEccoptogaster scoiyliis des Allemands (fig. 498), est long de 4 ;\ 3 millimètres, à la tête petite et noire, en partie rentrée dans le corselet, au corselet noir brillant ponctué sur les côtés et sur le dessus en avant et en arrière, aux ély- tres marron de la longueur du corselet, mar- quées de 6 ou 7 stries écartées et ponctuées. Mœurs, liabitudes, régime. — Dès le mois de mai, les Adultes se montrent en foule; les femelles percent l'écorce des troncs et creu- sent entre l'écorce et le bois une galerie mon- tante à peu près dans la direction des fibres (fig. .501); cela fait elles présentent seulement (1) ïxoXiJTtTji), écorcer. I leur abdomen à l'orifice de leur trou d'entrée et une fois fécondées retournent dans leurs galeries pour pondre leurs œufs à droite et i\ gauche. Quant aux mâles ils se contentent de forer l'écorce pour se retirer et humer la sève. Les jeunes Larves (fig. 499) aussitôt écloses creusent leur sillon dans les couches tendres de l'écorce avoisinant le bois et travaillent jusqu'à l'automne; elles pénètrent alors dans l'écorce oh elles s'aménagent une loge pour passer l'hi- ver; ellesse transforment en Nymphes (fig. 300) seulement au mois de mai suivant et en Insectes parfaits au mois de juin. Tel est du moins le mode normal de l'évolution; cependant lors- l'année est chaude une première éclosion peut que avoir lieu en août, tandis que la seconde n'a lieu qu'au printemps suivant. Ces Scolyles s'attaquent aux Ormes séculaires et leur multiplication est telle qu'ils peuvent sillonner des fûts énormes d'un tel lacis de ga- leries (fig. SOI) qu'ils finissent par interrompre toute la circulation de la sève et amener la mort des arbres. Il y a 25 ans, les promenades publiques de Paris, les Champs-Elysées, les Boulevards étaient plantés d'Ormes aux colos- sales proportions dont il reste encore un ma- gnifique représentant dans la cour d'honneur de l'Institution nationale des sourds et muets, rue Saint Jacques. Ces arbres étant décimés, on s'ingénia à les sauver; M. Eugène Robert notamment se basant sur l'influence mortelle de l'air sur les Larves des Scolytes, proposa comme remède un décorticage partiel ; aux mois de juin, juillet et même d'août, ils furent deshabillés jusqu'à la naissance des grosses branches à peu près comme des Chênes lièges, c'est-à-dire privés de leur rude écorce jusqu'aux couches tendres, puis enduits de coaltar pour empêcher la dessicca- tion par évaporation de la sève. Peu d'entre eux résistèrent à ce rude traitement ; débarras- sés de leurs innombrables ennemis, mais déjà décrépits, ils n'eurent plus la force de recons- tituer une nouvelle écorce et périrent peu de temps après. L'Orme nourrit encore le Scolylus mullistria- lus qui s'établit dans les troncs à la façon du précédent, ainsi que les Scitlytus pygmxus et Ulmi qui choisissent de préférence les bran- ches pour y creuser leurs galeries. Le ^. Rutzeburçji (fig. .%2) élit domicile dans les vieux Bouleaux. l.ES CKRAMBYCIDES OU LONGICORNES. 327 LE SCOLYTE DU CHENE. — SCOIATUS l,\TRIC ITL'S. C'arnctôres. — Ce petit Coléoplère me- sure 3 millimètres ; sa tête est noire, couverte d'une pubescence cendrée au milieu de la- quelle se dressent près de la bouche deux poils; son corselet est noir, luisant, finement ponctué ; ses élylres sont brunes, un peu plus longues que le corselet, sillonnées de nom- breuses stries ponctuées ; les pattes sont rouge- brun. Ilœura, haliitud«s, régrime. — Ce Scolyte s'attaque aux Chênes de 30 à 30 ans en voie de dépérissement, et ses mœurs sont celles du Scolyte de l'Orme. 11 peut dans certains cas devenir très nuisible; il y a quelque quarante ans (1833) il a causé de grands désastres à Yincennes où il a déterminé la mort de 50,000 pieds d'arbre. LES CEKAMB\CIDES OU LONGICORNES — ('ERAMUYCID.E OU LONGICORNLE Die Bockhiifcr, Langhùrner. La famille dont nous allons entreprendre l'étude embrasse jusqu'à 3 ou '(,000 des plus brillants Coléoptères. Leur beauté réside autant dans la noblesse et l'élégance de leurs formes que dans la grandeur de leur taille qui semblent dénoter la force et l'orgueil ; leurs antennes, déme- surément longues et douées dune grande mobilité, sont un gracieux ornement et im- priment à leur physionomie un cachet carac- téristique; aussi leur at-on donné le nom de Longicornes. La manière dont quelques-uns d'entre eux portent ces antennes en les incli- nant sur le côté et en recourbant leur extré- mité leur a mérité le nom français de Capri- cornes et l'appellation allemande de Bocl;l;nfer. D'un naturel pacifique et nullement carnas- siers, Larves et Adultes vivent de végétaux. Si on voulait les comparer à quelque autre famille de leur ordre, ce devrait être avec les Lamellicornes; comme eux, ils ont en partage la beauté, la variété des formes, la richesse et la splendeur du costume; leur proportion nu- mérique dans les mêmes contrées est la même et les différences sexuelles que présentent beaucoup de leur espèce sont fortement accen- tuées. Mais ici ce ne sont pas des protubéran- ces anormales qui distinguent les mâles, mais des mandibules sensiblement plus fortes, des antennes plus longues, modifiées dans leur conformation; tantôt elles sont dentelées en scie ou pectinées, tantôt elles sont garnies d'expansions ramiûées ou semblables aux bar- bes d'une plume. Ce sont encore des modifica- tions spéciales dans les jambes et quelquefois dans la forme et la coloration du corps qui différencient les sexes. Un des caractères les plus tranchants qui distinguent la femelle con- siste dans la présence à l'extrémité de l'abdo men d'un long oviducte extensible qui lui per- met d'insinuer ses œufs dans les fissures des écorces. Caractères. — De même que chez les ïétra- mères précédents, la tête se prolonge en mu- seau, mais les Capricornes se distinguent par leurs antennes plus ou moins allongées, souvent d'une longueur considérable dépassant de beau- coup celle du corps entier, mais diminuant de grosseur de la base à l'extrémité. Ces antennes sont habituellement formées de H articles dont le deuxième est fort court, et insérées dans une échancrure des yeux. Les yeux réniformes ou divisés sont d'ailleurs rarement entiers. Les mandibules sont très variables de forme sui- vant la nature des tissus végétaux que l'In- secte doit attaquer; les mâchoires ont deux lobes ou un seul lorsque l'interne disparaît. Les palpes maxillaires comptent 4 articles, les pal- pes labiaux 3 articles; tous se terminent par un article sécuriforme ou pointu et fusiforme. Les élytres débordent la base du prolho- rax; en général allongées, elles recouvrent eu entier l'abdomen. Néanmoins, il est beaucoup d'espèces où, à l'instar des Staphylinides ou Brachélytres, elle laisse celui-ci en partie à découvert. Les pattes sont longues et bien dévelop- pées; la conformation variable des hanches antérieures et médianes joue un rôle impor- tant dans la classification : les premières de forme extrêmement variable, peuvent être glo- buleuses ou transversales avec toutes les dis- ;j2,s LES PRIONINES. positions intermédiaires; les cavités cotyloïdes des hanches médianes sont ouvertes ou fer- mées, ce qui fournit d'excellents caractères différentiels. L-es hanches postérieures sont tou- jours transversales. Les cuisses et les jambes sont épineuses dans un seul groupe (Prionines). Les jambes portent des éperons terminaux à toutes les pattes. Beaucoup d'entre eux font entendre, si on les serre entre les doigts, un petit bruit mo- notone strident; on dit alors qu'ils '< jouent du violon ». Ce bruit est produit par le frotte- ment du bord postérieur dorsal du prothorax sur le pédoncule du mésothorax; tous deux sont garnis de rides transversales impercep- tibles dont la rencontre détermine la stridula- tion, MiBurs, liabitudes, résînie. — En général les Longicornes sont des Insectes agiles, qui par un temps chaud et lourd ou sous l'action du soleil voltigent avec vivacité à la recherche des fleurs chargées de miel et des troncs d'ar- bres qui offrent des exsudations de sève, mais tout particulièrement des bois de coupe ras- i^cmblés et cordés; tandis que d'autres atten- dent le soir pour prendre leurs ébats et re- chercher leurs compagnes. Les Larves des Longicornes se rapprochent de celles des Buprestes; comme elles, elles se rétrécissent d'avant en arrière et ont la tète horizontale et comme rentrée dans le pre- n)ier anneau, alors que les segments du corps sont mous et d'un blanc jaunâtre; mais elles s'en distinguent par leurs palpes labiaux appa- rents, par leurs stigmates elliptiques ou circu- laires et par leur ouverture anale en forme d'Y. La tète, plate, transversale, membraneuse, a le chaperon visiblement séparé ; les yeux manquent totalement ou sont difficiles à dis- tinguer, — on en compte alors 1 à 3 de chaque côté; les antennes courtes et rétractiles peu- vent se cacher dans une petite cavité et rester inaperçues. Les pièces de la bouche se composent : d'une lèvre supérieure ciliée; de mandibules cour- tes et puissantes fortement chitinisées qui sont les parties les plus développées; de mâchoi- res à un seul lobe cilié, munies de palpes courts et quadri-articulés; d'une lèvre infé- rieure comprenant un menton charnu, des pièces souvent soudées qui portent les palpes bi-articulées, une languette ciliée. Les pattes ou manquent ou restent fort courtes et dépourvues de gritlVs. L'anneau prolhoracique, sans pouvoir servir à la pro- gression, se distingue surtout des autres par sa longueur extraordinaire. Les autres an- neaux sont le plus souvent recouverts de cha- que côté par une plaque cornée, marquée fré- quemment de taches rugueuses, et sont nette- ment séparés par un étranglement Les Larves vivent pour la plupart dans le bois attaqué et, dans la majorité des cas, leur dé- veloppement exige certainement plus d'un an. Parmi les petites espèces il en est néanmoins qui habitent les tiges et particulièrement les tiges souterraines des végétaux herbacés (Eu- phorbes, Cynoglosses, chaumes de Céréales, etc.) ; aussi peuvent-elles dans certains cas de- venir nuisibles aux plantes cultivées. Uistribution ^géographique. — Le plus ré- cent catalogue des Coléoptères porte à 7,386 le nombre des espèces connues réparties sur toute la surface du globe ; ce chiffre est loin de représenter le nombre total des Capricornes vivants, car les régions chaudes explorées re- cèlent encore une quantité de formes restées inaperçues à cause de leur petitesse et de leur apparence insigniliante, etles contrées boisées de l'Afrique centrale fourniront encore à coup sur maintes espèces brillantes aux collections le jour où ces pays inhospitaliers ne seront plus fermés aux peuples civilisés. Lacordaire partage les Cérambycides en trois grands groupes, les Prionines, les Cérambycines, les Lamiines qu'il considère comme des sous- familles, et les subdivise en groupes réduits à la plus grande simplicité. LES PRIONINES — PMIONIN.E Die Ureitbucke. Caractères. — Les Prionines {Prioninx) ren- ferment les formes relativement épaisses, lour- des et en même temps les plus gigantesques de toute la famille. Chez elles la partie dorsale du corselet ou pronotum est séparée des parties la- térales ou flancs par un bord tranchant, le labre est soudé au chaperon, la languette est épaisse et cornée, les palpes ne sont terminées ni en pointe, ni en fuseau, et les antennes sont généralement insérées contre les mandibules en avant des yeux ; les hanches antérieures sont transversales, enfin, les jambes antérieu- res ne sont point creusées d'un sillon oblicjue sur leur face interne. LK PUIONE TANNEUR. 32!) Fig. .">0S. — Lo l'i-ioiie tanneur, femelle. ris- ''O'i et .'lOl.- Fif;. ">l)i. — L'Ergates faber. Les Pi-ionines. Ils sont privés aussi de la faculté de produire le son que provoque le frottement des parties du corps que nous avons désignées plus haut. Ce sont des Insectes lourdsqui font rarement usage de leurs ailes ou volent maladroitement et qui préfèrent grimperle long des troncs d'ar- bres des forêts alors que le soleil brille du plus vif éclat, ou que la nuit a voilé la terre. Le nombre des Prionides est sensiblement moindre de celui des deux autres sous-familles restantes, et devient singulièrement petit en Europe, aussi ne nous arrêterons-nous qu'à dé- crire des espèces européennes propres h nos forêts de la France et de l'Allemagne. LES PRIONES PRIONi'S (I; Die Prioninen. Caractères. — Ces Cérambycides sont carac- térisés : parleurs antennes robustes dentées en scie, n'atteignant jamais plus des 3/4 de la lon- gueur du corps, portées par une tête transver- sale, creusée d'un sillon longitudinal, munie d'yeux médiocrement échancrés et d'un très court chaperon tronqué ou marqué, par leur prothorax fortement transversal, peu convexe, (1) np iv, scie. Brehm. — VU. parleurs pattes robustes, très comprimées, aux jambes antérieures et médianes bidentées, aux tarses dont l'article 1 est plus long que 2 ; par leur corps glabre, très velu seulement sur la poitrine. Distribution g^éog^raphique. — Ce genre ri- che en espèces est propre à l'Hémisphère bo- réal et notamment à l'Amérique du Nord ; l'Europe ne possède qu'une seule espèce. I,E PRIONE TANNEUR. — PItlONUS COltl IHIVS. Der Gerbrr, Forstbocl;. Caractères. — Le Prione tanneur {Prionus coi'/arius) ou le Capricorne porte-scie ainsi nommé parce que ses antennes affectent la forme d'une scie, — à proprement parler, les antennes ainsi construites, sont « emboîtées ou imbriquées », parce que ici chacun des articles en entonnoir s'applique dans celui qui le précède — est reconnuissable entre mille. Chez le mâle, un peu plus petit que sa com- pagne, on compte 12 articles et néanmoins les antennes n'atteignent que la moitié de la longueur du corps. La tête, petite, dirigée obliquement, le cor- selet faiblement voûté et armé de chaque côté de 3 dents dont la médiane est la plus forte et légèrement recourbé vers le ciel, ainsi que Insectfs. — 42 3i0 LES vEGOSOMES. d'autres particularités du corps, sont autant de caractères suffisamment indiqués par nos ligures ; nous ajouterons seulement que le Coléoptère brun de poix est couvert de poils gris sur le sternum (lig. 503 et o03). Fig. 505, — Lp Prione tanneur mâle. BlœnrB, habitudes, rrg^ime. — Au sujet de cet être aux allures lentes, nous ferons aussi remarquer, qu'on le trouve de la mi-juillet en août dans la profondeur des troncs des vieux arbres ou sur les vieilles souches de Chêne, de Hêtre ou d'autres espèces, sur lesquelles il se maintient immobile et comme engourdi. Vers la tombée de la nuit, il se ranime quelque peu, vole lourdement en bourdonnant; les mâles se mettant à la recherche des femelles. Après l'accouplement, les œufs sont déposés aux endroits où le bois commence à se pourrir, et la Larve se nourrit pendant plusieurs an- nées avec les débris de bois qui se décompose au fur et à mesure sur place, et finalement elle se construit une coque avec les mêmes maté- riaux où la Nymphe ne subira qu'un court re- pos. Le Coléoptère éclos ne jouira à son tour que d'une existence éphémère. LES ERGATES — ERGATES (1) Caractères. — La tête carrée à front concave est creusée d'un large sillon, très profond en avant ; les antennes dépassent chez les mâles la totalité, chez les femelles la moitié delà lon- gueur du corps ; elles sont ciliées et comptent 1 1 articles : le premier, gros, conique ; les autres, assez grêles ; les yeux sont entiers, largement séparés en dessus et en dessous ; les mandibu- les sont arquées, aiguës et dentées; le pro- (1) EpYaT>i;, ouvrier. thorax transversal, arrondi, à angles obtus a ses bords tranchants très finement dentelés à tel endroit et délicatement crénelés à tel au- tre ; il est finement ponctué en dessus avec des callosités luisantes et corrodées sur le disque ; les clytres allongées, graduellement rétrécies, présentent à l'angle suturai une petite dent ou épine ; les pattes sont longues, surtout les an- térieures dont les jambes sont terminées par deux éperons ; les tarses ont leur premier ar- ticle aussi grand que les articles 2 et 3 réunis. L'abdomen compte 5 segments. nistribution fféograplilque. — Les espèces peu nombreuses se trouvent dans le nord de l'Afrique, dans l'Asie occidentale, sur le con- tinent américain ; mais le type du genre est européen. li:rg.vti; cil^upentieh. — EJiCirTrs faber. Drr Zimmermann. Caractères. — Ce Coléoptèfc est bruu de poix ou plus ou moins rougeâtre, à élytres coriaces chargées de deux lignes longitudinales élevées, est généralement de grande taille, les femelles surtout, car il mesure de 27 h 47 mil- limètres (fig. 304). lUteurs, haliituiles, régime. — 11 vit dans les souches des Conifères, particulièrement des Pins, quoiqu'il ne soit commun nulle part; on prétend qu'à Toulon, il abonderait au point de devenir nuisible. M. Lucas a élevé les Larves de ce Longicorne en les tenant dans des cais- ses remplies de sciure de bois maintenue humide ; il a décrit et figuré Larve et Nymphe dans y Exploration scientifiquede l'Algérie. LES yEGOSOMES — JlGOSOMA (2) Caractères. — La tête saillante, sillonnée en dessus, a le front légèrement échancré an- térieurement ; les antennes, un peu plus longues que le corps, sontfiliformes, sétacées, âpres sur- tout à la base, à premier article gros, cylin- drique, à troisième article aussi long que le quatrième et le cinquième réunis, à quatrième plus long que les suivants ; les yeux assez lar- gement séparés sont fortement échancrés; les mandibules sont courtes, robustes, arquées, inermes avec une petite dent basilaire ; le pro- thorax transversal, rétréci en avant, épineux aux angles postérieurs : les élytres très allon- ("2) Aï;, clièvre ; ow|ia, corps. L'HYPOCÉPHALE ARMÉ. ;î;t I gées, parallèles, sont un peu plus larges que le corselet à la base et épineuses ou inerines à l'extrémité ; les pattes sont longues surtout les postérieures avec les jambes un peu élar- gies au bout et les tarses à premier article plus long que le deuxième. Diatribution géoi;;raphi<|ue. — LesespècCS, pour la plupart asiatiques ou indo-malaises, ont le faciès de notre unique espèce euro- péenne. L'.CGOSOME SCABRICOR»:. — .HGOSOM l SC IBIll- Caractères. — Ce beau Longicome de grande taille, mesurant 27, 30 et même 47 mill., est brun fauve sur la tète et le prothorax, brun fauve teslacé sur les élytres qui sont chargées de deuxlignes longitudinales peu saillantes. Uœurs, habitudes, rég;iine. — Cet Insccle, quoiqu'il choisisse, pour déposer ses œufs, indilléremment le Tilleul, le Marronnier, le Sycomore, l'Orme, le Chêne, le Pommier, le Noyer et môme le Peuplier, est devenu rare parce qu'il affectionnait les vieux arbres décré- pits qui ont disparu presque partout; c'est d'ailleurs un animal nocturne qu'on doit chas- ser à la lanterne ; il habite de préférence nos départements tempérés et méridionaux; Mul- sant et Gacogne, ainsi que Perris, ont déciit sa Larve et sa Nymphe. Nous signalerons encore parmi les Prionines indigènes, le Tragosoma depsarium, espèce des Alpes et des Pyrénées, dont la Larve creuse de profondes galeries dans les souches des Sapins et des Pins {Pinus uncinala dans les Pyrénées), et le Prinobius Myardi qui vit dans le Chêne vert et habite notre département du Var et surtout la Corse. LES HYPOCÉPHALLNES — HYPOCE- PHALIN.E Ce groupe ne comprend qu'un seul genre fondé sur un seul et unique Insecte; mais cet Insecte a un faciès tellement singulier qu'il mé- ritait d'être classé à part. Ce faciès est même si étrange qu'il a dérouté pendant longtemps les Naturalistes sur les véritables affinités zoolo- giques du Coléoptère type. En eûetDesmarest, en créant le genre Hypocephalus, le plaçait à côté des Silpha; Westwood le rangeait parmi les Cucujides ; Gistl avait créé pour lui une famille spéciale intermédiaire entre les Lamel- licornes et les lléteromères ; M. Blanchard le mettait également dans une famille spéciale, qu'il rapprochait des Cérambycides ; Spinola créait pour lui un ordre qu'il détachait des Coléoptères. Aujourd'hui d'après les considé- rations émises par Burmeister, J. Thomson, Lacordaire, l'Insecte aberrant est venu prendre place parmi les Longicornes ; mais il est cer- tainement le plus bizarre des Longicornes. Caractères. — En effet ils ont les antennes très courtes, en partie moniliformes; le pro- thorax oviforme de moitié aussi long que le corps tout entier; les pattes extraordinaire- ment robustes, surtout les postérieures, por- tent des tarses filiformes et pentamères. Les ailes manquent, aussi les élytres sont-elles soudées. LES ilYPOCÉPUAUiîi — £1 y POCE PB A- LUS Caractères. — Les Caractères sont ceux du groupe. Distribution géographique. — L'unique re- présentant du groupe est originaire du Brésil, L'IIVI'OCEPIIALE ARJIi;. — IIY fOCEPIlALUS JJt.UJJUS. Caractères. — La physionomie de cet étrange Fig. 506. — L'Hypocéphale armé. Insecte rappelle tout à fait celle du Taupe Gril- lon (fig. ."51)6 ; il csl de grande taille et mesure 33^ LE SPONDYLE BUPRESTOIDE. 6 à 7 centimètres; sa coloration est uniformé- ment d'un brun noirâtre mat ; le corselet est marqué de six points enfoncés ; les élytres très convexes, acuminées, munies en avant d'un large repli, sont chargées de 4 côtes. Les pattes postérieures ont une structure fort singulière; les cuisses, renflées à la base, sont échancrées à l'extrémité et munies en dessous d'une forte dent aplatie; les jambes sont très arquées, for- tement élargies et tronquées au bout. Hlœiirs, habitudes, régime. — Ce rare et sin- gulier Coléoptère n'a été trouvé jusqu'ici qu'au Brésil dans les Provinces de Bahia et de Minas Geraes ; on l'a rencontré se traînant à terre paresseusement. Tout porte à croire qu'il creuse le sol et passe son existence sous terre. LES CERAMBYCINES — CERAM- BYCIN.E Die ScIinigliopfbiJcke. Caractères. — Les représentants de ce groupe se séparent moins nettement des Prio- nines que des Lamiines; cependant ils ont en général : la languette membraneuse et non pas cornée; deux lobes distincts aux mâchoires; le labre libre, c'est-à-dire, non soudé au cha- peron ; le tergum du prothorax rarement séparé des flancs par une arête ; les hanches antérieures de forme variable. Leur prothorax ne porte jamais plusieurs épines latérales ; leur mésothorax est muni généralement d'un appa- reil de stridulation. Ils se distinguent nettement des Lamiines par deux particularités : leur dernier article des palpes n'est jamais aciculé et les jambes anté- rieures ne sont jamais creusées d'un sillon interne. Leurs Larves ont plus de ressemblances avec celles des Prionines qu'avec celles des Lamii- nes. Distribution géographique. — Répandus sur le globe entier, ils sont au nombre de plu- sieurs milliers répartis dans plus de SOO gen- res ; on rencontre parmi eux les formes les plus élégantes et les plus variées aux longues et bel- les antennes, aux reflets métalliques les plus éclatants. LES SPONDYLES — SPO\DrLIS{\) Die Spondylinen. Caractères. — Ce sout des Cérambycides aberrants qui établissent la relation avec les Prionines. La tête courte, penchée, aplanie et déclive, est tronquée en avant; les antennes sont courtes, à peine prolongées jusqu'aux angles postérieurs du prothorax, et insérées près de la base des mandibules; articles 1 et 3 courts, 3 plus court que les deux suivants réu- nis ; les yeux étroits, verticaux, sont assez échancrés; les mandibules verticales, arquées dès la base, simples au bout, circonscrivent un espace vide; le prothorax arrondi, inerme et presque globuleux; les élytres sont courtes, cylindriques; les pattes robustes, courtes, ont les jambes comprimées, âpres, denticulées en dehors, et les tarses paraissent avoir cinq arti- cles; le corps est cylindrique. nistributiou g;éographi<|ue. — L'Europe et l'Amérique du Nord se partagent les quelques espèces de ce genre. Li: SrONDYLE IfUPRESTOlDE. mil'lŒSTOIDES. SI'OyUYLlS WaldMfcr. Caractères. — Celte espèce (fig. 307), type du genre, rappelle par sa forme, les Xylophages Fig. 507. — Spoiidyle Buprestoïdc. et établit une véritable relation entre eux et les Cérambycides ; elle est noir mat, ponctuée avec les élytres ornées de deux lignes longitudinales, élevées, n'atteignant pas l'extrémité ; sa taille varie entre 13 et 22 mill. Mœurs, liubitudes, régime. — Ce Longi- corne se trouve dans toute l'Europe partout où croissent des forêts de Pins ; c'est un Insecte ordinairementnocturne, mais qu'on prend quel- quefois au vol en plein jour. Perris a trouvé sa (n -Timôv/r,, nom donne par Aristote à un Insucle. LE CKRAMBYX HEROS. •.iXi Larve et sa Nymphe dans le l'in marilime. La Larve, d'un violet roiigeAtie translucide, pré- sente cette particularité d'avoir des pattes assez longues ; la Njniphe est couverte d'épines. En Allemagne le l'ic noir leur fait une chasse active. LES (;ÉK.\MBYX — CEBAM/nX (I) Die (ÀTamhyriin:!). Caractère». — Ces Coléoptères ont la tète allongée, penchée, fortement sillonnée entre les antennes ; leurs antennes qui dépassent le corps au moins de moitié chez les mâles, comptent H articles, les 3% ¥ et 5° noueux, les 6° à 10° comprimés, le If très long, ter- miné en pointe; les yeux, médiocrement sépa- rés en dessus, n'atteignent pas le bord anté- rieur des tubercules antcnnifères ; les mandi- bules sont verticales et saillantes. Le corselet, aussi large que long, convexe, arrondi, couvert de rides transversales, porte un fort tubercule épineux de chaque côté ; l'é- cusson est un triangle curviligne ; les élytres débordent largement le corselet, et sont deux fois plus longues que larges ; les pattes sont longues, comprimées, aux cuisses linéaires, aux jambes sans dentelures, au 1""' article des tarses postérieurs égal au 2^ et au 3° réunis ; le corps est allongé, glabre en dessus, pubes- cent en dessous. outributioii géograpiiiiiue. — Us appar- tiennent à l'hémisphère boréal et à l'ancien continent ; on en a décrit plusieurs espèces. LE CÉBAHBYX HÉROS. — CEUAMIIVX HEROS. Der Heldbock. Caractères. — L'ensemble de tous ces- ca- ractères se trouve chez le Cerambyx héros, «Capricorne héros», qui devrait, à vrai dire, s'appeler C. cerdo, Linné, si, abandonnant l'usage consacré par le temps, on suivait ri- goureusement la loi de priorité. Ce grand et beau Coléoptère dont la taille peut atteindre 29,33 et même 49,5 millimètres, d'un noir bril- lant, est figuré avec le Lucane sur notre Planche V intitulée « Cerf-volant et Capricorne héros » ; ses élytres, brun de poix, un peu amincies postérieurement, où elles passent davantage au marron, présentent des rugo- sités de plus en plus accentuées vers la partie \j Kif.7,:, corne; oyjt, bunif. antérieure, et ont leur extrémité tronquée avec l'épine suturale peu accentuée ; le des- sous du corps et les jambes sont couverts de poils soyeux à reflets argentés. llœur», habitutleH, régime. — La Larvu que nous avons encore reproduite (fig. 308) lors- Fig. .'lOS. — Larve du Coraiiibyx héros. qu'elle a acquis son développement complet et avec ses plaques dorsales chagrinées sur la majorité de ses anneaux, vit durant plusieurs années(3 à 4) dans l'intérieur des vieux Chênes. Les galeries qu'elle pratique sont très larges, plates, nombreuses et étroitement entrelacées sous le parcours de l'écorce, où une vermou- lure dense se presse partout ; mais de là, ces travaux de mine pénètrent dans la profon- deur du bois, où ils prennent parfois une largeur prodigieuse. Les Chênes séculaires, les géants des forêts sont le point de mire des femelles pondeuses; aussi, les dégâts de ces Larves colossales de- viennent-ils incalculables, et, minés par un grand nombre d'entre elles, les plus beaux arbres finissent par succomber avec le temps. Un peut encore admirer autour de la mare d'Auteuil, au bois de Boulogne, un magnilique groupe de Chênes antiques taraudés en tous sens par ces énormes Larves, et sur lesquelles on pouvait encore, il y a quelques années, voir au crépuscule les Capricornes prendre leurs ébats ; aujourd'hui l'installation d'un champ de courses a changé la physionomie du bois, et le naturaliste-observateur est privé de ses récréations favorites, les quelques arbres res- pectés, étant enclavés dans une enceinte. Mais à l'ontainebleau, la nature a pu encore conser- ver ses droits, et quelques chênes vénérables, notamment dans les gorges d'Apremont, res- tent encore debout pour montrer la puissance de destruction des Cerambyx. Le Coléoptère sort de la Nymphe (fig. 309) en juillet ; il ne se montre point le jour, tout au plus s'il laisse voir le bout des antennes pendant qu'il reste caché dans son trou de sortie, mais pour les rentrer prudemment :J34 LE PETIT CÉRAMBYX NOIR. aussitôt que l'on s'approche sans précaution. Le plus souvent même il se laisse arracher l'extrémité des antennes plutôt que de se laisser tirer dehors. Après le coucher du soleil il sort volontaire- ment de sa retraite, se met à voler avec viva- Fig. 509. — Nymphe de Cérambyx l)cros. cité, mais moins haut relativement que beau- coup d'autres membres de la famille. L'ac- couplement a lieu la nuit et les ébats aériens sont éphémères comme chez les Lucanes. Lli CÉU.\MBVX Vr.LOUTIÎ. — CERAMHYX VELV- TINVS. Dans le midi de l'Europe, et même dans la France méridionale on trouve une espèce toute semblable, le C. velulimis, dont la taille peut se développer davantage et varie entre 34 et 56 millim. ; elle se distingue du précédent par le revêtement de duvet cendré qui existe en dessus aussi bien sur le corselet que sur les élytres et par la forme de ses élytres qui sont arrondies postérieurement au lieu d'être tronquées. La Larve vit également dans le Chêne. LE CÉRAMBYX SOLDAT. — CERIHIBYX MILES. Le C. miles est encore une grande espèce méridionale (29 à 33,5 millim.) qui se distin- gue entre tous par l'aspect noueux des arti- cles 3, 4 et 3 de ses antennes, par la forme des articles 6 à 10 dont l'angle antéroexterne se prolonge en une sorte d'épine, et par la forme arrondie de l'extrémité de ses élytres dont la suture ne porte point d'épine. Cette espèce moins commune se développe dans le Chêne. LE CERAMBYX DE MIRBECK. BECm. CERJ.VDIX Min- Le C. Mirhecki, autre grande espèce (45 à 49,3 mill.), vit dans l'écorce, puis dans l'aubier du Chêne-liège en Algéricj en Espa- gne, etc. Lli PETIT CÉRAMBYX INOIR. — CERAiUllYX CERDO OU SCOl'OLll. Dey Handirerker. Caractères. — Le petit Cérambyx noir re- présente le G. héros dans des proportions ré- duites (18 à 29 millim.); comme ce dernier, il est noir, mais il est garni sur la tête et sur les élytres d'un duvet soyeux argenté ; ses antennes également revêtues de duvet ont une épine à l'angle antéro-externe des articles 6 à 10; le prothorax porte également un tubercule épi- neux de chaque côté ; les élytres parallèles, arrondies à l'extrémité, n'ont point d'épine à l'angle interne. illœurs, habitudes, rég^ime. — Comme Ce Longicorne n'a pas son sort lié à celui des vieux Chênes, il est plus largement répandu que les précédents, tout en paraissant avoir une prédilection à se cantonner dans certaines localités. Taschenberg rapporte qu'on le voit par exemple apparaître annuellement en nom- bre considérable aux environs de la vallée de Saal du district de Naumbourg, il manque totalement plus loin dans la région inférieure à partir de Halle sur une distance de plusieurs milles. Par ses mœurs il s'éloigne sensiblement de son élégant congénère ; car il vole en plein soleil en recherchant les arbrisseaux fleuris tels que le Prunellier épineux, la Viorne, le Troène, etc., pour y puiser le miel en com- pagnie de tant d'autres amateurs de sucre appartenant au monde des Insectes. La Larve qui vit sous l'écorce et dans le bois de divers arbres malades. Chênes, Pommiers, Cerisiers et autres, ne diffère que par la taille de celle du C. héros. Nordlinger en 1843 découvrit des Larves rongeant un Pommier, dans un état de développement assez avancé. Toutefois il n'en obtint le Coléoptère qu'en mai 1847 ; il suppose que la sécheresse du bois fut la cause de la lenteur de cette évolution. 11 est une série de Cérambycines qui com- prend les plus belles espèces, aussi remarqua- bles par l'élégance de leur port que par la variété et la magnificence de leurs vêtements ; ce sont les Callichromes qui sont répandus en Amérique et en Afrique. On en a séparé sous le nom à'Aromia notre unique espèce euro- péenne. LES ROSALIES. :{;»5 LES AROMIES — AROMIA Caractère». — Leur lôte porte entre les antennes nn bourrelet très concave ; leurs mandibules sont conrtes, droites, puis brus- quement arquées etmunies d'une dent interne ; les palpes labiaux sont notablement plus longs que les palpes maxillaires ; les antennes séta- cécs de M articles ont le 4° article plus grand que le 5°, le corselet plus large que long est armé sur les côtés, vers le milieu, d'un tuber- cnle épineux, antérieurement d'une saillie anguleuse, postérieurement d'une dent ; les élytres, plus larges que le corselet et parallèles, sont flexibles et métalliques : le corps n'est jamais duveteux en dessus. LAnOMIK MISQCÉE. - AROVIJ MOSCIl tTA. Der Moschuitbock, Bifinnbocl;. Caractères. — L'Aromie musquée (Arnmia moschata), a les antennes, le dessous du corps et les jambes bleu d'acier ; la face dorsale est ordinairement d'un vert métallique brillant, mais elle se nuance à l'infmi et peut devenir : vert doré, vert bleuâtre, bleu verdâlre, violet verdâtre, violâlre, noir bronzé. Les élytres, 5 fois plus longues que le corselet, sont à peu près planes, Jinement chagrinées et sont ren- forcées par deux nervures longitudinales. Le corps est allongé et glabre ; les pattes postérieures sont longues et ont leurs jambes comprimées et légèrement arquées, Le cor- selet presque plan et inégal en dessus est ridé faiblement vers les bords antérieurs et posté- rieurs. Les antennes, chez le mâle, sont plus longues que le corps et le dépassent de plus du quart et ont leur 11- article plus long que tous les autres ; les antennes, chez la femelle, sont moins longues que le corps et leur 11' article est plus court que le 3°. Mœurs, habitudes, régime. — Ce Coléop- lère, qui doit son nom à la forte odeur qu'il exhale, vit aux dépens des Saules ;\ l'état de Larve el d'Insecte parfait. La Larve, conformée comme celle figurée p. 167, au lieu d'avoir les dessins que celle-ci porte sur la partie dorsale, présente des sillons à contour carré qui sont quelque peu modifiés sur la partie abdominale. Les 3 premiers anneaux sont munis de pattes excessivement petites et pouvant facilement rester ina- perçues. Elle ronge les Saules élôtés, les souches bos- suéos et informes des Osiers dans lesquels elle creuse des galeries fort irréguliôres. Elle a pour tâche, soit en compagnie de la Chenille du Cossus, soit de la Larve du Cryptorhynque ou d'autre vermine, de faire disparaître plus de bois qu'il ne s'en produit de nouveau, aussi l'arbre épuisé est-il bientôt condamné. Ce Coléoptère, sorti de sa Nymphe durant l'été, se met à rôder dans le voisinage de son berceau jusqu'à ce que les sexes se soient rencontrés. Pendant les jours de mauvais temps il se cache sous les feuilles ou dans le terreau, les antennes couchées sur le dos; au contraire par de belles journées on le voit se promener vivement sur les troncs et les branches, en balançant continuellement ses antennes dirigées en avant ; il lui arrive aussi parfois de s'envoler brusquement pour chercher ailleurs son semblable. Il n'est pas rare sur les Saules dans toute la France et l'Europe tempérée. Dans les Pyrénées-Orientales, dans les val- lées de Villefranche et de Prades, en Espa- gne, en Algérie on capture une magnifique Aromie toute semblable à la précédente, mais ornée sur le corselet de part et d'autre d'une tache d'un beau rouge. C'est YAromia amhro- siaca, qui aujourd'hui, d'après les observations de Jacquelin du Val, est descendu du rang d'espèce et n'est plus considéré que comme une remarquable variété de l'A. moschata. LES ROSALIES — ROSAIJA (1) Les Rosalies sont des Callichromes qui peu- vent rivaliser pour la beauté avec les superbes espèces brésiliennes. Caractères. - Ce genre se distingue : par sa lèle munie entre les antennes d'un bourrelet concave, ornée d'antennes démesurées, beau- coup plus longues que le corps, sétacées de U ou 1-2 articles, le 12" paraissant appendi- culé; par son corselet transversal, régulière- ment arrondi, armé de chaque côté d'une épine oblique ; par ses élytres plus larges que le corselet, planes, parallèles et flexibles ; par ses longues pattes, aux cuisses en massue allongée. Uistribution géographique. — Les dCUX seules espèces connues appartiennent à l'hé- (l)Rosalia, nom donné en souvenir de Geoffroy qui nommait notre espèce indigène In Rosa/ie. xm L'HYLOTRUPES BAJULUS. misphère boréal, l'une :\ l'Amérique du Nord. 'Europe, l'autre à hX KOSALIE I)KS ALI'ES. — liOS tLlA ALPIN J. Voil;\ certes le plus beau de nos Gérambyci- des indigènes, c'est un regret pour nous de ne pouvoir nipttre sous les yeux du lecteur qu'un portrait triste et noir qui donne une bien pauvre idée de ses fraîches et harmonieuses co- lorations. Caractères. — Entièrement revêtu d'un épais duvet gris cendré bleuâtre, il a les an- tennes annelées de gris et de noir, le corselet orné près du bord antérieur d'une tache de Fi:;. Mil. — liosalio dps Alpo.s. velours noir ; ses élytres sont agrémentées d'une bande et de deux taches de velours noir. Sa taille varie entre 22 et 36 millim. llœurs, habitudes, résîiiie. — C'est un habitant des grandes forêts de Hêtres, qui couvrent les flancs des montagnes de l'Eu- rope ; les femelles confient leurs œufs aux plus vieux Fayards. On le trouve, mais jamais en grand nombre, dans les Alpes, les Pyré- nées, à la Sainte-Beaume, dans les Cévennes. LES PURPURICÈNES — PURPURI- CEXUS (1) Caractères. — Ce genre comprend de jolis Insectes que leur livrée caractérise à un haut degré ; elle ne comprend que deux couleurs, le rouge-écarlate et le noir, qui se combinent de mille manières. Leur corselet convexe armé de chaque côté d'un tubercule épineux est cha- griné en dessus et ne présente ni rugosités ni rides, les élytres plus larges que le corselet sont convexes et résistantes. Distriliution géographique. — Leur aire de distribution s'étend au globe entier, et l'Europe possède quelques espèces. m; rrRPiTiiicù.\'EDEKOEni.En. - puispuricenus JiOEIlLERI. Caractères. — C'est un élégant Cérambycide noir, de 13 à 20 millimètres, aux élytres entiè- rement rouge-vermillon, ou marquées sur la suture d'inie tache noire oblongue, au protho- rax tantôt noir, tantôt orné, de chaque côté, d'une tache rouge ou bordé en avant d'une ligne rouge, qu'on trouve dans toute la France, et très souvent aux environs de Paris. mœurs, habitudes, ré«;ime. — Sa Larve po- lyphage se développe dans les Saules, les écha- las de Châtaignier et de Robinier, dans des branches mortes de Chêne et même de Tria- canthos ; elle a été décrite par Perris. Il est quelques genres de Cérambycines qui viennent se grouper autourdu genre Callidiiim pour former un petit groupe que Mulsantnomme les Callidiaires : nous mentionnerons quelques- uns d'entre eux. LES IIYLOTRUPES — HYLOTRUPES (2) Caractères. — Leur tête presque plane entre les antennes, porte desantennes grêles, pubes- centes, atteignant à peine la moitié du corps, et des yeux très fortement échancrés ; comme dans tous les Callidiaires, le corselet est plus large que long ; ici, il est cordiforme, arrondi sur les côtés et chargé de deux empâtements luisants ; le prosternum présente une très large saillie ; les élytres, plus larges à la base que le corselet, sont flexibles ; le corps large est très villeux. Distribution gréographique. — L'espèce ty- pique très commune dans toute l'Europe, s'est répandue sur une grande partie de la terre. L'HYLOTKUPES BA.IULUS— ;/r/.077it//'/ÎS 11 UVTMS. Caractères. — C'est un Coléoptère (flg. 514 et 3 1 .o) aplati, à pattes courtes, à cuisses renflées et qui se distingue encore par ses antennes courtes et filiformes, son corselet discoïde, et par l'exis- tence chez la femelle d'une tarière allongée. La corps est brun foncé ou brun-chàtain et recou- vert de poils cotonneux grisonnants surtout (I) Purpura, pourpre. (3) ïuXov, bnis ; TfuTiàu), je perce. LES CALLIDIES. 337 Fig. ôll. Fig. 517. Fig. ôll. — Le Clytc bélier. Fig. 5PJ. — Le iVecydalc major. Fig. 513. — Lo Dorcadion crucifcr. Fig. 51 i et 515. — L'Hylotrupos domestique (grand et petit exemplaire) sur une ocorce rongée par la Larve. Fig. 51C. — La Callidic variable. Fig. 517. — La Callidie bleue. Fig. 511 à 517. — Les Cérambycincs ou Lamiines. sur le corselet où se voient encore quelques inégalités plus foncées et dans certains cas un dessin rappelant vaguement un visage ; les élj'- Ires rugueuses sont très souvent ornées vers le tiers de leur .longueur de deux mouchetures velues blanchâtres et d'une troisième mouche- ture postérieure. La taille varie entre 6 1/2 et 19 1/2 millimètres. Mœurs, Iiabitud<-B, régime. — Plusieurs Longicornes vivent à l'état de Larve dans la charpente de nos maisons. C'est pour cela qu'on rencontre communément dans nos demeures l'Bylotrupes bajulus, qui pour cette raison a reçu le nom de Capricorne domestique. Lorsque les Insectes parfaits apparaissent surtout dans les vieilles constructions où les bois de Pin et de Sapin dominent, il est quel- quefois difficile de se rendre compte de l'ori- gine de leur apparition. Quand ils quittent leurs retraites et se montrent tout couverts de sciure, nous sommes étonnés de leur présence ; ils semblent encore plus étonnés de ce qui les entoure ; et autant que le leur permet la briè- veté de leurs pattes, ils se mettent i\ courir pré- cipitamment pour s'échapper sans trop savoir où ils vont, en témoignant une certaine satis- faction s'ils atteignent une fenêtre ouverte. La femelle introduit sa longue tarière dans les fentes des vieux bois de Pin et de Sapin, et lorsqu'on voit des poteaux, des pieux, des boi- BiŒiiM. — VIL séries, des parquets, des fenêtres et même des meubles perforés de grands trous, on peut mettre avec assez de certitude les dégâts sur le compte du Capricorne domestique. C'est ainsi, comme l'a observé M. Lucas, que les antiques potences qui supportent les réverbères, derniers vestiges d'un autre âge, qui éclairent encore lesberges du quai Saint-Bernard, sont taraudées par les Hylolrupes. Une boîte à Insectes, qui ne servait plus, avait été laissée depuis plusieurs années sur le plancher; rendue de nouveau à sa première destination, le bruit du bois qu'on racle et la sciure rejetée ça et là, révélèrent la présence d'une Larve qui s'était établie dans les parois latérales et le fond, en ayant soin de mé- nager une mince couche de bois à la surface ; les étapes faites de jour en jour, pendant le creusement des galeries, conduisirent finale- ment à sa retraite. Cette Larve quelque peu aplatie en avant, sans dessins, ni inégalités sur les anneaux, est complètement apode. LES CALLIDIES — CALLID/UM (l) Die Callidiinen, Schcibcnbocke, Car.-ictèrcs. — Ce genre, que Mulsant a sub- divisé en un certain nombre d'autres genres (Ij Kaû.oc, belle; iôia, forme. Insectes. ^-^ 43 338 LA CALLIDIE MELANCOLIQUE. peu définis, offre les caractères suivants : la tête est munie d'un faible bourrelet entre les antennes ; celles-ci de longueur variable sont sétacées, à troisième article plus long que le quatrième ; le protborax déprimé, transversal, est très arrondi sur les côtés ; les élytres planes arrondies sont parallèles ou dilatées en arrière, les pattes ont les cuisses pédicellées et renflées en massue. I>i»tribution géographique. — La majeure partie des 73 espèces habitent l'Europe et l'Amérique du Nord. LA CALLIDIE VARIABLE. — CJLUDIUM PARIJBILE. Veranderlicher Scheibenbockkàfcr. Caractères. — Le Callidium variable [P/nj- matodes variabile), bien plus élancé, plus long de pattes et plus alerte que le précédent, s'en rapproche cependant beaucoup pour le fond de la conformation ; il a un peu le faciès d'un Téléphore (fig. 516). Ses antennes sont séta- cées, attachées au bord même des yeu.x et atteignent la longueur du corps, le troisième article en est presque 3 fois aussi long que le deuxième ; le corselet arrondi, toutefois un peu plus large que long, a sa surface surmon- tée de A petits tubercules disposés en croix ; les élytres, qui ne dépassent pas eu largeur la moitié du corselet, sont cinq fois plus lon- gues ; déprimées, presque parallèles, flexibles, finement ponctuées et d'aspect soyeux, elles se terminent chacune par un bord obtusément ar- rondi. Le prosternum sépare les hanches anté- rieures ; le mésosternum se prolonge entre les hanches médianes. Ce Coléoplère est bien nommé, car sa colora- tion est extrêmement variable. Tantôt il est d'un noir luisant, uniforme avec les élytres teintées de bleu d'acier; tantôt il a les antennes, le corselet (ou seulement ses bords) et aussi, d'une manière plus ou moins prononcée, les jambes, rougeâtres ; ou bien encore l'Insecte est jaune-rouge avec les élytres d'un jaune brun, noires à l'extrémité et la poitrine com- plètement noire. Sa longueur est de 7, de 10 et mômede 14 millimètres. mœurs, habitudes, n'-gime. — Avivant dans les bûches servant au chaufl'age, il peut se mon- trer dans les chantiers, les maisons ou dans leur voisinage ; c'est du reste un Longicorne fort commun. Sa Larve, pratique sons les écor- ces des Chênes, et quelquefois des Hêtres et des Châtaigniers, des galeries larges et irrégulicres qu'elle remplit de sciure. Le colonel Goureau rapporte qu'à Cherbourg en 1847 cette Larve détruisit les cercles en chêne des barils à poudre. LA CALLIDIE MlîLAiN'COLlQUE. — CALLIDIVM MELÎNCIIOLICUM C'aractî'res. — Le C. melancholiciDn offre, comme le précédent, une coloration très va- riable; il est généralement brun vioiatre avec le corselet flave testacé, chargé de part et d'au- tre d'un relief en forme de croissant, le dessous du corps brun, le dernier arceau ventral et le bord des autres flave testacé, les pattes fauves testacé, la massue des cuisses postérieures brune. Mœurs, habitudes, résinie. — Perris a par- faitement suivi révolution de cet Insecte nui- sible. «La femelle, dit-il, pond ses œufs sur les pieux récemment coupés, ou les branches ré- cemment mortes du Chêne et du Châtaignier; mais elle paraît donner la préférence à ce der- nier, et je ne lui en fais pas mon compliment, car cette prédilection la rend très désagréable aux propriétaires viticulteurs et aux négociants en vins, surtout dans les contrées où les cercles de futailles sont presque exclusivement de Châ- taignier. Ces cercles sont ordinairement con- fectionnés vers la fin de l'hiver, et dans le cou- rant du printemps ; qu'ils soient en magasin ou adaptés aux barriques, ils reçoivent les germes de cet Insecte. Les Larves souvent très nombreu- ses, cheminent durant des mois sous l'écorce, sillonnent profondément l'aubier de cannelures longitudinales mais sinueuses, enchevêtrées, lorsque les travailleurs sont en nombre et alors tellement rapprochés que la ténacité du cercle en est sensiblement affaiblie et que son écorce est presque entièrement détachée, Mais ce n'est pas tout: quelque temps avant leur dévelop- pement complet, ces Larves qui veulent mettre la Nymphe future à l'abri de tout danger, pé- nètrent dans les couches ligneuses et y creusent une loge oblique dans laquelle elles se retour- neront la tête en dehors aux approches de la Métamorphose; ou bien elles y pratiquent une galerie, longitudinale qui débouche à quelque distance du point de départ. Ces cavités, ces galeries, diminuent encore d'au tant la résistance des cercles, et au bout d'un an ou deux, car il y a encore des Larves la seconde année, les cer- cles sont hors de service. Heureux s'ils n'écla- LE GRIOGEPHALE RUSTIQUE. ;j;ii) tent pas aux époques de la feinientalion ou durant les transports, et si l'on ne doit pas, comme cela m'est arrivé, à cet Insecte malfai- sant et à la Gracilia pijmxa, ordinairement sa complice, la perte instantanée d'une barricuic de vin. » Perris recommande, pour éviter les inconvé- nients qu'il signale, d'emmagasiner les fûts dans des celliers inaccessibles ;\ la lumière et surtout d'écorcer les cercles; celte dernière prescrip- tion nous paraît peu réalisable. L.l CALMDIK BLEUE. — CALLIDIVM l lOLICEUM. Blauer S^chcibenb'ifer. CiiTacii-rea. — Le Callidium bleu (Calliilium violaceum, fig. 317, p. 337), est plus ramassé, plus massif que le précédent et atteint jusqu'à Hi niillim. ; il a les antennes sélacées plus courtes que le corps, le corselet plan arrondi symétri- quement sur les côtés et fortement ponctué; les élytres, plus larges que le corselet, sont pla- nes et fortement ponctuées ; les cuisses sont moins épaissies à leur extrémité. Le corps deceColéoptère est bleu-violet, plus clair en dessus, plus foncé en dessous ; avec le ventre brun, l'extrémité des antennes brun rou- ge;\lre, les jambes et les tarses bruns. Mœurs, habitudes, rôgiiue. — Il est com- mun dans toutes les régions montagneuses, où croissent les Sapins aussi bien dans les Alpes, que dans les montagnes du Lyonnais. Par suite de sa manière de vivre il a été, de même que l'Hylotrupe domestique, transporté dans l'Amérique du Nord, où il s'est môme naturalisé. LA CALLIUIE SA>GUI.\E. — CALLIDIUM SAsaviynvM. Caractères. — Ce Longicome noir, mais re- vêtu sur la tête, le corselet et les élytres d'un épais duvet soyeux du plus beau vermillon, dontla tailleassez petite varieentreOet lOmill., est ini Insecte fort commun qui est aussi un liôte de nos maisons. Mœurs, liabituD MÎCYDALIS. — NECIDJLIS M JJOlt. Grosscr Ilalideck, Bockhdfer. Le grand Nécydalis (fig. .t 1 2, p . 337) a autrefois misle pasteur Schatferdansun grand embarras, comme en fait foi une lettre adressée à Réau- mur en 1733. Ce Coléoptère, sorti sans doute d'un morceau de bois de Prunier, fut trouvé dans l'atelier de tourneur du beau-frère de Schiiffer et remis à notre observateur pour donner son avis sur cet être phénoménal. Il le compara au grand Sirex, mais trouva en y re- gardant de plus près et en le dessinant, que ce devait être une Lepture. Description et figure furent envoyées à Réaumur, en le prian t de vou- loir bien donner son avis sur un animal aussi étrange et de le nommer, s'il le connaissait. Caractères. —La principale particularité de cette espèce consiste donc dans la brièveté des élytres qui ne peuvent couvrir ni l'abdomen long et étroit, ni les ailes à membrane fort mince qui s'étendent sur toute sa longueur. L'Insecte est entièrement noir à poils dorés ; les antennes, les jambes, les élytres sont d'un jaune-brun rougeâlre; l'extrémité des cuisses postérieures est plus foncée; chez le mâle les (I, .\î/.'Joa),rj:, nom donne par Aristotc à la ClirysaliJc du Vur à soie. 348 LES DORGADIONS. antennes ne sont jaunes qu'à leur base. lla>nr§, habitudes, rôginie. — Cet intéres- sant Longicorne se trouve sur les buissons et sur les troncs d'arbres brisés ; Taschenberg l'a rencontré sur des Chênes et des Cerisiers, dans l'intérieur desquels la Larve avait cer- tainement vécu, comme le prouve de nom- breux trous de sortie. 11 n'est pas très com- mun et c'est le plus élégant représentant indigène de ce groupe aux formes étranges. LES LAMIINES — L AMI IN M Spitzbocke. Caractères. — Ces Longicornes se distin- guent très nettement des Prionines et des Cerambycines, par deux caractères d'une très grande fixité : le dernier article des palpes est aciculé ou fusiforme, jamais émoussé ni sécu- riforme; leurs jambes antérieures sont creu- sées d'un sillon oblique à leur face interne, tandis que celles du milieu en présentent un pareil généralement au dehors. En outre leur tète est verticale, et le front fait avec le som- met de celle-ci un angle droit ou un angle aigu; cette position de la tête rappelle tout à l'ait celle des Sauterelles et des Grillons. Les membres de cette subdivision, malgré la va- riété et la richesse de leurs formes, présentent donc des caractères qui permettent de les rap- porter de suite au groupe dont ils font partie. Distribution g'éog^raphiquc. — Le nombre to- tal des espèces dépasse celui des deux dernières sous-familles prises ensemble ; aussi les La- mines sont-ils répandus sur toute la surface du globe. LES DORGADIONS — D0RCAD10N[\) Die Dorcadioninen, Erâhôcke. Caractères. — Le genre Dorcadion propre- ment dit est la plus complète expression de celte section, ses nombreuses espèces repro- duisent les formes comparables à celles que nous avons vues chez les Piméliens parmi les ïénébrionides et chez les Brachycères, parmi les Curculionides ou encore parmi d'autres fouisseurs. Toutes les espèces de ce genre en effet ont la forme ramassée de celle que nous désiguerons plus loin. (l)Aopxaôiov, jeune chevreuil. Les antennes, épaisses à la base, sontsétacées graduellement, jamais aussi longues que le corps, et, vers l'extrémité, les articles devien- nent constamment de plus en plus courts. Le corselet, plus large que long, porte au milieu de chaque côté une petite pointe aiguë. Les élytres sont à leur origine à peine plus larges que le corselet, et ce n'est qu'au milieu qu'elles atteignent leur plus grande largeur. Chacune d'elles se termine par un bord ar- rondi, et leur longueur totale égale ou dé- passe la grande largeur des deux élytres prises ensemble; elles enchâssent fortement le corps de l'Insecte. Les pattes sont courtes et épaisses el les jambes médianes sont armées de cro- chets vers l'extrémité, sur le côté externe. Le corps est « aptère » et le plus souvent cou- vert de poils veloutés qui s'enlèvent par le frot- tement et qui forment, surtout sur les élytres, d'élégants dessins : raies, croix, taches, etc. Mais ces dessins, en raison de la facilité avec laquelle ils s'enlèvent, rendent la détermination des espèces extrêmement pénible sur des^exem- plaires défraîchis ; la difficulté n'est pas dimi- nuée par suite de la diflérence que présente parfois cette ornementation selon le sexe dans une seule et même espèce. Distribution g^po^raphique. — Ccs Longi- cornes, qui comptent plus de loO espèces, sont répandus depuis le midi de l'Europe jusque dans l'Asie occidentale et la Mongolie. Mœurs, habitudes, rég-iine. — LeS Dorca- dions paraissent ordinairement au printemps, se traînent sur les chemins, les murs, et se cachent sous les pierres pendant les jours de mauvais temps. A l'état de Larves ils semblent se nourrir des racines des plantes les plus diverses, ligneuses ou non. Leurs Métamor- phoses sont inconnues. LE DORCADION CENDRÉ. — DOIICJDION FUUGINJTOIt. Greisscr Erdbock, Caractères. — Il se distingue par la toison feutrée cendrée ou cendrée blanchâtre, qui couvre ses élytres et par les villosités plus fai- bles et de même couleur qui s'étendent sur les autres parties du corps noir de l'Insecte et particulièrement sur les pattes. Distribution géographique. — Cette espèce, la plus commune dans le centre de la France et aux environs de Paris, est plus rare en Alle- magne. LES AGANTHOCINES. 3i0 LE DORCADION CRUCU ERK. — DOnCJJ)lOX CRi'X. Kmizti-agcmlcr Erdbock. Caractères, — Un des plus petits et des plus jolis du genre est le Dorcadion crucifère {Dur- cadion criu). Par dessus le fond noir velouté du corps, s'étend une fourrure blanche soyeuse qui garnit un profond sillon longitudinal passant par la tête et le corselet et qui couvre abon- damment les pattes et les élytres. Sur celles-ci cette toison ne laisse à nu que les bords émoussés et une large raie près de la suture ;\ laquelle se rattache encore une tache cen- trale formant les bras de la croix. Distribulioii gôo^rraphiqiic. — Il n'cst pas rare ;\ Smyrne et dans les contrées avoisi- nantes. LE DOftCADION NOIH. — DOltC AVION JTRVM. Schwarzer Erdbock. Caractères . — Le Dorcadion noir {Dorcadion atrwn) mesure jusqu'à 16 millim. et au deli; il est entièrement noir et son corselet grossiè- rement ponctué est marqué d'une raie médiane obtuse. Les élytres, presque tronquées à leur extrémité, fortement ridées, nulle part ponc- tuées, présentent également une carène humé- raie à peine marquée. Distribution g;éug^rapliique. — - Ce Coléop- lère qui n'est nullement rare dans la ïhuringc et le Hartz pendant certaines années, est celui qui s'avance le plus au Nord et manque dans le Sud. LES LAMIES — LAMIA (1) Die Lamiinen, Caractères. — Les antennes robustes, noueuses, sont plus courtes que le corps dans les deux sexes et sont supportées par un arlicle basilaire long et épais, rugueux, verruqueux et orné d'un fort crochet à son extrémité. Le cor- selet, transversal, cylindrique, aussi large que la tète, porte de chaque côté une sorte d'épine aiguë. Les élytres, beaucoup plus larges, sont fortement déclives à partir du milieu jusqu'à l'extrémité. Les pattes sont robustes, égales, à cuisses postérieures pluscourtesquel'abdomen, à jambes armées d'une dent sur le côté externe. (I) Aa|ii«, monstre fabuleux. Li: capricorm; noir chagrine. — li.ui.i i EX ion. Chuijrudrlcr Wcbcr. Caractères. — Le « Tisserand » chagriné [Liiinla te.cto?-, fig. 530, p. 353), unique repré- sentant du genre Lamia autrefois si riche en espèces, est un Coléoptère de Sfi à 32 millim. de long, au corps noir|revètu d'un duvet gris très court qui lui donne une teinte générale noire grisâtre; le corselet et les élytres sont foitement chagrinés. Mœurs, iiabituiies, rt'-gime. — Ce Capricorne qui se plait sur les Saules et les Osiers se traîne péniblement sur les branches, ou bien encore reste cramponné solidement avec une certaine indill'érence, ce qui semble indiquer qu'il est un animal nocturne. La Larve vit dans les bran- ches de Saule, où elle pratique sa galerie en suivant la direction de la moelle pour en élargir ensuite l'extrémité dans laquelle elle prépare un lit de sciure destiné à la Nymphe. Cette Larve est apode et se termine en ar- rière par un crochet en forme de verrue et constituant l'anus. Les deux premiers an- neaux du corps sont ovales, les deux qui sui- vent sont fort courts, et les sept derniers sont marqués chacun d'un sillon profond sur le dos, et d'une dépression large, transversale et ren- trante au milieu. LES AGANTHOCINES — ACANTHO- CINUS (1) Die Acanthocinincn. Caractères. — Les caractères génériques sont les suivants : la tète fortement concave entre ses tubercules antennifères, porte des an- tennes trois fois au moins aussi longues que le corps chez les mâles, deux fois aussi longues chez les femelles, à articles augmentant de lon- gueur à partir du 3°; corselet disposé transver- salement, hexagonal à tubercules latéraux as- sez gros; les élytres, peu convexes, parallèles, arrondies en arrière, sont beaucoup plus lar- ges que le corselet; chez la femelle (flg. 2) une longue tarière conique termine l'abdo- men; chez le mâle une écaille borde l'extré- mité abdominale; enfin les fossettes, cavités cotyloïdes où s'articulent les hanches mé- dianes, sont fermées; les cuiBses sont renflées (i) "Axavôa, épine; xivéw, remuer. 380 LES SAPERDES. en massue; les tarses postérieurs sont allongés au i" article plus grand que 2 et 3 réunis. nigiriliutioii géographique. — A COlé des espèces européennes vient se placer une seule espèce de l'Amérique du Nord. L'ACANTIIOCINUS CH.vnPENTIEK. — ACINTIIOCl- IVUS .^DILIS. Zimmerbock, Schreiner. De tous les Longicornes indigènes, un des plus remarquables est le Charpentier, le Me- nuisier {Acanthocinus œdilis ou Astynomus xdi- lis ou jSdilis montana). Caractères. — Le mâle de celte espèce aies antennes sélacées d'une longueur immense atteignant jusqu'à 5 fois celle du corps (fig. S31) et présentant des annulations de couleur foncée sur toute leur étendue, excepté sur le premier article et à leur extrémité. Le prolhorax est orné de quatre tubercu- les duveleux jaunâtres ; les élytres déprimées, devenant quadrangulaires, saillantes aux épau- les, sont d'une longueur double de leur lar- geur ; postérieurement plus étroites chez le mâle que chez la femelle (fig. 532), elles sont couvertes ainsi que le reste du corps par une toison feutrée, grise et dense. Leur surface présente encore une ponctuation grenue, des traces de stries longitudinales pontuées et fon- cées et deux bandes brunes transversales plus ou moins dislincLes. Mœurs, iiabituiies, réffime. — Le Charpen- tier apparaît de bonne heure au printemps sur les troncs des Pins abattus ou sur leurs sou- ches encore debout; il hante par conséquent les coupes et sa Larve vit derrière les écorces de Pins morls. S'il fait beau, il s'élève dans l'air et vient s'abattre aussi sur les bûches entassées ainsi que sur les troncs encore debout. Au bout de quelques semaines, les mâles et les femelles ont assuré la perpétuité de leur race; les fe- melles glissent alors leur longue tarière sous les écorces pour déposer leurs œufs, et ne tar- dent pas à disparaître ; toutefois quelques traînards se montrent encore çà et là. Les Larves peuvent être transportées dans les maisons avec les bois de construction; aussi sommes-nous quelquefois à même de voir promener dans nos logis cet Insecte aux longues antennes. LES ACROCINES — ACROCINUS (I) Ce genre a pour type une gigantesque et ma- gnifique espèce, des plus singulières qui soit certainement parmi tous les Longicornes, V Acrocinus longimanus; aussi mérite-t-elled'ètre décrite et figurée (fig. 524). Caractères. — Les Acrocines se distinguent entre tous par la longueur démesurée de leurs pattes antérieures qui sont au moins deux fois aussi longues que le corps, aux cuisses couvertes d'épines, aux jambes également épi- neuses, denticulées en dessous, crochues à l'exlrémité et munies près de l'insertion du tarse d'une forte épine recourbée. Les an- tennes sont fort longues, à articles de longueur variable ainsi qu'on le voit dans la figure; le prothorax transversal porte de chaque côté un tubercule armé d'une forte épine, tubercule que l'on croyait mobile et qui est immobile chez le vivant comme chez les individus des- séchés; les élytres assez planes sont épineuses à l'extrémité. Distribution géographique. — Ce genre OU plutôt l'unique espèce qui le représente est cantonnée dans les parties chaudes de l'Amé- rique du Sud. L'ACUOCI.-Nli AUX LONGS BRAS. — JCItOClM/S LOjSGIM IPiUS. Caractères. — La livrée de ce bel Insecte (fig. 524) est certainement une des plus singu- lières qui existent chez les Longicornes ; elle est gris-verdâlre en dessous, noire veloutée en dessus, relevée de bandes et de taches rou- ges ou rosées qui forment une bigarrure des plus compliquées sur le corselet, les élytres et les pattes; les anciens l'avaient bien nommé en l'appelant V Arlequin de Caijeime. Transporté avec les bois du Brésil employés dans la teinture et l'ébénisterie, ce Céramby- cide a fait de temps à autre apparition à Paris. LES SAPERDES — S A PERD A (2) Die Saperdinen, Wahenbocke. Les Saperdes et leurs proches alliés forment un autre groupe parmi les Lamines. Caractères. — Les capsules d'insertion (ca- (1) A/f'jv, pointe; xivew, remuer. (2) lan^oSiç, sorte de Poisson. LA SAPERDE DU TllEMBLE. 3:11 vités cotyloïdes) des hanches médianes sont ouvertes' en dehors ; le sillon transversal sur le cùlé externe des jambes médianes manque ; une pièce triangulaire large en avant de lé- pislcrnum est bien développée; leur lôte assez éloignée des hanches antérieures peut se re- plier entre celles-ci; elle est plane entre ses tubercules antennifères. Le corselet cylindri- que, transversal, est sans bosses ni épines; les élylres, ;\ saillie obtusément quadrangulaire aux épaules, sont beaucoup plus larges que le corselet et presque planes ; les pattes sont assez longues, les cuisses étant de la longueur des quatre premiers segments abdominaux ; le corps est allongé et pubescenl. nistribitiion st-offrapiiuiuo. — Ce genre aujourd'hui subdivisé sans grande raison, com- prend des espèces d'Europe et de l'Amérique du Nord. LA SAI»F.RDE CIIAGRIMÎE. — SlPERPl CIIAnCIIl- JUJS. Grosser Papelbock. Caractères.— La grande Saperde du Peuplier {Saperda carcharias){ng. 328, p. 933) est noire, revêtue d'un duvet gris jaunâtre ou cendré avec une nuance plus ocrée chez la femelle; celte toison feutrée ne fait défaut que sur l'ex- trémité des articles antennaires et les irrégu- larités granuleuses de la surface des élylres. Elle mesure 22 à 27 millimètres. Mœurs, habitudes, régime. — On trouve Ce Coléoptère en juin-juillet sur les troncs et les branches des diverses espèces de Peupliers. Ses allures semblent lourdes et probable- ment ce n'est que le soir qu'il développe quel- que activité dans le but d'assurer sa repro- duction. La femelle fécondée dépose ses œufs le plus profondément possible dans les fen- tes de l'écorce, et les jeunes Larves écloses commencent par creuser leur galerie sous celte écorce pendant la première année. Après l'hivernation, elles pénètrent dans les profon- deurs du bois en suivant une direction ascen- dante et toute verticale. Les brins allongés de la sciure qu'elle produisent sont rejetés par un trou et révèlent leur présence. La Chenille de Cossus donne lieu aux mô- mes apparences mais rejette de grands mon- ceaux de sciure et vit habituellement dans de plus vieux troncs. Les Chenilles de Sésies ont aussi celte habitude de déblayer ainsi leurs galeries, mais la sciure qu'elles repoussent est plus fine et plus agglomérée. Après deux hivernations, la Larve (fig. 523) qui est apode et pourvue de mamelons poilus sur la partie dorsale des anneaux, a pris tout son accroissement; elle mesure alors environ 32 millim. de longueur sur 8 millim. de dia- Fig. 525. rde chagrinée. mètre; elle porte une petite tôle armée de for- tes mandibules et est atténuée ;\ l'exlrémilé postérieure. Elle se transforme près de l'orilice de sortie dans une sorte de cellule qu'elle ob- ture avec de la sciure à ses deux extrémités. Après quelques semaines de repos la Nymphe donne enfin le jour à l'Insecte parfait. Dans les localités où ce Coléoptère se pré- sente en masses nombreuses, il devient très nuisible aux jeunes Peupliers plantés le long des routes, des berges, etc., qui sont alors faci- lement brisés par le vent. Les vieux troncs ha- bités seulement par quelques Larves peuvent résister aux ravages, mais toutefois, comme les adultes utilisent toujours les mêmes em- placements pour établir leur couvée, ils finis- sent par succomber quand plusieurs généra- tions de Larves ont de plus en plus multiplié leurs galeries. LA SAl'ERDE DU TREMBLE. — SAPEIIDA POPVLNEJ. Aspcnbock. Caractères. — La Saperda du Tremble [Sa- perda popidnea), est bien plus petite (10 ;\ 12 millim.), couverte d'un tissu feutré gris cen- dré, elle a sur la tête deux bandes, sur le cor- selet 3 bandes longitudinales jaunes et sur chaque élytre fortement ponctuée une rangée longitudinale de 4 ou 3 petites taches jaunes; les antennes sont aussi marquées d'annelures de teinte plus foncée (fig. 329, p. 333). Slœurs, habitudes, régime. — Il se montre en mai-juin sur les feuilles du Tremble et té- moigne sensiblement plus d'activité que son grand congénère. Il vole en plein soleil et se laisse tomber il terre si l'on cherche ;\ le saisir ; souvent on trouve les couples réunis sur les feuilles et les rameaux de la plante nourri- 352 LES CALAMOBIES. cière, le mâle étant posé sur la femelle un peu plus grande que lui. L'oa peut être certain que l'arbrisseau ou petitarbre dont il habite le feuillage présente Fig. 52C. — Larve de la Sapcrde du Tremble. çà et là dans ses parties ligneuses une excrois- sance noueuse sur laquelle on peut apercevoir un trou de sortie, par lequel le Coléoptère est venu au jour ; c'est l'intérieur de l'excrois- sance que la Larve (fig. 526) a rongé/et c'est dans la cavité qu'elle a creusée qu'elle passe à l'état de Nymphe. La place près de laquelle la Larve pénètre en juin dans l'écorce présente un bourrelet circulaire. Durant le premier été, elle se tient derrière l'écorce et après l'hiver- nation elle pénètre dans le canal médullaire en suivant une direction ascendante ; il en ré- sulte que la branche occupée par elle, est tra- versée par des canaux noirs longitudinaux. Habitée orôinairement par un grand nombre de Larves la branche ne tarde pas à mourir. L'importance secondaire du Tremble au point de vue forestier, rend les dégâts de cette Larve moins sensibles; mais elle est cependant très préjudiciable aux taillis de ces arbres. LES AGAPANTHIES — AGAPANTBIA (1) Caractères. — Ces jolis Insectes, dont la livrée élégante consiste en un vêtement bronzé ou bleu, relevé par une bande suturale et des mouchetures sur les élylres, se distinguent entre toutes les Saperdes par leurs antennes de 12 articles plus longues que le corps dans les deux sexes, pubescenles et ciliées, au 12° article presque aussi long que le précédent, et par leurs élytres qui sont allongées et longue- ment rétrécies en arrière; ils se distinguent entre toutes les Phytœcies par leurs ongles simples. I>i§tribution idéographique. — Ce sont des Insectes qui habitent l'Europe, l'Asie et le Nord de l'Afrique; mais sont plutôt méridionaux. (I) 'Avanâco, aimer ; av6o;, fleur. Une vingtaine d'espèces ont été décrites. mœurs, habitudes, réafime. — Ces Longi- cornes se montrent sur les plantes herbacées dans les tiges desquelles vivent leur Larves. L'AGAPANTHIE DU CHARDON. — AGAPAÎSTUIA CAIWVl OU SUTURALIS. Caractères. — C'est un charmant Cérambyx aux antennes annelées de blanc et de noir, au corselet bronzé orné d'une bande médiane et de leurs bandes latérales de duvet blanc ou Fig. 037. — L'Agapantliie du Cliardon. jaunâtre, à l'écusson revêtu d'un duvet de môme couleur, aux élytres vert-olive bronzé couvertes d'un duvet testacé et parées d'une bordure de duvet blanc ou jaunâtre (fig. 527). Mœurs, habitudes, régime. — La Larve, aU témoignage de Perris, creuse les tiges ànMeli- lotus macroi-hiza et celles du Cir&ium arvense. Quelques autres espèces ont des habitudes analogues : l'A. asp/iodeli \il dans les tiges de VAsp/iO(leltisracemosus;VA. anguslkollis habite les tiges à' Aconilum anthora, de VHiracleum sponiiylium, du Scnecio aquaticus, de VEupa- lorium cannabinum; VA. micans ou violacea creuse la moelle de la Valériane rouge ou Cen- Iranthus niber (Millière) ; VA. irrorala se déve- loppe dans les Onopordon (Graells). A côté des Agapanthia tous les auteurs, sauf Lacordaire, ont placé un petit Longicorne très intéressant, car il vit aux dépens du Blé, pour lequel on a créé le genre suivant. LES CALAMOBIES —CALAMOBIUS {[) Caractères. — Les antennes sont très grêles et incolores ; le prothorax est cylindrique, plus long que large; les élytres sont très allongées, linéaires ; les pattes sont très courtes ; les tibias intermédiaires ont sur l'arête supérieure une échancrure qui dessine une dent. (3) Kdc).a[j.o.:, chaume, piôw, je vis. LES PHYTaiCIAIRES. 333 Fig. 5-;o. Fig. 531. tii. oîS rig. 538. — La Saperde chagrinée. Fig. 529. — La Saperde du Tremble. Fig. 530. — Le Capricorne noir cliagriiio ou !a Laraie noire chagrinée (p. 34'J). Fig. 531 et 532. — L'Acanthocine charpen- tier, mâle et femelle (p. 350). Fig. 528 à 532. — Les Lamiines. LE CALAMODIE LI.\EAIRE. — CALAMOBllS, GltJCILIS. Caractères. — Cc petit Longicome de 6 à lOmill. noir, habillé d'un duvet cendré, avecla tête et le prothora.x paré d'une raie médiane de duvet jaune, peut dans certaines conditions se multiplier au point de devenir nuisible ; aussi a-t-il depuis longtemps attiré l'atten- tion. Blœurs, habitudrs, régime. — C'est Ù Guérin-Méneville que nous sommes redeva- bles de la connaissance de ses habitudes. 11 fait son apparition .'i l'époque de la floraison du froment, et la femelle s'empresse de percer à la base de l'épi un petit trou oii elle dépose un œuf. La Larve ronge alors la tige circulaire- ment et le moindre vent détache l'épi; au fur et à mesure de son accroissement elle descend dans le chaume, et à quelques centimètres du sol se transforme en Nymphe. Les champs vi- sités par les Calamobius, ainsi privés de leurs épis, ont un aspect singulier; les tiges ressem- blent à des aiguillons; de là le nom A'Aiguillo- nkr que les paysans du Midi ont donné à l'Insecte ravageur. Brehm. — VII. Ce Longicorne algérien et du midi de l'Eu- rope a causé de grands dégâts dans les Charen- tes, en 1847. LESPHYTOEClAIRES-/'ff}TQEC/i/?/yS Vie Phytedncn. A ces Coléoptères se rattache aussi un groupe d'espèces qui leur sont alliées de près et qui ne s'en distinguent pas par leur faciès. Ce sont les Phytœcides de Lacordaire, les Phy- tœciaires de Mulsant, qui n'en diffèrent que par la conformation de leurs griffes. Caractères. — En effet chez tous lesLamiines décrits précédemment les griffes sont simples et partent symétriquement de leur racine en faisant un angle droit avec l'article de tarse qui les porte, de telle sorte qu'ils forment ensem- ble un demi-cercle du côté interne; ou bien ces gritfes sont placées côte à côte et s'éloi- gnent l'une de l'autre, c'est-à dire sont diver- gentes. Chez les Phytœciaires chaque griffe se par- tage en deux branches et parait lobée ou fen- due, selon les cas. Ln'sectes. — 43 35 i LES CHRYSOMELIDES. LES OBEREA — OBERE A (1) Caractères. — Ces Longicornes se font re- marquer par la forme allongée de leurs ély- tres qui sont presque linéaires, planes, sans carènes latérales, rétrécies vers le milieu, tronquées ou échancrées à l'extrémité ; par la brièveté de leurs antennes et de leurs pattes; par l'allongement de leur corps étroit et svelte. Distribution géographique. — Ce genre, qui compte près de 100 espèces, a des repré- sentants en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique et surtout dans l'Archipel indien. LOIIEREA DU NOISETIER. — OBEREA LINEJniS. Haselbôckche7i. Caractères. — Ce Longicorne est très rec- tiligne et presque cylindrique. Faiblement velu, noir sur tout le corps, les pattes, les palpes et une tache derrière les épaules, pré- sentent seuls une coloration jaune de cire. Les antennes filiformes atteignent par exception les quatre cinquièmes de la longueur du corps ; les élytres couvertes de ponctuations enfon- cées et disposées en série, ne dépassent guère le corselet en largeur et sont tronquées obli- quement à leur extrémité. La longueur totale varie entre 11 et 14 millimètres; la largeur est de 2 millimètres et demi prise aux épaules. Blœurs, habitudes, régime. — Ce petit In- secte élancé vit en mai-juin sur les Noisetiers, autour desquels il se livre en plein soleil à de vifs ébats aériens, pendant lesquels les sexes se recherchent. La femelle attache un œul à environ 15 centimètres au-dessous de l'ex- trémité d'un jeune rameau, et la Larve éclose se met immédiatement à creuser le bois ten- dre en se nourrissant de moelle et en rongeant de haut en bas; les feuilles flétries prématuré- ment trahissent sa présence. Après l'hiver- nalion elle pénètre plus loin et arrive quel- quefois jusqu'au bois de trois ans; après le deuxième hiver elle s'arrête à l'extrémité de la galerie et s'y transforme après avoir fait pé- rir toute la partie de la branche qui surmonte le point où sera situé le tronc de sortie du Co- léoptère adulte. Au jardin botanique de Halle, la même Larve vit de la même manière dans VOstryu vulgaris. Cette Larve est jaune de cire, faiblement ve- lue, elle porte sur le premier anneau, le plus large de tous, une plaque chitineuse carrée et derrière celle-ci de petites verrues fortement accentuées. VObei-ea oculaia dont la Larve habite les ti- ges des Osiers et des Saules pleureurs, l'O. pupillata dont la Larve vit dans les branches de Chèvrefeuilles, VO. trythi-oceiihala qu'on trouve sur les Euphorbes, sont des espèces indigènes. LES PHYTOECIES — PEYTOECIA (2) Caractères. — Ce genre qui renferme un grand nombre d'espèces en général de petite taille est facile à reconnaître à la forme des élytres qui sont allongées, mais rétrécies d'a- vant en arrière, planes et rabattues sur les cô- tés, et à quelques autres particularités, no- tamment à la ponctuation des élytres. Uistributioii géographique. — • Les espèceS paraissent être localisées en Europe, dans le nord de l'Afrique et en Asie. La France et l'Europe centrale possèdent un certain nombre d'espèces : le Phytœcia vùescens qui se développe dans les tiges de YEchium vulcjare est l'espèce la plus commune. LES CHRYSOMELIDES — CHRYSOMELIDM Die BhMMfer. Caractères. — Les Chrysomélidés [Chrysome- lidse) forment la dernière famille des Tétramè- res; toutes les espèces sont de grandeur médiocre, mais plus souvent encore de petite et même de très petite taille. (IJ Nom propre Parmi ces Coléoptères, les formes les plus élancées, au corselet plus étroit que les ély- tres, se distinguent à peine extérieurement de certains Longicornes auxquels on les réunis- sait encore du temps de Linnée; cependant (2) *Otov, plante ; o'ixéu, j'hablîe. LES GHRYSOMKLlDiiS. l'immense majorité se distingue de ceux-ci par leurs formes ramassées, sans que l'on puisse leur assigner un seul caractère dill'éren- tiel important qui permette de les en distinguer. La léte reste plus ou moins profondément engagée sous le corselet et parfois complète- ment masquée par celui-ci. Les antennes fili- formes ou sélacées, exceptionnellement en massue, sont de longueur moyenne et se com- posent de 11 articles; c'est sur la manière dont elles sont disposées que se fonde la distinction des groupes, suivant qu'elles sont insérées sur les côtés du front et par conséquent espacées, ou sur le milieu de celui-ci, c'est à-diro rap- prochées l'une de l'autre. Les yeux petits sont situés sur le côté. Les mandibules robustes et courtes se terminent généralement par une pointe bifide; les mâchoires, peu dévelop- pées, ont des palpes courts, filiformes et de .'i articles ; la lèvre inférieure est pourvue d'une petite languette et de palpes de 3 articles. Les pattes en général courtes, sont cachées sous le corps, rarement apparentes; les tarses comptent 4 articles, cependant un petit nodule plus ou moins distinct peut être considéré comme un 5"° article, aussi dit-on que les Chrysomélides sont subpentamères; les 3 pre- miers articles plus ou moins élargis ont le plus souvent la semelle feutrée; les griffes commu- nément dentées ou fendues sont portées par un article terminal dominé par les lobes pro- fonds et avancés de l'article sous-jacent, ;\ la manière des Longicornes. Enfin l'abdomen est formé de 5 anneaux li- bres. Ces Coléoptères souvent revêtus des plus brillantes couleurs, reflètent parfois le plus vif éclat métallique. nistribiition g^ôo^rraphiqne. — Les ChrySO- mélides comptent environ 10,000 espèces, dont un grand nombre sont imparfaitement con- nues ; il n'est point de région du globe. qui ne possède des représentants de cette famille. Ilœurs, habitiideH, rég^ime. — Ces lusectes se nourrissent de substances végétales molles, le plus souvent de feuilles, et il n'est pas rare que quelques espèces appraissent en masses si considérables qu'elles occasionnent de sérieux dommages à nos plantes cultivées. Leurs Larves ont le même régime et sont sou- vent encore plus nuisibles. Beaucoup d'entre elles vivent à l'extérieur et présentent tantôt des couleurs sombres, tantôt et le plus souvent des teintes vives, d'autres creusent l'intérieur des végétaux, mais tou- jours les parties molles et jamais le bois, con- trairement à ce que font la majorité des Lar- ves de Longicornes, dont elles diffèrent du reste non seulement par leur conformation extérieure, mais encore par leurs pattes beau- coup plus développées. En somme, pas plus que les Insectes parfaits, on ne peut les carac- tériser d'une manière générale. M. le docteur Chapuis les divise en 5 grou- pes de la manière suivante : I. liarTcs nues. — A. Larves rectilignes, presque cylindriques et de couleur blanche, vivant au collet des plantes aquatiques et qui, pour passer à l'état de Nymphe, se filent un co- con qu'elles fixent sous l'eau en l'attachant aux radicelles de la plante nourricière [Dona- cia. Hsemonia). B. Larves mineuses plus ou moins allongées, atténuées aux deux extrémités; elles se trans- forment dans l'intérieur des végétaux et dans la terre (Hallicn), d'autres vivent dans l'inté- rieur des feuilles, mais portent des verrues laté- rales (Hispa). G. Larves courtes, ovalaires, très convexes en dessus, de teinte pâle avec des dessins colorés ou de couleur sombre à reflets métalliques, se distinguant généralement par des appendices verrueux à l'anus, par des verrues sur les côtés du corps et par la faculté de sécréter une hu- meur gluante; elles vivent librement sur les feuilles et se suspendent à celles-ci par la pointe abdominale pour se transformer ou bien se rendent dans la terre [Eumolpus, Chry- siimela, Galentca.) II. li.irres eoprophores. — Larves se revê- tant de leurs excréments. A. Larves courtes, ovalaires, très convexes en dessus, de couleur foncée, sans appareil parti- culier servant à porter leurs excréments; pour se transformer, elles s'enfouissent dans la terre [Crioceris, Lema.) B. Larves courtes, ovalaires, retenant leurs excréments à l'aide d'un appendice fourchu mobile qui dépend de la face supérieure du dernier anneau, et se transformant sur les feuilles [Cassida). III. i/arves tubicoies. — Larves allongées, blanchâtres, recourbées sur elles-mêmes à par- tir des premiers segments abdominaux, logées dans des fourreaux portatifs ; elles se tiennent sur les plantes dans l'intérieur desquelles elles subissent leurs Métamorphoses (Clijthra et Cniptocepliulus). 356 LA DONAGIE DU MENYANTHE. Gomme nous ne pourrons nous occuper que de quelques-unes des formes de celle vaste famille, nous ne nous altarderons pas à en dé- finir toutes les subdivisions ; nous ferons notre choix parmi les plus importantes de la série au fur et à mesure qu'elles se présenteront dans l'ordre systémaliijue suivi par le continuateur de Lacordaire, le docteur Chapuis. LES DONACINES — DONACIN.E Die Donacinen, Srhilfkiifer. Caractères, — Les Donacies ont un faciès caractéristique ; leur corps oblong, déprimé, est généralement métallique ;ordinairement gla- bre en dessus, ilestrevèluen dessous d'une pu- bescence qui les rend imperméables et favorise la vie aquatique. La tête saillante, un peu pro- longéeenmuseau, porte des antennes filiformes de la longueur de la moitié du corps, insérées au-dessous et en dedans des yeux, assez rappro- chées l'une de l'autre; le corselet est étroit, oblong, à angles postérieurs et à bords latéraux effacés ; les élytres débordant le prolhorax à la base, en triangle allongé ou oblongues, ar- rondies ou acuminées en arrière, ont en géné- ral 10 rangées de points et une 11'"'^' rangée incomplète à la base; les pattes ont les cuisses plus ou moins renllées, les postérieures munies ou armées de 1 à -4 dents, et les tarses terminés par deux crochets simples. Chez tous les Donacines,le l" anneau de l'ab- domen présente ceci de remarquable qu'il dé- passe en longueur tous les anneaux suivants pris ensemble. Pour se faire une idée de la ressemblance que présentent les Donacies avec les Longicor- nes, il suffit de savoir que DeGeer a décrit sous le nom de Leptura aquatka, le Donacia crassipes qui vit sur les feuilles du Nénuphar (fig. 538). Le corps de ces Insectes renferme des prin- cipes acides qui déterminent l'oxydation ra- pide des épingles, et les transforment promptement en vert de gris; le développe- ment de ce dernier finit par écarter les élytres, et par séparer les parties abdominales au point de disloquer complètement l'Insecte au grand désavantage du collectionneur. Même en em- ployant des épingles argentées on ne prévient lias la destruction d'une manière absolue. Le moyen le plus pratique consiste à coller les Insectes à côté de l'épingle, sur un petit mor- ceau de papier, ce qu'on ne fait pas d'ordinaire pour les Coléoptères de leur dimension. Ikistribiition géog'raiiliiquc. — Les belles Donacines ont une distribution géographique très étendue; leurs nombreuses espèces habi- tent les régions froides de l'Hémisphère boréal. Mœurs, hahitudes, rôgime. — On voit les Bo- nacia ;\ la fin de mai et au commencement de juin, posés souvent en grand nombre sur les roseaux, les herbes des prairies tourbeuses et d'autres graminées croissant au bord de l'eau, ou posés sur des feuilles flottantes dans l'in- térieur desquelles leurs Larves ont vécu. On ne rencontre au contraire les Hxmonia que sur les plantes submergées. LES DONACIES. — DONACIA (1) Caractères. — Elles se distinguent des Hse- iiionia par leur tarses tomenteux en dessous, à dernier article plus court que les précédents réunis, à troisième article bilobé. Oistriliution ^géographique. — 39 espèceS sont européennes el se rencontrent en Sibérie, 51 se retrouvent dans l'Amérique du Nord. LA DONACIK DU MENYANTHE OU DU TnÈFLE D'EAU. — DONACIA CLAVll'ES. FieberMee, SchilfMfer. Le Donacia clavipes, ou Metiyanlhidis, peut servir de type pour représenter l'ensemble de ces jolis Insectes. Carai-tères. — 11 rentre dans ces formes al- longées et moins nombreuses chez lesquelles le mâle ne se distingue point de la femelle par une ou deux dents à la face inférieure des cuisses postérieures, mais seulement par une taille plus petite. Il est d'un vert doré à la face supérieure, et couvert de poils denses et argentés en dessous; il a les antennes filifor- mes, de la longueur du corps et insérées sur le milieu dufionl; les jambes, terminées par des griffes simples, sont rougeâtres. Le corselet, carré, armé de pointes antérieurement et de chaque côté, légèrement échancré au milieu, est sillonné par de fines rides transversales et par un sinus longitudinal. Les élylres sont mar- quées de stries ponctuées et de rides d'une grande finesse, s'atténuant quelque peu à leur extrémité où chacune se termine en pointe arrondie, el sont d'une longueur égalant le double de leur largeur totale (les deux prises (1) dovccÇ, roseau. LA DONAGIE DU MENYANTHK. ;j3i Fig. 533. Fi^'. 530 ot ri37. Fig. ;.35. Fig. 533. — La Donacie du Irène d'eau, adulte de grand, nat. Fig. 534 et 535. — Larves rongeant les racines, de grand, nat. Fig. 538. Fig. 53G et 537. — (loques renfermant les Nymphes, de grand, nat. Fig. 538. — Donacie aux larges pieds. Fig. 533 à 53S. — Les Donacies, ensemble). Les cuisses postérieures atteignent la pointe des élytres, et les hanches antérieures cylindriques se touchent (fig. 333). IHuMirs, habitiules, régime. — Celte Dona- cie a 11 millim. de long environ. La femelle se trouve accouplée seulement en mai et au com- mencement de juin, en grand nombre sur le roseau commun.^ Pourtant Heeger regarde le Plantain d'eau, Alisma pkmlago, comme la plante nourricière. Cet observateur soutient que le Donacia sort de l'eau en octobre pendant le jour et s'accouple quelques jours après par un temps calme. Les Coléoptères développés seulement à la fm de ce mois ou même seulement en no- vembre, ne peuvent accomplir cet acte qu'au printemps suivant, après avoir hiverné sous l'eau parmiles matières végétales décomposées. La femelle fécondée au printemps se rend de nouveau sous l'eau au bout de 8 jours et dépose ses œufs sur les grosses racines de la plante nourricière; le nombre des œufs à dé- poser s'élève à 40 ou 50 qu'elle pond successi- vement dans l'espace de 13 à 18 jours. Les Larves mettent de 10 à 20 jours à éclore. .\u début elles se nourrissent de radicelles tendres et plus tard de racines plus fortes (fig. 53i et 333) ; c'est après la troisième mue qu'elles vivent au.\ dépens de la membrane e.xterne des pousses épaisses. Elles changent de peau à des intervalles inégaux et exigent 3 ou 6 semaines pour atteindre leur complet développement. Lorsqu'elles ont acquis toute leur taille, les Lar- ves presque cylindriques, un peu excavées sur la face ventrale, de couleur gris verdâtre pâle, mesurent de 11 à 13 millim. de long sur 3 mill. 37 de large; elles ont la tête petite, ronde et rétractile, portent G pattes et sur l'avant-der- nier (onzième) anneau deux épines brunes, cor- nées, rapprochées à leur base et recourbées en dehors. Ces épines sont à l'état de repos cou- chées en avant contre l'abdomen, mais pendant la marche, elles servent de point d'appui. La tête cornée atteint à peine le quart de la lar- geur de l'anneau thoracique médian ; elle est privée d'yeux, porte des antennes de 3 articles, deux palpes labiaux bi-articulés et une mâ- choire inférieure dont la branche interne a la consistance du cuir et affecte une forme ovoïde transversale-; la branche externe, de même conformation, mais plus courte, présente éga- lement des palpes bi-articulés. La lèvre supé- rieure est carrée, transversale; chaque man- dibule se termine en pointe simple et porte sur sa tranche interne 2 dents mousses. Finale- ment, les Larves se construisent sur les racines de la plante nourricière un cocon parcheminé, d'un violet noir au dehors et blanc en dedans, dans l'intérieur duquel la Nymphe repose complètement à sec pendant 20 et même 23 jours (fig. 536 et 337). Ainsi que nous l'avons dit, si le Coléoptôro 358 LES CRIOGERINES. sort avant Ihiver après avoir rongé un petil couvercle sur son cocon, il se tient pendant quelque temps solidement sur la plante jusqu'à ce qu'il se laisse entraîner à la surface par l'eau ; arrivé ù ce point, il se met à grimper sur la première plante venue, prend aussitôt son essor, et s'envole comme tous les Donacia, car on en trouve d'isolés fort loin du centre de leur berceau et sur des plantes qui, à coup sûr, ne les ont pas vu naître. LES H.EMONIES— HMMONIA (1) Caractères. — Elles se distinguent nette- ment des Donacies par leurs tarses grêles, presque nus en dessous, par leur dernier arti- cle plus long que les précédents réunis, par leur troisième article entier. Distribution géog^raphlque. — Les quelques espèces appartiennent exclusivement à la faune de l'Europe tempérée et boréale ainsi qu'à l'Amérique du Nord. Mœurs, habitudes, régime. — Ces InseCteS se font remarquer par la singularité de leurs mœurs; ils vivent en nombreuses troupes sur les plantes aquatiques complètement submer- gées, notamment les Polamogeton et les Myrio- phyllum qui croissent en abondance dans les cours d'eau paisibles ou même dans les grands élangs au sein d'un fond vaseux. C'est là qu'ils passent leur existence, sans jamais abandon- ner l'élément liquide, sans avoir la nécessité de venir respirer à la surface. Conformés exclu- sivement pour la vie sédentaire sous-marine, ils sont admirablement organisés pour se cramponner aux tiges flottantes, et possèdent un appareil respiratoire qui leur permet d'ex- traire l'oxygène dissous dans l'eau, particula- rité fort remarquable et fort rare chez les In- sectes adultes. Sortis de leur élément, ils ont une démarche gauche et embarrassée et tom- bent souvent sur le dos. On conçoit que, vivant dans de telles condi- tions, ils soient peu influencés par les saisons, aussi les trouve-t-on à tous les âges et à tous les degrés de développement à peu près pen- dant l'année entière. Les Larves vivent sur les racines; lors de la Métamorphose, elles sécrètent une matière vis- queuse à l'aide de laquelle elles se construisent une coque lisse, parcheminée, jaunâtre ou bru- nâtre deSà 9 mill. , qu'elles attachent solidement (l)At(j.wv, sanglant. aux racines au milieu même de la vase. Chose singulière, ces coques, quoique fabriquées sous l'eau, sont absolument sèches à l'intérieur. Ces Larves ont les plus grands rapports avec celles des Donacies ; il serait oiseux de répéter une description déjà faite. C'est surtout à Lacordaire (1851), à Ileeger (1853), àMM.Leprieur (1869) et Bellevoye (1870) que nous devons la connaissance des mœurs des Hœmonia. Rencontrés seulement par hasard, ces Insec- tes ont toujours été rares dans les collections ; maintenant que l'on connaît leurs habitudes on pourra les récolter en plus grand nombre en arrachant les plantes aquatiques submergées. Nous possédons en France dans nos cours d'eau, les Hxmonia Equiseti, Chevrolati et Mo- sellx, que l'on a distingué de V/ii/uiseti. Les au- tres espèces, H. Zosterx, Gi/lle»/iali, etc., sont plus boréales. LES SAGRA SAGRA Dans l'Asie et l'Afrique torride on trouve des espèces plus gigantesques, de 12 à 33 niillim. de long et de forme plus bombée que nos Do ■ nricia : telles sont les espèces très reconnaissa- bles du genre Socjra, magnifiques Coléoptères au corps très épaissi, et dont les mâles se dis- tinguent par leurs cuisses postérieures armées de fortes épines et les jambes de la même paire fortement arquées. Le genre Sagra a été placé à la tête de la famille des Chrysomélides. Les Métamorphoses ont été observées par M. Lucas. LES CRIOCÉRINES — CRIOCERIN^ Die Criocerinen. t'aractères. — Leur physionomie rappelle celle des Donacies; mais plus ramassés dans leurs formes, ils en diffèrent : par leur lêteova- laire dégagée du prothorax, mais attachée par une sorte de cou; par leurs antennes filifor- mes, seulement de moitié aussi longues que le corps ; écartées à la base, insérées au bord antéro-inlerne des yeux, par leurs pattes plus robustes, assez longues, à cuisses un peu ren- flées, à jambes droites à tarses terminés par des crochets de forme variable ; par les dimen- sions de leur premier segment abdominal qui est un peu plus long que les suivants, mais ne prend jamais le grand développement caracté- ristique des Don<3cies. Comme chez ces der- LE CRIOCÈRE A 1:2 POINTS. 35'J nières, le corselet quasi-cylindrique, forte- ment étranglé en arrière, est loin d'atteindre la largeur des élytres aux épaules. Les crochets des tarses sont libres ou soudés l'un à l'autre, rarement bilides. DÏHtribution g^ôog;riipliiquo. — Ce groupe, réparti en 11 genres, est si nombreux qu'il a des représentants sur tout le globe; 647 espèces ont été décrites. LES CUIOCÉRES — CBIOCERIS {1} Caractères. — Ils se distinguent par l'ab- sence d'un sillon sur le corselet et par la dis- position des crochets des tarses; ceux-ci sont libres au lieu d'être soudés. Distribution séog:raphique. — La réparti- tion sur le globe est particulière ; l'Europe compte 12 espèces, l'Afrique du Sud, le Mexi- que, l'Asie et l'Océaniese partagent les autres espèces (70). LE CKIOCÈRE DU LIS. — CniOCEJlIS jM EltDIOEItl. Lilienhàhnchen. Caractères. — Au printemps surgissent ces Coléoptères universellement connus, de 6,6 mil- lim.de long, d'un noir brillant, au corselet et aux élytres rouges, que l'on aperçoit bientôt après accouplé courant sur les feuilles de Lis ; ce sont les Criocères du Lis {Crioceris merdigera). Ces Criocères font entendre un son stridu- lant assez fort pour leur taille qui est dû au frottement d'avant en arrière d'une saillie can- nelée, située sur le milieu interrompu du der- nier anneau abdominal contre de nombreuses petites saillies chilineuses placées à l'extrémité des élytres. Pendant le frottement, la saillie cannelée vient toucher la suture des élytres sur les côtés de laquelle sont insérées les petites saillies. Si on applique contre l'oreille un de ces Coléoptères maintenu dans la main fermée, on distingue fort bien ce son qui est utilisé pour le rapprochement des sexes. llœurs, habitudes, régime. — Si, après avoir remarqué dans nos jardins des feuilles rongées sur le Lis blanc, on se met à la re- cherche de l'auteur du méfait, on ne tarde pas à trouver de petits corps d'un noir brillant et humides qui se meuvent lourdement sur la tige ou se démènent activement sur les feuilles. Tout ce qu'on peut voir d'eux, ce sont leurs (1} Xpto:, bélier ; xÉp«ç, corne. excréments avec lesquels ils s'enveloppent, ne laissant libre que l'abdomen. En y regardant de plus près, on reconnaît que ce sont des Larves massives, épaisses, atténuées en avant et pour- vues de 6 pattes ; ces Larves se nourrissent pendant l'été aux dépens de ces feuilles pour rentrer ensuite en terre où elles se transfor- ment. Ce sont les Larves du Criocère du Lis. LE CniOCEKE UE L'ASPERGE. — CnlOCEIllS ASrAtldGl. Spargclhûh/ichen. Caractères. — Le Criocère de l'Asperge {Cl îoceris asparayi), plus petit, plus élancé et plus aplati que celui du Lis, est d'un bleu ver- dàlre brillant ; le corselet presque cylindrique et la bordure des élytres sont rouges, et ces dernières sont encore marquées de petites ta- ches d'un blanc jaunâtre qui se confondent en partie sur la bordure et en partie entre elles (lig. 539). L'appareil de stridulation ne présente ici point d'interruption et frotte contre le bord extrême de l'élytre. Slœurs, babitudes, régrinie. — Cette espècC vit sur les feuilles de l'.^sperge, de même que Criocère de l'Asperge. sa Larve d'un vert-olive, marquée de poils iso- lés et d'une bordure plissée sur les côtés. La Larve se rend également en terre pour la nymphose ; la Nymphe et parfois l'Insecte par- fait déjà, développé y passent l'hiver. LE CRIOCÈRE A 12 POINTS. —' CRIOCEBIS DVO- DECiM PUISCTATA. Zioôlfpunktiges Zirpkâferchcn. Caractères. — Le Crioceris à 12 points [Crioceris duodecim piinclata) se place entre les deux précédents pour la taille et la forme gé- nérale. La tête, le corselet, les élytres, l'abdo- men, le milieu des cuisses et les jambes à l'exception de leur extrémité, sont rouges, le 360 LE CLYTHRE A 4 POINTS. dessus est noir en général et particulièrement le scutelle el 6 points sur chaque élytre. L'appareil de stridulation est construit sur le type de l'espèce précédente, seulement la cannehn-e résonnante, sépaiée ;\ l'origine du dernier anneau, est plus large. Slœnrs, liabitudes, régime. — Ce petit Co- léoptcre se tient également sur les pousses des Asperges pour en ronger les feuilles. La Larve à 6 pattes, nue et d'un gris plombé, vit solitaire dans les baies. Pour se transfor- mer elle se rend du reste aussi dans la terre. LES CLYTHRINES — CLYTHRIN^E Die Clythrincn, Saclihdfer. Ciiractôrcs. — -'^vec les Chjthrinx, nous passons à un autre type de Chrysomélides au corps plus entier et plus cylindrique, à peu près de la largeur des épaules aux élytres pa- rallèles. La tête est engagée dans le corselet jusqu'au- près des yeux; les antennes courtes, dentées ou pectinées, insérées au bord antérieur des yeux, de telle sorte qu'en raison de la lar- geur du front, elles sont fort écartées l'une de l'autre, ne dépassent généralement pas le corselet. Les mandibules courtes, arquées, se termi- nentpar 2 ou 3 dents ; les mâchoires, à structure très remarquable, ont leurs parties constituan- tes intimement soudées, à lobe externe palpi- forme; la lèvre inférieure porte une languette cornée sinulée en avant ou tronquée. Chez beaucoup d'espèces, et surtout chez les mâles, les pattes antérieures s'allongent d'une manière démesurée ; mais les griffes sont tou- jours simples. Bistribution géosfraphlqiie. — Les Clythri- nes qui ont été récomment subdivisés en 40 genres, comprennent plus de 250 espèces qui sont presque entièrement confinées dans l'an- cien monde, quelques-unes seulement habitant l'Amérique. LES CLYTHRES - CLYTHRA (1) Caractères. -- Indépendamment des carac- tères généraux précédents, les Clythres en ont de particuliers. Les antennes sont pectinées à partir du 4-"^ ou du 5»' article ; les yeux sont très grands, allongés, nettement échancrés; (1) Éiymologiu inconnue. les élytres, faiblement sinuées sur les côtés, recouvrent complètement le pygidium ; les pattes courtes sont égales et se terminent par des tarses très courts à 2"° article plus long que large. LUCLYTIIRliA l'OIXTS. — CLVTIlni nu IDllIPb'N- CTJTJ. Vierpunliliger Sachk/ifer. Caractères. — Le Clythre h 4 points (fig. 540) est d'un noir brillant, finement velu de gris en dessous ; sur chacune des élytres d'un rouge jaunâtre luisant, se trouvent 2 taches noires, dont une plus petite vers le sommet externe des épaules, et l'autre située derrière la région moyenne où elle forme une bande large qui se continue sur les 2 élytres. Les pattes ne pré- sentent pas de longueur disproportionnée comparativement aux autres paires. Le mâle se distingue de la femelle par une fossette semi-lunaire sur le dernier anneau ab- dominal, où ce dernier sexe ne présente qu'un sillon longitudinal. niœurs, habitudea, régime. — Ce Coléoptère se trouve communément en été dans l'herbe. Fig. 5W. Fig. Fig. 541. 540 et 541. — La Clytlire à 4 points et sa Larve renfermée dans son fourreau. les buissons surtout, sur les Saules; il subit ses évolutions dans l'année et provient d'une Larve que nous avons figurée dans notre gra- vure (fig. 541), où nous l'avons reproduite ren- LES GRYPTOCEPHALES. 361 Fig. 542. Fig. 542. — Feuilles de Tremble rongées. Fig. 543. — Jeunes Larves. Fig. 544. — Larve ayant acquis toute sa taille, grossie. Fig. 547. Fig. 545. — Nymphe suspendue, face dorsale, très grossie. Fig. 54G. — Nymphe libre, face ventrale, très grossie. Fig. 517. — Adulte, 1res grossie. Fig. 542 à 547. — La Chrysomèle du Tremble {Lina). fermée dans un fourreau noirâtre dont la sec- lion indique suffisamment les contours. Elle se construit celte coque avec ses excré- ments; en la tissant, elle la fixe à un point d'appui et la ferme au sommet pour y passer l'hiver; elle répète ce même travail pour pas- ser à l'état de Nymphe. C'est par le bout inférieur et un peu plus large du cocon que sort l'Insecte parfait au bout de quelques semaines. Pour rejeter au dehors le fond de sa retraite, le Clylhre n'a be- soin que de peu d'efforts en raison de lafriabi- lilé de la construction. On a souvent trouvé cette Larve dans les Fourmilières, notamment dans celles de la Formica ru fa. LES CRYPTOCÉPHALINES — CRYP- TOCEPBALIN^ Die Cryptocephalfnen, Tallfiâfcr. Caractères. — Les Cryptocéphalines for- ment une tribu très homogène et se distin- guent du groupe précédent par leurs longues Brkiim. — VII. antennes filiformes, en général de dimensions infiniment plus considérables que chez les au- tres Chrysomélides, ou bien courtes et clavi- formes. Ils sont parfaitement désignés sous le nom de Cryptocéphales, parce que leur tête est tellement engagée dans le corselet qu'on n'en distingue que la partie frontale et faciale. niotribiition |s;én«;raphique. — Les 1300 es- pèces de ce groupe sont réparties dans les cinq parties du monde ; mais sont plus nom- breuses en Amérique. LES CRYPTOCÉPHALES — CRYPTO- CEPHALUS{\) Caractères. — Ils se distinguent des autres genres de la tribu par la forme de leur pro- sternum qui est tronqué à bord postérieur bilobé ou biépineux. Distribution ^éo°^rapIiiqnc. — Il n'est au- cun genre parmi les Chrysomélides qui soit aussi riche en espèces. On a décrit près de (I) KpunTÔ;, caclié ; y.Eça)ii, tête. L\SF.CTES. — 40 362 L'EUMOLPE DE LA VIGNE. 700 espèces (681). — L'Europe compte à elle seule 150 espèces. Mœurs, haliitudes, régime. — Les Crypto- céphales vivent sur les arbustes et les fleurs ; si on ne les rencontre pas en société ou en grandes masses, on les trouve souvent plusieurs à la fois. Ils ont l'habitude de rentrer leurs pattes et de replier leurs antennes, puis de se laisser choir lorsqu'on s'approche sans précaution. C'est un exemple de plus de celle habitude de simuler le mortel de disparaître subitement qui cons- titue l'unique moyen de défense d'un grand nombre d'Insectes désarmés contre les alLa- ques de leurs ennemis. Les Larves, comme celles des Clythrides, se construisent des fourreaux à l'intérieur des- quels elles passent leur existence. LK CRYPTOCÉPIIALE SOYEUX. — CRYPTOCEI'II .4- LUS SEIIICEVS. Notre plus grande espèce est le Cryplocephalm senceus, élégant Insecte vert doré ou d'un bleu profond qui fréquente le fond des fleurs des Composées. LES EUMOLPINES — EUMOLPINJE Cette immense tribu, qui renfermes elle seule plus de KiO genres, est difficile à caractériser; il importe même peu que nous la caracté- risions, car elle ne comprend pour ainsi dire que des Insectes exotiques. Le seul genre que nous ayons intérêt à connaître est le genre firomius. LES BROMES — BROMIUS (1) Caractères. — Ces Insectes ont le corps court, très épais, convexe, pubescent. La tôle courte, assez grosse, enfoncée dans le corselet, est creusée d'un sillon au milieu du front. Les antennes très écartées sont plus longues que la moitié du corps, grêles, grossissant vers l'ex- trémité, à premier article épais inséré dans une fossette sous les yeux, à deuxième et troi- sième égaux, à dernier article porteur d'un ap- pendice. Le proLhorax est très convexe, arrondi sur les côtés avec les angles extérieurs abattus et arrondis. L'écusson est à peu près penta- gonal. Les élylres presque carrées sont ar- (I) BpoiJ.io;, bacliifjno. rondies à l'extrémité. Le proslernum et le mé- sosternum sont extrêmement larges. Les pattes sont longues et grêles avec les cuisses en massue et les jambes sillonnées en dehors, Wîstributioii g'éograpliique. — Les deuX eS' pèces de ce genre habitent l'Europe, l'El'MOLI'E DE LA VIO'E. — linOMlUS VITIS. Caractères. — Ce Coléoptère, plus connu sous le nom d'Écrivain ou de Gribouri, est un Insecte de 5 millimètres, à la tête, au corselet, à l'écusson, au-dessous du corps, aux pattes noirs, aux élylres d'un rouge châtain, qui se distingue encore par d'autres particularités. La tête, rentrée dans le corselet, finement ponc- tuée, porte des antennes noires aux trois pre- miers articles fauves ; le corselet, également finement ponctué, est arrondi sur les côtés et sinué en arrière ; les élylres, aux épaules saillantes, à stries ponctuées, sont deux fois aussi larges que le corselet et deux fois et de- mie aussi longues. Mœurs, liabitudes, régime. — Le Gribouri est un des Insectes les plus nuisibles à la Vigne ; c'est lui qui ronge les feuilles de part en part et découpe comme à l'emijorte-pièce une foule de trous plus ou moins rapprochés qui dessinent de ci de là des caractères hiéroglyphiques, d'où son nom à'Eci'ioain, sous lequel il est universellement connu. A l'état de Larve, il est encore plus dangereux, mais ses méfaits ont été longtemps méconnus. La tradition voulait jusqu'à ces dernières années que les Larves soient des mangeuses de feuilles et de grappes, et les auteurs les plus consciencieux répétaient tous avec un louchant ensemble la même as- sertion. Latreille, Guérin-Méneville, Chevrolat, Goureau, Boisduval, Chapuis, affirmaient que ces Larves étaient phytophages ; et cependant tous ces Entomologistes éminents se trompaient grossièrement. Ce qu'ils ignoraient, les vigne- rons le savaient parfaitement, et Audouin, dès 1842, avait affirmé, certainement d'après leur dire, que les Larves vivaient aux dépens des racines de la Vigne. Aujourd'hui les obser- vations de M. Girard, de M. Lichlenslein, ont permis de vérifier la justesse de l'opinion d'Au- douin; on sait que les femelles des Eumolpes déposent leurs œufs sur les ceps, au voisinage du collet, et que les jeunes Larves se rendent en terre et perforent les racines; elles peuvent alors causer dans les vignobles des dégâts con- sidérables. Dans certaines années, sur les ceps LE GOLASPIDÈME NOIR. 363 aux racines déjiï épuisées par les Larves, il n'est pas un sarment qui ne présente de feuilles perforées de mille façons par les Écrivains. Nous devons au D' Ilorvalh la seule figure que nous ayons de la Larve du Bromius vitis ; elle est d'ailleurs excellente. 11 n'existe aucun procédé pratique de des- truction des Giibouris ; cependant, comme ils se laissent tomber à terre au moindre frôle- ment, on peut battre les ceps pour les préci- piter ;\ terre et charger les Poules, qui en sont très friandes, de les recueillir ;\ leur profit. On peut également secouer les feuilles au-dessus de sacs maintenus béants par un cercle de bois, retenu suivantson diamètre par une ficelle qui détermine une courbure et permet à l'appareil d'entourer les ceps ; les Insectes ainsi récoltés seront tués par un procédé quelconque. LES CHRYSOMÉLINES — CHRYSOME- LIN-E Die Chrysomelinen, Coractères. — Les Chrysomélines ont la tête arrondie, médiocre, engagée dans le prothorax, à bouche dirigée en bas et en avant; leurs an- tennes filiformes, un peu épaissies à leur extré- mité, sont insérées au bord interne et antérieur des yeux. Le corselet n'est pas arrondi, mais tronqué souvent à angles antérieurs saillants, aussi large ou même plus large que long. Les élytres de forme variable, ovalaires ou oblon- gues, sont en général très convexes et très am- ples, jamais tronquées, ni raccourcies. Les pat- tes sont courtes, robustes, à 3"° article entier, creuséd'unerainurepourlogerl'arlicleappendi- culaire et labasedel'article onguéal. Leurcorps, plat en dessous, bombé en dessus, présente un contour d'un ovale plus ou moins allongé. Distribution géograpiiiquc. — Nous Sommes encore en présence d'un groupe immense qui renferme plus de 1,300 espèces réparties surtout le globe ; 300 espèces environ sont européennes. Slœiirs, habitudes, régime. — AduUes et Larves vivent libres sur les feuilles, LES COLASPIDÈMES — COLAS- PI DE M A (I) Cnraoti'^res. — Ces Insectes établissent une transition entre les Eumolpines et les Chryso- (I) Cotaspis, nom d'un Insecte; ôsua;, forme. mélines, et ils ont été placés alternativement dans l'une on l'autre tribu suivant le caprice des auteurs. En effet, la forme desyeux qui sont subairondis, entiers, pourvus en arrière d'un espèce d'orbite, le développement du méso- sternum, la saillie des hanches antérieures, sont des caractères qui les rapprochent des Eu- molpines ; tandis que la forme de l'épisternum qui est subquadrangulaire, la disposition des hanches antérieures qui sonttransversales, celle des tarses à troisième article entier et à crochets simples, constituent des particularités qui obli- gent ;\ les rapprocher des Chrysomélines. nistribution géographique. — Les espèceS sont en général circumméditerranéennes ; quel- ques-unes s'étendent vers l'Orient. LE COI.ASPIDÈ.ME NOIR OU DE BARBARIE. — COLASPIDEDld ATER OU BÀIIBAKUS. Cet Insecte est certainement un des plus nui- sibles à l'agriculture méridionale. Caractères. — Long de 5 millimètres, large de 3 millimètres, il est ovoïde, noir luisant ; ses antennes filiformes atteignent le milieu du corps et comptent 11 articles; roussâtres à la base sur la moitié de leur longueur, elles sont noires jusqu'à l'extrémité; la tête est noire ponctuée; le corselet transversal est droit en avant, arrondi sur les côtés et postérieurement; les élytres un peu plus larges que le corselet, trois fois aussi longues que lui, sont bombées en dessus et embrassent les côtés del'abdomen ; elles sont ponctuées, chagrinées, abords ferru- gineux; les pattes noires ont les tarses rous- sâtres. Distribution géog;raphi«iue. — Cet Insecte habile l'Algérie, l'Espagne et la France méridio- nale où il est malheureusement trop commun il ne remonte ni vers le centre, ni vers le nord, Alœurs, habitudes, régime. — Ce ColéoptÔrC est connu dans le midi de la France sous le nom de Colaspe noire, Golaspe barbare ou de Barbarie (Cola^pis atra) ; en Espagne, notam- ment dans la province de Valence où il e.xerce ses ravages, les paysans le nomment Cuc, mot qui signifie Ver ou Chenille. Larves et adultes dévorent les feuilles des Luzernes et ne laissent plus que les tiges qui ne tardent pas à se dessécher. Dès les premiers jours de mai, les Insectes parfaits font, leur apparition, s'accouplent, et les femelles, au corps distendu par une immense quantité d'œuls, commencent leur ponte. Au bout de 364 LE LINA DU TREMBLE. dix ou douze jours, chacune d'elles a déposé çà et là sur la Luzerne environ 500 œufs. Les Larves, à peine nées, commencent à ronger les Peuilles; au mois de juin, elles ont tout anéanti. Elles mesurent, lorsqu'elles ont atteint toute leur taille, 6 millimètres sur 2; elles sont noirâtres, glabres, à tête ronde, écailleuse, et pourvues de 6 pattes noires. On peut juger de l'étendue des ravages que ces Insectes peuvent commettre par un exem- ple frappant. Dans un seul champ de Luzerne entouré de murs, une femme a pu ramasser en huit jours 35 à 40 kilogrammes de femelles. La destruction de ces rongeurs est indispen- sable si l'on ne veut pas perdre sa récolte de fourrage. On peut utiliser avantageusement les volailles qui sont friandes des Larves comme des Adultes; on peut aussi, en promenant sur les Luzernières de grandes poches de toile dont l'ouverture est maintenue béante h l'aide d'un cerceau solidement emmanché, recueillir d'énormes quantités d'Insectes qu'on fait périr ensuite par tous les procédés imaginables. Un procédé de destruction qui parait très effi- cace consiste à retarder la première coupe jusqu'à l'époque où toutes les Larves sont écloses; la Luzerne étant fauchée se fane et se dessèche, les jeunes Larves privées de nour- riture ne tardent pas à succomber. C'est à M. Joly, professeur à la Faculté des sciences de Toulouse, que nous sommes re- devables des meilleures observations sur l'or- ganisation et les mœurs des Colaspidèmes. LES LINAS — LINA (1) Caractères. — Chez les Lina, les jambes postérieures sont marquées d'un sillon pro- fond atteignant presque l'extrémité, et le cor- selet est moins large à la base que les épaules. Les élytres médiocrement bombées sont am- ples et élargies en arrière. Les antennes sont courtes et renflées en massue, comme on peut l evoir dansl'espèce figurée ci-contre (fig. 547). tE UNA DU PEUPLIER. — LINA l'OPVLI. Grosser Pappel-Blattkdfer. LE LINA DU TREMBLE. - LINA TRSMUL.m. Kkiner Pappel-SlutlMfer. Caractères. — Le grand Lina du Peuplier (1) Étymologie inconnue. {Lina Populi) est noir, avec des reflets verts ou bleus; le corselet a les bords latéraux délica- tement arrondis et légèrement renflés ; les élytres sont rouges avec l'extrémité noire, mais elles se ternissent beaucoup après la mort. Chez le petit Lina du Tremble {Lina Trc- mulœ), d'une coloration analogue, le corselet est droit, latéralement et insensiblement ré- tréci en avant; près des bords, ils sont encore marqués d'un sillon grossièrement ponctué, ce qui donne une apparence fortement tuméfiée à ces bords. Les élytres ne sont pas noires à leur extrémité (fig. 547). Mœurs, habitudes, régime. — Les deux es- pèces se montrent sur les buissons de Peu- pliers et de Trembles, surtout sur les jeunes Trembles. Dès que les arbres commencent à reverdir, ils sortent de leur engourdissement hivernal et se réunissent sur les feuilles en groupes ser- rés. L'accouplement suit de près, et la femelle pond ses œufs rougeâtres les uns à côté des autres, principalement à la face inférieure des feuilles et par groupe de dix environ sur cha- cune. Elle répète son opération successivement sur une dizaine de feuilles. Au bout de 8 à 12 jours, selon que le temps estplus ou moins doux ou rigoureux, les Larves sortent des œufs et on commence à les remar- quer à partir de mai, surtout à cause de la pré- sence des feuilles attaquées. Ces Larves ne font pas d'entailles en rongeant les feuilles; elles dévorent le parenchyme tout entier pour n'en laisser que les nervures les plus épaisses et transforment ainsi les feuilles en véritables dentelles (fig. 542). Après plusieurs mues elles ont atteint tout leur accroissement. Les figures 543 et 544 montrent leurconformation ; leur couleur est le blanc sale estompé de noir; la tôle, le corselet, les jambes, quelques rangées de ponctuations et les ver- rues fortement velues qui garnissent les flancs sont d'un noir plus net et brillant. 11 faut aussi mentionner la présence de 6 yeux situés de chaque côté de la tête, et qui ne sont pas visibles sur notre figure. Les Larves sécrètent, quand on les saisit, une humeur laiteuse d'une odeur désagréable, rappelant celle des amandes amères, qui s'é- chappe de leurs verrues latérales, et qui peut aussi rentrer dans le corps si l'attouchement est léger. Lorsqu'elles ont pris tout leur accroisse- LKS GHRYSOMELES. 365 Le Lcpiinolarso à dix lignes iioiros, ou L. de 1 Fig. la Pomme de terre, ou Colonulo-lieelle, Fig. improprement nommé le Doryphore. | Fig. Fig. ôâl. ■ Sa I.arve. Ses OEufs. ■ Le Lcptinotarso à lignes réunies. Fig. .MS a 5âl. — Les Lcptinotarsos improprement nommes Doryphores. iiuail, elles se suspendent à une feuille par la pointe abdominale, se dépouillent de leur peau une dernière fois pour se transformer en Nym- phes d'un blanc sale marquées de taches noires sur le dos et dont l'extrémité abdominale reste en grande partie entourée de la peau dont elles se sont débarrassées (fig. 457 et -458). Au bout de 6 à 10 jours, il en sort un Co- léoptère encore immature, de consistance fort molle, qui se consolide peu à peu au fur et à mesure de la dessiccation de toutes ses parties. Ce Coléoplëre paraît avoir deux générations par an, car on rencontre des Larves depuis mai jusqu'en août, et durant l'été on trouve à la fois des Larves, des Nymphes et des Insectes parfaits ; il est certain d'ailleurs que le déve- loppement est fort rapide si le temps est favo- rable : ainsi des œufs étant pondus le 2 août, les Coléoptères qui en provenaient se montrèrent le 13 septembre suivant. LES CHRYSOMÈLES — CBRYSO- MELA (]) Caractères. — Le genre Chrysomèle manque de sillon aux jambes postérieures, il en existe tout au plus une ébauche; le corselet atteint presque la largeur des élytres au point où il touche à celles-ci et le 2™'' article des tarses est plus étroit que ses deux voisins. Distribution §;éo^raphiqae. — On connaît environ 150 espèces de Chrysomela qui appar- tiennent en majorité à l'Europe et dont les plus belles espèces, aux couleurs métalliques les (l) Xp'jco;, or; (ji:>,o:, membre. plus flamboyantes, habitent de préférence les montagnes. Mœurs, habituiles, rôgimc. — La plupart d'entre elles se tiennent sur des plantes spé- ciales, aux dépens desquelles vivent leurs Lar- ves cylindriques, quelque peu bombées et dé- pourvues de verrues poilues sur les côtés. C'est ainsi que vit sur diverses espèces deMen- thesle Chrysomela ciolacea d'un beau bleu d'a- cier et le C. Mentliaslri d'un magnifique vert doré ; le C- cerealis, plus sombre, rouge ou jaune doré rayé de bleu, ne se trouve que sous les pierres des pentes sèches des montagnes dont le maigre gazon sert de nourriture à sa Larve; le C . fastuosa d'un jaune doré vif, rayé de bleu sur les élytres, vit sur le Gakopsi's versicolor et autres Labiées ; le C. graminis, plus grand el sensiblement ridé, d'un vert émeraude uni- forme, se tient sur le Tanacetum vulgat-e ; \e C. varians, aux nombreuses variétés, vit sur le Millepertuis. Ordinairement on les trouve en sociétés nombreuses sur la plante nourricière. On a fait d'intéressantes observations sur les mœurs de diverses espèces. Dans le midi de la France (Marseille), en Por^ tugal on trouve par exemple une espèce, le C. diluta qui est nocturne. De septembre en novembre elle recherche pendant la nuit les feuilles du Plantago corunopus, se cache durant le jour sous les pierres (probablement notre C. cerealis a pareillement des habitudes noc- turnes). Les œufs sont pondus en octobre sur les plantes, et c'est au commencement de décem- bre que les Larves en sortent. Celles-ci subissent deux mues et deviennent Nymphes à la fin de février. Au bout de trois semaines passées sous 366 LA CHRYSOMELE OU DORYPHORE DU COLORADO. ce dernier état, c'est-à-dire vers la fin de mars, les Coléoptères paraissent, s'enfoncent profon- dément en terre et passent les mois les plus chauds dans une sorte d'engourdissement esi;'- val, dont ils ne se réveillent qu'à l'arrivée des nuits plus fraîches. D'après les observations de Perroud, les deux magnifiques espèces, les C. {Oreina) su- perba et speciosa, donnent le jour à des Larves qui éclosent dans le sein de leur mère. LES LEPTINOTARSES — LEPTI- NOTARSA (1) Caractères. — Ces Chrysomélines se distin- guent par l'existence à la face externe des jambes d'une gouttière ou rainure qui atteint ordinai- rement le milieu de leur longueur. D'autre part le 4° article de leurs palpes maxillaires est beaucoup plus court et plus étroit que le 3", il n existe jamais de pointe en avant du mnoster- num; aussi les Leptinotarses ne peuvent-elles être confondues avec les Doryphores qui ont une longue pointe mésosternale. nistribution g^éogrrapliiqiie. — Les espèceS de ce genre (30 environ) habitent exclusivement l'Amérique centrale (Texas, Mexique, Guate- mala, Louisiane). LA CUnYSOMÈLE DE LA POMME DE TERRE OU DORYPHORE DU COLORADO. — LEPTINOTJJtS.4 DECEMIANEATA. La Chrysomèle du Colorado [Leptinotarsa de- cemlineata), le fameux Doruphora des auteurs, le Colorado Beetle, le Colorado Potato-Beetle des Américains, a acquis une triste célébrité dans l'Amérique du Nord, depuis une quinzaine d'années, et a répandu la panique et la terreur jusqu'en Europe. En efiet, c'est à cause de lui que, récemment, le Reichstag allemand et plus tard (août 1877) le Gouvernement français ont interdit l'entrée des Pommes de terre de l'A- mérique du Nord dans les ports allemands et français. L'Insecte a été rencontré pour la première fois en 1823 par le célèbre entomologiste Say dans les Montagnes Rocheuses, lors de la grande expédition scientifique que le major Long fit dans ces régions sur l'ordre du Gou- vernement Américain (1824). Say la décrivit alors sous le nom de Doryphora decemlineata. C'est une Solanée (le Solanum roslratuni \\ Asfîo;, grêle ; xaf/uo;, tarse. Dunal) croissant à l'état sauvage qui servait primitivement de nourriture au Leptinotarsa. Par suite de la propagation de la Pomme de terre vers l'ouest, ce Solanum a été connu et apprécié parle Coléoptère, qui s'est bientôt ré- pandu vers l'est et le nord-est avec une rapi- dité incroyable. Caractères. — Ce Coléoptère est proche parent des espèces indigènes que nous venons d'étudier; il a les mœurs du Lina populi, mais avec cette différence qu'il se multiplie encore davantage et qu'il entre en terre pour passer à l'état de Nymphe. Le fond de sa coloration est jaune, et rap- pelle celle du cuir non apprêté ; il est tacheté de noir sur la tête, le corselet ainsi que sur toute la face inférieure ; il est marqué éga- lement de noir sur les cuisses et les tarses ; ses élytres sont ornées de cinq lignes noires. Celles-ci, à l'exception des plus extérieures peu visibles en dessous, sont bordées cha- cune de 2 rangées irrégulières de ponctua- tions qui, surtout sur la moitié extérieure de l'élytre, se perdent au milieu des intervalles jaunes. La ligne suturale noire se réunit en ar- rière avec la suture elle-même qu'elle accom- pagne au delà ou bien finit par s'effacer; les deuxième et troisième lignes se réunissent de même à la fin pour franchir encore un court espace, pendant que les deux suivantes s'arrê- tent court séparément au moment où elles sont sur le point d'atteindre l'extrémité des élytres. Comme il y a eu une confusion de noms au sujet de deux espèces fort voisines, et que les hommes de science se sont évertués à résoudre celte question de nomenclature, nous ferons remarquer qu'à l'origine Say et Suffrian ont décrit l'espèce en question provenant du Nebraska et du Texas, sous le nom générique impropre de Doryphora, et qu'une deuxième espèce de la Géorgie et de l'IUinois a reçu de Germar le nom de Chry- somela juncta postérieurement à la création du genre Leptinotarsa. Celle-ci se trouve représentée (fig. 531) et se distingue facilement de sa congénère par les caractères suivants : Les cinq raies noires de chaque élytre sont boi'dées chacune par une seule rangée de ponctuations régulières ; la raie médiane suit la sulure dans toute sa longueur et toujours en restant à une égale distance de celle-ci sans jamais la toucher; la deuxième raie est la plus courte postérieurement, tandis (jue la troisième et la quatrième se réunissent LA CHKYSOMÈLE OU DORYPHORE DU COLORADO. 307 à l'exlrémilé, el clans leur parcours, elles restent si rapprochées l'une de l'autre qu'elles ne lais- sent comme intervalle qu'une lif;ne jaune fort étroite qui peut même disparaître entièrement. Celle espèce vit exclusivement sur le Sola- nvm Carolhieiise . Mœurs, IiabHudes, rôslme. — La Chryso- mèlc, ou Leplinotarm du Colorado, hiverne sous terre à une profondeur de GO centimètres, à ce que l'on prétend, car on la trouve en avril en grande quantité pendant les labours profonds. Aussitôt que les champs de Pommes de terre commencent à verdir, elle s'y transporte pour se nourrir des feuilles et pour pondre à leur face inférieure des œufs allongés, d'abord jaunes, puis oranges, réunis et collés au nom- bre de 35 à 40 sous forme de plaques. 11 est exagéré d'admettre que la femelle puisse dé- poser jusqu'à 1200 œufs et le chiffre de 700 dont on parle est encore problématique ; en évaluant de 70 à 120 le nombre d'œufs pondus nous serons plus véridiques. La Larve, grasse et charnue, ressemble com- plètement aux Larves de nos espèces ndigènes, elle est très luisante, de couleur rouge brune un peu rougeâtre dans le jeune âge et d'un beau jaune orange lorsqu'elle a acquis toute sa taille, avec la tôle, le bord postérieur du col et les jambes d'un noir profond; en outre, sur les côtés s'étendent deux rangées de taches noires arrondies, qui deviennent beaucoup plus petites sur le deuxième et le troisième anneau, si même elles ne disparaissent en partie ou en to- talité. Les antennes écourtées ont 3 articles, les ocelles sont au nombre de quatre de chaque côté. H y a -4 articles aux palpes maxillaires et 3 aux palpes labiaux; les mandibules sont pourvues de 3 dents. Les Larves au sortir de l'œuf poursuivent les ravages commencés par leurs parents. Leur accroissement se fait rapidement en 15 ou 20 jours, et, arrivées à terme, elles se ren- dent en terre pour se transformer. Après le court repos de l'état de Nymphe, c'est-à-dire une dizaine de jours, le Coléoptère paraît, se met à dévorer, voltige partout, se transporte à de longues distances, s'accouple et donne le jour à une seconde génération qui cinquante jours après met au monde une troisième géné- ration. Les Adultes qui proviennent de cette génération ne s'accouplent pas, la saison est trop avancée; ils n'ont qu'une préoccupation, celle de chercher une retraite pour prendre leurs quartiers d'hiver : les uns s'enfoncent dans la terre, d'autres s'abritent sous les pierres, ceux-ci s'enfouissent dans la mousse, ceux-là s'insinuent sous les écorces. Les Œufs, les Larves et les Nymphes qui existent encore ne résistent pas aux premières atteintes du froid ; seuls les adultes qui ont su s'abriter à temps assureront la reproduction de l'espèce au printemps suivant. La mulliplication de notre Coléoptère est vraiment prodigieuse; et il n'est pas étonnant que durant l'été toutes les générations se voient simultanément, car sou- vent, dans les cas de grande fécondité, les œufs n'ayant pu être pondus d'un coup, les Larves qui en proviennent sont nécessairement d'âges différents. 11 y a donc trois générations par an, la pre- mière en mai, la seconde au milieu de juin, la troisième en août ; mais comme il y a aussi bien des individus précoces que des retardataires, on trouve simultanément des OEufs, des Larves, des Nymphes et des Adultes. On a calculé que 100 femelles pouvaient à la première généra- tion donner naissance à 100 ou 120 mille Do- ryphores, la seconde à 50 ou 60 millions, la troisième à des milliards ; heureusement qu'une foule de causes de destruction viennent en diminuer le nombre. Comme cet ennemi de la Pomme de terre dévore et fait disparaître les parties aériennes de la plante, celle-ci ne peut point produire de tubercules ou du moins n'en produit que d'in- complets, et par suite la récolte en est d'au- tant diminuée. Le Leptinotarsa s'attaque à la Pomme de terre, ainsi d'ailleurs qu'à toutes les plantes du genre Solanum : S. roslralum, Carolinense, Waysietviczi, robustum, discolor, Sieglingi; il s'attaque aussi aux Tomates, aux P/iysalis, aux Dutura, aux Jusquiames, aux Nicandra, aux Tabacs, aux Belladones, aux Pétunia; on l'a vu aussi, mais seulement par suite de manque de nourriture, se rendre sur d'autres plantes que les Solanées, par exemple sur diverses mauvaises herbes, sur des Chardons, sur VAma- ranthus reb-nflexus, le Sisymbrium officinale, et sur les espèces des genres Chenopodiian et Eu- palorium. Ravages. — En l'année 18.VJ la Chrysomèle commença ses déprédations dans le Nebraska, mais elle était encore éloignée de 100 milles à l'ouest de Omaha; en 1864 et 1863 elle fran- chit le Mississipi sur cinq points à iOO milles d'intervalle et pénétra dans l'Illinois; en 1870 elle s'était installée dans l'Indiana, l'Ohio et 368 LA CHRYSOMELE OU DORYPHORE DU COLORADO. l'Ontario. En 1871, des essaims de Leptinotarsa couvrirent le Détroil-River dans le Michigan, traversèrent le lac Érié sur des feuilles, des co- peaux et divers fragments de bois flottants pour porter leurs ravages au Canada dans les terres qui s'étendent entre les fleuves Saint-Clair et Niagara ; en 1873, ils se montraient dans l'État (le New-York, dans le Vermont, le New Jersey, la Pensylvanie, le Maryland ; et détachaient des colonies en Colombie et en Virginie ; en 1875, ils atteignirent les rivages de l'Atlantique; en 1876, ils arrivèrent jusqu'à Québec et Montréal, et envahirent le Maine. La translation en Europe ne paraissait guère vraisemblable, car il fallait que le chargement des Pommes de terre se fît pour cela avec un grand manque de soin et de propreté. La crainte de l'introduction de ce fléau semblait peu fondée. 