POUR RENE ET on ESSAI SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE DE LA PROVINCE DE LIÉGE. AMIOIPÉON DO AOITUTITEOD A Le AOSLL AO HOPIYOA AX AG $ LA :Hèëd AMEL ESSAI | SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE DE LA PROVINCE DE LIÈGE, EN RKPONSE À LA QUESTION PROPOSÉE PAR L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , ARTS ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES , VOUR LE CONCOURS DE 1830, sAVOIR : « Faire la description géologique de la province de Liége ; indiquer les espèces minérales et les fossiles accidentels que l'on y rencontre , avec l'indication des localités et la synonymie des noms sous lesquels les substances déjà connues ont été décrites. » PAR C. J. DAVREUX, PIARMACIEN , PROFESSEUR DE CHIMIE ET DE MINÉRALOGIE À L'ÉCOLE INDUSTRIELLE ET MEMBRE-FONDATEUR DE L\ SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DE LIÉGE; MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ DES AMIS DES SCIENCES, LETTRES ET ARTS DE MAESTRICAT, DE LA SOCIÉTÉ DES SCIEN- CES PHYSIQUES, CHIMIQUES ET ARTS INDUSTRIELS DE PARIS, ETC. Peu de systèmes et beaucoup de faits doivent être la devise du naturaliste. (BALLET, Mémoire sur Les mines d'alun du pays de Liége , Journal des Mines, an I11, vol. IT, pag. 83. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1833. I DU sÉLUMTeMO0 1 a HMITON TT. Nan Nr PROC NERE PASLT À Pen ma + Mért de amie su» Aïm MEUETN TT LES 4 ni sb parenté van, PARTS EL Ses iT NCA PPTNDI LES AUTRE D cortA r- QU: | A4 LS * MALO ü st nur ip) | tete RATE PEL RE SSS Date ra M PPS EN EL. | CORNE TEE ca mn ù < , CIEAY AA ca MAG ET 2 cum Var MA ns PPNUICTIS CELLES AN AE Été Te ATV Mu tenue APE Tdi Le pe npheret Li ee, DONS RS tante Toli DERRTERIESE NS TOR L'ORLLLL ES . 4 ge er ME PAT ILE #3} e eferre afpéeite, Let it Re DIEU LLLE ES s 1 É jy ignat ds M TS où dirt RE “tof FAO? mot ts UE 1 \jrie le 1%, rai À) CAR ñ r* PEL \* PA Ver Cvte ben #6 ph TES A A VON : AE UR = o . à} à D ÆR CAMATEE : ÿ LRU 4 nl 3 - = 6 4 } ; + NOT , 48 | M nn. an Ont AE M natennbe BEI LV M . EME Files À : ' : è ELA A PET É Le à: ; : L2 L à 2 5 OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Ex réunissant dans cet essai les différens matériaux que j'ai recueillis pendant plusieurs années sur l’histoire minérale de la province de Liége, je me suis persuadé que, dans un travail sur une science d'observation, la vérité est de la dernière importance, et qu’on lui doit souvent le sacrifice des théories et des systèmes. La rédaction de ce Mémoire m'a forcé nécessairement à puiser dans les ouvrages les plus estimés, et surtout dans ceux qui ont rapport à différentes parties de la stati- stique minérale des Pays-Bas, tels que ceux de MM. Robert de Limbourg ('), Baillet (*), Dethier (°), D'Omalius d’Halloy (*), (:) Ce savant, médecin à Theux, province de Liége, mort en 1791, doit être regardé comme le premier naturaliste qui se soit occupé de la géologie du pays. Les mémoires qu'il a publiés en 1777 et 1778, dans le Recueil des Mémoires de l’Acadé- mie Royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, contiennent des idées très- saines, et un grand nombre d'observations de la plus grande justesse. (2) Journal des Mines, an II, vol. IL, et vol. X, an IX. (é) Essai de carte géologique etsynoptique du département de lOurthe, etc. ; Liége, 1802. Le Coup d’œil sur les volcans éteints de la Kyll supérieure ; Paris , 1803 ; et le Guide des curieux qui visitent les eaux de Spa ; Verviers , 1814. (4) Essaisur la géologie du nord de la France , dans le Journal des mines , année 1808 ; et Mémoires pour servir à la description géologique des Pays-Bas, de la France, etc.; Namur, 1828. Tom. IX. 2 OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Cauchy ('), Bouësnel (*), Dechen et Oeynhausen (°), etc., ete. S'il m'est arrivé de retoucher quelques-unes de leurs observations, ce n’a été qu'avec une extrême défiance, et plus pour provoquer de nouvelles observations, que pour engager à recevoir les miennes. Lorsque, pour ce travail, j'ai dû entendre des relations, Je me suis attaché à en vérifier l'exactitude, autant qu'il m'a été possible. La reconnaissance me fait un devoir d’adresser ici des re- mercimens particuliers à MM. Dethier, Delvaux, D. Sauveur, Lévy, Hoeninghaus, Rose, Mueseler, Schmerling, Fumière, Deflandre et Maquinay, pour les communications importantes qu'ils ont bien voulu me faire. Malgré tous les secours dont j'ai été entouré, je suis loin de re- garder mon travail comme complet; mon but a été de répondre, autant que mes occupations le permettaient, à l’appel de l’Acadé- mie de Bruxelles, et de fournir ainsi quelques matériaux propres à servir à une description géognostique du royaume des Pays-Bas. (:) Mémoire sur la constitution géologique de la province de Namur; couronné par l’Académie de Bruxelles, en 1825. (2) Divers mémoires publiés successivement dans le Journal des Mines, tom. XXVI, XXIX, XXX, XXXI, XXXIII et XXXV, et Annales des Mines, In: livraison de 1826. (3) Résumé des observations géologiques sur le terrain schisteux intermédiaire de la Belgique et du Bas-Rhin , dans le journal allemand intitulé : Æertha , vol. Il, HI, VII et VIIL, et Bulletin des sciences naturelles, 1826 , 1827 et 1828; Observations sur les mines de houille des Pays-Bas et du nord de la France , Herrna , vol. III, 1826, et Bul- letin des sciences naturelles , 1826 ; Sur l'exploitation de l’alun dans le pays de Liége , dans le journal allemand Xarsten’s Archiv für Bergbau, tom. X, et Bulletin des sciences naturelles, 1826 ; Remarques générales sur le dépôt des minerais de zinc, de fer et de plomb , des environs d’Aix-la-Chapelle, Bulletin des sciences naturelles , 1825. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 3 Je suivrai pour désigner les espèces minérales, la nomen-vomenetaturs et dir clature que le célèbre Haüy a établie dans la nouvelle édition nie de son traité de minéralogie; et pour les roches simples et com- posées, je me servirai indistinctement des noms adoptés par M. D’Aubuisson de Voisins, dans son traité de géognosie, et de ceux qu'ont proposés M. Brongniart, dans son tableau des terrains qui composent l'écorce du globe, M. D’Omalius d'Halloy, dans ses Mémoires géologiques, et Haüy, dans son traité pré- rappelé ; quant à ce qui est relatif aux fossiles accidentels, débris de corps organisés contenus dans les terrains que j'aurai à dé- crire, je dois prévenir, qu'étudiant depuis peu cette partie de l'histoire naturelle, je ne les ferai connaître que sous les noms les plus usités par les auteurs, et d’après quelques déterminations qui m'ont été communiquées par des personnes qui s’occupent spécialement de cette branche importante de la géognosie. Depuis long-temps on a divisé la portion du globe accessible à nos observations en six grandes classes, désignées par les noms de terrain primitif, terrain de transition où intermédiaire , terrain secondaire, terrain tertiaire, terrain de transport ou d'alluvion, et terrain volcanique. Quoique cette classification soit abandonnée aujourd’hui par un grand nombre de géognostes, parce que, disent-ils avec beaucoup de raison, les noms de ces classes présentent de grands mconvéniens et qu'on ne sait où s'arrêter dans les formations anciennes, et quoique je recon- naisse qu’une division des roches par mode de formations soit préférable à un ordre chronologique, je crois cependant devoir l'adopter, faute d’une autre plus généralement admise et plus parfaite. 4 OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Mon intention étant de décrire dans cet essai, les terrains dans l’ordre où ils se présentent successivement lorsqu'on s’en- fonce dans la terre, c’est-à-dire en allant des plus super- ficiels aux plus profonds, et les limites de ces terrains étant différemment établies par plusieurs auteurs, il me paraît né- cessaire de rappeler ici les divisions que je crois devoir adopter. 1° Par ferrain de transport ou d'alluvion, j'entends celui qui, n'étant pas ordinairement en couches solides, n’a pas été formé avec des matériaux propres, mais avec les débris des terrains déposés antérieurement, et transportés dans les lieux où on les voit actuellement par une cause quelconque : les eaux, la pesanteur, etc. Je distingue deux divisions dans le terrain de transport (:), et je nomme : À. Terrain de transport moderne, les parties dont la for- mation, pour la plupart pas encore terminée, est due aux causes actuellement agissantes : telles que les dunes, les éboule- mens au pied des montagnes, les attérissemens aux embouchures des rivières. Comme le terrain de transport moderne présente quelques formations produites par voie de dissolution chimique, je les a (2) Les auteurs anglais ont établi aussi deux divisions dans le terrain de transport , qu'ils désignent par les mots alluvium et diluvium , dénominations qui ont d’abord été proposées par le célèbre Buckland. Malgré cette division , je partage l’opinion émise par plusieurs géognostes , et prin- cipalement par M. Boué, qu'il y a un passage insensible des alluvions modernes aux anciennes, que cette séparation n’est tranchée que dans quelques cas particuliers , et qu'il est quelquefois impossible de les distinguer. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 5 classe dans une soudivision que je désigne par le nom de fer- rain de transport lysien (). Cette soudivision contient des productions minérales mo- dernes, dont quelques-unes sont quelquefois assez abondantes pour former dans certaines localités de vrais terrains dans Pac- ception vulgaire de ce mot : comme les tufs calcaires ou calcaires incrustans, les tufs siliceux, les dépôts ferrugineux, etc., pro- duits par les eaux minérales s’épanchant à la surface de la terre. Les substances qui composent ce terrain, ainsi que celles qui constituent celui qui va suivre, ne paraissent pas avoir d’antériorité marquée les unes sur les autres; par conséquent, l’ordre de description est arbitraire. B. Terrain de transport ancien, les parties dont la forma- tion paraît en général entièrement terminée, et qui semble, à quelques exceptions près, devoir son origine à un ordre de choses différent de l’ordre actuel : comme les cailloux roulés de la plaine de la Crau (bouches du Rhône), les graviers des plaines de Paris, celui qui couvre les plateaux d’un grand nombre de montagnes de la Belgique, etc. 2 Je comprends sous la dénomination de terrain tertiaire, l’ensemble des groupes stratifiés, placés au-dessus de la craie, mais qui quelquefois se trouvent au-dessus de roches plus an- ciennes. (:) Ce mot lysien, qui signifie formé par voie de dissolution chimique, a été pro- posé par M. Alexandre Brongniart, dans son tableau des substances qui composent l'écorce du globe , pour désigner les formations que je place dans la soudivision du terrain de transport moderne. 6 OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 3° La craie sera la 1re formation secondaire, et je range dans cette division celles qui suivent, en allant de haut en bas, jusqu’à la grande époque des houilles. 4 Le terrain de transition où intermédiaire comprend la formation houillère et toutes celles qui viennent après, dans lesquelles, ou au delà desquelles on trouve encore des débris organisés. 5° Le ferrain primitif est le plus ancien; sa formation paraît antérieure à l’existence des êtres organisés, et toutes les fois qu’une roche contient des restes de végétaux ou d'animaux, ou bien est superposée à une autre qui en renferme, elle appar- tient au terrain de transition, si elle est inférieure à la forma- tion houillère, quelle que soit d’ailleurs sa nature. 6° Je partage entièrement l'opinion que lon ne devrait plus former une classe de terrains volcaniques , car le feu des vol- cans ayant agi à toutes les époques, les formations volcaniques doivent naturellement être placées dans celles où on les ren- contre, quoique en général, leur présence soit postérieure au dépôt qui les contiennent. Il m'a paru nécessaire d'exposer ces principes, pour ne pas être obligé d’y revenir dans le cours de cet essai. On ne connaît jusqu'à présent dans la province de Liége aucun terrain primitif, ni aucune formation évidemment volca- nique; mais toutes les autres y existent plus ou moins bien dé- veloppées. ESSAI LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 24 ->0e Ph nc-->9e 5 16c—->pe nce—-Dpe EE 0GE--=pe Th ce-->pe ft nce—->pe toc pe lf Get eee ts nee Et 06e E ->pe 2 ce EE ec PREMIÈRE PARTIE. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. La province de Liége (‘), qui se compose actuellement d’une Composant Sémar grande partie de l’ancienne principauté de Liége, du duché de # 2# Luxembourg, du comté de Dalhem, et de la principauté de Stavelot, de quelques portions du duché de Brabant, du comté de Namur, et de quelques villages du territoire connu ci-devant (:) La ville de Liége, chef-lieu de la province, est située , d’après les observations astronomiques faites sur les lieux, à 50° 39° 22” de latitude septentrionale , et à 3° 11’ 27/’ de longitude orientale, à compter de l'observatoire de Paris. 8 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE sous le nom de terres de rédemption ('), est formée par l’an- cien département de l’Ourthe (*), dont on a retranché six can- tons, savoir : St-Vith, Malmédy, Cronembourg, Schleyden, et Eupen, qui ont été cédés à la Prusse, et Vieilsalm, qui fait partie du grand-duché de Luxembourg. Elle est bornée au nord par la province de Limbourg, à l’est par le royaume de Prusse, à l’ouest par les provinces du Brabant méridional et de Namur, au sud par le grand-duché de Luxembourg. L’irrégularité des limites politiques de la province de Liége (*) empêche qu’on puisse rapporter sa forme à celle de quelque figure géométrique. Sa plus grande longueur de l’est à l’ouest est de 15 lieues, et sa plus grande largeur de 10. Resserrée dans ses limites actuelles, elle contient selon les opérations cadastrales, 282,593 bonniers P.-B., en 538,405 parcelles. D’après sa délimitation politique, ses limites naturelles se- raient au nord et à l’ouest, les grandes plaines de la Belgique et de la Campine, au sud les Fagnes (‘) et les forêts des Ardennes, (:) Les terres de rédemption consistaient en plusieurs villages qui, avant le partage que l’empereur d'Allemagne et les Hollandais en firent par le traité de Fontainebleau du 8 novembre 1785 , se prétendaient indépendans; tels étaient les villages, d’Ar- genteau, d'Hermalle, près de Visé, Fallais, Paifve, ete., etc. (2) Le département de l'Ourthe reçut son nom de la rivière d'Ourthe qui y prend sa source et se jette dans la Meuse à Liége. Il eut pour limites à l’est ceux de la Roër et de la Sarre , au nord celui de la Meuse inférieure , à l'Ouest ceux de Sambre et Meuse et de la Dyle, et au sud celui des Forêts. (3) Ces limites sont prises d’après quelques opérations du cadastre et la nouvelle carte de la province de Liége, par M. Firket, et non d’après celle de Hérisson, pu- bliée à Paris en 1828 , qui contient de très-grandes erreurs. (4) Vastes landes et plateaux plus ou moins marécageux de l’Ardenne. C’est dans la DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 9 à l’est et vers le sud-est, les montagnes qui se continuent avec les volcans éteints de l'Eiffel. Une grande rivière, la Meuse (*), partage la province en deux aire. parties très-inégales. Elle y entre un peu au-dessus du village AFP de Seilles, en coulant dans la direction du nord-ouest au sud-est, jusqu’auprès du village de Herstal, en dessous de Liége, où elle se dirige au nord. C’est à Naivagne près de Visé, qu’elle quitte la province pour entrer dans celle de Limbourg, après avoir fourni dans la première un cours de 70,000 mètres. Sa pente sur toute cette longueur est de 26,012. Le zéro de l'échelle, au pont des arches à Liége, se trouve à 54,73 au - dessus du Peil d'Amsterdam, lequel est au niveau de l'Océan. La largeur la plus constante de la Meuse, dans la province, est de 130 mètres; elle varie entre 80 et 260 mètres. L’étiage (point des plus basses eaux) d'été est de 0",54; celui d'hiver 1,651 moyennement, à compter du zéro de ’échelle; les inondations s'élèvent au maximum de 5,70 à partie sud-est de cette contrée que sont situés les plateaux les plus élevés ; on les dé- signe sous le nom de Æautes-Fagnes. La rivière de Kyll qui tombe dans la Moselle, celles d’Amblève, de Hoegne, de Vesdre et de Roër qui tombent dans la Meuse, y prennent leurs sources. M. Dethier a fait remarquer, qu’à l'exception de la Roër , toutes les autres rivières qui en descendent suivent une direction opposée à celle de la rivière principale où elles vont se rendre. (:) La Meuse prend sa source en France dans le département de la Haute-Marne, près du village de Meuse , entre celles de la Marne et de la Moselle, à 456 mètres au- dessus de l'Océan; elle se réunit au Vahal en Hollande, et se jette dans la mer du Nord, entre la Brielle et s'Gravesande, après 165 lieues de cours (grandes lieues de 3000 toises). Tom. IX. 2 L'Ourthe. L'Amblève. La Fesdre. 10 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE \ 6 mètres, à compter du même point. La vitesse de la Meuse dans les eaux moyennes est de 69 mètres par minute. Une autre rivière navigable, plus petite, l'Ourthe (:), vient verser ses eaux dans la Meuse à Liége, après avoir reçu aussi dans la province deux rivières assez importantes, lAmblève (°) et la Vesdre (*), et a depuis son entrée dans la province, au- (:) L’Ourthe a deux sources éloignées l’une de l’autre de 45 à 46 milles; la première se trouve entre les villages d’Ourthe et de Deifeld , qui font partie du grand-duché de Luxembourg, passe à Houffalize, et reçoit, à 9 milles plus bas, l’autre branche, qui prend naissance près de Remagne, au sud-est de St.-Hubert. (2) L’Amblève a sa source au village d’Heppenbach en Prusse; elle recoit, avant de se jeter dans l’Ourthe à Douxflamme, trois autres petites rivières , la Warche, le Glain et la Lienne, Depuis son embouchure dans lOurthe jusqu’à Remouchamps, terme actuel de la navigation, l’'Amblève a 32,14 de pente; de là à Stavelot, partie non navigable, mais qui pourra le devenir , il y a 191",98 de pente. La partie navigable a 11,480 mètres de longueur développée ; celle non navigable en a 39,850. Sa largeur prise à la ligne d’eau, varie de 25 à 40 mètres. La moindre hauteur de la tranche d’eau, dans les sécheresses est de 0,15 à 0,20. Le terme des inondations est de 0%,30 à 0,50 sur la surface de la vallée, suivant les différentes situations et la largeur de la rivière. L'Amblève nourrit de grosses moules à écailles nacrées et à perles. (3) La Vesdre ou Vèse prend sa source à 14 milles des Pays-Bas E.-N.-E. d'Eupen, en Prusse ; elle se jette dans l’Ourthe à Chênée, après avoir recu quelques petites ri- vières , telles que la Soor, la Hell, la Gileppe et la Hoëégne (*). Il y a 20 à 25 ans, elle était navigable jusqu'à Nessonveaux ; mais actuellement elle ne l’est plus guère que jusque près de Chaufontaine. La pente de la Vesdre depuis Nessonveaux jusqu’à son embouchure , sur 15,000 me- (*) La Hoegne, ou rivière de Poleur, prend sa source dans les Hautes-l'agnes, au milieu des tour- bières, entre la croix de Borderange et la croix Mockel , à 8 milles au nord de Malmédy, d'où elle descend dans la trouée d’une vallée transversale aussi étroite qu'escarpée, et la parcourt sur l’éten- due d'une lieue du sud-est au nord-ouest, en tombant de cascade en cascade, d’une longue suite de bancs de rochers quartzeux perpendiculaires et parfaitement à nu, qu’elle coupe presque tous à angles droits ; son lit est parsemé de cailloux roulés d’une énorme grosseur, et la pente qui, dans cette partie, est trés-rapide, peut être de 7 à 800 pieds; elle se jette dans la Vesdre à Pepinster. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 11 dessous de Bomal, un cours très-sinueux ('), mais dont la di- rection générale est du sud au nord. La pente de l’Ourthe, depuis Barvaux jusqu’à son confluent dans la Meuse, suivant la branche navigable, est de 752,553; depuis le point où elle pénètre dans la province, jusqu'au même confluent, sur 48,356 mètres de longueur developpée, elle est de 64,026. Sa pente depuis Barvaux, jusqu’à son embouchure, vis-à-vis la fonderie royale de canons, où doit commencer le canal pro- jeté de Liége à Maestricht, est de 76,612 sur 57,534 mé- très de développement. Sa largeur prise à la ligne d’eau, dans la province, varie entre 20 et 60 mètres. La moindre hauteur de la tranche d’eau dans les sécheresses, peut être de 0,25 à 0,30; le terme des inondations est de 0,30 à On,80, sur la surface de la vallée suivant les différentes situations et la largeur de la rivière. La vitesse de l’Ourthe dans les eaux moyennes est de 100 mè- tres par minute. Indépendamment des rivières qui viennent d’être citées, la Meuse en recoit encore quelques autres dans l’étendue de son tres environ de longueur développée , est de 43",065 ; sa largeur prise à la ligne d’eau , dans la partie navigable, varie entre 15 et 20 mètres. La moindre hauteur de la tranche d’eau dans les sécheresses est de 0,10 à 0,15. Le terme des inondations est de 0%,30 à 1",20 sur la surface de la vallée, suivant les localités et la largeur de la rivière. (‘) Elle fait souvent 2 à 5 milles en replis tortueux pour revenir brusquement à un demi ou un mille d'elle-même , par exemple à Xhignes, Esneux et Avister. 12 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Le Hoyoux la Mel COUTS compris dans les limites de la province ; ce sont: le Zoyoux (), “us © la Mehagne (*) et la Bervinne (*). Quelques autres rivières, telles que la Petite-Geete, le Geer, la Geule, etc., sillonnent aussi le sol de la province, mais elles n’ont leurs confluens que dans d’autres provinces. Division des contrées. Si l’on cherche des grandes divisions naturelles dans la surface de la province de Liége, l’on s'aperçoit bientôt qu’elle peut être partagée en trois grandes parties ou régions, dont les deux plus élevées sont séparées de la troisième, qui est en général plus basse, par la Meuse. Ces régions, qui sont caractérisées par des formations particu- lières, un aspect et des productions différentes, sont connues par les habitans, sous les noms de Hesbaie, de Condros et d’ Ardenne. La Hesbaie. La Hesbaie, qui est située à la rive gauche de la Meuse, est la plus basse et la plus unie de ces trois régions ; elle comprend Démarcation. une bonne partie de ces vastes plaines, qui caractérisent la Flandre, et est ainsi placée entre la Meuse et les provinces de Limbourg, de Namur et du Brabant méridional. Constitution physique Tout son sol, à l’exception d’une lisière assez montagneuse, et minérale. (:) Le Hoyoux a sa source au hameau de Hoyoux , dans la province de Namur , d’où il coule , par une vallée très-escarpée , dans la direction du sud au N.-N.-0., et se jette dans la Meuse à Huy. (2) La Mehagne est la seule rivière qui , dans la province, se décharge sur la rive gauche de la Meuse. Elle a sa source dans la province de Namur , entre S'-Germain et Uppigny , et se jette dans la Meuse à Stadt, faubourg de Huy. (5) Cette petite rivière a sa source dans la commune de Clermont (Liége), et va se réunir à la Meuse à Naivagne , au-dessous de Visé, après avoir reçu les eaux d’un grand nombre de ruisseaux. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 13 qui s’étend le long de la Meuse, et qui a la plus grande ana- logie avec la seconde région (‘), appartient aux formations en couches horizontales, et ne présente que de petites ondula- tions. Sa plus grande élévation dans la province ne va pas au delà de 179», 500, d’après les observations de feu M. Tho- massin. Malgré le voisinage de ces terrains plus anciens à couches inclinées, les assises horizontales qui composent presque tout le sol de cette région, n’en sont aucunement altérées ; la transi- tion est brusque, et la direction n’est pas même changée; toutes circonstances qui prouvent que leur formation a été tout-à-fait différente et postérieure. On y distingue le terrain de transport, le grès blanc, les ar- giles, les sables et la craie avec ses silex, etc. Les terrains plus anciens en couches inclinées, qui constituent la lisière dont je viens de parler, sont en général recouverts immédiatement par la craie, les sables ou les argiles. Ils produisent une immense quantité de houille, des minerais de fer, de zinc et de plomb, du schiste alumineux, des pierres à chaux et à bâtir. Cette région est la plus fertile de la province, et peut être considérée comme son grenier; elle produit surtout du froment et autres céréales, des plantes oléagineuses et de fourrage ; elle est très-pauvre en bois. RS (:) On y observe aussi quelques lambeaux du terrain ardoisier , tels que des schistes, des diorites , etc. , que l’on peut considérer , avec M. D'Omalius d'Halloy , comme des sommités d’un ancien monde recouvert par des dépôts plus nouveaux. 14 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE TiGnra. Le Condros ('), situé sur la rive droite de la Meuse, est dé- signé par M. Dethier (*), sous le nom de bande schisteuse, Démarcation. calcaire et houilleuse. Il s’étend du sud-ouest au nord-est, depuis l'Entre-Sambre-et-Meuse, jusqu’à la Roër, sur plus de 40 lieues de longueur, et sur près de 6 à 7 de largeur, entre Ardenne Constitution physique AU sud-est, et la Meuse et la Hesbaie au nord-ouest. Cette ré- lg gion, ordinairement variée par une foule de collines et sillonnée par une multitude de petites rivières qui coulent dans de jolies vallées plus ou moins profondes , irrégulières ou tortueuses, dirigées en tout sens, bordées de coteaux en pentes douces ou bien de rochers escarpés, est formée par des terrains à couches inclinées dont la direction générale est du nord-est au sud-ouest, Dans quelques endroits ces terrains sont recouverts par des lambeaux du terrain crayeux, et surtout entre la rive droite de la Meuse et la Vesdre. L’élévation de cette région est intermédiaire entre celle de l’Ardenne, qui règne à l’est, et celle de la Hesbaie, qui s’étend à l’ouest. En général, tous les plateaux du Condros ont une élévation moyenne d'environ 350 mètres au-dessus du niveau de la mer. (:) Les habitans du Condros n’ont cessé, dès avant l'invasion des Romains, sous César, de porter le nom de Condrosi. Les paysans désignent souvent le Condros sous le nom de Pays-Blanc (Blanc-Paï), parce qu’il fournit de la pierre à chaux, des mines de fer, du seigle, de l’épeautre et du froment, et pour le distinguer de l’Ardenne qu'ils nomment Pays-Noir (Newr-Paï), parce qu'il ne contient pas de pierre calcaire et qu'on n’y cultive ordinairement que du seigle noir et de la petite avoine. (>) Dethier, Guide des Curieux, etc. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 15 Le Condros offre une disposition remarquable dans ses val- lées; elles y présentent deux modifications très-distinetes; les unes qui, d’après les observations du célèbre De Saussure, sur les Alpes, peuvent étre appelées vallées longitudinales ('), sont droites, larges, à pentes douces et presque toujours parallèles à la direction générale des roches. Les autres, qui coupent ordi- nairement les premières transversalement, sont beaucoup plus profondes, irrégulières, dirigées en tous sens, et sont de véri- tables ravins servant en général d'écoulement aux rivières; on peut aussi, d’après de Saussure, les désigner sous le nom de val- lées transversales (°). M. D'Omalius D’Halloy a fait justement observer que les pre- mières de ces vallées sont en rapport avec la constitution géo- gnostique du pays, en ce sens que les collines longitudinales qui les séparent sont presque généralement composées de schistes et de psammites, tandis que le calcaire domine dans les val- lées. La formation de ces deux espèces de vallées est assez difficile à déterminer, car si quelques-unes d’entre elles paraissent avoir été creusées, de même que quelques grottes calcaires par l’ac- tion érosive des eaux, qui s’est répétée à diverses époques, ilen est un grand nombre dont l’origine ne peut guère s'expliquer qu'en supposant des écartemens de couches, et des crevasses (x) D’après les remarques de M. D'Omalius d’Halloy. (2) Elles ont déjà été désignées depuis plusieurs années sous ce nom par M. D'Oma- lius d'Halloy. Eaux thermales. 16 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE formées par soulèvement et affaissement, dont les eaux auront profité pour s’écouler et les agrandir. -_ On distingue dans le Condros : le terrain houiller qui y forme plusieurs systèmes de couches ou bassins, l’ampélite alumineux, le calcaire anthraxifère, le schiste argileux, le psammite et le poudingue. Leurs bancs présentent presque tous les angles pos- sibles d’inclinaison, depuis le plan horizontal jusqu’à la position verticale; ils sont en outre, tantôt ondés et tantôt repliés ou contournés en zigzags, et ont le plus souvent la crête au nord- ouest et le pied au sud-est. Cette région remarquable par les nombreuses grottes qui s’y rencontrent et les abimes où les eaux s’enterrent, renferme beaucoup de richesses minérales, telles que minerais de fer, de zinc et de plomb, houille de plusieurs qualités, grès à paver, marbres très-estimés, pierres à chaux et à bâtir d'excellente qualité, terres à foulon, terres à pipes, etc. On y rencontre aussi quelques eaux minérales et thermales ; ces dernières sont situées à Chaufontaine et à Juslenville, près de Theux. Les eaux thermales de Chaufontaine, déjà connues en 1250, très - fréquentées aujourd’hui, et dont la source est à peu de distance de l’hôtel des bains, paraissent jaillir d’un système de roches composé de calcaire anthraxifère, de schiste argileux et de psammite. L’eau de cette source est limpide et inodore; elle n’a pas de saveur particulière, et n’est pas seulement plus pe- sante que l’eau commune; sa température est constamment de 32,50 degrés centésimaux. Ces eaux ont été analysées en diffé- rentes saisons et à plusieurs reprises par feu M. Lafontaine, DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 17 pharmacien, à Liége, et elles lui ont toujours donné les mêmes résultats avec des proportions très-approximatives. [Il résulte de ces expériences (‘) que 100 livres de cette eau, soumises à l’éva- poration, contiennent : GRAINS. Hydrochlorate de magnésie. . . . : . . 15 » de chaux. ‘ , . . . . . 15 » dersoudes CU 0 2108 Suifate de chaux)”. UP HN METIER .MANT 1E GCarbonatedeychaux 26... A O0 deu 0,91 Anmin etes ele vi A rt ie oui NÉ SCO a ee ce de tlO SLOTDALS Le el 0: 240 Les eaux de Juslenville jaillissent sur plusieurs points du cal- caire anthraxifére. Elles sont très-abondantes, conservent une température constante de 14 à 17 degrés et dégagent du gaz acide carbonique. M. le professeur Delvaux les a soumises en 1827 à l’analyse, et il a trouvé qu’elles contenaient par litre : GRAMMES OU ESTERLINGS, Carbonate de chaux. . . : . . . . (0,1436 » de magnésie .u 0... 0. … 0,0350 Sulfate de soude . . . . . . . . . 0,0357 Chlorure de sodium. . . . . . . . (0,0194 Silice avec traces d’alumine . . . . . 0,0272 Traces de matière organique . Motard 04. (0:2609 {:) Annales générales des sciences physiques , tom. V, pag. 364 et suivantes Tom. IX. x * 18 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE 100 Litres ne contiennent donc que 26 -?- grammes de ma- tières fixes ; quantité bien faible et beaucoup moindre que celle contenue dans les eaux de Chaufontaine. Quoique le sol du Condros soit en général de médiocre cul- ture, l’agriculture y est très-soignée; il produit principalement du bois, de lavoine, de l’épeautre, du froment, des four- rages , etc. D éranxe, L’Ardenne, située au sud-est de la région précédente, fait Pont ef cn partie de ce pays qui, indépendamment de toutes limites poli- nérales tiques anciennes et modernes, a toujours été connu sous le nom d'Ardenne ou des Ardennes. La forme (‘) du massif général de l’Ardenne, étendu jusqu’à ses limites géologiques naturelles depuis les monts de la Thie- rache (*) jusqu’au delà de ceux des Hautes-Fagnes et aux rives de la Roër, est à peu près celle d’une demi-lune, ou d’un corps placé dans sa longueur du sud-ouest au nord-est, dans la lar- geur du sud-est au nord-ouest, arrondi en courbe vers le sud- ouest ou la Moselle, et échancré vers le nord - ouest ou la Meuse, ete. Cependant les limites vers le nord-ouest sont beau- coup mieux déterminées et avec plus de détails que celles vers le sud-est. La forme de la concavité au nord-ouest, considérée en détail, (:) Cette forme est celle qui a été déterminée par M. Dethier, et admise par un grand nombre de savans. (2) Contrée la plus montueuse de la Picardie, sur la gauche de la Meuse, où elle aboutit au sud-ouest de l’Ardenne. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 19 ne présente rien moins qu'une courbe régulière géométrique. Ce n’est qu’une réunion bout à bout, de diverses lignes brisées plus ou moins longues, plus ou moins inclinées lune à lautre, tantôt plus, tantôt moins, vers l’est, vers l’est-nord-est, vers le nord-nord-est : inclinaisons qui forment parfois comme des tour- nans, des coudes, etc., mais qui de suite reviennent et se rap- prochent de la règle générale. La portion de l’Ardenne comprise dans la province de Liége, se rapproche de la forme d’un carré oblong, à angles saillans. Sa limite nord-ouest passe entre Theux et Spa, Spa et Poleur, et se dirige vers Eupen au nord-est, et au sud-ouest, coupe le cours de l’Amblève, près du hameau de Quareux, et se termine dans les environs de Grimonster. Cette contrée montueuse, la plus élevée de la Belgique, présente dans plusieurs parties de son étendue, des suites con- sidérables de plateaux, qui n’offrent que de légères ondu- lations; mais ordinairement dans les parties sillonnées par quelques rivières, telles que : lOurthe, le Glain, la Warge, PAmblève, la Lienne, la Hoegne, la Hell, la Soor, la Gileppe, etc., elle est déchirée par une infinité de vallées et de gorges très profondes, et souvent très-resserrées, qui présentent des escar- pemens assez droits de plus de 200 mètres de hauteur. Les sommités de l’Ardenne ont, d’après M. Steminger, une hauteur moyenne de 550 mètres au-dessus du niveau de la mer (‘);il y (:) Essai d'une description géognostique du grand-duché de Luxembourg, 1828 , pag. 17. 20 SUR LA CONSTITUTION CÉOGNOSTIQUE en à qui atteignent des hauteurs de 622, 635 (‘) et même 945 mètres (*), au-dessus du même niveau. L’Ardenne, désignée par M. Dethier (°) sous le nom de bande quartzo-schisteuse et talqueuse, est composée en général de cou- ches alternatives de phyllade intermédiaire (schiste-ardoise et schiste de transition), de poudingues et de quartzites (grauwacke, psammite et grès), passant au quartz compacte et grenu, plus ou moins inclinées, très-souvent verticales et communément diri- gées du nord au sud-ouest; on y voit beaucoup plus rarement ces indices de torsion violente et de rejet , si fréquens dans les couches du Condros, aussi n’y connaît-on aucune grotte; mais de même que dans cette dernière région, l’inclinaison des cou- ches est plus souvent au sud-est qu’au nord-ouest. Le sol de cette région généralement aride et froid, est formé d'argile glaiseuse et de rochers schisteux et quartzeux ; l’humi- dité qui en résulte et absence presque totale du calcaire (‘) en rendent la culture très-difficile; aussi la plus grande partie de cette contrée, ne consiste qu’en landes unies et désertes, et en (*) Deux observations faites par feu M. Thomassin : la première au sommet des Fa- gnes , à l'embranchement des routes de Malmédy et de Stavelot ; la deuxième à Hoquai. (2) Hauteur prise à la Baraque-Michel, aux frontières de la Prusse, sur le chemin qui conduit de Sourbroodt à Jalhay et à Néau, et consignée par M. le professeur Bronn , dans son Mémoire sur l’utilisation des terrains incultes de l Ardenne , imprimé à Liége en 1829. (3) Guide des curieux, pag. 17. (i) Quoique le calcaire soit si rare en Ardenne et dans le terrain ardoisier, que son absence est un caractère distinctif de cette contrée et de ce terrain , il ne lui est cependant pas tout-à-fait étranger; car l’on en cite à Alle, province de Namur, et à Moncy-Notre-Dame, dans les environs de Charleville. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 21 tourbières marécageuses, qui souvent ne sont praticables que dans les trois mois les plus secs de l’année, et qui sont connues sous le nom de fagnes. On y trouve cependant quelques forêts immenses , et aux environs des villages, quelques pièces de terrain défrichées et mises en culture à force de peine et d'engrais, après les avoir écobuces ("). Ce n’est en général que dans les vallées que l’on trouve des prairies et des terres régulièrement cultivées. Elle ne produit or- dinairement que du bois, du seigle noir (*), de la petite avoine (°) et des pommes de terre; mais en revanche, ses richesses miné- rales sont assez nombreuses, et n’attendent que des communica- tions plus faciles, pour pouvoir s’écouler. Ce sont des ardoises, des pierres à rasoir et à faux, des minerais de fer, de manganèse, de plomb, d’antimoine et de cuivre, des tourbes, etc. (‘), (:) Cette opération, connue sous le nom de sart ou d’essart , consiste à arracher les gazons d’un terrain en friche et à les brüler. Elle rend le sol propre à donner deux ou trois récoltes , l’une en seigle de très-bonne qualité , l'autre en avoine , et la troisième en pommes de terre. Après ces récoltes, on doit laisser de nouveau ces terrains en friche pendant 6 , 12 et même 20 ans. (2) Ce seigle, qui est appelé régon, est particulier à l’Ardenne ; c’est une variété du seigle ordinaire. (#) C’est une variété de l’avoine courte ; elle donne un gruau excellent , et elle rap- porte beaucoup plus que l’avoine ordinaire. (4) La différence si bien marquée des végétaux et des minéraux de l’Ardenne d'avec ceux des deux autres régions , existe aussi pour les animaux ; les vaches, les moutons et surtout les chevaux (*) y sont beaucoup plus petits que dans les autres pays. (*) Cette race précieuse de petits chevaux paraît indigène aux Ardennes. Elle était aussi estimée dans les temps anciens qu'à l'époque actuelle ; car lors de l'invasion des Romains dans la Gaule, cette espèce de petits chevaux faisait passer la cavalerie des Tréviriens pour la meilleure de toute la Gaule. Produits. Aspect général du pays, etsystème de couches. 22 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Si après avoir donné par ce léger aperçu une idée de la constitution de ces trois régions, l’on examine ensuite l’ensemble de notre province, on la trouve en général montueuse, et l’on voit que ces irrégularités, dues ordinairement à la présence de roches du terrain de transition, placées à la suite les unes des au- tres, forment des bandes qui, malgré leurs#nombreux déchire- mens, divisent le pays en différens systèmes de couches à peu près parallèles plus ou moins épaisses, ayant une direction pres- que constante du sud-ouest au nord-est (‘), et une inclinaison plus ou moins forte au sud-est, mais aussi quelquefois au nord- ouest. Les roches qui forment ces différentes bandes ne constituent pas des couches nettement tranchées, elles se confondent plus ou moins les unes avec les autres, mais en se groupant ordinai- rement en deux systèmes principaux (*), l’un composé de schiste ardoisier ou pailleté et de quartzite, et l’autre de calcaire, de schiste argileux et de psammite (*), que l’on a peine à considérer comme le résultat de formations successives, et dont les périodes de succession sont bien difficiles à établir, puisque quelques (:) Cette même direction qui s’observe dans tant de chaines de l’ancien et du nou- veau monde, est un des faits les plus remarquables sur lesquels l'attention des géolo- gues puisse se porter. Des observations bien combinées et généralisées sur ce fait pourraient peut-être amener à des conclusions directes sur la formation des montagnes , et à déméler la loi des variations dans la position des couches. (2) Je dis ici principaux, car ces deux systèmes se soudivisent en plusieurs autres dont nous aurons à nous occuper dans la seconde partie. (3) Ce système est désigné sous le nom de terrain anthraxifère par M. D'Omalius d'Halloy , et l’autre sous celui de terrain ardoisier. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 23 géologues, entre autres M. De Raumer (‘), soutiennent que lin- 2: ! clinaison générale des couches étant vers le midi, il faut admettre que les couches septentrionales sont inférieures aux couches qui leur succèdent vers le midi, tandis que d’autres persistent à ran- ger le terrain ardoisier parmi les terrains primitifs et de transition. Comme les moyens que nous possédons pour juger de l’âge relatif des terrains, se réduisent en dernière analyse aux superpo- sitions des couches, et qu'il est bien reconnu que les bancs de la formation ardoisière de la Belgique, etc., aussi bien que ceux des formations calcaires, de schiste argileux, de psammites et houilleuses, mclinent ordinairement vers le sud-est, mais aussi assez souvent vers le nord-ouest et forment un système de cou- ches, plissé en beaucoup d’endroits en zigzags, ou disposé en bassins plus ou moins évasés et irréguliers, dont les sommités ont été plus ou moins détruites, et dont la formation ne peut guère s’expliquer que par une force extraordinaire, qui aura soulevé les couches primitivement horizontales et non encore durcies (‘), Je serais assez tenté de croire que ces terrains, qui paraissent constituer quelquefois des formations distinctes, appartiennent plutôt à une même période, pendant laquelle certain assemblage de roches se développait plus particulièrement dans une localité que dans une autre, de même que nous voyons assez souvent (:) Essais géagnostiques de M. d'Engelhardt et C. De Raumer; Berlin , 1815, p. 49. (°) Je dis non durcies, parce que, outre la régularité de leurs plis, ces couches ne présentent aucun déchirement aux endroits où elles sont si fortement courbées ; chose qui serait nécessairement arrivée, si elles eussent été d’une dureté analogue à celle qu'elles ont actuellement. âge relatif des terrains Trilobites dans le cal- caire anthrazxifère. 4 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE un terrain évidemment de même période géognostique, varier dans sa composition selon les contrées où on l’observe. D'ailleurs, ne voyons-nous pas combien il est souvent difficile de distinguer les schistes, et les quartzites du terrain ardoisier, d’avec les schistes argileux et les psammites qui accompagnent nos formations cal- caire et houilleuse. Cette difficulté de caractériser ces différentes roches explique pourquoi quelques auteurs allemands, qui ont écrit sur le pays situé entre l’Escaut et le Rhin, ont réuni toutes ces roches sous les dénominations générales de grauwwacke et de thonschiefer de transition. Cette opinion sur l’âge relatif de nos terrains, que M. D'Oma- lius D’Halloy laisse aussi entrevoir à la page 161 de son Mémoire sur les pays situés entre l’Escaut et le Rhin, où l’on trouve des terrains primordiaux , est appuyée par la présence, dans le terrain ardoisier, de corps organisés fossiles, qui ressemblent à ceux que l’on trouve quelquefois dans le calcaire anthraxifère, dans l’ampélite alumineux et dans les schistes houillers, et dont je puis citer les exemples suivans : 1° je possède et j'ai trouvé à Ferrière, dans la formation calcaire la plus méridionale de la pro- vince, c’est-à-dire la plus voisine du terrain ardoisier de PAr- denne, quelques #rilobites du genre calyméne et que je crois pouvoir rapporter à l'espèce macrophtalme et à la variété con- tractée (voyez pl. v, fig. 1, 2 et 7). Ces trilobites sont en tout, analogues à ceux que lon trouve dans le terrain schisteux de Hosingen ou Hausin, dans le grand-duché de Luxembourg. Tous les exemples que l’on a, sur le gisement des trilobites, tant en France qu’en Angleterre, en Suède et dans l'Amérique septen- DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 25 trionale, se rapportent aux terrains de transition schistoïde et calcaire, regardés assez généralement comme les plus anciens ; 20 M. Dethier a trouvé sur plusieurs plateaux de la formation ardoisière, par exemple sur celui de St-Remacle, entre Theux et Remouchamps, sur les fagnes, près de Spa, aux environs du hameau de Quareux, sur l'Ambléve, etc., des espèces de gäteaux schisteux orbiculaires et aplatis, qui présentaient des pétrifica- tions particulières, que je crois appartenir à la grande famille des polypiers (pl. vi, fig. 3). Ce sont des cônes plus ou moins anguleux, striés transversalement, qui sont implantés par le sommet sur un noyau central, et qui s’enchässent presque tou- jours les uns dans les autres, de sorte que ces espèces de gâteaux présentent à l'extérieur tantôt plusieurs entonnoirs ou cornets, tantôt une surface comme écailleuse, couverte de mamelons aplatis plus ou moins gros, composés assez souvent de plusieurs cercles très-distincts. Ces pétrifications remarquabies, que plu- sieurs géologues ont cru particulières au terrain ardoisier de l'Ardenne, ont été retrouvées par moi (pl. vi, fig. 1 et 2), à Chockier et à Amay, dans l’ampélite alumineux et le calcaire anthraxifère, qui enveloppent en plusieurs endroits la grande formation houilleuse de la province de Liége (°); (:) Le fossile qui fait le sujet de cette description est connu dans la collection de l’université de Bonn sous le nom de duttenstein. On pense que ce n’est pas une pétrification, mais une structure particulière de la roche schisteuse, L'examen de la pl. VI, fig. 1 et 2? de ce Mémoire démontre le peu de valeur de cette opinion. Gette singulière pétrification a été décrite par l’auteur d’un Mémoire sur la géologie de la province de Liége, envoyé à l’Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, Tom. IX. 4 Polypiers fossiles ? Empreintes végétales. 26 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE 3° En 1823, M. Wolff, de Spa, a découvert dans le terrain ardoisier qui constitue la montagne de Spaloumont, au nord de Spa, des empreintes végétales, qui ont beaucoup d’analogie avec celles des houillères et avec celles que j'ai trouvées en 1829, dans le schiste argileux de la carrière à poudingue de la rive droite de la Gileppe, près du village de Goë, dans les psammites de Hubine et dans les schistes des environs de Heusy, près de Verviers ; 4° M. Maquinay, élève de l’école des mines, à Liége, a aussi trouvé de belles empreintes végétales dans le psammite schisteux, qui se rencontre aux carrières à paver de Monfort, près d’Esneux. L'opinion précédente paraît encore plus probable, lorsque lon considère que l’Ardenne est située entre deux bandes de terrains de schistes et de calcaires, c’est-à-dire le Condros vers la Meuse, et l’Eiffel vers la Moselle, et que ces trois grandes bandes con- stituent un ensemble dont les couches ont la même direction et les mêmes inclinaisons, et qui parait se diriger parallèlement à la masse des Vosges, du Jura et des Alpes. pour le concours de 1830 , sous le nom de Dethierea striata , en l'honneur de M. L.-F. Dethier, De Theux , le Nestor des géologues belges, nom que je propose aussi de ré- ; &C0108; 8es que Je prop server à cette pétrification remarquable. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 27 Dre 2h 6200 Lt 06-590 ff 66E—>9e Th 06 DDe fr ne >De + 0690 fÈE 06220 ft 6 De 1; BD 1Ùr CE —>De À DCS If GE De Et 06 9e SECONDE PARTIE. DESCRIPTION DES TERRAINS. TERRAIN DE TRANSPORT OU D’ALLUVION (:). Syn. Terrains d'attérissement de quelques géologues. Aufgeschvemte gebirge des Allemands. Alluvial land des Anglais. A. TERRAIN DE TRANSPORT MODERNE. Syn. Aluvium, Buckland et Sedgwich. Neuere alluvial-bildungen , Boué. Terrains alluviens (*), Alex. Brongniart. Dans la province de Liége, on voit le long de toutes les rivières Gucrres généraux. et de tous les ruisseaux, des sables, des limons proprement dits, (:) I fait partie des terrains mastozootiques de M. D'Omalius d'Halloy (Mémoires géo- logiques déjà cités). (2) Cet auteur, dans son tableau des terrains qui composent l'écorce du globe, di- vise les terrains alluviens en trois groupes : phytogène, limoneux et caillouteux. Cailloux 28 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE et des débris roulés provenant des roches, que leurs eaux ron- gent continuellement, ou des blocs qui appartiennent aux an- ciennes alluvions dans lesquelles elles ont creusé leur lit. À cet égard il ne faut pas confondre ces sables avec les fragmens qui tombent des côtés des vallées; car quelquefois ces fragmens, après avoir été arrondis par les eaux, ont l'air d’être des débris d’alluvions beaucoup plus anciennes. Les fragmens détachés des roches sont ordinairement plus gros, plus angulaires, et moins mélangés de gravier et de sable à mesure qu'on approche de la source des eaux courantes, et à l'embouchure des rivières, ils ne forment plus que des graviers plus ou moins fins, mêlés de quelques blocs, qui produisent souvent des bas-fonds ou des bancs, qui tendent à accroître les rives, lorsque le mouvement des eaux favorise une pareille opé- ration. Considérés sous le rapport de leur nature, ces débris peuvent se diviser en cailloux roulés, en galets, en graviers, en roches conglomérées, en terres sableuses et argilleuses, ou limons. Les cailloux qui composent non-seulement le lit des rivières et des ruisseaux, mais encore assez souvent le sol des vallées, sont principalement composés de roches quartzeuses, mélangées ordinairement avec des graviers, composés de fragmens de phyl- lades, de quarzites, de psammites, de poudingues, etc., analo- gues aux roches de l’Ardenne et du Condros ("). Il est à remarquer (:) Dans la vallée de l'Ourthe, aux environs de Liége, on trouve des galets de dial- lage d'Ottré en Ardenne, ou ottrélite. On rencontre aussi, principalement dans l'Am- blève , la Vesdre et l'Ourthe, des cailloux roulés de lave noirâtre et poreuse. Ces dé- bris de lave avaient porté quelques personnes à croire que , sur les bords de l’une ou DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 29 qu’on ne voit pas souvent dans ces débris de cailloux de calcaire anthraxifère ; et cependant, la majeure partie de nos grandes rivières, coulent dans les vallées, où les roches de ce calcaire abondent. Cela tient sans doute à la moindre cohésion de cette roche et à la propriété qu’elle a de se dissoudre à la longue dans les eaux contenant plus ou moins d’acide carbonique, etc. Les graviers ne différent des cailloux, que parce que les grains qui les composent sont moins gros. La présence des roches conglomérées dans le terrain de trans- port moderne est assez rare; on n’en rencontre que de petites portions dans certaines localités et principalement à Seramg, à Wandre, à Goffontaine, à Fraipont et à Chaufontaine, dans des galeries d'écoulement et dans la Vesdre. Ces roches conglomé- rées consistent en cailloux et en graviers, réunis par un ciment ferrugineux (‘) ou calcaire, et contenant quelquefois des clous de fer, et d’autres objets métalliques de l’industrie humaine. Le limon est une terre argileuse et sableuse qui est rarement assez pure, pour être considérée comme véritable argile ou comme l’autre de ces rivières , il existait des formations volcaniques; mais il est prouvé ac- tuellement que ces galets de lave proviennent des débris des laves meulières qui ser- vent à moudre les écorces pour les importantes tanneries de Malmédy et de Stavelot, et que l’on tire principalement des carrières des environs de Roqueskyll dans l’Eiffel : contrée où il existe des volcans éteints, qui ont été découverts par M. Dethier de Theux , et décrits par lui dans une brochure qui a été publiée en 1803, à Paris, sous le titre de Coup d’œil sur les anciens volcans éteints des environs de la Kyll supérieure. (:) Les roches conglomérées se rencontrent de préférence dans les eaux près des lieax habités. Leur formation s’explique facilement dans la note qui fait suite aux dépôts ferrugineux des eaux minérales. Graviers. Roches conglomérées Limons Action de l'air et de l'eau sur lesrochers. 30 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE sable ; il contient assez souvent du terreau, et constitue alors une terre végétale d'excellente qualité. Le limon se trouve principalement dans les plaines et dans les vallées basses ; il y forme souvent des couches alternatives avec des graviers très-fins. Sur les pentes de nos montagnes et à leur pied, on trouve une grande quantité de débris, qui proviennent de la décomposition des roches qui les constituent. L'opération de la décomposition des roches, toute lente qu’elle est, occasionne à la longue de grands changemens. Les agens qui produisent cet effet sont : l'air, l’eau et les changemens de température dans l'atmosphère. L'air parait agir en décomposant diversement les minéraux constituant les roches, et en produisant en général des combi- naisons, qui, quelquefois deviennent solubles, et sont facilement emportées par les eaux; il sert en outre de véhicule à l'humidité, qui pénètre ainsi plus facilement dans les fentes et cellules des roches. L'eau cherche continuellement à s’insinuer dans les roches, elle se combine ensuite dans son passage avec différentes sub- stances, elle ramollit aussi les roches pour enlever ensuite les parties les plus tendres, et produit quelquefois même une espèce de désagrégation sur place; effet qui peut facilement se vérifier sur les marnes, sur quelques grès houillers, sur des calcaires magnésiens et sur des schistes argileux de notre province. D'un autre côté, le passage du chaud au froid congèle l’eau qui peut exister dans les fentes des roches, et en détache aussi des morceaux, ou bien fendille simplement les masses et les livre DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 9 ainsi plus facilement aux deux corps destructeurs précédens. En traitant de chaque terrain, je ferai voir suffisamment que les ro- ches qui le composent, ne se détruisent pas de la même manière, ni avec la même facilité. La manière dont s’est formé le terrain de transport moderne, qui existe dans les vallées, etc., suffit pour faire sentir que les cailloux roulés, les roches conglomérées, les graviers, les sables et les terres qui le composent, n’observent aucun ordre de su- perposition. Les dépôts formés par les débris amenés par les eaux, ou déposés au pied des montagnes, ont des épaisseurs très - varia- bles. Dans la vallée de la Meuse, près de Tilleur, des recher- ches pour le percement d’une bure à houille, ont fait reconnaître une couche de gravier plus ou moins gros de 9 à 10 mètres d'épaisseur. Comme le terrain de transport moderne se forme, ou plutôt se dépose encore tous les jours, il doit nécessairement avoir re- couvert différens végétaux et animaux vivant actuellement sur la terre, des débris de espèce humaine et des restes de son in- dustrie. Dans les portions les plus inférieures du terrain de transport moderne, ou plutôt dans ces portions du terrain que l’on ne sait si l’on doit rapporter aux alluvions anciennes ou modernes, on trouve les restes (') de plusieurs genres d’animaux, dont les espè- US ZE Ut LE ne st soul, chiens (:) Ces restes n’auraient-ils pas appartenu réellement à ce terrain de transport an- cien, et été amenés par quelques grandes débâcles des rivières et ruisseaux dans les lieux où on les rencontre ? Épaisseur du terrain de transport moder- ne. Monumens industriels etcorpsorganisés 32 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE ces sont perdues, ou bien étrangères ou peu connues dans nos contrées (). Les localités dans lesquelles on a découvert de ces débris d'animaux, ne sont pas très-nombreuses dans notre province, je citerai principalement les exemples suivans : 1° l’université de Liége, possède une dent molaire d’éléphant (elephas primige- nius de Blumenbach}), qui a été trouvée en 1827 à la profon- deur de 5 à 6 mètres, dans un terrain limoneux, qui recouvre immédiatement le gravier de la Vesdre à Bechuron, entre les villages de Chenée et de Vaux, sous Chevremont (voyez pl. II, fig. let 2); 2° L'université de Liége renferme encore 4 dents molaires, dont deux de la machoire supérieure et deux de la machoire inférieure, et un fragment de défense ayant appartenu à un vieil individu du genre éléphant de l’espèce primigenius. Ces débris ont été trouvés, il y a peu de temps, par M. Maréchal et quelques autres étudians en sciences, à Cheratte, village sur la rive droite de la Meuse, en dessous de Liége. Ces restes gisaient dans un dépôt limoneux, mêlé de cailloux roulés, de 2 mètres d’épaisseur, reposant immédiatement sur le terrain houiller (°) ; (:) A l’époque où on a creusé le canal de Willems-Vaart, qui va de Maestricht à Bois-le-Duc , on a trouvé près du village de Smeermaes, à plusieurs mètres de profon- deur , dans le dépôt de cailloux roulés et de limon qui constitue le sol, une très- grande quantité d’ossemens d'éléphans, etc. (2) M. le professeur Gaëde en a donné la description à la Société des sciences natu- relles de Liége. Sur deux de ces molaires, on peut compter 25 lames, nombre qui n’a DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 33 3° Le cabinet de M. Schmerling renferme actuellement un bois de cerf commun, une machoire de cochon de l’espèce priscus de Goldfuss, et une portion d’omoplate d’ours de l'espèce spe- lœus , qui m’avaient été donnés par feu M. De Fromenteau, doyen de St-Martin, à Liége, et trouvés par lui, vers la fin du siècle dernier, à 5 mètres de profondeur dans le gravier de la cam- pagne entre l’abbaye du Val-St-Lambert et la Meuse. Les gros cailloux roulés de nos rivières étaient anciennement employés au pavage des villes; actuellement, on ne s’en sert plus guère que pour paver des cours et pour faire des empier- remens sur les routes. Comme il existe parmi ces cailloux roulés une assez grande quantité de galets de quartz blanc, on les recherche quelque- fois pour s’en servir, après les avoir pulvérisés, à la fabrication de la faïence et de la porcelaine. Ces recherches se font prin- cipalement dans les environs d’Andenne et de Huy. Le gravier, c’est -à - dire les cailloux roulés de très-pe- tite dimension , est employé à la confection des grandes rou- tesstelc- Les terres argileuses qui se trouvent, tant dans le terrain de transport moderne que dans le terrain de transport ancien, sont utilisées pour faire des briques; on remarque que celles du ter- rain schisteux sont plus fusibles que celles des terrains sa- bleux. jamais été observé dans l'éléphant des Indes, qui ressemble d’ailleurs beaucoup à l'éléphant fossile. Tom. IX. 0) Emploi des cailloux. Mode de formation. 34 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Les inondations lentes de la Meuse, de lOurthe, etc., en dé- posant des alluvions sur les terrains qu’elles baignent , contri- buent pour beaucoup à la fertilité des terres et des prairies qui longent ces rivières. Sous-division du terrain de transport moderne. TERRAIN DE TRANSPORT LYSIEN. Les substances minérales qui constituent cette sous-division, proviennent en général des eaux minérales qui, en s’épanchant dans les cavités et à la surface de la terre (‘), y déposent une partie des substances nombreuses et variées qu’elles renfermaient. L'état de nos connaissances chimiques permet de croire qu'il n’y a pas formation de ces corps, mais que ces composés ou leurs élémens ont été pris dans les entrailles de la terre, déjà formés à une époque très-ancienne : leur épanchement à la sur- face appartiendrait donc seul à l’époque actuelle. Ces substances se déposent encore journellement, mais avec plus ou moins d’abondance, et constituent ainsi de petites forma- tions locales, calcaires, siliceuses, métallifères (*), etc. La plu- (') Quelques-unes de ces substances se déposent même au fond de certaines eaux. (2) M. Brongniart a , dans son tableau des terrains qui composent l'écorce du globe , divisé sa classe des terrains lysiens en cinq formations : calcaires, siliceuses , acides et salines, corps inflammables , métalliques et métallifères. Dans sa formation des corps inflammables , il place le gaz hydrogène carboné ; mais je crois, pour ce qui concerne cet essai sur la géognosie de la province de Liége, ne pas devoir placer ce gaz dans DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 39 part de ces substances déposées ont été dissoutes, les unes dans les eaux froides, et les autres dans les eaux chaudes ou thermales, à l’aide d’acide carbonique, de gaz hydrogène et de gaz hydro- gène sulfuré. Dans la province de Liége on ne trouve que deux de ces formations, l’une calcaire et l’autre métallifère (). cette formation, attendu que dans notre pays il ne se dégage que dans le terrain houiller (*) , et je pense qu’il convient mieux d’en parler à Particle de ce terrain. (:) Quoique je ne désigne pas de formation siliceuse dans le terrain de transport de notre province , il n’en est pas moins vrai que quelques eaux minérales déposent sur les terrains où elles coulent un peu de silice pulvérulente , plus ou moins mélangée d’autres substances. Je désignerai pour exemple les eaux minérales sulfureuses froides de Basse-Awez (**), du Jonqueux près de Liége (***) et de Pepinster (***#*). M. le professeur Delvaux a fait l'analyse de la première de ces eaux, et a trouvé pour une livre des Pays-Bas : ESTERLINGS. Cabane dechire 20-20 Se = (01000 » dermmagnésie "ce LUE, ANS IN 0,069 » SRE TEEN RSS PER . 0,0225 Dulidie de Ou ete te Dee 00; LUAD Chlorure de sodium . . . . . . . . . . 0,0301 SUCER = D 2, |. - (0 eUD Matière de nature organique races Carbonate de manganese . Æotal . 