11 abi^en fallu se rendre à l'évidence, les Chry- somèles de la Pomme de terre traversèrent l'Atlantique, — comment, nul ne le sait, mais il est probable que ce fut avec des fanes servant à l'emballage des tubercules, — et firent leur première apparition dans un champ de la commune de Mulheim, près de Cologne, le 27 juin 1877. L'autorité prévenue fit couvrir le champ de sciure de bois imprégnée de pétrole à laquelle on mit le feu ; le champ fut ensuite défoncé et traité par la chaux vive répandue en poudre. Un mois après, les Doryphores appa- rurent dans un champ voisin, on les fit dispa- raître par les mêmes procédés. Le 30 juillet 1878, dans le voisinage de Cologne et en Saxe, à plus de 400 kilomètres du premier foyer d'infection, les Chrysomèles se montrèrent en nombre ; mais on en eut raison par des mesures de destruction rapides. C'estau moment de l'invasion de 1877 que M. lleiizé, inspecteur général de l'Agriculture, fut envoyé en Allemagne par le gouvernement français, et les échantillons vivants qu'il rap- porta servirent à donner d'après nature la planche qui accompagne la circulaire que le Ministère de l'Agriculture le chargea de rédi- ger. Hélas! pourquoi n'a-t-il pas prié un Ento- mologiste compétent de faire la rédaction, comme il avait chargé un dessinateur natura- liste d'exécuter les figures ? il aurait évité de singulières méprises de rédaction qui ont pro- voqué bien des sourires. Il n'aurait pas pris le Pirée pour un nom d'homme, et appelé Colo- rado, le Scarabée du Colorado [Colorado Beetle, Colorado Potato-Beelle) ; il n'aurait pas dit. chose plus grave, que cet Insecte avait le méso- stmmm avancé en pointe ou en manière de corne, tandis que ce caractère, qui n'existe pas chez la Chrysomèle de la Pomme de terre, la dis- tingue nettement des Doryphora et oblige à les placerparmilesZe;:i/)??o/(7r.s'<>,s;iln'aurait pas dit que les Insectes adultes nagent aisément, etc, etc. Aujourd'hui le calme est revenu dans les es- prits ; les Chrysomèles de la Pomme de terre n'ont pas envahi l'Europe, et leur reproduc- tion s'est ralentie en Amérique. Souhaitons que des deux côtés de l'Atlantique on puisse vivre de longues années dans une quiétude absolue. Moyens rtc destruction. — Dans le but de combattre le fléau, on a conseillé de recueillir les Chrysomèles, mais le ramassage ne s'ac- complit pas sans de grands inconvénients. On a constaté des propriétés venimeuses chez le Leptinotarsa. Comme beaucoup de Larves de Chrysomèles indigènes, celle du Coléoptère en question sécrète une humeur visqueuse quand on la saisit, mais qui ici provoque l'enflure, la tuméfaction des mains; il faut donc se servir de vieux gants pour le recueillir. L'emploi du vert de Scheele (arsénite de cuivre) dilué dans 25 à 30 parties de farine est préconisé par M. Riley; on le répand sur les plantes avec des appareils de formes diverses dont un tamis est la pièce principale. On peut également tenir le poison en suspension dans l'eau — il est insoluble, — elle répandre dans le liquide avec des pompes ou des arrosoirs; ce mode d'emploi est moins dangereux. Il a paru être mortel pour rinsecte sans être préju- diciable à la plante. On a recommandé égale- ment les aspersions faites avec une dissolution de phénol du commerce dans l'eau, 1 litre par hectolitre. Toujours, quand un Insecte se montre en trop grandes quantités, irrencontre des des- tructeurs naturels et il n'en est pas autrement pour notre Coléoptère. Un Diptère du genre Tachina {Lydella Doryphorœ) pond ses œufs sur la Larve; les Larves de certaines Coccinelles dévorent les Larves de Leptinotarsa; les Cara- biques, les Reduviens, les Batraciens, les Cor- neilles ontleurpartdeméritedansladiminution de ce redoutable ennemi. Après qu'on eut trouvé quelques-uns de ces Coléoptères dans le jabot d'une Caille, on eut l'idée de mettre des Canards et des Poules dans les champs pour combattre l'ennemi. Tous firent leur devoir, mais parmi les Poules plu- sieurs cas de mort furent sisnalés. LE TIMARCHE POLI. 369 Fig. 5M. ^^^ l'-ig. 55-2. Fig. 5i3. Fig. 552. — Femelle pondant. Fig. 553. — Jeunes Larves. Fig. 554. — Larves ayant toute leur taille et rongeant des feuilles] d'Aulne. Fig. 5r)5. — Larve très grossie. Fig. 5.S6. — Adulte très grossi. Fig. 552 h 556. — La Galcruque de l'Aulne LES DORYPHORES — DORYPHORA (I) Spiess trûger. Nos Chrysomclincs sont représentées dans l'Amérique méridionale par de nombreuses espèces du genre Doryplwra généralement d'assez forte taille et de couleurs non moins brillantes, qu'il faut bien se garder de con- fondre avec les Leplinotarsa. Cnraetères. — Elles sont reconnaissables avant tout à la forme de leur mésosternum qui se prolonge en une corne cylindrique, aiguë, effilée, droite ou courbée, toujours diri,^'ée en avant ; c'est à cette disposition d'ailleurs qu'elles doivent d'avoir reçu le nom de Dory- phores ; les antennes sont grêles, un peu élar- gies à leur extrémité; la tête, grande, est enfoncée jusqu'aux yeux d;ms lecorselet. Distribution géoffrapiiiiiue. — Les représen- tants de ce grand genre (164 espèces) appartien- nent en grande majorité à l'Amérique du Sud, notamment au Brésil, mais un certain nombre habite l'Amérique centrale et même le Mexique. A nos Lina se rattachent les espèces améri- caines du genre Calligi'apha qui sont remarqua- bles par les tracés hiéroglyphiques qui se des- sinent sur le fond léger de leur face dorsale. (1) Aopufopo;, armé d'une lance. Breum. — VIL Les Chrysoméliens de l'Australie ne peuvent être rapprochés des nôtres 'la surface de leur corps a généralement un aspect rugueux et présente une teinte d'un brun sale ou rappelant la couleur du bois ; ils sont fortement bombés et de forme ovoïde obtuse. Ces Coléoptères constituent le genre Paropsis. LES TIMARCHES — LES TIMARCHA Caractères. — Ces Insectes sont des Chryso- mèles attachées à la terre, condamnées à. se traîner sur le sol et à vivre de plantes basses, car ils sont absolument privés d'ailes; ils se font remarquer par la présence d'un pygidium ru- dimentaire et la brièveté de leur mésothorax ; les trois paires de pattes sont également dis- tancées et les cavités cotyloïdes antérieures sont fermées, particularités exceptionnelles dans le groupe. Distribution géographique. — Ils appar- tiennent pour la plupart ;\ la Faune circa-mé-' diterranéenne, surtout ;\ la Faune espagnole, et se font rares à mesure qu'on remonte vers le Nord ; on a décrit 72 espèces. LE TLMARCIIE POLI. — TIHIAIlCIIÀ LeflOÀTUS. Caractères. — C'est ce gros Coléoptfcre très bombé, à la démarche lourde et paresseuse qu'on rencontre se traînant sur les chemins ou Insectes. '— 47 370 LES ADIMONIES. grimpant sur les plantes basses, le long des haies, qui se fait reconnaître à sa coloration vert-bronzé uniforme et à la sécrétion rouge de sang qu'il rejette par la bouche et qui lui a valu le nom populaire de Crache sang. Mœurs, habitudes, régime. — Sa Larve Se rencontre très souvent sur les différentes es- pèces de Caille-lait {Galium) ; il serait difficile de ne pas l'apercevoir, car sa coloration vert foncé, à reflets métalliques, et son volume atti- rent le regard. Elle est courte, ramassée, bombée en dessus ; sa tête porte des antennes de 3 articles et 6 ocelles : son abdomen se termine par un appendice bifide servant à la progression. LES GASTROPHYSES. - GASTRO- PHYSA (1) Caractères. — Indépendamment du faciès qui permet de les reconnaître parmi les Chry- somélides, ces Insectes se distinguent par leurs hanches antérieures qui sont saillantes et assez rapprochées ; par la forme de leurs jambesquiportent,surtoullespostérieures,une saillie dentiforme ciliée ; leur abdomen acquiert un développement énorme : aussi semblent- elles se rapprocher des Galérucines. Distribution géographique. — Les quel- ques espèces appartiennent toutes à l'hémis- phère boréal : Europe, Sibérie, Amérique du Nord. LE GASTKOPHYSE DU POLYGONUM. — OJSTJtO- PllYSA POLYOOISI. Caractères. — C'est un Insecte oblong, très convexe, à la tête petite, verte ou bleuâtre, au corselet aussi large que long, de couleur rouge, aux élytres plus ou moins densement ponctuées, d'une teinte verte ou bleuâtre. Mœurs, habitudes, régime. — Cette Cliry- soméline qui vit ordinairement sur le Polygo- num aviculare, se mulliplie quelquefois à foi- son sur l'Oseille commune {lîumex acetosa),ei cause alors dans les potagers et les jardins maraîchers un préjudice sérieux ; en 1881, les cultivateurs des environs de Paris ont été fort éprouvés. Larves et Adultes dévorent à l'envi, et la rapidité de leur multiplication est telle qu'on rencontre à la fois sur les feuilles aux trois quarts rongées, des Larves à tous les âges, (1) Paoîiip, ventre; 90oa, vessie. des Insectes accouplés et des femelles au ven- tre énorme en train de déposer des paquets d'œufs orangés. Nous citerons seulement pour mémoire le Fig. 557. — Helodes du Pliellandrium. Prmocuris [Helodes] Phellandrii, Chrysoméline que l'on rencontre très fréquemment dans les marais sur le Pliellandrium aquaticum (fig.^57). LES GALERUCINES - GALERUCIN.E Die Gakrucincn, FurchtMfer. Caractères. — Ces Insectes constituent un groupe bien défini, ne difi'érant pas tant des Chrysomélines par leur aspect général que par le mode d'attache de leurs antennes. Celles-ci sont insérées au milieu du front, à quelque distance du bord interne des yeux et rappro- chées l'une de l'autre ; elles sont en général filiformes et mesurent au moins la moitié de la longueur du corps. Distribution géographique. — Ce groupe immense est partagé en plus de 200 genres, il est donc évident que tous les points de la terre en possèdent quelques représentants. LES ADIMONIES - ADIMONIA (1) Caractères. - On a distingué SOUS le nom d'Adimonia les formes les plus robustes dont les élytres, plus longues qu'elles ne sont larges à leur naissance, s'élargissent d'avant en ar- rière et sont ordinairement ponctuées, rugueu- ses et ornées de côtes longitudinales; dont le premier article des tarses est aussi long que les deux suivants réunis. Distribution géographique. — La Faune européenne et la Faune sibérienne se partagent la grande majorité des espèces. (1) 'Aôriiiovia, inquiétude. LES LUPÈRES. 371 L'ADIMONIE DE LA TAiNAISIE. — ADLV0NI4 TjyjCETI. Caroctères. — V Admonia Tanaceti est un Coléoptère d'un noir brillant, de 6,77 millim. de long sur (5, S de large. Sa surface dorsale est profondément et grossièrement ponctuée. La tête, transversalement quadrangulaire d'arrière en avant jusqu'au bord antérieur des yeux, se rétrécit de même en avant et vers le dessous. Le corselet est presque deux fois aussi large que long, rétréci obliquement dans sa moitié antérieure, et les bords nettement brisés en angle sont relevés pour former une bordure saillante. Les hanches antérieures tronquées en bouchon se touchent presque, les griffes sont fendues et les cinq anneaux abdominaux sont d'égale longueur. Fig. 5' S. — Adimonie rustiijue. Hœnra, hahitnrtes, résriine. — On trouve cet Insecte partout dans les prés et sur les chemins gazonnés, durant tout l'été. Ce sont les femelles fécondées qui frap- pent le plus le regard, parce que leur ab- domen exlraordinairement gonflé ne leur per- met de se traîner qu'avec peine et ne peut se loger sous les élytres qui sont assez planes et dont les extrémités sont séparément ar- rondies. Si l'on y fait bien attention, on remarque à la même place, mais seulement sur les feuilles de la Tanaisie et même seulement à l'époque où celle-ci pousse ses premières feuilles, une Larve hérissée de soies et d'un noir mat. Si elle est abondante, les Adimonia qui en pro- viennent ne tarderont pus à leur succéder dans les mêmes proportions. Cette Larve se rend dans la terre pour y subir ses transfor- mations. Taschenberg rapporte qu'il s'est présenté un cas où ce Coléoptère et sa Larve ont rongé de jeunes plants de Betteraves. Nous represcrivons (fig. 358) l'Adimonie rus- tique [Adimonia ruslica). LES GALÉRUQUES — GALERUCA (1) c'aractèreH. — Ces Insectes ont un faciès tout différent decelui des ^rfmonîa, ils sont plusgrê- les, plus allongés, leurs pattes et leurs antennes sont plus effilées; leur corps est entièrement re- couvert d'une fine pubescence; les élytres ne sont jamais armées de côtes ; enfin le l"' article des tarses postérieurs est plus long que le suivant. Distribution g^éog^raphique. — Toules les régions du globe ont des représentants de ce grand genre. Mœurs, habitudes, rég^ime. — Les Galéru- ques apparaissent quelquefois en masses prodi- gieuses et se font remarquer par la manière dont eux et leurs Larves rongent le feuillage ou criblent de trous les feuilles au point qu'il n'eu reste pas une seule intacte. La Galéruque de la Viorne [Galeruca Viburni sous la forme d'une Larve jaune verdâtre, cou- verte de nombreuses verrues noires, crible de trous deux fois par an les feuilles de la Boule de neige ( Viburnitm opulus). Les Larves de la Galéruque de l'Orme {Gale- ruca xanthomelœna ou cahnariensis), causent de sérieux dommages aux Ormes. La Galéruque de l'Aulne [Agelastica Alni, fig. 532 à 5!56, p. 369) est un Coléoptère d'un bleu violet, qui ronge les Aulnes, ainsi que les feuil- les; nous serions entraînés trop loin si nous voulions leur consacrer une attention plus ap- profondie. D'autres espèces d'aspect semblable hantent les Saules ainsi que des arbrisseaux ou arbres divers. LES LUPÉRES — LUPERUS (2) Caractères. — Ce sont des Galérucines de petite taille et de frêle apparence, aux longues antennes filiformes, aux très longues pattes fort grêles; le premier article de leurs tarses postérieurs est toujours beaucoup plus long que les deux suivants réunis ; leurs corps est allongé; leurs téguments sont mous. nistribution srpog:raphique. — Ce genre très nombreux a la plus grande partie de ses repré- (1) Étymologie inconnue. ("2) AuTiTipôç, triste. — ac JL 372 LES PSYLLIODES sentants répartis dans les différentes contrées de l'hémisphère boréal, LE LUI'ÈRE AUX PIEDS JAUNES. — tUPERVS. FLAHl'ES. Ce petit Insecte aux élytres bleues foncées, aux pattes jaunes (fig. 559), est très répandu dans notre pays ; au témoignage de Géhin, il Fig. 559. — Luperus aux pieds jaunes. criblerait de trous les feuilles du Poirier et se- rait même préjudiciaitle. On a signalé en 1876 (M. Maurice Girard), une autre espèce, le Luperus flavus, comme nuisible aux Pommiers des environs d'Alger; elle dévo- rait non seulement les feuilles, mais les jeunes fruits. LES IIALTICINES — EALTICIN.E hic Halticinen, Erdflôhe. On connaît universellement et en partie par leur fâcheuse réputation, les petites Ghrysomé- lines qui d'habitude se montrent en masses innombrables et jouissent, grâce à leurs cuisses postérieures épaisses, de la faculté de sauter. Aussi, leur a-t-on donné avec assez de justesse le nom de Puces terrestres, car elles sautent beaucoup plus qu'elles ne volent. Caractères. — Nettement caractérisées par le développement énorme des cuisses, ces Ghrysomélines se font encore remarquer : par la brièveté de leurs antennes, souvent dilatées à l'extrémité, rarement filiformes, insérées comme chez les Galérucides ; par la cohésion du corselet et des élytres-qui rend leur corps robuste et résistant. Leur ancien nom scientifique Altica ou Hal- tka, n'est plus apphqué aujourd'hui qu'à un petit nombre d'espèces; de nouvelles coupes génériques ont été créées, suivant que le corps devient ovoïde ou globuleux {Sphaerodertna et Mniophila), que les antennes comptent 10 arti- cles et que les jambes des pattes postérieures présentent un sillon longitudinal vers leur pointe ou sur leur milieu {Psyltiodes), ou bien selon que les jambes sont armées d'une épine terminale simple ou fourchue [Dibolia) et sui- vant bien d'autres caractères qui sont princi- palement empruntés à la conformation des pattes. Distribution géograpliique. — ■ Le nombre de leurs espèces réparties dans 100 et quelques genres est très considérable, et aucune partie de la surface du globe n'en est dépourvue. L'A- mérique du Sud, qui est particulièrement ri- che, en possède qui mesurent jusqu'à 8,75 mil. lim. de long, tandis que nos espèces indigènes comptent parmi les plus petites. En France, en Allemagne, vivent une centaine d'espèces environ. Slœurs, habitudes, régime. — Ces Coléoptè- res hivernent généralement à l'état parfait, mais parfois aussi à l'état de Larves, pour se rendre dès le premier printemps dans les jar- dins et les champs où leur présence devient bientôt funeste s'ils se jettent sur les jeunes plantes (Colza, Giroflées, Chou, etc.), dont Larves et Adultes dévorent les feuilles, chaque génération faisant promptement place à une nouvelle. Beaucoup se contentent d'attaquer une seule plante; mais, pour la plupart, elles ne sont pas des hôtes absolument e.xclusifs et n'honorent pas seulement de leur visite les plantes qui sont proches parentes les unes des autres, elles prennent souvent leur repas sur les végétaux les plus dissemblables : aussi les trouve-t-on là où l'on pourrait le moins supposer leur pré- sence d'après leur dénomination spécifique. LES PSYLLIODES. — PSYLLIODES Caractères. — Les Psylliodes sont aisées à reconnaître entre toutes les Haltises ; leurs antennes en effet comptent seulement 10 arti- cles, et leurs tarses postérieurs, au lieu d'être insérés à l'extrémité des jambes, sont atta- chés à quelque distance en avant. Distribution géog^raphique. — Ce grand genre qui compte environ 75 espèces, a le plus grand nombre de ses représentants (50 à 60) confinés en Europe. llœurs, liabitudes, régime. — Ce SOnt IcS ennemis par excellence des Carduacées, des Composées et des Crucifères. LE rSYLLIODE A TÊTE«bRÉE. 373 Fig. r.C4 Fig. 5C1. Fig. 502. Fig. 5G3. Fig. 565. Fig. 567. Fig. 568. Fig. 5G0. Fig. 561. Fig. 5G2. Fig. 563. Haltise il la tûte dorée, adulte très grossi. ■ Sa Larve, très grossie. ■ Ilaltise à tCte dorée, de grandeur naturelle. ■ Haltise du Cliou, vue ;\ la loupe. Fig. 56i. — Haltise floxueuse, vue à la loupe. Fig. jG5. — Haltise dos bois, vue à la loupe. Fig. 5G6. — Haltise du CliSne, vue à la loupe. Fig. 5G7 et 568. —Sa Larve, de grand, nat. et vue h la loupe. Fig. 660 à 508. — Les Haltises. LE PSYLLIODi: A TKTi; DORKE. — rSYl.LlODES cnmsocEPiiJLJ. Rapserdfloh. C'aractèrcB. — La Conformation extérieure (lu corps et le mode d'insertion des tarses pos- térieurs en deçà de l'extrémité des jambes, sont indiquées dans notre figure 560; nous ajoute- rons un second caractère relatif à la colora- tion : le corps est d'un noir verdâtre ; la partie antérieure de la tête, plus rarement la surface entière de celle-ci, la naissance des antennes, les pattes sont jaune-rouge h l'exception des cuisses postérieures, et de plus les cuisses des paires antérieure et médiane sont plus foncées que lesjambes. Le front est lisse, sans dépres- sions, le corselet finement ponctué, les élytres au contraire sont sensiblement striées-ponc- tuées. UœurH, habitudes, régime. — L'Haltise du Colza (Psylliodes chrysocephala, Og. 560 et 562) vit non seulement sur la plante qui lui a donné son nom, à laquelle sa Larve peut occasionner de graves dégâts, mais encore sur d'autres plantes fort diverses. Taschenberg a observé ses mœurs, et d'après lui, nous les décrirons ici brièvement. Au premier printemps, quand les semis de Colza revenus de leur repos hivernal donnent leurs premiers signes de vie, on remarque que les feuilles ou les tigelles encore courtes de (juelques-unes ou d'un grand nombre d'entre elles deviennent brunes au lieu de demeurer vertes, ou bien on voit d'autres sujets dont la tige manque totalement et se trouve remplacée par des rejets latéraux atrophiés et dont le bourgeon terminal est également brun. En examinant de plus près, on trouve, là dans la tigelle, ici dans le pivot, des Larves de 2 à 6 millim. de long. Bien des semaines plus tard, quand la prin- cipale floraison est passée et que les Siliques par leur aspect semblent promettre une riche ré- colte, on trouve encore les mômes Larves, mais plus grandes et logées dans les parties élevées, surtout dans les tiges qui sont cassées et pliées. Et ces tiges brisées sont si nombreuses, que les champs présentent un triste aspect ; il semble- rait que des hommes ou du bétail les aient par- courus en tout sens avec la plus complète in- souciance. Les Larves ayant dévoré la moelle, le végétal ne présente plus aucune résistance contre le vent. Çà et là, surtout à la face inférieure des bran- ches, on remarque aussi quelques trous par lesquels les Larves à terme se sont ménagé une sortie pour leur transformation. Les Larves qui nous occupent (fig. oGl) sont d'un blanc sale, légèrement déprimées, et pour- vues de 6 pattes ; la tête cornée, le corselet, sont bruns ainsi que le dernier anneau abdominal. Celui-ci est incliné obliquement et son extré- mité anale est précédée de 2 pointes épineuses. Une légèreteinte brune colore également les ta- ches cornées qui sont disposées par rangée et marquent les intervalles des anneaux. La tète porte des antennes distinctes, courtes et coni- 374 L'HALTISE DU CHOU. ^ ques, derrière lesquelles de chaque côté se trouve une ocelle ; les mandibules sont fortes et armées de 3 dents à leur extrémité. La Larve devenue adulte a 7 millim. de long; elle quitte alors la tige pour se transformer sous terre sans tisser de cocon. C'est vers la mi-mai environ que le Coléo- ptère sort, et se montre, comme nous l'avons dit, sur des plantes diverses et non pas exclu- sivement sur les espèces de Chou ou les Cru- cifères. Quand les semis d'hiver ont levé, les Haltises se mettent à l'œuvre pour ronger les feuilles et aussi pour déposer isolément leurs œufs sur celles-ci, et ce manège dure pendant des semai- nes ; car les Larves que l'on trouve après l'hi- vernation sont de taille si différente qu'il est évident qu'elles sont nées à des intervalles fort éloignés. La Larve éclôt au bout de 13 jours, se loge dans une nervure médiane et de là elle pénè- tre plus loin au cœur de la jeune plante. L'Insecte parfait qui a accompli sa tâche meurt avant l'hiver; on ne trouve jamais un seul individu de cette espèce dans les retraites habituelles aux Insectes hivernants. LES HALTISES. — HALTICA (1) Ca^act^^c8. — Ce genre qui comprend les plus grandes espèces du groupe présente les caractè- res suivants : le front caréné porte des anten- nes de 10 articles ; le corselet est pourvu à la base d'un sillon non limité latéralement; le prosternum a les cavités cotyloïdes ouvertes ; le mésosternum est apparent ; les jambes pos- térieures sont armées d'un éperon simple, et portent des tarses à premier article à peine aussi longs que le quart de la jambe; les cro- chets terminaux sont appendiculés. Leur colo- ration est verte ou bleue à reflets dorés ou cuivreux. Distribution géogpnpIii«iue. — Ce genre très nombreux compte une douzaine d'es- pèces européennes. Mœurs, iiaiiituistributi«n géographique. — Ce genre renferme 23 espèces européennes. Mœurs, habitudes, réj:>rime. — Elles vivent en général sur les Crucifères : les Adultes cri- blent les feuilles de trous, les Larves mineuses au contraire vivent dans leur parenchyme. [{) 'I>ù).).ov, feuille ; TSTpâio, je perfore. 376 LES HISPINES. L'IIALTISE A RAIES JAUNES. — PUYLLOTRiiTA NEMOnUSI. Gelbstreisigcr Erdfloh. L'IIALTISE I LEXUEUSE. — PIllLLOTllETA PLEXUOSJ. Dogijjer Ei'd/loh. L'Hallise à raies jaunes [Phyllotreta nemo- riiin, flg. 56o), dont la Larve mine les feuilles des Ci-ucifèrcs, l'Halliseflexueuse {Ph. flexuosa, flg. 364), représentée également dans notre gravure et quelques autres offrant des dessins jaunes, font partie de nos espèces les plus communes et les plus élégantes, mais qui néanmoins sous le rapport de la taille et de la coloration, restent en arrière des nombreuses formes de l'Amérique tropicale. Si leur développement est favorisé par la chaleur et une humidité modérée, malgré leur petitesse, elles causent des dégâts très sensi- bles à l'agriculteur, et grâce à leur agilité elles se soustraient à toutes les poursuites. iioïcns «le destruction. — Les Haltises sont un objet de souci pour les agriculteurs et les horticulteurs ; aussi s'est-on préoccupé de trouver des procédés de destruction certains et économiques. Ces procédés reposent sur trois principes différents : les uns consistent à recueillir au moyen d'appareils spéciaux les Insectes eu.x- mêmes; d'autres reposent sur l'emploi de substances chimiques pouvant anéantir les Haltises sans porter préjudice aux plantes ; d'autres enfm consistent également dans l'em- ploi de substances chimiques, mais de subs- tances capables seulement d'éloigner les rava- leurs des végétaux pour les obliger à se réfu- gier sur des réserves où l'on applique les pro- cédés de destruction les plus radicaux. Pour effectuer le ramassage des Haltises on a imaginé différents appareils. Les uns se com- posent d'une sorte de brouette dont la roue met en action un mécanisme qui, par une série de transformations de mouvements, secoue les tiges des plantes infestées au-dessus d'une tré- mie aboutissant à une boîte où les Haltises viennent s'accumuler. Cet appareil Bénard, comme tout autre du môme genre, a un grave inconvénient, c'est de venir accroître le maté- riel de la ferme d'un engin inutile les trois quarts de l'année. 11 est plus aisé de construire peu de frais un appareil plus pratique ; pour cela, il suffit de disposer avec des baguettes à l'avant d'une brouette un cadre horizontal ; à la partie antérieure, on tend légèrement une bandelette de toile, en arrière, on fixe fortement une longue planchette ou une toile enduite de glu, de goudron ou de toute autre substance agglutinante ; la bande de toile fauche les plantes et les Insectes effrayés viennent se prendre en masses compactes dans les gluaux. Cet appareil, appelé puce7-oniiiore a été recom- mandé par M. Bella, ancien directeur de Grignon. Dans la grande culture, on a préconisé l'em- ploi des goudrons de houille, mais la variabi- lité infinie de la composition de ces produits, ne permet pas de compter sur l'égalité de leur action ; tantôt ils seront trop actifs et feront sentir leurs propriétés corrosifs sur les végé- taux; tantôt ils seront épuisés et absolument inefficaces. Dans la petite culture, les semis des Crucifères d'ornement, les Clarkia, etc., sont souvent ravagés ; on peut les débarrasser de leurs ennemis au moyen d'aspersions ou mieux de seringages d'infusions de plantes contenant des principes amers; une infusion de copeau de Quassia amara est particulièrement efficace. Quant au troisième procédé, il repose sur un fait d'observation, on a remarqué que certaines substances ;\ odeur forte que l'on croyait capa- bles de détruire les Insectes leur était simple- ment désagréable et les éloignait. Partant de là Eugène Pelouze a expérimenté l'emploi de la Naphtaline ; il a saupoudré à la volée des champs de Rutabagas infestés d'un mélange intime de 30 kil. de Naphtaline blanche et de 500 kilog. de sable fin ; les Haltises abandon- nèrent la place, émigrèrent en masses et se réfugièrent sur les portions de champs que l'on avait laissées comme témoins. Dans ces condi- tions l'emploi de la Naphtaline permet de con- centrer les Insectes sur des, points déterminés et sacrifiés où leur destruction pourra s'effec- tuer énergiquement ; en faisant ainsi la part du feu on peut sauver la meilleure part de ses ré- coltes. LES HISPINES — HISPINjË Caractères. — Ces Chrysomélides ont une forme grôle, allongée, subparallèle, souvent déprimée, rappelant les Insectes qui vivent sous les écorces; le corselet, les élytres, sont très fréquemment chargés d'épines. Chez tous la tète, le corselet et les élytres sont nettement distincts. Le mode d'insertion des antennes L'HISPE TESTACEE. 377 Fig. 569 et ;>70. Fig. 573. Fig. 574. Fig. 569 et 570. — Adulte, face dorsale et face ventrale, 1 Fig. 571 et 572. — Nymplie, de grandeur naturelle et tr6s très grossi. I grossie. Fig. 573. — Larve très grossie. I Fig.574. — Une famille de Casside nébuleuse, de grand, nat. Fig. 509 h. 574. — La Casside nébuleuse (p, -378), constitue le caractère fondamental du groupe. Ces antennes, rapprochées à leur base ou con- tiguës, dirigées en avant et souvent rigides, sont de forme et de composition très variables. Distribution çéograpiiîque. — Les repré- sentants de ce groupe sont nombreux dans l'ancien comme dans le nouveau monde, et abondent surtout dans l'Amérique du sud; l'Europe ne donne asile qu'i quelques petites espèces. Mœurs, liabitudes, régime. — Les Larves mineuses vivent à l'intérieur des feuilles. LES HISPES — BISPA Hispinen, Igeikdfer. Caractères. — Elles se reconnaissent à leurs antennes de H articles, et au.x nombreuses épines qui revêtent le corselet et les élytres. Distribution g^éograpliique. — Les espèces (G3) sont toutes confinées dans l'ancien monde. L'HISPE TESTACÉE. — JIISPJ TESTACEA. llartsdudiijer, Igtikdfcr. Caractères. — Ce petit Insecte indigène long de a à (3 mill. est facile à reconnaître à sa colo- ration testacée, à ses antennes rigides et aux nombreuses épines qui le recouvrent et en font un hérisson minuscule. Mœurs, liabitudes, réi;iine. — Nous devons Breum. — VII. à Perris la connaissance des mœurs toutes par- ticulières decelte Hispe. Elle s'accouple au mois de juillet et la femelle pond aussitôt sur leCislus /atifulius; au printemps suivant les Larves éclo- sent et pénètrent dans les jeunes feuilles dont elles rongent le parenchyme. Lorsque l'une d'entre elles a miné les trois quarts d'une feuille, elle déchire l'épiderme supérieur et se met en Hispe noire. quête d'une autre feuille ; celle-ci choisie, elle se fixe sur la nervure médiane qu'elle perfore pour pénétrer ensuite dans le parenchyme et se métamorphose au voisinage de la jonction du limbe et du pétiole. Chaque Larve attaque toujours deux feuilles et deux feuilles opposées. Une seconde espèce indigène est YHispaatra dont les Métamorphoses n'ont point été obser- vées, c'est elle que nous représentons (fig 573) Insectes. — 48 378 LA GASSIDE NÉBULEUSE. LES CASSIDINES — CASSWIN^ Die Cassidinen, Schildkàfer. Nous citerons encore, comme scindant nette- ment la famille des Chrysomélides, les Cassi- dines qui présentent sous bien des rapports des particularités remarquables. t'aractîTe». — Ces Coléoptères, de forme ovale, sont aisés à reconnaître cl leur corselet arrondi en avant et couvrant entièrement la tête, de telle sorte qu'il faut les retourner pour l'apercevoir; à cet égard ils rappellent les Ché- loniens. Ce corselet, étroit à son point de con- nivence avec les élytres, forme avec celles-ci une sorte de bouclier qui déborde de tous les côtés pour cacher le corps complètement. Le vert d'herbe, le gris jaunâtre ou rougeâtre semblent être leurs couleurs habituelles, et parfois la partie dorsale est traversée par des lignes ayant l'éclat de l'or ou de l'argent qui persistentdurant la vie del'animal et disparais- sent après sa mort par suite de la dessiccation des parties humides. Les antennes rapprochées à la base s'insè- rent au bord interne des yeux; elles comptent 11 articles dont les derniers sont cylindriques ou épaissis et élargis. Distribution géographique. — Les nom- breuses espèces de cette tribu se trouvent pour la plupart en Amérique (1236); l'ancien monde en compte beaucoup moins (4.53); peu d'en- tre elles (49) habitent l'Europe. Mœurs, Uabiludes, rf-giiup. — LeurS I.arveS armées d'épines sur les côtés, terminées en arrière par une queue fourchue, vivent libre- ment sur les feuilles des plantes herbacées et ;e transforment également sur celles-ci. Toutes les Cassides hivernent h l'étal parfait et, à l'approche du printemps, assurent le sort de leur postérité, qui d'ailleurs se développe assez rapidement pour permettre la succession de deux générations dans une même année. Les Cassides comme les autres Chrysomé- lides se tiennent de préférence sur des plantes déterminées et semblent surtout faire leur choix de végétaux de la famille des Composées. LES CASSIDES — CASSIDA (I) C'arocti-res. — Le corps, de forme ovalafrc, est légèrement convexe ; la tôle, toujours re- (1) Cassu/a, casque. couverte par le corselet, porte des antennes courtes, grêles à la base, dont les cinq derniers articles sont dilatés. Distribution géographique. — Ce genre a des représentants sur tout le globe. L,V CASSIDE MSliULEUSE. — CASSIDA ISEBDLOS I. Nebeliger Schildkàfer. Caractères. — La Casside nébuleuse est une des espèces les plus communes et se laisse reconnaître aux caractères suivants : angles postérieurs du corselet largement arrondis, élytres régulièrement marquées de stries ponc- tuées dont les intervalles sont fortement sail- lants et carénés surtout aux épaules. Le Coléoptère, dont les téguments ont pris toute leur consistance, est couleur de rouille à sa partie supérieure, avec des reQets rouges cuivrés, et irrégulièrement marqué de taches noires sur les élytres. Les individus d'un vert pâle et marqués à la base du corselet de deux taches brillantes et plus ou moins confondues, sont des Cassides fraîchement écloses qui doi- vent subir l'action des rayons solaires, ou à défaut de ceux-ci attendre de trois à quatre se- maines pour prendre leur coloration définitive. La tête et les pattes, qui restent presque in- visibles si l'Insecte est vu de dos, sont couleur de rouille; les cuisses et les antennes en mas- sue sont noires, à l'exception toutefois de la base de ces dernières qui est aussi couleur de rouille ; la poitrine et le ventre sont également noirs. La bordure marginale élargie de cette dernière est du reste encore couleur de rouille (fi g. .569 et 570). Notre espèce se distingue encore de trois autres [Casskla berohnends, ohsolela, ferrugineu) très analogues, par la conformation des élytres, par une coloration différente et du premier coup d'œil par les taches noires qui ornent ses élytres. Mœurs, habitudes, régime. — A la mi-juin, on peut rencontrer les trois états côte à côte sur les Chénopodiacées (fig. 374), qui affec- tionnent les décombres et les lieux cultivés, tels que C henopodunn album, alrijilex vitans ; il est aussi quelquefois arrivé que ces C-issides ont choisi pour leur pâture (à l'instar dci Siljiha opacn) les jeunes plants de Betteraves dont ils ont occasionné la mort par la des- truction des feuilles. La femelle pond ses œufs fort nombreux à la face supérieure des feuilles. Les Larves réunies LA MESOMPHALIE SAUPOUDHKK. .T7!» en sociétés plus ou moins nombreuses percent d'abord des trous, puis entament le bord de la feuille. Leur accroissement , si elles sont Favorisées par la température, est très ra- pide, mais se ralentit si le temps est rude ou pluvieux. La Larve (llg. 573 et 574) est aplatie (le même que le (joléoptère ; ses contours dé- crivent un ovale très allongé qui s'atténue en pointe à l'extrémité et se termine par deux soies caudales qu'elle porte d'habitude relevées sur le dus et recourbées en avant. La tôtc est presque cubique, seulement visible en dessus pendant la reptation ; le corps se compose de Il anneaux dont les 3 antérieurs portent des l)attes en crochets ; un 12°" anneau est formé par l'anus saillant et en forme de massue. Le premier anneau Ihoracique projette de cha- que côté 4 épines munies de ramifications laté- rales très-fines et les 2 premières de ces épines sont plus rapprochées, dirigées en avant et quelque peu vers le ciel. Les 2 anneaux thoraci- ques suivants ont 2 épines semblables mais dirigées droit en dehors ; tous les autres an- neaux n'en portent qu'une seule dirigée au contraire en arrière. En outre on remarque encore en dedans de la dernière épine l.itérale du l"' et du A°" anneau, ainsi que de ceux ([ui suivent ce dernier jusqu'au 1 1"", de petits tubes dressés, à l'extrémité desquels s'ouvrent les stigmates. Chaque anneau à partir du 4"° paraît comme partagé en deux par un sil- lon transversal. Les 2 soies caudales dont nous avons parlé deviennent le support des déjections brunâtres qui peu à peu se rassemblent sur le dos sans le toucher et couvrent l'animal d'un masque dé- goûtant, mais sauveur, car il les protège con- tre les attaques de leurs ennemis. La Larve présente une teinte vert jaunâtre, la tête est plus sombre; les épines latérales pa- raissent plus pâles, plus blanchâtres et les tubes aériens sont blancs ; sur le dos régnent 2 lignes parallèles blanches qui se rétrécissent en avant et en arrière et qui n'atteignent pas les parties extrêmes et extérieures du corps. C'est là où elles ont mangé en dernier lieu que les Larves se fixent solidement par l'extré- mité de l'abdomen pour se métamorphoser. Les Nymphes (fig. 571, S72 et 574) restent suspendues par la pointe dans leur dépouille de Larve et semblent à cet effet être égale- ment garnies d'é])ines en arrière ; c'est ainsi qu'elles sont allachées verticalement sur une feuille de la plante nourricière en ayant la face tournée en dedans. Huit jours après les Coléoptères apparaissent et ne tardent pas à prendre leuis ébats en plein soleil. L'Asie, mais surtout r.-Vmcrique, nourrissent encore d'autres Cassides plus vivement colo- rées, qui, par leurs élytres aux taches vitreu- ses et à la fois métalliques, brillent d'un vif éclat et sont d'une richesse incomparable; ce sont les Coptocijcla qui correspondent à nos types indigènes et d'autres encore plus grands qui ne sont pas représentés par des formes analogues en Europe. L.V 3IKS0M1>IIALIE SAUPOUDUKIi. — MESOMPUA- LU COi\SPEJlSJ. Pour donner une idée des grandes espèces sud-américaines, nous avons figuré le Mesom- pha/i'a conspei'sa Germ. (sligmalica Dej.) ; cette Casside extraordinaire, dont les élytres arron- dies se relèvent antérieurement en une pointe conique, est d'un noirverdâtre métallique mat à sa partie supérieure et d'un noir velouté dans les parties creuses et arrondies, tandis que 6 grandes taches formées par des poils feu- trés la font paraître jaune brun (fig. S7G). Fig. 57C. — Mésoiiiphaliu saupoudrée. Une espèce analogue, le Desinonnla variolos d'un vert doré, est employée pour la parure soit comme broche, soit comme boucle d'o- leille, enchâssée à la manière des pierres pré- cieuses. 380 LES COCGINELLIDES. LES ENDOMYCHIDES — ENDOMYCHID.E Endomychimn. Caractères. — L'examen de la structure des tarses suffit à lui seul pour distinguer les membres de cette famille ; les tarses présen- tent, en effet, une disposition que nous n'avons rencontré dans aucune des familles précé- dentes. Les deux premiers articles toujours grands, ordinairement plus longs que larges, sont garnis en dessous d'une pubescence serrée, et sur les bords de cils plus longs; le deuxième article est inséré dans une entaille peu profonde de la face inférieure du premier, et lui-même offre sur toute sa longueur, à la face supérieure, une profonde rainure médiane à la base de laquelle s'articulent le troisième article rudimentaire el l'article onguéal, de telle sorte que les articulations des 4 articles sont rapprochées les unes des autres. Cet ar- ticle onguéal est allongé. nistriliution s^<-n$;raiililque. — Cette famille compte plus de 300 espèces réparties sur tout le globe, mais abondantes surtout dans l'Amé- rique du Sud. Mœurs, habitudes, régime. — Ces Insectes vivent de productions cryptogamiques. Nous citerons pour mémoire V Endomychus coccmews (fig. 577), petit Insecte indigène rouge vif tacheté de noir, qui vif sous les écorces des arbres morts, lorsque des Cryptogames s'y dé- veloppent, ainsi que VEwnorphm niarr/inadis (fig. o78), bel Insecte de Java aux tons bronzés, Fig. 577. — Endoniyclie pourpre. aux élytres dilatées en une large expansion circulaire, et marquées de 4 taches claires, Fig. 578. - Eumorplie margiiié. aux jambes arquées, tordues sur leur axe, les antérieures étant armées d'une longue et forte dent. LES COCGINELLIDES — COCCINELLIDM Lie Kugellidfer, Marienkdfcrchm. Les Coccinelles, les Bêtes à Bon Dieu [Coc- cinellidx) forment la dernière famille des Co- léoptères ; leurs noms vulgaires, Sonnenkà- fer, Ben-gotls-Kuhkin, Bergottskdfer, Sonnen- kalbchen, Gottesscliuflein,Ma7-ieniourmchen, Ladrj- birds, Vaches à Dieu, Bêtes à Bon Dieu, etc., sont autant de preuves de leur popularité et comme des témoignages de reconnaissance envers ces petits Coléoptères qui, en satis- faisant leur goût, s'évertuent à nous être atiles. Caractères. — Ces Insectes se distinguent par le petit nombre des articles de leurs tarses qui, au moins aux pattes postérieures, sont réduits à 3 ; aussi dans la classification fondée seulement sur les tarses ont-ils reçu le nom de Trimères {Tr-imera). Bien que la forme semi-ovoïde ou hémi- sphérique du corps ne permette guère de méconnaître les Coccinelles, nous n'en avons pas moins à examiner les autres caractères de toute la famille. LES GOGGINELLIDES. 381 Fig. 582 et 583. " Fig. 584. Fig. 58S. C'Q,^^ Fig. 511). — La Coccinelle à sept points, adulte. Fig. 580. — Sa Larve. Fig. .'■>81. — Ses Nymphes. Fig. 582 et 583. — La Coccinelle h deux points. Fig. 579 'i 586. — Les Coccinelles Fig. 584. — La Cocrinolle sans pustule. Fig. 585. — Micraspis à douze points. Fig. 5S6. — Chilocoi-us à deux pustules sur une branche de Pin. La lôte est courte, enchâssée dans le corselet ; répislome n'est pas nettement séparé du front; les antennes, courtes et légèrement clavifor- mes, comptant 8,9, 10 et 11 articles, insérées au devant des yeux en dessous du bord latéral de la tète, sont le plus souvent cachées et repliées sous le bord du corselet. Le corselet est lisse et sans sillon; les palpes maxillaires sont sécuriformes à leur extrémité, ce qui a fait donner par Mulsant le nom de Sécuripalpes à cette famille. Les pattes sont courtes, rétractiles ; les han- ches, antérieures, transversales et cylindriques s'insèrent dans une cavité cot.yloïde fermée en arrière ; les cuisses moyennes et postérieures se replient dans des fossettes et elles-mêmes sont marquées d'un sillon qui reçoit également la jambe lorsqu'elle se replie ; les griffes sont le plus souvent appendiculées ou fendues à leur extrémité. L'abdomen compte le plus souvento anneaux libres dont l'antérieur empiète plus ou moins entre les hanches postérieures sur le méta- sternum. Cette saillie intercoxale diversement configurée fournit de bons caractères pour la distinction des nombreux genres formés aux dépens du genre primitif Cuccine/la. Faisons encore à leur sujet cette observa- tion que, si on les touche, les Coccinelles replient les antennes et les pattes en même temps qu'elles laissent échapper par les côtés du corps un liquide d'une odeur désagréable. C'est encore là bien certainement le môme moyen de défense que celui dont la nature a doté tant d'autres Insectes désarmés pour accomplir sans encombre le cycle si éphé- mère de leur existence. Les Larves sont oblongues, droites et sou- vent marquées de nombreuses verrues ; en général elles ressemblent beaucoup par leur faciès à celles des Chrysomélides : comme ces dernières, elles ont des antennes de 3 arti- cles, 3 à 4 yeux de chaque côté, des cuisses et des jambes allongées s'écartant fortement du corps. Toutefois leurs mouvements, leurs allures plus vagabondes nécessitées par un autre genre de vie, leurs couleurs plus vives, les en distinguent facilement sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à la loupe pour les examiner. Distribution gpéo$;raplii<|uc. — Les Cocci- nellides, au nombre d'environ 1000 espèces, sont répandues sur toute la terre. Mœurs, habitudes, rég^imc. — Elles se ren- dent extrêmement utiles en dévorant les Puce- rons ; et seules, les espèces généralement velues de deux genres [Epilachna, Lasia) ont été reconnues récemment comme herbivores. 382 LA COCCINELLE A SEPT POINTS. elles et leurs Larves (Gêné, Hammerschmidt, Pierre Huber). Au moment où la nature se dispose à pren- dre ses quartiers d'hiver, alors que les feuilles encore attachées aux arbres et aux arbrisseaux ne se montrent plus que comme des organes ;\ demi morts et que les petits êtres ont hâte de gagner une bonne retraite pour s'y engour- dir, on trouvera de ci, de là, une feuille dessé- chée, à demi enroulée, dans laquelle on ne verra pas moins de 3, 4 ou 5 petits Coléop- tères rouges à taches noires ou noirs et à taches plus claires. Nos Insectes attendent ainsi la chute de la feuille qui les porte pour être finalement ensevelis avec elle sous les feuilles qui doivent encore tomber. D'autres se tassent à l'extrémité des jeunes Pins, accrochés entre les aiguilles, ou se ca- chent derrière les plaques d'écorce entre- bâillées des vieux Chênes, ou bien se rassem- blent sous une touffe de gazon située sur la pente d'un fossé exposé au levant. Ce dernier cas se présente surtout pour le petit Micraspis duochcimpnnctfi ta . Ces petits animaux de forme ovale sont for- tement serrés les uns contre les autres et simu- lent un petit amas de graines. Si nous les voyons maintenant se rassembler en si gran- des masses pour passer l'hiver dans leur cachette, nous les retrouverons isolément pendant la mauvaise saison çà et là dans nos appartements, et durant tout l'été nous les observerons partout au dehors, mais surtout en plus grand nombre là où pullulent les Pucerons, ces petits êtres verts, bruns ou noirs qui épuisent les plantes par la succion ; car presque toutes les Coccinelles se nourrissent aux dépens de cette engeance qu'elles exter- minent; leurs Larves voraces sont encore plus friandes de ces petits Hémiptères. LES COCCINELLES — COCCINELLA Die Coccincllinen , MarienMfer. Caractères. — Dans le genre Coccinelle le corps hémisphérique ou semi-ovoïde est nu, la massue serrée des antennes, à 9 articles transversaux, est tronquée; le scutellum est distinct, le 2"° article des tarses est cordi- forme, le S"" restant caché ; les griffes sont toujours appendiculées. Beaucoup de Coccinelles montrent une grande inconstance dans leur coloration de la face dorsale, surtout quand c'est le noir qui alterne avec une couleur plus claire. Uistribution g^éog-rapliiquc. — On trOUVe les espèces sur tout le globe. L\ COCCINELLE A SEPT POINTS. — COCCliSELLA SEPTEMPUNCTATA. Der Siebenpunkt, Siebenpunklirte, Marienkùfci: Caractères. — La Coccinelle à 7 points {Coc- cinella seplempunctata, fig. 579 et 587) est une des espèces indigènes les plus grandes et les plus communes. Sur le fond noir se détachent 2 taches fron- tales blanc-jaunâtres et les angles du corselet présentent aussi cettfe dernière nuance ; les élytres sont rouges minium et sont marquées de 7 taches noires arrondies ; parfois l'un ou l'autre des 7 points peut exceptionnellement manquer. mœurs, iiabitiKicB, régime. — Dès le pre- mier printemps, à l'époque du réveil de la nature, ce Coléoplôre sort de sa retraite hi- vernale, s'accouple et déjà à la fin de mai on peut voir des Larves presque au maximum de leur taille; en juin-juillet leur société de- vient plus nombreuse. Les Larves les plus jeunes sont toutes noires (fig. 580), se tien- nent réunies au début en errant dans le voi- sinage de la coque ratatinée de leur œuf et plus tard se dispersent loin les unes des autres. Leur mère prévoyante leur a donné le jour là où une colonie de Pucerons leur fournira une abondante nourriture ; grâce à ces conditions, les Larves se développent rapidement et après Fig. 587. — Coccin(.'llo h sept points. plusieurs mues prennent une nuance ardoisée bleuâtre ; les 1", 4"° et 7°" anneaux sont rou- ges sur les côtés et une rangée de ponctua- tions délicates de même couleur règne sur la face dorsale. Pour se transformer, la Larve se fixe soli- dement par la pointe abdominale, se courbe en avant en rentrant la tête, perd ses poils et LES GHILUCUKES. 383 liiialement rompt sa peau sur le dos ; la Nym- phe se dégage, mais reste appuyée sur la dé- pouille comme sur un coussin. Elle est rouge cl noire. Si on l'inquiète en la louchant, elle soulève la partie antérieure de son corps, le laisse re- tomber et souvent d'une manière aussi caden- cée que le marteau d'une pendule qui sonne. Environ huit jours après, \e Cocctnella septein- pundata sort. Gomme on peut trouver en juin, à la face dorsale des feuilles, à la fois des Larves et dos Coléoptères et à côté d'eux des œufs d'un blanc sale réunis au nombre de 10 h 12, il est proba- ble qu'à l'état normal il y a plutôt deu.x gé- nérations qu'une par an, il est même possible qu'une troisième généralion accomplisse son évolution, si les conditions demeurent favora- bles, c'est-à-dire si la nourriture reste abon- dante et si la chaleur persiste. LA COCCINELLE S.VNS PUSTULES. — COCCINELLJ IMPUSTLLATJ. Caractères. — La Coccinelle sans pustules, Coccinella impustulata (fig. 384), présente un ton jaune sale tacheté de noir ; mais il se peut que dans cette même espèce les dessins noirs deviennent parfois plus faibles, et que d'autres fois ils s'élargissent au point que c'est le fond qui devient noir et que c'est le jaune qui forme les dessins ; il y a mieux : ce jaune peut dispa- raître en entier. C'est une espèce commune. LA COCCL\ELLE A DEUX l'OLM'S. — COCCINELLA IIU'UNCTJTJ. Gemeiiicr Marieiikiifer. Une autre espèce (fig. 382 et 383) dépasse toutes les autres par sa variabilité, mais sans que les limites extrêmes de ces variations se rattachent à celles du genre lui-même, ainsi qu'on l'avait admis faussement. Caractères. — Tantôt elle a lesélytres ronges avec un point noir de chaque côté et une bor- dure jaune autour du corselet, c'est la Cocci- nelle rouge à deux points de Geoffroy ; tantôt ses élytres sont noires avec une tache rouge en crochet près des épaules et une tache ronde dans le voisinage de la suture médiane, c'est la Coccinelle noire à points rouges; mais il n'y a pas lieu de mentionner toutes les autres va- riétés que nous nous sommes abstenus de figurer ici. Blipiirs, liabitiitlcs, ri'-sime. — Cette espèce, commune partout, abonde sur toutes les plan- tes chargées de Pucerons. La Larve a de grands rapports avec celle de la C. septempunctata; de couleur ardoisée, elle est ornée, sur l'abdomen, de six rangées do taches noires, entrecoupées de quelques taches jaunes. LA C<)CCL\ELLE A DIX-NEUF POINTS. — COCCI- NELLA NOfEMDECIJUPUNCTJTJ. Caractères. — Celte cspôcc (fig. 388) est jaune citron moucheté noir, le corselet porte Fig. 588. — Coccinelle i Uix-iical' points. six taches, l'écusson est noir, les élytres sont donc ensemble marquées de dix-neuf points. Mœurs, habitudes, régfinie. — Elle n'est pas rare dans les prairies humides et sur les plantes aquatiques. LA COCCINELLE A DOUZE POINTS. — MICKASPIS DVODECIH PUNCTATA. Zwolfpuncfiijer KkinscJiUdkugler. Caractères. — Cette jolie Coccinelle(fig. 583), type du genre Micraspis, se fait remarquer par son prothorax flave orné de six points noirs, par ses élytres flaves, à suture noire, chargées chacune de cinq taches aux points noirs; elle offre d'ailleurs d'assez nombreuses variétés. llœurs, habitudes, régime. — Cet Aphidi- phage est répandu partout. LES ClilLOCORES — CHILOCOIiUS (1) Breitrandkugler. Caractères. — Les espèces du genre Chilo- corus, d'un noir brillant, le plus souvent ta- cheté de rouge, ont le corps fortement bombé, un chaperon échancré au milieu, li-bre et cou- pant les yeux, des antennes adhérentes très courtes, à 9 articles seulement, terminées par (I) XstXo;, lèvi'e; x'jd'j;, cas uo. 384 LES SGYMNES. une massue fusiforme, le corselet profondé- ment enchâssé dans les élytres, les jambes larges et armées d'une dent au-dessous de leur articulation avec la cuisse; les griffes aussi largement dentées à la base. nutribntion géographique. — Ce genre, qui a des représentants sur tout le globe, en compte deu.x en Europe. llœurg, liabiluiles, régime. — De préfé- rence, elles séjournent dans les forêts où on les voit marcher sur les troncs d'arbres pour re- chercher les Pucerons et les Cochenilles. LE CHILOCORE A DEUX TACHES. — CUILOCORVS IIII'USTULATVS. Ziceifleckiger Breitrandkugîer. Caractères. — Le Chilocorus bipustulatvs (fig. 586) est noir brillant, de 3°"", 37 de long. Sa tête, les bandes latérales de l'abdo- men, les genoux et une bande étroite écourtée et comme formée par des taches, passant transversalement sur le milieu des élytres, sont rouges de sang. Mœurs, hakitudles, régime. — Cette Cocci- nellide se rencontre ordinairement sur les Ge- névriers. LES SCYMNES — SCYMNUS (1) IHc Zwerykmjler. Nous signalerons brièvement de très petits Coccinellides, les Scymniis, dont les mœurs appellent l'attention : leurs Larves se nourris- sent d'Acariens phytophages. Nous devons à M. Clément (1880) d'intéressantes observa- tions sur les mœurs et les métamorphoses du (I) SxOnvo;, petit d'un animal. Sci/mmts minmus ; elles sont accompagnées d'excellentes figures. Caractères. — Ce Sont les Coccinellides de la plus petite taille, au corps ovalaire, peu con- vexe, pubescent, aux antennes courtes attei- gnant seulement le quart des côtés du corse- let, aux élytres sans stries ni points, aux pattes courtes portant des tarses appendiculés. nistribution géographique. — Les Scym- nes, qui comptent plus de 200 espèces, ont des représentants sur tout le globe. lUœurs, habitudes, régime. — Les LarveS de ces Coccinellides sont mangeuses de Puce- rons et d'Acariens; observées pour la première fuis par de Réaumur, elles ont été nommées par lui Hérissons blancs, Barbets blancs, parce qu'au lieu d'être habillées d'épines, elles sont revêtues de six rangées de touffes cotonneuses que le moindre attouchement fait disparaître en mettant à nu un corps verdâtre; mais en quelques minutes, elles sécrètent un nouveau vêtement qui les dissimule complètement et les meta l'abri des atteintes de leurs ennemis. D'autres Larves de Scymnus ne possèdent pas la propriété de se recouvrir d'une pulvérulence blanche, notamment le Se. ndnulus étudié par iM. Clément. Parmi elles les unes sont aphidi- l)hages, d'autres acaridiphages; elles sont ha- biles à happer au passage Pucerons et Aca- riens, et à les humer délicatement pour n'en laisser que la peau. Les autres espèces, en raison de leur pe- tite taille, de leur couleur sombre et de leur séjour sur les arbres des forêts ou dans d'au- tres localités peu accessibles, se soustraient à notre regard et, avec des milliers et des mil- liers d'autres Coléoptères, n'existent sur la terre que pour les Entomologistes collection- neurs. ;. J91 et 593. — Jeunes Larves. 589. — Larve plus àgéo. Fig. 589 à 59t. — Blattes des cuisines ou Blaltos orientales à tous les âges (p. 389). Fig. 590 et 594. — Femelles. Fig. 592. — Màlc. LES ORTHOPTÈRES — ORTHOPTERA Die Kaukcrfe, Gcradflûgler. Caractères. — Tous les Insectes que nous avons examinés jusqu'ici existent d'abord à l'état de Larves, puis à l'état de Nymphes, enfin à l'état d'Insectes parfaits. Chacun d'eux peut être aisément rattaché à l'ordre auquel il appartient, parce que les caractères qui per- mettent de particulariser l'ordre peuvent être résumés assez brièvement. Les Insectes que nous allons étudier ont une évolution incom- plète et ne présentent aucune Métamorphose ; les modifications extérieurt^s ne s'accusant que par le développement progressif des organes de la locomotion aérienne. Leurs pièces buccales BliERM. — VII. sont disposées pour la mastication; leurs ailes antérieures chitineuses, mais souples, se croi- sent l'une sur l'autre; aussi ont-elles reçu le nom de Tegminx (de teymm, couverture) ; leurs ailes postérieures membraneuses se plis- sent comme un éventail pour venir s'abriter sous les ailes antérieures. Les Larves, comme on sait, n'ont point d'ai- les; mais, après plusieurs mues seulement, on voit se développer les ailes de l'Insecte parfait ; c'est ce qui permet de les distinguer sans peine de la forme larvaire. Mais si cet Insecte reste aptère, ce qui n'est pas rare, la distinction IxsrxTES. — 49 386 LES BLATTIDES. devient très difficile ; car la Larve ne se recon- naît alors que par le nombre moindre des articles antennaires et des yeux, caractères tous les deux peu saillants. L'Insecte parfait présente parfois des ailes atrophiées, mais les antérieures reposent sur les postérieures, tan- dis que la Larve présente la disposition in- verse. D'après le système de cl.issifîcation adopté ici, nous rangeons donc parmi les Orthoptères tous les Insectes qui présentent une série de Mé- tamorphoses incomplète^ dont ks pièces buccales sont disposées pour la mastication, dont les ailes antérieures souples se croisent l'une sur l'autre et dont les ailes postérieures se plissent en éventail. Distribution j»:i'-og'rapliique. — On estime le nombre des Orthoptères à cinq mille envi- ron. Ils présentent de grandes variétés de for- mes, de colorations et de grandeurs. Leurs espèces sont répandues sur toute la terre, cer- taines familles dominent néanmoins dans les pays chauds. Parmi les fossiles que l'on trouve dans les terrains houillers, les Orthoptères dominent. On en a rencontré aussi dans les schistes litho- graphiques, et surtout dans l'ambre des ter- rains tertiaires (1). siaMirs, habitudes, régime. — Quelques es- pèces attirent l'attention par les dégâts qu'elles causent sur les plantes où elles se réunissent en très grand nombre pour y chercher leur nourriture. A tous les âges, en effet, elles ne le cèdent à aucun Insecte pour la voracité. A côté de ces herbivores, des Orthoptères de proie in- satiables errent çà et là et dévorent grands et petits Insectes nuisibles ou non qui passent à leur portée (pi. VIII). D'autres enfin infestant nos maisons dévorent toutes les matières organiques et souillent nos aliments de leurs puantes déjections. LES BLATTIDES — liLATTirhE Dk Schabcn. Caractères. — Les Blattides, qui constituent la première famille des Orthoptères coureurs, ont des formes généralement semblables. Les carac- tères qui impriment à l'ensemble de ces Insec- tes un cachet spécial sont les suivants : la tôle presque triangulaire, souvent entièrement re- couverte par le corselet, est très inclinée, de manière que la bouche atteint preque le pros- lernum; ks antennes longues, sétacées, insé- rées dans un sinus interne des yeux, sont com- posées d'un grand nombred'articles très courts, le premier beaucoup plus gros que les autres; les yeux sont aplatis, oblongs, un peu en crois- sant; les pièces buccales atteignent un déve- loppement puissant ; le labre est assez étroit, transversal; les mandibules sont larges, robus- tes et portent de quatre à six dents sur le côté interne; les mâchoires ciliées terminées par une pointe allongée sont pourvues d'un galéa ou lobe externe aussi long que le lobe in- terne, plat et ovale, et portant des palpes de cinq articles aux deux premiers courts; la lèvre inférieure quadrilobulée, dont le lobule exierne, deux fois plus grand que l'interne, porte des palpes formés de trois articles pres- que égaux. Le corselet aplati semi-circulaire ou orbiculaire s'avance sur la lête et la couvre ordinairement en entier ; les pattes élargies et grêles portent sans exception cinq articles aux tnrses; le corselet et enfin les prolonge- ments articulés de l'abdomen recouvrent les appendices postérieurs; chacune des cuisses peut se loger dans des dépressions sternales. Les élytres horizontales coriaces, minces, char- gées de nervures ordinairement très grandes, se recouvrent l'une l'autre, la gauche sur la droite, le côté externe débordant le corps. Les ailes amples, horizon taies, membraneuses, ordi- nairement de la longueur des élytres, sont plis- sées en éventail ; l'abdomen est large et aplati. Oistribulloii géographique. — Les Blattides ou Cancrelats [lilnttidx), considérées dans leur ensemble, appartiennent aux climats chauds; quelques-unes sont cosmopolites. lUicurs, habitudes, régime. — Les Blattes fuient la lumière et se promènent la nuit, elles sont très agiles et courent rapidement; ce sont des Insectes destructeurs, incommodes et puants. Les Cafards, les Cancrelats, les Kaker- lacs connus de tous envahissent les navires, les docks, les casernes, les restaurants, les cui- sines et tous les endroits habités. (I) Voy. Introduction. — Les Arthropodes ain diffé- rentes époques géologiques, p. CC et suiv. LA BLATTE GERMANIQUE. 387 LES BLATTES — BLATTA Caractères. — Lcs caractères du genre Blatta sont les suivants : la tête se cache enlièrement sous le corselet large qui n'est ni relevé ni anguleux en arrière. Comme chez toutes les Blattes, le vertes est très proéminent ; les man- dibules sont au contraire rejetées en arrière ; dans l'échancrurc des yeu.K, réniformes, se dressent des antennes sétacées, au moins de la longueur du corps. Les quatre ailes, dont les antérieures constituent des élytres coriaces parcourues par des nervures saillantes, repo- sent à plat sur l'abdomen déprimé, l'aile gauche recouvrant l'aile droite ; les ailes pos- térieures larges se plissent longitudinalemenl et se trouvent ainsi rélrécies. Les pattes sont grôles ; les cuisses, aplaties, portent toujours quelques épines ; les jambes, allongées, en portent davantage. Le cinquième article pré- sente, outre ses griffes, une pelote. Les mâles se distinguent par leur taille moindre et leur aspect plus grêle. Us ont un huitième anneau abdominal qui manque chez les femelles ; la plaque sous-anale cachée chez les femelles, apparente chez les mâles, est lisse et présente la même forme dans les deux sexes; elle est seulement plus large chez les femelles. Dans les deux sexes, l'extrémité abdominale pré- sente de longs prolongements articulés. Il n'y a point de style chez les mâles. LA BL.ITTE GERMANIQUE. — ULATTA GLRIUJMCJ. Deutsche Schabe, Caractères. — L'animal en question est brun clair ; la femelle (fig. 593 et 396) est un peu plus foncée que le mâle, et porte sur le corselet deux bandes noires longitudinales et obliques. L'ab- domen uni et jaunâtre du mâle (fig. 397) est entièrement recouvert par les ailes, à l'excep- tion des deux appendices abdominaux ; l'abdo- men de la femelle, brun-noirâtre en avant, dépasse un peu les ailes de chaque côté. Celle- ci se sert moins de ses ailes que le mâle. Distribution ^éograpliique. — La Blatte germanique [Dlalta Gennanica) se laisse trans- porter d'un lieu dans un autre avec la plus grande facilité, car on la trouve aussi bien en Syrie, en Egypte, dans le nord de l'Afrique qu'en France, dans les différentes parties de l'Allemagne et dans toute l'Europe. Le peuple, en Russie, désigne sous le nom de Prussiens ces Insectes que les paysans de l'Autriche supérieure nomment des lius- srs. Dans les deux pays ils habitent les mai- sons, où ils se montrent intolérables. En Russie on admet que ces Orthoptères ont été importés d'Allemagne par les troupes qui rentrèrent à la fin de la guerre de sept ans ; ils étaient incon- nus à Saint-Pétersbourg jusqu'à cette époque. Lcs Autrichiens, pour justifier le nom qu'ils leur donnent, prétendent que les Blattes ont été introduites dans l'Autriche supérieure par des ouvriers qui creusaient des bassins en Bohême, où ces Insecti'S avaient été apportés d'abord par des sujets russes employés comme journa- liers pour défricher les terres autour des cris- talleries. Mœurs, habitudes, rég^ime. — Ces Orthoptè- res pullulent si rapidement qu'ils deviennent un véritable Iléau, lorsqu'ils trouvent un en- droit favorable où l'on emmagasine et mani- pule de grandes quantités de substances ali- mentaires. Dans une brasserie de Breslau, les Blattes s'étaient tellement multipliées qu'on les voyait courir sur les tables, elles grimpaient sur les vêtements des consommateurs et se cachaient de préférence sous les collets des habits. A Nordhausen, où elles sont connues depuis environ ciniiuanle-cinq ans, elles se montrent particulièrement importunes dans les distilleries d'eau-de-vie. A Halle, on les voit, en masses énormes, dans la raffinerie établie depuis vingt ans à peine en dehors de la ville. A Hambourg elles rendent beaucoup de maisons inhabitables, et Waltl a remarqué, à Passau, que ces Insectes insupportables ont forcé fréquemment les gens de la eampagne à sortir de leurs maisons. On quitte l'habita- tion par une froide journée d'hiver, en ayant soin de tout laisser ouvert. Au bout de deux jours, ces Insectes succombent épuisés sans doute par la brusque transition du chaud au froid ; alors on reprend possession de sa de- meure. Elles abondent dans certains restau- rants de Paris. On en trouve un grand nombre dans les forêts de la France et de l'Allemagne ; on en a capturé isolément auprès de Halle et de Leipsig. L'existence de ces Insectes à l'air libre prouve que ce n'est pas la rigueur de l'hiver qui les tue, mais que ce sont les changements de tem- pérature, ou les courants d'air froid, qui les font périr ou qui les éloignent. Quatorze jours après leur dernière mue, les femelles recherchent l'approche du mâle. Les deu.x sexes se joignent à reculons, et ne restent 388 LA BLATTE GERMANIQUE. pas unis longtemps. Peu de temps après, l'ab- domen de la femelle enfle notablement. II s'é- paissit en arrière, et au bout d'une semaine environ, un corps jaunâtre, arrondi, fait saillie à l'extrémité de l'abdomen et tend à sortir. On doit le considérer comme une coque ovigère ou Oothèque dont les dimensions paraissent toutefois peu en rapport avec celles de la mère. On ignore encore combien de temps celle-ci promène avec elle cette coque; on sait qu'elle la porte plusieurs semaines, en tous cas plus longtemps que les autres espèces dont nous parlerons plus loin. Enfin elle la dépose dans un coin quelconque et succombe peu après. On a observé que des femelles pondaient d'a- bord une Oothèque peu développée, puis une seconde plus parfaite; mais on ne doit admettre, règle générale, qu'une ponte unique. En examinant de plus près cette Oothèque devenue brune, qui est longue de 6""",o, et large de moitié, dont l'aspect est analogue à celle que nous représentons plus loin, on ob- serve, sur l'un des bords allongés, une suture entrelacée et sur les faces des stries transversa- les nettes. L'intérieur présente une structure extraordinaire : l'Oothèque est divisée par une cloison longitudinale en deux moitiés dont cha- cune renferme 18 œufs allongés et blanchâtres dont le nombre correspond à celui des sillons transversaux extérieurs ; quelquefois, par suite d'un développement plus avancé, ces œufs peuvent être remplacés par des Larves blanches dont la face ventrale est tournée vers la cloi- son. La mère porte ainsi dans cette grande capsule ovigère ses trente-six petits, réguliè- rement disposés les uns à côté des autres. Elle ne laisse choir ce sac que peu de temps avant le développement des jeunes. Ceux-ci, arrivés à terme, sortent de la capsule au niveau de la suture entrelacée. Hummel eut l'occasion de faire à Saint-Pé- tersbourg une expérience très intéressante. Pour étudier les mœurs de ces Blattes, il avait enfermé sous un verre, depuis plus d'une se- maine, une femelle dont la capsule ovigère était déjà visible, lorsque, le 1" avril au matin, on lui apporta une Oothèque paraissant toute ré- cente, qu'il plaça sous le verre à côté de la première femelle. Aussitôt, celle-ci se mit à la tàter en tous sens; enfin elle la saisit à l'aide de ses pattes antérieures et l'ouvrit, de l'avant à l'arrière, au. niveau de la suture. Dès que la fente fut entrebâillée, les Larves se pressèrent au dehors, toujours enroulées deux par deux. La femelle leur vint en aide avec ses pattes antérieures et ses antennes. Au bout de quelques secondes, elles se dispersaient dans leur prison et leur mère adoptive cessa de s'en occuper. Il y en avait 36, toutes blanches, avec des yeux noirs; mais elles prirent bientôt une couleur verdâtre, puis une teinte noire mélangée de jaune-verdâtre. Elles s'installè- rent sur les miettes de pain destinées à la nourriture de la femelle et se mirent à les dé- vorer. Tout cela s'accomplit en dix minutes. La Larve, après avoir mué six fois et après avoir repris chaque fois, dans un temps assez court, sa couleur blanche originelle, devient une Blatte capable de procréer. En réalité, on devrait admettre 7 mues, car la première peau qui demeure dans la capsule ovigère passe facilement inaperçue. La première mue (qui est à proprement parler la seconde) a lieu au bout de 8 jours; la suivante se fait 10 jours plus tard, et la troisième environ 14 jours après. Au moment où elle se dé- pouille de sa peau, qui se déchire toujours au niveau de la nuque, la Larve apparaît d'a- bord grôle et faible; elle prend bientôt sa forme aplatie, elle met un peu plus de temps à se foncer et le bord jaunâtre du corselet, ainsi que les deux anneaux suivants du tho- rax, deviennent alors distincts. La quatrième mue survient environ quatre semaines plus tard, et toutes ses parties s'accentuent de plus en plus. Avec la cinquième mue, qui a lieu cinq semaines plus tard, les rudiments des ailes apparaissent, et l'Insecte demeure à l'état de Nymphe pendant cinq ou six semaines. Après s'être délivrée de sa dernière dépouille, la Blatte met 10 à 1 2 heures à prendre sa teinte normale, en commençant par les pattes et par les antennes. La croissance, comme chez tous les Insectes, ne se fait pas d'une manière cons- tante. La Blatte germanique dévore pour ainsi dire tout ce qu'un Insecte peut dévorer; elle s'attaque notamment au pain, au blanc plus volontiers qu'au noir ; elle recherche peu la farine, et dédaigne la viande tant qu'elle trouve un autre aliment. Hummel a vu ces Insectes se jeter par milliers dans une bouteille où de l'huile avait séjourné, et gratter le cirage des bottes jusqu'au cuir, sans qu'aucune Blatte touchât aux parties déjà entamées par d'autres. Chamisso raconte qu'en pleine mer on ouvrit des sacs qui devaient contenir du riz ou des céréales et qu'on y trouva, à leur place, des LA BLATTE DES CUISINES. 389 Fig. 595. — La Blaite germanique femelle. Fig. 596 et ,M1'. — La Blatte germanique, femelle et mâle FiK. 59.". à 598. dévorant un morceau de pain. Fig. 598. — La Blatte lapone. Blattes germaniques. Ces Insectes peuvent, du reste, jeliner pendant longtemps. LA BL.\TTE LAPONE. - BLATT LAPPONICA. Lappldndische Schahr. Caractères. — Parmi les nombreuses espèces du genre, se trouvent certaines Blattes qui se distinguent par une conformation spéciale de leurs ailes. Chez la Blatte lapone [Blalta lapponica), les élytres jaunes, ponctuées de noir, et les ailes postérieures n'arrivent chez la femelle qu'à l'extrémité de l'abdomen, et chez le mâle que fort peu au-delà (fig. 598). Cet Insecte, d'un brun plus ou moins clair, se distingue par le bord clair et transparent de son corselet, et mesure seulement 7°"", 17 de long. Uœnrs, habitudeg, régime. — En Laponie, au dire de Linné, il pénètre dans les habita- tions et peut, en compagnie d'un Coléoptère des cadavres [Silpha lapponica), dévorer en un jour toute une provision de Poissons secs. On le rencontre partout dans les bois, mais son agilité le rend difficile à saisir. Il est commun en France aussi bien dans les bois que dans les maisons . LA BLATTE TACHETÉE. — BLATTA MACULATA. Gefleckte Schabe. Caractères. — Les ailes postérieures de la Blatte tachetée {Blalta mnculata), qui mesure seulement G°"", o et qui est d'une largeur à peu près égale, sont notablement plus courtes que les élytres qui tranchent sur l'extrémité de l'abdomen. Cet Insecte ovoïde est d'un brun foncé ; les extrémités de ses hanches sont plus claires; le bord externe du corselet et les élytres, qui portent chacune une tache noire dans leur moitié postérieure, sont jaunes. Mœurs, habitudes, régime. — Cette Blatte habite de préférence les bois de Conifères ou les forêts d'arbres feuillus. Taschenberg rapporte qu'il en a vu dans certaines années grouiller des quantités sur les Mtîriers auprès de Halle. LES PÉRIPLANKTES — PERIPLANETA Caractères. — Lcs élytres et les ailes sont bien développées, rudimentaires ou nulles. Elles se distinguent nettement par la présence de deux valves en forme de nacelle qui termi- nent le dernier segment ventral. Ce qui différencie essentiellement les Peri- planeta des Blatla, c'est que, chez les mâles du premier genre, les deux longs stylets sont très saillants hors de l'abdomen. LA BLATTE DES CUISL-VES. — PtHIPLANETA OniENTAUS. Kûchenschabe, Kaherlak. Caractères. — Les plus petits lusectcs, re- présentés sur la figure, sont les Larves aptères (fig. 591 et 593, p. 385) ; les Blattes adultes se présentent sous deux formes. Celles dont l'ab- domen est recouvert, au moins en grande 390 LA BLATTE DES CUISINES. partie, par des élytres d'une couleur brun- de-poix et dont l'extrémité porte des ner- vures disposées en éventail, appartiennent au sexe mâle (flg. 592) ; celles dont le corps entier est d'un noir luisant et dont le thorax porte des élytres rudimentaires ayant la forme de petits disques en ovale allongé, représentent les femelles (fig. 590 et 594). Distribution ijféograpIiÎQue. — Les Blattes des cuisines semblent, d'après leur dénomina- tion latine, provenir des pays orientaux, mais on ne peut en fournir aucune démonstration certaine. On sait seulement qu'aux Indes orien- tales ainsi qu'en Amérique on les trouve, non seulement dans les villes du littoral, mais en- core dans l'intérieur des terres ; on les rencon- tre, en plus ou moins grand nombre, dans l'Europe entière. Elles se tiennent volontiers dans les navires, et leur développement dans les Oothèques favorise singulièrement leur im- portation en tous lieux, grâce au transport des marchandises. Leur existence en Europe a été signalée depuis environ 135 ans. On ne saurait dire si elles ont été supplantées çà et là par les Blattes germaniques, ainsi qu'on l'a prétendu ; on sait seulement que de temps à autre, par exemple, les deux espèces importunent simul- tanément les habitants de Hambourg. Uœurs, habitudes, rég^ime. — L'aspect exté- rieur des Blattes des cuisines {Perlplanelaorien- talis) est connu au moins de tous ceux qui ont fréquenté les boulangeries, les moulins, les brasseries, etc. On ne rencontre jamais cette espèce à l'air libre; elle se trouve toujours dans nos demeures et vit à nos dépens. Elle n'apparaît pas pendant le jour et demeure ca- chée dans les crevasses des murs ou dans les coins obscurs. « En nettoyant une pièce peu habitée de mon appartement, raconte Tas- chenberg, nous trouvâmes par-ci par-là un mâle ou une femelle isolés, parfois aussi une Larve, mais toujours à l'état d'individu soli- taire, au-dessous d'un tapis de pieds ; nous ne savions comment expliquer leur présence, at- tendu que toutes les autres chambres en étaient tout à fait exemptes. Appelé chaque fois qu'un de ces Insectes apparaissait, j'en laissai un s'é- chapper : avec la rapidité de l'éclair il s'enfuit le long de la plinthe et disparut, dans un angle, par un trou tout petit, jusqu'alors inaperçu, situé à l'extrémité du tapis. Cette Blatte avait su retrouver, absolument comme une souris, le chemin qu'elle avait suivi jusque-là, mais elle trahit ainsi elle-même sa propre résidence. Au-dessous de celte chambre existait un ma- gasin de comestibles, où les Blattes trouvaient à se nourrir. Pendant leurs expéditions noc- turnes, elles avaient gagné l'étage supérieur et s'étaient répandues sans profit dans la chambre dont elles avaient trouvé l'accès ; quelques-unes y étaient mortes de faim, car je trouvai trois ou quatre fois des cadavres suspendus aux larges mailles des rideaux des fenêtres. » C'est surtout le soir, à pai'tir de onze heures, qu'on peut voir ces Insectes peu attrayants errer en troupes dans les pièces où ils ont éta- bli leur résidence ; comme les Grillons domes- tiques, ils recherchent la chaleur et choisissent pour champ de manœuvres le voisinage des fours des boulangeries, des cuisines, des res- taurants populaires et des bassines des brasse- ries; les principales époques de leur apparition sont les mois de juin et de juillet. Si l'on s'approche, à ce moment, des endroits où ils ont élu domicile, on en voit grouiller de toutes dimensions, depuis celles qui ont la taille d'unePunaise de litjusqu'à celles qui mesurent 26 millimètres ; on les trouve groupées notam- ment dans les endroits humides où elles peu- vent trouver du pain ou d'autres substances alimentaires. Si on ne les surprend pas en gar- dant le silence le plus absolu, elles s'enfuient en toute hâte, témoignant ainsi de leur frayeur, et provoquant chez l'observateur une sensation à la fois désagréable et étrange. L'apparition brusque d'une lumière les effraie moins que le bruit inattendu que l'on produit en entrant, ainsi qu'on peut s'en convaincre aisément. Une Mouche qui passe en bourdonnant, une Araignée des caves qui se met subitement à courir, un Grillon domestique qui lance son chant d'appel, provoquent dans leur troupe une perturbation immédiate. La ponte a lieu au mois d'avril; l'extrémité abdominale des femelles fécondées se renile notablement, et la capsule ovigère, déjà men- tionnée, apparaît (fig. 599); formant à l'extré- mité de l'abdomen une saillie qui augmente peu à peu jusqu'à ce qu'elle soit durcie en passant graduellement de la teinte brun clair à la coloration noire. Celte capsule présente aussi une cloison longitudinale (fig. 600 et 003), mais chaque compartiment contient seulement huit cellules ovigères. Les femelles déposent leurs capsules depuis le printemps jusque dans le courant du mois d'août; d'après cer- tains auteurs, les Larves en éclosenl au bout de LES BLABEUES. 3'Jl Fig. 59!). Fig. 600. Fis. i;oi. Fig. GO-.'. Fig. «03. Fig. 59!). — Goquo, de givindeur nalur. Ile, vue de 1 Fig. 003. — La même, vue do face pour montrer la tu- coté. turc, lig. COO. — La même, très grossie. I Fig. COI et Cflî. — Les deux pnles de la coque. Fig. J99 à 603. — (lapsule ovigt^re ou Ootlièque de la Blatte des cuisines. peu (le temps ; d'après d'autres, auxquels on ne saurait s'associer, l'éclosion n'aurait lieu qu'au bout d'une année presque entière. Taschenbcrg a observé une femelle de celte espèce, qui pondit deux Oothèques, la pre- mière le 21 juin, et la seconde le 29; deux jours plus tard elle était morte dans le verre qui lui servait de prison. Les Larves, au mo- ment de leur éclosion, se dépouillent de leur première peau ; ensuite elles ont encore six mues à subir, mais à des intervalles plus éloi- gnés que chez les Blattes germaniques : la pre- mière mue aurait lieu au bout de quatre se- maines, les autres se feraient chncune à un an d'intervalle, en sorte que la Larve opérerait pendant le second été la troisième mue, et pendant le sixième la dernière ; la Blalle de- vrait attendre ainsi cinq ans avant de pouvoir procréer. Je n'ai fait, personnellement, aucune expérience à ce sujet, mais l'âge indiqué me paraît quelque peu avancé. .Moyens de destruction. — On peut mettre à profit, pour anéantir ces Insectes, leur prédilec- tion pour les endroits humides et leur goût prononcé pour la bière : on étale des torchons humides, au-dessous desquels ils se rassem- blent, puis on les écrase h l'aide de palettes en bois. En comprimant une femelle de Blatte, on perçoit un claquement sonore analogue à celui que produit l'écrasement d'une petite vessie natatoire de poisson. A Lyon on dispose des pots de forme particulière qui servent de pièges; ces pots, dans l'intérieur desquels on place un appât, sont peu élevés, très rugueux à la sin-facc, en forme d'entonnoirs h déclivité absolument lisse, et les Blattes qui par mégarde s'aventurent au bord du précipice sont infail- liblement entraînées dans le gouffre. LA CL.iTTE AMICniCAIMÎ. — PEniI'LINIiTI IHE- IllCllSA. Amcrikanischc Scitabc. Caractères. — La Blatte américaine [Pni- planeta americana), plus grande que la précé- dente, au corps roux ferrugineux, au prothorax ovale lisse marqué de deux grandes taches d'un brun roux, aux élytres dépassant l'abdo- men chez les mâles et les femelles. Leur corps mesure 34 millimètres. La femelle possède donc des ailes entièrement développées. llieiirs, habiftideH, régime. — Originaire d'Amérique, elle s'est établie également dans les villes maritimes d'Europe et çà et là dans quelques pays de l'intérieur où elle exerce ses ravages dans les habitations chaudes et pullule dans les serres. On s'en est plaint beaucoup en France. Auprès de Borsig, en Moabit, les Blattes américaines ont arraché de temps à autre les jeunes extrémités radiculaires et les fleurs des Orchidées. Ces Insectes arrivent souvent en Europe , à l'état de cadavres, dans les ballots de tabac et d'antres marchan- dises. LES BLABERES — BLABERA Caractères. — De grande taille, semblables dans les deux sexes, ces Blattes se font remar- quer par la grandeur de leur corselet qui s'avance beaucoup eu avant de la tète. L'abdo- 392 LES MANTIDES. men porte dans les deux sexes une grande plaque suranale profondément incisée. La pla- que sous-anale très apparente et émarginée seulement du côté droit chez les mâles est entièrement cachée par le segment de l'abdo- men chez les femelles. LA BLATTE GKANTE. — BLJBEJIA GIGÀISTEJ. Riesenschabe. Caractères. — La Blatte géante {Blabera gi- gantea), désignée aussi dans les Indes occiden- tales sous le nom de « Tambourineur », parce qu'elle produit dans ses pérégrinations noctur- nes un bruit comparable à celui du clapote- ment des doigts, porte une crête marginale aulour de son corselet elliptique; elle n'a ni épines sur les cuisses, ni pelotes entre les grif- fes, mais elle offre des semelles tarsales très nettes. Celte Blatte, qui mesure 30 et même 60 millimètres, est très plate, allongée et d'une teinte brun sale ; elle se reconnaît à une légère marque ombrée sur le milieu de sa carapace ainsi qu';\ une tache noire presque quadrangu- laire au milieu de l'écusson cervical. Uistribuiion géographique. — Dans l'Amé- rique du sud, sa patrie, cette Blatte géante pé- nètre souvent dans les maisons. De nombreuses Blattes exotiques se rattachent à cette espèce par des liens de parenté étroits. Il existe encore des espèces de Blattides chez lesquelles les ailes font plus ou moins défaut soit chez les femelles seulement, soit chez les femelles et chez les mâles simultanément. Il est fort diflicile dans ces deux cas de distinguer la Larve de l'Insecte parfait, bien que les natu- ralistes aient découvert déjà quelques carac- tères distinctifs. Nous ne pouvons que mention- ner les Polyzosteria et les Oniscosoma. LES FORFICULIDES OU PERCE-OREILLES — FORFICULIDM Oehriivije. Certains naturalistes ont voulu faire de ces Orthoptères coureurs un ordre spécial, les Der- maptères ou Dermaloptères ; d'autres ont commis l'erreur de ranger ces Insectes parmi les Coléoptères, à l'exemple de Fiiessly qui les avait classés en 1773 ;\ la fin de cet ordre sous le nom de « Coléoptères à pinces ». Caractères. — Tous les Perce-oreilIes se reconnaissent à leuvsfot'ctpules, c'est-à-dire aux appendices qui terminent leur abdomen. Ces organes fixés à l'extrémité de l'abdomen cons- tituent une arme défensive sans importance, car ils la serrent avec rage lorsqu'on les prend parla partie antérieure de leur corps; mais l'Insecte s'en sert également pour déplisser et pour rassembler ses ailes. Quiconque s'étonne d'entendre parler du vol des Perce- oreilles n'a qu'à observer de plus près leur mésothorax. On remarque, derrière le corselet, deux lames quadrangulaires qui représentent évidemment des élytres très coriaces, car, par une exception singulière, elles sont conniventes comme chez les Coléoptères et ne se recouvrent jamais. Elles semblent se terminer chacune par une pointe mousse d'une teinte plus claire, nettement marquée sur la figure. Cette apparence est illusoire; et les deux pointes dures, qui se trou- vent bien plutôt au-dessous de chacune des deux élytres terminées par un bord tranchant et droit, sont en réalité les seules parties visi- bles des ailes postérieures extraordinairement larges et repliées aussi élégamment que possible. Chaque aile postérieure est constituée précisé- ment par celte portion coriace correspondant à la naissance du bord antérieur et par une portion membraneuse, trois fois aussi large, et qui, étalée, prend une forme demi-elliptique ; sur cette dernière portion, on peut distinguer une aire antérieure, deux fois aussi large que l'élylre, et limitée en arrière par une nervure longitudinale plus forte qui la sépare du reste de l'aile parcouru par des nervures rayon- nantes. Les huit rayons émanent de la nervure principale à l'extrémité de la partie coriace, où chacune offre une articulation; chacun d'eux est, en outre, infléchi légèrement en arrière de son milieu et porte une petite macule cor- née. La membrane est soutenue, dans les autres directions, par des nervures transver- sales régulièrement disposées. Quand l'aile doit être repliée, le bord posté- rieur se relève jusqu'à la macule cornée des rayons (première position); puis l'aile, ainsi raccourcie, se replie en éventail à partir de LA FORFICULE GIGANTESQUi: UU GHAND PEHCE-OREILLE. ;ilt3 Fig. COi. Le grand Perce-oreille. Fig. CO.'i. Le Porce-oroille commun. l'articulation antérieure (deuxième position) ; cet éventail se replie ensuite au-dessous de l'aire extérieure, assez large (troisième posi- tion), enfin cette pièce s'enclulsse, en se plissant suivant la longueur, au-dessous de la portion coriace qui reste visible (quatrième position). Eu déployant avec précaution l'aile d'un Perce-oreille, et en la repliant ànouveau, on peut se convaincre soi-même de l'exactitude de cette description et de la complication des plis de cette aile, que la figure représente étalée. Quant au reste du corps, nous ferons remar- quer que la tête cordiforme, un peu inclinée, ne porte pas d'ocelles, mais qu'elle offre, de chaque côté, des yeux à facettes arrondies, au-dessous desquels s'insèrent des antennes composées de 12 à 14 articles. Les pièces buc- cales diffèrent peu de celles des Orthoptères étudiés jusqu'ici ; seulement, la mâchoire, grande et carrée, cache presque toute la face inférieure de la tête, et la lèvre inférieure n'est formée que de deux lobes arrondis. L'abdo- men, généralement élargi tout à fait à l'extré- mité, et arrondi sur les côtés, est composé de 9 articles; toutefois, chez la femelle, deux d'entre eux s'atrophient entièrement et le dernier disparaît seulement à la face ven- trale. Les espèces nombreuses se distinguent à leurs pinces, qui varient même d'un sexe à l'autre dans une même espèce, à leurs articles des tarses, à leurs ailes complètes ou atro- phiées, à la forme de leur corselet, et à d'au- tres caractères encore. On les a réparties dans une série de genres divers. Distribution g^éographiqne. — Cette famille a des représentants sur toute la surface de la terre. Brerm. — VU. I.A I ORFICVLF. GIGANTIîSQrn: OU GRAND l'IîRCE- OREILI-E. — FOIIFICVI. l 01GJ\TEI. Grosse.r Olirwnnn. Caractères. — Le grand Perce-oreille (Fo?"/?- ciila ou Lalndura gigantea), qui mesure de H à 13 millimètres de long, représente très bien la famille des Forficulides. Chez cet Orthoptère un des caractères qui mérite de fixer l'attention est la conformation de la pince du mâle que nous avons fait des- siner (fig. 604), ainsi que la présence d'une dent située un peu en arrière de son milieu. Chez la femelle, les ailes sont dentelées et plus rapprochées de la base de la pince, qui est notablement plus courte et qui ne porte point de dent en arrière de son milieu. Les antennes sont formées de 27 à 30 articles. Distribution géo|Sfraphique. — Celte espèce intéressante apparaît çà. et là isolément, dans quelques contrées de l'Europe, telles que l'Alle- magne, l'Angleterre, etc. ; elle se montre com- munément sur les bords de la Méditerranée, aussi bien en Europe que dans l'Asie Mineure et dans le nord de l'Afrique. Mœurs, habitudes, rég^ime. — Vers le mi- lieu de juillet, en soulevant plusieurs pierres éparses sur un terrain sablonneux et aride au voisinage de Halle, Taschenberg rapporte qu'il découvrit les Insectes représentés sur la figure 604 ; effrayés par l'apparition soudaine de la lumière, ils cherchèrent avec toute la rapidité possible une nouvelle cachette obscure, sans pouvoir la trouver. Quelques femelles plus petites, ainsi qu'une pupe, se montrèrent en même temps. La coloration encore claire de tous ces Insectes indiquait que le moment de leur existence à l'air libre n'était point encore venu. Leurs corps était d'une teinte jaune-claire, Insectes. — 50 394 LE PERCE-OREILLE COMMUN. à l'exception des yeux, d'une partie médiane brunâtre de l'abdomen, et d'une marque aussi foncée située sur chacune des élytres qui se prolongeaient au-dessus de l'écusson cervical, sans se confondre avec lui. LE PERCE-OUEILLE COMMUN. — FORFICULA tunicvmtiA. Gemeiner Ohrwurm. Caractères. — Le Perce-oreille commun a une couleur brun-foncée luisante, qui est remplacée par une teinte jaune sur les pattes, sur les bords du corselet, ainsi que sur les antennes à 15 articles, et par une teinte rouge de rouille sur la tête. Le dernier segment de l'abdomen porte quatre petites gibbosités. La pince du mâle est aplatie et toujours dentée à sa base; elle est ensuite cylindrique, complète- ment lisse et fortement infléchie en dehors vers son milieu ; celle de la femelle dépour- vue de dent ressemble à une béquelle. Ses ailes se touchent ;\ leur face interne et leurs pointes se recourbent doucement vers le baut. La taille de ces Insectes oscille entre 8,75 et 15 millimètres; c'est aux femelles que se rap- portent les mesures les plus faibles. DistriliuUon géojfraphique. — Le Perce- oreille commun ou Forficule auriculaire [For- ficula auricularia) se rencontre dans toute l'Eu- rope où il est fort répandu. niieurs, Iiabituiles, régime. — 11 n'est VU nulle part d un bon œil. Les jardiniers savent qu'il détruit leurs plus belles Giroflées et leurs Géraniums ; aussi disposent-ils des pots ou des sabots d'animaux sur les plantes fréquentées par cet Orthoplère, afin de lui offrir une ca- chette à son goût dans laquelle ils pourront le surprendre et l'anéantir. Les enfants ont ces Perce-oreille en horreur parce qu'ils sortent l'un après l'autre des grappes de raisin, où ils se cachaient entre les grains serrés, et les em- pêchent d'y goûter. Les cuisinières jettent avec épouvante les Choux-fleurs qu'elles sont en train de préparer, dès qu'un de ces Insectes apparaît avec ses pinces menaçantes. Le vulgaire croit devoir garantir ses oreilles afin que cet Insecte ne puisse s'y introduire pour déchirer la mem- brane tympanique; pourtant, en dépit de son nom, il s'inquiète fort peu de nos oreilles. Il a pu arriver qu'une de ces Forficules pénétrât dans l'oreille d'un homme, assez imprudent pour s'endormir sur le gazon, parce qu'elle s'était laissé tenter par l'obscurité de cette cachette. En réalité, le nom de Perce-oreille a été donné à ces Orthoptères, à cause de la ressemblance de leurs appendices abdomi- naux avec les pinces dont se servent les joail- liers pour percer les oreilles. Le Perce-oreille commun passe l'hiver, à l'état parfait, pour perpétuer l'espèce l'année suivante ; son réveil plus ou moins précoce dépend naturellement des circonstances atmo- sphériques. « J'ai vu, dit TasL-henberg, dès le 1" février un mâle monter, d'une allure réflé- chie, sur un arbre ; j'ai trouvé, quelques années plus lard, le 19 février 1874, sous la mousse qui recouvrait un sol sablonneux et humide, un petit amas d'œufs jaunâtres auprès duquel se tenait une Forficule femelle. La douceur de cet hiver permettait de supposer que cette femelle avait devancé l'époque ordinaire de la ponte; mais cette relation étroite entre cette femelle et ces œufs ne m'étant pas encore démontrée, j'emportai chez moi les pièces que je venais de trouver. Il fallut trier péniblement, à l'aide d'un pinceau, ces œufs très élastiques et com- plètement secs, parmi le sable qui pendant la route s'était en partie desséché et s'était glissé entre eux. Avec ce sable je remplis le fond d'un petit flacon dans lequel j'intro- duisis la femelle ainsi que les œufs, au nombre de 12 à 15, qui s'éparpillèrent à la surface. C'est alors que je comptais juger si la femelle se reconnaîtrait pour la mère de cette couvée, car j'avais lu que la mère a coutume de rassem- bler en un seul tas tous ses œufs dispersés. J'avais effectué ce changement de domicile dans la soirée, et la femelle était encore trop préoccupée de la nouveauté de sa résidence pour s'inquiéter de toute autre chose. Mais, le lendemain matin, les œufs se trouvaient réunis en tas et recouverts par cette mère diligente. Je la retrouvai presque toujours dans cette même attitude. Lorsqu'acciden- tellement, par suite d'une inclinaison trop forte du flacon, les œufs avaient roulé sur la paroi du verre, la femelle les transportait du côté opposé et les couchait dans une dépression légère aménagée préalablement dans le sable; bref elle donnait les soins les plus assidus aux germes de sa postérité. Peut-être en les léchant ou en dégageant sur eux quelque suc, exerçait-elle une influence sur leur déve- loppement? « La corolle d'une fleur fraîche de Primu/a c/diietisis, les parties tendres d'une Mouche écrasée, ainsi que quelques Larves d'Insectes LES MANTIDES. 3il. 400 LA MANTE RELIGIEUSE. LES xMANTES — NANTIS (I) Caractères. — La tête est large, triangulaire, au vertex mutique, à la lace séparée en deux transversalement; les yeux sont gros et arron- dis; les antennes sétacées, multi-articulées, sont beaucoup plus fortes chez les mftles ; le prothorax peu dilaté à sa partie antérieure, rebordé sur les côtés, est ordinairement étroit dans sa partie postérieure ; l'abdomen simple à l'extrémité est plus ou moins dilaté latérale- ment; les élytres sont allongées et ovalaires. Les mâles sont plus grêles, plus allongés et ont les organes du vol plus prononcés. Distribution géographique. — Los Mantes habitent les régions chaudes de la terre entière. LA MANTE UELIGIICUSE. — M tNTIS ItELlGlOS t- Gotlesanbctenn. Grâce à ses allures singulières, le Prie-Dieu {Mantis religiosa) compte parmi les bêtes extraordinaires que l'on a trouvées en Europe, et son nom même éveille les conjectures les plus bizarres. Chez les Grecs, le mot masculin (5 (j^avriç) si- gnifiait un Voyant, un Prophète ; le même terme employé au féminin servait à désigner l'Insecte dont nous parlons ou bien une espèce très voisine. Le naturaliste anglais Moufet, déjà souvent mentionné, rechercha, dès la fin du seizième siècle, l'étymologie de ce nom, et proposa trois explications : ces In- sectes seraient les prophètes du printemps, parce qu'ils apparaissent les premiers; l'auteur s'appuie, à ce sujet, sur le poète Anacréon, mais l'un et l'autre sont dans l'erreur ainsi qu'on le verra plus loin. Puis, d'après la science de Cœlius et des Scolasliques, ces Insectes pro- phétiseraient la disette. Cette opinion repose encore sur une erreur, et résulte probable- ment d'une confusion entre les Mantes et les Sauterelles qui s'en rapprochent d'assez près et dont l'apparition peut avoir pour conséquence la disette. On s'expliquerait plus aisément la désignation allemande de l'iin-Dieu, traduc- tion du ternie de Préga-Diou des paysans de la Provence ou de Louva Dios des Espa- gnols; car cet Insecte avance ses pattes anté- rieures comme un fidèle joignant les mains pour prier dans l'attitude qu'on assigne aux Prophètes lorsqu'ils adressent leurs vœux au (1) MivTir, divin, propliètc. ciel. Ce n'est pas uniquement par cette attitude que les Mantes rappellent les Prophètes, mais c'est aussi par leurs allures; jamais on ne les voit jouer, sautiller, folâtrer; ces animaux mar- chent à pas mesurés, d'un air réfléchi, avec un calme plein de dignité. Ces Insectes passent quelque peu pour devins; on prétend qu'en étendant l'une des pattes antérieures, ils indi- quent leur chemin aux enfants en détresse et qu'ils ne les trompent jamais ou bien rarement. De telles assertions n'ont pu convenir qu'à certaines époques et à des populations ayant l'habitude d'attribuer aux êtres une puissance en rapport avec leur aspect extérieur, et de se fier aux apparences pour juger de la sagesse et de la bonté. Aujourd'hui, partout où les Mantes s'installent, nous savons que ces hôtes n'y apportent que ruse et que perfidie. Caractères. — La Mante religieuse se range parmi celles qui ont les ailes opaques en raison de leur nature coriace, qui ont un stigma corné de même nuance derrière la principale nervure longitudinale, qui ont une aire marginale, n'of- frant pas plus de consistance que l'aire située immédiatement en arrière, et qui offrent sur toutes ces parties une couleur uniforme; en revanche, ra('res«TE AUGE^'TI^E. — MIIVTIS ARGUNTINJ. Arijentinlschc Fangschrecke. Caractères. — Burmeister a décrit les deux sexes de cette espèce nouvelle, dénuée de ta- ches, d'une longueur de 70 millimètres et d'une teinte vert-clair, et il lui donne le nom de Manlis art/entina. Le Mâle a des ailes transparentes qui ne dé- passent guère l'abdomen et dont les nervures sont vertes, sauf la nervure principale anté- rieure qui est jaunâtre. La femelle, aptère, porte seulement, à la place des ailes, des dis- ques coriaces et fortement réticulés, de 20 mil- limètres de long. Mœurs, habitudes, rôgime. — Burmeis- ter raconte qu'un soir, entre 8 et 9 heures, Hudson, assis devant la porte de sa maison de campagne, près de Buenos-Ayres, fut surjuis soudain parles cris que faisait entendre, dans le feuillage d'un arbre voisin, un petit Oiseau {Serpophaga subcristata). En s'approchant, il constata avec étonnement que l'Oiseau sem- blait fixé à une branche et battait des ailes avec force ; ayant été cherché une échelle pour pouvoir se rendre compte du fait, il vit alors une Mante qui se cramponnait fortement à une branche par ses quatre pattes postérieures et qui enserrait l'Oiseau dans ses pattes anté- rieures de telle sorte qu'ils se trouvaient tous deux lêle contre tète. Le Serpophage avait la peau du crâne en lambeaux, et l'os même était transpercé au niveau du fi'ont. Burmeister put s'en assurer par lui-même en examinant les deux bêtes qu Hudson lui transmille lende- main malin en même temps que son observa- lion. Les Mantes sont donc assez hardies pour surprendre et pour tuer quelquefois les Oiseaux endormis, au risque de recevoir des coups de bec qui à l'avenir les rendent inoffensives. LES CHOEHADODES — CHOERADO- DIS (1) Caractères. — Voici cncore un type aux formes étranges. La lèle est large, triangu- (l)Xo:«ô f,:, qui a Itis éciouollus. laire, sans tubercule ni épine. Le prothorax affecte une forme bien particulière : il est long et dilaté latéralement en une grande mem- brane. Les élytres sont ovales, pointues, delà longueur de l'abdomen ; les ailes sont aussi longues que les élytres. Les 4 pattes posté- rieures sont grêles. B>iNtril>ution géographique. — Les quelques espèces sont américaines; l'une d'elles toute- fois a été trouvée à Ceylan. LE CIIUEUADOUE A TREILLIS. CAyCELLÀTA. CnoEIUDOUtS Caracières. — Cette Mantide (fig. 008, p. 397) est d'une belle couleur verte, au prothorax en- touré d'une large membrane presque cordi- forme masquée en avant de deux taches brunes ovalaires et sur le disque de deux autres taches brunes en crois-ant allongé ; aux élytres éga- lement vertes tachetées d'un point blanc. Olstrihulion g-éographique. — C'est une espèce de l'Amérique du Sud . LES ÉRÉML4PHILES — ERËMIA- PHILA (2) Parmi toutes les Mantides voici peul-êlre les plus bizarres par leur conformation, les plus singulières par leurs mœurs. Caractères. — Le corps est trapu ; la lêle grosse, épaisse, arrondie, enfoncée dans le prothorax et très inclinée en dessous porte des gros yeux ovalaires qui ne sont point saillants ; le front présente un léger enfoncement dans lequel sont situés les ocelles : les antennes sont longues, épaisses et sélacées chez les mâles, courtes et filiformes chez les femelles. Le prothorax est court, large et plus ou moins carré. Les organes du vol sont atrophiés; les élytres toujours raccourcies, et coriacées, réticulées, à nervures rayonnantes, sont souvent squamiformes ; les ailes petites ou nulles, arrondies, sont presque opaques. Les pattes antérieures sont fortes et trapues; les intermédiaires et les postérieures sont grêles et longues. L'abdomen large et ar- rondi chez les femelles, est plus grêle chez les mâles. Distribution géographique. — Les Eiemia- philes sont cantonnées en Afrique et en Asie dans la région méditerranéenne et comptent lî) 'EfriMi*! sulitude; ai),o:, ami. LKS EREMIAPHILKS. /i(i;j Fig. 611. — Coque ovigère ou oothèque d'où éclosent les jeunos. Fig. CI2. — La Manie en oliasse. Fig. 61 1 et 612. — La Mante religieuse et sa coque ovigère. un assez grand nombre d'espèces; de Saussure en signale 24. Mœurs, habitudes, régime. — C'est à Le- febvre, créateur du genre, que nous devons la connaissance des mœurs étranges de ces Or- thoptères, voici ses observations. « Alors que je parcourais, dans les années 1829-1830, diverses parties de l'Egypte sous l'égide du D' Pariset, chef de la commission médicale chargée d'y observer la peste, une e.icursion à l'Oasis de Bahryeh fut par ce sa- vant jugée convenable, tant pour l'analyse des eaux thermales qu'elle contient que pour d'au- tres observations médicales relatives à sa mis- sion. Le D' Lagasquie et M. Darcet lurent chargés des observations de médecine et de chimie, et M. Pariset me permit de proliter de cette première occasion pour explorer sous le rapport de l'histoire naturelle cette île au milieu des sables. « Nous venions de laisser, le 27 février, les dernières végitations, pour nous lancer dans ces espaces brûlants, et je voyais successive- ment disparaître jusqu'à la trace du moindre être vivant, avec les plantes qui les pouvaient nourrir. Après une journée et demie de mar- che, quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu'au milieu des débris de coquilles dont je recueillis de magnifiques échantillons, actuellement dé- posés aux galeries du Muséum, au milieu de ces Nummuliles que nos Dromadaires fou- laient, et parmi lesquels, mais sans grand es- poir, je cherchais encore quelques Insectes, quel ne fut pas mon étonnement, dis-je, de voir se mouvoir lentement une espèce de petite Mantide à corps trapu et ramassé, aptère ou à peu près, et semblant observer les moindres excavations du sol, comme pour y rencontrer une proie! « Je quittai notre caravane ; et restant avec mon domestique Hralil, jeune Arabe qui déjà me recueillait des Insectes avec assez d'intelli- gence, nous demeurâmes à observer cet êlre singulier dont la préseuie dans une semblable région excitait mon étonnement au plus haut degré. « Mais en vain nous suivons longtemps tous ses mouvements : ils ne peuvent rien m'ap- prendre de ses mœurs, de son habitat, et sur- tout de ses moyens d'existence. Déjà près de deux heures se sont écoulées dans ces inutiles observations et mes compagnons disparaissent au loin dans les ondes magiques du mirage. Sans imprudence nous ne pouvons prolonger davantage notre séjour dans ces solitudes. Je m'empare de la Manlide, et nous rejoignons notre troupe. Bientôt plusieurs autres Insectes semblables s'offrent çà et là à nos yeux, et je les épie également sans qu'aucun indice m'en apprenne davantage sur ce que je voulais sa- voir. Le lendemain même rencontre, mêmes remarques inutilement prolongées des heures entières, et résultats aussi peu satisfaisants. (( Mais ce qui me frappait vivement, c'était le changement de coloration que j'observais dans ces Insectes, selon le terrain sur lequel je les rencontrais et avec la teinte duquel ils of- fraient la plus parfaite indentité, à tel point que je ne pouvais les distinguer que par leurs mouvements sur ce sol qui semble dépourvu de vie. Nul doute que pour celte raison plusieurs échappèrent à ma vue, naturellement très 404 L'ÉRÉMIAPHILE A COU DENTELE. basse et fatiguée alors par la réverbération d'un soleil africain. « Le léger OEdicnème, à peu près le seul vo- latile qui s'aventure dans ces régions désertes, aux environs des débris des Oasis envahies par les sables, un petit Saurien, le Trapelus .vgyptia- rtis, vrai Bédouin de ces déserts, et que je ren- contrais parfois avec mes Erémiaphiles, me présentaient cette identité parfaite de colora- lion avec le sol, dont j'avais bien entendu par- ler, mais que je n'aurais jamais cru poussée à un tel point; cette identité était si frappante, que dans certaine région où le terrain était brun, Reptiles et Insectes étaient de même couleur; et six cents pas plus loin je me trou- vais sur des débris de coquilles ou sur des dalles de calcaires éblouissant de blancheur, les mômes êtres participaient de cette couleur argentée qui les confondait avec les aspérités du sol. « Vivent-ils donc dans ces espaces limités sans s'en éloigner? Empruntent-ils la couleur du terrain au fur et à mesure qu'ils y séjour- nent plus ou moins? C'est ce dont il m'est dif- ficile d'expliquer la cause physique et de me rendre compte. » « Quant au motif que la nature aurait eu ici, ne serait-ce pas pour donner plus de facilité à nos Erémiaphiles d'échapper à leurs ennemis, d'autant plus i\ craindre pour elles, qu'elles semblent être dans ces déserts les seuls Insectes qui puissent servira leur pâture, qu'elle aurait confondu la robe de ces Orthoptères avec la couleur du sol, à tel point qu'il soit presque impossible de les apercevoir, surtout dans leur état d'immobilité. » « Quel peut être, au milieu de ces solitudes affreuses, la nourriture de ces Orthoptères, là où nul autre Insecte herbivore ne saurait exis- ter? car il n'y a aucune plante, nul vestige de végétation, on ne saurait même en soupçonner ; et avec eux je ne rencontrais jamais ni la Soude, ni la Coloquinte, tristes et rares vesti- ges d'une nature vivante sur laquelle l'œil fatigué se plait encore à se reposer, et que dans d'autres localités plus proches des terres habi- tées le hasard fait parfois trouver. « Cependant les Erémiaphiles sont armées de pattes ravisseuses fortement dentelées, munies d'élytres dures et solides en comparai- son des autres Mantides ; tout annonce donc (lc> habitudes essentiellement carnassières dans ces Orthopthères, une vie qui ne doit son existence qu'à la rapine, aux combats; et quels sont donc ces Insectes assez forts pour demander de telles armes nécessaires à leur capture, lorsque pendant huit jours que j'ha- bitai le Désert proprement dit, sur un mois que dura notre excursion, il fut impossible à aucun de nous de trouver d'autres Insectes en même temps que les Erémiaphiles? » L'ÉHÉMIAPHILE TYPHON. — EnEMlAPIllLA TY- rno.\. Caractères. — C'est la plus grande espèce du genre, elle est d'un jaune terreux pâle, avec d'immenses pattes annelées ; nous avons pré- senté, d'après Lefèvre, la larve du mâle (fig. 613). Chez les adultes les élytres larges, arrondies, opaques, réticulées, s'arrêtent au deuxième segment abdominal; les ailes petites, opa- Fig. 613. — L'Érémiaphile Typhon. Larve d'un mâle de grandeur naturelle. ques, réticulées comme les élytres, sont tail- lées en quart de cercle. Distribution g^éographique. — Elle habite le désert en Egypte et en Syrie. L'EREMIAPHILE A COU DENTELE. — EREMIA- PHILA DEISTtCOLLlS. Caractères. Cette espèce qui mesure en- Fig. eu. — Érémiaphile à cou dentelé. viron 25 millimètres, est grise, un peu jaunâtre. LES PHASMIDES. 4((a à tête large, à corselet granuleux, marqué de taches fauves, ayant les angles antérieurs ar- rondis, les angles postérieurs acuminés, et les bords dentelés, aux élylres rugueuses unituberculées à la base et sans taches, aux ailes petites et arrondies, marquées d'une (fi^'. fil 4). nistribution Bé*>(fi'i>l>'ii*l>>c. — Cette Eré- mia[)hile algérienne a été découverte près de l'oasis d'El-Aghouat par M. Lucas. LES PHASMIDES — PHASMID.^ Lie Gespenstscliirrken. Caractères «rénéraux. — La famille des P/iasmides (P/iasmidiv), qui se rapproche beau- coup de la précédente par son habitat dans les climats chauds et par son aspect étrange, est restée confondue longtemps avec elle ; mais les caractères qui la distinguent sont trop nom- breux pour que la science consacre encore celte réunion. Chez lesPhasmides, le dévelop- pement prédominant du mésothorax aux dé- pens du prothorax, l'absence de pattes ravis- seuses, l'atrophie fréquente des ailes, l'aspect général en forme de tige et quelquefois en l'orme de feuille, suffisent pour établir des ilivergences qui sautent aux yeux. La tête, généralement ovoïde, volumineuse chez les femelles et souvent bombée posté- rieurement, est disposée très obliquement, mais la bouche se trouve en avant; elle ne porte d'ocelles que chez un certain nombre d'espèces pourvues d'ailes ; au milieu de la face, en avant des yeux à facettes, s'insèrent les antennes filiformes, formées de 9 à 30 articles, généralement aussi longues ou plus longues que le corps, rarement courtes. Les pièces de la bouche comprennent : un labre plus ou moins échancré; des mandibules très grosses eu forme de coin tranchant émoussé et strié en dehors; des mâchoires peu développées, ca- chées par la lèvre, accompagnées d'un galéa fort court; une lèvre inférieure, plus saillante, dont les lobes externes sont très grands et dont les palpes rejettent complètement sur les côtés les palpes maxillaires plus petits. Le prothorax est toujours court, le méso- thorax généralement très long et même trois ou quatre fois plus long, est cylindrique ou aplati suivant que l'animal affecte dans son en- semble une forme convexe ou plane; c'est à son exti-emité postérieure que sont attachées les pattes et les ailes lorsqu'elles existent; chez un petit nombre seulement de ces Insectes [Phyllium), le métathorax est aussi grand que le mésothorax ; chez les Phasmides aptères, il est plus court et présente une conformation semblable; il est un peu plus long chez les Insectes ailés. Suivant que le thorax est aplati ou cylin- drique, l'abdomen est aplati et mince comme une feuille ou régulièrement cylindrique; à sa face dorsale on distingue 9 articles, à sa face ventrale 7 ou 8 ; cela tient à ce que le dernier anneau est recouvert ou même dé- passé, chez le mâle, par le huitième anneau, chez la femelle par le septième agrandi en forme de pelle. Un caractère qui permet aussi de distinguer les sexes, c'est l'orifice des or- ganes reproducteurs situé sur l'avant dernier segment chez le mâle, et sur le troisième avant- dernier chez la femelle. Ainsi que nous l'avons déjà signalé, les ailes font défaut à tout âge chez un grand nombre d'espèces. Il est alors fort difficile de discerner les Larves des Insectes sexués aptères, d'autant mieux que chez beaucoup de Larves apparais- sent, sur les pattes ou sur diverses régions du corps, des épines et des appendices lobules qui dispar^iissent un peu plus tard, de telle sorte qu'on ne peut en tirer aucun caractère per- mettant de déterminer avec certitude l'âge de l'Insecte. Les ailes antérieures, généralement courtes, surtout dans les mâles , ne recouvrent que la base des ailes postérieures ; en revanche, celles-ci arrivent souvent presque .\ l'extrémité du corps ; elles ont une aire marginale colorée et parcheminée, une aire suturale large et membraneuse; et toutes deux ont des nervures à mailles presque quadrangulaires. La plus grande variété règne dans la conformation des pattes qui sont tantôt longues et grêles, tantôt élargies en divers endroits et pourvues d'.ip- pendices qui leur donnent un aspect foliacé. Les tarses de 5 articles, dont le premier est le plus long, et la présence d'une grande palette ronde, spongieuse, entre les griffes, sont les seuls caractères copstants. 406 LES BACILLES. Les pattes antérieures, minces, sont généra- lement échancrées à la base des cuisses de manière à pouvoir loger la tête dans une exca- vation profonde, lorsqu'elles s'étendent en s'appliquant fortement l'unecontre l'autre ; ces Insectes adoptent volontiers, au repos, cette attitude qui en raison de sa couleur ordinaire- ment verte ou brunâtre les fait ressembler éton- namment soit à un rameau vivant, soit à une branche sèche. C'est là un moyen de protection que la nature accorde fréquemment aux Insec- tes inermes pour leur permettre de se dérober, dans les lieux où ils séjournent, aux regards de leurs ennemis. Leur taille et le développement de leurs ailes sont d'autant plus considérables qu'elles ap- prochent plus de l'équateur. On trouve parmi elles certains types en forme de tige, dont la longueur dépasse de beau- coup celle de tous les autres insectes. Ainsi la femelle du Spectre-à-patlesépineuses [Pkiba- losoma acatithnpus), qui réside à Java et qui est complètement dépourvue d'ailes, mesure 215 millimètres de long sur 6°"°, 5 de large. La fe- melle, également aptère, de la Bactérie auri- culée (Bactei-ia auiita ou Phibalosoma phyllore- phalum) qui vit dans l'intérieur du Brésil, atteint 162 millimètres de long, ou 314 millimètres en comptant les pattes étendues, sur 3""", 23 de large ; sa tête porte une paire d'appendices assez vastes, en forme d'oreilles, et de son dos émerge, juste entre les deux pattes postérieu- res, une épine puissante qui se dirige en haut. Ni l'une ni l'autre de ces deux espèces ne pour- rait être figurée ici en grandeur naturelle sans être infléchie. Distribution g^og^rapiiique. — Parmi les nombreuses espèces qui composent cette fa- mille, deux seulementapparliennent à l'Europe méridionale, presque toutes les autres à la zone torride. Dans son travail sur cette famille, en 1833, R. Gray décrivit 120 espèces. West- wood, dans son catalogue du Muséum Bri- tannique, en 1839, n'en a guère augmenté le nombre. Un tiers d'entre elles provient de l'hé- misphère occidentale, les deux autres tiers de l'hémisphère orientale; seules, quelques rares espèces ailées dépassent, de part et d'autre, la zone torride. Blœurs, liabitutles, régime. — Les PhaSUli- des habitent les taillis et les buissons dont ils dévorent les feuilles pendant la nuit; ils pas- sent toute leur journée dans l'indolence. Les femelles pondent isolément leurs œufs, d'où éclosent au bout de 70 à 100 jours des Larves qui croissent très rapidement. LES BACILLES - BACILLUS (l) Die Stabschreckren, Banllinen. Caractères. — Leur corps, sec, ne porte ni ailes, ni épines, ni appendices lobules, et leur télé simple n'offre pas d'yeux accessoires. Ces caractères auxquels on peut ajouter des anten- nes courtes et filifoimes, des pattes courtes, les antérieures plus grandes que les autres, un abdomen terminé en pointe chez la femelle et en crosse chez le mâle, définissent le genre. LE BACILLE DE ROSSI. — B.ICILLVS HOSSU. Rossi's Gespenstschrecke. Caractères. — L'espèce est caractérisée par un corps lisse et brillant, de couleur verte ou brunâtre, par une carène médiane peu accusée sur les deux anneaux thoraciques postérieurs qui sont à peine chagrinés, par des antennes à 19 articles, enfin par des cuisses médianes dont la face inférieure est armée de 3 à 4 dents et des cuisses postérieures armées de 6 dents. Le mâle a 48 millimètres de long, et la femelle 65 (fig. 613). Distribution grcographique. — Le spectre de Rossi {Bacillus Ro^sii), une des rares espèces européennes, habite l'Italie et le midi de la France. LE BACILLE GRANULÉ. — UACILI.US filUlSV- I. ITLS. Caractères. — On Connaît une seconde es- pèce indigène, le /iucillus çpanulatus, qui a la même coloralion^ mais se distingue par la pré- sence sur tout le corps de nombreux tuber- cules. Distribution géu^^raphique. — Cette espèce se rencontre surtout le littoral méditerranéen. LES BACTERIES — BAC TE RI A (2) Caractères. — Le genre Bactvria, dont les espèces se distinguent du genre précédent par leurs antennes sétiformes ou filiformes dont la longueur atteint au moins la moitié de celle du corps, diffèrent du reste de la fumille par le premier article de leur tarse dont la lon- (1) Bucillus, baguette. (2) Bav.TYipia, bâton. LliS EURYCANTHES. 107 giieur dépasse celle des trois suivants pris en Ijloe. Les deux sexes sont aptères. Itistriltution g^r'O^raphiqiie. — Les noni- lireuses espèces pa^ai^sent habiter l'Asie et l'Afrique aussi bien (pie l'Amérique. Nous citerons comme type la Hacteria Avu- inadn, gigantesque Phasme semblable à une longue branche d'arbre, qui a pour patrie la Guadeloupe et l'Amérique inlertropicale. LES EURVC.\ISTHES THA (11 EURYCAN- Kntre tous les Phasmides aptères ceux-ci sont certainement les plus robustes, les plus i-nirassés, les mieux armés, les plus horribles. M Kiinckel d'Herculais ayant exposé (2) leurs caractères et retracé leur histoire, nous re- produirons les passages les plus intéressants de sa notice. « C'est Labillardière, le naturaliste de l'ex- pédition organisée en 1791 par ordre de l'As- semblée constituante, sous le commandement de d'Entrecasteaux, pour aller à la recherche de la Péroiise, qui a rapporté pour la première fois en Europe ces Insectes géants. Ils sont restés longtemps et même jusqu'à nos jours dune si grande rareté qu'un entomologiste an- glais, Mac Leay a payé l'un d'eux, il y a quel- ques vingt ans, la somme énorme de 13 livres sterling. Le docteur Boisduval, dans la descrip- tion des Insectes récollés pendant le voyage de L'Astrolabe, dirigé par Dumont-d'Urville, fil représenter un de ces Orthoptères sous le nom û'Eurycantha horrula; depuis lors un mission- naire, qui a consacré les loisirs d'un long sé- jour en Océanie à l'élude de l'hisloire natu- relle, le Père Monlrouzier, a fait connaître plusieurs espèces et nous a raconté leurs mœurs curieuses. M. Lucas, aide naturaliste au Muséum, et M. Weslwood, ont décrit et figuré quelques espèces. » Caractèreg. ~ « Les Eurycanlhes, c'est-à- dire les Insectes aux larges épines, ont été longtemps suffisamment caractérisés par la présence sur tout le corps et les membres d'é- pines acérées ; mais le Père Monlrouzier ayant décrit une espèce [E. Auslralis), provenant de MorelonBay dont le màle seul porte despoinles recourbées aux cuisses postérieures et dont la femelle est entièrement nue, on se trouve dans (I) E'jpu;, large : otxavOor, épine, (î) laNntm-e 1870. l'obligation de donner plus de précision aux caractères génériques. Tous ces Animaux d'une couleur uniformément brune, ont la tête apla- tie, plus étroite que le thorax, pourvue d'an- tennes plus longues que le prothorax et le mésothorax réunis, et d'yeux assez petits et globuleux ; leur mésothorax est beaucoup plus long que le prolhorax et le mésolhorax pris isolément ; leurs membres robustes, générale- ment garnis de quatre arèles spinuleuses, pré- sentent une particularité frappante : les cuisses postérieures des mâles 1res renflées, très volu- mineuses, portent en dessous de longues épi- nes recourbées, l'une d'elles se faisant remar- quer par ses dimensions. Malheur à l'impru- dent qui saisit sans précautions un Eurycan- the màle, car celui-ci dans sa colère redresse brusquement ses pattes postérieures et en- fonce avec une telle force, dans les doigts qui l'étreignent, ses grands crochets acérés que le sang jaillit; armes défensives, ses longs cro- chets servent surtout à retenir les femelles. Celles-ci n'ont pas les cuisses de la troisième paire de pattes renflées et se reconnaissent aisément à leur oviscapte court et rigide qui sert à assurer le dépôt d'une centaine d'œufs en forme de baril ; ces œufs sont relativement très gros, car ils mesurent près de 1 centimètre de longueur sur o millimètres de largeur. » Distribution géographique. — « Les Eufy- canlhes habitent exclusivement l'Océanie; ils sont très répandus à la Nouvelle-Guinée, à 1 île Woodlark, aux îles Salomon et se trouvent même dans la partie la plus septentrionale de l'Australie. \'Eurycaniha mkarala, Lucas, des îles Salomon, très voisine de \E. horrida, Boisd., et de \E. eclunala, Luc, ne sont très probablement que des races locales d'une seule et même espèce. Les collections du Mu- séum possèdent ces trois espèces et quelques autres » Mœurs, habituilcg, résiniv. — « Les vieuX arbres chargés de plantes parasites servent de refuge aux Eurycanlhes qui ne sortent de leurs retraites que pendant la nuit ; leur nourriture, comme celle de tous les Phasmes, est absolu- ment végétale, mais on ignore s'ils sont exclu- sifs dans le choix de leurs alimenls; le Père Monlrouzier a lenlé de les nourrir avec les feuilles de Broussonelia papyrifolia, mais ils n'y touchaient qu'après plusieurs jours de diète et se laissaient mourir d'inanition ; non pas sans résister, car ils déployaient une force prodigieuse pour reconquérir leur libellé ; ils 408 LES PHASMES. Fig. 615. — Le liaciUi; de l'iossi. parvenaient même dans la lutte à soulever de lourdes planches. » « Au témoignage du Père Montrouzier, pour les naturels de l'ile Woodlark, les Eurycanlhes seraient un fin régal ; ils les priseraient autant que les écrevisses; nous devons sans doute attendre bien des années pour connaître l'opi- nion d'un Brillât Savarin d'outre-mer ; car l'excellent missionnaire n'a pas mangé d'£'. Iior- rida, même un vendredi en Papouasie. » LES CYPHOCRANES — NIA (1) CYPHOCRÀ- Caractères. — Les Cyphocranes sont de gigantesques Orthoptères, des géants parmi les Insectes, qui se reconnaissent entre tous à leur physionomie. La tête grande, gibbeuse postérieurement, porte de gros yeux globuleux, des antennes longues et sétacées; le mésotho- rax est trois fois plus long que le prothorax ; les élytres ovales, couvrent au moins le tiers des ailes chez les femelles et ont une élévation médiane très accusée chez les mâles; les ailes immenses ont une envergure plus grande chez les femelles ; les pattes, épineuses, n'ont aucune expansion membraneuse ou foliacée ; les an- tennes sont dentées et échancrées pour livrer passage à la tête; l'abdomen cylindrique, al- longé, porte une paire d'appendices terminaux élargis, mais assez courts. Distribution g<^og;rapiiiquc. — Ces remar- quables Orthoptères sont originaires des îles de la Sonde, de la Nouvelle-Guinée, de la Nou- velle-Hollande ; une espèce vivrait au Congo, d'après Westwood. LE CYVIIOCRANE GÉANT. —CU'IlOCIilMt 010 4S. Caractères. — Ce géant parmi les Insectes (PL I.X) mesure lo et même 20 centimètres de- puis la tête jusqu'à l'extrémité de l'abdomen et (I) Kvô;, bossu; Kpaviôv, crftne. l'envergure de ses ailes atteint les mêmes di- mensions; c'est là, à n'en point douter, un être fantastique. Il est d'une coloration vert foncé, devenant plus ou moins brunâtre dans nos collections ; son mésothorax est couvert de tubercules, un peu plus élevés ou moins ali- gnés, ses élytres uniformément vertes sont très réticulées; ses ailes amples, arrondies, un peu moins longues que l'abdomen, sont marbrées de taches simulant des bandes; l'abdomen, très long, porte des appendices courts presque en forme de rectangle à angles arrondis. Uistribution ^géographique. — Ce Phasmide a été rencontré aux Moluques et à Amboyne. Ce genre renferme d'autres espèces non moins remarquables qu'il importe de mention- ner. LE CYPIIOCRANE GOLIATH. 00 HAT II. Cil'IlOCRJJMA Caractère». — Le gigantesque Cyphoci'ania Gulialh est d'une belle coloration vert-bleuâtre, agrémentée sur les élytres d'une tache et d'une ligne blanc-roiigeâtre ainsi que d'une bordure marginale rouge de sang qui lui donnent un magnifique aspect. Distribution géog;raphique. — C'est Un hôte de la Nouvelle- Hollande. LES PHASMES — PHASMA (I) Caractères. — Les espèces du genre Phasma sont généralement bariolées et vivent dans les îles de la Sonde et dans l'Amérique du Sud ; on les reconnaît à leurs antennes très longues et sétacées, à leur mésothorax court, lisse ou épineux, à leurs élytres courtes, ovales, pré- sentant une forte élévation dans leur milieu, ainsi qu'à leurs élytres et à leurs ailes aussi longues que l'abdomen dans les deux sexes. Distribution géograpiiique. — Ils aont Can- tonnés dans le nouveau monde. (I) iJ>ot(ïna, spectre. lîiiKiiM, Insectes. Pans. J. B. Bailhcr.' cl Plis, O.lil. iilicil. Liili, iii.|<. L1-: PHASME GÉANT. LKS rHY[,LIES. 409 X/rV//. Fig. OIC. — LaPhyllic feuille sèche. Nous citerons entre tous les l'hasma, le P/i. necydatoides, espèce fort connue qui se recon- naît à la ligne flave qui se trouve au milieu des élylres, et vient de Cayenne et du Brésil. LES PHYLLIES — PHYLLIUM Die Blaitschrecken, PlnjUiinen. Caractères. — Tandis que les Bacilles, les Bactéries, peuvent être considérés comme des brandies errantes, les Phasmides de la tribu des Phyllines, en raison de la forme large et aplatie de leur corps ainsi que de leurs pattes, pour- raient être comparés à des feuilles errantes. Cette dénomination est pleinement justifiée, car leur thorax court porte chez les femelles deux grandes élytres opaques ressemblant ad- mirablement aune feuille et recouvrant pres- que tout l'abdomen; leurs pattes ont les cuis- ses et les jambes ornées de dilatations foliacées ; leur abdomen se dilate de chaque côté en une large membrane, ce qui lui donne l'apparence d'une feuille ovale. Les ailes rudimenlaires sont très grandes et transparentes chez les femelles. ttistributlon géographique. — Ces Orthop- tères sont confinés dans les régions interlropi- cales. 3reum. — VII. Mœurs, habitudes, régime. — Ces CUrieUX Insectes ont été quelquefois, à cause de leur singularité, apportés en Europe, et c'est ainsi que nous avons pu connaître les traits princi- paux de leurs mœurs et de leur organisation. En 1855, le Jardin botanique d'Edimbourg reçut de mistress Biackwood des œufs de Phyl- limn Scythe qu'elle avait recueillis dans l'Assam, au-dessous de Cherrapoanjée, dans les monts Kusiah où ces Orthoptères sont très répandus. Ces œufs donnèrent naissance à un seul indi- vidu qui vécut dix-huit mois dans les serres, grâce aux soins de M. Nab, et éveilla la curio- sité de toute la ville. En 1866, Toulouse fut favorisée, M. Borg, capitaine du vaisseau l'Fr- niine, rapporta des Seychelles un Goyavier chargé d'une douzaine dePhyllies, et les remit à .M. Jolly, professeur à la Faculté des scien- ces , qui put faire connaître les principaux traits de leur organisation. Depuis, en 1867, d'autres Phyllium furent apportés des Sey- chelles à Paris et exposées dans les serres du Jardin zoologique d'acclimatation au Bois de Boulogne où chacun put les contempler tout ;\ son aise; M. le professeur Blanchard en a donné une très fidèle représentation. Ces Phyllium ne mettent pas un grand soin à assurer le sort de leur progéniture ; ils laissent tomber leurs œufs à terre sans s'inquiéter de Insectes. — 52 410 LES ACRIDIDES. leur sort. Ces œufs rappellent les graines de belles de nuit dont les arêtes seraient très pro- noncées ; c'est un baril à six arêtes dont une est beaucoup moins saillante. Le Phyllhim qui vient d'éclore ressemble à l'Insecte parfait, il a environ un pouce de long, mais il est aptère et d'un jaune rougeâtre; à la seconde mue, au dire de Murray, les élytres et les ailes apparais- sent, l'animal s'est démesurément accru et a pris une belle couleur vert-émeraude. I.A l'HVLLIE FEUILLE SECHE. — PHYLLIVU SICCIFOLIUM. Wandelndes Blutt. C'.iraetères. — L'espèce figurée ici {Phyllium skcifolium) dont la couleur verte, comme chez toutes les espèces de cette tribu, passe au jaune après la mort(fig. 616) ; elle diffère des autres par ses cuisses antérieures, losangiques, armées de S dents, et par l'absence des ailes postérieures chez la femelle. Distribution géographique. — Elle pro- vient des Indes orientales et des îles de la Sonde. Un second genre {Prisopus) de cette tribu se distingue par ses antennes filiformes qui s'élè- vent au-dessus de la tête et sont plus longues que la moitié du corps, ainsi que par ses cuis- ses dilatées en une membrane élargie, forte- ment dentées en scie au bord inférieur et ciliées tout autour. Il est de l'Amérique du Sud. LES ORTHOPTÈRES SAUTEURS OR Tff OPTERA S ALT A TORIA Kiipfende Kafikerfa. Le groupe considérable des Orthoptères sau- teurs comprend les divers Insectes que le peu- ple désigne en Allemagne sous les noms de : « Heusc/irecken, Graspferde, Grashupfer, Heup- ferde^ SprengfeU, Grilkn, en France sous les noms de Sauterelles, de Criquets, de Grillons. » Tous se nourrissent principalement de végé- taux; quelques-uns, parleurs invasions par masses énormes, sont parfois très nuisibles à l'agriculture ; leur voracité les porte quelque- fois aussi à se dévorer entre eux ou à manger d'autres Insectes, lis animent, pendant la fin de l'été et l'automne, les bois, les champs et les prairies par une musique incessante variant avec chaque espèce; c'est à cause de la stridu- lation et du bruit de crécerelle qu'ils produi- sent qu'on a donné en Allemagne le nom de « Schrecke » à toute cette catégorie d'Orthop- tères bruyants. Bien qu'on les ait confondus souvent, ils sont connus depuis les temps les plus anciens, ainsi que le prouvent les écrits d'Aristote. Cet auteur raconte que leur chant provient du frottement de leurs pattes-sauteu- ses, et que leurs œufs sont pondus dans la terre où s'effectue le développement des jeu- nes. « Au sortir de terre, dit-il, la jeune Sau- terelle est petite et noire ; bientôt elle fait écla- ter sa coque et grandit. » Les Entomologistes actuels divisent toutes les Sauterelles en trois familles : les Acridides, les Locustides et les Grillides. Nous étudierons en détail quelques espèces, suivant l'ordre indiqué parles auteurs. LES ACRIDIDES — ACRfDfDyE Feldschseclim. Caractères. — Les Acridides {Acrididse) ou Sauterelles, dans le sens restreint et impropre du mot, comprennenttousles Orthoptèressauteurs dont les an tenues nettement articulées ne dépas- sent pas la demi-longueur du corps, dont les tarses conformés tous de la même manière sont composés de 3 articles, et dont les pattes postérieures sont aptes au saut en raison de l'épaisseur de leurs cuisses et de la longueur de leurs jambes. Ce sont les meilleurs sau- teurs de la famille ; comme les Puces, ils fran- chissent d'un bond, une distance considérable. LES ACIUDIDES. 