0,4453. La présence de l'hydrogène sulfuré, de l'acide carbonique, y a été démontrée , mais la quantité n’en a pas été déterminée. Le sable siliceux blanchâtre, déposé par cette eau minérale sulfureuse, a été (©) Je ne parle pas de celui qui se forme dans les tourbières et autres lieux marécageux. (**) Cette source, qui paraît sortir de l’arène d’une ancienne houillère , est située prés du village de Grivegnée ; ces eaux sont assez employées dans le voisinage. (***) Cette source parait aussi sortir d’une ancienne arène de houillére ; elle est située en Jonqueux à Liége , dans une propriété de M. Jalheau; l'analyse chimique n’en a pas encore été faite. (*%##) Cette source, qui vient au jour dans la cave de la maison de Mad. veuve Dechamps, est trésfaible; c'est aussi l'eau minérale sulfureuse la moins forte de la province, 36 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Formations calcaire Là première, la formation calcaire, se compose de tuf, de et métallifère dans La stalactites et de stalagmites dont les élémens étaient dissous dans les eaux à l’aide d’un excès d’acide carbonique. Tuf culeuire. Le tuf calcaire, ou chaux carbonatée imcrustante ou sédimen- taire (') forme dans plusieurs localités de cette province des dépôts d’un volume assez considérable. On le rencontre princi- palement dans quelques vallons étroits et au pied de quelques montagnes. Les gîtes les plus remarquables que j'aie eu occasion d'observer, sont ceux de Hollogne-aux-Pierres (*), de Nesson- vaux, de Goffontaine, et des bords du Hoyoux, à proximité des fabriques de ferb-lanc de M. Delloye, près de Huy. Substances wégétates Ces différens tufs, dont la formation est très-rapide en raison PTE du volume des eaux qui les produisent, présentent ordinairement cette agrégation de tubes et de cavités concrétionnées, qui forment le caractère particulier de cette substance. Ces tufs, en se déposant sur tous les corps que les eaux tou- chent, incrustent ainsi les plantes, les feuilles, les coquilles et les corps étrangers qui s’y trouvent. Ceux-ci, en se conservant ou en se décomposant plus ou moins, présentent alors des em- preintes ou des espèces de pétrifications. soumis dans un tube à l’action d’une chaleur peu élevée; on en a tiré par sublima- tion 4 pour 100 de soufre et 5 pour 100 d’oxide de fer, mêlés avec une petite quan- tité de chaux et de magnésie , qui en ont été séparées ensuite. (:) Cette pierre est connue dans les environs de Bouillon, province de Namur , sous le nom de pierre de Teux. Les tufs du pays de Liége sont souvent désignés sous le nom d'argile pétrifiée et de pierre d'argile. (2) Le dépôt de Hollogne-aux-Pierres est très-étendu et d’une épaisseur qui atteint quelquefois 8 mètres. Il est formé en grande partie par la source Pirson. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 37 Les tufs de Hollogne-aux-Pierres et des bords du Hoyoux contiennent une très-grande quantité de coquilles analogues aux espèces vivantes, telles que : L'’ambrette amphibie (Swccinea amphibia ); Le cyclostome élégant (Cyclostoma elegans ); L'hélice chartreuse (elix carthusiana ); L’hélice némorale (Æelix nemoralis ); L'hélice planorbe (Æelix obroluta), etc., etc. Ceux de Nessonvaux et de Goffontaine sont remarquables par les mousses qu'ils recouvrent : telle que l'hypnum filicinum ; ils donnent ainsi lieu à la formation de tufs très-élégans. Ces tufs varient considérablement par leur aspect et leur du- reté ; les uns sont compactes, d’autres caverneux ou à létat arénacé et quelquefois sous forme de pisolithes. Ils sont, en raison de leur légèreté, très-recherchés pour la construction des voûtes, etc. Les anciens bâtimens de Liége et surtout leurs voûtes en con- tiennent beaucoup et souvent d’un volume très-considérable; on les emploie aussi pour former des rochers artificiels dans les jardins. Les stalactites et les stalagmites (‘) se rencontrent dans les cavernes et les grottes calcaires ; cependant, on en trouve aussi dans le terrain houiller, mais en très-petite quantité. Elles contribuent par leurs formes plus ou moins bizarres et (:) Vulgairement stalagmite ou stalactite calcaire, albâtre calcaire ou oriental, marbre oriental et marbre onir, lorsque cette variété, ainsi que les autres, sont sus- ceptibles d’être travaillées comme objet d'ornement. Emploi du tuf cal- Caire, Stalactites et stalag mites. Cavernes 38 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE leurs dispositions à rendre ces grottes d’un aspect imposant, qui livre à toutes sortes d'illusions ceux qui y pénètrent par sim- ple curiosité. Les stalactites et les stalagmites prennent des formes parti- culières, qui sont désignées par Haüy sous différentes dénomi- nations ; telles que : chaux carbonatée fistulaire, cylindrique, conique, renflée, fongiforme, stratiforme, tuberculeuse, mame- lonnée, etc. Elles sont ordinairement blanches, mais assez souvent grises et Jaunätres ; on en trouve aussi qui tirent sur le rouge, le brun et le verdätre (‘). Ces couleurs à l’exception de la der- nière, se trouvent souvent réunies dans le même échantillon et disposées ordinairement en veines plus ou moins ondulées. Le nombre des cavernes à stalactites est très-considérable dans cette province ; il est de plus de quarante. Celles qui méritent la préférence sous ce rapport, sont : celles de Remouchamps (°), de Villers-Ste- Gertrude, de Comblain-au-Pont, de Tilf, des Fonds-de-Forêt, de Chaudfontaine, du 7rou-Manteau près de Huy, de Mousset près de Pépinster, etc. Quoique ces stalactites soient ordinairement très-blanches, on (:) Dans une course que j'ai faite au printemps de 1829 à la grotte de Remouchamps, sur la rivière d'Amblève, j'ai trouvé dans une des dernières salles de cette magni- fique caverne, une petite stalactite colorée en vert- bleuâtre par du carbonate de cuivre. (2) Elle est située à 3 lieues de Spa, dans une vallée charmante , arrosée par l’Am- blève ; elle est remarquable par le nombre, la beauté et le volume de ses stalac- tites, etc. Elle est traversée par un ruisseau qui se montre deux fois dans son intérieur , et court ensuite se jeter dans l’Amblève , après s’être échappé de la montagne calcaire , par plusieurs fissures sur la gauche de la grotte. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 29 n’en fait aucun usage ; il y en a cependant qui sont susceptibles d’être tournées et de recevoir un très-beau poli. La formation de ces espèces de concrétions offre une considé- ration très-importante, c’est qu’elle peut appartenir au terrain de transport moderne et au terrain de transport ancien, puisque les stalagmites renferment des débris d’animaux dont les espèces sont perdues ou inconnues en Europe (‘); il résulte de là qu'une partie des stalactites de ces cavernes est très-probablement anté- rieure au terrain de transport moderne; mais dans l'impossibilité où l’on est quelquefois de les distinguer, et par conséquent de déter- miner leurs limites tranchées, on est obligé de les laisser ensemble. La formation métallifère de transport se compose dans la pro- vince de Liége d’une terre fine, ocreuse, jaune et rouge, qui constitue aux environs des sources d’eaux minérales acidules fer- rugineuses, des dépôts plus ou moins considérables, dus au déga- gement d’un grand excès d'acide carbonique, qui en s’échappant des eaux minérales au moment où elles viennent au jour, aban- donne l’oxide de fer plus ou moins siliceux (*) avec lequel il était tenu en dissolution. (:) Des débris de ces animaux ont été découverts en 1828, par M. le professeur Van Breda, sous les stalagmites de la caverne de Remouchamps, et en 1829, 1830 et 1831, par M. Schmerling, en très-grande quantité dans les stalagmites, les tufs, les argiles , etc., des cavernes de Chokier, de Ramioul, d'Engis , d'Engihoul , du Trou- Manteau, de Forêt, de Goffontaine, de Comblain-au-Pont, de Tilf, de Moha te. (2) M. Proust regarde l’ocre jaune, déposée par les eaux minérales, comme de l'argile colorée par de l'hydrate de fer, tandis que MM. Berzelius et Davy croient que c'est une combinaison triple de silice, d’oxide de fer et d’eau. Dans une note insérée dans le tome VIII des Annales des mines, M. Berthier pense Dépôts ferrugineux des eaux minérales. Eaux minéralesferru- gtneuses , 40 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Cet oxide de fer, placé sans doute dans des circonstances fa- vorables, présente un fait remarquable, c’est la propriété qu'il a de réunir différentes substances, telles que cailloux, fragmens de bois, etc., d’une manière plus ou moins solide. J'ai trouvé, il y a quelques années, derrière la fontaine du Tonnelet, à Spa, des cailloux roulés et des morceaux de bois de hêtre, qui étaient joints ensemble par un ciment composé de petits morceaux de schiste et d’ocre jaune-rougeàtre, semblable à celle que les eaux de cette fontaine déposent journellement ("). Les eaux minérales qui déposent ainsi de l’oxide de fer, sou- vent à une très-grande distance de leurs sources (*), sont très- abondantes dans cette province, et y sont connues sous le nom générique de Pouhon, qui répond à celui de Sauvemière, plus usité vers les rives de la Meuse. Elles jaillissent en général du sol ardoisier de l’Ardenne (”), cependant on peut en citer quel- qu'il est très-probable que la silice et l’oxide de fer sont tenus en dissolution par l'acide carbonique ; mais ces deux substances ne sont pas combinées l’une avec l’autre, puis- qu’elles ne se déposent pas simultanément. (:) Cet agrégat a assez d’analogie avec le composé ou mastic très-dur qui se forme par l’oxidation du fer , lorsque l’on fait un mélange de sable argileux et d’une grande quantité de limaille ou de tournure de fer que l’on arrose avec de l’eau simple ou acidulée par du vinaigre ou de l'acide sulfurique. (2) Le ruisseau des Eaux rouges, qui a ses sources aux environs de Hockay, de Ster et de Francorchamps, et qui se jette dans l’Amblève au-dessus de Stavelot, est formé en grande partie par les eaux minérales ferrugineuses qui découlent d’un grand nombre de fontaines situées dans ces environs ; aussi ce ruisseau dépose-t-il sur une bonne partie de son cours un sédiment ferrugineux. (3) Les principales sources minérales ferrugineuses de l’Ardenne sont : 1° celles de Spa et des environs; 2 celle de Bru ou de Chevron; 3° celle du Grand-Bru , qui porte aussi le nom de Nivarlet, d'Izier, de Harre , de St-Antoine et de Grand-Pouhon d’Ar- DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 41 ques-unes dans le terrain schisteux du Condros : celle du fau- bourg S'e-Catherine à Huy, et celle de Wislez, près de Baneux ; dans le terrain houiller, celles de Flémalle et de la Rochette; et dans le terrain crayeux, les fontaines de Tongres, province de Limbourg. Le tableau ci-joint des analyses de plusieurs de ces eaux donnera une idée de leur composition et de leur importance. Ces dépôts d’oxide de fer, formés par les eaux minérales sont sans usage, quoiqu'ils présentent quelquefois plusieurs pieds d'épaisseur et une étendue assez grande. On pourrait cependant les utiliser pour en faire à très-bas prix des ocres ferrugineuses de plusieurs nuances, qui seraient employées dans la pem- ture, etc. denne; 4° les deux sources que l'on trouve au hameau de Bosson; 5° celles du hameau des Pouhons, qu'on nomme aussi quelquefois Pouhon-de-S'-Roch et de Harzé. Tom. IX. 6 ANALYSES DE QUELQUES EAUX MINÉE Analyses des cinq principales Fontaines minérales de Spa; à PESANTEUR | MATIÈRES NOMS SPÉCIFIQUE. FIXES. SEX AUDE DES FONTAINES MINÉRALES. Era SR CARBONATÉE ER ominte ai POURON Een - fe > + Jah 33,00 16,25 2,75 2,25 GTONITÈTE ee ic ee jo 1e aie 32,75 5,50 2,50 1,75 Sauvenière - à + + es. ce de 32,50 3,75 1,50 0,75 ECTS TRE Er, CSM O 32,25 5,25 1,50 1,00 TonneleLE ess 27 4e 0 Far ED 32,00 2,00 0,25 0,75 Analyses des eaux des sept principales fontaines minérales de Spa, faites à égal à 231 pouces cubes dei TEMPÉRATURE GAZ ACIDE | MATIÈRES l EE Ÿ PESANTEUR SULFATE Ds carbonique fixes FONTAINES. Thermomètre SPÉCIFIQUE. DE SOUDE, | DE centésimal. en pouces cubes.| EN GRAINS. Pouhon, 1814, pendant un temps très- chaud et très-sec . . . . = La même année, après un mois de pluies et d'orages presque continuels . En 1816, année pluvieuse. Géronstère . En 1816. Sauvenière En 1816, Groesbeek 1er Tonnelet (*) 2me Tonnelet Watroz . GINEUSES DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 43 ; pendant l'été de 1787 par le docteur anglais John Ash. PROPORTIONS Du gaz carbonique mélé de gaz hydrogène sulfuré dans la Gé- ronstère seule. POTASSE MAGNÉSIE ÉY. |CARBONATÉE, | CARBONATÉ. OBSERVATION. N. B. Les résultats de cette table, dit M. Ash, sont calculés pour la mesure d’un quart] anglais égal à 70,5 pouces cubes, ou à 32 à 33 onces suivant la pesanteur spécifique des eaux respeclives. 1816 par Le docteur anglais Edwin Godden John, sur la quantité d’un gallon , ux, ou 3 litres 785. SILICE. ALUMINE (”) Le docteur John dé- signe sous le nom de pre- mier Tonnelet, celle des deux fontaines qui est ou- verte, pour la distinguer de l'autre, qui est couverte d'un petit dôme, et qu'il appelle second Tonnelet. 0 T'ABLEAU de la composition des eaux des cinq principales sources minéri (Le poids de l’eau, ACIDE CARBONIQUE LIBRE. De el 2 de de , EN VOLUME. DES SOURCES. Réaumur. EN potps. |Le volume d'eau = 1000. BI-CARBONATE |BI-CARBONATE| BI-CAI NOMS TEMPÉRATURE SOUDE. POTASSE. PODNON Tee re eee Ole ROIS Le TU el Me }| 2 1085,5 Géronstère . 1069,1 Sauvenière . 1148,9 CADES DEEE: 0 1e deteste 1105,8 ITonnelets. Ms és re gi le dei 1133,0 Analyse de quelques eaux mi ANALYSE DE L'EAU FERRUGINEUSE DU POUHON DU GRAN-DBRU, FAITE EN 1808 PAR FEU M. LAFONTAINE. | 100 Livres DES P.-B. DE CETTE EAU, CONTIENNENT : È ESTERLINGS, | Gévbonate destern Ce AU M IUL A ES — desmagnesien. Mi ed lee die ue SE 0 20) — detchauxe 0e eh 7 UE RS Et 0 22 Acide (carbonique libre... 4. . 1. O0 23,750 MOTAL:. 20 0 CE NRA ie VOL CLR (l | Ou 0 esterl. 085 grains de fer par litron; quantité très-considérable, Cette eau ne pèse que 100,5 à l'aréomètre de Cartier. Sa légèreté est due à l'absence du sulfate de chaux, à la petite quantitéhl Lonate de chaux, qui n'y est pas même en proportion de 170 grains des P.-B. par litron, ait en 1830 par M. Plateau, docteur en sciences physiques et mathématiques résenté par 1000.) HYDROGÈNE SULFURÉ. NATE | BI-CARBONATE | SULFATE]| CHLORURE AUTRES d d = F. 5 SILICE. EN VOLUME EN POIDS. Le vol d’eal SUBSTANCES. SIE. FER. SOUDE. SODIUM. G 2) ERA Toutesces eaux contiennent ñ 0,0714 DHNE 0,0629 en outre du bi-carbonate de manganèseen quantité trop pe- 2 0,0420 0,0031 0,0150 0,0002 0,155 tite pour qu'on ait pu la déter- | | miner, des traces d'alumine,un | 9 0,0715 0,0043 0,0107 peu de matière EE une | pelite quantité d'oxigène, ex- 7 0,0718 0,0094 0,0049 Cette dans la Géronsière, un | | peu d'azote; de plus, elles pa- 0,0613 0,0191 0,0207 raissent contenir des traces d'hyposulfites. ANALYSE DE L'EAU DE LA FONTAINE DE St.-CATHERINE A HUY (1), PAR M. DELVAUX. (:) Elle est située à un SUR UN LITRON CETTE ANALYSE A DONNÉ : quart de lieue de la ville, ; ESTERLINGS. au sud , dans une prairie bor- de de M nie 20 0 cr 0: OLLE 0) dée d’un côté par le Hoyoux, « et de l’autre par la monta- | Oxide de manganèse, . . . . . . . . . 0,00673 gne de la Sarthe. nie dE Chan EN LE Et DST 7770 _— demangnésie 2. -re-teue c00:08230 Ghlorare de sodium -. :.-u. ..iu.h 40, 2 .0:00496 Sulfate de soude . . . D ee D /OUbR9 Lu cu vo rbutaat 16-1010:00672 Lu 0 5 on NI 6 rt 00200096 ME CARO Use US. 0. à Ce 0001271 0,26398 46 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE ! ANALYSES DES EAUX MINÉRALES FERRUGINEUSES DE TONGRES, FAITES A MAESTRICHT, PAR M. PAYSSÉ (1). CETTE ANALYSE CALCULÉE SUR LE PIED DE 100,000 PARTIES, DONNE : IL À TROUVÉ suR 181320 PARTIES : 1e Fontaine (2). ire Fontaine. Parties, Carbonate de fer. . .,. . . 21 LME | nie de magnésie 31 Carbonate de fer 11,4 — de magnésie . 16,8 TOR RE 0 100 Toraz . 28,2 2me Fontaine (>). 2ème Fontaine. Carbonate de fer. . . . . . 27 = de magnésie. . . . 28 Carbonate de fer. 14,6 — de magnésie, . . . 15,2 Torarz. 4 107220 6 PERTE LE. 59,4 RGP 50 bee AE (1) Annales de Chimie, tom. 36, pag. 161 , 1801. ANALYSE DE L'EAU MINÉRA RUGINEUSE DE LA ROCHETTE UNE LIVRE DES P.-B. M'A FOUR! AoUT 1828 : 1 Carbonate de chaux, _— de magnésie, _ de soude . . . Hydrochlorate de soude Sulfate de soude. Peroxide de fer Oxide de manganèse SilceeMe ER NTE Ro ==: == es se. Alumine Re Ne Te Matières organiques. . . . Li Acide carbonique & Torar . Ces eaux ont donné lieu à la discussion qui a si long-temps occupé les médecins et les historiens du pays, pour savoir si Fline Li pEmp P paYSGHP désigner par un passage de son histoire ( Plin. , Héstor., lib. 31 , cap. 2) les eaux de Spa ou celles de Tongres. Co passag P p 5! (2) La 1re fontaine porte le nom de St.-Gilles ou de Pline; sa source est assez abondante, l’eau est très-claire, limpidey goût ferrngineux ; sa température est de 120,4 centigrades , celle de l'atmosphère étant de 230,75. Elle est située dans un vallon tous côtés par des collines formées de sable très-fin, gris, mélé d’une terre marneuse et ferrugineuse, (3) La 2me fontaine est située à un mille de distance, et à 60 mètres au nord de la montagne de Fer, Son eau est toujours H couverte d’une pellicule irisée. Elle dépose un sédiment marneux, d’une saveur astringente; son odeur et son goût sont beaut} ferrugineux que dans la 1re. Sa température est de 160,25, celle de l'air étant de 230,75. (4) Cette source est située près de petites houillères du fond de la Rochette. re & “1 DE LA PROVINCE DE LIÉGE. B. TERRAIN DE TRANSPORT ANCIEN. Syn. Dilurium , Buckland, Sedgwick. Terrains clysmiens, ou terrains diluviens, Alex. Bron- gniart (!). - Aeltere Alluvial-Bildungen, Boué. Aufyeschvemmtes Gebirge, Keferstein. Cette division du terrain de transport est ordinairement placée composition sous le précédent dans le fond des vallées, mais d’une manière indépendante et superficielle dans les points où le terrain de transport moderne n’a pu se former et le recouvrir. Le terrain de transport ancien est formé de blocs erratiques (°), de cailloux roulés, de sables, d’argiles et de tourbes, qui consti- tuent ordinairement des dépôts très-considérables, n’observant souvent aucun ordre régulier de superposition (°). La formation des tourbes constitue un véritable passage entre le terrain de transport moderne et le terrain de transport ancien, (:) C'est-à-dire d'inondation , parce que la majeure partie de ces terrains est évi- demment le produit du transport et du dépôt mécanique des eaux. Cet auteur divise cette classe en quatre groupes, limoneux, détritiques, clastiques et plusiaques. (2) J'entends par ces mots des masses de roches anciennes, dont le caractère , et peut-être même le mode de transport, sont différens de ceux des cailloux roulés que l'on rencontre dans les rivières, etc.; car le transport de si gros blocs à une distance très-considérable du lieu de leur origine , a exigé le développement de forces méca- niques immenses , qui correspondent évidemment, ainsi que la déposition des nom- breux ossemens contenus dans nos cavernes, à l’une des plus grandes débàcles dont notre pays ait été le théätre. (5) IL faut en excepter les tourbes qui se trouvent presque toujours en une seule masse , et à la partie supérieure des autres dépôts. Tourbe de l' Ardenne. £8 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE puisqu'il est prouvé qu’il existe des tourbières où ce combus- tible se reproduit au bout de plusieurs années, tandis que l’on doit admettre que beaucoup de tourbières ne paraissent pas de- voir leur origine à des causes actuellement agissantes. La tourbe qui est en général la partie la plus superficielle de notre terrain de transport ancien, peut souvent se distinguer en 3 sortes principales : 1° la tourbe grossière ou bousin des Pi- cards, qui se trouve à la superficie des tourbières ; 2° la tourbe fibreuse, qui se trouve au-dessous de la précédente ; et 3° la tourbe limoneuse, ou la plus inférieure, est dans l’état de décomposi- tion la plus complète. Ces trois sortes de tourbes se trouvent immédiatement les unes au-dessus des autres, et l’on voit évidemment les progrès de l’altération, qui a fait passer graduellement la tourbe gros- sière à l’état de tourbe la mieux formée. Ayant soumis à l’analyse une tourbe noirâtre et très-fibreuse du Vieux Werpha, derrière le Tonnelet, à Spa, je l'ai trouvée composée de : Han dite aan nitienSaer AM L2,98 Matière ligneuse . . . . . . . . 63,40 Ulmine de Vauquelin. . . . . . . 10,03 Ode deMer NC Ce Ne 070, Sihce CMD MMM EL AE si 9320 AlemineltsSUsEeth su Hrdnettéhsh ail 42 Substance bitumineuse . . . . . . 0,96 Saliteldeichaux NE CIC LED 23,07 Carbonate de chaux . . . . . . . 1,37 Phosphate de chaux . . . . . . . 0,48 Pertes at Ne MON Motion AUS 100,00 Sa pesanteur spécifique était de 1,1052. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 49 Par la distillation de 5 onces 7 gros et 7 esterlings P.-B., j'ai obtenu 2 onces 3 gros de charbon très-noir, friable et assez avide d’eau. Outre ce charbon, j'ai recueilli et non pesé du goudron, de l'hydrogène carboné et un liquide gras et un peu ammoniacal. Une tourbe de Xhoffray, près de Malmedy, m’a donné à peu près les mêmes résultats. Ces terrains de tourbe sont tantôt situés dans le fond de vallées plus ou moins larges et peu inclinées, et tantôt sur des plateaux. Il s’en trouve non-seulement dans les petits bassins aux sources des ruisseaux et rivières qui descendent du plateau des Hautes- Fagnes, mais encore dans les autres bassins, petits et grands, où on apercoit très - visiblement que ces rivières et ruis- seaux ont jadis formé des espèces de petits lacs versant leurs eaux l’un sur l’autre, surtout avant les creusemens successifs au niveau actuel de la plaine, des vallées, gorges et défilés où ils coulent, ou dans des espèces d’anses latérales, comme on voit le long de la droite du ruisseau de Wayai, jusqu’à Spa, où l’anse, au pied du Spaloumont, en renferme un dépôt com- posé de gros débris d'arbres recouverts d'argile, de glaise, etc. Les couches de tourbe qui sont en général presque horizon- tales, ont depuis un décimètre jusqu’à quatre et cinq mètres d'épaisseur. On y rencontre en quelques endroits de petits lits d'argile blanche et bleuâtre, et quelquefois des fragmens de roches quartzeuses. Le fond est en général formé par une argile blanche et liante, qui sert puissamment à retenir les eaux; ce qui est cause que ces tourbières sont une bonne partie de l’année presque impra- Tom. IX. - Gisement. Végétaux formant la Tourbe 50 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE ticables, et que le sol, malgré son élévation et les vallées qui le sillonnent, est si humide, si marécageux (') et si dangereux à parcourir pendant l'hiver. Cette argile blanche, qui est désignée par le nom vulgaire de chälons ou chälon, rend en grande partie stériles les terrains sur lesquels on l’étend. Les tourbières et les amas de tourbe sont sujets à s’enflammer spontanément pendant les grandes chaleurs ; on a pour exemples les violens incendies qui ont éclaté en 1684 et pendant les étés de 1800 et de 1825, sur une grande étendue et à une grande profondeur (*), et dont quelques-uns ont duré jusqu’à l’hiver. Parmi les végétaux très-variés qui entrent dans la composi- tion des tourbes exploitées de la province de Liége, on reconnaît (:) Dans les marécages et dans les petites mares qui sont si communes en Ardenne, M. Dethier et plusieurs autres personnes ont observé une matière rouge, composée de petits filamens qui paraissent immobiles , mais qui disparaissent dans la terre au moindre attouchement. Ces filamens , qui sont autant de petits animaux , conservent encore très-longtemps leur état de vie, malgré le desséchement complet des mares; car ils reparaissent à la moindre immersion favorisée d’un peu de chaleur : phénomène qui a été constaté par plusieurs expériences de M. Dethier. La matière rouge de ces mares, que les paysans croient quelquefois formées par des pluies de sang, parait analogue à celle dont il a été question à la séance du 27 juillet 1825 de la Société helvétique des sciences naturelles à Soleure , dans une notice que M. de Candolle a lue sur la matière rouge qui colore le lac de Morat au printemps. Ce phénomène est dû à des Oscillatoires ( Oscillatoria rubescens. de Vaucher ). MM. Colladon , Peschier et Macaire ont analysé cette matière rouge, et y ont trouvé une matière colorante rouge, de la chlorophylle, de la gélatine, de l’albumine , un principe huileux fixe, quelques sels terreux et alcalins, et un peu d'oxide de fer. (°) Dans l'incendie des Hautes-Fagnes , en 1684, le feu avait pénétré jusqu’à douze pieds de profondeur. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 51 parfaitement la bruyère commune, les linaigrettes, le scirpe des marais, le cho blanc, le bouleau ('), le hêtre et le chêne. On y trouve assez souvent des troncs ou branches de bouleau, de chéne et de hêtre, de 2 à 3 mètres de longueur, qui sont placés horizontalement et ordinairement couchés dans le même sens. La texture du bois est si peu altérée (°) qu’ils peuvent en- core servir à la charpente et à l’ébénisterie. Ces débris végétaux sont quelquefois accompagnés de fruits, tels que des noisettes (°), des glands, des faines (‘), etc. Nos tourbières renferment quelquefois des morceaux de fer hydraté ressemblant parfaitement aux variétés que les Allemands désignent sous les noms de sumpferz et de welseners , et du fer phosphaté pulvérulent. Je n’ai encore rencontré ce dernier que sur quelques morceaux de bois, etc., des tourbières des en- virons de la Gleize, entre Spa et Stavelot, de Spa et d’An- gleur. Excepté une tourbière des environs de Hockay, où l’on m'a assuré avoir trouvé quelques dents de sanglier et des portions de bois de cerf, et dans celles d’Ottré où l’on a rencontré quel- ques coquilles appartenantes à des espèces vivantes, il n°y a pas (:) Cet arbre est très-reconnaissable par son écorce, qui est restée très-blanche : chose que j'attribue à la grande quantité de résine qu’elle contient, et qui l’a ainsi préservée de toute altération, (2) Leur couleur est ordinairement noire. (3) Dans les tourbières des environs d'Ottré. (Il est à remarquer qu'on ne trouve pas de noisetier dans le canton.) (4) Fruit du hétre. Fer oxidé hydraté Fer phosphate Débris d'animaux. 52 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE d'exemple que nos tourbières contiennent ces ossemens d’un grand nombre d’espèces d’animaux que lon à trouvés dans celles d’Essonne en France, de l’'Ecosse, de l'Irlande, etc. Monumensde l'indus Les monumens de l’industrie humaine, découverts dans nos © tourbières, sont aussi très-rares; on ne peut guère en citer que quelques exemples (°). Les localités où l’on rencontre des dépôts de tourbe sont très- nombreuses; les plus marquantes sont celles des environs de Spa, de la Gleize, de Francorchamps, etc. Elles sont toutes situées dans l’Ardenne, à l'exception de deux petits dépôts dont nous parlerons bientôt, qui sont placés dans la région que nous avons désignée sous le nom de Condros. Ainsi, les tourbiéres sont en général situées entre les rivières de Spa, de Poleur, de Vesdre et de Roër, à l’est du pays de Limbourg et de Franchimont. Réproduction de LES paysans ardennais sont persuadés que ce combustible se 7 reproduit après un certain intervalle (). Cette opinion, que je partage entièrement, est appuyée par des observations locales, et par les nombreux exemples qui nous sont fournis par les tour- bières de la Hollande, de la Prusse, de l’Ecosse, etc.; mais il y a une observation à faire, c’est que la tourbe qui se forme ac- (x) Melie Libert, de Malmedy , possède une grosse bague en or , garnie d’une entaille représentant Esculape , faite sur une agate onyx , qui a été trouvée dans une tourbière des Hautes-Fagnes. (:) On ne sait pas encore positivement le temps qu'il faut pour qu’il se forme de la tourbe dans les marais. Les Ardennais assignent ordinairement 30 à 40 ans; il paraît cependant certain que, dans quelques endroits, l’on a observé que la tourbe se for- mait en beaucoup moins de temps. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 53 tuellement dans nos terrains tourbeux, n’égalera jamais en qua- lité celle qui a été extraite primitivement, attendu qu’il manque à cette tourbe nouvelle les végétaux ligneux qui forment en général la bonne tourbe. La condition qui paraît étre essentielle à la formation de la tourbe, c’est que le sol soit imperméable, et que l’eau qui le recouvre ne soit ni complétement stagnante, ni trop rapidement renouvelée, que les végétaux ne s’y pourrissent pas, mais puis- sent, comme le dit M. Alex. Brongniart ('), y éprouver un mode particulier de conservation analogue au tannage. Je crois pouvoir rapporter à la formation des tourbières de l’'Ardenne, deux dépôts de débris végétaux qui se trouvent dans la région du Condros, au-dessus du terrain houiller, et que J'ai été à même de bien observer. Le premier de ces dépôts me paraît présenter assez d’intérét, pour me décider à transcrire ici la notice que j'ai publiée à Liége, en 1827 (:). En 1827, en creusant une galerie d'écoulement pour la houil- lère du T'rousouris, sur la rive droite de l’Ourthe, entre les villages de Chénée et de Grivegnée, on a découvert un dépôt assez considérable de débris de végétaux plus ou moins conservés. Les substances végétales qui composent ce dépôt forment une épaisseur de 2? pieds; ce sont des racines, des tiges, des branches, des feuilles, des fruits, etc., plus ou moins entiers et aplatis, serrés les uns contre les autres et formant ainsi une (1) Page 36 de son Tableau des terrains qui composent l'écorce du globe. (2) Journal Mathieu Laensbergh , du 27 décembre 1827. Dépôts de tourbe du Condros. Premier dépôt. Tourbe de Grivegnée. ler sulfure blanc. Débris de vépétauxet d'insectes. 54 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE masse de tourbe brune, qui, dans les parties les plus décompo- sées, offre une texture feuilletée. Les racines et les fruits ont aussi une couleur brune, et quelquefois parfaitement noire. Quelques feuilles encore entières sont d’un vert pâle et sale ; les tiges ou branches, lorsqu’elles sont un peu volumineuses, sont d’un jaune sale. Parmi ces tiges, on en a rencontré une qui avait une longueur de 16 à 17 pieds, et une circonférence de 2 à 3 pieds. Cette tige, si on en croit les ouvriers mineurs et méme le propriétaire, portait des entailles qui ressemblaient à celles faites avec une très-grosse hache. Ils ajoutent qu'ils ont trouvé de petites branches, qui paraissaient avoir été bi- selées à la serpe. La plupart de ces fragmens de bois contiennent du fer sulfuré blanc, qui souvent y a pris la texture du bois et la converti ainsi en bois pyriteux, qui se décompose très-facilement à l'air hu- mide. Les parties les plus petites de ces débris végétaux, consistent en feuilles et tiges, qui paraissent appartenir à des plantes de la famille des joncées, des mousses, et qui par leur réunion, forment une tourbe assez serrée et analogue au bousin. On y rencontre de très-petites graines circulaires, aplaties, d’un noir luisant, qui se divisent en 2 parties égales. Nous y avons trouvé aussi quelques fragmens de charbon de bois ('), et des (*) Quelques expériences chimiques , faites avec le fer sulfuré blanc et des matières végétales, me portent à croire qu'une partie des fragmens de charbon de bois que l’on rencontre dans les tourbes, les argiles et les sables, est due à l’action de l'acide sulfu- rique du sulfate de fer, provenant de la décomposition du fer sulfuré blanc, sur le bois. : DE LA PROVINCE DE LIÉGE. . 55 élytres d’un insecte de l’ordre des coléoptères que M. C. Robert, de Chénée, croit appartenir au genre Buprestis. Quelques- unes de ces élytres sont parfaitement conservées; elles ont une couleur cuivrée, avec les bords extérieurs d’un vert bleuâtre et des lignes et des points profondément enfoncés. Ce dépôt, surtout dans les parties les plus argileuses, con- tient un grand nombre de fruits coniques, qui paraissent être de deux espèces différentes. Les plus communs sont très-gros et longs, depuis 1 pouce jusqu’à 4; ils ressemblent beaucoup au fruit du sapin de Norvége. Les autres fruits sont assez rares et assez petits; ils ont beaucoup d’analogie avec les cônes de Vabies Mariana. Ces fruits jouissent encore des propriétés hy- grométriques; quelquefois ils sont convertis au centre, en fer sulfuré blanc. Les morceaux de bois qui se rencontrent dans ce dépôt, et surtout la grosse tige de 16 à 17 pieds de longueur, doivent avoir appartenu à des arbres du genre sapin; du moins le tissu du bois, la résine jaune et cassante, brülant comme de la té- rébenthine, contenue dans le centre de cette tige, et surtout les fruits, indiquent assez que cette portion d’arbre et les autres branches faisaient probablement partie d'arbres de la famille des conifères. Ce dépôt a son pied au nord avec une inclinaison de 50 cen- timètres sur 6 mètres. Ces tiges et branches brülent avec une flamme assez vive, mais ne répandent pas beaucoup de chaleur; leur combustion ressemble à celle du bois que l’on appelle flotté. La tourbe, c’est-à-dire la masse principale de ce dépôt, 56 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE brile assez bien, mais donne une flamme très-faible, et une odeur désagréable et bitumineuse; il demeure pour résidu une cendre très-abondante, blanchätre et quelquefois rougeûtre. Une certaine quantité de cette tourbe ayant été soumise à la chaleur dans une cornue de grès munie d’un récipient et d’un tube à gaz, a donné pour produit un charbon léger, assez abondant, et une petite quantité d’un liquide noirâtre, d’une odeur de goudron, rougissant les couleurs bleues végétales, et ayant quelques propriétés du premier acide pyroligneux, que l'on retire de la distillation du bois. Il s’est dégagé en outre une certaine quantité de gaz hydrogène carburé. Ce dépôt, qui doit être considéré comme un véritable amas de tourbe, git dans un terrain de transport ancien, analogue à celui de la contrée environnante. On l’a rencontré à une profondeur qui peut être évaluée à 9 ou 10 toises, et on ne Va reconnu que sur une largeur de 8 à 9 toises; mais il est à présumer qu’il s'étend bien davantage sur les côtés de la galerie qui traverse le dépôt. Cet amas repose entre deux couches de cailloux de quartz et de grès roulés, le tout reposant sur le schiste et le grès houiller; cependant, l’amas n’est pas en contact immédiat avec les couches de cailloux, il n’en est sé- paré que par des assises assez minces d’une argile d’un gris- noirâtre plus ou moins sablonneuse , que les mineurs appel- lent aie, et mélangée de gravier. L’assise d'argile qui est en dessous est plus épaisse que celle de dessus, et elle con- tient même des débris de tiges aplaties et surtout de fruits coniques. L’amas de tourbe et les couches d'argile et de cailloux, sont DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 57 recouverts par une masse très - considérable d'argile sablon- neuse, jaunâtre, qui est employée à faire des briques commu- nes. Le creusement du canal de Luxembourg, qui doit venir aboutir à la Meuse en dessus de Liége, a fait reconnaître, dans des couches de limon et de gravier qui constituent la belle vallée d’Angleur, près de Liége , un petit dépôt de tourbe contenant de grandes portions de chêne, de hêtre, d’aune, et une quantité considérable de fruits de noisetier, de hêtre, d’aune et de chêne. On y trouve aussi des fragmens de charbon de bois, du fer sulfuré blanc, et beaucoup de phosphate de fer pulvéru- lent. Dans les Ardennes, la tourbe sert principalement de com- bustible aux villages qui sont à proximité des tourbières; on en transporte cependant dans les villes et bourgs des environs, tels que Verviers, Stavelot, Theux, etc. On pourrait, en la brülant en grand, obtenir des cendres qui sont un très-bon engrais en agriculture, et qui se vendent très- bien. La Picardie fait un commerce assez considérable de ces cendres, connues sous le nom de cendres de Beaurain ; et qui s’exportent au loin. Ces cendres sont extrêmement utiles pour fertiliser les prai- ries en général, et plus particulièrement les prairies tourbeu- ses. C’est par ce moyen que les Hollandais sont parvenus à créer de magnifiques prairies sur leur sol tourbeux et argileux. On pourrait aussi les carboniser, et se servir de ce charbon à une foule d’usages, pour lesquels on est obligé d’employer le Tom. IX, 8 Deuxième dépôt. Tourbe d'Angleur. Emploi de la tourbe. 58 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE charbon de bois (‘) ou de la houille ; tels que pour la forgerie, la cémentation, etc. Les expériences qui ont été faites en France par M. l'ingénieur Blavier, démontrent assez combien on peut tirer parti de ce combustible précieux pour les contrées qui le renferment, puis- qu’elles ont l'avantage de consommer pour différentes opéra- tions, et à très-bas prix, une substance très-abondante, et qui est une production spontanée de leur sol. Argiles, sables et Les argiles, les sables et les cailloux roulés qui constituent la majeure partie du terrain de transport ancien de cette pro- vince, se rencontrent presque partout, aussi bien sur les mon- tagnes et les plaines que dans les vallées; ils y forment des couches ou plutôt des nappes souvent très-étendues qui présen- tent de très-grandes différences dans leur composition, ainsi que dans leurs couleurs, qui très-souvent se touchent sans se mêler. Toute la lisière montagneuse qui règne à la rive gauche de la Meuse, depuis Huy jusqu’à Liége, est couverte de ces dépôts; ils offrent souvent une épaisseur de plus de 20 pieds, et se rencontrent surtout aux limites du calcaire anthraxifère et de lampélite alumineux. On peut en voir des exemples à Chokier, à Engis, dans le bois d’Antheit, etc. Ce qui est remarquable, c’est que ce dépôt qui règne le long de cette bande, est prin- cipalement formé de sables jaunâtres et de cailloux roulés quart- (:) Quelques tentatives ont été faites en Allemagne pour substituer la tourbe carbo- nisée ou brute au charbon de bois, dans le traitement métallurgique des minerais; mais jusqu’à présent le succès en est plus ou moins contesté. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 59 zeux d’une blancheur étonnante et ordinairement translucides ('). Des dépôts très-considérables de sables plus ou moins argileux et mélangés de cailloux roulés, existent aussi aux environs de Hol- logne-aux-Pierres (*), de Millemorte, d’Oupeye et de Haccourt, entre Visé et Berneau, Fouron-le-Comte et Mesch, aux bruye- res de Jupille, aux environs d’Angleur et d’Ougrée, au-dessus de Ramet (°), à Ouffet, etc., etc.; mais en général, les cailloux dans ces localités sont plus mélangés et n’offrent guère cette uni- formité qui règne dans ceux que lon trouve le long de la Meuse. Quelquefois ces dépôts ne sont formés que par une argile sa- blonneuse jaunâtre et quelquefois noirâtre qui contient de très- petites paillettes de mica. Il existe un de ces dépôts à Liége, dans le faubourg Ste-Marguerite (‘). Un ciment argileux et calcaire, en s’introduisant dans ces dé- pôts, leur donne quelquefois un peu de solidité, et les conver- tit ainsi en une espèce de poudingue; on en a des exemples au hameau de Croteux, à Haccourt, à Ouffet, etc. Parmi les nombreux débris qui composent le terrain de trans- port ancien, il en est qui sont d’une grosseur considérable, (*) Ce dépôt a beaucoup d’analogie avec celui de quartz hyalin limpide de Fleurus, et la nappe bien remarquable de cailloux roulés, qui s'étend depuis Houssoy jus- qu'à S'-Martin-Balätre , et qui ont été décrits par M. l'ingénieur Cauchy, dans son Mémoire sur la constitution géologique de la province de Namur. (2) Principalement dans un hameau appelé Croteux. (5) Dans cette localité, les cailloux sont en grande partie d’une blancheur écla- tante. (4) Ge sable argileux s’exploite pour les besoins des mouleurs et des fondeurs de Liége ; il est très-fin, se comprime bien et est assez réfractaire. Blocs erratiques 60 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE et qui atteignent quelquefois un volume de plusieurs mètres cubes. Ces blocs, qui en raison de leur volume ont été désignés par les naturalistes sous le nom de blocs erratiques (), sont presque toujours des roches de quartz compacte ou grenu, des brèches et des poudingues quartzeux, dont les angles sont ordi- nairement arrondis, mais qui dans quelques cas présentent des arêtes à peine émoussées. Ces blocs se rencontrent sur toute espèce de terrain, et s’ob- servent sur les montagnes, dans les vallées et sur les plaines, mélés avec des cailloux roulés, ou bien isolés au milieu des sables et des argiles. L'on en trouve dans la vallée de la Meuse et dans celles de la plupart des autres rivières, sur les hauteurs qui environnent Liége (*), Huy, etc., dans les environs de Herve et de Verviers, sur les plateaux du Condros (°), etc. Si l’on cherche à déterminer le lieu originaire de ces blocs, on s'aperçoit bientôt que la plupart de ces masses ont la plus (*) Les blocs erratiques de la province de Liége diffèrent de ceux qui abondent dans certaines parties de la Hollande, de la Westphalie, du Hanovre, du Brande- bourg, de la Suède, de la Pologne, de la Russie, de la Suisse, de la France, etc. , en ce que, dans ces localités, les blocs erratiques consistent en général en granits et autres roches des terrains primitifs. (2) On en a rencontré beaucoup en creusant au-dessus de la Chartreuse pour faire les fortifications. Dans les blocs erratiques de cette localité, on reconnaissait des roches analogues à celles de la limite du Condros et de l’Ardenne, et principalement des poudingues. (ë) Dans ce passage, je ne désigne par ce nom que la portion de la province de Liége qui est connue vulgairement sous cette dénomination. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 61 grande analogie avec les roches qui constituent les Ardennes. C’est ainsi que j'ai observé qu'un énorme bloc de roche quart- zeuse et grenue, d’un gris-bleuâtre, que l’on avait découvert en creusant les fondemens des nouvelles fortifications de la citadelle de Liége ('), avait la plus grande ressemblance avec une roche des environs de Vieil-Salm et de Fraiture, en Ardenne, qui est remarquable non-seulement par les cubes de fer sulfuré qu’elle renferme, mais encore par une foule de cellules de diverses grandeurs, présentant les cavités cubiques (*) du fer sulfuré, dont la disparition est une énigme, vu que la pierre dure qui les contenait est restée dans son entier, et qu’elle ne présente pas la moindre fissure. Puisque nous avons vu que les argiles, les sables et les cailloux roulés constituant la majeure partie du terrain de transport ancien, se rencontrent presque partout, aussi bien dans les vallées que sur les plateaux, il est mdubitable qu’on doit en trouver de même dans les fentes et les autres cavités qui existent dans presque toutes les roches, etnotamment dans les calcaires; c’est aussi ce quiarrive. Dans la province de Liége, on observe dans plusieurs roches, et surtout dans les roches de calcaire anthraxifère (°), que les (:) On rencontre encore des blocs et des cailloux roulés de cette roche dans la vallée de la Meuse, à la Chartreuse et aux environs de Herve. (2) On y remarque cependant aussi quelques cavités rhomboïdales , mais je ne sais à quelle substance les rapporter. M, Dethier en possède un échantillon, provenant du bassin du Glain au-dessus de Vieil-Salm , qui renferme quelques cristaux rhomboïdaux , qui ressemblent à la chaux carbonatée magnésifere. (5) Aussi dans le terrain houiller; les Failles par exemple. Terrain de transport ancien dans les fen- tes et cavités des roches des terrains plus anciens. 62 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE fentes et les autres cavités sont souvent remplies de cailloux roulés, d'argile, de sable et de fragmens de la roche même où ces fentes existent, et dont les angles sont presque toujours arrondis. Ces débris de roches anciennes y sont disposés pêle- mêle et dans des proportions très-variables ; mais en général les argiles dominent. Ces différentes substances sont assez souvent réunies entre elles par des tufs calcaires et des stalagmites, qui y forment quelquefois plusieurs assises très-distinctes. Cunernés à ossemens Les nombreux ossemens fossiles (‘) enfouis dans des argiles, de ldustrie lu- des cailloux roulés et des stalagmites, qui ont été trouvés dans les fentes et les cavernes des roches calcaires du Hartz, du pays de Baireuth, de la Franconie, de la Westphalie, de la Carniole, de la Hongrie, de l'Angleterre (*), de la France (°), firent présumer qu'il pourrait bien en exister aussi dans les cavernes calcaires de ia Belgique. Les premières recherches ne produisirent aucun résultat ; mais en 1828, M. le professeur Van Breda entreprit quelques fouilles dans la caverne de ÆRemou- champs, et il parvint au bout de quelque temps, à percer une couche de stalagmites, sous laquelle il trouva, dans une argile jaunâtre et quelquefois noirâtre, contenant aussi des cailloux roulés, une certaine quantité d’ossemens non pétrifiés, parmi lesquels il reconnut parfaitement ceux de l'Hyène fossile de (:) G. Cuvier, Recherches sur les ossemens fossiles, 1823. (2) Buckland , Reliquiæ Diluvianæ, ete. , 1 vol. in-4°. Londres, 1823. (3) Voyez, pour les nouvelles découvertes faites dans les cavernes de la France, l'intéressant ouvrage de Marcel de Serres , intitulé : Géognosie des terrains tertiaires , 1 vol. in-8, Montpellier, 1829, où il démontre l'existence de débris de poterie , mélés à des ossemens humains et à ceux de mammifères terrestres , d'espèces perdues. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 63 Cuvier, ou Hyène des cavernes, et ceux d’un petit animal ron- geur, qui parait être le même que celui qui a été décrit par Buckland, dans son ouvrage déjà cité. L'année suivante, M. le docteur Schmerling découvrit de nombreux ossemens fossiles à Chokier, et en 1830 et 1831, il en rencontra encore d’autres, dans une infinité de localités ('). M. Schmerling ayant fait part de ses belles découvertes à la société des sciences naturelles de Liége, j'extrais tout ce qui va suivre sur les cavernes à ossemens de notre province de ses communications et de quelques autres renseignemens que je dois à sa complaisance (°). Toutes ces cavernes sont creusées dans le calcaire anthraxi- fére, et se trouvent preque toutes à proximité ou dans les replis des bandes calcaires, et à différentes hauteurs. Le fond, formé par ces mêmes bancs calcaires, souvent très- irréguliers, est couvert ordinairement par une couche d’une argile compacte, ne contenant aucun ossement, et recouverte elle-même par des terres argileuses d’une couleur jaunâtre, sou- vent noirâtre, dans lesquelles sont enfouis les ossemens, entre- mélés de fragmens et de cailloux roulés de calcaire anthraxifère, de quartz, de silex, etc. Ces terres sont grasses au toucher, et contiennent rarement des parties animales autres que des fragmens d'os. Dans plusieurs localités, cette terre avec tout ce qu’elle ren- (:) Le nombre des cavernes à ossemens est actuellement de vingt-huit à trente. (2) La superbe collection d’ossemens fossiles de M. Schmerling mérite l'attention de toutes les personnes qui s'occupent de géognosie et d'anatomie comparée. 64 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE ferme, est pénétrée par une concrétion calcaire, qui forme des masses très-dures, adhérant fortement aux parois des cavernes, et constitue ainsi de véritables brèches osseuses. On en a trouvé surtout à Chokier, où elles occupaient au moins les ? de la cavité. Dans d’autres cavernes, une couche de stalagmite plus ou moins épaisse, recouvre en partie ou bien entièrement la terre argileuse qui renferme les débris d'animaux. Les ossemens sont disposés péle-mêle dans ces brèches, à différentes hauteurs, souvent entre des masses calcaires, qui les ont brisés, d’autres fois dans la terre argileuse, qui les a par- faitement conservés. Rarement on réussit à réunir dans la même localité, les parties complètes d’un même individu. Le degré de décomposition de ces ossemens est très-variable ; quelques-uns ne contiennent plus de gélatine, tandis que d’au- tres en contiennent encore; cela tient principalement aux loca- lités. Dans les endroits secs, ils sont parfaitement conservés ; au contraire, là où l'air et l’humidité ont pu agir, le degré de dé- composition de ces débris est quelquefois tel, que les os les plus durs se réduisent facilement en poussière. En général, les os de petite dimension sont mieux conservés que les grands. Leur pesanteur spécifique est très-variable ; ceux qui ont séjourné dans des endroits secs sont très-légers, tandis que ceux qui ont été recueillis dans des endroits humides, ont souvent plus de poids, à cause du carbonate de chaux qui y remplace la gélatine. Ces ossemens offrent en général assez de résistance; ils se fen- dent le plus souvent sur leur longueur; et quand on les frappe, ils donnent un son presque du métallique. Leur couleur est très-variable, et quoiqu’en général, chaque DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 65 caverne fournisse des restes qui se distinguent par quelques ca- ractères, on trouve cependant dans la même localité des ossemens de différentes couleurs; en général ils sont blancs et jaunâtres, mais quelquefois bruns et noirs. Parmi les restes d'animaux de tout âge réunis pêle-méle dans ces brèches, il en est qui paraissent avoir été cassés et mutilés avant leur décomposition; d’autres sont arrondis d’un côté, et même quelquefois dans tous les sens, et portent des preuves évi- dentes d’avoir été roulés. Aucun de ces ossemens fossiles, quoique le nombre recueilli depuis deux ans s'élève à des milliers, n’a présenté la moindre trace d’avoir été rongé (). Au nombre des observations remarquables qui ont été faites par M. Schmerling dans les cavernes de notre province, une des plus importantes, est d’y avoir démontré la présence de débris de l’homme et quelques monumens de son industrie (*), associés et confondus avec les restes d'animaux dont beaucoup d'espèces sont perdues. Ce fait important a été constaté dans les cavernes de Chokier, d’Engis (*), d'Engihoul, de Ramioul, du Trou-Manteau , et des Fonds-de-Forêt. (:) Dans aucune des nombreuses cavernes à ossemens de notre province, onn’a ren- contré des excrémens d’hyènes , d'ours, etc. (2) Ces monumens de l’industrie humaine consistent en fragmens de silex taillés en prismes triangulaires, aplatis, qui ressemblent beaucoup aux couteaux et aux bouts de flèches de silex des Indiens, et en os taillés en forme d’aiguilles, de cornes, d’a- mulettes, etc. On a aussi découvert quelques morceaux de poterie et de fer; maisje pense que ces objets sont d’une date très-récente. (3) C’est la caverne d’Engis qui a fourni les premiers ossemens humains. On entre, Tom. IX. 9 66 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Les recherches et les comparaisons exactes de M. Schmerling lui ont fait reconnaitre parmi ces ossemens, les restes d’animaux bien remarquables, qui appartiennent aux genres et espèces suivans : GENRES ET ESPÈCES. LOCALITÉS. L'homme (1) . . . . . . . . . . . Engis, Engihoul, Ramioul et Trou-Manteau près de Huy- L'éléphant primigenius. . . . : : .: . (Chokier et Engis. L’hippopotame de la petite espèce?. . . . Chokier et les Fonds-de-Forêt. Le sanglier, . . . . . . . . . . . Engis et les Fonds-de-Forêt. Le cochon domestique. . : . . . . . Chokier, Engis, Engihoul, Huy, les Fonds-de-Forêt, — d’une espèce plus petite. . . . Idem. Le rhinocéros tichorinus : LT — leptorhinus PU. 2... 14 Chokier, Engis, Goffontaine et les Fonds-de-Forêt, — minulus . TU Le cheval ordinaire. . . . . . . . . ŒÆEngis, Engihoul, Chokier , les Fonds-de-Forêt, Huy, Goffontaine, Berneau et Comblaiu-au-Pont. — d'une petite espèce . .-. . . Chokier. dans cette caverne au moyen d’une corde de 40 mètres de long. A l'époque de sa première visite dans cette caverne, M. Schmerling trouva , au milieu de la première cavité, une brèche qui contenait beaucoup d’osselets de rongeurs, des dents de ru- minans , de cheval, d'ours , d’éléphant, et un fragment de rhinocéros. Dans la partie inférieure de cette brèche, il découvrit un os du métacarpe fortement engagé dans la couche de stalagmite , et en dessous un crâne humain (l'os frontal, les deux pariétaux, un temporal et l’occipital plus ou moins endommagés). Ce crâne se trouvait dans laterre, mêlé avec des dents d’hyènes, d'ours , de rhinocéros, etc. La couleur et le degré de décomposition de ces os ne différaient point des autres débris d'animaux. L'absence de la face n’a pas permis de déterminer au juste la race d'homme à la- quelle ce crâne a appartenu. Sa forme allongée (*) et le peu de largeur du front sont assez remarquables en le comparant à une tête d’européen. Indépendamment de ce crâne, on a encore recueilli dans cette caverne la tête d’un jeune individu, un os frontal , une clavicule, un cubitus, deux phalanges , des parties de fibula et de tibia et des os du métacarpe. () Accompagné, dans plusieurs localités , de monumens de son industrie. (*) Du reste ce crâne appartient à un vieil individu, car les sutures en sont consolidées. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. GENRES ET ESPÈCES. L’äne ordinaire Le renne Le daim. Le cerf de deux espèces différentes Le chevreuil L’antilope La chèvre . LUE Le mouton de deux es Le bœuf ordinaire Le Buffle? 4 ME La chauve-souris; plusieurs espèces. . Le hérisson. La musaraigne? . La taupe L'ours priscus. — spelœus. — arctoideus? (1) . Le blaireau. Le grison La marte de quatre PRE différentes Le putois La beleue . La genette . Le chien spelœus Le loup spelœus . Le renard de deux espèces en dunes (2). L'hyène spelæa Le felis spelæa . s — de trois espèces hs E ; L'écureuil La souris ordinane . Le rat. 5 Le campagnol. 67 LOCALITES. Chokier, Engis et Engihoul. Chokier, Engihoul et les Fonds-de-Forèt. Engis, les Fonds-de-Forêt et Chokier. Engihoul, Chokier et les Fonds-de-Forêt. Engis, Engiboul, les Fonds-de-Forêt et Rermouchamps. Chokier et les Fonds-de-Forêt. Engis, Engihoul et les Fonds-de-Forét. — Chokier et les Fonds-de-Forèt. Dans toutes les cavernes. Les Fonds-de-Forêt et Engis. Chokier, Engis et les Fonds-de-Forêt. Engis et Engihoul. Chokier. — Engihoul , Engis et les Fouds-de-Forèt. Engihoul. Chokier , les Fonds-de-Forêt, Evgihoul et Huy. Engis, Engihoul , les Fonds-de-Forêt, Huy, Tilf, Ber- neau et Goffontaine. Engis et les Fonds-de-Forèêt. — Engihoul, Chokier, Goffontaine et les Fonds- de-Forêt. Engihoul et Berneau. Chokier. Chokier et les Fonds-de-Forèt. Engis, Chokier et Goflontaine. Chokier, Engis, Huy, Goffontaine et les Fonds-de-Forèt. Chokier, Engis, Engihoul, Huy, Goffontaine et les Fonds-de-Forêt. Chokier, Engis, Huy, Forêt, Remouchamps et Gof- fontaine. Goffontaine et Engis. Chokier, Engihoul, Engis, Goflontaine, Tilf et les Fonds- de-Forèt. Chokier. — etles Fonds-de-Forêt. — Engis et les Fonds-de-Forêt. — et les Fonds-de-Forêt. Goffontaine, Engis, (1) Parmi les ours de nos cavernes, M. Schmerling a reconnu de nouvelles espèces, dont il se propose de publier sous peu la description. (2) M. Schmerling fait imprimer actuellement la description de ces deux espèces. 68 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE GENRES ET ESPÈCES. LOCALITÉS. Le rat d'eau . . . . . . . . . . . Berneau, Chokier et les Fonds-de-Forët. Le castor . M ONE MENT Chokier. L'agouti 10-26 PAR NET _— Lelièvre. EME ON 2. MST: Pans toutes les CayerneE: EU Do nec nhag à rbbrué CHE A HE PM ÉNICU ESC Chokier etles Fonds-de-Forêt. L'alouetté . . . . . . . . . . . . Engis, Chokier, et les Fonds-de-Forèt. Le Martinet. . . . . . . . . . . . Les Fonds-de-lorèt. Lecorbean. ee EN EL ET ont Le coq domestique . . . . . : +: . . Chokier, Engihoul, Engis, Goffontaine et Tulf. Le pigeon . . . . . . . . . . : . Les Fonds-de-Forèt, Engis et Engihoul. TPoie RC M RS SL PERTE PE SEMI ET HO Le canard {1}. . . + . . . . . . . Les Fonds-de-Forêt et Engihoul. Indépendamment des ossemens fossiles découverts depuis peu dans les cavernes de cette province, on en a encore rencontré dans le terrain de transport ancien, qui couvre une partie des mon- tagnes. La première découverte de ce genre date de 1830. C’est encore à M. Schmerling qu’elle est due; il la fit à peu de distance du village de Chokier, dans le chemin du hameau de Trixhe. Les débris recueillis dans cet endroit, vers la partie inférieure d’une masse de 5 mètres d'épaisseur, composée de plusieurs couches de gravier et de terre argileuse, contenant des cailloux roulés de quartz, de silex et des blocs de calcaire anthraxifére, consistaient en quelques fragmens d’ossemens de cheval, en dents et ossemens de rhinocéros, que M. Schmerling croit pou- voir rapporter à l'espèce la plus anciennement connue : /e rhinocéros à narine cloisonnée. (‘) On y a aussi rencontré des coquilles des genres helir et bulimus, une dent de squale (Engis), des vertèbres et des écailles de poisson , des baculites (dans les Fonds- de-Forêt) et des térébratules. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 69 TERRAIN TERTIAIRE. Syn. Terrains yzémiens thalassiques (*) ou de sédiment supérieur, Alex. Brongniart (°). Terrains mastozootiques , D'Omalius D’Halloy. Le terrain qui comprend l’ensemble des groupes stratifiés , placés au-dessus de la craie, mais qui quelquefois se trouvent im- médiatement au-dessus de roches plus anciennes, n’est pas bien développé dans la province de Liége; il ne consiste qu’en sables à grès blanc, différant bien peu de ceux qui accompagnent les ar- giles plastiques (°). Ces sables sont en général de couleur blanche, et ne sont formés ordinairement que d’un assemblage de très-petits grains anguleux de quartz assez souvent pur, mais quelquefois mélé d’argile et de marne calcaire. Ils forment des dépôts peu puissans , dans lesquels on trouve presque toujours de gros blocs ou des couches de grès de très-peu d’étendue. (:) Ou de la mer. (2) Dans son tableau des terrains qui composent l'écorce du globe , M. Brongniart en a fait le premier ordre de sa masse des terrains yzémiens. Cet ordre est divisé par lui en sept groupes : terrains yzémiens thalassiques, épilymniques , protéiques ou marno- sableux marins, palæothériens, tritoniens ou calcareo-sableux, marno-charbonneux , argilo-sableux et clastiques. (5) Je ne place pas nos argiles plastiques dans ce terrain, parce que les observations faites par M. Cauchy, et énoncées dans son Mémoire sur la Constitution géologique de la province de Namur, et celles que j'ai été à même de faire, me portent à croire qu'elles appartiennent , ainsi que les dépôts métallifères, au terrain de transition. Composition. Sables. Grès blanc 70 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Le grès (‘) qui constitue ces blocs, est ordinairement blanc ou grisâtre, rarement rougeätre , jaunâtre ou noirâtre. Sa cassure est inégale et offre un assemblage confus de parties plus ou moins anguleuses et brillantes, agrégées entre elles, comme celles des dolomies. Il est translucide sur les bords, raie fortement le verre, et ne fait pas effervescence dans les acides. Sa consistance est très-variable ; tantôt les grains sont très- peu adhérens les uns aux autres; un simple choc suffit pour les séparer et pour faire tomber en sable un morceau assez consi- dérable; d’autres fois sa dureté et sa consistance approchent de celles du silex. À l'exception de quelques échantillons d’un grès blanchâtre, schistoïde qui contenait des vestiges de pecten et d’ostrea , et que Von m’a assuré provenir des environs de Moresnet et Gimenich ; les nombreux morceaux de cette roche que j'ai examinés ne m'ont Jamais paru contenir des corps organisés (°). Les substances métalliques y sont aussi très-rares; cependant j'ai trouvé dans celui d’Angleur quelques veinules de fer hydraté, et dans celui de Thisne quelques petites dendrites qui m'ont paru être du manganèse oxidé. Il n’est pas à ma connaissance qu’on ait jamais observé dans la province des cailloux de quartz blanc dans cetteroche;mais M. D’O- malius D’Halloy en a observé dans celui de la province de Namur, (:) I est rangé par M. Brongniart dans le groupe des terrains yzémiens thalassiques protéiques ou marno-sableux marins. (2) M. Courtois m'a assuré avoir trouvé dans les carrières de Moresnet, dans le grès blanc, des empreintes de feuilles d’un arbrisseau, semblables à celles du saule aquatique et parfaitement conservées. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 71 et J'ai été quelquefois à même d’en voir dans le grès blanc de la province de Limbourg. La surface supérieure des blocs de ce grès a presque toujours une apparence arrondie, qui ne paraît pas être l'effet du frotte- ment, mais, comme le dit fort bien M. D'Omalius D'Halloy ('), qui présente des circonvolutions ou larges mamelons à peu près semblables à ce qui se forme à la superficie d’une pate molle, sur laquelle on projette, d’une certaine hauteur, d’autres parties de la même pâte. Les couches de peu d’étendue qu’il forme assez rarement, sont bien distinctes, d’une épaisseur souvent très-considérable et ordinairement horizontales. Ce grès, assez commun dans plusieurs autres provinces de la Belgique, se rencontre dans celle de Liége sur plusieurs points : 1° à Angleur près de Liége, en blocs mamelonnés plus ou moins gros, disposés dans un sable à peu près de même nature, sur le sommet de la montagne calcaire et psammitique, qui est couron- née par le petit bois nommé Sospinet. Ces blocs sont quelquefois utilisés; lon en forme des meules et des pièces propres à la construction des creusets des hauts- fourneaux (°). 2° En blocs quelquefois très-considérables enfouis dans le ter- rain crayeux des environs de Thisne en Hesbaye. Dans cette localité, le grès paraît constituer une formation assez étendue qui est recouverte par le terrain meuble; cependant (1) Pag. 94, Mémoires déjà cités. (2) On s’en est servi à ce dernier usage dans le haut-fourneau à coke de Seraing. Argile et roche sa- blonneuse salifère. 72 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE on l’a parfaitement reconnu à la carrière de pierres à paver qui existe au lieu dit Rees, entre Thisne et Merdop. Le grès de cette carrière, où on a déjà fait exécuter beaucoup de pavés et des bornes, est très-dur et d’un bon usage. Le voisinage de la grande route de Huy à Tirlemont activera sans doute cette exploita- tion, et fera connaître l'étendue de cette formation. 3° En couches puissantes inclinant faiblement au nord-ouest et constituant à la limite de la province, une bande qui s’étend du nord au sud, depuis Gimenich jusqu’au nord de l'exploitation de calamine de la Vieille-Montagne. On rencontre encore ce grès blanc près de Steneuberg, au nord de Montzen et entre Clermont et Thimister. On l’exploite comme pierre à pavés, prin- cipalement aux environs de Moresnet et de Gimenich. Dans ces dernières localités, le grès blanc parait reposer sur le terrain de calcaire anthraxifère et psammitique, mais il pourrait bien appartenir à un système inférieur de la formation crayeuse, attendu qu’il avoisine la glauconie sableuse, et que dans quel- ques endroits il est recouvert par des sables contenant quel- quefois des grains verts et bruns de silicate de fer et des frag- mens de pétrifications analogues à celles de cette glauconie. Je crois pouvoir placer dans le terrain tertiaire une argile et une pierre sablonneuse salifère, que l’on rencontre à la partie supérieure , ou à trés-peu de profondeur dans la havée de Han- nut aux environs de Lincent, en Hesbaie ("). La première de ces substances est jaunâtre, très-friable, et contient des débris de substances végétales non pétrifiées : la se- () J'en dois la connaissance à M. Loyens, fils, docteur en médecine, à Liége. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 73 conde est un peu plus solide, d’un jaune pâle et sale , et contient quelques vestiges de coquilles bivalves. Toutes les deux ont une très-légère saveur salée, due à de l’hydro-chlorate de soude et de chaux. Les réactifs chimiques, et principalement l'acide sulfurique, loxalate d’ammoniaque , le chlorure de platine, m’y ont fait reconnaître l'existence de ces substances minérales salifères. Leur présence en Hesbaie tendrait à appuyer la supposition qui a été énoncée par M. Du Rondeau, dans un Mémoire sur la nature du sel commun dont les anciens Belges et Germains faisaient usage (‘). L'auteur démontre suffisamment dans ce Mémoire, qu’il existait à cette époque reculée des marais salans en Bel- gique. TERRAIN SECONDAIRE. Syn. Terrain yzémien ou de sédiment, Alex. Bron- gniart (*). FORMATION DE LA CRAIE. (Terrain crétacé, D'Omalius D’'Halloy.) Cette formation recouvre, en général, et en stratification dis- (:) Mémoire inséré dans le premier volume des Mémoires de l'Académie Impériale et Royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles. (2) Dans son tableau des terrains qui composent l'écorce du globe , M. Brongniart a Tom. IX. 10 P Etendue. Composition. 74 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE cordante , les terrains houiller, anthraxifère (') et ardoisier. Elle constitue toute la partie supérieure du sol de la Hesbaie, à lex- ception de la plus grande partie de la lisière analogue au Condros, et elle se prolonge par lambeaux sur la partie de la région du Condros qui s'étend entre la Meuse et la Vesdre, jusqu'aux en- virons d’Aix-la-Chapelle. Aussi cette formation fait partie de ces vastes dépôts, qui se continuent d’un côté avec la Flandre, et qui, traversant la Meuse au-dessous de Liége, s’étendent jusqu'aux rives du bas-Rhin pour descendre de là jusqu’à la mer, par une pente insensible. Sa superposition au-dessus des terrains que nous avons désignés plus haut se remarque souvent, surtout dans les vallées où cou- lent les petites rivières et les ruisseaux qui se jettent à la rive gauche dans la Meuse entre Huy et Maestricht, mais on n’apercçoit nulle part de liaison entre la formation crayeuse et les terrains à couches inclinées qu’elle recouvre. Cette formation se distingue en quatre étages bien caractérisés : les sables, la craie, la glauconie crayeuse, plus ou moins argileuse, et la glauconie sableuse. Les couches de ces différentes substances sont généralement horizontales (‘); mais cette stratification est quelquefois peu caractérisée : alors la formation crayeuse se pré- sente comme un massif puissant, divisé par des fissures assez nom- fait, dans sa masse des terrains yzémiens , un 2»: ordre , désigné sous le nom de terrains yzémiens pélagiques (*), ou terrains de sédiment moyens. Cet ordre est divisé en quatre groupes : terrains yzémiens pélagiques crétacés , arénacés , épiolithiques et jurassiques. (:) Terrain composé de calcaire anthraxifère, de schiste argileux et de psammite. (2) Près de Fexhe, j'ai observé des bancs de craie qui inclinaient au nord-ouest. (*) Ou de la haute mer. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 75 breuses qui le séparent en grandes parties irrégulières ; mais si les fissures masquent quelquefois la stratification, les silex qui se montrent dans cette formation en lits nombreux et très-souvent parallèles, ne laissent aucun doute sur son horizontalité générale. Les différens étages qui composent cette formation ne se trou- vent pas également dans toutes les localités ; quelques - unes manquent dans certains endroits, ou n’y existent qu’en petites portions, tandis que d’autres s’y développent considérablement ; de sorte que la formation crayeuse se trouve divisée en gisemens particuliers, dont les uns présentent des sables et les autres de la craie et des glauconies. Le tableau suivant, dressé d’après des renseignemens pris sur les lieux, montre l’ordre et l'épaisseur de la formation crayeuse des environs de Battice, près de Herve. En approfondissant la bure Janson, à 10 minutes de Battice , commencée le 12 octobre 1825, on a trouvé : TOISES, PIEDS, POUCES, Terre végétale et argile. . . . . . . . 0 4 3 Craie arénacée et marne . . . . . . . 8 0 0 Sable bleuatre. . . LD ess 8 0 0 Glauconie tr verte et 1 pu ou moins ar- gileuse(1) . . - 0 1 5 Terre glaise d’une ténacité et din ne extraor- dinaires et qui a beaucoup de rapport avec latterre A ONIDNE NNEEC TO TN 0 Il 5 ANRERORTER 4 crue 17 1 3 (:) Elle contenait une grande quantité de petits cailloux quartzeux, bleus et arrondis, et des de- bris de coquilles. Sables, 76 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE TOISES. PIEDS. POUCES. REPORT, « . 017 1 3 Sable gris assez cohérent et renfermant, surtout vers la partie inférieure, des morceaux de houille et de lignite fibreux quelquefois PYTHON (L) 21 un de NN OU EPS 3 3 5 Épaisseur totale. . . . . 20 4 8 Cette formation en couches horizontales recouvre le terrain houiller de cette contrée. Les pétrifications que la formation crayeuse de la province de Liége contient, sont assez nombreuses; cependant il en est quel- ques-unes qui appartiennent plus spécialement à certaines roches de cette formation qu’à d’autres : du reste, les débris de corps organisés sont ordinairement plus abondans dans les couches inférieures que dans les supérieures. Les sables, les argiles, etc., de ces étages, ont concouru avec les débris de la craie à produire la couche de terre meuble qui recouvre presque généralement le sol de la Hesbaiïe et de la partie du Condros située entre la Meuse et l’ancienne route de Liége à Aiïx-la-Chapelle, et qui en fait des pays assez fertiles, où l’on cultive avec avantage, surtout dans la Hesbaie, les plantes céréales et oléagineuses. Les sables qui, dans une infinité d’endroits de la province, forment des dépôts considérables sur les terrains anciens, et sur- tout sur la craie et les glauconies, présentent des caractères diffé- (:) Je pense que c’est le poudingue connu sous les noms de tortia et de gravi, mais beaucoup plus fin. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 77 rens : les uns sont ordinairement blancs et jaunâtres, les autres plus rares, rouges , bruns ou noirs. Ces couleurs, qui se trouvent souvent réunies dans une même localité, se touchent sans se mêler , et offrent ainsi des limites bien tranchées. Ces sables sont assez souvent très-siliceux, mais d’autres fois ils sont très-argileux et très-calcaires. Les dépôts qu’ils forment sont ordinairement placés horizonta- lement sur les autres membres de la formation crayeuse, mais quelquefois sur les terrains anciens; ou bien ils y gisent dans de grandes cavités, en forme de bassins et de fentes. Dans certaines parties de la Hesbaie, par exemple dans les environs de Landen, de Hollogne-sur-Geer, etc., ils forment des dépôts très -considérabes, qui constituent la majeure partie du sol, et qui s'étendent , en accompagnant sans doute la formation crayeuse, jusque dans les provinces de Namur, du Brabant méri- dional et de Limbourg (). (x) Dans cette province, ils recouvrent en général la craie tuffeau de M. D'Omalius D'Halloy, connue vulgairement sous le nom de sable de Maestricht (*), de Sighem, de Fauquemont, de Henesdal (**), qui se trouve au-dessus de la craie blanche : fait qui peut se constater dans plusieurs endroits, au pied des coteaux qui bordent la rive gauche de la Meuse, entre Maestricht et le village de la Naye, près des limites de la province de Liége. (*) On trouve dans les anciennes constructions de Liége un calcaire jaunätre à tissu grossier , que l'on dit provenir des environs de Maestricht, mais dont on ignore les carrières, Les caractères phy- siques et chimiques de cette roche, les pétrifications qu’elle contient quelquefois, et son transport facile par la Meuse me portent à croire qu'elle provient des belles carrières creusées dans le calcaire oolithique et à gryphites qui se trouvent entre Mézières et Sedan ( département des Ardennes): carrières qui fournissent de superbes pierres de construction. (**) IL.existe à Henesdal près de Hex, entre Oreye et Looz, de vastes exploitations souterraines, creusées de temps immémorial. Plusieurs personnes de Liége y ont découvert des pétrifications ani- males analogues à celles de la montagne de St.-Pierre près de Maestricht. Silex. Bois silicifies. 78 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE On rencontre des dépôts de ces sables dans le bois de Herve vers Soumagne, à Rocour, aux bruyères de Jupille, à Warnant , à Ste.-Walburge près de Liége, etc. Ces sables contiennent ordinairement des quartz agathes pyro- maques gris et blonds ('), et rarement noirs, en morceaux de diverses grosseurs, branchus, mamelonnés, et ordinairement recouverts d’une croûte blanchâtre, pénétrant plus ou moins dans la masse, qui happe à la langue, et qui fait quelquefois effer- vescence dans les acides. Les silex y forment quelquefois des couches, mais ordinairement interrompues. Ils contiennent assez souvent des pétrifications animales, qui sont semblables à celles des silex de la craie dont nous parlerons bientôt. Ces sables renferment quelquefois des morceaux de bois sili- cifié ; on en a des exemples aux environs de Wezerain près de Landen, à Rocour près de Liége (°), et près de Henri-Chapelle (°). Dans la première de ces localités, ces bois silicifiés sont assez nombreux et d’un volume plus ou moins considérable; ils sont ordinairement placés horizontalement. (:) J'ai observé dans ceux des bruyères de Jupille des morceaux qui ne présentaient à peu près qu’un assemblage d’entrochites dont les diverses rouelles étaient très-min- ces et séparées par des vides qui offraient de très-petits cristaux de quartz. (2) J'en possède deux échantillons que j'ai trouvés en 1822 dans les sablières de cette localité. (3) Robert de Limbourg cite cette découverte dans son Mémoire pour servir à lhis- toire naturelle des fossiles des Pays-Bas (Mémoires de l’Académie Impériale et Royale des sciences de Bruxelles, vol. I, pag. 398). DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 79 Les deux échantillons que j’ai trouvés à Rocour, ne se rapportent à aucun bois connu, ils sont noirs, à cassure résineuse et percés de tarets. Les sables de la plupart de ces localités servent aux mou- rmproi des sabtes. leurs, et pour la confection des mortiers. Je crois pouvoir rapporter à la formation de la craie, les sables Sables à silex du Con. plus ou moins argileux, et avec silex, qui se rencontrent dans quelques parties de l’Ardenne et du Condros; cependant ces silex paraissent moins compactes que ceux de la craie, et par leur exposition à l’air, ils prennent souvent des couleurs très- vives, parmi lesquelles on distingue principalement le rouge très- prononcé et le rouge-brun, ce qui les fait prendre quelquefois pour des cornalines et des sardoines. Ces silex, ordinairement en fragmens anguleux ou en masses tuberculeuses, s’observent dans beaucoup d’endroits : 1° À Beaufays et dans les environs, enclavés dans des sables très-siliceux , au-dessus du système de roches calcaires, schisteu- ses, etc., qui constitue le Condros; 2° Sur toute la côte de la hauteur entre Spa et Francor- champs (‘), depuis les environs de Hockay jusqu’au delà du hameau de Cour, commune de la Gleize , et sur une bonne partie des bords du ruisseau des Eaux-Rouges, entre la douane prus- sienne et le hameau d’Amermont près de Stavelot. Les silex de ces localités ne donnent aucun indice de calcaire, pésrifeutions. (:) A partir de cette hauteur, le pays a une pente assez forte et assez régulière vers Liége, dans la direction du sud-est au nord-ouest. Craie blanche Marne Emploide la marne. 80 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE mais on y rencontre quelques pétrifications de la craie : par exemple, dans ceux qui se trouvent sur la grande route entre Francorchamps et Spa, j'ai découvert plusieurs pétrifications animales, siliceuses, telles que des patelles, des térébratules , des huîtres indéterminables et quelques oursins et cidarites; parmi les oursins, j'ai reconnu l’Ananchytes conoïdeus de Goldfuss, et l'Ananchytes striatus de Lamarck; parmi les débris nombreux de cidarites, le Cidarites vesiculosus de Goldfuss. La craie blanche, ou chaux carbonatée crayeuse de la province de Liége, me paraît constituer deux variétés bien distinctes : l’une dure et l’autre tendre ; la première est assez sonore, et ne se délite pas à l’air ; c’est celle dont on se sert pour crayonner; elle se rencontre en amas ou en couches peu considérables dans la seconde variété. On l’exploite aux environs de Henri-Chapelle, à Heure-le-Ro- main, à Ste.-Walburge faubourg de Liége, et près d’Oreye. La seconde variété est tendre et friable; elle se délite et se pul- vérise à l'air, où elle se pénètre d’eau et devient comme une argile. Elle est connue sous le nom de maëîe ou mauie. Elle constitue une grande partie de la Hesbaie et une petite portion du Condros. Son massif est très-variable, il atteint quel- quefois une épaisseur de 40 à 50 mètres. On s’en sert beaucoup et avec avantage pour marner les ter- res (‘),et pour préparer par le lavage une couleur blanche que (:) Le marnage se pratique principalement sur les terres qui sont consacrées à la culture des céréales ; il est également favorable aux prairies naturelles et artificielles. On les marne d'autant plus souvent qu’elles sont plus humides et plus abondam- DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 81 l’on désigne sous le nom de petit blanc , et de craie de France ('). M. le professeur Delvaux, qui en a analysé un échantillon des environs de Liége, l’a trouvé composé de : Carbonate de chaux. . . . . . 0,973 EN PE CN EC (DE MAPRESO EE RE EE CC LD TACESS Ces deux variétés de craie blanche ont ordinairement des couleurs très-claires : le blanc, le blanc-jaunâtre, et quelquefois le gris et le brunätre. De toutes les roches de la formation crayeuse, la craie blanche éisement de 1e ere est celle dont la stratification est la moins distincte; cependant dans les puits à marne, on remarque presque toujours des indices de la division en bancs horizontaux. Leur épaisseur varie considé- rablement, puisqu'il en est où elle n’est que de 0,3, tandis que d’autres ont plusieurs mètres d'épaisseur, et vont même à une très-grande profondeur. Elle se montre à découvert dans plusieurs endroits, par exem- ple, à Latinne, Fallais, Vaux, Horion-Hozémont, entre Celles et ment arrosées, La marne est absolument stérile par elle-même; elle n’est favorable à la végétation que par sa propriété d'attaquer l’humus, de le rendre mucilagineux et susceptible d’être absorbé par les végétaux qui croissent avec d'autant plus de vigueur qu'ils en trouvent une plus grande dose dans la terre végétale. Si l’on marnait une terre avec excès , et que l’humus ne fût point en quantité suffi- sante pour la saturer, le terrain serait frappé de stérilité. (:) Cette craie blanche ainsi lavée est ordinairement moulée en petits pains, quelquefois coniques; on en fabrique beaucoup à St*- Walburge, faubourg de Liége. Tom. IX. 11 Silex de la craie. 82 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Saive, Marline, Hollogne-aux-Pierres, Rocour, Slins, Glons, Heure-le-Romain, Hallebaye, Loen au-dessus de Lixhe, Ber- neau, Neufchâteau, Henri-Chapelle, etc., tandis que dans d’autres endroits on ne la trouve qu’à des profondeurs très- variables. La craie constitue quelquefois des collines assez élevées. On en a des exemples à Henri-Chapelle, Loen, Hallebaye, etc. ; entre ces deux endroits elle forme un escarpement très-élevé et très-étendu , qui vient plonger sous la craie tuffeau de la Naye et de la Montagne-St.-Pierre, et fait ainsi partie de la bande es- carpée qui longe la rive gauche de la Meuse, depuis Maestricht jusqu’à Hallebaye, vis-à-vis de Visé. On remarque dans la craie des lits parallèles à la stratification, mais interrompus, de quartz agathe pyromaque (silex ou flints), noirâtre, blond et grisätre, en nodules branchus et à contours arrondis. Ces silex, ordinairement recouverts d’une croûte silicéo- calcaire assez dure, de couleur blanchâtre, renferment presque toujours des cavités irrégulières contenant de la craie, et tapis- sées quelquefois de cristaux de quartz hyalin. Les couches de craie blanche offrent souvent une infinité de petites fissures, colorées quelquefois en jaune par du fer hydraté , et d’autres fois tapissées de dendrites de manganèse oxidé ; mais on remarque que les couches ou les masses de craie ne sont fissurées ordinairement qu'à l'approche d’un changement de formation , ou bien lorsqu'elles sont modifiées dans leur compo- sition. Cest ainsi qu'entre Hallebaye et Loen , où la craie blanche se rapproche beaucoup de la craie tuffeau , elle ne présente qu’un assemblage très-serré de morceaux anguleux de craie solide et DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 83 friable, de nodules de silex et de fragmens d’un calcaire jaunâtre très-compacte et sonore ('), qui ressemble assez à quelques silex gris ou blonds et au calcaire lithographique. Les seuls minerais que l’on trouve dans la craie blanche , mais minerais de ta crie. encore rarement, sont le fer sulfuré, le fer oxidé épigène, le fer hydraté fistulaire et géodique, et des dendrites de manganèse oxidé. La craie blanche de la province de Liége, surtout la variété Pérrifeauons de 1e connue sous le nom de marne, présente un assez grand nombre de pétrifications animales (*), parmi lesquelles on distingue les suivantes : belemnites mucronatus, baculites faujasii , terebra- tula pectita , elongata et bullata , crania antiqua et nummulus , ostrea globosa et plicatula(*), et dans les silex, lostrea plica- tula , les ananchites conoïdeus et striatus , les spatanqus cor-tes- tudinarium , suborbicularis, qibbus ? et bufo, le nucleolites pyriformis , et le cyathocrinites pinnatus. Très-souvent les fossiles qu’on trouve dans la craie, sont convertis en silex en tout ou en partie; M. Brongniart remarque que dans les oursins, l'enveloppe est souvent changée en spath calcaire, tandis que l’intérieur est converti en silice (*). (:) Ce calcaire se montre principalement sur la pente de la montagse derrière Hal- lebaye , en allant à Loen. Quelques essais me portent à croire qu'il peut fournir une chaux ayant des propriétés hydrauliques. (2) Je ne connais aucun exemple de pétrification végétale bien certaine. (3) Cette dernière est très-commune à Thys et à Crisnée près d’Oreye. (4) A Crisnée, j'ai trouvé des belemnites mucronées calcaires, enchâssées dans des silex blonds, dont la cavité conique était remplie par un cône de même silex. 84 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE La craie blanche occupe, comme nous l’avons déjà dit, presque toute la Hesbaie et la partie du Condros située entre la Meuse et l’ancienne route de Liége à Aix-la-Chapelle ("). Son exploitation est très-facile par puits et galeries, en ce que la compacité de la craie permet d’y former des galeries cintrées, qu'il n’est pas ordinairement nécessaire de boiser. Dans quelques localités, telles que Glons, Heure-le-Romain, Hollogne-aux- Pierres, Fallais, Henri-Chapelle, etc., on l'extrait de carrières à ciel ouvert. Usages des silex dela NOUS avons indiqué précédemment les usages de la craie, ceux ‘Es des silex commencent à se propager, car on voit actuellement, en Hesbaie et dans le pays de Herve, des maisons et des chemins construits avec des silex (*) : on s’en sert comme pierre à feu, et aussi pour faire les routes en empierrement (°). Glauconis erayeuse. La glauconie crayeuse (‘), ou craie chloritée, est une roche ÉCHOS ordinairement à pâte de craie blanche, grise ou jaunâtre, renfer- mant une certaine quantité de grains verts de silicate de fer, ou fer chloriteux granulaire. Ces grains manquent quelquefois , ou bien la glauconie crayeuse devient argileuse. La stratification de cette roche est peu marquée; ses bancs (:) On en rencontre cependant encore quelques petits lambeaux à la droite de cette route. (2) On les connaît ordinairement sous le nom de pierre de marne ; on en exploite principalement à Audèche et Latine dans la Hesbaie. (3) Il paraît que l’usage en est mauvais, surtout lorsque les silex sont cassés en pe- tits morceaux. (4) Elle fait partie tantôt du greychalk des Anglais, tantôt du greensand, Conybeare la désigne sous le nom de wpper greensand. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 85 presque horizontaux, sont ordinairement fendillés en tous sens, principalement dans les parties exposées à l'air. Cette roche contient quelques silex pyromaques noirâtres, et minéraux. quelques géodes et filets de fer hydraté, et plus rarement du fer sulfuré, quelques paillettes de mica, et des petits cailloux quart- ZeUx. Les corps organisés fossiles qu’elle contient, quoique quel- pérrifearions. quefois moins nombreux que ceux de la craie, etc., sont encore très-multipliés; les genres et les espèces y sont souvent différens ; dans celle des environs de Landen j'ai trouvé l’inoceramus con- centricus ('), une coquille du genre pholadomya (pl. vnx, f. 6), et quelques débris intérieurs de #rochus , de turbo et de modiola. Dans celle du Thier à Liége, qui est assez argileuse, j'ai découvert la mya plicata, quelques débris de coquilles bivalves qui ont beaucoup d’analogie avec des arches, des vénus, des avicules, des térébratules lisses, la trigonia excentrica et Vos- trea macroptera. Parmi les nombreuses coquilles recueillies dans les environs de Clermont, d’Aubel, de Bel-OEil, de Sinnich, de Teuven, de Schlenacken, etc., j'ai observé les suivantes : belemnites qua- dratus et mucronatus , buccinum undatum ? , pleurotoma fu- siformis, rostellaria parkinsonii, ostrea macroptera, pecten quinque costatus, inoceramus latus, gervillia solenoïdea, cu- (:) Quelquefois avec son émail naturel. On m'a assuré qu’on en trouvait beaucoup en creusant les puits des environs de Nil on Niel , non loin de Landen, 86 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE cullæa glabra, chama conica , crassatella sulcata , cytherea leonina, venus lentiformis? , panopea plicata. La glauconie crayeuse de la citadelle et du Thier à Liége, ainsi que celle des environs de Landen, Latinne, Grâce, Ber- neau, Chénée, Romsée, Melin, Thimister, Battice, Hollogne- aux-Pierres, Herve (°), etc., est remarquable par une pétrification singulière (pl. 1v, fig. 1, 4, 8 et c), qui parait caractéristique de quelques membres de la formation crayeuse de la province de Liége, et qui ne s’est trouvée dans aucune autre partie de la Belgique. On ne sait, jusqu’à présent, si c’est une pétrifica- tion végétale approchant des fucoides ou des lycopodiacées , ou plutôt une pétrification animale voisine des serpules ou des alcyons. Cette pétrification, dont la grosseur ne dépasse jamais celle du petit doigt, est ordinairement contournée en spirale et re- couverte d’un enduit verdâtre ou jaunâtre, qui présente de nom- breuses ranifications saillantes, qui y forment de jolis dessins ou réseaux d’un blanc plus ou moins prononcé. Elle ne présente ni queue ni tête, mais quelquefois, en dehors des spirales, des es- pèces de coudes, et se trouve toujours engagée (°) dans des mas- ses un peu plus dures, qui contiennent souvent des parcelles de fer sulfuré. (*) Dans un endroit nommé Biamont , ou Biaumont , près de Herve, ces petrifications y constituent, avec de la craie plus ou moins argileuse, des espèces de boules plus ou moins volumineuses. (*) On remarque que ces pétrifications forment quelquefois de petits lits interrom- pus. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 87 La glauconie crayeuse se rencontre dans un grand nombre cisemen. de localités, par exemple : aux environs de Landen, entre Latinne et Fallais, à Vieux-Waleffe, Vaux, Villers-le-Bouillet, Verlaine, Hollogne-aux-Pierres, au Berleur près de Grâce, à Ans, Ste-Walburge, au Thier à Liége, à Melin, aux environs de Herve, Clermont, Bel-OEil, Op-Sinnich, Fouron-S'-Martin, Fouron-St-Pierre, Hagelstein, Aubel, S'-Jean-Sart, Neufchâteau, entre Berneau et Visé, etc. Lorsque cette roche offre assez de solidité, on s’en sert comme z0: pierre à bâtir et pour construire des fours à cuire le pain. A l’état friable et crayeux, elle est utilisée pour lier les parties menues de la houille dont on forme des briquettes qui servent de combus- tible. Au-dessous de la glauconie crayeuse et souvent même dans ses Gaue parties inférieures, on rencontre un banc d’argile jaunâtre, rous- Cmposiion satre et grisätre, plus ou moins calcarifère, qui porte ordinai- rement le nom de delle , et qui me parait être le gault, ou qalt des géologues anglais. Cette argile, composée de parties tendres et dures, se désa- grége dans l’eau, est très-liante et retient fortement l’eau. Elle ne contient d’autres substances minérales que du fer sul- pneu. furé et du fer hydraté plus ou moins épigéné. À l’exception de quelques débris d’inoceramus , de cardium , Patio d'ostrea, de nautilus, d'ammonites buchii et de portions con- sidérables du corps fossile , dont il a été question à la page 85 (pl 1v, fig. 1, 4, 8, c), les pétrifications y sont très-rares. Cette argile repose ordinairement sur le terrain houiller et cisemen dans les cavités qui se rencontrent à sa surface. Emplois. Terre à foulon. Caractères et gisement. Minerais. Pétrifications. 88 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE On la rencontre à Horion-Hozémont, Hollogne-aux-Pierres, Mons, Grâce, Glain, Ans, aux faubourgs Ste-Marguerite et Ste- Walburge à Liége, au Thier à Liége, à Visé, Berneau, Forixhe, Belieren , Henri-Chapelle, Aubel, Clermont, Thimister, Boux- hemont, Stockis, Herve, Fecher, Charneux, Mortier, Fafchamps, Cerexhe, Melin, Ayeneux, Fléron, Liery, Beyne, Bois-de-Breux, Romzée, Magnée, Chaumont, etc. On l’emploie pour glaiser les fossés, etc., et quelquefois même lorsqu'elle est grasse et fine pour fouler les étoffes de laine (") ; on s’en sert-surtout pour la mêler avec la houille menue, et en former ordinairement des briquettes à brüler. Je rapporterai encore au gault l'argile smectique ou terre à foulon des environs de Verviers, qui, dans quelques localités, est recouverte par des marnes blanchâtres, bleuâtres et jau- ° nâtres. Cette argile, d’un jaune plus ou moins verdàtre, contenant des parcelles plus foncées, est liante et d’une pâte très-fine; elle se désagrége dans l’eau, se fond au chalumeau et fait très-rarement effervescence avec les acides. Elle est disposée en petites cou- ches et en amas, danis les cavités formées par le calcaire an- thraxifére. On y rencontre quelquefois, surtout vers les parties supérieures, de petites portions de fer sulfuré et hydraté (°). En fait de pétrifications, je n’y ai rencontré jusqu’à présent, (:) Cette argile ne vaut guère pour cet usage l'argile smectique. (2) Dans une exploitation des environs de Verviers, on m’a assuré y avoir trouvé des fragmens de baryte sulfatée blanchâtre. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 89 et encore très-rarement, que des fragmens d’ammonites, de nautilus et le fossile indiqué à la page 85 (pl. 1v, fig. 1,4,8,c). Elle est exploitée près de Verviers, Grand et Petit Rechain, pour Pusage des fouleries de Verviers et des environs. Aux limites de la province, vers Aïx-la-Chapelle, on rencontre, Grauconie sabteure. sur une partie de la commune de Gimenich, etc., une formation sableuse et compacte, qui appartient à la glauconie sableuse (”), mais qui a été désignée par MM. Dechen et Oeynhausen sous le nom de pierre de sable d’Aix-la-Chapelle (sandstein von Aachen). Cette roche, tantôt sableuse et friable, tantôt très-solide et caracrères. calcaire, est ordinairement d’un jaune plus ou moins sale et quelquefois verdâtre et brunâtre; elle est parsemée de temps en temps d’une multitude de petits points de fer silicaté d’un vert foncé. Les parties compactes font effervescence avec les acides, tandis que les autres qui sont sablonneuses ne le font pas du tout. Elle est très-riche en rognons plus ou moins branchus de fer minerais. hydraté sablonneux et de fer sulfuré épigène. Ces deux minerais y sont ordinairement disséminés, mais quelquefois les rognons constituent par leur assemblage de petites couches bien distinctes. Cette formation, principalement dans les parties compactes, Pérrifcarions renferme de nombreuses pétrifications. Sur les bords de la route de Liége à Aix-la-Chapelle, ete, j'ai trouvé dans le bois d’Aix et dans les environs de Gimenich les (*) nferior green sand, grüner sandstein, ete. M. Brongniart les a rangés, dans son tableau des terrains qui composent l'écorce du globe, dans les terrains yzémiens pé- lagiques et arénacés, Tom. IX. 12 Gisement. Poudingue-tourtia. Composition. 90 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE fossiles suivans : belemnites mucronatus et quadratus, baculites faujasii, ammonites buchii, hamites intermedius et rotundus , chama plicata , conica, digitata et canaliculata , trigonia alæformis et arcuata, gervillia solenoidea , ostrea semi-plana , pecten orbicularis, quinque costatus et gracilis, cardium bul- latum, et quelques débris d’arche , de trochus, de nautile, de natice, de rostellaire, de galerites et de squale ("). La glauconie sableuse est disposée en couches minces et alternatives qui inclinent un peu au nord-est. Le terrain qui la contient s'étend depuis Moresnet et les environs de Hergenrath jusqu’au delà d’Aix-la-Chapelle vers le nord-nord-ouest. La formation de la craie de la Hesbaie repose quelquefois, comme celle des Flandres française et belge sur une roche parti- culière, qui est désignée dans certaines parties de la Belgique et de la France sous le nom de fourtia (*), et dans la province de Liége sous celui de gravi (°), et qui est un poudingue à pâte cal- caire et à noyaux siliceux de diverses natures, assez gros dans la (:) Ces pétrifications sont à peu près les mêmes que celles que l’on trouve dans la même roche, à la montagne du Zousberg où Lowisberg à Aix-la-Chapelle ; mais dans cette localité elles sont plus abondantes ; en voici la liste, que je dois à l’obligeance de M. Hoeninghaus de Creveld , conchyliologue distingué : squalus maximus, rostellaria fissura, cerithium excavatum, cardium bullatum, arca cardissa et exaltata, pecten nitidus , versicostatus, grypheatus, orbicularis et gracilis, trigonia arcuata, trochus agglutina- tus, natica epiglottina et spirata , pyrula minima ; strombus papilionatus , hamites an- termedius et rotundus , ammonites buchii , belemnites mucronatus , lycophris lenticularis , baculites vertebralis, nautilus simplex, mitra, crassatella et tornatella (dolium?). (2) Par les mineurs des environs de Valenciennes et de Mons. (8) Nom qui est donné à ce poudingue par les ouvriers qui exploitent la marne ou qui approfondissent des puits en Hesbaie. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 91 partie inférieure, et qui ne sont plus que de petits grains à la partie supérieure. Cette roche, que l’on n’est à même d'examiner que dans quel- ques localités de la province de Liége (‘), renferme quelquefois du fer sulfuré et des fragmens de houille; jusqu’à présent je n’y ai pas observé de débris de corps organisés (°). La couche formée par ce poudingue varie considérablement en épaisseur : aux environs de Hallebaye vis-à-vis de Visé, elle a 2 ou 3 pieds d'épaisseur , tandis qu’à Donceel il paraît qu’elle atteint 8 ou 12 pieds. Les habitans de la Hesbaie, surtout ceux qui approfondis- sent des puits à marne, croient généralement que cette roche se rencontre partout dans la Hesbaie, en dessous de la marne ou craie. TERRAIN DE TRANSITION OU INTERMÉDIAIRE. Syn. Terrains hémilysiens(*), ou terrains de transition semi- compacte , Alex. Brongniart (‘). Terrains primordiaux , D'Omalius D’Halloy. (:) Cela vient probablement de ce que l’on creuse peu de puits à marne jusqu’à la profondeur où ce poudingue se trouve. (2) Dans le département du Nord , en France, etc. On y a trouvé des coquilles ma- rines et des dents de squales (Mémoire sur la géologie du département du Nord, par M. Poirier de St-Brice ; Annales des mines, 1826). (5) C'est-à-dire formés en partie par voie de sédiment , en partie par voie de disso- lution chimique. (3) M. Brongniart divise sa classe des terrains hémilysiens en cinq groupes, qui sont : terrains hémilysiens calcareux , fragmenteux, quartzeux , schisteux ou traumateux et talqueux. Gisement. Ltendue. Bassins. 92 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE FORMATION HOUILLÈRE ('). ( Coal formation des Anglais.) Le terrain houiller de la province de Liége constitue une partie des plus importantes de son sol. Il présente, sur sa plus grande longueur, du nord-est au sud- ouest, c’est-à-dire depuis les environs de Henri-Chapelle, limites de la province vers la Prusse, jusqu’à près d’Andennes, province de Namur, une étendue de 13 à 14 lieues , et sa largeur, qui quel- quefois n’est pas d’un quart de lieue, ne va pas au delà de 3 lieues et demie. Ce terrain fait partie de la suite des bassins ou systèmes de cou- ches de houille, qui s'étendent depuis les rives de la Roër ou de la Rubr au delà du Rhin, dans une direction qui se rapproche du nord-est au sud-ouest, jusqu’au Pas-de-Calais et peut-être jus- qu’en Angleterre, et ont ainsi la même direction que les bandes de terrain qui les environnent. L'ensemble de cette formation houillère peut , à quelques ano- malies près, être considéré comme disposé en bassin, sur le cal- caire anthraxifére , dont les sommités constituent les deux bandes calcaires qui le longent presque généralement. Cet ensemble se divise en trois bassins principaux composés chacun de plusieurs groupes ou assemblages de couches. Ces (*) Cette formation constitue, sous le nom de terrains abyssiques houillers , le hui- tième groupe des terrains yzémiens abyssiques de M. Brongniart. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 93 trois bassins sont : 1° celui de Battice et de Clermont; 2° celui de Liége, et 3° celui de Huy. Indépendamment de ces trois bassins, le terrain houiller en constitue encore quatre autres petits parfaitement isolés, dans les bandes calcaires du Condros ('). Ces quatre petits bassins sont : 1° celui de Juslenville , près de Theux ; 2° celui de Modave; 3° celui de Bois-Borsu et d'Hatrain ; 4° celui d’Ocquier et de Bende. Ces deux derniers sont en exploitation , et les deux autres l'ont été. On a reconnu de nombreuses traces de terrain houiller entre Sinnich et Gimenich, et il paraît méme que ce terrain se déve- loppe suffisamment dans les environs de Sippenacken, puisque l’on vient d’en demander la concession. Ce terrain houiller serait- il une traînée du bassin de C/ermont ou de Rolduc , ou bien con- stituerait-il un nouveau bassin ? On a fait aussi sur différens autres points de la province, des recherches de mines de houille : entre autres : au Moulin près de Landen, en Hesbaie , où l’on a établi, il a 50 ans, deux bures de 40 mètres de profondeur, et d’où l’on m'a assuré avoir retiré une matière noire qui brülait très-bien (°). (:) Quelques personnes prétendent qu'il existe un petit bassin houiller au hameau d'Amblève , à l’ouest d’Aiwaille. On y a jadis exploité de l’ampélite alumineux , mais jusqu’à présent, on n’y a pas découvert de houille, ni les roches qui l’accompagnent ordinairement. (?) Un fait assez particulier et qui se lie avec cette recherche, c’est qu’une personne digne de foi, M. C. de Damseaux , contrôleur du cadastre , m'a certifié qu'aux environs de Landen , sur la droite du chemin de Landen à Rocour, il existe une fontaine ou source nommée Roosbon, qui charrie de petits fragmens de houille. Y aurait-il donc 94 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Les autres recherches que l’on a faites à Stainva près de Lou- vegnez, à Francorchamps , à Ovifa et à Neuville, n’ont amené que la découverte d’une espèce d'ampélite alumineux ou de phyl- lade carburé, contenant des pyrites. Avant de faire la description de chacun de ces bassins, je dois donner un aperçu des roches qui constituent l’ensemble de cette formation ; laissant de côté les détails relatifs à l'exploitation, qui varient dans les diverses houillères, en raison de diverses circonstances dépendantes des localités (') et de la fortune des exploitans. Composition. Les roches de la formation houillère ont entre elles, dans la plupart des localités connues, une ressemblance remarquable par leur constance. Ces roches sont : le psammite commun, le phyllade pailleté, l’argile schisteuse et la houille. Prammite commun. Les psammites communs , ou grès houillers, forment généra- lement des couches de moyenne épaisseur. Ils sont grisätres, Jaunâtres, rougeâtres ou brunâtres, et consistent principalement en grains de quartz, mélangés de quelques grains de fer hydraté ou carbonaté , de quelques particules argileuses et d’écailles de mica, dont la faible cohésion les expose facilement à se désagréger. Rarement ils se présentent sous laspect d’un quartz hyalin aussi du terrain houiller au centre de la Hesbaie, sous la masse épaisse de ses roches à couches horizontales ? C'est ce que présume Robert de Limbourg à la page 384 de son Mémoire déjà cité. (‘) Telles que les noms, la marche et l'allure des couches et des failles qui ne sont malheureusement pas connues sur toute la surface du terrain houiller , la plus ou moins grande quantité de gaz hydrogène carboné , et les anciens travaux qui peu- vent avoir précédé ceux que l’on veut entreprendre. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 95 granulaire (‘) ou même massif, plus ou moins dur et translucide, plutôt que sous celui d’un véritable grès. Par une longue exposition à l'air, ces psammites se colorent souvent en brun et en jaune, et ces couleurs y forment des des- sins plus ou moins circulaires qui sont les indices d’une espèce de décomposition : aussi se désagrégent-ils facilement (°). Les couches de ce psammite sont quelquefois fissurées à l’in- fini et perpendiculairement à leur stratification ; il se divise alors en portions plus ou moins grosses, qui présentent un délitement rhomboïdal et plus rarement des prismes irréguliers à 5 ou 6 pans, et quelquefois davantage. On a des exemples de cette division en rhomboïdes et en pris- (*) Sur la colline entre Hautepenne et la Glexhe, il existe une roche quartzeuse blan- châtre, que l’on prendrait, si elle ne contenait des fragmens de houille et des em- preintes végétales , pour un quartzite très-pur de l’Ardenne. On en voit de semblables aux environs de Julémont, St-André, Wandre, Ri- chelle, etc. Je crois devoir rapporter à ce psammite très-quartzeux, qui a tant d’analogie avec les poudingues psammitiques et les quartzites ordinaires , la roche qui se rencontre à Hozémont et à Horion , et qui, je pense , se continue à Fize-Fontaine , entre le terrain houiller et le calcaire anthraxifère, Ce quartzite présente de nombreuses fentes, qui font qu’il se divise en morceaux plus ou moins réguliers. Il est cependant dans quel- ques endroits en couches qui inclinent au sud-est, et paraissent ne contenir que du fer sulfuré en grains plus ou moins gros. Ge quartzite est ordinairement noirâtre, mais quelquefois grisâtre. En raison de sa division en morceaux plus ou moins réguliers, on s’en sert à Horion-Hozémont pour bâtir. Celui de Fize-Fontaine n’est guère employé que pour ferrer les routes. (2) A Melin , près de Herve, il existe une couche de houille dite la f/eine-au-Sable , qui est accompagnée par un grès plus ou moins dur, qui.se décompose quelquefois de telle manière que l'on peut, au bout de quelque temps, l’employer au lieu de sable pour faire du mortier. Pétrifications. Emplois Phyllades pailletés. Caractères. 96 SUR LA CONSTITUTION CÉOGNOSTIQUE mes dans quelques houillères de Jupille, de Vaux sous Chèvre- mont, de Soumagne, etc. On rencontre dans ces psammites des tiges ou des troncs de plantes et peu de coquilles ("). Ces psammites sont employés à faire des meules à aiguiser, des moellons et des pavés; mais ils sont souvent peu propres aux deux derniers usages. On en exploite principalement, pour en faire des meules, à Flémalle-Grande. On en extrait pour le pavage, à Cheratte, sous Fléron, aux environs de Jemeppe, d’Amay, etc. Les phyllades pailletés du terrain houiller, ne diffèrent des psammites précédens que par plus d'argile, moins de grains de quartz et souvent par plus de mica. Ils sont ordinairement gri- sâtres, jaunâtres ou brunätres, mais quelquefois tout-à-fait noirs ; leur dureté est très-variable, car d’un côté ils passent à l'argile, et de l’autre au psammite. Ils ont, aussi bien que les psammites et les argiles schisteuses une grande tendance à se décomposer par les influences météoriques. IL est très-souvent difficile d'établir une différence bien nette entre les psammites et les phyllades du terrain houiller, et ceux du terrain anthraxifére; iln”’y a guère que la présence dans les premiers de nombreuses empreintes de roseaux et de fougères, qui puisse amener cette distinction; mais encore ces végétaux ne parais- sent-ils que dans le voisinage des couches de houille, et il arrive (:) Je n’en ai encore trouvé que dans une seule localité, près du Thier à Liége, C'étaient des fragmens de bivalves bien voisines du genre mya. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 97 que les autres psammites en contiennent aussi, et qui paraissent leur être analogues. Ces phyllades deviennent noirs, principalement dans le voi- sinage des couches de houille dont ils constituent le toit et le mur ('), et dont ils ne sont séparés, surtout au mur, que par une épaisseur souvent très-faible d'argile schisteuse, qui est désignée par les mineurs sous le nom de faux mur et de houage (fau deil). C’est ordinairement dans ces phyllades noirs, et principale- Empreintes de corps ment dans ceux qui servent de toit aux couches de houille, que 2 CIN l’on trouve cette grande diversité de tiges articulées, de tiges à feuilles verticillées et de grandes feuilles de fougère de la classe des monocotylédons. On y rencontre aussi plusieurs espèces de coquilles. La place de ces tiges végétales et de ces coquilles est souvent indiquée par un léger enduit de houille, et plus rarement par du fer sulfuré, et du fer hydraté et carbonaté. Toutes ces plantes sont remarquables par lexpalmation de leurs Empreintes végétales. feuilles et par leur ressemblance avec les espèces de la zone torride; les troncs sont surtout dignes d’attention par leurs di- mensions, par leurs contours ondulés ou les compartimens bizarres et variés de leur écorce, qui ont servi, ainsi que les nervures, etc. , à MM. Schlotheim , Sternberg , Ad. Brongniart, D. Sauveur, Artis, etc., pour déterminer et classer la plupart de ces empreim- tes, et en former ainsi des espèces d’herbiers fossiles. (:) Le phyllade qui forme le toit se distingue assez facilement de celui qui en forme le mur, en ce que le premier est en feuillets droits qui contiennent des em- preintes végétales ordinairement entières, tandis que le second a une texture irrégu- lière et ne renferme que des végétaux brisés ou froissés, Tom. IX. 13 98 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Les nombreuses empreintes végétales de cette province ont été étudiées par MM. Ad. Brongniart et D. Sauveur , qui les ont fait connaitre ('). Il résulte des travaux de ces deux savans, que la flore de notre terrain houiller se compose des genres et espèces suivans : Calamites Suckowit, Ad. B. Lonchopteris subacuta, D. S. — undulatus, Ad. B. _ pectinata, D. S. — approximatus ; Stern. Sigillaria lœvis, Ad. B. _ distans, D. S. — elongata , Ad. B. — ramosus, Art. _— Davreuxii, Ad. B. Sphænopteris trifoliata, Ad. B. — notata, Ad. B. _— elegans, Ad. B. — hippocrepis, Ad. B,. _ Brongniarti, D.S, _— reniformis, D. S. _— microphylla , D.S. — cordiformis , D. S. — platyrachis, D. S. — obovata , D. S. _— affinis , D.S. _ Marti, D.S. Otopteris Artisi, D.S. _ approxinrata , D. S. _— orbicularis, D. S. — major, D.S. —_— reniformis , D.S. Sphænophyllum pusillum, D. S. _ oblonga, D. S. _— quadrifolium , D. S. _ gibba, D.S. = marsileæfolium , D. S. Nevropteris Loshit, Ad. B. Lepidodendron obovatum , Stern. _ hastata, D. S. — aculeatum , Stern. — giganñtea, Ad. B. — decurrens , D. S. Pecopteris Mantelli, Ad. B. == rimosum, Stern. — Davreuxii, Ad. B. — undulatum , Stern. — gigantea, Ad. B. _— confluens, Slern. — nervosa, Ad. B, _ imbr'catum , Stern. — Blechoïdes, Ad. B. — Sternbergit, Ad. B. — aquilina , Stern. Stigmaria ficoïdes, Ad. B. — minor, D.S. Annularia radiata, Ad. B _— excelsa, D. S. — leptophylla , D.S. — rugosa, D.S. _— delicatula , D. S. _ chnoophoroïdes, D.S. Asterophyllites equisetoïdes, DS: _ distans, D. S. = Mrylii, D.S. Lonchopteris elegans, D.S. — rigida, Ad. B. —_ bipinnatifida , D. S. —————_—_—_—————_—_—— (1) L'un , dans son important ouvrage sur l’histoire des végétaux fossiles ,et l'autre, par les notes qu'il a bien voulu communiquer à différentes personnes de là Belgique, qui s'occupent des sciences naturelles. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 99 Les coquilles, qui ne sont connues dans notre terrain houiller spreintes animater que depuis quelques années, peuvent se rapporter aux ammonites, aux pecten , aux #nio où aux #ya où peut-être aux linqula. Les ammonites se trouvent dans quatre endroits : à Melin, à la Minerie, à La Rochette et au Houlleux, près de Jupille. Dans la première de ces localités, les ammonites sont plus ou moins grosses, de nature argileuse, noire et quelquefois calcari- fère , et leur vide est souvent tapissé ou rempli de fer sulfuré et de chaux carbonatée. Ces ammonites, dont on ne voit ordinairement que l’inté- rieur (‘), offrent clairement des cloisons entières; elles ont quel- que analogie avec l’ammonites sacer (*), dont Hollman (°) a présenté un dessin très-exact ; mais je suis porté à croire actuel- lement , qu’elle appartient à l’ammonites Listeri de Sowerby, car son gisement est le même, et la description et la figure qu’en donne cet auteur, ont la plus grande analogie avec celles de Melin (), de la Minerie, de La Rochette et du Houlleux. Cepen- dant M. Hoeninghaus, de Crefeld, à qui jen ai communiqué un exemplaire de la première localité, me dit dans une de ses lettres, que M. Léopold de Buch a comparé les ammonites de Melin, etc., (1) M. Wellekens m'a montré un échantillon de cette localité , qui présentait à l’exté- rieur des stries tout-à-fait semblables à celles qui sont sur les ammonites de La Rochette, du Houlleux et de Chokier. (z) C’est en raison de cette analogie que l'ammonite de Melin a été placée, dans plu- sieurs collections , sous le nom d’ammonites sacer. (5) Æollman, Sylloge commentationum in reg. soc. sc. Gotting., inde ab an. 1756, re- censit, vol. 1; Gotting., 1762, vol. Il, Francfort, etc. , 1775, 4°. (4) Voyez la figure de cette ammonite de Melin et celle de Hollman, pl. 11, fig. 1,2et3. 100 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE en Belgique, avec celles du terrain houiller de Werden, en Alle- magne, et qu'il croit qu’elles appartiennent toutes à l’espèce que M. de Haan a nommée goniatites sphæricus (ammonites sphæ- ricus ; SOW.). Ces ammonites de Melin, actuellement assez rares, gisent dans des rognons noirs, ellipsoïdes, plus ou moins aplatis, de nature argileuse, calcaire, et plus ou moins schistoïde, qui se trouvent au toit de la couche de houille dite méci-veine (‘). On en ren- contre aussi des aplaties dans le phyllade noir. Les ammonites des rognons calcariféres et quelquefois pyriteux qui se trouvent dans le schiste qui recouvre la couche Wadame à La Rochette et celles de la houillère Houlleux, me paraissent aussi appartenir à l’ammonites Listeri ; elles sont presque toujours pleines, et converties en chaux carbonatée et en fer sulfuré; elles sont en tout semblables à celles des rognons calcaires de l’ampélite alumineux de Chokier. Quant aux ammonites qui ont été décou- vertes à la Minerie, au nord de Battice, elles se trouvaient dans le schiste qui sert de toit à la couche dite Herve. Les wnio ou mya ou peut-être les Zingula, se montrent dans un très-grand nombre de nos houillères; j'en ai observé dans les (:) À cette couche de houille de 0",40 de puissance, est superposée une couche de kiss (pyrite et terre) de 0,03 d'épaisseur ; viennent ensuite ces rognons qui sont d’au- tant moins abondans en ammonites, qu'ils s’éloignent davantage de la couche de combustible. Les rognons que l’on trouve dans les déblais des anciens qui ont exploité la partie supérieure de cette couche, ainsi que ceux que l’on a rencontrés , il y a quel- que temps, à une plus grande profondeur, portent à croire que ces rognons accompa- gnent cette couche de houille, dans une bonne partie de son étendue et principalement à proximité de quelques dérangemens. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 101 déblais de celle de La Rochette, de Gérard-Clos, du Houlleux près de Jupille, du Trou-Souris, des Makets près de Jemeppe, à la couche Belle-au-Jour de la houillère du Val-Benoïît, à celle du Rosier de la fosse de La Haye, à la veine Cinqg-Pieds à la houil- lère du Gosson, et à la couche du osier à la fosse de la Bonne- Fin ou Plombterie, presque toutes aux environs de Liége. Ces bivalves fluviatiles se trouvent toutes au toit des couches, et n’ont jamais un volume très-considérable. Elles sont de nature pyriteuse , argileuse ou ferrugineuse et ordinairement recouvertes d’un enduit noirâtre. Toutes ces coquilles gisent dans le phyllade noir ou schiste argilo-bitumineux des houillères, excepté celles de Gérard-Clos, qui sont dans le phyllade pailleté jaunâtre. Quant aux coquilles du genre pecten, on les trouve ordinaire- ment en débris dans le phyllade qui passe à l’argile schisteuse noire de la houillère de Melin. J’en possède un exemplaire entier ,et qui est tout-à-fait semblable au pecten papyraceus de Sowerby, et à celui que l’on trouve dans le terrain houiller de Werden, en Allemague. Celles du Val-Benoit (pl. v, fig. 3, 4 et 8), me paraissent appartenir à l’unio acutus et antiquus de Sowerby ('), et celles des autres localités, qui sont semblables à celle du Val-Benoiït, représentée à la planche v, fig. 3, à l’unio antiquus. Les phyllades pailletés, et surtout les noirs, sont employés à la culture de la vigne. Je pense que si ce phyllade était mêlé avec (:) M. Hoeninghaus pense qu’elle doit se rapporter au genre mya, et en fait les es- pèces fellinaria et ventricosa. Emploi des phyllades pailletes Argiles schisteuses. Caractères. Houille. 102 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE de la marne blanche, son emploi n’en deviendrait que meilleur pour le produit de nos vignes. Les argiles schisteuses ne sont que des phyllades très-fins, plus ou moins feuilletés en petit, grisätres, noirâtres ou brunà- tres, et ne différent du phyllade que par une pâte plus fine, et souvent par un luisant et une espèce d’onctuosité qui leur sont particuliers. Elles se désagrégent ordinairement à l’air et se con- vertissent en une véritable argile. Elles sont presque toujours en contact avec les couches de houille auxquelles elles doivent certainement la matière dont elles sont imprégnées , qui se perd par l’action du feu, et qui les fait quelquefois confondre avec la houille. . La houille forme des couches ou veines dont l'épéiseur est très-variable ; on en cite de 2m,50, mais ordmairement elles sont au-dessous d’un mètre, et d’autres fois elles ne consistent qu’en de simples traces. Elle appartient en général aux variétés laminaire et schistoïde (schiefer kohle), mais sa texture offre beaucoup de variations ; elle est tantôt compacte, tantôt laminaire , et présente par suite des fissures presque perpendiculaires aux horizontales, un cli- vage rhomboïdal ou cubique. Elle est toujours d’un noir assez foncé, souvent éclatant, ayant même le brillant métallique ("). Quelquefois la houille présente dans son intérieur une (x) Il en est qui présentent des parties irisées , qui sont du plus bel effet, lorsqu'on les regarde au grand jour. Gette irisation paraît due à un commencement de décomposi- tion , par l'effet de l'humidité. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 105 matière qui a presque tous les caractères du charbon de bois. Elle se trouve souvent en parties solides, qui se lient intime- ment avec la houille schistoïde qui les entoure , et quifont entendre le même cri que le charbon de bois, lorsqu'on veut le rayer dans un sens contraire à la direction des fibres; d’autres fois cette ma- tière est pulvérulente, et forme des enduits sur les masses de houille. Haüy a désigné cette substance sous le nom de howille daloïde (') (kolzkohle et ruskohle de M. Voigt). Nos mineurs la désignentsouvent sous le nom de bruziet quelquefois de chierbon. Lahouilleest loin d’être entièrement pure dans toute l'étendue de ses couches; elle yestassez souvent mélangée avec une plus ou moins grande quantité de matières terreuses qui en altèrent la qualité. Ces substances forment souvent une argile terreuse ou schis- teuse plus ou moins imprégnée de houille : elle en renferme quel- quefois au point qu’elle pourrait même servir de combustible. L’argile schisteuse ou terreuse se trouve ordinairement en feuil- lets très-minces ou en nodules entremélés avec ceux de la houille, dont elle se distingue par une cassure mate et terreuse; d’au- tres fois elle forme des lits entiers de plusieurs pouces d'épaisseur, intercalés dans les couches de houille qu’elle divise ainsi en deux ou trois parties, dans le sens de la stratification , et que nos mineurs désignent sous les noms de havage , de houage et de chierbon. Cette argile schisteuse ou terreuse, en se chargeant davantage de houille, et contenant aussi des fragmens laminaires, constitue (1) J'ai remarqué que cette espèce de houille se trouve ordinairement à proximité du fer sulfuré. Terre houille Houille compacte. Anthracite Houilles grasses et se- 104 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE les affleuremens ou les têtes, dites sopettes, de la plupart des couches de houille, et quelquefois des couches et des terrains entiers ; cette substance est alors appelée ferre houille ou teroulle , ce qui signifie un mélange de terre et de houille, dans lequel la première domine notablement. Elle contient, surtout quand elle est très-terreuse, une grande quantité de fer sulfuré qui la rend souvent impropre au chauffage des appartemens. Cette terre houille est quelquefois très-brillante et très-laminaire ; celle des environs de Huy présente souvent ces caractères. Outre ces différentes espèces de houille, on rencontre, mais assez rarement, dans nos couches de houille grasse et maigre, de la houille compacte, et une espèce d’anthracite schistoide et compacte. On en a des exemples à Ans près de Liége, au Thier à Liége, à Thimister, aux Kessales à Jemeppe, et près des Awirs. On remarque dans cette dernière localité, à la houillère du Sart-d’Avette , une petite couche de 10 à 14 centimètres de cette espèce d’anthracite qui sert de mur à la veine Croha, et re- couvre un petit lit de fer carbonaté lithoïde de 14 centimètres d'épaisseur. Les qualités des différentes espèces de houille varient considé- rablement comme combustible; on trouve des nuances depuis les houilles les plus grasses, jusqu'aux houilles les plus sèches. Les houilles grasses s’enflamment avec facilité, s’agglutinent, se gonflent, se boursouflent, coulent quelquefois comme de la poix, produisent beaucoup de gaz, brülent avec rapidité, en ré- pandant une fumée noire très-épaisse , et en laissant un résidu d’un blance-grisätre, beaucoup moins considérable que celui des houilles sèches (houille maigre et terre houille ou feroulle), qui DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 105 s’allument avec difficulté, brülent avec lenteur et quelquefois avec une odeur sulfureuse, ne se boursouflent pas, donnent beaucoup moins de fumée, et dont le résidu est souvent rougeûtre. Les différentes roches du terrain houiller renferment en petits minéreur, contenus amas, en veines ou disséminés, des minéraux et des minerais #7. métalliques assez nombreux. Ces substances sont : Le fer carbonaté spathique, en petits cristaux ou en petites Fr CT veinules dans les fissures du fer carbonaté lithoïde de quelques houillères, telles que celle de Jupille, de Wandre et de la Minerie. Le jer carbonaté lithoïde (Gallois), en assez grande quantité, Fer sartonaté lithoide disposé en petits lits souvent interrompus, ou plutôt sous la forme de rognons lenticulaires ou ovoïdes aplatis, se trouve de préfé- rence dans les phyllades et les argiles schisteuses. Ces masses, qui dépassent assez souvent le volume de la tête, sont quelquefois accompagnées d’empreintes de végétaux, mais jusqu’à présent on n’y a pas rencontré de coquilles, comme cela s’est observé dans la province de Namur, etc. Elles contiennent assez souvent du fer sulfuré, de la chaux carbonatée inverse, do- décaèdre et laminaire, du tale blanc, de la pholérite, du quartz, et plus rarement du fer carbonaté spathique. Ces masses de fer carbonaté ont ordinairement une couleur grise ou noire, mais quelquefois brune et jaunâtre. L'intérieur , rarement cloisonné, en est mat, mais quelquefois à points très-brillans. Leur cassure, souvent terreuse, est droite et quelquefois schisteuse, conchoïdale et oolithique; elles donnent toutes une poussière grise et maigre au toucher. Quand elles ont été exposées pendant quelque temps à Pair, elles sont très-altérées , et à travers l’enduit jaunâtre de fer hydraté Tom. IX. 14 106 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE qui les recouvre , on aperçoit alors les couches concentriques dont elles paraissent formées. C’est à cette altération que Von doit attri- buer les masses de fer hydraté , cloisonné ou géodique , à noyaux d’argile , que l’on trouve souvent près des anciennes houillères. Le fer carbonaté lithoïde, présente tous les caractères chi- miques qui ont été assignés à celui de l'Angleterre et de la France, par M. de Gallois (Ann. des Mines, tom. IL, p. 51), c’est-à-dire, qu’il donne par le grillage à l'air libre, du fer oxidé rouge, attirable à l’aimant, et qu'il fait effervescence dans l'acide hydrochlorique, principalement à chaud. Par l’analyse de six échantillons de fer carbonaté lithoïde de la province de Liége, M. le professeur Delvaux a trouvé qu’ils étaient composés de la manière suivante : N° DES ÉCHANTILLONS. | 1 Carbonate de fer (a) _— de chaux . — de magnésie . — de manganèse silice . Argile alumine . Eau et matière charbonneuse . Acide phosphorique . (a) Équivalant en fer métallique à Densité de diverses espèces d’échantil. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 107 Malgré les nombreuses recherches faites dans les houillères et dans d’autres localités de la province de Liége, on n’est pas encore parvenu à trouver des couches assez considérables de fer carbo- naté lithoïde, pour en former des exploitations régulières, propres à livrer ce minerai aux hauts fourneaux, en concurrence avec les minerais de fer oligiste et hydraté. Les recherches qui promettaient le plus, étaient celles des Awirs et de Ramioul, mais elles ont cessé depuis quelque temps. Le haut-fourneau de Seraing continue cependant à utiliser celui que l’on y apporte de différentes houillères, mais on y est obligé de le mêler avec des minerais de fer hydraté, etc. Le fer sulfuré, soit en rognons plus ou moins couverts de cristaux, soit en dendrites et en très-petits grains, se trouve prin- cipalement dans la houille et l'argile schisteuse. Les cristaux de cette substance se rapportent aux formes primi- tive, octaèdre, trapézoïdale, dodécaèdre, cubo-octaèdre ('), cubo- dodécaèdre, tri-épointée, icosaèdre, et à une combinaison des faces des variétés tri-épointée et dodécaèdre. Ce minerai, qui est connu sous le nom de bouteure et de kiss par les mineurs, nuit considérablement à la qualité de la houille, et la rend quelquefois impropre à plusieurs usages économiques. C’est encore à sa présence dans la houille que lon doit attribuer ces combustions spontanées , qui se développent de temps en temps dans les tas de ce combustible. Cependant on a quelques exem- ples où cette inflammation a eu lieu dans des tas de houille qui ne paraissaient pas contenir de ce minerai. (1) Les cristaux de cette forme sont quelquefois convertis en fer sulfuré épigènc. Fer sulfuré Chaux carbonatée. 108 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE La chaux carbonatée s’y rencontre tantôt cristallisée et spa- thique, et tantôt compacte. On la trouve en beaux cristaux dodé- caèdres raccourcis, métastatiques et inverses dans plusieurs houil- lères, mais principalement à proximité des failles ou d’autres irrégularités qui sont si communes dans les couches de la forma- tion houillère. La chaux carbonatée laminaire se rencontre dans les joints pa- rallèles ou perpendiculaires à la stratification des couches de houille. Jusqu’à présent on n’y a pas encore observé de couches de chaux carbonatée compacte ou de calcaire anthraxifère (‘); mais on y trouve souvent en très-grande abondance des rognons plus où moins gros, d’une pierre calcaire compacte, noire, grise ou jau- nâtre, dont M. Delvaux a analysé un échantillon provenant des déblais d’une ancienne houillère, au-dessus du Val-Benoit, près de Liége. Il a trouvé que la densité de cet échantillon était de 2,86, et qu'il se composait de : Carbonate de chaux. . . . 