411 Leur thorax très aplati latéralement, paraît plus haut que large. La tête est verticale; mais le front n'est pas toujours dirigé en avant, car il forme souvent avec le vertex un prolon- gement conique, comme chez les Truxales par exemple. Les ocelles, au nombre de 3, man- quent rarement; auprès des deux supérieurs s'élèvent, sur un article basilaire cupuliforme et sur un second article également cupuli- forme, des antennes de 20 ;\ 2i articles d'as- pect variable. Quand la lèvre supérieure, échancrée au milieu, s'applique contre la lèvre inférieure qui semble formée de deux lobes seulement, l'interne étant très petit et dissi- mulé, on aperçoit ;\ peine les organes mastica- teurs qui sont extrêmement puissants; les mandibules sont robustes et multidentées ; les mâchoires ont leur lobe interne tridenté, leur lobe externe a reçu le nom de galea [casque] à cause de la façon dont elle peut recouvrir la précédente. Les palpes maxillaires courts et liliformes ont 5 articles, dont les deux pre- miers très courts ; la lèvre inférieure, bifide, parfois quadrifîde porte des palpes labiaux courts et filiformes de 3 articles. Des trois anneaux thoraciques c'est l'anté- rieur qui se développe le plus; sa forme varie suivant les genres. 11 s'étend généralement au delà de l'insertion des ailes et présente sur la face dorsale trois arêtes longitudinales, dont la médiane est la plus accentuée. Ce prothorax paraît plus long à sa face dorsale qu'à sa face ventrale ; au contraire le mésothorax et le nié- tathorax sont moins développés et plus courts à la région dorsale qu'à la région sternale. Les quatre ailes ont généralement la môme longueur; mais leur largeur n'est pas la même, car les ailes antérieures ou élytres sont moins larges que l'aire marginale des postérieures ; toutes les quatre portent des nervures réti- culées. Les ailes antérieures, qui servent d'é- lytres, sont plus coriaces sur une partie ou sur la totalité de leur étendue; les postérieures se plissent longitudinalement et leurs bords internes se croisent pour s'abriter sous les précédentes. Par exception, les ailes posté- rieures s'atrophient chez un petit nombre de genres ; chez quelques-uns elles font complè- tement défaut, soit chez la femelle, soit à la fois dans les deux sexes. Les pattes antérieures et intermédiaires sont assez courtes, à cuisses simples non épais- sies, à jambes généralement fpineuses; ks pattes postérieures sont, en général, robustes, à cuisses pins ou moins renflées, à face interne aplatie et lisse, à face externe garnie de ca- rènes longitudinales et creusée de sillons obliques; les jambes sont cylindriques, termi- nées par de fortes épines mobiles et portent en dessus deux rangées d'épines. Le premier des 3 articles des tarses est muni à la face plantaire de trois coussinets mem- braneux, le suivant n'en a qu'un, et le dernier en présente un arrondi entre les deux griffes. L'abdomen, conique, paraît plus ou moins aplati à sa face inférieure, ainsi que le thorax ; il se rétrécit graduellement vers le haut, et comprend, dans les deux sexes, neuf anneaux dont le premier se relie très étroitement au thorax, surtout à la face inférieure. C'est l'ab- domen qui permet de discerner le plus aisé- ment les sexes. Chez les mâles, il est plus grêle et plus pointu, et son neuvième sternite forme une valve assez grande, triangulaire ou dentelée, dont la pointe se dirige en haut, ctqui contient les organes génitaux externes. Auprès d'elle émergent les deux appendices uniarti- culés et courts ; l'anus est fermé supérieure- ment par une autre valve triangulaire plus petite. Chez les femelles, la tarière ne dépasse jamais l'extréinùé de l'abdomen ; elle n'est pas formée de valves latérales, mais d'une valve su- périeure et d'une valve inférieure, ou plutôt de deux pièces supérieures et de deux pièces inférieures terminées par un crochet mousse ; en sorte que la vulve fermée semble armée de quatre crochets divergents. Appareils sonores. — Les mâles seuls produi- sent un son, au moyen de leurs cuisses posté- rieures et de leurs élytres; ces vibrations se traduisent par des bruits stridents presque inin- terrompus. La face interne des cuisses est en- tourée d'une crête dont la partie inférieure est la plus saillante. Sous le microscope on remar- que, à la base des cuisses, dans toute la région qui peut se mettre en contact avec les élytres, une rangée de dents mousses lancéolées, im- plantées dans de petites fossettes. Sur les ély- tres, les nervures longitudinales sont sail- lantes, en forme de crêtes, dont l'une est plus accentuée que les autres. Un frottement très rapide des cuisses contre les élytres les met en vibration comme des membranes minces et les fait résonner suivant les mêmes lois qu'une corde tendue sur un arc. Les Insectes relâchent un peu leurs élytres à ce moment, ce qui rend le son produit plus clair. Sa hauteur dépend de l'étendue et de l'épaisseur des élytres; aussi 412 LES ACRIDIDES. de grandes Sauterelles donnent-elles un son plus bas que certaines espèces plus petites. Le timbre dépend essentiellement du nombre plus ou moins grand des nervures de ces ailes. Chacune de ces nombreuses espèces résonne d'une façon spéciale, en sorte qu'une oreille exercée peut reconnaître certaines espèces, notamment celles du genre Gomphocevus. aux sons qu'elles produisent. Les Acridides les plus musiciennes sont celles dont les organes sonores sont le mieux développés, comme chez le Gomphocerus grossus par exemple. Chez les femelles, les dentelures de la crête fémorale sont placées généralement trop bas pour servir à la production d'un son. Appareil auditif. — Une particularité très intéressante des Acridides consiste dans la présence d"un anneau écailleux autour d'une fossette au-dessus de laquelle est tendue une membrane mince ; cette fossette existe, de chaque côté, sur l'abdomen des Acridiens im- médiatement en arrière du métathorax. Entre deux prolongements cornés, qui émanent de la partie interne de la membrane, se trouve une mince vésicule, remplie de liquide ; elle est en relation avec un nerf qui provient du troi- sième ganglion thoraciquo et qui, après avoir constitué à ce niveau un nouveau ganglion, se termine en fins bâtonnets nerveux. Les recherches de J. Muller, poursuivies par De Siebold, conduisent à considérer cet organe comme un appareil auditif. Slœurs, habituiles, régime. — Le dévelop- pement des Acridides est le même pour toutes les espèces, du moins pour celles de l'Europe; on peut en donner rapidement une esquisse générale. En automne, la femelle fécondée dépose ses œufs, agglutinés en amas variables àl'aide d'un mucus qui se durcit sous l'influence de l'air, tantôt sur les chaumes des graminées, tantôt sous la terre à peu de profondeur; les espèces les plus grandes paraissent employer de pré- férence le procédé indiqué le premier. La mère succombe, et les œufs passent l'hiver ; dans les pays plus méridionaux seulement, les Larves peuvent éclore auparavant, mais généralement l'éclosion n'a lieu qu'au printemps suivant. In- dépendamment de leurs dimensions moindres, leur couleur indéterminée, l'absence des ailes, leurs antennes un peu plus trapues et plus courtes, les distinguent des Insectes parfaits; après plusieurs mues, elles arrivent à l'état adulte à la fin de juillet ou en août. A cette époque les Criquets commencent à faire en- tendre leur chant qui préside à leurs fêtes nuptiales. Les Acridides sont les seules qui se multiplient parfois en masses formidables, apparaissent par essaims et deviennent un tléau véritable pour des provinces entières. Dég^âts cniiség par les Acritlides. — L Afri- que paraît être le théâtre principal des rava- ges exercés par ces Insectes dont parle déjà la Bible. Tout le monde connaît les plaies d'Egypte : la huitième était due à des Sauterelles et voici comment la Bible s'exprime à ce sujet (1) : « Alors le Seigneur dit à Moïse : étends ta main sur l'Egypte pour faire venir les Saute- relles, afin qu'elles montent sur la terre et qu'elles dévorent toute l'herbe qui est restée après' la grêle. « Moïse étendit donc sa verge sur la terre d'Egypte et le Seigneur fit souffler un vent brûlant tout le jour et toute la nuit. Le matin ce vent brûlant fit enlever les Sauterelles, « Qui vinrent fondre sur toute l'Egypte et s'arrêtèrent dans ton tes les terres des Egyptiens en une quantité si effroyable, que ni devant ni après on n'en vit un si grand nombre. « Elles couvrirent toute la surface de la terre, et gâtèrent tout. Elles mangèrent l'herbe et tout ce qui se trouva de fruits sur les arbres, qui était échappé à la grêle : et il ne resta ab- solument rien de vert, ni sur les arbres ni sur les herbes de la terre dans toute l'Egypte. « Moïse étant sorti de devant Pharaon, pria le Seigneur, " Qui ayant fait souffler un vent très violent du côté de l'occident, enleva les Sauterelles, et les jeta dans la mer Rouge. 11 n'en resta pas une seule dans toute l'Egypte. » La version protestante emploie l'expression vent d'Orient au lieu de i^ent brûlant, et qui est la même chose, parce que le vent d'Orient vient du désert d'Arabie contigu à l'Egypte et est très chaud. Joseph ne donne aucun renseignement sur les Sauterelles ; il se contente de dire : « Il vint ensuite une nuée de Sauterelles qui ravagea tout ce qui restait » (de la grêle). « D'après ce passage, dit le colonel Goureau (2) on ne peut se refuser à admettre que les 8au' terelles de la Bible sont les Insectes que nous (1) Ex.,ch. X. (2) Goureau, Retlierches sur les Insectes mentionnés duns la Bible (Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'i'onne. \\i\erre, 18GI,t. XV, p. 3). LES ACRIDIDES. 41 :{ désignons sous le nom de Cii/juels {Acrlditini), les seuls Oiihoplèrcs sauteurs qui se réunissent en bandes innombrables, qui voyagent en se transportant parles airs, qui s'abattent ensem- ble et causent d'immenses dégâts dans les lieux où ils s'arrêtent. (1 Le mot Saulerdles est souvent employé dans la Bible et presque toujours pour servir de comparaison et pour peindre une armée nombreuse, comme on le voit dans les versets suivants : « Or, les JMadianites, les Amalécites et tous les peuples de l'Orient étaient étendus dans la vallée comme une multitude de Sauterelles, avec des Chameaux sans nombre comme le sa- ble qui est sur le rivage de la mer (1). « 11 partit lui-môme (Holopherne) et toute son armée, avec ses chars, et ses cavaliers, et ses archers qui couvrirent la face de la terre comme des Sauterelles (2). « La voix de ses ennemis retentira comme le bruit de la trompette (Les trompes de Nabu- chodonosor marchant contre l'Egypte) ; ils marcheront en bite avec une grande armée, et ils viendront avec des cognées, comme ceux qui vont abattre des arbres. (< Ils couperont par le pied, dit le Seigneur, les grands arbres de sa forêt qui étaient sans nombre ; leur armée qui est innombrable sera pomme une multitude de Sauterelles (3). » On ne peut donc pas douter que les Saute- relles de la Bible ne soient nos Criquets; mais quelle est l'espèce qui a produit la huitième plaie? c'est ce qu'il faut rechercher. Il existe en Orient un Criquet voyageur [Achridium pereyri- num) que l'on trouve en Egypte, en Arabie, en Mésopotamie et en Perse, qui arrive en Syrie fl la suite des vents brûlants du midi, venant de l'intérieur de l'Arabie. 11 voyage en troupes immenses et dévaste ces contrées. On conçoit facilement l'étendue du désastre qui doit suivre le séjour d'une troupe iimom- brable d'Insectes voraces qui atteignent o à 6 centimètres de long. La description qu'en présente la Bible n'a rien exagéré ; elle est con- forme à celles qui sont faites par les voya- geurs témoins du même fléau. On pourrait encore attribuer la huitième plaie au Criquet émigrant [Acriduun migratoriuni.) qui se montre quelquefois en Egypte mais beaucoup plus rarement que l'A. peregrinuin ; ce sont les (1) Juges, cil. VIII. (2) Judilli, ch. II. (3) Jéréniie, cli. xlm parties orientales de l'Europe qui sont par- ticulièrement exposées à ses dévastations. Je citerai encore un verset de la Bible pour montrer que le nom de Sauterelle s'emploie pour signifier un Criquet voyageur (1) : « Les Sauterelles qui n'ont point de roi et qui toutefois marchent toutes par bandes. " La plaie des Sauterelles arriva le 7 mars, trois jours après celle de la grêle qui eut lieu le 4. Celle-ci avait gâté le Lin et l'Orge, parce que l'Orge avait déjà poussé son épi et que le Lin commençait à monter en graine, mais le Froment et le Millet (far) ne furent point gâtés parce qu'ils étaient plus tardifs. Les Saute- relles dévorèrent tout ce que la grêle avait épargné. Les Sauterelles étaient un des Iléaux dont les prophètes menaçaient les Juifs. Aucun tableau des invasions et des ravages de ces effroyables Insectes n'est plus exact et plus saisissant que la description qu'en donne le prophète Joël. Écoutons le prophète (2) : « Devant elles, marche un feu qui dévore tout, et derrière est une flamme qui brûle. Devant elles, est le jardin d'Eden, et derrière elles, un désert désolé. Rien n'échappe à leurs ravages. Le son de leurs ailes est comme le son des chariots, comme celui de plusieurs Chevaux qui courent au combat. Sur le sommet des montagnes, elles bondissent avec le bruis- sement du feu qui dévore le chaume, ou avec celui d'une grande multitude rangée en ba- taille. Devant leurs faces, le peuple souffre de mille maux, et les visages deviennent noirs. Elles courent ainsi que des hommes forts ; elles grimpent à un mur comme des hommes de guerre ; chacun marche en suivant sa voie, et elles ne rompent pas leurs rangs. » Pline, et Pausanias nous ont, eux aussi, con- servé le souvenir de ces fléaux. Durant leur voyage autour de l'extrémité sud de la mer Morte, le capitaine Irby et Mangles, furent à même d'observer, vers la lin de mai, ces Insectes déprédateurs. X Le matin, disent-ils, nous quittârnes Sho- bek, sur notre route, nous rencontrâmes une armée de Sauterelles au repos ; elles étaient en nombre suffisant pour altérer la couleur natu- relle de la roche sur laquelle elles s'étaient abattues, et pour faire une sorte de bruit par- ticulier, en mangeant. Ce bruit, nous l'enten- dîmes avant d'atteindre le corps d'armée. Notre (I) Livre des Proverbes, cli. .\x.x. {•>) Jod, 2, 10. 114 LES ACRIDIDES. guide nous dit qu'elles étaient en roule vers Gaza et qu'elles passaient presque tous les ans. » Olivier (1), qui a voyagé en Orient et en Perse, raconte qu'étant en Syrie, il a été deux fois témoin de leur arrivée et des dégâts qu'elles ont causés: « A la suite de vents brûlants du midi il arrive de l'intérieur de l'Arabie et des parties les plus méridionales de la Perse, des nuées de Sau- terelles, dont le ravage, pour ces contrées, est aussi fâcheux et presque aussi prompt que celui de la plus forte yrêle en Europe (2). Nous en avons été deux fois les témoins. Il est dilficile d'exprimer l'effet que produisit en nous la vue de toute l'atmosphère remplie de tous les côtés et à une très grande hauteur, d'une innombrable quantité de ces Insectes, dont le vol était lent et uniforme, et dont le bruit ressemblait à celui de la pluie ; le ciel en était obscurci, et la lumière du soleil considé- rablement affaiblie. Dans un moment, les ter- rasses des maisons, les routes et tous les champs furent couverts de ces Insectes, et dans deux jours, ils avaient presque entièrement dévoré toutes les feuilles des plantes ; mais heureuse- ment ils vécurent peu, et ne semblèrent avoir émigré que pour se reproduire et mourir. En effet, presque tous ceux que nous vîmes le lendemain, étaient accouplés, et les jours sui- vants les champs étaient couverts de leurs ca- davres. (( J'ai trouvé cette espèce en Egypte, en Ara- bie, en Mésopotamie et en Perse. » Vers la fin de mars 1724, les premières Sau- terelles firent leur apparition dans la Barbarie, à la suite d'un vent du Sud qui avait soufflé pendant longtemps et le voyageur Shaw fut témoin oculaire de leurs dévastations. Au mi- lieu d'avril, leur nombre s'était tellement ac- cru, qu'elles formaient des nuées capables d'obscurcir le soleil. Quatre semaines plus tard, vers la moitié de mai elles se répandirent dans les plaines de la Metidja et des environs, pour y déposer leurs œufs. Le mois suivant, on vit la jeune couvée recouvrir une centaine de perches carrées. Ces Insectes se mirent en route, réunis en un corps compacte et formant de vastes bataillons et, suivant une direction rectiligne, gardant leurs rangs comme des (1) Olivier, Voyage dmis l'Empire OHomnn,i. il, p. 43i. (2) L'auteur se sert du mot de Sauterelle pour se con- former au langage vulgaire, mais ces nuées étaient com- posées à.'Aaulium peverii-inum. hommes de guerre, ils escaladèrent les arbres, les murs et les maisons, et détruisirent toute la verdure qu'ils rencontrèrent en chemin. Bien plus ils s'introduisirent dans toutes les maisons et dans les chambres à coucher comme des voleurs. Pour enrayer leur marche, les ha- bitants creusèrent des fossés qu'ils remplirent d'eau, ou établirent une ceinture de bois et de matières inflammables qu'ils allumèrent ; tou- tes les précautions furent vaines. Les fosses se remplirent de cadavres, et les feux s'éteigni- rent sous les immenses essaims qui se succé- daient les uns aux autres. Au bout de quel- ques jours, des Sauterelles qui venaient d'é- clore formèrent de nouvelles recrues. Elles rongèrent les petites branches et les écorces des arbres, dont leurs prédécesseurs avaient dévoré les fruits et les feuilles. Ces démons vé- curent ainsi près d'un mois avant d'atteindre la forme adulte; ils se montrèrent alors plus voraces encore et plus remuants; mais ils se dispersèrent et se mirent à pondre. Lorsque Adanson arriva au Sénégal en 1750, il vit, à neuf heures du matin, pendant qu'il se trouvait encore en rade, un nuage épais, qui obscurcissait le ciel. C'était un essaim de Sau- terelles qui planait alors à 20 ou 30 toises en- viron au-dessus du sol, et qui recouvrit un espace de plusieurs milles lorsqu'il s'abattit sur la terre comme un nuage qui crève. Après un repos, ces Insectes se mirent à dévorer, et re- prirent leur vol. Cette nuée avait été amenée par un vent d'Est assez fort, et voltigea pen- dant toute la matinée sur cette région. Après avoir ravagé l'herbe, les fruits et les feuil- lages des arbres, ces Sauterelles n'épargnèrent même pas les joncs qui couvraient les cabanes, quelque desséchés qu'ils fussent. Il y avait dix ans qu'on n'avait pas vu, en Afrique, les Sauterelles, lorqu'elles parurent en 1794. Leur visite se continua jusqu'en 17'J7, et leur nombre s'était accru prodigieusement d'année en année. Il est difficile de se former une idée des essaims de Sauterelles qui, en 1797, s'élancè- rent sur l'Afrique du Sud. Cette invasion est décrite par M. Barrow. Dans la partie de la contrée où il était alors, toute la surface du sol — sur une plaine d'environ deux mille milles carrés — était littéralement couverte de ces Insectes. A peine voyait-on l'eau des plus larges fleuves, tant ces eaux étaient masquées par les cadavres des Sauterelles qui flottaient à la surface. Ces Sauterelles s'étaient noyées LES ACRIDIDES. 415 au moment où elles avaient voulu atteindre les ' roseaux qui croissaient dans la rivière. Elles avaient dévoré tous les brins d'herbe et toute la verdure. Barrow rapporte que ces Insectes couvrirent deux mille milles carrés, et que, poussés dans la mer par un vent violent, ils formèrent près de la côte un banc de trois à quatre pieds de hauteur sur une longueur de cinquante milles, puis, lorsque le vent vint à changer, que l'odeur de putréfaction se fit sen- tir h cent cinquante milles de distance. Orésius, suivant Mouffet, dit que déjà en l'an 800 ces Insectes, après avoir été entraînés dans la mer, par un vent tempétueux, furent rejelés morts sur la côte, où ils formèrent une digue de trois à quatre pieds de hauteur, qui s'étendait sur une distance d'environ cinquante milles. Cette masse se putréfia, et, quand le vent tourna, elle répandit une odeur aussi fu- neste qu'auraient fait les cadavres d'une nom- breuse armée. Une communication récente de Fritsch au sujet des Sauterelles voyageuses de l'Afrique mériflionale (Gryllus derastator de /Jc/,tensteni), présente un intérêt d'autant plus grand qu'elle fournit des éclaircissements sur les mœurs de ces Insectes qui reviennent, ;\ certains inter- valles, ravager la région. « Les œufs de la Sauterelle voyageuse, dit Fritsch, sont enfoncés par la femelle dans de petits trous ronds qu'elle fore dans la terre; elle y introduit ses œufs, au nombre de 30 à 60, englobés dans une enveloppe brunâtre et réticulée. Ces tubes, qui se trouvent réunis toujours en assez grand nombre sur la paroi de quelque tertre insignifiant, ou sur une élé- vation de terrain peu apparente, ont pour but de protéger les œufs contre les effets fâcheux d'une pluie soudaine. Les emplacements pa- raissent criblés de trous, qui sont ensuite com- blés et recouverts, et le sol se referme au- dessus de ces coques ovigères, allongées, ag- glomération d'œufs qui peuvent rester sous terre, ainsi protpgés, pendant plusieurs années sans perdre ta faculté de se développer. Mais ils peu- vent aussi fournir des jeunes dès la saison des pluies prochaine, c'est-à-dire au bout de quel- ques mois, puisque cette région présente deux périodes de pluies. Aussi, à peine cette con- trée commence-t-elle à réparer les ravages causés par la voracité des Sauterelles, qu'elle est envahie de nouveau. L'humidité paraît jouer un rôle important dans le développe- ment de ces Insectes. Car on n'entend point parler de ces Sauterelles pendant toute une série d'années de sécheresse, où la première période de pluie a manqué, au mois d'août, et où la seconde période n'a amené qu'une fai- ble quantité d'eau, en décembre. L'éleveur de Moulons qui a perdu peut-être la plus grande partie de son troupeau par suite de la pénurie d'eau, salue alors avec une certaine joie l'ap- parition des Sauterelles qui annoncent pour lui des temps meilleurs en indiquant le terme de celte période de sécheresse ; il consent à faire à ces pillards ailés le sacrifice du jardinet qu'il a péniblement cultivé, pourvu que ses troupeaux prospèrent et que les sources taries se remettent à couler dans la ferme. « En 1863 se termina, dans l'Afrique méri- dionale, une période de sécheresse pendant la- quelle les Sauterelles ne s'étaient montrées nulle part. De 1862 à 1803, le manque d'eau avait menacé toutes les existences dans le pays, et dans une étendue immense on ne pouvait découvrir sur le sol, durci comme une aire, aucun Insecte. Néanmoins, quand les pluies vinrent à tomber avec une violence ex- traordinaire àla fin de l'année 1863, les Saute- relles apparurent en foules plus innombrables que jamais, et couvrirent de Larves d'immen- ses élendues de terrain. Ces jeunes Larves ont une teinte fondamentale rouge brunâtre, ta- chetée de noir ; elles paraissent un peu ba- riolées, et les Africains les désignent sous le nom de vRooi Butjes » c'est-à-dire, « Habits rouges », ou sous les noms de « niessage7's » ou de « piétons », parce que l'instinct migrateur se manifeste chez elles dès leur jeunesse. La première désignation renferme en même temps un jeu de mnls et fait allusion à l'uniforme rouge des soldats anglais que les Boërs afri- cains haïssent tout spécialement ; la compa- raison est d'autant plus juste que les jeunes Sauterelles se groupent en bon ordre pour leurs expéditions et traversent le pays en rangs ser- rés. Dans les années qui leur sont propices, on en voit des armées entières, qui conservent généralement dans leur marche une direction déterminée et ne s'en écartent pas volontiers. Si ces Insectes rencontrent une eau stagnante, ils s'efforcent de la traverser : les derniers pas- sent sur les cadavres de l'avant-garde; en re- vanche, ils redoutent les eaux courantes. Le soir, ces voyageurs font halte; ils s'installent sur les buissons des alentours et anéantissent toute la verdure. Le fermier, qui voit suivre à ces hordes d'envahisseurs une direction me- 116 LES ACRIDIDES. naçante pour son jardin, cherche à les dé- tourner de leur route : il s'élance, à cheval, au milieu de ces Sauterelles, en les prenant à revers et agite en tous sens un vaste lambeau d'étoffe. Chaque fois qu'il traverse ainsi les rangs de ces envahisseurs il en jette à terre un grand nombre; aussi recommence-t-il son manège jusqu'à ce qu'il réussisse à écarter l'essaim entier. S'il traversait l'essaim d'avant en arrière, les Insectes se jetteraient de côté; mais ceux qui se trouvent à l'arrière presse- raient les rangs placés devant eux et le courant se refermerait aussitôt après le passage du ca- valier. Les « Habits-rouges » croissent rapidement, tout en subissant plusieurs mues, jusqu'à ce que la dernière leur procure la teinte gris-rou- geâtre qu'on leur connaît et les ailes qui leur permettent de satisfaire plus librement leur instinct voyageur. A l'état parfait, le paysan les nomme « Coqs sauteurs » et les observe avec angoisse pour peu qu'il tienne à son jar- din ; car il sait que leur arrivée anéantit toute la parure des champs. Dès qu'il voit poindre à l'horizon les nuées sombres des « Coqs sau- teurs », il a recours aux moyens extrêmes, aux tentatives désespérées : il allume autour du jardin autant de feux que possible dans l'espoir que la fumée les arrêtera ; le succès est en général médiocre. Pour peu que le vent souffle grand frais, les Insectes passent libre- ment au-dessus des feux et franchissent des dis- tances considérables ; dans ce cas ils se laissent volontiers pousser, au lieu de se diriger eux- mêmes comme ils font dans un air plus calme. Lorsque le vent tombe, leur vol est lent et s'é- lève peu au-dessus du sol ; dans ce cas, une partie de l'avanl-garde s'abat incessamment, pour se rendre ensuite à l'arrière-garde. Dans cette montée et cette descente continuelle des Sauteielles, le bruissement de leurs milliers d'ailes et le cliquetis de leurs mâchoires insa- tiables produisent un bruit particulierqu'on ne saurait décrire et qu'on ne peut mieux com- parer qu'au bruissement d'une forte giboulée. Les suites de leur invasion sont comparables aux conséquences terribles d'une chute de grêle. Du sud de l'Afrique et du Soudan, les Sau- terelles arrivent en Algérie, émigrant pendant les périodes de sécheresse, portées par le si- rocco, en avril ou en mai. « Souvent localisées dans certainesprovinces, comme en 1870, 1872, 1874 et 1877, l'invasion peut être générale au nord de l'Afrique, comme en 186!) (1). « Quelquefois elles arrivent dans une saison plus avancée, ainsi que nous l'avons vu pour les vols qui se sont abattus sur les oasis du Sud, dans le cercle de Bou-Saada principale- ment, ou leur présence n'a été signalée qu'à la Rn de juillet (1873). « Si pendant leur voyage elles rencontrent un vent froid au contraire, celui du nord, par exemple, elles s'abattent et attendent des con- ditions meilleures; mais les intempéries en détruisent un grand nombre, surtout lors- qu'elles arrivent prématurément. Ainsi la co- lonne du général de Loverdo, opérant dans l'ex- trême sud en 1873, fut enveloppée, le 18 février, entre les Beni-Mzal etOuargla, par des bandes de Sauterelles arrivant du sud-ouest ; mais sur- vint une tempête de grésil et de neige qui força les troupes à se réfugier dans les bas- fonds de l'Oued-N'ca pour y établir leur cam- pement ; et à leur retour, le 4 mars, elles trouvèrent les Sauterelles mortes et répandues sur des surfaces immenses. « Il est possible que les bandes ailées soient réunies lors de l'émigration; mais les intem- péries les séparent souvent en plusieurs masses qui n'arrivent que successivement en Algérie. Du reste, chez nous, elles se divisent lorsque leur quantité n'est pas suffisante pour occuper toutes nos possessions. Le passage observé par M. Durand àBerrouaghia, l'année dernière, dura trois jours; la queue de la colonne qui s'y abattit pour s'y accoupler et y pondre, n'y arriva que le troisième jour. Leur vol normal s'effectue pendant la grande chaleur, entre neuf heures du matin et cinq heures du soir ; il varie de hauteur et de vitesse suivant les conditions des couches de l'atmosphère, attei- gnant jusqu'à cent kilomètres d'une seule traite, lorsque le vent est d'une certaine inten- sité. Les bandes prennent terre sans prédilec- tion pour la nature du terrain, afin d'y passer la nuit, et elles ne produisent de dégâts sérieux que lorsqu'elles séjournent dans les cultures par suite d'un vent contraire. « Mais, à l'époque de l'accouplement, elles recherchent les terres légères et friables et les coteaux exposés au midi, elles se réunissent en groupes de 10 à loO, et, disent les Arabes, elles délibèrent (djemmaâ); elles se disséminent le long des crêtes rocheuses, cherchant l'empla- (I) Hauvel, Sur les Sauterelles et les Criquets, moyen d'en arrêter les iiivasiojis. Paris, 1878, iii-8. LES ACRIDIDES. 417 on. —Le Caloptène différentiel. cernent de leur ponte, plutôt en raison de l'ex- position au midi que de la nature du terrain. « L'accouplement commence dès le second jour; puis les femelles déposent leurs œufs en terre et, après huit à dix jours, l'opération est terminée. «Ces œufs, volumineux comme un grain de Seigle, sont réunis au nombre de 90 à 100 en un cocon de la grosseur d'une Olive et agglu- tinés par une matière blanche et mielleuse ; la Sauterelle introduitson abdomen dans le sol, jusqu'à 7 à 10 centimètres de profondeur, en faisant usage des crochets qui le terminent, et elle y pond son cocon. Cette opération lui est souvent funeste et M. Durand évalue à un dixième le nombre des femelles qui périssent sur place. Aussi les emplacements des pontes sont-ils couverts de Sauterelles mortes, et leur grand nombre avait donné à penser que la fe- melle mourait fatalement après avoir déposé ses œufs. Mais il n'en est rien, lorsque l'opé- ration est partout achevée, les mâles et les fe- melles survivantes prennent leur vol vers le nord et disparaissent. " On retrouve rarement les cadavres que ces bandes considérables fourniraient, et seulement dans la Méditerranée, comme en 1866 et 187-4; aussi l'opinion de M. Durand est- elle que les Sau- terelles retournent vers le sud après la ponte, et elle est confirmée par l'observation du passage de vols immenses de ces Insectes dans la direc- BHEiiM, — vn. tion du sud. Du reste, ces passages de sens in- verse à ceux de l'invasion sont connus et cités depuis longtemps, notamment par M. Guyon(l). «L'incubation des œufs déposés en terre par les Sauterelles exige une durée de trente à quarante jours suivant la saison et l'exposition des lieux de ponte. D'après les observations de M. Durand, les bandes ailées déposèrent leurs œufs sur les parties supérieures de l'Oued-Kar- racache, le 4 mai de l'année 1874, et les pre- mières éclosions eurent lieu le 17 juin. Suivant la rapidité de la ponte, les éclosions durent de cinq à dix jours. « Un Criquet se présente à fleur de terre et, généralement, lésaulres, nés du mêmecocon, se montrent successivement par le même orifice. Ils sont blancs, mais ils brunissent et devien- nent noirs après quelques heures d'e.xposilion au soleil. Ils se rassemblent par groupes de plusieurs milliers et font un premier mouve- ment qui est dirigé vers le sud « pour se sécher », disent les Arabes ; puis ils s'éparpillent, cher- chant leur nourriture, mais la nuit ils refor- ment leur groupes. «Les groupes s'étendent et s'agrandissent par les progrès de l'éclosion et, celle-ci terminée, l'ensemble commence son mouvement de mi- gration vers le nord avec une faible vitesse; I.jO mètres d'abord, un kilomètre vers le (i) UuyUn, Happort a l'Académie des sciences en 1844. Insectes. — 33 418 LES ACRIDIDES. quinzième jour, trois kilomètres et quelquefois quatre ou cinq lors de leur développement complet, à trente-cinq jours. Au total, le che- min parcouru par une bande varie de 30 à 50 kilomètres ; il est moindre lorsque la localité lui oITre une nourriture abondante, ou bien dans le cas d'une série de mauvais temps. « L'orientation de la marche demeure cons- tante et du sud au nord, avec une légère incli- naison vers le nord-ouest, malgré les obstacles naturels, tels que montagnes, ravins ou ri- vières, qui sont abordés de front et franchis. Cependant chaque colonne prend ses espaces en s'étendant latéralement pendant cette mar- che; et bientôt les groupes voisins se réunis- sent malgré quelque différence d'âge ou d'a- vance. Ils occupent bientôt une surface énorme sans solution de continuité et, à ce moment, leur marche n'est modifiée ou ralentie que par de fortes intempéries, ou par leur alimentation si elle trouve abondamment pâture. Le Criquet broute l'herbe, mais il escalade les arbustes, les arbres les plus élevés et lorsqu'il redescend, il continue sa marche, de six ou sept heures du matin au coucher du soleil. « Né blanc et devenu noir dès le premier jour, le Criquet devient gris, puis argenté; à quinzejoursil est brun etdès levingt-cinquième il s'est coloré en jaune. A ce moment il est constitué comme la Sauterelle, mais il est no- tablement plus petit, et ses courtes élytres ne protègent que partiellement son abdomen (1). » La colonne étudiée par M. Durand, en 187-4, fut visitée par lui depuis la montagne des Ouled-Brahim jusqu'à celle des Rias, éloignée de 23 kilomètres, et elle s'étendait plus loin encore; sa profondeur occupait de 3 à 4 kilo- mètres. Elle franchit Ben-Chicao et arriva à la hauteur de Damiette, devant Médéah, quarante jours après les éclosions, au moment de la trans- formation des Criquets en Sauterelles ailées. « Trois ou quatre jours avant cette transfor- mation, les Criquets ralentissent leur marche ; bientôt ils s'arrêtent, grimpent au sommet des chaumes ou des arbustes, et s'y suspendent par les pattes postérieures, la tête en bas, ils y de- meurent immobiles. Après quelques heures, la tête se dégage de son ancienne enveloppe, puis le thorax, l'abdomen et enfin les membres postérieurs apparaissent. Les ailes, imbriquées sur elles-mêmes, ressemblent aux pétales des (1) On appelle communément Criquet le jeune Orthop- tère à l'état de Larvo et do Nymplie, et Sauterelle l'Insecte a dulte. Papavéracées avant floraison ; à l'air et au soleil, elles sont bientôt étendues et rigides. « La Sauterelle ainsi produite est deux ou trois fois plus volumineuse que le Criquet, non que le contenu puisse surpasser l'enveloppe, mais dès les premières heures qui suivent la transformation ; elle est de teinte rose violacée, sa voracité surpasse, à ce moment, celle des Criquets eux-mêmes; et les dégâts que ces In- sectes causent sont graves parce qu'ils se dis- persent en volant dans la localité tout entière. Les Sauterelles reviennent cependant chaque soir au point où leur transformation s'est effectuée et, lorsque cette opération est com- plète pour la bande, soit après dix jours envi- ron, il suffit de deux heures et d'un temps clé- ment pour les voir complètement disparaître. Leur première direction est le nord; du moins ce fut celle que prirent les grands vols de sau- terelles en \ 866 et en 1874 ; ces vols étaient peu élevés comparativement à la hauteur qu'ils atteignent quelquefois. « Du reste, on a souvent constaté le passage de ces mêmes Sauterelles dans une direction différente, et à une grande hauteur. Quelque temps après leur départ. M. Durand, en parti- culier, observa la mise en route des Sauterelles le 23 juillet 1874, vers midi, à Ben-Chicao, elles gagnaient le nord à quelques centaines de mètres au-dessus de la localité; et, vers trois heures, après une pointe vers le Nador, la colonne passait de nouveau, à une hauteur prodigieuse, utilisant évidemment les vents su- périeurs pour regagner le Sud. «L'invasion des Sauterelles, en 1866, a coûté cinquante millions à l'Algérie et elle a causé la famine de l'année suivante, pendant laquelle 200,000 indigènes sont morts de misère et lit- téralement de faim. » Voici un extrait de l'intéressant mémoire pré- senté à ce sujet à M. le Gouverneur général de l'Algérie par M. Durand : « Les Sauterelles ailées arrivent pendant la saison du printemps, à l'époque où la végéta- tion herbacée leur offre une alimentation abondante sur toute l'étendue du territoire algérien. Les bandes, que l'on désigne par le nom d'invasions sahariennes, s'abattent à peu près indistinctement sur tous les sols; nous dirons même qu'elles recherchent moins les céréales et les prairies, fort avancées à cette époque, parce qu'elles éprouvent de sérieuses difficultés pour reprendre leur vol au milieu de ces herbes élevées el touffues. LES ACRIDIDES. 419 i, Les cuUures industrielles, tellesqiie vignes, tabacs, cotons, jardinages, vergers, etc., ont généralement peu à soullrir de leur passage ; de sorte qu'en évaluant approxiinalivenient les ravages qu'elles occasionnent à celte épo- que de l'année, on trouve que la colonie doit peu redouter les premières invasions. « 11 n'en est pas de môme pour les Saute- relles ailées issues des pontes opérées sur le sol de l'Ali^érie ; cette seconde invasion s'eifec- tue à une saison déjà avancée, lorsque la végé- tation herbacée ayant complètement disparu par l'effet des sécheresses il ne reste plus, pour satisfaire leur appétit dévorant, que les ver- gers, les prairies artificielles et les cultures in- dustrielles ou maraîchères. Les bandes se dis- séminent alors sur toute la surface du territoire cl elles recherchent les points qui leur dirent ce genre d'alimentation. «La colonisation est donc particulièrement menacée par ces nouvelles bandes, en raison de l'importance considérable qu'elle donne chaque jour à ces sortes de cultures. « Cependant, malgré les luttes et les fatigues que lui imposent ces secondes légions, elle s'en débarrasse sans pertes trop graves; car harce- lées sur mille points différents, les Sauterelles finissent par reprendre leur vol au risque d'être précipitées en pleine mer. u En 1866, nous vîmes une de ces formida- bles légions s'abattre sur les jardins et les ver- gers de Blidah. Une ruine complète y était im- minente; mais le lendemain cette bande disparut complètement et les dommages furent insignifiants. « Il est difficile, sans doute, de déterminer les pertes occasionnées par l'invasion des Sau- terelles ailées nées en Algérie ; mais nous sommes convaincu que les renseignements statistiques que comporte ce sujet établiraient que les plus grandes invasions ne causent pas une perte de plus de 4 à 5 pour 100 de la tota- lité des récoltes. « Malheureusement il n'en est plus de même pour les Criquets ; pendant les deux grandes invasions de 1866 et 1874, la première surtout, nous pouvons dire sans exagération que les huit dixièmes des cultures industrielles et sar- clées furent littéralement anéantis; les céréales et les prairies étant avancées, ou récoltées, eu- rent peu à souffrir. « Pour les plantes annuelles telles que le Maïs, Sorgho, Pommes de terre. Betteraves, cul- tures maraîchères, etc., la perle brute peut s'élever jusqu'au.^ limites de la production, mais une seule récolle en est perdue; tandis que pour les Vignes, les Oliviers, les Orangers, les Dattiers, etc., en un mot pour toute l'arbo- riculture fruitière, il n'en est plus de même, car l'effet de la destruction se fait sentir pen- dant plusieurs années consécutives. Pour la Vigne, qui constitue une des richesses les plus importantes de la colonie, la récolte fut nulle pendant deux années et réduite de moitié à la troisième, à la suite de l'invasion de 1866. ((Le bois, rongé jusqu'à l'aubier, ne donne l'année suivante que des pousses multiples et chélives, parmi lesquelles il faut ménager celles qui reconstitueront la souche mère. « La plupart des colons ont adopté, comme moyen de reconstituer leur vignoble, la sec- tion des ceps à quelques centimètres au-des- sous du sol. « Quelques propriétaires essayèrent de sau- ver la récolte suivante en enterrant les sar- ments jusqu'à la hauteur de la taille ; mais ce procédé est impraticable sur une échelle étendue. « Quelques variétés de cépages sont moins maltraitées que les autres par des Sauterelles ailées ; mais les Criquets dévorent littéralement tous les plants, quels qu'ils soient. « Deleur côté, les arbreséprouvenllesmêmes ravages ; en 1866, toutes les jeunes branches furent ravagées jusqu'à l'aubier. Il fallut en abattre une grande partie, à une époque où la sève est eu pleine circulation. La plupart des jeunes arbres, rongés jusqu'au tronc, mouru- rent. Nous avons même vu des essences fores- tières supporter difficilement ces mutilations; des Saules pleureurs, par exemple, qui avaient vingt années d'existence, furent détruits par l'invasion de 1866. « Nous ne connaissons aucun arbre fruitier qui résiste à ces atteintes; ils sont tous à peu près également maltraités par les Criquets, sauf les Poiriers et les Cerisiers ; comme espèces forestières, les essences résineuses résistent aux ravages des Sauterelles ; les variétés austra- liennes telles que V Eucalyptus et leurs congé- nères, sont aussi moins maltraitées, enfin, parmi les arbustes, le Laurier-rose est une es- pèce respectée. « D'après le tableau que nous tirons de la statistique de l'Algérie, de 1867 à 1872, en pre- nant pour base la perte à peu près complète de deux récoltes et demie, et en évaluant à 30 fr. l'hectolitre devin, la colonisation perdit, de ce 420 LES AGRIDIDES. chef, environ 13 millions en 1866. Il est proba- ble que l'ensemble des cultures subit un dom- mage de 10 millions, ce qui porterait la perle due à une grande invasion à 23 millions, pour la colonisation européenne. « On peut évaluer à 15 millions la produc- tion indigène de l'Algérie en ce qui concerne le Maïs, les Fèves, le Sorgbo et le Tabac; et à 10 millions la production des vignes et des cul- tures qui sont presque complètement détruites par les Sauterelles. « Si nous ajoutons à ces pertes celles que subissent les céréales et celles des oasis du sud ; d'autre part, la mortalité du bétail par suite de la disparition des pâturages, nous pou- vons admettre, sans crainte d'ôtre au-dessus de la vérité, que chaque grande invasion colite h l'Algérie cinquante millions de francs. » L'action des vents pour transporter ces ar- mées de Sauterelles ne saurait être mise en doute ; leurs organes du vol ne leur permet- traient pas seuls de faire de si longues routes sans se poser à terre ; elles traversent quelque- fois de vastes étendues de mer. M. Kirby, d'après un journal américain, nous apprend qu'en 1811, un vaisseau retenu par le calme à 200 milles des îles Canaries fut tout à coup, après qu'un léger vent du nord-est eut com- mencé à souffler, enveloppé par un nuage de ces Insectes qui, s'abattant sur le navire, en couvrirent le pont et les hunes. On ignore la loi naturelle suivant laquelle ces Insectes sont ainsi ramassés à un certain moment, et emportés par une trombe de vent qui les conduit jusque là où il leur plaît de descendre. Leur volonté paraît y être pour quelque chose ; autrement on ne pourrait guère expliquer une marche de ce genre, et c'est là sans doute ce qui les a fait ranger par Salomon au rang des quatre animaux auxquels il accorde la sagesse. L'Amérique du nord n'est pas à l'abri de ce fléau. Aussi les Américains préoccupés ont-ils publié à ce sujet de remarquables mémoires, que nous résumons. Les États-Unis, et particulièrement les États situés à l'ouest du Mississipi, ont été dans ces dernières années extrêmement éprouvés par des invasions de sauterelles nées dans les mon- tagnes Rocheuses. Les années 1873, 1874, 1875, 1876, 1877, 1878 et 1879, ont été particulière- ment funestes à l'agriculture et il en est ré- sulté, dans ces districts relativement pauvres, et où la colonisation ne fait que'commencer. un émoi qui se comprendra facilement. Laire occupée par les Insectes s'étend depuis le sud des possessions britanniques et le lac Winnipeg jusqu'aux plaines de l'Orégon, en descendant jusqu'àMexico et aux territoires de l'Arkansas ; enveloppant par conséquent les territoires de Montana, Dakota, Missouri, Idaho, Wyoming, Nevada, Utah, Colorado, Nebraska, Kansas, Texas, et une partie du territoire indien. Les pertes de l'agriculture étaient estimées en 1874 à 43,000,000 de dollars, elles ont monté de 1873 à 1877, à 200,000 dollars, et si nous ne trouvons pas pour l'année 1879 une évalua- tion complète, nous voyons cependant que dans une partie de la Californie, pour une com- munauté de 2,000 personnes, comprenant 91 fermes et 47,000 acres, les dommages étaient estimés 100,000 dollars. Les observations qui ont été faites ont per- mis de reconnaître que les Sauterelles d'Amé- rique bien qu'appartenant à la même famille que celles du vieux continent, sont cependant des espèces indigènes, et qui ne se retrouvent pas ailleurs. Il y en a quatre espèces principales : la Sauterelle des montagnes Rocheuses [Cnlop- tenus sp7-etus), la petite Sauterelle {C. allanis), la Sauterelle à cuisses rouges [C. fémur rttbrum], et le Caloplène différentiel {C. differentialis) (flg. 617). L'immense étendue du territoire qu'elles en- vahissent n'est pas toujours occupée par elles au même titre. Dans certaines régions qui sont comme le réceptacle de leur race, elles demeu- rent en permanence ; dans d'autres au con- traire elles émigrent à la fln du printemps, sans pouvoir s'y reproduire ; enfin dans un certain nombre de territoires elles y ont une condition intermédiaire ; les Américains désignent ces din"érentes régions sous les noms de région per- manente, région temporaire et région sous-perma- nente. La région permanente comprend surtout les hauts plateaux des montagnes Rocheuses, et les plaines en bordure depuis le Colorado jus- qu'au nord. Ce sont de vastes et arides solitu- des, sans arbres, où la pluie tombe avec peu d'abondance, et que l'agriculture ne pourrait féconder qu'avec peine à l'aide d'irrigations. On y rencontre surtout les plantes caractéristi- ques des climats secs, les Artémisia, les Chéno- podiacées et le « bunch-grass ». C'est là, dans les creux de rivières, ou sur les coteaux expo- sés au midi, dans les prairies sous-alpines pro- tégées par les hautes montagnes, que les Sau- LES ACRIDIDES. 421 terelles déposent leurs œufs et qu'ils éclosent. On ne les rencontre point à l'état larvaire dans les plaines élevées et nues à l'est des monta- gnes. Au Sud des montagnes, la limite de leur habitat est marquée grossièrement par la ligne isotherme de 50». Dans les autres régions l'espèce dégénère vite, et finirait par disparaî- tre, si elle n'était renouvelée par le fléau de nouvelles invasions. La cause des migrations de ces Insectes est leur instinct naturel. Ils n'attendent point d'être en nombre pour prendre leur vol ; et un groupe issu de la même ponte émigrera dès qu'il aura atteint l'âge et le développement nécessaires. La distance qu'ils parcourent varie entre un ou deux cents milles depuis Montana par exemple jusqu'au Kansas et au Missouri. En général, ces Insectes ne volent que pendant une partie du jour et par un temps clair et beau, de telle sorte que la faim, la pluie, les nuages et les vents contraires peuvent les em- pêcher de s'élever. Dans des conditions favo- rables ils parlent de huit à dix heures du ma- tin et volent jusqu'à quatre ou cinq heures du soir, où ils se disposent à brouter. Leur vitesse varie de 3 à 13 et 20 milles par heure suivant la force du vent ; c'est ainsi que, partis de Mon- tana vers le milieu de juillet, ils n'arriveront au Kansas que vers la fin d'août ou le com- mencement de septembre. On distingue deux courants que l'on désigne par le nom d'essaims d'invasion, et d'essaims de retour. Les premiers sont ceux qui, nés dans la région permanente à l'ouest et au nord- ouest, émigrent dans les pays où n'est pas leur habitat originaire. Les seconds sont ceux qui, nés dans l'une ou l'autre des autres ré- gions, et surtout dans la région sous-perma- nente, sont amenés par l'instinct à regagner leur patrie d'origine. Ceux-ci toutefois com- mencent leur émigration beaucoup plus tôt, vers mai et juin, et la continuent jusqu'en juillet. Us arrivent généralement épuisés et malades, néanmoins le nombre d'œufs qu'ils déposent est assez considérable pour fournir de nouvelles forces aux essaims d'invasion. Dans l'Amérique du sud, les Sauterelles constituent aussi un fléau redoutable. '< Vers le soir, dit Temple (1), nous aperçti- mes à quelque distance, sur la surface du sol, un coup d'oeil extraordinaire : au lieu de la cou- leur verte de l'herbe et des feuilles avec ses (1) Temple, Voyage au P^rou. nuancesdiverses, nous remarquâmes une masse brune-rougeâtre uniforme, que quelques-uns d'entre nous prirent pour des bruyères frappées par les derniers rayons de soleil; c'étaient en réalité.... des Sauterelles. Elles couvraient lit- téialement la terre, les arbres et les buissons aussi loin que le regard s'étendait. Les branches des arbres ployaient sous leur masse, comme lorsqu'elles sont couvertes de neige ou surchar- gées de fruits. Nous passâmes au milieu de l'espace envahi par ces bêles; il nous fallut une heure entière pour arriver au bout en voya- geant avec notre vitesse ordinaire. » Un Anglais, possesseur d'une importante plantation de Tabac, à Conobrosdans l'Améri- que du sud, ayant entendu dire qu'on y avait vu de temps à autre des essaims de Saute- relles, réunit tous ses plants (14,000 pieds en- viron) au voisinage de sa maison dans l'espoir de les protéger. Ils poussaient et verdissaient à merveille ; déjà ils avaient atteint près de 30 centim. de haut, lorsque ce cri retentit, une après-midi : « Voilà les Sauterelles ! » Le planteur sortit en toute hâte de sa demeure et vit une nuée épaisse qui enserrait la maison de toutes parts. L'essaim, plus serré au-dessus des plantations de tabac, s'y abattit brusque- ment et les couvrit absolument comme si un manteau brun avait été étendu sur elles. Am bout de 20 secondes environ (moins d'une demi- minute), l'essaim s'éleva subitement, comme il était descendu, et reprit son vol immédiate- ment. Des 14,000 pieds de Tabac il ne restait plus une trace. ADoob (Calcutta), Playfair en se promenant à cheval remarqua, auprès d'un marais, une masse énorme de petits Insectes noirs, qui couvraient le sol au loin. Eu les examinant de plus près, il y reconnut de jeunes Sauterelles. C'est le 18 juillet 1812 qu'il fit cette décou- verte ; et l'on se souvint parfaitement que qua- tre semaines auparavant, c'est-à-dire le20juin, il était tombé là un grand essaim de Saute- relles. Au bout de peu de jours, les jeunes bê- tes, aptères, s'avancèrent sur la ville d'Eta- weh, ravagèrent les campagnes. Le fléau fut terrible ; tous les efforts des paysans, les feux mêmes, ne parvinrent pas à anéantir les ravageurs, car de nouvelles bandes d'Insectes revenaient sans cesse à la rescousse. Encore à l'état aptère, ces Insectes avaient déjà mis à nu toutes les haies et tous les arbres. A la fin de juin, leurs ailes se développèrent, avec les premières pluies, et leurs têtes prirent une LES ACRIDIDES. leinle rouge foncé; ces Sauterelles commen- çaient à voltiger en essaims, lorsqu'un coup de vent, qui souffla le 31 juillet, les fît dispa- raître soudain. L'Océanie même n'a pas été épargnée, et les planteurs de la Nouvelle-Calédonie ont à subir, eux aussi, ce redoutable fléau. Il résulte d'une correspondance de mars 1881, que sur beaucoup de points de l'île, à l'exception de Bourail, un paradis terrestre, toujours vert, il n'y a plus un brin d'herbe. La verdure a dis- paru sous les mandibules des Criquets. Quant aux troupeaux, inquiets, errants, cherchant une introuvable pâture, ils font peine à voir. Le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, M. l'amiral Courbet, bien étonné sans doute, lui, un brave marin, d'avoir à fulminer des arrêtés contre des Sauterelles, vient de prendre des mesures que nous croyons très efficaces si elles restent longtemps en vigueur. Ces me- sures consistent en primes accordées à ceux des Canaques qui trouveront profit et plaisir à chasser la Sauterelle. Ces Nemrods recevront 1 franc par kilogramme de piétonnes noires ; 50 centimes par kilogramme de piétonnes rouges, et 20 centimes par kilogramme de Sauterelles ailées. Celles-ci sont faciles à met- Ire en sac, puis, frites, elles peuvent, au be- soin, servir d'aliments à ceux qui les chassent. Ce n'est pas une nourriture des plus succu- lentes; si l'on consultait à ce sujet les bons Canaques, ils vous répondraient avec un gros rire aux blanches dents qu'ils préfèrent de beaucoup la chair humaine. Un jour, précisé- ment en Océanie, nous fiimes obligés, mourant de faim, d'assaisonner notre riz de Sauterelles grillées. Faut-il le dire ? Nous nous en réga- lâmes presque, mais en nous figurant que nous mangions de la crevette un peu trop cuite. Les vieilles chroniques et les récits des voya- geurs ne sont pas seuls à signaler les ravages réitérés produits par les Sauterelles. Les jour- naux nous apportent chaque année de nouvelles plaintes au sujet de leurs déprédations en Eu- rope, notamment dans le sud et le sud-ouest, et jusque dans l'Allemagne. Les Sauterelles sont venues plus d'une fois d'Afrique en Italie et en Espagne. En l'an o9i, une armée immense de Saute- relles, d'une taille inusitée, ravagea une partie considérable de l'Italie. Elles finirent par être jetées dans la mer par un coup de vent; — et c'est le plus souvent leur sort. Mais ce fléau donna lieu à un autre fléau. De ces Sauterelles, réduites à l'état de putréfaction, naquit, dit-on, la peste, — une peste affreuse, qui emporta près d'un million d'hommes et d'animaux do- mestiques. Au XVI' siècle, la ville de Tolède fut délivrée d'une invasion de Sauterelles qui menaçaient d'amener la famine. Elles étaient si nombreu- ses qu'on les écrasait en marchant, et on se rappelait les terribles plaies d'Egypte au temps de Pharaon. Elles dévoraient les moissons en germe, en sorte qu'on devait s'attendre à une disette générale. Le peuple eut recours à la prière, et une grande procession fut organisée pour obtenir la cessation du fléau. Quand elle fut en marche, on aperçut dans le ciel saint Augustin habillé en religieux, avec la chape d'évêque par-dessus le capuchon, et au signe qu'il fit avec sa crosse, toutes les Sauterelles furent précipitées dans le fleuve du Tage. Sch. Bolswert, dans une belle gravure, a con- servé le souvenir de celte tradition : sur le pre- mier plan on voit l'évêque de Tolède et les principaux magistrats agenouillés; saint Au- gustin perce la nue et étend une main venge- resse sur la nuée de Sauterelles ; sur la droite profilent les rives du Tage, et sur la gauche s'élancent les tours sarrasines delà vieille cité. Leur passage, dans le sud de la Russie, seu- lement, a été observé, depuis le commence- ment du siècle, pendant les années suivantes: ISOO, 1801, 1803, 1812-1'J, 1820 22, 1829-31, 1834-36, 184-4, 1847, 1830, 1851, 1859-61. Par- tout, c'est la Sauterelle des convois ou Saute- relle voyageuse [Padnjtylus ihirjraloriiis ou Œdipoda migratûvia) qui joue ici le plus grand rôle, et l'on doit lui assigner pour patrie les pays dans lesquels se perpétue annuellement celte espèce. Ces contrées sont malheureuse- ment nombreuses : telles sont la Tartarie, la Syrie, l'Asie Mineure, et le sud de l'Europe. Dans la Russie centrale, elle n'apparaît que çà et là, seulement pendant les automnes et les printemps très chauds. En 1630, une nuée de Sauterelles entra en Russie; ce nuage se dispersa ensuite en Polo- gne et sur la Lithuanie. Ces Insectes envahirent ces deu.K dernières contrées par multitudes telles, que l'air en était obscurci et que la terre en était couverte. Dans quelques districts, on les trouva morts et entassés les uns sur les au- tres par monceaux; dans d'autres endroits, ils couvraient la surface du sol comme un drap noir. Les arbres ployaient sous leur poids, le dommage que souff'rit le pays est incalculable. Brehm, liis/fclex T. VII, p. 42?. PI. \ Urs J B B ihere e m eil I LES CRIQLETS V0Y.\(;EUHS (SACTEUELLES). LES ACRIDIDES. /t23 Charles XII, roi de Suède, fut extraordinai- lement incommodé avec son armée par des sauterelles, dans la Bessarabie. « Une horrible quatUilé de ces Insectes (dit son historien) s'élevait ordinairement tous les jours, avant midi, du côté de la mer, premièrement ;\ pelils Ilots, ensuite comme des nuages qui obscur- cissaient l'air et le rendaient si sombre et si épais, que dans toute celte vaste plaine, le so- leil semblait s'être entièrement éclipsé. Ces In- sectes ne volaient point proche de terre, mais à peu près ;\ la môme hauteur que l'on voit voler les hirondelles, jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé un champ sur lequel ils pussent se jeter. Nous en rencontrions souvent sur le chemin, d'où ils s'élevaient avec un bruit semblable à celui d'une tempêle. Ils venaient ensuite fondre sur nous comme un orage, se jetaient sur la plaine où nous étions, et sans craindre d'être foulés aux pieds des Ghevau.x, ils s'élevaient de terre, et nous couvraient le corps et le visage jusque-là, que nous finissions par ne pas voir à deux pas devant nous. Partout où ces Sauterelles se reposaient, elles y faisaient un dégât aii'reux, en broutant l'herbe jusqu'à la racine, en sorte qu'on ne voyait plus qu'une terre aride et sablonneuse à la place de celle verdure dont la terre était auparavantparée. On ne saurait jamais croire qu'un si petit animal put passer la mer, si l'expérience n'en avait tant de fois convaincu ces pauvres peuples de Bessa- rabie et états voisins. Car après avoir franchi le Pont-Euxin en venant d'Ile en île gagnant les côtes, ces Insectes traversent encore de gran- des provinces où ils dévorent tout ce qu'ils rencontrent jusqu'aux poutres et planchers des habitations. Dans la Marche de Brandebourg, les Saute- relles se sont montrées au début de l'année 1830 et dans le cours de 1876. On les a obser- vées à Breslau en 1836, et dans l'arrière-Pomé- ranie en 18S9. On en a rencontré aussi des convois isolés en Suède, en Angleterre et en Ecosse. L'Angleterre, la froide .\ngleterre elle-même, a été alarmée, dans le dernier siècle, par l'ap- parition des Sauterelles. Un nombre considé- rable de ces insectes la visitèrent en 1718: mais, heureusement, elles périrent sans s'élre reproduites. La limite septentrionale d'extension de VA- cridium migratorium s'étend depuis l'Espagne jusqu'au nord de la Chine, à travers la France méridionale, la Suisse, la Bavière, la Thuringe, la Saxe, le Mark, le Posen, la Pologne, la Vo- Ihynie, la Russie méridionale et le sud de la Sibérie. ïaschenberg a trouvé ces Sauterelles isolées, à diverses époques, auprès de Seesen dans le Brunswick et sur le chemin de Halle au Pelersberg. En compensation des pertes énormes que ces Insectes causent parmi les substances vé- gétales, ces pillards subissent la peine indi- quée dans la Bible. « Le repas ne profita pas au mangeur. » Moïse a partagé les animaux en deux classes sous le rapport de la nourriture que l'homme peut en tirer : la première comprend les ani- maux purs ou salubres ; la seconde les ani- maux impurs ou insalubres. En ce qui concerne les Insectes, voici comments'exprime Moïse (1): '( 20. Tout ce qui vole et marche sur quatre pieds vous sera en abomination. "21. Mais pourlout ce qui marche sur quatre pieds et qui, ayant les cuisses de derrière plus longues, saute sur la terre, « 22. Vous devez en manger, comme le Bru- chus selon son espèce, VAtlacus, V Ophiomachus et la Sauterelle, chacun selon son espèce. » Voici une autre traduction de ce même ver- set 22. " Ce sont ici ceux dont vous mangerez, savoir : Arbé selon son espèce, Solliam selon son es- pèce, Slartjol selon son espèce et Hagab selon son espèce. » " Les Juifs, dit le colonel Goureau (2), pou- vaient donc manger de tous les animaux pour- vus d'ailes, marchant sur quatre pieds et ayant les cuisses de derrière plus longues, servant à sauter sur la terre, c'est-à-dire de tous les Orthoptères composant la famille des sauteurs de Lalreille. Saint Jean-Baptiste, retiré dansie déserlprès du Jourdain, se nourrissant de Sauterelles et de miel sauvage, se conformait à la loi. » Si Moïse les range parmi les animaux à qua- tre pieds, Arislole dit que les Sauterelles ont six pattes. Les commentateurs des derniers siècles étaient fort embarrassés de concilier ces deux autorités; mais on levait la difficulté en faisant remarquer que les deux grosses pattes postérieures de la saulerelle lui servent plutôt à sauter qu'à marcher, et que c'étaient par con- séquen' iioins des pieds que toute autre chose; ; Moise, cliap. .11. ' -Goureau, lleclwixhes sur lus insecte:, tnentionnén clans la bible (Bull, de ta société des sciences historiques et nn- tiirellesde l'Yonne, Auxerrc, I86I, tome XV,-p. 19.) 424 LES ACRIDIDES. la difficulté avait paru un moment plus grave pour les mouches auxquelles le Lévitique ne donne aussi que quatre pieds, mais elle fut éga- lement tranchée quand on eut fait observer que les deux pattes de devant étaient plutôt, pour les Mouches, des espèces de mains dont on les voyait se servir sans cesse pour se net- toyer les yeux et porter leur nourriture à leur bouche. u Nous savons que les Sauterelles (Locusta) re- présentent nos Criquets ; ainsi toutes les espèces du genre Achvidium entraient dans la classe des animaux purs. Mais qu'est-ce que c'est que Arbi^ ou Bruchus, Solham ou Attacus et Slargol ou Ophiomachus ? Nous n'en savons rien. Nos dictionnaires traduisent Bruchus par Chenille, sorte de ver qui ronge les plantes, ce qui est inexact, puisque Bruchus est un animal ailé et sauteur ; on sait d'ailleurs qu'en hébreu comme en arabe Arbeh signifie Sauterelle. Au mot Attacus ils renvoient à Attelabus qui veut dire Sauterelle delà plus petite espèce, qui n'a pas d'ailes. Enfin ils rendent Ophiomachus par: qui se bat contre les serpents, ce qui n'apprend rien sur l'espèce de cet Orthoptère. H Les deux derniers noms, ceux à'Attacus et d' Ophiomachus, ne reparaissant plus dans la Bi- ble de saint Jérôme, nous sommes privés de tout renseignement sur les animaux qu'ils dé- signent, nous ignorons ce qu'entendait ce Père de l'Eglise par ces deux noms ; nous ne savons pas si ce sont deux Orthoptères du même genre ou si ces Insectes appartiennent à des genres différents dans l'ordre des Orthoptères. " L'érudition profonde des savants qui se sont attachés à l'étude de cette question n'apu nous donner sur eux des indications précises, mais elle a produit des renseignements qu'il est bon de consigner. « Gœdart dit (1) que les Sauterelles portent en hébreu le nom de VArbék cause de la mul- titude de ces animaux. (( D'après l'annotateur de Lesser(2), quelques espèces de Sauterelles ont reçu des noms in- diquant leurs propriétés, comme Chargal qui vient d'un mot arabe signifiant être long, Cha- gab, d'un autre mot arabe qui veut dire voiler; Snlgan qui dérive d'un mot chaldaïque qui se traduit par dévorer ; Jekk vient d'un verbe qui signifie lécher ; Chazil d'un autre verbe qui si- (1) J. Gœdart, Métamorphoses des Insectes. Appendice sur les Sauterelles de la Bible. (2) Lesser, Ttiéolooie des Insectes, trad. par P. Lyonet, 1U5. gnifie consumer. On reconnaît dans cette no- menclature les Sauterelles rangées dans les animaux purs et désignées plus haut par les noms de Solham, Slargol et Hagab. «D'après Walckenaër, qui n'avnitpas moins d'érudition que les savants du xvi'' et du xvii' siècle, la Bible reconnaît quatre espèces de Sauterelles dont les noms hébreuxsont: Arbeh, Jelel;, Chazil el Ga:a {i). (' Ce que Gaza laisse, Arbeh le mange; ce que Arbeh laisse, Jelek le mange ; ce que Jelek laisse, Chazil le mange. » « Le texte latin de ce verset est : « Residuum erucx comedit locusta, et resi- duum locustx comedit bruchus, et residuum bruchi comedit rubigo; (cDont la traduction française donnée par de Sacy est : e plaît aussi dans les vignes de tous nos départements méridionaux ; elle se rencontre aux environs de Paris, notamment sur les collines sèches couvertes de bruyère (vallée de la Bièvrc), ainsi que dans la forêt de Fontainebleau. LES DOLIGHOPODES — DOLICBO- PODA (1) Ce sont les Orthoptères les plus étranges et qui prêtent le plus à la réflexion ; toutes les Locustides sont des Insectes amis de la liberté et du soleil, ceux-ci fuient la clarté du jour et hantent les cavernes; aussi la singularité de leur existence les a-t-elle forcés de s'adapter admirablement aux milieux. M. Bolivar les a nettement caractérisés. Caractères. — Ce sont des êtres grêles, décolorés, aux pattes démesurément longues et grêles, surtout les postérieures dont les fémurs sont plus longs que le corps et fili^ formes à l'extrémité, dont les tibias postérieurs immenses sont garnis sur les bords postérieurs (1) àohyô^, long; tioù:, pied. 438 LE MEGUNEME VARIE. d'une double rangée d'épines peu serrées. Mais c'est surtout la longueur démesurée de leurs antennes et de leurs palpes qui leur imprime la physionomie la plus extraordinaire : les antennes sont au moins six à sept fois pluslon- gues que le corps ; les palpes mesurent presque la longueur du corps. Habitants des cavernes, ce sont certainement des Insectes chez lesquels le toucher, grâce à de tels organes, a dû acquérir une délicatesse infinie et suppléer la vision qui, quoiqu'existant, ne doit jouer qu'un rôle fort secondaire. Les femelles portent un ovis- capte en forme de sabre recourbé fort allongé. Distribution géograpiilque. — L'unique espèce du genre habile les grottes et les cavernes de la France méridionale, de la Dal- malie, de la Sicile. LE DOLICHOl'OUli \ LO>GS l'ALI'liS. — DOLICItO- POUÀ PALPITA. C'aractt-res. — Cette espèce, facile à recon- naître d'après les caractères qui précèdent et d'après nos figures, est d'une coloration à peine verdàtre, avec les yeux et une petite tache à la base des antennes noirs. Slœurs, iiabitudeg, rt'sinie. — Ce singu- lier Orlhoplère, rencontré tout d'abord dans les cavernes de la Dalmatie et de la Sicile, a été découvert dans les grottes des Pyrénées par Linder et observé récemment (1870) dans les glottes de Belvis et d'Espezel (Aube), par M. Simon. C'est d'après des exemplaires recueillis par lui que nous avons figuré l'hôte des cavernes (fig. 629 à 631), il n'est pas dou- teux qu'ils ne vivent aux dépens d'autres In- sectes cavernicoles. LES HETRODES — HET RODES (i) Caractères. — Le genre Ihtrodes est carac- térisé : par l'absence complète des ailes dans les deux sexes, par des antennes implantées au milieu du front, au-dessous des yeux, par un cône émergeant entre elles, par les épines du prothorax qui est très grand, enfin pardes pattes médianes et postérieures tronquées en avant. Plusieurs autres Locuslides voisines pré- sentent une conformation analogue, mais se rattachent à des genres plus élevés en raison de l'existence d'ailes rudimenlaircs. (1) ""llifov, venlre; ciiSiu), enfler. L'UE TRODES EI'I>EUX. — IIETIIODES SPINULOSUS. Bedornte Einhornschrecke. Caractères. — L'Insecle aptère et trapu, re- présenté (fig. 632), n'est pas une Larve, mais bien une femelle adulte qu'on désigne sous le nom à'HetrodtfS spinulosus (horridus de Klug). Cette espèce se distingue des autres par des cuisses minces, par des jambes dont l'arme- ment extérieur est faible, par des fossettes éva- sées et recouvertes, situées à la base des jam- bes antérieures, et par une tarière courte; ces lourdes Sauterelles ont le corselet armé de fortes épines; leur coloration est jaunâtre. Distriliution g:éog:rapiiiqiie. — • Cette espèce est propre à l'Arabie et à la Syrie. LES MÉCOmUES — MECONEMA (1) Die Mccuneinincn, Caractères. — La tôle engagée dans le pro- thorax est munie d'une petite épine entre les antennes dont les fossettes olfactives possèdent un contour elliptique ; celles-ci, rapprochées ù la base, sont beaucoup plus longues que le corps, sétacées, à premier article gios, à deuxième court et globuleux. Le prothorax est court, à disque un peu aplati, à carènes laté- rales peu saillantes. Les élytres étroites, linéai- res, arrondies au bout, dépassent l'abdomen et ont un appareil stridulant peu développé. L'abdomen court porte des appendices courts chez les femelles, mais très longs, filiformes et tronqués chez les mâles. L'oviscaple allongé, peu relevé, a ses valves étroites et terminées en pointe. Oistribiilion çéog^rai>hi. — Màlo au vol. Fig. C:iG. — Màlj ai repos. Fig. 634 à 636. — Le Dectiquu vcrrucivore, mâle et femelle (d'aprts nature). dant la première quinzaine de juin. La courte tarière des femelles permet alors de distinguer les sexes. Dans la première quinzaine de juillet, a lieu la troisièroe mue, les ailes apparaissent alors ; l'évolution se termine au commencement d'août. Le mâle commence dès lors à faire entendre ses cbants. La femelle s'approche de lui et fait remarquer sa présence par les mouvements de ses longues antennes. Alors le mâle se tait, re- jette ses antennes en arrière, et cherche à reconnaître si la femelle s'approche de lui avec des intentions amicales ou non. S'il se trouve convaincu de ses bonnes dispositions, il célèbre sa bienvenue par des sons à la fois ronflants et dou.x. Peu de jours après, la femelle cherche un terrain meuble, de préférence parmi les herbes, ou des amas de brindilles pourries pour y enfoncer sa tarière, le long de laquelle elle fait glisser six à huit œufs blanchitres ; elle ré- pète souvent ce travail, car chacun de ses deux ovaires contient environ cinquante œufs. Lors- Brkhm. — VII. qu'on saisit une de ces Sauterelles , elle fai une morsure si forte qu'elle forme une ecchy- mose sous la peau; si on arrache trop brus- quement l'Insecte, sa tête ainsi que sa gorge demeurent accrochées et se séparent du corps. Lorsqu'elle mord, cette Sauterelle laisse couler, avons-nous dit, un suc brun ; on ne saurait trancher la question de savoir si cette liqueur a réellement quelque influence sur la dispari- tion des verrues, ni même si cet effet se pro- duit réellement, car on n'a fait aucune expé- rience suivie pour élucider la question. LES S AmERELLES— LOC US TA Die Locustincn. Caracicres. — Le genre Locusla tout entief ne se distingue des précédents que : par ses lon- gues antennes capillaires assez rapprochées à la hase, à premier article gros, à deuxième court; par sa tête verticale, au front avancé Insectes. — 56 4i2 LA SAUTERELLE VERTE. en un tubercule court et obtus entre les an- tennes, au verlex relativement étroit, au labre énorme (fig. C37); par son corselet au disque plan caréné latéralement ; par ses pattes lon- gues, aux cuisses légèrement épineuses en dessous, aux hanches antérieures armées d'une épine crochue, aux quatre premières jambes fortement épineuses, aux jambes postérieures à' carènes supérieures garnies de nombreuses épi- nes, fiuesetserrées ; parlalongiieur. plus grande que chez les Dectiques, des styles abdominaux. LA SAUTERELLE VERTi:.— iOC£/S7U l IIIIDISSIIIIÀ. Grosses grùnes Heupferd. Caractores. — La Sauterelle verte [Locusta vi- rldissimu), plus connue encore et plus grêle que le précédent, mesure aC""" de long. Les élytres, longues et d'égale largeur, ont, ainsi que le corps, une teinte fondamentale verte; elles brunissent seulement sur leur bord interne dans la portion horizontale qui s'applique sur le dos, et dépassent l'abdomen de deux fois sa longueur. Assez souvent, la tête et le corselet sont traversés par une raie longitudinale, nuan- cée de ferrugineux. La tarière de la femelle, presque droite, est aussi longue que le corps, non compris la tête (fig. 638). Hlœurg, habitudes, régime. — Cette Saute- relle fuit le soleil, et pendant qu'il brille, elle se dissimule parmi les plantes, et grimpe jusqu'à leur sommet tout en se maintenant à l'ombre; de temps à autre, pour échapper à quelque poursuite, elle vole en rasant la terre, mais ne fournit qu'une faible course; le balle- ment de ses ailes produit alors un son criard. Lorsque la moisson l'a privée de ses résidences favorites, elle recherche les Saules, les Bou- leaux et d'autres arbres, sur lesquels elle s'ins- talle, très haut, surtout le soir et très éveillée ; pendant les premières heures de la nuit, elle chante sans trêve, ni repos. Swammerdamm, Rœsel, De Géer, Latreille, Cuvier, Geoffroy, Walckenaer, Audinel-Serville s'iiccordent tous à dire que les Sauterelles sont herbivores, et même Swammerdamm, Carus et Cuvier prétendent, d'après l'examen de leur estomac, qu'elles ruminent. Zetterstedt le premier affirma que lesLocustaires se nour- rissaient de plantes et de petits Insectes; mais en 18.i3un auteur peu connu, M. J. Hannon, reconnut que notre Sauterelle verte est un Animal carnassier. « Au mois de septembre dernier (1843), dit-il, dans le taillis d'un petit bois, une Sauterelle verte [Locusta viridissima) attira mon attention par ses bizarres évolutions et son allure singu- lièrement vive et saccadée. Elle parcourait con- tinuellement 11! rameau de Chêne sur lequel elle se trouvait et avec tant de vitesse, que plusieurs fois elle faillit tomber. Tout à coup elle se ren- contra face à face avec une Chenille de Bom- byce bucéphale [Pygxm bucephala\ s'élança sur elle et la saisit dans ses mandibules : alors, s'aidant de ses pattes antérieures pour para- lyser les contorsions de la Chenille, qui aurait pu lui échapper, la Sauterelle la promena entre ses mâchoires en la pinçant vivement tout le long du dos, sans toutefois entamer la peau. Quand elle fut morte, la Sauterelle lui déchira la peau du cou à l'aide de ses mandi- bules et se mit à la sucer. Le corps de la Che- nille se dégonflait à vue d'oeil; quand il fut vide, la Sauterelle le laissa tomber, et se reposa sur un bouquet de feuilles comme pour y faire sa digestion. » M. Hannon fait observer avec raison que si l'opinion d'un fabuliste pouvait avoir quelque valeur, il citerait La Fontaine qui fait crier famine à sa Cigale qui n'est autre que noire Sauterelle {Locusta vbidissima), en ces termes : La Cigale ayant chanté Tout l'été. Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De Mouclie ou de Vermisseau. La Fontaine connaissait, à n'en point douter, les instincts carnassiers de l'Insecte qu'il mettait en scène. A ce sujet nous ferons observer avec Audinel-Serville que dans toutes les anciennes éditions et môme dans les éditions modernes des Fables d'Esope et de La Fontaine on a re- présenté, soit dans les planches, soit dans les vignettes, une Sauterelle et non pas la vraie Cigale si coinmune dans le midi, celle qu'Esope avait cerlainemenl en vue (1). Depuis on a observé bien des fois la voracité de notre Sauterelle, aussi l'avons-nous figurée sur la planche iulitulée : la Vie nocturne des In- (I) Les Fables d'Esope. Amsterdam, l"OI, fable LXI, De la Fromy et de la Cigale. —Les Fatales choisies mises en vers par J. de La Fontaine, Paris, ITSS, illustrées par Oudry. — Fables de La Futtlaine, édit. illustrée par G. -G. Granville, Paris, 1838, planche et lettre. — Fables de La Fontaine, édit. illustrée par J. David, Paris, s. d., vignette, etc., etc. BnEHM, Insectes . uui- T. VII, PI. Vlll. LA VIE NOCTURNE DES INSECTES. Chenille de Noctuelle. Écaille. Carabe doi-c. Homcrolic. .•\i-Se- Anthrax. Acnillum. Sauterelle verte dévorant un papillon. Phrygaii r.cMluve. Foronie LA SAUTERELLE CHANTANTE. 443 G:!7. — Tct(i lie la Saulore verte, vue do face. 0^8. — La iauterellD vortp. sectes (PI. VIII), en train de dévorer un Papillon, une pauvre Lycène qu'elle a surprise dans son sommeil. En différents endroits, à Leipzig par exemple, les enfants nourrissent dans de petites cages grillagées ces Insectes, qu'ils vont chercher dans les champs de blés qu'ils foulent aux pieds. Ils s'amusent de leur cri, qui se com- pose en réalité d'un son unique : » zick! zich! » LA SAfTERELLE A QUEUE. — LOCUSTA C.4VD4T.i. Geschwanzles grimes Heiipferd. CaracJèrcs. — Deux autres espèces, de cou- leur verte également, mais moins généralement répandues, ne doivent pas être confondues avec la précédente: la première est la Saute- relle à queue (Locusta caudatu), qui est plus petite et plus grêle que la précédente et com- plètement verte; indépendamment des difl'é- rences de conformation de l'abdomen, qui exigeraient une description minutieuse de ces deux Insectes, le Lomsia caudata se distingue du Locusta viridissima par son chant: elle fait entendre une sorte de ronflement [rrrt et s) dans lequel on ne peut distinguer aucune note isolée. DUtribulion géographique . — C est une espèce de l'Europe orientale. LA SAUTERELLE C1ÎANTAXTE. — LOCUSTl CtlSTANS. Zwitscherheu^ehrecke. Caractôre». — La Sauterelle chantante {Lo- custa ranlans Fuesly ou gaverniensis Rambur) diffère du Locusta viridissima non seulement par ses caractères extérieurs tels que la cou- leur verte de son corps, le peu de longueur de ses élytres qui dépassent à peine l'extrémité de l'abdomen du mâle, sa taille plus petite (22°""), et par d'autres détails encore, mais aussi par ses allures et par son chant. Slœurs, habitiules, pégiinp. — Elle grimpe moins volontiers jusqu'aux sommets des plantes, telles que l'Avoine, l'Orge, le Froment, la Vesce, le Trèfle, et autres encore ; mais elle s'arrête plutôt à mi-hauteur. Elle est extrême- ment farouche, et s'aperçoit facilement de l'approche de l'homme, ce dont témoigne son silence immédiat. En raison de sa prudence, en raison aussi de sa coloration, elle est difficile h trouver et difficile à prendre. Comme elle chante avant et pendant la moisson, on lui a donné le nom « d'oiseau de la moisson ». C'est surtout après le coucher du soleil et avant son lever, que le chant de celle Sauterelle se fait entendre, et souvent d'une façon interminable. Les sons se succèdent très rapidement. Après deux, trois ou quatre mesures, dont chacune contient quatre seizièmes de note, survient un son un peu plus élevé et plus étendu, puis une pause; après quoi le chant recommence. On [leut traduire ces sons à peu près par les lettres : « 7rss ,-s' ss'... ssit. « Le chant se mo- difie beaucoup, notamment en captivité. niatribution géogpaplilquc. — Cette espèce de l'Europe centrale et boréale abonde surtout en Suisse, en Westphalie et dans le Holstein; elle apparaît aussi ailleurs, comme dans la pro- vince et dans le royaume de Saxe; à Tharand, par exemple, elle se montre plus fréquemment que le Locusta vi7'i(lissitna. AU LE GRILLON DES CHAMPS. LES GRYLLIDES — GftYLLIDM Die Gnibheuschrechm ou Grillen. Caractfres. — Les Gryllides {Gri/Uidx) con- stituent, dans leur ensemble, la troisième et dernière famille des Orthoptères sauteurs. Elles se distinguent des précédentes, non seulement par leur mode d'existence, ainsi que l'apprend la dénomination qu'on leur a donnée en Alle- magne, mais encore par des particularités organiques des plus importantes. La tête glo- buleuse supporte de longues antennes sétacées, à articles peu distincts, insérés dans une cavité ; les mandibules robustes sont dentelées ; les mâchoires non dentées ont un lobe externe (galea) grêle et allongé. Leur corps, de forme cylindrique, est géné- ralement massif: leurs ailes antérieures, au lieu d'être rapprochées l'une contre l'autre de ma- nière à former un toit, sont appliquées hori- zontalement sur l'abdomen en se recourbant de manière à en embrasser les côtés. Les ailes ont une conformation toute spéciale; elles dé- passent en général les élytres en formant des lanières droites ou roulées en spirales. Les pattes afTectent des formes variées très caracté- ristiques ; les postérieures étant toujours con- formées pour permettre le saut; leurs tarses comptent le plus souvent trois articles, le pre- mier article des tarses postérieurs est générale- ment très grand. L'abdomen volumineux est muni de chaque côté d'un appendice inarticulé ou à deux articles séparés, flexible, velu, quel- quefois très grand ; chez les femelles, cet ab- domen porte un oviscapte, souvent très long, à valves fort étroites. LES GRILLONS — GRYLLUS (\) Die Echte Grillen, Gryllmen. Caractères. — On les distingue : à leur tête forte et globuleuse, à leur prothorax presque carré, à leur corps cylindrique et lourd, à leurs pattes robustes pourvues toutes de trois arti- cles aux tarses, et dont les dernières sont dis- posées pour le saut, leurs cuisses étant renflées et leurs jambes étant munies sur les carènes (I) r,n/llus, Grillon. supérieures d'épines serrées symétriquement disposées ; enfin à la conformation spéciale de leurs ailes postérieures, qui se terminent en lanières et dépassent ordinairement les élytres. Distribution géographique. — Ce genre compte une quinzaine d'espèces européennes et un nombre bien plus grand d'espèces exo- tiques. LE GRILLON DKS CHAMPS. — GiJJ'itt/SC^itfPEST/t/S. Feldgrille, Caracti-roB. — Cet Insecte, représenté ici, est de couleur noire luisante, prend une teinte Kg. G39 et 640 Le Grillon des champs. rougeâtre ;\ la face inférieure des cuisses pos- térieures ; chez la femelle les jambes corres- pondantes sont rouges, les élytres sont d'un gris sillonné de fortes nervures noires et d'un brun jaune très pâle à la base; les ailes sont plus courtes que les élytres et presque rudi- mentaires. La tête très forte est plus grosse chez les mâles que chez les femelles, et porte des antennes noires de la longueur du corps (fig. 639 et 640). Distribution géographique. — Le Grillon des champs est commun partout en Europe et même en Asie Mineure. Mœurs, habitudes, régime. ■ — Ces Insectes noirs, à grosse tête, représentés sur la figure, se trouvent dans les landes arides et dans les champs sablonneux des coteaux ensoleillés. Ils creusent en terre des galeries pour s'y enfouir h l'approche des dangers, pour y passer les jours de mauvais temps et de pluie, enfin pour y déposer leur progéniture. Le poète qui les LE GRILLON DES CHAMPS. 445 Fig. Ci5. Fig. eifl- Fig. «41. Fig. 642. Fig. 643. Fig. 643. — Mâle adulte. Fig. 641 et 646. — Femelles adultes. Fig. 642 et 644. — Jeunes Larves. Fig. 645. — Nymphe d'une femelle reconnaissablc à son oviscapte. I Fig. Cil à 646. — Une famille de Grillons domestiques (d'après nature). a chantés les appelle à bon droit : « les pares- seux Grillons; » l'Entomologiste, qui n'est pas guidé uniquement par le point de vue moral, les désigne sous le nom de Grillons des champs [Gryllus campestris). Leurs trous, dont le péri- mètre n'est pas plus grand que celui de l'In- secte, pénètrent d'abord horizontalement en terre, puis s'enfoncent un peu plus bas. Ils sont creusés principalement à l'époque où le chant des mâles commence à se faire entendre, c'est-à-dire dès le début du printemps, et sont habités chacun par;»! sew/ Grillon. C'est là une cause fréquente de combats, car le Grillon utilise volontiers une ancienne retraite; s'il y rencontre un de ses semblables, créateur de cette demeure, ou seulement premier occupant du souterrain abandonné, aucun des deux In- sectes ne veut céder de plein gré. Les deux ri- vaux se mordent, se précipitent tête contre tête, et quand la victoire est tellement certaine qu'un des deux champions gît sur le carreau, son cadavre est dévoré par le vainqueur. En Chine, les enfants mettent à profit les instincts belliqueux des Grillons (1) pour les (1) Appartenant probablement à l'espèce désignée sous le nom de Gryllus membranaceus. mettre en présence elles obliger à se livrer des combats meurtriers ; ils excitent môme leur ardeur avec un long brin de paille. Pour les jeunes Chinois, les combats de Grillons rem- placent les combats de Coqs qui font les dé- lices de leurs parents. Le mâle passe volontiers sa tête hors de son trou pour chanter sa romance ; mais il ne s'é- loigne jamais, afin de pouvoir s'y réfugier au moindre danger; il y retourne toujours, plutôt en courant qu'en sautant, lorsqu'un Lézard, un Oiseau insectivore, ou le pas d'un homme ont tant soit peu ébranlé le sol. Chez les Gril- lons, en effet, la prudence atteint un degré excessif, qu'on taxe, ajuste titre, de pusilla- nimité. Mais les enfants de nos campagnes toujours pleins de malice savent parfaitement les déloger. Lorsqu'ils ont découvert la retraite d'un Grillon, ils introduisent un chaume jus- qu'au fond du trou ; désagréablement surpris, notre Orthoptère saisit avec fureur le brin de paille et se laisse traîner au dehors plutôt que de lâcher prise. Lorsqu'un mâle, au voisinage de l'habitation d'une femelle, chante sa sérénade pour l'atti- rer, il se tient les pattes écartées, il appuie son 4i6 LE GRILLON DOMESTIQUE. thorax contre le sol, soulève légèrement ses éiytres, et les frolle l'une contre l'autre avec une rapidité extraordinaire. En les examinant de plus près, on constate que la seconde ner- vure transversale (nervure phonogène) de l'ély- tre droite fait saillie principalement à la face inférieure, et qu'elle est hérissée d'une foule de petits chevalets transversaux. L'Insecle frotte ces chevalets contre une nervure située près du bord interne de l'élytre gauche, pen- dant un certain temps, de haut en bas; puis de bas en haut, et le son est alors modifié. Ce n'est qu'au moment de cesser son chant, que le Grillon laisse reposer ses ailes ensemble; alors la résonnance, due à la membrane mince qui vibrait, diminue, et les derniers sons se trouvent considérablement affaiblis. La dispo- sition est la même que chez les Sauterelles, seulement les éiytres ont interverti leurs rôles, puisque la droite se trouve ici placée au-des- sus de la gauche, et non plus au-dessous. La femelle perçoit cette sérénade par l'in- termédiaire des orgimes auditifs situés dans les jambes antérieures; ces organes ne pré- sentent aucun orifice externe, mais sont fermés par une membrane tympanique. Quoiqu'il en soit, la femelle accourt, et frappe le mâle de SCS antennes pour l'avertir de sa présence ; (;elui-ci fait alors silence, et répond an saUit de la femelle ; il s'incline, s'élire, et se re- dresse, puis il tourne sa tête en tous sens, et l'accouplement se fait. Dans cet acte, la femelle est placée sur le mâle, suivant une coutume qui paraît commune à tons les Orthoptères sauteurs. Lespès a suivi avec une grande pa- tience les manœuvres qui accompagnent le rapprochement des sexes et a découvert que le mâle avait la faculté d'émettre des sperma- tophores ; la forme de ces petits corps est toute particulière, mais nous renverrons le lecteur au mémoire de l'excellent observateur. Huit jours plus tard, la femelle commence à pondre, dans le fond de sa retraite, ses œufs, dont elle dépose une trentaine?» la fois. L'ovaire en contient près de trois cents; avant qu'ils soient tous expulsés, l'accouplement se répèle plusieurs fois. Au bout de quatorze jours envi- ron, les Larves éclosent; elles se tiennent d'a- bord rassemblées et commencent à creuser de petites cachettes tnbuleuses. Après la première mue, elles s'éparpillent davantage sans entre- prendre néanmoins d'expéditions éloignées de leur lieu de naissance; elles cherchent des ca- chettes sous des pierres, et se mettent en quêle de leur nourriture qui consiste en racines, tant que les conditions atmosphériques le per- mettent. Quand la saison devient mauvaise et que l'air devient désagréable à la généralité des Insectes, ces Larves cherchent un coin abrité pour y passer l'hiver; très souvent elles se réunissent trois ou quatre dans une galerie ménagée sous unepierre où tranquillement elles s'engourdissent dans un profond sommeil lé- thargique. Elles conservent leurs quartiers d'hiver pendant une durée très variable. Dans l'année 1867, certainement défavorable aux Insectes, Taschenberg a trouvé, pendant les belles journées ensoleillées de la première quin- zaine d'octobre, des Larves pourvues de rudi- ments d'ailes et d'une courte tarière ; elles n'avaient donc pas encore subi leur dernière mue. Frisch et Rœsel pensent qu'à la qua- trième mue l'In'ecte a fait son évolution com- plète; récemment A'ersin a soutenu que ces Larves subissaient dix mues; d'après toutes les autres observations, ce chiffre paraît beaucoup trop élevé; il est du reste fort difficile de compter les mues, ces Orthoptères ayant l'ha- bitude de manger la peau dont ils viennent de se débarrasser. Dans le cours de l'année nouvelle, les Larves des Grillons continuent à s'accroître; chacune songe alors à se constituer un domaine privé. Aucun de ces Grillons ne passe l'hiver à l'état adulte; une fois les soins de la progéniture finis, leur vie de fainéantise touche à sa fin. Ces Orthoptères sont essentiellement omni- vores, et mangent indifféremment des sub- stances animales et végétales. « J'ai quelque- fois surpris dans mes bocaux, raconte Yersin, un jeune Grillon dévoré par ses confrères au moment de la mue ; ils aiment également Iherbe fraîche et tendre, la farine, le pain, etc. Ils plongent souvent leur bouche dnns l'eau, sans doute pour se désaltérer. » LE ghillox DOMF.sTiQri;. — r.nvLLVS DOHESTICUS. IJeimchen, Hamgi'ille. Ciirnct«Tes. — Le Grillon domestique {Gryl- liift tlo7)iestiriis), plus petit et plus élégant que le précédent, est d'une couleur jaune sale; sa tête et ses pattes sont pins claires, plus jaunâ- tres ; la tète porte une bande transversale brune, au-dessous des antennes, et le corselet deux taches triangulaires de même nuance. Les éiytres d'un jaune sale sont plus courtes LE GRILLON DOMESTIQUE. 4 47 que l'abdomen. Les ailes dépassent les élytres et coiislituent deux lanières. L'Insecte mesure de l?"",»!! 19°"°, o (lig. 641, 642, 643, 644, 645 et 646). Uistribiitiun ^i-of^raphique. — 11 habite toute l'Europe dans les boulangeries et les cuisines. Ilipurs, habitudes, ri^gime. — Pnr leur exislence en commun, par leurs expéditions nocturnes, par leur goût pour toutes les ca- chettes, par leur prédilection pour la chaleur et par leur alimentation, les Grillons domesti- ques, nos Cricris familiers, rappellent les Blattes des cuisines, en compagnie desquelles on les trouve fréquemment dans les boulan- geries, les moulins, les brasseries, les casernes, les hôpitaux et autres endroits analogues. Us assaisonnent quelquefois la maigre soupe des soldats qui les appellent : » les petites écre- visses. » Un de ces Insectes isolé interrompt le silence de la nuit, par son chant mélancolique, sans être trop désagréable; mais un chœur de Grillons peut exaspérer jusqu'au désespoir l'infortuné qui doit les entendre tontes les nuits. Leur cri est produit par les mâles, de la même manière que chez les Grillons des champs ; seu- lement le son est à la fois plus faible et plus élevé en raison de la taille moindre des musi- ciens et du rapprochement plus étroit des crans de la nervure phonogène. « Jamais delà vie, rapporte ïaschenberg, je n'ai eu l'occasion de mieux observer les allures de ces Grillons qu'à l'époque où, encore enfant, j'allais passer chez mes grands-parents les fêtes de la canicule. La sombre cuisine de la maison pastorale de Groszgorschen était une résidence très appréciée de ces Insectes (fig. 641 à 646). Je traversais celte pièce avec ma grand'mère lors- que j'allais me coucher. Des milliers de ces bestioles y grouillaient; quelques-unes n'a- vaient pas encore la taille d'une Mouche do- mestique; il y en avait, du reste, de toutes di- mensions suivant leur âge, depuis les plus petites jusqu'aux plus grandes. Leur chant partait de tous les coins. Par ici, par là, quel- que trou de la muraille se trouvait obturé par une tète épaisse dont les deux longs fils anlen- naires se détachaient sur la pierre noircie par la suie; soudain, l'Insecte rentrait effarouché à l'approche de la lumière. Ailleurs errait un troupeau déjeunes, en quête d'aliminls; leurs expéditions audacieuses se dispersaient brus- quement, trahissant ainsi la pusillanimité na- tive de ces Insectes. Saisir avec les mains un de ces Grillons dispersés était chose impossible. Quand, au milieu d'une masse de ces fuyards, l'un d'eux se faufilait entre mes doigts, le hasard se mettait de la partie, et je le laissais passer inaperçu. Ce qui les sauve le mieux, en pareil cas, c'est plus leur agilité extrême et leur vé- locité que la faculté de sauter qu'ils metlent aussi à profit nalurellement; on reconnaît que leur corps trop gras est peu jiropice aux sauts, et que leurs bonds sont pénibles. 11 y avait un endroit spécial où on les prenait sansdiflicultc; au-dessus de l'Aire était encaissé dans le mur un bassin de cuivre pourvu d'un couvercle en bois fermant mal. Lorsque, pour des soins do- mestiques, on y avait chauffé de l'eau pendant la journée et qu'il en restait des traces sur le fond encore tiède, les Grillons s'assemblaient en masses telles, dans cette cuve, dont ils ne pouvaient sortir aisément, qu'on pouvait les prendre à la main. Je me donnais parfois ce plaisir, et j'enfermais mes prisonniers, pen- dant la nuit, dans un sucrier bien clos. Le len- demain matin, je ne retrouvais que par excep- tion un Grillon sain et sauf; il leur manquait ordinairement des pattes, des antennes, ou dilférentes pièces du corps. Les pattes sau- teuses, qui se trouvent aisément brisées quand ces Insectes sont cnplifs, et d'autres articles avaient disparu en grand nombre. Dans leur voracité et leur colère, ces Grillons, condamnés à une communauté trop étroite et involontaire, s'étaient dévorés entre eux. Si j'avais su alors, ce que j'ai appris depuis, j'aurais pu vérifier moi-même l'assertion de divers auteurs : les Grillons domestiques, ainsi que les Écrevisses, trouvent, dans leur organisme propre, de quoi remplacer leurs articles détériorés partielle- ment ou arrachés en totalité, tant qu'ils n'ont pas subi encore leur dernière mue. « Comme mes allées et venues à travers celte cuisine et mes chasses aux Grillons avaient lieu pendant le mois de juillet, je ne puis, d'a- près ce que j'ai vu alors, contrôler l'assertion des auteurs qui pensent que la ponte de ces Insectes ne se produit qu'au mois de juin et au mois dejuillct. Je suis porté à admettre que ces Orthoptères déposent leurs œufs pendant toute la durée de l'époque où leur chant se fait en- tendre avec vivacité. » L'accouplement se fait de la même manière que chez les (brillons des champs. A l'aide de la tarière, mince et rectiligne, la femelle ins- talle ses œufs allongés dans les balayures, dans les décombres, ou dans quelque teriain meu- 448 LE TAUPE-GRILLON COMMUN. ble au fond de la cachcUe qu'elle s'est creusée. Les Larves éclosent au bout de 10 à 12 jours. Ces Insectes subissent quatre mues, et pas- sent l'hiver à l'état parfait. Après la troisième mue apparaissent des rudiments d'ailes, et, chez les femelles, de courtes tarières. On admet que leur existence entière ne dure pas plus d'une année, et que pendant ce temps les fe- melles effectuent sûrement plusieurs pontes et meurent lorsque les provisions d'ovules sont épuisées dans leurs ovaires. LES TAUPES-GRILLONS — GRYLLOTALPA hic MuulwurfsijriUcn, Gryllotalpincn. Li: T.VUPE-GllILLO>- COMMUN. — GRYLLOT ILPl lULG.irxlS. Gemeinc Maulwwfsgrille. Caractères. — Les nombreuses dénomina- tions telles que : Courtilles, Courtilières, et d'autres encore, par lesquelles le peuple dé- signe en Allemagne et en France le Taupe-gril- lon commun {Gryllotalpa vulgaris), prouvent que l'on se préoccupe de cet Insecte soit en raison des ravages qu'il produit, soit en raison de son aspect étrange qui lui donne l'air d'une caricature de la Taupe. Au point de vue de sa conformation, nous fe- rons remarquer seulement que les » bords », et par conséquent les pointes des ailes postérieu- res, se trouvent derrière la ligne courbe qui des- cend à partir du dos jusqu'entre les appendices abdominaux, que les palpes maxillaires com- posés de cinq articles font saillie en avant en dehors des antennes, et que le vertex présente deux yeux accessoires brillants. A l'exception des yeux, des épines qui hérissent les pattes, des ailes, et delà région dorsale qu'elles recou- vrent, le corps bleuâtre est revêtu d'un feu- trage d'une couleur brun de rouille ;\ reflets soyeux et extrêmement court. La femelle n'a point de tarière et se distingue du mâle par une conformation un peu différente de ses der- niers sternites (flg. 647 et G48). mœurs, habitiifles, rôglme. — Le Taupc- grillon habite de préférence les sols meubles légers ou sablonneux ; il préfère la sécheresse à l'humidité ; on ne le trouve que rarement et isolément dans les terrains dits gras et lourds. Aussi est-il plus répandu dans les contrées basses de l'Allemagne du nord que sur les col- lines et les montagnes du sud, préfère-t-il les cultures maraîchères, les couches appropriées à l'élève des primeurs. Dans les endroits où il s'installe, il est redouté à bon droit; seulement les points de vue diffèrent sur la cause de ses dégâts. L'opinion qui a prévalu jusqu'ici est celle qui considère cet Insecte comme se nour- rmant de racines; elle est infirmée depuis quelque temps par plusieurs observateurs qui l'ont vu choisir pour aliment des Vers, des Larves, et même sa propre progéniture ; d'après eux il ne rongerait que les racines des plantes situées au-dessus de son Nid, et ne causerait de préjudice à la végétation qu'en fouissant et en ameublissant le sol à cet endroit. Ces deux opinions peuvent être vraies l'une et l'autre; les Taupes-grillons, comme d'autres Orthop- tères, peuvent adopter une alimentation vé- gétale, sans faire fi des autres Insectes qui viennent les approcher de trop près. « Ayant réuni un très grand nombre de ces Orthoptères pour des recherches anatomiques, j'en profitai pour étudier le contenu de leur canal alimen- taire, aussitôt qu'ils étaient capturés, pour re- chercher expérimentalement quel pouvait être leur mode d'alimentation favori. A l'autopsie je rencontrai dans toute la longueur de leur tube digestif et surtout dans leur intestin des débris de Fourmis ; pattes, antennes, têtes étaient parfaitement reconnaissables. Quant à ceux que je gardai en captivité, il me fut aisé de les conserver plusieurs semaines dans des vases remplis de terre meuble, en les nourrissant avec des Vers de farine et des Vers de vase sur lesquels ils se précipitaient avec avidité, lors- qu'on les leur présentait au bout d'une pince (Kùnckel). » Comme ils vivent presque uni- quement sous terre, ce sont les Larves sou- terraines qui deviennent leur proie ; mais les racines sont coupées lorsqu'elles les gênent dans leurs explorations. Nordlinger rapporte un exemple frappant de leur voracité vraiment surnaturelle : on voulait tuer avec le tranchant d'une bêche un de ces Insectes trouvé dans un jardin ; mais le coup fut porté de telle façon que l'Animal fut partagé en deux moitiés. Au bout d'un quart d'heure les regards de l'exécuteur tombèrent sur la bête qu'il croyait morte, quelle ne fut pas sa sur- prise de voir la moitié antérieure de l'Insecte en train de manger la moitié postérieure, plus tendre ! Comme tous les Grillons, celui-ci est aussi ex- Iraordinairement farouche etprudent; au moin- LE TAUPE-GRILLON COMMUN. 449 Le ■raiipc--fjiillon. dre bruissement, au moindre ébranlement du sol, au moindre bruit de pas, il rentre soudain dans son trou ; il se blottit immédiatement lorsqu'on l'a fait sortir de terre ou lorsqu'on l'abat pendant les tentatives de vol qu'il entre- prend en vue de ses noces. On ne'saurait dé- signer en effet que sous le nom d'essais l'exer- cice auquel cet Insecte se livre avec ses ailes. 11 existe, au Japon et dans l'archipel indien, une espèce différente, dont le vol parait assez puissant, car O.deMartens raconte qu'elle pé- nètre là-bas, le soir, dans les maisons, en vol- tigeant. L'accouplement se fait dans la seconde quinzaine de juin et dans la première de juillet. Il s'accomplit pendant la nuit et sûre- ment dans quelque cachette ; aussi n'a-t-on pu encore l'observer, de même que chez beau- coup (^'Insectes dont la pudeur pourrait servir d'exemple ;\ nos Animaux domestiques. Les mâles font entendre, tant que le soleil reste au-dessus de l'horizon, un grésillement assez doux qu'on a comparé au bourdonne- ment lointain de l'Engoulevent [Capi-imulgits europœus). Tout de suite après l'accouple- ment, la femelle s'occupe de sa ponte. Pour déposer ses nombreux Œufs, elle aménage un nid confortable, en creusant des galeries con- tournées, en forme d'escargot, au milieu des- quelles elle fait un puils qui s'enfonce à 10 cen- timètres,a environ au-dessous du sol et dont la forme et les dimensions soient à peu près celles d'un œuf de poule. De cette cavité partent, dans diverses direc- tions, quelques galeries superficielles plus ou moins droites d'environ 19 millimètres, o de large ; il existe en outre une galerie qui s'en- fonce verticalement, destinée à servir de retraite RrtKHM. — VII. à la femelle en cas do danger, ou ;\ fournir un écoulement à l'humidité en excès afin que l,i couvée reste i\ sec. Un édifice de ce genre est toujours placé dans un endroit découvert , sans ombrage, bien exposé il rinfiuence de la chaleur solaire ; la terre est rassemblée an- dessus de lui et toute la végétation souter raine y est rongée. Le nombre des OEufs qu'on peut rencontrer dans un nid n'a rien de constant ; on peut l'es- timerà200, en moyenne, maison l'a vu déjà dépasser 300. Un chiffre notablement inférieur au premier, indique que la femelle n'a pas terminé son œuvre, qui s'accomplit en plusieurs fois. Une fois sa tâche remplie, elle ne meurt pas ; elle se tient généralement au voisinage du nid, le corps enfoncé dans une galerie ver- ticale et la tôte dirigée en haut, comme une sentinelle vigilante. Lorsqu'on a dit, à cause de ce fait, que cette femelle « couvait », ou s'est servi d'une expression maladroite capable d'induire en erreur. Ce qui est vrai, c'est qu'elle existe encore au moment où ses petits éclosent, et qu'elle en dévore un bon nombre ; mais il est douteux qu'elle passe l'hiver dans des galeries presque verticales creusées pro- fondément sous terre, et maintenant sa tète dirigée en haut, ainsi qu'on l'a prétendu; on est beaucoup plus disposé à croire qu'elle meuit avant le début de l'hiver. Les œufs gros comme un grain de Chene- vis, d'un jaune verdàtre, à coque résis- tante, d'une forme allongée et légèrement comprimée, reposent pendant environ trois semaines avant que les Larves en sortent. Celte éclosion a lieu généralement à partir du milieu de juillet; pourtant on observe aussi ci et là, à partir de ce moment, des OEufs fraîchement IXSECTES. — .57 450 LE TAUPE-GRILLON COMMUN. pondus. Ratzebiirg, une fois, en trouva encore le 6 août. Ils subissent alors leur première mue, et, de- venus plus vivaces, ils se dispersent. A la fin d'août, c'est-à-dire encore trois ou quatre semaines plus tard, la seconde mue a lieu ; la troisième s'opère à la fin de septembre, et les Insectes acquièrent alors une taille de 20 mil- lim. en moyenne. Peu de temps après leurréveil, au piintemps, ils muent pour la quatrième fois, et acquièrent alors des gaines alaires. A la fin de mai ou bien un peu plus tard apparaît l'Insecte par- fait, qu'on appelle parfois « Écrevisse de terre» en raison des grandes dimensions de son cor- selet. Dans toutes les autres parties du monde, \ivent (les espèces 1res analogues. LES iM:VROPTEKES — NEUROPTEllA Die Nclzflu'jlrr odcr Gittcrfliiijlcr. Caractères. — Linnée, en fondanl cet ordre, y a réuni tous les Insectes dont les ailes sont parcourues par un réseau de nervures plus ou moins serré, et dont l'organisation présente une certaine conformité dans ses points essen- tiels, notaramenl dans la disposition des pièces buccales et l'indépendance relative du premier anneau thoracique. 11 en résulte que certains Insectes dont les ailes portent des nervures ré- ticulées des plus délicates, tels que les Libel- lules ou Demoiselles (fig. 049, C50 et 631) par exemple, et quelques-uns de leurs proches pa- rents, peuvent être rattachés à un autre ordre, parce qu'on ne peut constater chez elles les trois stades principaux d'une évolution com- plète. On ne tarda pas à reconnaître les incon- vénients de ses rapprochements de types dis- parates, et l'on fit de l'ordre entier un groupe de transition en raison des différences qu'of- fraient alors ses éléments constilutifs. Beaucoup d'auteurs cependant ont pensé que les Insectes à ailes réticulées et à Métamor- phoses incomplètes devraient être classés à part, eu égard surtout à l'uniformité de leur conformation interne, et, à l'exemple d'Erich- son, les ont rattachés à l'ordre précédent, c'est- à-dire à l'ordre des Orthoptères, ce qui a l'a- vantage d'établir entre ces deux ordres \me. délimitation plus nette que celle qui existait jusqu'alors et qui reposait, avant tout, sur la structure des ailes. Malgré le bien fondé de cette conception, nous ne saurions dans un ouvrage qui s'adresse ii tous, renoncer à la dénomination ancienne universellement adoptée et nous comprendrons sous le nom de Névroptères tom les Insectes à évolution complète ou incomplète, dont la houclic, quoique souvent peu développée, est disposée en général pour la mastication, dont le pi-olhorax est distinct, et dont les ailes antérieures et postérieures sont semblables et membraneuses. Si l'on ne tenait compte de leur prothorax distinct, caractère souvent peu saillant, les Né- vroptères ressembleraient fort aux Hyménop- tères; on ne confond cependant pas ces deux ordres facilement. Les Névroptères sont tous des Insectes élancés et d'une consistance plus délicate; aucune espèce de ce groupe n'est re- vêtue d'une couche de chitine aussi dure que celle des Hyménoptères les plus petits Ils ont encore un point commun, c'est le développe- ment des pièces buccales; leur bouche est dis- posée pour la mastication, bien qu'elle soit parfois trop faible pour mordre. Les ailes pour- vues d'un nombre plus ou moins considérable de cellules ou aréoles, sont généralement allongées; elles sont presque égales entre elles, et constituent, avec la conformation du thorax, un signe difTérentiel très net qui empêchera de confondre ces deux ordres. Un œil peu exercé confondrait plutôt avec les Papillons certains Névroptères dont les ailes paraissent revêtues de poils bariolés. Mais, alors même que les pièces buccales se trouveraient atrophiées, il ne serait pas besoin d'une grande perspicacité pour éta- blir une difTérence essentielle entre un Névrop- tère et un Microlépidoptère : la conformation du thorax ne pourrait laisser aucun doute. Il est plus difficile de distinguer cet ordre du précédent, lorsqu'on a affaire aux Insectes par- faits, carie caractère principal qui rattache ces ordres est fourni par leur mode d'évolution. C'est l'évolution incomplète des Termites, des Libellules, des Ephémères, qui établit une déli- mitation nette entre les Orlfioptèi'es Pseudoné- vroptères et les Névroptères propi-emenl dits, réduits aux types à Métamorphoses complètes, c'est-à-dire aux Sialis, aux Panorpa, aux Heme- rohius, aux Myrmecoleo, aux Phryganea. Dislributioii sîosrapliique. — Cet Ordre est le moins nombreux; il embrasse quelques milliers d'espèces réparties sur le globe entier. On sait qu'un grand nombre de leurs repré- sentants existait aux époques géologiques les 452 LES ÏERMITIDES. plus reculées ; les empreintes sont assez rares | lure peu résistante de ces Insectes; on en parmi les couches les plus anciennes, ce qui rencontre, en revanche, assez souvent dans ne saurait surprendre en raison de la contex- I l'ambie et dans les terrains tertiaires (1). LES PSEUDO-NÉVROPTÈKES LES TliKMlTlDES — TERMITW.E Die Tertniten. — L'ni/liiclishafte. Les Termites {Tennitidx) méritent à bon droit la dénomination de u Fourmis blanches », car ils vivent en sociétés plus nombreuses encore que celles des Fourmis; ils habitent un Nid commun et bâtissent eux-mêmes leurs ré- sidences; on trouve, dans leurs colonies, à côté d Insectes ailés aptes à la procréation, des Ter- mites aptères et inféconds. Mais ils diffèrent des Fourmis et de tous les autres Hyménop- tères sociaux, par leur forme et par leur évo- lution. Malheureusement nos connaissances sont encore bien incomplètes au sujet de ces intéressants habitants des pays chauds, malgré les descriptions des voyageurs anciens tels que Konig, Smeathman, Savage, Saint-Hilairc, etc., et malgré les communications récentes des Lespès, des Bâtes, des Fritsch, des Fritz Millier et de bien d'autres qui sont allés étudier ces Insectes sur place. Les contrées inhospitalières, où vivent ces Termites, sont peu propices à des observations minutieuses; leur mode d'exis- tence est toujours très dissimulé, et leur étude est d'autant plus difficile que dans un même lieu se présentent diverses espèces dont cha- cune offre souvent plusieurs formes différentes. En raison de ces diflicultés, en raison aussi de la diversité de leurs mœurs, nous ne pouvons donner ici qu'un aperçu général. Caractères. — Ainsi quc le montrent les ligures, les Termites ont un corps ovoïde, al- longé, d'une largeur à peu près constante, un peu déprimé en haut et plus bombé inférieure- ment; la tête, libre, oblique ou verticale et di- rigée en bas ainsi que le thorax qui occupe environ la moitié de la longueur du corps; les (1) Voy. h.trudurtion, p. CU et suiv. tarses ont quatre articles; les ailes, lorsqu'elles existent, sont toutes les quatre de même lar- geur, longues et pendantes, et portent à leur base une suture transversale. Elles sont par- courues par quatre nervures longitudinales qui émettent des branches oblitjues, parallèles en- tre elles, ou simplement bifurquées. La tête, relativement petite, bombée en haut, aplatie inférieuiement, présente une conforma- tion variable suivant l'espèce; mais la partie si- tuée en arrière des yeux est toujours plus grande cL de forme semi-ciiculaire; une suture longi- tudinale plus ou moins nette, bifurquée au ni- veau du vertex, la divise en trois régions pres- que semblables. Les yeux, généralement grands, sont saillants et se trouvent limités, en dedans, chacun par un ocelle; il n'y a jamais plus de deux de ces ocelles ; les genres Termopsis et Ho- dotennes n'en ont point. Immédiatement au de- vant des yeux composés, s'élèvent des anten- nes moniliformes formées de treize à vingt ou vingt et un articles, dont la longueur dépasse tout au plus celle de la tête. Les pièces bucca- les, très développées, comprennent : une lèvre supérieure, variable, souvent en forme de conque ; des mandibules dont la pointe est mousse et dont le bord interne est armé de 4 à 6 dénis, une paire de mâchoires inférieure, et une lèvre inférieure. Chaque mâchoire se compose d'un lobe interne terminé par deux dents, d'un lobe externe plus élevé et recourbé en forme de sabre, enfin de palpes à cinq ar- ticles ; la lèvre présente quatre lobes que les palpes labiaux, formés de 3 articles, dépassent peu. Les trois segments thoraciques sont d'égale grandeur, très larges, et revêtus d'une couche LES TERMITES. 453 de chiline lisse, un peu saillante sur les côtés; le premier ou prolhorax se distingue un peu des autres et fournit de bons signes pour dis- cerner les espèces. Les pattes sont élancées, mais fortes, et celles d'une m'ôme paire sont en contact au niveau des hanches. On compte, ù l'abdomen dix anneaux sur la face dorsale, et neuf seulement sur la face ven- trale. Au repos, les ailes, croisées l'une sur l'autre, reposent sur l'abdomen qu'elles dépas- sent. La coloration des Termites est simple, et rè- ,^ne en général assez uniformément sur toutes les parties d'un même être. Le brun passe par toutes les teintes intermédiaires entre le noir, d'une part, et le jaune, d'autre part. La colo- ration des individus varie dans une môme es- pèce, suivant les âges; elle prend le ton de l'ivoire vieilli chez ceux qui viennent d'éclore. Un dislingue les sexes d'après leurs arceaux ventraux : chez les mâles, les six premiers sont d'égale longueur, et les deux suivants bien plus courts ; chez les femelles, les cinq premiers sont égaux, le sixième est plus grand et de forme variable selon l'espèce, les deux suivants sont atrophiés; dans les deux sexes, le neu- vième paraît atrophié et divisé. Les Larves, d'où naissent les Insectes par- faits que nous venons de décrire, sont d'abord des êtres petits, mous, très velus, dont les di- verses parties, à peine distinctes, paraissent quelque peu fusionnées ; leurs yeux ne sont pas encore visibles, leurs antennes sont plus cour- tes, et l'on ne rencontre pas trace d'ailes. Après plusieurs mues, celles-ci apparaissent peu à peu; les téguments deviennent plus transparents, mais leur peu de consistance dé- montre que l'évolution n'est pas terminée. En- fin, les ailes pendent le long des côtés du coips et s'étendent au niveau du sixième anneau ; la Nymphe se trouve ainsi formée, et l'Insecte se prépare à achever son développement. On désigne sous les noms de Rois et de Rei- nes, tous ceux d'entre les Termites qui sont chargés de la procréation ; ce sont des mâles et des femelles dont l'accouplement s'est fait de diverses manières et dont les ailes sont tom- bées; souvent l'abdomen de la femelle se dé- forme et se gonfle à tel point que son thorax semble disparaître par rapport à son ventre qui ressemble à un sac énorme : plus complètement encore que chez un Tiquet de Chien gorgé de sang. Ce gonflement résulte de l'accroissement et de la distension des membranes intermé' diaires ; car les plaques chitineuses elles-mêmes ne se modifient pas; elles apparaissent, fort écartées, sous l'aspect de taches sombres, épar- ses sur ce sac blanc-jaunâtre bondé d'œufs, et rappellent un peu les yeux d'où naissent les bourgeons sur les tubercules de Pommes de terre. On ne connaît les Reines que chez un très petit nombre d'espèces. A côté de ces deux formes que nous venons d'indiquer, on rencontre dans chaque nid des individus beaucoup plus nombreux, qu'on dé- signe sous les noms d'0Mt'?7'e?'s et ûe Soldais; ils sont aptères tous les deux, et se distinguent principalement par leur taille et par la confor- mation de leur tête. VOuvrier, entièrement développé, possède à peu de chose près la taille des individus ailés ; toutefois, son thorax moins développé lui donne une longueur un peu moindre ; sa tête, presque verticale, qui chez la plupart des espèces ne porte pas d'yeux, est un peu plus bombée; le reste du corps est conformé comme chez les Insectes sexués; seul, le thorax diffère actuellement parce qu'il ne doit porter d'ailes à aucune époque : son anneau antérieur est 1res étroit, et les deux suivants ne sauraient être distingués des articles abdominaux. Les recherches anatomiques de Lespès lui ont dévoilé des rudiments d'organes mâles chez les uns et femelles chez les autres. Avant la première mue, on ne saurait distin- guer les Termites ouvriers de ceux dont les organes sexuels doivent atteindre leur déve- loppement, mais les mues successives permet- tent de reconnaître peu à peu les Ouvriers, d'après la disposition de leur tête et la confor- mation de leur thorax. Les Sùld'its se rapprochent des Otturiers par la forme plus grande et plus élargie de leur tête. Celle-ci occupe souvent la moitié de la longueur du corps; la disposition de ses con- tours et de sa superficie varie d'ailleurs suivant l'espèce. Chez toutes, les mandibules émergent au dehors d'un air menaçant; elles atteignent le tiers de la longueur de l'Insecte, et parfois elles sont plus longues que la tête entière; en revanche la mâchoire et la lèvre inférieures sont presque atrophiées. Chez les SoUals éga- lement, Lespès a trouvé des rudiments des organes reproducteurs des deux sexes. Ce n'est qu'à la seconde mue, qu'on peut distinguer entre eux les Soldats et les Ouvriers. — Hagen mentionne une forme de plus chez le genre Eutermes; il a donné le nom de Porle-nez {nasuti) h ces créatures fabuleuses dun' la lèlc LES TERMITES. s'étire en avant en l'orme de nez, et qui, d'après les autres détails de leur conformation, doivent être rattachées à l'une des formes désignées plus haut. Les œufs ont une forme cylindrique, parfois incurvée, arrondie aux extrémités, et présen- tent des dimensions variables chez une seule et même espèce. *r,pans toute Termitière (1), on trouve à la fois des Larves, des Nymphes et des Insectes par- faits accompagnés d'un nombre immense de neutres. Chez les Abeilles et les Fourmis ce sont ces derniers qui jouent le rôle d'ouvrières ; chez les Termites, ils remplissent les fonctions de soldats et sont exclusivement chargés de veiller à la sûreté commune, ainsi qu'au main- tien du bon ordre. Les Larves et les Nymphes, au lieu d'attendre dans une oisiveté complète le temps marqué pour leurs Métamorphoses, s'acquittent de tous les travaux. Ce sont elles qui élèvent les édifices, creusent les mines, amassent les provisions, entourent la mère commune, reçoivent et soignent les œufs. Quoique chargées des fonctions les plus pé- nibles, elles ont la plus petite taille. Les Ouvriers des Termites belliqueux, la plus grande des espèces observées par Smealhman, n'ont guère que 5 millimètres de long et cinq d'entre eux pèsent à peine 1 milligramme. Ils ne sont donc guère plus grands que nos Fourmis, aux- quelles ils ressemblent assez pour qu'on leur ait longtemps donné le même nom. Leur corps entier est d'une délicatesse telle qu'ils sont broyés au moindre froissement, mais leur tête porte des mandibules dentelées et d'une corne assez solide pour attaquer les corps les plus durs, à l'excepiion des métaux ou des pierres. Les Soldats ont environ le double de longueur et pèsent autant que quinze Ouvriers. Cet excès de poids est dû à leur énorme tête cor- née, beaucoup plus grosse que le corps et armée de pinces aiguës, véritable armure of- fensive qui ne saurait servir au travail. Enfin l'Insecte parfait atteint jusqu'à 18 millimètres de long, il pèse autant que trente travailleurs, et les quatre ailes qu'il reçoit pour quelques heures seulement ont près de 50 millimètres d'envergure. Nous verrons plus loin quelles singulières modifications semblent en outre imposées aux femelles par la nature même du rôle qu'elles sont appelées à remplir. Distribution goograpliiqiic. — Des diverses (I) De Quatrefage", Suiioenirs d'un Notiiralixte, t. II, p. SIS. espèces de Termites décrites par les Natura- listes, deux seulement paraissent appartenir fi l'Europe. Toutes deux sont exclusivement mi- neuses, et leurs Nids, difficiles à découvrir, n'ont pu être étudiés comme ceux de leurs con- génères, qui élèvent des édifices au-dessus du sol. Par la même raison, leurs habitudes d'inté- rieur sont assez peu connues; mais il n'est que trop facile de constater chez nos Termites indi- gènes les instincts dévastateurs de leurs frères africains, asiatiques, océaniens et américains. Slupurs, Imbitiides, rég-ime. — « Les mœurs singulières de ces Insectes, mœurs qui les rendent si redoutables, ont donné lieu à bien des fables (I). Peut-être faut-il voir des Ter- mites dans ces Fourmis, qui, au dire d'Héro- dote , habitaient le pays des Bactriens, et qui, plus petites qu'un Chien, mais plus grandes qu'un Renard, mangeaient une livre de viande par jour. Retirés dans des déserts de sable, ces Insectes gigantesques se creusaient, di- sait-on, des demeures souterraines et soule- vaient des collines de sable d'or que les Ly- diens venaient enlever au péril de leur vie. Selon son habitude , Pline renchérit encore sur cette histoire merveilleuse, et ajoute qu'on voyait dans le temple d'Hercule des cornes de ces Fourmis. Presque de nos jours encore, et lorsque les Termites étaient déjà passable- ment connus, quelques voyageurs ont eu de la peine à se contenter des faits, bien assez cu- rieux par eux-mêmes. Ils ont attribué à ces Insectes un venin tellement actif, qu'il suf- fisait, pour s'empoisonner, d'en respirer les émanations, et qu'une seule morsure allu- mait une fièvre mortelle. Un Naturaliste an- glais, Smeathmaii a fait complètement justice de ces contes et nous a appris, sur les espèces exotiques, des vérités non moins étranges que les erreurs propagées par ses devanciers. C'est là du reste un résultat qui s'est reproduit bien souvent. En fait de merveilleux, la nature dé- passe presque toujours ce qu'a rêvé l'esprit humain ». A l'égard du mode d'existence de Termites, ilest aujourd'hui établi d'une manière générale, que des Insectes sexués {Bois et Reines) et des Insectes inféconds {Ouvriers et Soldats) consti- tuent un véritable État, dont le siège, indépen- damment de sa forme et de sa disposition, est désigné sous le nom de « Nid ». Les deux der- nières castes sont représentées dans chaque (I) A. de Quatrefages , Souvenirs d'un Naluralist;. Paris, 185i, tome H. p. 377. LES T EH MITES. 133 nid, à divers ûgcs ; il y exisle une Heine, pour le moins, bien qu'on ne réussisse pas toujours à la trouver ; on n'y rencontre des mâles et des femelles ailés que de temps en temps, au dé- but de l'époque des pluies, paraît-il. Dès que ces derniers ont achevé leur développement, et que le Nid commence à se trouver bondé, l'essaimage et l'accouplement ont lieu, de môme que chez les Fourmis, soit dans l'air, soit sur le sol après que les Insectes se sont rejoints et se sont arraché leurs ailes au niveau de leurs sutures transversales. Baies, qui a étudié leur essaimage dans les régions del'Ama- /.(jue, raconte qu'il a lieu le matin par un ciel couvert, ou le soir par les temps troubles et liumides. Dans ce dernier cas, les lumières des habitations exercent une attraction remarqua- ble surles Termites, comme d'ailleurs sur tous les Insectes qui volent le soir. Ils se précipi- tent par myriades, au travers des portes et des fenêtres, remplissent les airs du bruit assour- dissant produit par le battement de leurs ailes et lînissent même par éteindre les lampes. Rengger(l) raconte l'impression étrange que lui fit une « colonne » de Termites qui s'élevait du sol et qui, au milieu des rayons de soleil, semblait ôlre formée de feuilles d'argent. Cl. Fritsch, qui séjourna trois ans dans l'A- IVique méridionale, décrit le « vol des mâles » qu'il a seuls observés. « Us s'élèvent, dit-il, vers le soir, au-dessus de leurs constructions, en foule épaisse; et c'est un coup d'œil fantas- tique de voir dans le crépuscule ces nuages blanchâtres dont les contours se perdent sans cesse, et qui sont formés d'Insectes dansant enlre les branches enchevêtrées de quelque arbre déraciné. Du reste, ce sont de faibles voi- liers, qui ne demeurent pas longtemps suspen- dus dans l'espace, leurs ailes fragiles et longues ne le leur permettant pas. Mais si l'on décou- vre un mâle ailé au dehors de sa construction et si l'on cherche à le capturer, il s'efforce visi- blement, à l'aide de tortillements et de contor- sions, de vaincre la résistance qu'on lui oppose pour pouvoir prendre son vol librement. » On voit donc qu'au point du vol, les espèces diverses ont des habitudes différentes. Il y en a peu qui, tout en célébrant leurs noces farou- ches, échappent aux ennemis innombrables qui se jettent avec avidité sur eux (Fourmis, Arai- gnées, Lézards, Crapauds, Chauves-souris, En- goulevents). Heureux ceux qui échappent à (Il PiiMiKïnr, fi<';sc ih-fli Pinni/iioi/y \:\r3n. ls:i.'i. leurs ennemis, ils deviennent les Rois et les Reines de quelque nouvelle colonie, et, favo- risés par le sort, ils prennent en mainte pou- voir suprême sur les ouvriers d'abord rares qui viennent coopérer â la fondation du nid futur. Le mâle conliuue-t-il à vivre, et le nid se liouve-t-il par suite habité par un roi? C'est là un point qui n'est pas encore éclairci ; aussi, peut-on supposer aujourd'hui que, dansl'I^tat de ces Termites, la fécondation se répète. Ce sont les Ouvriers et les Soldats, peut-être aussi leurs Larves arrivéesau terme de leur ac- croissement, qui s'évertuent à rassembler la nourriture de ceux qui ne sauraient la quérir eux-mêmes ; ce sont eux qui portent les œufs dans les diverses chambres du Nid, qui répa- rent les dégâts, qui préparent une issue aux es- saims, et qui rendent encore à l'Etat une foule de services analogues. Pour leurs travaux, ils quittent le nid, mais généralement ils n'appa- raissent pas au jour ; ils établissent des chemins couverts, et font leurs principales construc- tions la nuit. " Toutes les espèces de Termites (1) sont mi- neuses; la plupart sont en outre architectes. Il en est qui bâtissent leur Nid sur les arbres au- tour de quelque gross'e branche que ces Insectes constructeurs savent fort bien respecter. Ces Nids ont parfois la grosseur d'une barrique à su- cre, et, quoique offrant une large prise aux oura- gans des tropiques, quoique composés unique ment de petites parcelles de bois collées à l'aide des gommes du pays et des sucs fournis par les Ouvriers eux-mêmes, ils ne sont jamais arra- chés. Ces espèces à vie presque aérienne, sont en petit nombre. La plupart construisent, au- dessus de leurs galeries souterraines, des édi- fices qui renferment leurs magasins et leurs couvoirs. Le Termite atroce et le Termite mor- dant élèvent ainsi de véritables colonnes sur- montées d'un toit ou dôme qui déborde de tous côtés. Ces colonnes ont de 70 à 73 centi- mètres de hauteur sur environ 10 centimètres de diamètre. Elles sont construites en entier avec une sorte d'argile qui, pétrie par les Ter- mites, acquiert une dureté extraordinaire. On renverse une de ces colonnes en l'arrachant de ses fondements plutôt que de la rompre par le milieu. L'intérieur en est creux, ou plutôt entièrement farci de cellules assez irrégulières qui servent de logements. Si le nombre des habitants augmente, une nouvelle colonne (I I De Oiialrcfnïr.s. kir. ri/. 4.-0 LES TERMITES. s'élève à côlédela première, et ainsi de suite, de sorte que le nid d'une des deux espèces que je viens de nommer ne ressemble pas mal à un groupe de Champignons monstrueux. » L'architecture des Termites présente les plus grandes variétés. Quelques-uns de ces In- sectes, notamment les Termites guerriers {Ter- mes bellicosiis), établissent des constructions qui sont depuis longtemps connues et qui jouissent d'une certaine renommée. Très répandus en Afrique, ils ont été l'objet de nombreux récits, dont les plus intéressants sont ceux de Smea- thman et de Savage. Leurs constructions consistent en tumulus inégaux hérissés de nombreuses saillies , et qu'on ne saurait mieux comparer qu'à des meules de foin (PI. XI) ; elles sont surtout nom- breuses sur les terrains accidentés où se trou- vent des débris de bois en décomposition , propices à ce genre de travaux. Les tertres, abîmés par des pluies trop fortes, ou endom- magés, au voisinage de villes, par le piétine- ment des enfantsqui sont venus jouerau-dessus d'eux, sont délaissés par les Termites. Mais lorsqu'on voit s'élever des saillies en forme de pointes ou de tourelles, analogues à celles qui marquent le début d'un de ces Nids, on peut être certain que cet état se trouve encore en pleine voie d'accroissement. Les tourelles s'é- lèvent les unes à côté des autres, puis les inter- valles sont comblés. Chacune contient une cavité; c'est tantôt un chemin couvert qui sert d'accès à l'intérieur du tertre, tantôt l'exti émité d'une route qui relie entre eux divers inter- valles. Un de ces tertres en forme de meule de foin atteint, lorsqu'il a tout son développement, une hauteur verticale de 3'", 76 à 5 mètres et le périmètre de sa base mesure de lo",? à 18'", 33. Les matériaux de construction sont empruntés principalement à l'argile dont la coloration varie suivant la nature du terrain, et qui se trouve agglutinée par les Insectes; le sable ne convient guère ;'i ce genre d'édifices parce qu'il n'est guère susceptible d'une liai- son durable. D'après de nombreux observa- teurs, dont les récits concordent tous, la soli- dité de certains tertres argileux est telle qu'ils pourraient supporter un poids d'hommes ou de bestiaux plus nombreux que leur surface n'en pourrait contenir. Trois hommes ont mis deux heures et demie à ouvrir entièrement un de ces tertres. Cette résistance les protège contre les dégâts que produisent les pluies extrêmement violentes de ces contrées et les | chutes d'arbres qui en résultent souvent. Si l'on supprime les herbes et les broussailles autour du tertre, on voit se développer bientôt des chemins couverts ou des galeries d'argile qui vont aboutir aux troncs d'arbres et aux souches les plus proches. Ces chemins ont parfois 31 centimètres de diamètre, et se rétré- cissent graduellement pour se ramifier aux extrémités. Lorsqu'on coupe cette commu- nication avec le tertre, on aperçoit de nom- breuses cavités donnant accès à des chemins inclinés qui se dirigent vers le Nid, et qui s'ouvrent dans les espaces libres soutenus par des piliers à la base du tertre. Les piliers, qui supportent un certain nombre de voûtes, soutiennent les diverses cellules, les résidences royales, et les autres logements intérieurs. Le tertre est entouré d'un rempart argileux, de 15"", 7 à 47 centim. d'épaisseur, et contient des cellules, des cavernes et des galeries reliées ensemble, ou s'élevant de la base jusqu'au sommet pour établir une communication avec l'espace intérieur du dôme. C'est en bas, dans la base de l'édifice, à une hauteur de 31 à 62"", 8 au-dessus du niveau du sol, que se trouve la résidence royale ; elle est environnée, i\ l'intérieur du tertre, d'autres logements con- tenant des OEufs et des Larves de taille variable suivant leur stade d'évolution. « Pourvoir les Termites déployer tout ce que le ciel leur a départi d'industiie, dit M. A. de Quatrefages (1), il faut visiter et démolir pièce h pièce, comme l'a fait Smeathman, un Nid de Termites belliqueux. Quand une colonie de ces derniers s'établit au milieu d'une plaine, on voit d'abord paraître et grandir rapidement une ou deux tourelles coniques, qui bientôt se multiplient et atteignent jusqu'à une hau- teur de cinq pieds. L'étendue du sol occupé par ces édifices provisoires annonce celle des travaux souterrains. Peu à peu le diamètre de ces tourelles augmente; leur base s'élargit: en peu de temps, elles se touchent et se soudent l'une à l'autre ; les vides qui les séparaient disparaissent alors promptement, et en moins d'une année le Nid présente au dehors l'aspect d'un monticule irrégulièrement conique, à sommet arrondi en forme de dôme, portant sur ses flancs un nombre variable d'éminences allongées, et ayant jusqu'à 5 ou 6 mètres de diamètre à la base sur à peu près autant de hauteur. ( I ) A . dp Quatrefages, Souvenirs d'un Naturnlhl'', p. 381 . LES TERMITES. 457 jouvencelle. l-'iy. Oi'J à 6S1. — Névrojitères (d'après nature). 1,1'age loi.) « Si, tenant compte de la dillérence de taille des architectes, nous comparons aux monti- cules construits par ces Insectes les plus gigan- tesques monuments élevés par la main de l'homme, le résultat est fait pour nous humi- lier profondément. La pyramide de Chéops avait au moment de sa construction et avant tout ensablement, 146™, 20 de hauteur. Elle avait par conséquent à peu près quatre-vingt- onze fois la hauteur d'un homme, en prenant pour taille moyenne l'°,60. Or, d'après ce que nous avons dit des dimensions des Termites et de leurs monticules, ces derniers ont en hau- teur environ mille fois la longueur des Insectes qui les construisent. Ainsi, toute proportion gardée, un nid de Termites est onze fois plus élevé que le plus haut de nos monuments. Pour être seulement son égale, la pyramide devrait s'élever à plus de 1 ,(iOO mètres au-dessus du sol et dépasser la hauteur du Puy-de-Dôme. Bkeum. — Vil. « Ces montagnes artilicielles sont d'une soli- dité à toute épreuve. Pendant qu'elles sont encore en construction, et que leur dôme arrondi est encore accessible aux Bœufs sau- vages, on voit souvent la sentinelle de quelque troupeau debout sur le sommet. Smeathman, Jobson et autres voyageurs montaient habi- tuellement sur ces Termitières pour dominer le pays, ou s'embusquaient parmi les tourelles qui les hérissent pour attendre le gibier au passage ; et cependant, comme les colonnes dont nous parlions tout à l'heure, ces monticules sont creux. Placés au centre du terrain qu'exploite chaque colonie, ils en sont pour ainsi dire la capitale, et, comme nos grandes cités, ils ont leurs rues et leurs places publiques où circule sans cesse une population innombra- ble, leurs magasins toujours combles de pro- visions, les hôpitaux des enfants trouvés où les générations nouvelles s'élèvent par les soins Insectes. — 38 45S LES TERMITES. de la communauté, et leur palais de souverains qui sont bien en réalité les pères et mères de leurs s-ujets. « Que mes lecteurs consultent avec moi la curieuse planche où l'auteur anglais a figuré un de ces monticules coupé par le milieu. Voici d'abord des parois presque aussi dures que de la brique et épaisses de 60 à 80 centi- mètres. Des galeries plus ou moins cylindri- ques sont percées dans ces murailles et aug- mentent de diamètre vers la base, où les plus grandes atteignent jusqu'à 35 centimètres de large et s'enfoncent sous la terre à près de un mètre et demi de profondeur. Ces dernières sont à la fois des carrières et des déversoirs. Ce sont elles qui ont fourni les matériaux de l'édifice, et en cas d'inondation elles recevraient et perdraient profondément d;ins le sol l'eau, qui ne peut atteindre ainsi les quartiers po- puleux. Les autres galeries, qui serpentent obliquement en tous sens, s'embranchent les unes sur les autres, et arrivant jusqu'au dôme et dans les moindres tourelles, sont autant de routes servant uniquement au passage des travailleurs occupés de maçonnerie. Cet en- semble n'est pas encore la ville ; il n'en est pour ainsi dire que le rempart, ou, pour em- ployer une image moins noble mais plus exacle, il est la croûte d'un pâté dont les habitations représentent l'intérieur. « Le pâle n'est pas plein, sous le dôme se trouve un grand espace libre, occupant la lar- geur entière du monticule. La hauteur de cette espèce de comble égale ù peu près le tiers de la hauteur totale. Le plancher en est plat et sans aucune ouverture. Quelques-unes des galeries percées dans l'enveloppe générale s'ouvrent à son niveau ; d'autres débouchent à des hauteurs diverses, et sont continuées par des rampes en relief appliquées contre le mur comme les escaliers placés ;\ l'intérieur de la coupole du Panthéon. Ce sont autant d'échafaudages qui permettent aux travailleurs d'atteindre à toutes les parties de la voùle. Quant au comble lui-môme, il joue le rôle d'un double fond, d'une chambre à air dont on comprend sans peine l'utilité sous ce ciel brûlant, où les nuits sont si fraîches. Il entretient dans l'édifice entier une température plus égale, et garantit surtout des variations journalières les couvoirs placés au-dessous. '. Nous avons visité les murs, les caves et les combles de l'édifice; pénétrons maintenant dans les apparlemeuls. Au niveau du sol, au centre du rez-de-chaussée, est le palais des souverains, dont nous ferons tout à l'heure l'histoire. Ce palais est une grande cellule oblongue à fond plat, à voûte arrondie, qui dans les vieilles termitières, a jusqu'à 25 centi- mètres de long. Les parois en sont très épaisses, surtout dans le bas, et percées de portes et de fenêtres rondes régulièrement espacées. Tout autour de ce sanctuaire sur un espace de plus de 3i centimètres en tous sens, s'étend un véritable dédale de chambres voûtées, toujours rondes ou ovales, donnant l'une dans l'autre ou communiquant par de larges corridors. Ce sont les salles de services exclusivement réservées aux travailleurs et aux soldats occupés du couple royal. Sur les côtés s'élèvent jus- qu'au plancher du comble, les magasins ados- sés aux murs de l'enveloppe générale. Ce sont de grandes chambres irrégulières, toujours remplies de gommes et de sucs, de plantes solidifiées réduites en particules si ténues, que le microscope seul permet d'en reconnaître la véritable nature. Des galeries et de petites chambres vides relient entre elles toutes ces chambres pleines et assurent le service. » La cellule royale et ses dépendances sont protégées par une voûte épaisse, dont le des- sus sert de plancher à un grand espace libre ménagé au centre du monticule. Sur celle es- pèce d'aire s'élèvent des piliers massifs, hauts quelquefois de plus de 1 mètre, qui donnent à celle vaste salle un air de nef de cathédrale et qui supportent les couvoirs. Ceux-ci diffèrent, du reste, de l'édifice aulanlpar leur structure que par leur destination. Partout ailleurs l'ar- gile est seule mise en œuvre, et c'est encore elle qui forme en quelque sorte la carcasse de la nourricerie; mais ici les grandes chambres où doivent éclore les OEufs et se tenir les très jeunes Larves sont refendues en un grand nombre de petites cellules, dont les cloisons sont entière- ment construites en parcelles de bois collées avec de la gomme. On trouve de ces couvoirs de toutes dimensions, et quelques-uns sont aussi gros qu'une têle d'enfant. Tous sont entourés d'une coque de brique, aérés par les portes qui donnent dans les galeries ou corridors de com- munication ; et placés comme ils le sont, entre le grand vide du comble et la nef dont nous avons parlé tout à l'heure, ils réunissent toutes les conditions désirables d'égalité de tempéra- ture et de ventilation. « Revenons maintenant à la cellule royale, et brisons-en l'enveloppe. Elle renferme toujours LKS TKHMITK?. 459 nn couple unique, objet des soins les plus em- pressés, mais qui achèlc sa grandeur au prix d'une réclusion perpéluelle, car les portes et les fenôtres du palais, suflisantes pour laisser [lasser un Ouvrier ou un Soldat, sont trop étroites pour livrer passage au roi et plus en- core à la reine. Celle-ci, toujours au centre de la chambre princière et reposant ù plat, frappe tout d'abord les yeux de l'observateur. Qu'elle ressemble peu ;\ ce gracieux Insecte aux fines ailes, à la taille svelte, qui n'avait que trois (lu quatre fois la longueur et trente fois le poids d'un ouvrier! Ses ailes ont disparu; la tôle et le corselet sont restés à peu près les mêmes; l'abdomen, au contraire, a pris un développement monstrueux, et tend ;\ s'accroî- tre sans cesse. Dans une vieille femelle, il est deux mille fois plus grand que le reste du corps, et atteint jusqu'à Li centimètres de long. Cette femelle pèse alors autant que trente mille Ou- vriers, et, grâce à cette obésité exagérée, les précautions prises pour prévenir la fuite sont parfaitement inutiles, car elle ne peut faire un seul pas. Quant au mâle, il a aussi perdu ses ailes, mais n'a d'ailleurs changé ni de dimen- sions ni de formes. Toutefois il use peu de sa faculté de locomotion, et, tapi d'ordinaire sous un des côtés du vaste abdomen de sa com- pagne, il se borne à remplir les fonctions de mari de la Reine. » Les Soldats et les travailleurs ont l'air de faire assez peu d'attention au Roi ; mais ils sont fort occupés de la Reine. L'espace laissé libre autour de celle-ci est constamment rem- pli par quelques milliers de serviteurs empres- sés qui circulent autour d'elle en tournant tou- jours dans le même sens. Les uns lui donnent à manger, d'autres enlèvent les OKufs qu'elle ne cesse de pondre ; car ici, comme chez les Abeilles, cette Reine est avant tout la mère de ses sujets. Seulement, chez les Termites sa fé- condité est vraiment merveilleuse, et n'élait l'immensité du nombre des travailleurs que suppose l'accomplissement des travaux exécu- tés par une seule colonie, il serait difficile de croire aux détails que Smeathman assure avoir plusieurs fois vérifiés. Cet abdomen monstrueux semble n'ôtre qu'un vaste ovaire dont les branches multipliées renferment un si grand nombre de germes en voie de dévelop- pement, qu'il s'en trouve toujours un de mûr. A travers les téguments amincis et devenus transparents, on voit ces canaux sans cesse animés de mouvements de contraction, tan- tôt sur un point, tantôt sur un autre. Grlce ;\ ce mécanisme, le Termite femelle, sans môme s'en apercevoir peut èlre, pond au delà de soi- xanle Olùifs par minute, c'est-à-dire plus de quatre-vingt mille par jour, et Smeathmann est porté à croire que cette ponte prodigieuse dure toute l'année avec la même activité. « Ces myriades d'OEufs, promptement re- cueillis, sont portées dans les couvoirs, et il en sort bientôt autant de Larves semblables aux Ouvriers, mais beaucoup plus petites et d'un blanc de neige. Ces Larves habitent encore pen- dant quelque temps les chambres oîi elles sont nées. Elles y sont l'objet des soins attentifs, et les murs mômes qui les abritent semblent se changer en plates-bandes pour les nourrir. Grâce à la chaleur humide qui règne sans cesse au centre de la Termitière, les cloisons de bois et de gomme qui forment les couvoirs se cou- vrent de Champignons microscopiques assez semblables à nos Mousserons, et les jeunes Termites trouvent dans ces moisissures un ali- ment approprié à leurs premiers besoins. Ils subissent sans doute une première Métamor- phose et revotent la forme d'Ouvriers actifs ou de Soldats. Les premiers seuls parviennent à l'étal d'Insectes parfaits. Vers la saison des pluies, il leur pousse des ailes, et par quelque soirée d'orage, mâles et femelles sortent par millions de leurs retraites souterraines; mais leur vie aérienne est de courte durée. Au bout de quelques heures, les ailes se flétrissent et se détachent. Dès le lendemain, la terre est jonchée de ces malheureux, et désormais inca- pables de fuir, ils sont la proie de mille enne- mis qui guettent avec soin cette provende annuelle. Bien peu échappent au massacre. Quelques couples recueillis par des Ouvriers, protégés par des Soldats que le hasard a con- duit auprès d'eux, rentrent dans leurs galeries, et deviennent d'ordinaire les souverains de leurs sauveurs. Bientôt cloîtrés pour toujours dans leur cellule royale, ils forment le noyau d'une nouvelle Termitière, et n'ont plus qu'à songer à accroître le nombre de leurs sujets. « Tous les voyageurs parlent de peuples mangeurs de Fourmis; c'est Termites qu'il fau- drait dire. On doit en effet compter l'Homme lui-même parmi les ennemis qui épient chaque année l'émigration de ces Insectes dans le but de s'en nourrir. Les Indiens enfument les ter- mitières et arrêtent au passage les individus ailés dont ils hâtent ainsi la sortie. Moins in- dustrieux, les Africains ne recueillent que ceux KO LES TERMITES. qui tomlient dans les eaux voisines. Les pre- miers pétrissent ces Insectes avec de la farine et en font une sorte de pâtisserie, les seconds se bornent !\ les torréfier, à peu près comme le café. Ils les mangent ainsi à jileines mains et les trouvent délicieux. Quelque étrange que puisse sembler cette nourriture, il paraît qu'elle a son mérite, même pour des palais européens. Les voyageurs s'accordent à parler des Termites comme d'un mets agréable, et comparentleur saveur à celle d'une moelle ou d'une crème sucrée. Smealhman les regarde comme un aliment délicat, nourrissant et sain. Il semble même les préférer à ces fameux Vers palmistes qui, dans les Indes, figurent sur les tables les plus somptueuses comme une déli- cieuse friandise. i< Les Termites neutres conservent pendant toute leur vie les caractères et les attributions qui leur ont valu le nom de Soldats. Comptant h peine pour un centième dans la population des Termitières, ils y constituent une classe h part, qu'un écrivain du dernier siècle n'eût pas manqué de comparera la noblesse de ces mo- narchies, où les Larves auraient représenté les roturiers. En temps ordinaire ils vivent oisifs, montant, pour ainsi dire, la garde à l'intérieur, ou se bornant à surveiller les travailleurs, sur lesquels ils exercent une autorité évidente. En temps de guerre ils paient bravement de leur personne, et meurent s'il le faut, pour le salut commun. Au premier coup de pioche qui met à jour une galerie, on voit accourir la senti- nelle la plus voisine. L'alarme se répand, et en un clin d'œil une foule de combattants couvrent la brèche, dardant en tous sens leur grosse tête, ouvrant et fermant avec bruit leurs tenailles. Ont-ils saisi un objet quelconque, rien ne leur fait lâcher prise : ils se laissent arra- cher les membres et le corps par morceaux sans desserrer leurs niiâchoires. S'ils atteignent la main ou la jambe de leurs agresseurs, le sang jaillit aussitôt. Chaque Termite en fait couler une quantité supérieure au poids de son propre corps. Aussi les Nègres, privés de vêtements, sont-ils bientôt mis en fuite, et les Européens ne sortent du combat qu'avec leurs pantalons largement tachés de sang. " Tout en soutenant la lutte, ces Soldats frappent de temps à autre sur le sol avec leurs pinces, et les ouvriers répondent à ce signal bien connu par une sorte de sifflement. L'at- taque est-elle suspendue, les maçons se mon- trent en foule, apportant tous une bouchée de terre toute prête. Chacun à son tour s'approche du point à réparer, y applique sa part de mor- tier et se retire sans jamais gêner ou retarder ses compagnons. Aussi le nouveau muravance- t-il rapidement sous les yeux de l'observateur. Pendant ce temps, les Soldats sont rentrés, à l'exception d'un ou deux mille travailleurs. L'un d'eux semble chargé de surveiller les tra- vaux. Placé près du mur en construction, il tourne lentement la tête en tous sens, et chaque deux ou trois minutes frappe rapidement le dôme de ses pinces en produisant un bruit un peu plus fort que le balancier d'une montre. A chaque fois, on lui répond par un sifflement qui part de toutes les parties de l'édifice, et les Ouvriers manifestent un redoublement d'acti- vité. Si l'attaque recommence, en un clin d'œil les Ouvriers disparaissent et les Soldats sont à leurs postes, luttant sans relâche et défendant le terrain pouce à pouce. En même temps les Ouvriers sont à l'ouvrage ; ils masquent les pas- sages, murent les galeries et cherchent surtout à sauver leurs Souverains. Dans cette intention, ils comblent aii plus vite les salles de services, si bien qu'en arrivant au centre d'un monti- cule, Smeathman ne pouvait distinguer la cellule royale, perdue au milieu d'une masse uniforme d'argile. Mais le voisinage de ce palais se trahissait par la foule même des Tra- vailleurs et des Soldats réunis tout autour et qui se laissaient écraser plutôt que d'abandon- ner la place. La cellule elle-même en renfer- mait toujours quelques milliers restés autour du couple royal et qui s'étaient fait murer avec lui. Smeathman les a toujours vus se laisser emporter avec ces objets de leur dévoue- ment et continuer leur service en captivité, tournant sans cesse autour de la Reine, lui don- nant à manger, enlevant les œufs, et, faute de couvoirs, les empilant derrière quelque mor- ceau d'argile ou dans un angle du local qui servait de prison. « Au reste, pour voir les Termites, il faut pres- que toujours détruire leurs ouvrages. Le hasard peut bien faire rencontrer quelque colonie en train de changer de domicile, ainsi qu'il arriva à Smeathman, qui eut ainsi le plaisir de pas- ser en revue une de leurs armées ; mais en gé- néral ces Insectes ne cheminent jamais à décou- vert. De chaque Nid reposant au niveau ou au-dessous du sol, à quelque espèce qu'il appartienne, rayonnent en tous sens des gale- ries souterraines qui s'étendent au loin. Le Termite des arbres lui-même construit un LES TERMITES. 461 long tube qui arrive jusqu'à terre et sert de centre à ses chemins ouverts. Toutes les espè- ces ont d'ailleurs les mômes habitudes; leurs innombrables escouades sont incessamment en quête de quelque corps organique i\ dévorer, et cet instinct en t'ait pour l'Homme des ennemis tellement redoutables, que Linné n'a pas hésité à les appeler le plus grand fléau des Indes. » Nous no poursuivrons pas plus loin les ob- servations de Smeathman relativement aux dis- positions internes et aux matériaux divers qu'il a trouvés dans ces nids, parce qu'elles renrer- ment mainte erreur. En Australie, Leichardt a observé des cons- tructions analogues à celles exécutées par les Termites africains ; elles affectent la forme de cônes pointus, d'une hauteur de 94 centim. à 137 cenlim. et d'un diamètre de 31 cenlim. en- viron au niveau de leur base, et sont tantôt isolées, tantôt disposées en séries d'un aspect surprenant. Epp songea aux tumulus funèbres des anciens lorsqu'il rencontra dans l'île Banka les habitations des Termites. Golberry men- tionne des nids particuliers qu'il attribue aux Termes mordax : sur une assise cylindrique, de 94 centim. à 157 centim. de haut, repose un toit conique qui le déborde de toutes parts, de 3 cenlim. au moins; ce sont probablement les mêmes Nids que Lichtenstein désigne sous le nom de « Nids en champignon ». Dans ses récits de voyage (1), Bâtes a choisi pour ses descriptions les Termites des sables (Termes arenariiis) parce qu'ils établissent dans ces régions les constructions les plus nom- breuses, et que celles-ci sont assez faibles pour que l'on puisse les découvrir à l'aide d'un couteau. « Le district immense, qui s'étend derrière Santarem, dit-il, est entièrement cou- vert de tertres serrés , tous reliés entre eux par un système de galeries dont les voûtes sont formées des mêmes matériaux de construction que les tertres. On peut donc considérer la population entière des Termites de cette espèce comme constituant une seule famille, ce qui donne la clef de leur système de nidifi- cation. Il existe des Nids de toutes dimensions, depuis de simples mottes accumulées autour d'une touffe d'herbe jusqu'aux tertres les plus élevés, et l'on trouve tous les degrés intermédiaires. On rencontre : 1° des tertres récents, où se tiennent seulement des Sol- dats et des Ouvriers peu nombreux qui dé- fi) Bâtes, Le Naturaliste au flpuve Amazone. truisentles racines des touffes d'herbes; 2° des tertres encore petits, en voie de construction, habités seulement par un petit nombre seule- ment de représentants des deux mômes castes; 3° des tertres hauts de quelques pouces, conte- nant une paire d'amas d'OKufs gardés par les inévitables castes des Soldats et des Ouvriers; cesOlMifs sont évidemment exportés de quelque autre Nid déjà bondé, et qui possède une lieine; 4" de grands tertres renfermant de nombreux (dùifs dans des chambres diverses et de jeunes Larves à dillérenls stades d'évolution, mais n'a- britant toutefois aucune Reine et n'offrant pas trace de cellule royale; 5" de tertres très petits contenant un certain nombre d'Insectes sexués et ailés, ainsi que quelques Ouvriers et Soldats, mais ne renfermant ni OEufs, ni Larves, ni Nymphes, ni Reine; 6° des tertres presque entièrement développés, sans Reines et sans cellule royale, mais contenant seulement un certain nombre de Larves presque mûres et de Nymphes qui dévorent en leur compagnie ; 7° des tertres de même grandeur, qui abritent des Nymphes et des Insectes sexués pourvus d'ailes; 8° des tertres abritant une Reine et son Roi dans une cellule spacieuse située vers le centre de la base et construite à l'aide de matériaux qui diffèrent de ceux des autres parties du tertre. C'est une matière épaisse, dure, quelque peu semblable à du cuir, tandis que le reste est une masse grenue et friable. » Bâtes a trouvé les tertres de ce genre toujours bondés d'Insectes : il en a surpris quelques- uns en train de transporter les OEufs de la j cellule royale dans toutes les parties du Nid, même dans les cellules du sommet; les Larves écloses, à divers degrés de croissance, étaient placées les unes contre les autres dans toutes les loges ; leurs têtes inclinées vers le sol, étaient toutes du même côté ; ces Larves étaient évidemment occupées à se nourrir. Dans les mêmes cellules, se trouvaient, en train de dévorer également, des Larves très jeunes et très molles (sans doute des Larves d'ouvriers), des Soldats aussi très jeunes et très faibles, reconnaissables seulement à la forme de leur tête, puis des Ouvriers et des Soldats plus âgés, des Nymphes, minces, fai- bles, plus petites que les Ouvriers développés, enfin des Nymphes déjà mûres. Un point suffisamment établi maintenant par Rates, c'est que les Insectes jeunes ne sont nullement isolés, et que par suite aucun groupe d'entre eux ne reçoit une nourriture spéciale LES TERMITES. dans les différentes cellules. Dans un tertre on ne trouve généralement, indépendamment des Soldats et des Ouvriers, que des((Eufs et des Larves jeunes; quelquefois on y voit un couple de Nymphes, et jamais de Termites ailés ; Bâtes ne peut dire si les tertres de ce genre donnent issue à un essaim. Du reste le contenu des ter- tres est extrêmement irrégulier; des Nymphes et des Insectes ailés se trouvent confondus, dans les galeries, avec les Larves, en sorte qu'aucun indice ne révèle un tertre destiné à donner issue à un essaim. Il n'est pas douteux que des Nymphes et même quelques Insectes sexués et des Larves émigrent d'un Nid trop plein dans une construction nouvelle; les che- mins couverts ne sont que les prolongements des galeries d'une Termitière. Ainsi que nos Fourmis, bien des Termites n'établissentaucuneconstructionhors de terre, mais demeurent cachés dans le sol; ils s'instal- lent sous une pierre, et par des conduits souterrains ils se rendent auprès des matériaux ligneux ou autres que leurs dents peuvent entamer. Dans les contrées sablonneuses de l'Afrique, on a trouvé, à de grandes profon- deurs, des conduits lubulaires et durs, compa- rables aux tubes vitrifiés que produit la foudre ; ces conduits sont l'œuvre de Termites, bien que parfois on n'en rencontre plus sur une grande étendue de terrain, parce que la végé- tation y a péri; les racines ont été détruites sans doute après avoir servi de centre, autre- fois, au système de galeries de quelques Ter- mites. Pallme en mentionne une espèce qui habite les sables humides de Cordoue et vit à l'intérieur de galeries qui durcissent avec le temps. Malgré tous ses efforts pour découvrir leurs retraites, ses fouilles restaient sans ré- sultat, mais en déposant une caisse au voisi- nage du point où il soupçonnait l'existence d'un Nid, il découvrit bientôt sous le fond de la caisse des centaines de Termites. Vogel rencontra, dans son voyage à l'intérieur de l'Afrique, entre Mursuk et Kuka, des tubes de 26 ;\ 78 millim. de diamètre, qui s'enfonçaient verticalement jusqu'à 47 centim. de profondeur dans le sable ; il les attribue à une espèce de Termites très commune à Bornou, et qui par- tage avec beaucoup d'autres espèces la cou- tume d'établir un mur de terre autour des bois, des branches d'arbres, des brins d'herbes, etc., pour se mettre avant de les déchiqueter à l'abri de celte enceinte. On a trouvé, dans les forêts, des galeries d'un péiimètre énorme qui avaient cerné autrefois les troncs d'arbres les plus volumineux. L'établissement d'une fon- taine, dans la Louisiane, fit connaître la pro- fondeur à laquelle pénètrent certains Termites: on trouva là, à plus de 8 mètres au-dessous du sol, des galeries qui furent attribuées à des Hodùtermes. Frilz Mijller recueillit des observations intéressantes au sujet des Termites de l'A- mérique du Sud, et décrivit entre autres l'ha- bitation d'une espèce qu'il a nommée Ttrims Les/iesi et qui est fort analogue au Termes si- milis. Ces Termites sont assez petits, et le se- cond article de leurs antennes, formées de 13 à 15 articles, présente un diamètre longitudinal notablement plus grand que sa largeur. Leurs constructions (fig. 662) compten t, avec celles des Teriiiites btll. — Sa tùto. Fig. Oiî i CGI. Fig. 65(J et C57. — Ouvrier, vu de profil et de face Fig. Gi8 et Gi9. — Soldat, vu de face et de profil. Fig. CG;i. — Soldat, vu en dessus la tùte relevée. Fig. Giil. — Le Termite royal, femelle. — Les Termites. iiioignc des déboires attendant les voyageurs ; ce Nid est établi au centre d'une rame de papier à hei'boriser dont l'aspect extérieur n'est nullement changé, les habiles Insectes ayant eu soin déménager et de conserver in- tactes les feuilles superficielles. DEscayrac de Lauture (1) parle avec beau- coup de détails des Fourmis blanches qu'on désigne dans le Soudan sous le nom d' « Ar- das n. Leur taille est celle d'une Fourmi ordi- naire; elles se nourrissent principalement de bois, mais elles dévorent n'importe quoi : cuir, viande, papier, etc. On a toutes les peines à en préserver les livres et les chaussures. En une nuit, elles dévorèrent à moitié un atlas cartonné et l'étui d'une lunette d'approche. On ne cons- tata les dégâts causés à l'allas que lorsqu'on le (I) D'Escayrac de Lauture, Voyage au Soi(da?i. Brehm. — VIL souleva pour l'ouvrir. Pour l'atteindre, les Ar- das avaient dû perforer le sol de l'appartement ainsi que toute l'épaisseur d'un banc en terre. A l'extérieur on ne voyait aucun dommage, ces Insectes avaient attaqué l'atlas par dessous et avaient détruit la couverture presque entière ainsi que les feuilles les plus voisines. Les Nu- biens préservent leurs effets en les plaçant sur des planches suspendues au toit à l'aide de cordes. Ailleurs on protège ses provisions tontre la voracité de ces bestioles en installant les supports dans des vases remplis d'eau. Un Arabe, qui s'était endormi sur un tertre de Ter- mites, sans y prendre garde, auprès de Burnu, se réveilla le matin, tout nu: ses vêtements étaient entièrement détruits. D'après un rapport de Brehm, le 13 août 1830, à Kharthoum, dans le divan de Latief-Pacha, l'eau souterraine du Nil Bleu, alors en crue, for- Insf.ctes. — 39 466 LES TERMITES. çait depuis quelques heures une colonie de Ter- mites à b'éleverau-dessus de leur résidence habi- tuelle. Ils se répandirent alors h travers les dalles de l'apparlemenl en tel nombre que les assistants durent quitter la place. Le Pacha fit creuser, le lendemain matin, un trou pro- fond dans le sol à cet endroit afin d'anéantir le Nid; lorsqu'on alteignit la nappe d'eau, on vit une immense grappe vivante compo- sée uniquement de Termites. De ce point, qui parut être le centre de la colonie, partaient de tous côtés, des galeries qui aboutissaient incessamment ;\ de nouveaux Nids. On noya cette grappe de Termites et on remplit la fosse avec de la chaux. Et cependant, le soir même, les Insectes faisaient irruption de nouveau, par trois trous, en nombre plus considérable en- core. Plusieurs serviteurs travaillaient sans re- lâche à les balayer et à les entasser dans des vases. Forbes, en inspectant sa chambre, qui était restée fermée pendant quelques semaines d'ab- sence, trouva certains meubles abîmés. Il dé- couvrit une foule de conduits qui, suivant di- verses directions, aboutissaient aux murs; les vitres étaient obscurcies et les châssis couverts de poussière. En essayant de les nettoyer, il fut surpris de voir les carreaux collés contre le mur et non plus enchâssés ; ils étaient fixés par une sorte de colle que les Fourmis blanches avaient déposée tout autour. Les châssis de bois, les contrevents, les poignées étant rongés, les vitres n'étaient maintenues que par cette colle et par les galeries qui la recouvraient. D'après le Moming-Ho-ald (ilécembre 1814), la résidence du gouverneur général de Calcutta, qui a coûté des sommes immenses à la com- pagnie des Indes orientales, avait été mena- cée de ruine par l'invasion des Termites. Ces Insectes se sont un jour si bien installés dans un vaisseau de ligne anglais l'Albion, qu'on a dû le dépecer. Un examen minutieux a montré que les mé- taux eux-mêmes n'étaient pas à l'abri de l'acide que sécrètent les Termites; les tribunaux hol- landais à Ternate, ont été saisis de cette ques; lion ; il s'agissait de la détérioration de certains objets de bronze, dont on accusait les employés. Des pièces d'artillerie, placées sur les remparts, furent couvertes par des galeries de Termites, et rapidement attaquées par la rouille. Bory de Saint-Vincent trouva, dans les forêts de l'île de France, sur les troncs d'arbres, de grands Nids qu'il attribue au Tennesdestrucior qu'on appelle là-bas « Karia ». Ce Termite dé- truit souvent, en très peu de temp-*, les plus beaux arbres ainsi que les charpentes ; un employé, pour couvrir les déficits considé- rables observés dans les magasins royaux, mit cette perte sur le compte des Termites ; le mi- nislre lui envoya une caisse de limes en lui inti- mant l'ordre de limer les dents des Karias, en ajoutant que le gouvernement n'était pas dis- posé à supporter plus longtemps ses dépréda- tions. l'sas;cs. — Les employés concussionnaires ne sont pas seuls à tirer parti des Termites. Les naturels des pays, où on les trouve, s'en nour- rissent. Ou les capture à l'époque de l'essai- mage : on introduit des brins d'herbe dans les Nids ouverts; les Soldats les mordent et se laissent ainsi tirer au dehors; on creuse, dans les résidences de ceux qui restent sous terre, des trous dans lesquels ils tombent fatalement en parcourant leurs galeries enchevêtrées, ou bien l'on cherche à s'en emparer par un procédé quelconque. Dans différentes provinces de Java, on les vend sur les marchés sous le nom de « Larnn >> ; on recherche aussi leurs Nids pour offrir les jeunes couvées aux Oiseaux domesti- ques qui s'en montrent friands. Beaucoup d'A- nimaux s'en nourrissent; nous ferons seule- ment remarquerque,parmiles Mammifères, les Tatous et les Fourmiliers consomment beau- coup plus de Termites que de Fourmis, en dé- pit de leur dénomination malheureuse. Ce fait, ainsi que la voracité de ces Insectes qui détrui- sent les débris végétaux en pourriture, leur donne un rôle important dans l'économie de la nature, en dépit de l'aversion qu'ils inspirent à l'Homme, ce roi de la création, dont l'utilité peut être parfois moins appréciable. On ne connaît encore à fond qu'une faible partie des centaines d'espèces de Termites que Hageu a décrites à leurs divers états. On les a réparties en quatre genres faciles à discerner: deux d'entre eux présentent des pelotes entre les griffes et des nervures sur l'aire marginale des ailes ; le premier, Calotermes, possède des yeux accessoires ; le genre Termopsis n'en a point. Les Hodotennes s'en distinguent par l'absence de pelotes; et le genre Termes, de beaucoup le plus riche en espèces, se reconnaît à la présence d'yeux accessoires, ainsi qu'à l'absence de pelotes entre les grifi'es et de ner- vures sur l'aire marginale des ailes. LE TERMITE LUCIFUGE. 467 LES CALOTERMES — CALOTEBMES Caracitrea. — Ils sc distinguent par la pré- sence d'yeux accessoires et de pelotes entre les grifTes. LE TEUMITK A COU JAUNE. — CILOTEIOIES FLAVtCOLLlS. Gelbhalsige Termite. Caractère». — On ne connaît qu'à l'état d'In- secte ailé etdeSoldatle Termileàcoujauiie{Caln- termesflavicollis), on ne connaît ni ses Ouvriers, ni ses reines; on ne les a pas vus dans leurs nids. Les insectes ailés sont d'un brun-marron foncé ; leur bouche, leurs antennes, leurs pattes et leur premier anneau thoracique sont jaunes. Les ailes, dont l'envergure atteint 20 millimè- tres, sont légèrement enfumées. Cette espèce se distingue en outre par une tète quadrangu- laire assez grosse et par un grand écusson cer- vical échancré en avant. Les Soldats, plus longs de 2 millim., mesu- rent 7 à 9 millim., ils sont caractérisés par une tôle quadrangulaire extrêmement longue et par de larges mâchoires dentelées eu dedans, an- guleuses extérieurement au niveau de leurs ra- cines, et moitié aussi longues que la tête. UistribuHou géographique. — Cette espèce habile les contrées méditerranéennes; c'est l'une des deux espèces répandues dans le sud de l'Europe. Slfleiirg, haliituiles, régime. — Cette CSpèce ne s'est pas fait beaucoup remarquer jusqu'ici par ses dégâts. Cependant en Sardaigne, en Espagne et dans le midi de la France, le Ter- mite flavicolle attaque les Oliviers et autres arbres précieux. LES TERMITES — TERMES [i] Caracières. — Ils se reconnaissent à la pré- sence d'yeux accessoires, à l'absence de pe- lotes entre les griffes et de nervures sur l'aire marginale des ailes. LE TERMITE BELLIQL'El'V. — TEItllES BELLICOSUS Kriegeiisrhe Termite, Caractères. — Lc Termite belliqueux {Ter- mes ùellicosus, de Smeathman), qui ne se dislin- (1) T'armes ou Termes, ver rongeur. gue en rien du Termes fatalis de Fabricius, compte parmi les plus grandes; son corps mesure 18""° et son envergure atteint de 65 à SO""". On connaît cette espèce à tous les états. nistribiition géographique. — Cette espèce descend de l'Abyssinie jusqu'à la côte orientale de l'Afrique, et se retrouve sur la côte occiden- tale entre les mômes degrés de latitude. LE TEU.MITE ODÈSE. — TEimES OBESUS. Mag^re Termite. Caractères. — On ne Connaît, du Termite obèse {Termes obesits, de Hambur) que les In- sectes sexués ; leur mode d'existence n'est pas entièrement connu. Le mâle mesure 11™°" et son envergure est de 48™°'. Son corps, d'un brun de pois, corselet cordiforme, bordé de jaune, présente sur le dos une tache en forme d'ancre, de la même couleur ; la bouche, les pattes, la face inférieure du corps sont jaunes d'ocre; les antennes sont ornées d'un cercle clair; les ailes, blanches, ont des reflets jaunâtres. Distribution géographique. — Ce SOnt dCS Insectes des Indes orientales. LE TERMITE TERRIBLE. — TEltMES DIItUH Schrecliiliche Termite. Caractères. — Le Termite terrible (Termes dirus, de Klug) habite, d'après Burmeister, dans les creux de'terre et sous les pierres, et se nourrit des racines d'arbres en pourriture. Les Nymphes et les Reines ne sont pas encore con- nues; nous représentons les mâles, les Ou- vriers, les Soldats (fig. 1 a jusqu'à /"). Cette es- pèce se dislingue par une coloration brun-café qui s'étend jusque surles ailes et par une tache de même nuance sur le vertex ; les antennes, le corselet, la face inférieure du corps elles pattes sont d'un rouge jaunâtre. Oistribution géographique. — Ce Termite vit au Brésil et dans la Guyane. LE TERMITE LUCU UGE. — tEnMES LUClFUGUS. Lic/itsc/teite Termite. Caractère». — Cet Insecle, d'un brun-noir foncé, est revêtu de poils bruns ; les extrémités des jambes et des tarses sont jaunâtres; les extrémités des antennes et des articles des palpes sont blanchâtres ; le corps mesure de 6 à O"", et l'envergure de 18 à 20"°'. Lespès a LE TERMITE LUCIFUGE. écrit récemment l'histoire complète de ces Insectes, ébauchée déjà à plusieurs reprises. Nous devons en faire connaître les (raits prin- cipaux, car nous choisissons toujours de pré- férence les espèces européennes pour écrire l'histoire des mœurs des Insectes. Deux formes de Nymphes donnent naissance aux Insectes ailés : l'une se distingue par des gaines alaires longues, larges, et recouvrant la partie antérieure de l'abdomen; l'autre, plus rare et plus épaisse, a des gaines alaires très courtes et rejetcus sur les côtés. Toutes deux commencent à se montrer dans les nids, h partir de juillet; elles passent par conséquent l'hiver, et les premières se transforment en In- sectes ailés à la fin de mai ; celles de la deuxième forme subissent leur Métamorphose dans le courant du mois d'août de l'année suivante. Il faut donc environ une vingtaine de mois pour que l'œuf devienne Insecte parfait. On compte le même temps pour les « Neutres », nom sous lequel on désigne en bloc les Ouvriers et les Soldats pour les opposer aux Termites ailés. Depuis l'hiver jusqu'au mois de mars on trouve dans le nid les Larves les plus jeunes de chaque caste, que Lespès désigne sous le nom de « premier stade ». Elles sont d'une nature indolente, s'appuient contre les parois, et sont tellement semblables entre elles, avant d'avoir atteint 2°"° de long, qu'on ne peut encore pré- voir quelle sorte d'Insectes elles fourniront. On distingue déjà deux formes parmi les Lar- ves du second stade qui ont subi une première mue et mesurent 2 ou S""". Les unes, qui rap- pi'llent les ouvriers par la forme de leur thorax, se reconnaissent à leur aspect général, à la lenteur de leurs mouvements, à la couleur blanc mat de leur tête plus petite, et se trans- forment, au mois de juin, en Ouvriers et en Sol- dats. Les autres ressemblent davantage aux Insectes sexués, en raison de leur thorax plus large, et de l'éloignement des deux anneaux suivants qui commencent à se porter en arrière pour ménager une place aux gaines alaires. Le second stade s'observe déjà en hiver isolément, mais il prédomine dès que le premier dispa- raît, car il résulte précisément de la première mue. Le troisième slade comprend des Larves de i à 6°'"' ; celles de la première forme ressem- blent déj\ beaucoup aux Ouvriers et aux Sol- dats, et celles de la seconde aux Nymphes ; ce troisième stade se substitue bientôt au second. Les Larves du premier stade ont dix articles à leurs antennes, celles du second 12 à 14, celles du troisième 16. On trouve, toute l'année, des Ouvriers et des Soldats dans le Nid; c'est vers le mois de juin qu'ils y deviennent plus rares. Les Soldais, puis les Ouvriers maigrissent d'a- bord, et portent les traces de l'affaiblissement dû à l'âge; le temps est venu pour eux de faire place aux jeunes Termites ailés arrivés à matu- rité. Ainsi que le montre la figure, les Soldats ne se distinguent des Ouvriers que par les fortes dimensions de leur tête et de leurs mâchoires ; la tête est deux fois plus longue que large, et cylin- drique; les mâchoires sont noires, recourbées en haut et en dedans, en forme de sabres, dé- pourvues de dents au côté interne, et d'une lon- gueur égale à la moitié de celle de la tête. B>igtril>ution géographique. — Le TermilC lucïfiige [Termes luclfugm ou arda) est la deuxième espèce réiiandue dans les contrées méditerranéennes. Comme le Termite à cou jaune, auquel il ressemble fort, il vit encore à 1094 mètres au-dessus du niveau de la mer, à Madère, et s'étend en France jusqu'à Roche- fort et à La Rochelle. Dans cette dernière ville, il cause de grands dégâts aux pilotis sur les- quels elle repose ; le fait est d'autant plus sur- prenant que toutes les espèces s'arrêtent, dans les autres contrées, au quatorzième degré de latitude nord, dune part, et à l'Equateur, d'autre part. SBœur§, habitudes, résiinc. — Les Ouvriers, à qui incombent tous les travaux de l'Etat, ont coutume, comme tous les Insectes du même genre, de se mouvoir uniquement dans les che- mins couverts, non pour se mettre à l'abri de la lumière, mais pour se garantir contre la fraî- cheur de l'air. Lespès, ayant placé différents Nids sous des récipients en verre, remarqua en effet que les Ouvriers ne se laissaient point trou- bler par la lumière solaire tombant sur l'entrée d'une galerie. Ces Termites établissent habi- tuellement leurs Nids dans un vieux tronc de Sapin, parfois dans un Chêne, un Sureau, un Tamaris, et toujours dans un bois vermoulu et humide situé sous terre ou du moins peu au- dessus du sol. Dans les régions de la France où ont été re- cueillies ces observations, on rencontre de nombreuses souches de Pins, qu'on laisse sub- sister après la chute des arbres; grâce à cette routine les maisons de Bordeaux ont été pré- servées de l'invasion des Termites, qui y ont fait néanmoins quelques apparitions. De petites colonies, datant au plus d'un ou deux ans, peuvent se maintenir sous l'écorce, LE TERMITE LUGIPUGE. ■409 luais elles ne tardent pas ;\ s'enfoncer ensuite dans le bois. Les galeries se dirigent du pé- rimètre vers le centre; les Insectes attaquent en môme temps les racines, ([ui chez les Sa- pins se ramilient dans le sol à peu de profon- deur. Ces conduits ne sont point réguliers; souvent des Larves lignivores , notamment celles des Coléoptères ont servi de pionniers au.i: Termites, qui utilisent leurs galeries plus larges pour en l'aire leurs grandes cellules. Eu l'absence de travau.\ préexistants, les Ter- mites dirigent leurs galeries avec une certaine régularité, car ils s'établissent entre les couches circulaires annuelles, et respectent les couches les plus dures. Les conduits sont reliés entre eux par des orilices de communication arron- dis, assez grands pour livrer passage à un ou deu.x Ouvriers. Toute la partie intérieure du Xid est revêtue d'une couche lisse et polie, d'une teinte brun clair, constituée par les ex- créments ainsi que le prouvent les observations faites sur les Insectes en captivité. Dans quelques troncs d'arbres isolés, Lespès (rouva un Nid de Fourmis h côté d'un Nid de Termites et séparé seulement par une mince cloison. Cette observation, conlirméc par d'au- tres faits analogues, constatés chez des Ter- mites exotiques, prouve que l'hostilité habi- tuelle ù. ces deux groupes d'Animaux n'altère en rien leurs travaux de nidilication. De part et d'autre, la colonie se fonde sur l'emplacement qui lui plaît, sans se soucier des intérêts qui régissent l'œuvre du voisin. Lespès ayant enfermé un fragment de Nid, avec les Insectes inclus, dans ses verres à expé- riences, les Ouvriers commencèrent par établir leurs galeries sur le sol de leur prison, puis ils fixèrent leur Nid aux parois du verre. A la construction de ces Nids se rattache leur entretien; et c'est encore aux Ouvriers qu'in- combe ce soin. Dès que le Nid se trouve lésé en quelque point ou qu'il offre un accès à l'air libre, ceux-ci ramassent dans le voisinage les matériaux les plus divers pour réparer le désastre; on rencontre rarement un Nid qui ne renferme au moins quelques espaces, grands ou petits, remplis d'excréments amassés par les Ouvriers pour le revêtement des parois ou pour l'obturation des brèches. Ces répara- lions se font avec l'ordre le plus parfait, sans la moindre intervention des Soldats, qui jamais ne jouent le rôle de surveillants. Les Ouvriers accordent des soins tout particu- liers aux CKufs. Lorsqu'on ouvre une cellule remplie d'QKufs, les Ouvriers se précipitent sur eux en toute hilte pour les enlever par paquets de cinq à six ; Lespès introduisit une fois sous un verre un certain nombre d'OEufs saisis dans une colonie libre ; en un rien de temps ils furent dissimulés h l'intérieur du Nid captif. Il vit, un jour, une Nymphe s'arrêter en face d'un Ouvrier et dévorer la nourriture qu'il transportait; mais l'observateur considère ce fait comme excep- tionnel. En dehors de ce cas, il n'a pu consta- ter si le Roi et la Reine recevaient quelque nourriture, étaient l'objet de quelques soins; il faut bien cependant que des soins soient don- nés aux jeunes Larves tout au moins ; mais les diflicultés de l'observation n'ont pas permis de le constater. D'autre part, Lespès mentionne des exemples qui démontrent, sans équivoque, la part que prennent les Ouvriers à la prospérité de la couvée. Ils lèchent les Nymphes, et sitôt que l'une d'elles est blessée, ce qui arrive assez fréquemment, deux Ouvriers s'empres- sent auprès d'elle. Pendant la dernière mue des Larves d'Ouvriers et de Soldats, cet auteur re- marqua que les Ouvriers développés viennent plus d'une fois en aide aux Larves pour les délivrer de leur dépouille ; jamais il ne les vit secourir les Nymphes qui se transforment en Insectes sexués, bien qu'à ce moment il règne toujours une grande agitation dans le Nid. Les Ouvriers présentent une coutume bien particulière : au milieu de leurs occupations ou pendant leurs moments de loisir, ils se dres- sent soudain sur leurs pattes et frappent rapi- dement le sol une douzaine de fois, ou plus, les uns à la suite des autres, avec leur pointe abdominale. Les Soldats, préposés à la défense des au- tres, ont un aspect plus menaçant; ils parais- sent souvent comiques, jamais dangereux. Les- pès leur présenta souvent son doigt; jamais ils ne le mordaient, car leurs pinces ne peuvent pas s'écarter assez pour saisir la peau. Malgré leur zèle et leur courage, ils sont assez inoffen- sifs en raison de leur cécité et leurs fureurs sont plutôt burlesques que dangereuses. Le plus sou- vent, ils se tiennent immobiles dans les galeries ou dans les cellules; vient-on à ouvrir le Nid, aussitôt on les voit courir au hasard, avec les mâchoires béantes. Irrités, ils prennent une altitude des plus drôles : leur tête repose sur_^le sol, les pinces aussi écartées que possible, et le corps se relève en arrière; à chaque instant ils se précipitent en avant afin de saisir l'en- nemi et quand ils ont répété plusieurs fois ces 470 LE TERMITE LUCIFUGE. tentatives sans résultat, ils frappent quatre ou cinq fois le sol de leur tête en produisant un bruit aigu qu'on désignait autrefois sous le nom de « bruit de sifflement ». Lespès, en perforant la cloison qui séparait un nid de Fourmis de celui des Termites, provoqua un combat acharné. Toute Fourmi capturée était vouée à la mort, mais en général chaque Sol- dat périssait également; car les Fourmis étaient secourues par leurs sœurs, qui tombaient sur l'ennemi, en nombre plus considérable, jus- qu'à ce que la mort s'ensuivît. Les Larves âgées se tiennent habituellement pressées les unes contre les autres, dans les ga- leries étroites, tandis que les Soldats restent généralement aux extrémités des conduits; les Larves s'enfuient, aussitôt que leurs réduits sont ouverts; on peut en dire autant des Nym- phes. A chaque mue, la vie de ces Insectes devient plus agitée ; les Termites nouveaux, notam- ment ceux qui n'ont plus de mue à subir, re- cherchent quelque place solitaire où ils puis- sent laisser durcir leur corps, encore tendre, en dehors des agitations de la foule; ceux qui sont ailés tâchent de s'isoler également afin de n'être pas troublés pendant qu'ils laissent croî- tre leurs ailes qui achèvent leur développement en une heure de temps environ. Les Ouvriers, qui viennent de parfaire leur évolution, sont entièrement blancs, comme tous les Insectes qui viennent de muer; il leur faut une couple de jours avant de devenir aptes au travail. Les Insectes ailés perdent bientôt leurs ailes et se tiennent également pressés les uns contre les autres. Lespès ne les a vus s'essaimer à l'air libre, que quand il ouvrait leur nid juste à l'é- poque convenable. Ses Termites captifs périrent au mois de juillet. Un jour que le soleil dardait ses rayons surle verre, les Insectes apparurent à la surface du Nid ; les femelles étaient suivies par les mâles qui les pressaient, généralement isolés, plus rarement au nombre de deux ; ils serraient les femelles de si près qu'ils semblaient tenir leur extrémité abdominale dans leurs mâ- choires. Dans ce cas, pas plus qu'à l'air libre, il ne put observer l'accouplement ; on peut être certain que la fécondation n'a pas lieu en l'air, mais qu'elle s'accomplit sur terre, après la chute des ailes, dans un coin obscur ou pen- dant la nuit. Cette course empressée des mâles h. la poursuite de leurs femelles, observée aussi chez d'autres espèces, et l'aversion de ces In- sectes pour la lumière et pour l'air, caractère particulier qui se manifeste durant toute leur existence, donnent la conviction qu'ils n'imi- tent pas, dans leurs amours, les Abeilles, ces vrais enfants du jour ! Les Reines, paraît-il, se rencontrent rare- ment, et les récits que Lespès fait à leur sujet sontenpartiecontroverses.il a trouvé desOEufs réunis en tas, il est vrai, mais il n'y avait point de Reine auprès d'eux ; il pense qu'ils ont été pondus par leslnsectes ailés dont l'essaimage a eu lieu au mois d'août. Après des recher- ches assidues, il découvrit enfin, le 28 juillet, deux couples dans un même tronc; chacun d'eux occupait une cellule spéciale. Ces deux cellules n'étaient pas indépendantes, et tout porte à croire que deux colonies avaient établi là leurs résidences, côte à côte, comme dans le cas cité plus haut où un Nid de Termites et un Nid de Fourmis étaient juxtaposés. La colonie était composée d'Ouvriers, de Soldats, de Larves et d'OEufs; elle ne renfermait aucune Nym- phe. Un examen anatomique démontra que ces OEufs ne pouvaient provenir d'une de ces fe- melles. En novembre on trouva, dans un petit Nid, un couple de cette espèce, dont la femelle avait l'ovaire rempli d'OEufs revêtus de leurs co- ques. On a trouvé des Reines en décembre, en mars et en juillet, tantôt en compagnie d'un Roi, tantôt seules. Elles croissent de plus en plus à mesure qu'elles deviennent plus âgées, et se tiennent, non dans des cellules spéciales, mais dans des galeries profondes parfois eu compagnie d'un Roi très vivace; malgré leur embonpoint elles circulent partout avec agilité, et ce n'est qu'un an après la dernière mue qu'elles commencent leur ponte, qui a lieu dans le cours du mois de juillet et qui dure peu de temps. Dégâts causés parles Termites. — « Est- ce le Termite lucifuge qui, renonçant à la vie des champs et s'acclimatant dans nos villes, exerce aujourd'hui des ravages à La Rochelle, à Rochefort, à Saintes et dans les contrées voi- sines ? A vrai dire, malgré la réponse affirma- tive émise par quelques-uns de nos confrères les plus spéciaux, cette question nous semble au moins douteuse, dit M. de Quatrefages (1). « En effet, Latreille, qui fut un des pères de l'Entomologie moderne, nous apprend que le Termite lucifuge des environs de Bordeaux atteint l'étal d'Insecte parfait, prend des ailes et émigré dans le courant du mois de juin. (1) Quatrefages, SoiitienîVs d'un naturaliste. Paris, ISôl, t. II, p. aîD. LE TERMITE LUCIFUGE. 471 D'autre part, un observateur bien moins célè- bre sans doute (1), mais qui a étudié sur place les Termites de Hochefort pondant près d'un demi-siôcle, aflirmc que, dans cette ville, l'émi- gration a lieu au mois de mars, et que, passé cette époque, on ne rencontre plus de Termites ailés. Pour qui connaît la précision des lois qui repleut le développement des ôtres organisés, celte dillérence de deux mois entre les deux époques de la Métamorphose sul'lirait ù faire naitre des doutes sur l'identité des espèces, et cela d'autant plus que, dans le cas actuel, c'est dans la région la plus méridionale que la Mé- tamorphose serait la plus tardive. Si les obser- vations de Latreillo sur le Lucifuge des Lan- des avaient été répétées et confirmées, si M. Blanchard n'avait pas trouvé de mâles ailés dans les Termilières de La Rochelle au mois de septembre, le fait que nous venons de rappeler nous semblerait à lui seul devoir résoudre presque la question. « D'autres faits, dont il faut bien tenir compte, viennent encore à l'encontre de l'opinion gé- néralement adoptée. A moins de circonstances très exceptionnelles, ou trouve les mômes ins- tincts chez tous les représentants d'une même espèce animale. Chez les Insectes en particulier, on ne peut admettre que ces instincts varient selon les localités, et pour ainsi dire d'une co- lonie à l'autre. Or, en Provence et dans le Bordelais, les Termites se tiennent dans la campagne, et, bien loin de poursuivre l'Homme dans les villes, ils respectent jusqu'à ses habi- tations rurales. S'il en était autrement ; si, dans la Gironde comme au Sénégal et dans la Charente-Inférieure, les Termites pénétraient dans les caves, rompaient les cercles des ton- neaux et occasionnaient la perte des vins, cer- tes les vignerons du Médoc n'auraient pas gardé le silence, et pourtant ils n'ont jamais, que je sache, élevé de plaintes à ce sujet. « Depuis les temps historiques, on ne parlait pas plus des Termites en Saintonge que dans le Bordelais ; bien plus, aucun Naturaliste n'a- vait signalé leur présence dans le bassin de la Charente, quand tout à coup ils apparaissent au beau milieu de la ville de Rochefort, ga- gnent chaque jour du terrain, et dans l'espace d'un demi-siècle envahissent successivement plusieurs autres villes, infestent les jardins, atteignent les maisons isolées et menacent la contrée entière. (1) Bobe-Mo rcau. « D'après M. Bobe-Moreau, c'est seulement en 17!»7 qu'on découvrit pour la première fois des Termites à Rochefort, dans ime maison située rue Royale et qui était restée longtemps inha- bitée. Au moment de la découverte, la plus grande partie des bois de charpente, des boi- series, des meubles et de ce qu'ils conte- naient avait été détiuite. Ils se répandirent en- suite dans les maisons voisines. En 1804, leurs progrès n'étaient pas encore bien grands, puis- que Latreille se borne à mentionner comme un oui dire que le Termite lucifuge « avait pen- dant quelques années inquiété les habitants de Rochefort, s'étant introduit dans leurs mai- sons ». En 1829, le môme auteur tenait un bien autre langage et parlait des grands ravages exercés par cet Insecte dans les ateliers et ma- gasins de la marine. « Est-il probable que ces Insectes soient de la même espèce que les Lucifuges qui, conser- vant dans la Gironde leurs mœurs campa- gnardes, se seraient fait citadins en Sain- tonge? N'est-il pas plus raisonnable d'admettre que le Termite de Rochefort est une espèce nouvelle, au moins pour cette contrée, impor- tée par quelque navire de commerce, comme l'ont été certaines Blattes, et venu on ne sait encore d'où, comuie pour nous prouver que les voyageurs n'ont rien exagéré en parlant de ce fléau. Le cantonnement des Termites sur deux points parfaitement isolés et situés, pour ainsi dire, aux deux extrémités de la ville, l'absence de ces Insectes dans toute la banlieue de la Rochelle, démontrent jusqu'à l'évidence qu'ils ne sont pas indigènes dans cette portion du département. D'après M. Beltrémieux, cette im- portation aurait eu lieu vers 1780, époque à la- quelle les frères Poupet, très riches armateurs, firent construire l'hôtel devenu la préfecture. Des ballots termites venus de Saint-Domingue auraient apporté les Termites non seulement à La Rochelle, mais aussi h Rochefort et sur quelques points où les frères Poupet avaient des magasins. Cette tradition s'accorderait assez bien avec la dale donnée par M. Bobe-Moreau comme étant celle de la découverte des Ter- mites à Rochefort et expliquerait également l'invasion progressive du département. « Une comparaison rigoureuse d'Insectes h tous les états et d'origine bien constatée per- mettra seule de résoudre ces questions. « Quoi qu'il en soit, La Rochelle a subi le sort de Rochefort, de Saintes, de Tonnay-Charentc, et en arrivant dans cette ville, je savais que je 472 LE TERMITE LUCIFUGE. trouverais ces terribles petits mineurs. Je con- naissais déjà ce dont ils sont capables. MM. Au- douin, Milne-Edwards et Blanchard avaient h diverses époques parcouru la Charente-Infé- rieure et rapporté au Muséum de Paris des preuves matérielles des dangers que ces enne- mis si faibles en apparence font courir aux ha- bitants de ces contrées (1). Ces savants avaient parlé des toitures et des planchers qui s'étaient écroulés à l'improvisle, des maisons rainées jusque dans leurs fondements et qu'il avait fallu reconstruire ou abandonner. Je pus bien- tôt juger par moi-même de l'exactitude de leurs récits, bien que La Rochelle soit loin d'ê- tre aussi complètement envahie que les villes citées plus haut. Ici les Termites n'oCL-upent que la préfecture et l'arsenal, et parce que de- puis quelques années ils n'ont pas fait de pro- grès bien marqués, les Rochelais semblent croire qu'ils respecteront toujours leurs limites actuelles. C'est certainement une erreur. Vienne une année quelque peu favorable au dévelop- pement de ces Insectes, et la ville entière peut être envahie en une seule saison. Alors les Ro- chelais déploreront, mais trop tard, l'imprudente sécurité qui leur fait négliger la recherche des moyens propres à détruire sur place ces enne- mis, encore cantonnés aux deux extrémités de la ville. « La préfecture et quelques maisons voisines sont le principal théâtre des ravages exercés par les Termites. Ici la prise de possession est complète : dans le jardin on ne saurait planter un piquet ou laisser un morceau de planche sur une plate-bande sans les trouver attaqués vingt-quatre ou quarante-huit heures après. Les tuteurs donnés aux jeunes arbres sont rongés par le pied, les arbres eux-mêmes sont parfois minés jusqu'aux branches. Dans l'hôtel, appartements et bureaux sont également en- vahis. J'ai vu au plafond d'une chambre à cou- (0 Nous engagerons nos lecteurs à faire une visite dans les galeries du Muséum de Paris, ils y trouveront les pièces rapportées par ces savants, et dont il est question ici ; notamment : deux colonnes, perforées dans le sens de la longueuret doiit les couches externes masquant les dé- sordres intérieurs, sont demeurées intactes ; des fragments de poutre et de débris rongés, des cloisons do plâtres taraudés dans leur longueur ou percés de part on part, et, cliose plus remarquable, des registres provenant de la sous-préfecture de la Rochelle complèlcmeiit dévorés h l'intérieur, alors que les feuilles superficielles ména- gées ne laissent pas soupçonner le ravage, et enfin un échantillon de ses curieuses colonnettes creuses sembla- bles à des stalactites que les Termites établissent parfois du plafond au plancher pour cheminer h couvert. cher récemment réparée des galeries sembla- bles h des stalactites de plusieurs centimètres, qui venaient de s'y montrer le lendemain même du jour où les ouvriers avaient quitté la place. Dans les caves, j'ai retrouvé des galeries pa- reilles, tantôt à mi-chemin delà voûte au plan- cher, tantôt collées le long des murs et arri- vant sans doute jusqu'au grenier, car dans le grand escalier d'autres galeries partaient du rez-de-chaussée et atteignaient le second étage, tantôt s'enfonç-ant sous le plâtre quand celui- ci présentait assez d'épaisseur, tantôt reparais- sant à nu quand les pierres étaient trop près de la surface. C'est que, pas plus que les autres espèces, le Termite de La Rochelle ne travaille à découvert. Une vigilance incessante, parfois le hasard, peuvent seuls mettre sur ses traces et prévenir ses ravages. A l'époque du voyage de M. Audouin, on venait d'en acquérir une preuve curieuse. Un beau jour, les archives du département s'étaient trouvées détruites pres- que en totalité, et cela sans que la moindre trace du dégât parût au dehors. Les Termites étaient arrivés au carton en minant les boise- ries, puis ils avaient tout âleur aise mangé les papiers administratifs, respectant avec le plus grand soin la feuille supérieure et le bord des feuillets, si bien qu'un carton rempli seulement de détritus informes semblait renfermer des liasses en parfait état. Les bois les plus durs sont d'ailleurs attaqués de même. J'ai vu, dans l'escalier des bureaux, une poutre de Chêne dans laquelle un employé, faisant un faux pas, avait enfoncé la main jusqu'au-dessus du poi- gnet. L'intérieur, entièrement formé de cellu- les abandonnées, s'égrenait avec un graloir, et la couche laissée intacte par les Termites n'é- tait guère plus épaisse qu'une feuille de papier. « Dès mon arrivée, je cherchai â me procurer une certaine quantité de Termites pour les ob- server à loisir; et grâce au docteur Carreau, l'un des membres de la Société d'histoire na- turelle, j'en eus constamment sur ma table. Bien entendu que les précautions étaient prises pour éviter une évasion qui eût termite une maison, et par suite un quartier de plus. Je les tenais dans un bocal moins qu'à demi plein ; mes prisonniers ne pouvaient escalader ses parois de verre, et en les garantissant de la lu- mière, en les observant le soir ou les surpre- nant à l'improviste, j'ai pu suivre en détail les travaux qui leur firent transformer en une pe- tite termitière l'amas confus de terreau et de débris au milieu desquels ils étaient ensevelis LK TI'IHxMlTE LUGIFUGE. 173 Fig. UC2. — Le Ter- mite belliqueux, Ouvrier. l'ig. «Ci. — Le Ter- mite IjiHiqueux, Njmplie. Fig, 66 1. — Nid du Termite de Lespès. d'abord. A peine le local élail-il iHstallé depuis quelques instants, que chacun chercha à se réunir à ses compagnons. Quelques-uns es- sayèrent de grimper le long des parois lisses de leur prison; mais après quelques tentatives inutiles, ils s'enfoncèrent sous terre. La troupe entière fut bientôt dégagée, et je la vis par- tagée en petites bandes dans le fond du bocal, du côte le [jIus obscur. Au bout de quelques heures, ces groupes étaient réunis en un seul. A partir de ce moment, les travaux commen- cèrent et marchèrent avec ensemble. « Le premier soin des Termites fut d'établir autour du bocal une espèce de grande route, et comme les matériau.x étaient très inégalement répartis, ils eurent à faire pour cela des déblais et des remblais. Les premiers étaient faciles; les seconds donnèrent plus de peine. Les Ou vriers transportèrent d'abord unecertainequan- tilé de terre destinée à élever suffisamment le sol, puis au-desius ils installèrent une voûte. Je les voyais arriver à la suite les uns des au- ties, chacun portant entre ses mâchoires une petite masse de terre qu'il appliquait, sans presque s'arrêter, au bord saillantde l'ouvrage ; puis il descendait par une espèce de rampe ménagée exprès, et rentrait sous terre par une Bbeum. — VIL galerie spéciale. Quelques-uns me semblèrent dégorger sur les matériaux déjà en place un liquide destiné sans doute à les consolider. Pendant tous ces travaux, les Soldats me pa- rurent jouer bien évidemment le rôle de chefs et de surveillants. Je les voyais en petit nombre mêlés aux Ouvriers, toujours isolés et ne tra- vaillant jamais eu.x-mêmes. Par moments, ils faisaient avec le corps entier une sorte de tré- moussement et frappaient le sol de leurs pin- ces ; aussitôt tous les Ouvriers voisins exécu- taient le même mouvement et redoublaient d'activité. En vingt heures, la galerie circulaire se trouva en état de servir ; il est vrai que les parois du bocal en formaient presque la moitié. En même temps le terrain avait été consolidé, sa surface aplanie, et un bouchon que j'y avais déposé était à moitié enterré. Je leur en donnai alors trois autres ; j'y ajoutai successivement une boule de papier très serrée et une grosse boule de mie de pain. Ces divers matériaux restèrent exactement dans la position résultant du hasard de leur chute, et je crus d'abord qu'ils étaient dédaignés parles Termites; mais ayant renversé le local sens dessus dessous au bout de quelques jours ; ils restèrent tous en place malgré leur poids. Ils avaient été soudé Insectes. -^ 60 474 LE TERMITE LUCIFUGE. l'un à l'autre, et je pus reconnaître plus tard, en les ouvrant, que les Insectes y avaient percé plus d'une galerie, bien que ce travail de son- dure et d'érosion fût parfaitement inappréciable à l'intérieur. « Le travail de mes prisonniers me parut marcher d'abord sans discontinuité ; il se ra- lentit lorsque les gros ouvrages furent termi- nés. Au reste, peu de jours leur suffirent pour achever la Termitière. A cette époque, mon grand bouchon était presque entièrement en- terré, et le terrain avait été élevé au niveau des deux autres. Toute la surface du sol était unie, sans ouverture apparente, et le terreau, qui au commencement de l'expérience était aussi mobile que du sable fin, avait été si bien consolidé, qu'il s'en détachait à peine quelques parcelles lorsqu'on renversait le bo- cal. Sous cette espèce de croûte, et tout à fait dans le bas, régnait tout autour du local une galerie large de 1 centimètre et haute de 1 cen- timètre et demi environ, en forme de demi- voûte, appuyée contre les parois transparen- tes du verre. Plusieurs ouvertures partaient de ce chemin de ronde et donnaient accès dans les chambres à voûtes surbaissées, assez spacieuses pour contenir trente à quarante Ouvriers. Celles-ci communiquaient avec d'au- tres appartements intérieurs par des portes très basses où cinq ou six Ouvriers pouvaient passer de front. (i Une fols le travail mené à fin, les Termites se tinrent tranquilles, au moins pendant le jour. Je les trouvais d'ordinaire groupés dans le point le plus obscur de la grande galerie ou dans les chambres voisines, tandis que quel- ques Soldats isolés semblaient parfois monter la garde à l'entrée des chambres vides; mais aussitôt que la lumière les frappait, il se ma- nifestait une vive agitation. Ouvriers et Sol- dats exécutaient à l'envi le singulier trémous- sement dont j'ai parlé plus haut, et en quelques secondes tous avaient disparu dans lus cham- bres du centre, où ne pouvait les atteindre les rayons importuns. « La curiosité seule ne me guidait pas dans ces observations. En étudiant de plus près les mœurs des Termites, en cherchant à me rendre compte de la construction des Termi- tières, je voulais surtout arriver à découvrir les moyens de combattre des ennemis que leur nombre et leur petitesse même semblaient avoir rendus invincibles. MM. Audouin, Milne- Edwards, Blanchard, Lucas, n'avaient fait que passer, n'avaient pu par conséquent abor- der ce problème; mais bien d'autres avaient essayé de le résoudre. Les arrosages ;\ l'eau de goudron, les labours profonds et fréquents, les fossés circulaires creusés autour du tronc, ont été employés pour protéger les jardins et les arbres fruitiers; l'essence de térébenthine, l'arsenic en poudre, ont été vantés comme de- vant faire périr les Insectes réunis dans une Termitière, et un voyageur assure que cette dernière substance réussit parfaitement à la Martinique. Malheureusement ces divers pro- cédés se sont toujours montrés impuissants en Saintonge, et quant aux injections de les- sive bouillante employées plus récemment, elles sont évidemment inapplicables dans la plup:irt des cas. « MiM. Fleuriau et Sauvé avaient aussi tenté de détruire la colonie installée à la préfecture de la Rochelle. Après un certain nombre d'es- sais infructueux, ils imaginèrent d'appeler à leur secours des auxiliaires, et d'employer les Fourmis à combattre les Termites. L'applica- tion de cette idée ingénieuse aurait bien eu quelques inconvénients : on aurait remplacé un Insecte rongeur par un autre ; mais, en somme, le remède aurait valu beaucoup mieux que le mal, et il est à regretter que le succès n'ait pas couronné les tentatives des savants rochelais. Ils réunirent dans un même local un nombre à peu près égal de ces deux espèces d'Insectes. La bataille commença sur-le-champ, et il fut bientôt facile d'en prévoir l'issue. Les Termites faisaient des blessures bien plus profondes; les Soldats surtout, d'un seul coup de leurs terribles pinces, coupaient les Four- mies en deux comme avec des ciseaux. En peu de temps, celles-ci furent exterminées, tandis que les Termites ne comptèrent d'a- bord qu'un assez petit nombre de morts. Pour- tant, le lendemain, près de la moitié avaient péri, tués très probablement par l'acide que sécrètent les Fourmis, et qui avait empoisonné les moindres blessures. Malgré les insuccès de mes prédécesseurs, je ne désespérais pas d'atteindre les Termites. Je comptais pour cela sur quelqu'un de ces poisons gazeux que prépare la Chimie, et qui par suite de leur na- ture même peuvent pénétrer dans les réduits les plus étroits. J'avais entendu un des fonda- teurs de la science moderne raconter com- ment il était venu à bout d'exterminer les Rats qui, malgré les pièges de tout genre, infes- taient la maison. Après avoir fermé avec soin LE TEltMlTK LUClFUGli 473 les trous percés par ces Mammifères, M. Thé- nard avait adapté h l'un d'eux un appareil dé- gageant de l'Hydrogène sulfuré, et les Rais ainsi emprisonnés, ne pouvant respirer que de l'air vicié, étaient morts empoisonnés. « Par suite du mode de respiration spéciale des Insectes les Termites devaient bien plus encore que les Rats être sensibles à l'action d'un gaz délétère. Pour que ce procédé des injections gazeuses leur devînt applicable, deux conditions suffisaient. Il fallait que leurs édifices présentassent un ensemble continu de galeries et de chambres pour que le gaz pût pénétrer partout : mes observations ne me laissaient aucun doute à ce sujet. Il fallait en- suite trouver un gaz aussi dangereux pour ces Insectes que l'Hydrogène sulfuré l'avait été pour les Rats, et ici des expériences directes devenaient nécessaires. Un grand nombre de substances, qui sont pour l'Homme et les au- tres Vertébrés d'énergiques poisons, n'agissent que faiblement sur les Invertébrés, et en par- ticulier sur les Insectes. L'Hydrogène sulfuré, si heureusement employé par M. Thénard, est de ce nombre ; il fallait donc le remplacer. « Grâce à M. Robillard, pharmacien en chef de l'hôpital militaire, le laboratoire de cet éta- blissement fut mis à ma disposition. Des Ter- mites fraîchement recueillis y furent installés dans des bocaux que, par surcroît de précau- tions, on plaçait dans de larges vases pleins d'eau; divers gaz furent essayés, et parmi eux le Chlore surtout répondit pleinement à mes espérances. Les Termites les plus vigoureux plongés dans ce gaz presque pur, tombent comme foudroyés au moment même du con- tact. Laissés pendant une demi-heure dans de l'air mêlé d'un dixième de Chlore seulement, ils sont complètement asphyxies. Des expé- riences répétées de diverses manières, et dans lesquelles je tâchai d'imiter autant que possi- ble la disposition des bois termites, donnèrent des résultats tout aussi décisifs, tout aussi sa- tisfaisants. Ainsi, pour détruire la Termitière la plus étendue, il suffira d'y injecter une quantité suffisante de Chlore dégagé par un ou plusieurs appareils. Est-ce à dire que le pro- blème, ramené à ces termes si simples, ne présentera plus de difficultés? « Nous sommes loin de le prétendre. Dans toutes les questions de ce genre, aux recher- ches de la science, qui donnent ce qu'on pour- rait appeler la solution théorique, doivent suc- céder les tâtonnements de la pratique, qui seuls assurent l'application usuelle. A ce point de vue, de nouveaux problèmes surgi- ront pour chaque cas particulier. S'il s'agit d'attaquer une espèce exclusivement mineuse, une exploration des lieux sera d'abord néces- saire pour découvrir le point de dépari d'fs mille galeries suivies par les Termites; puis il faudra déterminer le lieu d'applicaiion des appareils, alin que le gaz pénètre sans trop d'obstacles au milieu même de la Termitière. Peut-être les Insectes menacés sj défendront- ils, comme ceux du Sénégal, en murant les passages donnant entrée au gaz délétère, et alors il faudra déployer une promptitude de manœuvres seule capable de les prévenir. Peut-être faudra-t-il dégager le gaz sous une pression assez considérable pour qu il puisse pénétrer dans toute l'étendue des travaux. Peut être, en dépit de toutes les précautions, les premières tentatives échoueront-elles mô- me sur des colonies isolées comme celles de la Rochelle. Peut-être enfin, ou plutôt à coup sûr, dans les villes généralement infestées, comme Saintes ou Rochefort; faudra-t-il lut- ter, après un premier succès, contre les inva- sions nouvelles et recommencer de temps à autre tout un ensemble de recherches et d'o- pérations ; mais est-ce à la première campa- gne que le cultivateur se délivre à jamais du chiendent ou de l'ivraie? Lui aussi n'a-t-il pas besoin d'activité et de persévérance pour sau- vegarder ses moissons? Nous n'en demandons pas davantage aux propriétaires de maisons ou de champs termites, et à ce prix, mais à ce prix seulement, nous leur garantissons le succès. » Parasites lies Termites. — On Sait Combien l'histoire des Fourmis est intéressante, non seu- lement par elle-même, mais encore par celle de ces parasites et commensaux (voy. p. Iô3, La Claviger testacé). Il est présumable que les grandes sociétés de Termites donnent asile à de nombreuses es- pèces termitopbiles ou termitophages. Nos con- naissances sur ce sujet sont malheureusement restreintes. Cependant on doit à M. Schiodte un important mémoire qui nous révèle les mœurs singulières de certains Coléoptères staphylins (fig. 6U3). Par une étrange exception, ces In- sectes mettent au monde leurs Larves vivantes. Sur les instances du naturaliste danois, le professeur Reinhardt, dans un voyage qu'il fit au Brésil, en 1832, explora les Nids de Ter- mites afin d'y recueillir les divers Animaux qui 476 LES PARASITES DES TERMITES. Fig. 665. — Le Corotoca Melantlio, Slapliylin vivipare des Nids de Termites. y trouvent asile. C'est dans les environs de Santa-Lagoa, dans la province de Minas-Geraës, près d'un petit village nommé Gontagem das Abnbaras quel'e.xplorateur a rencontré les Ter- mitières qu'il a examinées; elles étaient fixées autour des branches d'arbres souvent aune hauteur assez considérable et étaient probable- ment l'œuvre des Eulerme^, observés par Fritz Muller et dont nous avons parlé (p. 4(i3 et 4Gi) . Ces Nids de Termites n'étaient pas occupés seulement par leurs légitimes propriétaires, ils servaient d'habitation à certains Staphyli- nides remarquables par le grand développe- ment de leur abdomen qu'ils portent relevé et déployé en avant au-dessus du thorax. Ces Staphylins appartiennent à la grande tribu des Aléocharines, et M. Schiodte les a baptisés des noms de Corotoca Melantlio (fig. 665), de Coro- toca Pltylo et de S/iirac/ilha Eurijmedasa. M. Reinhardta trouvé constamment et toute l'année le C. Melantlio dans les Termitières ; deux ou trois individus dans les Nids nouveaux et petits et jusqu'à trente et quarante indivi- dus djns les Nids anciens. Chose singulière, ces Animaux qui vivent dans l'obscurité la plus ab- solue, au milieu des Ouvriers et des Soldats aveugles et privés d'ailes, sont pourvus d'yeux et ailés comme les Termites mâles et femelles ; ils ont donc la faculté de quitter les Nids où ils ont trouvé un refuge, lorsque les conditions biologiques cessent d'être favorables. Quant à leur volumineux abdomen, non seu- lement il contient des OEufs, mais encore de nombreuses Larves complètement développées et prêtes à être mises au monde, ainsi que le scalpel l'a révélé à Schiodte. Il y a donc trente ans que Reinhardt a fait ces intéressantes observations et les explora- teurs ne nous ont apporté aucuns faits nou- veaux; ils ont négligé d'exploiter les riches mines qui, de tous côtés, s'offraient pour satis- faire leur eu riosilé. Nous appellerons l'attention des Naturalistes voyageurs sur les Termite?, et nous leur promettons de riches découvertes qui assoleront leur réputation; qu'ils fouillent leurs demeures, cherchent et observent les Animaux qui s'y abritent, vivant à leurs dépens ou leur servant d'utiles auxiliaires et ils seront étonnés de découvrir des faits étranges et mystérieux. L'existence des « Fourmis blanches » montre une fois de plus combien certains détails, que la nature recèle parmi ses innombrables se- crets, échappent encore aux recherches isolées des Savants; toutefois, des observations suivies ont permis aux regards de 1 Homme de lever déjà plusieurs voiles, et l'effort des Natura- listes trouve un encouragement dans cette pa- role de l'Ecriture : « Cherchez, et vous trou- verez (1)! » (1) Annales des science'! naturelles. Ser. 4. T. 5, 1857. l.K PSOQUE RAYE. 477 LES PSOCIDES — PSOCID.E Die Uul-Jai(se. Camctt-reg. — Avec les PsoquGS (Psoctis), (jui gt'néraloment attirent peu rallention, on forme une deuxième famille de la série des Orthoptères pseudo-névroptôres. Leur as- pect extérieur ne justifie en rien leur déno- mination allemande de Poux de bois. Leur tête très grande se prolonge en avant par un front renflé en vésicule, et porte sur les côtés des yeux très saillants; elle se prolonge, en ar- rière, de façon à recouvrir tout le prolhorax. Il existe trois yeux accessoires très rappro- chés; au devant d'eux s'implantent des an- tennes à 8 articles, qui dépassent la lon- gueur du corps. Les autres pièces buccales sont cachées par la lèvre supérieure demi- circulaire : ils ont une mandibule écailleuse en forme de crochet, une mâchoire formée de lobes membraneux, dont l'externe est large et l'interne prolongé par deux pointes, enfin des palpes à quatre articles ; la lèvre inférieure bifurquée est dépourvue de palpes. Les ailes recouvrent, comme un toit, l'abdomen qu'elles dépassent, elles ont peu de nervures et man- quent dans certains cas. Les ailes antérieures portent une mai'que considérable au devant des ailes postérieures qui sont plus courtes et plus étroites ; les deux articles des tarses sont assez semblables, et le dernier porte deux grilTes courtes, situées au voisinage d'une soie; l'abdomen est court, ovoïde et formé de 9 articles llœurs, habitudes, régime. — Parmi ces Insectes, ceux qui vivent en plein air se nour- rissent probablement de Lichens, ceux qui han- tent les maisons dévorent les vieux papiers et autres débris. Il est seulement à noter que la femelle de certaines espèces tisse, au-dessus des œufs qu'elle dépose sur les feuilles, des fils variables suivant les espèces. A l'état de Larve ils ne présentent aucune particularité Les nombreuses espèces de Psoques ont été réparties par quelques auteurs en plusieurs genres que l'on distingue, souvent avec peine, à l'aide de nervures, des taches ou des bandes foncées de leurs ailes et de la coloration de leur corps. LU PS(»OIJE QUADRIPO^CTl!E — PSOCUS Qi'IDItl PUNCr.tTUS. Vierpuncktige, Hohlaus. Caractères,. — Ce petit Insectc jaune rous- s;\lre tacheté de noir se reconnaît aisément aux quatre taches noires qui ornent les ailes supé- rieures ; deux sont situées sur le bord posté- rieur avant la base, et les deux autres sont pla- cées un peu en avant; le reste de l'aile est va- rié de bandes brunes. Mœurs, habitudes, régime. — Le Pou des bois quadriponclué {Psocus qnadripunclatus) cache ses œufs, par groupes de cinq à seize, dans les dépressions qui se trouvent entre les nervures des feuilles, et les recouvre d'un tissu qui de loin donne à l'ensemble l'aspect d'une écaille de poisson. Nous avons vu pré- cédemment quelques Coléoptères aquatiques étendre des fils dans le même but; mais les produits de sécrétion provenant de glandes abdominales s'écoulent par des libères situées près de l'anus; parmi les Insectes parfaits on ne connaît pas d'autres types dont les glandes séricigènes viennent s'ouvrir vers la bouche. LE PSOQUE RAYÉ. - PSOCUS LIXEITCS- LiiHirlc Holzlaus. Caractères. — Le Pou du bois rayé {Psocus lineatus) (fig. 666 el 667)eslla plus grande espèce Fig. 666 et 6CÎ. — Le Psoque rayé. de 1 Europe ; elle mesure largement G""", S du front à l'extrémité des ailes; ses antennes noi- res, à base brun pâle, ont jusqu'à 11 millimè- tres de long. La couleur fondamentale du corps 478 LES PERLES. est jannâlre. Le dos porte des taches au niveau du thorax. Le front présente douze lignes rayon- nées, et l'abdomen, d'un jaune vif, offre des anneaux d'une teinte plus ou moins noire. Les pattes sont d'un brun pâle, et les cuisses antérieures pressentent, à la partie supérieure, des taches noires. Les ailes antérieures, trans- parentes, ne portent aucune marque; ou bien elles offrent seulement quelques petites ta- ches effacées dans la cellule médiane; une tache située sur leur bord postérieur peut s'étendre sous forme de bande sans arriver toutefois jusqu'au bord antérieur. Mœurs, habitudes, régime, — Ce Psoque se trouve dans les bois. LE l'OU DES POUSSIERES. - TOItlUS. Staublaus. rnocTES rvLS.4- Caractères. — LePou des poussières (7'?'0C/M ou Alropos puliato7-ius) se rattache au groupe précédent. Son corps, aplati, allongé et ap- tère, ainsi que sa couleur d'un jaune bru- nâtre pâle, le font ressembler à un pou; mais il en diffère par ses pièces buccales et par ses antennes assez longues. Les cuisses posté- rieures sont épaissies et ses tarses sont for- més de trois articles. Mœurs, habitudes, réijime. — Cet Insecte, de 1"'"',69 de long, grimpe avec rapidité, et se tient volontiers dans les endroits obscurs tels que les amas de vieux papiers et les boîtes où se trouve quelque collection d'Insectes un peu négligée ; il se loge notamment entre les joints des planchettes sur lesquelles on étale des Papillons pour les sécher, et dévore les franges de leurs ailes et quelquefois des pièces entières; il ronge également les étiquettes, même sur les bocaux, surtout lorsqu'elles sont légèrement humides. Sauf les dégâts qu'il produit dans les collections, il est assez peu nuisible, car il trouve dans les coins poussiéreux une nourri- ture qui lui suffit. LES PERLIDES — PERLIDM Die A flei'fruhlingsfiiegen. Caractères. — Noiis placerons ici ces Névrop- tères que beaucoup d'auteurs ont placés parmi les Orthoptères et qui à l'état sexué se distin- guent par leurs têtes déprimées, par leurs longues antennes, par leuis quatre ailes sem- blables, peu réticulées, placées autour du corps et croisées, de manière à donner à l'In- secte une forme linéaire déprimée; les tarses comptent 3 articles, les ongles sont séparés par une pelote bilobée. Ce sont les Orthoptères pseudo-névroptères amphibiotiques , c'est- à-dire qui ont une vie aquatique, à l'état de Larve. LES PEÏ{LES — PERL^ Caractères. — Les caractères sont ceux de la famille auxquels il faut ajouter quel- ques particularités : les mandibules et les mâchoires sont membraneuses ; les palpes maxillaires sont longs, à articles terminaux grêles, les palpes labiaux de trois articles ont leur extrémité rétrécie. Les deux soies cau- dales que l'on rencontre chez presque tous les Insectes de cet ordre portent le nom des styles ; on les retrouve chez un grand nombre de Perlides; elles présentent aussi le même aspect général. Le développement presque égal des trois anneaux thoraciques constitue un caractère de famille qu'on observe rare- ment chez ceux de ces Insectes qui sont ai- lés. On rencontre une particularité que nous avons rencontrée plus fréquemment dans la suite : dans quelques espèces les ailes s'atro- phient régulièrement ou par exception chez quelques individus. Dans cette famille, cette atrophie atteint les mâles de certaines es- pèces. Distribution g^éog^rapiiique. — Piclet a fait un travail spécial sur cette famille en 1841 (1), et a porté son attention tout parti- culièrement sur les premiers stades de leur évolution; il décrit une centaine d'espèces étudiées par lui ; il en cite quatre-vingts dont parlent d'autres auteurs et qui lui sont de- meuiées étrangères. Parmi ces dernières il y en a vingt-sept qui sont répandues sur pres- que toute la terre. (1) Pictet, Histoire îialurelle générale et particulière des Insectes Névroptères. Famille des Perlides. LA PERLE A DOUBLE QUEUE. 479 Mœurs, iiabltudes, rôgimc. — Ces Insec- tes apparaissent en même temps que les De- moiselles et les Sialis; ils se posent dans les mêmes endroits, les ailes aplaties sur le dos; si on les dérange, ils s'enfuient en courant à une certaine distance. Leur vol ne dure qu'un instant, et ne devient actif que dans la soirée. Les femelles agglutinent leurs œufs dans une excavation de leur abdomen; elles les laissent choir sous forme de grumeaux lorsqu'elles vol- tigent au-dessus de l'eau. Les Larves qui en sortent sont très ana- logues aux Insectes parfaits, ce qui n'a pas lieu de surprendre puisque leur évolution est incomplète; elles sont aptères, et leurs cuisses ainsi que leurs jambes sont pourvues de longs styles vibraliles qui leur donnent plus de fa- cilité pour ramer. Chez la plupart on peut distinguer, sur la limite du thorax, les houp- pes branchiales qui servent à leur respiration. Elles se maintiennent de préférence dans les eaux courantes, surtout dans les ruisseaux des montagnes ; elles s'installent sous les pier- res ou parmi les débris de bois, et se nour- rissent de proies; aussi leurs mâchoires sont- elles parfois plus développées et plus puis- santes qu'après leur évolution, qu'elles met- tent un an et même plus à accomplir; les ailes se développent peu à peu. Les Nymphes sor- tent de l'eau et grimpent ensuite sur une tige ou sur une pierre (tîg. 659); au moment de la Nymphose leur peau se déchire au niveau de la nuque, et l'Insecte avant d'acquérir sa liberté demeure enseveli dans sa pulpe pen- dant un temps assez court. LA l'ERLi: A DOUBLE QUEUE. — PERLA BICJVDATA. Zweischwânzige Uferflieye. Caractères. — La Perle à double queue {Perla bicaudala) représentera ici les Perlides (fig. 668). Son prothorax d'un brun jaunâtre porte deux taches foncées ; il offre des stries sombres sur le milieu et sur les contours : la tête est d'un rouge jaunâtre, le reste du corps est d'un ton brun-jaune; les pattes jaunâtres sont plus foncées au niveau des extrémités des cuisses et de la base des jambes. Chez le mâle, le neuvième arceau dorsal de l'abdo- men est entre-bâillé et son bord interne et postérieur présentent la forme d'une croie infléchie; chez la femelle, deux fossettes su- perficielles le divisent en trois lobules, et le huitième arceau ventral est abrupte et verti- cal. La longueur du corps atteint presque 22 millimètres ; chez le mâle elle n'est que de 1"> millimètres. L'envergure do l'aile auté- Fig. 6G8. — Adulte. Fig. 6G9. — Nymphe. Fig. 668 et 669. — La Perle à double queue. rieure est de 28°'", 2o chez l'une et 22 chez l'autre. Un des caractères génériques con- siste en ce que dans le dernier tiers de l'aile antérieure il y a une seule nervure transver- sale entre le radius et ses rameaux. En de- hors de l'insertion de la nervure sous-margi- nale il y a au moins trois côtes transversales entre le radius et la nervure marginale. Les mandibules sont très petites et membra- neuses; les articles terminaux des palpes maxillaires sont minces, et le troisième article des tarses est plus long que les deux précé- dents réunis. A l'aide de ces caractères on distinguera l'espèce en question de plusieurs autres fort analogues, qu'on a récemment ré- parties en un grand nombre de genres. Mœurs, habitudes, régime. — Au premier printemps, cette espèce se trouve en nombre immense sur les parapets des quais de Paris. C'est parmi les Perlides que vient se placer les Ptero7iarcys , ces singuliers Insectes si bien étudiés par Newport dont nous avons parlé dansrintroduction(p.40el i2,fig. 79, SOetSl], et qui présentent cette particularité unique dans la classe des Insectes de posséder des branchies externes à l'état adulte. Ces grands Névroptères, originaires du Canada, grâce à l'existence simultanée d'un appareil respira- toire à orifices stigmatiques et d'un appareil branchial, peuvent voltiger çà et là ou vivre dans l'eau sous la pluie des cascades des grands lleuves canadiens. LES ÉPHÈMÉRIDKS. iT^/^c-.jcIa •>\^ Fig. 670. — L'Éphémère vulgaire niàle. l'ig. (i;i ei 07i. Fig. 671. — Larve de l'É- pliémère vulgaire. Fig. 672. — Lpliéniére adullo abandonnant la Subim:';;". LES ÉPHÉiMÉRIDES — EPHEMERID.E Die Iliifie. — Die Eintags/îicgcn. Les Ephémères n'étaient pas inconnues des anciens. Aristote raconte que le fleuve Hypa- nis, affluent du Bosphore Cimmérien, entraî- nait, à l'époque de l'équinoxe d'été, de petits sacs, gros comme des grains de raisin, d'où éclosait un petit animal à quatre pattes qui voltigeait jusqu'au soir et s'abattait épuisé pour mourir au soleil couchant : d'où leur nom d'Ephémères. .Elian les faisait naîlre du vin : dès qu'un tonneau est ouvert, dit-il, les Éphémères s'envolent pour jouir de la lumière et mourir. La vie que leur accorde la nature est si courte, qu'ils n'ont le temps ni d'appré- cier leur malheur ni de compatir aux souf- frances des autres. Caracti-res, — Les Éphémérides {Epkeme- ridœ) constituent une troisième famille dans la séné des Orthoptères pseudonévrop- lères qui se trouve reliée à la précédente par de nombreux caractères particuliers. Le corps grêle, presque cylindrique, de ces Mouches est recouvert d'un tégument extrêmement mince ; des soies caudales articulées, au nom- bre de trois, ou quelquefois de deux seule- ment, atteignent souvent deux fois la longueur du corps. Les courtes soies antérieures qui représentent les antennes passeraient souvent inaperçues si elles n'étaient implantées sur deux articles basilaires très volumineux. Les yeux accessoires sont très grands, souvent au nombre de deux seulement. Le mésothorax atteint presque la longueur du prothorax. A cette constitution délicate répondent des pattes très faibles, terminées par des tarses de quatre ou cinq articles; leur conformation fournil un des signes dislinclifs des deux sexes; les jambes et les tarses antérieurs du mâle sont tellement allongés que lorsqu'au repos ils s'é- tendent en avant, on les prendrait à première vue pour des antennes. Les yeux saillants qui occupent presque toute la tête fournissent un second caractère distinctif du mâle. Les Éphémères méritent leur nom; elles vi- vent parfois à peine vingt-quatre heures. Elles n'ont pas besoin de se nourrir et consacrent tout leur temps à la procréation; aussi leurs pièces buccales établies sur le type des Insec- tes broyeurs ne sont pas développées ; ces pièces atrophiées se trouvent cachées derrière un chaperon volumineux et bilobé. Les ailes délicates et réticulées sont redressées au re- pos, et se touchent par leur face supérieure ou interne, et se distinguent par leurs dimen- sions respectives : l'antérieure dépasse la pos- LES EPHEMKRIDES. 481 Fig. 673. — Apparition des Éphémères (p. iS7). térieure du quadruple en moyenne, et dans quelques cas elle existe seule. Ce que ces Éphémères présentent de plus intéressant est une des particularités de leur développement, que l'on ne retrouve pas chez d'autres Insectes. Aussitôt que le Névioptère abandonne son existence aquatique et se trans- forme en Insecte parfait, il se dépouille encore une fois de sa peau, y compris les ailes. Cette Nymphe active ou SubinuKjo se tient immobile un certain temps, les ailes étendues horizonta- lement, puis commence à imprimer à tout son corps un tremblement continu ; sous cette in- fluence, l'abdomen se fend, et la déchirure pro- duite se prolonge lentement vers la partie antérieure. Dans cette opération les épines qui garnissent latéralement les anneaux Bnf:D\r. — YIl. jouent un rôle important en fournissant un point d'appui très utile, qui s'oppose à tout mouvement de recul. La pression exercée par l'Animal, au niveau de la région thoracique et céphalique de cette Nymphe active, produit une violente tension de cette membrane à la partie dorsale du thorax, et finit par la faire éclater suivant la ligne médiane. Les bords de cette fente s'écartent du côté des ailes, et la face dorsale du thorax de l'Ephémère com- plètement développé apparaît blanche et bril- lante au milieu de la dépouille de la Nymphe ; sous les efforts répétés de l'Insecte la tète ap- paraît au dehors. Les ailes de la Nymphe re- tombent alors en forme de toit le long du corps, tandis que celles de l'Insecte adulte ou Imago sortent presque en même temps que 1nsi:ctes. — (il 482 L'EPHEMERE YULGAIHE. les pattes antérieures qui, d'abord appliquées contre le corps, s'étendent au moment où les ailes récemment développées se dressent en l'air ; ses tarses se fixent alors solidement à l'objet sur lequel reposait la Nymphe. L'In- secte se repose quelques secondes, dégage son abdomen ainsi que ses soies caudales et ses pattes postérieures, nettoie sa tête et ses an- tennes à l'aide de ses pattes antérieures, et d'un vol rapide disparaît aux yeux de l'obser- vateur. L'enveloppe de la Nymphe ou Subi- mago reste abandonnée, les bords externes des gaines alaires recroquevillées. C'est cet aspect qui a valu à ces Insectes le nom alle- mand de Hafte, car ce nom ne leur vient pas, comme le pense Rosel, de ce qu'ils viennent se fixer aux bateaux fraichement goudronnés. '< Je me souviens d'avoir vu dans ma jeunesse, raconte Taschenberg, alors que je voyais les choses autrement qu'aujourd'hui, une de ces mues accomplie en l'air pendant le vol? » Etait-ce une illusion, était-ce la vérité ? D'a- près ce qui précède cela ne me paraît pas im- possible. Il est assez difficile de constater une différence entre l'Imago et la Subimago. La peau plus flasque de cette dernière lui donne une allure plus lourde; ses membres sont plus épais et plus courts, notamment les pattes antérieures du mâle ; la coloration est plus indécise et plus terne. Chez l'Insecte parfait, les formes et les contours sont plus nets, la coloration plus pure; tout y est plus brillant et plus frais. En outre les ailes portent des marques très nettes ainsi que l'a établi Piclet. Mœurs, iiubiiuiics, ri-{^iine. — Un merveil- leux spectacle, que nous offre une belle soirée de mai ou de juin, est la danse de ces syl- phides célébrant !euis noces et se balançant dans les airs sous les rayons d'or du soleil couchant (pi. XII). Elles s'élèvent et s'abais- sent au-dessus des eaux sans qu'on puisse suivre les mouvements de leurs ailes scintil- lantes; elles voltigent sans discontinuer, pen- dant le peu d'heures qu'elles ont à vivre. Il est à remarquer que dans ces fêles nuptiales c'est par milliers que l'on compte les mâles, pour quelques femelles seulement. Ce sont les danses des Éphémères connuuiies (Ep/iemera vulgata) que, dans nos pays, il est le plus facile d'observer. LES ÉPHÉMÈRES — EPHEMERA Caractèpes. — Les ailes, toujours au nombre de quatre, finement réticulées, et soutenues par des nervures foncées, sont transparentes dans les espaces aréolaires; à chaque patte on peut compter aux tarses cinq articles dont le second dépasse le premier d'environ huit fois sa longueur. Lesyeux sont réunis chez le mâle; il n'existe que deux ocelles, l'inférieur a dis- paru. L'abdomen porte trois longues soies d'égale longueur. Les Larves ont leurs bran- chies trachéales réunies en faisceaux. Ces carac- tères se retrouvent chez toutes les espèces du genre Ephanera que l'on a récemment sub- divisé en plusieurs autres. l.'lsrilE.UKRB COMMUNE OU VULGAIKi; — EI'IIE- lUEitA PULGATd. Gcmeine eintaysflicge. Cai-acièreg. — Ce Névroplère mesure large- ment 17 à 18 millimètres, sans compter les soies caudales, qui, chez la femelle, ont une longueur égale à celle du corps, et, chez le mâle, une lon- gueur double. Sa couleur est d'un brun foncé. Fig. C74. — Les Éphémères vulgaires. Il est orné sur l'abdomen de quelques taches, d'un jaune orangé, disposées en séries et parfois fusionnées; les trois filaments caudaux, égaux entre eux, présentent des cercles alternative- ment foncés et clairs ; l'aile antérieure, trian- gulaire, porte une bande médiane écourlée et brune. Itislributioii t;'ôog'rai>liii|ue. — C'est l'es- pèce la plus grande et la plus répandue en France et en Allemagne. Ilœurs, habitudes, régpime. — Les Ephé- mères vulgaires apparaissent dès le mois de mai, et leur couleur sombre tranche nette- ment sur le ciel pâle du crépuscule. Nous pou- vons nous demander d'où elles proviennent ; Bufiim. 'th-<"'7cs. T. VII, p. 485. PI. xn. P.ici-, .1.-11. BMUirc H fllî, cdil LES EPHEMERES. LA PALINGENIE COMMUNE. 483 ainsi que les précédents elles naissent des eaux courantes (lig. 670, 071, 072 et 674) où leurs Larves vivent de proie tout le temps de leur existence, et où les femelles viennent semer leurs œufs. Les Larves de ces Ephémères sont allongées et portentdcchaquecôléderabdomen six houppes de trachées branchiales, mais point de feuillets branchiaux. Leur lèle se termine en avant par deux pointes; elle porte des an tenues revêtu es de poils fins, ainsi que des mâchoires et des palpes maxillaires longs, falciformes et recourbés en haut : ceux-ci sont tiois fois plus longs que les palpes labiaux. Les pattes lisses et ciliées n'ont qu'une griffe ; les cuisses et les jambes anté- rieures, plus fortes, sont disposées comme celles des fouisseurs ; ces Insectes s'en servent pour pratiquer, sur la rive sablonneuse des ruis- seaux et des rivières, des conduits horizontaux dont la profondeur atteint oâ millimètres et qui se trouvent très rapprochés les uns des autres. La mince paroi qui les sépare porte un trou vers le fond, de telle sorte que laLarve, quand elle éclot, n'a pas besoin de se retourner; cette cloison est du reste souvent rompue par l'eau ou sous les efforts de la Larve au moment de l'éclosion. LES PALINGÉNIES - PALIAGENIA (1) Caraetôres. — Les quatre ailes aux nombreu- ses nervures transversales ne sont pas transpa- rentes, et ne portent pas de taches ; les tarses ne complent que quatre articles, les yeux sont sé- parés; chez les mâles l'abdomen ne porte que deux longues soies, la soie médiane s'étant atrophiée. La femelle, du moins chez la Pa- lingénie à longue queue {Palingenia longi- cauda),ne subit pas de seconde mue ; en outre, dans l'accouplement, qui a lieu dans les airs ou sur l'eau, elle se place sur le mâle. Les Larves du genre Palingenia sont égale- ment fouisseuses. Elles se distinguent des Larves à'E/j/iemei-a par la forme de leurs tra- chées branchiales qui sont disposées en feuil- lets ciliés sur les anneaux abdominaux ; d'autres espèces, d'une forme tantôt aplatie, tantôt ar- rondie, vivent en liberté dans l'eau ; la plupart ont besoin d'être étudiées avec soin et pendant longtemps, si on veut arriver à combler les lacunes des connaissances que nous avons sur chaque espèce isolément. (1) nâXiv, de nouveau ; yém:;, naissance par allusion b. la seconde mue de l'Insecte adulte. LA l'ALI.MJKMIK COMMrMÎ. — P ttHSGE.M l IlOn.IRlJ. Gcmeities Ufrnuis. Caraojères. — La Palingéuie commune (Pa- Inigi'iiin Iwraria) est d'une couleur fondaiTien- lale d'un blanc laiteux ; ses ailes antérieures ont un bord externe noirâtre ; les cuisses et les jambes des pattes antérieures sont noires ; en outre, sur toutes les paltes, les deux premiers des cinq articles des tarses sont semblables entre eux. llœiir§, habitudes, réaime. — Lcs Ephé- mères et notamment parmi elles les Palin- génies communes appartiennent aux espèces qui présentent un intérêt particulier par le grand nombre d'individus qui apparaissent à la fois; d'autant plus que l'existence de cha- cun d'eux ne compte que quelques heures. Ces Éphémères ne se montrent que quelques jours de l'année, à la tombée delà nuit ; puis chaque espèce disparaît complètement, pour reparaître l'année suivante, à une époque dé- terminée, d'une façon si précise que l'agronome n'a pas d'indication plus exacte pour effectuer ses différentes récoltes. Sur certainscours d'eau, le vol de ces Insectes permet de prévoir l'élé- vation ou l'abaissement de la température, les variations du niveau de l'eau, et donne di- verses autres indications fort utiles. C'est entre le 10 et le 15 août, que les pêcheurs de la Seine et de la Marne attendent l'apparition des Or- thoptères que Réaumura décrits sous le nom de Palingenia virgo. Les pêcheurs les appellent « lu marûien, entendant plaisamment par là soit que ce sont les poissons qui trouveront ainsi une nourriture abondante les jours où elle tombe en masse, soit qu'ils complent retirer eux-mêmes une riche capture. « Ce fut en 1738, dit Réaumur (I), que je me proposai d'être plus attentif aux heures où elles naissent aux environs de Paris et à ce qu'elles font après leur naissance, que je ne l'avais été jusqu'alors. Un pêcheur de Charen- ton que j'avais chargé de m'avertir du jour où les premières commenceraient à paraître, avait compté que ce serait entre la Saint-Lau- rent et la Notre-Dame d'aoi?it, c'est-â-dire entre le 10 et le Iode ce mois; quelquefois elles devancent la Saint-Laurent, mais dans cette (1) Ri^aumur, Mémoiivs ii- sectes, t. VI, Paris, 1712, p. 4"'J, LA PALINGÉNIE COMMUNE. année elles furent plus tardives ; elles ne sor- tirent de l'eau en assez grand nombre pour se faire remarquer par quelqu'un qui n'y regarde pas de plus près qu'im pêcheur, que trois jours après le terme fixé, que le 18 aoùl : c'était encore assez bien prédit. Le 19 au matin mon pêcheur vint me promettre pour le soir le spectacle que je lui avais paru attendre avec impatience; je m'embarquai ce jour dans son bateau plus de trois heures avant celle où le so- leil devait se coucher. L'examen que je fis des bords de la Marne et delà Seine m'assura que les Ephémères avaient réellement paru la veille en grand nombre : où le terrain était plat et un peu à l'abri du vent, je me trouvai à sec, mais près de l'eau, des tas de ces mouches mor- tes. » (I Je no dois pas oublier de dire, parce que j'aurai bientôt besoin qu'on le sache, que pen- dant ma promenade sur l'eau, je fis détacher des mottes de terre des endroits des berges qui me paraissaient les plus criblés, et qui par conséquent devaient être les plus fournis de Nymphes. A mesure qu'une motte était déta- chée, je la faisais mettio dans un grand ba- quet plein d'eau, dont j'avais eu soin de me pourvoir et je l'y faisais placer autant qu'il élait possible dans une position semblable à celle où elle avait été. Les endi'oits coupés ou brisés ne manquaient pas d'offrir desNy.mphes d'Ephémères mises hors de leurs logements, en entier ou en partie, et me prouvaient que l'in- térieur de chaque motte en était extrêmement rempli. J'avais des occasions de reste d'exami- ner si dans un temps très proche de celui de leur dernière transformation, l'extérieur de ces Nymphes était en quelque chose difl'érenl de ce qu'il avait été dans les temps où leur Méta- morphose était éloignée. Tout ce que je remar- quai, c'est qu'elles étaient alors d'une couleur plus jaunâtre et môme brune, en quelques en- droits. J'eus assez de quoi examiner et observer, pour m'amuser agréablement jusqu'à l'heure du coucherdu soleil ; c'était le temps attendu, et auquel on m'avait fait espérer que je verrais de toutes parts des milliers d'Éphémères sortir de la rivière et s'élever en l'air. Le sokil enfin fut prêt à se coucher, et se coucha ; je vis alors quchiues mouches de cette espèce voler sur l'eau, mais ce n'était pas là le speclaclc pro- mis. Je me tins sur la Seine jusqu'à plus de sept heures et demie sans en voir le nombre augmenter. Je repassai sur la Marne où il en parut encore moins. Enfin, la nuit qui était venue et des éclairs qui annonçaient un orage prochain me firent prendre, vers huit heures, le parti de rentrer dans le bras de la Marne, f[ui passe au bas de l'escalier de mon jardin. (Juoique très mécontent d'avoir vu si peu d Ephémères, je fis néanmoins monter dans le jardin le baquet dont j'ai parlé; à peine Teut- on posé proche de la dernière marche de l'es- calier, que ceux qui venaient de le placer se récrièrent sur la grande quantité d'Ephémères qui en sortait. Je me saisis promplement d'une des lumières avec lesquelles on avait cru de- voir venir au devant de moi dans une nuil très noire, et je courus au baquet. J'y vis de tous les côtés, sur les parties supérieures de diverses mottes qui n'étaient pas couvertes d'eau, des Éphémères dont les unes commen- çaient à quitter leur dépouille, d'autres étaient plus prêtes à s'en tirer, d'autres achevaient d'en sortir et s'envolaient : on en voyait aussi en difi'érents endroits de la surface de l'eau, dont la transformation en était plus ou moins avancée. Pendant que je jouissais d'un spectacle plus agréable que celui que j'avais espéré, pendant que j'avais le plaisir de voir tant d'Insectes aquatiques passer à l'état d'in- sectes ailés et de bien plus près qu'il ne m'eût été permis de le voir sur la rivière, l'orage prévu arriva, et me força de gagner la maison : la seule précaution que je pris en quittant à regret un baquet si amusant, fut de le couvrir d'une nappe, pour empêcher les Éphémères do s'envoler. La pluie violente ne fut pas de longue durée ; au bout d'une demi-heure, c'est-à-dire avant neuf heures, elle me permit de retourner dans le jardin. Dès que la couver- ture du baquet eut été ôlée, le nombre des Éphé- mères y parut considérablement augmenté, et s'y multiplia encore sous mes yeux : plu- sieurs s'envolèrent, mais j'en trouvai beau- coup plus de noyées; car dès que ces Insectes, qui ne pouvaient se passer d'eau, ont pris des ailes, l'eau est pour eux ce qu'ils ont leplus à redouter; s'ils tombent dedans, si elle mouille leurs ailes, c'en est fait d'eux, ils périssent dans l'endroit même où ils viennent de naître en quelque sorte. » « Les Éphémères qui s'étaient transformées et qui se tianst'ormaicnt continuellement dans le baquet auraient suffi assurément pour l'en faire paraître très rempli; mais bientôt, le nombre de celles qui y étaient fut augmenté par des étrangères qui, attirées par la lumière que je tenais dessus, venaient s'y rendre de LA PALINGENIE COMMUNE. plus loin et s'y noyer pour la plupart. Pour ôler à celles-ci l'occasion de périr, et pour en examiner de saines, je fis recouvrir le baquet de la nappe au-dessus de laquelle je fis tenir de la lumière : bientôt la nappe l'ut presque cachée sous une couche de ces mouches qui C'iaienl tombées dessus, on les prenait par pin- cées sur le pied du flambeau. Celles qui étaient tombées ne se trouvaient pourtant pas dans le cas des Papillons qui ne peuvent plus se soutenir sur leurs ailes parce qu'ils vien- nent de se les brûler, elles tombaient parce qu'il y a un temps on, fatiguées de voler, elles veulent se poser ou sont dans la nécessité de le l'aire. » (I Mais ce que je voyais autour du baquet n'était rien en comparaison de ce que je de- vais voir au bord de la rivière : j'avais ignoré jusque là ce qui s'y passait, les exclamations de mon jardinier qui était descendu au bas de l'escalier m'y appelèrent; je m'arrêtai sur la marche qui précédait celle qui était presque au niveau de l'eau : ce fut alors un spectacle qui surpassait beaucoup celui que j'avais désiré et attendu. La quantité d'Éphémères qui rem- jilissail l'air au-dessus de tout le courant du bras de rivière, et surtout auprès du bord où j'étais, n'est ni exprimable, ni concevable ; mais c'était principalement autour de moi et de ceux qui m'avaient accompagné, qu'elle était plus prodigieuse. Lorsque la neige tombe à plus gros flocons el pUis pressés les uns rig. 6"5 et 6'G. — Les Palingénies h longue queue. contre les autres, l'air n'en est pas si rempli que celui qui nous environnait l'était d'Éphé- mères. A peine eus-je resté quelques minutes dans la mi>me place, que la marche sur la- quelle mes pieds portaient fut toute couverte d'une couche d'Ephémères qui n'avait pas moins de doux ou trois pouces d'épaisseur, et qui en certains endroits en avait plus de qua- tre. Près de la dernière marche, une étendue de la surface de l'eau de cinq à six pieds au moins en tous sens, était entièrement cachée par une couche d'Ephémères ; ce que le cou- rant, plus lent là qu'ailleurs, en emportait, était plus que remplacé par celles qui tombaient continuellement dans cet endroit. Plusieurs fois je fus obligé d'abandonner ma place el de remonter au haut de l'escalier, ne pouvant plus soutenir cette pluie d'Éphémères qui, ne tombant pas, ou aussi perpendiculairement qu'une pluie, ou avec une obliquité aussi constante, frappait sans discontinuation, et d'une manière très incommode, toutes les parties de mon visage; des Éphémères en- traient dans mes yeux, dans ma bouche, dans mon nez. Si l'on a été quelquefois inquiété dans de belles soirées d'été par des Papillons nocturnes, que l'on n'imagine pas l'incommo- dité que l'on a ressentie alors comparable à celle dont je parle; elle ne l'est point, parce que le nombre de ces Papillons est très petit en comparaison de celui des Éphémères qui pleuvaient sur nous. » « S'il est singulier que les espèces de Papil- lons qui ne volent que la nuit, qui semblent fuir le jour soient précisément celles qui vien- nent chercher la lumière jusque dans nos ap- partements, il le doit paraître encore davantage que ces Éphémères qui ne doivent naître qu'a- près que le soleil est couché et le jour tombé, qui ne doivent pas même voir le lever de l'au- rore, aient un amour si marqué pour ce qui est lumineux. C'était une mauvaise commis- sion que d'être obligé de porter un flambeau à la main; celui qui en tenait un avait dans peu d'instants son habit tout couvert de ces mouches, elles venaient de toutes parts l'ac- cabler. La lumière de ce flambeau occasion- nait et mettait à portée de voir un spectacle tout autre que celui d'une pluie qui tombe; on en était enchanté dès qu'on l'avait aperçu. Tous ceux qui étaient avec moi, même les gens les plus grossiers, mes domestiques, ne se lassaient pas de le considérer. On n'a ja- mais fait de sphère, quelque compliquée qu'on l'ait faite, fournie d'autant de cercles qu'on voyait de zones qui avaient la lumière pour foyer : il eu paraissait des infinités qui se croisaient en tous sens, qui étaient dans toutes les inclinaisons imaginables les unes par rapport aux autres et qui étaient plus ou moins excentriques. Chaque zone était faite d'une lile continue d'Éphémères, et semblait i8G LA PALINGENIE COMMUNE. un galon d'argent contourné en cercles, et profondément découpé, un galon fait de trian- gles égaux, mais bout à bout de manière qu'un des angles de celui qui suivait était appuyé sur le milieu de la base de celui qui précédait : c'élait un galon mû avec une grande vitesse. Des Éphémères on ne distinguait alors que les ailes, celles qui circulaient autour de la lu- mière formaient cette apparence : chacune des mouches, après avoir décrit une ou deux or- bites tombait à terre, ou dans l'eau, mais sans s'être brûlée auparavant. » « Au bout d'une demi-heure, et même plus tôt, la grande pluie d'Éphémères commença à s'affaiblir, les nuées de ces mouches furent moins épaisses, et le devinrent de moins en moins; enfin, vers les dix heures, à peine en voyait-on voler quelques-unes sur la rivière, et il n'y en avait plus qui vinssent se rendre à la lumière. » JOlJVIÎiNCEI-Li:. — IGJtlOy VUELhJ. L'Agrion Jouvencelle (fig. 651, p. 457) est une Libellule fort élégante; le mâle est d'un bleu de ciel pur, marqué et annelé de noir bronzé, la femelle est également bleue mais m.irquée et annelée de vert bronzé. llœiirs, hiibitudes, n'-giine. — C'est l'espèce la plus répandue en Europe dans tous les lieux humides. LES iESGHNINES — .ESCHNIN.E Die Schmaljiinyfeni, jËschnineii. Caraetères. — Le second type des Libellu- lides comprend les espèces les plus grandes el les plus farouches. On les reconnaît au pren)icr abord à leur tête, grande et hémisphérique, dont les deux tiers sont occupés par les yeux, qui ont des reflets très brillants, et se touchent au devant du vertex. Ils sont tellement déve- loppés, qu'à l'aide d'un éclairage favorable, on peut distinguer, sans loupe, sur leur superficie bombée, les différentes petites facettes. Le der- nier tiers est occupé par le front renflé eu forme de vésicule, et partagé par une dépres- sion transversale ; la lèvre supérieure est reliée au bord inférieur du front, comme la visière d'une casquette, et recouvre les organes mas- ticateurs. Les ailes postérieures, au niveau de leur racine, sont beaucoup plus larges que les antérieures; sur les quatre ailes, ce sont les triangles alaires et la membrane de conjugaison qui établissentdes différences essentielles entre les genres. On désigne sous le nom de triangle alahe la surface triangulaire, limitée par des nervures plus fortes, qui s'étend sur le tiers antérieur de l'aile, entre la quatrième et la cinquième nervure longitudinale émanant de la racine alaire, et dont la pointe dépasse celte dernière nervure en arrière. La membrane de conjugaison est une région très petite, plus ou moins semi-lunaire, située à la base de l'aile, et distincte du reste de cette membrane par sa coloration et sa conformation. Les Larves de toutes ces Libellules à grosses têtes respirent uniquement à l'aide de bran- chies intestinales, et ne possèdent pas de branchies externes caudales. LESiËSCHNES —.ESCHNA (1) Cur.ictèreg. — En Europe, les représentants les plus grands de la famille, qui ont au moins de 52 à 65°"° de long, appartiennent aux Libel- lulides du genre yEschna ; ce sont eux égale- ment qui offrent les variations de couleur les plus accentuées. On les reconnaît aisément aux marques bleues et jaunes de leur corps, à leurs grands yeux qui se joignent sur le vertex, et à leurs quatre triangles alaires sensiblement égaux. Uistriliiition sposj^raphique. — L'Allemagne en possède huit espèces qu'on distingue diffici- lement entre elles ; la France n'est pas moins riche. ■lœurs, li.iliitiialeg, régime. — Elles volti- gent dans les régions montagneuses et boisées, le plus souvent isolées, car chacune d'elles dé- fend avec une ardeur farouche son territoire de chasse et n'y supporte aucune rivale. Leurs Larves se distinguent par de grands yeux composés, par des ocelles peu développés, par des antennes fines à 7 articles, par des pattes postérieures grêles munies de tarses à Irois aiticles et n'atteignant pas l'extrémité du corps, par un masque uni, par des stigmates aériens peu visibles sur les anneaux du thorax, et par la présence d'épines latérales sur les autres articles du corps (fig. 685 et 686). I.A GltANDB ^SCUME. — .ESCIINA GHÀXD1S. Grosze Schmaljungfer Caractèpes. — Tandis que plusieurs espèces de Libellulides portent à la partie supérieure de leur front vésiculeux une marque sombre en forme de T, ce signe manque chez la grande /Eschne {.Echna grandis), dont le corps jaune ou brun-roux est moins richement tacheté. Les côtés du thorax sont ornés de deux bandes jaunâtres ; le milieu du dos porte, entre les ailes jaunâtres et le troisième article abdo- minal, deux taches bleues réniformes. L'abdo- men est roux, le 1" anneau sans tache avec le bord latéral un peu jaune, les côtés du û" an- neau muni d'une crête et de quatre dénis et (1) Ltyiiiologlo aicoiinuo. LES LIBELLULINES. /.'J7 1 u tjh riK Cb8 lig G8J. Fig. C85. — Dépouille d'une Nymphe del'.Esclme grande. Fig. 686. — Nymplio de r.*;schiio grande s'emparant d'une Larve d'Éplicmèro. Fig. G8". — La Libellule déprimée venant d'éclore. Fig. GS8. — Nymphe do cette Libellule s'emparant d'une Larve d'Éphémère. Fig. 6S9. — Dépouille delà Nymphe rjue la Libellule vient d'abandonner. Fig. 685 i 689. — Les Libellulides. portant une tache latérale jaune, deux traits blanchâtres en dessus et postérieurement une bande ou deux taches bleues, les 3% 4°, 5% fi", 7" et H"' anneaux avec deux taches basilaires latérales bleues et deux petites lignes transver- sales dorsales jaunes ; les 9" et 10" anneaux sans taches. Elle se distingue surtout par la coloration de ses ailes qui sont entièrement rousses; cha- cun des appendices supérieurs du mâle, lan- céolés, est arrondi :\ son extrémité et ne porte pas de dentelure à sa base. Distribution g^ôograpiiique. — Elle habile le nord et le centre de l'Europe. L'.BSCUNE liLEUE. — yESCII.XA CYJNEA OU HIACL- LITISSIMJ. C'aractèpcs. — Celle-ci (fig. 650) porte une tache en forme de T sur le vertex et se recon- naît aux deux grandes taches vertes ovales qui ornent le devant du thorax, à son abdomen très tacheté, à son ptérostigma très court, à sa lèvre supérieure finement bordée de noir. Distribution géographique. — Elle Se ren- contre dans toute l'Europe septentrionale et tempérée; c'est une de nos espèces indigènes les plus répandues. BUEUM. — VII. LES LIBELLULINES — LIDELLULlNyE Plattbaûche. Curactères. — On s'est trouvé amené à réunir losLibelliila aux genres Epit/tcca, Cordulia,Pohj- ncura, Palpopleuva, et àquelquesautresencore, pourenfaireune troisième tribu, souslenomde Libcllulines.Les caractères distinctifs sont les suivants : les yeux composés n'ont qu'un point de contact à la partie supérieure de la tête, les ailes postérieures ont leur bord postérieur con- formé de même dans les deux sexes, et le triangle alaire est disposé différemment sur l'aile postérieure et sur l'antérieure. Les Larves à respiration inclusivement in- testinale ont un masque ayant l'apparence d'un casque ; leur corps a une forme trapue (fig. 688 et 689) ; du reste, leur aspect varie beaucoup d'une espèce à l'autre. Cette tribu se distingue de celle des ^Esch- nines par la disposition de la lèvre inférieure dont les lobes internes, réunis mais portant une échancrure antérieure, sont beaucoup plus courts que les lobes externes pro- longés par des palpes; dans l'autre tribu, au contraire, ils sont d'une longueur à peu près égale, et ne présentent aucune échancrure. Insectes. — 63 LA LIBELLULE QUADRIMACULEE- Les lobes externes sont privés de dents et de stylet lerminal mobile, etbeaucoupplus grands que les lobes médians. La plupart des Liliellnlines [Libellulinx) ont la base des ailes jaune ou d'une teinte foncée. Un petit nombre d'entre elles ont un abdomen aplati ; aucune n'a un corps à reflets métalliques. nutribution {^éo°;rapliique. — Les Libellu- lines sont répandues sur le globe entier; on a décrit une vingtaine d'espèces européennes. LES LIBELLULES— LIBELLULA (1) Caractères. — Les yeux très grands sont dépourvus d'appendices ; l'abdomen à côtés an- guleux est renflé à la base et rétréci en arrière; les ailes sont semblables dans les deux sexes et sans échancrure au bord postérieur ; les ongles bifides ont une dent plus courte que l'autre. Oistributîon g^pographique. — L Europe possède une quinzaine d'espèces. LA LIItlîLLUI.F, DEPRIMEE. — LIBELLUH VEPltESSâ. Gemdnor Plattbaûch. t'aracttres. — La Libellule déprimée [Libel- lula depressa) représentée sur la figure 687 esl d'une teinte brun-jaunâtre. Elle porte des taches jaunes sur les bords, et souvent l'abdo- men du mâle présente de beaux cercles bleu de ciel. Cette espèce se distingue des nombreux Insectes du même genre par les caractères .suivants : elle porte une grande tache allongée et sombre à la base de l'aile antérieuie, une tache triangulaire à la base de l'aile postérieure; les quatre ailes présentent une cellule basilaire d'un rouge brun située entre les origines des troisième et quatrième ner- vures longitudinales; il existe au moins dix nervures transversales sur le bord antérieur depuis la base jusqu'au niveau du nodule situé au milieu de l'aile et caractérisé par la présence de nervures transversales plus épaisses et plus resserrées dans un espace étroit. Distributiou g^éo^rnitliiquc. — C'est la plus commune de toutes; elle se rencontre dans toute l'Europe au bord des eaux. (1) Litellul'i, diminutif de libellus, leurs ailes étant étendues comme les feuillets d'un livre. I.A MBELLULE QUAr»nilW\CULEE. — LIBELLULA Qli ADIUMACULAT.l. Vier/lecktiger Plattbaûch. Caractères. — La Libellule quadrimaculce [Lihelhda quadrimaculala) qui apparaît un peu plus tôt que la précédente, dès le mois de mai, présente le même aspect général, la même taille et la même coloration, mais le mâle ne porte aucune ligne bleuâtre. Son nom provient des taches sombres que figure le nodule sur chacune des quatre ailes, dont la base est marquée en outre d'une teinte jaune safran. lUoRurs, habitudes, régime. — Cette espèce et la précédente ont attiré sur elles l'atten- tion universelle : elles apparaissent en effet en masses énormes et parcourent de longs trajets. Depuis 1673 on a signalé plus de 14 convois formés pour la plupart de Libel- lida qualrbnaculata, quelquefois de Lihellula depressa, une fois enfin à'Agrions. Le NaturalisteHagen, que nous avons déjàcité pour ses travaux sur d'autres Insectes entrepris ;\ Kœnigsberg d'abord, dans l'Amérique du nord ensuite, donne la description d'un convoi de Libellula qvadrimacuhtla qu'il eut l'occasion d'observer à son point de départ et pendant une partie de son trajet: «En juin 1852, par une belle et chaude journée, j'appris que, depuis neuf heures du matin, un immense essaim de Libel- lules pénétrait dans Kœnigsberg en passant au- dessus delà porte royale ; vers midi, je me diri- geai de ce côté et je vis des Libellules qui continuaient à arriver en masses compactes. Pour étudier de plus près cet intéressant spec- tacle, je sortis de la ville et je fus à même d'ob- server plus aisément ce convoi sur un large es- pace libre. Le convoi provenait, comme je l'ai découvert plus tard, de Dewan et présen- tait l'aspect d'une colonne longue d'un quart de mille et aussi haute que la porte. Au niveau de celle-ci, la colonne était à 30 pieds du sol, la crête du rempart la forçant à s'élever. Elle s'abaissait peu à peu vers Dewan, ainsi qu'on pouvait le constater en regardant les arbres voisins ; près de Dewan la colonne croisait la route et rasait alors la terre de si près que ma voiture la traversa. Je fus surpris de la grande régularité du convoi, particularité que j'ob- servai le premier. Les Libellules volaient en rangs serrés, sans s'écarter de la première di- rection. Elles formaient ainsi une colonne vi- vante d'environ eOpieds de large sur 16 de haut, LES NÉVROPTÈRES PROPREMENT DITS. 499 d'autant plus nettement limitée qu'à droite et à gauche l'air était absolument pur. La rapi- dité du vol de ces Insectes était à peu près celle d'un Cheval au petit trot; elle n'élait donc pas comparable à la célérité habituelle de leur vol. Eu examinant de plus près je con- statai que les Libellules étaient fraîchement écloses; l'érlat habituel de leurs ailes peu de tempsaprèslaNymphosenelaissaitaucundoute à cet égard. Plus je m'avançais à l'encoutre de ce convoi, plus les Libellules me parurent jeunes; enfin, arrivé à Dewan, j'y trouvai l'étang pomt de départdes voyageurs. La coloration du corps et la consistance des ailes indiquaient que leur Métamorphose datait au plus du matin. Sur l'étang et sur la rive opposée, on ne voyait au- cuneLibellule. Le convoiprovenait évidemment de l'ét.mg lui-même et de la rive située du côté de Kœnigsberg. Le phénomène se prolongea sans interruption jusqu'au soir. Je ne saurais m'aventurer il estimer le nombre de ces In- sectes. Il est assez remarquable que certains d'entre eus passèrent la nuit : les Libellules ces- sèrent leur vol au coucher du soleil, dans la partie de la ville avoisinant la porte : elles en couvrirent les maisons et les arbres, et le len- demain malin elles reprirent leur vol dans la même direction. En réponse à une demande que je fis insérer dans les journaux, j'appris que le jour suivant le convoi avait passé au- dessus de Karschaû, et qu'on l'avait aperçu dans cette direction :\ 3 milles environ de Kœnigs- berg. J'ignore cequ'il devintensuite. En réunis- sant toutes nos observations, nous nous trou- vons en face d'un besoin instinctif d'émigration. Il e>t probable que, contrairement à l'habitude, ces Insectes avaient senti l'insuflisance des res- sources que présentait leur lieu de naissance; ils l'ont abandonné, en convoi régulier, ce qui est encore en opposition avec leurs coutumes. Il ne faut pas confondre ce phénomène avec les essaims considérables de Libellules qu'on observe certaines années au-dessus des cours d'eau, notamment quand un printemps froid a retardé leur développement et que quelques jours de chaleur ont terminé subitement leur évolution tardive. Le convoi que j'ai observé suivait la direction du vent, mais cela me pa- raît être un effet du hasard, car dans quatorze observations différentes, ces Insectes ne suivi- rent pas la direction du vent qui régnait. La cause de ces migrations n'est pas encore éclair- cie; leur régularité, si contraire aux habitudes vagabondes de ces Insectes, indique un but bien déterminé ; dans le cas actuel, on peut seu- lement supposer que les cours d'eau de la contrée, qui pourtant ne sont pas ;\ sec en été, leur ont paru insuffisants pour élever les' couvées d'une foule aussi considéra- ble « L'abbé Chappe, qui se rendait, en 1761, en Sibérie pour observer le passage de Vénus, vit ;\Tobolsk un de ces convois de Libellules large de 500 aunes et long de cinq lieues ; M. Uhler de Baltimore a relaté que dans l'Amérique du nord, notamment dans le Wisconsin, les con- vois de ce genre s'observent assez souvent. Les échantillons expédiés prouvent indubita- blement que l'espèce américaine est identique à la nôtre ; on a observé les mêmes phéno- mènes dans l'Amérique du sud. La puissance du vol de ces Insectes est indiquée par ce fait, que des vaisseaux en ont rencontré en pleine mer à 600 milles anglais de la côte » LES NÉVROPTÈRES PROPREMENT DITS Caractère». ~ Ces Névroptères ont tous les caractères des Ortlwptères pseudo-névroptères ; comme eux ils ont les pièces de la bouche con- formées pour la mastication, le prothorax in- dépendant et les ailes sillonnées de nervures qui y dessinent des réseaux ; mais leur évolution diffère essentiellement. Leur développement, au lieu d'être continu, est interrompu par une période de repos ; leurs Nymphes, au lieu d'être actives, c'est-à-dire de posséder la faculté de se déplacer au gré de leurs caprices et de con- server des organes buccaux capables de saisir et de dévorer les proies, sont immobiles et n'ont plus que des pièces buccales atrophiées, inca- pables de broyer le plus faible aliment. Ces Né- vroptères sont donc li Métamorphoses complètes. 500 LE FOURMILION COMMUN. LES MYRMECOLEONIDES — MYRMECOLEONWjE Die Ameisenlowe, Caractères. — Les intéressants Fourmilions, Mi/rmé/éonides ou mieux Mijrmcroléunides, se reconnaissent aisément à leurs antennes cour- tes, aplaties, élargies en avant en forme de massue, et à leurs quatre ailes réticulées, presque égales entre elles, allongées et termi- nées en pointe. Cette pointe, et la conforma- tion des antennes, sont les principaux carac- tères qui permettent de distinguer au premier coup d'œil ces Insectes des Libellulides dont l'aspect général rappelle beaucoup le leur. Les yeux arrondis, et non séparés, font fortement saillie, et font paraître la tête courte et large ; les mandibules cornées sont propres à la mastication. Les pattes ont toutes la même conformation ; leur deuxième et leur troi- sième articles sont beaucoup plus courts que le premier, et les éperons terminaux des jam- bes ne sont pas recourbés en crochets. Uigtributioii g^éo^rapliique. — Ce SOnt des Insectes qui préfèrent les climats chauds ; assez nombreux en espèces, ils habitent aussi bien l'ancien que le nouveau monde ; les espèces indigènes sont en petit nombre. LES MYRMÉCOLÉONS — MYRME- C OLE ON (1) Caractères. — Indépendamment des carac- tères de la famille ils ont en propre quelques particularités organiques : les palpes labiaux, plus longs ou au moins aussi longs que les palpes maxillaires, ont le deuxième article par- fois aussi long que les palpes maxillaires et le dernier article fusiforme ; le premier article des tarses est beaucoup plus long que les trois suivants séparés ou réunis. LE I-OURMILION COMMUN.