0,3388 = de magnésie. . . . 0,1386 — delfer.. +420. 1 01786 — de manganèse . . . (0,0148 Silice CF QU CHRLELTANEN AE EUFROR, CEPARSRETARE Ti 0,2500 Alumine . . Argile 0,3280 . . . . . . 4 0,0640 Protoxide de fer SANS ve Eté: . ( 0,0140 Ces rognons, assez communs aux houillères de La Rochette, (:) Cette observation est en contradiction avec un passage sur le calcaire anthraxifère, . inséré à la page 285 du tableau des terrains qui composent l'écorce du globe, par DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 109 du Houlleux, du Val-Benoït, etc., contiennent quelquefois des coquilles qui ont la plus grande analogie avec celles que l’on observe dans l’ampélite alumineux de Chokier , etc. La chaux carbonatée ferrifère lamellaire ou en cristaux ap- Chaux carbonate fer partenant à la forme primitive, a été observée dans le grès houiller d’Oupeye, de la Chartreuse près de Liége, et de la Bévharile, aux environs d’Argenteau. La chaux canbtasle magnésifère primitive et primitive cr = cardonatée ma convexe se rencontre dans les rognons argileux et calcarifères de Melin, du Houlleux, etc. Le quartz hyalin s'y trouve en veines et même en cristaux ou assez volumineux, mais principalement à proximité des fail- les, etc. On y a déjà rencontré des prismes terminés de quartz, qui avaient plusieurs pouces de longueur. La pholérite (Guillemin, Ann. des Mines, 1825, n° 6) se proérue rencontre en abondance dans les fentes et autres cavités de toutes les roches qui accompagnent notre terrain houiller ; elle est d’un blanc très- pur, formée de petites écailles convexes et nacrées; elle est douce au toucher, friable, happe à la langue, et laisse dégager quelques bulles d’air dans l’eau, sans offrir le phénomène 1 M. Alex. Brongniart , où il est dit, que l’on assure que ce calcaire est réellement inter- posé entre les lits de houille à La Rochette , près de Liége. Il est bien vrai qu'il existe une espèce de calcaire carbonifère ou anthraxifère dans le terrain houiller de La Rochette, mais c’est en rognons plus ou moins gros et aplatis, et le calcaire qui les compose n'a pas les caractères du calcaire anthraxifère de la Bel- gique; il ressemble plutôt à celui dont sont formés les rognons coquillers, que l'on trouve dans notre province , dans l’'ampélite alumineux et dans le terrain houiller du Houlleux , près de Jupille. Disposition des roches du terrain houiller. 110 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE de la lenzinite; elle fait pâte avec l’eau, et elle est infusible au chalumeau ; chauffée dans un matras, elle laisse dégager de l’eau sans changer d'aspect; elle est insoluble dans lacide nitrique étendu d’eau, ce qui fournit un bon moyen de la séparer du carbonate de chaux, qui est souvent mélangé avec elle. Voici le résultat de deux analyses, et la composition de cette substance, calculée dans la supposition de la formule atomique À S + 2Aq. Sur 100 parties, elle contient : D'APRÈS LA FORMULE. SCOR LP MS tte. MIE 025 41,65 40,750 Alumite en NUE 42075 43,35 43,886 DEL ie OP OR CID PE AUUIT 15,00 15,364 100,000 100,00 100,000 Ces analyses démontrent que la pholérite est un hydro-silicate d’alumine. Tels sont les différentes roches , les minéraux et minerais, dont l’ensemble forme notre terrain houiller. Ce terrain est essentiellement et nettement stratifié ; les couches qui le composent, alternent entre elles de différentes manières et à différentes reprises. Celles de houille et d’argile schisteuse y sont les moins nombreuses, et celles de phyllade et de psammite y forment la masse principale. Leur ordre de superposition n’est pas toujours constant; cependant on a remarqué que les couches de houille sont le plus souvent comprises entre celles d'argile schisteuse de plus ou moins d'épaisseur ; mais qu’à peu de distance de ces dernières se trouvaient les phyllades noirs et le psammite, et que cette roche constituait, de préférence, le mur (deël, en DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 11 wallon), et qu’au toit se trouvaient ordinairement les empreintes végétales et animales dans les phyllades noirs. On a aussi remarqué qu’à mesure que l’on s'éloigne des couches, ces empreintes sont moins abondantes, et que le phyllade perd sa couleur noire. Ces remarques ne sont cependant pas générales, car l’on a quelques exemples où le psammite se trouve en contact immédiat avec les couches de houille; mais on doit observer qué ce fait se présente principalement aux endroits où les couches de honille gisent sur un mur qui présente ces irrégularités que nos mineurs désignent sous le nom de crouffe (bosse. ) Dans un grand nombre d'exploitations, on peut remarquer que les différentes couches du terrain houiller se trouvent plusieurs fois de suite dans le méme ordre, mais avec des épaisseurs très- différentes , et qui n’augmentent pas dans la profondeur , comme quelques personnes l’ont avancé pour les couches de houille. Le nombre des couches de houille dans un même lieu est quel- quefois considérable, et paraît aller, à la montagne de St-Gilles, près de Liége, à 64 ('), tandis que dans d’autres localités, le nombre n’est que de deux, trois, etc. Outre les fissures de la stratification, qui séparent toutes les roches de ce terrain, elles sont encore divisées en lits par d’au- tres fissures parallèles aux premières. Ces dernières, qui divisent (:) Quelques personnes , qui s'occupent de l’art des mines, croient que le terrain houiller de Liége renferme 83 à 85 couches de houille, et qu’ainsi , en dessous de la 64m couche, qui est connue à la montagne de S!-Gilles, il doit se trouver une nou- velle série de 19 à 21 couches. Les travaux de la houillère du Val-Benoit mettront certainement à même de connaître bientôt la valeur de cette opinion. 112 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE souvent les couches de houille en deux ou trois lits, sont formées dans ce cas de phyllade noir et d'argile schisteuse, et quelquefois de fer sulfuré et carbonaté lithoïde. La stratification de notre terrain houiller, surtout celle de la houille, présente des inflexions bien remarquables; ses cou- ches inclinent sous tous les angles. Tantôt leur position est ho- rizontale ou à peu près, alors les mineurs les nomment plateures, tantôt ellés approchent de la ligne verticale et sont désignées sous le nom de dressans (‘), tantôt elles sont ondulées ou si- nueuses, courbes ou pliées en zigzags ; elles présentent quelque- fois des renflemens subits qui leur font acquérir une puissance beaucoup plus grande ; ou bien, par un effet contraire etnon moms prompt, résultant du rapprochement du toit ou du mur, ou de tous les deux, elles diminuent d'épaisseur au point qu'il n’en reste plus qu’une faible trace, ou qu’elles disparaissent entière- ment, par suite d’un dérangement quelconque. Le premier de ces accidens est désigné par les mineurs sous le nom d’Étreinte et le dernier sous celui de Crain ou Cran. On a vu quelquefois le mur présenter soit des ondulations con- sidérables et irrégulières, soit des espèces de poches ou bassins, remplis de combustible , tandis que le toit n'avait subi aucun (r) La réunion alternative des plateures et des dressans, par le pied et par la tête, donne lieu à des bassins et à des selles, dont les bords inclinent soit l’un vers l’autre , soit dans le même sens. L’arête formée par la jonction des plateures et des dressans est souvent inclinée; de sorte que les bassins plongent d’un côté dans la profondeur et viennent affleurer de l’autre à la surface du terrain sous la forme d’une pointe de bateau. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 113 changement. Ces irrégularités, qui se succèdent souvent sur une assez grande étendue de terrain, et qui sont suivies par toutes ou par la plupart des couches qui s’y trouvent, proviennent sans doute de celles des terrains sur lesquels la formation houillère est dé- posée; elles correspondent quelquefois à quelques grands mou- vemens du terrain superficiel. De même que sur une assez grande étendue de terrain, on observe que les couches ont les mêmes caractères, tant par leurs allures que par la quantité de gaz hydrogène carboné et de bitume qu’elles renferment, et qui leur donne les qualités de houille grasse ou de houille maigre, on trouve aussi sur des étendues con- sidérables que ces mêmes couches sont comme frappées de sté- rilité; c’est-à-dire qu'ayant les mêmes allures, elles ne sont plus grasses, que l’épaisseur même a diminué et que l'exploitation en est devenue plus difficile. Le terrain houiller de la province de Liége atteint une très- grande profondeur. En calculant l'épaisseur des 61 premières cou- ches de houille de la montagne de S'-Gilles, près de Liége, et des roches qui les accompagnent , un auteur du XVII siècle, le docteur Genneté (‘), a trouvé que la profondeur totale, prise près de l’église, était de 4,125 = pieds. Nos houillères les plus pro- fondes ne vont guère au delà de 588 mètres. Parmi les accidens remarquables qu'offre ce terrain, il faut citer les fentes plus ou moins inclinées, sinueuses et branchues, qui le traversent assez souvent, et à proximité desquelles les por- (*) Genneté , Connaissance des veines de houille, ete. Nancy, 1774, p. 87. Tom. IX. 12 Failles. Eaux du terrain houil- ler. 114 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE tions de couches de houille divisées par elles, présentent ordi- nairement un véritable affaissement et des inflexions aux points où les couches se trouvent en contact avec elles : de sorte que, lorsqu'on chemine sur la partie de la couche non affaissée, on ne rencontre plus l’autre partie de la couche au même niveau; elle est à un, deux, etc., mètres plus bas, selon que laffaisse- ment a été de un, deux, etc., mètres. Ces fentes, qui sont appelées failles, sont remplies d'argile, de cailloux, de fragmens de psammite commun, et des autres substances qui composent le terrain houiller. Il y en a qui ne sont formées que d’argile. Ces failles paraissent, d’après la nature de leur composition, avoir été remplies du haut en bas. Elles ont des épaisseurs très- variables; on en connaît qui n’ont que 8 à 10 mètres, et d’autres qui atteignent plus de 100 mètres de puissance; leur marche est quelquefois connue sur 3 et 4 lieues de distance. Ces failles, à proximité desquelles on trouve souvent du quartz, de la chaux carbonatée, du fer sulfuré, etc., fournissent ordinai- rement beaucoup d’eau. Le terrain houiller est remarquable par les sources d’eau qu’il fournit en assez grande abondance. Lorsque ces eaux jaillissent du terrain houiller vierge, elles sont en général très-bonnes, tandis que celles qui sortent de celui qui a été exploité, ont un goût différent , et contiennent des quantités plus ou moins grandes de matières fixes. On peut en juger d’après les analyses suivan- tes, faites par M. le professeur Delvaux , sur quelques eaux de Liége. Une livre des Pays-Bas de l’eau d’un puits de la place S'- DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 115 Pierre, partie élevée de la ville où le terrain est vierge, con- tient : Esterlings ou Grammes Sullate de chaux: *.0%, 2 cn. Lot aets. : 0,198 Garbonate#de- chaux. 5 0e RG OR 1. 0,208 Hydro-chlorate de chaux . . . . . . . . ... 0,015 — dEMAENESER RC 07 0,116 _ deRROMIe DE ES MT NS 0,164 ÉTEND PME E 0,050 . . Li Acide carbonique — de son volume. Or - 0,751 L’eau d’une galerie de la houillère (") Ste-Marguerite, contient par livre : Esterlings. farbonate de chaux +, 4 = 024.0. OX. L. 0,143 _ deymagnésieth 51 ce ) Cette opinion est celle pour laquelle, depuis plusieurs années , paraissent pencher un grand nombre de #éologues , tels que MM. de Humboldt , de Raumer, Noëggerath, Dechen , Oeynhausen , ete. (3) Je pense cependant qu'il en existe aussi à Berneau, près de Visé, car on a voulu ÿ établir, il y a plusieurs années , une fabrique de faïence, pour laquelle on voulait employer une terre à pipe que l’on trouvait dans les environs , mais dont je n’ai pu me procurer d’échantillon. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 165 de Huy, et les détails que l’on m’en a fournis, je puis donner un aperçu de ce gisement. Cette exploitation, actuellement abandonnée, est située au nord de Huy, entre la ferme du Thier-des-Malades et le Thier-du- Gibet, à proximité du village d’Antheit. L’argile plastique y est déposée dans le large intervalle de deux bandes calcaires qui ont une forte inclinaison au midi. Par deux bures, on a reconnu huit pieds de terrain meuble et de sable blanc et jaune, un peu calcaire, rempli de petits cailloux quartzeux, roulés, ordinairement de cou leur blanche ou rosée; douze pieds et demi de sable grisätre sili- ceux ; cinq pieds de terre à pipe, blanche et grise, contenant quel- ques pyrites; quatre pouces et demi d’un gros sable blanc, très-pur; trois pieds et demi d’argile plastique, noirätre, d’assez bonne qualité; cinq pieds sept pouces d’argile plastique noirätre, deux pieds un quart d’argile plastique blanchätre et rougeûtre, et sept pieds un quart de sable blanc, mêlé d'argile. Dans une de ces bures on avait atteint le calcaire anthraxifère, mais dans l’autre on est parvenu à une couche de sable argileux gris, que l’on n’a pas tra- versée. Par la première de ces bures, c’est-à-dire celle qui était le plus au nord, on avaitreconnu que ces couches, à l'exception de la couche supérieure de sable, avaient toutes une forte inclinaison au sud-est, tandis qu’au fond de la seconde bure, les couches étaient presqu'horizontales et beaucoup moins épaisses. Par une galerie vers le sud-est, creusée au fond de cette bure, on avait atteint le calcaire, et dans cet endroit les couches argileuses se relevaient considérablement, en conservant cependant une épaisseur remar- quable. Au-dessus de ce point, on a reconnu que l'argile plasti- tique venait affleurer au-dessus du sol. Argile lithomarge. Arzile figuline. 166 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Dans les parties de cette exploitation où l’on a reconnu le con- tact de l'argile avec le calcaire , on a observé que cette roche était très-irrégulière, et que argile y était très-luisante où bien un peu encroutée de fer hydraté cellulaire, d’un brun-noirâtre. Les qualités de l'argile de ce gîte variaient considérablement, cependant les variétés grise, rougeàtre et blanche, étaient les meil- leures. La noirâtre, quoique blanchissant parfaitement au feu, était un peu fusible et par conséquent de mauvaise qualité. Quelquefois au lieu d'argile plastique, les cavités qui sillonnent notre calcaire sont remplies d'argile fusible qui contient de petites veines ou des fragmens d’une argile compacte très-pure, noirûtre, brune ou jaune, à cassure luisante et comme résineuse, que l’on a souvent désignée sous le nom d'argile lithomarge ou de bol. On en a des exemples à Berneau, à Seilles et à Chockier, dans plu- sieurs parties de la bande calcaire qui règne au nord de ce village. Cette argile lithomarge qui se rencontre aussi , comme nous le verrons bientôt, en abondance dans certaines mines métalliques, a été analysée (') à l’école des mines de Paris, et on a trouvé qu’elle était composée de : Are AUSDIUDICR RU eee le Us AD) Alumine soluble dans l'acide hydrochlorique. . 0,202 Perotde delete 0 LA" OSAD Carbonatetdeizme ie UC NE OR RC NOIU EC ADS OS ESS Le 0 SUN ONE ARORISS 1,000 Les argiles à poterie grossière, qui se rapportent tout-à-fait à (1) L'échantillon analysé provenait de Chockier. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 167 l'argile figuline de M. Brongniart, sont en général disposées dans les cavités du calcaire anthraxifère. Les gîtes les plus importans, sous le rapport géologique, sont ceux des environs de Seny (‘) et de Theux. Dans cette dernière lo- calité, l'argile de couleur blanche et rougeàtre forme plusieurs couches plus ou moins inclinées, séparées par des sables rouges et blancs plus ou moins calcariferes, le tout disposé dans un bassin formé par la dolomie qui existe au Thier-du-Gibet. On rencontre assez souvent dans les argiles figulines de cette pt sutfuré er eur- province des morceaux de plomb sulfuré et quelquefois carbo- naté. On en a surtout un bel exemple à l’exploitation de calamine du bois de Huy, où une espèce de couche d'argile blanche plus ou moins sablonneuse, et contenant du plomb sulfuré et carbonaté, se trouve placée entre l’ampélite alumineux de la formation houil- lère et une couche de calamine qui la recouvre. C’est surtout par l'abondance des minerais de fer hydraté que rer ryaraue. le calcaire anthraxifére et ses dolomies se distinguent dans certai- nes localités. Ces minerais appartiennent aux variétés hématite, géodique, massive, pulvérulente; leur caractères se rapportent à ceux qui sont assignés par le célèbre Haüy à ces variétés. La composition de ces minerais varie considérablement selon leurs gisemens (*) et leurs variétés. Le tableau ci-joint en fournira des preuves suffisantes. (:) Celle que l’on exploite dans cet endroit est employée au village d'Ouffet, pour faire de la poterie commune. (:) On remarque assez généralement que les fers hydratés, provenant des gites qui seront désignés plus bas sous le nom d’épanchemens ou de plateures , sont d’une qualité inférieure à ceux que produisent les filons et les amas couchés. 168 ANALYSE DE QUELQUES ÉCHANTI FER HYDRATÉ GÉODIQUE DE BORSU (1), ANALYSÉ PAR M. DELVAUX. Panda ee ne ET an cu ee TPS MCE ARRET Le ne 2 CS Was ce dE EU SCENE RTE l'OMS. EE SOLE PRIE QE MERS TPS COTES RER: © BTOMINE Eee Le ENT CU. rap Linie es LIST se 2e Se. SE ON NE ES à ANAL ee ne lentes olUar ttes De DE et Me et lee il te doule, + 1 ee Mel een ee PRE Mon c) nn natale met ets Re 2 LENS it LA LE TOTALE TER er (1) Masses globuleuses de couleur noire, formées de couches concentriques dont les unes sont assez dures pour rayel autres pulvérulentes, d'une couleur plus foncée; le centre est souvent occupé par un noyau argileux mobile. Ces masses ne se trouvent pas sur le terrain houiller. Analyse de quelques minerais de fer de la province de NOMS DES MINERAIS. OXIDE DE FER. | OXIDE DE ZINC. [|OXIDE DE MANGANÈSE SILICE. | Allemelle . Alleumont Forêts. MAT CO Ermbourg M. MARNE 63 » Anplenr = 4," 6:26 64 12 Id. (:). par M. E. Jacquemyns. CAVERNEUX, A EE El Late de derniere cc 5 OO AOC SCO US NU le mu tes ouvre eat de ol ES PORN ü Peroxide/defenf.1yel0e rte Us EST IeU NS Vars LE four ur ONE Fe O6 Alumine es ee ELU EE 0 pe Ne NN RENNES ul: AE RRTENS RTE) Chaux à PR ALES TS RS à ASRONUES {) Contenant un peu de silice. 169 RATÉ DE LA PROVINCE DE LIÉGE. FER HYDRATÉ D’ANGLEUR, ANALYSÉ A L'ÉCOLE DES MINFS DE PARIS. oiér.. -MMENE M0 Guru 0. COÉNEBIONT.IS ZHCTENS OUX COCA UII c 20/6282 inc, STE nn ane sg oe Ad. 101700 D ON 2 PME PE NES RE SR EL CIE RARORES I Een 00320 ÉDODO NEED net A NUE AE CUS MERE TMS le eo et (031098 Eud ; TOTA TE PS ER MR te ele ee mo ent ve CN UDOD mélange d’oxide et d’hydrate de fer et de carbonate de zinc. e de l'établissement de M. Cockrill et Ce. à Seraing. EAU. ACIDE CARBONIQUE. | PERTE. | NOTE. (") L'augmentation qui résulte de l'addition des 9 y y quantités de substances contenues dans ces deux mi- 8 g 156 nerais, paraît être due À la présence d’une certaine ? quantité de carbonate de fer. Deux autres échan- 17 » 3 tillons de ce minerai d’Angleur ont donné, l’un au delà de 5 p. °70 de fer phosphaté, 15 p. 7 13 » » d'oxide de fer, silice 30, de la chaux et de l’alu- É4 mine ; l’autre 48 p. 070 d'oxide de zinc, peu desilice, 20 du charbon, et le reste presque tout fer. Les mi- nerais provenant de ces deux derniers échantillons 22 ne sont pas employés à Seraing. e j'ai faite d’un minerai de fer hydraté, noirâtre et schistoïde, des environs de Jalhay, dans la formation ardoïsière. TU ER M Re OT AR. 0 LOMME hat QE tam LOIRE EU #-N0887 ANAL. TO. 10. k0S RS Ne CEE ES UE EU a LT 0 0265 CP te Ace en 0 025 ee MORE ADAM ESS 20 ee) Elta ot 20) URI ROMANE PENSE RE Or silice . LOTÉL M Ne RE LT: 000 Tom. IX. 22 170 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Les minerais de fer hydraté géodique contiennent assez souvent dans leur intérieur, et sans qu’on aperçoive la moindre fissure par où ces substances auraient pu s’introduire, du sable, de argile, du manganèse oxidé terreux et métalloïde, et une substance noire, pulvérulente, très-tachante, que M. Delvaux a trouvée dans un échantillon provenant du fer hydraté de Beaufays, et qui est com- posée de : Slite ne or er MEL R Ne h AlUMINE Se in 20 AL EMULE ONE ET SONO Oxide.de fe MR Nue RO RIEEO FAURE RER AR SE 201080 CHAT OR ee ee ES OV AU 1,000 Parmi les jolies hématites géodiques de fer hydraté que l’on rencontre aux environs de Theux, de Marsine, de Lavoir, et actuellement plus rarement de Ferrière, on remarque que leur intérieur, et surtout dans les dernières, est souvent recouvert d’un enduit ou d’un émail noir, quelquefois cuivré et irisé ou gorge de pigeon ; quelquefois aussi, et pricipalement dans les en- virons de Theux, de Lavoir et de Marsine, les masses de fer hy- draté contiennent dans leur centre du fer sulfuré, quelquefois fibreux, qui fait partie intégrante de ces masses et qui paraît s’être épigéné, puisque l’on voit ordinairement les mêmes fibres être formées de fer sulfuré d’un côté, et de l’autre de fer hydraté compacte , brun ou noirâtre. Les hématites des environs de Theux, et surtout celles de Hot- bômont, se présentent sous une grande quantité de formes mame- lonnées , stalactiformes et bizarres, qui ont tellement l'aspect de DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 171 masses fondues et comme coulées, qu’on les prendrait quelquefois pour des scories. On voit même de ces hématites qui ont enveloppé des morceaux de roches quartzeuses, analogues à celles que l’on rencontre à proximité. Tous ces minerais de fer hydraté gisent, ou dans le calcaire, ou à la limite de cette roche avec les schistes, les psammites et les poudingues. Dans le premier cas, les minerais se trouvent en filons ou en amas, qui, étant quelquefois enclavés entre deux banes cal- caires, paraissent former de véritables couches; dans le second, ils semblent constituer des amas, des couches interrompues ou plutôt des séries d’amas couchés ( liegende stock des Allemands, et érayens des mineurs du pays de Liége), qui règnent entre les roches calcaires, schisteuses, psammitiques et de poudingues, sur des longueurs plus ou moins considérables, et qui y poussent quelquefois des ramifications que l’on peut considérer comme des filons. L’allure de ces amas couchés (') est toujours irrégulière, soit dans le sens vertical, soit dans le sens horizontal. Leurs salbandes (:) La preuve la plus convaincante que la plupart des gites des minerais de fer hydraté sont des amas couchés et non de véritables couches, c’est qu’ils ne dépassent pas (excepté quelques-uns) la profondeur de 70 à 80 mètres, etqu’à ce point on atteint presque toujours les roches calcaires, schisteuses , psammitiques ‘ou de poudingues. D'ailleurs, tous les mineurs s'accordent à dire qu’à la profondeur qui vient d’être indi- qué, les schistes, les psammites ou les poudingues qui constituent une des salbandes, rejoignent le calcaire, à quelque distance qu’ils soient de la surface , et que plus bas il n’y a plus de minerai (*). (*) Quelques mineurs ont cru que le rapprochement de ces roches pourrait former des étreintes , comme on en voit souvent dans la formation houillère; mais les travaux de recherches, éxécutés d’après cette opinion , ont toujours été infructueux. 172 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE s’écartent tantôt de 10 à 20 mètres, tantôt elles se rapprochent au point de ne livrer passage qu’à quelques centimètres de mine- rai, qui assez souvent est remplacé par de l’argile plus ou moins ferrugineuse ('). Au dessus de ces amas couchés on rencontre assez souvent d’autres amas qui ont la forme d’épanchemens, et qui sont désig- nés ordinairement par les mineurs sous le nom de plateures ; ce sont quelquefois de véritables bassins. Les épanchemens longent presque toujours la tête des amas couchés sur des largeurs variables, de 2 à 320 mètres. Quelquefois, mais plus rarement, ils n’accompagnent pas les amas couchés. L'irrégularité que l’on observe dans l'allure des autres couches outrayens se fait aussi remarquer dans ces plateures et ces bassins, dont la disposition en poches remplies de minerai, et réunies presque toujours entre elles par des filets de minerai , d'argile et de sable, les force à suivre les sinuosités de la roche inférieure sur laquelle elles reposent. Les filons de fer hydraté, placés dans le calcaire anthraxifére, traversent quelquefois les petites bandes de schistes et de psam- mites , et sont presque toujours sinueux ; ils offrent un grand nom- bre d’étranglemens et se divisent ordinairement en plusieurs autres petits filons ou ramifications qui pénètrent les masses calcaires dans tous les sens, et les enveloppent quelquefois au point qu’il y a de grandes masses de calcaire qui sont isolées dans le minerai. (:) Dans quelques-uns de ces étranglemens ou étreintes, cette argile est remplacée par une terre blanche, argileuse, très-dure, presque schisteuse, mais douce au toucher. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 173 La plupart de ces filons ont une position qui approche de la verticale; leur puissance varie en général depuis 0,5 jusqu’à 3 et 10 mètres. Ordinairement, dans tous leurs gites, les minerais de fer sont réu- nis par des argiles plus ou moins plastiques, jaunes ou brunätres, très-ferrugineuses, quelquefois lithomarges, et leur masse totale est entourée d’une couche, d'épaisseur variable, d'argile de même nature, blanche, marbrée de rouge, de jaune, quelquefois de noir et de bleu, très-tenace et plus ou moins dure, que les mineurs nomment souvent so/ège. Cette couche d’argile, ou solège, n’est pas toujours en contact immédiat avec le fer hydraté; elle en est quelquefois séparée au mur et au toit, mais principalement au mur, par une terre argi- leuse plus ou moins métallique (‘), et pulvérulente, blanche, noire (*), jaune ou rouge, à laquelle les mineurs donnent dans plu- sieurs localités le nom de fouffège, et dont ils ont la certitude que l'abondance dénote peu de minerai, tandis que dans le cas contraire, c’estun indice que la mine doit être abondante et de bonne qualité. Toutes ces argiles sont ordinairement accompagnées, surtout dans les parties supérieures, par des sables blancs, jaunes, rou- ges et noirätres, qui presque toujours se joignent sans se méler (°). (:) C’est du fer sulfuré blanc et hydraté en parcelles plus ou moins grosses qu’elle contient ordinairement. (2) Quand le touffège présente cette couleur, il contient assez souvent du fer sulfuré blanc. (5) Ces sables et ces argiles colorées, et principalement les argiles noirâtres et rou- geâtres, sont souvent les indices auxquels les mineurs reconnaissent la proximité des mines de fer. 174 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE D’autres fois, comme à Hotbômont, en Rocheux, et dans les environs de Theux, les minerais de fer, outre l'apparence comme fondue qu’ils présentent, sont accompagnés par de gros- ses masses siliceuses -et ferrugineuses, quelquefois zincifères , compactes et cariées ('). Ces grosses masses siliceuses qui offrent assez souvent un vo- lume très-considérable, à angles vifs ou arrondis, sont connues par les mineurs sous le nom de pire di mene ; elles sont ordinaire- ment traversées par de petits filons de quartz blanc, et contien- nent souvent du fer hydraté compacte et même mamelonné, fibreux, qui parait faire corps et se fondre avec elles, et des géodes tapissées de petits cristaux de quartz. Ces pierres, quoique toutes de nature siliceuse, différent assez souvent entre elles : les unes ressemblent à des quarzites plus ou moins compactes, les autres à des brèches formées par des quarzites ou bien par des fragmens de silex pyromaque, cimentés par du quartz hyalin, contenant parfois du quartz agathe calcédoine. Les gites de fer hydraté ne sont pas seulement formés par ces minerais, car dans un grand nombre de localités on y ren- contre de la calamine, du fer et du plomb sulfuré, disséminés dans les masses ferrugineuses et quelquefois comme strati- fiés. D’autres fois même, une partie d’un amas, d’un filon, etc., est formée de fer hydraté, tandis que l’autre l’est de calamine, de fer ou de plomb sulfuré. (1) Ces masses cariées, qui sont communes en Rocheux, sont souvent si légères, qu’elles peuvent flotter sur l’eau de la même manière que les silex nectiques. Elles contiennent quelquefois de beaux cristaux de plomb carbonaté. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 175 Indépendamment des minéraux qui ont déjà été mdiqués dans l’intérieur des géodes de fer hydraté, de la calamine, du fer et du plomb sulfurés qui accompagnent assez souvent, ces minerais de fer contiennent encore plusieurs autres substances minérales re- marquables , telles que la baryte sulfatée, l’halloysite, la colly- rite et le plomb carbonaté. La baryte sulfatée, sous la forme concrétionnée radiée, d’un gris jaunâtre à l'extérieur et plus brune dans l’intérieur, se ren- contre dans un minerai de fer hydraté brun et jaunâtre, plus ou moins compacte et réfractaire ("), gisant dans la dolomie, au pied des rochers de la même substance que l’on voit au hameau de la Ro- chette, près de l'endroit dit les Hohinettes. Elle s’y trouve ordinai- rement en masses stalactiformes disposées en petites couches ou en pièces isolées dans les salbandes de ce minerai (*). Cette jolie baryte sulfatée fut découverte par M. de Gimbernat, naturaliste espagnol, lors de son séjour dans ce pays en 1801, et a été ana- lysée par M. Brandès (*) qui l’a trouvée composée de : (*) Ce minerai a la plus grande analogie, quant à ses caractères, avec celui d’An- gleur, près de Liége, mais il en diffère en ce que ce dernier est en couches ou en amas couchés, entre la dolomie et l’ampélite alumineux de la formation houillère. M. Crocq a aussi rencontré à Angleur de la baryte sulfatée concrétionnée radiée , mais en très-petite quantité. (?) On voit par ce qui précède que M. Schull a commis une erreur bien grave en annonçant que la baryte sulfatée concrétionnée fibreuse de Chaudfontaine , auprès de Liége, se trouvait dans le schiste ardoisier (Bydragen tot de natuurkundige FVetenschap- pen, vol. n, chap. 1, p. 31, et Bulletin des Sciences naturelles, n° 7, de 1827, p. 344). (3) Das Gebirge in Rheinland-FV estphalien, par M. Noggerath, vol. 1, analysé dans le Bulletin universel des annonces et des nouvelles scientifiques, vol. nr, p. 406. Baryte sulfatée. Halloysite. 176 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Oxidexde/bacium. 0... CR -0,62;256 =—Nde sronOUMm.. 0: 200 ele 0 000 Acide sulfurique . . . . . . . . . * 33,002 ONE CAE TELE ME NSP MR END 20 Soeur Ets tre rnouii peter 0èh 6022) Rata cat le lan np dico eme 000 98,388 L’halloysite (‘), belle substance minérale découverte il y a plu- sieurs années par M. D’Omalius D’Halloy, savant géologue, dont les travaux scientifiques ont si puissamment contribué à faire con- naître la constitution minérale des Pays-Bas, de la France et de quelques contrées voisines. Cette substance est compacte, à cassure conchoïde et cireuse, se laisse rayer par l’ongle, et prend le poli sous le frottement du doigt; sa couleur est le blanc pur, nuancé de bleu-grisâtre, ou de verdàtre; elle est très-translucide sur les bords, et sou- vent même à travers d’assez gros morceaux ; elle happe forte- ment à la langue : lorsqu'on la met en petits morceaux dans l’eau, elle devient transparente comme l’hydrophane, il s’en dégage de l'air, et son poids augmente d'environ +. Par la calci- nation elle perd 0,265 à 0,280 d’eau; si l’on tient sa poussière ex- posée pendant un certain temps à une température qui s’approche de 100, elle abandonne de l’eau, car après cela, elle ne diminue plus que de 0,16 par la calcination. La poussière desséchée, mais non calcinée, absorbe rapidement l’eau, quand on la plonge (:) Ainsi nommée par Berthier, en l'honneur de M. D'Omalius D'Halloy ; Annales de chimie et de physique, juillet, 1826, p. 332 et suivantes. DE LÀ PROVINCE DE LIÉGE. 177 dans ce liquide, ou quand on la laisse au contact de l'air humide. L’acide sulfurique l'attaque facilement même à froid; il s’en sépare de la silice en gelée et qui se dissout complètement dans les alcalis; une analyse faite par ce moyen, a donné : SCOR EN PER MOTS St PR A0 SUD Almne fi. le 2 AN AN OO 10-200,320 Enr o MEL URI RO 265 Paruneautreanalyse, dns RE on aemployé la fusion au creu- set d'argent avec de la potasse, on a obtenu un peu plusde silice et un peu moins d’alumine, contenant une petite quantité de fer;ce qui porte à croire que la teinte bleue ou verdâtre que présente l’halloy- site, dans quelques points, est due à une trace de phosphate de fer. Si l’on ne regarde comme combinée que l’eau qui reste , après la dessiccation à l’étuve, l'analyse donnera : SUCER TR el ce ii Ne 0, 404 AIDE RE- NRC M Per ee De 00:8906 Faut. te. FM ne OT OOD Il paraît SA bib difficile de détéihce avec une parfaite exactitude la proportion d’eau qui est en état de combinaison, et celle qui n’est qu’absorbée par attraction capillaire. Il est très-probable que la vraie composition de l’halloysite est représentée par la formule : 2 À L $° + À L À q°, ce qui cor- respond aux nombres suivans : SC SP EE NE Eee 2,70 0:270 ATOME EE OS LOUL : AMEE Land LU. jee 2 D:398 Eaus us CRD CNE ET L’halloysite LES à fins el , près de Liége, sur la rive gauche de l’Ourthe, se rencontre en fragmens ou en rognons, dont le volume excède rarement celui des deux poings, avec des Tom. IX. 25 Collyrite ? 178 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE argiles ordinaires, du plomb sulfuré et carbonaté cristallisé, et quelquefois de la baryte sulfatée concrétionnée radiée, dans les couches ou amas couchés de fer hydraté, ordinairement com- pacte (‘), qui gisent entre la dolomie et l’'ampélite alumineux. Depuis la découverte de l’halloysite d’Angleur, on en a trouvé dans la province de Liége, dans plusieurs gites de minerai de fer hydraté et de calamine, tels qu'à Poiou-Fornay près de Theux, à la Nouvelle-Montagne près de Verviers, à La Rochette, à Ai- waille, à Richelle et à Moha. Si ce minéral venait à se rencontrer en quantité considérable, on pourrait l’employer avec avantage pour fabriquer l’alun. On trouve quelquefois, avec l’halloysite et le fer hydraté de Poiou-Fornay, de la Nouvelle-Montagne et d’Angleur, de petites masses d’une substance de nature argileuse, qui offre une cassure et un brillant résineux remarquable, qui la fait ressembler à un quartz résinite, mais dont elle n’a ni la solidité ni la pesanteur. Cette substance, qui se brise avec assez de facilité en morceaux plus ou moins esquilleux, ne fait nullement pâte avec l’eau ,raie fai- blement le verre, et présente une translucidité plus ou moins forte, selon qu’elle est rougeûtre, noirâtre, blanche ou grise. Par l'analyse qualitative, j’y ai trouvé les mêmes composans que dans l’halloysite provenant d’Angleur (°); aussi serais-je porté à (*) Ce fer hydraté et très-compacte contient beaucoup de zinc, et présente quel- quefois du manganèse oxidé métalloïde et hydraté pulvérulent dans ses cavités. On assure y avoir aussi rencontré du fer phosphaté pulvérulent. (2) L’halloysite d’Angleur a été considérée par quelques minéralogistes comme une variété de la lensinite et de la collyrite. Cette opinion est basée sur le peu de différence qu'il y a entre les analyses de ces trois substances et sur les caractères qui les distinguent. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 179 croire que ce n’est qu’une variété plus compacte de cette dernière substance, ou l’espèce minérale qui est désignée par quelques au- teurs sous le nom de collyrite ("). Le plomb carbonaté se rencontre aussi dans nos minerais Pom carbonate. de fer hydraté, mais dans une seule localité (*), aux Rocheux, près de Theux; dans cet endroit, qui paraît avoir été ancienne- ment le siége d’un vaste établissement métallurgique, dont on voit encore les débris, tels que : laitiers, scories, roches extraites et calcinées, le minerai de fer hydraté plus ou moins caverneux et hématoïde est parsemé de cristaux tri-hexaèdres et bacillaires de plomb carbonaté blanc. Ces cristaux, dont la grosseur dépasse rarement celle d’un tuyau de plume , sont en général très-courts, et le minerai de fer dans lequel on les remarque, présente quelquefois des cavités qui en sont tapissées. Ils recouvrent quelquefois les roches quartzeuses et calaminaires que lon y rencontre. Il est aussi à observer que l’on trouve dans cette localité des parties de plomb sulfuré enclavées dans le minerai de fer. ; Après ces détails sur le gisement des minerais de fer hydraté et nemarques sur re. des substances qui les accompagnent dans la province de Liége, Paco einer : entreprendre la description des nombreux gites qu’elle renferme , serait un travail qui dépasserait les limites de ce Mémoire, et (x) Cette substance, d’aspect résineux , etc. , se trouve aussi en quantité assez consi- dérable avec l'halloysite , dans une espèce de filon argileux qui existe dans le calcaire anthraxifére des environs des carrières des Grands-Malades , près de Namur. (2) On trouve cependant du plomb carbonaté dans l'exploitation de fer hydraté d'Angleur , et à Lavoir et Antheit; mais dans ces localités il est accompagné par de petites masses de plomb sulfuré auquel il paraît appartenir. 180 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE qui rentrerait plutôt dans un ouvrage spécial; je me bornerai donc à citer les localités les plus importantes. Sur la rive gauche de la Meuse, les mines de fer sont principa- lement situées dans le canton de Héron, arrondissement de Huy. Elles sont très-nombreuses et fournissent en général de bons mi- nerais. Îl parait que dans ce canton, le fer hydraté constitue 7 à 8 filons (‘) qui prennent presque tous naissance au sud de la cou- che bien connue de fer oligiste terreux globuliforme (*) qui vient de la province de Namur, en ayant une direction générale du sud-ouest au nord-est. La puissance de ces filons, assez sinueux et presque verticaux qui traversent le calcaire anthraxifère et ses dolomies, varie de- puis 0,32 jusqu’à 3 et 10 mètres. Quelques-uns d’entre eux contiennent du plomb sulfuré et carbonaté dont une partie a été exploitée anciennement avec avantage. Les mineurs assurent que le minerai de fer hydraté est exploité sur une longueur de 1004 mètres. À la rive droite de la Meuse, les mines de fer hydraté sont des plus abondantes, mais il n’y a guère que celles qui sont à proxi- mité des hauts-fourneaux ou de quelque rivière navigable qui soient exploitées; car il y a des mines très-riches et de première qualité, telles que celles de Hodbomont, de Juslenville , etc., près de Theux, qui sont abandonnées à cause de la grande distance des établissemens métallurgiques. (:) Présentant souvent des étranglemens. (2) Ge minerai est désigné en général sous le nom de mine rouge, et le fer hydraté sous celui de mine jaune. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 181 Les principales mines exploitées sont celles de Ferrière, Rouge- Minière , Filot, Enzegotte, Xhoris, Pirombœuf, Kin, Housson- loge, Aiwaille, Hazoumont ou Hansoumont ('), Bois-Nollet, Bois-le-Comte, Louvegnez, Rotty, Hayen, Bois-le-Moine, Em- bour, Angleur, Beauregard, Allemelle, Laleumont , ou Alle- mont, Bois-de-Cendron, etc. L’épaisseur des amas couchés ou des filons de la rive droite varie considérablement; on en connaît qui n’ont que 0,50, tandis qu’il y en a qui atteignent jusqu’à 12 mètres. Par suite de la prédilection des minerais de fer hydraté à se placer au passage du calcaire anthraxifère au schiste, etc., on a des endroits où la mine de fer est exploitée sur plus d’une lieue de longueur. L'exploitation de ces mines se borne en général à enfoncer à côté ou sur le minerai même, deux petites bures circulaires d'environ 1,50 de diamètre, que l’on garnit de cerceaux et de broussailles. Lorsqu'on est arrivé au minerai, on extrait dans tous les sens sur 10 à 16 mètres de rayon, laissant de di- stance en distance des piliers pour soutenir le terrain. On ex- ploite ensuite ces piliers à leur tour en revenant vers la bure. On se porte ensuite à une distance convenable pour enfoncer un nou- veau puits et ainsi de suite. C’est à ce mode d’exploitation qu'est du le grand nombre de cavités en forme d’entonnoirs très-évasés, que l’on remarque dans (:) Dans cette localité l’on a fait des recherches pour s'assurer si la jonction des deux roches, calcaire anthraxifère et psammite à poudingue, n’était pas une étreinte , c’est-à-dire si en dessous de cet étranglement il n’existait plus de fer hydraté, 182 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE la plupart des localités qui viennent d’être désignées et qui se trou- vent en général à la suite les unes des autres. Ce mode d’exploitation irrégulière paraît être le seul convenable dans beaucoup d’endroits, à cause des nombreux resserremens qu’éprouvent les filons, les amas, etc. L’extraction des minerais de fer n’a ordinairement lieu que pendant les trois à quatre mois d'hiver. Le produit journalier de la majeure partie de ces mines est de 2 à 3000 kilogrammes. Il en est cependant qui ont rapporté jusqu’à 6 à 8000 kilogrammes par jour ('). Après la houille , les minerais de fer constituent la plus grande richesse minérale de la province de Liége; aussi dès les temps les plus reculés, il paraît que l’on s’occupait beaucoup de la métallur- gie du fer; on en a des exemples incontestables par les débris d'anciennes usines que l’on rencontre aux bords de quelques-unes de nos rivières, etc., et par ces amas considérables de scories et de laitiers, et quelquefois de masses de fer malléable et de cadmie, que l’on trouve fréquemment sur les plateaux et rarement dans les vallées des pays élevés des environs de Theux, de Poleur, de Stembert, de Goë, de Jalhay, du Sart, de Spa, etc., et dont on a perdu toute espèce de souvenir (°). (:) Par exemple à Hodbomont, près de Theux; mais ce n'est que lorsqu'on fut parvenu à un de ces volumineux mamelons de fer hydraté disposé dans les cavités de ce vaste bassin. (2) Parmi ces amas de scories (*) et de laitiers , il en est où l’on remarque encore le minerai de fer stratifié avec du bois ou du charbon de bois. Il est aussi à observer que (*) Parmi ces scories, composées en grande partie de silicate de fer, on en voit qui offrent de vé- ritables cristallisations. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 183 Il est à remarquer que les localités où il existait anciennement des établissemens métallurgiques pour le fer, sont justement celles qui en sont actuellement dépourvues ("). Les grands établissemens actuels pour la métallurgie du fer, et principalement pour la fonte des minerais, se sont rapprochés des rivières navigables ou des villes manufacturières qui les avoisinent. Les minerais qui approvisionnent les hauts-fourneaux de cette province en proviennent en grande partie, mais aussi de celle de Namur et de quelques parties du Luxembourg. Leur richesse varie considérablement et souvent dans une même localité; ils rapportent ordinairement par leur mélan- ge, aux hauts-fourneaux, 22 à 25 pour cent de minerai lavé. Il parait que le rapport va quelquefois jusqu’à 27 et 28 pour cent. Dans la réduction des minerais de fer de la province de Liége et dans une grande partie de ceux de la Belgique, ilse volatilise une assez grande quantité d’oxide de zinc impur, nommé cadmie ou kiss, qui se condense en partie au voisinage du gueulard des hauts- fourneaux, sous l’aspect d’une croûte plus ou moins épaisse, stra- üfiée , lourde, compacte et d’un gris-verdâtre et quelquefois rous- sâtre. Ces cadmies, dont on trouve assez souvent des fragmens dans les campagnes du Franchimont et sur nos Fagnes, et que l’on ces amas existent à proximité ou dans les anciennes forêts du pays, et ordinairement assez éloignés des habitations. (:) On en a un exemple frappant dans le pays de Franchimont, qui était encore, au XV: siècle, le siége d’une grande quantité d'usines à fer, et où actuellement il n’en existe plus. Calamine. 184 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE prend quelquefois pour des minerais précieux, ont été analysées par MM. Bouësnel et Drapiez, qui les ont trouvées composées de : BOUÈSNEL. DRAPIEZ, Oxide de zinc. . . . . . 90,1 94,0 — plomb. 04 M4 2 16,0 2,4 —— EU PSE SUP NTATG 2,6 Charbon RE EC EC. 0 0,5 Matière terreuse . . . . « 1,8 » 100,5 99,5 Dans des échantillons de cadmie cellulaire, ou plutôt stalacti- forme, cristalline, d’un beau vert-tendre, provenant d’une an- cienne usine de Vaux-sous-Chevremont, M. Levy a découvert des cristaux limpides d’oxide de zinc pur. Ces cristaux, qui se clivent dans une direction perpendiculaire à l’axe, ont la forme d’un prisme hexaèdre terminé par une pyramide hexaëdre; ils ressem- blent beaucoup à de petits cristaux de quartz hyalin. Leur pesan- teur spécifique est 5,33. La calamine est, après les minerais de fer, la substance métal- lique la plus abondante de la province de Liége. Dans les différens gîtes connus actuellement ('), elle se trouve en amas, en couches et en filons, disposés dans le calcaire anthraxi- fère ou la dolomie, dont la présence paraît indispensable à sa (x) Je dis actuellement , parce qu'il y a quelques années toute la calamine qui était employée en Belgique et en France provenait de la Vieille-Montagne, près d’Aix-la-Cha- pelle, Mais aujourd’hui il existe deux nouvelles exploitations, dont une est à même de concourir avantageusement avec la Vieille-Montagne. Le nombre de ces exploitations augmentera peut-être encore, vu les nouvelles demandes en concession et les indices de quelques nouveaux gites. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 185 formation, puisqu'elle ne se trouve jamais dans les schistes et les psammites. Tous les gisemens de calamine de la province de Liége ont beaucoup d’analogie entre eux. Les plus intéressans sont ceux de la Vieille-Montagne, de Membach, de la Nouvelle-Montagne, du Bois-de-Huy près de Layable et d’Aigremont, près d’Engis. Celui de la Vieille-Montagne, connu quelquefois sous celui d’Al- tenberg ou de calamine de Limbourg, est situé à deux lieues au sud-ouest d’Aix-la-Chapelle, près du village de Moresnet ('). La masse calaminaire de cette dernière localité, disposée en bassin allongé, analogue à ceux qui contiennent souvent les minerais de fer hydraté, est dirigée du nord-est au sud-ouest dans sa plus grande longueur, et a environ 450 mètres de long sur 180 à 200 mètres de large. Elle est comprise dans deux ca- vités plus grandes l’une que l’autre, séparées par de la dolomie. Elle est enveloppée ou par le calcaire magnésien, ou par des argiles plus ou moins jaunes, rouges, noires et compactes. Elle touche dans quelques parties à une argile noire, contenant des pyrites efflorescentes, qui a beaucoup de rapport avec l’ampélite alumineux. On peut considérer la masse calaminaire de la Vieille-Montagne comme un grand nombre de petits amas disposés irrégulièrement , (*) Je dois faire observer que, quoique je décrive le gisement de la Vieille-Monta- gne , je n’entends pasdire par là , qu’elle appartient plutôt à la province de Liége qu’à la Prusse; cette question est encore en litige; mais cette exploitation appartenait à l’ancien département de l'Ourthe, et elle alimente la grande fabrique de zinc de Liége. Tom. IX. 24 186 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE et enveloppés d’argiles bolaires (‘) de diverses couleurs : ces argi- les, qui présentent assez souvent plusieurs couleurs disposées par bandes parallèles, acquièrent quelquefois une si grande dureté, qu’on ne peut plus les entamer avec des instrumens tranchans. Ces amas sont toujours fendillés en tous sens, présentent un mélange confus d'argile rouge, jaune et verte, et de calamine compacte et cristallisée. On remarque que les argiles enveloppent ordinairement la cala- mine, mais quelquefois c’est la calamine qui empâte les petites masses d'argile. Le calcaire, ou plutôt la dolomie qui accompagne ces amas, est quelquefois dur, à structure lamellaire et brillante; mais ordinai- rement au point de sa jonction avec la calamine, on s’aperçoit qu'il perd sa solidité. J'y ai reconnu, par l'analyse, une assez forte proportion d’oxide de zinc, substance qui avait déjà été observée par M. Delvaux, dans la dolomie lamellaire de Membach. Les masses de calamine de la Vieille-Montagne , qui n’est qu'un mélange de zinc carbonaté et de zinc oxidésilicifére , sont princi- palement formées de calamine compacte, qui contient de nom- breuses géodes et fissures tapissées de cristaux et de petites con- crétions. | Les cristaux qui gisent dans ces masses sont assez communs, et affectent particulièrement les formes prismatique, rhomboédri- que et dodécaédrique. La forme prismatique appartient au zinc (") C'est-à-dire de pâte fine, diversement colorée, et contenant rarement du sable. :DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 187 oxidé silicifère : c’est un prisme à quatre faces, très-aplati, terminé Zinc oridé silieÿfère. par un biseau ou par une pyramide à quatre faces. En général tous les cristaux de ce genre sont blancs et d’un éclat très-vif. Les formes du zinc oxidé silicifère sont nombreuses ; M. Levy, qui les a souvent examinées, assure qu'aucune de ces formes n’a été exactement décrite, et quelles ne sont guère susceptibles de l'être sans accompagnement de figures. Espérons que M. Levy, qui a déjà fait faire tant de progrès à la cristallographie , ne tardera pas à publier ses observations sur les formes de ce minerai de zinc. La forme rhomboédrique appartient au zinc carbonaté ; elle Zinc carbonats. présente un rhomboëdre voisin du cube; elle est lamelleuse , tantôt d’un blanc nacré et tantôt jaunâtre : c’est la moins abon- dante. La forme dodécaëdre, appartenant encore au zinc carbonaté , accompagne presque toujours les prismes de zinc’ oxidé silicaté; elle est fort allongée, assez semblable à certains cristaux métasta- tiques de chaux carbonatée et de couleur jaune , rouge, brune êt noire. M. Levy a déjà reconnu dans celle de Moresnet la forme primitive P. | Cette même forme émarginée à l'endroit des arêtes obtuses P2'. Le rhomboïdeprimitif combiné avec les faces d’un rhomboïde aigu Pe <. Le rhomboïde primitif combiné avec les faces d’un rhomboïde plus aigu Pe =. Un prisme hexaëdre terminé par les faces de deux rhomboïdes Pe'e. Chaux earbonatéz fer- rifère. Hopéite. 188 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Ces cristaux de zinc carbonaté se rencontrent aussi dans les argiles. La variété compacte, qui forme la plus grande partie de l’'amas calaminaire, est d’un gris sale ou d’un jaune d’ocre. Elle est quel- quefois cariée et cellulaire. La variété concrétionnée existe dans les géodes en forme de rognons dans les argiles bolaires les plus tendres ; elle se trouve ordinairement en mamelons d’un jaune-noirâtre , formés de eou- ches testacées et recouverts de petits cristaux plus ou moins octaédriques. Ë Ce gîte calaminaire ne contient ni plomb ni zinc sulfuré, et ne renferme que très-peu de fer hydraté; mais il renferme plu- sieurs substances remarquables, dont quelques-unes ne se sont encore trouvées que dans cet endroit. Ce sont : lo La chaux carbonatée ferrifère en petits cristaux verdâtres, offrant les formes inverse, antiédrique et en petites masses aciculaires et mamelonnées. Sa pesanteur spécifique a été trouvée 2, 8. 2° La hopéite, minéral de la plus grande rareté, dédié par M. Brewster à M. Hope, vice-président de la société royale d'Édimbourg. Ce minéral, d’un beau blanc, parfaitement limpide, et qui ne s’est encore trouvé qu’à la Vieille-Montagne, avait d’a- bord été rangé comme variété, dans la famille des zéolithes. Voici ses principaux caractères, d’après la description qu’en a publiée dans les journaux scientifiques, M. Brewster, et d’après les ren- seignemens que M. Levy a bien voulu me donner. Pes. sp. 2,85. Ni phosphorescent, ni électrique par la cha- leur; deux axes de double réfraction, dont le principal est per- DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 189 x pendiculaire à l’axe du prisme et aux pans qui donnent le clivage. Sa forme primitive est un prisme droit rhomboïdal dans lequel l'incidence des faces latérales est de 120c 26’, et le rapport d’un des côtés de la base à la hauteur, celui des nombres 35 et 26. Clivage facile et nacré, parallèle à la modification G’. Les cristaux présentent des formes assez compliquées; ce sont des prismes à 8,12 ou 20 pans, terminés par des sommités à 6 ou 9 faces. Ce minéral est entièrement soluble sans effervescence dans les acides hydro-chlorique et nitrique. L’acide sulfurique agit sur lui beaucoup plus lentement et finit par le dissoudre. Au chalumeau, il a présenté les caractères suivans : Seul dans le matras, ce minéral donne une grande quantité d’eau sans aucune trace d'acide carbonique. Il devient d’abord d’un blanc de lait, puis il fond promptement en un globule qui communique à la flamme une couleur verdâtre. Par l'essai de quel- ques morceaux d’hopéite, M. Levy n’y a trouvé que de l’eau et de l’oxide de zinc. 3° La wvillemite. Ce minéral, découvert à la Vieille-Montagne, en 1829, a été dédié par M. Levy à S. M. le roi des Pays-Bas. Cette substance, qui est un silicate de zinc anhydre, se présente en masses compactes, rougeàtres ou ocreuses, contenant un grand nombre de cavités irrégulières, quelquefois cloisonnées, tapissées d’une infinité de petits cristaux blancs, limpides, rouges foncés ou jaunâtres et souvent d’un aspect gras; quelquefois au lieu de cristaux, ces cavités offrent une copy d’enduit cristal- lin mamelonné. Ce minéral, assez difficile à briser en masses, Willemite Manganese oxidée, 190 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE raie le verre, se pulvérise facilement et se réduit en gelée dans l'acide nitrique. Sa forme primitive est un rhomboïde obtus de 1280, 30’. Son clivage est facile dans une direction perpendicu- laire à l’axe. Les cristaux offrent la forme d’un prisme hexaèdre régulier, terminé par les faces d’un rhomboïde obtus; leur signe cristallographique est Pe?. — Pesanteur spécifique 4,18. M. Levy, l’a trouvé composé de : DUO su eee ee R 07 SUR QxideYde’zine OPEN CET CE NT 2599 L'analyse correspond à la formule 23 S2. Une petite quantité de zinc est quelquefois remplacée par l’oxide de fer. ; La willemite se trouve en masses plus ou moins grosses, et en assez grande quantité , engagée dans la calamine, principalement dans le voisinage du calcaire. Les ouvriers la désignent sous le nom de craker. 4° On trouve encore à la Vieille-Montagne des masses d’une substance brune ou noirâtre, composée quelquefois de globules aplatis, à couches concentriques, et contenant des cavités où est renfermée une nouvelle cristallisation de zinc oxidé silicifère. Cette substance qui a été prise pour de la franklinite, mais qui est plutôt un oxide de manganèse, a une pesanteur spécifique de 3,50. M. Delvaux l’a trouvée composée de : Oxide de manganèse. . . . . . . ... 49,77 LPC ROLAND «ele LU de miel 8,86 Cauet EME AN or OI OT AETE 8,16 Magnésiessn eat dti eurent ns 0,24 Phosphate defer. .s.,. ." … ., + + .: 1,02 Là ME 15: hé ai it Sn éd de 1,35 DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 191 ETS NS On UE 3,67 Acide carbonique. . . CR 22,79 Traces de plomb , eau et Ra As PA de 4,16 À Membach, entre Eupen et Limbourg, la calamine, composée de zinc carbonaté et oxidé silicifére, repose dans de la dolomie lamellaire qui contient elle-même du zinc (') et dont l’analyse est relatée à l’article dolomie. Cette calamine parait y constituer une couche assez puissante, mais le minerai y est mêlé avec beaucoup de plomb sulfuré, quel- quefois cristallisé en octaèdres et en cubo-octaèdreset du plomb carbonaté. Cette exploitation promettait beaucoup il y a quelques années, mais elle n’est plus actuellement en activité. À la Nouvelle-Montagne, près de Verviers, la calamine à l’état de carbonate et quelquefois d’hydrate de zinc, avec assez de fer, de manganèse et parfois du plomb sulfuré (*) et carbonaté, et de l’halloysite, se trouve en masses compactes et cayerneuses, contenant quelquefois des cristaux, disposées en amas et en filons avec du minerai de fer et des argiles dans le calcaire anthraxifère et la dolomie. Cette exploitation, en activité seulement depuis à peu près deux ans , a déjà fourni une quantité assez considérable de minerai. Au bois de Huy, près de Layable, au bord de la rive gauche de la Meuse, on exploite depuis près de deux ans un gisement de calamine formée de silicate et de carbonate de zinc, qui est remarquable. Le minerai y constitue une véritable couche dont (:) Et parfois du zinc sulfuré. (2) On en a trouvé en beaux cristaux octaédriques. 192 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE la puissance varie depuis 4 jusqu’à 15 et 20 pieds. Cette couche se trouve stratifiée avec du fer hydraté et des argiles plus ou moins bigarrées, contenant du plomb sulfuré et carbonaté : le tout dis- posé entre le grand rocher de calcaire anthraxifère, quelquefois magnésien , des alunières (') et l’ampélite alumineux, qui accom- pagne le terrain houiller. Cet ensemble de roches et de minerais est presque vertical et incline au sud-est. Le calcaire sert de toit et l’ampélite alumimeux de mur. La calamine de cette localité, quoiqu’ordimairement en masses (*) Cette dénomination de grand rocher des alunières est reçue par quelques exploi- tans de la rive gauche de la Meuse , pour désigner le calcaire anthraxifère qui accom- pagne au sud l’ampélite alumineux , et pour le distinguer d’une étroite bande calcaire qu'ils appellent petit calcaire concomitant, qui est un peu plus au midi des exploitations, et qui n’est séparé du grand rocher que par une bande de couches composées de dolo- mie, de schiste argileux , de psammite et de fer oligiste terreux globuliforme. Ainsi on traverserait en partant des environs d’Ampsin, qui est au sud-est du terrain houiller, et se dirigeant au nord-ouest sur Villers: 1° une bande calcaire de 50 à 60 mètres dési- gnée sous le nom de petit 'calcaire concomitant, contenant des parties de dolomie, et coquiller à sa limite nord-ouest; 2° une bande de 120 à 140 mètres de schistes et de psammites micacés; 3° trois petitescouches de minerai de fer oligiste terreux granuliforme désignées sous les noms de grosse mine, de 40 centimètres d'épaisseur , belle mine, de33 centimètres , et de petite mine, de 30 à 34 centimètres. Ces trois petites couches for- ment, avec les schistes qui les accompagnent , un ensemble de 40 à 42 mètres de puis- sance ; 4° un psammite très-quartzeux de 10 mètres , propre à faire des payés; 5° une bande de psammites et de schistes micacés de 40 à 50 mètres , contenant une petite couche de calcaire à entroques ; 6° une large bande de 250 à 300 mètres composée de dolomie et de calcaire anthraxifère ; 7° la couche métallifère de fer, de zinc et de plomb décrite précédemment ; 8° l’ampélite alumineux de 10 à 12 mètres; 9° la houille. Tout ce système de roches est presque perpendiculaire et incliné au sud-est. Je dois les renséignemens de cette note à M. de Lamine , propriétaire très-instruit de mines de houille , d’alun et de calamine, à Liége. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 193 compactes, caverneuses et très-ferrugineuses, contient quelque- fois de petits cristaux de zinc carbonaté et silicaté, et assez sou- vent du zinc oxidé terreux et métalloïde. On remarque qu’il existe aussi au nord de Chockier, d’Aigre- mont, d'Engis, de la Mallieue, de Flône, d’Amay et d’Ampsin, des minerais de fer, de zinc et de plomb, entre lampélite alumi- neux, membre de la formation houillère, et le grand rocher des alunières. On peut admettre vraisemblablement que dans toutes ces localités placées sur la méme ligne géognostique, c’est la même couche composées de strates parallèles au toit calcaire, de fer hydraté, de calamine et de plomb sulfuré qui y passe, mais qui présente sans doute des resserremens plus ou moins considérables. Le long de toute cette couche métallifère, et surtout aux envi- rons d'Engis, de la Mallieue et de Layable, on trouve dans les déblais des anciennes exploitations une assez grande quantité de masses pierreuses tuberculées, formées par du fer, du zinc et du plomb sulfurés qui contiennent du quartz, de la chaux carbonatée et quelquefois du plomb carbonaté'et phosphaté. Indépendamment des localités qui viennent d’être citées, on connaît encore de la calamine aux Rocheux, à Oneux et à Sohan, près de Theux, et dans les environs de Vogelsang. Les calamines de la province de Liége offrent une composition assez variée; on en jugera par les analyses de quelques-unes insérées dans le tableau ci-joint ; elles rapportent ordinairement en grand, après avoir été grillées et quelquefois lavées, 21 à 25 de zinc métallique p. ? de minerai. Il est des cas où l’on a obtenu 28 p. ?; il paraît même que quelques personnes ont retiré de la calamine de la Vieille-Montagne 30 à 32 p. =. Tom. IX. 25 194 » ; No 1. Analyse de la calamine de la Wieille-Montagne, par Smithson. be CHOSES Silice : Oxide/de zinc... 0 0er) : Léréeobre ts 1-41 Eau. No 38. | Analyse de la calamine d'Engis par M. Delvaux. Carbonate, deizinc "+ ee de «re e es de de à cel es eh fie de. . 0 _ detéértarst Lu . Mn MR E elite) DH ONMEON GENS, : . . _ Hermangautse .. £a ie pes ol ir tisigie qe fn. AR CNRS EE .0 hi — ECHO LR EN APE CE PTE PER A PT € SE. LS 4 : _ de magnésie. I Péroxude derferu a MR Cie : ee demansanese hp PMR ANR RUE CANRORER RNA. - CSS OPNPN EN CEE ON EE, PRICE PT FETE Cadnium . +, > 0. :, «RSR En + ei de ete EU : le Perte: . « . ee re SP 5h CE REUUAUS, LE ARE ES, . D Ne 5. Analyse de la calamine compacte de la Nouvelle-Montagne , par M. Dell ir last clé atérissaté ul dci ère fl 00.7 Oct odtPier-cace te :ÉRRNS. Gode denbs nus. 0 DOME en couel PS Up AENEEY et) siteT NERO - ST PE PE A D LT LE RS Re 1. SU PORERE- ORNISIOE plomb AA Q. IEREMONELEET QAR, PMR RTE CAR SIREN Peraxide{de/mañeanese. 