— MYIIMELEON FOltMI- CAIIIUS. Gemeiner Ameisenlowe. — Amtisenjiavjfern. Caractères. — Chez le Fourmilion commun (fig. 692) ou Lion-des-Fourmis [Mijrmecoleon formicarius), les caractères spécifiques consis- (I) MûpiiriE, »)xio;. Fourmi ; XÉwv, Lion. tent dans les quelques taches sombres des ailes, dans leurs nervures alternativement claires et foncées, et dans la longueur relative des an- tennes qui sont plus courtes que la tête et le thorax réunis. L'animal, dans son ensemble, est d'un noir grisâtre ; la tête et le thorax sont tachetés de jaune ; les bords postérieurs des anneaux sont brun-clair, et les patles brun-jaunâtre. Mœurs, habitudes, rég^ime. — Cet Insecie se tient de préférence dans les forùts de Sapins des pays sablonneux de l'Allemagne centrale et méridionale ; en France dans tous nos bois sablonneux, où prospère le Pin sylvestre comme à Fontainebleau, par exemple ; il vol- tige de juillet jusqu'en septembre. Le jour, il repose, les ailes étendues en toit sur l'abdo- men ; il s'anime au soleil couchant et s'agite, en tournoyant d'un vol lent, en quête de sa nourriture et de son semblable. Sur les pentes ensoleillées, à l'abri d'une racine d'arbre saillante, la Larve établit sa retraite qui consiste en un cratère au fond duquel elle se tapit, les pinces dressées, et guettant sa proie. Elle capture des Fourmis et de petits Insectes qu'un faux pas fait dégrin- goler dans l'entonnoir qu'elle s'est construit ; elle saisit alors sa victime et la dévore sur-le- champ. Nos figures 690 et 691 représentent ses pinces menaçantes dont la merveilleuse structure mérite d'être étudiée de près. Ce sont de redoutables mandibules armées de trois dents internes ; elles sont évidées en des- sous pour recevoir la portion sétiforme de la mâchoire qui forme l'appareil de suc- cion. Les palpes maxillaires manquent ; les palpes labiaux sont constitués par un article basilaire extrêmement grand, elliptique, suivi de trois articles cylindriques plus petits ; ils ne se dirigent pas en avant entre les mâchoi- res, mais se trouvent situés au-dessous d'elles. Aux angles de la tête, à peu près cordiforme, et grosse, on trouve six yeux et des antennes dont la longueur n'atteint pas celle des palpes labiaux. Les pattes se terminent par deux griffes sans pelotes. Le corps est trapu, le prothorax rétréci en forme de cou ; les poils épais recouvrent, sur les côtés, des verruco- LE FOURMILION COMMUN. 501 Fig. G91. — Larve, Irùs Fig. C90. — Larve, de grandeur Fig. G!)2. — Adulte, do grandeur grossie. naturelle. naturelle. Fig. 6110 à G9?. — Le Fourmilion commun. sites, et la base de l'abdomen est soulevée en forme de bosse. Le Fourmilion confectionne son cratère en travaillant à reculons. Il commence par tracer un fossé circulaire dont les dimensions sont en rapport avec sa propre taille et dont le bord extérieur limite son domicile futur. Au centre se forme un cône sablonneux abrupt, que l'Insecte aménage d'une manière ingénieuse. Au milieu du premier cercle qu'il a tracé, l'Insecte enfouit dans le sable son abdomen ; il s'y enfonce par un mouvement de vrille dans un espace de plus en plus rétréci, et à l'aide de ses pattes antérieures il porte le sable sur sa tête large, en forme de pelle, et le rejette au-delà du bord externe du fossé primitif avec une telle vigueur qu'il s'étale jusqu'à cinq centimètres au moins de ce bord. De temps à autre il se repose ; mais pendant son travail ses mouvements précipités provoquent une pluie de sable continue. Le cône intérieur s'enfonce en même temps qu'il s'étend, et cache au fond de l'entonnoir l'Insecte mineur, qui se trouve enfoui jusqu'aux pinces exclusi- vement. Pour faciliter ce travail, qui exige une force musculaire assez grande, il n'applique pas toujours ses efforts d'un même côté, du commencement jusqu'à la fin ; mais il se retourne de temps en temps pour faire manœu- vrer tantôt la patte gauche, tantôt la droite. S'il trouve sur sa route des grains de sable un peu gros, ce qui ne manque jamais d'arriver, il les rejette isolément ; s'il en rencontre de plus gros encore qu'il ne parvient pas à lancer, il les transporte sur son dos jusqu'au dehors. On a observé que l'Insecte fait dans ce but de | nombreux efforts ; et ce n'est qu'après plu- sieurs essais infructueux et réitérés qu'il se décide à chercher quelque autre place dans le voisinage, pour reprendre son travail, dans l'espoir d'un succès meilleur. En raison de leur conformation peu propice à une pérégrination lointaine, la mère a soin de déposer ses œufs dans les lieux sablon- neux où ces Larves pourront exécuter l'œu- vre indispensable à leur prospérité. Il est à peine besoin de rappeler que le Fourmilion n'habite pas toujours un même et unique cratère ; à mesure qu'il grandit il a besoin d'un entonnoir plus vaste, sans compter que des accidents de toute espèce peuvent détruire son œuvre, et que la pénurie du butin peut le forcer également à établir son piège ailleurs. L'entonnoir d'une forte Larve mesure 5 cen- timètres de profondeur et 7"", 8 environ de diamètre à sa circonférence externe ; ces proportions toutefois ne sont pas absolues et dépendent en partie de la nature du sol. Le carnassier, tapi au fond de son cratère, ne capture pas toujours sa proie sans efforts et sans peine ; une petite Chenille, un Cloporte, une Araignée, ou quelqu'autre animal plus gros qui roulent dans ce trou par accident ou qu'une pluie de sable fait dégrin- goler dans l'antre, luttent, s'il leur reste quel- que chance de se maintenir au bord du préci- pice, avec plus d'énergie et de vigueur qu'une Fourmi ou quelqu'autre Insecte de cette taille. Bonnet cite un exemple intéressant qui montre à la fois la ténacité du Fourmilion et la sollicitude maternelle de l'Araignée. Une Pardosa saccala, appartenant à cette gent 502 LE FOURMILION A LONGUES ANTENNES. meurlrière qui vit sous les feuilles sèches, parmi les herbes, et qu'on reconnaît aisément au sac ovarien blanchâtre, de la grosseur d'un pois, qu'elle porte au printemps accolé à sou ventre et qu'elle surveille avec plus d'anxiété qu'un avare son trésor, fut poussée dans l'en- tonnoir d'une forte Larve de Fourmilion. Celui-ci saisit le sac ovarien avant que l'Arai- gnée ait pu s'échapper du fond de ce cône. L'un tirait en bas, l'autre en haut ; et le sac à la suite d'ellbrts vigoureux finit par être dé- chiré. Mais l'Araignée n'eut aucunement l'idée d'abandonner en ce point son trésor. Elle le saisit entre ses mâchoires puissantes et redoubla ses efforts pour l'arracher à. son ennemi ; en dépit de sa résistance et de ses débats, le Fourmilion vainqueur finit par en- fouir son butin dans le sable. 11 fallut que Bonnet intervînt avec une certaine ténacité pour empocher la malheureuse mère de périr victime de son amour pour sa postérité; elle ne quitta pas, de son plein gré, la place où elle savait enterré ce qu'elle avait de plus précieux ; elle y aurait été sûrement dévorée à son tour, peu de temps après. Un Fourmilion lutta pendant un quart d'heure avec une Abeille dont les ailes avaient été enlevées ; il se comporterait de même avec son semblable : installé solidement dans le sable, il a toujours l'avantage. Il rejette au dehors les dépouilles des victimes qu'il a sucées, afin de ne pas encombrer le fond de son entonnoir et de garder la liberté de ses mou- vements. Ces Larves suppléent par la ténacité et par la ruse aux avantages d'autre sorte dont la nature les a privées. Dans les premiers jours de juin les Larves commencent à subir leur Nymphose. Elles s'enfouissent un peu plus profondément au fond de l'entonnoir ; leur extrémité abdomi- nale s'allonge comme le tube d'une lunette d'approche ; il en sort des fils soyeu.x blan- châtres qui agglomèrent les couches de sable environnantes sous la forme d'une sphère friable, dont la paroi interne, molle, est comme capitonnée. La peau de la Larve se fend alors au niveau de la nuque, et la Nym- phe fait son apparition. Elle est plus grêle que la Larve, de couleur jaunâtre et tachetée de brun. Comme chez toutes les Nymphes, les gaines des ailes, des pattes et des antennes sont libres ; le corps prend une attitude recro- quevillée pour se maintenir dans l'espace creux de la sphère sablonneuse. Au bout de quatre semaines d'incubation dans le sable parfois extrêmement chaud, l'Insecte ailé fait éclater sa coque et entraîne sa dépouille au moment de l'éclosion à moitié hors de son cocon. Le Fourmilion ne vient au monde que dans la soirée, et ce Névroplère élancé témoigne ainsi de ses habitudes noctur- nes. Un été, raconte Taschenberg, j'avais rap- porté de nombreuses sphères sablonneuses, et chaque soir, je trouvai dans ma boîte près d'une huitaine de nouveau-nés ; mais, le lendemain matin, je pouvais être certain d'en voir quelques- uns d'estropiés sije les laissais ensemble pendant la nuit. Le peu de jours qu'ils ont à vivre est consacré à la perpétuation de l'espèce. La femelle fécondée pond un petit nombre d'œufs, à coque dure, d'environ 3"'", 37 de long et de 1°'"',1'2 do large. Ils sont un peu courbes, jau- nâtres, et leur grosse extrémité est rougeâtre. Les Larves éclosent avant l'hiver; elles s'ins- tallent ainsi que nous l'avons décrit, et pendant la période de disette elles dorment du som- meil hivernal au-dessous du fond de l'enton- noir. Elles n'acquièrent probablement pas encore leur taille minimum au mois de juin suivant, car on trouve au même moment des Larves de toutes dimensions et des Nymphes. On n'a pas encore observé les mues de ces Larves. LE FUURMILIOIV SANS TACHE. — MYKMECOLEO FOimiCALYNX. Le Fourmilion sans taches (Myrmecoleo for- micalynx) mène une existence fort analogue ; sa Larve ne se distingue de la précédente que par des difl'érences insensibles dans la con- formation de la tête. LE FOURMILION A LONGUES ANTENNES. — MYR- MECOLEO TETlUGlt IMMICUS. Ciiractf-rcs. — Le Fourmilion à longues an- tennes {Myrmecoleo tetrayrammicus) est celui chez lequel les antennes sont au moins aussi longues que la tête et le thorax réunis et dont les jambes antérieures portent des éperon recourbés. Sa Larve se distingue des précédentes par ses yeux situés sur une petite éminence, et par son dernier segment pourvu de deux petits plateaux cornés et dentelés; elle marche aussi bien en avant qu'à reculons. Distribution géographique. — On trOUVe L'ASCALAPHE LONGICORNE. 503 celte espace isolément dans la province de Saxe (Slolzenhayn) ; elle n'est pas rare dans la for&t de Fontainebleau. I.E FOUnMlMOM I.iniXLULK. — l'ALI'AltES LIBKl.l.VI.OIDES. Dans les pays chands il existe des Fourmi- lions dont la taille dépasse du double celle de nos espaces indigènes ; cependant notre Fourmilion libellule (Pa/pm-es libellitloïiles), qui liabile nos déparlements les plus méridionaux et tout le sud de l'Europe, est déjà d'une belle dimension, car il mesure douze centimètres d'envergure. Sa Larve ne confectionne pas d'entonnoir, mais se cache simplement dans le sable. LES ASCALAPIIES — ASCALAPUUS (1) Caracti'res. — Les Ascalaphes [Ascalaphus), qui sont apparentés aux Fourmilions, en dif- férent par leurs antennes allongées sétifor- mes dont la longueur atteint et dépasse celle du corps et qui sont terminées par un bouton ; leurs yeux à facettes sont distincts ; le front est revêtu de poils longs et épais au voisinage du vertex. Les pattes, courtes, portent chacune deux griffes puissantes et deux éperons termi- naux aux jambes. On donne en Allemagne le nom de Schmetterlitujshafl à ces jolis Insectes en raison de la brillante coloration de leurs ailes triangulaires, et de la forme de leurs antennes qui rappellent les organes analogues de certains Papillons diurnes. L'abdomen des mâles est pourvu de pinces en forceps qui leur servent à saisir les femelles dans leur vol rapide et élevé; une fois accouplés ils se laissent choir sur quelque plante. Leurs Larves ressemblent essentiellement à celles des Fourmilions. Elles ont une tête pres- que carrée dont les angles postérieurs très arrondis présentent chacun six yeux formant saillie en arrière des pinces buccales, de cha- que côté. L'extrémité abdominale est cylindri- que et les segments portent (à l'exception de l'anneau cervical) des verrucosilés pédiculées revêtues de poils presque écailleux. Ces Ani- maux vivent parmi les herbes et sur diverses plantes ; ils s'y nourrissent d'Insectes et fabri- quent, en juin, un cocon sphérique et fragile pour subir leur Nymphose. (1) *A«îo;, nom mythologique. nUlribiition ffôog^rnphiquc. — BeaUCOUp (i'Ascalaphes vivent dans le midi de l'Europe. l/.iSCAI.APlIE BAHIOLÉ. — ASCALAPHUS MACd- RONIUS OU HUNO^HICUS. Bunicx Srlimetterlingshaft. Caract6pe8. — L'Ascalaphe bariolé {Asca- lafihus yiiacaronius) mesure 11)°"°, .5 de long et 44°"" environ d'envergure ; il est revêtu de poils noirs; sa face seule est d'un jaune doré. Les ailes antérieuies, jaunes au niveau de leur base à insertion noire, présentent deux grandes taches brunes sur leur aire enfumée : celle qui se rapproche du sommet est en forme de crois- sant ; les ailes postérieures, d'un brun noirâtre, portent une bande médiane et une tache api- cale arrondie d'une couleur jaune-vif. Distribution g«>offrapbique. — Cet Ascala- phe s'étend vers le nord jusqu'à Môdling et à Baden (en Autriche). L'ASCALAI'IIE LONGICORiXE. — ASCALAPUUS LONGICOHNIS. Caracti'res. — Cet Ascalaphe (fig. 693) est noir : ses ailes supérieures sont marquées d'Une tache qui part de la base et s'avance en se dilatant jusqu'au tiers de l'aile et d'une Fig. 693. — Ascalaphe longicorne. autre petite tache située à la base de l'espace costal ; toutes deux sont brunes et réticulées de jaune ; ses ailes postérieures ont une grande tache basilaire noire et une sorte de croissant également noir vers l'extrémité. Uistribution i^ôographique. — Cet Ascala- phe n'est pas rare PU France; il remonte même jusqu'à Fontainebleau et Bouray, mais devient plus abondant à mesure qu'on avance vers le midi. soi LE CHRYSOPA VULGAIRE. LES HÉMEROBIIDES — HEMEROBIIDM Die Florfliegcn. Caractères. — Les Mouches aux yeux d'or, les Hémérobes, sont de petits Névroplères qui diffèrent essentiellement des Fourmilions par leurs antennes sétiformes, qui ne se terminent jamais en bouton ; les mandibules de leurs Lar- ves ne sont pas dentelées. Blœurg, habitiideg, rôglme. — Qui ne Connaît ces Insectes aux yeux d'or, sur les ailes desquels on voit se jouer toutes les couleurs de l'arc- en-ciel,et qui établissent volontiers leurs quar- tiers d'hiver dans les pavillons de nosjardins? Ils attendent là, dans quelque endroit abrité, l'arrivée du printemps, le corps enseveli sous leurs ailes vert-tendre. Ils s'occupent de leur multiplication dans les bosquets et les bois, leur vraie patrie, où on peut les voir aisément tout l'été, jusqu'àuneépoqueavancée de l'automne; leur multitude, surtout au milieu des jeunes Chênes, frappe d'autant plus les yeux qu'il y a à ce moment pénurie d'Insectes. Taschenberg en a saisi un le 7 novembre pendant la chaude année de 1865 ; il venait de sortir de sa coque. L'œil le moins exercé peut reconnaître, parmi ces nombreux et élégants Névroptères, des dif- férences de taille et de couleurs qui obligent à distinguer plusieurs espèces. Ces Animaux nous font connaître une troisième sorte de Larves ; celles-ci se nourrissent surtout de Pu- cerons et préservent le monde végétal des dé- vastations que causerait une multiplication trop étendue de ces Insectes suceurs. Toutes ont en commun une teinte fondamentale jaune- sale parsemée de taches d'un brun violacé ; elles ne se distinguent que difficilement par la di- versité de ces taches, notamment au niveau de la tête. Une nourriture abondante et une tempéra- ture élevée activent leur croissance et donnent l'explication des pontes multiples qui ont lieu pendant les étés favorables ; dans ce cas les Insectes destinés à passer l'hiver sont nom- breux aussi. LE CHRYSOPA VULGAIRE. — CHRYSOPA fUlGARIS. Gcmeine Florfliege. Caractùreg. — Le Ghrysopavulgaire(C'^;'!/sopa tulyaris) (fig. 694 et 695), que Linnée rangeait parmi d'autres espèces sous le nom A'Hemero- bius perla, se distingue par ses ailes transpa- rentes, par ses nervures d'un vert uniforme, d'un vert jaunâtre, ou d'un rouge-de-chair, par sa tête d'une couleur verte d'herbe parcou- rue par une ligne longitudinale blanche ou jaunâtre, et par la teinte jaune-pâle de ses an- tennes, de ses palpes et de ses larses. La base des griffes s'élargit en forme de crochet; la lèvre supérieure n'est pas échancrée; il n'y a pas de points noirs entre les antennes. mœurs, habitniles, régrime. — La faÇOn dont cet Hémcrobe dépose ses OEufs blanchâtres (fig. 700 et 701) sur les feuilles ou sur les troncs d'arbres est assez étrange. Elle appuie d'abord sur l'objet choisi l'extrémité de son abdomen, puis elle la relève aussi haut que possible, et l'on voit s'élever ainsi un fil blanchâtre terminé par un renflement : c'est l'OEuf, qui ressemble à un Champignon pédicule; on le prenait jadis pour un végétal et on l'appelait alors Ascophora ovalis. Bientôt l'OEuf se fend à sa partie supé- rieure, donnant issue à un Animal grêle, qui, lorsqu'il a grandi (flg. 696), est facile à trouver parmi les Pucerons ; de là le nom de Lion des Pucerons qu'on lui a donné. La figure montre sa ressemblance avec le Fourmilion ; mais les pin- ces buccales du Lion des Pucerons ne sont pas dentelées, et ses palpes labiaux, qui font saillie entre elles, n'atteignent pas la longueur des antennes sétiformes. Le corps est moins velu, plus grêle et son extrémité postérieure sert d'appui et tâtonne sans cesse autour d'elle. La Larve qui a atteint tout son développe- ment tisse, avec l'extrémité de son abdomen, plusieurs fils soyeux et s'entoure ainsi d'un cocon assez solide et presque sphérique, dans lequel elle subira sa Nymphose, tantôt sur une feuille (fig. 607), tantôt parmi des aiguilles de Sapins (fig. 698), ou sur l'objet quelconque où elle s'est fixée. La Nymphe et le cocon n'ont besoin d'aucune description; il suffit de jeter les yeux sur les figures 697, 698 et 699. Du reste, d'après les observations de Taschenberg, les espèces ne fabriquent pas toutes un cocon. Oistribution géosrnpblque. Le ChrySOpa vulgaire, qui se rencontre dans l'Europe en- tière, se retrouve au cap de Bonne-Espérance; L'HEMEItORE VKLU. 505 Fig. CO'!. Fig. (i97. Fig. C9J. Fig. C99. Fig. 698. Fig. 694. — Adulte, de grandeur naturelle. Fig. 695. — Adulte, très grossie. Fig. 696. — Larve, très grossie. Fig. 691. — Cocon fermé, de grand, nat. Fig. G94 à 701. — L'Hémerobe vulgaire à tous les âges Fig. 700. Fig. 701. Fig. 698. — Cocon ouvert, de grand, nat. Fig. G99. — IVyniplie, de grand, nat. et grossie. Fig. 700. — Ponte, de grand, nat. Fig. 701. — OEuf, très grossi. l'Europe et les autres parties du monde ren- ferment beaucoup d'autres espèces. LES HÉMEROBES — HEMEROBIUS {[) Caractères. — On Se ferait une idée fausse des Hémerobes {Hemerobius) si on les considé- rait comme des Insectes éphémères, d'après leur dénomination technique. Elles se rappro- chent plutôt des Chrysopa. Leurs espèces sont moinsnombreuses ; leurretraited'hiver est plus élevée et plus dissimulée dans les bosquets. Ces Insectes étendent en forme de toit extrêmement oblique leurs larges ailes, souvent tachetées et complètement colorées. La nervure marginale de l'aile antérieure ne s'étend pasparallôlement à la nervure sous-marginale, mais au voisinage de la base elle décrit une courbe vers l'exté- rieur; la nervure longitudinale voisine (radius) émet, au côté interne, au moins deux rameaux parallèles appelés secteurs. D'après le nombre de ces rameaux et d'après le trajet de la pre- mière nervure transversale entre les nervures (1) 'H|jL£f6éio;, éphémère. Bkehm. — VII. marginale et sous-marginale, on a établi récem- ment plusieurs genres. Distribution géogrr.-ipliiquo. — Des espèces fort intéressantes habitent les contrées méri- dionales. Biœurs, habitudes. — Les Larves des Héme- robes comme celles des Chrysopa rappellent celles des Fourmilions, et mènent une exis- tence analogue; mais leurs mandibules sont très courtes et larges, leurs antennes sont épais- ses, et leurs pattes trapues portent des pelotes courtes et épaisses. Quelques-unes s'abritent dans la dépouille desPucerons qu'elles ont dévo- rés, et enveloppées d'une poussière duveteuse; elles pourraient être prises pour les Pucerons eux-mêmes, si leurs pinces, qui font saillie en avant, ne venaient les déceler. L'HÉMEROBE VELU. — JlEMEltOBIUS HlItTVS. Die Rauhe Landjungfer. Caractères. — L'Hémerobe ve]u{f/i')nefûbius hii(tis), qui se rencontre à partir du mois de juillet sur les buissons en Allemagne et ailleurs, se reconnaît aisément aux cinq rameaux paral- Insf.ctes. — 64 506 LES SIALIDES OU SEMBLIDES. lèles et équidistants qui émanent du radius, ainsi qu'aux nervures de l'aile antérieure ta- chetées tantôt de jaune et tantôt de brun-noir ; on en compte onze dans la première rangée des nervures transversales, dix-huit dans la seconde. Cet Insecte est d'un brun-noir, à l'exception des pattes et de la partie antérieure du dos qui sont d'un jaune brunâtre; son corps me- sure 6°", S, et son aile antérieure a 8°"°, 73 de long. Comme chez toutes les espèces de ce genre, les antennes ressemblent à un chapelet de perles très fin. LES NÉMOPTÈRES — NEMOPTERA (1) Caractères. — Voilà certes des Insectes étranges, dont les formes toutes particulières sont faites pour surprendre et dérouter l'Ento- mologiste le plus exercé sur leurs véritables affinités. A part les Diptères, ce sont les Arthro- podes dont les ailes inférieures ont subi les plus grandes modifications; ces ailes sont dé- mesurément allongées, presque linéaires, sou- vent un peu dilatées avant l'extrémité. Les antennes sont filiformes ; la bouche est rostriforme, c'est-à-dire prolongée en une sorte de museau; les mâchoires droites, ci- liées, obtuses, portent des palpes plus courts que les palpes labiaux; les ocelles manquent; les tarses de cinq articles ont le premier et le dernier article assez longs. Distribution gôoisfraphique. — Ces Névro- ptères habitent la plupart des contrées qui cir- conscrivent la Méditerranée, l'Espagne, le Por- tugal, les îles de l'Archipel, l'Asie Mineure, l'Egypte, l'Algérie, mais n'ont jamais été ren- contrés ni en France, ni en Italie. Mœurs, liabitudeg, régime. — Nous devons à Roux la connaissance de Larves bizarres au long cou, au corps orbiculaire qui ont été trou- vées dans le sable qui envahit les tombeaux des anciens Égyptiens. Schaum qui a rencon- tré également ces Larves pense que ce sont des Larves de Némoptères; maisce n'est qu'une présomption. LE NEMOPTERE ALGERIEN. ALGIIUCA. iSEmOPTERA Caractères. — Cette espèce que nous repré- sentons (fig. 702) est reconnaissable à ses ailes Fig. 702. — Le Némoptùro algérien. supérieures transparentes, ayant le bord anté- rieur marginé de brun roussâtre, à ses ailes in- férieures ayant avant l'extrémité deux dilata- tions brunes, et à l'extrémité deux taches jaunes. Distribution géog^rapliique. — SoH nom dé- signe sa patrie. LES SIALIDES OU SEMBLIDES — SIALID/E OU SEMBLID/E Die Scluvanzjungfern, Caractères. — Les ailes antérieures et pos- térieures sont semblables et ne se replient jamais, d'où le nom de Plunipennes donné par Latreille; la tête est grande, souvent inclinée en avant, mais jamais prolongée en forme de museau; elle porte des yeux hémisphériques proéminents et presque toujours des yeux (l)?I^|j.a, fil; Tixepov, aile. lisses, des antennes sétacées ou filiformes, moins longues que le corps; les mandibules sont dentées du côté interne; les mâchoires ont un lobe externe [galea) développé et des palpes en général de 5 articles; la lèvre infé- rieure a des palpes de 3 articles ; les ailes dont la nervure costale est très développée, au repos s'abaissent en forme de toit sans se replier. Les tarses comptent 5 articles. LA RHAPHIDIE A GROSSES ANTENNES. 307 LES RHAPIIIDIES — nAPHIDIA (I) Die Kamclhahflierjen. Caractprns. — Les Rhaphidies [filiaphidia) ont le premier anneau de leur thorax très allongé et très mobile; ce segment ne présente pas la forme d'un cylindre complet, comme dans le genre précédent, mais sa partie dorsale offre des bords latéraux saillants. La tête aplatie et allongée postérieurement en forme de cou atteint sa plus grande largeur au niveau des yeux qui sont ;\ fleur de tôte; entre eux s'élèvent des antennes courtes, filiformes et constituées par un grand nombre d'articles. Les pièces buccales sont peu saillantes en raison de leur petitesse; les palpes maxillaires, fili- formes, sont formés de cinq articles, les palpes labiaux de trois. La femelle diffère du mâle par une longue tarière recourbée en haut (d'où le nom de Hhaphidie), et les deux sexes se distin- guent de presque tous les autres Névroptères par la grande mobilité de leurs anneaux. Lors- qu'on les prend entre les doigts, ils cherchent à s'échapper par un frétillement énergique et semblent vouloir tout anéantir avec leurs mâ- choires armées de trois dents. LA RHAPHIDIE A GROSSES ANTEMVES. — ItHAPIII- DU OU INOCELLIA ClUSSlCOIiNIS. Dickfiihlerige Kamelhalsfliege. Caractères. — La Rhaphidie crassicorne [Rhaphidia on /nocellia cramcornis) représentée ici se distingue de toutes les autres espèces par l'absence d'yeux accessoires, par la pré- sence d'une nervure transversale dans le pterostigma d'un rouge brun foncé des ailes antérieures, qui sont transparentes; aussi Schneider, dans son travail monographique, a-t-il cru devoir faire de ce groupe un genre spécial. Mœuro, habituiles, rvg^iiue. ■ — Ces Névroptè- res éclosent au printemps; ceux dont nous parlons n'éclosent qu'en juin. On les trouve sur les troncs d'arbres, et spécialement sur les Chênes, en train de guetter leur proie qui con- siste en petits Insectes. Lorsque la Rhaphidie découvre une Mouche dans son voisinage, elle relève son prothorax, redresse la tête, et c'est dans cette attitude grotesque qu'elle attaque sa proie. Si sa victime exécute alors quelques (1) "Paçt?, aiguifle; et8o«, forme. mouvements désespérés, la Rhaphidie bondit en arrière, revient â la charge et finit par siiisir sa victime. Elle enlVince alors avec avidité ses dents dans le corps de sa proie, puis retire ses mandibules et les frotte l'une contre l'autre Fig. 703. La Rhaphidie i grosses antenjies, mâle, grossie. avec rapidité comme pour les aiguiser ; elle continue cette manœuvre jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la peau et les parties dures. Si l'on enferme deux de ces Rhaphidies dans un espace clos, elles commencent par s'éloigner l'une de l'autre ; mais au bout de quelque temps elles se mordent, et finalement la plus forte dévore la plus faible, si l'on n'a eu soin de l'ig. 704 La Rliapliidie à grosses antennes, femelle, de grandeur naturelle. lui procurer quelque autre nourriture. Mais un de ces Névroptères, isolé, peut jeiiner, plu- sieurs semaines. La Larve habite sous les écorces des arbres, sous la mousse ou sous les lichens qui les re- couvrent; elle y pourchasse les Insectes dont elle se nourrit. Cet Animal, élancé et robuste, se reconnaît à la forme à peu près carrée de sa tête et de son premier segment thoracique, qui sont seuls revêtus de chitine. La tête porte de chaque côté des antennes à quatre articles et quatre yeux ; certaines espèces en présentent deux ou sept. Les pattes, courtes, sont formées, indépendamment des hanches, de trois articles seulement et sont terminées chacune par deux griffes. La partie antérieure du corps est d'un brun plus ou moins foncé et l'abdomen porte le plus souvent des stries 308 LE SIALIS DE LA VASE. claires. Cette Larve dissimule sa retraite, aussi est-il difficile de l'apercevoir ; si elle apparaît parfois à la surface de l'écorce, vers le milieu de la journée, elle cherche à se dissimuler entre les fissures des écorces dôs qu'elle se croit observée; elle ne marche pas avec beaucoup de rapidité, mais elle imprime à tout son corps des mouvements violents et ondulés, qui lui donnent l'apparence d'un Serpent, infiniment petit d'ailleurs. En général, chaque tronc d'ar- bre n'est habité que par une seule Larve. Schneider n'a observé que deux mues, mais il pense que ce phénomène se répète plus sou- vent. Il fit à la même époque une observation intéressante : une Larve, dont un article d'un tarse et un article antennaire avaient été en- levés par une morsure, recouvra ces deux ar- ticles pendant sa dernière mue. Avant son sommeil hivernal la Larve a acquis toute sa taille, au printemps prochain les anneaux tho- raciques s'écartent et préparent ainsi la Nym- phose. En avril, ou un peu plus tard, l'a- nimal se dépouille de sa dernière peau de Larve. La Nymphe ne se distingue en réalité de l'Adulte que par l'immobilité, par l'attitude recroquevillée du corps, et parle manque de dé- veloppement des ailes ; chez la femelle, la ta- rière s'applique dans sa plus grande longueur sur le dos, tandis que sa base est appliquée sur le ventre. Vers le onzième ou treizième jour, l'Insecte se colore ; il semble alors s'éveiller et ne cesse de s'agiter. Les pattes, jusqu'alors repliées, s'étendent et commencent à frétiller ; la Nymphe se redresse tout à coup et prend sa course. Mais où va-t-elle? Elle ne s'enfuit pas au loin. Elle ne cherche que la lumière et la liberté. Elle se fixe bientôt, les ailes déjà pen- dantes le long du corps, et s'arrête dans cette altitude pendant six ou huit heures. Elle semble vouloir à ce moment rassembler ses forces, pour opérer enfin sa délivrance complète. Elle appuie son ventre et ses gaines alaires contre un plan résistant, tourne sa tête en tous sens, ainsi que le premier anneau de son thorax, qui vont jouer le rôle principal dans les mouve- ments de l'Insecte parfait ; elle se met à mordre tout autour d'elle, comme si elle voulait élar- gir son étroite retraite. Finalement, la mem- brane qui la recouvre se déchire au niveau de la nuque et l'éclosion a lieu comme pour tous les autres Insectes. Les espèces du même genre étrangères à l'Europe sont peu connues. LES SIALIS — SIALIS {l) Die Wasserjlorflierjcn. Caractères. — Les Sialis rappellent par leur aspect général les Pbryganides,dont nous nous occuperons bientôt. La figure 703 donne une idée de leur confor- mation. La tête, marquée su rie vertex d'un sillon longitudinal, ne porte pas d'yeux accessoires ; Fig. 705. — Le Sialis de la vase, très grossi. la mâchoire, qui présente un lobe interne étroit et lancéolé, porle deux palpes à 6 ar- ticles. En raison de la puissante saillie des épaules, le premier segment thoracique, un peu rétréci en arrière, offre l'apparence d'un cou. Les ailes, fortement enfumées, sont néan- moins transparentes et parcourues par des nervures épaisses, caractères qui manquent chez les Phryganides. Aux pattes, le qua- trième et avant-dernier article du tarse s'é- largit et devient cordiforme. LE SIALIS DE LA VASE. — SIALIS LUT JRI J. Getneine Wasserflûrfliege- Caraetères. — Le Sialis commun est d'un brun noir mat ; seule, la base de la nervure margi- nale de l'aile antérieure est d'un jaune brunâtre. Slieurg, liabituiles, rég^ime. — En mai et en avril, on trouve en grande quantité, dans toute l'Europe, ces Sialis en compagnie des Phry- ganes au-dessus des eaux stagnantes et cou- rantes. Elles voltigent lourdement dans l'atti- tude que représente la figure 706, le long des plantes, des troncs d'arbres, des pilotis, des berges; elles s'y reposent aux rayons du soleil et s'y chauffent volontiers (fig. 707). Bien qu'elles s'envolent quelquefois assez rapidement à une \l) l'.aXiç, sorte d'oiseau. LES PANORPIDES. 509 Fig. 708. fig. 706. — Adulle, au vol. Fig. 707. — AduUc, au repos. Fig. 708. — Ponte, de grand, nat. Fig. "OG à 711. — Le Sialis de la vase Fig. 709. — Œufs, grossis. Fig. 710. — Larve nageant, de grand, nat. Fig. 711. — Larve prête à se métamorphoser. certaine distance de son lieu de repos, l'impres- sion qu'elles produisent est pourtant celle d'In- sectes paresseu.x. La femelle fécondée effectue sa ponte sur les plantes ou sur tout autre objet dans le voisinage immédiat de l'eau. Elle dépose par rangée ses œufs au nombre de six cents en- viron (fig. 708 et 709). Ces œufs, bruns et cylin- driques, reposent verticalement sur leur e.\- Irémité, qui est arrondie, et se terminent en haut par un prolongement en forme de rostre et de couleur claire. Peu de semaines après, de petites Larves grêles en éclosent; elles descendent dans l'eau, se nourrissent du pro- duit de leur chasse, exécutent des mouve- ments rapides, nageant, rampant et se tor- tillant en tous sens (fig. 710). La tête, grande, et les trois segments thoraciques sont cornés; tout le reste est de consistance plus molle. Les prolongements mobiles et tubuliformes qui revêtent les côtés de leur corps et leur longue queue sont des organes respiratoires ou branchies; mais ils servent, en môme temps que les pattes, à la natation. Au mois de mai ou d'avril de l'année suivante, ces Larves, d'un brun jaunâtre, sont marquées de taches claires ou foncées ; lorsqu'elles ont at- teint tout leur accroissement, elles mesurent 17'"°',5 de long, sans tenir compte de la queue. A ce moment elles sortent de l'eau pour opé- rer leur Nymphose sur le sol humide du ri- vage (fig. 711). LE SIALIS FULIGINEUX. — SIAUS FULIGINOSA. Die russfarbige Wasserflorfliegc. Caractères. — Une seconde espèce, très ana- logue, a été décrite par Pictet; c'est le Sialis fuligineux {Sialis fuligimsa,) qui ne s'en dis- tingue que par une coloration plus foncée, une disposition un peu différente des nervures alaires, et la forme de l'extrémité abdominale chez le mâle. Elle apparaît généralement une quinzaine de jours après la précédente. LES PANORPIDES — PANOBPIDjE Die Schnabeljungfcm. Caractères. — Ainsi que l'indiquent les figu- res 712, 713, 715 et 716 : le corps, les pattes et les antennes sont grêles ; la tête, verticale, est prolongée en forme de rostre ; les antennes sont insérées sur le front au-dessous des ocelles, très visibles; les mandibules parais- sent petites, étroites et bidentées au som- met; les mâchoires soudées au menton ont des palpes de 5 articles; la lèvre inférieure bi- fide a des palpes de 3 articles ; le prothorax est 510 LA PANORPE COMMUNE. court ; les quatre ailes, presque semblables, sont longues, étroites, arrondies en arrière et possèdent un nombre relativement minime de nervures transversales. Les griffes, petites et pectinées, les puissants éperons terminaux des jambes, méritent encore attention. Le rostre est constitué : en haut, par le chaperon triangu- laire et allongé; en bas, par la mâchoire infé- rieure prolongée et par la lèvre inférieure hypertrophiée (lig, 71Gj. Distribution géographique. — Dans une monographie, Welswood indique dix-neuf es- pèces différentes, dont trois européennes, sept américaines et deux javanaises; une es- pèce se trouve à Madras; les autres habitent l'Afrique. LES PANORPES — PANORPA (1) Cap.actèpps. — Antennes sétiformes, à pre- mier article robuste; ocelles très apparentes; palpes maxillaires à dernier article aussi long ou plus long que le précédent; ailes grandes, étroites, transparentes, à nervures longitudi- nales rameuses ; tarses terminés par deux grif- fes à ongles dentelés; les trois derniers seg- ments de l'abdomen très rétrécis; le dernier très développé, très allongé et gonflé chez le mile, terminé par une paire de pinces sem- blables à des tenailles. LA PANORPE COMMU^E. — l'ANORl'A COMMUNIS. Gemcinc Skorpionfliege . Caractères. — La Panorpe commune [Pa- norpa commiinis) appartient 5 une nouvelle série d'Insectes, qui diffèrent des précédents par leur conformation. Le nom de Mouche- Scorpion qu'on lui donne communément pro- vient de ce que le mâle, sans cire armé d'un dard venimeux, porte à son extrémité posté- rieure une pince ou forcipule qui se dresse d'un air menaçant. Ce Névroptère mesure de 13 à 15°" ; sa couleur est d'un noir jjrillant excepté sur l'écusson, les pattes et le rostre qui sont jaunes, et sur les trois derniers articles abdo- minaux du mâle qui sont rouges. Mœurs, habitudes, régime. — Cet animal étrange, qui inspire la terreur aux autres In- sectes, habite, en été, les buissons. 11 déploie une audace et une hardiesse effrénées et ne craint pas de s'attaquer à des Libellules d'une (1) Mol altéré, pour navontri;, qui voit tout. taille beaucoup plus grande ; bien souvent, il les terrasse et alors plonge profondément son rostre dans le corps de sa proie. Lyonet fut témoin d'un de ces coups audacieux. En captivité, on peut nourrir la Panorpe, de Pommes, de Pommes de terre, de viande crue; elle ne méprise d'ailleurs aucune nourriture. Autant cette Panorpe, qui surprend et qui efïraie parfois les chasseurs lorsqu'elle s'é- chappe inopinémentd'un bouquetde feuilles, se montre audacieuse et hardie, autant sa Larve et sa Nymphe est craintive et dissimulée. Aussi les Naturalistes ont-ils souvent quelque peine à les découvrir. Quatre jours après l'accouple- ment, la femelle, toujours agitée, enfouit dans la terre humide, à l'aide de sa tarière pro- tractile, à S™", 5 de profondeur environ, un .imas d'œufs plus grands qu'on ne pourrait le présumer d'après la taille de cet Insecte (fig. 715). D'abord blancs, et entourés de côtes réti- culées et saillantes, ces OEufs prennent peu à peu une teinte d'un brun verdâlre. La vie se manifeste chez eux au bout de huit jours. La Larve (fig. 717), qui a quelque ressemblance avec une Chenille velue, se nourrit de maté- riaux en décomposition ; elle acquiert toute sa taille au bout d'un mois, en moyenne. Sa lôte cordiforme, d'un brun rougeâtre, porte des antennes à trois articles, deux yeux saillants en avant, et des pièces buccales puissantes, des palpes maxillaires fort saillants. Les treize autres articles du corps sont pourvus de ver- rucosités velues ; les trois antérieurs portent des pattes thoraciques de nature cornée; les huit suivants portent des pattes abdominales charnues ; tous, à l'exception du second et du troisième, présentent un stigmate latéral. Malgré son indolence ordinaire, elle sait échapper adroitement aux poursuites dont elle est l'objet. Pour subir sa Nymphose elle s'enfouit plus profondément en terre, et y de- meure de 10 à 21 jours avant de se résoudre à briser son enveloppe pour apparaître sous l'aspect élégant que nous figurons. (Quatorze jours plus tard, environ, la Nymphe (fig. 718) manœuvre en vue de l'éclosion, et l'Insecte adulte apparaît ; neuf semaines suffisent en moyenne à son évolution complète ; aussi peut-il y avoir deux pontes depuis la pre- mière apparition au commencement de mai. Les derniers nés passent l'hiver partie, à l'état de Larves, partie aussi à l'état de Nymphes. LES BOREES. 511 FiK. 712 Fis. 713 FiR. 714 Fig. 715 Fig. 7IG. — Mâle, de grandeur naturelle. — Mâle, très grossi. — Derniers segments de l'abdomen du Mule. — Femelle en train do pondre. - Tête de l'Adulte, montrant 1 Fig. 717. — Larve, vue de profil et très | Fig. 718. — Nymphe, vue de profil et trt Fig. 712 à 718. — La Panorpe commune à tous les âges. LES BITTACUS — BITTACUS CaracièpcB. — Le genre Bitlacus est appa- renté au précédent, en raison du prolongement rostriforme de sa tête; les antennes sont cour- tes; les pattes sont longues, minces et épi- neuses, avec le tarse armé d'une seule griffe. La phj'sionomie de ses représentants rappelle celle des Tipiiles (Diptères). Kistribution e^oSTraphique. — On connaît (|uelques espèces d'Europe, du Brésil et de l'Australie. LE BITTACUS TIPULAIRE. —BITTACUS TIPOLAKIUS. Mnckenartige Schnabeljungftr. Capactppes. — Le Bittacus tipulaire {Bitla- cus <(/i;CTES. — tio 51 i LA PHRYGANË STRIEK quelle sera la Phryganide qui sortira d'une coc]Me donnée, ou pour qu'on puisse établir à cet égard des principes généraux. La coque délicate, en forme de coquille (fig. 731 et 732), présente un intérêt tout par;iciilier. Elle pro- vient du Tennessee et fut prise par le Natu- raliste américain Lea pour l'œuvre d'un Mol- lusque [Valvala arenifera) ; le savant suisse Bremi y reconnut l'œuvre d'une Phryganide à hKiuellc il attribua le nom de Uc/icopsyrke Sladlcicoiild. Ces coques, ouvertes à l'avant et à l'arrière, sont habitées par une Larve (fig. 731) qui se fixe à l'airière à l'aide d'une paire de crochets, et laisse dépassera l'avanLtoutau plus sa têteécail- leuse et ses trois anneaux antérieurs ainsi que ses pattes thoraciques armées d'une seule griffe, lorsqu'elle grimpe le long de quelque plante afiualique ou qu'elle nage entre deux eaux ou à la surface. Quelques espèces semblent éviter le mouvement et se fixent à des pierres à rai.ic de quelques fils. Si ces espèces pré- sentent entre elles plusieurs différences, tou- tes ont des pièces buccales, notamment des mandibules, plus développées que les adultes qui leur succéderont ; leurs antennes sont pe- tites ou manquent totalement; il est difficile d'y reconnaître des yeux. En examinant sept anneaux successifs, soit à partir du premier, soit à partir du second, on remarque généra- lement de chaque côté des filaments ou des houppes branchiales au nombre de deux à cinq, tantôt couchés, tantôt hérissés; ce sont leurs organes respiratoires. Pendant leur croissance ces Larves muent [ilusieurs fois, et à ce moment elles démolissent leurs anciennes coques, lorsqu'elles ne peuvent l'agr.mdir suffi- samment en augmentant seulement les bords. Mais on a peine à croire qu'elles la fassent en- tièrement à neuf, ainsi que le pense Roesel. Peu de temps après leur réveil, au printemps, les Larves sont arrivées au terme de leur croissance; celles-ci se fixent sur une plante aiiuati(iue et ferment l'ouverture de leur coque à l'aide de la suie qu'elles sécrètent; quel- ques-unes filent eu outre une sorte de cocon intérieur. Peu de semaines après, la Nymphe donne essor à l'Animal ailé. Mais l'éclosion s'accomplit dans des conditions toutes particu- lières. Les Nymphes libres dans leurs fourreaux s'ouvrent un passage avec leurs mandibules et nagent sur le dos à la façon des Nolonectes en s'aidant de leurs pattes intermédiaires ciliées qui font fonclion de rames, jusqu'à ce qu'elles aient rencontré la tige d'une plante aquatique à laquelle elles se cramponnent au moyen de leurs pattes antérieures; elles sortent alors de l'eau, abandonnant pour toujours les mandi- bules qui leur ont rendu de si grands services. Los Phrygauides apparaissent à partir du mois de mai. Les femelles fécondées déposent leurs œufs sous forme de grumeaux gélatineux sur les plantes aquatiques, ou sur tout autre objet au voisinage immédiat de l'eau. On pourrait croire que les Larves de ces Insectes aquatiques se trouvent du moins à l'abri de l'attaque des Ichneumons. 11 n'en est rien, ainsi que l'ont prouvé les découvertes de Siebold. Quelques Phryganides, appartenant au genre Axpatherium, qui habitent une coque cylindrique et lisse, reçoivent la visite d'un Ichneumon, VAgriuiypus armatm. La femelle de ce petit parasite plonge et se maintient assez longtemps sous l'eau pour déposer ses œufs dans une Larve à l'aide de sa courte tarière ; cette Larve d'Hyménoplère, lorsqu'elle a atteint toute sa taille, sécrète avant de mourir sa matière textile qui sort de l'extrémité anté- rieure de la coque sous forme d'un long ru- ban, révélant ainsi que la Larve de Phryganide a été piquée. LES PIIHYGANES — PHRYGANË A DU: KiicherfUegcn. ('sir:tei<-re8. — Les Phrygaues ont des ailes très velues et fiangées de cils courts, des palpes maxillaires de 4 articles chez les mâles, de o articles chez les femelles, des yeux acces- soires, de deux à quatre éperons aux jambes à partir de la première paire (2 — 4—4); sur laile antérieure la branche inférieure de la nervure sous-marginale (eu/y«Vu«) est simple chez le mâle, bifurquée chez la femelle. LA l'IlKVG.VMi STnilÎE. — PHinaJiMiJ STHIATÀ- (kflikiiilc hdcherfîiey. tarai- «oies. — l>'espèce en question a le corps d'un brun-de-poix foncé; les antennes brunes sont aunelées de jaunâtre ; les ailes pos- térieures sont d'un brun ou d'un noir grisâtre uniforme; les antérieures, d'un brun de can- nelle clair, sont ornées de deux points blancs, et, chez la femelle, elles portent des stries noires, longitudinales, courtes et discontinues. La disposition des ne rvu resalaires doit être exa- LA PHRYGANE STRIEE. 315 Jm Fig. :-ii. Fig. 7->0. Fis. "'• Fig. T2I h "3?. — Les Fourreaux dps Pliryganides. Fig. 7« minée de 1res près pour distinguer les espèces. Blueurg, habitudes, régime. — La Lai'Ve de In Phrygaiie slriée a acquis toute sa taille au mois d'avril en Allemagne où ce Névroptère aqua- tique est très répandu. Son premier segment abdominal porte cinq verrucosilés rétractiles et contractiles; lorsqu'on retire cette Larve de l'eau, ces veirues se mouillent par l'humidité qu'elles sécrètent. Sur tous les autres anneau.x on remarque deux houppes de lilamenls char- nus, érectiles, qui servent à la respiration. Cette Larve n'abandonne pas sa demeure plus volontiers que tout autre « Ver pudibond ». Lorsqu'on veut l'en e.xlrairc sans léser ni l'In- secte ni sa coque, il faut pousser l'Animal par derrière, graduellement et avec précaution, à l'aide d'une tête d'épingle. On vient ainsi à bout de sa résistance; sitôt qu'on le laisse l'aire il introduit de nouveau sa tête dans sa coque, rampe à l'intérieur et y fait volte-face. Si on le pose à nu dans un verre rempli d'eau, sur lequel flottent toutes sortes de corps légers qu'il puisse utiliser pour la construction de sa de- meure, on le voit s'agiter pendant des heures autour d'eux sans en tirer parti ; si on y introduit des débris d'une coque ancienne, des éclats de bois et d'autres détritus végétaux qui s'imbibent d'eau et coulent au fond, il se précipite aussitôt sur eux, s'inslalle sur un des débris les plus longs, découpe des copeaux de bois ou des morceaux de feuilles, les assujettit presque verticalement sur les côtés de la pièce principale et continue ce travail jusqu'à l'achè- vement complet d'un cylindre servant de car- casse à son étui qui .s'élève peu à peu et finit par acquérir la longueur de la Larve. Les fentes qui s'y trouvent au commencement sont peu à peu bouchées. Lorsque la fermeture extérieure paraît complète, il tapisse l'intérieur d'une paroi de soie moelleuse. Cette soie qui sert de liaison au revêtement extérieur provient, comme chez les Chenilles, de glandes séricifères s'ouvrant dans la lèvre inférieure entre les màchoiies cylindriques; ce sont les puissantes mandibules qui débitent les matériaux de cons- truction suivant les besoins. Avant sa Nymphose, la Larve fixe sa coque sur une pierre ou une plante aquatique. Puis elle en ferme les deux extrémités à l'aide d'un treillis formé de fils de soie entre- croisés, de façon que l'eau nécessaire à sa respiration puisse le traverser, la Nymphe inerme restant à l'abii des attaques des Insectes carnassiers. Gomme on trouve dès le mois de mars de ces cocons treil- lages, il semble que quelques Nymphes isolées passent l'hiver; c'est la règle pour les Larves s If. LA PHRYfiANE RHOMBIPERE. Fig. 13'.. Fij. "S3. — Fourreau d« la Larve. 1 Fig. Fig. 7.3'i. — Larve dégagée du fourreau. I Fig. Fig. 1^% ;i "^fi. — La Phrj gane rliombil'ere ù "•!.■). — Nyinplie dégagée du fourreau. '.1G. — Adulie, au vol. qui généralement filent leurs corons en juillet. La Nymphe, (l'nn blanc jaunâtre est ornée sur les quatre derniers segments d'une strie laté- rale noire, sur le dos des filaments bran- chiaux,et sur son extrémité de deux petits cônes Fig. ITi. — Adulie au repos. charnus. La tête, petite, porto deux grands yeux noirs; en avant se trouve une sorte de rostre surmonté d'une touffe de poils. Ce rostre, formé de deux crochets de couleur brune, qui se croisent au-dessous rie la lèvre supérieure charnue et saillante, représentent les mandibules et servent à transpercer la pa- roi de la coque, s'atrophient après l'éclosion de l'Insecte parfait. Nous avons figuré (fig. liO) une aiitre espèce, la Phryganea varia. LHS Ll.MNOPIllLES — IJMNOPHILUS Carai-tôres. — La tiibu entière (Limnophi- lines) se reconnaît aux caractères suivants: les palpes maxillaires sont formés de trois articles réunis, chez le mâle, de cinq chez la femelle; les deux yeux accessoires sont bien visibles ; les antennes sétiformes ont la même longueur que les ailes antérieures qui sont légèrement pu- besccntes et dont la pointe est obtuse. Dans 1(> genreZM?7no/(/»7us propre ment dit les jambes an- térieures sont armées chacune d'un éperon, les médianes de trois et les postérieures de quatre. LA piihygam: riiombii i:Ri:. — limnovhilvs niioMiiicis. Baatenflrckiije Kiicher/licgc. C'araci«'-re8. — Elle sc distingue facilement il ses ailes antérieures d'un jaune brunâtre, qui portent chacune une tache fenestrée rhomhoï- dale bordée en avant et en arrière de brun ron- geâtre (fig. 73G et 737). SIoMirg, babitiules, rég^inie. — La Phrygane rliombifère [Limnophilus rliombicm), qui repré- sentera ici toute la tribu, confectionne son étui à l'aide de matériaux très divers. Elle em- ploie tantôt des brins d'herbe fins posés en tra- vers, tantôt des brins plus épais, ainsi que le re- présente la figure 733 ; elle se sert aussi de brins plus allongés disposés dans le sens de la lon- gueur, ou encore de débris de bois ou d'écorce qu'elle entrelace sans ordre. L'habitant de cette retraite est une Larve foncée et ver- dâtre (fig. 734) dont les six pattes s'allongent en avant autant que possible ; en arrière elle est armée de deux crochets cornés à l'aidé desquels elle fixe sa coque. Elle se tient au voisinage des Roseaux, très près de la surface de l'eau. A la fin d'avril, ou seulement au mois de mai, elle se fixe à l'aide de fils aux plantes aquatiques, ferme sa demeure et se transforme en une Nymphe allongée (fig. 735), très mobile, qui donne issue à l'Insecte parfait (fig. 730 et 737) quatorze jours plus tard. LES HYMÉNOPTÈRES — HYMENOPTERA OU PIEZATA Die llfititfliirilcr, Ailfr/lUgor, fmmr/t. Ces Insectes, qui offrent degrandes analogies dans leur charpcnle organique, mais qui pré- sonlent de nombreuses difrt'-renccs dans leurs modes d'existence, constituent l'ordre le plus considérable. Parmi les formes extrêmement nombreuses ([u'il renferme, les Abeilles, les Fourmis, les Kourdons et les Gu&pcs sont connus de tout le monde par la diversité de leurs mœurs et leur intelligence qui sont pour l'cibservateur attentif de la nature un sujet inépuisable do considérations élevées et de profondes ré- llexions ; ils méritent, sans conteste, d'être placés au premier rang de tous les Animaux articulés. Au point de vue de la classification des fa- milles, on éprouve un certain embarras : les rares auteurs, qui ont publié un ouvrage d'en- semble sur les Insectes hyménoptères, ma- nifestent des vues très divergentes, et l'on no saurait dire quel est celui dont la division mé- rite d'être adoptée généralement. Dans l'im- possibilité de décider quel est le système qui jouit de la plus grande autorité, à l'exemple de Lepeletier de Saint-Fargeau, nous avons tenu compte, avant tout, du mode d'existence de ces Insectes. L'observateur qui ne voudrait considérer que l'Insecte parfait, en lui même, en serait quitte pour arriver à des résultats différents dans sa classification. Avant de donner quelques notions sur les mœurs particulières des Tenthrèdes, des Sirex, des Cynips, des Ichneumons, des Chrysides, des Sphex, des Fourmis, des Guêpes et des Abeilles, etc., nous allons jeter un coup d'œil rapide sur l'organisation de ces êtres, afin d'ap- prendre à les distinguer sûrement. t'ar.tctères. — Les Hyménoptères sont en- tièrement revêtus d'un squelette résistant. La tête est indépendante du thorax, comme si elle ne lui était reliée que par un pivot. Vue d'en haut, elle paraît presque toujours plus large que longue; elle est aplatie verticalement; chez un petit nombre de ces Insectes, seule- ment, elle est sphérique, demi-sphérique ou cuboïde. Sur son sommet, on remarque pres- que toujours trois yeux accessoires qui brillent comme de petites perles et qui sont réunis en forme de diadème. Les antennes, composées d'un nombre d'ar- ticles variable et souvent considérable, présen- tent en général l'aspect de fils ou de soies; rarement elles s'épaississent en massue à la partie antérieure; elles sont droites ou brisées. Jamais, dans leur longueur, elles ne s'élar- gissent, ni ne s'atténuent d'une façon déme- surée en proportion du corps. Comme elles sont fixées à la région antérieure du front, et qu'elles sont le plus souvent contiguës, elles se dirigent toujours en avant, jamais en arrière. Le thorax présente un contour ovoïde, quel- quefois pourtant cylindrique ; généralement il est un peu bossue vers le haut ; en s'ap- prochant on peut distinguer sa division en trois anneaux complets. A l'inverse du Coléop- tère, le premier anneau ou prothorax est aussi peu développé que possible, et prend le nom de collier. Il proémine fort peu sur la face dor- sale ; du côté de la poitrine, il n'occupe que l'espace nécessaire pour donner attache à la première paire de pattes; en avant, il s'amincit en cône pour donner attache à la tête. L'an- neau moyen ou mésolhorax forme la plus grande partie du dos, et constitue, en même 518 LES HYMÉNOPTÈRES. temps, une sorte de gibbosilé ; il est décomposé souvent par deux sillons longitudinaux, qui se rapprochent, en arrière, en trois parties dont ladernière constitue l'écussonous-w/!»». Enfin, le troisième anneau ou niétathorax, plus petit, présente une surface lisse ou partagée en ré- gions par des crêtes, de façons variées ; il offre dans sa partie antérieure et supérieuie ou posté- rieure e t déclive, des caractères distinctifs impor- tants chez un grand nombre d'Hyménoptères. Nous ne ferons que signaler l'opinion des ob- servateurs les plus récents qui décrivent chez 38 et Fig. 738. — Tarière du Sirex gigas avec ses gaines cons- tituant le fourreau. — Fig. 739. — Extrémité de la ta- rière, montrant le gorgeret et les stjleis dégagés du fourreau. — i, extrémité de l'abdomen. — ca, appareil musculaire servant à redresser l'aiguillon, grossissement considérable. tous les Hyménoptères, spécialement chez les Sirex et les Tenlhrèdes, un quatrième anneau relié étroitement au troisième, comme celui-ci est relié à l'anneau médian ; nous ferons remar- quer seulement l'importance de cette décou- verte au point de vue de la classification natu- relle. Nulle partie mode d'attache de l'abdomen n'a plus d'influence qu'ici, sur l'attitude d'un Insecte; il offre toutes les dispositions; l'inser- tion peut être sessile aussi bien que pédicellée. Cet abdomen est formé de 6 à 0 anneaux, dont le nombre se réduit parfois à 3. Mais c'est la disposition merveilleuse de l'appareil qui sert aux femelles à déposer les œufs, fixé à cette extrémité, qui mérite le plus vif intérêt. Presque toujours, il est constitué par une pièce cornée, la tarière proprement dite ou gorgeret, formée de deux ou trois parties assemblées, et renfermée dans deux gaines latérales ou fourreaux figurant un étui, aiguillon ou tarière, qui sont étroitement reliées entre elles par quatre pièces chitineuses basi- laires, nommées écailles anales et latérales, se raccordant par des apodèmes grêles et déliées. Les stylets font fonction de poinçon, de couteau, de fouet, de scie; en un mot elles représentent tous les instruments tranchants à l'aide des- quels les Insectes doivent traverser les corps résistants interposés entre eux et le lieu destiné à recevoir les œufs. Sur la figure 738, nous voyons, par sa face inférieure, la tarière du Sirex géant, ainsi que sa gaine et l'appareil muscu- laire, c'est-à-dire destiné à la redresser. Dans celte tarière, représentée isolément (fig. 739), nous distinguons, sur la coupe transversale, un secteur noir supérieur, c'est le gorgeret en rap- port avec l'oviducte ; et, dans le segment infé- rieur, divisé en deux, nous reconnaissons les deux stylets qui en remplissent toute la cavité. Le gorgeret, aussi, peut se dédoubler vers l'ex- trémité, entièrement ou partiellement, en deux pièces réunies par une partie membraneuse et par conséquent dilatable. Cette disposition permet aux stylets de se déplacer, vers le haut ou vers le bas, dans les points où cela devient I utile, lorsqu'il s'agit de transpercer des corps résistants. Chez de nombreux Hyménoptères térébrants (Ichneumons, Guêpes, Sphegides, Abeilles, etc.), l'aiguillon ou dard, constitué morphologique- ment des mêmes pièces, se trouve caché dans l'abdomen ; il est court, plus aiguisé que la plus fine aiguille, et disposé en lui-même de façon à produire une piqûre douloureuse au doigt assez téméraire pour vouloir ravir à ces Insectes leur liberté accoutumée. Mais il faut faire ici une distinction. La piqûre de certains Ichneumons n'est pas plus douloureuse que celle d'une aiguille, et la sen- sation ne dure pas longtemps ; lorsqu'on sent, en levanche, pénétrer dans sa chair l'aiguillon d'une Guêpe ou d'une Abeille, on éprouve une douleur persistante; la blessure devient le siège de rougeur et de gonflement, car non LES HYMENOPTERES. 519 seulement l'Insecte pique, mais il fait en même temps couler un venin dans la plaie. Cette liqueur (acide formique) se rassemble dans une vésicule située à la base de l'aiguillon (lig. 74, p. 35); celle ci, comprimée au moment de la pi{|ûre, laisse couler une gouttelette ;\ travers le canal, sans qu'il y ait intention hostile. Cet ai- guillon vénéneux, dont les possesseurs ont été réunis sous le nom d'Hyménoptères ou jmrte- (lif/tiillons {Aculeata), est indispensable aux Sphegides pour paralyser les Insectes qu'ils rap- portent à leur couvée, ainsi que nous l'appren- drons; chez les Abeilles, au contraire, qui ne consomment que du miel et du pollen, il ne sert que d'arme défensive. Chez les autres Hyménoptères l'organe en question pour le dépôt des œufs n'est pas un ai- guillon venimeux analogue à ceux que nous venons de citer, il ne répond pas non plus h ce dernier au point de vue de la forme extérieure, comme chex certains Ichneumons; il constitue alors ce qu'on a nommé Vovi.ica/de ou la tarière {lertbra). On l'oppose à l'aiguillon [aculeiis], et ses possesseurs sont réunis sous le nom de Hyménoptères térébi-anis. Chez les femelles des Tenthrèdes, cet organe est visible, bien qu'il ne contribue pas à allonger le corps de l'ani- mal ; il a la forme d'une lame de canif; mais par suite des dentelures des stylets il agit à la façon d'une scie à manche, dont il présente aussi l'aspect; aussitôt il fait donner à ces Insectes le nom de Purle-scies. Chez les Sirex, il émerge de la pointe de l'extrémité postérieure, et ne peut être mieux comparé qu'à une râpe ffig. 738 et 739). Chez un grand nombre d'Ichneumons, la tarière est formée par une pointe longue qui fait avec la partie postérieure du corps un angle aigu; elle peut être poussée en avant, par dessus l'extrémité postérieure, d'une lon- gueur d'autant plus grande, que la femelle doit chercher plus profondément dans le bois les Insectes auxquels elle compte confier sa postérité. Après la mort de l'Animal, ces lon- gues tarières se montrent sous la forme de trois crins filiformes : le médian corné, qui est con- stitué par le gorgeret et les stylets réunis, est plus rigide ; les latéraux sont déviés et irrégu- lièrement tordus parce qu'ils constituent la gaine, plus faible, qui par le dessèchement ne peut conserver sa forme et sa rigidité. Chez des Ichneumons plus petits, chez beaucoup de Cynips, la tarière, bien qu'elle n'émerge pas du corps pendant le repos, atteint une longueur démesurée; celte longueur est motivée moins par la profondeur à laquelle ces Insectes au- raient à déposer leurs œufs, que par la nécessité de venir en aide, par l'élasticité de l'organe, à la pression que la faible puissance musculaire de ces petits êtres ne saurait lui communiquer lors de la ponte. Dans ce but, les stylets s'ap- pliquent dans les gaines, le long des parois internes de la cavité de l'extrémité posté- rieure, et la tarière s'échappe comme un res- sort de montre qui se déroule. Dans certains cas, l'extrémité postérieure, n'offrant pas de dimensions suffisantes pour cette disposition, présente des prolongements spéciaux; elle s'étend, par exemple, ;\ la face ventrale par une excroissance conique qui s'avance jus- qu'au milieu du thorax ; ou bien, à la face dorsale, par une sorte de cornet qui s'étend depuis l'extrémité postérieure jusqu'à la tête [P/ati/gasler Doscii) pour offrir l'espace néces- saire pour obtenir ce merveilleux mécanisme. D. J. WolfT a étudié sous le microscope ces organes chez un grand nombre d'Hyménoptères femelles, et a reconnu qu'ils présentent des différences du plus haut intérêt et utiles pour la classification ; à notre grand regret, il n'a pas encore livré à la publicité ces importants tra- vaux qui occupent ses heures de loisirs. Mais nous pouvons consulter les beaux travaux de M. de Lacaze-Duthiers qui permettent d'appré- cier les différences qui existent entre les tarières, les aiguillons et les oviscaptes, et en même temps de reconnaître l'unité de composition des armures génitales de tous les Insectes (1). Quant aux pattes, dont la paire antérieure s'écarte notablement des deux paires posté- rieures qui sont très rapprochées, elles se composent, comme chez tous les Insectes de la hanche, du ou des trochanters de la cuisse de la jambe et des tarses; je me contenterai de faire remarquer que chez les Tenthrèdes, les Sirex, les Ichneumonides et les Cynips,' entre les hanches et les cuisses sont interposés deux trochanlers dont le supérieur est le plus long; chezlesGuêpes, les Abeilles, etc., il n'existe qu'un seul trochanter. Dans une famille diffi- cile, celle des Proctotrupides que nous ratta- cherons aux Ichneumonides, nous trouverons deux espèces dont les pattes comptent un et deux trochanters ; ces Insectes, par cette parti- cularité, ainsi que par leurs mœurs pillardes, analogues à celles des Sphégides et Crabronides] fourniraient la preuve, si cela était encore néces- (I) Lacaze-Uulliicrs, Ikc/iciclie.-- sur fannuie fjéuUak des Inscdcs. 5^>0 LES HYMENOPTERES. saire, de l'existence de groupes de transition qui surgissent partout dans les classifications systématiques. Les tarses cuaiptent cinq articles, dans le plus grand nombre des cas. Les ailes, le véritable organe de locomotion de ces vagabonds aériens sans cesse en mou- vement, sont généralement au nombre de qua- tre, de même nature, et sont parcourues par des nervures peu nombreuses. Les ailes antérieures sont plus longues que les postérieures. Elles sont formées toutes quatre d'une membrane mince, qui semble glabre à l'œil nu, mais qui sous le microscope paraît couverte de poils très courts; elle est transparente, mais dans la plu- part des cas elle semble un peu trouble, comme enfumée. La couleur tire assez souvent sur le jaune; les bords sont quelquefois un peu plus noirs, et des opacités, qui répon- dent aux nervures, apparaissent à la surface. Rarement chez nos Hyménoptères indigènes, souvent au contraiie chez un grand nombre des magnifiques espèces étrangères, l'aile pré- sente dans son ensemble ou par places une coloration noire, bleue, violette, brune, rouge ou jaune, qui contribue beaucoup à faire res- sortir l'élégance du corps. La membrane alaire, chez les Hyménoptères nidifiants et leurs plus proches parents, n'est parcourue et soutenue que par un petit nombre de nervures et de ner- vules, qui en s'anastomosant entre elles ou avec les bords de l'aile constituent des espaces clos, les cellules ou aréoles. Au repos, les ailes s'appliquent horizontale- ment sur le dos et recouvrent la partie posté- rieure du corps ; chez les Guêpes proprement dites, elles présentent des plis suivant la lon- gueur, et pendent davantage sur les côtés du corps, sans recouvrir l'abdomen. Pendant le vol, chaque aile antérieure est unie à l'aile postérieure : celle-ci, à l'aide de crochets très fins [hamuli) situés sur son bord antérieur, s'agrafe au bord postérieur de l'aile anté- rieure. Au point d'implantation de l'aile anté- rieure, se trouve un petit feuillet mobile, de nature cornée, qui constitue ce qu'on nomme Vécaille de l'aile ou paraplère ; elle se distingue parfois par une coloration spéciale ; elle fixe l'attention plutôt par cette coloration que par sa forme propre. Une autre tache chitineuse attire les regards à cause de sa nature cornée. Ainsi que les nervures, elle présente une teinte différente qui tranche sur la nicuibranc mince et se trouve sur le bord antérieur, dans la plupart des ailes, au delà de la partie moyenne ; elle s'appelle le sl'ujina des ailes, le stiyma inaryinal ou le plefostigina. Dans les cas où elle manque, les nervures deviennent très rares, ou disparais- sent complètement. Ce sont précisément ces taches, et les cellules, qui méritent une attention spéciale; car pour la majorité des Hyménoptères elles renferment des signes distinclifs sans lesquels on ne pour- rait discerner les espèces. Les auteui's ont à ce sujet des vues presque toujours très divergentes; ils diffèrent même sur les dénominations attri- buées aux diverses parties. Sans entrer, pour la description qui va suivre, dans plus de délails qu'il ne faut, nous allons essayera présent de traiter ce sujet simplement, à laide de quel- ques figures où les mômes lettres désigneront toujours les mêmes parties; et nous tâcherons de montrer que celte étude n'est pas aussi difficile qu'elle le semble au premier abord. Tout ce que nous venons de dire s'applique entièrement à l'aile antérieure. Chez quelques Tenlhrèdes, deux puissantes nervures margi- nale et sous-marginale (costale et sous-cos- tale), réunies ensemble côte à côte, sous forn.e d'une ligne cornée, constituent le bord anté- rieur de l'aile, et son principal soutien; le pterostigma ci-dessus mentionné n'est que l'élargissement de ces deux nervures, ou ré- sulte de leur divergence momentanée. Les deux cellules les plus larges, d'aspect plus ou moins cunéiforme, qui de la base de l'aile s'avancent vers l'épaule i lig. 740 et suiv.), sont les « cellules huméi-ales moyenne et infériewe ou cellules costale et »ieWif»(e»(s'ets"). La cellule supérieure ne doit être prise en considération, que quand ces deux nervures [costale et subcostale) sont séparées par une bandelette membraneuse. Une cellule s'élend le long du bord antérieur, du ptero- stigma vers la pointe de l'aile; cette cellule se dédouble chez beaucoup de Tenthrèdes; c'est la cellule marginale ou radiale ()), quelque- fois la nervure qui la limite inférieuremeni (radius) dépasse un peu son extrémité et pré- sente un prolongement (fig. 746, a). Au-des- sous de la cellule margiuale, sur une aile dé- ployée comme dans les ligures 740, 741, 74:2, 743, 744, 745, 746 et 748, on voit la nervure sous-marginale [cubitus k), plusieurs fois in- fléchie, former avec les nervures cubitales transverses une rangée de 1 à 4 cellules que l'on nomme « cellules sous marginales » ou cellules cubitales [c, c",c"',c"",). On les compte LES HYMENOPTERES. 521 Fig. 7i:!. Fig. 7*1. l-if;. 7 4! -Ti^r:-^ Fig. -Wl. FiK. *in. Fig. ■ Fig. ■ 10. — Tcnilm-do scalaris. Fig. Ml. — Osinia pilicornis. Fi 5. 74?. — Ichneumon pisorhia. Fig. "13. — Cerceris. Fig. "44. — Earinuf. Xervures : a, nervure appendicée, prolongement de la nervure radiale ; /.-, nervure sous-costale ; p, nervure parallèle ou discoïdale ; ri, nervure. — Cellules : c', c". 7. Fig. 748. Fig. 71:.. - Euhudizoïi. Fig. "i(i. — Crahio strialiis. Fig. 747. — Cliiyso/ampnn solilnnus. Fig. 74S. — Athalia spinartim. c", c"", l", 2'', 3' et 4' eellulrs cubitales; d', d', d"' cellules discoîdalcs; /, cellule lancéolée; r, cellule ra- diale; i' s", cellules humérales ou costales. Fi» "4(1 îi 74S. — Ailes d'Hyménoptères, très grossies. à partir (iii plerostigma jii.squ'aii bord. En examinant l'aile de pr&s, on comprend que l'e.xistence des quatre cellules sous-marginales n'est possible que quand le cubitus se pro- longe jusqu'au bord de l'aile ; c'est la xègle pour les véritables Ichneumons et pour les Tenlhrèdes, mais cela ne se présente jamais pour les Abeilles. Par exception, l'aile de cer- tains Icbneumons véritables ne renferme que trois cellules cubitales ou même deux par atro- pbie de celle du milieu; celle-ci mérite alors une attention spéciale, comme signe distinctif, et on la désigne sous le nom de cellule spécu- laireoa aréole {tig. 742 c"). Une deuxième parti- cularité, dans les ailes dont nous parlons, con- siste dans la fusion de la première cellule cubitale avec la cellule médiane ou discoïdale supérieure, qui s'opère souvent en laissant une trace des nervures séparatives, qui forme une nervure double (fig. 742). Les cellules médianes ou cellules dlscoïdales {d',d",d"') se trouvent, comme leur nom l'in- Bkeiim. — VIL dique, au milieu de la surface de l'aile {discus); elles sont limitées par deu.x nervures récur- rentes. Elles sont utiles aussi pour la recon- naissance des espèces; il est important de connaître leurs rapports avec les cellules sous- marginales voisines. Chez certains faux Ichneu- mons (les Braconides) l'absence totale de la ner- vure récurrente externe (fig. 744, 74.5) devient le signe caractéristique général de la famille. La nervure longitudinale, la plus voisine du cubitus, a reçu le nom de nervure parallèle ou discoïdale {p); la cellule, qu'elle limite souvent vers l'angle interne de l'aile, s'appelle « cellule ocumini'e » ou « cellule apicole ». II ne faut pas oublier l'e-pace compris entre cette partie et le bord interne qui n'a d'ailleurs d'im- portance que sur l'aile des Tenthrèdes, parce que, chez elles seulement, il contient la cellule dite lancéolée (fig. 740 et 7iS /), qui fournit plu- sieurs signes dislinctifs importants. Tantôt elle se perd dans l'épaule simplement sous l'as- pect il'un trait très fin qui s'élargit un peu, en Insectes. — 66 522 LES HYMENOPTERES. avant et en arrière, en forme d'anse; tantôt elle est dédoublée en deux cellules par une nervure transversale oblique, courte et recti- ligne comme dans la figure 740, ou beaucoup plus longue et plus oblique comme dans la figure 748. Tantôt enfin, elle présente des ner- vures vers le milieu et se perd à une distance variable à l'état de nervure simple ; on l'appelle alors « nouée » ; enfin, au voisinage de la cel- lule d'implantation lanciforme, chaque ner- vure simple va se perdre vers l'épaule sans for- mer de cellules par ses divisions. Sur l'aile postérieure, qui est plus petite, on éprouve plus ou moins de difficultés à se servir de l'ensemble des nervures comme sur l'aile antérieure, parce qu'il en manque un nombre plus ou moins grand ; mais là encore leurs tra- jets ont une valeur distinctive importante. Chez qnelquesichneumons véritables appar- tenant à l'ancienne espèce connue sous le nom de Pezomac/ius, chez un certain nombre d'In- sectes apparentés aux Ichneumons, chez quel- ques Cynips, chez les Fourmis et chez les femelles des Mutilles, les ailes manquent com- plètement. Production des sons. — Un grand nombre d'Hyménoptères émettent des sons pénétrants, tout le monde sait que les Bourdons, les Abeilles, les Guêpes, les Frelons bourdonnent. La connaissance des causes de la production de ces sons est due principalement aux recher- ches de Landois (1). H prétend que les mouve- ments oscillatoires des ailes, ici comme chez les Mouches et chez d'autres Insectes, don- nent naissance h une série de sons, ainsi qu'on le savait déjà. Sous ce rapport, les Hyménop- tères et les Diptères présentent les plus grandes variétés dans la hauteur des sons. La membrane mince agit, avec sa vitesse extraordinaire, de la même façon que les branches d'un diapason. Landois a établi les lois suivantes : chez un même individu, le ton est constant. Si la taille est différente dans les deux sexes d'une même espèce, les sons des ailes diffèrent aussi nota- blement. Souvent de petits Insectes émettent un son bien plus bas que des Insectes plus grands. 11 ne s'agit pas ici, naturellement, du léger bruit de claquement ou de clapotement, seul bruit que produisent certains Ichneumons, les Papillons de jour volant en groupes nom- breux, ou bien encore et surtout les Saute- relles aux ailes résistantes. Il) Landois, Tlnersiimmen, Freiboiirg in Brisgau, 18"-!. Une seconde espèce de sons est produite chez les Abeilles (comme chez les Mouches) par les stigmates thoraciques ou abdominaux, sous l'iiillueuce d'un effort respiratoire. Ces der- niers appareils sonores ne peuvent être mieux comparés qu'aux instruments à anches, car ce sont des membranes qui vibrent à l'extrémité des conduits aérifères. Au bout de ces conduits aérifères, servant de tuyaux sonores, se trouve situé l'appareil producteur du son, comme le larynx au bout du la trachée des Mammifères. Avant d'arriver à cet appareil sonore, la trachée se rétrécit, justement chez les Hyménoptères, suivant la quantité d'air à expirer, et forme soufflet. L'appareil producteur du son est formé principalement de feuillets chitineux disposés en forme de rideaux, et mis en vi- bration par l'air expiré pour produire le son. M. Landois est même allé plus loin ; il a noté musicalement les sons des bourdonnements do différentes Mouches et de diverses Abeilles. Les stigmates ne sont pas tous pourvus d'appareils sonores; ce sont surtout ceux du thorax qui en sont munis. Ce sont principale- ment ceux de l'abdomen chez les Apides, les Sphex, les Guêpes et autres Hyménoptères qui ont un fort bourdonnement; ce n'est que chez un très petit nombre d'Insectes que les deux régions thoracique et abdominale en sont pourvues. Distribution p.iiéontolog^ique. — Les Hy- ménoptères commencent à se montrer dans les terrains jurassiques. On en trouve de nom- breux représentants (notamment des Formici- des) dans les terrains tertiaires et dans l'ambre. UistriiiuMon g^éogriipiiique. — Les Hymé- noptères habitent toutes les régions du globe et se rencontrent en grand nombre sous toutes les latitudes; certaines espèces ont une aire de répartition des plus étendues, d'autres sont même cosmopolites. Mœurs, liabitudes, réprime. — Après leur évolution complète, les Hyménoptères vivent, presque tous, de matières sucrées qu'ils lèchent avec leur lèvre inférieure, qui pour cette raison est fort développée chez eux. Jamais ils ne s'ali- mentent à l'aide des autres parties de la bouche qui, bien que pourvue de mâchoires en lan- cettes, caractérisent une bouche disposée pour la mastication. Quant aux matières sapides, ces Insectes les empruntent aux fleurs depuis le premier prin- temps (pi. XIV) jusqu'à l'arrière-saison. Les Saules, les Noisetiers, les Cytises, les Pruniers, BiiEiiM, Insectes T. Vl[, l'I. \I\ , |). 522. Pans, J.-B. Bailhcre el Kil LES HYMENOPTERES AU PRINTEMPS. DEUX DIPTÈRES PARASITES : BOMBYLIUS VEHOSUS ET MYOPA FERRUGINEA. 4PIDES : -NOMADA FLAVA. — BOURDON TERRKSTRt ET ABEILLES COMMUNES. — ANDRENA CINERAlllA ET ANDRENA MGRO-.ïNEA LES HYMENOPTERES. 523 les Troènes, les Aubépines, les Sauges, les La- vandes, les Thyms, les Mélisses, les Bruyères, les Aster et mille autres sont visités et dé- pouillés par les Abeilles. Non contentes de s'adresser aux nectaires, leur gourmandise ou la rareté des llcurs les pousse quelquefois à em- prunter des matières sucrées aux nectaires extra-floraux, à la miellée qui recouvre les feuilles des arbres (Chênes, Frênes, Tilleuls, Sorbiers, Peupliers, Érables, Coudriers), à nos produits manufacturiers et même à certainsani- maux... et notamment, ce qui pourra sembler surprenant, aux Pucerons! On sait en efTetque ces frêles animaux, qui se nourrissent exclusi- vement de sucs végétaux et qui vivent généra- lement en sociétés nombreuses, rejettent avec leurs excréments un suc sapide en quantité parfois si grande que les feuilles paraissent entièrement recouvertes d'une couche de la- que. Ce suc est recherché par d'autres Insec- tes, notamment par les Mouches et les Hymé- noptères dont il est ici question, qui en font leur nourriture presque exclusive. Les collec- tionneurs savent par expérience qu'ils ne re- cueilleront nulle part un plus riche butin que sur les buissons dont les feuilles présentent des taches brillantes, parfois noirâtres, qui dénotent à distance la présence de ces dépôts. « .Vu printemps de l'année 1866, dit Tas- chenberg, j'explorais une plantation de Sau- les, où les Mouches à miel communes bour- donnaient en si grand uombrequ'elles faisaient soupçonner l'existence d'un llucher dans le voisinage. Je songeai d'abord aux fleurs qui constituent pour ces Animaux une source de miel des plus riches et des plus précoces. En y regardant de plus près, je reconnus que les chatons étaient très rares, et que les Abeilles ne semblaient pas les rechercher. Elles bour- donnaient, au contraire, tout le long des tiges de Saules dépourvues de feuilles où pullulaient des myriades de Pucerons gris, à tel point (ju'ils les recouvraient entièrement. Les Puce- rons s'élaient déjà attachés à mes vêlements qui en étaient abondamment constellés, car on ne pouvait avancer sans essuyer ces buis- sons, tant le fourré était épais. Si l'Abeille, la plus parfaite des Hyménoptères, recherche ces produits du Puceron, comment admettre que les autres Insectes mellivores les dédaigne- raient? Pour tous les autres Insectes qui ne pro- duisent pas de mieljj'allirme cette prédilection, d'après mes expériences de longues années. » .\utant l'alimenlalion présente d'uniformité chez les Insectes parfaits, autant elle offre de diversité chez les Larves. Certaines de ces Larves ont des pattes nom- breuses (jusqu'à 22). Leurs couleurs sont gé- néralement bigarrées; on les trouve fixées contre les feuilles qu'elles dévorent. De ces Larves ou fausses chenilles éclosentles Tenlhrè- des. Les Sirex, espèce voisine, à l'état de Larves vermiformes, vivent dans les bois qu'elles perforent. Ces deux espèces de Larves, au point de vue de leur structure et de leur analomie, accusent un développement plus avancé que toutes les autres Larves de celte classe, qui, en raison de l'absence de pattes, méritent le nom de l'ers proprement dits. Chacune de ces Larves consiste en une tôle cornée, et douze anneaux à peu près cylindri- ques. Entre la tête et le premier anneau, s'en intercale quelquefois un troisième for- mant le cou, dans lequel la tête s'invagine lorsque la Larve est au repos. On y remar- que des mâchoires cornées, des papilles tac- tiles, des orifices de filières, mais pas d'yeux, et tout au plus des traces d'antennes. Quel- ques uns de ces Vers vivent dans les plantes, mais sans les perforer à la manière habituelle, et sans pratiquer de galeries entre les feuilles. Ils habitent des excroissances spéciales produi- tes par la piqûre de la femelle lors de la ponte, et connues sous le nom de Galles; d'où le nom de Gallicoles donné aux Insectes qui en sortent. D'autres Vespides habitent des Nids préparés et approvisionnés pour eux à l'avance; les Api- des y amassent pour cela du miel et du pollen ; les Uiiêpes, les Sphex, les Crabro, etc., y rap- portent d'autres Insectes. Les Ichneumons et autres Hyménoptères pa- rasites jouent un rôle important dans l'écono- mie de la nature, dont ils sont chargés de conserver l'équilibre. Comme ils ne vivent qu'en détruisant des Insectes nourris de plantes principalement, la multiplication de ces der- niers se trouve limitée : si, par la coïncidence de plusieurs circonstances favorables à leur développement, le chiffre de ces Insectes her- bivores vient à dépasser les limites naturelles, il constitue alors des habitacles plus nombreux pour les Ichneumons; et ces parasites ramè- nent leur nombre à la proportion normale. Généralement, les plus gros de ces parasites vivent solitairement dans le corps d'un autre animal; les plus petits y habitent souvent en famille, par centaines ; pour se faire une idée /, II, p. b9l. Ln'sfctes. — 61) 546 LES ABEILLES dû être transmis par hérédité, de génération en génération. Karl Vogt (I) cite un t'ait analo- gue à propos de Fourmis, qui, des années du- rant, se rendaient, à travers des rues populeu- ses, à un dépôt de pharmacie situé à la distance de 600 mètres, et où se trouvait toujours un grand vase plein de sirop. « La sûreté avec laquelle les Abeilles en ex- pédition retrouvent la route de leur demeure, parle aussi en faveur de leur excellente mé- moire. Avec la vitesse d'une balle, elles pren- nent leur élan à l'approche d'une tempête pour rejoindre leur foyer chéri par la voie la plus directe. Cette faculté a d'ailleurs ses limites, et il faut reconnaître que l'Abeille, qui s'est éloignée de la Ruche à la distance d'une demi- heure ou d'une heure, perd facilement son chemin à son retour. Aussi préfèrent-elles les champs émaillés de fleurs, les plus voi- sins de la Ruche, proximité qui a d'ailleurs l'avantage de leur épargner une dépense inutile de force et de temps. Peut-être redou- tent-elles si fort, comme nous l'avons déjà dit, les coups de vent et les orages, parce qu'elles ont peur d'être entraînées trop loin de la Ruche natale, et de ne pouvoir retrouver leur route qu'avec difficulté. Il n'est pas bien sûr, quoi qu'en dise Virgile, dans son célèbre poème sur les Abeilles, que celles-ci cherchent dans ces occasions leur salut, en se chargeant de petites pierres ou de parcelles de gravier, afin de mieux résister à l'action du vent, de même qu'un vaisseau bien lesté résiste mieux à celle des flots. Nous laisserons Virgile exposer lui-même ses observations, et décrire, comme suit, les expéditions des Abeilles: " Le matin, de bonne heure, elles s'élancent hors de la Ruche et, quand l'étoile du soir les invite à quitter enfin les prairies, elles rega- gnent leur asile, et réparent leurs forces. Un grand bourdonnement se fait alors entendre autour des portes. Puis, dès qu'elles ont pris place dans leurs cellules, le silence règne toute la nuit, et un sommeil bienfaisant délasse leurs membres fatigués. Il Quand la pluie menace, ellesne s'éloignent pas de la Ruche; et, quand lèvent s'élève elles ne se hasardent point dans l'air. Mais, à l'abri des remparts de leur cité, elles vont puiser de l'eau dans le voisinage ou ne tentent que de courtes excursions. Souvent, elles em- portent dans leur vol de petits cailloux, qui (1) Vogt, Leçons sur les Animaux utiles et nt/J^ibles. leur permettent de se balancer dans les airs, comme des nacelles que le lest maintient sur les flots agités (1). » Quand vient l'arrière-saison le nombre des cellules d'incubation commence à diminuer, bien que par un temps favorable il naisse des ouvrières jusqu'en octobre. Il ne faudrait pas croire qu'à la fin de la saison des sorties, la population de notre Rucher soit beaucoup plus forte qu'à l'origine, c'est-à-dire à la Saint-Jean. Dans des conditions climatologiques défavo- rables, elle peut avoir diminué beaucoup, au contraire. Ce n'est pas le départ des mâles qui mérite d'être pris en considération, mais c'est la masse des ouvrières qui périssent les unes après les autres ou succombent naturelle- ment. La vie d'une Abeille ne dure que six se- maines, à l'époque principale de l'essaime- ment. Les auteurs sont restés longtemps divi- sés sur ce sujet. La longévité attribuée aux Abeilles résultait d'un sophisme basé sur la vie plus longue de la Reine. Mais l'introduction des Abeilles italiennes' en Allemagne a permis de lever tous les doutes. Si, en effet, au commen- cement du départdes essaims, alorsquel'Abeille déploie le plus d'activité et s'use le plus vite, on importe dans une Ruche ordinaire une Reine italienne fécondée ; au bout de six semaines les Abeilles communes ont disparu jusqu'à la dernière, et sont remplacées par une popu- lation d'Abeilles italiennes qu'on distingue sans peine de notre variété septentrionale, à la couleur rouge de la région antérieure de l'abdomen. Hivernage. — Pendant l'hiver, on trouve dans la Ruche le premier rayon plein de miel et couvert ; les moins remplis se trouvent du côté du faîte ; les autres sonUplus ou moins vidés à leur partie supérieure. Plus loin, vers le bas, se trouvent les cellules d'approvisionnement, remplies de pollen, également couvertes, et les cellules d'incubation qui sont vides. Vingt- neuf fois les cellules ont du pollen dans leur moitié inférieure, et du miel dans la moitié supérieure ; c'est ce que constate l'éleveur, avec regret, lorsqu'il vient enlever le miel à l'époque (1) Géorgiques, 1. IV. Il s'agit probablement là d'un fait vrai mal interprété ; les anciens ne possédaient pas de notions zoologiques précises et confondaient entre elles les formes les plus voisines — on pourrait à cet égard trouver nombre de nos contemporains ressemblant aux anciens; — il est donc probable que Virgile voulait par- ler d'autres Apides, les Clialicodomes, qui transportent des grains de sable pour édifier leurs Nids. LES ABEILLES. 547 de la maturité des Groseilles, c'est-à-dire quand il fait sa récolle. Sur les cellules d'incubation on trouve les Abeilles pressées les unes contre les autres en amas aussi serrés que possible, pendant le repos hibernal. De même que les Animaux à sang chaud se réchauflent par leur voisinage, de même les Abeilles élèvent leur température en se blottissant avec force ; c'est pourquoi l'A- beille n'est pas engourdie comme un Insecte isolé qui hiberne en liberté ; elle utilise aussi la nourriture dont elle s'est approvisionnée. Il faut un hiver déjà bien dur et des froids per- sistants pour que la température de la ruche s'abaisse au-dessous de 8° Réaumur. Mais ce degré thermique est absolument nécessaire ; il est maintenu par l'alimentation et par le mou- vement ; les jours de froid on entend le bruis- sement du peuple qui s'agite dans l'intérieur; du reste, l'éleveur étend un abri d'hiver sur ses Ruchers. Comme c'est l'alimentation qui élève la température de leurs corps et par suite la chaleur de la Ruche entière, les Abeilles ont besoin d'une nourriture plus abondante dans les hivers rigoureux que dans les hivers doux. Lorsqu'en hiver l'air libre possède la tempé- rature indiquée, mainte Abeille se laisse ten- ter et s'envole ; les jours d'hiver ensoleillés, même quand la température n'atteint pas ce degré, on voit des Abeilles isolées s'envoler hâ- tivement du Rucher pour aller chercher de l'eau ou accomplir leurs évacuations ; car, en raison de son extrême propreté, l'Abeille ne dépose pas ses immondices dans la Ruche, mais à l'air libre. Si elle est forcée de les rete- nir trop longtemps, ou bien si elle est obligée de se nourrir d'un miel gâté, qui n'était pas couvert, elle tombe malade, souille sa de- meure ; et la Ruche entière est généralement anéantie. Quand l'hiver suit un cours régulier, le tra- vail ne chôme pas, alors même qu'il n'y aurait qu'à empaqueter les provisions pour les trans- porter des cellules postérieures dans celles qui occupent le centre de la Ruche, où elles doi- vent êlre consommées. Mais, en outre, la Reine commence souvent, dès le milieu de février, à pondre dans une petite région de cellules si- tuées au centre de l'habitat d'hiver. Ce n'est qu'en avril ou mars, que les chauds rayons du soleil viennent libérer les Abeilles de leurs quartiers d'hiver. Elles font con- naître leur satisfaction par un bourdonne- ment de joie, et par un vol oscillatoire et cir- culaire, lorsqu'elles quittent pour la première fois leur étroite prison, et que dans les rayons du soleil nouveau elles peuvent jouir de leur liberté. Leur premier soin est de se vider. Si quelque ménagère suspend par hasard, dans le voisinage, du linge blanc à sécher, on le trouve bientôt bariolé de taches brunes et pointillées, au détriment de la propriétaire; car, pour cette opération, les Abeilles, comme bien d'autres Insectes voltigeurs, aiment avant tout à s'installer sur des objets de couleur claire. Les Abeilles commencent alors à balayer et nettoyer leur habitation, comme en vue d'une grande fête. Les cadavres des sœurs défuntes, qui ne font jamais défaut, sont expulsés ; les dégâts causés aux rayons, et que le grouille- ment continuel rend inévitables, sont réparés. Mais le travail principal consiste à rassembler et à rejeter les centaines de couvercles de cire qui gisent épars sur les planchers, et qui étaient tombés à chaque rayon de miel entamé. Les sorties commencent, aussi prolongées que le temps le permet; car les chatons des Noisetiers et des Saules (pi. XIV), les boutons jaunes des Cornouillers, les Crocus, les Violettes de mai, les Fritillaires, les Perce-neiges, et toutes les filles de Flore, de plus en plus séduisantes, leur offrent nectar et pollen en échange de leurs caresses. Le régime ancien, habituel, que nous con- naissons, ne peut durer plus longtemps. Sans compter que si pendant l'hiver la population n'a pas été trop affaiblie et n'a pas trop souffert, elle est devenue trop nombreuse; l'espace est trop étroit; il faut faire les préparatifs pour expédier un essaim dehors. EssAiMEMENT. — Tout d'un coup se forme unenouvelle espèce de cellules, semblables aux cellules ordinaires pour la forme et la situation, mais de capacité plus grande (fig. 772, p. 333). Dans chacune, la Reine dépose exactement, comme précédemment, un Œuf. Les Ouvrières pourvoient les cellules d'aliments, et prennent soin de la jeune Larve jusqu'au huitième jour de la croissance ; elles ferment sa cellule, et elles la couvrent, de la façon que nous connaissons déjà. Le vingt-quatrième jour après la ponte, le couvercle s'ouvre, mais celte fois c'est un mâle qui en sort. Il est plus grand qu'une Ouvrière; et c'est pourquoi on lui a préparé une cellule plus volumineuse. La Reine a eu soin d'exami- ner la cellule, et de s'assurer, en y introduisant son abdomen, qu'elle devait pondre là un OEiif s 48 LES ABEILLES. mâle. Cet CEuf diffère des CEiifs pondus jus- qu'ici en ce qu'il n'a pas été fécondé. Chez toutes les femelles d'Insectes, il existe, à la sor- tie de l'oviducte, un réservoir séminifère qui s'emplit pendant l'accouplement. Chaque CEuf passe devant l'orifice de ce réservoir, pendant la ponte, et peut être fécondé. La Reine a donc le pouvoir de féconder tel ou tel OEuf. Elle se garde bien de féconder ceux qu'elle pond dans les vastes cellules destinées aux mâles. C'est là un fait merveilleux que Dzierzon, curé de Carlsmark en Silésie, a distingué d'abord, et que de Siebold a approfondi scientifiquement. La connaissance de ce fait, qu'une Ouvrière vierge ou qu'une Reine non fécondée puisse pondre des OEufs, d'où éclosent des Larves d'Abeilles, a été introduite dans la science par de Siebold, sous le nom de Parthénngcnèse (procréation par des vierges). Ce fait important a été observé aussi chez d'autres Insectes, notamment chez quelques Papillons de la fa- mille des « Psychides », et chez certains Hj- ménoptères sociaux, tels que les Guêpes et les Fourmis. Aristote avait connaissance de cette particularité chez les Abeilles mellifères, car il dit expressément : « Les Faux-Bourdons éclo- " sent aussi dans une Ruche privée de Reine. « Les couvées d'Abeilles (il s'agit là des Ou- « vrières) ne peuvent éclore dans une Ruche « sans Reine. Les Abeilles mettent au monde « des mâles, sans qu'il y ait eu accouplement. » Dans la Ruche, les choses se compliquent de plus en plus. Lorsque les mâles commencent à devenir plus nombreux, on voit s'élever une troisième espèce de cellules, le plus souventvers le bord du gâteau (fig. 773, 774 et 775, p. 533) ; leur nombre est de deux à trois, quelquefois le double ou même le triple. Elles sont verticales et cylindriques; leurs parois, formées de ma- tériaux plus épais, renferment aussi une cavité plus grande que les cellules des mâles. Dans ces nouvelles cellules la Reine vient aussi pondre un Œuf, avec peine, disent les uns, sans effort, suivant les autres. L'habitant de cette cellule est pourvu d'une nourriture meilleure; close au bout de six jours par un couvercle bombé, cette alvéole fermée ressemble un peu au cocon de certains Papillons ; elle est soignée avec plus de zèle encore que les autres. Les différences si- gnalées : forme particulière, siège spécial, ali- mentation plus soignée, température plus éle- vée, déterminent à l'intérieur de cette cellule une différence dans le développement de la Larve ; elle se transforme au bout de seize jours en une femelle féconde. Si on la laissait sortir de sa cellule alors que la Reine existe encore, il y aurait un combat à mort, attendu que deux femelles fécondes ne peuvent vivre ensemble dans la même Ruche. C'est ce que savent ses gardiennes, aussi ne la laissent-elles pas sortir encore ; du moins nous avons le droit de faire cette supposition, quand même elle ne s'appli- ■[uerait pas à tous les cas. La prisonnière ne peut cacher son mécontentement et fait en- tendre un bruit strident. Il est possible d'ail- leurs que le même bruit se fasse entendre déjà dans une seconde cellule royale. La Reine ancienne, sitôt qu'elle perçoit ce bruit, com- prend qu'une rivale se lève ; elle ne peut dissi- muler son inquiétude. Les Ouvrières sentent également qu'un événement important se pré- l'are, et se partagent en deux camps; les unes prennent partie pour l'ancienne Reine, les autres pour la nouvelle. L'impatience prend un caractère hostile et la lutte s'aigrit. Bientôt, l'ardente mêlée de plusieurs milliers d'individus produit dans la Ruche une chaleur intoléra- ble; car prévoyant ce qui va se passer, il n'est qu'un très petit nombre d'Abeilles qui s'envo- lent. Une partie des Ouvrières se trouve sus- pendue en grappe épaisse au-devant de l'en- trée. Le petit nombre d'Abeilles qui ce jour-là reviennent chargées, ne se hâtent pas comme (l'ordinaire de pénétrer dans l'intérieur pour s'y délivrer de leur butin, mais elles s'associent au groupe. L'intérieur est de plus en plus agité; on entend un bourdonnement, un gron- dement, un grouillement, un bruit de mêlée; le désordre le plus complet semble y régner. Tout à coup, tête basse, ou tête haute, dévale, comme un jet d'eau pressé fortement à travers un orifice étroit, un essaim de dix à quinze mille Abeilles anciennes, parmi lesquelles la Reine. Cet essuim obscurcit l'air comme un de ces nuages chargé de neige qui semblent éteindre le soleil. Il oscille dans l'air, de ci et delà, et fait entendre un bruit spécial et joyeux, qui résonne au loin. Ce spectacle dure bien dix minutes; un autre lui succède : sur une branche d'arbre (pi. XV), sur un morceau d'écorce disposé dans ce but par l'éleveur au bout d'une perche, n'importe où, on voit se former un groupe d'Abeilles, très serré, plus volumineux que le poing ; d'autres Abeilles viennent s'yjoindre, de plus en plus nombreuses; elles finissent par constituer une grappe noire, suspendue en l'air, au milieu de laquelle se trouve la Reine. C'est la tête de l'essaim ou l'a- BnrtfNf. f ^'frfn,-. r. vil, PI. XV, p. 5i8. Paru, J.-B B.iUlièri; cl KéI-, eJil ESSAIMEME.NT DES ABEILLES. LES ABEILLES. 549 vant-garde ; comme tous les autres essaims, qui le suivent de près, il ne s'enhardit ainsi que dans les beaux jours, vers midi le plus souvent, et ne s'éloigne guère parce que la Reine char- gée d'CEufs est très lourde. L'éleveur, dont l'at- tention est éveillée déjà sur ce qui va se passer par plusieurs indices, a préparé une nouvelle case, une nouvelle Ruche, il a pris un réci|)ient quelconque ; il dirige l'essaim de ce côté, ferme l'habitation à l'aide d'un couvercle, et la trans- porte ainsi à la place assignée. C'est lil le dé- but de l'installation; elle s'accomplit, comme il a été dit déjfi, avec celte seule didérence que la Reine n'a pas à s'envoler d'abord pour la fé- condation. Les éleveurs voient avec plaisir une expédition entreprise ;\ l'époque réglementaire ; car la population se fortilie d'autant plus tôt, elle peut rassembler de plus riches provisions pour l'hiver, et nécessite moins le secours d'une alimentation artificielle et coûteuse. De là le vieux dicton en vers allemands : Un essaim en mai Vaut une cliarge de foin; Un essaim en juin Vaut bien un coq gras ; Un essaim en juillet Ne vaut pas un tuyau de plume. « Les Apiculteurs font une distinction, dit Biichner, entre les essaims dits orti/iciels et les essaims naturels. On obtient les premiers par le procédé suivant : on enlève du sein d'une Ruche florissante, qu'on a soin d'étourdir avec de la fumée, une partie de sa population, et on la transporte, accompagnée d"une Reine, dans un panier préparé pour la recevoir. Épouvantées, stupéfiées, les pauvres bêtes s'abandonnent, dans leur émoi, à la destinée, et se soumettent à la volonté et à la grâce du père des Abeilles. Naturellement, la violence de ces procédés en exclut toute la poésie, ce qu'on appelle « l'a- rôme exquis des essaims ». <( Du feu, de la fumée et du bruit. C'est ainsi qu'un Apiculteur expert il) décrit les phénomènes qui accompagnent cette expul- sion forcée. « Pendant que leurs foj'ers devien- nent la proie des flammes, les malheureux exilés sont poussés dans la direction du nou- veau logis; dans leur abandon ils se posent sur les murs, heureux de ne plus entendre ce vacarme qui les étourdissait, ces coups de bâton qui retentissaient derrière eux. Rassurés par la certitude d'avoir conservé au milieu (0 Journal des Abeilles, Nordlinger, partie II, page 380, etc. d'eux l'être suprême et adoré, leur Reine, ils se rallient autour d'elle. La nécessité leur impose le travail. Et voilà nos incendiés fon- dant de nouveaux foyers, et viennent les beaux jours et du butin envoyé par le ciel ou des assiettes de miel fournies par l'Apiculteur, la colonie redevient florissante. Il Mais que se passe-t-il dans la vieille habi- tation ? Les coups et le feu ont contraint une partie de la population à abandonner la patrie et le berceau de la progéniture en germe. Plus de secousses, le bruit du tambour se tait. Celles qui restent voudraient réparerle désastre ; une moitié, au moins, revient en tâtonnant à l'an- cien domicile, mais l'espoir de recouvrer leur Reine est perdu. Tout leur manque à la fois. Les membres du groupe se demandent les uns aux autres ce qu'est devenue la souveraine. L'une après l'autre, les Abeilles sortent du logis, et cherchent avec angoisses leurs pro- ches. Toutes reviennent au bout de quelque temps, le découragement dans l'âme, sans nou- velles consolantes. Alors une clameur plain- tive s'élève dans la maison, une sueur froide dégoutte des murs eux-mêmes. Au moment où ces gémissements s'apaisent, une voix isolée rappelle la perte générale, et la clameur plain- tive recommence jusqu'à ce que la douleur se calme par son excès même. Enfin le temps ap- porte son baume à ces délaissées, soit que le calcul prévoyant de l'homme leur procure une Reine étrangère, soit que l'espoir de voir sous peu un rejeton de la souveraine perdue sortir de ses langes pour monter surle trône, ranime leur courage. Pendant ce temps, au dehors, r,\piculteur prête l'oreille, pour savoir si la paix est rentrée dans leur sein, tout prêt à pleurer avec ses Abeilles éplorées, dont le sort lamentable est son œuvre. » « L'essaim naturel, non forcé, abandonné au hasard, aux circonstances favorables ou con- traires, a un tout autre caractère aux yeux d'un amateur de la nature. « Là, c'est la vie, la nature prise sur le fait; là, pour que tout aille à souhait, il faut un concours de circonstances favorables, une bonne alimentation, des jour- nées radieuses, chaudes, un air doux; là, sub- siste le charme de l'espérance et l'émotion du péril. Les premiers Faux-Bourdons ont pris leur volée par un beau soleil de midi, et leur bourdonnement est d'un heureux présage pour l'oreille de leur père-nourricier. La fermenta- tion devient croissante dans la Ruche ; par une nuit étouffante, une partie des Abeilles établit 550 LES ABEILLES. son campement en plein air, devant la Ruche, et s'éparpille au matin pour aller aux travaux. Pourtant, par une belle et chaude journée, aucune ne bouge; il semble que quelque chose d'extraordinaire se prépare. Quelques Abeilles vont et viennent, voltigent autour de leurs camarades, leur apportent des nouvelles de ce qui se passe à l'intérieur, annonçant par leurs gémissements l'approche du dénoûment. A peine entré dans le jardin, l'Apiculteur saisit cette intonation, musique plus précieuse à son oreille que le plus beau concert. L'essaim s'avance pêle-mêle en cadence, et la Ruche déverse toujours de nouvelles masses. Des groupes s'abattent rapidement, puis s'élèvent de rechef, et se mêlent dans une joyeuse con- tredanse. Tout devient tranquille auprès de la porte d'entrée, mais la vie s'épanouit au grand air, au point que les rayons du soleil sont inter- ceptés par ces petits nuages vivants. L'essaim ondule au souffle du vent ; il n'a pas encore choisi d'endroit pour se fixer, et l'œil de l'Api- culteur ne cesse de le suivre. Mais voilà qu'un violent coup de vent rabat l'essaim à terre. Reine et peuple retombent sur la vieille Ruche ; le petit groupe, qui commençait à se former sur une branche voisine, s'éparpille. La tris- tesse se répand dans la Ruche, le coup a raté ! Toutes les espérances sont déçues. Cette belle journée d'essaimement est perdue, et plusieurs livresdemieldépenséesen pureperle. L'Apicul- teur découragé erre au milieu de ses Ruches. « Mais un son retentit ;\ son oreille. Tut! tull résonne dans l'air, et couac! couac/ complète l'accord (1). Il ne peut s'en rassasier; le jour dé- (I) Ce sont les jeunes Reines et celles en voie d'éclore, qui font entendre le tut et le couac en question, et, pour l'oreille d'un Apiculteur, c'est IJi un signe certain d'un essaimement prochain. Sitôt qu'une jeune Heine est sur le point d'éclore, elle annonce ce moment par des couaes- couacs. Si aucun tut-lut d'une jeune Reine déjà adulte ne répond à ce signal, la prétendante procède à son éclosion en toute sûreté , mais entend-elle le cri de défi de sa rivale, elle prend la sage précaution de rester dans son alvéole, aussi longtemps que la voix de celle-ci se fait entendre dans la Ruche. Ces intonations de la peur et de la colère se font entendre dans toutes les Ruches, car, vers l'époque de l'essaimage, plusieurs jeunes Reines ont atteint l'âge adulte. C'est la Reine déjà, éclose, qui émet le tut-lut, et la jeune, encore enfermée dans sa cellule, le couac-couac, qui s'explique par le passage de l'air sortant par les stig- mates latéraux du thorax de l'Animal. Il est hors de doute que ces sons divers n'ont d'autre signiflcalion que celle que nous leur prêtons, car chaque fois, au moment d'éclore, la jeune Reine fait entendre son couac, et à son tour la souveraine adulte ne fait résonner son cri que quand elle a entendu celui de sa jeune rivale et qu'elle cline, le soleil baisse, c'est alors que se déroule le spectacle. La note des musiciens devient toujours plus vibrante ; l'essaim prend sa volée, et cette fois-ci pour tout de bon ; dans cette ronde ardente, il y va du trône et de la vie. L'amas s'épaissit auprès de quelque Poirier (pi. XV); on peut l'évaluer à vingt mille indi- vidus, prêts il la lutte et au travail. « Une fois capturé, l'essaim est transporté dans l'habitation qui lui est préparée, et dont l'intérieur est soigneusement nettoyé. « Avant tout, l'essaim se précipite vers l'issue, mais s'arrêlebientôtet revient sur ses pas, en agitant joyeusement ses ailes. Les Abeilles savent que leur Reine est au milieu d'elles. L essaimement a réussi. Les plus rebelles se groupent à l'entrée, et font entendre un bourdonnement joyeux. 11 ne reste sur l'arbre qu'une petite partie de retardataires, qui à leur tour ne tardent pas à se mettre en mouvement, cherchant partout leur souveraine. Dèsqu'elles entendent le bour- donnement, elles dirigent leur vol vers la Ruche. Sous peu, la branche reste libre, et aucun cadavre ne marque le champ de la lutte . Bientôt, les plus actives se mettent à circuler, examinant la Ruche et son emplacement. Dans l'intérieur, commencent les travaux de cons- truction ; il s'agit, avant tout, de vivoter, de nettoyer la Ruche, ensuite il faudra penser à voler en quête de provisions. Encore quelques péripéties dramatiques, et tout rentre dans l'ordre; au bout de quelque temps, la nouvelle colonie est florissante. Mais que se passe-t-il pendant ce temps dans la vieille Ruche? Le calme y est rétabli. Plus d'un rayon est vide, il est vrai, car les émigrés d'aujourd'hui n'avaient pas coutume de revenir de leurs explorations les mains vides. Plus d'un enfant arraché à la maison maternelle revient dans ses foyers, et les jeunes sœurs au berceau grandissent à vue d'œil. La vieille mère a pu s'éloigner impuné- ment, car des rejetons pleins d'espérance dor- ment dans le calme du berceau royal. En at- tendant que ces Reines futures aient atteint l'âge adulte et puissent se mettre à la tète de la maison, celle-ci va son petit train habituel. Le ménage est tenu dans le meilleur ordre, l'es- prit de parti est éteint, tous poursuivent en paix leurs travaux. Mais le moment le plus brillant de la vie d'une Ruche est, sans contre- dit, l'époque de l'essaimement, à cause de l'élé- veut l'effrayer; atitrement, elle reste muette. Tout ce que nous venons de dire ne s'applique qu'aux jeunes Reines, les vieilles n'ayant plus la faculté d'émettre le tut-lut l LES ABEILLES. 00 1 ment poélique qui y domine. Toute la poésie de rApiciiUure se résume dans l'essaimement appelé naturel. » Combats des Hkines. — Revenons maintenant à notre Huche qui vient d'expédier un essaim avecla Reine ancienne. Là, pendant ce temps, s'est échappée de sa cellule une jeune Reine; elle a été saluée des témoignages honorifiques de son parti, de la façon décrite plus haut. En sa qualité de fille aînée, elle serait et resterait sans doute maîtressedu terrain puisque sa mère lui a cédé la place, s'il n'existait des rivales pourvuesdesmémes prétentions. La Ruche peut se comporter alors de façons différentes : au bout de trois, six, neuf jours, peuvent se suc- céder de nouveaux essaims, de plus en plus faibles; ou bien l'essaimage se borne à l'essaim d'avant-garde. Dans les deux cas, il y a des morts, car deux Reines sont impossibles dans un même Etat; jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une, toutes sont tuées par le peuple, tant (|u'il ne se forme pas d'essaim nouveau; ce n'est que dans les cas les plus rares qu'il y a duel entre deux souveraines. François Huber en rapporte un cas qu'il a observé le 15 mai 1790 (1) : " Deux jeunes Reines sortirent cejour-là de leurs cellules, presque au même moment, dans une de nos Ruches les plus minces. Dès qu'elles furent à portée de se voir, elles s'élancèrent l'une contre l'autre avec l'apparence d'une grande colère, et se mirent dans une situation telle, que chacune avait ses antennes prises dans les dents de sa rivale; la tête, le corselet et le ventre de l'une étaient opposés à la tête, au corselet et au ventre de l'autre ; elles n'a- vaient qu'à replier l'extrémité postérieure de leurs corps, elles se seraient percées récipro- quement de leur aiguillon, et seraient mortes toutes les deux dans le combat. Mais il semble que la nature n'ait pas voulu que leurs duels fissent périr les deux combattantes; on dirait qu'elle aordonné aux Reines qui se trouveraient dans la situation que je viens de décrire (c'est- à-dire en face et ventre contre ventre) de se fuir à l'instant même avec la plus grande pré- cipitation. Aussi, dès que les deux rivales dont je parle sentirent que leurs parties postérieures allaient se rencontrer, elles se dégagèrent l'une de l'autre, etchacune s'enfuit de son côté. Vous verrez, Monsieur, que j'ai répété cette obser- (I) Huber, Nouvelles observations sur les Abeilles. 2' édition, Paris, 1814, t. I, p. 174. Sixième leUre adres- sée au philosophe naturaliste Ch. Bonnet. valion très souvent; elle ne me laisse aucun doute, et il me semble même que, dans ce cas- ci, on peut pénétrer l'intention de la nature. « Il ne devait pasy avoir dans une Ruche plus d'une Reine; il fallait donc que si par hasard il en naissait ou en survenait une seconde, l'une des deux fût mise à mort. Or, il ne pouvait pas être permis aux Abeilles ouvrières de faire celte exécution, parce que dans une République com- posée d'autant d'individus entre lesquels on ne peut pas supposer un concert toujours égal, il serait fréquemment arrivé qu'un groupe d'A- beilles se serait jeté sur l'une des Reines, tan- dis qu'un second groupe aurait massacre l'au- tre, et la Ruche aurait été privée de Reine. II fallait donc que les Reines seules fussent char- gées du soin de se défaire de leurs rivales. Mais comme, dans ces combats, la nature ne voulait qu'une seule victime, elle a sagement arrangé d'avance qu'au moment où, par leur position, les deux combattantes pourraient perdre la vie l'une et l'autre, elles ressentissent toutes les deux une crainte si forte, qu'elles ne pensas- sent plus qu'à s'enfuir sans se darder leurs ai- guillons. « Je sais qu'on court risque de se tromper, quand on cherche minutieusement les causes finales des plus petits faits; mais, dans celui- ci, le but et le moyen m'ont paru si clairs, que je me suis hasardé à donner cette conjecture. Vous jugerez. Monsieur, infiniment mieux que moi, jusqu'à quel point elle est fondée; mais je reviens de cette digression. « Quelques minutes après que nos deux Reines se furent séparées, leur crainte cessa, et elles recommencèrent à se chercher; bientôt elles s'aperçurent, et nous les vîmes courir l'une contre l'autre ; elles se saisirent encore comme la première fois, et se mirent exactement dans la même position ; le résultat en fut le même; dès que leurs ventres s'approchèrent, elles ne songèrent plus qu'à se dégager l'une de l'autre, et elles s'enfuirent. Les Abeilles ouvrières étaient fort agitées pendant tout ce temps-là, el leur tumulte paraissait s'accroître, lorsque les deux adversaires se séparaient ; nous les vîmes à deux différentes fois arrêter les Reines dans leur fuite, les saisir par les jambes, et les retenir prisonnièresplusd'uneminute. Enfin, d.ins une troisième attaque, celle des deux Reines qui était la plus acharnée ou la plus forte, courut sur sa rivale au moment où celle-ci ne la voyait pas venir, elle la saisit avec ses dents à la nais- sance de l'aile, puis monta sur son corps, et 552 LES ABEILLES. amena l'extrémité de son ventre sur les derniers anneaux de son ennemie, qu'elle parvint faci- lement à percer de son aiguillon; elle lâcha alors l'aile qu'elle tenait entre ses dents, et re- lira son dard; la Reine vaincue tomba, se traî- na languissamment, perdit ses forces très vite, et expira bientôt après. Cette observation prouvait que les Reines vierges se livrent entre elles des combats singuliers. Nous voulûmes savoir ensuite si les Reines fécondes et mères avaient les unes contre les autres la même ani- mosité. « Nous choisîmes pour cette nouvelle obser- vation, le 22 juillet, une Ruche plate, dont la Reine était très féconde, et comme nous étions curieux de savoir si elle détruirait les cellules royales, ainsi que le pratiquent les Reines vier- ges, nous plaçâmes d'abord au milieu de son gâteau trois de ces cellules fermées. Aussitôt qu'elle les aperçut, elle s'élança sur le groupe qu'elles formaient, les perça vers leur base, et ne les quitta qu'après avoir mis à découvert les Nymphes qui y étaient renfermées. Les Ouvriè- res qui, jusqu'à ce moment, étaient restées spectatrices de celle destruction, vinrent alors pour enlever les Nymphes royales, elles prirent avidement la bouillie qui reste au fond de ces cellules, elles sucèrent aussi ce qui se trouvait de iluide dans l'abdomen des Nymphes, et finirent par détruire les cellules dont elles les avaient tirées. « Nous introduis! mes ensuite dans cette même Ruche une Reine très féconde, dont nous avions peint le corselet pour la distinguer de la Reine régnante : il se forma très vite un cercle d'A- beilles autour de celte étrangère, mais leur in- tention n'était pas de l'accueillir ou de la cares- ser; car insensiblement elles s'accumulèrent si bien autour d'elle, et la serrèrent de si près, qu'au bout d'une minute elle perdit sa liberté et se trouva prisonnière. Ce qu'il y a ici de très remarquable, c'est qu'en même temps, d'autres Ouvrières s'accumulaient autour de la Reine régnante, et gênaient tous ses mouve- ments; nous vîmes l'instant où elle allait être enfermée comme l'étrangère. On dirait quel- quefois que les Abeilles prévoient le combat que vont se livrer les deux Reines, et qu'elles sont impatientes d'en voir l'issue ; car elles ne les retiennent prisonnières que lorsqu'elles pa- raissent s'écarter l'une de l'autre; et si l'une des deux, moins gênée dans ses mouvements, semble vouloir se rapprocher de sa rivale, alors toutes les Abeilles qui formaient ces groupes, I s'écartent pour leur laisser l'entière liberté de s'attaquer; puis elles reviennent les serrer de nouveau, si les Reines paraissent encore dispo- sées à fuir. « Nous avons vu ce fait très souvent : mais il présente un trait si neuf et si extraordinaire de la police des Abeilles, qu'il faudrait le revoir mille fois, pour oser l'assurer positivement. Je voudrais. Monsieur, inviter les Naturalistes à examiner avec attention le combat des Reines, et à constater surtout quel est le rôle qu'y jouent les Ouvrières. Cherchent-elles à accélé- rer ces combats? Excitent-elles, par quelque moyen secret, la fureur des combattantes ? Comment se fait-il qu'accoutumées à rendre des soins ;\leur propre Reine, il y ait pourtant des circonstances où elles l'arrêtent, lorsqu'elle se prépare à fuir un danger qui la menace? Pour résoudre ces problèmes, il faudrait une longue suite d'observations. C'est un champ d'expériences bien vaste, et dont les résultats seraient infiniment curieux. Veuillez me par- donner mes fréquentes digressions ; ce sujet est très philosophique, mais il faudrait votre gé- nie, Monsieur, pour le manier et le présenter; je poursuis la description du combat de nos deux Reines. « Le groupe d'Abeilles qui entouraient la Reine régnante lui ayant permis quelque léger mouvement, elle parut s'acheminer vers la por- tion du gâteau sur laquelle était sa rivale ; alors toutes les Abeilles se reculèrent devant elle ; peu à peu, la multitude d'Ouvrières qui sépa- raient les deux adversaires se dispersa; enfin, il n'en restait plus que deux, qui s'écartèrent et permirent aux Reines de se voir ; en cet ins- tant, la Reine régnante se jeta sur l'étrangère, la saisit avec ses dents près de la racine des ai- les, et parvint à la fixer contre le gâteau, sans lui laisser la liberté de faire de la résistance, ni même aucun mouvement; ensuite elle re- courba son ventre, et perça d'un coup mortel cette malheureuse victime de notre curiosité. « Enfin, pour épuiser toutes les combinai- sons, il nous restait encore à découvrir s'il y aurait un combat entre deux Reines dont l'une serait féconde et l'autre vierge, et quelles en seraient les circonstances et l'issue. « Nous avions une Ruche vitrée, dont la Reine était vierge et âgée de vingt-quatre jours; nous y introduisîmes, le 18 septembre, une Reine très féconde, et nous la plaçâmes sur la face du gâteau opposée à celle où était la Reine vierge, pour nous donner le temps de voir corn- LES ABEILLES. 5S3 Fig. "8:i. — Ruche vulgaire en paille. Fig. 784. — Ruche vulgaire en petit bois. Fig. 785. — Ruclie normande à calotte. Fig. 786. - Ruche vosgienne à calotte (calotte soulevée). ment les Ouvrières la recevraient; elle fut bien- tôt entourée d'Abeilles qui l'enveloppèrent. « Cependant elle ne fut qu'un instant serrée entre leurs cercles ; elle était pressée de pon- dre, elle laissait tomber ses Œufs, et nous ne pûmes voir ce qu'ils devinrent; les Abeilles ne les portèrent sûrement pas dans les cellules, car nous n'en trouvâmes aucun quand nous les visitâmes. Le groupe qui entourait cette Reine s'élant un peu dissipé, elle s'achemina vers le bord du gâteau, et se trouva bientôt à une très petite distance de la Reine vierge. Dès qu'elles s'aperçurent, elles s'élancèrent l'une contre l'autre ; la Reine vierge monta alors sur le dos de sa rivale, et darda sur son ventre plusieurs coups d'aiguillon; mais comme ces coups ne portèrent que sur la partie écailleuse, ils ne lui firent aucun mal, et les combattantes se sépa- rèrent; quelques minutes après elles revinrent à la charge; cette fois la Reine féconde parvint â monter sur le dos de son ennemie, mais elle chercha inutilement à la percer, l'aiguillon n'entra pas dans les chairs ; la Reine vierge par- vint à se dégageret s'enfuit ; elle réussit encore às'échapperdans une autre attaque, où la Reine féconde avait pris sur elle l'avantage de la po- sition. Ces deux rivales paraissaient de même force, et il était difficile de prévoir de quel côté pencherait la victoire, lorsque enfin, par un hasard heureux, la Reine vierge perça mortelle- ment l'étrangère, qui expira sur le moment même. « Le coup avait pénétré si avant, que la Reine victorieuse ne put d'abord retirer son dard, et qu'elle fut entraînée dans la chute de son Rrehm. — VIL ennemie. Nous la vîmes faire bien des efforts pour dégager son aiguillon : elle n'y put réus- sir qu'en se tournant sur l'extrémité de son ventre, comme sur un pivot. Il est probable que par ce mouvement les barbes de l'aiguil- lon se fléchirent, se couchèrent en spirale autour de la tige, et qu'elles sortirent ainsi de la plaie qu'elles avaient faite. » Les observations d'Huber sont trop conscien- cieuses pour qu'on puisse douter de ses récits. Il a dû voir, dans ce cas, ce qu'il rapporte ; mais ce n'est point là la règle. La plupart du temps les Ouvrières cherchent immédiatement à en- velopper la seconde Reine, que l'on immisce chez elles, dans un peloton serré, et à la percer ;\ mort sans plus de façons. Un essaim secondaire, en raison de la légè- reté et de la mobilité de la femelle, encore vierge, s'éloigne en général davantage, et exige de la part du propriétaire plus de vigi- lance. S'il n'intervenait pas, l'essaim, au bout de quelque temps, s'échapperait du Rucher pour s'organiser une nouvelle demeure dans un creux d'arbre, une fente de rocher, où n'im- porte quel endroit approprié. Car, de bonne heure déjà, l'essaim envoie quelques Abeilles en reconnaissance pour chercher un lieu favo- rable. Une population abandonnée ainsi à elle- même, en liberté, périt dès l'automne ou pen- dant l'hiver. Il existe, toutefois, des preuves de ce fait, qu'en des conditions favorables une population peut se conserver pendant toute l'année à l'état sauvage et même plusieurs an- nées. Nous citerons à l'appui une observation personnelle. Dans une propriété de la Vallée Insectes. — 70 oo4 LES ABEILLES. de la Bièvre, des Abeilles ont découvert un petit trou dans une statue de la Vierge et ont élu domicile dans le corps même de la statue et y prospèrent depuis plusieurs années(Kiinckel). Dans des cas très rares, de ces essaims se- condaires peut provenir encore un essaim vierge. C'est quand un essaim secondaire, da- tant de l'époqur réglementaire, a pu se fortifier assez vite pour détacher un nouvel essaim dans le cours de l'été. Nous avons donc vu comment se comporte un État d'Abeilles qui suit son cours régulier. Mais il surgit encore certaines irrégularités trop intéressantes pour que nous ayons le droit de les passer sous silence. Des Rucues orphelines. — Supposons que, par suite d'un événement quelconque, une Ruche ait perdu sa Reine, — on dit alors qu'elle est orpheline, — et que, ne possédant pas de couvée royale, elle n'ait en vue aucune Reine nouvelle. Qu'arrivera-t-il alors? Suivant les circonstances, deux cas seulement peuvent se présenter : ou bien, lorsqu'à eu lieu l'acci- dent, il existait des cellules d'incubation ordi- naires, contenant des OEufs ou des Larves, qui n'étaient pas encore couvertes ; ou bien toutes ces cellules sont closes. Dans le premier cas, le peuple restaure en toute hâte une cellule contenant un Œuf ou un tout jeune Ver, pour en faire une cellule royale. On la creuse, on écarte les voisines pour gagner de l'espace, et en un clin d'œil on lui donne la forme arrondie et la direction verticale ; on y apporte la nourriture royale... les efforts ne sont pas stériles : à l'époque déterminée, en sort une femelle fertile. Dans le second cas, qui exclut l'application de ce procédé artificiel puisque toutes les cel- lules sont déjà couvertes, les choses se passent d'une façon plus intéressante encore. On élève sur le trône une Ouvrière aussi forte, aussi grosse que possible, par ce seul fait qu'on la libère de son travail. On la soigne, on la choie, on la nourrit royalement, et on lui prodigue les petits soins, comme à la souveraine hérédi- taire. Bientôt elle se met à pondre. Ces QEufs se sont développés sous l'influence du repos et des soins incessants qui sont indispensables, car la femelle qui leur donne naissance paraît en souffrir beaucoup. Mais, hélas! ce ne sont que des OEufs de mâles, qui ne pourront porter des fruits. Les Vers qui en éclosent n'ont pas assez de place dans les petites cellules ; il faut les couvrir avec un couvercle fortement bombé ; c'est pourquoi on leur a donné le nom de '( couvée bosselée ». Une semblable mésaventure (la naissance de mâles exclusivement) atteindrait une Ruche dont la Reine n'aurait pu être fécondée. Mais, ni cette Reine, ni l'Ouvrière qui n'a mis au monde que des mâles, ne se voient délaissées ou méprisées des autres Abeilles, car ce n'est pas leur faute si elles n'ont pas accompli leur mission comuie il eût fallu. Si l'on vient à heurter une Ruche pourvue de sa Reine, on provoque une effervescence qui s'éteint presque aussitôt. Au contraire, une Ruche sans Reine fait entendre un bruit persis- tant; Ruche sans lioyne, Ruche en jjoi/ne, dit un vieux proverbe. Une pareille Ruche est bien- tôt anéantie, si le propriétaire ne vient à son aide en lui procurant une nouvelle Reine. C'est donc l'Homme, c'est l'Apiculteur, qui, plus efficacement encore que les Abeilles, vient au secours de la Ruche restée veuve de sa Reine, Fig. "87 et "88. — Cages pour l'acceptation d'une Keiiic. en lui en fournissant une nouvelle, toute faite. Pourtant, l'iutroduction de celle-ci parmi ses futures sujettes ne laisse pas que de présenter certaines difficultés, les Abeilles ne souffrant d'ordinaire dans leur sein que les membres de la même Ruche et poursuivant, mettant à mort ceux d'une Ruche étrangère, reconnaissables probablement à leur odeur. Le même sort atteindrait infailliblement la nouvelle Reine, dont l'apparition est accueillie d'ordinaire par im sifflement de colère, si l'esprit ingénieux de l'Homme n'avait imaginé de recourir â la (I maisonnette de la Reine » , espèce de petite cage en fil d'archal très fin (flg. 787 et 788), dans laquelle on enferme la nouvelle souveraine pour l'introduire dans la Ruche. Le treillage la protège contre les attaques immédiates des Ouvrières et donne à celles-ci le temps de se reconnaître, de s'habituer â la nouvelle venue, qu'elles finissent généralement par adopter. LES ABEILLKS. 55o Dans une lettre, qui fut adressée au doc- teur liuchner le 17 novembre 1875, le major D. Scliallich de Ludwigsbourg décrit d'une ma- nière fort intéressante un fait de ce genre : « Le curé de Laudenbach, dans la vallée de Verbach, est un des Apiculteurs les plus dis- tingués du Wurtemberg. Un jour, il vida devant moi des Ruches du miel qu'elles contenaient et les Abeilles ne furent pas assez naïves pour construire de nouveaux rayons, mais elles remplirent d'un nouveau miel ceux déjà cons- truits par leurs devanciers. Si elles n'avaienl été guidées que par l'instinct, elles auraient dû recommenceràbâtirdesalvéoles, négligeant celles déjà construites qu'elles avaient sous la main. J'ai été témoin d'une petite expérience fort intéressante, faite par ce curé. On sait que les habitantes d'une Huche n'acceptent point d'étrangères parmi elles. Le curé prit une Abeille et la plaça au milieu de celles qui fai- saient les sentinelles ;\ l'entrée d'une Ruche. Celles-ci tombèrent sur l'intruse involontaire, la tuèrent et la jetèrent dehors. Il arriva une autre fois qu'une Ruche ayant perdu sa mère, il fallut lui en donner une autre. Mais intro- duire une Reine étrangère sans précautions préalables dans une Ruche devenue veuve, c'est exposer la nouvelle venue à une mort immé- diate de la part des sentinelles, qui obéissent aveuglément et « instinctivement » à leur devoir. Aussi faut-il agir avec circonspection. Si le langage des Abeilles avait été à notre portée, une petite harangue, dans laquelle on se serait longuement étendu sur l'honneur su- prême qu'on leur conférait et sur leurs futurs devoirs, eût été tout à fait à sa place. Elle eût donné aux Abeilles le temps de se reconnaître, de maîtriser leurs passions et de considérer l'affaire sous son côté pratique. A défaut de ce moyen, il fallut chercher à gagner du temps d'une autre manière. Mon Apiculteur avait, pour cet usage, une toute petite cage en fil d'archal très fin, une espèce de souricière en miniature. Il y plaça une Reine, entourée d'une petite cour, on boucha l'ouverture avec de la cire et posa l'appareil devant la Ruche, à laquelle il voulait donner un nouveau gouver- nement. Naturellement les Abeilles, obéissant à «l'instinct », se précipitèrentverslacage pour tuer celles qu'elle contenait, mais le fil d'archal suffit à les protéger. Les assassins ébranlaient les barreaux, mais tout à coup ils s'aperçurent qu'ils se trouvaient en présence d'une Majesté. Leur rage se calma et, tout émerveillés, péné- trés de respect, ils se rangèrent autour d'elle. L'heureuse nouvelle se répandit dans la Ruche avec la rapidité de l'éclair et fut accueillie par un bourdonnement d'allégresse. Une foule d'Abeilles sortit pour voir la nouvelle Reine et lui donner des assurances de dévouement. Ce fut un vrai suffrage universel, acceptant l'étran- gère à l'unanimité des voix. Confuses de leur malveillant accueil, les sentinelles se retirèrent, et après une investigation soigneuse, la cire qui bouchait l'ouverture de la prison fut enlevée et la souveraine, de par la grice de Dieu (ou du curé ?), installée sur son trône. La cour de la reine ne fut pas non plus attaquée. Il est probable que Sa Majesté fit des promesses de fêtes et de réjouissances, promesses qu'accueil- lit une confiance générale; car a-t-on jamais vu une Reine tromper son peuple ? » " Les faits racontés dans ce récit ont été attestés par le témoignage du curé de Lauden- bach. » Remplacer artificiellement une Souveraine morte ou envolée est généralement d'autant plus facile qu'un laps de temps plus grand s'est passé depuis la perte de la première et que les .