2 4) 4: 4. 62 At lion te agen Se ESS. CS RUE ACTE CAN DONMIQUE ne re Moy gt à Moi e je 10e et Ve 0 Re Re 0. IR GadmiomEifo Pen. DOS CU) FOPÉRTY PAAS JE. PRE MS AL OAI INTENSE. : Perte . CS Noa 2 Analyse de la calamine de la Wieille-Montagne, par M. Berzelius. D ANA SO OMR MSNM PAUATE O4 00 LE A EN TAINENS 1/0,24808 De © no non ipperraerge, Sn nr Sr ES Le 0,66837 TT D RE Un NS Us à 0e RE U7 OU Que, MEN À ROMANE MERS ED OURS RO EE ART Me SR - 0,00450 mb et d'élain, . . . DURS EN eh nf CE :h:an- :c it = 0,00276 0,99916 N° 4. Analyse d’une autre calamine d’Engis, par M. Delvaux. nc . ad OISE rase Ole de rene certe et fo MST peu de manganèse à l'état de carbonate . . + . 4 . . . . . Des : : « . 0,03862 dE co 000 RE RSS Re: en Do. ee el. ue < + + 0:0965 Pgo 2 br ché técedos «6 dé tee: : A à Éd" duo e . 0,0173 fer avec un peu d'argile . . . . £ bee ns de à: © je née: 401040 AGO RE EL 0, « ., à c ; re USE a EE Een ee Cal: MU CEUS soumettant à l'épreuye une cinquantaine de grammes de ces calamines, nes3 et 4, M. Delvaux a obtenu igrammes d’oxide de cadmium. Ne 6. la calamine compacte du bois de Huy, près de Layable, faite par moi en 1828. 10,21 39,83 ce 22,97 RAISATEEE EU CN RP d LAS HO UENRRS SOUSSE JA, 2,88 à cu le Le died. Ce a CO RE à: Traces. à PPT © NU act hels es C 0,17 Érboniquettent Mie , 214.0 SOLE ETES PET PPARTONT TE QIARA IP R EU FRE 20,34 96,40 196 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE De même que dans plusieurs localités de l’Allemagne, etc., on observe que beaucoup de terrains calaminaires sont remarquables par leur stérilité et quelquefois par une végétation qui leur est propre. C’est ainsi qu’à la Vieille-Montagne et aux environs de Theux, on remarque le gazon d’Inde calamimaire (s{atice armeria ou elongata), la violette jaune ou calaminaire (viola lutea ou calaminaria) la sablière en gazon (arenaria cespitosa), ’avoine des prés (avena pratensis), et le thlaspi hâtif ou calaminaire (thlaspi præcox ou alpestre var. calaminare), plantes qui pa- raissent se plaire exclusivement dans ces terrains. L'exploitation de la calamine dans la province de Liége re- monte à une époque très-reculée. Il paraït que Pline Second, liv. 34, chap. 1°", en parlant de la cadmie (cadmia), qui est, dit-il, le lapis aerosus, et qu’on vient, ajoute-t-il, de découvrir dans la province germanique, a entendu parler de la mine calaminaire des environs de Kelmis ou de la Vieille-Montagne , entre Aix-la- Chapelle et Henri-Chapelle, la plus abondante et la plus ancien- nement exploitée de la Germanie cis-rhénane (‘). Dansles environs de la Vieille-Montagne, on s'accorde à dire que les Espagnols Vont exploitée il y a plus de 400 ans, et que ce sont eux qui ont commencé les premiers travaux à ciel ouvert, qui ont formé une partie des excavations actuellement existantes. L'exploitation actuelle de la calamine de la Vieille-Montagne se fait par de grands gradins à ciel ouvert, eten dessous de ceux-ci par puits et galeries. L'aspect de cette exploitation est imposant, tant par ses déblais (:) Cette opinion sur l'ancienneté de l'exploitation de la calamine est celle qui est la DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 197 que par ses grandes excavations, dont une seule comprend à peu près toute la longueur du bassin, et démontre combien est im- mense la quantité de calamine qui en a été extraite. L'exploitation des autres gites calaminaires de la province a lieu par puits et par galeries. La quantité de calamine fournie annuellement par la Vieille- Montagne varie selon les besoins du commerce. En 1825 et 1826, cette quantité était d'environ 4,346,800 kilogrammes, et en 1828 seulement 2,913,409 kilogrammes. Cette énorme différence pro- vient de la grande quantité de zinc de Silésie, introduite il y a quelque temps dans les Pays-Bas, et des calamines qui sont livrées actuellement au commerce, par les nouvelles exploitations de la province de Liége. L’extraction de ces deux nouvelles exploitations, celle de la Nouvelle-Montagne, près de Verviers et du bois de Huy, près de Layable, s’est élevée dans les neuf derniers mois de 1829 à plus de 2 millions de kilogrammes, dont on n’a vendu que 7 à 800,000 kilogrammes. L'exploitation de Membach, quoiqu’actuellement en non activité, a aussi livré au commerce une certaine quantité qu’elle avait en magasin. La majeure partie de la calamine extraite annuellement dans la province de Liége, y est utilisée par les quatre établisse- mens de réduction ou fonderies de zinc (‘) qui y existent, et plus vraisemblable , et que l’on doit aux savantes recherches archéologiques de MM, De- launay (*) et Dethier. (‘) La fabrique de zinc formée à Liége en 1809 par feu M. Dony , a été la première qui se soit élevée en France et dans les Pays-Bas. (*) Voyezson Traité sur la Minéralogie ( pag 201 , edition de Londres , 1780.) Plomb sulfuré. 198 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE par les fabriques de laiton des provinces de Liége , Namur, etc. Le plomb sulfuré est une des substances minérales de la pro- vince de Liége qui se rencontre dans le plus grand nombre de localités, mais en partie disséminé, ou en nids et en filons plus ou moins engagés dans les fentes ou dans les massifs de calcaire anthraxifère et de la dolomie, avec des argiles, des fers hydratés et des calamines. C’est à cette cause (*) qu'il faut attribuer l'abandon de la plus grande partie des exploitations qui ont été établies à différentes époques. | Citer tous les endroits où l’on a trouvé du plomb sulfuré serait une chose superflue , car on en a rencontré presque partout où il existe du calcaire anthraxifère et surtout de la dolomie; nous nous bornerons à indiquer ceux qui présentent les meilleurs indi- ces. Ce sont : Seilles, Landenne, Lavoir, Moha, Flône, Ber- neau(’), Olne, Juslenville, Séroule près de Verviers, Mem- bach, etc. Le gisement du plomb sulfuré de Lavoir, sur lequel je mai pu avoir aucun renseignement géognostique, paraît avoir été très- important, puisque d’après un tableau politique du département de l’Ourthe de 1801, par M. Constant, cette mine a fondu jusqu’à 4,000 saumoôns de 150 livres chaque année. “ (1) Il est cependant quelques mines de plomb qui promettaient beaucoup , mais qu’on a été obligé d'abandonner à cause de l'abondance des eaux. : (2) Il paraît que ce gîte a été très-exploité anciennement ; car on trouve aux environs beaucoup de débris de minerais et de scories. Des anciennes traditions rapportent que le plomb qui a servi à couvrir l’église de S'-Servais, à Maestricht , provenait de cette localité. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 199 Celui de Landenne, où l’on travaillait encore il y a 4 à 5 ans, était disposé en masses ou en filon irrégulier dans la dolomie, dont l'épaisseur variait d’un à deux pieds. Ce filon, très-irrégulier, dont l’inclinaison était de 25° vers le sud-est, offrait des masses de plomb sulfuré qui étaient accompagnées par de la calamine terreuse et du fer hydraté. Dans les travaux de reconnaissance que l’on avait poussés à une assez grande profondeur, on avait rencontré le minerai à 65 ou 70 pieds; il était presque vertical, et inclinait quelque peu vers le sud-ouest. Le plomb sulfuré que l’on avait retiré de ce gisement était en masses laminaires plus ou moins compactes et contenait de la calamine , du fer hydraté, du fer sulfuré blanc et quelquefois du plomb carbonaté; il produisait 55 à 60 p. ?. 30 Le schiste argileux. Après le calcaire anthraxifère cette roche est la plus importante de la formation anthraxifère. Ce schiste, qui, d’après ce que nous avons dit précédemment, se lie par différentes séries de passages au calcaire et aux psammi- tes ; présente lorsqu'il est à l’état de pureté, une roche à texture compacte , divisible en morceaux feuilletés plus petits que ceux du schiste ardoise, et n’offre ni sa cassure très-schistoïde, ni sa solidité. On remarque aussi que le schiste argileux se décompose facilement à l’air et qu'il se convertit en une espèce d'argile. Il se divise aussi quelquefois en fragmens rhomboïdaux très- bien prononcés; on°en à des exemples dans plusieurs loca- lités, entre autres, entre Prayon et Forêt, à Juslenville, Lou- vegnez, etc. Les couleurs du schiste argileux sont en général le grisâtre, le jaunâtre et le rougeâtre. On en voit aussi qui ont des teintes ver- Schiste argileur. Caractères et compo- sition. 200 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE dâtres, noirâtres et bleuâtres. Il est souvent mélangé avec des lamelles plus ou moins grandes de mica, qui lui donnent un aspect luisant et pailleté et le font ainsi passer à une espèce de phyllade que M. Brongniart désigne sous le nom de phyllade pailleté. Ces lamelles deviennent quelquefois si nombreuses, que le schiste en est pour ainsi dire tout formé, et qu’il se divise sous les doigts avec la plus grande facilité. On en a des exemples à Goffontaine, à Nessonvaux, à Fraipont, au Trou, à Ninane et à Florzée. - Tendance du. semis Le schiste argileux a une telle tendance à passer au psammite M psammur. "qu'il arrive très-souvent que l’on est embarrassé pour les distin- guer lun de Pautre. Observations sur ts Concernant les couleurs qui viennent d’étre affectées au schiste couleurs du schiste . . . . argileux. argileux, on a remarqué que telle couleur paraissait dominer dans une localité, tandis que dans une autre on ne Py rencontrait presque pas. C’est ainsi qu'entre l’Ardenne et le Condros, le schiste argileux et les autres roches prennent en général une teinte rougetre et surtout dans quelques bandes centrales du Condros et dans quelques localités beaucoup plus au nord de lAr- denne, principalement où règnent les poudingues. Ces roches rou- geàtres présentent, comme le fait fort bien observer M. D’Omalius D’Halloy, une particularité qui leur est commune avec beaucoup d’autres où cette couleur domine; c’est la liaison du rouge et du vert; de manière que lon voit ordinairement ces taches vertes augmenter successivement au point de former des couches alter- nativement vertes et rouges. ? Cest par cet ensemble de roches rougeûtres que se fait pres- que généralémerit la liaison du Condros avec l’Ardenne. Aussi remarque-t-on que les feuillets de schiste argileux deviennent DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 201 beaucoup plus grands àmesure que l’on s’avance dans cette bande, et l’on arrive insensiblement à des espèces de schiste ardoise. Le schiste argileux constitue des bandes assez larges qui alter- stratificarion. nent à plusieurs reprises, souvent sur un espace qui n’est pas très-étendu, avec les psammites et les poudingues, mais on remar- que que ces bandes et leur ensemble de stratification sont toujours mieux réglés que ceux du calcaire anthraxifère. Le schiste argileux forme souvent des montagnes considérables, mais qui n’offrent que bien rarement des pointes saillantes ou des escarpemens. Ordinairement elles sont arrondies et très-évasées. Cette roche renferme dans plusieurs localités des quantités tellement considérables de pétrifications qu’elle en est comme formée; on en a des exemples près de Verviers, à Sougnez, à Comblinay, à Esneux, à Fraipont, etc. Il est à remarquer que ces pétrifications sont en général recouvertes de calcaire, et qu’elles consistent en coquilles que l’on rencontre assez souvent dans le calcaire de cette formation. Ce sont : les spirifer rotundatus (pl. 7, fig. 8,4et8), trigonalis (pl. 7, fig. 7, A et 8), bisulcatus et attenuatus , le bellerophon punctatus , deux espèces d’orthocera trouvées près de Verviers et de Fraïpont, et quelques débris de trilobites du genre asaphus , dont je n’ai pu déterminer l’espèce, et qui se trouvent dans les environs d’Ensival, près de Verviers, avec d’autres restes de corps d’origine animale qui ressemblent beaucoup à des morceaux d’une peau connue dans le commerce sous le nom de peau de chagrin ou sagri. Ces restes, dont la figure 6 de la planche vur donne un dessin exact, me paraissent appartenir à des animaux de la famille des crustacés ou des tri- lobites. Tom. IX. 26 Pétrifications anima Les. 202 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Empreintes végétales. On y rencontre aussi quelques empreintes végétales ayant assez d’analogie avec des empreintes de tiges du terrain houiller ; on en a des exemples à Heusy, près de Verviers, à la carrière de la Gileppe, près de Goë, et à Montfort, près d’Esneux. Pétrifeations d'or Dans la bande de terrain rouge que nous avons dit exister entre i l’Ardenne et le Condros, on a rencontré les empreintes remar- quables indiquées à la planche 6, fig. 3. Substances minéraes. Le schiste argileux contient plusieurs substances minérales et métalliques; ce sont : Fer oligiste terreux 1e fer oligiste terreux globuliforme, qui se présente dans cette globuliforme. A roche, en petits grains arrondis à couches concentriques d’un rouge luisant ou terne plus ou moins foncé, et quelquefois en petites masses compactes et schistoïdes. Ce minerai a la plus grande tendance à passer au schiste argi- leux. Il constitue un grand nombre de couches plus ou moins épaisses et parait se trouver de préférence dans les parties de ces bandes qui avoisinent le calcaire anthraxifère ou la dolomie. La principale des couches formées par ce minerai de fer existe au nord-ouest de Huy. Elle a de 1,50 à 3,00 de puissance, se dirige comme le calcaire anthraxifére, la dolomie, etc. , c’est-à- dire du sud-ouest au nord-est; elle passe au nord des villages de Longprez et de Marsine, et au sud de Lavoir. Cette couche parait disposée dans un enfoncement longitudinal , qui est dominé, sans que pour cela le calcaire touche le minerai, par deux bandes de calcaire anthraxifère et de dolomie ; le parcours de cette couche est bien connu depuis les bois situés à l’ouest de Hucorgne jusque près du village de Forzeilles. Cette couche, exploitée sur l’espace d’environ 3000 mètres , a DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 203 une inclinaison de 16 à 19° vers le sud; elle a pour mur un psam- mite argileux dont on ne connaît pas la puissance, et pour toit un psammite schisteux et ferrugineux, recouvert par une argile schis- teuse jaunatre et des terres glaises. Il parait que cette couche de fer oligiste terreux globuliforme n’est que la continuation des petites couches que l’on a reconnues aux environs de Ville-en-Waret et de Franc-Waret dans la pro- vince de Namur. Le même minerai forme encore à la rive gauche de la Meuse trois petites couches séparées l’une de l’autre par des schistes ar- gileux. La première, qui porte le nom de Petite-Mine ou celle de Dessous, a 0,30 à 0,35 de puissance; la seconde, épaisse de 0,36, est appelée la Belle-Mine ; la troisième, désignée sous le nom de Grosse-Mine, a une épaisseur de 0,34 à 0n,38. Ces trois petites couches sont connues à Amay, à Ampsin et à State; elles passent la Meuse pour reparaître à St-Léonard, près du château d’Ahin, à Sart-à-Bein, au Champ-de-Boussale, à Varemont et dans plusieurs localités de la province de Namur désignées dans le Mémoire de M. Cauchy. Dans toutes ces localités (*), le fer oligiste terreux globuliforme paraît contenir des débris d'êtres organisés appartenant à des encri- nes, des madrépores et des térébratules, que je n’ai pu déterminer. Cette belle espèce de minerai est désignée par les mineurs sous plusieurs noms, entre autres sous ceux de mine de fer ten- dre,mine de fer violet, dur, et mine de fer violet, tendre. Sa com- (:) On connait encore ce minerai granuliforme dans le schiste argileux qui est près du four à chaux de Chaudfontaine et sous la montagne de Cheyremont. Cuivre carbonate. Baryte sulfatée. 204 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE position est assez variable, en raison de la plus ou moins grande quantité d’argile schisteuse qu’elle contient. Les deux variétés principales de ce minerai ont été analysées à l'établissement mé- tallurgique de Seraing, et on les a trouvées composées de : VIOLET DUR, VIOLET TENDRE. Oxidede fers 0 Ju 2. re à: 65 78,88 — demanganèse . : . . . 3 00,00 SITE UOERE MO Ra nt ii LL 2 Arc Le 19 08,00 Carbonate de chaux... . . . . 00 04,40 AIDRUNEN EN LEE 00 01,80 nage dishétc on Oblatthl cri rade 11 08,00 Pente nt see. MPENTE dE: D 2 00,00 100 100,08 (:) Ce minerai, jadis exploité, n’est presque plus employé dans les usines des provinces de Liége et de Namur, parce qu'il donne un fer tendre et cassant. Cependant il paraît que depuis peu on en fait des achats considérables, mais je ne sais pour quel pays ni pour quel usage. Le cuivre carbonaté vert, soyeux et pulvérulent, se rencontre aussi dans le schiste argileux , mais en très-petite quantité. On ne le connaît encore que derrière le village de Sougnez et en Hennes, entre Chaudfontaine et Chénée. La baryte sulfatée fibreuse. Cette espèce minérale, très-rare (x) Cette augmentation de poids dans le produit de l’analyse du violet tendre , pro- vient d’une suroxidation du fer , que l’on porte au maximum d’oxidation par la décom- position de l'acide nitrique. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 205 dans le schiste argileux de la formation anthraxifère de la Belgi- que, se trouve dans le schiste argileux rouge qui existe à quelques centaines de pas de la ferme Hanlet sur la route de terre de Heusy, près de Verviers, à Maison-Bois. Elle y forme des espèces de petits filons, dont le plus gros n’a guère plus d’un demi-pouce. Ces petits filons au nombre de 16, distans les uns des autres de 1, 2, 3 et même 10 pieds, sont presque parallèles, excepté un seul qui semble croiser un autre. L'arragonite se rencontre en cristaux quelquefois maclés, offrant la forme de prismes hexaèdres, terminés par des pyramides très-aiguës, dont les sommets sont modifiés par des arêtes obtuses, dans de petites géodes dont la plus grosse ne dépasse pas le vo- lume d’une noix. Ces géodes, qui souvent ne sont que les creux de quelques coquilles du genre spirifer, dont on voit encore l’em- preinte, existent dans les parties les plus solides du schiste argi- leux calcarifère , qui constitue la base de la montagne qui existe entre le four à chaux de Chaudfontaine et la saline occupée par M. Leclerc. Le gîte précis de cette arragonite est à côté de la pe- tite couche de fer oligiste terreux globuliforme dont il a été fait mention à la page 203. On trouve très-souvent la chaux carbonatée dans le schiste argileux, soit à l’état compacte, soit à l’état cristallisé, ordinai- rement disséminée en particules dans la pâte argileuse ou en rognons. Le phianite se rencontre aussi dans le schiste argileux, mais beaucoup plus rarement; je ne l'ai encore observé qu’en petits rognons dans le schiste argileux gris des environs d’Ambléve et de Florzée. Arragonite. Chaux carbonaté Phtanite. Ampélite alumineux de la formation anthraxifère. Chaux sulfatée. Psammite. Dificulté par rapport à sa synonyme. 206 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE 4° L'ampélite alumineux. Je crois pouvoir considérer comme ampélite alumineux le schiste argileux qui, en se chargeant de car- bone et de petites pyrites ferrugineuses, constitue quelques gites en dehors de la formation houillère, et qui ont donné ancienne- ment lieu à l'établissement de plusieurs alunières. Ces gites, dont on ne voit plus que de faibles traces ,ne sont pas très-nombreux. On connaît ceux de Hontheim près de Baelen, d'Amblève et de Brasberg, près de Hombourg. Il doit en exister aussi aux envi- rons de Franchimont, près de Theux, à la Campana, près de Colonster (‘) et aux environs des Boncelles, puisqu'on y a fabri- qué de lalun. Cet ampélite alumineux, dans lequel je n’ai jamais observé de pétrifications, se décompose assez souvent et se convertit en une argile grasse et noire qui, entre Hermalle et Huy, contient de très- beaux cristaux de chaux sulfatée de la variété trapézienne, et souvent maclés. 5° Le psammite. Ce genre derocheprésente dans sa détermina- tion beaucoup d'incertitude, par rapport au calcaire anthraxifère et à la formation houillère avec lesquels il se trouve en contact. En effet, si on le considère comme vieux grès rouge (oldredsandstone des Anglais) ou psammite rougeâtre de M. Brongniart, avec lequel il a beaucoup de ressemblance, tant par rapport à ses caractères minéralogiques qu’assez souvent par sa position géognostique (*), (r) À proximité de cet endroit on voit encore de grands tas de schistes grillés. (2) MM. Conybeare et Phillips, à la page 314 de leur ouvrage intitulé : Outlines of the Geolog. of England and MWales, London , 1822, citent le vieux grès rouge à Huy sur la Meuse. M. Rozet, dans le n° 2 , 1830, des Annales des Sciences naturelles le cite DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 207 on voit qu'il est recouvert ou qu'il alterne quelquefois sur de grandes étendues avec la formation houillère , et que par consé- quent il se rapporte plutôt au millstone grit des Anglais. Ces considérations m’engagent à ne pas le désigner plutôt sous la première dénomination que sous la seconde, et à le nomner simplement psammite de la formation anthraxifère. Cette roche, dont les couleurs les plus communes sont le gri- curactéres ct compos sâtre, le verdâtre, le jaunâtre et le rougeûtre, offre quelquefois le Nul bleuètre et le blanchâtre. Sa cohésion varie considérablement ; on en a d’une ténacité extraordinaire , tandis qu’on en connaît qui est presque arénacé et qui constitue alors le psammite sablonneux de quelques auteurs (°). Ce psammite contient ordinairement des paillettes de mica en plus ou moins grande quantité, qui lui donnent la texture schis- toïde et le font passer au schiste argileux ; il passe aussi aux pou- dingues, au phtanite et aux quartzites, ou plutôt, comme le dit dans la même localité , et assure qu'entre Flône et les Awirs il sort de dessous le cal. caire anthraxifère. (:) Ce psammite sablonneux ne diffère des autres psammites que par sa nature ordi- nairement sableuse , et sa couleur plus ou moins jaune. Il est toujours micacé , fissile , et le plus souvent facile à s’égréner sous les doigts ; il absorbe l’eau avec la plus grande avidité et il est très-sensible aux influences météoriques. Ce psammite , connu en Condros sous le nom de pire d’avône (pierre d'avoine), ne se rencontre que dans quelques parties de cette région. On le connaît principalement aux environs de Louvegnez, entre cet endroit et Sougnez , à Florzée , à Fraiture, à Antinnes , à Hody, etc. Dans la plupart de ces localités on emploie ce psammite pour en faire des pierres à bâtir que l’on taille très-facilement à la hache , au moment où elles sortent de la carrière , mais qui se durcissent à l'air. Les carrières les plus connues de ce psammite sont celles des environs de Louvegnez , principalement du côté de Cornemont, etc. 208 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE M. D'Omalius D’Halloy, en parlant des psammites du terrain an- thraxifère : « Les différentes variétés de psammites ne sont qu’une » nuance de la série des passages qui s'établit depuis le schiste » jusqu’au quartz pur. » On remarque que ces psammites ont assez souvent une certaine tendance à se diviser en masses ou fragmens qui approchent plus ou moins de la forme rhomboïdale. On en connaît aussi qui affec- tent des formes prismatiques. Stratification. Ces différentes variétés sont nettement stratifiées, ordimaire- ment en couches de moyenne épaisseur, mais qui atteignent quelquefois une puissance considérable, tandis que d’autres fois elles sont comme feuilletées. Ces couches sont parallèles aux autres roches de la formation anthraxifere, et alternent avec elles souvent un grand nombre de fois. Pétrifoations vég- LeS psammites de la province de Liége contiennent peu de pé- 5 trifications végétales; on n’y connaît dans cette formation que quelques empreintes de tiges (‘) qui ont été trouvées dans le psammite grisätre, micacé et schistoïde de Montfort, près d’'Es- neux, et dans le psammite rougeâtre de Hennes, vis-à-vis de Vaux sous Chevremont. Pétrifoations anima- LES pétrifications animales y sont plus communes et surtout à “1 proximité des bandes calcaires, dont ils contiennent ordinaire- ment des parties plus ou moins grosses, ou bien dans les endroits où ces psammites deviennent schistoïdes. Ces pétrifications sont (1) Ces empreintes, plus ou moins cannelées, sont couvertes d’un enduit luisant de couleur noire. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 209 des coquilles appartenant en général aux genres spérifer () et productus. Je pense que l’on peut encore rapporter à des pétrifications ani- males, mais d'espèces inconnues, ces gros vermiculaires (*) à plusieurs replis ondoyans , quelquefois de 16 à 18 pouces de long sur 8 à 10 lignes de diamètre, que l’on rencontre dans le psammite schisteux de Chaudfontaine, d’Aïwaille, etc. M. Dethier, de Theux, possède, de cette dernière localité, un fragment de la roche psammitique micacée d’un gris-verdâtre foncé , qui présente très en relief une pétrification de 3 pouces de long qui a la plus grande ressemblance avec un lézard un peu contracté, dont cependant on n’apercoit pas les pattes, mais dont on distingue assez bien la tête, le dos et le ventre (°). Si cette pétrification est réellement celle d’un animal verté- bré, du genre des reptiles, ce fait aurait la plus grande analogie avec les espèces de serpens pétrifiés qui ont été découverts par M. Stifft dans la grauwacke schisteuse des mines de Dillenbourg, en Allemagne (‘); et les gros vermiculaires du psammite schis- teux de Chaudfontaine , d’Aiwaille, etc., pourraient bien appar- tenir à la même famille. (*) Dans le psammite rougeâtre des environs du village des Boncelles, j'ai trouvé à la partie méridionale du terrain houiller def empreintes de coquilles qui paraissent appartenir au spirifer minimus de Sowerby. (2) J'emploie cette expression , parce que c'esftous ce nom que M. Wolf, peintre na- turaliste à Spa , les livre aux amateurs. (5) J'aurais désiré faire représenter cette pétrification par un dessin que j'aurais joint à ce Mémoire; mais le dessinateur m'assure que son travail ne donnerait qu'une trop faible idée de cette pétrification. (4) Voyez le Journal des Mines , vol. XXII, p. 231. Tom: EX 27 Eipèces minérales. Quartz. Épidote. Chaux carbonatée. Cuivre carbonate. Cuivre pyriteux. 210 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Les substances minérales qui se trouvent dans les psammites de la province de Liége sont assez nombreuses, ce sont : Le quartz en masses, en filons ou en cristaux, qui acquièrent quelquefois un volume considérable, mais qui ont ordinairement une teinte ferrugineuse. L'épidote en cristaux mdéterminables, d’un vert plus ou moins foncé, ou plutôt en fibres aplaties, recouvre très-souvent les faces des psammites ; ces fibres y sont ordinairement disposées parallè- lement avec la plus grande régularité, et forment ainsi des plaques cannelées qui sont presque toujours accompagnées de quartz. On remarque que l’épidote est plus commune dans les psammites rougeâtres que dans les jaunâtres , les grisâtres, etc. La chaux carbonatée lamellaire, quelquefois en petites cou- ches et plus souvent en géodes tapissées de petits cristaux de la forme métastatique, inverse, etc. On y voit aussi quelques cou- ches assez épaisses de calcaire compacte ou cristallin. Ces petites couches présentent quelquefois un calcaire assez compacte pour recevoir le poli. On en a un exemple entre Theux et Renonfosse ; dans cette localité , le calcaire d’un jaune argileux, forme plu- sieurs petits lits fissurés à infini, dont on enlève facilement des pièces de petite dimension ; quelques-unes, lorsqu’elles sont po- lies, présentent un marbre jaunâtre à arborisations d’un jaune plus foncé. L Le cuivre carbonaté vert,gn petites taches terreuses ou fibreu- ses radiées, dans le psammite rougeâtre de l’ancienne carrière à pavés de Hennes, vis-à-vis de Vaux sous Chèvremont. Le cuivre pyriteux massif n’a encore été rencontré qu’en très- petite quantité, dans un bloc de psammite dont on voit les bancs DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 211 au nord et près de l’ancienne carrière de pierres à chaux qui existe vis-à-vis du château de Colonster. Le fer hydraté en petits nids dans le psammite argileux et mi- Fer rare cacé, entre Ninane et Chaudfontaine. Ce fer hydraté, très-pauvre, et lui-même très-micacé, contient des empreintes de coquilles univalves et bivalves, mais indéterminables. Le fer sulfuré se rencontre aussi quelquefois dans les psam- rer sufuré. mites, mais en petites parties isolées et accompagnées parfois de petits cristaux cubiques de fer sulfuré épigène. Le plomb sulfuré constitue dans les psammites plusieurs fi- ?0m4 sutfure lons; l’état d'abandon dans lequel ils se trouvent depuis très- longtemps, ne permet pas d'entrer à leur sujet dans de grands développemens. Le premier de ces filons est celui de Bleyberg, près de Hom- rir de Bieysere. bourg. Ce gite , qui se trouve à l'endroit dit Bleyberg (Montagne de Plomb) ou Brasberg, canton d’Aubel, présente de grands travaux tant intérieurs qu’extérieurs, qui annoncent une mine que l’on a exploitée en grand et pendant très-long-temps. Le plomb sulfuré ainsi que le zinc sulfuré, qui est brun, lami- ze + plomb sut- naire ou cristallisé, et contenant rarement à cuivre pyriteux, y de forment un filon qui est engagé dans un psammite grenu noirâtre et grisatre, eten partie schisteux, qui suit absolument tous les contours et les inflexions du terrain superficiel. Dans la stratifi- cation de cette roche, on remarque un banc d’ampélite rempli de pyrites ferrugineuses en décomposition, tellement qu’il suffit de le laver pour en retirer beaucoup de sulfate de fer et d’alumine. Des ouvriers assurent que le filon de plomb et de zinc sulfurés avait, lors de son exploitation, une puissance de8 pieds environ; il parait 212 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE qu’il suit la grande galerie d'écoulement , passe sous la ferme de Brasberg et se dirige sur la foulerie de la veuve Van Houtem. L'exploitation de cette mine est depuis deux ans reprise par M. James Cockerill, mais on ne s’y occupe encore que de l’épui- sement des eaux de la Gueule, qui s’y sont introduites. Filon de la Rochette. Le deuxième de ces filons est situé à La Rochette, entre Chaud- Plomb , fontaine et Prayon. Près de ce dernier endroit, entre la vallée de Forêt et la Brouck, on remarque une petite bande de terrain rougeâtre, contenue entre la dolomie et le calcaire anthraxifère. Ce terrain, composé de poudingue siliceux rougeûtre , de psammite quelquefois irisé, et de quartz grenu massif, presque compacte, ou carié, ordimai- fer st sine rement gris-noiratre ou jaunâtre, contient un filon de plomb sul- sulfi furé accompagné de fer et de zinc sulfurés, ayant pour gangue du quartz, de la baryte sulfatée et des psammites. Ce filon, dont on fait remonter la découverte à l’année 1507, paraît se diriger du sud-sud-est au nord-nord-ouest, depuis larive gauche de la Vesdre, où il a été reconnu par une ancienne galerie jusqu’au-dessus du plateau qui règne à la rive droite, entre le ruisseau de Forbi et celui du Fond -de- La Rochette. D’a- près le dire des derniers ouvriers qui y avaient travaillé, il avait une puissance de 4 pieds et demi, mais il s’élargissait et se rétré- cissait très-souvent. Du filon principal se détachaient quelques autres petits filons, dont l’un se dirigeait vers la maison Orval et l’autre vers la maison Schronck. IL était connu à la profondeur de 15 à 16 mètres, et produi- sait un plomb que l’on disait contenir de l'argent, de l’anti- moine et du zinc. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 213 Le quartz quiservait en général de gangue au mineraise présen- tait sous toutes sortes d’apparences ; tantôt c'était un véritable psammite et tantôt du quartz cristallisé limpide ou enfumé. Ce Quarts Ryan limpide quartz offrait aussi des formes particulières que lon a cru appar- tenir au quartz primitif et sous lequel il a été décrit dans la plu- Quarts priniif paeu part des auteurs modernes. Il résulte d’un travail très-important sur la cristallographie du quartz primitif que M. Levy a présenté à la Société des sciences naturelles de Liége : 1° que ces cristaux de quartz ne présen- tent pas la forme primitive, et 2° qu'ils sont pseudomorphi- ques et ont été modelés sur la chaux fluatée, le plomb sulfuré cubique et sur la chaux carbonatée inverse. Ce qu’il y a de re- marquable dans ce gisement, c’est que le quartz, mdépendam- ment de la forme cubique et rhomboïdale qu'il a prise à la chaux fluatée, au plomb sulfuré et à la chaux carbonatée inverse, se montre encore sous les formes de la chaux carbonatée métastati- que et dodécaëdre, du plomb sulfuré cubo-octaèdre et de la baryte sulfatée primitive. Dans les masses quartzeuses qui accompagnent ce filon près de la maison Orval, on trouve de petites cavités tapissées de soufre Swyre putvérutent. pulvérulent. On rencontre aussi parmi les gangues de ce filon de la baryte Bart sutatée er sulfatée en petits cristaux trapéziens et sous-sextuples. Elle y existe aussi sous la forme crêtée et lamellaire. Au nombre des substances qui se trouvent dans le terrain du filon de La Rochette, on distingue encore la chaux sulfatée chaux sutfarée. trapézienne et prismatoïde, et le plomb phosphaté massif, d’un Ptmb phosphate. vert-jaunâtre. La première de ces substances ne s’est rencon- Emplois des psammi- tes, Poudingues. 214 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE trée qu’à l’époque où l’on a creusé aux environs de la maison Orval, et la seconde au-dessus du plateau qui limite le terrain houiller. L'époque à laquelle on a commencé à exploiter le filon plom- bifère de La Rochette remonte à 1515 ou 1520. On exploitait le plomb et le soufre, et l’on a continué cette exploitation jus- qu’en 1800. Plus tard, c’est-à-dire en 1806, on a commencé à fabriquer du sulfate de fer avec les résidus des anciens grillages, et cette fabrication n’a cessé qu’en 1818. Cest aux nombreusesextractions, aux grillages et autres mani- pulations qui ont eu lieu à différentes époques dans cette localité, que l’on doit attribuer l'énorme quantité de fragmens de pierres cariées, friables, compactes, etc., que l’on y rencontre, tant dans la partie qui regarde la Vesdre, que dans celle qui constitue le grand plateau qui se dirige vers Magnée, etc. Telles sont les différentes espèces minérales que l’on rencontre dans nos psammites; ils offrent cela de remarquable qu’ils renfer- ment les deux gisemens de plomb les plus considérables de la province de Liége, et dont les travaux ont été continués pendant une longue série d’années. Les psammites de cette province sont utilisés dans plusieurs localités pour en confectionner des payés, des moellons, des carreaux , des dalles (') et des meules à aiguiser. Jusqu’à présent ce sont les pavés de Montfort, près d'Esneux, qui sont réputés les meilleurs. 6° Les poudinques. Ces roches sont abondamment répandues (:) Ces dalles, qui sont faites avec le psammite schistoïde , offrent quelquefois une grandeur de 5 à 6 pieds et 3 à 4 pouces d'épaisseur. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 215 dans certaines localités de cette province. Lorsqu'on veut examiner leur nature, on s'aperçoit bientôt qu’elles sont en général formées d’une pâte rougeàtre ou grisàtre, qui contient des fragmens ar- rondis et quelquefois anguleux de diverses roches constamment Gares et compe- de nature siliceuse, notamment de quartz compacte blanc, de quartzites rougeûtres, grisâtres ou verdâtres, quelquefois un peu micacés, et de phtanite, substance qui ne se trouve guère que dans quelques localités. Ces fragmens arrondis ou anguleux sont ordinairement agglu- tinés si fortement ensemble, qu'ils constituent une pierre de la plus grande solidité. Les parties qui entrent dans la composition de ces poudingues sont d’une grosseur très-variable ; les unes ne sont que de très- petits grains, tandis que les autres, qui sont les plus communes, atteignent la grosseur de plusieurs pouces; elles sont ordinaire- ment empâtées dans un ciment consistant en plus petits fragmens d’une nature presque toujours semblable aux plus grosses ou du moins de grains de quartz, et d’une espèce d’argile plus ou moins ferrugineuse et schisteuse. Il y en a cependant où l’on ne peut pas voir de ciment, et qui pour cela n’en sont pas moins très-solides. Les plus compactes de ces poudingues sont en général ceux où les fragmens arrondis et angulaires sont d’une grandeur moyenne et à peu près uniforme, car ceux qui renferment de très-gros morceaux au milieu de plus petits, paraissent se désagréger plus promptement. Les poudingues ne contiennent aucune substance métallique sraneation. ni aucune pétrification. Ils sont très-distinctement stratifiés, or- dinairement en couches assez puissantes qui sont parallèles à 216 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE celles des roches avec lesquelles ils se trouvent; mais il est à re- marquer que quoique ces poudingues se rencontrent souvent à proximité du calcaire anthraxifère, on n’a pas d’exemple de lo- calités où ils soient immédiatement en contact avec cette roche ; ce sont des couches plus ou moins minces de schiste argileux ou de psammite qui les séparent. De même que dans les psammites, on observe que les couches de poudingues sont souvent traversées par des fentes qui les divi- sent en masses qui approchent plus ou moins de la forme rhom- boïdale et cubique, de sorte que les escarpemens formés par les poudingues ressemblent assez bien à des murs en ruines, offrant de grandes crevasses, ou bien à des espèces d’amphi- théâtres formés de masses énormes de pierres ordinairement rougeätres ou brunâtres, dont la base est couverte de nombreux blocs détachés. Leurs couches forment dans la province de Liége différen- tes bandes très-bien prononcées , ordinairement très - étroites, par rapport aux autres roches de cette formation, qui se trai- nent sur de très-grandes longueurs, et qui suivent en général la direction ordinaire du règne minéral de ce pays, mais qui se bifurquent dans beaucoup d’endroits, et forment ainsi de petits embranchemens qui se lient peut-être aux psammites et aux schistes dans lesquels ils se trouvent , ou qui rejoignent la bande dont ils s'étaient détachés. On remarque que sur l'étendue de ces bandes, il y a de très- grandes parties de poudingues qui affectent une couleur et qui en excluent les autres. Cette remarque a déjà été faite pour les schis- tes argileux et les psammites de la formation anthraxifère. SE ——— DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 217 Ces différentes bandes de poudingues, qui n’ont pas encore été suivies partout, présentent le plus haut intérêt et paraissent rem- plir un rôle important dans le système minéral de notre province. Les poudingues se rencontrent dans un très-grand nombre zocaités de localités de la province de Liége, principalement dans le Condros. Les endroîts où ces roches sont le plus remarquables par leur gisement et leur développement, sont : entre La Rochette et Prayon, à Fraipont, aux Forges près de Gomzé, à la Pirir près de Beaufays, à Pepinster, à la Heid-de-Chaumont (*) près de Poleur, à Mangonbroux , à la carrière de la Gileppe (*), à Hansoumont près de Remouchamps, entre Nonceveux etMont-Jardin (°), à Paradis, à Mery, à Rosière , aux environs de Barse, ete. Ces poudingues sont exploités dans plusieurs localités, par ri. exemple à la Heid-de-Chaumont, à la carrière de la Gileppe près de Goë, à Rosière et au bois de Cendron près de Barse (‘), pour () Dans ce village ils constituent ce qu’on y appelle les murs du diable. Ce sont de vastes bancs verticaux qui sortent du nord-est au sud-ouest en forme de murailles, des deux côtés opposés de la vallée de la Hoegne. C’est à cet endroit que vient aboutir l'issue naturelle du cirque de Franchimont, dont il a été question à la page 152; de là l'expression vulgaire de murs du diable , don- née à ces poudingues, pour désigner , d’après une tradition très-ancienne, répandue chez le vulgaire dans le chef-lieu du Franchimont, que le diable entreprit d'élever, avec les cailloux de la rivière, un mur destiné à noyer les habitans de Theux, ete. , mais qui fut tout à coup renversé par l’intercession de S'-Hermès , l’un des patrons de ce bourg. (2) Dans cette localité le poudingue constitue cinq couches qui inclinent au nord. (3) Le poudingue est disposé dans cet endroit en une espèce de vaste amphithéâtre de très-grande dimension et du plus bel aspect. Il est situé au pied de la vaste lande qui s'étend depuis Remouchamps jusqu’à Theux. (4) C’est des environs de cet endroit que l’on tire les pierres que l’on emploie pour con struire les creusets des hauts-fourneaux.On en fournit jusque dans la province du Hainaut. Tom. IX. 28 Composition. Stratification générale. Absence de calcaire. 218 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE en faire des meules, des pierres à creusets pour les hauts-four- neaux et quelquefois des pavés. FORMATION ARDOISIÈRE. Cette formation, remarquable par le développement de plu- sieurs de ses roches, comprend le terrain ardoisier de M. D’Oma- lius D'Halloy. Elle est composée de poudingues, de quartzites, de schiste ardoise, de schiste argileux, d’ampélite alumineux , de schiste coticule, de stéaschiste diallagique et de diorite. Ces différentes roches constituent toute la partie de la province de Liége comprise dans lArdenne, à l'exception cependant d’une petite bande interrompue de schiste ardoise, etc., qui existe au nord du grand terrain houiller, dans la région qui a été désignée sous le nom de Hesbaie. À quelques exceptions près, toutes les roches de la formation ardoisière sont stratifiées et forment des couches alternatives qui se répètent souvent un grand nombre de fois, et dont l’inclinaison, quoique approchant ordinairement de la verticale; est presque toujours au sud-est. Il paraît qu’en général leur position est moïns irrégulière que celle des roches décrites précédemment, et offre moins de couches repliées et contournées. Cette formation contient dans la province de Liége des indices de plusieurs substances métalliques, mais dont une seule est sus- ceptible d'exploitation. Hormis les noyaux calcaires du poudingue remarquable de Malmédy, etc., elle est tout-à-fait dépourvue de roches calcaires, si abondantes dans la formation voisine, DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 219 et qui contiennent tant de pétrifications dont celle-ci n’offre que quelques exemples. Les différentes roches de la formation ardoisière sont : 1° Les poudinques de deux espèces. Pres La première espèce comprend le poudingue que lon connaît Poudingue de Mal. principalement à Malmédy. Cette roche, que, en attendant qu’on caléaires etsiliceux. lui donne une dénomination précise, je nommerai poudinque de Malmédy où poudinque a noyaux calcaires et siliceux , paraît appartenir à une époque de formation bien différente et plus récente que celle des poudingues siliceux. En effet, ces derniers ne contiennent pas de calcaire ni de pétrifications, et leurs noyaux, quoique quartzeux, n’ont aucun rapport avec les débris siliceux que l’on rencontre dans le poudingue de Malmédy. Ce ne sont pas des cailloux de quartz compacte qui forment ce- lui-ci, mais plutôt des cailloux de psammites communs plus ou moins calcarifères et coquillers, et de plus sastratification est dis- cordante avec celle du schiste ardoise dans lequel il est encastré. Le poudingue de Malmédy , que l’on ne remarque dans aucune position géognostique localité des Pays-Bas , de la France, etc., n’est que superposé à RE la formation ardoisière , car à Malmédy, etc., on trouve le schiste ardoise sur les côtés et en dessous de cette singulière roche. Aussi c’est d’après des considérations analogues à celles que je viens d'établir que M. D'Omalius D’Halloy croit qu’il se pourrait que ce poudingue appartint aux membres inférieurs du terrain pénéen rouge, c’est-à-dire à un des cinq groupes des terrains se- condaires établis par cet auteur. Ce poudingue est composé de cailloux arrondis, anguleux et composition. aplatis de calcaire et de marbres d’espèces inconnues dans la Bel- Stratification. Étendue. 220 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE gique et les contrées environnantes, mais pleins de coquilles, d’encrines et de madrépores souvent trèés-déterminables, et de cailloux plus ou moins roulés de psammite compacte, micacé, schisteux et quelquefois coquiller. Les noyaux calcaires sont or- dinairement jaunàtres, rouges et grisâtres, à tissu compacte ou cristallin et susceptibles de prendre un très-beau poli. Les cailloux siliceux sont aussi de différentes couleurs, mais le plus souvent rougeûtres et pénétrés de calcaire. L'ensemble de tous ces cailloux plus ou moins gros, est cimenté par de largile calcarifère et ferrugineuse qui s’y rencontre quel- quefois aussi en petites couches. La stratification du poudingue de Malmédy est horizontale, mais souvent peu distincte, et il se divise en plusieurs couches de puissance variable , mais qui atteignent quelquefois une épais- seur de 6 ou 8 pieds. On remarque que les assises les plus infé- rieures contiennent un plus grand nombre de cailloux calcaires ‘que les supérieures. Ces dernières n’en renferment souvent plus du tout , et passent insensiblement à une argile ferrugineuse rou- geâtre qui empâte des fragmens de quartz et de schiste très- argileux, verdâtre : couleur qui se dispose souvent dans l’argile ferrugineuse rougeâtre sous forme de taches circulaires, présen- tant quelquefois un point noir au centre. Ce poudingue n’a pas plus d’un demi-quart de lieue de largeur, et il n’est reconnu que sur quatre à cinq lieues de longueur. Il commence à se montrer dans la vallée de la Warge, un peu au- dessus de Malmédy, près le ruisseau dit le Fond-des-Cuves , et se continue sans interruption jusqu’à Stavelot, où il disparaît pour se montrer de nouveau à quelques lieues de là aux environs de DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 221 Basse-Bodeux sur la rive gauche de l’Amblève. À Malmédy, ce poudingue atteint 150 à 200 mètres au-dessus du niveau de la vallée. À Stavelot et surtout à Basse-Bodeux, il n’est guère aussi développé, et on n’y remarque presque pas de noyaux calcaires. Cette roche se désagrége très-facilement et n’est employée à aucun usage. Cependant les religieux de l’abbaye de Malmédy en firent faire de la chaux de très-bonne qualité avec les rognons calcaires, qu’elle contient dans certains endroits en assez grande abondance ('). La deuxième espèce de poudingue comprend ceux qui étant 7°“, pren toujours de nature siliceuse, ont ordinairement les parties com- posantes plus anguleuses, plus petites, et une certaine tendance à se diviser en pièces plus ou moins épaisses. Ces caractères leur ont fait donner lenom de poudinques psammitiques. Ces poudingues qui , dans plusieurs localités, forment de véri- tables brèches, sont presque toujours composés de grains de quartz hyalin bleu ou rose plus ou moins gros, réunis ensem- ble, soit par un ciment éminemment quartzeux, soit par un ci- ment schisteux et quelquefois talqueux, jaunâtre, blanchâtre, rougeâtre ou verdätre. Dans un grand nombre de cas, on serait disposé à prendre ces poudingues psammitiques pour des roches grenues, dont les parties composantes tiennent ensemble par la seule force d’agrégation. (x) Dans la vallée de Marlyre (*), près de Malmédy, on a retrouvé, en 1829, les débris des fours à chaux que l’on y avait fait construire. {*) Mie Libert, célèbre botaniste à Malmédy, a découvert sur les rochers de poudingue de cette localité, les mêmes plantes cryptogames que le botaniste Micheli a trouvées à Florence. tiques. Composition, caracte- res et stratification. 222 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Ils prennent différentes teintes, mais surtout la rougeâtre et la grise - verdâtre. Ils forment des couches d’une épaisseur très-variable, mais ordinairement puissante, qui sont parallèles aux couches ou bandes dont il sera incessamment question. Localités. = Dans la partie de l’Ardenne comprise dans la province de Liége, on connait plusieurs gisemens de ces poudingues ; ce sont : Salm-Château, la Comté, entre Fosse et Basse-Bodeux, à proxi- mité de Ville ou Zevillé et de Neria, et entre Chevron et Wer- bomont. Usages. Ils sont quelquefois employés à former des meules et des pa- vés, ou à faire de très-bonnes pierres à creusets pour les hauts- fourneaux (°). Quartsites. 20 Les quartzites. Ces roches renferment le quartz grenu et le quartz compacte en couches. Elles se rencontrent en assez grande quantité dans la formation ardoisière et y constituent ordinairement, dans le schiste ardoise et le stéaschiste diallagi- que, des couches plus épaisses, qui cependant atteignent quel- quefois une puissance très-considérable. Caractères et passages LS Couleurs des quartzites sont le blanc, le blanc-grisatre , see" passant au bleu et au noirâtre, au jaunâtre et au rougeàtre plus ou moins foncé. Leur texture grenue devient parfois si gros- sière, qu'ils passent à de véritables grès et aux poudingues psammitiques. D’autres fois, à cette texture grenue, mais plus fine et plus uniforme , se mêlent une certaine quantité de paillettes (:) Le poudingue psammitique à grains fins des environs de Salm-Château a été em- ployé quelquefois pour én faire des colonnes , qui ont été vendues sous le nom de gra- niterouge et vert. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 223 de mica et de talc, ou des particules de schiste ardoise, et il se forme ainsi des espèces de psammites plus ou moins schis- toïdes (‘), qui se remarquent principalement vers les limites du nord de lArdenne, et qui font, de cette manière, le passage de la formation ardoisière à la formation anthraxifère. Les quartzites grenus sont ordinairement traversés par des veines ou filons de quartz blanc compacte ou laminaire , et quel- quefois fibreux, qui y sont souvent si abondans et s'unissent si intimement avec la masse grenue, que le tout parait, comme le dit fort bien M. D'Omalius -D'Halloy (*), avoir été formé. d’un seul jet; disposition qui a beaucoup d’analogie avec les marbres gris et blancs, etc. Ces veines et ces filons de quartz résistent beaucoup mieux aux intempéries de Pair et à l’action des eaux que la roche dans laquelle ils se trouvent; aussi rencontre-t-on de ces masses sur lesquelles on voit des veines et des filons de quartz former des ramifications en relief très-prononcées. Minéraux. Ces quartzites contiennent ordinairement dans leur intérieur quars: erisrattisé, mi. de nombreuses cavités remplies de cristaux de quartz et même de schiste verdâtre ou rougeàtre, qui en s’altérant, donnent à cer- taines parties de ces roches une structure cariée. D’autres fois, ces quartzites renferment quelques parties de mica jaune et blanc, de tale laminaire, rayonné ou lamellaire, blanc, jaunâtre, rou- geàtre ou verdâtre, et du fer sulfuré cristallisé ou disséminé qui (:) Par exemple , le psammite verdâtre, schistoïde et micacé, que l’on exploite à Che- rain, entre Vieil-Salm et Houffalize, et qui sert à faire des pierres à faulr et quelquefois des meules à aiguiser. (2?) Page 113 de ses Mémoires déjà cités. ca, talc et fer sul- Juré, quelquefois épigène. 224 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE se décompose assez souvent ou qui se transforme en fer sulfuré épigène. Ame ee datés En raison de leur nature, les schistes dans lesquels les quart- sites. zites sont intercalés se décomposent très-souvent par les influen- ‘ces atmosphériques, et laissent ainsi ces roches en saillies plus ou moins élevées, qui se présentent alors comme des murs, des pics et des crêtes déchirées. D’autres fois, par suite de cette dé- composition, les quartzites se trouvent libres et disséminés en masses nombreuses sur de très-grandes étendues. Ces masses, connues ordinairement sous le nom de pires di Fagnes(), se rencontrent en très - grande quantité dans plusieurs endroits entre Spa (°) et Stavelot, et entre cet endroit et Vieil-Salm et les environs de Co; elles atteignent quelquefois un volume extraordinaire. Les plus remarquables d’entre elles sont : celle qui existe sur le plateau des Fagnes près de Wanne, entre Stavelot et Vieil-Salm, et qui est appelée Z fa de diale (°) (:) M. Dethier avait proposé de désigner cette roche par le nom de fagnolite. (2) Le savant docteur Ash a commis une erreur bien grave en prenant des quart- zites grisâtres à filets de quartz, qui se rencontrent près de Spa, pour des blocs de cal- caire et de marbre. (3) Cette dénomination est due à unetradition très-ancienne, analogue à celle desmurs du diable, à Pepinster , d’après laquelle on croit vulgairement que le diable, transporta cette grosse masse dans les airs, pour en écraser l’église et le monastère naissant de Stavelot , mais qu'il fut obligé de la jeter près de Wanne par l’intercession puissante de S'-Remacle, patron de l’Ardenne et de ses sources d’eau minérales ferrugineuses (*). (*) Ce saint passe pour être l’apôtre et le premier defricheur de cettre partie montueuse et sauvage de l’Ardenne, Le premier il y propagea le christianisme , qu’il y substitua à la mythologie payenne, et il y institua des écoles de moines chrétiens , en remplacement des écoles des anciens druides , etc., sous la protection des rois Francs christianisés, et des maires du palais, précurseurs des Carloyingiens. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 225 par les gens du pays; celle de Lierneux, que l’on désigne sou- vent sous le nom de Roche Falhotte (‘), et celles que l’on remar- que sur le chemin de Stavelot à Co. Ces quartzites, dont on trouve de nombreux débris dans la £mpis. plupart de nos rivières, servaient autrefois dans les villes et les bourgs du pays, à faire des pavés aussi glissans qu’incommodes par le poli que ces roches sont susceptibles de prendre. Dans quelques endroits, on en a fait aussi des meules qui pesaient jusqu’à 3000 kilogrammes. 3° Le schiste ardoise. C’est une des roches les plus abon- sise ardoise. dantes de ce terrain; il constitue avec les quartzites la masse principale de la partie de l'Ardenne comprise dans la province de Liége, et une petite partie de la lisière de la Hesbaie. Ce schiste, dans l’acception minéralogique, est bleu ou gris, Caractères. et passe très-souvent au rouge, au brun, au violet, au verdätre et quelquefois au noiràtre et au jaunâtre. On remarque aussi qu’il se pare assez communément de différentes couleurs irisées, surtout à proximité des eaux ferrugineuses. Sa cassure est mate et schistoïde jusque dans ses plus petites parties; son tissu est or- dinairement compacte , mais souvent il devient sensiblement grenu , et d’autres fois fibreux. Ces caractères distinguent essen- tiellement le schiste ardoise du schiste argileux. M. D'Omalius- D'Halloy a fait observer qu’à ces caractères on pouvait jomdre que ces schistes présentaient un état différent de décomposition ; le schiste argileux se transforme ordinairement enune terre argileuse, (:) Je ne pourrais pas assurer si ce rocher fait partie d’une couche ou d’un filon. Tom. IX. 29 Passage du schiste ar- doise aux substan- ces talqueuses. Stratification. Le schiste ardoise con- stitue deux bandes. Premiere bande. Étendue. 226 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE souvent sablonneuse, tandis que le schiste ardoise présente une altération particulière; celui qui se trouve à la surface des pla- teaux est devenu blanchâtre ou grisâtre, tendre, friable, doux au toucher, d’un aspect stéatiteux, et se réduit en une terre légère qui ne fait point pâte avec l’eau ; mais les couches qui se montrent au jour dans les vallées profondes ont encore conservé leur cou- leur bleuûtre , rougeatre, etc. , et leur dureté. On remarque aussi que le schiste ardoise a une très-grande tendance à passer aux substances talqueuses, et l’on voit même des couches de ce schiste qui présentent des parties qui doivent être considérées comme du tale stéatite, quoiqu’elles forment un tout avec la masse. | Le schiste ardoise quoiqu’ordinairement nettement stratifié et dans une position toujours inclinée à l'horizon, et même quel- quefois perpendiculaire, présente, dans quelques endroits, une structure contournée, due assez souvent aux noyaux plus ou moins gros de quartz massif qu’il contient, et autour desquels les feuillets se sont contournés. Il est aussi parfois traversé par de nombreuses fissures, dont la disposition en losanges produit des cassures pseudo-régulières. Le schiste ardoise constitue dans la province de Liége deux bandes, dont l’une règne au nord-ouest et l’autre au sud-est. C’est au milieu de ces deux bandes que sont placées toutes les roches de la formation anthraxifère, houillère , et une partie de celle de la craie. La bande qui passe au nord-ouest parait être assez étendue, mais presque toujours recouverte par la formation de la craie, etc. Cette bande laisse apercevoir des sommitéssur les bords de la Méhaïigne et DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 227 de la Montzée, entre Hucorgne, Latinne etOteppe, et à Donmartin, Horion (:) et Lexhy. Elle se trouve sur le prolongement de celle qui passe par Braine-le-Comte, Gembloux, Jodoigneet Lessines. Cette bande est composée d’un schiste ardoise brunâtre , bleuä- tre, grisâtre, jaunâtre ou verdâtre, très-fissile, mais en feuillets très-souvent irréguliers et traversés quelquefois par de petits filons de quartz blanc et ferrugineux. À Horion-Hozémont, où l’on a d’abord reconnu le schiste ardoise de cette bande, il forme, près du ruisseau du Pas-de- St-Martin, une colline en forme de grande terrasse nommée T'hier- Elva, qui ne se prolonge pas très-loin, mais dont on retrouve encore quelques indices derrière Hozémont, vers Lexhy, où elle disparait totalement. À Fumal et autres localités, situées entre Oteppe, Hucorgne et Latinne , le schiste ardoise de cette bande a pris un plus grand développement; il se divise, surtout dans les parties inférieures, en feuillets plus grands et plus uniformes, il se décompose beau- coup plus difficilement, et renferme , de même qu'aux environs de Horion, quelques filons et quelques petites couches de quartzite très-compacte, dun gris-bleuâtre très-clair, et de schiste argi- leux qui, par sa décomposition, passe quelquefois à une espèce d'argile blanche, rouge et brunûtre. Toutes les sommités qui constituent cette bande ardoisière (:) Le savant docteur Robert de Limbourg parle de cette roche de Horion-Hozémont à la page 405 de son Mémoire déjà cité, et inséré dans le Ie vol. des Mémoires de l’Académie Impériale et Royale de Bruxelles. Caractères. Roches contenues dans cette bande, 228 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Quartaites, sehiste a n’ont offert jusqu’à présent que quelques couches de quartzites, de schiste argileux et une roche porphyroïde, analogue au dio- rite , dont il sera parlé à la fin de la formation ardoisière. Minéraux. Les minéraux que l’on y rencontre sont : la chaux carbonatée Chaux crtonaéefer- ferrifère, lamellaire et brunâtre que l’on observe près de l'église Fe eus er d’Oteppe dans le schiste ardoise; l’arragonite en cristaux pris- | ‘ matiques dans la même roche et dans la même localité; le quartz prismé en assez beaux cristaux incolores dans le schiste ardoise d’Oteppe, de Fumal et de Donmartin ; le cuivre pyriteux massif, quelquefois irisé , dans le schiste ardoise près de l’église d’Oteppe ; le fer sulfuré en petits cristaux appartenant aux formes primitive et dodécaèdre, dans le schiste ardoise de Fumal, Hucorgne, Donmartin et Lexhy. On n’a pas, jusqu’à présent , trouvé dans cette bande du schiste ardoise propre à couvrir les habitations. Deuxième bande. La seconde bande de notre formation ardoisière, c’est-à-dire Étendue. celle qui règne au sud-est de la province, occupe une étendue très-considérable, qui comprend, comme il a déjà été dit , toute la partie de l’Ardenne renfermée dans la province de Liége. Cette bande se distingue de celle du nord-ouest par son déve- loppement , son élévation, ses eaux minérales ferrugineuses , et en ce qu’elle contient un grand nombre de substances minérales dont quelques-unes sont l’objet d’un commerce considérable. Sa direction générale est la même que celle de tout le système minéral de la province , et son inclinaison , approchant souvent de la verticale, est ordinairement au sud. Minéraux contenus IMdépendamment des quartzites qui s’y rencontrent en couches eue bande. plus ou moins puissantes, on remarque que les bancs de schiste DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 229 ardoise de cette bande sont souvent traversés par des filons de quartz qui ne consistent quelquefois qu’en filets assez minces ou ouaer. en rognons contenant différentes substances minérales, parmi lesquelles on doit distinguer les espèces suivantes : Le falc vert, jaune, brun, et blanc, en cristaux ébauchés , en za. écailles ou en petites masses terreuses, lamellaires ou rayonnées. On en rencontre principalement entre Verleumont, Petit-Sart et Salm-Château ; Le cuivre pyriteux hépatique en petites masses ou en STAÏNS, Cuivre pyriteux. à Verleumont ou à Lierneux. Il est très-rare ; Le cuivre carbonaté en petites masses terreuses, quelquefois cuivre earbonaré. mamelonnées, d’un vert bleuâtre ; il est assez commun aux envi- rons de Lierneux et de Verleumont ('); Le er oligiste laminaire ou spéculaire, d’un beau gris d’acier rer otigiste. et présentant très-rarement les formes binaire et basée. Il se ren- contre en grande abondance dans les environs de Lierneux , Ver- leumont, Petit-Sart, etc. Les masses laminaires de ce minerai sont quelquefois irisées, et présentent souvent sur leurs faces de nombreuses fissures ou des stries qui se croisent et qui repré- sentent une surface à compartimens rhomboïdaux. J’ai remarqué que, dans ce cas, les masses de fer oligiste se laissaient cliver faci- ment dans le sens de ces stries. Par l'analyse d’un échantillon (:) J'ai rencontré dans cette localité un morceau de quartz blanc contenant quelques cristaux microscopiques d’un vert-jaunâtre et d’un aspect gras. Je pense que ce sont des cristaux de cuivre phosphaté, semblables à ceux qui ont été trouvés en 1829, par M. Crocq, dans les ardoisières de Vieil-Salm et qui offrent la forme d’un octaëdre rectangulaire. 