\beilles ont eu le temps de l'oublier un peu. Ceci a lieu d'ordinaire au bout de vingt-quatre ou trente heures. Huber a pu introduire une nouvelle Souveraine dans une Ruche, qui était veuve de la sienne depuis vingt-quatre heures. Les Abeilles, qui se trouvaient le plus près d'elle, la touchèrent de leurs antennes, cares- sèrent de leur langue toutes les parties de son corps, lui présentèrent du miel et battirent des ailes, faisant cercle autour d'elle. Ensuite, elles firent place à d'autres, qui se com- portèrent de la môme façon, et le cercle allait toujours en s'élargissant. Toutes bat- taient des ailes et s'agitaient sans confusion et sans tumulte, paraissant goûter un véritable plaisir. Quand la Reine voulut marcher, le cer- cle s'ouvrit, ou se rangea en haie sur son passage et un cortège la suivit. Quand elle eut atteint le côté opposé du rayon de miel, où jusque-là le calme le plus parfait avait régné, les mêmes phénomènes se répétèrent. Les Ouvrières, oc- cupées à bâtir les cellules royales, interrom- pirent leur ouvrage, en arrachèrent les Nym- phes royales et dispersèrent la pâtée spéciale préparée pour celles-ci ! Dès ce moment la Reine fut reconnue du peuple entier et s'ins- talla comme chez elle. En général, les Abeilles sont des Insectes excessivement capricieux et fort capables de LES ABEILLES. faire aujourd'hui bon accueil à une Reine, sur laquelle elles vont tomber le lendemain avec un acharnement sans pareil, eût-elle même été introduite dans leur Ruche vingt-quatre ou quarante-huit heures après la mort de leur pre- mière souveraine. D'après les recherches du baron de Berlepsch, les Abeilles de l'espèce ita- lienne, transportée en Allemagne, auraient, en dépit de toutes les précautions, transpercé de leurs dards, étouffé ou mutilé trois sur quatre des Reines qu'on leur présentait. L'été suivant, au contraire, l'observateur put constater des phénomènes tout opposés. Un fait pourtant semble certain : c'est qu'une Reine étrangère n'est acceptée facilement dans une Ruche que quand le sentiment de l'abandon de la Reine légitime s'est répandu dans la Ruche entière et a pénétré chacun de ses membres. Aussi long- temps que cela n'a pas lieu, il n'est pas proba- ble que la souveraineté d'une Reine étrangère puisse être acceptée volontiers parla majorité. Une observation intéressante du même genre est mentionnée par le pasteur Georges Kleine deLûthorst: » Voici commentje m'y pris, dit-il, pour introduire une Reine italienne dans une Ruche allemande. J'enlevai de sa place une Ru- che aux rayons pleins et je lui substituai une Ruche aux rayons vides, avec un gâteau de miel suspendu au milieu et dans l'intérieur duquel se trouvait une Reine abritée par sa maisonnette en fil d'archal posée sur une cel- lule à progéniture. Quand les Abeilles, qui s'étaient envolées et celles qui s'envolèrent alors de la Ruche enlevée, revinrent chargées de butin elles se dirigèrent toutes vers la Ruche nouvelle, qui se trouvait placée dans l'endroit ordinaire, à elles bien connu. Mais à peine y furent-elles entrées qu'elles s'aperçurent du grand changement qui s'y était opéré. Elles se heurtaient, sans pouvoir se rendre compte de l'endroit où elles se trouvaient, ressortaient sans avoir déposé leur fardeau, voltigeaient dans toutes les directions, examinant l'em- placement avec le soin le plus minutieux, afin de se convaincre qu'elles n'avaient point com- mis d'erreur et rentraient convaincues qu'elles étaient bien à l'endroit précis. Le même jeu se répéta bien des fois, jusqu'à ce que les Abeilles se fussent résignées à l'inévitable changement et, prenant leur parti, eussent déposé leur far- deau, pour s'adonner aux travaux nécessaires à l'arrangement de la nouvelle Ruche. Gomme (1) Kleine, Les Abeilles italiennes et leur élevage, Ber- lin, 1800. toutes les Abeilles, qui arrivaient dans le nou- veau logis, se comportaient de la même façon, l'installation durajusqu'à une heure avancée de la soirée, et, telle fut leur angoisse et leur inquié- tude, que l'Apiculteur lui-même ne pouvait les contempler sans la plus vive compassion. Enfin, la nuit vint porter remède au mal; elles finirent par accepter le fait accompli et, quoi- que le lendemain encore leur émoi ne fût pas apaisé, les travaux de la colonie commencèrent à s'organiser. Le troisième jour tout était en ordre, les Abeilles se comportèrent alors comme les habitants légitimes du nouveau domicile, et le prouvèrent en rejetant les membres de la Ruche primitive, dont le nombre augmentait toujours et qu'elles chassaient comme des in- trus. La Reine emprisonnée peut, dans un cas de ce genre, être assez vite délivrée de sa pri- son protectrice, d'ordinaire au bout de vingt- quatre heures; caria conscience de n'avoir pas droit au nouveau domicile, de s'être trompées d'une manière inexplicable, et de ne pouvoir retrouver leur logis, est si puissante dans l'âme des Abeilles qu'elle n'y laisse place à aucune intention malveillante à l'égard de la Reine. Elles se considèrent elles-mêmes comme des intruses, fort heureuses qu'on ne leur fasse point de procès pour invasion illicite, fait assez fréquent dans l'existence des Abeilles. » Qui pourrait nier que, dans tous ces actes merveilleux, les Abeilles ne manifestent une conscience aussi parfaite du changement de leur situation que n'en montrerait l'Homme dans des circonstances analogues ? La même conscience d'un fait accidentel, unie à une sage prévoyance, se manifesta dans l'occasion suivante. Le vent renversa une Ruche couverte de chaume dans la propriété d'un Apiculteur parisien bien connu de tous et dont le nom sera cité plus d'une fois; les habitants de la Ruche étaient en ce moment à leurs travaux, et le dé- sordre produit par cet accident ne fut pas petit. Le propriétaire se hâta de relever la Ruche, de replacer les rayons disjoints, et de conso- lider ladite Ruche au même endroit, de ma- nière à la garantir contre le vent; il se flattait que l'incident n'aurait pas de suites. Mais quand il revint sur les lieux, au bout de quel- ques jours, il s'aperçut que les Abeilles ne se fiant évidemment plus au temps et redoutant une nouvelle catastrophe, avaient abandonné leur ancienne patrie, et s'étaient mises en quête d'un autre domicile. Des Rucues. — La nature nous commande LES ABEILLES. 557 de placer les Abeilles dans des Ruches, si nous voulons augmenter dans une proportion consi- dérable le produit de leurs travaux, et nous ne faisons parla qu'imiter l'instinct qui pousse les Abeilles à s'abriter à l'état sauvage dans les creux d'arbres ou les creux de rochers. Ce n'était point d'ailleurs dans des Ruches eu paille ou en bois, mais bien dans des troncs minés par les siècles, où de nos jours encore l'Abeille sauvage réfugiée dans les bois fait son Nid, que nos ancêtres tenaient leurs Abeilles. Les Ruches se divisent en deux types fonda- mentaux : celles à rayons fixes, celles à rayons mobiles, qui correspondent à deux écoles dis- tinctes parmi les Apiculteurs, selon qu'ils adop- tent l'un ou l'autre système, présentant tous deux des avantages et des inconvénients, sui- vant les conditions locales et les usages prati- ques {\). Fig. 78!). -- Ruche i trois liausses en paille. Les Ruches fixes sont celles où les Abeilles suspendent d'elles-mêmes leurs gâteaux verti- caux à une paroi supérieure immobile, les atta- chant comme il leur convient, de sorte qu'on ne peut séparer les rayons qu'en pratiquant une section intérieure. La Ruche est alors la fidèle image du creux d'arbre ou du trou de rocher envahi par un essaim vagabond. Les Ruches fixes les plus communes sont des paniers en forme de cloche, plus ou moins globuleuse ou allongée, en paille ou en osier, viorne ou troène (fig. 785 et 786). On y a ajouté, pour une exploitation ration- nelle, une calotte (fig. 787 et 788), ou bien une (I) Nous avons fait pour celte partie de larges emprunts au livre de M. Maurice Girard. Les Abeilles, organes el fomlinns, éducation et produits, miel et cire, Paris, 1878, 1 vol. in-18 Jésus, de 280 pages avec 30 fig. et 1 pi. col. Nous adressons à l'auteur tous nos remerciements et nous avons la conviction que nos lecteurs, mis en goût par les . pages que nous empruntons, auront le désir de connaître in extenso l'œuvre de ce savant consciencieux. OU plusieurs hausses (fig. 78!» et 790), commu- niquant par un petit trou avec le corps principal de la Ruche, où restent la mère et son couvain ; les Abeilles, dont l'instinct est de construire dans le haut de leur demeure, édifient de nouveaux gâteaux dans la calotte ou la hausse et les gar- nissent de miel, quand la partie supplémentaire est disposée à une époque favorable, après un lemplissage suffisant du corps de Ruche. Les partisans du mobdisiii', au contraire, cherchent à guider le travail des Abeilles, en les obligeant à édifier leurs alvéoles sur des traverses ou dans des cadres mobiles, de telle sorte qu'on puisse enlever à volonté une par- tie de leur travail, sans déranger le reste de la Ruche. Ces Apiculteurs sont les partisans d'une cul- ture intensive des Abeilles, permettant d'obte- Fig. 790. — Huche :i, trois hausses en bois. nir des quantités plus considérables de miel, en sacrifiant la récolte de cire, dont la produc- tion exige de la part des Abeilles la consom- mation, et, par suite, la perte pour l'Apiculteur d'un poids plus considérable de miel. En outre l'élaboration digestive de ce miel absorbé, des- tiné à être transformé en cire, condamne les Abeilles à une immobilité prolongée, c'est-à- dire à une grande perte de temps et de travail. Si l'on récolte du miel au printemps, lors des premières floraisons, les Abeilles, privées de leurs rayons par les méthodes fixistes, sont obligées de les rebâtir pour loger leurs nouvelles provisions, et, malgré leur activité, il arrive que, lorsque les magasins sont prêts, la florai- son est finie et la récolte manque. Si, au con- traire, on met toujours des gâteaux de cire vide à la disposition des Insectes, ceux-ci emploient leur activité à butiner, sans perte de temps, en profitant de toutes les fleurs. La mobilité des rayons, jointe à la solidité. oo8 LES ABEILLES. s'obtient au moyen de cadres en bois (fig. 701) qui les rendent maniables et leur procurent une durée indéfinie. L'idée du cadre mobile paraîtdueaux Grecs. Fig. 191. — Cadre d'une Ruche h feuillets mobiles. Dans l'île de Candie (l'ancienne Crète, berceau de Jupiter, que nourrirent les Abeilles du mont Ida), on se sert de Ruches en osier en forme de paniers. Leur partie supérieure porte des petites barres de bois séparées les unes des Huche Délia hocca à rajons mobiles. autres et recouvertes en dehors, pour empêcher l'accès de l'air et de la lumière ainsi que l'en- trée et la sortie des Abeilles. A chaque barre les Insectes attachent un rayon de cire isolé des autres. L'abbé Délia Rocca, vicaire général de Syra, une des îles de l'Archipel, où il résida longtemps, fit connaître (1) le perfectionnement qu'il avait (1) Délia Kocca, Traité complet sur les Abeilles, 171)0, 3 vol. fait subir à la Ruche grecque, afin de pouvoir changer de place tous les rayons. C'est une Huche carrée (Hg.7!J2), en planchettes de bois, de 70 centimètres de hauteur environ, partagée en deux étages égaux, ce qui constitue une Ruche à hausses et à rayons mobiles. En effet, le haut de chaque étage est formé de neuf pe- tites traverses de bois, l'expérienceayantprouvé que les Abeilles construisent neuf gâteaux dans la capacité de 33 centimètres environ de côté. Les côtés de chaque étage peuvent être ouverts, afin d'observer avec facilité le travail des In- sectes. En avant et au bas de la double Ruche se trouve l'entrée des Abeilles, fermée par une porte carrée de fer-blanc ou de tôle, assujettie par deux coulisses, percée d'orifices dont la dimension varie, pour le passage des ouvrières et des Faux-Bourdons (de sorte qu'on peut sé- questrer les ouvrières ou lesFanx-Bourdonsou tous deux à volonté), et de petits trous, encore plus étroits, destinés à la ventilation. La petite planche placée au-devant de cette porte sert de reposoir aux Insectes à leur retour des champs. François Huber, au commencement de ce siècle, fit connaître une Huche dite à feuillets (fig. 793), formée d'une série en nombre va- riable de châssis mobiles pouvant être enlevés ou ajoutés et à chacun desquels les Abeilles attachent un gâteau. Pour raison d'économie, on a remplacé les feuillets en bois par des bour- relets de paille tressés, serrés les uns contre les autres, constituant une Ruche par l'addition ou la soustraction d'arcades, qui permettent de varier à volonté la capacité intérieure offerte aux Insectes. Tantôt les feuillets sont consti- tués par deux cordons accolés (fig. 794), tantôt par un seul. Dans ces deux Ruches les extré- mités sont fermées par un volet mobile en boi.'^, ou par un tapis de paille. On peut y mettre une vitre, si l'on veut qu'elles servent à l'observa- tion. Le perfectionnement apporté à l'idée d'Hu- ber, et qui est un retour à la Ruche grecqu.\ a été de rendre intérieurs les cadres mobiles, en les renfermant dans des compartiments de configurations diverses. Les Ruches à rayons mobiles jouissent d'une grande faveur aux États-Unis. Une des Ruches de ce genre, la plus en usage chez les Améri- cains, est la Huche de Lamjstroth (fig. 795), plus longue que haute, se composant tantôt d'une seule partie, tantôt de deux parties superposées, et disposée de manière à recevoir des boîtes- chapiteaux, qui préviennent l'essaimement na- LES ABEILLES. 359 Hg. 733. — lUiclio ;i leiiillrt île Hiiber Fig. 79i. — Ruclie en ogives ou h arc^iJo. tiirel et agrandissent le logement des Abeilles au moment de la miellée. Les cadres sont simples l'I s'enlèvent par le haut ; les boîtes-chapiteaux peuvent recevoir ou non des cadres (I). La Ruche à cadres mobiles intérieurs et à t'ails 'le Favin-ger (fig. 796), comporte trois compar- timents ou tiroirs porte-cadres, qu'on peut sortir ou rentrer à volonté, en les faisant glisser Fig. 795. — Ruclie Laiigstrotli. sur des bandes de fer minces, véritables rails fixés aux parois latérales. Suivant l'abondance de la production de miel, on enlève ou on ajoute des cadres dans celui des tiroirs où cela est nécessaire. C'est surtout au moyen des Ruches à cadres mobiles qu'on prépare dans des boîtes élégan- les, ces rayons de miel dorés, construits par les Insectes obéissants, qui seront servis sur les (I) Les figures de Ruches qui accompagnent ces des- criptions (fig. 785 à 196) sont tirées du Cours pratique d'apiculture, de M. Hamet, 4" édit., excellent livre rempli défaits que nous recommandons!! nos lecteurs. labiés ; c'est grâce à cet ingénieux artifice que les Apiculteurs habiles font exécuter à leurs .\beilles intelligentes pour les expositions, ces lettres ou arabesques remplies d'alvéoles avec lesquelles on compose les inscriptions les plus Fig. VJ(i. — Piuclie à cadres et à rails. lantaisistes au grand plaisir des curieux et au (^rand étonnement des badauds. Ces Ruches sont excellentes pour l'observa- tion des travaux des Abeilles, et une Ruche d'observation est nécessaire à joindre à tout Rucher bien organisé. Elle sert d'indicateur pour l'état intérieur des Ruches ordinaires, qui se dérobent aux investigations. En outre, la Ruche d'observation permet de se procurer du couvain d'Ouvrières et de femelles fécondes, quand il s'agit, pour sauver un peuple effaré, (le donner une Reine ù une Ruche qui a perdu la sienne, sans éléments pour la remplacer. 560 LES ABEILLES. Les Ruches à cadres mobiles permettent aisé- ment de choisir les rayons à miel, de façon à supprimer tous ceux qui saliraient le miel extrait par du couvain et du pollen, et de sup- primer, une fois les mères fécondées, les cel- lules à couvain de milles, ceux-ci devenant dès lors des consommateurs inutiles; d'agrandir les Ruches à volonté quand la saison se présente favorable, et enfin de fournir des rayons vides en abondance aux Abeilles lorsque le nectar abonde. L'avenir est aux Ruches à cadres mobiles, en raison de leurs avantages, mais lorsque, ainsi qu'aux États-Unis, elles seront fabriquées en grand et à très bon marché, et surtout quand on sera convaincu de l'immense utilité des Abeilles pour la fécondation des fleurs de cer- taines plantes agraires, et que les Ruches, disséminées en grand nombre à travers les champs, deviendront un accessoire obligé de la culture. Miel et cire. — Les substances produites par les Abeilles à l'intérieur des Ruches sont le ré- sultat modifié de celles qui ont été récoltées au dehors ; ce sont le miel et la cire. Le miel a toujours été fort estimé des déli- cats; les poètes ont chanté le miel du mont Hymetle, et de la Germanie l'on expédiait à Rome, pour les LucuUus et les Vitellius, des rayons de miel d'une largeur et d'une longueur peu communes; aussi les anciens, au langage imagé, lui octroyaient-ils les plus pompeuses épithètes : c'était un don du ciel (Virgile), la sa- live des astres (Pline), l'expectoration des étoiles (Thomas Moufet) ; les modernes, s'ils ne lui donnent d'aussi brillants qualificatifs, s'en rap- portent à leur palais du soin de distinguer les crus les plus savoureux et les plus parfumés. Tout le monde sait que ce produit d'un grand commerce est préparé uniquement par les Abeilles, et principalement les Apis mellifica et h'gustica. Plusieurs matières sucrées se rencontrent dans le miel. On y trouve toujours du glucose (sucre de raisin), cristallisant en petits grains blancs, compacts et agglomérés (granulations du miel), du mellose ou sucre de miel, en pro- portion analogue, liquide, incristallisable. Ou- tre ces sucres de présence constante, le miel contient souvent une petite quantité de sac- charose (sucre de canne), si abondant dans le •nectar des fleurs, et qui disparaît peu à peu quand le miel vieillit. Ce sont surtout les miels frais de montagne qui renferment du saccha- rose et aussi une proportion notable de mau- nite. 11 n'est pas nécessaire de supposer que les Abeilles ont récolté cette substance sur les fleurs, car elle a pu se former dans leurs orga- nes digestifs. Enfin, le miel présente habituelle- ment un acide libre formé dans le corps de l'In- secte, et qui a dû probablement opérer la trans- formation du saccharose du nectar en mellose. On a pu, en outre, isoler du miel, une ma- tière colorante jaune analogue à celle de la cire (Dumas), et il offre toujours des matières azo- tées provenant sans doute du pollen. Remar- quons que le glucose et la mannite ne se ren- contrent pas dans le nectar et sont, au contraire, propres au miel. Quand ce produit est vieux et altéré par un commencement de fermentation, on y constate la présence des acides lactique et acétique. Nos ancêtres, les anciens Germains, appré- ciaient beaucoup les services de l'Abeille, pour les vertus de l'hydromel, qu'ils préparaient avec du miel fermenté et qui leur procurait une douce ivresse. On a d'habitude admis l'identité du miel avec le nectar des fleurs, d'après ce fait que le miel conserve l'arôme des fleurs d'où il provient. Il n'y a cependant rien d'extraordinaire à la per- sistance de ces traces d'essence, qui peut coïn- cider avec la modification des principes fonda- mentaux. Les Apiculteurs savent récolter du miel par- fumé au Sainfoin, au Trèfle, au Réséda, à l'Aca- cia, etc., en plaçant à l'époque voulue une ca- lotte ou une hausse à la Ruche fixe, et plus aisément au moyen de la Ruche à feuillets mo- biles, en disposant de nouveaux cadres qu'on enlève quand les gâteaux sont remplis du miel désiré. Le miel des environs de Reggio (royaume de Naples), celui de Valence et de Cuba, ont le parfum de la fleur de l'Oianger ; celui du mont Hymette doit le goût exquis qui lui a valu sa juste célébrité aux Labiées qui couvrent cette montagne ; celui de la Provence doit son arôme à la Lavande qui habille les pentes de ces mon- tagnes. S'il est des plantes qui permettent aux Abeilles de récolter un miel des plus suaves, il en est d'autres, au contraire, qui lui communi- quent despropriétés fâcheuses ; ainsi le Sarrasin et la Bruyère donnent au miel de Bretagne et de beaucoup de pays de l'Allemagne du Nord une coloration foncée et un goût médiocre. Les Apiculteurs intelligents qui veulent ré- colter des miels de premier choix, savent très LES ABEILLES. 5G1 Ki^'. SUD. Fig. 797 et 798. — Le Papillon. Fig. 799 et 800. — La Clienille. Fig. 801. — Gâteau attaqué. | Fig. "97 h 803. — La Teigne do la Cire et ses dégâts Fig. 803. Fig. 802. — Cocons agglomérés. Fig. 803. — Galerie construite par la Chenille et isolée. bien qu'ils doivent enlever aux Abeilles leurs rayons aussitôt que la floraison des plantes odoriférantes est passée; ils les laissent alors butiner ù leur fantaisie sur les fleurs les plus diverses pour qu'elles puissent accumuler force provisions d'hiver; peu importe alors si elles récoltent un miel grossier. Dans certains pays, lorsque les prairies naturelles et artificielles ont été fauchées, on transporte les Ruches dans le voisinage des forôls pour que les Abeilles puissent visiter les Bruyères jusqu'à l'arrière- saison. Dans le Gatinais notamment on charge les liuchers entiers sur des charrettes et à plu- sieurs lieues à la ronde on part pour la forût d'Orléans où l'on installe ses pensionnaires jus- qu'à la mauvaise saison. Cette influence des fleurs sur le miel peut aller jusqu'à leur transmettre des principes dé- létères. Olivier de Serres avait reconnu l'influence des plantes sur la qualité du miel, quand il dit que les fleurs de l'Orme, du Genêt, de l'Eu- phorbe, de l'Arbousier et du Buis donnent de mauvais miel. Seringe rapporte le fait de deux pâtres suisses qui sont morts empoisonnés pour avoir mangé du miel recueilli par les Abeilles Breum. — VII. sur les Aconitmn lycothonum et napellus. Labil- lardière pense que la ciguë du Levant [Coccu- liis suberosus, de Cand.) communique ses pro- priétés vénéneuses à certains miels de l'Asie Mineure, qui, bien que sucrés, sont souvent d'un usage dangereux. En racontant la retraite des soldats grecs, à la solde de Cyrus le Jeune, qui revinrent en Grèce après la bataille de Gunaxa, près de Ba- bylone, en traversant toutes les provinces de l'empire d'Artaxerxès, situées sur les bords de la mer Noire, Xénophon (1), leur chef et leur his- torien, raconte que dans la Colchide, après que les barbares eurent pris la fuite : « Les Grecs trouvèrent beaucoup de villages abandonnés et s'y cantonnèrent... Il y avait de nombreuses Ruches, et tous les soldats qui mangèrent des gâteaux de miel eurent le transport au cerveau, vomirent, furent purgés ; aucun d'eux ne pou- vait se tenir sur ses jambes; ceux qui en avaient seulement goûté avaient l'air de gens ivres; ceux qui en avaient mangé davantage ressem- blaient les uns à des furieux, les autres à des mourants. On voyait des soldats étendus sur la (1) Xénoplion, Anabase, lir. IV, cliap. viii. Insectes. — 71 562 LES ABEILLES. terre, comme après une défaite; la même con- sternation régnait parmi eux. Personne néan- moins n'en mourut, et le transport cessa le lendemain, à peu près à la môme heure où il avait pris la veille. Le troi^ème et le quatrième jour, ils se levèrent fatigués, ainsi que des ma- lades qui ont usé d'un violent remède. » Tournefort, en visitant ces mêmes contrées(l), a reconnu que les faits, rapportés par Xénophon et contestés par quelques auteurs, étaient iden- tiques à ceux qui se présentent encore quelque- fois en Mingrélie (l'ancienne Colchide) ; suivant lui, il faut attribuer ces accidents à l'habitude- qu'ont les Abeilles de butiner le nectar des fleurs de VAzalea patitica, et peut-être aussi du lihododenihon ponlicum. C'est probablement à une cause de ce genre qu'il faut rapporter la mort de ces deux méde- cins de Rome, empoisonnés, au dire de Ga- lien (2), avec du miel dont on leur avait fait cadeau. Les miels du commerce varient de qualité suivant leur mode de préparation ; le miel est d'autant moins bon qu'on aura employé, pour l'extraire, une chaleur plus forte et une com- pression plus énergique des gâteaux ; par le re- pos il se débarrasse en grande partie des débris de couvain et des parcelles de cire. Sa couleur est variable. Les Orientaux n'apprécient que le miel jaune, prétendant que le blanc n'a pas été assez élaboré par les Abeilles ; au contraire, en France, les miels les plus blancs sont plus es- timés que ceux qui sont colorés, et les mar- chands usent de divers procédés pour leur donner cette blancheur qui leur manque sou- vent. Il y a cependant des miels colorés qui sont de première qualité, offrant au plus haut degré les caractères d'odeur suave et aroma- tique, de saveur parfumée et sucrée, de con- sistance grenue qu'on doit demander au miel. Eu France, toutefois, sauf le cas de falsifica- tion, la blancheur du miel est presque toujours le signe d'une bonne qualité. On doit préférer le miel qui est le plus nouvellement déposé dans les alvéoles, c'est-à-dire celui de printemps à celui d'automne; celui des jeunes essaims est meilleur que celui des vieilles Ruches, les gâ- teaux étant moins souillés de matières étran- gères. Nous supposons ici qu'il s'agit du miel des Ruches à gâteaux fixes, car avec les Ruches à cadres mobiles, on peut renouveler le miel des (1) Tournefort, Voyage au Levant, t. II. (2) Galien, Opéra, I. I, cap. ii. mêmes gâteaux à volonté, et avoir du miel ré- cent avec de vieux rayons. D'après les provenances on distingue en France : 1° Le miel di; Narbûune, très blanc, grenu, odoriférant, à saveur aromatique très pronon- cée, due à ce que les Abeilles le récoltent pres- que en totalité sur des plantes très odorantes, telles queLavande,Romarin,Thym, etc. Un miel voisin de celui-ci, mais encore plus ai'omalisé, est celui de Provence, des environs de Grasse par exemple, où il est dit aux mille- fleurs, avec des arômes de fleurs d'Oranger, de Thym, d'Olivier, de Genêt, etc., suivant la saison, et un arrière-goût de Figue. Dans les années pluvieuses on s'en sert pour donner, par un léger mélange, un bouquet parfumé aux miels du Câlinais; 2° Le miel du Gâlinais, le plus employé à Paris, moins aromatique que le miel de Nar- bonne, quelquefois moins blanc ; c'est du miel de Sainfoin et de Trèfle. Les qualités inférieures sont d'un jaune plus ou moins citrin, se dur- cissent moins que le miel de Narbonne et en- trent aisément en fermentation ; 3° he. miel de Normandie on miel d'Argewes, analogue aux bonnes qualités de Narbonne et du Gâtinais ; ce miel, presque exclusivement réservé pour la table, se vend en petits pots de grès dits canettes; 4° Le miel de Bretagne, qui se récolte aussi dans d'autres contrées ; plus ou moins rouge, toujours de qualité commune, devant son goût et son odeur particuliers au Sarrasin (Po/ygo- num fagojiijrum), dont les Abeilles butinent le nectar. Il est recherché pour la fabrication de certains pains d'épice. Pour conserver le miel, on doitle tenir dans des barils ou vases de terre qu'on place dans des lieux où la température reste toujours assez basse ; on évite ainsi la fermentation qui altère beaucoup la qualité du miel. Afin que le produit garde sa belle apparence, les mar- chands de miel prennent la précaution de le laisser dans les vases où il s'est solidifié, car, en le transvasant, on détruit l'arrangement pris par les molécules en se granulant et se con- crétant, et il s'endommage plus vite. Le miel est l'objet de fraudes nombreuses destinées à lui donner l'apparence de diverses qualités, notamment delà blancheur dont il manque souvent. C'est ainsi qu'on y mêle de l'amidon, de la craie, du blanc de Briançon. Le défaut de solubilité de ces substances perment de découvrir leur adjonction. LES ABEILLES. oG3 La cire des Abeilles dérive du miel absorbé par ces Insectes et transformé en matières grasses par des phénomènes de digestion et de sécrétion. Après la découverte de la sécrétion sous-ab- dominalc des plaques cirières, lUibcr entreprit de rechercher si la cire préexistait dans leurs aliments et ne faisait que traverser leurs corps pour s'accumuler dans des poches spéciales, ou bien si elle était créée par ces Insectes aux dépens des matières sucrées qu'ils rencontrent dans le nectar des fleurs. Des Ruches furent renfermées captives dans une chambre, et les Abeilles nourries exclusivement au miel sans pouvoir récolter au dehors du pollen; l'ex- périence ayant une durée assezprolongée pour que loule provision préexistante de pollen eût le temps de s'épuiser, jusqu'à cinq reprises on obtint des gâteaux de cire très fragiles et d'un blanc parfait ; au contriiire, les Abeilles nourries exclusivement au pollen ne pré- sentèrent plus de cire sous leurs anneaux. Les mêmes produits, c'est-à-dire des rayons de cire très blanche, furent construits par les Insectes exclusivement nourris au sucre. Les expériences furent reprises, d'une ma- nière plus scientifique, par MM. Dumas et Milne Edwards. Les Abeilles séquestrées et nourries d'abord à la cassonade seule ne donnèrent qu'une quantité de cire trop faible pour qu'on pût tirer une conclusion, mais il n'en fut plus de même par une alimentation au miel pur. La matière grasse due au miel ou se trouvant déjà dans le corps des Abeilles étant, en moyenne, de O^^OO^S par ouvrière, la quantité de cire produite dans le cours de l'expérience fut de 0^^,0064, et il resterait en- core dans l'intérieur du corps, tant en cire qu'en graisse ordinaire, 0'''%00-42, enfin la ba- lance attestait qu'il n'y avait pas eu d'amaigris- sement. Il faut donc conclure que la produc- tion de la cire constitue une véritable sécrétion animale, et s'opère sous l'influence d'une ali- mentation formée exclusivement de miel pur. La cire des Apis mellifica et liguslica se ramollit à partir de 35°, et fond entre 63° et 64° centigrades ; sa densité est à peu près celle de l'eau, 0,906. Elle est insoluble dans l'eau, très soluble dans les graisses et les huiles ; par la distillation sèche se produisent plusieurs acides (acétique, palmitique, etc.), un grand nombre de carbures d'hydrogène, de l'éthylène et de l'acide carbonique. Par une lessive concentrée et bouillante de potasse, la cire bien pure se transforme en savons solubles, et dans la sapo- nification par l'oxyde de plomb, on voit qu'il ne se forme pas de glycérine. Sous des in- lluences oxydantes, ainsi en la chauffant avec de la chaux potassée, il se produit un savon d'où on retire de l'acide stéarique, et celui-ci, par une oxydation ultérieure, se convertit en acide margarique. Il n'y a donc, entre les principes de "la cire et ceux des corps gras ordinaires, que la différence d'une oxydation plus ou moins avancée. Purifiée par l'eau bouillante et par l'alcool froid, on trouve dans la cire deux principes immédiats en proportions variables, d'une so- lubilité différente dans l'alcool chaud. L'un est la Céline ou acide ccvolique, fondant à 70°, solu- ble dans environ 16 parties d'alcool bouillant, et cristallisant en petites aiguilles, après re- froidissement dans l'alcool ; l'autre, presque insoluble dans l'alcool et même l'éther bouil- lants, est la myricine, ou mieux pahnitale de mi/ricyle, élher composé. Il y a en outre, dans la cire, une petite quantité d'une autre sub- stance, la cé)-oléine, très molle, fondant à 28°, o, très soluble dans l'alcool et l'éther froids. On est encore mal éclairé sur la matière co- lorante jaune de la cirequi augmente peuà peu avec le temps et la présence prolongée des Abeilles, caria cire à l'origine est blanche, puis d'un jaune pâle. Cette couleur paraît due à des émanations du corps des Abeilles et doit par conséquent se reliera leur nourriture, dépendre de la nature des sols, de la coloration des pollens, d'une façon analogue à ce qui arrive pour les miels. Le piix élevé de la cire, que rien ne peut remplacer pour certains vernis et qui est la matière obligée des cierges liturgiques, ex- plique les nombreuses falsifications qu'elle subit dans le commerce, en outre de ses imita- tions plus ou moins réussies par des mélanges de résines et de corps gras. Les matières inertes jointes à la cire, sciure de bois, plâtre, kaolin, terre d'os, farine de pois, fécule, sont insolubles dans les huiles et la benzine qui dissolvent la cire. Quand on ne veut extraire et façonner en pains que la cire d'un petit nombre de Ruches, ce qui est le cas habituel des éducations do- mestiques, on met les rayons privés de miel dans un sac en toile claire bien ferme et main- tenu au moyen de quelques cailloux lavés avec soin au fond d'un vase de cuivre rempli d'eau (un vase de fer altère la couleur de la cire). On 564 LES ABEILLES. chauffe à pelil feu jusqu'à légère ébullilion, et la cire, en fondant, se réunit à la surface. En versant la partie supérieure du liquide, et par conséquent la cire fondue dans un vase d'eau tiède, elle se figera à sa surface. On peut la chauffer doucement dans une seconde eau, si elle renferme encore quelques débris de pol- len, et on lu laisse refroidir dans un moule, en pain ou en briquetle. On enlève au couteau les résidus qui sont au-dessous du morceau de cire, et on les joint à une autre fonte, afin de proliter des parcelles de cire qu'ils peuvent encore contenir. Maladies des Abeilles. — Outre les ac- cidents continuels qui résultent de leur vol pour la récolle à grande distance des Ruches, les Abeilles sont exposées à des maladies épi- démiques ou contagieuses el aux attaques de divers ennemis extérieurs. Une des affections graves qui atteignent ces Insectes et qui se lie à la question de l'hiver- nage, c'est la dysenterie. On observe d'abord, dans les hivers pro- longés, qu'une colonie faible est plus forte- ment attaquée par cette affection intestinale qu'une colonie forte ; il paraît probable que cela se rattache à la nécessité d'une alimenta- tion excessive pour que le pelit peloton d'A- beilles puisse maintenir une température de 20 degrés centigrades environ dans les masses, ce que pourra réaliser plus facilement, el sans une consommation exagérée de miel, une forte population. Une cause plus puissantede dysenterie, c'est le renouvellement imparfait de l'air dans les Ruches, surtout par les temps humides. Un troisième élément intervient encore dans la question delà dysenterie, qui est en définitive la môme que celle d'un hivernage prolongé, c'est la qualité ou valeur nutritive du miel, composé principalement de glucose cristalli- sable et de mellose incristallisable ; or, le premier sucre est bien plus aisément assi- milé par l'Abeille que le second. Lorsqu'une Ruche renferme une forte popu- lation approvisionnée de bon miel ou, à défaut, alimentée de sirop de sucre, et que l'air, par un agencement convenable des ouvertures, se renouvelle de lui-même pendant l'hiver, cette colonie peut traverser la mauvaise saison sans craindre ni la dysenterie, ni la moisissure des rayons, no perdre que peu d'Abeilles el ac- quérir de très-bonue heure au printemps, si elle possède une mèrejeune el bonne pondeuse, une grande quantité d'Ouvrières, point capital en Apiculture. Une autre maladie, plus redoutable et sans remède curatif encore connu, est la pourriture du couvain, désignée par les Apiculteurs sous le nom de loque. Par sa grande contagion, par l'aspect des Larves mortes, par ses causes de production, elle offre de grandes analogies avec la Dacherie des Vers à soie, toujours liée à une mauvaise assimilation nutritive, à la présence dans le tube digestif d'un ferment en grains de chapelet. Comme indice extérieur de la loque, on doit citer l'extrême irritabililé des Abeilles el leur tendance à piquer; elles sont désespérées de la perte du couvain, et la mère entraîne sou- vent la population hors de la Ruche, qui ne larde pas à être pillée par les autres Abeilles du Rucher. En outre, une odeur cadavéreuse s'exhale de la Ruche où l'on voit pénétrer, attirées par les émanations putrides, diverses espèces de Mouche à viande. Enfin le travail se ralentit par Taballement des Ouvrières, el l'on voit des débris d'opercules sur le plateau, cou- vrant une surface dont l'étendue correspond à celle des points loqueux qui sont dans le haut de la Ruche. Quels sont les remèdes contre la loque ? M. Saunier ne connaît que le fer et le feu, ap- pliqués au début à tous les points attaqués el avant que le pillage ne soit survenu. D'après 1\L Ilamel, quand le mal n'est pas trop invé- téré, il faut chasserles Abeilles dans des Ruches vides, brûler sous la Ruche une forte mèche soufrée, enlever le couvain pourri et même le couvain sain qui peut rester à côté, puis réin- tégrer les Abeilles ; si le mal est plus grave, enfouir les Ruches malades et faire passer les Abeilles dans des bâtisses assainies à l'acide sul- fureux et leur donner du miel liquide, d'une Ru- che saine, dans lequel on mettra une pincée de fleur de soufre. Enfin, un véritable remède cura- tif a été indiqué et expérimenté, en décembre 1875, par un Apiculteur polonais, M. Hilbert. Partant de ce fait que la loque serait une affec- tion cryptogamique due à la dissémination sur le couvain el dans le miel des sporules d'un iVicraccocus, il emploie contre elle l'alcool sali- cylique. On injecle dans la Ruche loqueuse, sur le couvain el sur les Abeilles, au moyen d'un pulvérisateur à liquide, une solution formée d'une goutte d'alcool salicylique par gramme d'eau distillée et bouillie, maintenue au moins à 15 degrés, pour ne pas laisser cristalliser par LES ABEILLES. 565 refroidissement l'acide salicylique. Ces propor- tions sonl de rigueur; plus faibles, le remède ne serait plus assez antiseptique ; plus fortes, on pourrait tuer le couvain non operculé. On devra renouveler le traitement plusieurs fois. Ennemis ni;s .\iiiiiLLi;s. — Les Abeilles ont des ennemis redoutables; les uns s'attaquent à leurs provisions, les autres s'attaquent à elles personnellement. Deux Lépidoptères, les Gatlcria mellonclla Linn. ou cerella Fabr. ; et i/risella Fabr. ou a/- feaiia Dup. sont extrêmement dangereux, le premier surtout. Le premier (fig. 797 et 7ii8j plus répandu dans la zone parisienne, moins abondant dans les régions plus méridionales, est le plus redoutable, car à cause de sa grande taille, il cause des désordres plus importants ; c'est lui que les Apiculteurs des environs de Paris nomment le Papillon. On désigne vul- gairement ces deux Phalènes, d'après Héaumur, sous le nom de fausses Teignis de la cire, grande et petite. Elles ne dépassent pas une altitude de 1200 mètres. Ces Papillons pondent, paraît-il, sur les fleurs, de sorte que les Abeilles transportent leurs Œufs entre les poils ou intercalés dans le pol- len emmaganisé dans les cellules. En outre, les Papillons s'introduisent à l'intérieur des Ru- ches, et grâce à l'enveloppe écailleuse de leur corps, de môme qu'à leur démarche vive, ra- pide et sautillante, parviennent à échapper à l'aiguillon meurtrier et à déposer leurs OEufs sur les rayons avec une grande célérité. Quand vient la chaleur, de petites Chenilles semblables à de petits Vers éclosent sans tarder. Aussitôt nées, les Chenilles à seize pattes (lig. 7'Jt)et800), très agiles et se tordant comme de petits Ser- pents, s'enfoncent dans les cellules dont elles dévorent la cire. Elles creusent de longs tuyaux irréguliers formés de soie et de grains de cire, et aussi de leurs excréments granulés (Dg. 803). On s'apergoit de leur existence aux déjections noires, pareilles à des grains de poudre, qu'on trouve sur le tablier, mêlées à de nombreuses parcelles de cire, et aussi h l'o- deur qu'elles exhalent. Ces Chenilles ne tou- chent pas au miel, mais creusent et minent les rayons si profondément, qu'ils finissent par les désagréger! fig. 801 1; perdant alors toute solidité et toute consistance, ces rayons se détachent de la paroi supérieure et s'atfaissent sur eu.x- mêmes, pêle-mêle avec le miel, le pollen, le couvain et les Abeilles; ainsi maltraitée la Ruche est bien près d'une destruction totale. Les grands ravages de ces Lépidoptères ont lieu dans les Ruches faibles, à Reine décrépite, pondant peu; dans les Ruches populeuses, les Ouvrières tuent les Chenilles ;\ mesure qu'elles apparaissent, et si l'on jette un fort essaim dans une bâtisse dont les rayons sont envahis par les Galléries, on voit souvent les Abeilles actives et vigoureuses ne pas larder à les ex- pulser. Le meilleur remède est donc de couper les rayons envahis cl de fortifier la population par une réunion. Quand le mal est trop grand, il faut enfumer la Ruche, et transvaser les In- sectes qui restent dans une autre enceinte, de manière à constituer une forte colonie. On peut aussi faire, le soir, la chasse aux Papillons et les écraser, ou bien disposer des lumières au milieu d'assiettes pleines d'eau recouverte d'huile, de sorte que les Papillons qui se brû- lent les ailes et tombent soient asphyxiés par l'huile qui bouche leurs stigmates; mais ces moyens sont peu efficaces; il ne faut pas non plus compter sur le concours des Chauves- Souris, qui, s'il est utile, est trop aléatoire. 11 faut encore compter parmi les ennemis des Abeilles le Papillon tête de mov\,[ Acheront la alropos), énorme Sphingide(fig. 809, p. 509) qui entre dans les Ruches pour se gorger de miel. Voici ce que Huber (1) rapporte des dégâts causés par ce Sphinx : « Vers la fin de l'été, lorsque les Abeilles ont emmagasiné une partie de leur récolte, on en- tend quelquefois auprès de leur habitation un bruit étonnant; une multitude d'Ouvrières sortent pendant la nuit et s'échappent dans les airs ; le tumulte dure souvent plusieurs heures, et le lendemain, lorsqu'on observe l'efTet de cette grande agitation, on voit beaucoup d'A- beilles mortes au devant de la Ruche : le plus souvent celle-ci ne renferme plus de miel, et quelquefois elle est entièrement déserte. (I Vers 1804, mes voisins cultivateurs, pour la plupart, vinrent me consulter sur un événe- ment de cette nature; mais je n'avais encore rien à leur répondre : malgré ma longue pra- tique de ce qui concerne les Abeilles, je n'avais jamais rien aperçu de semblable. « Je me transportai sur le lieu de la scène, le phénomène se présenta encore, et je trouvai qu'on me l'avait dépeint très exactement; mais les paysans l'attribuaient à l'introduction des Chauves-souris dans les Ruches, et j'avais de (I) Hulior, Nouvelles observaiions sur les Adeiites, t. Il, p. 291 et suiv. 566 LES ABEILLES. la peine à me rendre à celle supposilion. Ces mammifères volants se contentent de saisir au vol des Insectes nocturnes ; il n'en manque pas dans Télé. Les Chauves-Souris ne se nourrissent point de miel : pourquoi iraient-elles donc attaquer les Abeilles renfermées dans la Ruche et piller leurs magasins? (I Si ce n'étaient pas les Chauves-Souris qui attaquaient les Abeilles, ce pouvait être quel- qu'aulre animal. Je mis donc mes gens en embuscade, et bientôt ils m'apportèrent non des Chauves-Souris, mais des Sphinx alropos, grands Papillons de nuit plus connus sous le nom de Tète de mort. Ces Sphinx voltigeaient en grand nombre autour des Ruches ; on en saisit un au moment où il allait entrer dans une des moins peuplées ; son intention était évidem- ment de pénétrer dans la demeure des Abeilles et de vivre à leurs dépens. De toutes parts on m'apprenait que de semblables dégâls avaient été commis par les prélendues Chauves-Souris. Les Cultivateurs qui s'attendaient à une récolte abondante trouvaient leurs Ruches aussi lé- gères qu'elles le sont au premier jour du prin- temps; elles étaient réduites au poids de la cire, quoiqu'on eut observé peu de temps au- paravant qu'elles fussent très bien approvision- nées ; on surprit enfin dans plusieurs Ruches le gigantesque Sphinx qui avait causé la dé- sertion des Abeilles. « Il fallait ces preuves multipliées pour me persuader qu'un Lépidoptère, Insecte dépourvu d'aiguillon, sans cuirasse et privé de tout autre moyen de défense, pût lutter victorieusement contre des millions d'Abeilles; mais ces Papil- lons étaient si communs cette année-là, qu'il était facile de se convaincre de la réalité du fait. « Comme les entreprises des Sphinx deve- naient de jour en jour plus funestes aux Abeil- les, on imagina de rétrécir les portes de leur Ruche, afin que l'ennemi ne pût pas s'y intro- duire. On fit avec du fer-blanc une espèce de grillage, dont les ouvertures ne laissaient de place que pour le passage des Abeilles, et on l'établit à l'entrée de l'habitation : ce procédé eut un succès complet; le calme se rétablit et les dégâls cessèrent. « Les mêmes précautions n'avaient pas élé prises en tous lieux ; mais nous nous aper- çûmes que les Abeilles, livrées à elles-mêmes, avaient pourvu à leur propre sûreté : elles s'étaient barricadées sans le secours de per- sonne, au moyen d'un mélange de cire et de propolis dont elles avaient fabriqué un mur épais à l'entrée de leur ruche ; ce mur s'éle- vait immédiatement derrière la porte, et quel- quefois dans la porte môme; il l'obstruait entièrement ; mais il était percé lui-même de quebiues ouvertures suffisantes pour le passage d'une ou deux Ouvrières. « Ici l'Homme et l'Abeille s'étaient parfaite- ment rencontrés. Les Abeilles ne construi- sent point ces portes casematées sans une nécessité urgente; ce n'est donc pas un de ces traits de prudence générale qui semblent pré- parés de loin pour obvier à des inconvénients que l'Insecte ne peut ni connaître, ni prévoir, c'est lorsque le danger est là, lorsqu'il est pres- sant, immédiat, que l'Abeille, forcée de cher- cher un préservatif assuré, use de cette der- nière ressource : il est curieux de voir cet Insecle si bien armé, secondé par l'avantage du nombre, sentir son impuissance et se prémunir par une combinaison admirable conlre l'insuf- fisance de ses armes et de son courage, .\insi l'art de la guerre chez les Abeilles ne se borne pas à savoir attaquer leurs ennemis, elles sa- vent établir des remparts pour se meltre à l'abri de leurs entreprises : du rôle de simples soldais elles passsent à celui d'ingénieurs... . « Les portes pratiquées en 1804 furent dé- truites au printemps de 1803; les Sphinx ne parurent point cette année-là, on n'en vil pas même la suivante ; mais dans l'automne de 1807, ils se montrèrent en grand nombre. Aussitôt les Abeilles se barricadèrent, et pré- vinrent ainsi le désastre dont elles étaient me- nacées. An mois de mai 1808, avant la sortie des essaims, elles démolirent ces fortifications, dont les portes étroites ne laissaient pas un assez libre passage à leur multitude. « Les Sphinx se nourrissent uniquement du nectar des fleurs ; ils possèdent une trompe allongée, mince, flexible, roulée en spirale; ils cherchent leur nourriture dès que le soleil est couché; mais l'Atropos se réveille plus lard, il ne voltige auprès des Ruches que lorsque la nuit est plus avancée ; il est armé d'une trompe très courte, très grosse et douée d'une grande force En disséquant un grand individu pris en plein air, nous trouvâmes son abdomen en- tièrement rempli de miel; la cavité antérieure (jabot) qui occupe les trois quarts du ventre était pleine comme un baril, elle pouvait en contenir une grande cuiller à soupe; ce miel, d'une pureté parfaite, avait la même consis- tance et le même goût que celui des Abeilles. » Le Triorigulin n'est autre que la Larve primi- LES ABEILLES. 567 live de diverses espèces du genre Meloe (voy. p. 257 et suiv.j. Grimpant dans les fleurs ncctari- fùres après l'éclosion des Olùifs, celle Larve, munie de fortes mandibules cl de griffes acé- rées à ses six pattes, peut s'accrocher aux poils des Abeilles qui butinent, comme aux autres Apides et môme s'aUacher ;\ des Diptères. Sa présence, au témoignage d'Asmuss, gône beau- coup les Abeilles, qui font de violents efforls pour s'en débarrasser, et peuvent s'épuiser dans de véritables convulsions au point d'en mourir (voy. p. 260). D'après M. Ed. Assmuss, l'espèce de Mcloe de beaucoup la plus nuisible est le Méloé bi- garré [Meloe variegatus), superbe espèce d'un riche bronzé cuivreux (fig. 379 et 806). Dans certaines années en Allemagne et en Russie ses premières Larves ou Triongulins (fig. 804) se montrent en quantités incroyables, sur- tout sur les fleurs de Sainfoin ou Esparcette, de Pissenlit et de Bugle. Elles assaillent avec une sorte de promptitude furieuse les Apides qui récollent le nectar et le pollen de ces Heurs, et en particulier et surtout l'Abeille domesti- que. Les Abeilles ne pouvant s'en débarrasser les portent dans les Ruches, où ils ne parais- sent pas pouvoir achever leur développement et accomplir leurs curieuses Métamorphoses, car ne se trouvant plus dans la demeure favo- rable que leur offrent les Abeilles solitaires (An- tliophores, Osmies, Colletés, etc.), ils abandon- nent leur monture et se mettent à errer çà et là. On ramasse leurs premières Larves en grande quantité sur le plateau de la Ruche et sur les Abeilles mortes ou mourantes ; on les retrouve disséminées dans les détritus, cachées dans les fissures de la Ruche ou accrochées aux parois, tantôt vivantes et très mobiles, tantôt mortes et desséchées. Elles finissent ou par sortir de la Ruche par la porte et surtout par les fissures ou par mourir de faim, les Abeilles ne les laissant pas pénétrer dans les cellules à couvain. Elles ne se contentent pas de se sus- . pendre aux poils des Abeilles, comme les au- tres Larves primitives hexapodes des Me/oe et Sïtaiis, mais s'insinuent, à l'aide de leurs man- dibules aiguës et de leurs griffes, entre les la- melles des arceaux ventraux imbriqués et aux articulations de la tôle, du prolhorax et du mésûthorax, pénétrant souventsi profondément qu'on a peine à les apercevoir. On comprend qu'elles irritent alors fortement les délicates lamelles sécrétant la cire et les arliculations molles et flexibles, au point d'amener la mort des Abeilles. On trouve, dans les années où ce Méloé bigarré est le plus commun, une foule d'Abeilles gisant mortes à quehiuespas autour des Ruches, ou expirant au milieu des plus eflroyables convulsions, et beaucoup ont dû mourir en revenant au gîte. Les Abeilles ouvrières ne sont pas seules tourmentées par ces Triongulins; elles peu- vent passer dans la Ruche sur le corps de la Reine et causer aussi sa mort en pénétrant dans ses articulations. Ainsi Kopf perdit par celte cause, en juin 1857, neuf Reines sur ses vingt-trois Ruches et environ moitié des Ou- vrières ; il estime que ces Triongulins du HJeloe variegalus causèrent une perte de cent soixante- douze mille cinq cents Ouvrières, en évaluant seulement à quinze cents Ouvrières la popula- tion d'une Ruche à celle époque de l'année. En 1876, M. Barboa trouvé également en 1res grand nombre les Larves de ce Méloé bigarré, sous la forme de Triongulins, sur les Abeilles d'un Rucher établi dans les environs de Cré- mone. M. Ed. Assmuss a remarqué que les Abeilles qui revenaient chargées de nectar mouraient en plus grand nombre que celles qui rappor- taient du pollen. Les jeunes Larves de Me- loe variegalus se trouvaient surtout dans les fleurs de Bugle, où les nectaires placés à une grande profondeur rendent la récolte peu aisée et lente ; les Abeilles à pollen rapportaient les Larves de plantes très variées, notamment des fleurs de Fraisier. Il suppose que ce sont ces Larves qui sont la cause la plus ordinaire de l'affection appelée t-age des Abeilles ou maladie de mai, car les symptômes sont tout à fait pa- reils à ceux que manifestent les Hyménoptères assaillis par ces Insectes. Pour protéger les Abeilles contre les atta- ques des Triongulins du Meloe variegalus, le mieux est de tuer les adultes, qui sont si visi- bles, car la mort d'une femelle amène la des- truclion de cinq mille Larves, ce nombre étant à peu près celui des OEufs contenus dans les ovaires. En outre il faut recueillir devant les Ru- ches les Abeilles mourantes qui rapportent les Larves de ceCantharidide, ainsi que celles gisant sur les plateaux et les détritus de ceux-ci, eljeler le tout dans l'eau bouillante ou dans le feu, afin que les Larves soient détruites, et ne puissent faire d'autres victimes en sortant des Ruches. Une autre espèce de Méloé qui intéresse l'Apiculteur est le Meloe proscarabœus, Linn. (lig. 376, 377, 807 et 808). 568 LES ABEILLES. Fig. soi. l'ig. Sli. Fig. 80i. — Tfiongiilin ou Larvp du Méloé varié sortant de lOEuf ou première Larve très grossie. Fig. 805. — Larve après la première mue ou seconde Larve. Fig. SO,S. Fig. 806. — I.e Méloé bigarré, femelle. Fig. 807. — Le Méloé proscaraljée, mâle. Fig. 808. — Le Méloé proscarabéc, femelle. Fig. 804 h Los Mcloés ennemis des Abeilles. La première Larve de cette espèce est un peu plus petite que celle du M. variegnlus. On la trouve grimpée sur les fleurs les plus variées, notamment celles de Colza et de Navette. Elle guette les Abeilles pour s'accrocher à leur corps, mais elle ne s'insère pas dans les arti- culations, comme celle du Meloe variegatus, se tenant seulement au.'? poils des parties supé- rieures et inférieure du thorax. Les Triongu- lins de Cantliaridide rendus à la Ruche peu- vent se transporter, si les Abeilles ne les en empêchent pas, dans les cellules ; ils y mangent un OEuf, muent et passent probablement à tra- vers plusieurs cellules remplies de pollen qu'ils consomment, car la provision d'une seule cellule ne doit pas pouvoir suffire à leur entier développement. M. Assmuss a trouvé une fois, dans une Ruche à couvain pourri abandonnée par les Abeilles, en coupant les rayons de cire, deux Larves de Méloé apparte- nant à la seconde forme, à pattes courtes, qui tombèrent des cellules. Il ne put réussir à éle- ver ces Larves qui moururent bientôt, quoi- qu'il leur eût fourni des cellules à pollen. Elles avaient beaucoup de peine à grimper sur les rayons verticaux; si elles avaient pu attein- dre la seconde phase de leur évolution, c'est que la Ruche était malade, et qu'elles n'avaient pas été pourchassées par le peu d'Abeilles (lui restaient. Il est très probable que ces secondes Larves appartenaient au Méloé proscarabée, car les Abeilles de l'endroit oîi fut faite cette observation, en Russie près de Podolsk, offri- rent à la fm de mai des Larves primitives de ce Méloé, et que jamais l'observateur ne trouva dans le pays d'autres espèces de Méloés. M. Assmuss n'attribue pas exclusivement la rage des Abeilles aux premières Larves de Mé- loés ; il pense que cette affection peut aussi être la conséquence de l'introduction dans leurs corps de deux Helminthes entozoaires qu'il y a observés, les Gordhts subbifurcus, Sie- bold, et Mermh albicans, Siebold. Il consacre une partie de son Mémoire à de nombreuses observations sur la pourriture du couvain, qui est la plus terrible des épidémies qu'aient à supporter les Abeilles. Il en attribue la cause à l'influence d'un Diptère, la Mouche bossue ou P/tora incrassata, Meigen. C'est là une opi- nion fort peu admise par les Apiculteurs, qui attribuent la terrible loque à des causes gé- nérales et non h l'influence particulière d'un Insecte. Les Phora, en effet, sont des Mouches dont les Larves vivent dans les matières corrom- pues de toute nature, sur lesquelles les femelles adultes viennent pondre leurs OEufs. Le cou- vain atteint de pourriture doit donc attirer les Phores ; mais leur attribuer la cause de la lo- que, c'est employer ce raisonnement faux défini par les logiciens : post hoc, ergo pro/.ter hoc. Beaucoup de traités d'Apiculture rangent parmi les ennemis des .\beilles un Coléoptère de la famille des dérides, nommé le Clairon des Abeilles {Rg. 812, p. 571). C'est le Clerus ou Ti-i- chodes apiarius,L\nn.{\oy. p. 2il). Comme l'a re- connu M. llamet, sa Larve, ou Vir ruuge des Api- culteurs, ne touche pas aux produits des Ruches saines, ni aux Larves vivantes. El le se glisse entre les parois et les gâteaux, et dans les rayons gâ- tés par l'humidité, ainsi qu'au milieu des cada- vres d'Abeilles amoncelés et en putréfaction. LES ABEILLES. o61) Fig. 809. — Lo Sphinx tête de mort. Elle vil de miel altéré et non de miel sain, et de diverses matières animales en décom- position, en particulier de débris d'Abeilles et deLarves, peut-être de leurs excréments. On compte encore un Coléoplère parmi les Insectes très nuisibles aux Abeilles, c'est la Cétoine du Chardon [Cetunia cai'did Schh. ou ofiaca Fab.) qui, d'après les observations du D' Piccioni (1844), do Perris (18:i0), de M. Feuil- lebois (1879), s'introduit dans les Ruches pour se gorger de miel; elle peut s'y trouver en si nombreuse compagnie que, pillant à outrance, elle condamne les Abeilles à mourir de faim. On peut citer comme nuisant aux Abeilles, les Guêpes, les Frelons et certains Diptères carnassiers du genre Asile , le Philanlhe apivore, Hyménoplère fouisseur (fig. 811), h corps svelte et robuste à la fois, dont la fe- melle emporte, pour nourrir ses Larves au Nid qu'elle a creusé en terre, l'Ouvrière anesthésiée par son venin, retournée ventre contre ventre, et jamais le Faux-Bourdon. Ajoutons encore aux ennemis des Abeilles, mais sans importance, les grands Libellu- lides, plusieurs espèces de Fourmis et les grosses Araignées, surtout les Epeires. Quel- quefois, en hiver, des Limaces et des Colima- çons entrent dans les Ruches; les Abeilles, quand elles redeviennent actives, au prin- temps, les enduisent de propolis, comme elles le font pour les cadavres des Sphinx à tête de mort et des Mulots. Breuji. — VII. Parmi les Vertébrés, les Lézards, la Sala- mandre terrestre, les Crapauds, les Couleu- vres happent les Abeilles à la sortie des Ruches, quand celles-ci sont trop basses. Plu- sieurs Oiseaux leur font la chasse au prin- temps pour nourrir leurs couvées. Les plus grands mangeurs d'Abeilles ap- partiennent aux régions chaudes : ce sont les Guêpiers, dont la conformation rappelle le Martin-pêcheur. Il n'en vient qu'une espèce en Europe, le Guêpier commun [Mevofjs apiasler), très abondant dans les îles de l'Archipel, par exemple à Candie, où Belon l'a vu prendre au vol avec des hameçons amorcés d'une Cigale. Il se rencontre en Chine, dans les monta- gnes du Cachemire ; en Perse, en Afrique, et vient nicher dans le midi de l'Europe, en Turquie, en Grèce, en Italie, en Espagne et dans le midi de la France, où les paysans le nomment Abeillerole. Il se montre par bandes et même niche dans l'Europe centrale; ainsi Buffon l'a rencontré en Bourgogne et on l'a vu aussi dans l'Allemagne du Nord, en Da- nemark, en Suède et môme en Finlande. Les Guêpiers sont peu craintifs et ne sont même pas mis en fuite par les coups de feu ; les Apiculteurs les pourchassent sans ménage- ment. On voit ces Oiseaux perchés sur les arbres fruitiers en fleurs, fréquentés par les Abeilles, les mères Guêpes qui viennent d'hi- verner, et autres Hyménoptères s'éluncer sou- vent du haut d'une branche pour saisir une Insectes. — 72 370 LES ABEILLES. petite proie ailée. Ils régurgitent les ailes et les autres parties cornées (1). Dans les environs de Paris et au nord de la France les Abeilles qui sortent aux pre- miers soleils du printemps sont parfois saisies par d'autres Oiseaux apivores, principalement les Mésanges grande et petite Charbonnière, la Mésange bleue et la Mésange à longue queue (genre Orile). La grande Charbonnière, Parus major, sait, en hiver, s'emparer des Abeilles retirées dans leur Ruche (2). On peut joindre aussi aux Mésanges les Pics qui, affamés en hiver, percent les Ruches en paille, et mangent miel et Abeilles, transper- çant ces dernières de leur langue dure et effilée. Quelques Mammifères sont dangereux pour les Ruches, principalement le Mulot et aussi la Musaraigne, quand ils parviennent à franchir l'entrée. Les Hérissons, raconte-t-on, soufllcnl à la porte des Ruches, en font sortir les Abeil- les irritées et les tuent pour les manger en se roulant sur elles. Enfin les Blaireaux en France, les Ours dans les pays du Nord, qui sont très friands de miel, renversent et ron- gent l'intérieur des Ruches, surtout en hiver où les Abeilles se défendent à peine. Nous avons cité le genre Crapaud parmi les ennemis des Abeilles ; c'est là l'opinion la plus répandue parmi les Apiculteurs. Ce- pendant il y a controverse à propos de ces Batraciens dont l'utile ptésence doit être en- couragée dans les jardins et augmentée par les soins de l'homme. F. Smith a publié une note sur la question de savoir si les Crapauds sont réellement nuisibles aux Abeilles. M. Co- lin de Plancy a cherché à innocenter le Cra- paud sous ce rapport. Il y a une plante funeste à ces Insectes et qu'il faut arracher avec soin aux alentours des Ruches : c'est la Sétaire verticillée (Gra- minées, Panicées) , vulgairement nommée Accruche-Aheilks, parce que celles-ci demeu- rent captives quand elles se posent dessus, déchirées et retenues par les barbillons cro- chus de ses panicules. Les Abeilles ont quelques Parasites épizoï- ques. Le plus connu, que les Apiculteurs avec Réaumur nomment Pou de l'Abeille (lig. 813), est un Diptère pupipare, voisin des Hippo- bosques, des Mélophages et des Nyctéribies, (1) Brelim, La vie des Animaux, Les Oiseaux, t. II, p. 122. Paris, J.-B. Baillière et fila. (2) Brelim, loc. cil., t. I, p. 780. privé d'ailes et regardé comme aveugle. Très gros par rapport à l'Abeille, puisqu'il a la taille d'une Puce ou d'une petite tète d'épingle, le Biaula cxca se cramponne fortement aux poils. C'est presque toujours sur le corselet qu'il se pose, tantôt près du cou, tantôt de l'origine des ailes ou des pattes. Il est remarquable par son corps d'un brun rougeâtre, brillant et comme cuirassé, garni de toute part de poils courts, raides et comme aiguillonnés. Réaumur a reconnu qu'il vit surtout sur les Abeilles des vieilles Huches, ne paraissant pas leur faire beaucoup de mal, car elles ne cherchent pas à le détacher lorsqu'il se trouve sur quelque partie du corps où une patte peut l'atteindre. Des Acariens se rencontrent aussi dans les Ruches. Le plus connu, beaucoup plus petit que le Branla cccca, appartientau genre J'richo- Fig. 810. — Le Trichodactyle. dactylus, L. Dufour, constitué par des Aca- riens à corps ramassé, à contour presque cii- culaire, portant au bout des trois premières paires de pattes d'énormes griffes recourbées et offrant les pattes de la quatrième paire plus courtes que les autres et terminées par une très longue soie. Il est très probable que l'espèce qui vit sur les Abeilles est le 1'. Os- ndœ, L. Duf., ou Xylocopœ, Donnadieu, ren- contré sur les Osmies et lesXylocopes. D'après l'observation de M. Duchemin, cet Acarien existe sur les fleurs du Grand-Soleil [Helianlhus annuus), et sans doute aussi sur d'autres fleurs; quand les Mellifiques butinent sur les fleurs, il s'accroche probablement à leurs poils par ses ongles puissants. » Accidents causés par les Abeilles. — L'ai- guillon de l'Abeille (fîg.Sl-i, a), comme d'ailleurs celui des Apides et des Vespides, Bourdons, Xylocopes, Anthophores, Guêpes, Frelons, Polistes, etc., se compose essentiellement de quelques pièces. Une pièce fortement chiti- LES ABEILLES. .)7I -"^ "" '**v l''ig. 811. — Le l'iiil.inlo apivoro. Fij,'. 81Î. — Lo Clairon clos Abeilles. ri-'. ,Si:i. — Lo Braula aveugle. nisde, creusée d'un canal central et termi- née par une pointe acérée : c'est le gorgerel ou élui , primitivement composé de deux pièces, qui suivant la ligne médiane, se sont soudées sur la face inférieure, mais sont sim- plement juxtaposées sur la face supérieure, deux sortes de longues lèvres fermant le canal. Dans l'intérieur de ce gorgeret se logent deux sti/lels, c'est-à-dire, deux pièces cornées, fort grêles et des plus aiguës, qui portent un peu avant leur extrémité et du côté externe de fines barbelures ; cette extrémité venant saillir de la pointe du gorgeret à la volonté de l'animal. A leur face interne, ces stylets sont creusés en gouttière, de manièreàménagerdans l'aiguillon un canal central par lequel puisse s'écouler le venin. Gorgeret et stj'lets se continuent à leur hase par quatre pièces en arc de cercle qu'on nomme les suppo7-ls du gorgeret et les supports des stylets; elles donnent une grande élasticité à l'aiguillon et sont en rapports avec de larges pièces nommées écailles latérales sur lesquel- les s'insèrent les muscles moteurs du dard re- doutable. Quanta l'appareil producteur du venin, il se compose essentiellement de deux longs tubes sécréteurs légèrement renflés à leur origine (fig. 814, ce, dd), qui se réunissent en un canal déférent commun, venant s'ouvrir dans une assez vaste ampoule b de paroi musculaire dans laquelle s'emmagasine le liquide irritant et débouche à la base du gorgeret. Lorsqu'une Abeille veut se servir de l'arme dont la nature l'a pourvue, elle fait sortir l'ai- guillon en contractant, à diverses reprises, les muscles abdominaux qui le fixent au dernier segment ; certains muscles font mouvoir sur leur coulisse les stylets qui s'introduisent pro- fondément dans la peau et fournissent un point d'appui; le gorgeret, qui est pointu, pénètre dans le corps attaqué, le venin coule dans la plaie. Les stylets adhèrent quelquefois d'une manière si intime, à cause de leurs dentelures, que lorsque l'animal veut fuir, l'aiguillon tout entier est arraché du corps. L'aiguillon reste alors dans la blessure, et l'Insecte ne tarde pas ;\ succomber. En pénétrant dans le tissu l'ai- guillon conserve un mouvement de tremblotte- ment en tous sens, qui dure pendant quelques minutes (Kunzmann). « Si nous considérons, dit Darwin (1), l'ai- guillon de l'Abeille comme ayant existé chez quelque ancêtre reculé à l'état d'instrument perforant et dentelé, comme on en rencontre chez tant de membres du môme ordre d'In- sectes; que, depuis, cet instrument se soit mo- difié sans se perfectionner pour remplir son but actuel, et que le venin, qu'il sécrète, pri- mitivement adapté h quelque autre usage, tel que la production de Galles, ait aussi augmenté de puissance, nous pouvons peut-être com- prendre comment il se fait que l'emploi de l'aiguillon cause si souvent la mort de l'Insecte. En effet, si l'aptitude à piquer est utile à la communauté, elle réunit tous les éléments né- cessaires pour donner prise à la sélection na- turelle, bien qu'elle puisse causer la mort de quelques-uns de ses membres. » Si l'aiguillon se bornait à piquer physique- ment la peau, la blessure ne serait suivie d'au- cun résultat fâcheu.x; mais cet instrument donne passage à une certaine quantité de ve- nin. Ce qui prouve que c'est bien le venin de l'Abeille, et non sa piqûre, qui détermine la douleur et l'inflammation de la partie, c'est que si l'on prend avec la pointe d'une aiguille une très petite quantité de ce venin et qu'on l'introduise sous la peau, au même instant on voit naître des symptômes analogues à ceux déterminés par la piqiîre de l'.Abeille même, symptômes qui ne se seraient pas montrés si l'on avait enfoncé dans la peau l'aiguille toute seule. (Adanson.) Le docteur Kunzmann a observé que lors- qu'on excise l'abdomen d'une Abeille vivante, (I) Darwin, Orifjine des espèces. Paris, 1S7C, p. 222. 572 LES ABEILLES. douze heures après, le moindre attouchement suffit pour faire sortir le dard avec tout autant de force et de rapidité que si l'Animal était en- core en vie, et qu'on peut en être blessé tout aussi bien que dans ce dernier cas. Le venin consiste en un fluide clair et lim- pide qui s'évapore promptement à l'air, et qui, Fig. 814. — Appareil vénénifiriue de l'Abeille ouvrière. — a, aiguillon ; — b, réservoir à venin; — c,c,d,d, tubes sécréteurs du venin. déposé sur une glace, y forme une pellicule fa- cile à enlever. 11 est irritant au plus haut degré. D'après les recherches de M. Paul Bert sur un Apide, \eA'yloco/)a violucea (voir ce mot), le venin n'agirait ni sur le système nerveux, ni sur le système musculaire ; il serait poison du sang. Les effets de la piqûre produisent ordinaire- ment des accidents peu graves ; ils se réduisent à une douleur passagère vive et brûlante, une tumeur, ou pour mieu.x dire une élevure de la peau qui est ronde, dure et circonscrite, une auréole érysipélateuse ou une rougeur diffuse; ces effets locaux sont accompagnés d'un gon- flement plus ou moins considérable suivant les régions où la piqûre a été faite ; c'est ainsi qu'aux paupières, à la figure, à la tête et au cou le gonflement est beaucoup plus intense qu'aux membres et aux troncs. Cependant ces symptômes disparaissent bientôt, et il reste seulement l'élevure, qui pâlit et disparaît plus lard. Aucun mouvement fébrile n'accompagne ces petites plaies, quand elles sont uniques et qu'elles n'atteignent pas des tissus très sen- sibles ; mais quelquefois il en résulte des bou- lons, des papules, des érysipôles, même des phlegmons accompagnés de suppuration et de gangrène. Toutes choses égales d'ailleurs, lorsque l'aiguillon demeure dans la blessure, l'irritation paraît beaucoup plus forte. M. le docteur Delpech (1) a réuni un nombre considérable de faits qui établissent la gravité des accidents que peut déterminer la piqûre des Abeilles : il a rangé ces accidents en trois séries, suivant qu'ils ont été légers, intenses et à forme grave suivie de guérison ou mor- tels ; il a de plus rapporté un certain nombre de cas observés sur les animaux. Fabrice de Hilden rapporte qu'une jeune fille fut blessée, dans un verger, près de l'oreille. Le gonflement s'étendit à toute la tôle et fui suivi de la formation d'un abcès. Zacutus a vu la piqûre d'une Abeille produire la gangrène autour de l'endroit piqué. Un jardinier de Nancy porta à la bouche une pomme dans laquelle une Abeille s'était cachée; elle piqua le palais; de là gonflement considé- rable, interruption delà respiration, mort dans l'espace de quelques heures. On lit dans le Haccoglitore medico dl Fano : un homme, âgé de trente-six ans, d'un tem- pérament sanguin et de formes athlétiques, est piqué par trois ou quatre Abeilles, surle dos delà main droite. A l'instant, sa vue s'obscur- cit, il perd ses forces, une sueur abondante baigne tout son corps ; sa face devient extrême- ment rouge ; douleur aiguë à la tête, oppression, inquiétude générale, crainte de la mort. 11 est transporté sur un lit. Eruption de petites vési- cules, semblables à celles que produit l'ortie, le long des extrémités inférieures, avec enflure ; fièvre intense. Une heure après, tout cet appa- reil morbide formidable s'évanouit comme par enchantement. Nous avons par é des déprédations que les Abeilles commettent dans les Raffineries de Paris, il faut ajouter aux considérations de dommages matériels et pécuniaires causés par cette invasion dans les ateliers, le danger des piqûres, et ce n'est pas un des arguments les moins sérieux en faveur des mesures qui ont été proposées. Journellement les ouvriers des usines sont (1) Delpecli, Les dépits de Ruches d'Abeilles {Ann.d'/iyg. ptibl., 1880, t. m, p. 308). LES ABEILLES. 573 victimes de piqûres, qui, pour Mrc peu graves la plupart du temps, n'en sont pas moins dou- loureuses et pénibles. Ces ouvriers, en raison de la température élevée des pièces où ils tra- vaillent, 32° ;\ 33°, ont le corps ù moitié nu ; quand ils veulent prendre des outils, tous plus ou moius enduits de matières sucrées, ils pres- sent souvent de la main, sans la voir, une Abeille occupée à butiner, et sont piqués. Des accidents de ce genre ont été observés aussi en dehors de ces usines; les directeurs de l'école de la rue de Tanger ont dû signaler à l'administration un nombre assez con>idérable (104 cas sur 1 1 à 1 ,:200 enfants) de piqûres chez les élèves confiés ;\ leurs soins : ces chiffres donnent une idée de la quantité d'Insectes qui voltigent dans ces parages. C'est en raison de ces dangers, en raison des inconvénients mul- tiples signalés par les intéressés que le con- seil d'hygiène a cru devoir conclure au classe- ment des dépôts de Ruches d'Abeilles dans les villes, au nombre des industries rangées dans la première classe des établissements insalu- bres et dangereux. Aussi ne faut-il pas s'éton- ner que le Préfet de police ail prohibé récem- ment l'élevage des Abeilles dans Paris (1). On conçoit que si l'on est piqué par plusieurs Abeilles à la fois, si l'on est assailli par un es- saim, par exemple, les résultats pourront deve- nir inquiétants, la gravité des accidents étant en rapport avec la quantité de venin intro- duite dans l'organisme. Dans les Arcluvas générales de médecine^ il est question d'un homme qui périt pour avoir été blessé par une multitude d'Abeilles sur la poi- trine et sur le visage. M. Delpech rapporte six cas de mort d'hom- mes à la suite de piqûres par des multitudes d'Abeilles ; mais le fait le plus étonnant qu'il mentionne, d'après le témoignage de M. Eug. Clichy, vétérinaire dansledépartement d'Eure- et-Loir, c'est celui de la mort de cinq che- vaux attaqués par la population d'une Ruche. Lorsqu'une personne a été piquée par une Abeille, il faut avant tout procéder à l'extrac- tion de l'aiguillon s'il est resté engagé dans la petite plaie. Pour cela, on enfonce une épingle le long de l'aiguillon sans le comprimer, afin de ne pas déterminer l'écoulement, dans la partie blessée, d'une nouvelle quantité de ve- nin, et l'on exerce une traction de bas en haut. Les éleveurs d'Abeilles ne prennent pas toutes (I) A propos des Abeilles et des Raffineries nous avons reproduit l'arrêté du Préfet de Police. Voy. p. iiOetiâl. ces précautions, ils tordent simplement la peau, en comprimant d'abord la partie la plus l'irofonde. L'inflammation survient rarement, mais on a constaté pourtant quelquefois des acci- dents inflammatoires gi'aves, aussi est-il bon de paralyser l'eflet du venin. On a conseillé, pour cela, l'emploi de l'eau fraîche, de l'eau vinaigrée ou phéniquée, ou bien encore de l'eau addi- tionnée d'eau sédative ou de quelques gouttes d'ammoniaque, huit ou dix gouttes pour un verre d'eau. On lavera la piqûre avec un de ces liquides, auxquels on peut ajouter dix à quinze gouttes de laudanum, si la douleur est trop intense. Les habitants de la campagne frottent avec du Persil, de la Menthe ou encore de l'Absinthe, l'endroit piqué. Le plus ordinaire- ment la douleur est passagère it n'est pas ac- compagnée d'accident, môme lorsqu'on ne fait intervenir aucun traitement. On ne soupçonnerait guère que les Abeilles aient joué quelquefois un rôle important dans l'histoire. Au siège de Massa, les assiégés ayant préci- pité leurs Ruches à travers les brèches, les croisés furent assaillis par des bataillons d'A- beilles, ennemis d'une nouvelle espèce qui les incommodèrent beaucoup. Montaigne rapporte ce qui suit (1) : « De fresche mémoire, les Portugais assié- geant la ville de Tamly, au territoire de Xia- tine, les habitants d'icelle portèrent sur la muraille grande quantité de Ruches, de quoy ils sont riches; et avec du feu chassèrent tes Abeilles si vivement sur leurs ennemis, qu'ils abandonnèrent leur entreprise, ne pouvant soutenir leurs assaults et piqueures: ainsi de- meurés la victoire et liberté de leur ville à ce nouveau secours. » Les Abeilles ont pris part à la bataille de Sadowa. Le général de Mollke (2) raconte qu'en cette journée mémorable, près du village de Nedelist, vers trois heures de l'après-midi, alors que la bataille était dans toute sa vio- lence, deux bataillons de la brigade Hanen- feld, établis derrière les murs d'une ferme, ré- pondaient aux feux croisés de deux batteries autrichiennes. Un obus s'en vint éclater au milieu de Ruches qui se trouvaient en nombre en cet endroit. Les Abeilles, indignées à juste litre de cette agression sans motifs dans une querelle qui ne les regardait pas, se ruèrent sur les Hommes, et ceux-ci eurent grande (Il Montaigne, Essais, liv. II, cliap. xii. (2) Moltke, Histoire de ta campagne de I8GG. 574 LES ABEILLES. peine à se défendre de leurs piqûres. Dans cette épouvantable tourmente humaine, l'atta- que des Abeilles fut, comme vous voyez, assez sérieuse pour qu'un rapport officiel en fît men- tion. Désormais la charge des Abeilles de Ne- delist appartient h l'histoire (I). Emi'loi médical dks ABEiLLKS. — On s'est autrefois servi des Mouches à miel. A cet effet, on les brûlait pour les réduire en cendres, ou on les séchait pour les mettre en poudre. « Ainsi préparées, dit de Meuve, on les mêle avec des pommades, dont la graisse d'Ours et l'huile de Noisette sont bien souvent la base, et l'on s'en sert pour oindre les endroits où l'on veut faire croître les poils ou les cheveux. » Mais laissons là la vieille pharmacopée si bizarre et si étrange. Il y aurait encore beaucoup à dire au sujet de ces Animaux intéressants. Il y aurait surtout à citer certains traits qui prouvent chez eux plus qu'un simple instinct, une vé- ritable réflexion, car ils sont en dehors du do- maine de l'habitude et des occupations héré- ditaires. Mais nous n'avons pas le droit de leur donner la préférence sur tant d'autres Insectes apparentés, dont les mœurs ne sont pas moins riches en détails qui valent la peine d'être étudiés. Nous ne pouvons néanmoins résister au plaisir de citer encore une fois le D' Bûch- ner (2) et de lui emprunter une belle page où il apprécie avec compétence et élévation le rôle de l'Abeille dans l'humarîité. « Où trouve-t-on tant de vertus, de labo- rieuse activité, d'abnégation, tant de modestie et de simplicité dans les formes extérieures et les apparences? Quelle différence entre l'Abeille à la robe si terne, et le Papillon diapré, oisif, élégant, qui voltige de fleur en fleur, de jouissance en jouissance, attirant les regards de l'observateur par ses splen- dides couleurs, ou le Scarabée bourdonnant, qui fait étinceler aux rayons du soleil l'étui doré de ses ailes ! Mais ces deux êtres si brillants, qui éblouissent les yeux et sont admirés et recherchés de tous, combien ne sont-ils pas inférieurs, sous le rapport de l'intelligence et de l'habileté, à notre Abeille, qui n'excite l'admiration que de ceux qui ont appris à la connaître, et peuvent apprécier (1) Caiidèze, Les moyens d'attaque et île défense chez les Insectes {Hevue sdentifique, 1875, t. XVIII, p. 751). (2) Buchner, p. 840. son mérite ? Quelle fidèle image de la vie humaine et des jugements du vulgaire ! « En vérité, les Grecs, si friands du célèbre miel de l'Hymette, faisaient preuve d'un tact très fin et d'une juste idée du vrai mé- rite, en faisant de leur dieu Jupiter, le dieu et le père de ces Insectes, et en confiant à des Abeilles sacrées la garde de la grotte où celui-ci a vu le jour. C'est sous la forme d'une Abeille, que la muse ionienne traversa la mer pour se rendre de l'Altique en Asie, et on donnait aux prêtresses, comme symbole de leur sainteté, le surnom à'Abeilles! Née du soleil, l'Abeille tend toujours vers sa patrie céleste. En revanche, le Faux-Bourdon, ce pa- resseux, n'est que le produit de la charogne du Cheval. Les âmes d'Abeilles sont des ûmes, qui gardent leur pureté, et, préoccupées de l'immortalité, évitent tout ce qui est bas. Joyeuses, les Abeilles voltigent autour de Zous nouveau- né, et déposent sur ses lèvres du miel sacré. Les dieux, sur le sommet de l'Olympe, goûtent le miel dans le nectar et dans l'ambroisie. Ce sont peut-être les Abeil- les, qui ont inspiré aux Grecs et à leur grand poète Hésiode la profonde sentence, suivant laquelle les Dieux prisent plus le labeur que le talent. Tout au moins, sont-elles dignes de l'avoir inspirée. Pline (1) parle de deux sages de la Grèce, Aristomachus de Soles et Philiscus de Thasus, qui ont consacré leur vie entière à l'étude des Abeilles ; à lui seul ce fait suffirait à prouver à quel point les Grecs appréciaient les mérites de ce merveil- leux Insecte et l'intérêt qu'il présente. » Loin de diminuer, cet intérêt n'a fait que s'accroître dans les temps modernes, à me- sure que l'on a appris à mieux connaître les mœurs et l'organisation sociale de ce curieux Hyménoptère. LepasleurDzierzon, deCarlsmarkt, quia tant contribué à faire mieux connaître cette orga- nisation, s'exprime dans les termes suivants : « Depuis que, dans les temps modernes, l'activité de l'Abeille, ses travaux domestiques et ses mœurs se sont révélés à l'œil humain dans leurs moindres détails, cet Insecte, à plus juste titre que la Fourmi, citée par l'Écri- ture, peut servir d'enseignement à l'Homme, et faire honte par son exemple au paresseux. Son activité au travail est infatigable, et sou- vent elle y succombe quand la température (1) Pline, Histoire naturelle, liv. XI. LES MÉLIPONINES. oTo est rude. Par leur amour de la propreté, leur alLachcment réciproque, leur caractère accom- niodanl, l'abnégalion avec laquelle chacune d'elles partage les dernières gouttes de miel avec ses sœurs, par la tendre atl'ection qu'elles témoignent ;\ la môre et souveraine de la com- munauté, par le courage dont elles font preuve dans sa défense ainsi que dans celle de la Huche, en se précipitant, avec un véri- taljle mépris de la mort, au-devant des coups d'un ennemi menaçant, les Abeilles peuvent être pour l'Homme le modèle des plus belles vertus domestiques et sociales. 11 serait heu- reux l'état où chaque citoyen agirait, par conviction et par conscience du devoir, comme le fait l'Abeille par impulsion ou par instinct irrésistible. LES MÉLIPONINES — MELIPONIN.E ( I ) Die Meliponinen. Caractères. — Comme nos Abeilles commu- nes, les Méliponines sont dépourvues d'épine à la jambe postérieure, et comptent dans leur so- ciété des Mâles, des Femelles se.xuées ou Rei- nes et des Femelles neutres ou Ouvrières. D'une taille plus petite, elles se distinguent encore par tous les autres caractères. D'abord, elle* n'ont pas d'aiguillon ; lors- qu'elles veulent se défendre, c'est à leurs [luissanles mâchoires qu'elles ont recours. Sur l'aile postérieure, existe une cellule mar- ginale qui n'est pas close en avant; il n'y a au- cune cellule sous-marginale, attendu que les nervures obliques manquent totalement ou bien sont pâles et effacées. Il y a deux cellules médianes. Chez quelques espèces, les ailes de la Reine paraissent atrophiées. Les pattes postérieures, beaucoup plus lon- gues relativement que celles des Abeilles, ontle premier article du tarse dépourvu de dent; cet article est plus court que la jambe, qui est extrêmement large. Chez quelques-unes l'abdomen est convexe en dessus; le ventre est à peine caréné (il7e/«- pona) ; chez d'autres, il est court, triangulaire et caréné à la partie inférieure [Trigona) ; chez d'autres, enfin, il est allongé et presque qua- drangulaire [Tetragona). La cire, confectionnée dans leur intérieur, ne s'échapperait pas entre les anneaux à la (1) M;),!, miel; nwo;, travail. région ventrale, comme chez nos Abeilles mel- lifôres, mais entre les anneaux du côté dorsal. Au point de vue de la coloration, les mâles sont semblables aux Ouvrières, mais ils n'ont point de corbeille aux jambes ; ils ont les grif- fes bifurquées, et leur face, plus étroite, est blanchâtre. Les femelles fécondes ou Reines, que l'on ne connaît d'ailleurs que dans un petit nombre d'espèces, se distinguentparleurs dimensions plus grandes et leur couleur brune uniforme. Uistriliulion géog;raiihi(|ue. — Les Mélipo- nines comptent un très grand nombre d'es- pèces, dont une cinquantaine ont été décrites, mais il en existe certainement beaucoup d'autres. Ces Abeilles sauvages se rencontrent dans les pays équatoriaux, particulièrement au Brésil, dans les îles de la Sonde, et dans la Nou- velle-Hollande. « Nous n'avons jamais traversé le centre des provinces du nord de l'empire, dit M. Brunel, administrateur général de l'Ecole agricole de San-Benito au Brésil, sans en rencontrer un très grand nombre d'espèces différentes, de- puis la grosseur do notre Abeille domestique et même un peu au-dessus, jusqu'à celle d'un petit Moucheron. Elles sont moins nombreuses sur les côtes maritimes et sur les bords de l'Amazone que dans les parties à demi boisées de l'intérieur des terres depuis Bahia jusqu'à Ceara et au Picuclii. » Mœurs, liabitufles, régime. — Outre les ré- cits anciens et très incomplets relatifs aux Abeilles mellifères sans aiguillon de l'Améri- que du Sud, nous possédons aujourd'hui quel- ques descriptions plus récentes qui sont dues à Bates(l),àDrory (2), àM. H. Miiller(3),àM. Mau- rice Girard (4) et à M. Raveret-Watel (5). Voici, sans tenir compte des innombrables dénomi- nations d'espèces, un exposé qui nous paraît résumer les traits les plus intéressants de l'his- toire de ces Apides. (I) Bâtes, The Naluralist on the River Âmazons. Lon- don, 1863. (2; Drory, Quelques observations sur la Mélipone sculel- luire. Cordeaux, 1872. Eictistadter Bieitenzeitung vom 15 décembre, 1874, n. 23. (3) H. Muller, Der zoologischen Garlen, Bd. XVI, n. 2, Francfurt a. M. 1875. (•i) Maurice Girard, Noie sur les mœurs des Mclipones et des Triyones du Brésil {Ann. Soc. Eut. de France, 1875, p. 567 et suiv.). (5) Raveret-Watel, Rapport sur les Mclipoiies {Bulletin mensuelde la Société d'Acclimatation, t. Il, 1875, p. 732). Aous avons mis largement à contribution cet excellent travail rédigé d'après les renseignements fournis par 576 LES MÉLIPONINES. Les Mclipones s'installent volontiers dans les cavités des troncs d'arbres, mais quelquefois aussi dans les fentes des parois verticales d'un cours d'eau, ou dans les demeures que les Ter- mites ont abandonnées; quelques espèces sus- pendent leur Nid aux arbres, d'autres le cons- truisent sous terre. Elles obturent les fentes et les ouvertures, pour ne laisser qu'un orifice d'entrée, qui prend, suivant les circonstances, l'aspect d'un couloir cylindrique ou cratéri- forme. Quelques espèces ont même la iirécau- lion de clore cet orifice la nuit par une mince cloison de cire. M. Salzedo, en parlant de la Melipona geniculata, fait remarquer avec raison que cette Abeja est le seul être sans doute qui, de même que l'homme, ferme la porte de sa demeure le soir et l'ouvre au point du jour. « L'essaim de Mélipone scutellaire offert par M. Drory en i874au Jardin d'Acclimatation de Paris prenait plus de précautions encore, rap- porte M. Raveret-Watel : même dans le cou- rant de la journée, quand, par une cause quel- conque, le travail des Ouvrières venait à se ralentir, l'ouverture de la Huche était aussitôt fermée par une muraille de cire brune et peu consistante , d'au moins ()°',00o d'épaisseur, muraille dans laquelle les Ouvrières attardées étaient obligées de s'ouvrir un passage pour rentrer. Venait-on à perforer cette muraille, à l'aide d'un crayon, par exemple, aussitôt la brèche se couvrait de travailleuses qui s'em- pressaient de la boucher. » Pour cela, comme pour les constructions partielles qu'elles exécutent à l'intérieur, elles n'emploient pas de cire, mais des éléments ré- sineux ou d'autres matières végétales, dont se servent aussi nos Abeilles; mais ce qu'elles uti- lisent particulièrement, c'est la terre argileuse. Ces matériaux de construction sont rapportés au moyen des mêmes outils que la poussière des fleurs, c'est-à-dire sons la forme de cu/o^/es aux jambes postérieures. On peut voir une com- pagnie de travailleurs, installés sur une flaque argileuse, soulever avec une activité incroyable sa couche supérieure à l'aide de leurs mâchoi- res. Les petits amas sont rassemblés avec les pattes antérieures; ils passent de 1;\ sur les pattes moyennes qui fixent la petite pelote dans la corbeille des jambes postérieures, et quand la charge est assez forte pour que l'Abeille en ait tout juste son compte, elle prend son vol. Leur M. tirunet, administrateur général de l'École agricole de San-Benito (Province de Baliia, Brésil) et M. Salzedo, agent du Lloyds à Sainte-Martlie (Nouvelle^Grenade). zèle à récolter tout ce qui peut leur paraître utile est extraordinaire, et peut revêtir facile- ment un caractère de pillage, tel que nous l'avons signalé chez nos Abeilles domestiques. Drory a eu bien des occasions de vérifier ce fait, car pendant plusieurs années il a gardé à Bordeaux, auprès de ses Abeilles domestiques, des Mélipones du Brésil dont M. Brunet lui re- nouvelait l'envoi annuellement. Il fit, un jour, vernir l'intérieur du Rucher et laissa les fenê- tres ouvertes pour le sécher plus vile. Les Mé- lipones scutellaires s'empressèrent de mettre celte circonstance à profit, et pendant huit jours consécutifs, elles furent activement oc- cupées à gratter le vernis en beaucoup d'en- droits pour s'en faire des « culottes ». Une autre espèce {Trigona flaveola), lors- qu'elle se trouvait au voisinage de gâteaux de miel des Abeilles domestiques, s'y installait, par milliers, et se mettait à voler le miel ; au- cune des Abeilles domestiques n'osait s'appro- cher decesTrigones qui s'entendaient à mer- veille avec les Mélipones scutellaires, pour cette œuvre de pillage. Elles apportent d'ailleurs une ardeur extraordinaire à leurs travaux de cons- truction, et pendant ce temps elles se volent même entre elles. Si l'une d'elles soupçonne unecompagnedeluiavoirdérobé ses > Au début, il n'éclôt des cocons que des Ouvrières, qu'on reconnaît à leur petitesse particulière. Elles viennent en aide à la mère primitive, apportent de la nourriture, relient entre elles les cocons transformés en petites tonnes; pourles consolider, ellescouvrentleurs Nids de légers brins de mousse et ils la soli- difient au moyen d'une couche de cire fort mince qu'elles construisent au-dessous. Les Bourdons ne vont pas au loin récolter les brins de mousse, ils se contentent de les recueillir au voisinage immédiat de leur habitation, car la femelle guidée par un secret instinct a ins- tallé son Nid à portée d'une riche provision de mousse. En captivité, lorsqu'on leur refuse les matériaux nécessaires, ou lorsque la nature les a placés trop loin de la mousse et des brins d'herbes, ils savent s'en passer et construisent le toit de leur demeure avec des débris de feuil- les en tous autres matériaux et même exclusi- vement avec la cire. « Le hasard, raconte P. Iluber (1), m'a fait découvrir un trait de leur industrie que la na- ture ne m'eût certainement jamais offert. J'a- vais recouvert un Nid de Bourdons avec une cloche de verre, comme je le fais ordinairement ; les bords de la cloche ne portaient pas e.xacte- ment sur la table où elle était placée; il y avait même certains endroits où le plateau était si fort voilé, qu'un Bourdon aurait pu passer sous les bords de la cloche avec la plus grande faci- lité. Je remplis les vides avec de la toile gros- sière ; je la fis môme entrer fort avant dans la cloche, afin de la fermer plus sûrement. La Ruche était établie dans mon cabinet; un long canal vitré, adapté h la porte du Nid, conduisait les Bourdons hors de la fenêtre par une ouver- (1) Pierre Huber, loc.cit.,p. 42 et 4G. lure que j'avais pratiquée dans le bois même de la croisée, et au moyen de ces préparatifs je pouvais observer sans risquer d'être piqué. Je vis bientôt les Bourdons attaquer les mor- ceaux de toile qui fermaient leur Ruche ; ils en arrachaient les lils les uns après les autres; ils les cardaient avec leurs mandibules, et les coupaient aussi menus que des brins de coton ; ils réunissaient ensuite ces brins avec leurs jambes ; ils en formaient des flocons qu'ils poussaient derrière eux, à mesure qu'ils les avaient cardés. Plusieurs Bourdons étaient continuellement occupés à ce travail, tandis que d'autres individus de la peuplade s'occu- paient à pousser avec leurs jambes ces petits monceaux de coton contre le Nid même ; ils travaillèrent à effiler celle toile pendant plus d'un mois ; ils en entourèrent leur Nid d'un tas épais au moins d'un pouce et demi en certains endroits, et qui s'élevait jusqu'à le moitié de la hauteur du Nid Quand ils eurent effilé une plus grande quantité de toile, ils en couvri- rent entièrement l'enveloppe, comme ils au- raient fait avec de la mousse, et même ils en firent entrersons l'enveloppe une assez grande quantité pour fermer tous les vides qu'elle pou- vait laisser entre son bord et celui du gâteau. « D'autres Bourdons déchirèrent la couver- ture d'un livre dont je m'étais servir pour recourir la boîte où je les avais logés ; ils coupèrent ces lambeaux de papier en fort petits morceaux qu'ils réunirent au-dessus de l'enveloppe de leur Nid. « Les Bourdons savent encore tirer parti des vieilles coques tissées par leurs Larves lors- qu'elles appartiennent à des gâteaux aban- donnés ; elles les effilent et en font une bourre ou une espèce de ouate dont elles recouvrent leur Nid en guise de mousse. » Bref, leur activité ne connaît pas de bornes. Depuis le malin, de bonne heure, jusqu'au soir, très tard, on peut voir et entendre les Bourdons affairés. Dans les jours sombres et maussades, alors que tout autre Insecte se lient caché au fond de son trou, ou bien le soir, tard, quand les Insectes diurnes sont allés déjà se reposer, on rencontre encore quelque Bourdon isolé qui chante de fleur en fleur ; or, ce n'est pas qu'il s'agisse pour lui de passer la nuit dans le sein d'une des grosses fleurs, ou d'y attendre qu'un orage, une ondée aient cessé, car Wahl- berg les a vus, dans le Nord, en Finlande, en Laponie, travailler pendant les claires nuits d'été. L'expression de paresseux, dont s'est LES BOMBINES. 587 servie la femme-poète, ne peiil s'expliquer que s'il s'agit de comparer les mouvements lourds et pesants des Bourdons au vol souple et rapide des Abeilles. A une époque plus avancée de l'année on voit apparaître de petites Femelles, qui ne pon- dent que desOEufs mâles; ensuite apparaissent des Mâles. Enfin, vers l'automne apparaissent aussi de grandes Femelles destinées à passer l'hiver. «11 paraît évident, d'après le témoignage de P. Huber(l), que les petites Femelles des Bour- dons sont destinées à fournir un plus giand nombre de Mâles aux jeunes et grandes Femel- les, puisqu'après les avoir pondus et soignés, ellespérissentcommelesOuvrières au commen- cement de l'automne. Les Mâles, auxquels elles donnent, naissance, servent, comme je m'en suis assuré, â féconder les grandesFemellesqui paraissent à la même époque, et qui sans ce supplément auraient couru le risque de ne pas trouver de Mâles dans leur habitation et de rester infécondes. » Voici en quels termes notre observateur ra- conte comment il a été conduit ;\ découvrir ces faits pleins d'intérêt. « Le7 dumois d'août, à minuit, j'aperçus une grande agitation dans le Nid, c'était un Nid de Bourdons rouges et noirs, par conséquent de Bombus lapidarius ; il s'agissait d'une ponte extraordinaire. ure bien déterminée du miel cl de pollen mélangés, puis elle y place un OEuf. Un peu au-dessus, à une hauteur égale au dia- mètre du tube, elle construit un couvercle avec des anneaux concentriques faits de sciure de bois mâchonnée. La première cellule ainsi formée fournit un plancher pour la seconde, qui sera située au-dessus et qui recevra une ration égale et un OEuf. Le travail continue ainsi sans inter- ruption, quand le temps ne s'y oppose point, jusqu'à ce que l'espace creusé se trouve rempli de cellules. Mais alors, la Femelle a fourni tout ce qu'elle pouvait, et ses forces sont à bout. Supposons qu'elle soit en activité depuis le début du printemps ; toutes conditions égales d'ailleurs, il est probable qu'elle a posé à cette époque les fondements d'une postérité plus nombreuse, que dans le temps qui s'est écoulé depuis le mois d'août ; en d'autres termes, comme chez les autres espèces, la première portée est plus riche que la seconde. Au bout de peu de jours, la Larve sort de sa coque; son aspect ne diffère pas de celui que nous avons décrit pour toutes les Larves de cette famille. Elle gît, légèrement courbée, et remplit à peu près, au bout de trois semaines de croissance environ, toute sa cellule; autour d'elle, on trouve alors des grains noirs, qui ne sont autres que ses déjections. Puis elle se tisse une coque et opère sa nymphose. L'inférieure, étant la plus âgée, termine son évolution la première ; la seconde vient ensuite, la supérieure en dernier. L'inférieure va-t-elle attendre que sa dernière sœur soit prête, pour se frayer une route hors de sa prison? Pour la 600 L'ABEILLE A CULOTTES OU A PIEDS HÉRISSÉS. seconde portée, oui ; car elle redoute l'hiver pour faire son apparition. Pour la première portée, qui a terminé son évolution en août, c'est différent. La jeune Xylocope choisit le plus court chemin pour conquérir sa liberté. Elle prend un point d'appui sur sa tête, et n'a besoin que d'une certaine mobilité pour exer- cer une pression en avant et constater ainsi que la cellule est extensible. Elle atteint ainsi l'extrémité du tube, qui n'est rempli que de copeaux; l'instinct lui apprend à se servir de ses mandibules qui constituent d'excellentes pinces, qu'elle essaye pour la première fois en rongeant la mince couche qui la sépare de l'atmosphère chaude de l'été. C'est là, du moins, l'opinion de Le Peletier. Mais Réaumur admet que la mère a foré son second trou à l'extrémité du tube et parfois même un troi- sième à mi-hauteur. La seconde Xylocope, qui éclôt, suit la pre- mière, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'enfin toute la nichée soit envolée, et que l'habitation se trouve dépeuplée. Dans les pays où ces Xylo- copes ont pris droit de cité, elles utilisent sans doute les anciens Nids, et gagnent ainsi, dans les saisons favorables, du temps pour mettre au jour une plus nombreuse postérité que dans les cas où leurs mâchoires et leur patience sont astreints sans cesse à renouveler les dures épreuves que nous avons signalées. Nous nous souvenons d'avoir observé dans notre enfance, alors que nous étions au collège Rollin, les manœuvres des Xylocopes ; pour s'é- viter un long travail ces paresseux intelligents utilisaient les trous qu'on avait forés dans les poteaux des appareils de gymnastique pour y fixer différents engins (Kûnckel). LES MÉRILÉGIDES — MERILEGIDjE Die Schenkelsammler . Caractères. — Les Abeilles qui récoltent le pollen à l'aide de leurs cuisses [Merilegidx) diffèrent des précédentes, en ce que les appa- reils de récolte sont plus rapprochés du corps; ils se trouvent situés simultanément sur les côtés du métathorax ; du premier segment de l'abdomen, au voisinage des jambes posté- rieures sur les hanches et la base des cuisses, ce sont des espaces nus finement striés, ombra- gés de poils rangés sur leurs bords comme des cils et recourbés en biseau ; les jambes posté- rieures, munies de longs poils en dessus comme en dessous, et leurs tarses lorsqu'ils sont velus en dessus, servent concurremment à la récolte des pelotes de pollen jaunâtre qui leur res- tent appendues ; les hanches et les cuisses paraissent plus longues. Toutes ont un palpe labial d'une seule pièce, eu sorte que Latreille les a classées parmi ses Fausses-Abeilles. LES DASYPODES — DASYPODA (1) Die Bûrstmbiene. Caractères. — Quant à la structure, nou remarquons que la cellule marginale lancéolée s'applique, par sa pointe, contre la nervure marginale, et que des deux cellules sous-mar- ginales qui sont closes, la seconde, la plus courte, reçoit vers ses extrémités les deux ner- vures récurrentes. Le second article des an- tennes s'amincit en forme de pédicule; les palpes des lèvres sont formés de quatre arti- cles; la langue, sans être aussi courte que celle des Andrénites, ne peut cependant pas être qualifiée de langue. L'ABEILLE A CULOTTES OU A PIEDS HÉRISSÉS. — DASYPODA HIRTIPES. Hosenbiene. — Rauhfaszige Bûrstenbiene. Caractères. — Cette espèce à pattes velues (fig. 828, 844 et 843), mérite d'être mentionnée à cause de la magnificence de la Femelle, bien que son mode d'existence n'offre rien d'impor- tant à signaler. Ce qui donne à ces Abeilles leur élégance, ce sont leurs poils d'un rouge de Renard, implan- tés tout autour des jambes postérieures et du Fig. 8-28. L'Abeille h culottes ou :\ pieds liorissés, grossi. premier article de leurs tarses, comme les crins d'un goupillon; plus en arrière, depuis le second jusqu'au quatrième segment, l'abdo- men, dont les poils sont noirs et courts, est (1) AaoOç, velu ; noû;, ttoSo;, pied LES ANDRENES. 601 Fig. 829. Fig. 830. Fig, 832. Fig. 829, 830, 831 et 832. — Les Antliopliores. Fig. 830. — Anthophore creusant sa galerie. Fig. 833. — Cellule non approvisionnée avec sa cheminée. Fig. 834. — Anthophore construisant sa cheminée. Fig. 829 à 834. — Les Anthopliores des murailles et leurs Nids. sillonné par des bandes de poils blancs. L'abdo- men se déprime, et figure une ellipse ; sa pointe est élargie par de longues franges noires ter- minales. Le thorax et la base de l'abdomen sont revêtus de poils épais d'une teinte rouge de Renard, mêlée de gris; la tête est noire, mais en arrière le gris domine. Leur longueur, qui atteint 11 à 13 millimètres, les classe parmi les plus importantes espèces de cette famille. Les Mâles, très différents, sont bien loin d'offrir la même magnificence. Ils sont plus nombreux et plus petits; leur abdomen est fusiforme, notablement bombé ; ils ont des an- tennes assez longues, dont le second article n'est pas pédicule ; leur poil, jaune-gris et rare, laisse briller les bords postérieurs des anneaux du corps. Slœarg, habitudes et rég^inie. — Comme leurs nombreux parents, les Femelles confient leur progéniture à quelque cavité qu'elles creu- sent dans la terre ou dans le mortier, qui sépare les moellons de nos murailles bien exposées au soleil, et approvisionnent leurs Nids d'une énorme quantité de pollen qu'elles recueillent principalement sur les Chicoracées. On ne voit ces Abeilles à culottes que du milieu de juin à la fin d'aotit. Brehm. — VII. LES ANDRENES — ANDRENA (1) liie Erdbienen. — Die Sandbienen. Caractères. — Les Abeilles des sables {An- drena) ont une langue courte, lancéolée, qui ne se replie pas en arrière pendant le repos, mais se retire sur la face supérieure du men- ton. Westwood les oppose, sous le nom à'Acn- lilingues à d'autres espèces alliées. Les palpes labiaux sont uniques et formés de quatre ar- ticles; ceux de la mâchoire inférieure sont composés de six articles. La cellule marginale de l'aile antérieure s'effile dans sa moitié postérieure et ne s'ap- plique pas à l'extrémité arrondie de la nervure marginale. Des trois cellules sous-marginales, qui sont closes, la première atteint presque la longueur des deux autres réunies; la seconde, la plus petite, est presque carrée et reçoit vers son milieu la première nervure récurrente; la troisième se rétrécit en haut et reçoit la se- conde nervure récurrente bien en arrière de son milieu. (1) Nom emprunté à Aristote. Insectes. — 76 602 L'ANDRÈNE DE SGHRANK. Chez la Femelle, toute la surface externe des jambes postérieures jusqu'à l'extrémité du tarse, ainsi que les côtés du mésothorax, sont pourvus de poils épais, pour la récolte du pol- len ; mais le premier article du tarse postérieur est court, dégarni de longs poils et par consé- quent inutile pour moissonner. En dedans, sur les tarses, un poil épais et plus court constitue les brosses qne nous avons déjà souvent citées; les Femelles rentrent au logis, couvertes de pollen sur toutes ces régions. Les griffes sont armées, vers leur milieu, d'une petite dent laté- rale ; il existe entre elles une languette mem- braneuse très remarquable. L'abdomen est rétréci à sa racine; il est ovale, lancéolé ou elliptique. C'est lui qui permet de distinguer aisément les sexes. Chez la Femelle, il est plus aplaii vers l'extrémité, c'est-à-dire vers le cinquième anneau, qui est muni d'une gar- niture de poils, la « /range terminale », recou- vrant plus ou moins le sixième anneau, plus petit. Chez le Mâle, l'abdomen est plus étiré, sans prendre jamais la forme linéaire. Les an- tennes ne le différencient guère de la Femelle, car elles sont à peine plus longues; mais il a, sur la face, une touffe de poils plus forte, et la lèvre supérieure est parfois, dans toute son étendue, d'une coloration plus claire; cepen- dant jamais cettB teinte claire n'est limitée au bord antérieur seul. Comme il ne récolte pas, ses poils sont bien plus rares, sur les jam- bes postérieures, que chez la Femelle. D'après leur coloration et le revêtement de leur corps, les nombreuses espèces d'An- drènes (Smith en a relevé soixante-huit en An- gleterre) peuvent se grouper de la façon sui- vante : Celles dont l'abdomen est de couleurs noire et rouge. Celles dont l'abdomen est uniformément noir, parfois à reflets bleus, mais sans bandes. Enfin celles dont l'abdomen n'est pas abso- ment noir, et se trouve orné de bandes claires provenant du plus ou moins d'épaisseur de la fourrure. Cette dernière division comprend le plus grand nombre d'espèces, dont la plupart se ressemblent beaucoup. Nous décrirons une espèce de chacun de ces trois groupes. Distribution g;éo{^raphique. — Elles vivent dans la région septentrionale et moyenne de la France, de l'Allemagne et de toute l'Europe ainsi que dans le nord de l'Afrique. Mœurs, liabitudc«, rég^iiue. — - Les Abeilles des sables, qui comprennent les espèces sui- vantes, constituent certainement, au moins le tiers des Abeilles sauvages qui recherchent les fleurs mellifères et dont le bourdonnement familier anime dès le printemps les prairies émaillées de fleurs. Les Abeilles des sables ouvrent la danse. Ce sont ces Andrènes, dont le vol sauvage accompagne les Abeilles domes- tiques plus calmes et plus réfléchies autour des chatons de Saules, qui savourent les fleurs des Groseillers à maquereau ainsi que les autres fleurs prémices de l'année et qui hésitent long- temps avant d'élire un domicile, afin de fêter par la bonne chère, le réveil de la création vivante. Ce sont elles qui, sur les coteaux enso- leillés, au sortir de leur berceau, voltigent de trou en trou, et se pressent en masses, afin de préparer des colonies pour leurs descendants. Elles placent leurs Nids, la plupart du temps, dans les sols sablonneux, oii elles creusent un tube oblique de 13 à 30 centimètres de pro- fondeur; elles disposent, à l'extrémité, une cavité sphérique, ou bien de courtes ramifica- tions du tube principal, et là, elles remplissent les cellules d'une ample provision de pollen. Après que chaque cellule a été pourvue d'un OEuf, elle est couverte de terre, et l'orifice d'entrée de toute la construction est lui-même bouché avec de la terre. Ces espèces sont exploitées par de nombreux Parasites, parmi lesquels de petites Abeilles (iVowarfa), un Insecte plein d'intérêt que nous étudierons plus loin sous le nom de {Sty/ops), et même certaines Larves de Coléoptères {Sùa- ris), jouent un rôle important. L'ANDRËNI!: »E SCHRANK ou AtVDRÈNE BORDÉE JNDKEIVA SCHRAISCKELLA. Schranks Erdbiene. Caractères. — L' Andrenasch!'ancliella{Rg.8i2, 843j présente sur le second anneau abdominal une coloration rouge, qui s'étend plus ou moins sur le premier et sur le troisième. Le reste du corps est noir, sauf la tête et le thorax dont les poils épais sont d'un gris-jaunâtre. Chez la Femelle, on trouve des bandes étroi- tes de poils blancs sur les bords postérieurs des deuxième, troisième et quatrième anneaux abdominaux; les brosses des jambes sont for- mées de poils jaunes, et l'extrémité du corps est formée d'une frange brune terminale. Le Mâle est recouvert partout de poils gris réguliers; sa face est jaune, présente deux pe- LES HALYCTES. 603 tits points noir^ en son milieu, et son bord an- térieur est revêtu de poils blancs épais. llfeurs, habitudes, réffliue. — Cette espèce voltige, îipartirde juin, sur les broussailles en tUnirs, parmi les berbages, sur les Rhamnées, les Bryones, les Trèfles. Ikistribiitioii |{éoj;raphique. — On peut la rencontrer dans les environs de Paris ; mais nulle part elle n'est abondante. L'ANDRÈNE CINÉUAIRE. — ANDREJSA CINERJKI.4. Greise Enlbiene. Caractères. — L'Andrène cinéraire (fig. 838, 839) est noire, mais possède sur la moitié anté- rieure du corps des houppes de poils blancs plus ou moins épaisses. Chez le Mâle, la face est pourvue de poils blancs, en touffes; chez la Femelle, les poils blancs sont isolés sur la face, plus épais sur le thorax ; mais ils sont interrompus sur le dos entre les deux ailes ; l'abdomen est ras sur sa face supérieure; à sa racine on trouve quel- ques touffes isolées. Les brosses des jambes et la frange termi- nale de la femelle sont noires ; les ailes sont ternes dans leur moitié externe. Distribiitiou géographique. — Ces Andrè- nes se trouvent aussi bien en Livonie qu'en Al- gérie, en Angleterre, en France et en Suisse; elles s'étendentdonc assez loin. Slœurs, habitudes, régime. — Cette espèce prend son vol de bonne heure, dès la fm d'avril, quand le printemps est beau; elle re- cherche surtout le miel des chatons de Saule; c'est là. exclusivement que ces Abeilles ont été trouvées par Tascbenberg et par Imhoff à Bâle; d'après Le Pelelier, elles affectionne- raient les fleurs du Sisy?yibrium anguslifolium. VAndrena ovina est une espèce très analo- gue. Là, le dos de la Femelle est garni de poils, sans interruption médiane; et l'abdomen, plus élargi dans les deux sexes, prend une forme ovalaire. L'ANDRÈ>E AUX PATTES BRUNES. — JNDREIS I FULVlCnUS. Braungeschenkelte Erdbiene. Caractères. — Cette Andrène (fig. 840, 841) est noire, mais la tète et le thorax présentent des touffes de poils jaune-brun. L'abdomen étiré et lisse de la femelle, est orné de quatre bandes d'un jaune brun, qui passe très vite au blanc, et d'une frange termi- nale brune. Les boucles de poils pollinigères et les brosses des jambes sont île la même couleur. Le mâle présente aussi des touffes de poils sur le premier anneau abdominal ; la face est pourvue de nombreux poils noirs, et son ab- domen est orné de cinq bandes claires trans- versales. Sur le dos passablement râpé d'une femelle de sa collection, Tascbenberg a trouvé deux Larves jaunes de Méloës. nistributiou g-ôo^raphique . — Cette espèce commune aux environs de Paris, s'étend aussi loin que la précédente. Mœurs, habitudes, régime. — Cette André- nide s'envole de bonne heure (le 12 avril, en 1874) vers les chatons de Saules, d'après Schenk, principalement vers les Colzas et les Pissenlits. Les Mâles se pressent vers le sol lorsqu'ils recherchent les Femelles. LES HALYCTES — HALICTUS{{) OU HYLMUS (2) l'iiltenbiene. — SchmaWiene . Caractères. — Ces Abeilles, très sveltes, moins riches en espèces que le genre précé- dent, et par leur aspect rappellent beaucoup les Andrènes du troisième groupe. La Femelle se distingue seulement par une marque cunéiforme, brillante et dégarnie de poils, qui se trouve au milieu de la frange ter- minale. L'abdomen du Mâle est étroit et devient presque linéaire ; il est parfois un peu plus épais en arrière du milieu ; chez lui le flagel- lum des antennes s'allonge davantage, et comme le bord antérieur de la lèvre supérieure, il est souvent, par places, coloré en blanc. Chez beau- coup d'espèces, les jambes présentent des espa- ces blancs plus ou moins étendus. En sorte qu'ici le Mâle peut être plus facilementreconnu comme appartenant à ce genre ; tandis que chez la plupart des Hyménoptères, c'estla Femelle qui présente les caractères génériques les plus accentués. A l'exception de quelquesespèces plusconsi- (1) "A),w.T05, inévitable. ;2) 'Haîo;, sauvage. 604 LA COLLETE HÉRISSÉE. dérables, la plupart n'atteignent que la taille moyenne des Andrènes; il existe, en revan- che, une masse d'espèces plus petites, comme on n'en rencontre que rarement dans les autres familles. Mœurs, habitudes, régime. — Les Halyctes présentent le même mode d'existence, que les Andrènes, et apparaissent, en moyenne, un peu plus lard. Leurs Femelles figurent parmi celles qui, à la fin de l'été, recherchent les Bruyères, et dont la fourrure dégarnie ne per- met plus de reconnaître les affinités. Elles creusent volontiers leurs tubes ovifères dans la terre durcie. Ce sont elles qu'on voit se presser sur les sentiers battus qui sont deve- nus durs comme pierre. De petits trous dissi- mulés chacun par un petit tertre, se cachent aux regards ; mais si l'on reste quelque temps en place, on peut voir une Abeille, en quête d'une provende, se glisser hors de son trou, ou une Abeille, chargée de butin, reconnaissable de loin à ses culottes, disparaître dans sa de- meure, par une entrée tellement étroite qu'on est porté à croire que le pollen récolté doit se trouver raclé pendant cette traversée. Les parois abruptes de quelque fossé argileux, de quelque chemin creux, ou de quelque lisière, pourvu qu'elles regardent l'est ou le midi, ser- vent de lieux d'incubation à d'autres espèces. Par le beau temps, on y voit voltiger toute la journée des centaines de Femelles, qui sortent et qui rentrent, sans jamais se tromper; parmi ces centaines d'orifices semblables, chose merveilleuse, chacune reconnaît toujours le sien. Ce sont les Halyctes, enfin, qui apparentées aux gros Bourdons et h d'autres Abeilles affai- rées, dorment dans les fleurs de Chardons, ou s'y réfugient pour laisser passer quelque ondée, quand elles n'ont pu regagner leurs pénates. Les Halyctes, d'après Fabre, ont deux géné- rations par an : l'une printanière et sexuée, provenant de mères qui, fécondées en automne, ont passé l'hiver dans leurs cellules; l'autre estivale est due à la parthénogenèse. Du con- cours des deux sexes naissent uniquement des Femelles; de la parthénogenèse proviennent à la fois des Femelles et des Mâles. Leurs couleurs permettent de les classer de la façon suivante : Espèces noires, avec bandes de poils blancs sur les bords postérieurs de tous les arceaux abdominaux ou de quelques-uns seulement ; Espèces noires sans bandes; Espèces vertes, ou tout au moins colorées en vert sur le milieu du corps. Parfois les bandes sont si largement inter- rompues sur le milieu du dos, qu'elles se ré- duisent à des raies latérales. UHylœus grandis (fig. 846, 847), la pluS *^ considérable de nos espèces, convient très bien - pour montrer en quoi ses deux sexes diffèrent de ceux des Andrènes ou Abeilles des sables. Elle vole en juillet et en août et nidifie en sociétés nombreuses sur les pentes ensoleillées. LES COLLETES — COLLETES (I) Caractères. — Le premier article du tarse postérieur assez long, mais peu poilu, est éga- lement sans utilité pour la récolte de pollen. Les Colletés se distinguent des Halyctes par leur langue peu proéminente et le raccour- cissement corrélatif des autres parties de la bouche. Cette langue aplatie en truelle est courte, évasée, à trois lobes, l'intermédiaire en forme de cœur. Les palpes labiaux comptent 4 articles semblables à ceux des palpes maxil- laires et placés bout à bout. Les ocelles sont disposées en triangle. La cellule radiale est un peu appendiculée ; des quatre cellules cubitales, la première est plus grande que la deuxième; la deuxième et la troisième sont égales, un peu rétrécies vers la radiale, recevant chacune une nervure récurrente ; la quatrième cubitale est à peine commencée. LA COLLETE HÉRISSÉE. — COLLETES HIRTA. Rauhe Seidenbiene . Caractère. — Cette CoUète qui se rapproche beaucoup des deux familles précédentes, a la taille et l'allure d'une Abeille domestique ou- vrière; elle est revêtue de poils blancs gri- sâtres, qui sont assez rares sur l'abdomen pour laisser voir la couleur noire du corps. Chez la Femelle, la partie supérieure de la tête et la face inférieure du corps tout entier sont plus noires, tantôt à cause de l'épaisseur des poils de cette couleur, tantôt à cause de la rareté des poils clairs. Chez le Mâle, un peu plus petit, la teinte est plus blanche, la face présente des touffes de poils blancs, et, sur le dos, les bords posté- rieurs des anneaux ont aussi, sur les pièces fraîches, une teinte un peu plus claire. Les (1) Ko/Xrii-i;, soude. LES CHALICODOMES. 603 ■ Cellule contenant une Larve de Colletés ■ Cellule contenant un œuf de Colletés. Cellule contenant une Larve de Sitaris i son deuxième à^e flottant sur le miel. Fig. 835 à 837. — Nid du Colletés succinctus, d'après V. Mayet. poils sont assez disséminés sur la jambe posté- rieure des femelles. Mœurs, babitudes, rég^ime. — La Collète hérissée établit son Nid dans un creux de terre dirigé horizontalement, dans un sol argi- leux quelconque. Les cellules sont faites d'une membrane ré- sistante, analogue à des fragments de vessie de porc, et sont disposées horizontalement l'une derrière l'autre. Qu'on se figure une rangée de dés à coudre, d'égale largeur, et tels que le fond de l'un pénètre dans l'ouverture du suivant; on aura ainsi une idée de l'arrangement de ces cellules, qui sont en outre reliées entre elles, et deux à deux, par un cercle de même subs- tance. Le diamètre d'une cellule est d'environ 7°"", 18; la longueur n'est pas absolument con- stante, et oscille entre 13°"" et 17""", 5. Il est à peine besoin de dire que la première cellule est remplie de nourriture (miel et pollen) et pourvue d'un Œuf, avant que la mère passe à la seconde. Les Larves transformées en Nymphes, peut- être même les Abeilles déjà développées, pas- sent l'hiver dant leurs cellules, et sont libérées en mai, par le beau temps. Les cellules que j'ai eu occasion d'observer, étaient ouvertes régulièrement sur le côté, d'où je conclus que chaque Abeille, isolément, aban- donne sa cellule indépendamment des voisines. Dans d'autres cas, les Colletés ne construi- sent pas une galerie unique dans laquelle elles aménagent des cellules placées bout à bout; elles creusent, ainsi que M. Valéry Mayet l'a constaté pour la Collète succincte, une galerie principale, puis une série de petites galeries perpendiculaires qui constituent au- tant déloges indépendantes servant à l'élevage d'une seule Larve (fig. 833, 836 et 837) qu'elles operculent puis obstruent avec de la terre lors- qu'elles les ont approvisionnées et qu'elles y ont déposé un OEuf. LES GASTRILÉGIDES - DASrGASTIl.E Die Bauchsammlcr. Caractères. — Chez ces Abeilles, les pattes postérieures n'ont pas d'organes de récolte ; le premier article de leur tarse porte seul une brosse unique à sa face inférieure et le ventre ainsi que le dos sont très velus; chez la Femelle, le pollen enlevé aux étamines des fleurs et em- prisonné dans sa fourrure est balayé par les brosses des tarses postérieurs, rassemblé et emmagasiné sous l'abdomen, oîi il est retenu par les poils hérissés et dirigés en arrière qui le revêtent. C'est là ce qui les distingue de tous les Hyménoptères et leur a mérité ce nom de Gastrilégides, qui signifie récolteuses par le ventre. Les mandibules sont élargies à l'extrémité et plus ou moins dentées. Les ailes comptent trois cellules cubitales dont deux seulement sont fermées ; la deuxième reçoit les deux nervures récurrentes. LES CHALICODOMES — CHALICO- DOMA (1) Caractères. — Les mandibules portent qua- tre carènes et quatre dents; les palpes maxil- (1) Xà).i$, cailloutage pour bâtir; 5ù)|ia, maison. 606 LES GHALIGODOMES. laires comptent deux articles ; la langue ou lèvre inférieure, très longue, est accompagnée de palpes de deux articles. Les ocelles sont dis- posées en ligne courbe. Les antennes des Mâles un peu plus longues que celles des Fe- melles. Les ailes ont une cellule radiale arrondie à son extrémité portant un commencement d'ap- pendice. Les tarses sont terminés par des crochets simples chez les Femelles et bifides chez les Mâles. L'anus a son bord postérieur dentelé en scie. Distribution ^géographique. — Ce SOnt des Hyménoptères de l'Europe centrale et méri- dionale qui ne comptent que quelques espèces; on en compte trois en France. Mœurs, iiabituiles, régime. — Après qu'au mois de mai, les Abeilles sont sorties de leur Nid par un trou arrondi, et se sont accouplées en voltigeant et en bourdonnant, la Femelle commence à construire; elle met alors en jeu ses dispositions naturelles pour la maçonnerie, car ses demeures sont fixées contre les pierres ou les cailloux roulés, contre les parois exté- rieures solides des maisons qui ne sont recou- vertes d'aucun enduit, jamais sur des parois argileuses comme en choisit l'Hirondelle domes- tique i)Our y établir son Nid; ou bien sous les tuiles qui font saillie au bord d'un toit ; ou bien encore autour d'une branche d'arbre. Les maté- riaux de construction consistent en grains de sa- bles fins reliés si fermement à l'aide de la salive, qu'il faut employer une certaine force et se servir d'un instrument pointu fortement trempé lors- ([u'on veut ouvrir une cellule. Dans une petite excavation quelconque, que l'Abeille découvre parmi ces pierres, sans longues recherches, elle construit dans le plus bref délai une cel- lule, qui se tient debout, et dont la forme est celle d'un dé à coudre, un peu rétréci en haut. A l'intérieur, la cellule est polie ; à l'extérieur, elle est rugueuse, et l'on peut y distinguer les grains de sable. Sitôt que la cellule est avancée au point de se rétrécir vers le haut, elle est remplie d'une pâtée de miel, et pourvue d'un OEuf; alors, aussi rapidement que possible, elle est fermée par un couvercle qui répond exac- tement au plancher, et son aspect rappelle la Chrysalide d'un Papillon. Cette mesure de sûreté doit être exécutée le plus vite possible, car de nombreux essaims sont aux aguets, mé- ditant quelque mauvais coup. A côté de la première cellule, s'en élève une seconde dont la paroi postérieure se trouve dans l'angle formé par le mur et la paroi de la première cellule. Ainsi sédifie peu à peu, une réunion de cellules plus ou moins nombreuses, tantôt accotées, tantôt superposées et dispo- sées sans ordre, tantôt parallèlement entre elles, et tantôt obliquement. Leur nombre dé- pend de la saison et des dérangements variés auxquels la Femelle architecte est exposée. Elle n'a point de foyer pour elle-même, la place libre où elle accote ses cellules ne lui offrant aucun abri. En général on ne trouve jamais plus de dix cellules réunies. Leur surface extérieure ondulée est polie grossièrement, de sorte qu'à la fin le Nid ressemble, à s'y méprendre, à ces pelotes de boue que les en- fants jettent contre les murs, et qui se sontsé- chées. Une seule femelle se suffit pour édifier ces groupes de cellules qui sont terminées au com- mencement de Juillet, quand l'architecte dis- paraît. A d'autres places, dans le voisinage tra- vaillent d'autres Abeilles, car on rencontre ces « enduits » en grand nombre... Mais ces Abeil- les n'ont aucun instinct d'association; d'après Réaumur (1), au contraire, elles seraient en hostilité fréquente. « Si on soupçonnait que la construction d'un Nid que nous avons fait regarder comme un ouvrage qui coûte beaucoup de peines et de fatigues à la Maçonne, n'est pour elle qu'un jeu; que les mouvements qu'elle est obligée de se donner, ne sont pour elle qu'un exercice agréable, on en pourrait être détrompé par de curieuses observations faites par M. du Hamel. Ces observations nous apprennent de plus que l'esprit d'injustice ne nous est pas aussi parti- culier qu'on le croit; qu'on le trouve chez les plus petits Animaux comme chez les Hommes ; que parmi les Insectes comme parmi nous, on veut usurper le bien d'autrui, et s'approprier ses travaux. Pendanlqu'une Mouche était allée se charger de matériaux pour ajouter ce qui manquait à une cellule, M. du Hamel a vu plus d'une fois une autre Mouche entrer sans façon dans cette cellule, s'y tourner et retour- ner en tous sens, la visiter de tous côtés, tra- vailler à la régréer comme si elle lui eût appar- tenu. La preuve qu'elle le faisait à mauvaise intention, c'est que quand la vraye maîtresse arrivait chargée de matériaux, la place qui lui était nécessaire pour les mettre en œuvre, ne (1) Réaumur, Mémoires pour servir à l'Histoire des In- sectes. Paris. 1761, t. VI, p. 75. LES GHALICODOMES. 607 lui était point cédée par l'autre ; elle était obligée de recourir aux voyes violentes pour conserver la possession de son bien; elle était forcée de livrer un combat à l'usurpatrice, que celle-ci était prête à soutenir. « M. du Hamel a été souvent témoin oculaire de pareils combats, et il en a vu quelquefois qui étaient si opiniâtres, qu'ils duraient des demi-heures entières. C'est en l'air que se don- nent les plus rudes chocs. Les deux combat- tantes volent souvent l'une vers l'autre tête contre tête. Celle qui est la plus élevée, a ordi- nairement l'avantage : quand elle attrape riuférieure, le coup qu'elle lui porte est quel- quefois si violent qu'il la précipite fi terre. Aussi celle qui se trouve la plus basse tâche d'esquiver le coup ou du moins une partie de sa force, soit en plongeant, soit en volant à recu- lons. Car pendant leurs combats, ces mouches dirigent leurs vols de toutes les façons propres à leur faire porter des coups avec plus d'avan- tage et à leur faire éviter des coups trop redou- tables. Quelquefois on en voit une s'élever perpendiculairement, et descendre ensuite perpendiculairement sur son ennemie, pour l'accabler du poids de son corps mû avec vi- tesse : celle qui est menacée de ce terrible coup, vole aussi en embas ; souvent elle se sauve mieux encore en volant à reculons, telle alors se retire plus de vingt pas en arrière. M. du Hamel a très bien remarqué que le vol à reculons paraît inconnu aux Oiseaux ; mais beaucoup d'autres Mouches s'en servent, même dans les occasions où elles ne semblent voler que pour leur plaisir. On n'a qu'à suivre des yeux les Mouches à deux aîles qui aiment nos appartements; il y a des temps où plusieurs de celles-ci se tiennent ensemble en l'air, assez près du plancher, et font cent tours et retours dans un assez petit espace, comme si elles ne cherchaient qu'à s'exercer. Il sera souvent aisé d'y voir quelqu'une qui vole à reculons. M. l'abbé de Fontenu, de l'Académie des Belles-Lettres en qui le goût d'observer les phénomènes de la nature se concilie avec celui d'érudition, me parla, il y a quelques années, du vol à reculons de ces Mouches de nos ap- partements, comme d'un fait qui lui avait paru remarquable, et qui l'est effectivement. « Mais, pour achever de voir tout ce qui se passe entre nos deux combattantes, il arrive quelquefois qu'allant à la rencontre l'une de l'autre, elles se heurtent tête contre tête si violemment, qu'étourdies l'une et l'autre par la force du coup réciproque, elles tombent toutes deux à terre. Quelquefois aussi dans le moment du choc, l'une saisit l'autre avec ses junbes, ou elles se saisissent mutuellement; elles tombent encore alors toutes deux à terre ; c'est là que se continue un combat semblable à celui de deux athlètes. M. du Hamel n'a pu observer si alors elles ne cherchaient pas réci- proquement à se percer avec leur aiguillon. C'est assurément le temps de se servir de cette arme, qui porte le poison dans les plaies qu'elle fait. Aussi y a-t-il apparence que nos Maçonnes n'oublient pas alors qu'elles sont munies d'un instrument dont les coups sont mortels; que chacune tâche de faire pénétrer le sien dans le corps de son adversaire, comme les Mouches à miel n'y manquent pas en pa- reil cas. Cependant les combats de nos Ma- çonnes, comme ceux des Mouches à miel, quoiqu'acharnés et longs, se terminent sou- vent sans que mort s'ensuive. La Mouche qui est épuisée de fatigue, perd le courage en perdant les forces ; elle prend son vol au loin, et ordinairement elle n'est pas poursuivie par son ennemie, qui se contente de pouvoir se mettre en possession de la cellule qui lui a été disputée. Mais si la Mouche qui a pris le parti de la fuite, revient à cette même cellule, comme il lui arrive quelquefois, alors le com- bat recommence. « Sans avoir recours à des combats injustes, uneMouche peut quelquefois s'épargner le tra- vail de construire des cellules. Si celle qui en avaitcommencé une meurt par quelqu'accident, avant qu'elle soit finie, ime autre Maçonne s'en empare. Ce cas rare est une petite ressource; mais les Maçonnes en ont une plus grande. Les vieux Nids dans lesquels les Vers, après avoir pris leur accroissement, sont parvenus à être des Mouches, les Nids d'où ces Mouches sont sorties, offrent des logements vides qui n'appartiennent plus à qui que ce soit, et qui ne demandent que quelques réparations. M. du Hamel a vu des Mouches qui s'emparaient de ces vieux Nids, qui ôtaienttout ce qui pouvait y être resté d'ordures, comme sont les dé- pouilles laissées par le Ver, et les excréments qu'il avait jettes ; elles agrandissaient les ou- vertures des cellules, et elles remettaient du mortier dans les endroits qui en avaient besoin. Enfin, elles y portaient de la pâtée, et après en avoir rempli une, et y avoir laissé un OEuf, elles la bouchaient, et ainsi des autres ; il ne restait alors qu'à donner une enveloppe com- 608 LES CHALICODOMES. mune à des cellules bien conditionnées et bien fournies de tout. Ces vieilles cellules occasion- nent plus souvent des combats entre les Mou- ches, que les nouvelles, et des combats qu'on doit moins leur reprocher : elles ont toutes un droit égal sur les anciennes, ou s'il y a quelque droit particulier, c'est celui de la première occupante. «Dès que les Maçonnes sont d'humeur à pro- fiter des vieux Nids, il reste à expliquer pour- quoi elles en bâtissent tant de nouveaux chaque année; car ils sont de nature si solide qu'ils peuvent presque durer autant que le bâtiment contre lequel ils sont attachés : ils ne peuvent guère être détruits que par les Hom- mes, qui ordinairement même ne s'avisent pas de les remarquer, ou de les prendre pour ce qu'ils sont. Enfin, ils sont souvent dans des endroits où on ne peut atteindre sans avoir recours aux plus hautes échelles. Quand il n'y aura pas plus de femelles dans une année, qu'il y en a eu dans quelqu'une des précé- dentes, la provision des Nids semble faite pour cette année. Mais si un nid qui n'a servi qu'une fois, est convenable encore, peut-être que celui qui a servi deux ou trois fois ne l'est plus : la Mouche qui l'a pris vieux, l'a épaissi; elle a été obligée d'y ajouter un enduit : or les nids épais à un certain point peuvent être sujets à des inconvénients ; ils sont plus diffici- lement échauffés par les rayons du soleil. Les Nids anciens, même ceux qui n'ont qu'une année, peuvent encore être laissés inutiles par d'autres raisons. Nous ne finirons pas ce mémoire sans parler de plusieurs ennemis que les Vers des Maçonnes ont à redouter, et qui s'introduisent dans leurs cellules. Une Mouche évite sans doute de laisser ses œufs dans les Nids oïl se trouvent déjà des Insectes qui pour- raient faire périr cette postérité, qui est l'ob- jet de tous ses soins et de tous ses travaux. «Ne nous bornons point àadmirer le génie de nos Maçonnes, l'art avec lequel elles travaillent, et la solidité de leurs ouvrages : prêtons-nous aux vues qu'elles nous doivent faire naître : ne rougissons point de prendre des leçons de ces Mouches. Si nous comparons la dureté de leurs Nids avec celle des enduits, soit de plâ- tre, soit de mortier, qui se trouvent sur les murs mêmes où ils sont, nous apprendrons qu'elle est souvent supérieure à celle de ces enduits, et plus en état de résister aux injures de l'air. Nous en conclurons donc que le meil- leur mortier n'est pas celui qui est composé de chaux et de sable ; qu'on en peut faire un plus parfait en liant ensemble des grains de gravier avec une colle. Nous sommes conduits à faire des expériences pour découvrir s'il n'y a point quelque colle qui coûtât peu, et qui étant délayée avec beaucoup d'eau, lierait ensemble les grains de gravier aussi solidement que les lie la liqueur visqueuse que les mouches ma- çonnes employent à cette fin. «Leurs Nids n'ont pas seulement une dureté supérieure à celle des matières dont nous faisons des enduits, quelquefois ils en ont une égale à celle de certaines pierres propres à bâtir. Sur ce qu'on a vu des pierres d'une grandeur énorme, sans qu'on pût imaginer comment elles avaient été transportées de très loin dans les endroits où elles sont, quel- ques auteurs ont pensé que le secret de fondre la pierre est de ceux qui ont été perdus, que les anciens sça valent rendre la pierre liquide et ia jeter en moule. 