230 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE provenant de la montagne de Colanhan, près de Lierneux (ardoi- sière de Verleumont), j'ai trouvé que ce fer oligiste était composé de : Protoxide: de Ter v.ir MAMeUNE MRneS PeUu ET TEE 0,8695 — manpantraint 20. fe. UE 0,0293 DUC OCR LS - mu Mile ic : à» 0 0,0820 ARTE Re à me me Ven où Me D D Te 0,0073 Dénter UT 24 y SAME ANATOMIE 0,0119 1,0000 Cette analyse est assez en rapport avec celle que M. Drapiez a faite du fer oligiste de Bihain (Luxembourg), qui est insérée dans le 7e vol. des Annales des sciences physiques , et dont voici le résultat : Pénnxide:derfenesul 26 lt all oil 87,00 — dE MANPUNESE EE SE Te 2,50 Ce a MP rien ul: cétir-hé d 5,00 Amine lt LE ADR CP ren, Des 3 2,00 Berteuses father cha ct 3,50 100,00 Fer sulfuré. Le fer sulfuré en masses, en filons ou en cristaux cubiques, dont on ne voit ordinairement que quelques restes, et dont les cavités sont remplies d’une substance d’un brun foncé, provenant probablement de l’épigénie de ce minerai de fer. Minéraux contenus Le Schiste ardoise contient aussi des substances minérales dans de schiste ar- ; ï s * doise. disséminées dans sa pâte, telles que de petites lamelles de dial- Diallage, mica, ue, lage, de mica et de talc dans les ardoises de Colanhan, etc., du cuivre pyriteux , uvre cartonaté et cuivre carbonaté et du cuivre pyriteux hépatique, dans le schiste DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 231 à moëllons de Lierneux, et souvent du fer sulfuré en filons (°) et en cubes isolés, et parfois groupés, à Fraiture, Lierneux, La Comté et Salm-Château. Ces cubes, en se décomposant, laissent souvent à leur place des empreintes cubiques contenant quelquefois de l’oxide de fer et une substance blanchätre, de forme rhomboïdale, que l’on croit être de la chaux carbonatée magnésifère ou ferrifère. néyére ou fer Le manganèse oxidé hydraté (*) existe en très-grande quan- Mirgunise oxidé hy- tité dans le schiste ardoise ; il ressemble beaucoup par les carac- Fes tères extérieurs au Psilomelane , décrit et analysé par MM. Heæ- dinger et Turner (*), mais il ne contient pas de baryte (*); ilest très-lourd , de couleur noire un peu bleuâtre, plus ou moins com- pacte, et prend du poli par le frottement ; dans quelques échan- tillons, et principalement dans ceux de Salm-Chäteau , etc., on ne peut pas distinguer le tissu, tant il est compacte ; tandis que dans d’autres, les grains sont très-visibles. Le premier offre une cassure cireuse, et le second une cassure schistoïde. À Salm-Château et à La Comté, le manganèse oxidé hydraté se présente en un filon de 2 à 3 pouces d’épaisseur formé à peu près d’une seule pièce, tandis que dans la campagne de Long-Sart ou (:) Près du village de Fosse on a reconnu deux filons de ce minerai, qui ont depuis 11 jusqu’à 33 centimètres d'épaisseur. Le fer sulfuré y est en masses ou en grains très- serrés et contenant des parcelles de schiste ardoise noirâtre. (2) I a été connu pendant très-long-temps en Ardenne sous le nom de fer hépatique. (5) Bulletin des Sciences naturelles, 1828, pag. 213. (4) Dans une analyse entreprise pour reconnaître la quantité de manganèse et de fer que ce minerai pouvait contenir, j'ai trouvé qu'un échantillon, très-compacte , de Lierneux , renfermait, sur 5 grammes, 2,899 de peroxide de manganèse et 0,192 de peroxide de fer : le reste était composé d'alumine , de silice et de magnésie. PFétrifications végéta- les et animales. 232 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Trichenfosse, près de Lierneux, il se trouve en masses botryoïdes, réniformes et cloisonnées, enveloppées dans une terre argilo- schisteuse de couleur rose-violet, et formant ensemble des amas ou des filons de 3 à 4 mètres de puissance, dont les directions sont très-difficiles à préciser. Le gite de manganèse oxidé hydraté de Lierneux est exploité en très-grande quantité par le moyen d’excavations à ciel ouvert, d’un mètre à deux mètres cinquante de profondeur, pour les besoins des papeteries, des fabriques d’indiennes, de produits chimi- ques, etc. ('). Les localités de la province de Liége où l’on a rencontré des pétrifications dans le schiste ardoise, sont assez rares (*); on doit d’abord citer les empreintes végétales trouvées à Spa par M. Wolff, dans la montagne de Spaloumont ; ensuite les polypiers (*) ? dé- couverts par M. Dethier aux environs de Theux et de Spa, et les restes de grands trilobites trouvés, en 1830, par M. Maquinay, dans l’ardoise de Solwaster. Ces dernières pétrifications ont tous les caractères du bel échantillon de trilobite (pl. 1x, fig. 1), dé- couvert par M. Denis dans les ardoisières de Martelange (Luxem- bourg), et qui a beaucoup de ressemblance avec les ogygies , principalement avec celle de Guettard. (:) Ce minerai est très-dur à pulvériser; il ne se vend qu’à raison de 5 à 16 francs les 100 kilogrammes. (2) Dans quelques parties du grand-duché de Luxembourg on a trouvé des trilobites, des hamites , des orthocères , des spirifères , des encrinites et des pentacrinites dans le schiste ardoise. : (°). Voyez la pl. 6, fig. 3 et la page 25 de ce Mémoire. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 233 Dans la grande étendue de terrain formé par le schiste ardoise, Emplois du sehste ar il se trouve des espaces dans lesquels ce schiste devient de la véri- table ardoise, c’est-à-dire susceptible de se fendre aisément en grands feuillets plans et minces. Il en existe plusieurs carrières dans la province ; mais comme elles ne fournissent en général que des ardoises de moyenne qualité ou de grandes dalles, et qu’elles sont presque dépourvues de communications , leur débit se borne ordinairement aux villages qui les entourent. Il faut cepen- dant en excepter l’ardoisière de Brande-Hayes, sur la rive gauche de la Hell, dans la forêt d’Hertogenwald, qui fournit depuis quelque temps de belles ardoises, que l’on débite à Eupen, Aix- la-Chapelle, etc. , et celle de Colanhan, près de Lierneux, dont lardoise est assez bonne. On a encore extrait des ardoises à Solwaster, à Monse-et-Fa- gnes et dans le bois de la Bourgeoise, près de Jalhay, mais ces exploitations ont été abandonnées en peu de temps, les unes à cause des eaux, les autres par suite de la médiocrité de leurs produits. Les pierres que l’on connaît dans la province de Liége sous le nom d’ardoise de Spa et de Chevron, ne sont qu’un schiste ardoise grossier, divisible en grandes plaques ou dalles assez épaisses ("), que l’on emploie assez souvent pour paver et couvrir les maisons des environs de Spa, de Stavelot, de Salm-Château, de Lier- (1) Lorsqu'’elles sont plus épaisses , moins fissiles et que leur grain devient plus gros, on s’en sert pour former des moellons ; mais cette pierre de bâtisse est ordinairement de mauvais usage, à cause de la facilité qu’elle a d’absorber l'humidité. Tom. IX. 30 Schiste argileux. Ampélite alumineux. 234 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE neux, de Chevron , etc., (‘). On exploite ces espèces d’ardoises un peu au-dessus de Spa, en dessous de Chevron sur la rive gauche de la Lienne, dans les environs de Lierneux , de la Comté, etc. Le schiste ardoise prend quelquefois une consistance plus ten- dre, une couleur moins intense, et se divise en feuillets beaucoup plus épais que l’ardoise ordinaire. Cette variété, qui se rencontre aux environs de Salm-Château, est exploitée pour en former des crayons dont on se sert pour écrire sur l’ardoise. 4 Le schiste argileux. Cette roche se rencontre aussi dans la formation ardoisière, mais en petite quantité en comparaison des autres. On en connaît principalement près du hameau de La Comté, entre Salm-Château et Petit-Sart. Ce schiste y con- stitue trois bandes de peu d'épaisseur ; la première jaune, la deuxième rouge, et la troisième lignée de rouge et de noir-grisâtre ; il est très-friable et ressemble quelquefois à de l’ocre. 5° L'ampélite alumineux. Cet ampélite, qui passe souvent au schiste ardoise et argileux, est très-peu développé dans la for- mation ardoisière. Il est très-fissile, quelquefois strié et plus ou moins charbonneux ou chargé d’anthracite, et contient ordinai- rement des pyrites ferrugineuses qui se décomposent très-facile- ment à l'air, et qui fournissent des efflorescences ferrugineuses et alumineuses. Il se rencontre dans plusieurs endroits de l’Ardenne, notamment à Francorchamps, Spa, Winanplanche, Vaux-Cha- vannes, etc. (:) Ces espèces d’ardoises se placent, au moyen de mortier, sur des charpentes très- solides et peu inclinées. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 235 La couleur plus ou moins noire de cet ampélite avait engagé plusieurs personnes à diriger des recherches de houille dans la formation ardoisière, mais elles ont toujours été infructueuses. Go Le schiste coticule. W se présente dans le schiste ar- scnisee coticute. doise en bandes étroites d’une puissance peu uniforme, plus ou moins éloignées les unes des autres. Il offre une structure serrée, quelquefois un peu fibreuse, une dureté moyenne, une couleur jaune-clair, passant quelquefois insensiblement à la couleur bleuâtre ou violacée (*), et une cassure généralement conchoïde et quelquefois schisteuse. Les veines de-schiste coticule se trouvent ordinairement encla- vées entre deux bandes de schiste ardoise-bleuâtre ou violet qui forment partie intégrante avec elles, car 6n n’apercoit pas le plus petit joint entre les parties jaunes du schiste coticule et les parties bleues ou violettes du schiste ardoise; le tissu et la direc- tion restent les mêmes. Le schiste coticule est souvent traversé par des filets et des dendrites de manganèse oxidé hydraté, en tout semblable à celui que nous avons décrit précédemment. Parfois cet oxide aug- mente au point de former des masses assez considérables qui 5 enveloppent du schiste coticule en morceaux plus ou moins an- guleux. Les bandes de schiste coticule sont en général parallèles à (:) Dans quelques cas, la couleur n’est pas uniforme dans un même échantillon; alors le schiste coticule se présente comme une pierre jaunâtre , marquetée de points d’un rouge-violet pâle, que quelques personnes ont prise pour un minerai de titane, mais dont on n’a pas reconnu l'existence par l'analyse. 236 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE celles du schiste ardoise dans lesquelles elles se trouvent; cepen- dant dans quelques endroits, elles y sont disposées dans des fis- sures transversales et présentent l’aspect de filons; c’est ce dont on peut s'assurer en visitant la carrière Wallerant , près du Sart, entre Lierneux et la Comté. Dans cette carrière, où il existe 22 bandes ou filets de schiste coticule, on voit que dans le schiste ardoise, dont les couches inclinent au sud-est, les bandes de schiste coticule suivent à peu près la même inclinaison , mais que vers les parties supérieures de la carrière, ce mêmes bandes se courbent, plongent au nord-ouest, et prennent ainsi l'apparence de filons très-irréguliers. Le schiste coticule est abondamment répandu dans la province de Liége, mais seulement dans la formation ardoisière des envi- rons de Lierneux, la Comté, etc.; on le connaît à Lierneux même, où il constitue 6 à 7 bandes, à la carrière Wallerant, près du Sart, et dans plusieurs endroits de la colline qui règne entre cet endroit et Salm-Château. De méme que dans plusieurs localités du grand-duché de Luxembourp, le schiste coticule s’exploite dans la province de Liége comme pierre à rasoirs. Les exploitations en sont situées dans les environs de Lierneux et de Salm-Château. Actuellement il n’y a plus guère que la carrière Wallerant qui soit en activité; elle fournit d’aussi bons produits (") que les exploitations d’Ottré, de Salm-Château, etc. , dans le grand-duché de Luxembourg. (1) Les pierres à rasoirs se divisent dans le commerce en pierres de nouvelle et de vieille roche. La première espèce, qui n’est pas aussi estimée que la seconde, n’a pas la teinte aussi nette ni le tissu aussi fin que les pierres à rasoirs dites de vieille roche. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 237 7° Le stéaschiste diallagique. Cette roche se trouve au milieu séaschiste dial des couches de schiste ardoise en bandes presque verticales, plus cn ou moins fissurées , qui atteignent jusqu’à 3 ou 4 mètres de puis- sance et dont la direction est en général celle du schiste dans lequel il est engagé. Cette roche remarquable, découverte à Ottré (grand-duché de Luxembourg) , en 1809, par M. Dethier, et appelée par ce géo- logue oftrélithe, est un schiste ardoise plus ou moins talqueux , ourétion. ordinairement d’un vert-grisâtre ou d’un gris-bleuâtre, quelquefois brunâtreet rougetre ('), au milieu duquel se trouvent disséminées, d’une manière irrégulière, de petites lames arrondies, rarement hexagonales, plus ou moins épaisses, de diallage d’un noir brillant, quelquefois brunâtre, à surface plane ou légèrement courbe et à cassure mate. L’étendue de ces lamelles ne dépasse guère un mil- limètre , et diminue souvent au point de les rendre presque invi- sibles. Dans ce cas , et lorsque la quantité de ces lamelles devient moins considérable, le stéaschiste se divise facilement en feuillets minces, sonores et un peu flexibles, et passe ainsi au schiste ardoise, tandis qu’il devient moins fissile à mesure que les lamelles de diallage augmentent de volume et de quantité. Cette espèce de diallage, à laquelle la plupart des auteurs ont conservé le nom d’ottrélithe, et que d’autres ont appelée owrthé- our lithe , a été analysée, en 1812, par M. Vauquelin, qui l’a trouvée composée de : (:) Ces différentes teintes du stéaschiste se disposent quelquefois en bandes paral- lèles. Diorite, 238 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE Siice a En da és Res 12 Alanine UNE es de 2 UN REE E 10ID Fer et manganèse oxidés. + + + + . . . . 13 Magnésiewo us espere come ot EME. 10 Berte LR th as. 2 100 (1) Dans la province de Liége, le stéaschiste diallagique se ren- contre entre Lierneux et Verleumont, et sur plusieurs points du chemin de ce hameau au village de Salm-Château, par celui de la Comté. Cette roche ne diffère en rien de celle que l’on ren- contre à Ottré. 8° Le diorite. Cette roche, découverte dans la province de Liége, en 1830, par M. Dumont, est intercalée dans le massif de schiste ardoise qui constitue la bande schisteuse limitant au nord-ouest la formation anthraxifère de cette province. Ce diorite est essentiellement composé de feldspath blanchâtre ou verdâtre, laminaire ou en très-petits prismes ébauchés, plus longs que larges, et d’une substance de nature stéatiteuse, com- pacte ou schistoïde, passant du vert-noirâtre au vert-grisâtre, et présentant aussi des cristaux ébauchés de couleur vert-noirâtre, offrant des indices de clivage. Cette dernière substance n’a pas encore été analysée; elle se laisse rayer par l'acier, et d’autant plus facilement qu’elle se rapproche davantage de l’état schis- toïde. (*) L'analyse transcrite ici est la copie littérale de celle qui est insérée dans la lettre du 18 mars 1812, que le célèbre Vauquelin a transmise à M. Wolf, peintre naturaliste à Spa. DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 239 Ce diorite, en raison des nombreux cristaux entrecroisés dont il esten grande partie composé , offre ordinairement une struc- ture lamellaire porphyroïde et quelquefois grossièrement schis- teuse. Il est très-solide et très-tenace, présente une cassure raboteuse et une couleur granitée, composée de nuances d’un vert-grisâtre plus ou moins foncé. Il contient accessoirement des lamelles d’amphibole noirâtre, des grains de quartz et de fer sulfuré (‘). Ces trois substances y sont très-rares, surtout la pre- mière et la troisième. Malgré la solidité et la ténacité de ce diorite, on remarque qu’il n’a pas échappé à l’action très-lente des influences météoriques, et que l’altération si commune aux roches qui contiennent du feldspath, s’y observe par des gradations assez insensibles. Dans cette décomposition, le feldspath acquiert une opacité complète, devient d'autant plus blanchôtre, jaunâtre, brunâtre ou noirâtre, qu’il était coloré en vert plus foncé (*), perd sa structure lami- naire, prend un aspect terreux, devient très-friable et fait perdre à la roche presque toute son élasticité, sa dureté et sa sonorité. Cette altération a constamment lieu aux parties extérieures , même dans les joints des fissures, et pénètre tellement dans la ro- che, qu’elle forme à la surface une croûte ocreuse, brunâtre et noirâtre qui varie d'épaisseur, mais qui atteint quelquefois 2 à 3 mètres. La stratification de ce diorite ne peut être déterminée avec (:) Je n’en ai encore rencontré qu’un très-petit échantillon à Pitet, (2) On sait que la coloration en vert de la majeure partie des roches est due au pro- toxide de fer. 240 SUR LA CONSTITUTION GÉOGNOSTIQUE exactitude, parce qu’il se présente en masses qui ne paraissent soumises à aucun ordre d’inclinaison, et qui sont traversées en tous sens par une multitude de joints, tantôt droits et tantôt cour- bes, qui permettent d’en détacher facilement des fragmens irré- guliers , offrant assez souvent la forme sphérique. Ce diorite, qui n’a encore été rencontré dans cette province que dans deux endroits , à Pitet, hameau situé entre Fumal et Falais, et entre Hozémont et Lexhy, appartient, à ce qu’il parait, à la même bande que les diorites que l’on exploite à Quenast, dans le Brabant méridional, et à Lessines, dans le Hainaut, et qui se trouvent aussi dans le terrain ardoisier limitant au nord la formation anthraxifère de la Belgique. Près de Hozémont, le diorite se présente sur une très-petite étendue entre ce village et le chateau de Lexhy, dans le schiste ardoise, à près de 200 mètres du calcaire anthraxifère. Il paraît y former un banc très-irrégulier dont la puissance connue n’a pas encore dépassé 25 mètres. A Pitet, entre les villages de Fumal et de Falais, le diorite m'a paru constituer deux bandes, dont les terres meubles qui les recouvrent empêchent de déterminer la puissance. Ces bandes alternent avec du schiste ardoise et des quartzites. Dans quelques endroits, on remarque que le diorite est recouvert de portions de schiste ardoise irrégulièrement contournées, dont les feuillets pénètrent parfois la roche porphyroïde de quelques li- gnes de profondeur. Le seul dérangement que l’on remarque dans les couches de schiste ardoise au milieu desquelles se trouve cette roche, s’observe à l'extrémité du hameau de Pitet, au sud du diorite ; le schiste ardoise incline au nord, tandis qu’à Falais, au DE LA PROVINCE DE LIÉGE. 241 nord-ouest du diorite de Pitet, il plonge au sud-est : inclinaison la plus générale des roches des environs. La première de ces bandes s’observe à environ 2,350 mètres du calcaire anthraxifère, passe au sud et près de Pitet dans le chemin qui conduit à Fumal, et se dirige au nord-est entre le vil- lage de Drey et la chapelle de St.-Sauveur. La deuxième bande, distante de la première de 5 à 600 mètres, existe à la rive droite et contre la Mehaigne, à l’est-nord-est de la chapelle de St.-Sau- veur, près de Drey. Le diorite de ces deux bandes est ordinairement d’un vert plus grisätre que celui de Hozémont, et présente des cristaux plus petits. Le diorite de Hozémont et de Pitet n’a été utilisé jusqu’à présent par quelques habitans de ces endroits, que comme pierres brutes de construction ('). On pourrait cependant, à cause de sa dureté et de sa ténacité, l’employer à faire des pavés qui procureraient, comme ceux de Quenast et de Lessines, un pave- ment extrémement solide et avantageux. (:) A proximité du château de Lexhy on a ouvert, en 1829, une carrière souter- raine pour en extraire des pierres de construction. moches nine “se ue tnt ed) tien NES aénhin h nretos babes oirrotifne a anbs ft: MURAT dr Mie os der ave feu, 20 0 dictateur étiuh:on ippuimyils - caf oué ax at meta relatant ja créa iopal cofionh ovts «1-5 sir oi O86 5.0 0h abransg ak bite a ant.) 18 5h olsgualo si ob doute th vamiasto} ef 810" 02 rm , tte sus )h € aug er. ug'D inéseisailree 1 bat sr Sphe wi : FU »3#kg xtmiaiss els si SOPR A TUATON Hub ivlve. RS han | à L è Li ï s'upar@itier 24 pe. si -of, tadaonasofi: fus Dr DAS OU short HU oh erphul TE | ÉRLTE op ge HP - PCTTORT pre jrs me” pesas 68 2213 anilormter Le sotilmmtgg Sup-sbred tab ei ds oh nt. diénemes at 00 19 NIPRTUUE AU NE AUS. An mi Lo a Oelrauremuc 0 . HtbstRerq mere to Abu: ou D LRICA 7 LOS ; UIES RENE ni tuer im: méeti] l HAS CT IE" = TABLEAU MÉTHODIQUE DFS ESPÈCES MINÉRALES TROUVÉES DANS LA PROVINCE DE LIÉGE. Tom. IX. 31 TABLEAU DES ABRÉVIATIONS. ADM RTE" Artis ANR} ere oez Alexandre Brongniart. MB EE. +. Adolphe Brongniart. Ben ce Beudant. Bit ere. Blumenbach. BauG. 1.1.0. Bruguière. HOUR: ee Bournon. Baocne 20e Brochant. Biveieeierent Blainville. CRE eo Cuvier. CORNE Cie Conybeare. DEPBE --0 De Born. DA NOier Dalman. DE. Gen. Defrance. D'ASILE D. Sauveur. IEViolone so D’Aubuisson. Decuex er OEynu.. Dechen et OEynhausen. HAUTS AS ee eee Faujas de St.-Fond. GI eee Goldfus. Ceres Gmelin. Hoeniné. . . . . Haœninghaus. IE Store Jameson. KIRW. -. 5. Kirwan. LCI QE Knorr. LAN NRNe Lamarck. SORA Linné. MART = ee eue Martin. Mme: rs siens Miller . UE MENT Muller. DTONT. FLE 10e Montfort. NET Nous. OMTMAIEEN Omalius D’Halloy. pin, 'oib ic Philips. PARE eee Parkinson. RAT. ne» Rafinesque. R. Dec. . . . . Romé Delisle. STORE eee ce Stobœus. SORTE CR ee Schlotheim. SOMME + (ee de Sowerby. SCHWS Le - ee» Schveigger. GEHRÔTIE ee ne Schrôter, STERNB. + . + « Sternberg. ——_——__—_—_—_—_——— 9 —————— TABLEAU MÉTHODIQUE DES NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. Carbonate de chaux , BEUD. . Chaux aérée, de B. . . . .. Spath calcaire, BR. D. prémilive . . ..., .. “ équiaxe inverse . métastatique . . . . transposée. contrastante. . . . MITLE. 0... « cuboïde . . . . .. semi-émarginée. . . - unilaire, . . . . . prismée. . . binaire . .. imitable. . . antiédrique . antécèdente. dodécaëdre. raccourcie . analogique . . . . .. triadite. .. .... analeptique. . . bi-binaire. … . coordonnée , . .. . .. bis=uni-binaire (1). . aciculaire. . . .. . . . Jibreuse. GISEMENS. » Calcaire anthraxifère et dolomie. Calcaire anthraxifère, dolomie et psammite. . Calcaire anthraxifére , dolomie, psammite et terrain houiller, . Calcaire anthraxifère, dolomie , psammite, terrain houiller et schiste argileux . . . . . . . . Calcaire anthraxifère et dolomie. Calcaire anthraxifère. . . . . . Calcaire anthraxifére et dolomie. Calcaire anthraxifère. . . . . . Calcaire anthraxifère |, psammite et terrain houiller Calcaire anthraxifére. . Dolomie .. . ... — etcalcaireanthraxifére . Calcaire anthraxifère. Amas ferrugineux et calaminaires. Calcaire anthraxifère, dolomie, psammite sablonneux , amas fer- rugineux , etc, ,.. ... ... » Seilles, Chockier, Horion, Theux, Colonster et Esneux. Seilles, Flaire, Goffontaine, Pepinster et Angleur. Chaudfontaine , Theux, Verviers , Chockier , Pouseur, Flône, Seïlles, la Neuville, etc, Theux, Pepinster, Chaudfontaine, Chockier, Amay, Seilles, Hody et Comblain-au-Pont. Huy, Flône, Colonster, Chaudfon- taine , Flaire et Theux. Visé, Dison, Amaÿ et Engis. Chockier, Ensival, Theux et la Reid, Flône. Layable près de Huy , et Chancre. Comblain-au-Pont, Chockier, Engis et Seïlles. É Seilles. Verviers, Membach et Amay. Seilles , Pepinster et Stembert. Pepinster, Chockier et Engihoul. Chockier, Seïlles et Filot. à Remouchamps , Theux, Chaudfon- taine, Chockier et Tilleur. Theux , Chaudfontaine, Chockier , Horion-Hozémont, Seraing, Val- Benoît et la Chartreuse, près de Liége. Chockier. A la Falaise entre Theux et Juslenville. — et à Chockier. Seilles , Filot , Pepinster et Dolhain. Chockier, Seilles et Filot. Oneux et les Rocheux, près de Theux. Chockier , Seilles, Pepinster, Theux, Chaudfontaine, Sprimont, Beaufays, Colonster et Angleur, Amay , Seilles, Theux, Sprimont, Chaudfontaine, Angleur et Souvré, près de Visé. pendarmment de ces 23 formes, on en connaît encore dans lu province 15 ou 16 autres auxquelles on n’a pas encore attaché de dénominations. 246 NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. CHAUX CARBONATÉE laminaire . . lamellaire. . compacte crayeuse concrétionnée CHAUX CARBONATÉE FERRIFÈRE » : . » . lamellaire pseudomorphique. . . . primitive, . . inverse. , « . antiédrique . aciculaire . . CHAUX CARBONATÉE FERRO-MANGANÉSIFÈRE. » CHAUX CARBONATÉE MAGNÉSIFÈRE primitive lenticulaire laminaire lamellaire . granulaire. compacte. . primitive-con- pere. — convexe, Stalactite et stalagmite. . . . Pierre de porc Chaux carbonatée anthraxifère — — carbonifère, Pierre de Namur, . . .. .. Spath perlé, R. D...... Sidéro-calcite, Kirw. . . . . Spath brunissant, BROCH. . . » Double carbonate de chaux et de magnésie, BEUD. . . » Dolomie”. ... 1.1 GISEMENS. Calcaire anthraxifère, . . . . _ — et terrain houiller. Formation crayeuse Dans toutes les formations cal- caires . cv. Calcaire anthraxifère, dolomie et terrain houiller . , . Terrain de transport , etc. , . .. Ampélite alumineux Calcaire anthraxifère. . . . . .. Argile caleminaire Psammite houiller et schiste ar- doise . . sn » Psimmite houiller et fer carbonaté lithoïde . . . .. Dolomie, terrain houilleret schiste argileux ... . . ss... Dolomie et calcaire anthraxifère. Dolomie TABLEAU MÉTHODIQUE DES ESPÈCES MINÉRALES LOCALITÉS. Chockier, Seilles, Theux, Pepin et Chaudfontaine. Presque partout. Hallebaye. Henri - Chapelle, Heure-le-Rom Ste.-Walburge (faubourg de Lié Oreye , Freloux , etc. Landen, Oreye, Rocour, H Henri - Chapelle , Gimenich , Sa près de Visé, Chockier, Ferni Comblain-au-Pont, Theux, Pel { ter, elc. ( Les grottes, les cavernes , etc. quelques houillères. Hollogne-aux-Pierres, Nessony, Goffontaine, les bords du Hoyou) Flémalle, Chockier, Amay, L chette, etc. Toutes les localités de ce caleain Oupeye, la Bouhouille près d’A teau et à la Chartreuse, près dell, La Vieille-Montagne près de Mo | Oupeye, la Bouhouille et OtepphM} » f Flémalle-Grande, Seraing et M@ » Dans plusieurs localités de la do Melin, Jupille et Chaudfontails Melin , Chockier, Amay, Sa Comblain-au-Pont, Angleur, ster, Theux et Membach. Dans la plupart des localités dolomie. Engis, Theux et Membach,. Theux, Moresnet, Bilstain, Me} La Rochette, Angleur, Comble}. Pont , etc. ll Dans toutes les localités de cet ë Moresnet, Membach, Theux#l Awirs. TROUVÉES DANS LA PROVINCE DE LIÉGE. NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. AGONITE . . . «+ + +» « — prismatique, var. . .. . ... _ LEGO MORTE RARE Ier) shot : se = _ SRE "lon T ol te cubo-octaëdre. « . .,. laminaire . . . granulaire . ...... MRMULYATÉE - -. .. - ., trapézienne,quelquefois maclée. : . . .. prismatoide. . aciculaire. . . . . . .. primitive, .. .. .. trapézienne « . . . .. sous-sertuple, + , . CITE AMAR A OI lamellaire. . . .... concrétionnée-fibreuse . Jibro-soyeuse . .. .. concrétionnée mamelon- née... - disséminée . . . .. .. ! me : ÆB'AYALIN . ,,... prismé ... 5. | mass... ...... Chaux carbonatée dure, Bour. » Phtorure de calcium, BEUD. Spath fluor. ........ » Hydro-sulfate de chaux ,BEUD. Gypse -........... Sulfate de Baryte , BEUD. , . Spath pesant . . . Pierre de tripes. . . Hydro-tri-sulfate d'alumine BEUD . Alan." Me Mereie «À Alun de plume. . Beurre de montagne . . ,. Quadri-chlorure de sodium BEUD . .. Sel marin, . . Sel natif . . .. » Oxide desiliciura simple, BEUD, » GISEMENS. Schistes argileux et ardoise. , . . Calcaire anthraxifère et dolomie. anthraxifère. . . . . ,. anthraxifère et dolomie, Argile noirâtre, etc., de la for- mation anthraxifère . , . . . . . Argiles ferrugineuses. . . ... Ampélite lumineux de la forma- tion houillère . . .....,.. » » Dans le filon plombiférezetc. . . Ampélite et calcaire anthraxifère . Filon plombifère, ete. . . . . .. Filons plombifère et ferrugineux et schiste argileux. . . . . . . . Ferhydraté. . .. .... » » Ampélite alumineux de la forma- tion houillère . . . . . . Argiles et sables au-dessus de la formation crayeuse . . . . . . . » Dans presque toutes les formations. 247 LOCALITÉS. » Entre Chaudfontaine et le pont-de- fer de Honster , et Oteppe. » » Seilles, Chockier et Theux. Seilles et Chockier. Seilles, Chockier, Engihoul, Theux, Forêt et Vierset. Chockier et Theux. » »” Hermalle sous Huy et La Rochette, La Mallieue, La Rochette, Theux et Argenteau, Dass toutes les localités. » » La Rochette. La Rochette, Esneux et Comblain-la- Tour. La Rochette. La Rochette, Comblain-la-Tour , Es- neux et près de Heusy. La Rochette et Angleur. Layable, Amay, Chockier et La Ro- chette. Havée de Hannut, près de Lincent. » Angleur, Francorchamps, La Rochette, Theux, Richelle, Chockier, Oteppe, Fumal, Donmartin, etc. Presque partout. 248 TABLEAU MÉTHODIQUE DES ESPÈCES MINÉRALES NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. QUARTZ HYALIN Jarineux . ....... » — — enfumé . - ... . ... - IUGrstalbrnn. .. . : . eee — _ hématoïde. . . . .. .. » — — rubigineux , ....... » = — Rires see ss... » — — pseudomorphique. . . . » AMPHIBOLE DIALLAGE. . . 19 en chaux carbonatée inverse « . Désigné souvent sous le nom ss... de quartz primitif, . . . .. — 20 en chaux carbonatée métastatique . . « . . »” — 30 en chaux carbonatée dodécaëdre. . . . .. x — 4° en chaux fluatée cu- bique: - ... .L . . " — 5o en plomb sulfuré cub. — 60 en plomb sulfuré cu- bo-octaëdre , . . .. — 7e en baryte sulfatée primitive... .. .. agate calcédoine mamelonné. . , Pierre à fusil. . . . . . . . . — pyromaque . . . . 1 « . Elintsstenlan ts fe" — résinite pseudomorphi- quelles nel. » + 2 5 PhtAMLE ee Uri Lee Jaspe schisteux, . . . . . . . Jaspemoir . . . ss... Pierre lydienne. . . . . - - . — de touche . :. .... | Schorl opaque, R. D. . . .. ei ua de cel LS ... € Hornblende, W.et BROCH, . Basaltine, KirW, « « . . . . lamellaire d'un noir-verdûtre, » ble, BEUD. . .. Ottrélithe, DETHIER Ourthélithe de quelques auteurs Silicate non alumineux sim- | Silicate non alumineux dou- ple, BEUD..... «ie « GISEMENS. Roches siliceuses accompagnant le fer hydraté Phtanite, filon plombifère, amas ferrugineux, etc. . Schiste argileux et psammite. . . Schiste et calcaire anthraxifère. . Calcaire anthraxifère et dolomie. Calcaire anthraxifère et formation crayeuse, . Filon plombifère. . . . . .. Filon plombifère Dans les géodes des pierres de Mines et dans le phtanite. . . . Formation de la craie, etc, . . . Formation de la craie, sables, etc. Calcaire anthraxifère, dolomie et schiste argileux Diorite . . . . «1... joefe + ee » Stéaschiste diallagique . . . . . . LOCALITÉS. Hodbomont , près de Theux. Richelle, La Rochette et Oneux. Theux et Jalhay. Theux, Chockier, Engis et Angle! Theux, La Rochette, Quinquempo la Nouvelle-Montagne , près de viers. Souvré près de Visé, Theux , HI}, gne-aux-Pierres, Melin, Henri: pelle, etc. La Rochette. p La Rochette. Hodbomont près de Theux, chelle. La Hesbaie, une partie du Co f Francorchamps, Theux, etc. » | Rocour , Thisnes, etc. | Seilles, Huy, Layable, Chi Souvré , Theux , Florzée , bi Flamme, Chancre, etc. » | Lexhy et Pitet. | - ” Ra » | » ô - | Lierneux, Verleumont, PelSai} La Comté, ete. TROUVÉES DANS LA PROVINCE DE LIÉGE. 249 TT NOMENCLATURE ET SYN ALC VARNAENE. de 5 0 bic _ ROUE MEN LNOROS = TE de 6 co SULFURÉ . . .. — primitif. .. — octaëèdre. . . BLACARBONATÉ. . . . . . .. _ dodécaidre . _— trt-hexaedre _ annulaire, . _ cubo-octaëdre. _ laminaire. . .... — lamellaire. . . _ granulaire . . -— SETAE ST à 6 » Spath étincelant,D'AUBENTON » Silicate alumineux double, BEUD #. ., + eo + ee Delphinite, SAUSSURE . . . . Schorl vert, R. D. . . . . .. BOL A Re Galène . Carbonate de plomb, Brun. Plomb blanc..,.,...., GISEMENS. Schiste ardoïse et quartzites, . . . Amas ferrugineux et calaminaires, » Diorite . . . .. Phyllades pailletés, psammites , quartzites et sables . . .. ... » » Psammite de la formation an- alone A OREOle ile Fer et plomb sulfurés, calcaire anthraxifère et dolomie . . . . . » Calcaire anthraxifère et dolomie, Calamine. . . .. _— et filon plombifère , cal- caire anthraxifére et dolomie. . . Plomb sulfuré . ......,.. et quartz calami- najre, etc., carié, . . .. , . . Plombaulfuré. 05... LOCALITÉS. Lierneux, Verleumont, Petit-Sart , La Comté, etc. Vneux , près de Theux. » Lexhy et Pitet. Presque partout, mais principalement à Fraipont, Goffontaine, Pepinster , Esneux , Aiwaille, etc. » » Chénée, Hennes, Nessonvaux, Pe- pinster, Esneux , Iozières, Tilf, Quinquempoix, etc. Dans la plupart des houillères, Angleur, La Rochette, la Nouvelle- Montagne, près de Verviers, Theux, Aiwaille, Richelle, Moha , etc. Chockier, Berneau, Moresnet, An- gleur, Seilles, Layable, Theux et Verviers. Seilles, Lavoir , Olne, Klône, Jus- lenville et Oneux. Membach, la Nouvelle-Montagne, Oneux et Engis. La Rochette, Olne, Bleyberg, Mem- bach, Oneux, Juslenville, Chockier, Engis , Flône et Seilles. Seilles, Lavoir, Angleur, La Rochette, Esneux, Juslenville, Membach, Bley- berg , Stembert, Soiron, Olne, etc, Partout où il existe des gîtes de plomb sulfuré. Comblain-au-Pont, Olne, Membach , Juslenville et La Rochette, Juslenville, Theux , Membach et An- gleur. » » Angleur et le bois de Huy, près d'An- theit, Oneux et Rocheux, près de Theux et Angleur. Angleur. 250 TABLEAU MÉTHODIQUE NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. PLOMB CARBONATÉ bacillaire. lamellaire. cristallisé. CUIVRE PYRITEUX épointé hépatique. CUIVRE CARBONATÉ. . . .. . . aciculaire. . LerTEUT « « »« primitif, . . concrétionné massif . .. mamelonné vert . . .. cubo-tétraèdre .. .,, bleu aciculaire . , . .. — LETTEUT © 4, =. vert aciculaire. . . .. — fibreux radié, . . . _ — = ÉCTTEN TR (se Dlietia ce CUIVRE PHOSPHATÉ. . . «0 . — — primitif? ur. FER OLIGISTE. , + . «= = «+ ts shee LE — binaire . ee — — LT COTE 0 : = — laminaire. ....... — — spéculaire. . .., . granulaire terreux, , » Phosphate de plomb, BEur. Plomb ve eco » Sulfure de cuivre et de fer, BEUD . . .. Caybonate de cuivre, BEUD, . Cuivre az Malachite. » uré..,. Phosphate de cuivre, B£UD. Oxide de fer . , . Fer oligiste terreux globuli- forme . . » DES ESPÈCES MINÉRALES h GISEMENS. Plomb sulfuré et calamine, fer hy- draté et calcaire anthraxifère . . » Ê] Fer, plombetzine sulfurés, . . . Amas quartzeux et ferrugineux. . Calcaire anthraxifère . Calcaire anthraxifère, psammite et schiste ardoise, Schiste ardoise et quartzite, . . . n Calcaire anthraxifère Calcaire anthraxifère, psammite, schiste ardoise et quartzites. . . Calcaire et schiste argileux . . . . » Quartz du schiste ardoise, , . . . » Quartz et schiste ardoise. . , . . » Calcaire anthraxifère et schiste ar- gileux. . .... ..... LOCALITÉS. Membach, la Nouvelle-Montagne,p de Verviers, Oneux, Angleur, En! le bois de Huy, Lavoir , Seilles, » » v Engis , La Mallieue, Flône et le bol Huy. Le Rochette. » Souvré, et entre Pepinster et Goill taine. Souvré. Souvré, entre Pepinster et Goffont| à la rive droite de l'Ourthe, vis de Colonster, à Oteppe et au berg, près de Hombourg. Verleumont et Lierneux. » Souvré, près de Visé. [! Souvré, À la carrière de Hennes At L Chénée et Honster, Lierneux ef leumont. {!| | Verleumont et Petit-Sart. | dl: Verleumont , Pelit-Sart et Sou » Ardoisière de Verleumont. | | [ » | } Ardoisière de Verleumont. Verleumont , Lierneux et ral = sc Fraipont, Poleur, les Surda de Verviers, Wegnez, Ch taine, Amay, Sart-à-Bein, N CI Lavoir , etc. { LL - TROUVÉES DANS LA PROVINCE DE LIÉGE. ARSENICAL, «eu unitaire... .... RRRURÉ. «Je po. - eos 1e primitif. ....... _ octaèdre. . . . vs. — trapézoïdal. . .... — dodécaèdre, . ,... = cubo-octaëdre. . ... = cubo-dodécaëdre . . . — tri-épointé . ..,.: — icosaëdre , . . . .., _ dendroïde. . ..... — pseudomorphique, . . BULEURÉ ÉPIGÈNE . oo. « « primitif. . .., cubo-octaëdre. . massif... «…e MALANC. «os eo _— primitif. …...... _ denteld..”. . .... Tom. IX. = globuliforme . . ..,. NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. . » . » . » . » . » . » . » . » + | Fer hépatique . . .- . . » «+ | Pyrite en crête de coq . . . GISEMENS. + | Sulfo-arséniure de fer, BEUD. » . » Filon plombifère . . . . . .... Sulfure de fer, BEUD. : . . . » Pyrite ferrugineuse. . . . . . » Phyllade et argile schisteuse des houillères, ampélite alumineux, schiste argileux, quartzite et schiste ardoise. . . . , .. Terrain houiller . Terrain et calcaire anthraxifère et schiste ardoise. , . Terrain houiller et calcaire an- thraxifère . . . - . . M... . . Terrain houiller . . ....... — — etcalcaire anthraxifère, Craie et glauconies, . . . . . . . — et argile plastique . . . . . Terrain de transport ancien et formation houillére. . . , . .. de ” Calcaire anthraxifère, dolomie et schiste ardoise. . . Psammite houiller . .. ,.. .. — et quartzite, calcaire anthraxifère, dolomie et amas ferrugineux .,.........: Argile plastique, calcaire anthraxi- fère et dolomie ......... + | Dolomie, amas ferrugineux et ca- laminaires, glauconie crayeuse. 251 LOCALITÉS. RE OCR GS SN ET ORNE CNE » La Rochette, Dans plusieurs houillères et alunières, Hontheim, Aiwaille, Goffontaine, La Rochette, Moresnet, Chevron, Lier- neux, Fraiture , la Comté, Stavelot, Fumal, Hucorgneet Lexhy. La Chartreuse et la Nouvelle-Bonne- Fin, prés de Liége. Val-Benoïît et la Chartreuse, près de Liége. Dans plusieurs houillères et Chockier, La Rochette, Olne , Theux, Spa, Fumal, Hucorgne et Lexhy. Houillère de la Chartreuse près de Liège, el Modave. Houillères du Champay , de la Char- treuse, de Melin et de La Rochette, la Reid et Comblain-au-Pont, Les houillères du Champay, de la Haye et de la Nouvelle-Bonne-Fin, près de Liége. Dans plusieurs houillères et À Choc- kier, Bein, Theux et Comblain-au- Pont. Melin, Landen, Freloux, Thier à Liége, Battice et Gimenich. Battice, Huy et Beaufort. Chénée, Flémalle Melin, La Rochet- te, etc. Chockier, Pepinster, Theux , la Reid, La Rochette, Verleumont, Spa, Che- vron et Ster. La Nouvelle-Bonne-Fin et la Char- treuse, près de Liége. La Nouvelle-Bonne-Fin et Lierneux, Theux, La Rochette, Angleur, Choc- kier, Marsine, Comblain-au-Pont , Harzé, Amblève, Rozières et Mery. » Beaufort, Chevremont , La Rochette et Chockier, La Rochette, Oneux prés de Theux, les Awirs, Herve et Melin, 32 252 NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. FER SULFURÉ BLANC quaternaire globuliforme radié . . concrétionné mamelonné disséminé argileux pulvérulent. . ZING OXIDÉ CARBONATÉ . . cristallisé, . . lamellaire lithoïde FER PHOSPHATÉ, , « + « = — terreux . FER OXIDÉ SILICIFÈRE . . — unitaire. ,% «4 4 — trapézien (1) . .. . .. — acicrilnème. 10. à 4 lamelliforme . mamelonné compacte caverneux .,. terreux (2)... .. Sideroxide, BEuD Hydrate de fer Hématite brune Carbonate de fer, BEUD . . . Fer spathique Fer carbonaté terreux . . — argilo-bitumineux. Hydro-phosphate de fer, BEUD. Bleu de Prusse natif . . « . . Calamine GISEMENS. Amas ferrugineux et calaminaires, dolomie et calcaire anthraxifère . Craie, argile figuline, amas et flons quartzeux, ferrugineux et calaminaires, ... . . 4 . . Craie et ampélite alumineux . . . — et schiste argileux, argile plastique . Calcaire antbraxifère , dolomie, schiste argileux , psammile et “poudingues siliceux. . . . . .. Calcaire anthraxifère et les tour- Calcaire anthraxifère, dolomie, schiste, argileux, psammite, pou- dingues siliceux et tourbières. . » » Formation houillère et psammite, schiste argileux Formation houillère et ampélite alumineux. . . Tourbières . . Dans les amas zincifères du calcaire anthraxifère, de la dolomie, etc. TABLEAU MÉTHODIQUE DES ESPÈCES MINÉRALES LOCALITÉS. -La Rochette, Theux , Pepinster et! Surdants, près de Verviers. Heure-le-Romain, Henri - Chap Petit-Rechain, Angleur, La Roch et les Awirs. Heure-le-Romain et Amay. et dans la plu des houillères et des elunières, » n Hotbomont et Oneux, près de Th Ferrière, Embourg, Forét, Lay Marsine, Antheil, etc. Verviers, les environs de Th Xhoris, Pirombaut,St.-Roch, Ro Minière, Ferrière, Filot, Haleun Almelle, Bois-le-Comte, Embo Forêt, La Rochette, Angleur, € kier, Amay, Layable, Lavoir, sine, Sart-à-Bein, Seilles, la ville, Modave, Richelle, Spa, Francorchamps, la Gleize , etc, » » Jupille, Wandre et la Minerie. — La Rochelle, Poulseur Dans presque toutes les houillè les alunières. » » La Gleize, Spa et Angleur. La Vieille.-Montagne, pres de Mo (1) Outre ces deux formes, il en existe plusieurs qui n'ont pas encore été décrites par les auteurs et qui ne sont guère susceptibles de l'être sans fig (2) Cette variété et les quatre qui la précèdent sont mélées de zinc carbonaté, TROUVÉES DANS LA PROVINCE DE LIÉGE. 253 NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. LEMITE. + imitable. . mamelonnée. . . E MASSIPE). «+ oi « + «+ + 0e e éire 5 Bo 5 3 SÉPITORRALIEE _ DrentalIsEe ie ns « «e-= . MEDMATÉ.- - . : + + « .—. « «pete = — primitif, ........ — — convexe. . . _— — prismé . ....: - .. D > = > à PNIC SULFURÉ ROUGE SULFURÉ bi-rhomboïdal , rhomboÿ dal aigu (1) .. semi-émarginé , . . .. aciculaire radié. . . .. lamellai, mamelonné compact Tes e.. Lerreux, . . primitif... ..... ODLGEdrE - ue tee triforme . ....... lamellaire mamelonné assis OXIDÉ. . . métalloide . ...... Pal ( terreux compact hydraté. esnrssrss. Celle variété est plus ou moins aiguë. | Silicate de zinc Calamine. » anhydre . . . Réalears te etehr eee frais Manganide » GISEMENS. Dans les amas zincifères du calcaire anthraxifére, de la dolomie, etc. Filon quartzeux. . . Calcaire anthraxifère et flon plom- bifère . - :. Filon plombifère . . — et filon quartzeux, amas zincifères Filon plombifère et calcaire an- thraxifére . . , Amas zincifères, calcaire anthraxi- fère et dolomie. .. . . . .. . » Calcaire anthraxifère , . . . . . . » Amas ferrugineux et zincifères . . Amas ferrugineux et psammite . . Schistes ardoise et coticule . . . . Ces deux variétés sont très-souvent mélées de zinc oxidé silicifère, de fer oxidé carbonaté, etc. LOCALITÉS. La Vieille-Montagne, près de Moresnet. et le bois de Huy. | La Vieille-Montagne et le bois de Huy. Membach et la Nouvelles -Montagne, près deVerviers. La Vieille-Montagne et le bois de Huy. Membach , la Nouvelle-Montagne, Den les Awirs, la Mallieue, le bois de Huy et Oneux. Souvré près de Visé et Brasberg ou Bleyberg, près de Hombourg. Brasberg ou Bleyberg, près de Hom- bourg. Brasberg ou Bleyberg , Angleur et Membach. Brasberg ou Bleyberg, La Rochette et Souvré, près de Visé. Engis, le bois de Huy et Membach. » Entre Hansé et Freuhay, prés d'Olne. ” Hothomont, Angleur, le bois de Huy et la Vieille-Montagne. Hothomont et Theux. Lierneux, Verleumont, La Comté, Petit-Sart , etc. SOUFRE, . . + ANTHRACITE . . . . compacte globuliforme schistoïde laminaire . . . schistoide daloïde Tompacte derreuse, , , « GISEMENS. » » Calcaire anthraxifère, , . . . Souvré, près de Visé. et dolomie . — Hozémont et Theux. aies re ] Seilles , Aigremont, Hozémont, @] kier , Theux etles Awirs, » Dans toutes les houillères. Terrain houiller . Houillères du Kessal près de malle, de la Minerie près mister, de la Chartreuse et du pay, près de Liége. Dans la plupart aes houillères. » Quartzite du filon plombifère et amas ferrugineux et zincifères. La Rochette, les Awirs, la Ma et le bois de Huy. TABLEAU MÉTHODIQUE DES ROCHES OBSERVÉES DANS LA PROVINCE DE LIÉGE. | 256 NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. TERRAIN DE TRANSPORT MODERNE. Limon sableux, A. B, — yaseux, À. B. . Graviers et galets . . . TERRAIN DE TRANSPORT LYSIEN. Stalactites, A. B. . Encrustans, À.:B. 4 4 2 2 E UN à « Fer limonenux, À.B. . «+ . . . - ns TERRAIN DE TRANSPORT ANCIEN. Tourbes herbacées, A. B. — Jligneuses, À. B. Blocs erratiques . . . . . . . Graviers et galets, À. DB. . . Sables plus ou moins argileux . Zrèche osseuse formée par le mélange d'ar- gile, de galets, de stalactites, d'os, etc. Sables . Limons. Stalagmites Tufs calcaires Ocres . » TABLEAU MÉTHODIQUE DES ROCHES CORPS ORGANISÉS FOSSILES. Le cochon, sus priscus. Le cerf commun. AT he L'éléphant primigenius. + « . L'ours spelœus . ti Lo » Succinea amphibia . AN 5 Th Cyclostoma elegans. DE Helix hortensis. . . . . . — carthusiana . GC : — nemoralis. QT. — obvoluta . UV » Le sanglier. Cl Lg Le cerf commun. sLethe » » » L'homme . . . . : L'éléphant primigenius. . L'hippopotame minutus?. . . Le rhinocéros tichorhinus. : — leptorhinus?. . — minuluse : Le sanglier. k Le cochon domestique, . . . — priscus. , . Le cheval ordinaire. . L'âne ordinaire. + + . « : LeVrenne. . Leldaim es © + + . Le cerf de deux espèces . . . Le chevreuil . , , . . . Mantlopat +. hu 0.0. ŒFalcheyres de. + Met © Le mouton de deux grandeurs. LOCALITÉS. Dans un grand nombre de local Val-St.-Lambert, Cheratte, ron près de Chénée, etc., 4 lits des rivières, etc, Goffontaine, Nessonvaux, les bi du Houyoux, Hollogne-aux< res, etc, 1 Eaux minérales ferrugineuses desps f Spa, la Gleize, Hockay, Angle j Grivegnée , etc. La Chartreuse et la citadelle à Li la vallée de la Meuse , etc. Sur les hauteurs de la vallée d Meuse, etc, Beaufays, Angleur, Liége, Seraingi Chockier, Engis , Engihoul, Ram Troumanteau près de Huy, Fonds-de-Forêt, Tilf, Goffon Berneau, Remouchamps , ele: OBSERVÉES DANS LA PROVINCE DE LIÉGE. NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. e osseuse formée par le mélange d'ar- D, de galets, de sialactites, d'os, etc. mcm TERRAIN TERTIAIRE. À près blanc, D'OmaLivs , | Grès blanc protéique, A. L. CORPS ORGANISÉS FOSSILES. Le bœuf ordinaire . Le bufle?. . .. La chauve-souris de plusieurs espéces date En en Le hérisson . La musaraigne?. . La taupe . L'ours spelœus . — arctoïdeus , , — priscus Le blaireau . . Le grison . La martre de quatre espèces. Le putois . ..… « «4. Eaibelette "nc 14. La penette.0,2-.-1-1 70. Le chien spelæus Le loup — TO Le renard de deux espèces . L'hyène » 1. Psammite rouge. . Calcaire anthraxifère et schiste argileux, Schiste argileux . Schiste ergileux et calcaire an- thraxifère . Schiste argileux. . . . +. LOCALITÉS. Visé. Chockier. Souvré. Souvré et Berneau. Souvré. Souvré et Sougnez Souvré. Visé. Souvré. Poulceur et Seilles. Visé, Souvré et Berneau. Souvré, Chaudfontaine, Visé. Rieu-Sart , près de Mag Souvré. Souvré et Sougnez. Entre Seraing et les Bon Visé, Chockier > S0 Fraipont et Comblinayÿ# Chockier et Comblinay dl Hucorgne, Sougnez, AÏWalg Comblinay, Esneuxy viers, Fraipont, etes Sougnez. RAPPORTÉS AUX TERRAINS AUXQUELS ILS SONT PROPRES. 273 NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. ifer obtusus, Sow. . . = distans? Sow. (pl. VII, Jig.4, AetB). . ee striatus, SOW. . . . bratula afinis, Sow. . . . — crumena, SOW. . . — lœvigata, Scuz. . . — lineata , Sow. . — explanata, SCHL. _ vestita, var,, SCHL. , 3 indentata, Sow. . . . Raxtaft . … | intermedia, LAM. . . lacunosa, Scux. . bullata , Sow. . . . elongata, SOW. . . pectila, Sow. monticulata , ScRL. . sacculus, SOW. . . prisca, var. rudis, SCHL. um bullatum, LAM . . cardia annulata, HOENING. , rugata, SOW.. . . , nm papyraceus, SOW. . . . = orbicularis, Lam. quinquecostatus , SOW. . gracilis, Sow. . . Ua lingulata, HoENING. . . prisca , HOENING. macroplera, SOW, . . plicatula, DEFR. . . . semiplana, Sow. . . Pl globosa, Sow. . . . . plicata, Sow, . . . . antiquus ? Sow. (pl. V, DE -. 1. : acutus ? (pl. V, fig. 4). Anomites striata, MART. . Terebratula » LINN. . Anomites lineatus, Marr. » » » » » » » Terebratula sella. . . , Anomites sacculus, MaRT. Anomia pecten, GMELIN. . Pectinites membranaceus , LU GUN SRE LCL SENS QE NATURE DES FOSSILES. Calcaire. Pyriteuse et ar- gileuse, . Calcaire , Calcaire et sili- ceuse . Calcaire. Argileuse . i NATURE DU TERRAIN DE GISEMENT. Calcaire anthraxifère , Schiste argileux. . . . Calcaire anthraxifère . Poudingue de Malmédy . . Calcaire anthraxifère . . , Craie blanche, . . Calcaire anthraxifère . . . Glauconie sableuse, . . . Calcaire anthraxifère . . . Argile schisteuse noire de la formation houillére, Glauconie sableuse. sableuse . : ,. . Calcaire anthraxifére. . , Glauconie crayeuse. . Craie blanche et silex. . Glauconie sableuse, . , . Craie blanche. . . . . . Glauconie crayeuse, . , . Argile schisteuse noire du ter- rain houiller . . . . . sableuse et crayeuse. LOCALITÉS. Souvré, Sougnez, Huy. Souvré. Engis. Huy et Horion-Hozémont. Visé, Souvré. Visé. Stavelot. Visé, Aube]. Freloux. Loen, près de Hallebaye. Visé et Berneau. Chockier Hucorgne el Huy. Entre Gimenich et le bois d'Aix Visé. Melin, Gimenich. Gimenich et Clermont. Gimenich, Visé. Aubel, Sinnich, Teuven ct Landen. Thys,Crisnée,Freloux et Melin. Entre Gimenich et le bois d'Aix Oreye. Aux Tawes, près de Liége. Houillères du Houlleux à Ju- pille, des Makets à Je- meppe, de La Haye, du Champey, du Val-Benoît, de la Plombterie, etc., à Liége. 274 NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. Pholadomya indéterminée (Pl VIII, Jig- 6, AetB). Jnoceramus concentricus, Sow. _ latus, Sow. . Pentamerus Aylesfordii, Sow. Trigonia arcuata, LAM. . _— aleæformis , Sow. Venus lentiformis ?, Sow. Crassatella sulcata, Sow. . . Cytherea leonina, BASTEROT. Gervillia solenoïdea, DEFR. . + Cucullæa glabra, Sow. Chama plicata, Sow. . — digitata, Sow. canaliculata , Sow. conica, Sow. . Panopea plicata, Sow. . . Helix carthusiana , LA. hortensis, MULL. . . . nemoralis , Lin. obvoluta , MULL. . . . Cyclostoma elegans, Lam. . Succinea amphibia, LAM. . . . TRILOBITES. tractée, À, B. (pl V, fig.1,A, B, C, D, et fig. 2 et 7.) de Asaphus indéterminé (pl. IX, fig. 2). Ogygia guettardi? A. B. . . ZOOPHYTES. Encrinites moniliformis, Mir. Cyathocrinites rugosus, MILL. . pinnatus, GOLD. . Calymene macrophthalma, var. con- 3 | »” Helix trigonophora, LAN. . Nerita elegans, Muz. Turbo ; GMELIN. Helix puris, Lin. . succinea ; MULL. Bulimus succineus , BRuG. Encrinus liliiformis, Law. Lilium lapideum , ELris. Encrinus ou ckporier HOFER. Actino- crinites monilifor- mis, MiLr. Plumose encrinus, PARK. vVerrucosus SCHLOTH. annulatus, SCRLOTA NATURE DES FOSSILES. Argilo-calcäire. Calcaire. . . Argilo-calcaire. Non pétrifiée . Calcaire et fer- rugineuse. — etsiliceuse, Argilo-calcaire, Calcaire, . . Argileuse . . Argilo-schisteuse, Tentaculites scalaris, sr CORPS ORGANISÉS FOSSILES DE LA PROVINCE DE LIÉGE, NATURE DU TERRAIN DE GISEMENT. Glauconie crayeuse, Calcaire anthraxifère . . Glauconie sableuse. . Glauconie crayeuse, . Glauconie crayeuse et sableuse. crayeuse . sableuse. . . sableuse et crayeuse crayeuse,. . , Tuficalcaire .… . .… Calcaire anthraxifère . Schiste argileux de la forma- tion anthraxifère . Schiste ardoise . . Calcaire anthraxifère, dolo- mie, schiste argileux et fer oligiste . . Calcaire anthraxifère, phta- nite et silex . , LOCALITÉS. Environs de Landen. Schlenaecken et Teuven.\ Aigremont , près d'Engis, Aux environs de Gimenichi Clermont , Teuven et Sinni Teuven et Sinnich. Aube], Teuven et Schlenae Clermont et les environ Gimenich. Sinnich et Clermont. Dans les environs de Gime Gimenich et Sinnich. Aubel et Sinnich. Hollogne-aux-Pierres € bords du Hoyoux. Ferrière. Souvré, près de Visé. Ensival, près de Vervi erss Ardoisière de Solwaster , pl}. de Spa. Chaudfontaine , Limbou Chancre, Ognez, We Theux, Comblain-au la Neuville, Engis, Lavoir, Marsine, Souvré , Argenteau » B neau, Aubel et Battice: rophyllum ananas, Go». . RAPPORTÉS AUX TERRAINS AUXQUELS ILS SONT PROPRES. NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. hexagonum ;, GOLD. ; Var. très= petite. helianthoïdes, Gozr. var. à bou- ton central . hypocrateriforme,Go1p. ceratites, GOLD . . Jlexuosum, GOLD. vermiculare , GOLD. vesiculosum , GOLD. quadrigeminum, GOLD. cæspitosum , GOLD. pentagonum, GOLD. . Javosum ? , GoLp. pra infundibulifera, Go1n. polymorpha, var. V. GoLr. . . . | 3 spongites, var.B.GoLn.| spongites,var. À. GOLD. | gothlandica ?, Goz». | / serpens , GOLD. antiqua, GOLD, . , reticulata, Gorn. ramulosa, GOLD. , Bufo, À. 3. suborbicularis? DErr IX. Acervularia baltica, Scaw. Madrepora ananas , Lin. truncata, PARK. Carry. RUE ee ; GUET- TARD. Hippurites ceratites, de ee ques auteurs , » » » Favosites alveolata, LA. Calamite strié et HE GUET- TABD. Spongites favus , Scur.. » Favosites gothlandica , Law. Corallium gothlandicum, Lin. Millepora dichotoma , Lin. — repens, Lin. Milleporites repens, KNor. Millepora liliacea , Scunér. Catenipora axillaris , Lan. Tubiporites serpens, Scus. » Tubipora, KNon. l . | NATURE DES FOSSILES. Calcaire. Calcaire ceuse . Calcaire . Siliceuse, Calcaire. Calcaire ceuse . et sili- et sili= NATURE DU TERRAIN DE GISEMENT. Calcaire anthraxifère, . Poudingue de Malmédy, . . Calcaire anthraxifère Calcaire anthraxifère et ter- rain de transport. Calcaire anthraxifère . , l'oudingue de Malmédy Calcaire anthraxifère . , Terrain de transport. . . . Calcaire anthraxifère . Calcaire anthraxifère et pou- dingue de Malmédy. , , Calcaire anthraxifère . . Poudingue de Malmédy Calcaire anthraxifère Calcaireanthraxifère et phtanite CENT TR Ne 275 LOCALITÉS. Sougnez et Chockier. Entre Stavelot et Malmédy. Sougnez. Forêt et Chockier. Chockier, Forêt et Chockier. Forêt et Vaux-sous-Chèvre- mont. Chockier et Theux. Huy. Entre Stavelot et Malmédy. Chockier. Flône et Sougnez. Seraing. Chancre, Theux, Chockier et Horion, Sougnez, Theux, Horion et entre Malmédy et Stavelot. Sougnez. Entre Malmédy et Stavelot, Sougnez. Chockier. Theux , Olne et Comblain-au- Pont, Theux et Olne. Loen près de Hallebaye, Henri- Chapelle et Hollogne-aux- Pierres. 276 NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. Spatangus truncatus, GoLD. gibbus ? Lan. — cor testudinarium, GOLD Ananchytes striatus, var, margi= nata, LAN. sulcatus , GOLD. conoïideus , GoLn. Cidarites vesiculosus, GoLn. . Nucleolites pyriformis, Gozn. . granulosus, MUNSTER VÉGÉTAUX. Bois d'espèces indéterminées . Calamites Suckowii, Ad. B. undulatus, Ad, B approximalus , STERN. distans, D. S. ramosus, ART. . Sphænopteris trifoliata, Ad. B. . elegans, Ad. B. — Den D.S. — microphylla, . — Pa DS, affinis, D.S. . PArlES DS. 0 Otopteris — orbicularis, D. S. — reniformis, D. S, oblonga, D. S. . — gibla, D.Ss. Loshii, Ad. B. hastata, D,S Nevropteris gigantea, Ad. B. Mantelli, Ad. B Davreuxii, Ad, B, Pecopteris l | Spatangus cor anguinum,LAN. cor marinum, PARK Ananchytes Raputp tes ; Guv. : . Echinus scutatus, Lin. » Nucleolites amygdala, Lam. Echinites amy sRa norme Scaz. . mn Calamites nodosus, STERN. Filicites trifoliata, AnT. Acrostichum silesiacum,STERN » Sphænopteris delicatula,STER: » » Filicites osmundæ, ART. . Cryclopteris orbicularis, Ad. B. + [Nevropteris heterophylla, AdB. Osmunda gigantea, STERN. » Filicites decurrens? ART. . CORPS ORGANISÉS FOSSILES DE LA PROVINCE DE LIÉGE, | | | DES FOSSILES. Siliceuse. . . NATURE EURE LOCALITÉS,. DU TERRAIN DE GISEMENT. Craie . Heure-le-Romain. Melin , Julémont , St.-An Battice, Freloux et Hi gne-aux-Pierres, Melin, St.- André, B Freloux , Hollogne = Pierres et Gimenich, Craie et glauconie sableuse. Thys, Crisnée, Freloux, Saive, Melin , Battit Francorchamps. Craie et sables . Craie. . Henri-Chapelle, Beyne4fih cour , Crisnée et Thys Hollogne-aux-Pierres, M Thys, Freloux, Glons, Battice , Beau Francorchamps. Craie et sables . Sables À silex. . Entre Francorchamps Craie blanche. Aubel, Freloux et Holl aux-Pierress Glauconie sableuse. Gimenich. Sables de la formation crayeuse.| Wezerain près de L: Thines, Henri- Chap Rocour , près de Lié à Argileuse ou fer- rugineuse. . | Phyllade pailleté et argile schisteuse du terrain houil- ler, et rarement dans le psammite . Dans plusieurs hou la province, ET OS RE Be PR RE AE RAPPORTÉS AUX TERRAINS AUXQUELS ILS SONT PROPRES. 277 4 NATURE NATURE : NOMENCLATURE ET SYNONYMIE. LOCALITES. DES FOSSILES. DU TERRAIN DE GISEMENT. gigantea, Ad. B.. . | Filicites giganteus, ScuL. — muricatus? SCHL. nervosa, Ad. B.. . j ne Pecopteris bifurcata? STERN. Blechnoïdes, Ad.B. . | Alethopteris vulgatior, STERN. aquilina, STERN. . . » minor, DS. , . - » excelsa, D.S. . . » rugosa, D, S. chnoophoroïdes , D. S. distans, D. S. bopteris elegans, D.S. bipinnatifida, D. S. subacuta , D.S. pectinata , D.S. levis, Ad. B. . elongata , Ad. B. Davreuxii, Ad. B. notata, Ad.B, . Hippocrepis, Ad. B. reniformis, D. S. cordiformis , D. S. obovata, D. S. . . Argileuse ou fer- rugineuse. . | Phyllade pailleté et argile schisteuse du terrain houil- ler, et rarement dans le psammite . . + . . | Dans plusieurs houillères de _ major, D.S. . . . la province. Martii, D.S. . approzimata, D.S, ophyllum pusillum , D. S. . | Rotularia pusilla, STERN. quadrifolium, D.S. » marsileæfolium, D.S. » dendron obovatum, STERN. . » aculeatum, STERN. . decurrens, D.S, rimosum , STERN. undulatum , STERN. confluens , STERN. - imbricatum , STERN. M Sternbergti, Ad. B. | Lepidodendron dichotomum, HA ETES Jficoïdes, Ad. B. . | ÿariolaria Jicoïdes, STERN. radiata, Ad, B. . Asterophyllites radiatus,STENN leptophylla, D, S$. delicatula, D. S. nhyllites equisetoïdes, D. S. rigida, Ad.B. . . | Bruckmanniarigida, STrnn. Myli,D.S.. . . % Libhée lt là“: . / À DSNRSSSER LS SS / FU nr ion nee Tél | AM ou 10 TPAUMENAN LA TABLEAU E QUELQUES ÉLÉVATIONS DU SOL DE LA PROVINCE DE LIÈGE ET DES ENVIRONS AU-DESSUS DU NIVEAU DE L'OCÉAN. N°. um à œ kb (1) Les hauteurs suivies d'un * ont été prises par les officiers d'état-major des Pays-Bas chargés de la confection de la carte générale de la Belgiqu QUELQUES ÉLÉVATIONS DU SOL DE LA PROVINCE DE LIÉGE ENDROITS OBSERVÉS. La Meuse sous le pont de Wick à Maestricht, près de l'embouchure du OS. RO SCANS LEO ECO RO NO Lixhe (rive gauche de la Meuse, entre Maestricht et Visé.) La Meuse À la limite des provinces de Liége et de Limbourg + Le zéro de l'échelle du pont des Arches, à Liége . . . . . L'embouchure de l'Ourthe, près de la Tour en bèche, à Liége, (rive droitede la Meuse.) + . . . . . «+ + «+ «+ » +": *« + « La même rivière, au point où elle reçoit la Vesdre à Chénée, . : . La Meuse sous le pont de Huy, à l'embouchure du Hoyoux . . + + : La route de la Vesdre, vis-A-vis le four-à-chaux, entre Chaudfontaine et le pont de fer de Honster . . . . . + + + + + + « «+ + + La Meuse à la limite actuelle des provinces de Namur et de Liége (par analogie des calculs des nos 11et16 . . . . . . . . L'Ourthe, à Esneux. . . « «+ + : + La Meuseà l'ancienne limite des départemens de Sambre-et-Meuse et de HOncthes CM TR ET AU Mere le vie lle Via L'Ourthe, à Doux-Flamme où elle reçoit l'Amblève . . . Oreye(Hesbaie.) + - + à . « « + + + + . + « e & La Vesdre au pont de Fraipont . L'Ourthe à Hamoir . . . . . La Meuse à Namur (niveau moyen.). .« . , «+ . «+ . + « . . . Lit de l'Amblève à Remouchamps , où commence sa navigation . : L'Amblève à Remouchamps . . . . . . . . L'embouchure de la Hoegne dans la Vesdre à Pepinster L'Ourthe , près de Barvaux, où elle pénètre dans la province de Liége. Le point d'embranchement des trois routes à Pepinster . . . . . Près de l’orifice de la bure d'extraction de la houillère de la Haie à St-Gil- les, à Liépe. 4. net Au moulin de Voroux (Hesbaie) . . . . . , . . . . . . . . Plateau d'Oupeye (Hesbaie) . L'Ourthe , près de Durbuy . A la maison Foulon, près de Votemme (Hesbaie\) . . Plateau de la citadelle de Liége , . . « . . . . Porte de Xhavée, à Verviers, suivant la route de la Vesdre. , . , . Le point de jonclion de la route de la Vesdre avec celle de Spa à Theux Jardin derrière le château de Chockier (Hesbaic). . . . . . . . . Montagne au-dessus de la caverne à ossemens fossiles de Chockier . Sur la montagne près de la citadelle de Liége, le long du petit sentier au mordilece fort PROC UUN. D NN e Te MAO I ÉAMOEIONE (a tee scie eu co dcr eu, Au-dessus de la bande calcaire Bauseraye, vis-à-vis de la courbe que fait la route de la Vesdre près du four-à-chaux, entre Chaudfontaine et le pont defer de Honster . . . . . . . . . . . . . . . Blatean/d' Aus) (Hesbae)h ee Mec cie Te Te Vallon des Forges, entre Liége et Theux . . . . . . . . . . ÉLÉVATIONS, mètres. 42,350 44,750 46,772 54,535 55,064 59,444 62,118 69,700 72,784 78,860 86,412 88,107 99,200 202... 104,260 111,500 120,247 162 LE 127,622 128,980 131,622 136,470 140,... 147,800 156,700 158,.. . 158... 158,459 159,208 161,800 163,346 168,230 170,730 172,300 179,500 179,520 NOMS DES OBSERVATEURS (} L'ingénieur Fumière. Thomassin. L'ingénieur Fumière. L'administration des ponts et chaussées, L'ingénieur Fumière, Id. Id. Id, Id. Id. Thomassin, L'ingénieur Fumiére. Thomassin. , L'ingénieur Fumière, Steininger. L'ingénieur Fumière. * L'ingénieur Fumière. Steininger, L'ingénieur Fumière. Crocq. * Thomassin. L'ingénieur Fumière. Thomassin. L'ingénieur Fumière. Id. Thomassin. Crocq. Id. L'ingénieur Fumière. Crocq. Thomassin. Id, ET DES ENVIRONS AU-DESSUS DU NIVEAU DE L'OCÉAN. ENDROITS OBSERVÉS. Bascule de Ste-Walburge, près de Liège . . . . . . . . . Sommet de la montagne d'Angleur, près de Liége, vers la maison Nagel- MaEeres + ste uen de A l'arbre Ste-Barbe , près de Rocour (Hesbaie) Piereuchamps , dans les environs de Theux . Sur les hauteurs à Rocour (Hesbaie) . L'Ourthe, à la Roche, où commence maintenant sa navigation . Sommet du pont de Dolhain-Limbourg sur la Vesdre . . . . . Le mont Tillot, dans les environs de Theux . Soxhan dans les environs de Theux. . . , . . Haut-Sart, dans les environs de Theux. . . . . Plaine moyenne , sous Cheinheid , vis-à-vis de Cheinheïd dans les environs ATEN ts 0 - le . Près de l’église de Poleur . . . . Plaïne inférieure de Turon (Ardenne) . . . . , Le mont Stockis, aux environs de Theux . Jévoumont , près de Theux . . . . . . . . RÉ ER = le Dee) Elle de 2: De Cheinheid, aux environs de Theux. . . Plaine inférieure du Marteau, près de Spa. G AUS SH Vis-à-vis la Heid-des-Chèvres (limite du Condros et de l'Ardenne) . . Au village de Mont, près de Theux. . . . . Plaine moyenne sous Chinru , aux environs de Poleur . Butte à la souffrerie , aux environs de Franchimont . Sasserotte , aux environs de Franchimont . . . . . . . Rouge-Thier, aux environs de Louvegnez (Condros) Plateau de la montagne de Ninane à l'ouest , derrière l'hôtel des grands bains à Chaudfontaine . . . . . Thier de Spixhe, aux environs de Theux . Bois de Franchimont, . . Adseux , aux environs de Louvegnez . Le Thier-du-Gibet, près de Theux . Plaine inférieure de Spa La plaine moyenne du Fays, aux environs de Poleur . Hôtel des Pays-Bas, à Spa. . . . . . . L'Ourthe , où les deux Ourthes se réunissent éois d'Ensival. 