11 faut être bien peu au fait des arts pour croire, comme quelques-uns l'ont cru, qu'une grande masse, soit de pierre commune, soit de granit, soit de quelqu'autre pierre à grains, doive sa forme â l'état de flui- dité où elle a été mise par le feu, avant que d'être jetée en moule. Mais si on prétendait simplement qu'une masse pareille eût été faite d'une infinité de masses plus petites qui auraient été liées ensemble dans le moule qu'on en aurait rempli, avec quelque espèce de colle, on ne soutiendrait rien d'impossible. Les procédés de nos Mouches nous montrent comment cela peut s'exécuter, et nous invitent à l'éprouver. Si après avoir rempli de gravier un moule de la forme et de la grandeur dont on le voudrait, on mouillait ce gravier d'une colle équivalente à celle des Maçonnes, on retirerait ensuite de ce moule une pierre qui imiterait le granit, le grès ou quelque autre pierre à grain, selon la qualité du gravier ou du sable qui aurait été employé. Si la colle convenable était à bon marché, on ferait des pierres telles que les places où elles devraient être posées, les demanderaient, et cela sans avoir besoin de les tailler. « Peut-être même que des espèces de colles qni peuvent être dissoutes par l'eau, satis- feraient à cette vue, car l'eau est capable d'agir sur celle dont les Maçonnes se servent. J'ai tenu des fragments de Nids couverts d'eau pendant cinq à six jours, au bout desquels ils avaient conservé leur forme et de la dureté, mais une dureté bien inférieure à celle qu'ils LES CHALICUDO.MES. (iO'J Fig. 839. l-"ig. 842 et 843. Fi- Fig. sas et 839. — Andrène cinéraire, mâle et femelle. Fig. 840 et 841. — Andrène aux pattes brunes, niàlo et femelle. Fig. 842 et 843. — Andrène bordée, mâle et femelle. Fig. 844 et 845. — Dasypode aux pieds hérissés. Fig. 846 et 847. — Hylivus grande, niàle et femelle. Fig. 838 à 847. — Les Dasypodes (p. 600), les Andrènes (p. 601) et les Halycle» (p. 603). avaient eue : il m'était aisé en les pressant entre les doigts, de les égrainer et de les ré- duire en une poudre propre h être délayée par l'eau. La colle qui unit les grains de mortier de nos Maçonnes, est donc dissoluble à l'eau ; mais, comme l'eau ne fait que couler sur les Nids, qu'elle n'y séjourne pas longtemps, elle emporte peu de la colle nécessaire pour tenir les grains liés. Il en serait de môme de nos pierres factices, leur intérieur n'aurait rien à craindre de l'eau qui n'y pourrait pénétrer bien avant. Des murs dont les pierres ne sont re- tenues que par une simple terre, ne laissent pas de soutenir contre la pluie. Enfin s'il en était besoin on pourrait défendre l'extérieur des pierres factices par une légère couche de matière grasse. " M. du Hamel et moi, avons vu des Magonnes travailler à bâtir des Nids dès le 15 ou le 20 avril, et j'en ai observé d'autres qui y étaient occupées vers la fin de juin ; mais j'ai eu beau chercher plus tard de ces Mouches sur les murs qu'elles paraissent avoir le plus en affec- tion, je n'ai pu y en découvrir une seule : on n'en retrouve plus même nulle pan. 11 y a beaucoup d'apparence qu'elles périssent, Breum. — VIL comme la plupart des autres Insectes, quand elles ont satisfait à ce qu'e.\ige la conservation de leur espèce, qui ne subsiste alors que dans les Vers des Nids. Ce n'est que l'année suivante que les Mouches venues de ces Vers, doivent bâtir et pondre à leur tour. «Celles qui ont pris leur accroissement dans les Nids qui ont été construits les premiers, sont celles qui paraissent les premières, et qu'on voit à l'ouvrage avant la fin d'avril ; les autres sont plus tard en état de paraître au jour. Aussi selon la saison où l'on détache un Nid, et selon qu'il est de ceux qui ont été faits de bonne heure ou tard, trouve-t-on dedans des Vers plus ou moins gros, dont je n'ai rien de particulier à dire, étant blancs, sans jambes, et semblables à ceux des Mouches à miel. La provision de pâtée remplit une plus petite ou une plus grande portion de la cellule, selon que le Ver est plus ou moins gros. Enfin, avec le temps il consume toute celle qui lui a été donnée, et cela ordinairement avant la fin de l'automne. Quand il n'a plus de quoi manger, il n'a plus besoin d'en avoir; son ac- croissement est complet, et il songe à se faire un logement plus convenable à son état futur I.NStCTliS. — 77 cm LES GHALICODOMES. que ne l'est une cellule purement de pierre. Il se fileune coque de soie ; il n'a pas besoin qu'elle ait autant de capacité que la cellule. Vers le bas de celle-là se trouvent tous les excréments qu'il a jetés pendant le cours de sa vie . Ce sont des grains noirs, plus petits (|ue des crottes de Souris, mais qui d'ailleurs leur ressemblent. Tous ces grains restent en dehors de la coque de soie : le tissu de celle-ci est si serré, qu'il semble membraneux ; mais elle est mince et très blanche. » Depuis Réanmur, on a eu maintes fois l'oc- casion d'observer les mœurs de ces Hyménop- tères, notamment Sch.Tfrer qui a donné une belle étude accompagnée de cinq remarquables planches; mais personne n'a suivi avec plus d'habileté et de persévérance les manœuvres et les travaux des Abeilles maçonnes, que M. J. H. Fabre (d'Avignon). Nous ne saurions mieux faire que de reproduire les pages pleines de verve (d) dans lesquelles « cet observateur inimitable », ainsi que l'appelle Darwin(2), ra- conte ses observations, et nous devons adresser à l'éminent Entomologiste nos meilleurs remercîments pour le plaisir qu'il nous permet d'offrir à nos lecteurs. " Réaumur a consacré l'un de ses mémoires à l'histoire du Chalicodome des murailles, qu'il appelle l'Abeille maçonne. Je me propose de reprendre ici celte histoire, de la compléter et de la considérer surtout sous un point de vue qu'a totalement négligé l'illustre observa- teur. Et tout d'abord, la tentation me vient de dire comment je fis connaissance avec cet Hyménoptère. « C'était à mes premiers débuts dans l'ensei- gnement, vers d843. Sorti depuis quelques mois de l'Ecole normale de Vaucluse, avec mon brevet et les naïfs enthousiasmes de dix-huit ans, j'étais envoyé à Carpentras pour y diriger l'école primaire annexée au collège. Singulière école, ma foi, malgré son litre pompeux de supérieure. Une sorte dévaste cave, transpirant l'humidité qu'entretenait une fontaine adossée au dehors dans la rue. Pour jour, la porte ou- verte au dehors lorsque la saison le permettait, et une étroite fenêtre de prison, ave/ barreaux de fer et petits losanges de verre enchâssés dans un réseau de plomb. Tout autour, pour (1) J. H. Fabre, Souvenirs entomologiques, Études sur l'instinct et les mœurs r/es Insectes. Paris, Cli. Delagrave, 1879, p. 275. ',2) Darwin, l.'oriijine c/es espèces. Trad. Barbier, 1876, p. lis. sièges, une planche scellée dans le mur; au mi- lieu une chaise veuve de sa paille, un tableau noir et un bâton de craie. « Matin et soir, au son delà cloche, on lâchait là-dedans une cinquantaine de galopins, qui, n'ayant pu mordre au De Viris et à Y Efiitome, étaient voués, comme on disait alors, à quel- ques bonnes ann(îes de français. Le rebut de Basa la rose venait chercher chez moi un peu d'or- thographe. Enfants et grands garçons étaient là pêle-mêle, d'instruction très diverse, mais d'ime désespérante unanimité pour faire des niches au maître, au jeune maître dont quel- ques-uns avaient l'âge et même le dépassaient. «Aux petits, j'enseignais à déchiffrer les syl- labes; aux moyens, j'apprenais à tenir correc- tement la plume pour écrire quelques mots de dictée sur les genoux ; aux grands, je dévoilais les secrets des fractions et même les arcanes de l'hypoténuse. Et pour tenir en respect ce monde remuant, donner à chaque intelligence travail suivant ses forces, tenir en éveil l'at- tention, chasser enfin l'ennui de la sombre salle, dont les murailles suaient la tristesse en- core plus que l'humidité, j'avais pour unique ressource la parole, pour unique mobilier le bâton de craie. « Même dédain, du reste, dans les autres classes pour tout ce qui n'était pas latin ou grec. Un trait suffira pour montrer où en était alors l'enseignement des sciences physiques, à qui si large place est faite aujourd'hui. Le col- lège avait pour principal un excellent homme, le digne abbé X"*, qui, peu soucieux d'admi- nistrer lui-même les pois verts et le lard, avait abandonné le commerce de la soupe à quel- qu'un de sa parenté, et s'était chargé d'ensei- gner la physique. « Assistons à l'une de ses leçons. Il s'agit du baromètre. De fortune, l'établissement en pos- sède un. C'est une vieille machine, toute pou- dreuse, appendue au mur, loin des mains profanes, et portant inscrits sur sa planchette, en gros caractères, les mots tempête, pluie, beau temps. « Le baromètre, fait le bon abbé s'adressant à ses disciples qu'il tutoie palriarcalement, le baromètre annonce le bon et le mauvais temps. Tu vois les mots écrits sur la planche, tempête, pluie ; tu vois, Bastien ? » « Je vois », répond Bastien, le plus malin de la bande. Il a déjà parcouru son livre; il est au courant du baromètre mieux que le profes- seur. LES CHALICODOMES. 611 « Il se compose, continue l'abbé, d'un canal de verre recourbé, plein de mercure, qui monte ou qui descend suivant le temps qu'il fait. La petite branche de ce canal est ouverte ; l'au- tre... l'autre... enfin nous allons voir. Toi, Bastien, qui es grand, monte sur la chaise et va voir un peu, du bout du doigt, si la longue branche est ouverte ou fermée. Je ne me rap- pelle plus bien. « Bastien va à la chaise, s'y dresse tant qu'il peut sur la pointe des pieds, et du doigt palpe le sommet de la longue colonne. Puis, avec un sourire finement épanoui sous le poil follet de sa moustache naissante : « Oui, fait-il, oui, c'est bien cela. La longue branche est ouverte par le haut. Voyez, je sens le creux. » " Et Bastien, pour corroborer son fallacieux dire, continuait à remuer l'index sur le haut du lube. Ses condisciples, complices de l'espiè- glerie, étoufl'aient du mieux leur envie de rire. L'abbé, impassible : « Gela suffit. Descends, Bastien. Écrivez, messieurs, écrivez dans vos notes que la longue branche du baromètre est ouverte. Cela peut s'oublier; je l'avais oublié moi-même. » « Ainsi s'enseignait la physique. Les choses cependant s'amélorièrent : on eut un maître, un maître pour tout de bon, sachant que la longue branche d'un baromètre est fermée. Moi-même j'obtins des tables où mes élèves pouvaient écrire au lieu de griffonner sur leurs genoux; et comme ma classe devenait chaque jour plus nombreuse, on finit par la dédoubler. Du moment que j'eus un aide pour avoir soin des plus jeunes, les choses changèrent de face. (c Parmi les matières enseignées, une surtout nous souriait, tant au maître qu'aux élèves. C'était la géométrie en plein champ, l'arpen- tage pratique. Le collège n'avait rien de l'ou- tillage nécessaire; mais avec mes gros émolu- ments, 700 francs s'il vous plaît, je ne pouvais hésiter à me mettre en dépense. Chaîne d'ar- penteur et jalons, fiches et niveau, équerre et boussole, sont acquis à mes frais. Un grapho- mètre minuscule, guère plus large que la main et pouvant bien valoir cent sous, m'est fourni par l'établissement. Le trépied manquait; je le Us faire. Bref, me voilà outillé. « Le mois de mai venu, une fois parsemaine, on quittait donc la sombre salle pour les champs. C'était fête. On se disputaitpour avoir l'honneur de porter les jalons, répartis par fais- ceaux de trois; et plus d'une épaule, en traver- sant laville, se sentait glorifiée, ;\ la vue de tous, par les doctes bâtons de la géométrie. Moi- même, pour(]uoi le cacher?je n'étais pas sans ressentir une certaine satisfaction de porter religieusement l'appareil le plus délicat, le plus précieux : le fameux graphomètre de cent sous. Les lieux d'opération étaient une plaine inculte, caillouteuse, un huniins comme on dit dans le pays. Là, nul rideau de haies vives ou d'ar- bustes ne m'empêchait de surveiller mon per- sonnel ; là, condition absolue, je n'avais à redouter pour mes écoliers la tentation irrésis- tible de l'abricot vert, la plaine s'étendait en long et en large, uniquement couverte de thym en fleurs et de cailloux roulés. 11 y avait libre place pour tous les polygones imaginables; trapèzes et triangles pouvaient s'y marier de toutes les façons. Les distances inaccessibles s'y sentaient les coudées franches; et même une vieille masure, autrefois colombier, y prê- tait sa verticale aux exploits du graphomètre. « Or, dès la première séance, quelque chose de suspect attira mou attention. Un écolier était-il envoyé au loin planter un jalon, je le voyais faire en chemin stations nombreuses, se baisser, se relever, chercher, se baisser encore, oublieux de l'alignement et des signaux. Un autre, chargé de relever les fiches, oubliait la brochette de fer et prenait à sa place un cail- lou; un troisième, sourd aux mesures d'angle, émiettait entre les mains une motte de terre. La plupart étaient surpris léchant un bout de paille. Et le polygone chômait, les diagonales étaient en souffrance. Qu'était-ce donc que ce mystère ? « Je m'informe, et tout s'explique. Né fureteur, observateur, l'écolier savait depuis longtemps ce qu'ignorait encore le maître. Sur les cailloux de l'harmas, une grosse Abeille noire fait des Nids de terre. Dans ces Nids, il y a du miel ; et mes arpenteurs les ouvrent pour vider les cel- lules avec une paille. La manière d'opérer m'est enseignée. Le miel, quoique un peu fort, est très acceptable. J'y prends goût à mon tour, et me joius aux chercheurs de Nids. On re- prendra plus tard le polygone. C'est ainsi que, pour la première fois, je vis l'Abeille maçonne de Réaumur, ignorant son histoire, ignorant son historien. « Ce magnifique Hyménoptère, portant ailes d'un violet sombre et costume de velours noir, ses constructions rustiques sur les galets en- soleillés parmi le thym, son miel apportant diversion aux sévérités de la boussole et de l'é- 612 LES CHALICODOMES. querre d'arpenteur, lirent impression vivacecn mon esprit; et je di^sirai en savoir plus long que ne m'en avaient appris les écoliers: déva- liser les cellules de leur miel avec un bout de paille. Justement mon libraire avait en vente un magnifique ouvrage sur les Insectes : Histoire naturelle des animaux articulés, jtar de Castelnau, E. Blanchard, et H. Lucas. C'était riche d'une foule de figures qui vous prenaient par l'œil; mais, hélas! c'était aussi d'un prix! ah! d'un prix! Qu'importe : mes somptueux revenus, mes 700 francs ne devaient-ils pas suffire atout, nourriture de l'esprit comme celle du corps. Ce que je donnerai de plus à l'une, je le re- trancherai à l'autre, balance à laquelle doit fatalement se résigner quiconque prend la science pour gagne-pain. L'achat fut fait. Ce jour-là, ma prébende universitaire reçut sai- gnée copieuse : je consacrai à l'acquisition du livre un mois de traitement. Un miracle de parcimonie devait combler plus tard l'énorme déficit. «Le livre fut dévoré, c'est le mot. J'y appris le nom de mon Abeille noire; j'y lus pour la première fois des détails de mœurs entomolo- giques; j'y trouvai, enveloppés à mes yeux d'une sorte d'auréole, les noms vénérés des Héaumur, des Huber, des Léon Du four; et tan- dis que je feuilletais l'ouvrage pour la centième fois, une voix intime vaguement en moi chu- chotait : Et toi aussi, tu sei'as historien des bêtes. — Naïves illusions, qu'êtes-vous deve- nues ! Mais refoulons ces souvenirs, tristes et doux à la fois, pour arriver aux faits et gestes de notre Abeille noire. « Chalieof/oine, c'est-à-dire maison en caillou- lage, en béton, en mortier; dénomination on ne peut mieux réussie, si ce n'était sa tournure bizarre pour qui n'est pas nourri de la moelle du grec. Ce nom s'applique, en effet, à des Hyménoptères qui bâtissent leurs cellules avec des matériaux analogues à ceux que nous em- ployons pour nos demeures. L'ouvrage de ces Insectes est travail de maçon, mais de maçon rustique plus versé dans le pisé que dans la pierre de taille. Etranger aux classifications scientifiques, ce qui jette grande obscurité dans plusieurs de ses mémoires, Réaumur a nommé l'ouvrier d'après l'ouvrage et appelé nos bâtis- seurs en pisé Abeilles maçonnes: ce qui les peint d'un mot. « Nos pays en ont trois : leChalicodome des murailles [Chalicodoma muritria, Fabr.), celui dont Réaumur a magistralement donné l'his- toire; le C/ialieodoma rtifitarsis, Giraud ; et le Chalicodoma rufescens, J. Pérez. Pour ne pas nous perdre au milieu de ces rousseurs, don- nons au second le nom de Chalicodome des hangars ; et au troisième, celui de Chalico- dome des arbustes. L'emplacement occupé par les Nids explique ces dénominations. Dans la première espèce, les deux sexes sont de coloration si différente, qu'un observateur novice, tout surpris de les voir sortir d'un môme Nid, les prend d'abord pour étrangers l'un à l'autre. La femelle est d'un superbe noir velouté avec les ailes d'un violet sombre. Chez le mâle, ce velours noir est remplacé par une toison d'un roux ferrugineux assez vif. Les deux autres espèces, de taille bien moins grande, n'ont pas cette opposition de couleurs ; les deux sexes y portent même costume, mélange diffus de brun, de roux et de cendré. Enfin le bout de l'aile, lavé de violacé sur un fonds rembruni, rappelle, mais de loin, la riche pourpre de la première. Les trois espèces commencent leur travail à la même époque, vers les premiers jours de mai. «Gomme support de sonNid, le Chalicodome des murailles fait choix, dans les provinces du Nord, ainsi que nous l'apprend Réaumur, d'une muraille bien exposée au soleil et non recou- verte de crépi, qui, se détachant, compromet- trait l'avenir des cellules. Il ne confie ses constructions qu'à des fondements solides, à la pierre nue. Dans le midi, je lui reconnais même prudence ; mais j'ignore pour quel motif, à la pierre de la muraille, il préfère géné- ralement ici une autre base. Un caillou roulé, souvent guère plus gros que le poing, un de ces galets dont les eaux de la débâcle glaciaire ont recouvert les terrasses de la vallée du Rhône, voilà le support de prédilection. L'extrême abondance de pareil emplacement pourrait bien être pour quelque chose dans le choix de l'Hyménoptère : tous nos plateaux de faible élé- vation, tous nos terrains arides à végétation de Thym, ne sont qu'amoncellement de galets ci- mentés de terre rouge. Dans les vallées, le Cha- licodome a de plus à sa disposition les pier- railles des torrents. Au voisinage d'Orange, par exemple, ses lieux préférés sont les alluvions de l'Aygues, avec leurs nappes de cailloux rou- lés que les eaux ne visitent plus. Enfin, à défaut de galet, l'Abeille maçonne s'établit sur une pierre quelconque, sur une borne de champs, sur un mur de clôture. «Le Chalicodome des hangars met encore plus LES CHALICODOMES. 613 de variété dans ses choix. Son emplacement de prédilection est la face inférieure des tuiles en brique faisant saillie au bord d'une toiture. 11 n'est petite habitation des champs qui n'abrite ses Nids sous le lebord du toit. Là, tous les printemps, il s'établit pai' colonies populeuses, dont la maçonnerie, transmise d'une généra- tion à l'autre, et chaque année amplifiée, finit par couvrir d'amples surfaces. J'ai vu tel de ces Nids qui, sous les tuiles d'un hangar, occupait une superficie de cinq ;\ six mètres carrés. En plein travail, c'était un monde étourdissant par le nombre et le bruissement des travailleurs. Le dessous d'un balcon plaît également au Chali- codome, ainsi que l'embrasure d'une fenêtre abandonnée, surtout si elle est close d'une per- sienne qui lui laisse libre passage. Mais ce sont là lieux de grands rendez-vous, où travaillent, chacun pour soi, des centaines et des milliers d'ouvriers. S'il est seul, ce qui n'est pas rare, le Chalicodome des hangars s'établit dans le premier petit recoin venu, pourvu qu'il y trouve base lise et chaleur. La nature de celte base lui est d'ailleurs fort indifférente. J'en ai vu bâtir sur la pierre nue, sur la brique, sur le bois des contrevents, et jusque sur les carreaux de vitre d'un hangar. Une seule chose ne lui va pas, le crépi de nos habitations. Aussi prudent que son congénère, il craindrait la ruine des cellules, s'il les confiait à un appui dont la chute est possible. " Le Chalicodome des arbustes choisit une autre assiette pour sa bâtisse : de sa lourde maison de mortier, qui semblerait exiger le so- lide appui du roc, il fait demeure aérienne, ap- pendue à un rameau. Un arbuste des haies, quel qu'il soit, aubépine, grenadier, paliure, lui fournit le support, habituellement à hauteur d'homme. Le Chêne-vert et l'Orme lui don- nent élévation plus grande. Dans le fourré buissonneux, il fait donc choix d'un rameau de la grosseur d'une paille; et sur cette étroite base, il construit son édifice en mortier. Ter- miné, le Nid est une boule de terre, traversée latéralement par le rameau. La grosseur en est celle d'un Abricot si l'ouvrage est d'un seul, et celle du poing si plusieurs Insectes y ont collaboré; mais ce dernier cas est rare. « Les trois Hyménoptères font emploi des mêmes matériaux : terre argilo -calcaire, mé- langée d'un peu de sable et pétrie avec la salive même du maçon. Les lieux humides, qui faci- literaient l'exploitation et diminueraient la dé- pense en salive pour gâcher le mortier, sont dédaignés des Chalicodomes, qui refusent la terre fraîche pour b.ltir, de même que nos constructeurs refusent plâtre éventé et chaux depuis longtemps éteinte. De pareils matériaux, gorgés d'humidité pure, ne feraient pas conve- nablement prise. Ce qu'il leur faut, c'est une poudre aride, qui s'imbibe avidement de la salive dégorgée et forme, avec les principes al- bumineux de ce liquide, une sorte de ciment romain prompt à durcir, quelque chose enfin de comparable au mastic que nous obtenons avec de la chaux vive et du blanc d'œuf. <' Une route fréquentée, dont l'empierrement de galets calcaires, broyés sous les roues, est devenu surface unie, semblable à une dalle continue, telle est la carrière à mortier qu'ex- ploite de préférence le Chalicodome des ban- gars, c'est toujours au sentier voisin, au chemin, à la route, qu'il va récolter de quoi bâtir, sans se laisser distraire du travail par le continuel passage des gens et des bestiaux. Il faut voir l'active Abeille à l'œuvre quand le chemin res- plendit de blancheur sous les rayons d'un soleil ardent. Entre la ferme voisine, chantier où l'on construit, et la route, chantier où le mortier se prépare, bruit le grave murmure des arrivants et des partants qui se succèdent, se croisent sans interruption. L'air semble tra- versé par de continuels traits de fumée, tant l'essor des travailleurs est direct et rapide. Les parlants s'en vont avec une pelote de mortier de la grosseur d'un grain de plomb à lièvre ; les arrivants aussitôt s'installent aux endroits les plus durs, les plus secs. Tout le corps en vibration, ils grattent du bout des mandibules, ils ratissent avec les tarses antérieurs, pour extraire des atomes de terre et des granules de sable, qui, roulés entre les dents, s'imbibent de salive et se prennent en une masse com- mune. L'ardeur au travail est telle, que l'ouvrier se laisse écraser sous les pieds des passants plu- tôt que d'abandonner son ouvrage. Enfin le Chalicodome des murailles, qui recherche la solitude, loin des habitations de l'homme, se montre rarement sur les chemins battus, peut- être parce qu'ils sont trop éloignés des lieux où il construit. Pourvu qu'il trouve à proximité du galet adopté comme emplacement du Nid, de la terre sèche, riche en menus graviers, cela lui suffit. i< L'Hyménoplère peut construire tout à fait à neuf, sur un emplacement qui n'a pas encore été occupé ; ou bien utiliser les cellules d'un vieux nid après les avoir restaurées. Exami- 61^ LES GHALIGODOMES. lions d'abord le premier cas. — Après avvoir fait choix de son galet, le Chalicodome des murailles y arrive avec une pelote de mortier entre les mandibules, et la dispose en un bour- relet circulaire sur la surface du caillou. Les pattes antérieures et les mandibules surtout, premiers outils du maçon, mettent en œuvre la matière, que maintient plastique l'humeur salivaire peu à peu dégorgée. Pour consolider le pisé, des graviers anguleux, de la grosseur d'une lentille, sont enchâssés un à un, mais seulement à l'extérieur, dans la masse encore molle. Voili la fondation de l'édifice. A celte première assise en succèdent d'autres, jusqu'à ce que la cellule ait la hauteur voulue, de deux à trois centimètres. « Nos maçonneries sont formées de pierres superposées et cimentées entre elles par de la chaux. L'ouvrage du Chalicodome peut sou- tenir la comparaison avec le nôtre. Pour faire économie de main-d'œuvre et de mortier, l'Hy- ménoptère, en elfet, emploie de gros maté- riaux, de volumineux graviers, pour lui vraies pierres de taille. Il les choisit un par un avec soin, bien durs, presque toujours avec des an- gles qui, agencés les uns dans les autres, se prêtent mutuel appui et concourent à la soli- dité de l'ensemble. Des couches de mortier, in- terposées avec épargne, les maintiennent unis. Le dehors de la cellule prend ainsi l'aspect d'un travail d'architecture rustique, où les pierres font saillie avec leurs inégalités natu- relles; mais l'intérieur, qui demande surface plus fine pour ne pas blesser la tendre peau du Ver, est revêtu d'un crépi de mortier pur. Du reste, cet enduit interne est déposé sans art, on pourrait dire à grands coups de truelle ; aussi le Ver a-t il soin , lorsque la pâtée de miel est finie, de se faire un cocon et de tapisser de soie la grossière paroi de sa demeure. Au contraire, les Anthophores et les Halycles, dont les Larves ne se tissent pas de cocon, glacent délicate- ment la face intérieure de leurs cellules de terre et lui donnent le poli de l'ivoire tra- vaillé. «La construction, dont l'axeesttoujoursàpeu près vertical et dont l'orifice regarde le haut pour ne pas laisser écouler le miel, de nature assez fluide, diffère un peu de forme suivant la base qui la supporte. Assise sur une surface horizontale, elle s'élève en manière de petite tour ovalaire ; fixée sur une surface verticale ou inclinée, elle ressemble à la moitié d'un dé à coudre coupé dans le sens de sa longueur. Dans ce cas, l'appui lui-môme, le galet, com- plète la paroi d'enceinte. * <( La cellule terminée, l'Abeille s'occupe aus- sitôt de l'approvisionnement. Les fleurs du voi- sinage, en particulier celles du Genêt épine- fleurie [Genista scorpiiis), qui dorent au mois de mai les alluvions des torrents, lui fournissent liqueur sucrée et pollen. Elle arrive, le jabot gonflé de miel, et le ventre jauni en dessous de poussière pollinique. Elle plonge dans la cellule la tête la première, et pendant quelques ins- tants on la voit se livrer à des haut-le-corps, signe du dégorgement de la purée mielleuse. Le jabot vide, elle sort de la cellule pour y ren- trer à l'instant même, mais cette fois à recu- lons. Maintenant, avec les deux pattes de der- rière, l'Abeille se brosse la face inférieure du ventre et en- fait tomber la charge de pollen. Nouvelle sortie et nouvelle rentrée la tête la pre- mière. Il s'agit de brasser la matière avec la cuiller des mandibules, et de faire du tout un mélange homogène. Ce travail de mixtion ne se répète pas à chaque voyage : il n'a lieu que de loin en loin quand les matériaux sont amassés en quantité notable. " L'approvisionnement est au complet lors- que la cellule est à demi pleine. 11 reste à pon- dre un OEuf à la surface de la pâtée et à fermer le domicile. Tout cela se fait sans délai. La clôture consiste en un couvercle de mortier pur, que l'Abeille construit progressivement de la circonférence au centre. Deux jours au plus m'ont paru nécessaires pour Tensenible du travail, à la condition que le mauvais temps, ciel pluvieux ou simplement nuageux, ne vienne pas interrompre l'ouvrage. Puis, ados- sée à cette première cellule, une seconde est bâtie et approvisionnée de la même manière. Une troisième, une quatrième, etc , succèdent, toujours pourvues de miel, d'un OEuf, et clôtu- rées avant la fondation de la suivante. Tout travail commencé est poursuivi jusqu'à parfaite exécution ; l'Abeille n'entreprend nouvelle cel- lule que lorsque sont terminés, pour la précé- dente, les quatre actes de la construction, de l'approvisionnement, de la ponte et de la clô- ture. « Gomme le Chalicodome des murailles tra- vaille toujours solitaire sur le galet dont il a fait choix, et se montre même fort jaloux de son emplacement lorsque des voisins viennent s'y poser, le nombre des cellules adossées l'une à l'autre sur le même caillou n'est pas consi- dérable, de six à dix le plus souvent. Huit Lar- LES CHALIGODOMES. 615 ves environ est-ce là toute la famille de l'Hymé- noptère;ou bien celui-ci va-t-il établir apr5s sur d'autres galets progéniture plus nom- breuse? La surface de la m?me pierre est assez large pour fournir encore appui ;\ d'autres cel- lules si la ponte le réclamait ; l'Abeille pour- rail y bâtir 1res à l'aise sans se mettre en re- cherche d'un autre emplacement, sans quitter le galet auquel attachent les habitudes, la lon- gue fréquentation. 11 me paraît donc fort pro- bable que la famille, peu nombreuse, est éta- blie au complet sur le même caillou, du moins lorsque le Chalicodome bâtit à neuf. « Les si.x à dix cellules composant le groupe sont certes demeure solide, avec leur revôle- menl rustique de graviers ; mais l'épaisseur de leurs parois et de leurs couvercles, deux milli- mélres au plus, ne paraît guère suffisante pour défendre les Larves quand viendront les intem- péries. Assis sur sa pierre, en plein air, sans aucune espèce d'abri, le Nid subira les ardeurs de lélé, qui feront de chaque cellule une étuve étouffante; puis les pluies de l'automne, qui lentement corroderont l'ouvrage; puis encore les gelées d'hiver, qui émietteront ce que les pluies auront respecté. Si dur que soit le ci- ment, pourra-t-il résister à. toutes ces causes de destruction ; et s'il résiste, les Larves abritées par une paroi trop mince, n'auront-elles pas ;\ redouter chaleur trop forte en été, froid trop vif en hiver? « Sans avoir fait tous ces raisonnements, l'A- beille n'agit pas moins avec sagesse. Toutes les cellules terminées, elle maçonne sur le groupe un épais couvert, qui, formé d'une matière inattaquable par l'eau et conduisant mal la chaleur, à la fois défend de l'humidité, du chaud et du fioid. Cette matière est l'habituel mortier, la terre gâchée avec de la salive; mais, celte fois sans mélange de menus cailloux. L'Hyménoptère en applique, pelottepar pelolte, truelle par truelle, une couche d'un centimè- tre d'épaisseur sur l'amas des cellules, qui dis- paraissent complètement noyées au centre de la minérale couverture. Cela fait, le Nid a la forme d'une sorte de dôme grossier, équiva- lant en grosseur à la moitié d'une orange. On le prendrait pour une boule de boue qui, lan- cée contre une pierre, s'y serait à demi écrasée et aurait séché sur place. Rien au dehors ne trahit le contenu, aucune apparence de cellu- les, aucune apparence de travail. Pour un œil non exercé, c'est un éclat fortuit de boue, et rien de plus. « La dessiccation de ce couvert général est prompte ;\ l'égal de celle de nos ciments hy- drauliques; et alors la dureté du Nid est pres- que comparable à celle d'une pierre. Il faut une solide lame de couteau pour entamer la construction. Disons, pour terminer, que sous sa forme finale, le Nid ne rappelle en rien l'ou- vrage primitif, tellement que l'on prendrait pour travail de deux espèces diflérentes, les cellules du début, élégantes tourelles à revête- ment de cailloutage, et le dôme de la fin, en apparence simple amas de boue. Mais grattons le couvert de ciment, et nous trouverons en dessous les cellules et leurs assises de menus cailloux parfaitement reconnaissables. «Au lieu de bâtir à neuf, sur un galet qui n'a pas été encore occupé, le Chalicodome des mu- railles volontiers utilise les vieux Nids qui ont traversé l'année sans subir notables dommages. Le dôme de mortier est resté, bien peu s'en faut, ce qu'il était au début, tant la maçonnerie a été solidement construite; seulement, il est percé d'un certain nombre d'orifices ronds, cor- respondant aux chambres, aux cellules qu'ha- bitaient les Larves de la génération passée. Pa- reilles demeures, qu'il suffit de réparer un peu pour les mettre en bon état, économisent grande dépense de temps et de fatigue; aussi les Abeilles maçonnes les recherchent et ne se décident pour des constructions nouvelles que lorsque les vieux Nids viennent à leur man- quer. « D'un môme dôme il sort plusieurs habitants, frères et sœurs, mâles roux et femelles noires, tous lignée de la même Abeille. Les mâles, qui mènent vie insouciante, ignorent tout travail et ne reviennent aux maisons de pisé que pour faire un instant la cour aux dames, ne se sou- cient de la masure abandonnée. Ce qu'il leur faut, c'est le nectar dans l'amphore des fleurs, et non le mortier h gâcher entre les mandibu- les. Restent les jeunes mères, seules chargées de l'avenir de la famille. A qui d'entre elles re- viendra l'immeuble, l'héritage du vieux Nid? Comme sœurs, elles y oui droit égal: ainsi le déciderait notre justice, depuis que, progrès énorme, elle s'est affranchie de l'antique et sauvage droit d'aînesse. Mais les Chalicodomes en sont toujours .\ la base première de la pro- priété : le droit du premier occupant. « Lors donc que l'heure de la ponle approche, l'Abeille s'empare du premierNid libre à sa con- venance, s'y établit; et malheur désormais h qui viendrait voisine ou sœur, lui en disputer 616 LES CHALICODOMES. la possession. Des poiii-suites acharnées, de chaudes bourrades auraient bientôt mis en fuite la nouvelle arrivée. Des diverses cellules qui bâillent, comme autant de puits, sur la rondeur du dôme, une seule pour le moment est nécessaiie ; mais l'Abeille calcule très bien que les autres auront plus lard leur utilité pour le restant des OEufs ; et c'est avec une vigilance jalouse qu'elle les surveille toutes pour en chasser qui viendrait les visiler. Aussi n'ai-je pas souvenir d'avoir vu deux maçonnes travail- ler à la fois sur le même galet. Il L'ouvrage est maintenant très simple. L'Hy- ménoptère e-xamiue l'intérieur de la vieille cel- lule pour reconnaître les points qui deman- dent réparation. Il arrache les lambeaux de cocon tapissant la paroi, extrait les débris ter- reux provenant de la voùle qu'a percée l'habi- tant pour sortir, crépit de mortier les endroits délabrés, restaure un peu Forifice, et tout se borne là. Suivent l'approvisionnement, la ponte et la clôture de la chambre. Quand toutes les cellules, l'une après l'autre, sont ainsi garnies, le couvert général, le dôme de mortier, reçoit quelques réparations s'il en est besoin; et c'est fini. Il A la vie solitaire, le Ghalicodome des han- gars préfère compagnie nombreuse ; et c'est par centaines, très souvent par nombreux milliers, qu'il s'établit à la face inférieure des tuiles d'un hangar ou du rebord d'un toit. Ce n'est pas ici véritable société, avec des intérêts communs, objet de l'attention de tous; mais simple ras- semblement, où chacun travaille pour soi et ne se préoccupe des autres; enfin une cohue de travailleurs rappelant l'essaim d'une Ruche uni- quement par le nombre et l'ardeur. Le mortier mis en œuvre est le même que celui du Ghali- codome des murailles, aussi résistant, aussi imperméable, mais plus fin et sans cailloutage. Les vieux Nids sont d'abord utilisés. Toute chambre libre est restaurée, approvisionnée et scellée. Mais les anciennes cellules sont loin de suffire à la population, qui, d'une année à l'autre, s'accroît rapidement. Alors, à la sur- face du Nid, dont les habitacles sont dissimulés sous l'ancien couvert général de morlier, d'au- tres cellules sont bâties, tant qu'en réclament les besoins de la ponte. Elles sont couchées horizontalement ou à peu près, les unes à côté des autres, sans ordre aucun dans leur dispo- sition. Chaque constructeur a les coudées fran- ches. Il bâtit où il veut et comme il veut, à la seule condition de ne pas gêner le travail des voisins ; sinon les houspillages des intéressés le rappellent à l'ordre. Les cellules s'amoncellent donc au hasard sur ce chantier où ne règne aucun esprit d'ensemble. Leur forme est celle d'un dé à coudre partagé suivant l'axe, et leur enceinte se complète soit par les cellules adja- centes, soit par la surface du vieux Nid. Au dehors, elles sont rugueuses et montrent une superposition de cordons noueux correspon- dant aux diverses assises de mortier. Au de- dans, la paroi en est égalisée sans être lisse, le cocon du Ver devant plus lard suppléer le poli qui manque. Il A mesure qu'elle est bâtie, chaque cellule est immédiatement approvisionnée et murée, ainsi que vient de nous le montrer le Ghalico- dome des murailles. Semblable travail se pour- suit pendant la majeure partie du mois de mai. Enfin tous les OEufs sont pondus, et les Abeilles, sans distinction de ce qui leur appartient et de ce qui ne leur appartient pas, entreprennent en commun l'abri général de la colonie. C'est une épaisse couche de mortier, qui remplit les intervalles et recouvre l'ensemble des cellules. Finalement, le Nid commun a l'aspect d'une large plaque de boue sèche, très irrégulière- ment bombée, plus épaisse au centre, noyau primitif de l'établissement, plus mince aux bords, où ne sont encore que des cellules de fondation nouvelle, et d'une étendue fort va- riable suivant le nombre des travailleurs, el par conséquent suivant l'âge du nid premier fondé. Tel de ces Nids n'est guère plus grand que la main; tel aulie occupe la majeure partie du rebord d'une toiture et se mesure par mètres carrés. Travaillant seul, ce qui n'est pas rare, sur le contrevent d'une fenêtre abandonnée, sur une. pierre, le Ghalicodome des hangars n'agit pas d'autre manière. Il Le Ghalicodome des arbustes pour la plu- part du temps s'établit solitaire. Il commence par mastiquer solidement sur l'étroit appui d'un rameau la base de sa cellule. Ensuite la cons- truction s'élève et prend forme d'une tourelle verticale. A cette première cellule approvision- née el scellée, en succède une autre, ayant pour soutien, outre le rameau, le travail déjà fait. De six à dix cellules sont ainsi groupées l'une à côté de l'autre. Puis un couvert générai de mortier enveloppe le tout et englobe dans son épaisseur le rameau, ce qui fournit solide point d'attache. » Expériences. — « Édifiés sur des galets de petit volume, que l'on peut transporter où bon LKS CHALICODOMES. (il7 rig. 849. Fig.848. Fig. 848. — Le Mâle. Fig. 849. — La Femelle. Fig. 8:)0. Fig. 850. — La Larve dans sa cellule. Fig. 848 à 860. — Le Clialicodome des murailles et son Nid. (Il a été brisé sur le côté pour montrer la disposition des cellules.) VOUS semble, déplacer, échanger entre eux, sans troubler soit le travail du constructeur, soit le repos des habitants des cellules, les Nids du Chalicodonie des murailles se prêtent faci- lement ;\ l'expérimentation, seule méthode qui puisse jeter un peu de clarté sur la nature de l'instinct. Pour étudier avec quelque fruit les facultés psychiques de la bête, il ne suffit pas de savoir profiter des circonstances qu'un heu- reux hasard présente à l'observation; il faut savoir en faire naître d'autres, les varier autant que possible, et les soumettre à un contrôle mutuel; il faut enfin expérimenter pour donner à la science une base solide de faits. Ainsi s'é- vanouiront un jour, en face de documents précis, les clichés fantaisisles dont nos livres sont encombrés : Scarabée conviant des collè- gues à lui prêter main forte pour retirer sa pi- lule du fond d'une ornière, Sphex dépeçant sa Mouche pour la transporter malgré l'obstacle du vent, et tant d'autres dont abuse qui veut trouver dans l'Animal ce qui n'y est réellement pas. Ainsi encore se prépareront les matériaux ([ui mis en œuvre tôt ou lard par une main sa- vante, rejetteront dans l'oubli des théories pré- maturées, assises sur le vide. (1 Réaumur, d'habitude, se borne à relever les faits tels qu'ils se présentent à lui dans le cours normal des choses, et ne songe à scruter plus avant le savoir faire de l'Insecte au moyen de conditions artificiellement réalisées. A son époque tout était à faire; et la moisson si grande, que l'illustre moissonneur va au plus Bremm. — VII. pressé, la rentrée de la récolte, et laisse à ses successeurs l'examen en détail du grain et de l'épi. Néanmoins, au sujet du Chalicodome des murailles, il mentionne une expérience entre- prise par son ami Du Hamel. 11 raconte com- ment un Nid d'Abeille maçonne fut renfermé sous un entonnoir en verre, dont on avait eu soin de boucher le bout avec une simple gaze. Il en sortit trois mâles qui, étant venus à bout d'un mortier dur comme pierre, ne tentèrent pas de percer une fine gaze ou jugèrent ce tra- vail au-dessus de leurs forces. Les trois Abeilles périrent sous l'entonnoir. Communément les Insectes, ajoute Réaumur, ne savent faire que ce qu'ils ont besoin de faire dans l'ordre ordi- naire de la nature. « L'expérience ne me satisfait pas, pour deux motifs. Et d'abord, donner ;\ couper une gaze à des ouvriers outillés pour percer un pisé équivalant du tuf, ne me paraît pas inspiration heureuse : on ne peut demander à la pioche d'un terrassier le travail des ciseaux d'une cou- turière. En second lieu, la transparente prison de verre me semble mal choisie. Dès qu'il s'est ouvert un passage à travers l'épaisseur de son dôme de terre, l'Insecte se trouve au jour, à la lumière, et pour lui le jour, la lumière, c'est la délivrance finale, c'est la liberté. Il se heurte à un obstacle invisible, le verre; pour lui le verre est un rien qui arrête. Par de là, il voit l'étendue libre, inondée de soleil. Il s'exténue en efforts pour y voler, incapable de compren- dre l'inutilité de ses tentatives contre cette Insectes. — 78 OIS LES CHALICODOMES. étrange barrière qui ne se voit pas. Il périt enfin épuisé, sans avoir donné, dans son obsti- nation, un regard à la gaze fermant la che- minée conique. L'expérience est à refaire en de meilleures conditions. « L'obstacle que je choisis est du papier gris ordinaire, suffisaminent opaque pour mainte- nir l'Insecte dans l'obscurité, assez mince pour ne pas présenter de résistance sérieuse aux efforts du prisonnier. Comme il y a fort loin, en tant que nature de barrière, d'une cloison de papier à une voiile du pisé, informons-nous d'abord si le Chalicodome des murailles sait, ou pour mieux dire peut se faire jour à travers pareille cloison. Les mandibules, pioches aptes à percer le dur mortier, sont-elles également des ciseaux propres à couper une mince mem- brane? Voilà le point dont il faut avant tout s'informer. « En février, alors que l'Insecte est déjà dans son état parfait, je retire, sans les endomma- ger, un certain nombre de cocons de leurs cellules, et je les introduis, chacun à part, dans un bout de roseau, fermé à une extrémité par la cloison naturelle du nœud, ouvert à l'autre. Ces fragments de Roseau représenteront les cellules du Nid. Les cocons y sont introduits de manière que la tête de l'Insecte soit tournée vers l'orifice. Enfin mes cellules artificielles sont clôturées de différentes manières. Les unes reçoivent dans leur ouverture un tampon de terre pétrie, qui, desséchée, équivaudra en épaisseur et en consistance au plafond de mortier du Nid naturel. Les autres ont pour clôtuie un cylindre de Sorgho à balai, épais au moins d'un centimètre ; enfin quelques-unes sont bouchées avec une rondelle de papier gris solidement fixée parles bords. Tous ces bouts de Roseau sont disposés à côté l'un de l'autre dans une boîte, verticalement et la cloison de ma fabrique en haut. Les Insectes sont donc dans la position exacte qu'ils avaient dans le Nid. Pour s'ouvrir un passage, ils doivent faire ce qu'ils auraient fait sans mon intervention : fouiller le paroi située au-dessus de leur tête. J'abrite le tout sous une large cloche de verre et j'attends le mois de mai, époque de la sortie. "Les résultats dépassent, et de beaucoup, mes prévisions. Le tampon de terre, œuvre de mes doigts, est percé d'un trou rond, ne différant en rien de celui que le Chalicodome pratique à travers son dôme natal de mortier. La barrière végétale, si nouvelle pour mon prisonnier, c'est- à-dire le cylindre en tige de Sorgho, s'ouvre pareillement d'un orifice que l'on dirait fait à l'emporte-pièce. Enfin, l'opercule de papier gris livre passage à l'Hyménoptère, non par une effraction, une déchirure violente, mais encore au moyen d'un trou rond nettement délimité. Donc mes Abeilles sont capables d'un travail pour lequel elles n'étaient pas nées; elles font, pour sortir de leurs cellules de ro- seau, ce que leur race n'avait probablement jamais fait; elles perforent la paroi de moelle de sorgho, elles trouent la barrière de papier, comme ellesauraient percé leur naturel plafond de pisé, guand vient le moment de se libérer, la nature de l'obstacle ne les arrête pas, pourvu qu'il ne soit pas au-dessus de leurs forces ; et désormais des raisons d'impuissance ne peu- vent être invoquées s'il s'agit d'une simple barrière de papier. « En même temps que les cellules faites de bouts de roseau, étaient préparés et mis sous la cloche deux Nids intacts assis sur leurs ga- lets. Sur l'un d'eux, j'ai fi.xé une feuille de pa- pier gris étroitement appliquée contre le dôme de mortier. Pour sortir, l'Insecte devra percer la couche de terre, puis la feuille de papier, qui lui succède sans intervalle vide. Autour de l'autre, j'ai collé sur la pierre un petit cône du même papier gris. Il y a donc ici, comme dans le premier cas, double enceinte, paroi de terre et paroi de papier, avec cette différence que les deux enceintes ne font plus immédiatement suite l'une à l'autre, mais sont séparées par un intervalle vide, d'un centimètre environ à la base, et croissant à mesure que le cône s'élève. Les résultats de ces deux préparations sont tout différents. Les Hyménoptères du Nid à feuille de papier appliquée sur le dôme sans intervalle, sortent en perçant la double en- ceinte, dont la dernière, l'enveloppe de papier, est trouée d'un orifice rond bien net, comme nous en ont déjà montré les cellules en bout de Roseau fermées d'un couvercle de même nature. Pour la seconde fois, nous reconnais- sons ainsi que si le Chalicodome s'arrête de- vant une barrière de papier, la cause n'en est pasàson impuissancecontre pareil obstacle. Au contraire, après s'être fait jour à travers le dôme de terre, les habitants du Nid recouvert du cône, trouvant à distance la feuille de pa- pier, n'essaient pas même de percer cet obsta- cle, dont ils auraient si facilement triomphé si la feuille eût été appliquée sur le Nid. Sans ten- tative de libération, ils meurent sous le cou- vert. Ainsi avaient péri, dans l'entonnoir de LES CHALICODOMES. 619 verre, les Abeilles de Réaumur, n'ayant, pour être libres, qu'une gaze à percer. Ce fait me parait riche de conséquences. Comment ! Voilà de robustes Insectes, pour qui forer le tuf est un jeu, pour qui tampon de bois tendre et diaphragme de papier sont pa- rois si faciles à trouer malgré la nouveauté de la matière, et ces vigoureux démolisseurs se laissent sottement périr dans la prison d'un cornet, qu'ils éventreraient en un seul coup de mandibules? Cet éventrement, ils le peuvent, mais ils n'y songent pas. Le motif de leur stupide inaction ne saurait être que celui-ci. L'Insecte est excellement doué en outils et en facultés instinctives pour accomplir l'acte final de ses Métamorphoses : l'issue du cocon et de la cellule. 11 a dans ses mandibules ciseaux, lime, pic, levier, pour couper, ronger, abattre tant, son cocon et sa muraille de mortier que toute autre enceinte, pas par trop tenace, sub- stituée à la paroi naturelle du Nid. De plus, condition majeure sans laquelle l'outillage res- terait inutile, il y a, je ne dirai pas la volonté de se servir de ces outils, mais bien un stimu- lant intime qui l'invite à les employer. L'heure de la sortie venue, ce stimulant s'éveille, et l'Insecte se met au travail du forage. Peu lui importe alors que la matière à trouer soit le mortier naturel, la moelle de Sorgho, le papier : le couvercle qui l'emprisonne ne lui résiste pas longtemps. Peu lui importe même qu'un supplément d'épaisseur s'ajoute à l'obs- tacle, et qu'à l'enceinte de terre se superpose une enceinte de papier ; les deux barrières, non séparées par un intervalle, n'en font qu'une pour l'Hyménoptère, qui s'y fait jour parce que l'acte de la délivrance se maintient dans son unité. Avec le cône de papier, dont la paroi reste un peu à distance, les conditions changent, bien que l'enceinte totale, au fond, soit la même. Une fois sorti de sa demeure de terre, l'Insecte a fait tout ce qu'il était destiné à faire pour se libérer; circuler librement sur le dôme de mortier est pour lui la fin de la délivrance, la fin de l'acte où il faut trouer. Autour du Nid une autre barrière se présente, la paroi du cornet; mais pour la percer il faudrait renou- veler l'acte qui vient d'être accompli, cet acte auquel l'Insecte ne doit se livrer qu'une fois en sa vie; il faudrait enfin doubler ce qui de sa nature est un, et l'Animal ne le peut unique- ■ ment parce qu'il n'en a pas le vouloir. L'Abeille maçonne périt faute de la moindre lueur d'in- telligence. Et dans ce singulier intellect, il est de mode aujourd'hui de voir un rudiment de la raison humaine! La mode passera, et les faits resteront, nous ramenant aux bonnes vieilleries de l'àmc et de ses immortelles des- tinées. « Réaumur raconte encore comment son ami Du Hamel, ayant saisi avec des tenettes une Abeille maçonne qui était entrée en partie dans une cellule, la tête la première, pour la rem- plir de pâtée, la porta dans un cabinet assez éloigné de l'endroit où il l'avait prise. L'Abeille lui échappa dans ce cabinet et s'envola par la fenêtre. Sur-le-champ Du Hamel se rendit au Nid. La maçonne y arriva presque aussitôt que lui, et reprit son travail. Elle en parut seule- ment un peu plus farouche, conclut le narra- teur. « Que n'étiez-vous ici, vénéré maître, avec moi sur les bords de l'Aygues, vaste nappe de galets à sec les trois quarts de l'année, torrent énorme quand il pleut ; je vous eusse montré incomparablement mieux que la fugitive échap- pée aux tenettes. Vous eussiez assisté, parta- geant ma surprise, non à un bref essor de la maçonne qui, transportée dans un cabinet voi- sin, se délivre, et revient aussitôt au Nid, dont les environs lui sont familiers; mais à des voyages de longs cours et par des voies incon- nues. Vous eussiez vu l'Abeille, dépaysée par mes soins à de grandes distances, rentrer chez elle avec un tact géographique que ne désa- voueraient pas l'Hirondelle, le Martinet et le Pigeon voyageur ; et vous vous seriez demandé, comme moi, quelle inexplicable connaissance de la carte des lieux guide cette mère en re- cherche du Nid. « Venons au fait. Il s'agit de renouveler avec le Chalicodome des murailles mes expériences d'autrefois avec les Cerceris : transporter dans l'obscurité l'Insecte fort loin de son Nid et l'a- bandonner à lui-même après l'avoir marqué. Si quelqu'un se trouvait désireux de répéter l'épreuve, je lui transmets ma manière d'opé- rer, ce qui pourra abréger les hésitations du début. L'Insecte que l'on destine à long voyage doit être évidemment saisi avec cer- taines précautions. Pas de tenettes, pas de pinces, qui pourraient fausser une aile, donner une entorse, et compromettre la puissance d'essor. Tandis que l'Abeille est à sa cellule, absorbée dans son travail, je la recouvre d'une petite éprouvette de verre. En s'envolant, la maçonne s'y engouffre, ce qui rne permet, sans la toucher, de la transvaser aussitôt dans un (520 LES GHALIGODOMES. cornet de papier, que je me hâle de fermer. Une boîte en fer-blanc, boîte d'herborisation, me sert au transport des prisonnières, chacune dans son cornet. « C'est sur les lieux choisis comme point de départ, que le plus délicat reste à faire : mar- quer chaque captive avant sa mise en liberté. Je fais emploi de craie en poudre fine, délayée dans une forte dissolution de gomme arabique. La bouillie, déposée avec un bout de paille sur un point de l'Insecte, y laisse tache blanche, qui promptement se sèche et adhère à la loi- son. S'il s'agit de marquer un Chalicodome pour ne pas le confondre avec un autre dans des expériences de courte durée, comme j'en rapporterai plus loin, je me borne à toucher de ma paille chargée de couleur, le bout de l'ab- domen, tandis que l'Insecte est à demi plongé dans la cellule, la tête en bas. Cet attouche- ment léger passe inaperçu de l'Hyménoptôre, qui continue son travail sans dérangement au- cun ; mais la marque n'est pas bien solide, et de plus elle est en un point défavorable à sa conservation, car l'Abeille, avec ses fiéquenis coups de brosse sur le ventre pour détacher le pollen, tôt ou t.ird la fait disparaître. C'est donc au beau milieu du thorax, entre les ailes, que je dépose le point de craie gommée. Dans ce travail, l'emploi de gants n'est guère possible : les doigts réclament toute leur dex- térité pour saisir avec délicatesse la remuante Abeille et maîtriser ses efforts sans brutale pression. On voit déjà qu'à ce métier, s'il n'y a pas d'autre profit, il y a du n)oins gain assuré de piqûres. Un peu d'adresse fait éviter le dard, mais pas toujours. On s'y résigne. Du reste, la piqûre des Chalicodomes est loin d'être aussi cuisante que celle de l'Abeille domestique. Le point blanc est déposé sur le thorax; la ma- çonne part, et la marque se sèche en route. Une première fois, je prends deux Chalico- domes des murailles occupées à leurs Nids sur les galets des alluvions de l'Aygues, non loin de Sérignan ; et je les transporte chez moi, à Orange, où je les lâche après les avoir mar- quées. D'après la carte de l'État-major, la dis- tance entre les deux points est d'envii on quatre kilomètres en ligne droite. La mise en liberté des captives a lieu sur le soir, à une heure où les Hyménoptères commencent à mettre fin aux travaux de la journée. Il est alors proba- ble que mes deux Abeilles passeront la nuit dans le voisinage. habitiKleH, n'-Kinie. — Les Abeilles établissent leurs Nids dans les creux d'arbres, les l'entes des murailles, les cavités du sol; elles y construisent des cellules en dés à coudre, alignées, qu'elles confectionnent d'une manière trèsbabile avec les feuilles decertaines plantes. On a trouvé dans leurs Nids, comme matériaux de construction, des lambeaux de feuilles de Tremble, de Charme, de Saule, de Lilas, el surtout de Rosiers. LA MEGACIIILE DIT lU^SIKU OU ABIÎILLE COUPEUSE I»E EEL'ILLES CO.nMUISE. — UEGACUILE CEN- ■JUNCULAJilS. Gemeine Blatlf.chneider. Caractères. — Cette Abeille tapissière com- mune est mélangée de noir et de jaune-brun sur le milieu du corps (fig, 801 à 863). Avec l'âge, les poils grisonnent, surtout chez le Mâle, qui est le moins occupé. L'abdomen, presque ras, n'est orné que de quelques touffes grisâtres à la par- tie antérieure; et les bords postérieurs des deuxième, troisième, quatrième et cinquième anneaux, portent des bandes blanches souvent interrompues. Le ventre est couvert de poils récotteurs d'un brun rouge; il n'est pas échan- cré ; seulement le segment article porte chez le mâle de très petites dentelures . Distribution ^éog^raphique. — D'après Sinith, cette espèce ne se rencontre pas seulement en Europe ; mais on la trouve aussi dans le Canada et vers la baie d'IIudson. Mœurs, habitudes, régime. — A la Rïl de mai, au commencement de juin, on voit paraître ces Abeilles. Gomme toujours dans la vie, les sexes se trouvent bientôt réunis, et après l'accouplement, la Femelle entreprend ses travaux. Je laisse de côté la question de savoir si cette espèce nidifie exclusivement dans le vieux bois, ou si elle établit aussi ses cellules dans la terre; on a trouvé des cellules dans ces deux conditions, il est possible qu'elles appartiennent à deux espèces dillérentes. La cavité ou, pour mieux dire, le tube que nous figurons ici [fig. 852), avait été foré par une Chenille des Saules [Cussus ligniperda}, et remis en état, plus tard, par les Mégacbiles. Ailleurs elles se servent d'un trou de Souris aban- donné, pour en faire leur demeure. Bref, toute cavité pratiquée avant elles peut être aménagée avec une grande perfection et adaptée à leurs besoins. Le principal ouvrage consiste dans la cons- truction des cellules. En toute hâte l'Abeille s'envole vers quelque feuille de Rosier oîi elle se pose, comme le montre la figure 851, et elle en découpe un lam- beau de la grandeur convenable. En faisant sa dernière morsure, elle le roule en cornet entre ses pattes et disparaît avec lui dans le lointain. Si ce magasin de matériaux lui plaît, elle y revient bientôt pour faire de nou- velles emplettes. Les lambeaux, transportés et roulés, sont relâchés et s'appliquent, suivant leur élasticité, contre les parois. Elle en dispose d'abord trois ou quatre, plus grands (fig. 834) ; puis elle forme une seconde couche, avec des lambeaux rétrécis à une de leurs extrémités (fig. 8.0-4;. Le bord dentelé delà feuille est placé en dehors, le bord découpé -par l'Abeille est dirigé vers l'intérieur. Dans cette gaîne, elle dispose une troi^ième couche de lambeaux égaux (lig. 837 et 858) dont la surface vient boucher les interstices, et termine ainsi le dé à coudre (fig. 833). Après l'avoir rempli de miel et pourvu d'un Œuf, elle l'obture avec une pièce tout à fait circulaire (fig, 836), sur laquelle s'appliquera le plancher de la cellule suivante, de façon à former une chaîne creuse. Celles qui sont représentées ici (fig. 832 et 833) se composent, l'une de trois chaînons, l'autre de quatre. Réaumur, que l'on trouve toujours à citer quand il s'agit de mœurs bien observées, nous fournira une anecdote curieuse sur l'Abeille du Rosier. ie Schmai'otzer-bienen. Caractères. — Au point de vue de la confor- mation de leur bouche, les Abeilles parasites appartiennent à deux groupes naturels, corres- pondant à ceux des Apines et des Andrenines. En classant les rares espèces que nous avons à décrire, nous commencerons par celles qui ont une longue lèvre, les Longilingices. Mœurs, habituiles, régime. — Les Abeilles parasites déposent leurs OEufs dans les cellules parfaites de quelque hôte ; peut-être expulsent- elles l'OEuf régulier, comme faitparfois le Cou- cou. La Larve, éclose de l'CEuf parasite, se LES BOURDONS PARASITES. 633 Fig. 867. Fig. 804 Fig. SOS Fig. 8C4 et Sfi.S. — Nomade h taches blanches, Mâle et ' Fig. 866. — Mélecte ponctuée. Femelle. I Fig. 867 et 86S. — Cœlioxys roussàtre, Fig. soi .\ I Les Abeilles parasites. nourril, aux dépens de la provision du lé- gitime propriétaire : suivant l'heureuse expres- sion de Le Peletier « elle se nourrit du puin d'au- trui dans la maison d'autrui » ; et, au lieu de l'espèce qui avait pris la peine de construire la cellule, apparaît un Insecte qui a profité avec plaisir des arrangements et du bien d'un de ses proches parents. Ces Parasites ressemblent souvent ;\ s'j' mé- prendre à l'espèce lésée, et pénètrent dans le Nid étranger à la faveur de leur déguisement ; c'est là un des exemples les plus remarquables de ce qu'on appelle le miinétisme. Les Abeilles parasites compiennent des es- pèces très nombreuseset communes, parmi les- quelles nous signalerons les suivantes : LES BOURDONS PARASITES OU PSI- THYRES — PSITHYRUS (1) hie Schmarotzerhtimmeln . Nous groupons ici un grand nombre d'Hymé- noptères qui vivent aux dépens de leurs con- génères. Parmi eux viennent d'abord se ranger de véritables Abeilles, qui n'ont de poils récol- teurs ni aux jambes, ni au ventre, et que par suite on ne voit jamais rentrer munies d'une charge de pollen dans les cavités où elles pa- raissent nidifier : ce sont les Abeilles pa7-asites proprement dites. D'après Smith, les 5pAecorfes ne seraient point des Parasites, tandis que Le Peletier les range (1) M'ifivipô;, qui murmure. Bkeum. — vil. dans cette catégorie. Les études ultérieures et impartiales du D'' Siebel ont tranché toutes ces questions avec certitude : les Sphecodes sont des Meilifères. Caractères. — Au point de vue de la struc- ture générale de leur corps, les /'sifln/rus se rattachent aux Bombus. Les Femelles se distinguent des Bourdons, à l'aide des signes suivants :1e labre présente en Fig. 8011. - Jambe posté- Fis. 8711. - Jambe posté- rieure d'une Abeille labo- rieure d'une Abeille para- rieuse (Bourdon). site (Psitliyrel. bas un angle mousse, les ocelles sont disposés en ligne courbe. Les jambes postérieures (fig. 870) sont dépourvues de corbeilles, et leur face externe, convexe, est velue; il n'y a point de dilatation en forme d'auricule au premier article du tarse. A l'exception des segments ter- minaux, la face supérieure de l'abdomen est glabre et luisante ; le dernier segment est re- courbé et pourvu à sa face inférieure d'une saillie aiguë quiforme un angle de chaque côté. S'il est facile de différencier par là une Fe- melle de Psithyrus d'une Femelle de Bombus, il Insectes. — 80 634 LA NOMADE A TACHES BLANCHES. faut, pour distinguer les Mâles, un examen plus attentil", qui ne permet pas toujours d'évi- ter la confusion ; cependant la tête du Psilhyre est plus courte, aussi large que longue, et plus velue en avant qu'en arrière. Mœurs, haltîtades, W-gime. — 11 n'y a pas encore longtemps qu'on a découvert l'existence de ces Bourdons paradtes. Ces Femelles, dépo- sant leurs OEufs dans les Nids des Bourdons sociables, dont l'espèce ressemble le plus à la leur, n'ont pas besoin, comme eux, d'avoir pour aides des Femelles atrophiées. Elles appa- raissent au printemps, les Mâles un peu plus tard. On est amené à conclure qu'elles ne peu- vent rien récolter, mais qu'elles laissent ce soin h. d'autres, à la charge desquelles elles vivront en Parasites. « Cette conclusion est-elle juste? J'en doute, dit Tasclienberg; et l'on pourrait y opposer les considérations suivantes : une Abeille mellifère déglutit du pollen et du miel, pour en confectionner des aliments, et elle les fabrique chez elle ; une autre peut accomplir le même travail sur la fleur même, et ne rentrer qu'ensuite pour en remplir ses cellules, sans avoir besoindes outils extérieurs indispensables à la première. La nature ne présente-t-elle pas assez de ressources pour avoir imposé quelques légères modifications dans le mode de prépara- tion des aliments? » Ce qu'il y a de certain c'est que les Psithyres ne récoltent pas de pollen, et comme le pol- len constitue la base essentielle de l'alimen- tation des Larves, il est donc avéré que les jeunes Parasites vivent aux dépens des maté- riaux accumulés par les Bourdons industrieux. Les six espèces les plus répandues en France et en Allemagne sont les Psitliyrus rupestris, campestris, cestivalis et saltiwm. LES NOMADES — NOMADA (1) Die Wespenbienen . Caractères. — Les ocelles sont disposés en triangle sur le vertex. La bouche comprend, comme parties Importantes, des palpes maxil- laires composés de six articles, une langue longue, des palpes labiaux formés de quatre ar- ticles. Les ailes antérieures, souvent obscures dans leur partie externe, ont une grande cellule marginale effilée aux deux bouts, et trois cel- lules sous-marginales dont la première est à peu près aussi grande que les deux autres réunies. fl) Notice;, vo(jiiôo:, vagabond. L'écusson porte deux tubercules. Leur abdo- men, nn peu effilé à ses deux extrémités, est elliptique ; il est presque glabre et porte des ta- ches ou des bandes jaunes, rouges ou blan- ches, sur un fond luisant, noir ou rouge. Les jambes postérieures sont un peu aplaties, mais ne possèdent que quelques poils courts, prin- cipalement sur leur face interne. Le Mâle, un peu plus petit, se distingue par son abdomen plus mince, plus effilé à la pointe, dénué de cette frange qu'on trouve sur l'avant- dernier anneau de la Femelle, et surtout par les poils épais qui revêtent la moitié antérieure de son corps, et qui, sur la face, sont argentés. Les nombreuses formes de ce genre, dont la taille et la couleur offrent de grandes varié- tés, sont très difficiles à distinguer; les plus belles espèces de ce genre ont une longueur de 8°"°,7a à IS""". Distribution gréo^rrapiiique. — Plusieurs espèces de nos pays se rencontrent aussi dans l'Amérique du Nord, et sont représentées dans les contrées plus chaudes par des formes plus ou moins modifiées. Mœurs, habitudes, régime. — Lcs Nomades qui vivent en Parasites surtout aux dépens des Andrènes, desHalyctcs et des Osmies, se pres- sent en foule auprès des galeries creusées dans la terre par ces Abeilles et leurs Femelles voltigent lentement sur les talus, les pelouses et les lisières des bois, en quête de ces Nids. Les unes apparaissent de bonne heure, d'autres un peu plus tard, quelques-unes en automne ; d'après Schenk, il y en a qui parais- sent deux fois par an. Les premiers-nés se rassemblent, avec leurs hôtes et d'autres In- sectes, sur les chatons de Saules, sur les Gro- seillers en fleur, et plus tard sur les prés fleuris. Pour le repos, qui commence pour elles le soir, ou bien avant la nuit dans les mauvais jours, ces Abeilles sans foyer pren- draient une attitude très singulière; s'accro- chant, par leurs mâchoires, à quelque feuille ou à quelque rameau, rassemblant leurs pattes, rejetant leurs antennes en arrière, elles reste- raient suspendues par la bouche dans une posi- tion verticale? LA N0.M.4DE A TACHES BLA?(CIIES. — NOHADA ROBEKJEOTl.iyj. Weisifleckigc Wespenbiene . Caractères. — Pour donner une idée de ces élégantes Abeilles, nous représentons ici LES CŒLIOXYS. 635 (fig. 864 et 863) une espèce, de moyenne gran- deur, et des plus belles, qui se montrent seu- lement à la fin de l'été ou en automne. Chez le Mâle de cette Abeille à taches blan- ches (fig. 86i), le thorax est d'un noir mat, ta- cheté de jaune, comme la face et la partie in- férieure des antennes; leur base, l'écusson et les jambes sont plus ou moins rouges ; les cuis- ses postérieures sont en outre tachetées de noir; chez la Femelle (flg. 863) ces marques de couleur claire sont moins nombreuses et tirent seulement sur le rouge. Dans les deux sexes l'abdomen est large et court; son premier seg- ment est rouge; les suivants sont généralement noirs, ou bien le rouge empiète sur cette partie noire ; chez le Mâle, il présente des taches blan- ches triangulaires, sur les côtés ; chez la Fe- melle il n'y en a que deux de chaque côté, plus une tache quadnmgulaire à la pointe. LES MÉLECTES — l/£'/:£Cr^ (1) Trauerbicnen. — Wiiff'cnbicnen. Caractères. — Les Mélectes ont une char- pente plus forte ; elles portent sur la tête et le thorax des touffes de poils ; leurs ocelles sont disposées presque en ligne transversale; leurs palpes maxillaires comptent six articles et les labiaux quatre. La cellule marginale est régulièrement ovale; les trois cellules sous-marginales sont conformées exactement comme dans le genre précédent. Sur l'écusson, fortement bombé, les poils recouvrent deux petites dents placées sur les côtés. On les reconnaît facilement à leur large ab- domen, qui s'effile brusquement, et qui est noir avec des taches blanches. La Femelle, pour piquer, dirige en haut un dard long et puissant, tandis que le Mâle cher- che à mordre tout autour de lui. Hœura, habitudes, régime. — Les Mélectes vivent en Parasites aux dépens des Anthopho- res, et, d'après Le Peletier, aux dépens des es- pèces les plus grandes de Mégachiles. LA MIÎLECTE PONCTUEE. — JIELECTJ PVJSCTATA. Gemeine Wa/fenbiene. Caractères. — La Mélecte commune (fig. 866) est revêtue de poils d'un jaune-grisâtre ou d'un blanc sale, sur la moitié antérieure du corps. i 1 ) Me) t, miel ; e/io;, deliors i qui vit de miel au rlehors. Mœurs, iiiibitiideH, r«-jï»"»e. — Cette nomade vit en Parasite principalement aux dépens des Anthopltora relusa intermeilia, etc.; c'est dire qu'elle habite toute la France. L.\ iMÉLECTE l UNÈBUE. — MELLCTJ LVCTUOS i. Punklirte Waffetibiene. Caractères. — Cette JMélecLe funèbre pié- senle les mômes marques que la précédente, seulement elles sont d'une blancheur imma- culée. Mœurs, habitudes, ré$(ime. — Son existence parasitaire se passe principalement dans les demeures de V Anthnphora xstivalis. Elle voltige près de terre, en quête des Nids, lorsiju'elle ne cherche pas sa nourriture sur les Vipérines ou sur d'autres (leurs. LES C(MUO\\^~ COELIOXYS {{] Die Kegelbicnen. Caractères. — Ces Abeilles à abdomen coni- que (fig. 867 et 868) comptent, après les Noma- des, parmi les plus nombreuses espèces parasi- tes de nos pays. Leur aspect général rappelle ce- lui des Gastrolégides parmi lesApides laborieu- ses; mais, chez la Femelle, l'abdomen est plus effilé, ainsi que le nom l'indique ; chez le Mâle, il est plus émoussé, plus dentelé, et recourbé aussi vers le haut. En outre, les ocelles sont disposées en triangle ; la lèvre supérieure courte etquadrangiilaire, les palpes maxillaires n'ont que deux articles, les labiaux quatre. L'écusson surélevé est armé d'une épine de chaque côté, les cellules marginales au nombre de deux seulement, leur odeur désagréable et sni generis, est surtout caiactéristique. Les es- pèces, sont d'ailleurs assez difficiles à distin- guer; elles paraissent toutes noires, ornées de bandes ou de taches velues, d'un blanc effacé. Mœurs, habitudes, régime. — Les Cœlioxys vivent aux dépens des mêmes Insectes que les précédents, et des Saropoda. Il II y a quelques années, raconte Taschen- berg, au commencement de juin, mes courses m'amenèrent devant l'étable d'un propriétaire rural. La paroi antérieure était formée d'un mur d'argile non revêtu de plâtre, assez long et situé en plein midi. Elle était couverte d'.\pi- (I; Koi),ia, venti-e; r/yj:. poinlu 636 LES GUEPES OU VESPIDES. des, de Chrysides dorées, et d'Od^nères; celle paroi élail pour ainsi dire criblée de trous. Parmi les Apides, trois genres dominaient : c'étaient des Anlhophores, des Mélecles et des Cœlioxys ; ces Abeilles voltigeaient et bour- donnaient en telle masse, que c'était plaisir de considérer leur foule bariolée; je regrettais fort qu'un cenire d'observations si merveilleux ne fût pas plus fi portée de mon habitation. Nos deux Abeilles parasites, les Mélecles et les Cœlioxys, voltigeaient çà et là toujours aux aguets, et saisissaient l'instant propice où quelque Abeille laborieuse était obligée de s'envoler. A peine était-elle dehors, qu'un de ces intrus s'introduisait dans la demeure pour y faire une inspection rigoureuse. Si par mala- dresse, il se laissait surprendre par un retour trop hâtif de la propriétaire, il en résultait une bataille qui n'était pas exempte de dangers. Peu de temps après la lutte, l'habitante retour- nait à ses travaux habituels ; l'autre, oubliant la leçon qu'il avait reçue, reprenait son espion- nage, sinon dans le même trou, du moins dans quelqu'autreNid. Les petites Guêpes aux reflets dorés, les Chrysides, donl nous ferons prochai- nement la connaissance personnelle, se com- ])ortaient le long de ce mur garni d'Abeilles, absolument comme les Parasites plus grands que nous venons de citer. » Ici, nous prenons congé des Abeilles, ou ANTuopuiLES, pour reporter notre attention sur \os Guêpes ou Vespides qui, en réalité, diffèrent moins entre elles par leurs modes d'existence que par leurs aspects extérieurs, et qui peuvent être par conséquent réunis en une seule fa- mille. LES GUÊPES OU VESPIDES — DIPLOPTERA OU VESPIÛM Die Wcsjjcn. — Die Falienwespen. Caractères. — Les Guêpes proprement dites se distinguent de tous les autres Hyménoptères, par la disposition qu'atfectenl leurs ailes anté- rieures : au repos, ces ailes se ploient suivant leur longueur — d'où le nom de Diploptera (1) — pour embrasser, enpar lie, les ailes jwstérieures, elseran- gentsur les côtés de l'abdomen, de telle sorte qu'elles ne recouvrent pas sa face supérieure. Le corps, nu ou presque nu, n'a générale- ment pas la teinte noire fondamentale, qui est ordinaire chez les Abeilles ; mais des taches jau- nes ou blanches donnent à la tête et à l'abdo- men les aspects les plus variés. Nous retrouve- rons plus tard les mêmes colorations dans d'autres familles; mais alors la conformation des anlenneset celle des ailes seront différentes aussi, de sorte qu'avec un peu de circonspec- tion aucune confusion n'est possible. Nos Ves- pides portent, commeles Abeilles, des antennes coudées; le coude est moins apparent chez les Mâles en raison du développement moindre de la pièce basilaire. Les Femelles seules, dans la troisième stade de leur évolution, possèdent un aiguillon délensif. Uiiitributiou a;éog;rapliique. — Les VespideS habitent en grand nombre les pays chauds, 1,1,1 Aini'jo-:, iloublcv TtxEfov, aile. l'Europe n'en renferme que quelques-unes. A mesure qu'on s'éloigne de l'équaleur, le nombre des espèces de cette famille va en diminuant. Mœurs, habitudes, ré{;ime. — Les Vespides se nourrissent de matières sucrées; générale- ment, à l'instar des Abeilles, elles visitent les fleurs, qu'elles lèchent avec leur langue, mais cette langue, généralement courte, ne leur per- met de sucer le nectar que des fleurs ouvertes, comme celles des Ombeilifères , des Lier- res, etc. ; chacun sait qu'elles ont un goût de prédilection pour les fruits succulents, raisins, poires, figues, etc., et qu'elles sont friandes de sucre et surtout de miel, à tel point qu'elles attaquent même les Abeilles pour les piller. Elles ne gâtent pas leurs Larves par de telles friandises; celles-ci, de nature carnassière, sont Hourries d'autres Insectes, que la mère ou les ouvrières ont la précaution de couper en morceaux et même de broyer pour en consti- tuer une véritable bouillie animale. La structure anatomique et en partie les mœurs, permettent de diviser les Vespides en trois groupes, correspondant aux trois grands groupes des Apides, les Abeilles sociales, les Abeilles solitaires et les Abeilles parasites : les Guêpes sociales, les Guêpes solitaires et les Guêpes parasites. LES GUEPES SOCIALES OU VESPINES. fi.-n LES GUEPES SOCIALES OU VESPINES — VESPIN.E bic l'iipkrivespcn. — GescUige Wespen. Caractères. — Les Giiôpes de ce premiei' groupe vivent pour la plupart en sociétés; elles ont comme Ouvrières des Femelles infé- condes, bâtissent leurs Nids avec beaucoup d'art, et y nourrissent leur couvée comme les Abeilles el les Bourdons. Extérieurement, elles ressemblent au.x autres Vespides el toutes les pièces de leur squelelte sont comparables ; tou- tefois leur chaperon est plus carré ; leurs mâ- choires sont plus courtes, et les yeux ne descen- dent pas généralement jusqu'à leur naissance; leur langue est courte etquadrifide ; leurs griffes sont simples ; elles ont aux jambes médianes deux éperons. Des tliTerB nids de guêpes sociales. — La plupart des Guêpes cartonnières nous étonnent par l'édification de leurs châteaux forts et de leurs palais. Mais l'existence guerroyante et les mœurs féroces, qui paraissent propres à toutes ces espèces, n'offrent guère le loisir d'observer les dispositions admirables qu'elles ont prises cependant en vue d'oeuvres paci- fiques. Là aussi, comme chez les Abeilles, nous trou verons des rayons, mais des rayons disposés horizontalement et non pas verticalement, des rayons simples et non pas doubles, dont les cellules ne sont pas construites avec de la cire; là aussi, du reste, elles sont construites par des Femelles atrophiées, servant d'Ouvrières Les matériaux sont fournis surtout par di- verses parties des plantes, qui, après avoir été mâchées et mélangées avec une salive riche en chitine, produisent ces œuvres d'art dont l'as- pect est tantôt un peu grossier et tantôt plus ornementé. Les Nids très élastiques, papyra- cés,sont formés de longues lamelles corticales soudées entre elles ; les Nids cartonnés sont constitués par un feutrage de fibres végétales ou par un assemblage de libres réunies en f^iis- ceaux. Les productions plus friables de nos Fre- lons sont formées de parenchymes corticaux et rayés par des bandes, parce qu'ils sont pris sur des arbres divers. Dans quelques cas seulement, on a vu des Guêpes étrangères employer dans leur construction la terre argileuse ou la lienle des Animaux herbivores. 11 y a quelque chose de plus vaiiable encore que les matériaux, c'est le plan de ces habita- tions et le mode d'attache des constructions. Les unes sont disposées sous forme de tablettes à la face inférieure d'une pierre, d'une tuile, d'une feuille ou d'une branche d'arbre ; les au- tres embrassent à leur extrémité supérieure une branche et s'y suspendent sous la forme de cy- lindre, de cône tronqué, de sphère ou de demi- sphère ; d'autres se cachent entre les rameaux et les feuilles qui les traversent en partie ; d'au- tres enfin prennent leurs points d'appui sur plu- sieurs tiges ou sur quelques racines. Le Nid le plus simple est formé d'une ou de plusieurs rangées de cellules hexagonales disposées le plus souvent en rosette, et s'ouvrant sur leur face inférieure ; si les rayons s'ouvraient en haut, la pluie y séjournerait, et la chaleur, in- dispensable pour la ponte et le développement des Larves, serait perdue. La plupart des Guêpes se contentent de ce modeste édifice ; ce sont surtout celles qui vivent en sociétés plus nom- breuses, qui exigent quelques perfectionne- ments ; elles enferment leurs constructions dans une enveloppe qui peut présenter deux formes essentiellement différentes. Examinons, par exemple, le Nid des Polyln'a sedula (fig. 87), p. (3-41) de l'Amérique méridio- nale. Cette Guêpe, longue d'environ 6""°l/:2, ri- chement bariolée de marques jaunes pàlos sur un fond noir mat, suspend son Nid, à l'aide d'un pédicule, à la face inférieure d'une feuille. Sitôt le premier rayon terminé, elle dispose, par-dessous, un couvercle qui couvre environ la moitié des cellules, et qui s'insère sur les parois latérales prolongées : une ouverture, mé- nagée sur le côté, sert d'entrée. Comme la petite société se multiplie, l'habitation devient trop étroite, mais lesPolybies remédient, en général, aisément au défaut d'espace. Elles construisent, sous le couvercle du premier rayon, un second rayon qui présente à peu près le même périmè- tre ; elles allongent la paroi externe des cellules marginales, pour donner attache au second cou- vercle qui passe également sous les orifices des cellules, el, sur sa ligne d'insertion, elles ména- gent également un couloir. La figure représente un troisième rayon terminé, et sous le couver- cle, on voit un quatrième rayon commencé. Les étages se multiplient suivant les besoins, et le Nid, dans son ensemble, figure enfin un cylindre qui va toujours en s'allongeant. Chez d'autres espèces, il peut prendre la forme conique ; chez d'autres encore, il se renfle vers le milieu. C'est sur un type un peu différent que ni- 638 LES GUÊPES SOCIALES OU VESPINES. difientles Poli/bia rejecta (lig. 872). Elles fixent le premier rayon du Nid autour d'une branche, et laissent l'orifice d'entrée au milieu du cou- vercle. Lorsque le Nid s'accroît par l'adjonction d'un deuxième rayon, l'orifice d'entrée occupe la même posilion sur le nouveau couvercle, mais l'ancien orifice est rétréci par une bor- dure et prend le nom d'orilice de sortie. La construction continue de la sorte, ainsi que l'indique notre figure. Ainsi nidifie aussi le Cliarlevfjus cliarlarius, Guêpe de grosseur moyenne et de couleur noire, dont l'abdomen pédicule est rayé de bandes jaunes qui habite la Guyane et le Brésil. Nous avons fait représenter (PI. XVI) un énor- me Nid des plus extraordinaires construit sur ce principe par les Polijbi'i {Myrapelva) scutetla- ris de l'Amérique du Sud; il se dislingue par les épines dont les Guêpes ont soin de l'armer et qui lui donne un aspect singulier; ce Guê- pier étonne par ses grandes dimensions étant donnée la petite taille de l'architecte. Les J'atua morio, si fréquentes à Cayenne, dont la coloration est noire, dont le large abdo- men se rétrécit un peu en avant comme chez les Eumenes, et dont les ailes sont fortement en- fumées, suspendent leur Nid, qui atteint par fois plusieurs pieds de long, à une branche qu'il embrasse exactement comme celui des Pohjbia rejecta. Seulement, chez les Talua morw, l'ori- fice d'entrée et les trous de sortie correspon- dants, au lieu d'occuper les centres des cou- vercles successifs, sont situés de côté, auprès de la paroi d'enveloppe. Ces Nids paraissent bruns, sont très durs et très épais, et doivent conserver beaucoup d'humidité. Ils s'établis- sent, en effet, au début de l'époque pluvieuse et s'accroiïsent toujours pendant cette période; ils se recouvrent, en raison de l'humidité, de mousses et d'autres plantes cryptogames, et constituent ces couronnes de mousse qui res- tent suspendues aux arbres, après la saison sèche, alors que le début de l'hiver les a déjà dépeuplés. Le Muséum de Paris possède un Nid cylin- drique de Polybia lilincea du Brésil, qui en est certainement une des plus belles pièces et dont les grandes dimensions montrent quelle masse énorme de Guêpes peuvent cohabiter et cons- tituer une vaste association ouvrière. Il est brisé en bas, et par conséquent incomplet; il mesure pourtant 31'='°, 4 à 62'=", 8 de diamètre, et de i°',2ô'=",3 à 1",57'='° de long, et il comprend 27 rayons ou étages. Il s'élargit en bas, pos- sède une enveloppe mince et ridée ; sa couleur est rouge-brunâtre, son aspect est grossière- ment ligneux, et son orifice d'entrée est au centre du couvercle. Ce Guêpier est certaine- ment la plus gigantesque construction que les Insectes puissent édifier. La Polybia coyennensis construit également des Nids, formés de rayons et de leurs couver- cles, avec une argile jaunâtre qui contient du fer, du quartz ou du mica, et elle les suspend à de minces rameaux qui poussent dans une direction très oblique. Le poids énorme de ces matériaux de construction impose bientôt des limites à son accroissement. Des Nids de 20'=", 3 de large sur 36"° ,6 de long, comptent parmi les plus volumineux qu'on ait découverts jusqu'il présent. Dans tous ces Nids divisés en chambres jux- taposées de haut en bas dont le nombre peut augmenter indéfiniment, et dans tous les au- tres édifices construits sur ce modèle, que nous avons appelés « Nuls à rayons couverts », l'enve- loppe adhère étroitement aux cellules et se trouve en continuité de tissu avec les cloisons qui le partagent; aucun espace vide n'existe entre les deux; ces cloisons sont percées d'un trou qui établit la communication d'une chambre à l'autre. Nulle espèce européenne ne bâtit ses Nids ainsi; ce type de construc- tion appartient à bon nombre d'espèces qui habitent l'Amérique du Sud. Les Guêpes de l'ancien monde, comme beau- coup d'espèces américaines, construisent leurs demeures sur un plan tout différent : leurs rayons soutenus par des colonnettes et super- posés ainsi en étages, sont entourés de toutes paris, mais à distance, d'une enveloppe. Les ori- fices de passage deviennent superflus, parce qu'on peutcontourner chaquerayon. Danstous ces Nids la forme ovoïde ou la forme sphérique est la règle. Mais la disposition intérieure pré- sente deux variétés essentielles représentées sur nos figures 873 et 874. Le Charleryus ajiicalis , de l'Amérique du Sud, petite Guêpe entièrement noire, fixe ses rayons â plusieurs étages sur un rameau, et les entoure d'une enveloppe papyracée de cou- leur gris cendré, dont nous représentons la coupe (fig. 873). D'autres espèces, qui construi- sent leurs Nids surle même plan, leur donnent un aspect différent : au lieu de fixer isolément les colonnettes de chaque rayon sur un point d'appui étranger, elles s'en servent pour relier les rayons entre eux. C'est ce que font, par HnEHM, Insert T. VII, PI. \VI, p. n3S. l'jr s, J.-B. Blilliere et Fils edil Llj bc L l \ MD DE J'OL\BIA SLI TELLARIS. LES POLYBIES. 639 exemple, les Pohjbia ampullaria, donl nous figurons un Nid fixé à la face inférieure d'une feuille (flg. 874). Notons seulement qu'ici le se- cond rayon est relié à l'enveloppe par un pilier latéral. C'est sur ce type que sont construits les Nids de nos riu?pes (PI. XVII et XVIII), que les unes fixent aux rameaux des broussailles ou des arbres, d'au très dans des creux de terre, d'autres encore dans des troncs d'arbres, sous des au- vents, et dans les endroitsanalogues qui se trou- vent abrités de. la pluie. Mais souvent la Guêpe modifie son plan d'après l'emplacement. Ainsi les Frelons qui édifient leurs Nids dans un creux d'arbre s'épargnent le soin de les entourer d'une enveloppe ; ils ne manquent jamais, au con- traire, lorsqu'ils établissent leurs (iuêpiers à l'air libre ou les suspendent dans un grenier, de les revêtir d'un manteau protecteur. Les Nids, que construisent dans l'Amérique torride les nombreuses espèces du genre Nrcta- tarina, diffèrent des précédents et sont peut- être les plus admirables constructions des (juê- pes américaines. Leur enveloppe papyracée, généralement sphérique, est formée d'une feuille unique, au lieu d'être constituée par des couches de lambeaux foliacés comme dans nos Guêpiers. En outre, les Nids ne renferment point d'étages à l'intérieur; les cellules sont le plus souvent disposées en sphères con- centriques, emboîtées les unes dans les au- tres, plus ou moins régulières et friables. Des ligaments rattachent les rayons à l'enveloppe, et des crêtes papyracées, contournées en spi- rale, relient les rayons entre eux, de ma- nière à constituer une véritable rampe en spi- rale qui part du centre et s'étend jusqu'à la surface inférieure du Guêpier, rampe qui sert de lien commun à tous les gâteaux, d'escalier aux Insectes et remplit enfin un dernier but, en offrant un point d'appui pour l'établis- sement des cellules. L'intérieur du Nid est traversé par de nombreux rameaux qui don- nent de la stabilité à cette construction vacil- lante. Ces Mds atteignent parfois 62'^°', 8 de diamètre, et renferment un noffibre extraor- dinaire de cellules. Ces indications suffisent pour donner une idée de la variété et de la délicatesse des édi- fices élevés par les Guêpes ; si elles éveillent en nos lecteurs un sentiment de curiosité, qu'ils jettent les yeux sur les beaux Mémoires de M. H. de Saussure et de M. Mœbius où se trou- vent supérieurement représentés les chefs- d'o'uvre de l'architecture de ces Insectes, ((u'ils viennent à leurs heures de loisir errer dans les galeries de notre Muséum d'Histoire naturelle, ils seront profondément émerveillés et profondément humiliés. Toutes ces cons- tructions ne sont-elles pas établies pour un été seulement'.' Au printemps, une Femelle fé- condée, qui élait restée cachée pendant l'hi- ver, commence l'édifice; l'été venu, des Ou- vrières nombreuses l'agrandissent, en suivant exactement le plan que leur a fourni la mère primitive; puis, ;\ l'approche de la saison rigou- reuse, elles le délaissent et périssent miséra- blement. L'esprit de solidarité et d'association a su en quelques mois enfanter des œuvres monu- mentales qui contraignent à l'admiration et que le temps efface comme les temples et les palais des Hommes. LES POLYBIES — POLYBIA Die Polybien. Caractères. — Ce genre, souvent mentionné, qui a de nombreux représentants dans l'Amé- rique du Sud, mais qui appartient principale- mentaux pays équatoriaux, rappelle beaucoup, par son aspect, les Eumertes. L'abdomen est aussi séparé ici du thorax par un pédicule qui se renfle considérablement, en arrière. Mais en observant les dillérences génériques, en constatant qu'ici les jambes moyennes ont toujours deux épines terminales, que les tarses portent des griffes simples, que les yeux ne s'étendent pas jusqu'à la naissance des mâ- choires, on n'hésitera pas à reconnaître une Guêpe sociale et non une Guêpe solitaire. En outre, les Polybies n'atteignent pas les dimen- sions de bien des espèces d'Eumènes; leur ab- domen, à partir du second article, est plus ovale, presque sphérique, tandis que chez ces Guêpes solitaires, il est généralement fusiforme et très effilé en arrière. La teinte générale paraît aussi un peu différente, et l'on trouve ainsi toutes sortes de signes distinctifs pour les discerner. Distribution g^éograpliique. — Ces Vespides appartiennent presque exclusivement au nou- veau monde ; de Saussure en a décrit plus de 50 espèces originaires de la Californie, du Me- xique, de Gayenne, du Brésil, des Antilles, etc. ; deux espèces habiteraient la Chine. 640 LES GUEPES. LES GUKPES— VESPA (h Die Wespen. Caractères. — Le genre Veupa renferme, dans nos pays, des espèces dont les formes et les marques colorées sont tellement sembla- bles qu'il est parfois difficile de les distinguer entre elles avec certitude. En outre, chez quel- ques-unes, les Mâles diffèrent de leurs Femelles, ce qui augmente encore les difficultés lorsqu'il s'agit de reconstituer ces espèces. Dans nos pays, la plupart sont noires et jaunes, et ces couleurs se trouvent distribuées suivant des modes très analogues. Habituelle- ment les segments du corps sont bordés de jaune en arrière; dans le milieu ces bordures sont cannelées, et, chez la Femelle, elles sont mar- quées de deux points noirs; chez les Ouvrières ces bandes sont moins larges, et prennent plutôt une apparence dentelée, parce que les points noirs n'y sont pas complètement entourés par la teinte jaune. La tête est concave en arrière; les antennes des Mâles, dont le fouet est beaucoup plus long, n'out pas la pointe déviée en dehors ; le chaperon plus ou moins carré, à bord anté- rieur droit ou concave, ne se termine pas par une dent (ce caractère est essentiel); les man- dibules, bien plus élargis en avant qu'en ar- rière, sont coupées obliquement; leur moitié inférieure est pourvue de quatre fortes dents; les mâchoires sont courtes et munies de palpes de 6 articles; la lèvre inférieure très courte est quadrilobée et porte des palpes de 4 grands articles. Chez les Vespa, l'abdomen est sessile et fusi- forme; en avant, il tombe k pic et se rattache au métathorax qui est également abrupt, de sorte que l'espace intermédiaire est étroit et profond d'où l'expression de taille de Guêpe. Distribution géog^raphique. — Les Vespa abondent sur tout l'ancien continent et dans l'Amérique du Nord ; elles ne sont représentées en Europe que par un petit nombre d'espèces; il y en a davantage dans les régions tempérées et plus froides de l'Amérique; on en rencontre aussi en Chine, à Java, dans l'Inde occidentale ; on n'en connaît aucune de l'Amérique du Sud, ni de la Nouvelle-Hollande. Mœurs, habitudes, régime. — « Les Guê- (I) Vespa, Guêpe. pes (1) peuvent paraître un peuple féroce , qui ne vit que de rapines et de brigandages. Nous nous condamnerions pourtant nous- mêmes, en les jugeant avec tant de rigueur, contentons- nous de les regarder comme des Mouches guerrières qui, ainsi que nous, croyent avoir droit, pour se nourrir, sur les fruits que la terre produit, et sur les Animaux qui l'habitent, auxquels elles sont supérieures en force. Pour être belliqueuses, elles n'en sont pas moins bien policées, elles n'en pa- raissent pas moins pleines de tendresse pour leurs petits, ni moins animées par le désir de se procurer une nombreuse postérité. Pour y parvenir, elles n'épargnent ni soins ni travaux. Les ouvrages qu'elles exécutent, font honneur à leur patience, à leur adresse et ;\leur génie : elle ont, comme les Mouches à miel, leur ar- chitecture particulièi'e et digne de notre admi- ration, n est vrai que leurs édifices construits avec beaucoup d'art, nous sont inutiles, que nous ne savons pas faire usage des matériaux qui les composent, comme nous en faisons de la cire ; cependant lorsqu'on les sait bien voir, ils ne sont pas pour nous des objets de pure curiosité. Nous ne manquerons pas de faire remarquer dans la suite qu'ils peuvent nous apprendre à trouver en abondance des matières utiles pour une de nos principales fabriques, pour celle du papier, et des matières dont on ne s'est pas avisé de se servir jusqu'ici, ou au moins qu'on n'a pas employées à leur façon. » « Les Guêpes nous apprennent h substituer le bois aux chiffons dans la fabrication du pa- pier» disait Réaumur au siècle dernier (1752); ce n'est que de nos jours qu'on est parvenu in- dustriellement à transformer le bois en pâte à papier à l'imitation de nos industrieux Hy- ménoptères. L'Homme a mis des siècles pour apprendre à copier servilement l'Insecte. « Ce n'est, au reste (2), que parce que les Guêpes ne trouvent pas mieux, qu'elles ra- tissent les surfaces des bois qui ont été mouillés, et qui ont séché à une infinité de re- prises. Elles s'accommoderaient plus volon- tiers de papier tout fait, si elles savaient où en trouver : c'est ce que m'ont paru prouver des Guêpes qui, à Paris, s'adonnèrent à venir ron- ger le papier des carreaux de verre d'une fenê- tre auprès de laquelle était mon bureau. Le bruit que faisait une de ces Mouches en cou- (1) Réaumur, Mémoires, t. VI, p. 156. (2) Réaumur, t. VI, p. 183. LES GUEPES. 641 Fig. S7I. - Nid de Polybia sedula. Fig. S7Î. — Nid de Polybia rejecta. Fig. 871 à 87 Fig. 874. Fig. 873. Fig. 87.3, — Nid de Chaturgus apicalis. Fig. 871. — Nid de Polybia ampullaria. L'architecture des Guêpes. pant et arrachant le papier d'un carreau m'a souvent distrait de mon travail, et m'a averti de la considérer dans l'action. Cette fenêtre était sur le jardin, ses papiers furent très mal- traités par plusieurs Guêpes qui venaient tour à tour les déchirer et les emporter. » Lorsqu'une de ces Guêpes entre par une fe- nêtre avec son chant sonore et menaçant : « tsou ! tsou ! » elle éveille la terreur et l'effroi, et cepen- dant elle vient y chercher une Mouche, une Araignée, un morceau de viande, ou n'importe quelle autre friandise, sans s'inquiéter des poursuites du propriétaire légitime, et s'en re- tourne avec le même bourdonnement quand elle n'a pas trouvé ce qu'elle cherchait. Une boucherie du voisinage, une corbeille pleine de fruits sur laquelle quelque marchande brunie par le soleil tient fixés ses yeux d'Argus, une tarte aux Prunes exposée à l'étalage il'une bou- langerie: tels sont les lieux de rendez-vous où ces Guêpes savent trouver un choix abondant de Mouches, de viande, et de friandises, quand elles abandonnent la vie des champs pour tàter de l'existence bourgeoise. « En voici une qui flaire le cognac » , s'écriait, sur le lac de Zurich, un touriste, qui après avoir tiré une gorgée de son bidon, ne parvenait pas à se préserver d'une Guêpe importune. « Les Guêpes, dit Réaumur (1) ne sont pas (I) Réaumur, t. VI, p. IGJ. Brehm. — VII. seulement avides de fruits, elles sont au rang des Insectes les plus carnassiers, elles font une guerre cruelle à toutes les Mouches ; mais c'est surtout à celles du genre des Abeilles à qui elles en veulent. J'en ai souvent observé qui aimaient à se rendre et à se tenir auprès de mes Ruches : là, j'ai vu plusieurs fois une Guêpe se saisir d'une Abeille qui était prête à rentrer dans son habitation, et la poser par terre; elle restait dessus sans l'abandonner et lui donnait des coups de dents redoublés, qui tendaient à séparer le corselet du corps. Quand la Guêpe en était venue à bout, elle prenait celui-ci entre ses jambes et l'empor- tait en l'air. Une Abeille entière ne serait pourtant pas un trop lourd fardeau pour cer- taines Guêpes ; mais le corps de l'Abeille est ce qu'elles en aiment le mieux ; les intestins qu'il renferme sont tendres, et d'ailleurs pleins de miel, au lieu que le corselet ne con- tient presque que les muscles qui font mou- voir les ailes ; ce sont des chairs trop dures et trop coriaces. « Elles ne se contentent pas du petit gibier que leur chasse leur peut fournir, nos viandes les plus solides sont à leur goût; elles savent trouver les lieux où nous allons les prendre : elles se rendent en grand nombre dans les boutiques des bouchers de campagne. Là chacune s'attache à la pièce qu'elle aime le mieux ; après s'en être rassasiée elle en coupe Insectes. — SI LES GUEPES. ordinairement un morceau pour le porter à son Guêpier. Ce morceau surpasse souvent en volume la moitié du corps de la Mouche, et est quelquefois si pesant, que celle qui s'est élevée en l'air après s'en être chargée est obligée sur-le-champ de redescendre à terre. Nous avons fait remarquer que les deux gran- des dents mobiles dont elles sont pourvues ont leur bout taillé en scie; c'est avec ces dents qu'elles coupent les morceaux de viande qu'elles veulent emporter; elles les prennent souvent au milieu d'une pièce : elles les ron- gent tout autour et par-dessous, jusqu'à ce qu'ils ne tiennent plus à rien. Elles y sont occupées avec tant d'avidité, qu'il serait aisé alors de les tuer même avec la main sans au- cun risque d'être piqué, et d'en détruire de la sorte un grand nombre chaque jour. Malgré leurs larcins les bouchers de campagne vivent cependant en paix avec elles; j'en ai même vu un à Charenton qui faisait plus : le foie de veau est la chair qu'elles aiment le mieux ; vers la fin de l'été il leur en abandonnait quel- quefois un chaque jour, ou quelquefois seu- lement une rate de Bœuf. Ce sont des viandes auxquelles elles s'attachent par préférence, et qui les empêchent de toucher aux autres ; elles peuvent leur paraître d'un meilleur goût; elles ont d'ailleurs l'avantage d'être plus ten- dres, moins fibreuses, et par là plus aisées à couper. J'ai vu d'autres bouchers qui ne leur abandonnaient que des foies de Bœuf ou de Mouton. Ce n'est pas au reste pour les éloi- gner des autres viandes qu'ils leur offrent celle-ci, une meilleure raison d'économie les y engage : les Mouches, et surtout les grosses Mouches bleues, déposent sur la viande des OEufs d'où sortent des Vers qui la font corrom- pre plus vite ; les Guêpes gardent la viande contre ces grosses Mouches, qui n'osent rester dans la boutique, où il ne fait pas sûr pour elles; les Guêpes leur donnent la chasse, et il n'en coûte pour cela au boucher par jour qu'une rate de Bœuf, ou, tout au plus, qu'une portion de foie de Veau. » Mais qui n'excuse l'impétuosité et la fou- gue de ces Guêpes, en songeant que dans le court espace de six mois il leur faut élever un château-fort et fonder un État, afin d'en assu- rer un second ou plusieurs pour l'an prochain ? Pour une pareille entreprise elles sont obli- gées de ménager leur temps et de déployer beaucoup d'activité et de décision; c'est là, précisément, ce qui devrait contraiu'Irc les personnes irréfléchies à réfléchir et à admirer. Leurs Larves sont élevées, comme chez les Frelons, que nous décrirons tout à l'heure. « J'ai eu quelquefois, rapporte Réaumur(l), des fragments de gâteaux pleins de gros Vers; ces Vers, au défaut de la becquée de la mère qui leur manquait, et qu'ils demandaient inutile- ment par des mouvements inquiets et par de fréquents bâillements, suçaient avidement et avalaient ce que je mettais à portée de leur bouche. J'aurais pu leur tenir lieu de leurs mères nourrices, et les élever, pour ainsi dire, à la brochette, comme on élève de petits Oi- seaux. C'est une expérience qui méritait d'être faite ; elle l'a été avec succès il y a déjà quel- ques années ; et ce qui paraîtra encore plus singulier, c'a été par un écolier âgé d'environ douze ans : on en sera pourtant moins surpris quand on saura que ce jeune écolier était un petit-fils de M. le chancelier, et un fils de M. le comte de Châlelu ; dans de telles familles les talents et le goût n'attendent pas l'âge ordi- naire pour se montrer: le jeune comte ayant eu en sa possession un gâteau plein de Vers de Guêpes, trouva plus de plaisir à leur donner des becquées de miel, que le commun des écoliers n'en trouve à nourrir des Oiseaux ; plu- sieurs des Vers dont il prit soin parvinrent à se transformer ; le nombre de ceux qui périrent fut pourtant le plus grand; et il y a lieu de croire que ce fut plutôt pour avoir trop mangé, que pour avoir jeûné. » Quand les Vers sont devenus assez gros pour remplir leur cellule, ils sont prêts à se méta- morphoser ; ils n'ont plus besoin de prendre de nourriture, ils se l'interdisent eux-mêmes, et tout commerce avec les autres Guêpes. Ils bouchent l'ouverture de leur cellule d'un cou- vercle. Quelques Vers le tiennent presque plat, ce sont ceux qui doivent être des neutres ; d'autres le font convexe, et même allongent un peu les côtés de la cellule, en leur ajou- tant un bord de môme matière que le couver- cle. Celui-ci, comme les coques des Chenilles, est de soie ; les Vers le filent précisément comme les Chenilles filent leur coque, en se donnant les mêmes mouvements de tête. Le fil dont ils le forment est si fin, que je n'ai pu ob- server précisément d'où ils le tirent, quoique j'aie quelquefois tenu à la main des gâteaux dont les Vers travaillaient à se fermer : il m'a pourtant paru qu'il venait, comme celui des (Il ncaiiiiiur, t, V'I, p. 1:0. LES GUEPES. 643 Chenilles, d'un peu au-dessous de la bouche. En moins de trois à quatre heures le couvercle d'une cellule est entièrement fait ; j'ai souvent pris plaisir à briser ceux qui étaient com- mencés, pour les faire refaire. Si on délruisail un couvercle Uni depuis plusieurs jours, l'ex- périence pourrait ne pas réussir, le Ver qui au- rait épuisé sa provision de soie serait hors d'état de filer. Ces couvercles sont plus blancs que les parois extérieures des cellules. A peine la jeune Guûpe piend-ellc rang dans la communauté, qu'elle s'associe aux travaux de ses sœurs aînées. La construction, la chasse, le meurtre, la nourriture des Larves, et l'entre- tien de leurs propres forces, qu'ellesusent sans relâche : telles sont les occupations qui remplis- sent leur courte existence. En automne, outre les Ouvrières vierges, on voit apparaître des Milles et des Femelles, qui doivent empêcher l'espèce de s'éteindre; car la mère primitive est épuisée. Pendant que l'accouplement pré- pare une génération future, tout dans l'État suit son cours ordinaire; mais, à la fin, le temps, plus mauvais, amène un relâchement général. Soudiiin l'activité ancienne se réveille, et met en jeu la férocité naturelle de ces Guê- pes contre leur propre race. Les Larves et les Nymphes, qui sont encore dans le Nid, jusque- là si bien soignées, sont arrachées sans pitié et détruites; une irritation générale donne un libre cours au désordre. Jusqu'à des Femelles fécondées, toutes ces Guêpes périssent l'une après l'autre, et les champs sont jonchés de cadavres; les uns restent exposés sur la terre nue, les autres sont enterrés sous la verdure, quand les mourants ont eu assez de force pour s'ensevelir eux-mêmes. «Vers le commencement d'octobre, dit Réau- mur (1), il se fait dans chaque Guêpier un sin- gulier et cruel changement de scène. Les Guêpes alors cessent de songer à nourrir leurs petits; elles font pis : de mères ou nourrices si tendres, elles deviennent des marâtres im- pitoyables; elles arrachent des cellules les Vers qui ne les ont point encore fermées, elles les portent hors du guêpier : c'est alors la grande occupation des mulets et des mâles. Je ne sais si les mères y travaillent aussi, je ne les ai pas vues se prêter à ces barbares expédi- tions. Ce n'est point, au reste, à une seule es- pèce de Vers que nos Guêpes s'attachent, comme les Abeilles qui, en certains temps, dé- (1) Réaumur, t. IV, p. 203. truisent les Vers Faux-Bourdons, rien n'est ici épargné : le mulet arrache indifféremment les Vers mulets de leurs cellules, le mâle arrache les Vers mâles, et même les ronge un peu au- dessous de la tête; le massacre est général. « Tâcherons-nous de deviner la raison de celte barbarie apparente! « Est-ce qu'elles veulent faire périr les petits qu'elles ne croient pas pouvoir nourrir, ou qu'elles jugent ne pouvoir venir à bien, à cause des froids dont ils sont menacés, et aux- quels les Guêpes les plus fortes ont peine à ré- sister; car le froid les étonne toutes extrême- ment. «Les premiers jours de gelée blanche, elles ne sortent que quand le soleil a un peu échauffé l'air. Quand la chaleur commence à se faire sentir, les mères quittent le dedans du Guêpier, et s'attroupent sur son enveloppe ou auprès de cette enveloppe ; elles se mettent en tas les unes sur les autres et s'y tiennent parfaitement tran- quilles. Lorsque le froid devient plus grand, elles n'ont pas même la force de donner la chasse aux Mouches communes qui entrent dans leur Guêpier; le froid les fait enfin périr. Il n'y a, comme nous l'avons dit, que quelques mères qui réchappent : celles-ci passent tout l'hiver sans manger, car elles ne ressemblent pas aux Abeilles qui font des provisions; en eussent- elles de faites, elles n'en profiteraient pas, j'ai souvent mis dans leur Guêpier du sucre, du miel et d'autres mets qu'elles cherchent pendant l'été, en hiver elles n'y touchaient pas. C'est ainsi que les premiers froids nocturnes brisent la puissance si intraitable de ces Guêpes qui ne connaissaient point d'obstacles; leurs cités demeurent vides et désertes, mais témoignent encore de leurs exploits pacifiques. » « Quelque soin que j'aie apporté à bien cou- vrir mes Ruches, écrit Réaumur (1), je n'ai pas trouvé un seul mulet en vie à la fin d'un hiver doux; je les ai vus périr presque tous dès les premières gelées. « Les Femelles plus fortes, etdestinées àper- pétuer l'espèce, soutiennent mieux l'hiver : heureusement pour nous néanmoins qu'il en périt la plus grande partie, sans quoi nous ne pourrions avoir assez de fruits pour nourrir ces Insectes si prodigieusement féconds. A peine à la fin de l'hiver en était-il resté une douzaine en vie dans chaque Ruche ; plusieurs centaines y étaient mortes : peut-être pourtant y en fil Réaumur. p. 104. LES GUÊPES. eut-il eu un plus grand nombre de sauvées, si les Guêpiers eussent été cachés sous terre, comme ils le sont naturellement. « Ces Femelles qui ont soutenu l'hiver sont destinées à conserver leur espèce. Chacune d'elles devient la fondatrice d'une république dont elle est la mère dans le sens propre. Les étahlissemenis qu'elles forment sont bien éloignés de nous être aussi utiles que ceux des Mouches à miel ; ils ne nous sont pas nui- sibles : nous ne pouvons pourtant nous em- pêcher de reconnaître qu'en eux-mêmes ils ont quelque chose de plus grand. Si la gloire est connue parmi les Insectes, si la solide gloire parmi eux, comme parmi nous, se mesure par les diflicultés surmontées pour venir à bout d'entreprises utiles i'i leur espèce, chaque mère Guêpe est une héroïne à laquelle une mère Abeille, si respectée de ses sujets, n'est nulle- ment comparable. Quand celle-ci part de la Ruche où elle est née pour devenir souveraine ailleurs, elle est accompagnée de plusieurs milliers d'Ouvrières très industrieuses, très laborieuses, et prêtes ù exécuter tous les ou- vrages nécessaires au nouvel établissement ; au lieu que la mère Guêpe, qui n'a pas une seule Ouvrière à sa disposition, puisque nous avons vu que l'hiver fait périr tous les Mulets; au lieu, dis-je, que la mère Guêpe entre- prend seule de jeter les fondements de sa nouvelle république. C'est à elle ù trouver ou à creuser sous terre un trou, à y bâtir des cellules propres à recevoir ses (Eufs, !\ nourrir les Vers qui éclosent de ceux-ci. Mais si elle est flattée par le plaisir d'exécuter quelque chose de grand et si elle prévoit le succès de ses travaux, elle doit être bien soutenue par l'espé- rance. Dès que quelques-uns des Vers auxquels elle a donné naissance se seront transformés en Mouches, elle sera secondée par celles-ci dans les ouvrages de toute espèce. A mesui'e que le nombre des Mulets croîtra, ils multi- plieront journellement le nombre des cellules où doivent être déposés les Œufs qu'elle est pressée de pondre ; ils se chargeront des soins exigés par les Vers qui en écloront; ceux-ci à leur tour deviendront ailés, et en état de liavailler. Enfin, celte mère Guêpe qui au prin- temps se trouvait seule et sans habitation, qui seule était chargée de tout faire, en automne aura à son service autant de Mouches qu'en a la mère Abeille d'une Ruche très peuplée, et aura pour domicile un édifice qui par la quan- tité des ouvrages faits pour donner des loge- ments commodes et à l'abri des injures de l'air, peut le disputer à la Ruche la mieux fournie de gâteaux de cire.» Les anciens connaissaient le caractère farou- che des Frelons etdes Guêpes, et notre locution actuelle : « se jeter dans un Guêpier», était em- ployée dans le même sens par Plaute, qui se servait de l'expression : « a-abrones irvitnre. » Au point de vue de leurs modes d'existence, nous ne trouvons dans leurs écrits que des observations assez confuses. Les relations les plus rapprochées de la vérité, et les plus com- plètes en même temps, sont celles qu'a laissées Aristote (1). Nous reproduisons à titre de curio- sité les récits du vieux maître afin que l'on puisse juger les connaissances des naturalistes de l'antiquité ; il sera facile, en se reportant aux pages précédentes, de dégager la vérité de la lé- gende. « Des Abeilles je passe aux Guêpes: on en distingue deux genres. Les unes sont sau- vages, et rares. Elles habitent les montagnes et ne se reproduisent point sous terre, mais dans des troncs de Chênes. On les reconnaît à ce qu'elles sont plus grosses, plus allon- gées et plus noires que les autres : toutes sont tachetées, armées intérieurement d'un aiguil- lon; elles sont aussi plus fortes que les autres, et leur piqûre est plus douloureuse, leur ai- guillon étant proportionnellement plus grand que celui des autres. Ces Guêpes vivent deux ans; on en a vu l'hiver s'envoler de dans des Chênes qu'on abattait. Elles demeurent cachées l'hiver, et elles le passent dans les arbres. « On distingue parmi ces Guêpes, comme parmi celles qui ne sont pas sauvages, des mè- res et des Ouvrières : mais c'est d'après l'exa- men des Guêpes non sauvages, que je vais expliquer la différente nature des unes et des autres, puisque ces deux sortes de Guêpes se trouvent également parmi les Guêpes non sau- vages. On y distingue les chefs qui sont les mêmes que les mères et les Ouvrières. Les premières sont beaucoup plus grosses que les autres et elles sont en même temps plus dou- ces. Les Guêpes ouvrières ne vivent pas deux ans ; toutes meurent à l'entrée de l'hiver. C'est un fait dont on peut aisément se convaincre. Au commencement de l'hiver on voit ces Guê- (1) Aristote, Histoire des animaux avec la traduction française par M. Camus, avocat au Parlement, censeur royal, etc. Paris, 1783, in-4°, t. I, page 621 (livr. IX, chapitre xli, 65). LES GUÊPES. 645 pes perdre, pour ainsi dire, le sens : vers le solstice elles ne paraissent plus du tout : au lieu que les chefs, ou mères, se trouvent pen- dant tout l'hiver cachées sous terre. Les labou- reurs et autres qui fouillent la terre en hiver, rencontrent souvent de ces Guêpes mères, ja- mais de Guêpes ouvrières. » La reproduction des Guêpes se fait de cette manière. A l'entrée de l'été, lorsque les chefs ont découvert un lieu convenable, ils forment des gâteaux et construisent ce que l'on ap- pelle des Guêpiers. Ces Guêpiers sont petits, ont quatre cellules ou à peu près, et c'est là que se forment des Guêpes ouvrières et non des Guêpes mères. Ces nouvelles Guêpes ayant pris leur accroissement, les chefs font de nouveaux Guêpiers plus grands, et après ceux-ci, les Guêpes étant toujours augmentées, elles en font d'autres encore, de sorte que les Guêpiers se trouvent et plus nombreux et plus grands à la fin de l'automne que dans tout autre temps : alors ce n'est plus des Ouvrières, mais des mères qu'y produit la Guêpe chef ou mère. On les voit paraître comme de longs Vers en haut et sur la sur- face du Guêpier, dans quatre rangées de cel- lules ou un peu plus. Il y a très peu de diffé- rence entre leur formation et celle des autres Guêpes ouvrières qui leur apportent leur nour- riture. On fonde cette assertion sur ce qu'on ne voit plus les chefs des Ouvrières voler dehors, ils restent tranquilles au dedans. On ne sait pas encore si les chefs de l'année précédente sont tués par les jeunes Guêpes ouvrières, après qu'ils ont donné l'être ;\ de nouveaux chefs, ou bien s'ils pourraient vivre plus long- temps : le premier est le plus vraisemblable. On n'a point non plus d'observation, soit sur la vieillesse, soit sur aucun autre des acci- dents auxquels peuvent être sujettes ou la mère Guêpe ou les Guêpes sauvages. La Guêpe mère est large et pesante; elle est plus épaisse et plus grosse que l'Abeille ouvrière, le poids de son corps lui ôte de la force et ne lui permet pas de voler au loin. Aussi ces Guêpes demeurent-elles toujours dans le Guêpier où elles travaillent et ar- rangent l'intérieur. Dans la plupart des Guê- piers on trouve de ces Guêpes que l'on nomme mères, mais on doute si elles ont un aiguillon ou si elles n'en ont point. A juger par com- paraison avec les chefs des Abeilles, elles au- raient un aiguillon, mais qui ne sortirait point et qu'elles ne darderaient point. Entre les Guê- pes il en est qui, comme les Bourdons, n'ont point d'aiguillon et d'autres qui en ont. Les premières sont petites, faibles, et ne sont pas capables de se battre; les autres sont grandes et fortes. Quelques-uns donnent aux Guêpes qui ont un aiguillon le nom de Mâles, aux au- tres le nom de Femelles. Avant l'hiver la plu- part des Guêpes qui ont un aiguillon semblent le perdre : mais sur ce fait nous n'avons en- core aucun témoin oculaire. Il Les Guêpes naissent surtout dans les temps d'une chaleur sèche, et dans les pays incultes. Elles naissent sous terre, elles forment leurs gâteaux avec de la terre et d'autres matières qu'elles rassemblent. (( Les Frelons et les Guêpes (1), comme les Abeilles, font des gâteaux pour leurs petits. S'ils n'ont point de chefs et qu'ils vaguent sans en trouver, les Frelons construisent ces gâteaux dans quelque lieu élevé, les Guêpes dans un trou. Quand ils ont un chef, les uns et les au très travaillent sous terre. Leurs alvéoles sont toujours hexagones comme ceux des Abeilles : la différence, c'est qu'ils ne sont pas faits avec de la cire, mais avec une matière qui tient de la nature de l'écorce et de celle de la toile d'Araignée. Le gâteau des Frelons est beaucoup mieux fini que celui des Guêpes. Ils déposent leur semence, ainsi que les Abeilles, comme une goutte de liqueur, dans le côté de l'al- véole, attachée à ses parois. Cette semence n'est pas déposée dans toutes les alvéoles en même temps. Dans quelques-uns on trouve de ces animaux déjà grands et prêts à prendre leur vol ; dans d'autres ils sont encore dans l'état de Nymphes, ou même celui de Ver. Comme les petits des Abeilles, ceux-ci ne rendent des excréments que dans leur état de Ver. Lors- qu'ils sont devenus Nymphes, ils sont sans mou- vement et l'alvéole est fermé. Dans les al- véoles des Frelons il y a comme une goutte de miel placée vis-à-vis de l'endroit où la se- mence est déposée. Les petits qui occupent ces alvéoles ne viennent point au printemps, mais en automne : leur accroissement est particu- lièrement sensible dans les pleines lunes. Le Ver, ainsi que la semence, tient non pas au bas de l'alvéole, mais à l'un des côtés. » De la PIQURE DES GUÊPES. — Tout le monde connaît suffisamment la férocité et l'insolence effrénée des Guêpes, — taquin comme une Guêpe, dit un proverbe; — il n'est pas besoin (I) Aristote, livre V, page 301 (chap. xxiii). 646 LES GUÊPES. pour cela d'avoir subi l'assaut et les piqûres impitoyables de tout un essaim. Empruntons à M. de Saussure (1), l'historien des Guêpes, les faits les plus importants sur les accidents causés parles piqûres des Guêpes. « Les Guêpes sont beaucoup plus irritables que les Abeilles. Elles répondent à la moindre injure par des piqûies douloureuses, dont les effets inspirent une légitime terreur. Aussi nos Insectes sont-ils voués ;\ la haine éternelle du genre humain, dont ils sont les ennemis naturels. Cependant, au fond, ils ne sont pas beaucoup à craindre; ils ne piquent jamais sans raison, et ne le font que pour se venger, ou lorsqu'on les met en état de légitime dé- fense, soit en les attaquant, soit en leur causant quelque frayeur. Leur aiguillon est une arme plutôt défensive qu'offensive; les Mâles en sont dépourvus et, par cela même, ne sont nullement à craindre; mais parmi les Insectes (jui piquent sous nos climats, les Guêpes possèdent l'aiguillon le plus redou- table. Il est beaucoup plus à craindre que celui des Abeilles et des Bourdons, et les acci- dents qu'ils déterminent acquièrent dans cer- taines circonstances un haut degré de gravité. Comme nous venons de le dire, si la ven- geance des Guêpes est terrible, elle n'a point lieu sans provocation. Les premiers torts ne sont jamais de leur côté, mais, en revanche, leur susceptibilité est extrême. « Lorsqu'on approche inconsidérément de leur repaire et que, par des mouvements trop brusques, on attire l'attention des habi- tants, on risque fort d'être assailli. Mais sur- tout malheur à qui, sans le savoir, a agité la branche ;\ laquelle un Guêpier est fixé, ou qui cherche imprudemment à détruire un de ces édifices. Alors l'essaim tout entier se précipite au dehors, et chose vraiment surprenante, au milieu des objets de la nature, nos Insectes dis- linguent sans peine l'agresseur et le poursui- vent avec acharnement à de longues distances. (I Je me souviens que, étant enfant, je m'a- musais un jour fort inconsidérément à lancer des pierres contre le tronc d'un vieux Chêne qui recelait dans son intérieur un Nid de Fre- lons. L'un des projectiles vint ;\ frapper le trou qui servait d'entrée au Guêpier, et aussitôt la gent ailée en sortit en frémissant. J'eus beau fuir à toutes jambes, les Frelons me poursui- vaient sans relâche et j'entendais toujours à (1) Henri de Saussure, Monoc/rnjhie des Gtcppes so- ciales. Paris, 1853-58, p. 171. mes oreilles le bruit strident de leur vol. A force de m'éioigner, j'en lassai le plus grand nombre, mais quelques-uns s'acharnaient encore à ma poursuite. Enfin, après que j'eus franchi un espace de près d'un demi-kilomè- tre, le dernier Frelon parvint à se cramponner à mes cheveux, et consomma sa vengeance en m'infiigeant une correction dont je me sou- viendrai à tout jamais. Les souffrances accom- pagnées de fièvre, que j'éprouvai durant deux jours, m'obligèrent à garder le lit. « Le caractère irritable des Guêpes et la vio- lence de leurs piqûres sont choses trop con- nues pour qu'il faille beaucoup insister sur cet objet. Toutefois je crois pouvoir reproduire ici la merveilleuse histoire que Palissot de Beauvais relate dans son ouvrage sur les In- sectes d'Afrique et d'Amérique. Il s'agit du l'olistes minor, le plus petit Poliste des Antilles. (c Un habitant de Saint-Domingue, grand chasseur, fort curieux de m'accompagner dans l'une de mes courses botaniques et entomo- logiques, se trouva pressé par quelque besoin; il se retira dans les buissons, et se plaça, sans s'en apercevoir, près d'un arbrisseau où se trouvait un Nid de la troisième espèce. En se relevant, il toucha une des branches ; aussitôt il est assailli par ces Animaux; tous ses vête- ments en furent couverts. Son premier mou- vement fut de fuir en relevant du mieux qu'il put sa culotte, ne se doutant pas qu'il y en- fermait plusieurs de ces Insectes. Arrivé dans le chemin, il poussait les cris les plus perçants, en courant et s'agitant, et ne parvint, d'après mon conseil, à se débarrasser de ses ennemis qu'en se déshabillant entièrement : mais il avait été horriblement piqué. « Manquant d'alcali volatil, je lui conseillai de se frotter avec son urine. Ce moyen, le seul à notre disposition, ayant été renouvelé plu- sieurs fois, apaisa les grandes douleurs; mais il avait été tellement maltraité dans les en- droits les plus sensibles, qu'il ne put éviter un petit mouvement fébrile qu'il conserva pen- dant deux jours. Ce fâcheux début ralentit son zèle et éteignit son goût naissant pour l'Histoire naturelle. » Il y a quelques années, un berger, avec son troupeau et son chien, reçurent une leçon ter- rible. Des vaches étaient en train de paître dans une prairie criblée de Taupinières. Le chien, fidèle gardien de son troupeau, las d'errer çà et là, s'assoit sur un de ces tertres ; quand tout à coup, poussant des hurlements affreux, LES GUÊPES. 647 et plein d'angoisse, il se lève affolé et court se précipiter dans l'eau qui coulait auprès de là. Le berger, ne sachant ce qui arrive, s'empresse au secours de son chien, l'appelle à lui, et le trouve pour ainsi dire lardé par les Guêpes. Occupé à chasser ces Insectes un peu refroidis par le bain, il ne s'aperçoit pas, dans son zèle, qu'il est assailli lui-même par l'essaim cour- roucé. Les bestioles furieuses grimpent io long de sesjambes, dans ses vêtements et l'obligent, comme son chien, à chercher dans l'eau un soulagement à ses piqûres. La confusion aug- mente sans cesse ; chaque Taupinière est habi- tée par des essaims nombreux au.xquels on n'avait pas pris garde jusqu'alors. Quelques vaches en paissant s'étant avancées vers les points infestés sont assaillies également par ces Guêpes irritées, et mugissantes, elles se jetè- rent à l'eau et la mêlée devint générale. On eut bien du mal ;\ rétablir l'ordre d'une manière dé- finitive et l'on dut pour cela employer des forces nombreuses. Les tentatives faites pour détruire ces Nids et rendre l'emplacement tolérable aux bestiaux demeurèrent sans effets ; les Guêpes étaient trop nombreuses celle année, et restè- rent maîtresses du champ de bataille. » L'agilité des Guêpes, dit Henri de Saus- sure (1), est toujours proportionnelle à la cha- leur. Par les belles journées d'été, elles sont plus particulièrement promptes à la riposte. C'est alors qu'elles piquent avec le plus de violence. Au contraire, durant les journées froides de l'automne, elles subissent un véri- table engourdissement produit par l'abaisse- ment de la température, et c'est à peine si, dans cet état, elles songent à faire usage de leur aiguillon. On peut alors les toucher sans éveiller leur fureur; la force leur manque pour se venger. Le même effet se produit, quoiqu'à un moindre degré, à la chute du jour. Les Hyménoptères, en général, ne sortent que par le soleil. A peine un nuage en obscurcit-il la splendeur, qu'aussitôt ces Insectes disparais- sent comme par enchantement. A l'entrée de la nuit, surtout par la pluie, elles tombent dans un état de complète torpeur. Elles cessent alors d'être redoutables, et c'est de ce moment qu'il faut profiler pour s'emparer du Guêpier, en coupant les branches qui le supportent. « De toutes les Guêpes sociales, les Insectes du genre Vespa offrent de beaucoup l'instinct le plus belliqueux. Leur colère est la plus ,1; II. do Saussure, lue. cil., p. 173. prompte, leur aiguillon le plus terrible. Les petites Guêpes américaines, quoique habitant un climat brûlant, sont d'humeur beaucoup plus traitable. « J'ai fréquemment secoué des Guêpiers de i\ecluriHa, de Cliarleigns, de Tatua et de Pubj- oia, en coupant les branches qui les portaient, sans avoir jamais été piqué, quoique je fusse souvent, pendant celle opération, entouré d'une nuée de Guêpes. Aussi, rien n'est plus facile que de s'emparer de ces Guêpiers, on n'a même à se plaindre que de la facilité avec la- quelle leurs habitants les désertent, car, loin de le suivre et de le défendre, ils l'abandon- nent au ravisseur, qui l'emporte complètement vide. Pour parer à cet inconvénient, autant que pour éviter les effets de la colère des Guê- pes, j'avais l'habitude de transformer la de- meure en prison, en fermant la porte sur ses habitants, c'est-à-dire en bouchant l'entrée avec un tampon de papier dans les Nids car- tacés, ou en liant le goulot à l'improviste sur les fuseaux des Charlcryus. Cette ruse réussit à merveille, mais il faut se hâter, pour conserver le fruit du larcin, d'enfermer le Guêpier dans un sac ou dans une caisse, car les Insectes ont bien vite compris le tour qu'on leur joue. Aussitôt ils rongent le carton à côté du tam- pon, agrandissent l'entrée, ou percent l'enve- loppe au-dessus de la ligature, et trouvent ainsi le moyen de s'échapper. Mais lorsqu'on a affaire à un Nid dc\espa crabro, on ne saurait user de trop de précautions, et il doit en être bien pis encore des grosses Vespa asiatiques. « Comme je l'ai dit plus haut, si les Guêpes piquent, c'est toujours par voie de représailles: tantôt c'est pour leur défense personnelle, . tantôt c'est par vengeance. Dans ce dernier cas, elles poussent l'ire jusqu'à prendre l'of- fensive et à poursuivre leur ennemi. Mais tant qu'on ne les agace pas, on peut en toute sécu- rité rester au milieu d'elles, leur permettre même de se promener sur son visage ou sur ses mains. Elles ne piquent jamais, tant qu'on se tient immobile ou qu'on se meut avec len- teur; mais au moindre mouvement qui les effraie, elles répondent par un coup d'aiguil- lon. Les gens chez qui la vue de ces Insectes excite une terreur ridicule, et qui cherchent à les chasser loin d'eux par des mouvements provocateurs, sont précisément ceux qui se font piquer, tandis que ceux qui leur laissent la liberté de se mouvoir autour de leurs per- sonnes ne le sont jamais, au grand étonnement 648 LES GUKPES. des premiers. 11 serait facile de porter cet élonnement à son comble, et de mystifier ceux qui ont des Guêpes une crainte puérile. En efJet, lorsqu'on sait distinguer les Mâles, on peut sans inconvénients les saisir avec les doigts, les enfermer dans la main, se les placer sur le visage, ou les donner à toucher aux spectateurs atterrés. (( Le mauvais caractère des Vespa est évidem- ment la cause du peu de soin qui fut accordé à leur étude. Les Abeilles, les Bourdons, s'ap- privoisent et apprennent à connaître leur gar- dien. Les Guêpes ne sont pas aussi accommo- dantes; elles attaquent l'expérimentaleur avec fureur, et le dégoûtent bien vite de recher- ches trop dangereuses. Loin de se plier comme les Bourdons aux besoins de "l'observateur et de s'habituer à obéir dans leurs travaux à la volonté du Naturaliste, elles prennent le plus petit dérangement qu'on leur crée pour une provocation, et ne savent pas se résigner. J'en ai fait plus d'une fois l'expérience à mes dé- pens. « 11 est toulefois certain que, avec beaucoup de ménagements, on réussit à faire plier leur roideur. Mueller était même parvenu à appri- voiser suffisamment une Vespa crabro pour pouvoir sans danger renverser la Ruche au fond de laquelle elle bâtissait son Nid, et l'ob- server dans ses travaux. Celte Guêpe finit même par se laisser caresser du bout du doigt. Bientôt on put lui donner sa nourriture au bout d'un bâton et même avec la main. « Dès que laCîuêpe sentait soulever sa ruche et qu'elle voyait approcher le morceau, elle se dressait sur ses pattes de derrière pour le recevoir, et à mesure que la société s'accrut, les nouvelles guêpes s'habituèrent au même traitement, en sorte que toute une grande colonie fut apprivoisée. Lorsqu'il survenait des visiteurs, Mueller prenait la ruche et l'empor- tait avec lui pour la montrer à découvert. Jamais personne ne fut piqué durant ces pro- menades. Si l'expérimentateur désirait exa- miner les alvéoles, il écartait simplement les Frelons avec un morceau de bois, sans que ceux-ci s'en montrassent irrités. Enfin, les Guêpes lui permirent même de couper à plu- sieurs reprises l'enveloppe du Nid, afin de conserver les cellules à découvert. Mais pour obtenir un pareil résultat, il faut prendre la société à son début et la suivre sans relâche. « Après avoir dit dans quelles occasions les Guêpes font usage de leurs armes, il nous reste encore à montrer quels sont les effets de leurs piqûres. « Leur aiguillon est établi sur les mêmes principes que celui des Abeilles, mais il est plus grand, mieux armé, et, comme l'a remarqué Réaumur, il forme une canule par laquelle l'In- secte projette, à plusieurs pouces de dislance, le liquide venimeux (1). C'est uniquement à l'injection de ce venin dans la blessure qu'il faut attribuer les douleurs aiguës et le trouble physiologique qui succèdent aux piqûres. « Je ne connais aucune expérience positive à ce sujet, néanmoins il est généralement admis qu'un enfant ou un animal de la gros- seur d'un chien succomberait, s'il était piqué simultanément par un grand nombre de nos Guêpes de la plus grosse espèce [V. Crabro): il faut sept Frelons pour tuer un homme dit nn dicton populaire. Mais, à défaut d'expériences, les observations sur cette matière sont assez nombreuses et plusieurs d'entre elles remon- tent à une haute antiquité. « On trouve sur cet objet une intéressante série de faits rassemblés avec une grande éru- dition par Cloquet (2). « Pline, déjà, cite à ce propos des auteurs plus anciens et soutient avec eux, à tort ou à raison, que la piqûre des Guêpes a entraîné des accidents d'une haute gravité. « Il est vrai que l'état général de la santé du patient entre pour beaucoup dans sa prompte guérison, ou dans les conséquences fâcheuses dont ces blessures sont suivies. On a vu des gens n'être que fort peu éprouvés de piqûres nombreuses reçues en même temps, tandis que d'autres ont succombé à la piqûre d'une seule Guêpe. La délicatesse plus ou moins grande de l'organe piqué est une autre source d'irrégularité dans les effets morbides de l'ai- guillon de ces Insectes. « Parmi nos Guêpes indigènes, l'espèce de beaucoup la plus dangereuse est la Vespa crabro. Les autres, quoique bien plus petites, sont cependant fort redoutables aussi, même prises isolément. Ainsi, la piqûre de ces der- nières est suivie, dans bien des cas, d'enflure considérable, de gonflement érysipélateux, et finit quelquefois par laisser une tumeur per- sistante. Dans d'autres cas graves, la tumé- faction s'est résolue par une suppuration abondante accompagnée de gangrène, ou bien (1) Voyez Lacaze-Dutliiers, Annales des sciences nalu- relles. Z' série, t. XII, p. .353. {T, Cloquet, Faune des médectns, t. V. LES GUEPES. 640 Fig. 8"ô et 876. — La fiiiôpe frelon, p. G50. l ig 8 7 —Le Belonogaster ^ ailes loussps p fjO Fie. 87.') ;\877. — Les Guêpes sociales. il en est résulté des ulcères rebelles. Évidem- ment tous ces effets sont accidentels et pro- viennent de causes prédisposantes dans la condition du sujet atteint. « Richerand cite une femme qui fut piquée au doigt. En un instant, le corps entier fut tumélié, la peau devint boutonneuse, et une fièvre ardente se développa. Un bûcheron, attaqué par un essaim de Guêpes, fut saisi d'une manie furieuse, sans doute sous l'in- lluence d'une douleur excessive. Le délire n'est pas rare, au dire de quelques médecins modernes, et, môme chez les personnes en parfaite santé, la fièvre est la conséquence presque inévitable des piqûres de Guêpes. « Les phénomènes qui précèdent ne sont ce- pendant pas les plus graves. « Dans certains cas, la mort succède à la lésion d'une manière plus ou moins immédiate. Clo- quet cite deux paysans qui succombèrent sur le lieu même où ils travaillaient, non loin de leur demeure; il cite aussi des mulets qui, attachés près d'un Guêpier, furent piqués jus- qu'à ce que mort s'en suivît. « D'autres exemples ne seraient sans doute pas difficiles à compulser. " Mais la piqûre la plus dangereuse est celle qui se fait au pharynx, et cet accident n'est pas aussi rare qu'on pourrait le supposer, parce qu'on introduit souvent sans s'en douter des Guêpes dans la bouche, lorsqu'on y porte Breum. — vil un fruit qu'elles ont excavé, et où l'une d'elles est restée logée. L'effet d'une piqûre dans cet endroit sensible amène la tuméfaction du voile du palais, et fait périr le patient par suffoca- tion, dans l'espace de quelques heures. Dans un cas pareil, le mal exige un remède immé- diat. « Un agronome anglais, dit Chaumeton (1), voyant un de ses amis piqué au pharynx par une Guêpe qu'il avait avalée dans de la bière, lui fit prendre à plusieurs reprises du sel com- mun, simplement délayé dans une petite quantité d'eau. Les symptômes alarmants qui s'étaient manifestés à l'instant de la piqûre cédèrent comme par enchantement à ce re- mède, administré parles mains de l'amitié, et la vie du blessé fut ainsi manifestement sau- vée puisque dans une autre occasion un jeune homme qui se trouvait dans le même cas mourut suffoqué. « La gravité des blessures que font les Guêpes e.vplique suffisamment comment celles-ci ont pu devenir une véritable plaie, lorsque leur nombre prenait un accroissement extraordi- naire. On ne doit pas s'étonner que, par suite des tourments que leur faisaient endurer ces Insectes, certains pays aient été abandonnés de leurs habitants, comme celui des anciens Pharsalites. (1) Cliaumeton, Dict, des sciences médicales, I, 40. Insectes. — 82 650 LA GUÊPE FRELON. « Il faut rapporter au m6me phénomène les faits mentionnés à plusieurs reprises dans les livres saints, de peuples mis en fuite par les tourments que leur causaient les Guêpes ; ainsi, dans ÏExode (1), il est dit que le Sei- gneur dirigeait des essaims de Guêpes contre les Héthiens, les Chananéeus, pour leur faire graduellement abandonner la terre qu'il des- tinaità son peuple, et au livre de Josué{i), le même fait est répété. « De tout temps, même dans les siècles les plus reculés, les médecins et les charlatans ont imaginé des recettes contre les piqûres des Guêpes, et la littérature ancienne ainsi que celle du moyen âge, voire même la moderne, nous ont transmis une multitude de spécifi- ques dont les recettes sont plus divertissantes qu'utiles. Voici, pour en donner une idée, la composition de quelques-uns : des feuilles de Chou; du sel marin, incorporé dans de la graisse de Veau ; la Mélisse des bois; la fiente de Bœuf; le jus de la Citrouille et du Pissenlit; la neige, etc.. qui sont de simples résolutifs; puis aussi la pommade composée avec la Len- tille d'eau et des têtes de Mouches ; la préten- due pierre des Crapauds, le sang des Chouettes, le fiel de certains Oiseaux, et la pâte faite avec des toiles d'Araignée, de l'Oignon et du vin ; le decoctum vineux de semences de Mauves, ad- ministré en boisson par Guillaume de Vari- gnana, médecin de l'empereur Henri VII; les cataplasmes d'Abeilles et de Guêpes écrasées, préconisés par Gilbert l'Anglais, à côté desquels on peut citer la singulière habitude des Indiens du Mexique, de bander les piqûres venimeuses avec la peau d'un Serpent à sonnettes, sous pré- texte que le venin doit être détruit par le venin. « A la liste des vulnéraires, on peut ajouter l'eau de Rose, l'eau de Cologne et le vinaigre, appliqués à toute sauce par des femmes vieilles et jeunes de notre siècle. « En fait de remèdes sérieux, il n'en est guère qui soient d'une grande efficacité. Le seul trai- tement applicable, en pareil cas, consiste à suivre d'abord le conseil donné par Swammer- dam, c'est-à-dire à couper, avec des ciseaux tranchants, à fleur de peau, l'aiguillon qui reste enfoncé dans les chairs, afin d'enlever ainsi la vésicule de venin et le venin même qui est contenu dans la base de l'aiguillon, et que la pression pourrait faire jaillir dans la blessure. Ensuite, il faut extirper ce qui reste (1) Exode, XIII, Î8. (1) Josiié, XX, 2. engagé dans les chairs, au moyen d'une ai- guille. On peut alors couvrir les parties qui avoisinent la blessure, d'émollients divers, tels que compresses à l'eau salée, à l'eau de mer, comme l'a déjà recommandé Dioscoride, ou simplement à l'urine, lorsqu'on est en voyage. D'autres substances telles que l'huile d'amandes douces ou d'olive, le suc laiteux du pavot, sont d'un bon effet. « Si les douleurs sont aiguës, on peut ajouter un peu de laudanum. Enfin, dans les cas gra- ves, il est bon de boire de l'eau salée chargée de quelques gouttes d'ammoniaque. « Nous ne parlons pas ici du conseil peu pra- tique que donne Réaumur, de se laisser piquer avec patience, au lieu de chasser la Guêpe trop précipitamment, ni de l'instillation de l'ammo- niaque (ou alcali volatil), remède qui nous pa- raît être pire que le mal et qui, dans bien des cas, ne sert qu'à enfermer le venin dans la plaie, en cautérisant superficiellement. » LA GUÊPE FRELON. — VESPA CHABHO. Hornisse. Carnctères. — La Guêpe-frelon OU Frelon (fig. 875, 876 et pi. IV, p. 158j se distingue facile- ment de toutes les autres espèces de Vespa, par ses grandes dimensions et parla coloration rouge qui prédomine sur la moitié antérieure de son corps. Sa tête ferrugineuse a le chaperon, l'échan- crure des yeux, une tache triangulaire entre l'insertion des antennes et la base des mandi- bules de couleur jaune; ses antennes sont brunes, avec les trois premiers articles d'un roux clair; son corselet est d'un brun ferru- gineux, avec les épaulettes, l'écusson, deux taches au-dessus et au-dessous de l'aile, ainsi que deux lignes sur la partie antérieure du dos, d'un roux clair; son abdomen en dessus a le premier segment roux clair à la base, brun au milieu avec une étroite ligne jaune sur le bord postérieur ; le second segment est brun à la base, jaune postérieurement, la couleur brune dessinant trois pointes sur la jaune; le troisième segment rappelle le précédent, mais la couleur brune ne dessine qu'une petite bande sinueuse. Les pattes sont brunes, les ailes rousses. Uistribution g^éog^rapliique. — On tl'OUVe cette Vesjia crahro dans toute l'Europe; au nord, elle s'étend jusqu'en Laponie. •lœiirg, habitudes, régime. — Dans les pre- LA GUÊPE FRELON. P.51 miers jours de mai, la Femelle qui a passé l'hiver commence à construire son Nid, sur quelque solive d'un grenier, dans quelque an- cienne Ruche déserte, dans un tronc d'arbre creux, ou dans quclqu'autre endroit isolé et peu fréquenté par les Hommes. Elle débute par la construction d'un morceau de la calotte sphérique qui constituera plus tard l'enveloppe, et fixe à l'intérieur, au moyen d'un pilier solide, le premier rayon dont les cellules hexa- gonales sont ouvertes par le bas. Les matériaux sont empruntés au paren- chyme verddtre de divers arbres, notamment aux Frênes, qui se trouvent parfois écorcés cir- culairement et sont ainsi réellement endom- magés. Ge parenchyme, mél;ingé de salive, constitue une masse régulière et solide, dont la forme et les dimensions rappellent une gesse; la Guêpe l'emporte en le serrant entre ses mâ- choires et son prolhorax. Arrivée chez elle, elle saisit ces matériaux entre ses pattes anté- rieures, elles applique àl'aidedeses mandibules sur les places où elle veut construire. Elle mord les morceaux l'un après l'autre, les ap- plique, les presse fortement, et les polit. Ce travail s'accomplit si rapidement que la Guêpe semble dévider un peloton pour l'appliquer sur la construction déjà faite. Pendant que les cellules se multiplient, l'enveloppe s'accroît régulièrement comme par une succession de couches hélicoïdales, et constitue d'abord une coupole, puis une sphère assez friable dont la disposition intérieure est aréolaire. Lorsque quelques cellules sont terminées, la ponte commence. Ainsi que la Reine des Abeil- les, la mère Frelon a soin de fourrer d'abord sa tête dans chaque cellule, et tâte l'intérieur avec ses antennes; puis elle se retourne, intro- duit son abdomen, et lorsqu elle en sort au bout de 8 à 9 minutes, on trouve derrière elle un Œuf adhérent au plancher. Cinq jours plus tard éclot une Larve qui trouve là sa provision de nourriture. J'ai possédé un morceau très instructif d'un Nid de Frelons ; il contenait à la fois des Larves desséchées dans les cellules ou- vertes et dans d'autres à opercules tissés se trouvaient aussi déjeunes Frelons développés. Sur le sol des premières cellules gisait une masse noire i)ulvérulenle, sans doute la nour- riture desséchée, constituée évidemment par des cadavres d'Abeilles et d'Insectes divers dé- chiquetés en morceaux ; ils sont très probable- ment mêlés avec du miel, quand il y a lieu. Comme toutes les Guêpes, le Frelon fond de haut sur la proie qu'il aperçoit, la jette à terre, lui supprime d'un coup de mandibules les pattes et les ailes, puis la transporte sur quelqu'arbre voisin, pour découper à son aise les morceaux qu'il compte introduire chez lui, et les porte, une fois ce travail fait, dans sa demeure. Arrivé là, la mère prend cette nourriture entre ses pattes antérieures comme les matériaux de construction, la pé- trit de nouveau, en mord les parcelles et les dépose sur la bouche des Larves déjà grandes, distribuant ainsi les parts rangée par rangée, jusqu'à ce que tout ait été partagé. Cette ma- nière de nourrir les Larves déjà grandes a été signalée par le pasteur P. W. P. jMiiller, qui eut l'occasion de voir se développer un de ces Nids dans son Rucher. Tant que ces Larves étaient petites, il ne put constater ce procédé; il leur fournissait lui-même, sur une baguette, un miel épais qu'elles dévoraient avec la même gloutonnerie que les aliments distribués par la mère. Quand la Larve est devenue grande, vers le neuvième jour, non-seulement elle remplit sa cellule, mais elle la déj);isse ; c'est pourquoi le couvercle, qu'elle tisse elle-même pour fer- mer sa cellule, prend une forme absolument hémisphérique. Sur mon fragment de Nid, j'ai vérifié neltement que ce couvercle est constitué par une trame nouvelle et non par la masse cellulaire. Maintenant, seulement, que la cellule est close, la Larve peut se mou- voir et se détacher du plancher, sans tomber au dehors; il faut, d'ailleurs, qu'elle s'en dé- tache pour s'envelopper coujplèt-ement d'un tissu transparent. Sitôt ce tissu terminé, elle mue et se transforme en pupe. Quatorze jours plus tard, la jeune Ouvrière-Frelon apparaît au dehors; son évolution a duré, en tout, quatre semaines. Sitôt qu'elle a maîtrisé l'effare- ment qui, par suite du manque d'habitude, résulte de son nouvel état, elle se met à four- bir ses pattes et ses antennes ; puis, cela fait, elle rentre dans son berceau pour le nettoyer et le disposer à recevoir un deuxième Œuf. C'est là un exemple de sentiment de l'ordre et de la propreté, qui n'est pas l'effet de l'éducation, mais qui est bien véritablement inné. Voit- elle venir quelques sœurs plus avancées qui rapportent de la nourriture, elle en arrache un morceau à la première venue, et le dévore. Après deux jours consacrés à ces occupations domestiques, elle prend son vol avec ses sœurs, se met en chasse, rapporte des matériaux de 652 LA GUEPE COMMUNE. construction, et ne néglige pas pour cela son entretien personnel. Bientôt le premier rayon devient insuffi- sant; la colonie établit un petit pilier, de la longueur d'une cellule environ, à l'extrémité duquel elle commence le second rayon; elle multiplie les piliers suivant les besoins; ils n'ont d'ailleurs pas de positions déterminées, et sont d'autant plus nombreux que le plan- cher du nouveau rayon est plus vaste. Suivant que le temps est favorable ou non à l'édifica- tion et à la chasse, le Nid s'accroît vite ou len- tement. J'ai sous les yeux un Nid de Frelons, dont l'enveloppe est brisée ;\ la partie infé- rieure, et qui n'est pas terminé; il contient cinq rayons et mesure 31,4 centimètres de haut; le diamètre de l'enveloppe au niveau du cinquième rayon atteint 47 centimètres. C'est là un édifice qui doit provenir d'une année ordinairement favorable à ces Insectes. Un Nid de Frelons, terminé, et suspendu à l'air libre, a une forme à peu près sphérique; son enveloppe présente en bas et latéralement une ouverture qui sert d'orifice d'entrée et de sor- tie et qui est pourvue de sentinelles; à l'appro- che d'un danger, elles se retirent pour rensei- gner les habitants, qui se jettent avec courage sur l'assiégeant et font usage de leurs armes empoisonnées. A partir de la seconde moitié de septembre, et surtout au commencement d'octobre, nais- sent aussi des Mâles et des Femelles fécondes. On n'a pas encore examiné si ces GEufs se trou- vent produits dans les mêmes conditions que chez les Abeilles domestiques; on ne connaîL pas davantage les circonstances qui influent sur le développement d'une Femelle féconde. Je n'ai jamais pu découvrir dans un Nid de Fre- lons de cellules royales, orientées autrement que les autres; mais j'ai vu, parmi les ran- gées, des cellules isolées qui se dislinguaient par leur longueur plus considérable et par un périmètre plus grand. A l'approche de la mauvaise saison, après que les couples se sont appareillés, la couvée qui existe encore est arrachée et massacrée par les mères elles-mêmes qui, jusque-là si soigneuses, se changent, comme le dit Réau- mur, en véritables Furies. Si cette conduite était de règle chez les Frelons et les Guêpes, ce que je désire d'ailleurs laisser dans le doute, on aurait un contraste frappant entre le caractère pacifique des herbivores, tels que les Bourdons ou les Abeilles mellili(iues, et les allures sauvages des Guêpes, qui sont car- nivores. Les Femelles fécondées s'en vont chercher dans les cachettes ordinaires un abri contre l'hiver; les Mâles et les Ouvrières dis- paraissent l'un après l'autre, et le règne de ces Animaux redoutés est passé. Les communications intéressantes du pas- teur Miiller indiquent qu'on pourrait appri- voiser ces Frelons en les maniant avec beau- coup de prudence et de circonspection; il a pu transporter le Rucher où ils avaient installé leur construction, le couvrir à volonté, et pro- curer à ses enfants et à ses amis le spectacle de leur activité, sans jamais être importuné par ces petites bêtes ordinairement farouches et indomptables. L'Etat, du reste, dont il ra- conte l'histoire, eut une triste fin : un jour, la mère, qui s'envolait et rentrait sans cesse, ne revint pas, le zèle des Ouvrières s'éteignit peu à peu visiblement, et l'édifice demeura tout à fait délaissé. Les habitations des Frelons donnent asile à un certain nombre de Parasites ou de Commen- saux, notamment à un grand Coléoptère sta- phylinide que son mode d'existence rend fort rare, le Velleius dilalatus. Les autres Insectes du genre Vcspa, qui ani- ment les campagnes de nos pays pendant l'été et l'automne, et qui à l'époque où l'on rentre la moisson envahissent les vergers et les vignes plus qu'il ne plairait aux propriétaires, passent tous indistinctement, aux yeux peu exercés du monde, pour des Guêpes. L'Entomologiste, plus expérimenté, qui les classe, y reconnaît plusieurs espèces ; mais le nombre de leurs dé- nominations dépasse encore de beaucoup le chiffre réellement considérable des espèces existantes; il en résulte de très fâcheuses con- fusions. Il faudrait, pour fixer dans la mémoire des espèces si semblables, de longues et fasti- dieuses descriptions ; indiquons simplement quelques caractères principaux et mentionnons les différences importantes dans leurs modes d'existence et dans leur architecture. LA GUÉI'E COMMUNE. - l ESPA VVLGAlilS. Gemeine Wesjje. Caractères. — La Vespa vulgaris a : le cha- peron jaune marqué d'une raie noire verticale, se terminant dans une tache noire arquée transversale, — cette marque noire caractéris- tique a la forme d'une hallebarde ; — les orbites LA GUÊPE GERMANIQUE. 653 Fig. STJ. — Larve de Frelon. Fig. STS. — liaj'oii d'un Nid dr Irclinis cellules ouvertes et cellules operculées). . S80. — Nymphe de Frelon. jaunes postérieurement; une ligne jaune depuis le chaperon jusqu'au fond du sinus des yeux, au-dessous des antennes une tache jaune ; les mandibules jaunes. L'abdomen a trois seg- ments noirs à la base, jaunes à leur bord; le premier seulement avec une bordure jaune en dessus ; cette bordure est échancrce dans tous les anneau.x". Dans les segments deu.x à cinq, la bordure porte un point noir. Cette Guêpe se distingue nettement de la Vespa ger.manka par sa pubescence noire. Diairibuiion gpogprnpiiiquc. — Se rencontre à Madère, dans l'Afrique septentrionale, dans r.\mérique du nord, et dans toute l'Europe, où elle est très commune. Mœurs, li:ibitndes, rég-liiic. — Elle nidifie sous terre, mais ses constructions n'ont pas l'ampleur de celles qu'édifie l'espèce suivante et les matériaux qu'elles emploient ont une friabilité infiniment plus grande. Les Nids de celte Guêpe dont de Saussure ne parle pas sont d'une coloration jaune claire avec des zones ternes, comparable à celle des Nids de Frelons, mais encore plus fragile ; des Nids de 30 centimètres de diamètre peuvent être con- sidérés comme des édifices de très grandes di- mensions. Ils sont établis dans les vallons, sou- vent même au voisinage immédiat des eaux (Kiinckel). LA GUÊPE GERMANIQUE. — y ESP A GERMANICA. Deutsche Wes\ie. Caractères. — La Guêpe germanique a une très grande ressemblance avec la Vespa vulgaris, cependant elle s'en distingue lorsqu'on y prête attention. Chez les Femelles le chaperon porte trois points disposés en triangle ; l'abdomen est noir avec tous ses segments largement bor- das de jaune ; le premier avec un losange noir au milieu et de chaque côté un point noir ; les autres portant tous une grande échancrure médiane très régulière en forme de dé à coudre et de chaque côté une tache noire. — La Guùpc gerinaniiiui'. nistribiition géoffrapliique. — Le choix de son nom n'est pas heureux, car elle ne reste pas dans les limites des frontières politiques de l'Allemagne; elle se trouve non seulement en France et dans toute l'Europe, mais encore en Syrie, dans l'Inde. septentrionale, en Algé- rie et dans l'Amérique du Nord. Mœurs, habituiles, régime. — Elle nidifie également sous terre. Cette espèce, la plus ré- pandue de toutes, a été la mieux observée par Réaumur et mille observateurs; elle construit des demeures (pi. XVI) qui atteignent souvent, lorsque la saison est favorable, d'énormes pro- portions ; tantôt, lorsque le sol s'y prête, elles s'étendent en longueur et atteignent jusqu'à 30 centimètres de long sur liO de large ; d'au- tres fois, lorsque des racines les gênent, elles s'élargissent ; j'ai sous les yeux un Nid ayant 40 centimètres de large sur 30 de longueur qui contenait une population énorme ; les cités qui renferment 2,000 habitants au mois d'octobre 654 LA GUEPE SYLVESTRE. ne sont pas rares; souvent même elles sont encore plus peuplées. Dans ces Guêpiers sou- terrains ne vivent pas seulement des citoyens ; de nombreux parasites et commensaux, des StapliyUns. les singuliers niiipii'hoi-iis pnradoxus V^/^ Fig. 882. — Le Rliipipliore paradoxal et la Guêpe germa- nique gardant l'entrée de son Nid, grand, nat. (fig. 882; voy. p. 23-4 et suiv.), des Diptères, Syrphides et Muscides, notamment les belles Volucelles dont nous ferons l'bistoire ( Volucella zonaria, inanis et pelliicens), y trouvent le gîte et le couvert. LA GUÊPE ROUSSE. — VliSPA JIUF.I. Rothe Wcsjje. Caractères. — La Guêpe ivusse se distin- gue assez nettement des autres par la couleur rousse de la naissance de son abdomen. Les antennes sont noires; sa tête est noire avec les mandibules jaunes, aux dentelures noirâ- tres, avec le chaperon jaune bordé de noir et portant une ligne perpendiculaire également noire, avec une partie de l'orbite des yeux jaunes. Son corselet noir a les épaulettes et le cou bordés de jaune, et deux taches jaunes au- dessus et au-dessous de l'aile; son écusson porte deux taches ovales jaunes. L'abdomen, en dessus, a le premier segment roux avec deux bandes jaunes; les autres segments sont jaunes avec la base assez étroite noire ; la partie jaune de chaque segment échancrée porte de chaque côté un point roux ou noirâtre. Les pattes sont jaunes un peu roussàtres; les cuisses sont en grande partie noires. Les ailes trans- parentes ont leurs nervures rousses. Distribution géographique. — Elle habite toute l'Europe et môme l'Amérique du nord. Elle n'est pas très commune dans nos pays; cependant elle n'est pas rare aux enviions de Paris, noi animent dans U's vallées de la Bièvre et de l'Yvette. Mœurs, habitudes, rég^inie. — Elle nidifie SOUS terre et ne vit qu'en sociétés peu nom- breuses. L,V GUEI'E SYLVESTRE— VESPA SYLVESTRIS. Wiihiwespe. Caractères. — Les Guêpes sylvestres ( Fêspa xylvesln's, ou holsalica) ainsi que quelques autres espèces plus rares, et un peu foncées, sont re- marquables par l'intervalle qui sépare, chez elles, l'extrémité inférieure des yeux de la nais- sance des mâchoires ainsi que par leur pubes- cence ferrugineuse. Mœurs, habitudes, régime. — Elles établis- sent leurs Nids (pi. .Wll) diins le feuillage des arbres et des buissons, très rarement au niveau du sol. Elles les construisent avec une matière papyracée, provenant d'un mélange de salive et de raclures de bois pourris. Sans doute, le pape- tier d'Uim qui, à l'Exposition devienne, en 1873, suspendit un de ces Nids au-dessus de ses pro- duits, voulait ainsi démontrer que les fabri- cants seraient arrivés, depuis longtemps, à satisfaire le monde avec leurs papiers, si mau- vais encore aujourd'hui, si l'on prenait pour idéal celui des Guêpes! (Voy. p. 640.) Ces Nids sont bâtis sur le même plan que ceux des Fre- lons. Les Guêpes qui les installent à l'air libre ont sur celles qui nidifient dans la terre ou dans les creux d'arbre, l'avantage de n'avoir pas à se préoccuper de l'espace et de pouvoir donner à leurs constructions leur forme naturelle. Cette forme est généralement celle d'un ÛEuf ou d'un Citron ; l'enveloppe offre à sa partie inférieure et latérale un orifice d'entrée ; à l'in- térieur se trouve un nombre plus ou moins grand de rayons en étages suivant la grosseur de l'édifice ; les étages du milieu ont naturelle- ment un périmètre plus grand que ceux des extrémités. Les Guêpes sylvestres vivent en sociétés peu nombreuses, aussi leurs Nids sont-ils généra- lement petits; ils atteignent les plus grandes dimensions dais les contrées où les fruits abon- dent et lorsque la chaleur favorise leur matu- rité. On en trouve souventquinesontpas encore terminés, et qui paraissent peuplés de vierges seulement, la mère primitive ayant dû périr, sans doute. Une de ces constructions, d'une couleur blanc-grisâtre, et de la grosseur d'une noix très forte, était appendue à une petite branche de Saule, sous un angle de 45° envi- ron. Le fond était entouré d'une enveloppe extérieure en godet, formant manchette, et indépendante de la seconde enveloppe inache- vée, qui doit compléter le double manteau UnEiiM, Insectes w A.L.Clsmsnï. P*il!, J.-B. B.uUièrc cl Kils, édll ■ERhseenEH Coi-ieil, Crélé. imp GUÊPIER AÉRIEN. NID DE LA GLÊPE SYLVESTRE (VESPA SYLVESTRIS). LA POLISTES FRANÇAISE. 655 dont s'entourent les Nids parfaits de cette espèce. A la pointe terminale de l'enveloppe interne était ménagé un trou arrondi de H mil- limètres de diamètre qui servait d'orifice d'en- trée, et qui permettait de jeter un coup d'œil à l'intérieur. Du fond de la cavité s'élevait une rosette de douze cellules hexagonales, rétré- cies en arrière ; celles du centre étaient plus grandes et pins avancées que les autres. LA Gl'EPE MOYENNE. — lESPJ MEDt.l. Mitthre M'espe. Caractères. — La couleuT jaune de l'abdo- men est plus obscure, d'un jaune plus brun et un peu plus sale. Distribution g-i-og^raphique. — La Giirpe moyenne est aussi répandue chez nous que les espèces précédentes. llœurs, habitudes, rég:ime. — Leurs Nids aériens suspendus à des branches d'arbres sont construits avec de petites pièces concaves en forme de coquilles, qui s'imbriquent à la manière des tuiles et ne se touchent qu'à leurs sommets et sur leurs bords ; sur la surface elles laissent des intervalles vides aréolaires. Un de ces Nids mesure 23 centimètres environ de longueur et plus de 18 centimètres de largeur. LES POLISTES — POLISTES Die Pulisten. Les Polisfes constituent un deuxième genre de Guêpes sociales. Caractères. — Le chaperon est anguleux, en avant ; son bord supérieur est coupé pres- que droit, et les antennes sont assez écartées. Les mâchoires, à peu près aussi longues que larges, sont armées de quatre dents, dont les trois dernières sont égales et équidistantes, tandis que l'antérieure est plus obtuse et plus courte. L'abdomen présente une forme lan- céolée; son premier article se rétrécit bien un peu en avant, mais il n'est pas étiré en forme de pédicule, et comme le métathorax tombe obli- quement dessus, il en résulte une sorte de crevasse entre lui et l'abdomen. Les antennes du mâle ont la pointe recourbée en dehors. Mœurs, babituiles, régime. — Leurs Nids appartiennent au type le plus simple; ils sont formés d'un seul rayon, rarement de deux, et demeurent découverts. Uistribution gréog^raphique. — Les PolistCS sont abondants dans toutes les partiesdu monde. I.A POLISTES I-RAISÇ.ilSE. — POLISTES UII.LICJ. Friinzësmclie Papicnvespe. Caractères. — Tout le Corps (fig. 883, p. 657) est orné de marques jaunes nombreuses, mais variables, sur un fond noir. Les principales sont des cercles jaunes qui dessinent les bords posté- rieurs de tous les anneaux abdominaux ; sur la face dorsale ils paraissent comme rongés, en avant. ■»istributions:éoe:raphiqup. — Cette espèce n'appartient pas exclusivement à la France; on la trouve aussi en Allemagne, mais sous une forme dégénérée {Polis/es diadema) dont les antennes, au lieu d'être absolument rouges à la pointe, sont d'une couleur jaune rougeâtre sur leur face inférieiu'e seulement. Slceurs, habitudes, régime. — Au début du printemps apparaît la Femelle fécondée qui a traversé l'hiver ; elle se met à construire con- tre une branche, contre un mur, sous un auvent, quelques cellules peu nombreuses, fixées sur une colonnette très courte, qui formeront, avec le tenips, une rosette sans enveloppe (fig. 883, page 637). Il faut un été particulière- ment favorable pour que la petite société s'ac- croisse au point de nécessiter un second étage pour la ponte; dans ce cas il est relié au pre- mier par une petite colonnette centrale. LePe- letier, qui a souvent observé ces Nids à Paris, estime qu'à l'époque un peu plus avancée où les Mâles et les Femelles coexistent, le nombre des habitants varie de soixante à cent vingt, dont vingt à trente Femelles. Dans quelques cellules isolées il a trouvé aussi des provisions de miel, qui, à son avis, étaient destinées à l'accroissement des Larves. « Le 16 août 1873, je trouvai à Gmunden, rapporte Taschenberg, un Nid de l'espèce dégénérée [Polùies diadema) avec ses habi- tants et de nombreuses cellules couvertes; il remplissait, sous le montant d'une fenêtre à ras de terre, une petite cavité résultant d'un éclat de pierre. A l'intérieur du Nid, les Guêpes gisaient dans le repos le plus com- plet; elles s'élevèrent toutes sur leurs pattes, lorsque je m'approchai, et imprimèrent à leurs ailes des mouvements de vibrations sonores ; mais je pus détacher le Nid rapidement pour le faire choir dans une boîte placée au-dessous de lui, etje parvins à l'y enfermer, sans qu'une seule d'entre elles se fût envolée. Cette circon- stance, ainsi que l'emplacement même du Nid. 656 LE BELONOGASTER A AILES ROUSSES. montrent combien ces Guêpes sont peu crain- tives et peu sauvages; cette fenêtre appartenait à la devanture d'un hôtel relié à une brasserie, et donnait sur un chemin de voitures très ani- mé. Ne pouvant m'arrêler longtemps en cet endroit, j'assoupis les Guêpes avec de l'éther sulfiirique, et je les fis tomber hors du Nid; j'enveloppai ce dernier de papier et le plaçai dans une boîte en carton parmi d'autres effets de voyage. Quelque temps après, étant assis en wagon, je vis voltiger quelques Polistes au- tour de mon sac de voyage qui se trouvait placé un peu haut, en face de moi. Toutes les Nymphes étaient écloses dans le Nid l'une après l'autre, et ces Guêpes nouvelles avaient cherché de l'espace, non sans avoir laissé, au préalable, de faibles traces de leurs instincts d'archi- tectes : car dans le milieu du rayon envoyait des cellules dont les bords étaient blancs, et pour lesquelles les papiers d'enveloppe avaient servi de matériaux de construction. » Les expériences que Siebold a entreprises sur cette même espèce sont bien plus intéres- santes. Il fixa à une planchette, pour pouvoir les examiner de tous côtés, quelques-uns de ces Nids qui ne sont pas rares aux environs de Munich sur la face sud ou sur la face ouest des murs en planches ou des bâtiments. Après avoir constaté que la jeune société à l'approche de l'été ne contenait, avec la mère primitive, que des Ouvrières, mais pas encore de Mâles, il enleva la Guêpe-mère de quelques Nids, ei retira des cellules les OEufs et les très jeunes Larves, de façon à ne laisser que les Ouvrières plus avancées. Quelques jours après, certaines Ouvrières avaient été choyées par les autres, et l'on trouva, dans les cellules qu'on avait vidées, de nouveaux OEufs. De Siebold pense qu'ils ne peuvent avoir été pondus que par les ouvrières vierges, parce que jamais elles ne to- lèrent dans leur Nid une Guêpe étrangère. De ces OEufs éclorent des Mâles, et ce fait dé- montre, aux yeux de cet observateur, que chez les Pulisles gallica les Mâles procèdent d'Œufs non fécondés, c'est-à-dire naissent par parthé- nogenèse comme chez les Abeilles. LES BELONOGASTER — BELONO- GASTER [\) Sandivespenartigen Papierwespe. Tout à fait à la fin de cette famille des Ves- (I) B£>6vri, aiguille; •(aaTi]^, ventre. pides, nous décrirons et nous représenterons les Belonogaster . Caractères. — Ce genre aux formes élégantes rappelle, à cause de son abdomen longuement pédicellé, les £'!tus, vu de face, fac-similé d'après M. Main- droii. Fig. 804. — Le même, détaché de son point d'appui et vu par la face interne, fac-similé. Fig. 892 à 898. — Les Pélopées et leurs Nids. Fig. 894. 895, _ Nid i plusieurs cellules du Pélopée tour- neur, fac-similé d'après M. Lucas. Fig. 89G. — Larve de Pélopée, grandeur naturelle. Fig. 891.— LarvedePélopée,très grossie, d'après M. Lucas. Fig. 898. — \ymplie de Pélopée, grand, nat., d'après M. Maindron. LE PELOPEE DISTILLATEUR. — PELOPjEUS DES- TILLATOniVS. Muwer-Spinnentôdter. Caractères. — LePélopéedisUUateur (fig. 9:25 et 926) est d'un noir luisant ; mais son long pédicule abdominal, ses épaules, son posl- écusson, son scape antennaire, et ses pattes à partir des cuisses, sont jaunes; les extré- mités des cuisses et des jambes des pattes pos- lérieures seulement sont noires. Distribution g^ôog^rapliique. — Le Pélopée distillateur habite les contrées méditerra- néennes ; il a été trouvé aussi une fois en Hanovre. 678 LA MELLINE DES CHAMPS. Mœurs, habitudes, régime. — Evermans découvrit, sur un prolongement rocheux des monts Durais, son Nid irrégulier, un peu réni- forme, et constitué d'agrégats terreux. 11 ren- fermait environ quatorze cellules allongées, voisines ou superposées, et contenant chacune dix Araignées d'une espèce assez rare {Tomi- sus cili-mus). LE PÉLOPÉE TOURNEUR. — PELOl'MUS SI'IRIFEX. Caractères. — Une espèce bien analogue (si toutefois c'est bien une espèce distincte) est le Pelopseus spirifex (fig. 892), qui ne diffère du précédent que par la coloration des anten- nes et du thorax qui sont entièrement noirs. Distribution gr^'ographique. — Ces Pélopées tourneurs ont été envoyés, avec leurs Nids, du midi du l'Europe, de l'Algérie et même de Port-Natal. Uœurs, habitudes, régime. — Leur Nid a été fort bien représenté par M. Lucas (1), aussi en donnons-nous un fac-similé (fig. 89.5) qui permet de se rendre un compte très exact de la disposition des loges et des coques qui abritent les Nymphes; nous représentons d'a- près le même auteur la Larve grossie (fig. 897). LE PÉLOPÉE SIFFLANT. — PELOPMVS FISrVLARIUS. Ffeifeniler Spinncntôdter. Caractères. — Ce Pélopée se reconnaît à son pédicule abdominal noir, aux six taches jaunes qui ornent son métathorax et s'éten- dent en partie sur les côtés du mésothorax, et à ses ailes légèrement enfumées. Distribution géographique. — Il esl origi- naire de l'Amérique du Sud. Slœurs, habitudes, régime. — Ce Sphégide construit ses cellules en argile, auxquelles il donneSa^^delong, et uneformeovoïde. Comme dans les autres espèces, la Femelle rapporte ses matériaux de construction, avec un bourdonne- ment aigu, sorte d'hymne triomphal; tout en continuant son chant joyeux, elle met en place la masse malléable qu'elle polit à l'aide de ses mâchoires et de sa lèvre inférieure ; cela fait, elle tâte avec ses pattes toute la paroi, au de- dans comme au dehors, puis disparaît encore pour rapporter de nouvelle argile. Souvent, malgré les rayons du soleil qui viennent sécher (1) Lucas, Exploi-ulion scientifiijue de l'Algérie. les nouveaux agrégats, ils sont longtemps avant de présenter la couleur des anciens. Elle bourre complètement la cellule terminée avec une Araignée du genre Castra, et la ferme en- suite. Pendant un arrêt de huit jours que fit Bâtes dans le cours de son voyage au fleuve Amazone, il vit un de ces Pélopées commencer sa construction sur la poignée d'une malle; elle venait de la terminer quand on se remit en route. Après s'être montrée jusque-là familière et sans crainte, elle ne reparut plus, bien qu'on voyageât lentement sur la rive. LES MELLINES — MELLINUS (1) Die GIntUrespen. — Die Mellinen. Caractères. — Les Mellines constituent un genre dont les espèces peu nombreuses diffè- rent essentiellement des précédentes par leur aspect. On les reconnaît à quelques caractères : les antennes insérées au-dessous du milieu de lafaceontlescape court, mais épais à deuxième article plus court que le premier, le fouet fili- forme; quant aux ailes, leur cellule marginale est sans prolongement, et la première des trois cellules sous-marginales reçoit la pre- mière nervure récurrente tandis que la troi- sième reçoit la seconde nervure récurrente ; leur abdomen elliptique paraît nettement pé- dicule et le pédicule est renflé en massue. Le Mâle, plus petit, plus élancé, a six an- neaux ventraux (sternites); la Femelle en a un de moins, mais elle a un anneau dorsal (ter- gite) plus grand, à la pointe. LAMELLLXE DESCHAMPS. — MELLINUS ARfENSIS. Acker-GliiUwcspe. Caractères. — Son corps est d'un noir bril- lant; le scape, les marques quadrangulaires de sa large face, le cou presque linéaire, l'écusson, les écailles alaires, une petite tache située der- rière elle sont également de couleur jaune; la face dorsale de l'abdomen porte trois larges bandes jaunes; entre les deux dernières exis- tent deux taches jaunes latérales ; presque im- médiatement à partir des naissances des cuis- ses, qui sont renflées à ce niveau, les pattes sont colorées aussi en jaune. Ici, comme chez bien des Guêpes fouisseuses, la teinte jaune n'est pas permanente. Le corps a une longueur (1) Mri>,ivo4, jaunâtre. LE BEMBEX A BEC 679 de 8"-", 73 :\ la-" (fig. 'JIO et 911, p. 689). Moeurs, habitudes, rég^ime. — La Mellïne des champs est un Hyménoplère commun et importun qu'on rencoiiti'e souvent dans les bois de Pins, et qui erre sur les sols sablonneux à la recherche de quelque frian- dise, avec des mouvements saccadés. Elle se tourne et se retourne de tous côtés, elle s'envole, en bourdonnant, h une courte dis- lance, se laisse retomber et se promène de ci et de là avec aclivité. Elle se pose volontiers sur les vêtements des passants, et s'y pro- mène hardiment de droite et de gauche, comme elle fait sur le sol; mais ce n'est pas le moins du monde dans une intention méchante qu'elle choisit ce lieu de parade, c'est plutôt simple curiosité. Dans les bois qu'elle parcourt, elle se montre très occupée, avec des centaines de ses semblables et avec toute espèce d'autres Hyménoptères, ;\ visiter les Pins couverts de diverses espèces de Chermès pour lécher les matières sapides que ces Cochenilles y dépo- sent; on la rencontre rarement sur les fleurs. Cette Guêpe établit dans le sable des tubes ramifiés dans lesquels elle apporte des Mou- ches, principalement des Muscides {Musca rudis et autres). Elle diffère de toutes les au- tres Grabronides en ce qu'elle dépose son premier Œuf, sitôt la première Mouche intro- duite, et qu'elle rapporte encore de la nour- riture à sa Larve alors que celle-ci est déjà en train de dévorer. La Larve ne termine son évolution que l'année suivante. LA MELLIiM: des S.iBLES. - SABULOSVS. UELLIiSUS Sand-Glattwespe. Caractères. — Cette seconde espèce plus petite (fig. 899 et 912, p. 689), également mar- quée de jaune, pourrait d'après Le Peletier n'être qu'une forme de l'espèce précédente. Fig. 899. — Melline des sables. Mœurs, habitudes, régime. — Elle se trouve la plupart du temps en compagnie de la pré- cédente. Sa Femelle établit des trous d'in- cubalion isolés, qu'on reconnaît aux petits tas de sable coniques qui couvrent la surface du sol; elle n'y apporte aussi que des Mouches des genres Saixophaga, Cœnosia, Anthomya, Lucilia, Ci/rtoneura et Syrphus. Elle dépose, un instant, sa proie à l'entrée de sa construc- tion, avant de l'y traîner à reculons. LES BEMBEX — BEMBEX (1) Die Wirbclwcspcn. — Bie Bembecinen. Caractères, — Ces Hyménoptères au corps allongé, terminé en pointe, rappellent par leur port les Frelons ou quelque autre grande Guêpe, d'autant mieux que leur couleur domi- nante est le jaune. Les Bembex se distinguent aisément de tous les autres Vespides par la conformation de leur bouche. La lèvre supé- rieure, en triangle allongé, pend au repos comme un long rostre recouvrant la lèvre inférieure qui est longue également et s'ap- plique contre le cou; les mandibules étroites, bidentées et croisées en avant, embrassent sa base de chaque côté ; les palpes sont courts, les maxillaires ont quatre articles, les labiaux deux seulement ; les antennes sont brisées, leur fouet est filiforme et leur pointe légèrement déviée en dehors; chez le Mâle les derniers ar- ticles paraissent munis de dentelures assez mousses. Des trois cellules sous-marginales closes, la moyenne reçoit les deux nervures ré- currentes qui sont extrêmement longues. Le Mâle se distingue de la Femelle par la présence de quelques tubercules au milieu du ventre. LE BEMBEX A BEC. — BEMBEX ItOSrilATJ. Geriieinc Wirbelwespe. Caractères. — Ce Bembex nous représente la plus grande espèce de France et d'Allema- gne (fig. 900 à 908, p. 681 et 913, p. 689); elle mesure seulement de 13 à 17™°', 3 en longueur. Fig. 900. — Le Bembex i bec. mais elle atteint 6'°°',3 en largeur. Sa teinte noire fondamentale est relevée de nombreuses ^l) lU|j.ér,4, toupie, à cause de son ruiiflemeiil. 680 LE BEMBEX A BEC. marques d'un jaune pâle; sur le thorax, elles sonl très variables; sur l'abdomen, elles pren- nent comme d'habitude l'aspect de bande- lettes, mais au lieu d'occuper les bords posté- rieurs des segments, elles en occupent le milieu. La première est largement interrompue à mi- longueur ; les suivantes sont ondulées et pré- sentent une échancrure antérieure au centre et deux échancrures postérieures latéralement. Sur la face et les jambes la couleur jaune do- mine également. Distribution géographique. — Ce Joli Hy- ménoptère se rencontre dans toute l'Europe; mais dans les régions moyennes et septentrio- nales, il se montre isolé et n'apparaît pas tous les ans dans la môme localité. Mœurs, habitudes, régime. — A la On de juin 187'J, j'ai trouvé dans une partie décou- verte et sablonneuse au milieu des bois qui couvrent les coteaux de la vallée de l'Yvette, près des Yaux-Cernay, une masse de Nids que le bourdonnement sonore de ces Guêpes, tour- billonnant aux alentours, me permit de décou- vrir. Depuis lors je suis retourné chaque année à la même place, et jamais, pas plus là que dans un autre endroit, je n'ai pu revoir de Bembex. Par leur bourdonnement sonore et par leur vol circulaire autour des terriers destinés à leurs couvées, ces Hyménoptères révèlent plus que tout autre leur caractère sauvage. Les Nids, qu'elles confectionnent en fouissant et en rejetant le sable en dehors, s'enfoncent profondément en terre dans une direction oblique; mais les observateurs ont émis des opinions diverses sur leur disposition et sur les mœurs des architectes. D'après West- wood, les mères déposent leurs OEufs en même temps que les provisions qu'elles rap- portent. Dahlbora pense que leurs longs tubes terrestres sont ramifiés et munis de plusieurs orifices d'entrée et de sortie. Le Peletier dit que chaque OEuf est pourvu de dix à douze Mouches, que les tubes obliques sont bou- chés avec du sable, et que chaque Femelle pond une dizaine d'OEufs. Bâtes, enfin, a trouvé dans l'Amérique du sud des Nids de Bem/tex cih'ata, contenant chacun un OEuf unique ; la Femelle, d'après cela, aurait à confectionner autant de Nids qu'elle doit déposer d'OEufs. Tous s'accordent à reconnaître qu'elles ne capturent et ne rapportent que de grandes Mouches pour leurs Larves. La première opi- nion est en opposition avec les observations recueillies sur toutes les autres Guêpes fouis- • seuses ; les autres paraissent plus vraisembla- bles, mais J.-H. Fabre, le patient et conscien- cieux observateur, est là pour nous enseigner la vérité (1). Z//?£:/}OiV(l) Dio Pemphrcitonincn, Ciipaotères. — Chez ces Hyménoptères, aux nombreuses espèces, dont nous ne parlerons que pour mémoire, le corps est plus petit et plus chétif que chez les précédents Insectes. D'après les dispositions diverses de leurs nervures alaires, on les a subdivisés en diifé- renls genres. llœurs, habitudes, régime. — Elles sont aussi énergiques et aussi préoccupées de leur postérité que les précédentes ; elles peuplentles buissons garnis de Pucerons, et établissent leurs colonies dans les terrains sablonneux, dans les vieilles murailles et dans les vieilles palissades, soit qu'elles construisent elles-mê- mes leurs repaires, soit que, laissant cette peine à autrui, elles usent d'artifice pour s'in- troduire sournoisement dans les Nids étrangers. LES TRYPOXYLONS - TRYPOXY- LON (2) Die Ttipferwesjyen. Caractèrc§. — Ce genre se reconnaît aisément (1) IhucpfïiSMv, Bourdon. (2) T(i\j;tàw, perforer; ÇOÀov, bois. 692 LES GRABRO. à l'échancrure profonde du bord interne des yeux, et à l'éliremenlde son abdomen en forme de massue, dont l'extrémilé est mousse chez le Mâle, pointue chez la Femelle. Les Trypoxy- lons sont également caractérisés par la disposi- tion des cellules alaires ; ils ont deux cellules sous-marginales, mais la seconde est limitée par une nervure si effacée, que ce genre peut être considéré comme servant de transition entre ceux qui en ont deux et ceux qui n'en ont qu'une. Mœurs, habitiules, ri'Kimc. — Nos Trypoxy- lons indigènes se font remarquer tout l'été par leurs allées et venues et leur vol affairé autour des vieux poteaux, ou des troncs d'arbres dé- périssants et dépouillés de leur écorce. Les Femelles, mettant souvent à profit les trous creusés par d'autres Insectes, y rapportent pour leur couvée des Pucerons ou de petites Arai- gnées, et divisent les conduits, déjà forés, en cellules au moyen de cloisons d'argile ; elles obturent l'entrée, finalement, de la même fa- çon, et c'est ce qui leur a valu le nom de po- tier qu'on leur a donné en Allemagne. Leurs Larves se développent rapidement, se tissent ensuite un cocon, et deviennent Nymphes au printemps de l'année suivante. Les constructions du Trypoxylon à tarses blancs dill'èrent des précédentes. Avec un bourdonnement sonore, il établit des Nids tubulés, de 78°"" delong environ, dans les coins ou sur les solives des habitations, et y apporte des Araignées. Le Trypoxylon passager ( Trypo.rylvn fiigax) du Brésil utilise les anciens Nids de quelque /'o- lislcs et ferme les cellules avec une terre rouge. Une autre espèce, de l'Amérique septentrio- nale, construit elle-même ses cellules, qui res- semblent à celles d'un certain Pompilide, mais elles sont beaucoup plus courtes; ou bien elle ulilise un Nid de Guêpes abandonné, par exem- ple un vieux Nid de Polisles, et partage par un mur transversal les cellules qui sont encore as- sez grandes pour la fm qu'elle se propose. Le Trypoxylon à front doré [Tnjpoxylon au- 7-ïfrons) de l'Amazone construit des cellules très élégantes, en forme de vases calcaires arrondis et à col court, a-lhérentes entre elles, et fixées à divers objets ; l'Insecte les remplit de Chenilles. LE rni'POXVLO.N POÏIUII. FIOULUS. Tini'oxYLoy (fig. 917, p. 689 et fig. 923) est entièrement noir et élancé; ses ailes sont transparentes, bor- Geim-inc Topfcrwrspf. Caractères. — Le Trypoxylon commun -/M -V , Fig. i)23. — Le Tripoxyloii potior. dées de noir postérieurement; sa taille varie entre 4""', 5 et H""". Li; TIIYPOXVLOX A TAHSF.S DLANCS. — TRYPO- XYLON jLniTAiisi:. WnszfiUzige Tûpferivespc. Caractères. — Ce Trypoxylon est également entièrement noir avec les tarses blanc de neige ; il mesure 19""", 5 de long. Oistrîbutiong^éographique. — C'est une dcs espèces les plus grosses de l'Amérique. LES CRABRO — CRABRO (I) DieSieliwexprn, Die SUIjiTmundwpiipon, Caractères. — Au sommet, la tête, vue d'en haut, paraît presque carrée; le chaperon est orné de poils argentés ou dorés, et c'est cette apparence qui leur a fait donner en Allemagne le nom de Guêpe-à-bouche-arcjentée. On les re- connaît à leur cellule sous-marginale unique, séparée de la cellule médiane sous-jacente, sur l'aile antérieure; à leur cellule marginale pour- vue d'un court prolongement qui suit à peu Fig. !)24. — Le Crabro céplialote. près les bords de l'aile (fig. 746, p. 521). Eu général, l'abdomen d'un noir luisant, un pe\i rétréci sur les côtés, est décoré de marques jaunes. Il n'y a d'exception que pour les es- pèces plus petites, très difficiles à distinguer, comme les Croxsocerus [Crossoserus scutattis (1) CruOro, Frelon. LES OXYBELES. 69;i Fi^. 92.') et 92G. — Pélopée dislillut' iir, inàlps. i Fig. 92S à 931. — Pompilo ilo Fig. 927. — Pliilaiitlie apivore emportant une Abeille. | nielles. Fis. ''■-■"> i i'31. — Sphésides et l'ompiliiles. chemins, niàli's et fo- (fig. 920, p. 689), elongalm (fig. 921, p. 689), et quelques autres] qui sont enliôrement noires. Les Mâles sont plus petits et plus élancés que les Femelles ; leur valve anale supérieure, le plus souvent un peu bombée, est en forme de demi-lune; et chez quelques espèces, les antennes ou les jambes ont une conformation irrégulière. Ces parties sont simples chez les Femelles; toutefois les jambes postérieures sont souvent munies d'épines en dent de scie, et la valve anale supérieure se rapproche de la forme triangulaire. Les particularités spé- ciales aux Mâles consistent soit dans un élar- gissement de la région moyenne du fouet des antennes, soit dans l'évidement de quelques articles qui paraissent comme rongés. Chez d'autres les jambes antérieures sont élargies en forme de coquille, comme chez le Crabro strié (C'miro.s^7a/»s)(fig. 891, p. 673) et chez le Crabro à paleUe {J'hp-eopiis patellatus) (fig. 918 et 919, p. 689). En raison des points clairs et transparents qu'il présente, on a comparé cet élargissement à un tamis; de là le nom familier de Guêpes à t imis qu'on a donné à ces espèces et qu'on a étendu au genre tout entier. Dans d'autres cas, on observe encore des mo- difications différentes. Les Crabro ont été subdivisés en plusieurs genres extrêmement riches en espèces. Mœurs, habitudes, régime. — Les Crabro comptent parmi les représentants les plus ani- més et les plus remuants de la famille. Ils ni- chent aussi souvent dans le vieux bois que dans la terre, où ils utilisent fréquemment les trous de ponte et les conduits abandonnés des Coléoptères xylophages en y cloisonnant leurs cellules à l'aide de sciure. Les espèces plus petites, et noires, rapportent, en se ser- vant de leurs mâchoires et de leurs pattes an- térieures, des Pucerons ou de petites Mouches. Les espèces plus grosses paraissent s'en tenir de préférence aux Diptères ; tels sont les Cra bro [Thyreoptis] jiaUdlalus, que nous repré- sentons (fig. 918 et 919), et dont Taschenberg a saisi un jour la Femelle, en train de rap- porter un Taon pluvial {Hœmatoputa plnvin/is). Nous figurons également (fig. 924) le Crabro céphalote {Crabru cephnlotes}, espèce indigène qui se rencontre aux environs de Paris. LES OXYBELES — OXYBELUS (1) Die Sp'cszwrapcn. Caractères. — Citons, pour terminer, les Oxybèles, elles forment un genre facilement re- connaissable à l'épine, le plus souvent creusée en gouttière, qui prolonge le post-écusson, et à l'écaillé membraneuse située de chaque cûLé de l'écusson. Les antennes sont courtes et brisées. La face présente aussi des diderences suivant les sexes : chez les Mâles, une crête longitudinale, (1) 'OÇugcXri:, qui porte une pointe acérée. 694 L'OXYBÈLE REDOUTABLE. en forme de nez, s'étend jusqu'au chaperon orné de poils argentés; chez les Femelles, cette crête est mousse et ne forme une bosse que vers le milieu. L'aile antérieure se distingue par le prolon- gement de la cellule marginale, et par une cel- lule sous-marginale unique, qui est séparée de la cellule médiane supérieure par une nervure très pile et à peine visible. L'abdomen fusi- forme se prolonge, chez les Mâles, en une valve anale quadrangulaire et unie ; chez les Femelles cette valve se rétrécit de plus en plus. L'abdomen est orné de taches latérales ou de bandes jaunes, et même blanches. LOXVBÈLIÎ RHIlOUIABLlî. — OXVBEl.US UNJGWMIS. Gemeine Spiezwespe. Caractères. — L'Oxybèle redoutable (fig. 922, p. 6G9) mesure de 4 à 7""", 5. C'est une espèce noire, même sur les mâchoires et sur la valve anale supérieure. Sur l'abdomen fortement pointillé, se trouvent des tiiches latérales in- constantes, d'un blanc d'ivoire; elles occupent les anneaux 1-4 chez le Mâle, 2-5 chez la Fe- melle ; sur le cinquième article ces lâches se réunissent parfois en une bandelette. Les jambes sont rouges, ainsi que les tarses dont la racine porte souvent un cercle brun. Les écailles de l'écusson, qui chez la Femelle sont le plus souvent blanches, ne s'unissent pas, à leur racine ; et l'épine assez longue, qui émerge entre elles, est mousse ;\ son extrémité. D'une façon générale, les couleurs du Mâle sont plus sombres, moins éclatantes que celles de la Fe- melle. Ilœurs, habitudes, réjsrinic. — La Femelle fécondée creuse, pour chaque Larve, un cou- loir exposé au soleil, dans un sol sablonneux, et d'une longueur de 5 il 9""" ; elle commence en mai, et continue jusqu'à la fin de l'été. Sitôt qu'un Nid est termiué, elle en ferme la sortie avec soin, et prend son vol pour se livrer à la chasse, afin d'approvisionner la Larve future. D'après les intéressantes communications de de Siebold sur ce sujet, elle ne rapporte la plupart du temps, dans chaque Nid, que des Mouches d'une seule espèce, appartenant de préférence au genre Anthomya. La mère, préoccupée de sa postérité, fond de haut sur sa victime, la jette à terre sur le dos, lui fait une piqûre au cou, et la rapporte au Nid, em- brochée sur son aiguillon. Mais cela ne se passe pas toujours aussi ai- sément qu'il le dit. A peine l'Oxybèle a-telle déposé sa Mouche sur le seuil de son repaire, pour en faire l'inspection, qu'une autre Sphé- gide s'apprête à la lui voler... Avant que la propriétaire légitime se soit aperçue de sa mé- saventure, l'autre a depuis longtemps disparu avec sa proie. C'est vexant pour le pauvre Hyménoptère, qui n'y peut rien, et qui est forcé de se remettre en chasse. 11 est alors en butte aux obsessions d'une petite Mouche, que les savants appellent Miltogramma conica, et qui a la méchante habitude de vivre en Para- site au détriment des Oxybèles ; elle porte son OEuf dans le Nid de ce Sphégide dont les Larves seront dévorées par les siennes. C'est pourquoi la Mouche fait le guet aux endroits où notre Hyménoptère nidifie. Dès qu'elle la voit revenir chargée de butin, la Miltogramme s'élève et plane immobile au-dessus d'elle, comme un Oiseau de proie qui suit les mouvements de sa victime bien loin au-dessous de lui. Celle-ci re- connaît fort bien son ennemi et vole de ci et de là pour tâcher de s'en défaire en lui faisant perdre sa trace. La Mouche ne s'y laisse pas tromper; elle accompagne le Sphégide, et s'inslalle sur un point plus élevé, lorsque celle- ci se repose, sans jamais la quitter des yeux. L'Oxybèle, chargée, se fatigue plus vite que la Mouche qui vole sans entrave et qui poursuit avec autant de ténacité et de résolution le môme but : le soin de sa postérité ! L'IIyménoptèie ouvre enfin son Nid pour y introduire sa proie, A peine y est-elle entrée, que la Mouche y pé- nètre à sa suite; mais elle reparaît aussitôt, car elle a été cliassée, trop tard, hélas ! une se- conde lui a suffi pour déposer un OEuf sur la proie convoitée. 11 faut remarquer, en passant, que plusieurs espèces de Miltogramraes jouent un rôle ana- logue à l'égard d'autres Sphégides; d'après les observations de de Siebold, la Psammophile velue est poursuivie ainsi par la MiUogramme ponctuée. LES POMPILES. 095 LES P0MPILID1':S — POMPIUDM Dli; Wrrj'-vcxprn. Jadis on réunis-^ail sous le nom de Fouisseurs une foule d'ilyménoplôres, qui, pour nourrir leurs Larves, enfouissent d'autres Insectes dans des terriers, dans des trous de murs, ou dans de vieilles boiseries ; aujourd'hui Wesmaël a trouvé dans les rapports du prothorax avec le niésothorax chez ces Insectes des dilférences ([ui motivent leur division en deux Familles: celle desSphégides, dont nous venons de parler longuement, et celle des Pompilides [l'ompi- liiki'), appelés vulgairement Guêpes des cheuims. Ces dénominations n'étant pas très descriptives, nous allons indiquer ici les caractères essen- tiels, propres aux Hj'ménoptères qu'on a voulu désigner ainsi. Caractères. • — La tète arrondie, lisse et lui- sante, porte des antennes qui sont composées de douze articles presque toujours nettement séparés ; il y en a treize chez les Mâles. Le bord postérieur du prothorax s'étend jusqu'à la base des ailes, comme chez les Hétérogyncs; enfin le premier segment abdominal n'est pas séparé du second; tous deux sont reliés entre eux comme les autres ; il en résulte que l'abdomen est sessile, un peu rétréci en avant et en ar- rière. Les Pompilides ont un trocbanter sim- ple, comme tous les représentants des Familles étudiées jusqu'ici. Les pattes postérieures dé- passent de beaucoup l'extrémité du corps, et le bord externe des jambes est armé de nom- breuses épines ou ardillons, le plus souvent en dents de scie, surtout chez les Femelles. La cellule marginale de l'aile antérieure est très éloignée de la pointe, et assez courte; le nombre des cellules sous-marginales complè- tement closes oscille entre deux et quatre; la disposition des nervures varie corrélativement. Leurs longues pattes et leurs antennes grêles et rectilignes les distinguent très aisément d'un petit groupe de la Famille précédente. Les couleurs qui dominent sont le rouge et le noir ; on rencontre parfois des marques jaunes et blanches ; et plus souvent encore les ailes sont troubles. Les Mâles, toujours plus petits, se distin- guent de leurs Femelles par leur configuration plus grêle, par leurs antennes plus épaisses qui ne s'enroulent pas après la mort comme celles des Femelles, et par les armements plus faibles de leurs jambes postérieures. Les Pompilides se distinguent prescjne tous par un mode de locomotion spécial : leur course est accompagnée d'un tremblottement des ailes des plus singuliers; ils courent sur les sols sablonneux, les troncs d'arbres, les vieux murs, puis tout à coup ils prennent leur vol et prolongent leur essor, aussi leur course ressemble-t-elle à un vol, et leur vol peut-il être qualifié de sautillant. Pour grouper les genres dans lesquels nn a divisé cette famille et pour distinguer les espèces, on doit considérer en première ligne le trajet des nervures sur l'aile antérieure, puis la conformation de l'extrémité abdominale à la face supérieure et à la face inférieure, ainsi que la disposition des larses antérieurs. En lin, chez quelques Femelles, outre les ardillons irrégulièrement implantés dont leurs pattes sont abondamment pourvues, il existe de lon- gues épines régulièrement disposées les unes derrière les autres, au côté externe, et qui donnent au tarse antérieur l'apparence )iec- tinée. En le comparant au tarse médian, on reconnaît facilement ce caractère. Distribution géog^raphiquc. — Ges espèçeS s'étendent sur toute la surface de la terre ; elles ne sont pas très nombreuses dans les pays chauds, mais souvent elles y prennent des couleurs plus vives et des dimensions plus grandes que dans nos climats. LES POMPILES — POMPILUS{i) Die Wcijwrspcn. Caractères. — Les Pompiles, qui ont donné leur nom à toute la Famille, en représentent le type. Les caractères génériques consistent dans l'existence de deux cellules humérales à bords juxtaposés d'égale longueur, de trois cellules sous-marginales complètement closes dont la (1) ll&(i7ti)o.:, nom d'un Poisson ou d'ua Mollusque. 690 LES POMPILES. seconde reçoit la première nervure récurrente, et dont la troisième reçoit la deuxième ner- vure récurrente, de deux cellules médianes. Chez la Femelle il n'y a pas de sillon transver- sal sur le second anneau ventral, et les jambes plus arrondies n'ont pas sur le bord externe un aspect tranchant ou en dents de scie. llipiirs, liabitiiiles, r<-|sriinp. — Les espèceS nombreuses, du genre Pomjiilus, possèdent une grande agilité et une grande prestesse surtout dans les mouvements de l'abdomen. Ces Ani- maux nichent dans les lézardes des murailles, dans 1rs pertuis des vieux poteaux, dans les Ironcs d'arbres pourris, ou dans la terre. Ils rap- portent des Araignées, des Chenilles, des Four- mis, des Mouches, etdiversautresinsectes; sans doute, des observations suivies à ce sujet, et qui nous font encore défaut aujourd'hui, dévoi- leront des prédilections spéciales à chaque espèce. Ils ne guettent pas toujours les Arai- gnées au sortir de leurs retraites, ils saisissent surtout celles qu'ils rencontrent sur leur route ; mais ils savent aussi attirer les Araignées hors du Nid par un procédé tout particulier, en marchant à reculons, puis fondent sur elles brusquement et les étourdissent avec une pi- qûre ; jamais ils ne se laissent prendre dans leurs toiles. « Plusieurs se bornent à la chasse des Aranéides errantes, dit Le Peletier(l); mais d'autres s'attaquent aux espèces qui forment des toiles et ces filets tendus qui prennent tant de Diptères et même des Hyménoptères (j'ai vu des Apis et des Vespa sucées par des Arachnides) ne les arrêtent pas. Tandis que d'autres s'y empêtrent, nos Pompiles y mar- chent avec assurance. J'ai vu souvent dans des bâtiments ruraux entrer de ces Pompiles et se diriger pédestrement vers les encognures des murs garnis de toiles vieilles ou neuves de la Tefjenaria domeslica, Walckenaer. Nos in- trépides chasseurs, arrivés au bord de la toile, n'hésitaient pas à monter sur celle-ci : alors leur marche devenait saccadée et interrompue de moment en moment, mais toujours directe vers le recoin où se tient la Tegenaria. Si la toile n'avait plus d'habitante, ce qu'elle avérait en passant dans le tube où se tient l'Arachnide ou au moins en y présentant sa tête, elle montait ou descendait ;\ une autre toile. Dans le cas où la toile était habitée, l'ébranle- ment de la toile par la marche brusque du (t) Le Peletiei- de Saint-Fargeau, Histoire naturelle des Insectes hyménoptères, Paris, 1841, tome II, p. 579. Pompile faisait sortir de son tube la Tegenaria, croyant courir à une proie désirée et souvent longtemps attendue ; mais en voyant son ennemie aussi incapable d'avancer comme de fuir, l'Araignée s'ari'ête; en même temps le Pompile se jette sur elle et, recourbant son abdomen, la perce du fatal aiguillon qui lance dans la plaie la liqueur venimeuse qui occa- sionne sur-le-champ la paralysie de la victime sans lui ôter la vie. Celle-ci conservée, sans être autrement blessée, montrait encore au bout de trois semaines de légers signes de vie par le mouvement des p;ittes et la souplesse des articulations. Le Pompile la saisissait avec ses mandibules et la portait à son Nid. « Ces espèces qui approvisionnent leurs Nids d'Arachnides élisent ordinairement domicile dans le bois, soit qu'elles y creusent elles- mêmes un tube, soit qu'elles profitent de celui creusé auparavant par quelques Coléoptères. « Arrivé K l'entrée de son Nid, le Pompile y pose sa proie sur le bord du trou et la pousse avec le devant de sa tête au fond du trou où il a déposé un OEuf d'où sortira la Larve, objet des soins qu'il vient de prendre. Sept à huit Arachnides font le complet de sa provision. Ensuite le Pompile bouche l'entrée du Nid avec de la sciure de bois empilée. » Un jour, raconte Darwin (1), j'observai avec beaucoup d'intérêt, dans les environs de Rio- Janeiro, un combat terrible entre un Pepsis (2) et une grosse Araignée du genre Lycose. La Guêpe se précipita soudain sur sa proie, puis s'envola immédiatement; l'Araignée était évi- demment blessée, car, en essayant de fuir, elle se laissa rouler le long d'une petite décli- vité de terrain ; il lui resta cependant encore assez de force pour se traîner dans une touffe d'herbes où elle se cacha. La Guêpe revint bien- tôt et sembla surprise de ne pas retrouver im- médiatement sa victime. Elle commença alors une chasse tout aussi régulière que peut l'être celle d'un Chien qui poursuit un Renard ; elle vola, de ci, de là, faisant tout le temps vibrer ses ailes et ses antennes. L'Araignée, quoique bien cachée, fut bientôt découverte; et la Guêpe, redoutant évidemment même encore les chélicères de son adversaire, manœuvra avec soin pour se rapprocher d'elle, et finit par lui inlliger deux piqûres, sur le côté inférieur du thorax. Enfin, après avoir examiné soigneu- (1) Darwin, Voi/aye d'un ivituralisle autour du monde fait à bord du navire le Beagle. Paris, 1875, p. 37. (2) Sorte de grand Pompilide. LKS POMPILES. 697 rig OV T ; <)V Iiq on Fig. 932. Fig. n:i3. Fig. 0:î1. Fig. 9:!>. Le Pompile dp Natal s'eniparant d'une Aiai- gnée. Le Pompile trivial. Larvo dp ce Pompilp di'voraiit l'abdomen d'une .\rajgnée. Fig. 935. Fig. 93 i. Fig. 93.5. — Le Piiocnemis varié. Fig. 93C. — L'Agenla punctum au vol. Fig. 937. — Le même construisant ses Fig. 93'2 .'i 037, - Les Pompilides. sèment avec ses antennes l'Araignée, actuelle- ment immobile, elle se disposa à emporter sa proie; mais je me saisis du tyran et de la vic- time. » Don Féli.x Azara(i) dit, en parlant d'un In- secte hyménoptère appartenant probablement au même genre, qu'il le vit traîner le cadavre d'une Araignée à travers de hautes herbes, en droite ligne, jusqu'à son Nid qui se trouvait à une distance de cent cinqumte pas. Il ajoute que la Guêpe, afin de reconnaître la route, fai- sait de temps en temps des demi-tours d'envi- ron trois palmes. C'est ainsi que le Pompilus formosus attrape une Araignée des buissons très commune dans le Texas, le Mygule Hetzii, la paralyse et l'en- traîne dans son Nid, bien que le poids de cette Arachnide soit au moins trois fois supérieur au sien. » J'ai vu plusieurs fois, l'apporte le colonel Goureau (2), les Pompilus (Priocnemis) fuscus et exallatus parcourir avec rapidité la surface d'un terrain sablonneux exposé au midi, entrer, en furetant dans tous les trous qu'ils rencontraient (1) Azara, vol. I, p. 175. (2) Goureau, Observations Jéturhées pour servir à l'/iis- loire de quelques Iniectei (Ann. fie la Société entomolo- qique, 1839, p. 641). iJRKUM. — VII, et en sortir aussitôt, comme s'ils n'avaient pas trouvé l'objet de leurs perquisitions. « D'autres fois je les ai surpris fouissant le sable à la manière des Chiens qui grattent la terre, y creuser un petit entonnoir et s'en- fuir bientôt abandonnant l'ouvrage com- mencé. « Le 20 août, j'ai surpris le Pompilus bipunc- tatiis enfouissant une Araignée dans le sable au bord du Rhône ; il tenait sa proie entre ses pattes et pénétra dans sa galerie à recu- lons: mais comme elle était creusée dans un sable sans cohérence et très mobile, des graviers tombés naturellement ou jetés à des- sein l'avaient encombrée, et il ne put arriver jusqu'au fond. Alors il en sortit, déposa sa proie sur le bord du trou et se mit à la vider avec ses pattes de derrière et ses mâchoires; après quoi il vint reprendre son Araignée, l'entraîna dans le fond et l'y déposa. Il reparut ensuite et remplit sa galerie de sable, ce qu'il fit en grattant sur le bord avec ses pattes antérieures, et dirigeant le sable dans l'ou- verture. Lorsqu'il eut achevé son opération, je m'emparai de l'Insecte et j'ouvris sa ga- lerie, où je ne trouvai, à ma grande surprise, qu'une seule Araignée, celle qu'il venait d'enterrer. Celle-ci. d'une assez petite taille. Insectes. — 88 698 LES POMPILES. était certainement insuffisanLe pour la nour- riture de la Larve, et je pense que le Pom- pile devait en apporter d'autres. Probable- ment qu'à chaque Araignée qu'il enferme il prend la précaution de fermer sa galerie, afin d'empêcher d'autres Insectes fureteurs de venir pondre sur la nourriture qu'il ré- serve à sa Larve. Cette manœuvre n'est pas particulière au Pompilus bipunctaliis : j'ai vu le Lurra ntgva, le Slizus sinuatus, le Bembex ros> Le fait observé par Ferd.Karsch, à Miinster, paraît beaucoup moins connu. Le 2 juillet 1870 il trouva une Femelle adulte de Tacenlula inquilma qui le surprit par le peu de développement de son abdomen, par l'ab- sence de sac ovigère, et par la présence d'une petite tumeur d'un blanc rougeàtre sur la face dorsale de l'abdomen du côté droit; il crut d'abord qu'il avait déterminé quelque lésion en capturant cette Araignée. Puis il l'en- (1) Goureau, Mémoires de l'Académie de Uesanroii, séance publique du 25 août 1835. (2) Ai-islole, IX, 5, 3. LE POMPLIE DE NATAL. 699 l'erma alin de l'observer pendant la ponte. Le 16 juillet, en introduisant dans sa prison une Mouche et un peu d'eau, il la considéra de plus près, el remarqua une augmentation no- table de la petite tumeur ronp:eatre. Il reconnut, à la loupe, qu'elle était constituée parla Larve dévorante d'un Parasite (fig. '.)3i). Le plus sur- prenant, c'est que non seulement l'Araignéene cherchait pas à l'écraser ou à extirper ce corps annexe, avec sa patte postérieure droite, mais qu'elle évitait soigneusement à son convive les moindres froissements, par une flexion du côté gauche. Menge, n'ayant pu, dans une observation analogue, obtenir le développement complet de la Larve parasite, prit, cette fois, ses dispo- sitions pour mener l'expérience à meilleure fin. La bêle fut séquestrée dans une cage en verre dont le plancher était couvert de terre meuble. L'Araignée s'y enfouit aussitôt et ferma son entrée par une toile, de sorte qu'on ne pou- vait continuer à l'étudier. Le -4 août, on enleva cet te toi tu re bombée, ell'onjdécouvri tune Chry- salide ainsi que des fils tissés, d'un jaune grisâ- tre ; niais on ne trouva plus trace de l'Araignée. Le 17 août, enfin, on vit se promener dans la cage une Guêpe des chemins, qu'on recon- nut être un Pompilus Iriuialis [W^. 933) et qui s'y démenait tout à son aise. En examinant de plus près le cocon, on y retrouva quelques restes des pattes de l'Araignée, des fragments de sa caiapace et ses chélicères. LE POMIMLE COMMUN. — FOMVILUS lIATtCUS. Gemrinc Wcgwespr. faracti-res. — Frais, ces Pompiles ont la pointe des ailes presque noire, et la base de l'abdomen rouge; mais le bord postérieur de chaque segment est noir, et disposé de telle sorte, que les bandes antérieures sont angu- leuses. Le mélathorax porte quelques poils longs et disséminés; le bord postérieur du prothorax présente une échancrure anguleuse. Chez la Femelle, les pattes antérieures sont pectinées afin de fouir le sol; le dernier tergite de l'ab- domen est garni de poils; chez le Mâle, les griffes des pattes antérieures sont un peu élar- gies du côté interne. Slœurs, lialûtadeg, rî'{s;iine. — Le Pompile commun ou Pompile des chemins (fig. 930 et 931, page 693), apparaît au début du prin- temps sur les prairies en fieurs, et reste en activité tout l'été. La Femelle creuse le sable jusqu'à une profondeur de 8 cent, et au delà; avec une grande rapidité et avec beaucoup d'adresse, elle le rejette derrière elle à Taide de ses pattes antérieures, en le faisant passer entre ses pattes postérieures écartées, absolument comme ferait un Chien C\./0 Fig. '.):i~. — I.e Pomiiiln. comimin, fciiiidle très grossie. ou un Lapin. L'alimentation de la couvée y est introduite péniblement; elle est en partie mor- celée et se compose d'Insectes divers. Dahlbom pense que plusieurs conduits distincts y abou- tissent, parce qu'une de ces Guêpes poursuivie dans un conduit s'échappa par un autre; on peut émettre quelques doutes à ce sujet. LE POMl'ILi: DE NATAL. — POMl'lLVS NÀTALENSIS. Ntifiilrvitladic WcQiffspr, Caracièrcs. — « Gueiuzius, rapporte Tas- chenberg, m'envoya parmi d'autres Insectes la Femelle d'un fort joli Pompile à laquelle j'ai donné le nom de Pompilus natalensh, et qui ne ressemble à aucune espèce décrite jus- qu'à ce jour (fig. 932). Elle est noire; les antennes, à l'exception de leurs origines, sont jaunes; à partir de la moitié antérieure des cuisses, les pattes sont d'un rouge sale, ainsi que l'extrémité de l'ab- domen; les ailes sont d'un jaune d'or; les antérieures sont plus foncées au niveau de la racine et de la pointe. Ce Pompile énorme, dont la taille dépasse celle des Guêpes de nos climats, mesure 23 niillim. UœiirN, IiabidKles, rô^inio. — L'tnvoi de Gueinzius était accompagné d'observations fort intéressantes de mœurs. Familière et inofTensive, elle voltige dans les vieilles mai- sons; elle glisse volontiers le long des vitres et sa principale distraction consiste à chercher son butin entre les charpentes et dans les coins garnis de toiles d'Araignées; aussi est-elle obli- gée à chaque instant de nettoyer ses an- tennes à l'aide de ses pattes antérieures. Mère.: 700 LES AGENIES. soigneuse, elle enfouit dans quelque endroit sec, poussiéreux ou sablonneux, les Araignées qu'elle capture et qu'elle paralyse par sa pi- qûre, et dépose sur eux un OEuf; une caisse remplie de sciure de bois lui convient parfai- tement pour ce travail. Entre toutes les Arach nides elle poursuit de préférence une Araignée assez grande, jaune, à pattes munies d'an- neaux foncés, qui vit dans les toitures de cliaume et qui, par les changements de temps, descend parfois, le soir, lentement le long du mur. Gueinzius remarqua, un jour, une grosse Araignée femelle qui pénétra en toute hâte dans sa demeure par la porte entr'ouverte, et courut se cacher derrière une petite caisse posée dans le vestibule. La hâte de cet Animal ordinairement si lent lui donna à penser qu'il avait été pourchassé sur le toit et qu'il en était descendu, à la recherche de quelque abri. Il ne se trompait pas; bientôt parut, à travers la porte, la Guêpe des chemins; elle se re- tournait de droite ei de gauche, interrogeant le sol avec ses antennes, absolument à la façon d'un limier flairant la trace du gibier. Lorsqu'elle arriva à l'angle de la caisse, der- rière laquelle l'Araignée s'était cachée, celle- ci, sentant l'approche du danger, se précipita du côté opposé et manœuvra de nouveau vers la porte en toute hâte. Mais en un clin d'oeil elle fut rejointe; un combat à mort s'engagea. Ce fut en frémissant qu'on vit celte Araignée se renverser sur le dos, et cher- cher-dans un effort désespéré à se garer de son ennemi au moyen de ses longues pattes; l'infortunée savait bien qu'une piqûre lui serait mortelle. Soudain elle se releva, et chercha à s'enfuir, mais elle se vit bientôt obligée de reprendre son ancienne position. Ses efforts l'avaient épuisée, elle était incapable de résistrr plus longtemps aux attaques intrépides et in- cessantes de son ad\'ersaire. Elle gisait, comme morte, les pattes étendues. En cet instant la Guêpe fondit sur elle, la saisit avec ses mâ- choires entre la tête et le thorax, et lui porta, par en bas, des piqûres réitérées dans l'abdo- men. Sauf le tremblement de son palpe uni- que, l'Araignée ne manifesta pas l'ombre de mouvements, en recevant ces coups mortels. Grande joie du côté de la Guêpe! Avec un bour- donnement sonore elle se mit à tourner autour du cadavre, en exécutant sa danse victo- rieuse; elle le palpait de ci et de là, comme pour se convaincre de sa mort. Lorsqu'enfin elle eut repris un peu de calme, et qu'elle eut refait sa toilette de fond en comble après ce combat décisif, elle se mit en devoir de trans- porter sa proie en lieu sûr. Saisissant l'A- raignée par devant, et marchant elle-même à reculons, elle l'entraîna hors de la porte pour l'enfouir dans la terre. LES PRIOCNEMIS — PRIOCNEMIS [\) Die Spurwespen. Caractères. — Les Priocnemis (fig. OB')) dif- fèrent des Pompiles par la cellule humérale inférieure qui dépasse l'extrémité de la supé- rieure, et qui est par conséquent plus longue que dans le genre précédent ; par le sillon transversal qui se trouve chez la Femelle sur le deuxième anneau ventral ; par le bord plus tranchant et découpé en dents de scie des jam- bes postérieures, différence plus accentuée chez les Femelles que chez les Mâles. Gomme dans le genre précédent, il est très difficile de distinguer les espèces, qui sont nombreuses et souvent fort semblables. Nous représentons (fig. 935) le Priocnemis variegatus, espèce fort cortimune, qui n'est pas lare aux environs de Paris. LES AGÉNIES — AGE NIA (2j Caractères. — Les Agénies(fîg. 936) ressem- blent beaucoup au genreprécédent ; seulement, 1 abdomen a un pédicule à peine appréciable, et le bord des jambes postérieures ne présente pas la disposition en dents de scie. llœiirs, habitudes, régime. — Les Femelles construisent dans le sable, sur les murs d'ar- gile, sousl'écorce des arbres (fig. 937), etc., des cellules en forme de barils constituées unique- ment par de petites peintes d argile accolées les unes aux autres. Notre figure 937 représente les cellules de YAgenia punctum, telles qu'on les a plus d'une fois observées sous des plaques d'é- corce dans les parties détériorées des troncs d'arbres. Chacune d'elles est pourvue, pour l'alimentation de la Larve, d'une .■\raigneedont les pattes ont été préalablement arrachées par la morsure. Gueinzius esquisse un tableau paisible des mœurs d'une espèce qui mesure 19 millimè- tres, à laquelle Taschenberga donné le nom d'A- li) llpiwv, scie ; xvvi|j.i:, jambe. (■-') 'AyÉveia, naissance obscure. LES SCOLIINES. 701 jeniarfowes/f'ea. 'Il c'est, de tous les Hyménoptères ([lie je connais, le plus familier; il montre pour l'Homme un certain attachement. En divers endroits, où j'ai demeuré pendant des années, dans le voisinage de quelque forôt, j'ai tou- jours eu quelques-unes de ces Pompiles dans ma chambre. Quand je me postais sur le seuil et tiu'un rayon de soleil tombait sur mon panta- lon, l'Agénie venait aussitôt s'y poser, les jam- bes ouvertes, et s'y ensoleillait; elle volliyeail, à son aise, en oscillant de bas en haut, le long de la vitre, ou bien elle bourdonnait autour de moi devant la fenêtre, puis s'envolait. Si j'avais en main quelque livre, et si le soleil tombait dessus immédiatement, l'Agénie s'y installait, en écartant ses pattes. Quand je soufllais sur elle, elle semblait y prendre plaisir ; jamais je n'ai pu la faire partir ainsi, ou bien elle re- venait tout de suite auprès de moi; elle grim- pait le long de mon bras, et se posait sur ma barbe ou sur ma bouche ; j'avais beau alors soullleisurelle, jene parvenais pasi\ l'elTrayer, et jamais elle ne songea à me piijuer. A force d'importmiités elle devint gênante. Après avoir joui, au dehors, des derniers rayons du soleil, ces l'ompilesse glissaient dans ma chambre par un trou dissimulé dans le chAssis, et retour- naient à leurs cachettes. Elles contruisent des cellules en argile sous des colfres, ou dans des caisses, parfois dans les Nids saccifornics de certains Oiseaux ; ces cellules manquent d'é- légance et de régularité, et ne sont pas recou- vertes. Elles ne rapportent, pour alimenter leur couvée, que des Araignées grises (Lycoside). » Dans les pays chauds on connaît encore des espèces extrêmement imposantes, qui mesu- rent jusqu'à52 millimètres. Elles ont un mode d'e.xistence analogue ; on en a fait une série de genres distincts sur lesquels nous ne pouvons nous étendre ici davantage. LES HÉTÉROGYNIDES — HETEROGYNlDyE Die Hiteioytjnen. Sous ce nom, Lalreille avaitréuni deiFuu7-nHS et des iU«((//es; il avait indiqué comme caractère essentiel l'absence des ailes chez les Femelles. Les premières en ont été distraites, et Klug les a remplacées par les Thynnes (Thymius) dont les Femelles sont également aptères. Aujourd'hui, les Mâles doivent entrer en ligne de compte; aussi, les Scolies{.Scolia} doivent-elles se ranger dans cette famille, car on ne peut négliger les affinités de leurs Mâles avec ceu.x des Tliynnus. On a laissé à cette famille ainsi constituée le nom proposé par Lalreille. Caractères. — On ne peut leur assigner, comme caractères communs, que l'étendue du prothorax dontlebord postérieur arrivejusqu'à la base des ailes, l'aiguillon puissant à l'aide duquel les Femelles savent se défendre, et l'ab- sence d'Ouvrières à organes sexuels atrophiés. Distribution géog^raphiqno. —Les douze OU treize cents espèces d'Hétérogynides sont ré- parties sur tout le globe. LES SCOLIINES — SCOLIIN.E Die Scoliinen . — Die Dolchwespen Caractères. — Les antennes sont assez gros- ses et composées d'articles serrés ; le prothorax afl'ecle la forme tantôt d'un arc dont les extré- mités viennent atteindre la base des ailes, tantôt d'un segment indépendant d'appa- rence noueuse; lès pattes sont courtes et ro- bustes. Leur surnom allemand provienlde ce que les Femelles sont pourvues d'un fort aiguillon. Les différences sexuelles sont très variables ; certains Mâles ont absolument les mêmes couleurs que leurs Femelles; d'autres en diffè- rent complètement sous ce rapport. Au point de vue de la taille, quelques Scoliines sur- passent tous les autres Hyménoptères : la Fe- melle de la ScoUa capitala de Java, que Fa- bricius a nommée Scolia procer, atteint 5"",'J de long, son abdomen mesure au moins 1"",3 de large et son envergure dépasse 8 centi- mètres. Itistributiou géoçrapbique. — Ce3 InsecteS sont répandus sur toi;s les continents ; mais amis de la chaleur ils abondent surtout dans les pays chauds et deviennent de plus en plus rares en espèces et en individus à mesure qu'on s'avance vers les pôles ; ils manquent complètement dans la zone froide. 70i LES SGOLIES. LES SCOLIES — se OU A (1) Die hûlclmcspcn, Capactères. — Les Caractères génériques sont les suivants : des antennes longues et fortes chez le Mâle, courtes et brisées chez la Femelle ; un sillon profond entre les deux pre- miers anneaux abdominaux; des pattes courtes, poilues et épineuses, dont les quatre dernières, ainsi que les hanches correspondantes, sont très écartées ; les ailes que portent les deux sexes présentent des nervures dont le trajet est aussi inconstant que chez les Mutilles. Dans les espèces que nous décrivons, on trouve trois cellules sous-marginales ou cubitales et deux cellules médianes; chez beaucoup d'au- tres les cellules cubitales sont seulement au nombre de deux. Slœiirs, haliitufles, rég^ime. — Ce qu'on sait de la vie de ces Animaux indique une existence parasitaire. Nous connaissons admirablement, grâce aux travaux de Passerini, les mœurs d'une de nos espèces indigènes, la Scolia flavi- fvons dont nous allons parler. D'après le D'' Co- querel, deux espèces [Scolia carnifex et orycto- phaga) vivent aux dépens des Larves des grands Coléoptères scarabéides, les Orycles Radama, Rimaralo, Simiar qui, par centaines, perforent à Madagascar les troncs des cocotiers et font pes ravages considérables dans les plantations, mais laissons la parole au savant observateur (2). « Un des arbres les plus utiles de Madagascar est le Cocotier. Sur tous les points de ce pays on en voit d'immenses forêts ; dans les îles qui avoisinent la grande terre et qui sont mainte- nani sous la domination française, on a pro- pagé la culture de ces précieux végétaux. A Sainte-Marie, qui depuis près de cent ans ap- partient à la France, de vastes Cocoteries sont établies depuis longtemps, et leur exploitation donnait autrefois^ des revenus considérables; mais aujourd'hui ces établissements dépéris- sent, et l'on peut évaluer à près de vingt mille pieds le nombre des Cocotiers qui sont morts depuis quelques années. Ce sont des Insectes qui ont occasionné ces ravages; ils appartien- nent au genre Oryctès, et tandis qu'en Europe (1) Ï.Y.atMç, dissimulé. (2) Cil. Coquerel, Obsei-valinns cntnmologiques sur di- vers Insectes recueillis à Madagascar : Sur tes mœurs des Oi-'jctes et sur deux espèces de Scolia {Ann. de la Société enlomologique, 3" série, 1854). les Coléoptères qui rentrent dans la même coupe générique n'ont jamais été signalés comme nuisibles, à Madagascar leurs congé- nères peuvent être mis au rang des plus des- tructeurs. Il 11 faut dire cependant que l'incurie des Mal- gaches est pour beaucoup dans ce triste résultat ; les Européens qui séjournent depuis un certain nombre d'années dans ces climats brûlants et malsains se laissent aller bientôt à la paresse des indigènes, et se bornent à déplorer les torts que leur causent ces Insectes sans cher- cher les moyens d'arrêter leurs ravages. C'est ainsi que dans toutes les Cocoteries on laisse les arbres morts pourrir au milieu des vivants, et partout on voit épars sur le sol des tronçons percés de trous, assez grands souvent pour qu'on puisse y introduire la main et qui devien- nent une source de contagion incessante pour leurs voisins. Ces trous, ramollis par les eaux pluviales, deviennent bientôt le séjour de cen- taines de Larves qui, y trouvant un milieu fa- vorable à leur développement, les ruinent de toutes parts. Mais les Insectes parfaits qui nais- sent au milieu de ces détritus vont bientôt at- taquer les arbres sains et y déposer leurs OEufs, en sorte que dans peu de temps toute la coco- terie se trouve infestée. Il faudrait, aussitôt qu'un Cocotier est mort, le brûler immédiate- ment en prenant toutefois la précaution d'en- lever auparavant les coques de la Scoiia, parasite des Oryctès, dont nous parlerons bientôt. Com- bien de fois n'ai-je pas engagé les propriétaires des cocoteries de Madagascar à suivre cette pratique, et toujours sans succès ! Les Oryctès qui détruisent ainsi les Cocotiers appartiennent ainsi à plusieurs espèces qui n'avaient jamais été décrites et que j'ai déjà tait connaître (1). « L'espèce la plus commune â Sainte-Marie est rO. sitnia}'. A Nossi-Bé, c'est VO. Ranavala et YO. Radama si remarquable par son analogie avec les grandes espèces de Scarabées. Ce der- nier se retrouve aussi à Sainte-Marie, mais il y est plus rare que le Sùniar et beaucoup plus petit qu'à Nossi-Bé. Suivant le milieu plus ou moins favorable où se développent ces Insectes, ils diffèrent considérablement sous le rapport de la taille, et VO. Radama en particulier s'atro- phie quelquefois au point qu'on le prendrait pour une espèce distincte, si on ne connaissait pas les passages intermédiaires. A Bourbon, les (I) Ann. de ta Soc. ent. de Fr. lHol p. 329. LA SCOLTB DES JARDINS. 703 0. insularis et colonicus ont les mêmes habi- tudes, mais comme les cocotiers sont moins communs ils attaquent aussi les Palmistes, [Oveodn.ra oleracea), les Dattiers (PAœ'ii.r daclr/li- fera) et d'autres espèces de !a môme famille. Aux îles SeyclicUes les Cocotiers sont ruiués par une espèce différente qui appaitiont au môme genre et qui est encore inédite. « Les Orj'ctôs de Madagascar, ces infatigables destructeurs, ont cependant un ennemi qui leur fait une guerre acharnée ; ol, chose inté- ressante à remarquer, de môme qu'en Europe. M. Passerini (1) a remarqué que VO. na^kovnh était dévoré à l'état de larve par une 5co//a(sco/(a /torlorum \oi\ der Lind., 5./?(j(;;'/>'0/is Pabr.), il en est de môme à Madagascar. Ce sont encore des Scolia qui dans ce pays s'opposent à la multipli- cation trop abondante des ennemis des Coco- tiers. Toutes les fois que j'ouvrais à coups de hache les troncs attaqués, je trouvais des cocons de la Scolia, où les Insectes eux-mêmes venant d'éclore cherchaient leur route au milieu des galeries tortueuses et irrégulières qu'avaient tracées les Larves d'Oryctès, et de même que pour l'espèce dont M. Passerini a décrit les mœurs, les dépouilles de la Larve restent fixées au cocon du Parasite. « J'ai trouvé dans les Cocotiers attaqués par les Oryctès deux espèces de Scolie, Scolia oryc- lopltaga et 5. carnifex, mais je n'ai pu observer les Métamorphoses que de la première. Cette belle espèce est la plus commune à Sainte- Maric-de-Madagascar, et il est rare d'ouvrir un tronc de Cocotier miné par les Oryctès, sans y trouver quelques-uns de ses cocons. \..\. SCOLIE DES JAnniXS. — SCOLIA FT. Il lFItO.\S OU iiojiroiiUiti. Caractères. — Chez ce grand et magnifique Insecte la tête est noire avec le front, — sauf une ligne noire sur laquelle sont placées les deux ocelles, — le vertex et le derrière des yeux jaunes; les antennes sont noires ainsi que le corselet ; l'écusson porte deux taches jaunes ; l'abdomen est noir avec une grande tache ovale jaune de côté des 2° et 3° segments ; les pattes sont noires sauf les épines des pattes anté- rieures qui ont une coloration jaune ; les ailes ferrugineuses et enfumées ont un refiet violet. Le Mâle ne diffère de la Femelle que par la (I) Osserv. suite laice, yiinfe, ahituilini délia Scolia flavi/rons. Pise, isio, ei Continuazione délie ossei-vazioni nelCunnoUM sulle larve di Scolia flavifrons. Firenze, 1841 . coloration entièrement noire de la tête et de l'écusson. Uistribiition eôosrapIiiqii<>. — ("et llymé- noptère méridional habite notre Midi, l'Ilalie, l'Espayne, l'Algérie. Ila'urs, habitudes, n'-i^ime. — La Larve de la Scolie et ses coques ont été trouvées dans la vallonée ou tannée que l'on tient dans les serres chaudes pour maintenir les plantes à une température élevée. Le 4 juin 1839, M. Piccioli, (ils du jardinier du musée de Florence, apporta à M. Passerini une coque, et le l" juillet une autre coque, et du 3 au 12 septembre cent cinejuante coques de môme nature que les premières. Ce jar- dinier l'informa en même temps qu'il avait plusieurs fois vu la Scolie entrer et peu après sortir de la tannée et qu'on y trouve les coques ;\ la profondeur d'environ une brasse. Dans cette tannée des serres se trouvent en grande quantité des Larves de VOri/ctes nasicornis. A un grand nombre de coques de Scolie adhé- rait en dehors une peau desséchée et vide d'Oryctès, ou au moins cette peau se trouvait auprès de chacune d'elles (fig. 949). Les Larves de celte Scolie vivent donc aux dé- pens de celles del'Oryctès Nasicornis. Celles-ci vivent elles-mêmes dans les couches employées à donner une température chaude suffisante aux plantes des climats iutertropicaux et dans d'autres matières végétales également en fer- mentation. La mère Scolie sait les trouver dans les couches mêmes des serres chaudes à la profondeur de plus d'une brasse. On l'a vue pénétrer dans ces couches ; son ÛEuf a été trouvé posé et fixé sous le ventre de la Larve d'Oryctès sur la ligne du milieu entre le cin- quième et le sixième segment. Cet Œuf était cylindrique et adhérent extérieurement il la peau de la Larve d'Oryctès probablement au moyen d'une matière gommeuse sécrétée avec lui. La Larve d'Oryctès est ;\ ce moment pai- venue à cet état d'inaction forcée pendant le- quel se fait le travail interne qui changera la Larve en Nymphe. Il est donc possible que la mère Scolie n'ait pas besoin d'employer la pi- qiire de son aiguillon pour engourdir la vic- time. Celle-ci, qui pendant sa croissance mar- chait en mangeant les parties végétales qui se trouvent en avant de sa route, se trouve alors environnée d'une coque faite de ces matières qu'elle a solidifiées par la compression ou même peut-être par le mélange de quelque liqueur glutineuse. C'est dans cette coque que 704 LA SCOLIE DES JARDINS. doit pénétrer la mère Scolie pour déposer son OEuf immédiatement sur la Larve qui s'est construit cette demeure. Mais puisqu'elle est privée d'oviscapte, il faut qu'elle entame la coque solide et mette à nu la partie du ventre où il doit être placé. Il faut aussi, puisque cette coque de l'Oryctès a été trouvée entière posté- rieurement à l'époque dont nous parlons, que la mère Scolia, après sa ponte, rétablisse la partie de la coque d'Oryctès trouée par elle. Elle a donc creusé pour placer convenable- ment sa postérité, et si elle n'a pas construit le Nid entier elle l'a au moins réparé; puis elle a déposé son OEuf en dehors de sa proie à portée de celle-ci. Voilà l'œuf posé, il éclot; les expériences ne nous disent pas combien de temps il reste -sans éclore. Devenue Larve, la Scolie attaque la Larve Oryctès par le milieu à peu près du ven- tre (fig. 944). Elle peut apparemment entamer la peau de celle-ci à l'endroit où elle y pra- tique une fente transversale régulière , telle qu'elle est décrite par M. Passerini, d'après les commissaires du congrès de Pise. Plus tard, elle laisse cette peau et ne la mange point. Elle attaque les chairs et certai- nement les viscères et organes qui s'y rencon- trent. Chaque Larve de Scolie est dans une position inverse de celle des Larves d'Oryctès (fig. 944 et 943): à la partie antérieure de celles-ci, corres- pond la partie postérieure des Larves Scolia, l'anus de celles-ci correspondant à la tôte des autres. Aussi, quand la Larve de Scolie courbe sa partie antérieure très mobile, celle qui pé- nètre dans le corps de la victime, elle la dirige sur les côtés et sur la partie antérieure, lu partie postérieure de la Scolia restant toujours posée sur la région antérieure de l'Oryctès. Nécessairement la Larve de Scolie introduit la partie antérieure de son corps dans la peau de l'Oryctès pour y atteindre les parties éloi- gnées des bords de la fente; en effet, pendant tout le temps que les jeunes Larves de Scolie emploient à croître, elles restent constamment avec la partie antérieure plongée dans l'Oryctès (fig. 944 et 943), et taudis que la partie exté- rieure reste immobile, celle qui pénètre dans la victime se voit au travers de la peau de celle- ci, et elles paraissent continuellement occu- pées à s'approprier la substance molle de cette Larve. La croissance de la Larve est rapide; en dix à douze jours depuis sa sortie de l'Œuf, elle atteint sa plus grande dimension qui est de 22 lignes (fig. 946, 947 et 94S). Alors toute la chair de l'Oryctès est consommée et sa peau reste vide. Quand elle a fini son long repas, elle retire à l'extérieur cetie portion de son corps et probablement bientôt après, peut-être de suite, elle file une double coque (fig. 949). Dans la nuit qui suivit les observations de M. Passerini, une Larve adulte de Scolie retira sa partie antérieure du corps de l'Oryctès qu'elle avait vidé et se mit à filer sa coque. Elle attachait ses fils à la tannée et à la peau de l'Oryctès. Au malin surtout, la paroi extérieure de la coque était déjà faite, mais ses mailles n'étaient pas remplies de la substance rési- neuse et l'on voyait très bien la Larve de Scolia occupée à filer. Le jour suivant cette paroi était peu transparente parce qu'elle était revêtue de cette humeur d'aspect résineux qui remplit les mailles. Le troisième jour M. Passerini ouvrit la coque encore molle et demi-transparente, et enleva la Larve. Il vit qu'elle avait commencé à filer la coque intérieure à fils concentriques et doublés dans les parties terminales ; ces fils, bien qu'assez rapprochés les uns des autres, étaient libres et non pas, comme dans les coques terminées, réunis et pénétrés uni- formément de la substance agglutinante et llexible. Combien de temps la Scolie passe-t-elle sous la forme de Nymphe (fig. 930), cela reste à ré- soudre et il n'est pas facile de le décider. De- venue Insecte parfait, elle détache un double couvercle de la partie supérieure de sa double coque, et traversant la tannée à l'aide de ses fortes pattes antérieures munies d'épines, elle vient à la clarté du soleil jouir de ses facultés nouvelles. Rien de plus singulier et même de plus extraordinaire que de voir l'accroissement de volume de la Larve de Scolie correspondre, jour par jour, heure par heure, à la diminution de volume de la Larve d'Oryctès ; c'est sans nul doute l'exemple de parasitisme le plus frappant qu'on puisse citer; mais il s'en dé- gage un enseignement merveilleux ; la Larve d'Oryctès a su dégager de la tannée les prin- cipes élémentaires qui viendront constituer les tissus d'un lourd et épais Goléoptère; à son tour la Larve de Scolie va s'approprier ces élé- ments plastiques et les transformer en un élé- gant Hyménoptère. Quel magnifique sujet d'étude pour les Anatomistes, de méditation pour les Philosophes ! LKS TIPHIKS. 705 Fig. 939. — Scolie hœmorrlioidalc, Femelle. Fig. 940. — Scolie hscmorroidale, Mâle. Fig. 'J3a à 012. Fig. 9i0. Fig. 9il. Fig. 942. I Fig. 941. — Mutille européenne. Mâle. I Fig. 942. — Mutille européenne. Femelle. - Scolies et Mutilles (Hétérogynides). LA SCOLIE II.E.nORRIIOIDALU. — SCOLIA H.eHonmioiDiLis. Curactèrei). — La Scolie haMUorrhoïdale (fig. 9.39, 940) aie corps noii', parsemé de taches jaunes sur les côtés des deuxième et troisième segments abdominaux, taches tégumentaires qui peuvent d'ailleurs se réunir pour former bandelettes ; laFemelle possède en outre des taches sur la face supérieure de la tête et sur l'écusson. Chez elle, le prothorax et la face supérieure du cinquième anneau portent des poils d'un rouge de rouille ; chez le Mâle (flg. 938), ils existent sur tout le dos, jusqu'à l'écusson, et sur la face supérieure de l'ab- domen à partir du quatrième article, où ils sont un peu moins épais. Le reste du corps est cou- vert de touffes épaisses de poils noirs. Celte Scolie, qui a beaucoup de ressemblance avec l'espèce précédente, s'en distingue nette- ment par la coloration rousse des poils qui habillent le corselet et l'abdomen. Distribution géos^raphique. — Celte Scolie vit dans la France méridionale, en Hongrie, en Turquie, en Grèce, et dans la Russie méri- dionale. LES TIPHIES — TIPUIA (1) Lie Rùllwespen. Caractères. — Tandis que chez les Scolies et chez quelques genres très rapprochés [Merla (I) Tiir,, sorte de Mouche. Brehm. — VII. et Myzîne), la lèvre inférieure est effilée et allongée, elle disparaît presque entièrement chez les Tiphies ; le deuxième article des an- tennes est masqué par ie premier ; le premier segment abdominal est relié au thorax par un étranglement très distinct. Ces espèces, sans importance, sont d'un noir brillant, et leur configuration varie peu d'un sexe à l'autre. Distribution géog^raphiquo. — Quatre OU cinq espèces se rencontrent en France; nous Fig. 943. — La Tipliie noire. représentons la Tiphie noire (fig. 943), qu'on rencontre parfois aux enviions de Paris. Blœurs, liabituileg, régime. — Les Tiphies fouissent le sol, ainsi que le prouvent les frag- ments de terre qui adhèrent fréquemment à leur corps ; elles visitent volontiers les Ombelles en fleur, dont elles sucent le miel et souvent elles passent la nuit entre leurs pétioles ; elles rou- lent leur corps en boule, quand elles reposent ou qu'elles veulent se mettre à l'abri de quelque danger, de là le nom qu'elles ont reçu en Alle- magne. Insectes. — 89 700' LA MUTILLE EUROPEENNE. LES MUTILLINES — MVTILUME Lie Spùmenameisen, Die Mutillinen. Caractères. — Les antennes sont insérées vers le milieu de la face ; les yeux sont échan- crés chez les Mâles, arrondis et petits chez les Femelles; le thorax est presque cubique sans trace de division en dessus; les pattes de lon- gueur moyenne sont très robustes. Mais, particularité essentielle, les Mâles sont ailés, tandis que les Femelles sont toujours privées de ces appendices. Ces espèces dont l'abdomen presque sphé- rique, le thorax bossu, la tôte enfoncée, et les jambes longues et velues, rappellent certaines Araignées, motivent mieux que les espèces moins nombreuses de l'Europe méridionale, le nom de Fourmis-araignées qu'on leur a quel- quefois donné. Dans les contrées chaudes, on en trouve de nombreuses espèces, qui comptent parmi les plus beaux de tous les Hyménoptères. Outre les taches velues ou les bandes de l'abdomen, qui ont un magnifique éclat argenté ou doré, elles sont souvent ornées de surfaces lisses et bril- lantes qui ajoutent à leur élégance. DÏBtribntiun g'éographique. — Leur aire de distribution est extrêmement vaste et embrasse le monde entier; quoi(iu'elles préfèrent les ré- gions chaudes oîi elles abondent et comptent de nombreuses espèces, notre pays n'est point absolument déshérité, car il possède une qua- rantaine d'espèces, pour la plupart méridio- nales. LES MUTILEES — MUTILLA (1) hie Spinncnainciscn, hic Dicncnameiseii. Caractère». — Les caractères sont ceux de la tribu ; les ailes des Mâles comptent ordinaire- ment quatre cellulles cubitales. Moeurs, habitudes, régime. — On sait que notre Mutille indigène est Parasite des Bour- dons; mais les Mutillines ne vivent pas toutes aux dépens des Apides ; on peut s'en con- vaincre en songeant que ceux-ci sont rares dans l'Amérique du Sud, tandis que les Mutilles sont communes ; il est probable qu'elles se dévelop- pent dans les Nids d'autres Hyménoptères; ne 1) Mulilus, mutilé, pai- allusion i l'absence des ailes. sait- on pas qu'en Algérie le Mulilla capilala est parasite de VOsmia metallica et le M. Hollen- tola parasite de divers Odynères. LA MUTILLE EUROPÉENNE. — MVTlLtÀ EUliOP^A. Europaische Biencnameise. Caractères. — Nous représentons ici les deux sexes de la Mutille européenne (fig. 941 et 942). Le Mâle (fig. 941) présente des ocelles, des ailes, un thorax disposé pour leur insertion et dont les anneaux sont très distincts malgré leur revêtement poilu. Le mésothorax et l'écus- son, chez lui, sont d'un rouge-brun; les trois bandes claires de l'abdomen ont un reflet plus argenté; celles du milieu sont plus étroites et non interrompues ; aux poils noirs de l'abdomen et des pattes se mêlent quelques poils blancs. La Femelle aptère (fig. 942) de cette intéres- sante espèce possède une tête aplatie, rendue rugueuse par un pointillé irrégulier, couverte de poils noirs épais et munie d'antennes noires; quoique revêtu de poils noirs, le thorax à contour quadrangulaire, également rugueux, est de cou- leur rouge, mais le prothorax est noir ainsi que les épaules ; l'abdomen est noir, parsemé de poils noirs, et orné, sur quelques-uns des bords postérieurs, de bandes pâles de poils argentés jaunâtres. Ces bandes velues occupent les trois segments antérieurs ; sur le premier seulement, elles ne sont pas interrompues. Ce sont plutôt des poils hérissés que des épines qui donnent aux pattes, courtes et noires, une apparence rugueuse. Sur le ventre on remarque un sillon transversal profond entre les deux premiers anneaux. Le frottement des troisième et quatrième anneaux abdominaux produit, chez les deux sexes, unbruitretentissanl; c'est peut-être pour eux un moyen de s'attirer, car leurs modes d'existence les séparent. A la surface du qua- trième anneau se trouve une aire triangulaire finement striée recouverte par le troisième an- neau qui est muni, en dessous, d'une crête étroite; en retirant et en repoussant leurs seg- ments abdominaux, qui s'emboîtent comme les tubes d'un télescope, les Mutilles déterminent le frottement de ces organes stridulants. Distribution géog^raphique. — Cette espèCB se rencontre aussi bien dans nos départements méridionaux qu'aux environs de Paris, où elle est rare. Mœurs, habitudes, régime. — On voit, pefl-* dant l'été, les Femelles courir çà et là, toujours LA MUTILLE EUROPÉENNE. 707 Fig. 944. — Jeune Larve dévorant une Larve d'Oryctès nasicorne enfermée dans sa coque. Fig. 945. — Larve plus âgée ayant dévoré presque tous les viscères de la Larve d'Oryctès nasicorne. Fig. 946. — Larve ayant acquis toute sa taille, vue de dos. Fig. 1)47. — La mime, vue de côté, laissant échapper par sa filière le fil avec lequel elle confectionne son cocon. Fig. 948. — La même, vue de face. Fig. 9S0. — Cocon tissé à côté de la dépouille vide de rOryctès. Fig. 950. — Nymphe, vue do profil. Fig. 944 il 950. — Métamorphoses de la Scolie dos jardins d'après Passerini, solitaires, sur le sable des routes et des talus, avec autant d'activité que les Fourmis, pendant que les Miles, plus rares, visitent les fleurs et les buissons garnis de Pucerons. Tous deux sont issus de Nids de Bourdons, car leurs Larves parasites dévorent les Larves de ces Hyménoptères. Christ, qui, le premier, observa dans un cocon de Bourdon l'habitante vé- ritable auprès d'une Larve de Mulille, crut pouvoir en conclure qu'une vie de famille unissait intimement ces Animaux. Mais i! n'en est pas ainsi; il est beaucoup plus pro- bable que la Mulille femelle dépose, à l'aide de sa longue tarière, un OEuf dans la Larve du Bourdon, pendant que celle-ci repose, encore nue, sur la pâtée alimentaire dont elle se nourrit. Ce germe de mort nuit, du reste, aussi peu i\ l'évolution naturelle de cette Larve, que la présence des Ichneumons à l'évolution des nombreux Papillons qu'ils habitent, car elle tisse néanmoins sa coque. Il se passe là, dans l'intimité, des phénomènes qui échappent aux regards des plus savants observateurs. En son temps, éclôt, au lieu d'un Bourdon, une Mutille. Drewsen, ayant emporté un Nid de Bourdons avec plus de cent cellules closes, n'en obtint que 76 Mutilles dont 44 Mâles, et deux Bour- dons mâles seulement; il en sortit en outre plusieurs autres Parasites, notamment des Dip- tères : deux Mâles et une Femelle de Vohicella bombi/lans, donl les Larves sortirent des cellules, pour se transformer en Chrysalide â l'extérieur, ainsi que deux espèces A'Anlhomya. Si chaque Nid de Bourdons était ainsi rempli de Parasites, les Bourdons auraient bientôt disparu de ce monde. Les Mutilles adultes s'accouplent; les Mâles meurent tous peu après, et les Femelles s'enfouissent dans le sol, ovi elles se pelo- tonnent en boule, pour passer l'hiver. Tas- chenberg en a trouvé dans cet état d'hiberna- tion, le 3 mai, sous une pierre. Au printemps prochain, sa tâche est de découvrir un Nid de Bourdons pour y introduire ses Œufs. TABLE DES MATIERES Introdcction 1 Considérations générales sur les Animaux articu- lés (fig. I) I Considérations générales sur les Insectes. Organi- sation (fig. 2) 3 Système tégumentaire et appendiculaire (fig. 3 à 35) 4 De la tête 4 Des yeux (fig. 3) , 4 Des antennes (fig. 1 et 5 à IM) 5 De la bouclie (fig. 20 à 30 et 32) 8 Du thorax (fig. 2, 33, 34 et 35) 12 De l'abdomen 14 Des poils et des écailles 15 Système musculaire (fig, 4, 3G et 37) 15 Puissance musculaire (fig. 31) 15 De la locomotion (fig. 38 h 44 et 51 i 58) 18 Système nerveux (fig. 45 à 50) 23 Organes des sens (fig. 59, 60) 26 Du toucher (fig. 59) 26 Delà vue (fig. 3) 27 De l'odorat (fig. 19) 27 De l'audition (fig. 60) 28 Du goût.... 28 Appareil digestif (fig. 6 1 à 63) 28 Corps adipeux 31 Des sécrétions (fig. 64 il 66, 73 et 74) 33 De la soie (fig. 64 à 66) 34 De la cire (fig. 73) 34 Des venins et des appareils venimeux (flg. 74).. . . 35 Sécrétions diverses. Odeurs 35 De la phosphorescence 36 Système circulatoire (fig. 67 il 70, 75 et 76) 37 De la circulation (flg. 75, 76) 37 Du vaisseau dorsal ou cœur (fig. 67 à 70) 37 Système respiratoire (fig. 71 et 72, 7 7 à. 84) 39 De la chaleur animahî 43 Développement et Métamorphoses (fig. 85 à 116). 44 Difl'érences sexuelles 44 Appareils de la reproduction (fig. 85) 45 Parthénogenèse 45 Des OEufs 46 Dépôt des OEufs. Prévoyance des Femelles 47 Développement de l'Embryon (fig. 86 à 92) 48 Développement postembryonnaire. Métamorphose (fig. 93 à 99) W Métamorphose des tissus 51 Accroissement et mues 52 Des Larves (fig. 100 ii 107) 53 Des Nymphes (fi?. 103 il 113, 115 et 116) 54 Durée de l'évolution 55 Mécanisme de l'éclosion 58 Production des sons 59 Les Insectes et leurs Parasites végétaux (fig. 117 àl29) 61 Distribution géographique des Insectes 62 Influence des saisons et du climat 62 Délimitation des Faunes 63 Faune des cavernes 64 Dénombrement des Insectes à la surface du globe. 66 710 TABLE DES MATIERES. Les Arthropodes aux différentes époques géologi- ques (Insectes, Myriopodes et Arachnides) (fig. 130 à 140) GG De la chasse, de la récolte et de la conservation des Insectes (fig. 141 à 151) 71 Introduclion 71 Chasse des Coléoptères (flg. 243) 71 Préparation des Coléoptères 75 Chasse des Lépidoptères 7G Récolte et éducation des Chenilles (flg. 145) 77 Préparation des Lépidoptères (fig. 14G h 151)..., 79 Chasse et récolle des Orthoptères, des Névrop- tères, des Hémiptères et des Hyménoptères. .. 80 Bécolte et conservation des Larves, Chenilles, Myriopodes, Arachnides, etc 8'2 Conservation et classement des collections 8"2 Classification des Insectes 84 Type des principaux ordres de la classe des In- sectes (flg. 152 à 1G4) 85 LES COLÉOPTÈRES (fig. 163) oi Caractères !)) Distribution géologique 01 Classification 94 Les Cicindéudes (flg. 16C à 173) 95 Les Cicindélines 95 LaCicindèle champêtre (fig. 1G7 à 170 et pi. I) 9G Cicindela hybrida, sylvatica, maritima, lit- toralis, flexuosu , circumdata, litlorata, germanica 97 et 98 La Cicindèle sylvatique (fig. 171 et pi. 1).... 07 La Manticore maxillée (fig. 172) 98 La Cicindèle au long cou (fig. 173) 98 Pogonostoma, Ctenosloma, Therates, Tiicon- dijla, Tetiacha euphralica 98 Les CARADruES 98 Les Elaphrines ; 99 L'Élaphre des rivages (fig. 174) 99 Elap/irus cupreus, uliyinosus,aureus, Dletliisa multipunctata 09 Les Noliophiles 100 Le Notiophile aquatique (flg. 175) 100 Les Omoplironines 100 L'Omophron limbe (fig. 17G) 100 Les CAnABiNES 101 Les Nébries (fig. 177, 178) 101 N. des subies, à cou bref, psammodes, livkla, picicornis, Jokischii, tiiva/is, caslanea, lali- collis, rubripes, Foudrasi, Olivieri, Lnfres- nayi, Lariollei 101 Les Leistus (fig. 179), spinibarbis, puncUceps, fulvibarbis, riifomwginatus, nitidits, ferru- gineus, rufesceiis, picetis 103 Les Carabes 103 Le Carabe doré (fig. 180, 181, 184 et pi. VIII). 104 Le Carabe aux reflets d'or 104 C. punctato-aurutus, l'estivus, Solieri, /tilens, melancholicus, catenulatus 105 Le Carabe pourpre (flg. 186) 105 Le Carabe des bois (fig. 187) lOG Le Carabe des jardina (fig. 182) lOG C. convexus, sylvestris, monilis, cancellntus. 100 C. granulatus, vagans, arvensis, Cristofori, dfdhratus, nodulosus, splendens 107 Le Carabe rutilant (fig. 188^ 107 Le Carabe espagnol (flg. 189) ]07 C. intricatus 107 C. pyrcnœus, irregularis, depressus 108 Les Procrusies, P. coriaceus (fig. 190) 108 Les Procéres 108 P. gigas, scabrosus (fig. 191), eaiccasicus, sca~ brosus, syriacus 108 Les Calosoines 100 Le Calosome sycophante (fig. 183) 109 Le Calosome inquisiteur uO Le Calosome de Madère (fig. 192 k 19i). ... 111 C. auropunctalum 1 1 1 Les Cyehrines 1 1 1 Les Cychrei 112 C. rostratus (fig. 195), atlenuahis, spinicollU . 112 Les Odacanthines 113 Odacanlha, Casnonia, Op/iionea, Stenidia.. . 113 Odacaiilha ynelanura (fig. 19C) 113 Les Galéritines 114 Galerita Leconiei 114 Les Dryptes 114 Le Dryple denté (fig. 19") 114 D. distincta 114 Zupldum olens, Chevrolati 114 Polysticlms viltatus 114 Les Brachinmes 114 Les Brachines 115 Aptinus displosor, Pyrensus, Alpinus. 115 et 116 Le Brachine crépitant (fig. 198, 199, 200) 116 B. explodens, sclopeta, bombarda, exhalons, humeralis 116 Pserosophiis hispanicus ... 1 IC Les Lebiines 1 1 G Agra, Callida, Cymindis 116 Cymindis humeralis, melanocephala, axilta- ris, miliaris, vaporariorum 1 IG Singitis 1 17 Demetrias monostigma, imperialis, atrica- pillus 117 Drotnius linearis, agitis, guadrimoculutU'S, qiiadrinotaUis 117 Metubletus fovcola 1 1 7 Lionychus quadrillum 1 17 Lebia cyanocephala, chlorocephala, crux mi- nor, marginata, fulvkoUis, cyatigera, tur- cica in Masoreus Wetterltali 117 Les Péricaluies 1 17 Le Morraolyce phyllodes (fig. 201) 117 M. Hagenbachi, Castelnaudi 118 Les Dilomines 119 Dilotniis calydonius, fulvipes 119 L'Ariste à bouclier (fig. 302) 119 Les Anlhianines 120 L'Anthia à 10 taches (fig. 203) 120 tes Scaritines (fig. 204, 205, 207) 120 TABLE DES MATIERES. ■711 Scarites aiil/irariniis, o/jbrcrialui, (ji'jns (Kg. 201), lœciyalus, arenarius (tig. 205). lil Ctivina fossor {tig. 207), Dyschirius 131 Les Paiiaf/éines 121 Panafjcus ciitx major, bipustulntus 122 Les Cldxnines (fig. 500, 208, 20a) 122 Loricera pilicornis 1 22 Caliislus lunattts {Hg. ^OG) 122 Oodes lielopioides (fig. 2U8), gracilis 122 Chiscnius vesiilus, velutiims (fig. 20!)), fesU- vus, variegalus, chxumscriptiis, spolialiis, niliihclus, fiigricornis, fulgkollis, chryso- ceplialus, holosericeus, sulcicoUis, azureus. 122 Les Harpaliiies (fig. 210) 122 Acinopics, Bradycellus, llarpaha, Ambbjsto- iiius, SlenolopUus 123 //. pmcticoliis, ruficornis, scneus (?ig. 210)... 123 Les Zabrines 123 Le Zabre des céréales (fig. 211 à 213) 123 les Pléi-osticliines (fig. 214 à 21!)) 1 2G Abaïc ovalis, par-atlelus, strio/a (fig. 211)-. .. I2G Molops ierricola {tig. 2lb) 130 Steropits madidus (fig. 210) 136 Pterostichus {Feroniu pi. VIII) parwnpuwlalm {f\g.2ll),obtongopunclaltts (fig. 2 18), me/ana- rius, nigritus, anthracinus, minor, vcrnalis. 127 Pœcilus cupreus (fig. 219) 127 Pterostichus rutUans, Prevostii, exlernepunc- tata, mullipunctuta, Yiani, metaltica, Xa- tarti 127 Amara ovata, fami/iaris 127 Les Anchomenines (fig. 230 à 323) 127 Sphodrus leucophtalmus (fig. 220) 127 Pristonychus terricola {{\g. 2.'l) l'.'S Platynus {Anc/iometius) prasiims (fig. 222], sexpunclalus, marginatus (fig. 233) 128 Les Pogonines 128 Palrobus, Pogonus 128 Les Trechus 128 Les Anophtalmes et les Aplia;nops (fig. 234). 138 Anophtalmus Schmidli (fig. 224), Hilimeki, Tellkampfi 130 Les ^Epus (fig. 225) 130 jEpus marinus, RolAni (fig. 225) 131 Les Bembidiines (fig. 226) 133 CUlenus lateralis 133 Anilbis cœcus 133 Bembiditcm quadriguttatuin [fig. TK] 134 Les Dyticides (fig. 227 à 232) 134 Le Dytique bordé (fig. 233 à 237) 130 Dytiscus circumflexus, latissimus (fig. 238 et 240), Lapponicus, rArcumeinctus, Pisonus, dimidiatus, punctulalus 140 Les Cijbister (fig. 239) 140 Cybister Rceselii (fig. 239) 140 Les Acilies 140 Acdiics suli-atus IRg. iiO) MO Les Hydropores 141 Hydroporus nigroVmeatus, elegans (fig. 230). 141 Les Iluliptines 111 Cnemidotiis csesus (flg. 231) 141 Ilatiplus 142 Les Gyhi.niues 142 Le Gyrin nageur (fig. 241) 113 Les HYDnopiiiLiDES 114 Les Hydrophiles 144 L'Hydrophile brun (fig. 212 iv 245) 144 Hydrophilus aterrimus l 'i" Les Hydroés 147 Hydroé caraboidcs (fig. 233) 1 47 Hydrobius, Pliilhyilrus, Laccobitts, llrrnsus-, Sperchcits, Ilelophorus, Hydroclms, Oclitc- bius, Hydrœna 148 La Splu-cridie scaraboide (fig. 246) 148 Megasternum boletophagum 148 Cryptopleurum atomarium 148 Les Staphylinides (flg. 247 à 252) 148 Les Siaphylins 149 Le Staphylin à raies d'or (fig. 217, 252 et pi. III', et le Staphylin à clytros rouges. . . 150 Le Staphylin poilu (fig. 242, 247) 151 Le Staphylin odorant (fig. 248, 250) 151 Staphylinics hirtus, maxitlosiis, iiebulusiis, murinus, cyaneus 151 Les Philontbes 151 Philonthus œneus (fig. 246, 251) 151 Les Oxypores (fig. 248 et 353) 151 Oxyporus rufus (fig. 243, 248 et 253) 151 Les Piedcres 1 52 Le Staphylin des rivages (fig. 244, 24!)) 152 Les Loméchuses 152 Lomechusa paradoxa (fig. 254) 152 Les Psélaphides 152 Le Claviger testacé (fig. 235) 153 Les SiLPHiDES (pi. III et IV) 156 Les Nécrophores (fig. 256, 257, 258) 157 Necrophorus germatiicus (pi. IV), humator, vespillo (fig. 257), vestigutor, fossor, ruspa- tor (fig. 2;.8) 159 Les Silplies (pi. III) 159 Le Silphe des rivages 'fig. 259 et pi. III) 160 Le Silphe noir (fig. 300 h 202) lOO Le Silphe des betteraves 161 Le Silphe à corselet rouge (fig. 208) 102 Le Silphe à quatre points (fig. 209) 1 02 Silpha rugosa, sinuatn, carinata, tristis, obs- cura, reticutata 1 03 Les Histérides 1 03 Les Histers (pi. lll) IC4 L'Hister des fumiers (fig. 263 et 270) 1G4 Les Hélxries 104 L'Hétairie ferrugineuse ICI Les Saprines 105 Les NiTiDiLiDES 165 Les Meligelhes 1 05 712 TABLE DES MATIERES. Le Meligelhes du colza (fig. 21 1 , 272) 165 Le Meligethes à pattes rousses (fig. 274) 166 La Soronia très ponctuée (fig. 275) 166 Les Dermestides 166 Les Dermestes (pi. III) 167 Le Dermeste du lard (fig. 260) 167 Le Dermeste ondulé (fig. 276) 168 Les Attugcnes 169 L'Attagène des pelleteries (flg. 267, 277 à 279). 169 L'Attagèue mouchetée (fig. 280) 170 Les Anthi-ènes 170 L'Anthrène des musées (fig. 261) 170 Les Bytures '. 171 Le Byture tomenteux 171 Les BïiiRHiuEs 172 Byrrhus pilula. 172 Les Lucanides 172 Les Lucanines 173 Les Lucanes 173 Le Lucane cerf-volant (fig. 282 et pi. V) 173 Les Dorcus 176 Le Dorcus parallélipipède (fig, 281) 176 Dorcus musimon 177 Les PlaUjcères 177 La Chevrette bleue 177 Les Sinodendron 177 Le Sinodendron cylindrique (fig. 283) 178 Ceruchus tarandus 178 (Msalus scarabeoides 178 Les Passalines 178 Le Passale interrompu (fig. 284) 178 Les Scarabéides ou Lamellicornes 178 Les Caprines 1 80 Les Scarabées (fig. 285 à 290) 180 Le Scarabée sacré (flg. 285) 181 Scarabeus senupunctatus 189 Le Scarabée i large cou (fig. 290) 190 Scarabeus variolosus (fig. 289), plus, Mgyp- tiorum 190 Les Gymnopleures 190 Gymnopleurus mopsus, Sturmi, flagellalxis,. 190 Les Sisyphes 190 Le Sisyplie de Schœfl'er (fig. 291) 190 Les Copris 191 Copris Hispanus 191 Le Copris lunaire (fig. 292) 191 Le Copris Antenor (flg. 293) 192 Bubas, Onilis, Onthophugus 193 Les Aphodies 193 L'Aphodie fouisseuse (flg. 295, 296) 194 Les Géotrupines 194 Les Géotrupes (pi. III et IV) 194 Le Géotrupe printanier 195 Le Géotrupe stercoraire (fig. 297) 195 Le Géotrupe phalangiste (fig. 298 et pi. Ij... 196 Géotrupes mutator, hypocrita nu pilularius, sylvaticus, corruscans 190 Les Léthres 196 Le Lèthre à grosse tète (fig. 294) 196 Les Trogines 197 Les Trox (pi. III) 197 Trox perlatus, hispidus, scaber 197 Le Trox des sables (fig. 299) 197 Les Mélolojithines 1 97 Les Métolonihes (fig. 300 à 306) 198 Le Hanneton commun (fig. 301, 302 à 307). .'. 198 Dégâts causés par les Hannetons 200 Destruction des Hannetons 201 Le Hanneton du Marronnier 204 Le Hanneton foulon (fig. .300 et 309) 204 Les R/iizotrogues 205 Le Rliizotrogue du solstice (fig. 308) 205 Les Anoxies 206 Anoxia vdlosa 206 Les Hoplies 206 Hoplia praticola, philanthus, farinosa 206 L'Hoplie bleue 206 Les Eue/urines 207 Propomacnis Mac Lcayi, bimucronatus, Da- vidi 207 L'Eucliirus aux longs bras (pi. VI) 207 Les IhdéUnes 207 Les Anisoplies 207 L'Anisuplie des céréales (fig. 310) 208 Anisoplia tempestiva, agricola, austriaca. . . . 208 Les P/iylloperthes 208 Le Phylloperlhe horticole 209 Ano'iiala œnea 210 Le Chrysopliore vert doré (flg. 311, 318et3l9). 209 les Dynastines 210 Les Dynastes 211 Le Dynastes hercule (pi. VII) 211 tlynasles Hyllus, Tithyrus, Neplunus 212 Megalosoma elephas 212 Les Onjctes 212 Le Scarabée nasicorne (fig. 312, 313) 212 Les Cétoni>ies 213 Les Goliath 214 Le Goliath de Drury (flg. 160) 214 GoUathus cacicus, giganteus 214 Les Ciratorhines 215 Le Goliath à nea fourchu (fig. 31 i) 215 Les Cétoines (flg. 53 et pi. I) 215 La Cétoine dorée (fig. 315) , . 215 La Cétoine marbrée 216 Cetonia floricola, speciosissima, affinis (fig. 317), opaca, morio, sticlita, hirtella, squa- lida 216 Les Trichies 216 La rrichie [Osmodermaj ermite (flg. 324). .. . 218 La Trichie fasciée (fig. 316) 218 Trichiiis abdominalis 218 Gnorimtis nobilis 218 Les Valgues 219 Le Valgue hémiptère (fig. 325) 219 Les BiPRESTiDEs (fig. 326) 219 Les Jutodines ; . . . . 220 TABLE DES MATIERES. 713 Les Julodis 220 Julodis fascicularis, Onopordi 221 Les Chalcophorines 221 Les Chalcopho/es 221 Le grand Bupreste des Pins 'fig. 327, 328)... 221 Les Euphromes 221 Le Bupreste géant (fig. 321, 323, 32'J) 222 Catoxanlha bkolor (fig. 32G) 222 Les Biipreslines 222 Les Pœcilonotes {Lampru) 222 Pœcilonoltis rutilatis 222 Les Buprestes ■: 223 Bupreslis (Anq/lochira) nislica, flnvomacu- lata, octugultata 223 Les Corsebes 223 Corsbus bifascialus 223 Les Arjri/es 223 L'Agrile à deux points 224 Agrilus viridis, ajtgusluhts 224 Les Trachys 224 Le Tracliys menu. — Le Tracliys nain 224 Les Elatébides 225 Lei Agrijpnines 227 Les Laçons i27 Le Lacon gris do Souris 227 Les ÉlaUrines 227 Les Athous. .• 227 L'Athous velu 227 Les Pyrophores 228 Le Cucujo (fig. 330) 229 Pi/rophorus noctitiicus 230 Le Corymbites cruciatus (fig. 331) 230 Brehm. — VII. Les Agrioles 230 Le Taupin des moissons (fig. 332 et 333) 231 Les Dascyllides 232 Les Dascylles 232 Le Dascille cervin 238 Les MALAconERMEs 234 Les Lampyrines 234 Les Lampyres (fig. 334 à 342) 235 Le Lampyre commun (fig. 334 à 338) 235 Le Lampyre noctiluque (fig. 3:i9 à 342) 23C Les Phosf'hsnes 237 Phosphxnui hemipterus 237 Les Lucioles 237 Luciola Lusi/anica et Italien 237 Les Téléphorines 237 Les ïéléphores 238 Le Téléphore commun ou Tolcplioro brun (fig. 343) 239 Teleptiorus obscurus et lividus 239 Drilus flavesrens (fig. 344 et 345) 239 Les Mélyrines 240 Les Malachies 240 La Malachie bronzée ^fig. 273i 240 Les Ci-EiiiDEs ; 240 Les T/ianastines 241 Le Clairon formicaire (fig. 346, 347 et 348)... 241 Thanasiiniis niiilillurius 241 Les Trichodes 241 Le Clairon des Abeilles (fig. 349) 242 Trichodes alvearius 242 Les Nécrobies 242 Insectes. — 90 71i TABLE DES MATIÈRES. La Nécrobie à col rouge (fig. 350) 242 Les Ptixides. 2ii Les Plines 244 Le Ptine voleur (fig. 265) 244 Le Ptine jaune de laiton 244 Les Anobies ou Vrilletles 245 La Vrillette marquetée (fig. 351) 247 La Vrillette opiniâtre 247 La Vrillette des tables 247 La Vrillette du pain 247 Le Ptilinus pectinicornis (fig. 3521 248 Cntorama labaci 248 L'Apate capucin (fig. 354) 248 Le Lyctus canaliculé (fig. XiZ'\ 248 La Trogosite mauritanienne [Cadelle] (fig. 355, 356) 218 Les Ténébrionides 248 Les Blaps (fig. 357 et 363) 249 Le Blaps présage mort (fig. 357) 250 Biaps producta 250 Les Pimélies 250 Pimelia bipunctata 250 La Pimélie variée (fig. 358) 248 Les Ténébrions 251 Le Ténébrion de la farine (fig. 3G4, 3G5) 251 Tentyria 252 La Tagenia filiforme (fig. 3C7) 252 Elenophonts collaris 252 Akis punctala 253 L'Akis algérien (fig. 359) 253 Le Scaurus strié (fig. 361) 253 Asida (jt-isea 253 Pedinus femoralis 253 L'Opatre des sables (fig. 360) 253 Le Diaperis du Bolet (fig. 362) 253 Le Cossyplie d'Hoffmaiiseg (fig. 367} 253 L'Hypophlœus cliàtain (fig. 368) 253 Helops stn'atus, laiiipes . . 253 Les Cistelides-, Pythides, Métandrijides, La- griides, Anthicides, Pyrrochroides, Mor- dellides .. 253 La Mélandrye caraboide (fig. 369) 253 La Pyrochroa éoarlate (fig. 370) 253 Le Notoxe cornu (fig. 371) 253 L'Anaspis frontal (fig. 372) 253 La Mordelle ornée (fig. 373) 253 Les Rhipiphorides 254 Les liliipiphores 254 Le Rhipiphore paradoxal (fig. 374) 254 Le Rhipiphore bimaculé (fig. 375) 255 Les Méloides 256 Les Mélûines. ' 257 Les Mé/oés (fig. 376 à 378, 380 à 383, 804 à 808). 257 Le Méloé bigarré (fig. 379 et 800) 2(;0 LeMéloé commun (fig. 37G, 377, 807 et 808). 260 Me/oe cyaneus, autumnalis (fig. 378), viola- ceus, purpwascens, tuccius, rugosus, bre- vicollis, cicalricosus 261 Les Cn7tt!taridmes 201 Les Mylabres 261 LeMylabre de Fuesslin (fig. 384} 261 Le Mylabre variabilis (fig. 385) 261 Mijlabris qimdripunctatn, duodecimpiaictntn, geminnta, flexucsa 261 Le Cerocome de Sclioeffer (fig. 386) 262 Les Si taris 2G2 Le Sitaris muralis (fig. 387 à 395) 202 Sitwis colletis ou analis (fig. 393 à 395) 270 Les Canthiirides 273 La Cantharide (fig. 396 à 399) 273 Les Epicautes 275 L'Épicaute rayée (fig. 400 à 413) 275 Les OEdéuerides 278 Les Œdémères 278 L'OEdemère de la Podagraire (fig. 414). .... . 27 S Les CtincuLiONiDES ou Char.wçons 278 Les Sitones 279 Le Sitones rayé (fig. 415 à 417) 280 Pachyrhynchus, Cyphus, Platyomus,Compsiis. 280 Les Otiorhxjnches 280 L'Otiorhynque noir (fig. 4 18, 419) 281 L'Otiorliynque fourcliu 282 Oliorhynchus nigrita, picipes, liguslici 282 Les Phyllohius 582 Phyllobiu! argentatus, Pyri, calcaratus, viri- dico/lis, oblongus 283 Metallites 283 Polydrosus micani 283 Les Brachycères 583 Le Brachycère barbare (fig. 450) 283 Brachycerus albidentatus, Pradieri, undalus. 283 Les Lixes 284 Le Lixe paralysant (fig. 421, 422) 284 Les Larines (fig. ilZ b. iib) 285 Larinus maculosus, maurus, cynarm 285 Treliala 285 Les Uylobies ~ 280 Le grand Charançon du Sapin (fig. 45C à 430). 586 Le petit Charançon du Sapin 288 Les Pissoiles 288 Le petit Charançon des Pins (fig. 431 à 436).. 288 Heitipits 290 Les Apions 290 L'Apion du Trèfle (fig. 437) 290 Avion assimile, Trifolii, Craccœ, Ulicis, Sayi, flavipes, Livescerum, radiotus 290 et 291 Les Altelabines 291 Les Apodères 291 L'Apodère du Noisetier (fig. 439) 291 L'Apodère au long cou (fig. 438) 292 Les Attelabes 293 L'Attelabe curculionide (fig. 440): 293 Les Hliynchitss 594 Le Rhynchite du Bouleau (ii. CetuletiYdgA^V,. 294 Le Rhincliite du Peuplier (fig. 442) 298 Le Rhynchite du Bouleau (fi. Cetulée) ._ 298 Le Coupe-Bourgeon 299 TABLH DES MATIEHES. 713 Le Rhyncliitc de l'AUiaire 29;) Le liliyiicliitc des Pruniers 30W Le Rhynchite du fraisier 300 Les Balanmes 300 Le Charançon des Noisettes ilig. ii3 i ila). . 300 Le grand et le petit Cliarançoii des Glands. . . 301 Les Anthonomes 301 Le Charançon du Pommier (fig. 4iC à U9) 301 Le Charançon du Poirier (flg. 460 h 152) 302 Lo Charançon des Drupes 303 Les Oi-c/iestcs 303 Le Charançon du Hêtre (lig. 457 à 459) 303 L'Orchestes de l'Aulne (Hg. 453) 304 Les Ciones 304 Le Cione de la Scrophulaire (fig. 454 à 450). 305 Cioiius VerOasci, T/inpsi, Solaiii, lioilulaniis. 305 Lei Cryptorhijnques 305 Le Cryptorhynriue de la Patience ou de l'Auliio (fig.4C0à4U2) 300 Les CeiUhorhynques 30G Le Charançon du Chou (fig. 4CG, 4G7, 4US1 307 Le Charançon des Raves (fig. 405) 307 Le Centhorhynque i tache blanche 308 Les Poopkages 308 Le Charançon du Cresson 308 Les Baridius 308 Le Baridius vert (fig. 4C.3) 309 Le Baridius noir 309 Le Baridius à rostre cuivreux (fig. iGl) 310 Les Calandrines (fig. 4G9, 470} 310 RhyiicUoiihorui Scluick (fig. 4G9) . 310 Protocerius culossus (fig. 470) 310 Cyrtotrachelus longipes 310 Les Calandres 311 Le Charançon du Blé (fig. 471) 311 La Calandre du Riz 312 Les Bkenthides 312 Amorphocephalus coronatus 313 Le Brenthe anchorago (fig. 472, 47-i) 313 Les Anthribides 314 L'Anthribe à taches blanches (fig. 480) 314 Les Braohytarses 315 Brachyiarsus scubrosus et varius 315 Les Brichides 315 Les Bruches 316 Le Bruche des Pois (fig. 474, 475) 3l6 Le Bruclie des Fèves (fig. 47G, 477) 317 Le Bruche de la Lentille (.fig. 4Si) 317 Le Bruche commun (fig. 478,479) 317 Le Bruche des Haricots 318 Bruchus lens 318 Les Scolïtides 318 llylasles Trifolii 319 T/iamnurgus Ettphor/As 319 Tomicus bispiJius, dactyliperda 319 Les Blastophages 319 Le grand Blastophage des Pins (fig. 482 à 487) , 320 Le petit Blastophage des Pins (fig. 488) 320 Les Ily lésines 321 L'Hylcsino du Frêne 321 L'Hylcsine crénelé 322 L'IIylésine de l'Olivier 322 Les Phloeotribes 322 Le Scolyte de l'Olivier , 32Ï. Les Tomiques ou Bustriclies 323 Le Tomiqua typographe (fig. 489 à 407) 323 Tumicus chalcograpitus, slenograplius, iidens, curv'ulens, laricis, curygraphus 325 Xyloterus lineatus 325 Les Scolytes 320 Le Scolyte destructeur (fig. 498 à 601) 326 Scolytus muttisirialiis, pygmœus, Ulmi 326 Le Scolyte de Ratzeburg (flg. 502) 326 Le Scolyte du Chêne 327 Les CÉRAMHVCIDES ou LONGICOBNES . 327 Les Prio7iines 328 Les Priones 329 Lo Prione tanneur ; fig. 503) 329 Les Ergales 330 L'Ergate charpentier (flg. 604) 330 Les Mgosomes 330 L'jEgosome Scabricorne 331 Tragosoma depsaiiwn 331 Prinobius ilyardi 33 1 Les Hypocéphalines 331 Les Ihjpocéphaks 331 L'Hypocéphale armé (flg. 50G) 331 Les Ceramhycines 332 Les Spondyles 332 Le Spondyle buprestoide (flg. 507) 332 Les Cérambyx 333 Le Cérambyx héros (flg. 508, 509 et pi. V)... 333 Le Cérambyx velouté 334 Le Cérambyx .soldat 334 Le Cérambyx de Mirbeck 334 Le petit Cérambyx noir 334 Les Aromies 335 L'Aromie musquée 335 Aromia ambrosiaca 335 Les Rosalies 335 La Rosalie des Alpes (flg. 510) 336 Z."* Purpuriccnes, 336 Le Purpuricéne de Kœhler 336 Les Hylotrupes 336 L'Hylotrupe bajulus 336 L'Hylotrupe domestique (fig. 514, 515) 336 Les Callidies 337 La Callidie variable (fig. 516) 339 La Callidie mélancolique 338 La Callidie bleue (fig. 517). 339 La Callidie sanguine 339 Callidium alni, dilatatum, unifasc'mtum, ru- fipes 339 Symptezocera Laurasi 3.39 Les Criocèphales 339 716 TABLE DES MATIERES. Le Criocéphale rustique 339 Les Asémum 340 L'Asémum strié 340 Les Clyks 340 Le Clytus commun ou Clyto bélier (lig. 51 1). . 310 Le Clyte du Nerprun. — Le Clyte arvicole. . . 340 Le Clyte à bandes arquées (fig. 518) 341 Le Clyte usé 341 Le Clyte à quatre points 341 Grw.iHa pygmea 3 i 2 Les Lepturines 342 Les Leptiires 352 La Lepture noire h étuis jaunes 312 Lr'ptura virens, testaeea, hastalu, sculellatn, ciiicta^ smiguinulenta 342 et 313 Les Strangalies 343 La Strangalie éperonnée (fig. 519, 520) 313 La Strangalie à quatre fascies 343 La Strangalie couleur d'or 343 La Strangalie melanure 343 Les Tnxotns 344 Le Toxotus méridional (fig. 531, 522) 344 Le Toxotus coureur 344 Les Wwgies 344 La Rhagie clierclieuse (fig. 5Î3) 344 La Rliagie à deux bandes 34G La Rhagie mordante 340 La Rhagie du Saule 340 L"S Pacliytes 340 Pachyta qua.-^.