1 =" 4. Près de l'église d'Oneux, aux environs de Theux, . , ÆEntre Theux et Spa. . . . . . . . Montagne entre Sasor et Sasserotte, près de Franchimont, La Reid, aux environs de Theux, . Lerallon de Spa. . . . . . . . Hauteur à l'est de Barvaux (Condros) . La plaine du Fays, aux environs de Poleur à Heid-des-Chèvres (limite du Condros et de l’Ardenne) , Hôtel d'Orange , à Stavelot ÉLÉVATIONS. mètres. 1817 :. 181,440 188: 2. 188,400 108 7 200,860 201,209 203, 203, ..… 210,308 212,208 232,208 232,208 232,208 ES 233,830 239,500 239,500 241,... 246,808 246,808 246,810 248,... 252,980 261,410 NOMS DES OBSERVATEURS. Crocq. Robert de Limbourg. L'ingénieur Fumière. Id. Robert de Limbourg Id. Id. Id. Robert de Limbourg. Id. Id. Robert de Limbourg. Id. Id. Robert de Limbourg Id. Id, Crocq. Robert de Limbourg. Id, Robert de Limbourg. Id. Id. L'ingénieur Fumière. Robert de Limbourg. Dethier , père. Robert de Limbourg. + Van Swinden et Thomassin. Steininger. Robert de Limbourg. Id, 281 n°. QUELQUES ÉLÉVATIONS DU SOL DE LA PROVINCE DE LIÉGE ENDROITS OBSERVÉS. Le mont Commun , aux environs de Theux . . . . . . . , Tancremont , près de Theux . Lit de l’Amblève, au pont de Stavelot . L'Ourthe, à Houffalize . . , . . . . Hameau des Douze-Hommes ., . . . Fontaine du Tonnelet, près de Spa. Idem , Le Jonkeux , aux environs de Theux Becco_…. ..: La montagne de Spaloumont , vers Annette et Lubin, près de Spa. . . La fontaine de Watroz , près de Spa. . . . . . . . . MéRanE Er, Fed EU Po Eee Or EE NS L'Ourthe , où elle reçoit le ruisseau du Moulin , . . . . . . . . La fontaine de Nivesez, près de Spa, Hauteur de Staneux, aux environs de Theux . Plateau du Condros (élévation moyenne) . . . . . , . . . . . Rahaiïmont , aux environs de Theux. . . . , Hauteur à l'est de Heïd (limite du Condros et de l'Ardenne) . La fontaine de Bousart , près de Spa. . . 4 . . . . . . . . . MESA TATUENNE) Me Ne ee ee he à ie Bois entre Poleuret Spa. . . , . . ARR OS ET) NEO SR ee RE Haut-Regard (limite du Condros et de l'Ardenne) . . . . . . . Grepno/(Axdenne) SRE SLT RTE LE a ES ETC NOT PEER RMC Fontaine de la Sauvenière ou Grosbeck, près de Spa OCR MALO MOMEL PB UP Leds art Barrière de la Sauvenière, près de Spa . Limite des royaumes de Prusse et des Pays-Bas, suivant la route de la Merde ET Sur la hauteur dominante au sud de Haut-Regard . Devant la Forge, sur la hauteur dominante près de Vert-Buisson (Ar- CET OS MEME ES PRES ONE. 2e DES TER Au coin du Hasselbosch (Ardenne) . . . . , . , La Géronstère, près deSpa. . . . . . . . . . . Hueruenx (Ardenne). #M0itFr Me NUE à NME cn. L'Ourthe, au bief du partage du canal de Meuse-et-Moselle (Ardenne). , Point où la Vesdre pénètre dans la province de Liége , Hestreux (limite du Condros et del'Ardeune). . . . , Francorchamps (Ardenne). . . . . . . . . . . .. Sur la hauteur, près du bois Monfa (Ardenne) . . . . . . % A l'extrémité est du bois Magosser (Ardenne). Coquai-Fague (Ardenne) }.. ..Metatef.- 0 UMR RU Sur la hauteur à Longchamps . Devant Baronheid (Ardenne) , . ÉLÉVATIONS, mètres. 305,210 305,210 311,527 313,730 332,736 336,240 SÉEhoog 339,730 342,080 349, 350,... 351,928 357500 359,600 3612 370,908 370,908 Etes S7E ne BD) 38542 415,080 389,... 397,639 407,... MERE Rae 421,360 423,700 129,730 130,399 443, ... 469, ... NOMS DES OBSERVATEURS. Robert de Limbourg. Id. L'ingénieur Fumière, Id. “ Colin , père. Robert de Limbourg. Colin, père. Id. L'ingénieur Fumière, Colin, père. Robert de Limbourg. D'Omalius D'Halloy. Robert de Limbourg. Steininger. Colin, pére. . Robert de Limbourg. Id. . Thomassin. Colin, pére. L'ingénieur Fumiere. Colin, pére. Steininger. L'ingénieur Fumière. Id. « ET DES ENVIRONS AU-DESSUS DU NIVEAU DE L'OCÉAN. 283 ENDROITS OBSERVÉS. ® Plus grande hauteur près des ardoïsières de Verleumont (Ardenne). Les Fanges, près de Sourbroudl (Ardenne) A la maison Leloup, sur la route de Spa, à Stavelot. Au-dessus du Geisbosch (Ardenne) . Au-delà des hautenrs de la Sauvenière et de la Géronstère, à la Belle-Vue, ancien embranchement des routes de Malmédy et de Stavelot . Hockay (Ardenne). . . . . . la Grande-Croix (Ardenne) . la fontaine Bevigny (Ardenne) . la baraque Michel (Ardenne) la baraque Michel, aux frontières de la Prusse, sur le chemin qui con- duit de Sourbroudt à Jalhay et à Eupen (Ardenne). %: Les hauteurs observées par MM. Robert de Limbourg, Colin père et Crocq n'étaient point rapportées au niveau de l'Océan ; M. l'ingénieur > s'est chargé de les y rapporter , en prenant pour point de repère le zéro de l'échelle du pont des Arches, à Liége. ÉLEVATIONS. mètres. 555,600 565,370 567,... 605... 622,400 NOMS DES OBSERVATEURS. Steininger. Id. Colin père , et Thomassin. Thomassin. Bronn, d'après un manuscrit de feu M. Thomassin. Ut: 1 VO TRES HONRR Ds A osier lite lg. f Li | ur dé End LE FINALE AN à LL ct Fig. 1. — 2. Fig. 1. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. Poisson du genre clupea, mais d'espèce indéterminable. Dessin de grandeur naturelle d’après l'échantillon trouvé à Souvré , près de Visé. PLANCHE II. Dent molaire d’éléphant primigentus, trouvée à l'endroit dit Bechuwron , entre Chénée et Vaux-sous-Chèvremont. Voelde Ce RPC NT D Partie supérieure de la dent, vue de face Los | Grandeur naturelle. PLANCHE III. Ammonites Listeri, de Melin; vue avecses deux spirales. Grandeur naturelle. . Une spirale d’une de ces ammonites vue de face. . Ammonites sacer des Indes , d’après le dessin de M. Hollman, inséré dans le 15° vol. des Commentationes societatis regiæ scientiarum Gottingensis. Cet échantillon n’est représenté ici que pour montrer la différence qui existe entre cette ammonite et celle de Melin. PLANCHE IV. Pétrification remarquable de la glauconie crayeuse et du gault ; échantillon provenant de la citadelle à Liége. 286 EXPLICATION DES PLANCHES. — A. Coupe transversale suivant la ligne correspondante 41B; vue delface. EE ON — B. Profil d'un croquis représentant la RE René de sa gangue , formée par l’exemplaire A. . . Grandeur naturelle. — C. Coupe transversale représentant l'espèce de te que ces spirales présentent assez rarement. . . +. Fig. 2. A et B. Strophomena marsupit du calcaire anthraxifère (CAC ENERIRE de € — 3. À. Mélanie non FN de ponte penis de Horion-Hozémont , grossie de 3 fois. B. Coupe verticale d'une même mélanie , grossie de 4 fois. — 4. À et B. Spirifer non déterminé du schiste argileux de Sougnez . . . UN - : ë “uéasénee — 5. A etB. Spirifer non AHoneine du tes Anne ns LU CMP SUR deGhancre NE Ce PLANCHE V. Fig. 1. Calymène macrophthalme contracté du calcaire an- thraxifère de Ferrière. . . . Dr à A. Vu de face; B vu de côté; C la tête et le dos. Vus par- dessus ; D côté du dos et de la queue vus par-dessus. — 2, Échantillon de même calimène privé des lobes de dessin vu de côté . . . CoR2 ë — 3. Unio antiquus? de la houillère Au Val- Ronolé. à près Me Liége ; dessin dy di l'intérieur d'une coquille Grandeur naturelle. ouvertes: CNRS . . — 4. Unio acutus? du même Sn deett et sur ÉE même A Pas tillon ; dessin représentant l'extérieur . . 3 — $et 6. Ammonites des rognons calcaires de Ponpelte sie mineux de Flémalle-Haute, vus de côté . . . . — 7. Empreinte d’un calymène De Dr. contracté de Ferrière . . . Hi Se TE . — 8. Échantillon complet dt unio acutus du Val- Benoit, représenté du côté de la charnière . . . . . . EXPLICATION DES PLANCHES. 287 PLANCHE VI. Fig. 1. À. Pétrification remarquable de l’ampélite alumineux | d'Engis «+ . o 0 a A B. Coupe du vide bé par hat a cône in- diqué en À, fig. 1 : : — 2. A. Coupe longitudinale d’une masse e d'ampélite as neux de Chockier qui présente une infinité de cônes emboîtés analogues à ceux figurés en A et B, fig. 1. \ B. Petit cône provenant de la partie supérieure de la } Grandeur naturelle. masse précédente — 3. Partie de la face supérieure due ne de Voie argileux, trouvé par M. Dethier sur la Fagne du pla- teau de St.-Remacle , entre Theux et Remouchamps. Cette plaque offre sur sa tranche , mais plus en petit, des cônes en tout semblables à ceux indiqués en A, fig 1. PLANCHE VII. Fig. 1. Spirifer glaber du calcaire anthraxifère de Chockier . \ — 2.AetB. Spirifer attenuatus du schiste argileux de Sou- | AO 25 à ENS PRE MEL CRT NT SRE — 3. iSpirifer bisulcatus du calcaire anthraxifère de Chockier. — 4 A et B. Spirifer distans du calcaire anthraxifère de Souvré, près de Visé = Es . — 5. Productus fimbriatus du calcaire enthrasifère FT as neau Grandeur naturelle. — 6. A et B. Fm pialuA anpalits Fa lee an- thraxifère de Visé : — 7.AetB. Spirifer trigonalis du ie. oise Édentifee d'Esneux . Ê — 6.A et B. Spirifer PTS 1 minte He de san gnez CA CTI M TOI RL OCT ET MD ID MIO 288 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VIII. Fig. 1. Natica globosa ? du calcaire anthraxifère de Visé — 2. Sygaretus? non déterminé du calcaire anthraxifère de VISE ES ON TA ON 5 — 3. Débris de crustacés ou HE trilobites ? du schiste lue des environs d’Ensival . . . — 4. A, BetC. Ammonites des rognons ru Pr ane lite alumineux des environs d'Amay. . AT à — 5. Melanopsis coronata du calcaire anthraxifère de HO — 6.Aet B. Pholadomya? non déterminée de la glauconie crayeuse de Landen. . . . PLANCHE IX. Fig. 1. Portion d’ogygie de Guettard? des ardoisières de Mar- telange (grand-duché de Luxembourg), mais dont M. Maquinay a trouvé aussi quelques fragmens dans le schiste ardoise de Solwaster , près de Spa — 2. Post-abdomen d’un trilobite du genre asaphe du cal- caire anthraxifère de Visé. Cet échantillon a beau- coup d’analogie avec celui qui a été trouvé par M. Stokes dans un calcaire noir des environs de Du- blin, et qui est représenté dans l'ouvrage de M. Alex. Broneniart sur les trilobites, à la planche IV, /ig. 12. FIN DE L'EXVLICATION DES PLANCUES. Grandeur naturelle. Réduite environ de moitié. Grandeur naturelle. ADDITIONS ET CORRECTIONS. PAGE 50, NOTE 1. Des observations récentes me portent à croire que les filamens ou les petits animaux rouges qui colorent quelques mares de l’Ardenne, ne sont pas Poscillatoria rubescens ; le genre ou au moins l'espèce ne m’en sont pas encore connus. PAGE 90, LIGNE 12. Le poudinque-tourtia ou gravi dont il est parlé dans ce Mé- moire, prend un très-grand développement à la rive droite de la Meuse, à Wergifosse, près de Soumagne. Le percement de deux bures à houille, opéré dans cette lo- calité, a donné les résultats suivans (°) : guRE GENDARME, 4 350 mÈèTRES AU SUD DE WERGIFOSSE. Après la terre végétale. mètres . Are SADIONNENSE RE 2. El. STE ee NU nue ele des Are AMEN RECU NT Re CNT NEITEZSS Sable et gravier (poudinque-tourtia). . . . . . . . 0,50 8,50 Terrain houiller - . . . : . (:) Je dois ces renseignemens à l’obligeance de M. Lambinon, ancien élève de l’École des mines de Liége et membre de la Société des sciences naturelles de cette ville. 290 ADDITIONS ET CORRECTIONS. BurE pe L'ESPÉRANCE 4 Werrrosse. Après la terre végétale. Arpile sablonneuse , jaunâtre , quelquefois fortement colorée en rouge-brun, et contenant de nombreuses veines d'argile plastique blanche courant dans tous les sens. Cette argile renferme des masses de sable cristallin sans CONSISTANCE EE LS ee ST AA RS olen de De 5 Ê La partie inférieure de cette masse commence à renfermer de petits sie qui deviennent plus nombreux et plus gros, et finissent par former presque toute la masse. Ces silex sont d’une forme irrégulière , généralement noïi- râtres , recouverts d’une croûte blanchâtre. Cette argile présente une ÉPAISSEUR NE Ce ie ee Me RE PTE TER Argile marneuse grise, en rognons assez durs , renfermant des morceaux tubuleux de fer sulfuré et une très-grande quantité de coquilles, On y a aussi trouvé un morceau de lignite pulvérulent . . . . Ce La partie inférieure se charge de grains verts; ces grains et et for- ment enfin une petite couche de . . . . . . MIS TTNTS En dessous on trouve une aroile marneuse, tons moins dure que la précédente , stratifiée, contenant, surtout dans certaines assises , une très-rande quantité de corps cylindroïdes contournés , formés aussi d’ar- gile marneuse, mais plus dure que celle qui forme la masse ; ils sont recou- verts d’une croûte verdâtre(r). On n’y a pas rencontré de coquilles. . . Sable et gravier (poudinque-tourtia) , formé de petits fragmens polis de grès, de quartz hyaluriet de Dhtante EEE CR NS Terrain houiller mètres. 5,25 Le poudinque-tourtia où gravi que l’on a reconnu dans les deux bures précédentes, au-dessus du terrain houiller, entre ce dernier, la glauconie crayeuse et le gault, contient quel- ques coquilles marines et des dents de squales, semblables à (1) C'est la pétrification remarquable représentée pl. IV, fig. 1, À, BetC, et dont il est parlé à la pag. 86. ADDITIONS ET CORRECTIONS. 291 celles qui ont été découvertes dans le fourtia du nord de la France, dont M. Poirier de St.-Brice a donné la description. PAGE 140, LIGNE 19. La prétendue pétrification végétale, découverte entre Lives et Erpent, près de Namur, en 1829, n’est rien autre qu'un morceau de phtanite ligniforme, long de 2,10, sur 15 à 18 centimètres. L'intérieur est compacte; on ne voit de traces de couches ligneuses qu’à la surface; celles-ci ont été comme tor- dues, et sont coupées à angle droit par des veines de calcaire spathique. FIN DES ADDITIONS ET CORRECTIONS. Tom. IX. 37 . . 14 Ù hs” At pe. 1: Prin ah a à #0 en "x 1 ho oil nl yits UE LE (sa "sb : n: 4 Pi > des doctrines néo-plato- e même esprit qui losophique, un génie N'est-il pas juste que nous philosophie alexandrine et surtout de niciennes, lorsque nous y voyons ele ps. | siècle, une tolérance conciliateur de tous les systèmes : en un mot, une tendance très- prononcée vers l'éclectisme ? ESSAT HISTORIQUE LA VIE ET LA DOCTRINE CHEF D'UNE DES PLUS CÉLÈBRES ÉCOLES PHILOSOPHIQUES D'ALEXANDRIE 3 PAR L.-J. DEHAUT, DOCTEUR EN DROIT ET PROFESSEUR EXTRAORDINAIRE A LA FACULTE DE PHILOSOPHIE ET DES LETTRES DE L'UNIVERSITÉ DE GAND. OUVRAGE COURONNE Par l'Académie Koyale des Sciences et Belles-Lettres, dans sa séance générale du 7 mai 1830 BRUXELLES, M. HAYEZ . IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE 1836. PRÉFACE. En 1828, l’Académie royale des sciences et belles-lettres pro- posa, pour le concours de 1830, la question suivante : « Recueillir, coordonner et expliquer les fragmens de la doc- » trine d’Ammonius-Saccas, philosophe de l’école d'Alexandrie » et chef des Néo-platoniciens, en ayant soin d'indiquer ce qu’il » dut à ses devanciers et de montrer l’influence qu'il exerça sur Ç 2 2 » ses contemporains, ainsi que sur ses SyCCesseurs. ») 1 Cette question, aussi neuve qu’intéressante, était belle et J'aurais bien voulu l’aborder ; mais, quoique j’eusse déjà composé, sur des sujets à peu près analogues, deux mémoires, que j'avais, en 1827 et en 1829, adressés aux concours académiques de l’université de Louvain et qui n'avaient valu, le premier * une mention honorable, le second? la médaille d’or, je reculai 1 Ce mémoire histor. et littér. était relatif à Iphicrate, général et orateur athénien. 2 L'université de Louvain avait, en 1828, mis au concours une question de la plus haute importance; elle demandait que l’on énumérât et que l’on diseutät les argumens dont s'étaient servis les philosophes anciens, modernes et contemporains, pour dé- montrer ou nier l'existence du mot ontologique ou objectif. C’est en réponse à cette question que je fis un mémoire très-volumineux , dans lequel je m'attachai surtout à prouver non-seulement l'existence, mais encore l’immatérialité et l’immortalité de l'âme. Ce mémoire , écrit en latin, ne sera pas imprimé, les Annales de cette univer- sité, dans lesquelles il aurait dû être inséré, n'ayant pas été continuées depuis 1830. Tom. IX. 1 ji PRÉFACE. d’abord devant les difficultés sans nombre qu’elle présentait et l'immense étendue de terrain qu'il fallait parcourir, pour la résoudre convenablement. D’ailleurs, j'avais à peine six mois pour la traiter; car le programme de l’Académie n’était parvenu à ma connaissance que vers la fin de 1829. Cependant plusieurs de mes amis firent tous leurs efforts pour me déterminer à entre- prendre un travail, pour lequel je pouvais, je l'avoue, utiliser les matériaux que j'avais rassemblés pendant plus de trois ans. Je me rendis, non sans crainte, à leurs raisons; mais je réussis au delà de mes espérances : mon mémoire fut couronné. J’allais le livrer à l'impression, lorsque je fus, en 1830, appelé à l’une des chaires de là faculté de philosophie et des lettres de l'université de Louvain. Dès-lors, je fus obligé de me consacrer tout entier à l’enseignement et de différer cette publication. Nommé depuis quelques mois professeur extraordinaire à l’université de Gand, un concours de circonstances heureuses me permet enfin de faire paraître cet ouvrage. On pourra, en y jetant un coup d'œil, se convaincre que j'ai consulté tout ce qui a été écrit en France et en Allemagne sur l’école d’Ammonius-Saccas et surtout que j'ai souvent fait usage de l'Histoire du Gnosticisme de M. Matter et de son Essai histo- rique sur l’école d'Alexandrie. Mais on remarquera en même temps que j'ai toujours eu soin d'indiquer les sources où j'ai puisé mes renseignemens et de citer les auteurs auxquels j'ai fait des emprunts. PRÉFACE. nt Depuis plusieurs années, je m'occupe beaucoup de l'étude des doctrines théosophiques , professées par Ammonius-Saccas et ses nombreux disciples; j'ai même l'intention d'en donner un jour l’histoire complète. Mais en attendant, je me propose de publier incessamment deux nouveaux mémoires, qui sont presque ter- minés et qui serviront en quelque sorte de complément à mon travail sur le Saccophore. Le premier aura pour titre : De la doctrine de Numénius d'Apamée et de l'influence que ce philosophe a exercée sur l’école Ammonio-Plotinienne. Le second sera intitulé : De la doctrine de Plotin dans ses rapports avec celle d' Ammonius-Saccas, son maître. Ce qui n'engage surtout à continuer mes recherches sur cette période de l’histoire de la philosophie, lune des plus curieuses, mais des moins connues et des moins appréciées de l’antiquité , c’est que j'ai eu le bonheur de rencontrer quelques personnes généreuses et dévouées à la science, qui n’ont jamais cessé de m’encourager et de me fournir, sur les différentes écoles d’Alexan- drie, des documens très-rares et d’un prix inestimable. _ Cest ainsi que M. Van Meenen, actuellement Président à la cour de cassation, a eu, pendant plus de dix ans, l’extrême obligeance de me diriger dans mes études philosophiques et de mettre à ma disposition sa magnifique bibliothèque, l’une des plus précieuses et des plus considérables de notre pays. C’est ainsi que M. Sylvain Van de Weyer, aujourd’hui Ambas- LV PRÉFACE. sadeur de Sa Majesté le Roi des Belges, à Londres, a eu la bonté de me communiquer divers ouvrages, qu'il m’avaît été jusqu'alors impossible de me procurer. Enfin, c’est encore ainsi que le savant Matter, Inspecteur- Général de l’université de France et auteur de l'excellente Æistoire du Gnosticisme , dont j'ai déjà parlé, après m'avoir plusieurs fois aidé de ses conseils, a eu, à ma demande, la complaisance d'examiner la nouvelle classification des écoles philosophiques d'Alexandrie, que j'ai établie dans l’introduction à ce mémoire, et s’est empressé avec cette délicatesse de sentiment, cette mo- destie et cette abnégation de soi-même , qui caractérisent le véritable talent, d'y donner son assentiment, quoiqu’elle s’écartàt en quelques points de celle qu’il avait lui-même proposée en 1820. Je me fais un devoir et un plaisir réel d'offrir à ces hommes, aussi distingués par les connaissances qu’ils possèdent que par le rang élevé qu'ils tiennent dans la société, un témoignage public et bien sincère de ma gratitude. Après cela, il ne me reste plus qu’à réclamer l’indulgence de mes lecteurs et à les prier de se rappeler, en parcourant cet ouvrage, que j'étais encore sur les bancs de l’université de Louvain, lorsque je l'ai composé, et qu'il serait par conséquent peu équitable de le juger d’après la place que j'occupe depuis 1830 dans l’enseignement supérieur. Gand, le 25 mars 1836. L.-J. Denaur. INTRODUCTION. Depuis la naissance de la philosophie, c’est-à-dire, depuis Thalès et Pythagore, que l’on peut regarder comme les pères de cette science, les diverses manières de résoudre le problème fon- damental du principe des connaissances humaines, caractérisent les différentes doctrines et réduisent toutes les sectes à deux écoles. En effet, à l’exemple de l'école d'Italie et de Platon ou en suivant les traces de l’école Ionienne et d’Aristote, on peut le résoudre soit par la raison, soit par l'expérience. En vain cher- cherait-on ailleurs une cause plus active et plus puissante de cette divergence d'opinions, qui existe depuis un temps immémorial entre toutes les sectes philosophiques; le rationalisme et l'expé- rience seuls distinguent les philosophes les uns des autres et lon peut dire que le spiritualisme, l’idéalisme, le sensualisme, le scepticisme et l’athéisme même rentrent dans lune ou dans l'autre de ces deux grandes divisions. De ces différentes manières d'envisager la question, il devait résulter une philosophie nécessairement incomplète ; car, un des élémens essentiels et constitutifs de la science était toujours négligé, tel philosophe, qui rejetait l'expérience, accordant tout 2 INTRODUCTION. à la raison, tandis qu’un autre refusait toute autorité au rationa- lisme et se posait partisan exclusif de l'expérience. Aïnsi, toutes les écoles philosophiques anciennes et modernes se rattachent ou à l’Académie, qui conçoit tout à priori, ou au Lycée, qui marche toujours à posteriori; car, depuis Platon et Aristote, on s’est contenté de reproduire leurs doctrines sous de nouvelles formes, mais sans leur faire subir des altérations bien profondes. Et, lorsqu’en étudiant les annales du genre humain, on rencontre durant plus de vingt siècles cette diver- gence d'opinions, qui fait de tous les philosophes deux familles distinctes et qui semble entretenir parmi eux des haines irrécon- ciliables, ne serait-on pas tenté de croire qu’on chercherait vainement à ramener à l'unité, les divers systèmes qu'ils ont défendus et à réduire à une seule et même école les nombreuses sectes philosophiques, qui se partagent le domaine de la pensée ? En vérité, on se persuaderait sans peine que cette pacification intellectuelle n’est qu’une chimère, quand on voit que deux mille ans n’ont point suffi à l’opérer ; toutefois gardons-nous bien de céder trop facilement à l’idée qu’on ne fera jamais que d’inutiles efforts pour introduire cette réforme; qui sait si ce rêve ingénieux d’une brillante imagination ne deviendra pas un jour une réalité ? Cette réforme est peut-être possible ; mais voyons à quelles con- ditions. On reconnaïtra d’abord que toutes les époques ne sont pas également favorables et n’offrent point les mêmes chances de succès ; car, tous les siècles ne sont point des siècles de tolérance philosophique et religieuse, et la tolérance est la condition essen- tielle d’une réforme de cette nature. INTRODUCTION. 3 Ensuite, ceux qui veulent travailler à amener cette révolution philosophique, loin d’être partisans exclusifs d’aucune théorie, doivent au contraire les admettre toutes, n’en rejeter aucune et se rappeler sans cesse qu’un système, pour être incomplet, n’est pas absolument faux ; ils doivent, adoptant un éclectisme raisonné, qui ne soit point un mélange absurde d’idées incompatibles, réunir les différentes doctrines, les comparer, les soumettre, pour ainsi dire, au creuset de l'intelligence, afin d’en retirer ce qu’elles contiennent de vrai et d’en faire un tout systématique et complet. Telle est la marche qu’il convient peut-être de suivre, si lon veut avoir enfin une philosophie qui soit la même pour tous les peuples et pour toutes les écoles; car, il n’est aucune ques- tion importante qui n’ait depuis long-temps été débattue, aucune vérité essentielle qui n’ait été mise au grand jour; elle sont épar- ses dans les divers systèmes et il ne s’agit que de les rassembler. Notre époque semble destinée à voir s’opérer cette réforme ; car, la tolérance, si nécessaire pour attemdre ce but, est le caractère distinctif du XIXe siècle. Étudiez l’histoire contempo- raine et vous acquerrez la preuve que la liberté des opinions religieuses et politiques est écrite dans la loi fondamentale des nations les plus civilisées du globe. Déjà, des hommes d’un génie supérieur , des penseurs profonds, qui, à des connaissances immenses, joignent un jugement sûr et solide, travaillent à faire, dans la philosophie, une révolution que tous les esprits sont disposés à accueillir et à favoriser. Qui ne se rappelle les travaux de M. Royer-Collard et les efforts qu'il fit 1l y a plusieurs années, pour ménager un traité de paix et de réconciliation entre les différentes sectes philosophiques? Qui ne 4 INTRODUCTION. se rappelle les nombreuses publications de M. Victor Cousin ? Qui ne se rappelle surtout ces brillantes leçons, dans lesquelles, à l'exemple de son maitre, il se proclame le partisan de l’éclec- tisme et s'attache à démontrer qu’un système exclusif, par cela seul qu’il est incomplet, n’est plus admissible à l’époque actuelle et qu'on n’est point philosophe, quand on n’est qu'idéaliste, spiritualiste ou matérialiste ? Qui n’a lu les ouvrages remarquables de MM. Jeouffroy et Damiron, qui, en donnant de attrait à l'étude de la philosophie, ont répandu un charme inconnu sur une science dont l’aridité, pour les gens du monde, est devenue proverbiale et qui ont, dans leurs écrits et leur enseignement, élevé leur voix éloquente en faveur de léclectisme ? Au reste, l’idée de rassembler ainsi et de coordonner en un seul tout les différentes doctrines philosophiques, n’appartient pas uniquement à notre siècle. Déjà, à des époques antérieures, on a voulu tenter cette réforme et, pour ne parler que des modernes, Leibnitz n’a-t-il pas essayé de combiner Locke et Descartes, Aristote et Platon? Cependant, il faut l’avouer , Leibnitz, malgré toute son impartialité, n’a jamais pu se défendre de préférer VAcadémie au Lycée. Mais il existe dans l’histoire de la philosophie une époque, qui, par son caractère distinctif, par son génie conciliateur et par une tolérance philosophique, à laquelle on peut seulement reprocher d’avoir été poussée trop loin, ressemble beaucoup au XIX: siècle. Alors aussi on proscrivit toute doctrine exclusive; alors aussi on s’efforça de réunir Platon et Aristote ou plutôt l’Orient et l’'Occi- dent, le mysticisme et l’'empirisme rationnel. Toutefois, hatons- nous de le dire, cet essai fut malheureux; car, au lieu de donner INTRODUCTION. # naissance à un éclectisme sage et raisonné, il n’a le plus souvent produit qu’un syncrétisme , toujours contredit par l'expérience, quelquefois même absurde et grossier. Nous verrons dans le cours de cet ouvrage, pourquoi la réforme philosophique , inutilement entreprise à cette époque, a dü nécessairement aboutir au syncré- tisme. On comprend facilement que nous voulons ici parler des nombreuses écoles qui ont régné à Alexandrie pendant les pre- miers siècles de l'ère chrétienne. Qui ignore en effet que c’est dans cette ville et au milieu de cette période, qu'on tenta le mélange le plus complet, mais en même temps le plus bizarre, de tous les systèmes philosophiques et religieux ? Long-temps on a négligé et presque dédaigné la philosophie de ces écoles; il était réservé au XIXe siècle d'attirer l'attention sur les doctrines si variées qu’on y développa, sinon avec lucidité, du moins avec éclat. Toutefois il ne faut pas s'étonner de les avoir vues durant tant de siècles plongées dans un oubli absolu ; il ne pouvait en être autrement; car il est impossible de les comprendre parfaitement, sans avoir d’abord étudié et approfondi la philoso- phie orientale. Or, loin de connaitre cette philosophie, on agitait encore naguère la question de savoir s’il-existe réellement des doctrines orientales; ce n’est que depuis quelque temps que les recherches des voyageurs modernes, qui ont visité l'Orient, ont dissipé tous les doutes à cet égard; en nous offrant les Védas, le Lend-Avesta, le code des Nazaréens; le Désatir et quelques écrits analogues, découverts depuis cinquante ans, ces savans courageux ont répandu un jour tout nouveau sur les opinions originaires de l'Orient et qui ont exercé une influence plus ou moins immé- Tom. IX. 2 6 INTRODUCTION. diate sur la formation du syncrétisme d'Alexandrie ; aussi ce n’est que depuis la publication de leurs travaux qu’on a sérieuse- ment commencé à s'occuper de l’histoire des doctrines professées avec tant d'enthousiasme dans les nombreuses écoles de cette ville. Mais ce qui contribua puissamment à arracher la philosophie d'Alexandrie à ce long et injuste oubli, ce fut surtout l’esprit de notre siècle; car, le génie tolérant et conciliateur de notre époque nous rapproche singulièrement de cette période, où l'on essaya ce que l’on fait aujourd’hui, où l’on tàcha de faire de tous les systèmes philosophiques un tout complet et harmo- nieux. Les doctrines des gnostiques ont surtout fixé l'attention des savans; on avait, antérieurement au XIXe siècle, beaucoup écrit sur leurs systèmes; mais tous ces ouvrages étaient remplis d’er- reurs et d’hypothèses; comment en effet eût-il été possible ‘de rétablir ces doctrines dans leur pureté primitive , lorsque, man- quant de toute espèce de monumens authentiques, qui pussent les faire connaître, on était encore réduit à les juger d’après les fragmens qui nous en ont été conservés par leurs adversaires, les péres de l’église? Ces fragmens, qui ne contiennent d’ailleurs qu'une très-faible partie de leurs opinions, sont la plupart du temps mutilés et corrompus. On a senti le mal, on a cherché à y porter remède et déjà nous possédons sur ces écoles plusieurs traités, dont les auteurs ont basé leurs jugemens sur des monumens anciens et non sur certains faits isolés rapportés par les pères de l’église. Nous ne citerons ici que l'Histoire critique du Gnosticisme de INTRODUCTION. 7 M. Matter '; cet excellent ouvrage, couronné par l’Académie des inscriptions et belles-lettres, offre le plus grand intérêt à ceux qui veulent étudier la philosophie d'Alexandrie. L'auteur nous y dé- montre l'influence des doctrines orientales sur celles des gnosti- ques et nous fait voir les rapports qui ont existé entre les partisans de la gnose et les autres écoles philosophiques ou religieuses. L'ouvrage de M. Matter est d'autant plus important pour le travail que nous avons entrepris sur l’école ammonio-plotinienne, que les gnostiques et les néo-platoniciens semblent avoir fondé leurs systèmes sur des principes à peu près semblables et puisé aux mêmes sources une grande partie de leurs doctrines. Mais si, durant les quarante dernières années, les gnostiques ont été l’objet de nombreuses et profondes recherches, on n’a pas non plus oublié les néo-platoniciens. En 1814, l'Académie des inscriptions et belles-lettres proposa un prix à décerner à l’auteur de la meilleure histoire de l’école d'Alexandrie ; il fut encore adjugé à M. Matter, dont l'ouvrage nous sera d’un grand secours * ; car, il a dù, suivant le pro- gramme de l’Académie, mdiquer la véritable origine de la philoso- phie néo-platonicienne et exposer les causes réelles qui l'ont préparée. 1 Histoire critique du Gnosticisme et de son influence sur les sectes religieuses et philosophiques des six premiers siècles de l’ère chrétienne , par Jacques Matter ; professeur à l'Académie royale de Strasbourg; 3 volumes in-8e, dont un de planches. Paris et Strasbourg , 1828 , chez Levrault. 2° Essai historique sur l’école d'Alexandrie et coup d'œil comparatif sur la littérature grecque, depuis le temps d'Alexandre-le-Grand jusqu'à celui d'Alexandre Sévère, par Jacques Matter. Paris 1820 , chez Levrault; 2 vol. in-8, 8 INTRODUCTION. Le savant Creuzer , dont le nom et les travaux sont connus de l'Europe entière, s'occupe aussi de la philosophie ammonio- plotinienne ; après avoir, dans ses Sfudien ‘, waduit en allemand etexpliqué quelques extraits de Plotin, il a, en 1814, publié le Traité du beau de ce philosophe, en y ajoutant-une introduction à l'étude des doctrines du disciple d’Ammonius-Saccas; cette publication doit servir de specimen à une édition complète des Ennéades de Plotin, qui paraitra incessamment et à laquelle ce professeur distingué a consacré un grand nombre d'années. ‘Le même savant, en nous faisant connaitre quelques traités de Proclus*, a encore fourni de précieux matériaux à l'historien de l’école ammonio-plotinienne ; car, Proclus, qui enseigna à Athènes, s’est presque toujours contenté de développer la doctrine du Saccophore, sans y introduire des modifications essentielles et sans luiimprimer une nouvelle direction. En 1818, le fils du célèbre Ficht a publié à Berlin une excel- lente dissertation sur l’origine de la philosophie néo-platoni- cienne * En 1824 et en 1825, il a paru en Allemagne, sur l’école chrétienne d'Alexandrie, un ouvrage plein d’érudition et: de recherches importantes ; il est intitulé : De schola quae Alezan- 1 Studien herausgegeben von Carl. Daub und Friedrich . Creuser. Frankfurt und Heidelberg. 1805 , pp. 23-103. 2 Initia philosophiae ac théologiae ex Platonicis fontibus ducta, sive Procli Diadochi in Platonis Alcibiadem commentarii. Edidit Frid. Creuzer.Francof.ad Moenum, 1820. Procli successoris Platonici institutio thelogica. (Greg et latine.ed. Frid, Creuxer. Francofurti ad Moenum, 1822. 3 De philosophiae novae platonicae origine. Berolinr 1818 , in-8°. INTRODUCTION. 9 driae floruit catechetica commentatio historica et theologica , auctore Henr. Ernest. Ferd. Guerike. Halis Saxonum , pars prior, 1824; pars posterior , 1825. En 1829 ,M. Steinhart a publié, sur différens points de la doctrine de Plotin , une dissertation fort remarquable, qu’il donne comme specimen d’une histoire de la philosophie d'Alexandrie, dont il se propose d’enrichir le monde savant . 3 “L'esprit du XIX: siècle et les besoins intellectuels de notre époque sont tellement prononcés, que M. De Gérando, en pu- bliant la seconde édition de son Æistoire de la Philosophie , a cru devoir refaire entièrement tous les chapitres relatifs aux écoles d'Alexandrie et surtout à celle des néo-platoniciens; il déclare même dans une note, qu'il n’a fait en cela que suivre l'impulsion qui lui était donnée par le génie conciliateur de notre siècle et sa tendance vers l’éclectisme *. Frappée de cette vérité et convameue qu'il appartient à une époque de tolérance philosophique et religieuse, d'élever à la philosophie des écoles d'Alexandrie un monument dont les siècles passés la jugeaient indigne et qu'ils lui ont constamment refusé, VAcadémie royale des sciences et belles-lettres, qui comprend si bien sa mission et qui la remplit avec tant de zèle, proposa une question relative à Ammonius-Saccas et invita les néophytes de la 1 Quaestionum de dialectica Plotini ratione fasciculus primus, quo specimine his- toriae philosophiae Alexandrinae a se conscribendae memoriam anniversariam inau- guratae scholae provincialis Portensis pie celebrandam indicit D: Carolus Henricus Augustus Steinhart. Numburgi, 1829, in-4o. 2 Histoire comparée des systèmes de philosophie, par M. De Gérando. Deuxième édition. Paris , 1823. Tome III, p. 149. 10 INTRODUCTION. science à travailler avec elle à la réhabilitation de doctrines, qui seront moins dédaignées dès qu’elles seront mieux connues. Nous nous sommes beaucoup occupé de cette belle question et nous avons eu le bonheur de la résoudre au gré de ce corps savant. et de mériter son approbation. Aujourd’hui nous venons offrir le résultat de nos recherches, heureux d’avoir secondé les efforts d’une institution scientifique et littéraire, qui marche toujours à la tête du mouvement intellectuel et qui le dirige sans cesse dans les voies du progrès ! Un grand nombre de savans ont, pendant le XVILT: siècle.et à des époques antérieures, publié des ouvrages spécialement des- tinés à expliquer la doctrine des philosophes néo-platoniciens d'Alexandrie; mais en voyant tous ces écrits remplis de préjugés et d'erreurs, l'historien reste étonné et se demande comment des écrivains, tels que Mosheim *, Keil *, Rossler * et tant d’autres, qui, à un esprit profond, joignaient d’ailleurs d’im- menses connaissances, ont pu si mal juger la philosophie des premiers siècles de l’ère chrétienne. La solution de cette question n’est pas sans intérét; car, loin de jeter un nouveau jour sur les 1 Mosheim, disputatio de turbata per Platonicos ecclesia. On peut voir cette disser- tation dans la traduction latine de Cudworth. 2 Keil, disputatio de causis alient platonicorum recentiorum a religione christiana animi. Lipsiae , 1785 , in-4o. 3 Rossler, disputatio de commentitiis philosophiae Ammonianae fraudibus et noxis. Tubing. 1786 , in-4. ® INTRODUCTION. 11 doctrines qu’ils avaient entrepris de développer, ils ont produit des résultats tout-à-fait contraires et leurs ouvrages n’ont servi en dernière analyse qu’à étendre sur elles un voile presque impé- nétrable, un voile d'autant plus difficile à soulever, que le nom de ces savans, entouré de respect, a toujours joui d’une autorité incontestée. C’est dans le dessein de remonter à lorigine de ces erreurs et de les signaler à ceux qui, après nous, voudront écrire sur la philosophie alexandrine, que nous avons fait précéder ces recher- ches d’une introduction que l’on trouverait peut-être trop longue, si elle se rattachait moins intimement à notre sujet, À notre avis, il existe, dans tous les ouvrages dont nous venons de parler, trois sources d’erreurs : 1° Le défaut de monumens ; 2° Les préventions ordinaires et propres aux théologiens, Et 3° enfin l’absence d’une bonne classification des écoles d'Alexandrie. En ce qui concerne le premier genre d'erreurs, il n’a besoin ni de démonstration, ni même d’éclaircissemens ; car, il suffit de faire remarquer que nous sommes, sous ce rapport, infiniment plus heureux que nos devanciers et que nous possédons des richesses qui leur étaient inconnues. Quant au second, nous laissons à des juges plus compétens que nous le soin de se livrer à l’examen de questions purement théologiques. Nous nous renfermerons donc exclusivement dans le troisième, qui nous paraît d’ailleurs beaucoup plus important que les deux premiers; car, on a, de tout temps, confondu les nombreuses 12 INTRODUCTION. écoles philosophiques d'Alexandrie et les différens systèmes qu’on y à professés; on a attribué à telle secte des dogmes qui lui étaient entièrement étrangers; on a mis dans la bouche de tel docteur ‘ des opinions qui ne se rencontraient point dans sa doctrine. Or, n'est-il pas’ évident qu’on doit, avant d’entreprendre l'étude de l’histoire de la philosophie alexandrine, faire cesser cette confu- sion, qui est incontestablement la principale source des erreurs dont il est question ? ‘ Nous avons donc essayé, dans cette introduction , d'établir une nouvelle classification des écoles d'Alexandrie; en la proposant, nous n'avons été guidé ni par le désir d'innover, mi par la préten- tion de détruire les idées reçues et admises avant nous; c’est la nécessité seule de distinguer enfin des doctrines incompatibles et souvent même hostiles, qui nous l’a fait adopter. | Remarquons d’abord qu’en faisant mention de la philosophie alexandrine, on la désigne vulgairement sous le titre général d'école d'Alexandrie ; mais cette dénomination est vicieuse; le savant Matter est, si nous ne nous trompons, le premier qui lait démontré. Nous allons le laisser parler lui-même : «L’expression » d'école d'Alexandrie a seule pu donner lieu à beaucoup d’opi- » nions inexactes; elle est très-impropre, puisqu'elle s'applique » également à l’école des juifs, à celle des chrétiens et à celle des » grecs d'Alexandrie. Ce n’est donc plus de l’école, c’est des » nombreuses écoles de cette ville, qu’il doit étre question. » Celles que nous venons de nommer se subdivisent même en 1 Nous nous servons du mot docteur, parce qu’en effet les professeurs de philoso- phie d'Alexandrie méritent plutôt ce nom que celui de philosophes. INTRODUCTION. 13 » un grand nombre d’autres. Démétrius de Phalère, Zénodote, » ÂAristarque, etc. , ont fondé à Alexandrie des écoles de gram- » maire, de critique, de récension ; Hérophile , Erasistrate, etc., » des écoles d'anatomie, de médecine ; Timarque, Aristille, » Hipparque , Ptolémée, des écoles d'astronomie; Euclide, » Apollonius de Perse, Diophante, des écoles de géométrie et » d’arithmétique ; Eratosthène et Strabon, des écoles de géogra- » phie; Ænésidème , Sexte l’'Empirique, Potamon et Ammonius- » Saccas, des écoles de philosophie; les interprètes sacrés , » Aristobule et Philon, des écoles judaïques; les apôtres du » christianisme, St.-Pantène , St.-Clément d'Alexandrie, des » écoles chrétiennes. » Outre cela, chacune des sectes philosophiques de l'an- » cienne Grèce formait une école ou une famille particulière à » Alexandrie. » En négligeant ces distinctions importantes, on n’a pu que se » tromper et tromper ses lecteurs 19 Nous ajouterons que non-seulement la dénomination générale d'école d'Alexandrie est inexacte et vicieuse, mais qu'il ne peut pas même étre question d'écoles philosophiques d'Alexandrie, pendant les trois premiers siècles de l’existence du Musée des Lagides, c’est-à-dire, pendant tout le temps qui s’est écoulé depuis la mort d’Alexandre-le-Grand jusqu'au commencement 1 Matter, Essai historique sur l’école d’ Alexandrie. Tome I, p. VII de la préface. M. De Gérando a reconnu, avec M. Matter, tonte l’inexactitude de l’expression école d'Alexandrie et l'atilité d’une bonne division des diverses sectes philosophiques, qui ont existé dans la ville des Lagides. Voyez son Æistoire comparée des systèmes de philo- sophie. Deuxième édition. Paris , 1823. Tome HI, p. 152 et suiv. Tom. IX. 5 14 INTRODUCTION. de l'ère chrétienne; car , pour qu'il fût permis de se servir de l'expression d'écoles philosophiques d'Alexandrie , il faudrait que les annales de cette ville nous offrissent, durant ces trois cents ans, une philosophie réellement alevandrine , comme on ren- contre antérieurement à cette époque, en Asie des doctrines orientales, en Europe des systèmes grecs. Or, retrouve-t-on dans l’histoire de cette période des doctrines qui appartiennent exclusivement à Alexandrie, des doctrines qui soient sa propriété? Nous ne le pensons pas; car, les savans , qui se rendirent de toutes parts dans la ville des Ptolémées , se bornèrent d’abord à ensei- gner, sur ce nouveau théâtre, la philosophie grecque où à la reproduire , sans modifications essentielles, sous d’autres formes; ce n’est que sous le règne d’Auguste qu’elle subit de profondes altérations et qu’elle fit place à des doctrines inconnues jus- qu’alors. L'histoire de la philosophie des écoles d'Alexandrie se divise donc naturellement en deux grandes périodes. La première, qui remonte à la mort d’Alexandre-le-Grand et qui s'étend jusqu’à la naissance de Jésus-Christ (de lan 323 avant Jésus-Christ à l’an 1 de l’ère chrétienne), ne comprendra point, à proprement parler, l’histoire de la phelosophie d'Alexandrie ; car, pendant ces trois siècles, il ne peut être question que de celle des opinions étrangères qui furent professées au Musée des Lagides. La seconde, qui commence à la naissance de Jésus-Christ, s'arrêtera à la mort d’Ammonius-Saccas (de l'an 1 à l'an 244 après Jésus-Christ); car, le sujet que nous traitons nous oblige à nous renfermer dans ces limites. Durant cette période, on précha à INTRODUCTION. 15 Alexandrie de nouvelles doctrines et on y développa des systèmes qui portaient le cachet de l’originalité; c’est en effet à cette époque que l’éclectisme, le syncrétisme et le mysticisme réuni- rent, dans cette ville, d’habiles défenseurs et de nombreux prosélytes. 16 INTRODUCTION. PREMIÈRE PÉRIODE. DEPUIS LA MORT D’ALEXANDRE-LE-GRAND JUSQU'A LA NAISSANCE DE JÉSUS- CHRIST (DE L’AN 525 AVANT J.-C. JUSQU’A L’AN 1 DE NOTRE ÈRE). À peine la ville d'Alexandrie était-elle fondée, que toutes les écoles, qui avaient pris naissance en Grèce, y furent représentées par une foule de philosophes, que la généreuse munificence des Lagides et la protection qu’ils ne cessèrent jamais d'accorder aux lettres, avaient attirés dans la capitale de l'Égypte. Le péripatéticisme *, qui semble avoir d’abord dominé au Musée, fut introduit à Alexandrie par Démétrius de Phalère *, ami de Ptolémée Soter, et professé ensuite par plusieurs philoso- phes, tels que Straton de Lampsaque, successeur de Théophraste et instituteur de Ptolémée Philadelphe *; Erasistrate et son fils 1 Voyez Matter , Essai historique sur l’école d’ Alexandrie. Tomel, p. 113 et suiv. ; tome Il, p. 120 et suiv. 2 Woyez Diogène de Laërte in Demetrio, liv. V, chap. 5. 3 Woyez Diogène de Laërte, liv. V, chap. 3. — Cicéron , Æcadem. quaest. 1V , 38, cf. 1,9. — De finibus V, 5. — De natur. Deor. 1, 13. — Sextus Emp. Hypot. Pyrrh. IL ,32, 136 et suiv. — Adversus Math., VIT, 350 ; X, 155, 177,228. — Simplicius in phys., p. 168 et 225. — ZLactantius, de ira Dei, 10. — Plutarchus, adv. Colot. p.163. — De solert. anim. , p. 141. — Stob. ecl., p. 298-348. — Tennemann, Manuel de l’histoire de la philosophie, trad. de l'allemand par V. Cousin. Tom. 1, p. 178 et suiv. INTRODUCTION. 17 Aristote ‘ ; Callimaque et ses deux esclaves Dromon et Diophante; Agatharchide * et Aristobule le Juif ‘. Toutefois nous verrons dans la suite de ces recherches, que ce dernier philosophe n’adopta point le péripatéticisme pur, tel qu’on le trouve dans les écrits d’Aristote, mais qu’il sut enrichir, l’une par l’autre, la doctrine judaïque et celle du Lycée. Cest ainsi qu’on peut, jusqu’à un certain point, le regarder comme l’auteur du syncré- tisme alexandrin. On cite encore parmi les péripatéticiens de cette époque Tyrannion le jeune, disciple de Tyrannion l’ainé et l’un des maîtres du célèbre géographe Strabon *. Le platonisme” parait avoir eu son premier panégyriste au Musée dans la personne d’Eratosthène ”, qui publia un ouvrage sous le titre de Platonicus. La doctrine de l’Académie fut ensuite enseignée , durant cette période, par Héraclite de Tyr°, Ariste, Ariston * et Dion d'Alexandrie”. On doit encore ranger parmi (Édition de Louvain). — Cf. Fabricius, Bibliotheca graeca , in catalogo peripateticorum . 1 Voyez Galenus, de dogmat. Platon. et Hippocr. V , p. 311.— Plinius, Zist. nat. XIX ,6.— J. F. Hieronymus, Ærasistrati et Erasistratorum historia. Jenae , 1790. ? Woyez Athenaeus, deipnosoph. Liv. VI, chap. 20. — Cf. V, p. 213. 3 Voyez Strabon, Geogr. Liv. XIV. — Fabricius, Bibliotheca graeca , IL, 32. 4 Woyez Nalckenaar, Diatribe de Aristobulo Judaeo, philosopho Peripatetico. 1806 , in-4°. ,: 5 Voyez Suidas, s. v. Tyrannion. — Cicéron, ad Atticum II. — Ad Quintum fratrem, W, 4. 5 Voyez Matter, Essai historique sur l’école d’ Alexandrie. TomelIl, p. 121 et suiv. 7 Voyez Suidas, s. v. Eratosthène. — Strabon, Geograph. XXN , Chios. 8 Woyez Cicéron, Acad. quaest. I, 4. % Woyez Diogène de Laërte, VII, 164. 10 Woyez Cicéron, 1. 1. 18 INTRODUCTION. les platoniciens Antiochus *, qui fit connaître aux savans réu- nis dans la ville des Lagides un nouvel éclectisme , composé de principes qu'il avait empruntés en partie à Platon, en partie à Aristote et à Zénon. L'histoire ne fait mention que des philosophes dont nous venons de parler; mais il n’est pas douteux que les belles théories de Platon n’aient eu à Alexandrie beaucoup plus de partisans ; il est probable que le nom de plusieurs docteurs, qui avaient professé et développé ce système dans la capitale de l'Égypte, a péri avec les monumens, qui, dans le vaste incendie du Bruchium , sont devenus la proie des flammes. Au reste, on doit encore mettre au nombre des philosophes platoniciens Philostrate lainé, qui enseigna la doctrine de l'Académie à la reine Cléopâtre, mais qui n’a jamais fait dans cette étude de très-grands progrès *. Il ne faut pas confondre Philostrate Painé avec Philostrate le jeune, l’auteur de l’ou- vrage intitulé : Vifae sophistarum ; ces deux savans ne furent pas contemporains, ainsi qu'on l’a cru assez souvent, mais à tort. On peut fermer ce tableau des platoniciens , en faisant mention de Clitomaque, instituteur d'Héraclite de Tyr. Le stoicisme * eut des représentans à Alexandrie, dès l’ori- gine de cette ville. Diodore Cronos ‘, après avoir été le maitre ! Voyez Cicéron, 1. 1. — Tennemann , 0. 1. Tome I, p. 206 et suiv. ? Woyez Plutarch., Vita Antonii. > Voyez Matter , Essai historique sur l’école d'Alexandrie. Tome IT, p. 122 et suiv. * Voyez Diogène de Laërte, IL, 111. — Cf. Menagius ad Diogen. Laert. vol. W, p. 126. ‘ INTRODUCTION. 19 de Zénon, chef des stoiciens, adopta plus tard les opinions de son disciple et les fit connaitre à Ptolémée Soter. Cette doctrine fut encore professée au Musée des Lagides par Posidonius ! Sphérus *, Sotion * et Satyrus ‘. Remarquons cependant que ces trois derniers philosophes s’occupèrent beaucoup plus de l’his- toire de la philosophie que de l’enseignement du stoïcisme. L’épicuréisme * fut professé dans la capitale de l'Égypte par un de ses partisans les plus dévoués. Ce même Colotès, qui s’é- tait jeté aux pieds d'Épicure, après avoir entendu un de ses discours sur la nature des choses, exposa son système à Ptolé- mée Soter, dans un ouvrage où il prouvait que ce n’était pas même vivre que de se conformer aux doctrines d’un autre phi- losophe qu'Épicure ‘. Toutefois si les épicuriens pratiques furent nombreux en Égypte, on y rencontra rarement des épicuriens systématiques ; ô on ne connait même, après Colotès, que deux philosophes, qui aient professé cette doctrine à Asradrie: Ils portaient l’un et l’autre le nom de Ptolémée et s’occupèrent aussi peu des progrès de la philosophie que les épicuriens de la Grèce. Les cyrénaïciens et les théodoréens eurent également fort ! IL faut distinguer ce Posidonius de l'historien d’Apamée et du philosophe de Rhodes du mêmenom. — Voyez Matter, 0.1. Tomel, p. 70.— Vossius , Æist. Graec.. p. 103, et Backius, Disputatio de Posidonio. Lugdun. Batav. 1810. ? Voyez Diogène de Laërte , liv. VIL, p. 177 et suiv. * Woyez Athenaeus, Deipnos., liv. XII. ! Woyez Diogène de Laërte, in Anaragora et Emipedocle. — Athenaeus, Deipnos, liv. VI, ch. 13. Woyez Matter, 0. 1. TomelIl, p. 123 et suiv. ® Voyez Plutarchus contra Colotem. 20 INTRODUCTION. peu de représentans à Alexandrie '. Cependant Théodore lui- même * développa sa doctrine à la cour des Lagides, où il était allé chercher un asile, pour échapper aux poursuites que les Athéniens dirigeaient contre sa personne et son système. Théodore eut pour disciple Evhémère *; mais on ignore si ce dernier phi- losophe a vécu à Alexandrie. Si la doctrine de lathée Théodore n’eut en Égypte qu'un très-petit nombre de partisans, il n’en fut pas de même de celle d’'Hégésias *, surnommé le riSavaros (qui persuade de se donner la mort). Ce philosophe, si toutefois il mérite ce nom, enseignait que le bonheur est une chimère; que le corps et l’âme ont tant de maux à souffrir et que la fortune trompe si cruellement nos espérances, que la mort est préférable à de si tristes jours. Cet éloquent orateur de la mort entraînait tant d’auditeurs à s’ôter la vie, que Ptolémée fut obligé de proscrire sa faneste doctrine. Anniceris, de Cyrène, qui paraît avoir été, comme 1 Voyez Matter, 0. 1. Tome I, p. 66 et suiv. — Tome Il, p. 124 et suiv. — Tennemann, o. 1. Tome I, p. 141. 2 Voyez Diogène de Laërte , II, 11, 98 et 99. — Plutarchus, Isis et Osiris. — Sextus Empiricus , ado. Math. VIX, 191 et suiv. — Plutarchus adversus Colotem XIV, p. 177. — Eusebius, praepar. evangel. XIV , 18. 3 Voyez Diodore de Sicile. Tome Il, p. 633, (Édition de Wesseling). — Voyez aussi Sevin, Recherches sur la vie et les ouvrages d’Evhémère. — Fourmont, Disserta- tion sur l'ouvrage d’Evhémère , intitulé : Iepx dyaypaw , ete. — Foucher, Mémoire sur le système d'Evhémère, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions. Tomes VII, XV et XXIV. 4 Woyez Matter, o. 1. Tome I, p. 68 et suiv. — Tome II, p. 125. — Tennemann, o. 1. Tomel, p. 142. 5 Voyez J. J. Ramback , progr. de Hegesia rasisayére. Quedlimb, 1771, in-4o. — Le même dans sa Sylloge diss, ad rem litterariam pertinentium. Hamb., 1790, in-6°. INTRODUCTION. 21 Hégésiäs, disciple de Paraebates et avoir aussi enseigné à Alexandrie, chercha, sans rien changer aux principes sur lesquels il reposait, à écarter de ce système ses révoltantes conséquences et à le mettre en harmonie avec les sentimens de l’amitié et du patriotisme, au moyen des jouissances plus délicates de l'esprit de bienveillance; par-là l’école cyrénaïque se rapprocha de celle d'Épicure !. Le cynisme * ne fut enseigné aux Alexandrins que dans son avilissement. Ce fut Sotades *, le plus misérable des flaiteurs, qui leur exposa la doctrine de Diogène, le plus fier des hommes. Après Sotades, on ne trouve plus que deux philosophes, qui aient professé le cynisme au Musée des Lagides: ce sont Démétrius et Timarque, disciples de Théombrote et de Cléomène, deux per- sonnages aussi obscurs que leur maître, le ridicule Métroclès *. Cependant on range encore quelquefois parmi les cyniques le poète Philicus, septième membre de la pléïade et disciple de Diogène lui-méme *. Le fondateur de l’école érétriarique *, Ménédème, s’est aussi trouvé à Alexandrie, où l’on a connu ses mœurs et sa doc- trine. Il y développa, sur la Providence, des idées qui surent N° 4. — Diogène de Laërte , liv. IL. Segm. 94. — Cicéron, T'usculan. quaest. 1, 34, — Valerius Maximus, VIIL,9, 3. 1 Voyez Diogène de Laërte, Il, 96 et 97. — Tennemann, 0, 1. Tome I, p. 142. 2 Voyez Matter, 0.1. Tome II, p. 126. 3 Voyez Athenaeus, Deipnos. XV , p. 620. 4 Voyez Diogène de Laërte, VI, 94 et 95. 5 Voyez Diogène de Laërte, VI, 84. — Mémoires de l’Académie des Inscriptions , vol. XXXI , p. 99. 5 Voyez Matter , 0. 1. Tome 1, p. 70 et suiv. — Tennemann, 0. 1. Tomel, p, 148. Tom. IX. 4 22 INTRODUCTION. fixer l’attention de ses nombreux auditeurs; mais, sous d’autres rapports, il doit être regardé comme un des premiers éclectiques ; car, quoique sorti de l’école de Mégare, il adoptait cependant plusieurs dogmes de Platon et professait une telle variété de prin- cipes, qu'il est difficile d’avoir sur son système une opinion bien déterminée *. La secte éristique de Mégare * neut, à la cour des Ptolé- mées, qu’un seul partisan, dont le nom nous ait été conservé par l'histoire; ce fut ce Diodore Cronos, qui était en même temps attaché au stoïcisme. Toutefois Stilpon, de Mégare, a également visité l'Égypte; mais son séjour y a été de très-courte durée *. Quant au scepticisme *, on croirait au premier aspect qu'il a dû être exclu d’une école, à laquelle on reproche d’avoir préché le dogmatisme le plus crédule et le plus aveugle; cependant, quoiqu'il fût réellement incompatible avec les autres doctrines professées par les savans du Musée, il ÿ rencontra de nombreux défenseurs. Timon, le Phliasien, qui eut pour maître Pyrrhon lui-méme*, passa quelque temps à la cour des Ptolémées et, s’il cessa d'enseigner, dès qu'il se fut enrichi, il n’en est pas moins vrai qu'il laissa dans la capitale de l'Égypte les germes 1 Poyez Josephi Judaei archacolog. XII , 2, 12. — Diogène de Laërte, If, 135 et ru h — Simplicius in phys. Aristot, p. 20. 2 Voyez Matter , 0. 1. Tome Il, p. 126. 3 Voyez Diogène de Laërte, IL, 113 et suiv. — Plutarchus ado. Colot., XIV, p.174. — Plat. Soph. Tome IF, p. 210, 269 et 281. — Simplicius in é hot. p. 26. — Tennemann, o. 1. Tome I, p. 147. 4 Voyez Matter, o. I. tome I, p. 101 et suiv. — Tome IT, p. 126 et suiv. 5 Voyez Diogène de Laërte, in Anaxagora. —Eunapius, vitae philosoph. et sophist. initio, — Athenaeus, Deipnos. I, 22. (Édition de Casaubon). INTRODUCTION. 23 d’un pyrrhonisme indestructible. Euphranor de Séleucie * y fit connaitre les idées, qu’il avait recueillies aux leçons de Timon et son plus célèbre disciple, Eubulus, était alexandrin. Ptolémée , l’un des partisans d’Eubulus, était de Cyrène, province du royaume des Lagides. Ce Ptolémée, qui développa le pyrrhonisme avec un nouveau succès, parait avoir eu en Égypte beaucoup d’auditeurs. Ænésidème*, qui rendit au scepticisme le rang qu’il doit occuper en philosophie, était sorti de l’école d’'Héraclide, lun des secta- teurs de Ptolémée. Il exposa son système au Musée et y eut pour successeur Sextus l’'Empirique, dont il sera fait mention, lorsque nous classerons les philosophes, qui ont vécu à Alexandrie durant la seconde période de son histoire *. Le coup d’œil rapide que nous venons de jeter sur les diffé- rentes sectes philosophiques, qui ont enseigné dans cette ville, durant les trois derniers siècles avant Jésus-Christ, démontre à l'évidence, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, que, pendant toute cette première période, il ne s’agit, sauf quelques rares exceptions dont nous allons parler, que de l’histoire des doc- trines étrangères, qui y ont été professées et qu’au lieu d’une seule école, il faut distinguer les dix écoles suivantes : 1 Voyez Diogène de Laërte, IX, 115. 2 Ce philosophe enseignait probablement un peu plus tard que Cicéron. — Voyez Tennemann , 0. 1. Tome I, p. 229. 3 Quand on rapporte que Sextus l'Empirique fut le successeur d'Ænésidème, au Musée des Lagides, on ne veut pas dire qu'il en fut le disciple, ce qui serait absurde, puisque le premier de ces philosophes vivait vers l'an 180 après Jésus-Christ. Cela signifie seulement qu'il a continué à Alexandrie le même enseignement qu’Ænésidème. — Voyez Tennemann , o. 1. Tome I, p. 232 et suiv. 24 INTRODUCTION. 1° Les Péripatéticiens ; 20 Les Platoniciens ; 3° Les Stoïciens; 4° Les Épicuriens ; 5° Les Cyrénaïciens et les Théodoréens ’; 60 Les Cyniques; 7° Les Sceptiques; 8 La secte Éristique; 9 L'école Érétriarique : Et 100 les Hégésiaques. 1 On devrait faire de ces philosophes différentes catégories ; mais ils ont eu si peu de partisans en Égypte , qu'on peut, sans beaucoup d'inconvéniens , les comprendre sous une seule et même dénomination, quoiqu'ils aient en réalité enseigné des doc- trines tout-à-fait distinctes les unes des autres. INTRODUCTION. 25 SECONDE PÉRIODE. DEPUIS LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST JUSQU’A LA MORT D’AMMONIUS- SACCAS (DE L’AN 1 A L'AN 244 APRÈS JÉSUS-CHRIST). Si, durant les trois cents dernières années avant l’ère chré- tienne, les philosophes des diverses écoles d'Alexandrie n’ont créé aucun nouveau système, n’ont fondé aucune nouvelle doc- trine, les annales de cette période renferment cependant des faits de la plus haute importance, des faits qui sont de nature à nous révéler l'avenir de la science dans la capitale de l'Égypte. On rencontre déjà à cette époque chez plusieurs savans du Musée une tendance assez sensible vers l’éclectisme, des traces d’un scepticisme perpétué à la cour des Ptolémées et quelques vestiges de syncrétisme; on y découvre même des germes de mysticisme. En effet, Antiochus' n’alliait-il pas Platon avec Aristote et Lénon ? ! Ce n’est donc point l’école d'Alexandrie qui a la première parlé d'éclectisme ; c’est elle au contraire qui le reçut d’Antiochus, chef de la cinquième académie, — Voyez Matter, o. 1. Tome I, p. 184. — Tome Il, p. 130 et suiv., et p. 137. — Cf. Cicéron. Acad. quaest, 11, 22, 43 et 45. — De natur. Deor. 1, 7. 26 INTRODUCTION. Ménédème ’, de l’école érétriarique, ne se déclarait-il pas en même temps partisan de l’Académie ? | Diodore Cronos *, quoique attaché à la secte éristique, ne professait-il pas le stoïcisme ? Aristobule, le Juif *, en essayant de faire entrer dans les systèmes rationnels de la Grèce le sxpernaturalisme oriental, n’a-t-il pas préludé au syncrétisme? N’a-t:il pas disposé les esprits à l'admettre ? Mais ces tentatives, qui trouvèrent plus tard de nombreux imitateurs, ne doivent nullement nous surprendre; nous ajoute- rons méme que, si nous étudions l’histoire d'Alexandrie, celle de ses premiers habitans, de ses institutions et de son commerce avec tous les peuples du monde, nous demeurerons convaincus que cette combinaison des différentes doctrines philosophiques fut le résultat inévitable de l'esprit et des besoins de l’époque dont nous nous occupons; car, il était impossible que les savans qui vécurent ensemble dans la capitale de l'Égypte et qui, malgré la diversité de leur langage et de leurs opinions, furent forcés d’avoir entre eux des relations plus ou moins intimes, s’abstins- sent long-temps de faire des emprunts à des théories étrangères aux leurs ; or, ce mélange dut, selon la manière dont il eut lieu, produire tantôt un éclectisme sage et raisonné, tantôt un syncré- tisme bizarre, qui format d'idées incompatibles un tout rarement systématique. Nous n’énumérerons pas ici toutes les causes qui ont préparé ce rapprochement; nous ne parlerons ni des efforts ! Voyez Matter, 0.1. TomelÏ, p. 70 et suiv. 2 Voyez Matter , 0. 1. Tomell ,p. 126. 3 Foyez Matter , 0. 1. Tome Ï, p. 183 et tome If, p. 121. INTRODUCTION. 27 continuels des Lagides, pour opérer la fusion des diverses reli- gions connues à Alexandrie, ni des essais de certains poètes grecs, pour introduire dans leurs vers le génie oriental; ce serait anti- ciper sur notre sujet, puisque nous serons plus tard obligé de donner de plus grands développemens à la solution de cette im- portante question, lorsque nous indiquerons les sources où Ammonius-Saccas parait avoir puisé sa doctrine. Toutefois il est nécessaire, avant de poursuivre nos recherches, de remarquer que le syncrétisme eut toujours à la cour des Ptolémées beaucoup plus de partisans que léclectisme et qu'il finit même par engendrer le mysticisme. Phénomène extraordi- naire et dont au premier aspect on a peine à se rendre raison ; car, personne n’ignore qu'on trouve au Musée des Lagides des traces d’un scepticisme vivace, incisif et dissolvant, d’un scepti- cisme, qui, devenu universel et conséquent, s’attaque à tout, n’épargne aucune doctrine, combat avec la même ardeur le sen- sualisme et l’idéalisme et par leur opposition les brise l’un contre l’autre. En présence d’un tel fait, l'esprit humain se demande comment le dogmatisme a pu, dans une école aussi essentielle- ment sceptique, prévaloir au point de donner naissance au mys- ticisme et de rejeter sans distinction toutes les voies rationnelles qui conduisent à la vérité ? Mais on aurait tort de croire que le scepticisme soit un obstacle insurmontable à l'établissement du mysticisme. Il est même permis d'affirmer que ce dernier système est presque toujours la conséquence nécessaire du premier ‘. : ! Voyez Victor Cousin, Cours de philosophie; Histoire de la philosophie du 18w° 28 INTRODUCTION. En général, c’est le sensualisme qui conduit au scepticisme; car, pour nous renfermer dans l’école d'Alexandrie, n’est-ce pas du sein d’une secte de physiciens, de médecins et de médecins empiriques que nous avons vu, avec Ænésidème, surgir un scepticisme, qui eut depuis ses principes fixes et sa méthode ? Mais ce scepticisme, qui semblait d’abord si funeste au dogma- tisme, donna à son tour naissance au mysticisme alexandrin, à ce mysticisme exagéré, qui était d’ailleurs si conforme à l'esprit de l’époque, qu’il ne se manifeste pas moins dans l’étude de la nature et des mathématiques, que dans les sciences purement spéculatives ”. Telles sont les phases que la philosophie a parcourues au Musée des Lagides; telle est la progression naturelle qu’elle a suivie avant d'aboutir à l’éclectisme, au syncrétisme et au mysticisme. Toutefois, pendant les trois cents dernières années avant Jésus- Christ, on ne rencontre à Alexandrie que des traces et quelques germes de ces différens systèmes; mais il n’en est plus ainsi durant les siècles suivans et ce qui, dans la première période, était très-rare et même exceptionnel, devient, dans la seconde, tellement général, que tous les philosophes, renonçant à exposer les idées grecques ou orientales dans leur pureté primitive, cher- chent à ménager un traité de paix et de réconciliation entre les doctrines rationnelles et surnaturelles. Aussi est-ce seulement à dater de l’ère chrétienne, qu’on développe dans la ville des Ptolé- siècle , huitième leçon. Tome I, p. 230 et suiv. (Édition de Bruxelles). Borger , de mysticismo, Hagae-Comitum. 1820, in-8° , p. 152 et suiv. 1 Voyez Matter, o.1. Tome I, p. 200 et suiv., p. 209 et suiv. et p. 228 et suiv. INTRODUCTION. 29 mées, des systèmes qui méritent le nom d’alexandrins , parce qu'ils se sont réellement formés dans la capitale de l'Égypte et qu’ils différent en plusieurs points des systèmes antérieurs ‘; on a quelquefois, il est vrai, prétendu que le mysticisme philoso- phique , loin d’être originaire d'Alexandrie, n’est qu’une imitation de Platon; mais nous ferons observer avec un professeur distin- gué * à ceux qui soutiennent cette opinion, que ce qui est mysticisme chez les néo-platoniciens n’est que poétique chez le fondateur de l'Académie. Au surplus, si, durant la seconde période, les savans d’Alexan- drie, au lieu de se borner à reproduire dans leur enseignement des doctrines étrangères, créent eux-mêmes de nouveaux sys- tèmes, on doit cependant bien se garder de croire que la philoso- phie grecque cessa tout à coup d’avoir des écoles en Égypte. Nous pourrons au contraire, en énumérant celles qui continuè- rent d’y exister, nous convaincre que plusieurs sectes de la Grèce eurent encore, pendant quelque temps, d'assez nombreux repré- sentans au Musée des Lagides. Rappelons-nous toutefois que nous sommes arrivés à une époque de décadence et qu'il est bien diffi- cile alors de professer un système, sans lui faire subir des altéra- » tions plus ou moins profondes. 1 Nous nous servons ici du mot systèmes et non du mot doctrines; car on verra plus loin, que les différens systèmes développés par les philosophes alexandrins se rattachent, soit directement , soit indirectement , aux doctrines de leurs devanciers. ? Voyez Van Heusde, Znitia philosophiae platonicae. Trajecti ad Rhenum. 1827, vol. I, p. 56 et suiv. Tom. 1X. 5 30 INTRODUCTION. PREMIÈRE SECTION. DOCTRINES GRECQUES ENSEIGNÉES A ALEXANDRIE PENDANT LA SECONDE PÉRIODE. En entrant dans cette période, un fait de la plus haute impor- tance nous annonce qu’une révolution s’est opérée dans les doc- trines professées en Égypte; les philosophes, amis du plaisir, les épicuriens, ont disparu du Musée; cette circonstance, qui semble présager le triomphe de la belle morale du christianisme, dé- montre à l'évidence que les esprits avaient changé de direction et que l’on n’avait plus que du dégoût pour les principes licencieux des partisans d'Épicure vs Les cyniques, qui ne s'étaient jamais multipliés à la cour des Ptolémées, ne s'y montrent plus, dès les premiers siècles de notre ère *. Le péripatéhicisme * eut un sort tout différent, et loin de s’éteindre entièrement comme l’épicuréisme et le cynisme , c’est le système qui paraît avoir eu à Alexandrie, du moins au commen- cement de la seconde période, le plus de défenseurs. Sosigène d'Alexandrie “, qui nous est connu comme astronome, était chez 1 Woyez Matter, o. 1. Tome II , p. 228 et suiv. ? Woyez Matter, o. 1. Tome IT, p. 229. 3 Voyez Matter, 0. 1. Tome Il, p. 234 et suiv. — Tennemann, o. |. Tomel, p. 223 et suiv. 4 Voyez Matter, o. I. Tome I, p. 211 et suiv. INTRODUCTION. 31 les anciens plus célèbre comme philosophe. Il était attaché au système d’Aristote et passe pour avoir commenté les livres du Ciel *. Le Stagirite eut encore un illustre sectateur dans la per- sonne de Xénarque, instituteur du célèbre géographe Strabon *. IL communiqua la doctrine du Lycée à ce dernier, ainsi qu’à Alexandre d'Égée et l’enseigna successivement dans la capitale de l'Égypte , en Grèce et à Rome *. Un autre maître de Strabon, Boéthus, se voua également au péripatéticisme “; il publia ses Observations, et son ouvrage parut si important que Porphyre écrivit contre ce philosophe son Z'raité de l'âme en cinq livres ?. Ariston et Eudore d'Alexandrie, contemporains de Xénarque et de Strabon, partagèrent avec le premier l’étude de la doctrine des péripatéticiens et celle de la géographie avec le second . Ariston wa rien laissé sur la philosophie; mais son rival en géographie, Eudore, a commenté la métaphysique d’Aristote ?. La doctrine du philosophe de Stagire fut également professée par Alexan- dre d’Aphrodisie ; ses deux traités de l’éme et ses commen- taires sur les écrits du fondateur du Lycée nous ont été conser- 1 Voyez Plinii Histor. nat. Liv. XVIII, ch. 57. 2 Woyez Matter, 0. 1. Tome I, p. 217 et suiv. 3 Voyez Strabon, Géogr. XV, p. 670 ; XVI, p. 787 et 779.—Simplicius , in Aristot. libr. de Coelo, 1. — Gaudentius , de philosophis romanis , ch. 69. 4 Woyez Matter , 0.1. Tome I, p. 218 et suiv. 5 Woyez Strabon, Geogr. XVI, p.757.—Lucae Holstenii, Vita Porphyrii, ch. IX etX. 5 Voyez Matter, 0. 1. Tome, p. 219 et suiv. 7 Woyez Strabon, Geogr. XVII, p. 7930. — Bayle, Dictionnaire, etc. s. v. Ariston. — Diogène de Laërte, VII, 164. — Fabricius, Biblioth. graec. II, p. 493. 8 Woyez Matter, o. 1. Tome I, p. 292 et suiv. Sur les ouvrages d'Alexandre d’Aphrodisie, voyez Casiri, Biblioth. Arabico-hisp., vol. I, p. 243. 32 INTRODUCTION. vés !. Alexandre d'Égée , qui devint l’instituteur de Néron, fut aussi partisan du système d’Aristote?. Enfin on peut encore ranger parmi les péripatéticiens de cette époque Adraste d’Aphrodisie, Apollonius, frère ainé de Sotion *, Eudème et Straton, qu'il ne faut pas confondre avec le philosophe du même nom, qui appar- tient à la période précédente. Au reste, si la ville des Ptolémées fut, pendant les premiers temps de l’ère chrétienne, l’asile du péripatéticisme, il n’en fut plus ainsi lorsque Caracalla monta , avec la folie et le despotisme, sur le trône des Césars. On sait, qu’aspirant à devenir l’émule insensé et le vengeur sanguinaire d’Alexandre-le-Grand , il fit éprouver ses fureurs à son empire tout entier, mais particulière- ment à l’école des Lagides. Une tradition absurde voulait qu'Aris- tote eüt trempé dans une conspiration, qui n’exista jamais et qui devait avoir amené la mort de son royal élève. Caracalla, se croyant obligé de punir d’un crime imaginaire les sectateurs du philosophe de Stagire, persécuta les péripatéticiens du Musée et les bannit d'Alexandrie ; cette cruelle injustice cessa à la mort de celui qui s’en était rendu coupable; mais quoique édit de pros- cription ait été révoqué par les successeurs de ce frénétique, il ne paraît pas que les partisans d’Aristote soient encore revenus dans la capitale de V'Ée gypte ‘. 1 Foyez Alexandri Aphrod. liber de Fato. Cf. Cardan, dans son ouvrage intitulé : Le scriptis suis, — Eusebü, praep. evang. VI, 9. ? Woyez Matter, 0.1. Tome, p. 222. — Suidas, s. v. Alexandre d'Égée. 5 Voyez Plutarchus, de FRE amore. MA RE Gell. Noct. Attic., liv. 1, ch. 8 — Matter, o. 1. Tomel, p. 221. * Voyez Matter, o. 1. Tome I, p. 270 et suiv. Tome II, p. 255. INTRODUCTION. 33 Le pythagoréisme ‘, dont nous n’avons, durant les trois der- aiers siècles avant l’ère chrétienne, découvert aucune trace, fut renouvelé dans la seconde période; toutefois hätons-nous d'ajouter que cette tentative eut lieu à Rome et non au Musée. Eudore * et Sotion le jeune * sont, il est vrai, cités parmi les pythagoriciens ; mais on a tort de compter le premier au nombre des sectateurs de Pythagore; nous venons de voir qu’il professa le péripatéticisme. Quant à Sotion, il fut pythagoricien ; Sénèque, son disciple, ne laisse aucun doute à cet égard. Mais ce philoso- phe, quoique né à Alexandrie, mhabita cette ville que très-peu de temps; il se rendit à Rome, et comme l'Italie était alors le prin- cipal et presque l’unique théâtre du pythagoréisme, on est porté à croire qu'il n’adopta cette doctrine qu’après avoir quitté l'Égypte etque le système de Pythagore cessa, durant la seconde période, d’avoir des représentans dans cette contrée *. Le stoicisme* devait plaire davantage à une époque et dans un pays où le dogmatisme avait triomphé du scepticisme et où l’on sentait le besoin d’opposer au christianisme naissant une morale pure et sévère. Cependant on rencontre dans cette période fort peu de partisans de la doctrine du portique, ce qui du reste 1 Voyez Matter, o. 1. Tome Il, p. 229 et suiv. 2 Voyez Matter, 0. 1. Tome I, p. 219 et suiv. 3 Voyez Matter, o. 1. Tome I, p. 220 et suiv. 4 Woyez Seneccae epist. 59 et 108. — Jonsius, scriptor. Il , p. 166. — Juste -Lipse et Fabricius rangent, nous ne savons pour quels motifs , Sotion le jeune parmi les stoïciens et parmi les pythagoriciens. — Justi-Lipsit manuductio ad philosophiam stoïcam. 1, 12, p.73. — Idem ad Seneccae epistol. 49, p. 354. — Fabricius , Biblio- theca graeca X, 505. — II, 412. 5 Voyez Matter, 0. 1. Tome Il, p. 229. 34 INTRODUCTION. s'explique par l'établissement de la religion chrétienne , dont les principes à la fois simples et élevés avaient le pouvoir de charmer les philosophes eux-mêmes; nous trouvons la preuve de ce fait dans la conversion de plusieurs stoïciens à la foi du Christ. Chérémon, qui partagea avec Alexandre d’Égée l'honneur d’instruire Néron, est le premier stoïcien connu de cette période ; il professa le système de Zénon dans toute son intégrité et sa rigueur *. Le stoïcisme eut son second représentant dans la personne de Théon d'Alexandrie, qui enseigna à Rome sous le règne d’Auguste *. Nous pouvons encore mettre au nombre des stoïciens de cette époque Aréas *, philosophe d'Alexandrie et ami d’Auguste, ainsi que Dionysius, le disciple de Chérémon *. Nous verrons dans la suite de ces recherches, que plusieurs savans, outre ceux que nous venons de citer, ont toujours con- servé une haute estime pour les doctrines du portique ; mais nous les avons tous rangés parmi les éclectiques, comme ayant enseigné une philosophie empruntée à différens systèmes. Le platonisme pur ‘ cessa, dans la seconde période, d’avoir des représentans au Musée des Lagides ou du moins s’il en eut encore , la mémoire de ceux qui y ont exposé cette doctrine, s’est 1 Woyes Matter, o. 1. Tome I, p. 276, 279, 299, et tome IL, p. 229. 2 Voyez Matter, o. 1. Tome I, p. 222.—Martialis epigrammat. XI, 57. — Eusebii praep. evang. V, p. 198. — Suidas, ss. vv. Dionysius d'Alexandrie et Alexandre d’'Egée. 3 Voyez Matter, 0. 1. Tome I, p. 227. — Suidas s. v. Apion. % Woyezs Matter, o. 1. Tome I, p. 206 et tome II, p. 229. 5 Voyez Matter, 0. À Tome Il,p. 229. 5 Woyez Matter, o. 1. Tome Il, p, 235 et suiv. INTRODUCTION. 35 perdue avec les monumens destinés à transmettre leurs noms à la postérité. Le scepticisme * au contraire, ainsi que nous lavons déjà fait remarquer en parlant de origine du mysticisme , fut, à cette époque, développé avec persévérance et enseigné avec une nou- velle ardeur. En effet, Ænésidème essaya, au commencement de Vère chrétienne, de reproduire le pyrrhonisme et d’opposer ses écrits éminemment philosophiques aux progrès toujours croissans d’une doctrine devenue si aveuglément croyante, qu’on dédai- gnait d’employer les voies rationnelles, pour se plonger dans le mysticisme. Cependant, malgré ses efforts pour faire triompher la raison, on ignore s’il eùt des disciples à Alexandrie; mais ce que l’on sait, c’est que le dogmatisme avait tellement prévalu, qu’on montra pour son scepticisme la plus parfaite indifférence *. Il en fut de même de Sextus l’Empirique, médecin et partisan de la secte des méthodiques. Convaincu que le doute est en philo- sophie le père de la certitude et qu'il s’agit, dans les sciences spéculatives, non d'admettre les choses au gré de nos vœux, mais de les examiner selon les lois de la raison, Sextus voulut , à Pexemple d’Ænésidème, renouveler le scepticisme; dans cette vue, il publia ses Hypotyposes pyrrhoniques , qui renferment les 1 Voyez Matter, 0. 1. Tome II, p. 224 et suiv. — Sextus Empiricus, Æ/yp. pyr. 1, 180-185. — Adversus Mathem. VIII, 8. — Diogène de Laërte, IX, 106. 2 Voyez Matter, 0.1. Tome I, p. 257 et suiv. — Tennemann, o. I. Tome I , p. 229 et suiv. — ÆEusebii praep. evang. XIV , 7. — Photii biblioth. cod. 212. — Sextus Empiricus , adv. Math. VII, 345,349, 350. — VIIL, 8. — IX, 217. — X, 216 , 233. — Idem., Æypot. pyrrhon. 1,36. —T, 180 et suiv, — I, 210 et suiv. — Diogène de Laërte, IX ,78, 87, 115. 36 INTRODUCTION. linéamens de son système et un grand ouvrage, intitulé : Contre les Mathématiciens, dans lequel il cherche à combattre le dog- matisme, sous quelque forme que ce soit. Mais ce n’était plus le siècle du pyrrhonisme; cette doctrine avait fait son temps : on s’attachait alors au dogmatisme, parce que l’on sentait le besoim d’une philosophie ceroyante. Aussi Sextus l'Empirique eunt-il en Égypte un très-petit nombre de sectateurs ' et son système s’é- teignit-il avec Saturninus, son disciple *. DEUXIÈME SECTION. CHAPITRE PREMIER. Nous venons d’énumérer les différentes doctrines grecques qui ont été enseignées au Musée des Lagides pendant les deux périodes de son histoire. Il nous reste maintenant à présenter le tableau des écoles qui ont pris naissance dans la ville des Ptolémées et qu'il est permis, pour cette raison, d’appeler écoles philosophiques d'Alexandrie. C’est surtout en parcourant ce tableau qu’il sera facile de se convaincre de la nécessité d’établir une bonne classi- fication des systèmes, qui, durant les premiers siècles de lère 1 Voyez Matter, 0. 1. Tome I, p. 293 et suiv., et tome IL, p. 226 et suiv, — Tennemann, 0. l. Tome I, p. 232 et suiv. — Sextus Empiricus, ado. math. 1,9, 42, 351 et suiv. — IX, 283. — Zdem, Hypot. pyrrhon. 1,182. — III, 24, p. 155. — U1,199.— 1, 1-4-25. —I, 14,33 et suiv. — II, 259. — Fabricius, in praefat. ad Sexti Empirici editionem.— Jonsius, scriptor, II, 274. — Diogène de Laërte, IX, 116. 2 Voyez Tennemann, o. 1. Tome FE, p. 235. — Diogène de Laërte, IX, 216. INTRODUCTION. 37 chrétienne, se sont formés et développés dans la capitale de l'Egypte; long-temps confondus sous une désignation commune, on à cru sans doute que ces systèmes reposaient sur des principes identiques et on leur a indistinctement donné tantôt le nom de philosophie ou d'école d'Alexandrie , tantôt celui de né0-plato- nisme, tantôt enfin celui d’éclectisme alexandrin. De là l’origine de beaucoup d'erreurs. D'abord nous ferons de nouveau remarquer que la dénomination d'école d'Alexandrie est vicieuse; car nous avons vu que tous les savans du Musée n’appartenaient pas à une seule et même secte, mais que les différentes doctrines grecques y ont eu , dès la pre- mière période, de nombreux représentans. Quant à la qualification de philosophie d'Alexandrie , on ne peut raisonnablement employer qu’en parlant des systèmes créés dans cette ville, au commencement de l’ère chrétienne, par des philosophes alexandrins ou étrangers *. L'expression de néo-platonisme et de néo-platoniciens paraît également inexacte. En effet, veut-on par-là désigner les philo- sophes qui, tout en adoptant les idées de Platon, n’ont pas laissé de faire des emprunts à d’autres doctrines rationnelles ? Mais leur nombre fut bien petit, surtout pendant la seconde période. Bouterwek *, il est vrai, en cite plusieurs, tels que Trasyllus Pastrologue, Théon de Smyrne, Alcinoüs, Albinus, 1 Voyez Bouterwek, Philosophorum alexandrinorum ac neo-platonicorum recensio adcuratior, in commentationibus Societatis Regiae Gottingensis ; 1823. Tome V, p. 228 et suiv. — Matter , 0.1. Tome IN, p. 252. 2 Voyez Bouterwek , 0. 1. p. 229 et suiv, — Matter, o. 1. Tome IL, p. 252. Tom. IX. 6 36 INTRODUCTION. Calvisius Taurus, instituteur d’Aulu-Gelle, Maxime de Tyr, Atticus et Plutarque de Chéronée; mais de tous ces philosophes, il en est fort peu que le Musée puisse revendiquer, la plupart de ces savans ayant exposé leurs systèmes à Rome ou à Athènes et non à Alexandrie. Veut-on, en outre, donner ce nom aux philosophes ou plutôt aux théosophes, qui, en faisant un mélange bizarre des doc- trines de la Grèce et de l'Orient, ont produit le syncrétisme ? Mais il existe différentes sectes de syncrétistes, qui ont chacune leur nom particulier et qu'il faut soigneusement distinguer les unes des autres; telles sont les écoles Chrétienne, Judaïque , Ammonio-Plotinienne et celles des Gnostiques. D'ailleurs, si lon comprend sous une seule et même dénomi- nation tous les docteurs, dont nous venons de faire mention, on confond nécessairement les philosophes, qui n’ont jamais renoncé aux voies rationnelles, avec ceux qui, n’accordant aucune au- torité à la raison, prouvaient l’excellence de leur système, soit par la révélation, soit par des intuitions immédiates de la Di- vinité. Si l’on tient donc à conserver l'expression de n60-platonisme et de néo-platoniciens , on doit du moins cesser de s’en servir, en parlant des philosophes syncrétistes et se borner à lappli- quer exclusivement à ceux qui professaient un platonisme mo- difié par d’autres systèmes rafionnels. Nous avouons toutefois, qu'il serait préférable de les appeler faux éclectiques ; car, comme la fort bien observé le savant Matter ‘, on n’est point 1 Voyez Matter, 0. 1. Tome Il, p. 254 et suiv. INTRODUCTION. 39 platonicien, on n’est rien du tout, quand on est partisan de deux systèmes. Quant à l'expression d’éclectisme alexandrin, elle n’est pas moins impropre que celles que nous avons analysées jusqu'ici, si on l’emploie, pour désigner en général tous les systèmes, qui, durant les premiers siècles après Jésus-Christ, ont pris naissance dans la ville des Lagides; car, en faisant des savans d’Alexan- drie autant d'éclectiques, on ne distingue en aucune manière des sectes qui diffèrent essentiellement les unes des autres, et lon confond de nouveau les docteurs de l’école chrétienne avec ceux de l’école judaïque et les représentans de la philosophie ammonio-plotinienne avec les partisans de la gnose. Au reste, si l’on appelle éclectiques les philosophes qui em- pruntent à chaque doctrine les opinions vraies ou vraisembla- bles qu’elle contient, pour faire des vérités les plus probables éparses dans tous les systèmes un ensemble complet et har- monieux, confirmé par la raison, approuvé par la conscience, trouvera-t-on, nous le demandons, dans la capitale de l'Égypte, beaucoup de savans qui méritent ce nom? Pour se convaincre que la ville d'Alexandrie offrit toujours, même pendant la se- conde période, des exemples extrêmement rares d’un éclectisme sage et judicieux, il suffit de se rappeler que Pamour du mysti- cisme était à cette époque si généralement répandu, que les voies rationnelles étaient presque abandonnées et que le scepticisme m'avait rencontré partout qu’indifférence, dédain et mépris; té- moin Aenésidème et Sextus l’Empirique, qu’on ne prit jamais la peine de réfuter. On n’a donc, de tout temps, connu dans la ville des Lagides qu’un très-petit nombre de philosophes réelle- 40 INTRODUCTION. ment éclectiques. Potamon est peut-être le seul qu’il convienne de regarder comme tel; encore n’est-il pas bien certain qu'il ait professé un véritable éclectisme; car il est impossible de juger sa doctrine par le peu de fragmens qui nous en ont été con- servés |. CHAPITRE H. Quelques savans de nos jours , après avoir prouvé combien est vicieux l'emploi des expressions philosophie ou école d'Alexan- drie, néo-platonisme et éclectisme alexandrin, ont cherché à classer , d’après leurs caractères distinctifs, les nombreuses doc- trines qui ont, durant les premiers siècles de notre ère, pris nais- sance en Égypte. j M. Matter * est, croyons-nous, le premier qui, pour mettre fin à cette confusion qui avait donné lieu à tant d'erreurs, ait divisé toutes les sectes philosophiques d'Alexandrie en quatre écoles différentes, savoir : 1° Les éclectiques ; 2° Les néo-platoniciens ; 3° La philosophie ammonio-plotinienne , Et 4 Le syncrélisme. Mais cette classification ne nous semble point rigoureusement exacte. Elle tend d’abord à faire croire que la philosophie am- monio-plotinienne n’a aucun rapport avec le syncrétisme; ce- pendant, qu'est-ce que le syncrétisme, sinon le mélange du 1 Voyez Diogène de Laërte, liv. 1, ch. 21. — Bouterwek, 0.1. p. 230 et suiv. 2 Voyez Matter, 0. 1. Tome Il, p. 252-278. INTRODUCTION. 41 rationalisme et du supernaturalisme; or, la philosophie ammo- nio-plotinienne est-elle autre chose que la combinaison des sys- tèmes rationnels de la Grèce et des idées surnaturelles de l'Orient ? Nous n’en voulons pour exemple que la doctrine d’Ammonius- Saccas sur la démonologie, qui est originaire de la Chaldée et de la Perse. Au surplus, si l’on appelle indistinctement syncrétistes les doc- teurs chrétiens et juifs , ainsi que les gnostiques , on confond des écoles, qui ont eu leur nom, leurs représentans, leurs chefs et leur système à elles, des écoles qui , loin de ne former qu’une seule et méme secte, n’ont jamais cessé de se haïr et de se combattre. Quant aux néo-platoniciens, M. Matter comprend sous cette dénomination les philosophes qui adoptaient les opinions du fondateur de l’Académie, maïs qui prétendaient en méme temps embellir ou compléter son système, en faisant des emprunts à des doctrines étrangères. Or, ne serait-il pas préférable, comme nous l'avons déjà fait remarquer, de ranger tous ces philosophes parmi les faux éclectiques ? Tels sont les motifs qui nous ont déterminé, malgré la haute estime que nous professons pour le célèbre historien du gnosti- cisme, à modifier, en quelques points, sa classification des écoles d'Alexandrie et à rattacher à l’éclectisme et au syncrétisme les différens systèmes qui se sont formés dans cette ville. Le savant Bouterwek, voulant, à lexemple de M. Matter, distinguer les unes des autres les diverses doctrines qui furent enseignées en Égypte pendant les premiers siècles de notre ère, réduisit toutes les sectes philosophiques d'Alexandrie , 1° Aux néo-platoniciens de l’école judaïque ; 42 INTRODUCTION. 2 aux néo-platoniciens de l’école chrétienne, à laquelle il réunit les gnostiques, Et 3° aux néo-platoniciens de l’école ammonio-plotinienne '. Mais cette division, qui est d’ailleurs incomplète, nous paraît également inexacte. En effet, Bouterwek ne fait mention ni de Potamon, qui est cependant regardé par Diogène de Laërte comme le fondateur d’une secte éclectique, ni des péripatéti- ciens, ni des stoïciens, ni des sceptiques, qui sont restés, même durant la seconde période, fidèles au système qu’ils professaient dans la capitale de l'Égypte. Il nous semble en outre, que cet écrivain s’est évidemment trompé, en donnant indistinctement le nom de néo-platoniciens, non-seulement aux philosophes de l’école judaïque , à Ammonius-Saccas et à ses disciples, mais encore aux docteurs de l’école chrétienne , tels que saint Justin le martyr, saint Clément d'Alexandrie, Origène et plusieurs autres. On rencontre sans doute dans leurs écrits des traces nombreuses d’un platonisme modifié; mais il est évident que ce sont les idées orientales, qui dominent partout dans la philosophie des Chré- tiens, des Juifs, d’Ammonius-Saccas et de ses partisans. Enfin, Bouterwek a tort de comprendre sous la dénomina- tion commune de néo-platoniciens les docteurs de l’école chré- tienne et les gnostiques; car, ces derniers, beaucoup plus anciens que saint Justin le martyr, qu’il cite comme le fondateur de cette école, ont toujours formé une secte ou plutôt une infinité de sectes, qui différent essentiellement de toutes celles qui ont régné à Alexandrie pendant la seconde période de son histoire. l Voyez Bouterwek, 0. 1. p. 239-251 et suiv. INTRODUCTION. 43 CHAPITRE IL. Après avoir démontré qu’on ne peut, sans tomber dans de graves erreurs, conserver la classification de M. Matter ni celle de Bouterwek, nous nous permettrons d’en proposer une nou- velle, qui, plus simple et plus complète en même temps que celles qui ont été admises jusqu’aujourd’hui, n’en offrira, pensons- nous, ni les défauts, ni les inconvéniens. La division la moins compliquée étant toujours la meilleure et la plus claire, lorsqu’elle repose sur des principes incontesta- bles, on doit, pour en trouver une qui réunisse tous ces avan- tages , ramener, ainsi que nous en avons déjà fait l'observation, à l’éclectisme et au syncrétisme, les nombreux systèmes philo- sophiques ou théosophiques, qui, durant les premiers siècles de l'ère chrétienne, se sont développés dans la capitale de V'É- gypte. Ces deux grandes divisions établies, nous allons essayer d’énu- mérer les différentes sectes, qui appartiennent à chacune d’elles. Commencons par léclectisme ; nous nous occuperons ensuite du syncrétisme. CHAPITRE IV. ÉCLECGTISME. Les philosophes éclectiques se subdivisent en deux catégories tout-à-fait distinctes; les uns, après avoir consciencieusement examiné , étudié, analysé les divers systèmes rationnels, qui exis- tent, rejettent les opinions erronées qu'ils y ont découvertes, 44 INTRODUCTION. adoptent les vérités qu’ils y ont rencontrées et en forment un ensemble, qui mérite le nom d’éclectisme pur. Les autres, tout en se proclamant les partisans d’une école quelconque, font, pour enrichir et orner leur système, de fré- quens emprunts à des doctrines étrangères ; cette philosophie ou plutôt cette manière d'étudier et de professer cette science est toujours de l’éclectisme, mais c’est du faux éclectisme. S Ier. à Éclectisme pur. Les éclectiques purs sont, chez tous les peuples et à toutes les périodes de l’histoire, excessivement rares. Nous n’en trou- vons qu'un seul à Alexandrie, c’est le philosophe Potamon. Les anciens qui en ont parlé, ne s'accordent pas sur l’époque où il a développé son système dans la capitale de l'Égypte. Suidas ! rapporte qu'il était contemporain d’Auguste. Por- phyre, au contraire, semble le regarder comme un des disci- ples de Plotin*, tandis que Diogène de Laërte nous apprend qu'il a créé une secte éclectique fort peu de temps avant lui, c’est-à-dire, au commencement du troisième siècle de l’ère chré- tienne *. Toutefois , il n’est pas difficile de concilier ces différentes opi- nions. ! Voyez Suidas, ss. wv. aipeois et Tloréuor. 2 Voyez Porphyre, Vie de Plotin, ch. 9. 3 Woyez Diogène de Laërte. Liv. 1, ch. 21. INTRODUCTION. L dd QE IL est probable que le texte de Suidas est altéré ; mais, quand cela ne serait point, on sait que sa chronologie n’est pas tou- Jours exempte d’erreurs. Porphyre parle évidemment d’un jeune Potamon qui se trou- vait parmi les auditeurs de Plotin et qu’on doit soigneusement distinguer du philosophe éclectique, ou bien, au lieu de Pota- mon, il faut peut-être lire , avec Heumann *, Polémon. La donnée de Diogène de Laërte est donc la plus exacte, et comme l’a très-bien prouvé le fils du célèbre Ficht *, cet auteur et par conséquent Potamon, qui n’est guère plus an- cien que lui, ont vécu entre l’an 130 et l’an 200 après Jésus- Christ *. Mais, lorsque nous nous demandons quelle fut la doctrine de Potamon, nous nous arrétons dans la plus grande incertitude. Diogène de Laërte affirme qu'il a fondé à Alexandrie une école éclectique (exerce rs aigen:). Cependant , malgré son éclectisme, il est vraisemblable qu'il s'était particulièrement attaché au système de Platon; car, suivant les idées exposées dans le Timée, il admet deux principes, l’un actif, qui forme la ma- tière (agens principium formansque materiam), Vautre passif ou la matière (5). Au reste, quelle que soit la véritable doctrine de ce philo- sophe, elle diffère essentiellement de celle qu'Ammonius-Saccas 1! Voyez Porphyre, Vie de Plotin, ch. 9 et 11. — Heumann, in actis philos. Tome II , p. 712. 2 Voyez Immanuel Ficht, de philosophiae novae platonicae origine. Berolini 1818, p. 19 et suiv. 3 Voyez Matter, 0.1. Tomel, p. 297 et tome Il, p. 253. Tom. IX. F] 46 INTRODUCTION. a professée en Égypte ; Potamon n’est donc point, ainsi qu'on la presque toujours cru, le chef des néo-platoniciens ’. Potamon eut vraisemblablement de nombreux auditeurs; toute- fois, il n’a laissé aucun disciple connu. On considère souvent comme tel Ammonius le Saccophore ; mais cette opinion ne re- pose sur aucun fait certain. Au surplus , on aurait tort, même en admettant cette hypothèse, de compter Ammonius au nombre de ses sectateurs; car sa doctrine, nous le répétons, est tout autre que celle de Potamon. S IL. Faux éclectisme. Si l’éclectisme pur n’eut à Alexandrie qu’un seul représentant connu, il n’en fut pas de même du faux éclectisme, qui était, il faut l'avouer, bien plus approprié aux besoins de cette époque et plus en harmonie avec l'esprit de ce siècle. En effet, ce n’était plus la raison qui présidait au choix des vérités ou plutôt des opinions que l’on puisait dans chaque doctrine, le scepticisme lui avait enlevé toute espèce d'autorité; c’était l'imagination, qui se promenait, pour ainsi dire, au milieu des divers systèmes, pour y chercher des ornemens et y cueillir quelques fleurs. On sent qu'avec un tel guide, le choix a dù étre fréquemment bien mauvais. D’ailleurs, cet empire, qu’on accorde à l’imagina- 1 Voyez Immanuel Ficht , 0. 1., p. 19 et suiv. — Voyez surtout Gloeckner, Disser- tatio de Potamonis alexandrini philosophia eclectica , recentiorum platonicorum disci- plinae admodum dissimili. Lipsiae , 1745, in-4°. INTRODUCTION. 47 tion, pour en dépouiller la raison, ne semble-t-il point préluder au syncrétisme et au mysticisme ? Au reste, l’usage de faire des emprunts à des doctrines étran- gères est très-ancien et a même toujours été assez répandu dans la savante école d'Egypte. Toutefois, nous ne ferons pas ici l’énu- mération de tous les faux éclectiques qui ont vécu à Alexandrie, pendant les deux périodes de son histoire; il suffira d'indiquer les plus célèbres qui se soient trouvés dans la ville des Lagides durant les premiers siècles de l’ère chrétienne. Il est d’ailleurs à remarquer que, par faux éclectiques, nous n’entendons point seulement ceux que nous avons déjà appelés néo-platoniciens , mais que nous comprenons sous cette dénomination générale, tous ceux qui, loin de s'attacher exclusivement à un seul phi- losophe, ont professé un système quelconque, modifié par une ou plusieurs autres doctrines rationnelles. Le géographe Strabon est un des premiers faux éclectiques qui appartiennent à Alexandrie. Après avoir écouté les lecons de plusieurs péripatéticiens , tels que Tyrannion, Xénarque et Boéthus, il se familiarisa avec le stoïcisme et eut pour maitre Athénodore de Pétra . Ammonius, qui quitta Alexandrie pour aller, par ordre de Né- ron, enseigner la philosophie à Athènes, avait adopté la doc- trine d’Aristote, mais en y introduisant des idées platoniciennes. C’est cet Ammonius qui eut pour disciple Plutarque de Chéronée. On ne doit donc point le confondre avec Ammonius le Saccophore 1 Voyez Strabon, Geograph. Liv. XV , p. 670. — Liv. XVI, p. 757 et 779. — Liv. 1, p. 15. — Matter , 0. 1, Tome I, p. 215 et suiv. 48 INTRODUCTION. et encore moins avec un autre Ammonius, fils d’'Hermeas, qui vivait au quatrième siècle après Jésus-Christ et qui publia des commentaires sur Platon et Aristote ‘. Euphrate d'Alexandrie , surnommé le Syrien à cause du long séjour qu'il fit en Syrie, était à la fois partisan de la doctrine de Lénon et de celle de Platon. Ce philosophe offrit, au commen- cement du deuxième siècle, un exemple de stoïcisme bien rare sans doute à cette époque ; las du fardeau de la vie et désirant se soustraire aux infirmités de la vieillesse, il demanda à son pro- tecteur, l’empereur Adrien, la permission de se donner la mort; il lobtint et termina ses jours d’une manière tragique *. Nous pourrions encore citer plusieurs philosophes, qui ont cherché à combiner différens systèmes ; tels sont saint Pantène, saint Clément d'Alexandrie et un grand nombre d’autres savans, qui se sont illustrés dans la ville des Lagides. Mais aucun de ces docteurs ne peut être rangé parmi les faux éclectiques ; ils ren- trent tous dans la classe des syncrétistes *. CHAPITRE V. SYNCRÉTISME. Les écoles comprises sous la dénomination commune de syn- 1 Voyez Matter, o. 1. Tome I, p. 256 et suiv. — Patricius, Discuss. peripat.1,3, p. 139. — Eunapius , V’it. sophist. in prooemio. 2 Voyez Matter ; 0.1. Tomel,p. 255 et suiv.— Plinius , epistol. 1, 10.— Arrianus, Dissert. epictet. IV , 8. — Eusebius, ado. Hierocl., ch. 35. — Philostrat, it. Apoll. VII, 7, sect. III. — Gaudentius, de philos. rom., ch. 100 , p. 300. 3 Voyez Fabricius , Biblioth. Graec. in catalog. platonicorum et peripateticorum. Tome IN , p. 160 et suiv., et p. 458 et suiv. INTRODUCTION. 49 créhisme se réduisent à quatre, savoir : lo L'école Judaïque ; 20 L'école Chrétienne ou des Saintes Paroles ; 3° Les Gnostiques, Et 4 L'école Ammonio-Plotinienne. S ler. École Judaique. L'école judaïque, la plus ancienne de ces quatre sectes, fui, même avant notre ère, représentée à Alexandrie par Aristobule le juif, qui, par ses écrits et par son système, exerça une grande influence sur les diverses doctrines qui furent professées dans la capitale de l'Égypte, et contribua puissamment à imprimer aux études philosophiques la direction qu’elles prirent dans la se- conde période. Voulant allier le péripatéticisme au mosaïsme, il s’efforça de montrer, à Y’aide d’anciens ouvrages grecs supposés, que toute la philosophie des Hellènes leur était venue des Hé- breux ; il fut de cette manière le premier qui ait tenté de conci- lier le rationalisme et le supernaturalisme. On peut donc le con- sidérer , ainsi que nous lavons déjà fait remarquer , comme l'auteur du syncrétisme Alexandrin ". Cependant, le véritable fondateur de l’école judaïque est Philon le juif, le plus célèbre philosophe de son temps, né à 1 Woyez Valckenaer, Diatribe de Aristobulo judaeo, philosopho peripatetico. 1806 , in-4°, — Matter, o. 1. Tome 1, p. 183. 50 INTRODUCTION. Alexandrie quelques années avant Jésus-Christ. Fidèle à la doc- trine de ses pères et profondément instruit dans la philosophie hellénique, il continua à bâtir sur les fondemens qui avaient été jetés par Aristobule; il essaya d’assigner aux idées grecques et au judaïsme la même origine, chercha à réunir le rationalisme profane et le supernaturalisme des Hébreux et fit de ces élémens, qui semblent se combattre et se détruire, un tout qui ne manque ni d’enchainement, ni d'harmonie. Cette combinaison de systèmes, qui se repoussent et s’excluent réciproquement, parait, de prime abord , sinon impossible, du moins fort difficile ; mais à beau- coup d'adresse, Philon joignait beaucoup d’esprit et une immense érudition. En général, quel que soit le sujet qui occupe, il tâche de faire sortir, comme par enchantement, du code sacré des Juifs et des événemens qui concernent cette nation, une doctrine qui soit à l’abri des critiques de la philosophie grecque. Pour attein- dre son but, il prend dans les ouvrages de tous les philosophes de l'antiquité, mais surtout dans les traités de Platon, les opi- nions qui lui conviennent, et c’est avec râison qu’on a dit de Jui : Philon platonise où Platon philonise ". Mais ce savant docteur, malgré sa célébrité, eut à supporter des contrariétés et des chagrins qui vinrent empoisonner la fin de sa carrière; loin d’applaudir aux efforts qu’il faisait, pour rap- procher l'Occident de l'Orient, les Juifs et les Grecs d'Alexandrie s’aigrirent mutuellement et finirent par s'attaquer avec la plus 1 Voyez Matter, 0. 1. Tome I, p. 223 et suiv. — Tennemann, o. |. Tomel, p. 258 et suiv. — Jonsius, 0. 1. IL, 4. — Fabricius, de Philone platonizante, in Fabricii op. Hamb. 1738. — Cudworth, Systema intellectuale, Ed. Mosheim , p. 826. INTRODUCTION. ol grande violence. Les deux partis s'étant accusés, Philon fut dé- puté à Rome, pour plaider la cause des Juifs auprès de Caligula ; mais ses talens, sa considération, tout fut inutile; le gouverneur de l'Égypte se prononça en faveur des Grecs !. L’historien Joséphe, qui séjourna quelque temps à Alexandrie, travailla aussi à la conciliation des partis et appartient pour cette raison à l’école judaïque. Toutefois, il quitta bientôt l'Égypte, pour se rendre à Rome, où il fut honoré de la protection de Ves- pasien et traité avec distinction. La secte judaïque eut sans doute de nombreux partisans ; mais Aristobule, Philon et Josèphe sont les seuls chefs dont l’histoire ait conservé le souvenir. Au reste, cette école n’en est pas moins une des plus importantes de toutes celles que l’on a fondées à Alexandrie après la naissance de Jésus-Christ ; son influence fut immense et dura plusieurs siècles; toutes les doctrines, qui ont, depuis cette époque, éié enseignées dans la ville des Lagides, lui doivent quelque chose, soit pour le dogme, soit pour la méthode ; nous n’exceptons de cette règle générale ni l’école chrétienne, ni le gnosticisme, ni la philosophie ammonio-plotinienne, qui ont fait à Philon de fréquens emprunts. Aussi, est-il impossible, sans une connais- sance approfondie de ses écrits, d'expliquer l’origine des diffé- rens systèmes qui se sont formés dans la capitale de l'Égypte, la manière dont ils se sont développés, les causes qui les ont préparés et les modifications qu’ils ont subies. Mais l'exposition 1 Voyez Philon. Legat. ad Caïum. — Josephus, Contra Apionem , archaeolog. XVII, 10. 52 INTRODUCTION. de la doctrine de Philon est encore un travail à faire. Espérons qu'il ne se fera plus long-temps attendre! S IL. École Chrétienne. La doctrine du Christ fut connue en Égypte depuis l’époque où elle commença à étre prêchée par les apôtres; mais ce n’est que vers le milieu du deuxième siècle que le christianisme eut à Alexandrie des écoles savantes, les seules dont il puisse être question dans cet ouvrage. On comprend facilement que la religion chrétienne, dès son établissement dans la ville des Lagides, dut avoir des docteurs chargés d’instruire les catéchumènes et de les préparer à rece- voir le baptéme, Mais cet enseignement se borna d’abord aux récits historiques et aux pieuses exhortations que faisaient les apôtres eux-mêmes. Car, primitivement, le christianisme n’eut pas à lutter contre les philosophes; les chrétiens avaient trop de confiance dans les promesses de leur divin maître, pour exami- ner et réfuter les doctrines profanes, qu’on exposait à Alexandrie, et les philosophes, à leur tour, regardaient les chrétiens comme une misérable secte de pauvres artisans, dont ils dédaignaient de combattre les opinions. Mais cet état de choses changea bientôt; plusieurs savans déser- térent le paganisme, pour embrasser la religion du Christ, et dès- lors les philosophes se virent dans la nécessité de s’opposer énergiquement aux progrès du christianisme. INTRODUCTION. 53 De leur côté, les chrétiens sentirent enfin le besoin de se dé- fendre contre les attaques multipliées dont ils étaient l'objet, et les docteurs païens, convertis au christianisme, soit pour louer leurs nouvelles croyances, soit pour engager les philosophes à suivre leur exemple, employèrent toutes les ressources du savoir humain , pour prouver l’excellence de la doctrine de Jésus-Christ. C’est ainsi que la religion fut réduite en système et que la science philosophique pénétra dans les sanctuaires de l’école chrétienne ou des saintes paroles”. Athénagore, d'Athènes, est le premier directeur connu de cette école ?. Ses études antérieures le rendaient très-capable de remplir ces fonctions; car, avant d’adopter la doctrine du Christ, il avait enseigné celle de Platon *. L'un des successeurs d’Athénagore fut saint Pantène, né en Sicile selon les uns, à Athènes selon les autres‘. Avant d’em- brasser le christianisme, il avait professé le stoïcisme ; les chré- tiens d'Alexandrie , appréciant sa supériorité, se réjouirent de sa 1 L'école chrétienne porte, dans les auteurs anciens, une foule de noms différens, qui ont été énumérés avec soin par M. Guerike. — Voyez son ouvrage intitulé : De schola , quae Alexandriae floruit catechetica commentatio historica et theologica. Halis Saxonum , 1824, pars prior, p. 8 et suiv. 2 On a long-temps regardé saint Pantène comme le premier directeur de l'école chrétienne et Athénagore comme son successeur ; mais M. Guerike a , dans l'ouvrage que nous venons de citer, démontré que ce dernier docteur a enseigné avant saint Pantène. — 7’oyez Guerike, o. 1., pars prior, p. 15 et suiv., et p. 21 et suiv. — Voyez aussi : Fragment de l’histoire chrétienne , de Philippe de Side (auteur du 5" siècle), à la fin des Dissertations de Dodwell sur Trénée. 3 Voyez Epiphan. hacres. 65. — Photius, cod. 234. 4 Voyez Guerike, 0.1., pars prior, p. 24 et suiv. Tom. IX. 8 54 INTRODUCTION. conversion et lui confièrent la direction de leur école; mais bientôt, à la prière de plusieurs négocians indiens, il consentit à les accompagner dans leur pays et quitta l'Égypte, laissant à ses disciples le soin d’y propager la religion du Christ. Saint Pantène n’a jamais rien écrit |. Le plus illustre représentant de l’école des saintes paroles fut sans contredit saint Clément d'Alexandrie, qui, malgré ce surnom, est né à Athènes ?. Il s’était d’abord livré avec ardeur à l’étude de la philosophie; mais il y renonça pour se vouer entièrement à la religion du Christ; c’ést alors qu’il parcourut la Grèce, Italie et quelques contrées de l'Orient. Il se fixa enfin à Alexandrie et les chrétiens de cette ville l’appelèrent à la tête de leur école. Plus tard , les persécutions de l’empereur Alexandre Sévère lui firent abandonner son enseignement et son disciple Origène le rem- plaça *. Saint Clément partage donc avec Ammonius-Saccas la gloire d’avoir instruit et formé Origène, le plus savant des chrétiens, qui éclipsa ses contemporains et ses devanciers, et qui laissa à la postérité l'exemple d’une prodigieuse érudition. Quoique ce cé- lèëbre docteur ait succédé à saint Clément dans la direction de l’école chrétienne, le plan que nous avons adopté en publiant cet ouvrage, nous empêche de parler ici de sa vie, de sa doctrine et de 1 Voyez Hieronym. de scriptor. eccles., ch. 38. — Le Nain de Tillemont, Mémoires pour l’histoire ecclésiastique. Tome INT. — Ditelmaier, Programma seriem doctorum in schola alexandrina sistens. Aldorf, 1746, in-4°. — Clemens Alexandrinus, Strom. 1, 274. ? Voyez Guerike , o. 1., pars prior, p. 30 et suiv. 3 Voyez Guerike, o. L., pars prior, p. 34 et suiv. INTRODUCTION. 5 LT ses écrits; car cette introduction, qui s'arrête à Ammonius-Sac- cas, ne comprend point les nombreux élèves de ce philosophe *. S IT. Gnosticisme. Le gnosticisme est la troisième doctrine qui se rattache au syncrétisme alexandrin; il est vrai qu’elle n’est pas originaire de l'Égypte; mais le gnosticisme qu’on y professa fut essentiel- lement différent de celui des diverses sectes, qui l’enseignèrent dans d’autres contrées; il a des traits particuliers qui le carac- térisent et qui lui sont propres; c’est donc avec raison qu’on peut le considérer comme une des écoles philosophiques ou théo- sophiques d'Alexandrie. Nous ne ferons pas ici l’énumération de toutes les sectes de gnostiques, qui se sont successivement formées dans la Pa- lestine, la Syrie, lAsie-Mineure et l'Italie *; elles sont tout- à-fait étrangères au sujet que nous traitons; notre but étant uniquement d'établir une nouvelle classification des écoles phi- losophiques et théosophiques d'Alexandrie, nous devons nous borner à indiquer les principaux partisans de la gnose, qui 1 Voyez Matter, o. l., Tome 1, p. 299 et suiv. — Tennemann , 0. 1., Tome], p. 268 et suiv. 2 Celui qui désire connaître ces diverses écoles doit consulter le premier volume de l'excellent ouvrage de M. Matter , intitulé : Æistoire critique du Gnosticisme. Paris, 1828, 3 vol. in-8°. — Voyez aussi Tennemann, 0. 1., Tome I, p. 243 et suiv. 56 INTRODUCTION. ont vécu dans la ville des Lagides et qui y ont exposé leurs doctrines. Basilide est le premier représentant du gnosticisme que nous trouvions à Alexandrie. Né en Syrie, il appartint d’abord à la secte gnostique, dont la Syrie judaïco-grecque fut le berceau ; mais bientôt ses goûts et ses études changèrent de direction ; il se rendit en Égypte vers la 125° année de l’ère chrétienne et y subit de telles influences, qu’il créa un nouveau système de gnosticisme; la secte à laquelle il donna naissance prit le nom de Basilidiens . Au reste, le gnosticisme était si conforme aux besoins et à l'esprit de cette époque, qu’on ne tarda pas à fonder à Alexan- drie plusieurs écoles, où il fut développé avec le plus brillant succès. Les plus connues sont : 1° Celle des Valentiniens, qui commença à être remarquée vers le milieu du Ie siècle de notre ère * 2° Les Ophites, ainsi appelés à cause du rôle important que le serpent joue dans leur système (5) * ; 3° Les Séthiens et les Caïnites ‘; 4° La secte de Carpocrate avec ses diverses branches ? Et 5° Les Agapètes *. l Woyez Matter, Âistoire critique du Gnosticisme. Tome IL, p. 37 et suiv., et p. 81 et suiv. — Mémoires de l’Académie des Inscriptions. Tome XXXI, p. 448. ? Woyez Matter, Æistoire du Gnosticisme. Tome II, p. 101 et suiv. 3 Voyez Matter, même ouvrage. Tome Il, p. 184 et suiv. 4 Voyez Matter, même ouvrage. Tome II, p. 251 et suiv. 5 Woyez Matter , même ouvrage. TomeIl, p. 261 etsuiv. 5 Voyez Matter, même ouvrage. Tome, p. 310 et suiv. INTRODUCTION. 57 S'IV: Philosophie Ammonio-Plotinienne. De toutes les écoles philosophiques ou théosophiques d’Alexan- drie , il n’en est sans doute aucune qui soit pour nous plus impor- tante que celle qui fut créée par Ammonius-Saccas et continuée par ses élèves. | Ces philosophes sont généralement appelés néo-platoniciens ; mais nous avons déjà fait remarquer que cette dénomination nous paraissait inexacte ; car c’est une erreur de s’imaginer que leur système n’est que celui de Platon renouvelé sous d’autres formes; si l’on y trouve des principes qui se rapprochent des idées du fon- dateur de l’Académie, il n’en est pas moins vrai que ces analogies, quelque frappantes qu’elles soient, sont plus rares qu’on ne sem- ble le croire. D'ailleurs, il est probable qu'Ammonius-Saccas, loin d’avoir puisé sa doctrine dans les écrits de Platon , ne les a pas même lus. Nous avons donc adopté l’expression de philosophie ammonio-plotinienne , employée pour la première fois en 1820 par M. Matter et admise également par Bouterwek en 1821. Au surplus, ce mémoire étant spécialement destiné à faire connaître la vie et la doctrine du Saccophore, nous nous abs- tiendrons d’entrer ici dans des détails qui sembleraient dépla- cés; nous nous contenterons d'ajouter que ce célèbre philoso- phe compta toujours de nombreux auditeurs, parmi lesquels il faut surtout distinguer Plotin, Érennius et Origène le païen, les seuls qui aient été admis à ses conférences secrètes ou à son enseignement ésotérique ; car, quant à Longin, Origène le chré- 58 INTRODUCTION. tien, Antonius , Héraclas et Olympius, il parait qu'ils n’ont par- ticipé qu’à son enseignement public ou exotérique . Nous venons d’énumérer toutes les écoles philosophiques et théosophiques d'Alexandrie. On peut maintenant juger si la nou- velle classification que nous proposons est de nature à faciliter l'étude des doctrines qu’elles ont professées et que l’on a presque toujours ou mal comprises ou mal interprétées, parce qu’on n’a jamais cessé de les confondre. Pour rendre notre travail plus utile et plus complet, nous avons Joint à cette introduction un tableau synoptique offrant, dans son ensemble, la série des différentes sectes, qui ont en- seigné en Égypte, avec le nom des principaux savans, qui les ont représentées dans la ville des Lagides. 1 Voyez Matter, Essai historique sur l’école d’ Alexandrie. Tome I, p. 305 et suiv., et tome IL, p.235 et suiv., et p. 257 et suiv. Legs is. . sy-fnien-diit INTRODUCTION. TABLEAU SYNOPTIQUE 59 Des différentes sectes philosophiques ou théosophiques qui ont enseigné à Alexandrie des doctrines PÉRIPATÉTICIENS. PLATONICIENS. STOÏCIENS, ÉPICURIENS. étrangères ou qui y ont professé des systèmes créés dans cette ville. DEPUIS LA MORT D'ALEXANDRE-LE-GRAND JUSQU'AU COMMENCEMENT DE L'ÈRE CHRÉTIENNE. (Depuis LAN 325 AVANT 3ÉSUS-CHRIST JUSQU'A L'AN 1 DE NOTRE RE.) N. B. Pendant toute cette période, on n'a enseigné à Alexandrie que des doctrines étrangères Démétrius de Phalère. Straton. Erasistrate. À Aristote, fils d’Érasist Callimaque. Dromon. Diophante. Agatharchide. Aristobule le juif. Tyrannion le jeune. Ératosthène. Héraclite de Tyr. Ariste, Ariston. Dion d'Alexandrie. Philostrate l’ainé. Clitomaque. Philon le grec. Diodore Cronos. Posidonius. Sphérus Sotion. Satyrus Colotès. U a existé, en outre, Re Antiochus, l’auteur d’un nouvel éclectisme. partisans d'Épicure, qui portaient l’un et l’autre le nom de Ptolémée. PREMIÈRE PÉRIODE. a © ie 5 | Théodore l’athée. 2: 53( Evhémère (?). £ ° $] Anniceris de Cyrène rate, = = Y 5 € £ Sotades. > Démétrius. = Timarque. Es © SCEPTIQUES. Diodore Cronos. Stilpon. SECTE ÉCOLE ÉRÉTIIARIQUE. ÉRISTIQUE. nicien. deux philosophes HÉGÉSIAQUES. Timon le Phliasien. Euphranor de Séleucie. Eubulus. Ptolémée. Ménédème qui fut en même temps plato- Hégésias, le reiciéy2Tog et une foule de partisans de son système, qui se sont ôté la vie, après avoir écouté les leçons de leur maître, l’orateur de la mort. 60 INTRODUCTION. SECONDE PÉRIODE. DEPUIS L'AN Î DE L'ÈRE CHRÉTIENNE JUSQU'A LA MORT D'AMMONIUS-SACCAS OU LE SACCOPHORE. (DE L'an 1 À L'an 244 où 245 après JÉSUS-CHRIST. ) A. — Tableau des doctrines étrangères, qui ont été enseignées à Alexandrie, pendant la seconde période de son histoire PÉRIPATÉTICIENS « B. — Tableau des systèmes, qui ont pris naissance À Alexandrie et qu'on peut appeler du nom de doctrines philosophiques ou théosophiques d'Alexandrie. ÉCLECTISME. Sosigène d'Alexandrie. Xénarque Boéthus Ariston d'Alexandrie. Eudore d’Alexandrie. Alexandre d’Aphrodisie. Alexandre d’Evée, instituteur de Néron. Adraste d’Aphrodisie. Apollonius, frère de Sotion. Eudème. Straton. | maîtres de Strabon. Æ =, à Potamon d'Alexandrie. E a 5 Es Péripatéticien Strabon. et si Stoïcien. ; 5 Péripatéticien 3 Ammonius. et Fe Platonicien. A el £ Euphrate d'Alexandrie }_ Platonicien surnommé Stoïcien le Syrien. SYNCRÉTISME. STOÏCIENS. SCEPTIQUES. Chérémon, autre instituteur de Néron. Dionysius, disciple de Chérémon. Théon d'Alexandrie. Aréas , l'ami d’Auguste. Aenésidème. Sextus l'Empirique (l Aristobule le juif. ( Ce philosophe appartient à la première période.) Philon le juif. Josèphe l'historien. ÉCOLE JUDAÏQUE. Athénagore. Saint Pantène, Saint Clément d'Alexandrie. Origène,disciple d’Ammonius-Saccas. ÉCOLE CHRÉTIENNE, Basilide et Basilidiens. Valentin et Valentiniens. Ophites. x Séthiens et Caïnites, Carpocrate et Carpocratiens. Agapètes. GNOSTIQUES, Ammonius-Saccas ou le Saccophore. Plotin. Origène le chrétien. Olympius d'Alexandrie. Origène le païen. Antonius. Longin. Érennius. Héraclas. ÉCOLE AMMONIO- PLOTINIENNE, ESSAI HISTORIQUE SUR LA VIE ET LA DOCTRINE D’AMMONIUS -SACCAS. PREMIÈRE SECTION. BIOGRAPHIE DE CE PHILOSOPHE .. Quoique le programme de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres n’exige pas qu’on écrive la vie d’Ammonius-Saccas, cependant, pour donner plus d'intérêt à notre travail, nous avons cru devoir consigner ici tous les renseignemens qui nous ont été conservés par les anciens sur ce philosophe. Il est des personnages que le moindre détail, qu’une simple 1 Nous nous sommes servi, pour écrire ce Mémoire , d’une langue vivante; l'usage consacré par presque tous les auteurs, qui envoient des ouvrages aux concours de l'Académie , nous en faisait en quelque sorte une loi ; toutefois, quoique nous n'ayons pas eu recours à la langue de Cicéron, nous avons pris pour modèles, dans nos Recherches sur la vie et la doctrine d’ Ammonius-Saccas, les excellentes dissertations Tom. IX. 9 62 VIE ET DOCTRINE particularité servent à faire connaître; chaque trait est si carac- téristique, qu’il contribue puissamment à nous mettre à même de juger de leur manière de voir et de penser. Ammonius-Saccas est de ce nombre; ses contemporains et ses successeurs, il est vrai, en ont rarement parlé; mais quoique les passages où il est fait mention de ce philosophe, soient sans contredit bien peu nombreux, cependant il est d'autant plus in- dispensable de les rassembler , de les coordonner et de les ana- lyser, en éclairant cette discussion des lumières d’une saine critique, qu'ils nous aideront à découvrir des faits de la plus haute importance. En effet, qu'on étudie bien ces passages, qu’on ait soin de les comparer entre eux et l’on pourra déjà de cette manière se former une idée assez exacte d’une doctrine, qu’on a toujours jusqu’aujourd’hui regardée comme presque in- trouvable, parce que, d’un côté , Ammonius n’a jamais rien écrit latines publiées par quelques élèves formés à l’école du célèbre Wyttembach; celles dont nous avons adopté de préférence le plan et la méthode, sont les suivantes : 1° Celle de P. Nieuwland , de Musonio Rufo ; 2 Celle de J. Bake, de Posidonio; 3° Celle de G. L. Mahne, de Aristoxeno; 4° Celle de Van Lynden, de Panaetio ; 8° Celle de Van Huisen Peerlkamp, de Musonio Rufo. Nous en avons en outre lu beaucoup d’autres; nous citerons surtout : 1° Celle de G. J. Martini, de L, Annaeo Cornuto ; 2 Celle de D. Van De Wynpersse , de Xenocrate Chalcedonio ; 30 Celle de Nic. Posthumus, de Cratete Cynico ; 4° Celle de Verburg, de Carneade Romam legato. Nousne saurions assez recommander à ceux qui se proposent de publier des mono- graphies semblables, la lecture de toutes ces dissertations ; elles sont écrites dans un style pur et leurs auteurs font constamment preuve de beaucoup de talent et d’une D'AMMONIUS-SACCAS. 63 et que, d’autre part, Plotin, son disciple chéri et son ami intime, qui a transmis à la postérité le système complet de l’école à la- quelle il était attaché, ne cite jamais le nom de son maitre, quoiqu'il soit incontestable que les Ennéades contiennent l’en- semble de ses opinions et de ses principes. CHAPITRE PREMIER. LIEU DE NAISSANCE D'AMMONIUS-SACCAS. —— SES SURNOMS. —— SA PREMIÈRE PROFESSION. Ammonius est né à Alexandrie, où il reçut, dans sa jeunesse, les surnoms de Saccas et de Saccophore, surnoms qu'il n’a Jamais perdus et qui servent encore à le distinguer d’une foule de savans du même nom. Voici ce qu’en dit Ammien Marcellin : : Sed Alexandria ipsa non sensim, ut aliae urbes, sed inter critiqueexercée. Ces sortes de mémoires sont d'autant plus précieux, qu'ils offrent les matériaux nécessaires pour composer une bonne histoire de la philosophie, et il est à désirer que l’on imite, comme on le fait depuis plus de dix ans à l’université de Louvain, la savante école fondée par Wyttembach. Déjà cette université a produit plusieurs élèves d’un grand mérite, qui ont écrit des dissertations fort remarquables sur des sujets analogues; telles sont : lo Celle de M. Baguet, de Chrysippo; 2° Celle de M. Roulez, de Carneade ; 3° Celle de M. F. Thiery, de Diogene Babylonio, Et 4° celle de M. E. Deswert, de Heraclide Pontico. Ces philologues distingués ont rendu à la littérature ancienne et surtout à l’histoire de la philosophie, le service de faire revivre la mémoire de quatre philosophes con- damnés jusqu'ici à un oubli aussi long qu’il était injuste. 1 Voyez Ammianus Marcellinus. Lib. XXII, cap. 16, $$ 15-16, ibique interpretes et inprimis Valesius. 64 VIE ET DOCTRINE initia prima aucta per spatiosos ambitus, internisque sedi- tionibus diu aspere fatigata, ad ultimum multis post annis Aureliano imperium agente, civilibus jurgiis ad certamina in- terneciva prolapsis, dirutisque moenibus, amisit regionis mazimam partem, quae Bruchion appellabatur, diuturnum praestantium hominum domicilium. Unde Aristarchus, qram- maticae rei donis excellens et Herodianus artium minutissimus sciscilator et Saccas Ammonius, Plotini magister…… On voit par ce passage, que notre philosophe fut toujours compté au nombre de ceux qui se sont le plus illustrés à Alexan- drie par leurs talens et leurs connaissances. Le Bruchion, qu'Am- mien Marcellin appelle la demeure des hommes d’un mérite éminent, doit s'entendre du quartier d'Alexandrie où était situé le Musée ou plutôt du Musée même, que les Lagides avaient ouvert dans leur capitale aux savans de toutes les nations et où l’on en- seignait non-seulement toutes les doctrines philosophiques ou théosophiques, mais encore toutes les autres branches du savoir humain, telles que les mathématiques , la médecine, l’histoire naturelle et surtout la philologie, dont cette ville fut le ber- ceau.. Suidas * confirme en ces termes le fait rapporté par Ammien Marcellin : ‘Apps, quécopos "Aeadpede , o érmnSei Sexe. Dans un autre passage, le même auteur nous apprend qu’Ammonius por- tait encore le surnom de Saccophore, qui, du reste, a la même ! Woyez sur le Musée des Lagides, Matter, Essai historique sur l’école d’Alexan- drie. Tome J, passim. ? Voyez Suidas, ss, vv. ‘Auuérs et Qpryéys, tbique interpres Kusterus. D'AMMONIUS-SACCAS. 65 signification que Saccas! : IMurivoc » PASNTRS Appoéos TOD Run yEvouÉvoy Gax.0p6pO. Lorsque lon voit un surnom aussi bizarre que celui de Sacco- phore donné à un philosophe aussi célèbre qu'Ammonius, on se demande naturellement quelle en est l’origine. Et en eflet, il est vraiment curieux de savoir ce qui le lui a valu. Un auteur ancien, Théodoret, rapporte qu'Ammonius n’em- brassa la profession de philosophe qu'après avoir abandonné les sacs, dans lesquels il avait coutume de transporter le froment. Voici ses propres paroles * : ér rirw à (il veut désigner l’em- pereur Commode ) Apps, o entdmy Zouräc, Todc coxnos 2aToimOY, dc petépepe Tobs mupoëc, Toy quécopoy) noréaaco (Boy à Ainsi voilà un porte-faix, qui quitte son métier, pour se livrer à l'étude des sciences spéculatives. De prime abord, on doit sans doute s'étonner de voir un porte-faix devenir un des philosophes les plus renommés de son siècle et fonder une école, qui eut tou- jours Wd’illustres représentans non-seulement à Alexandrie, mais encore à Rome et à Athènes. Cependant, quand on y réfléchit bien, il n’y a rien de surprenant dans ce phénomène, qui, au premier aspect, semble si extraordinaire. Les modernes tombent souvent dans de graves erreurs, parce qu'ils ont l’habitude de juger les anciens d’après ce qui se passe sous leurs yeux. De nos jours, les porte-faix ne deviennent plus 1 Voyez Suidas, s. v. IHAorios, thique idem interpres. ? Voyez Théodoret, @cpareur. Serm. IV. Tome VI, p. 573. * Les anciens appelaient oxxxégops1, saccarii, les personnes que nous désignons aujourd’hui sous la dénomination de porte-faiz. — Cf. Codex Theodosian. tit, de saccariis urbis Romac,. XIV, 22, ibique Gothofredus. 66 VIE ET DOCTRINE tout à coup et comme par enchantement, des philosophes cé- lèbres et des chefs d’école. Pour mériter ce titre, il ne suffit pas aujourd’hui de posséder d’immenses connaissances que l’on n’ac- quiert qu’à force de travail et que l'éducation négligée du porte- faix ou plutôt l'absence de toute éducation ne lui permet point d’amasser; il faut encore joindre à l’érudition et à la science un génie supérieur, capable de planer sur toutes les doctrines con- nues et de créer un nouveau système. Mais il n’en était pas de même anciennement et surtout à Alexandrie, dans les premiers siècles de Père chrétienne. Si nous étudions avec soin l’esprit et la tendance de cette époque , nous nous expliquerons sans peine comment il a pu se faire qu'Ammonius, en renonçant à son état de porte-faix, se soit rendu, par son enseignement, un des phi- losophes les plus fameux de son temps. Nous avons vu, dans l’introduction à cet ouvrage, la véritable origine du mysticisme philosophique et théosophique d’Alexan- drie; nous savons que des physiciens et des médecins empiriques, après avoir été matérialistes et même sensualistes, se mirent à professer le scepticisme et à l’enseigner avec une sorte d’enthou- siasme; refusant toute espèce d'autorité à la raison , ils avaient pour but de la dépouiller de Pempire qu’elle avait, durant tant de siècles, exercé sans rivale dans le domaine de la philosophie; ils firent, pour l’atteindre, de nombreux efforts, qui ne restèrent point sans résultat; car ils parvinrent, par leurs leçons et leurs écrits, à jeter tant de défaveur sur les voies rationnelles, qu’on finit par dédaigner de s’en servir. Mais l’esprit humain ne pouvait se voir avec indifférence condamné à une ataraxie complète, à une abnégation absolue de lui-même. Or, le scepticisme ayant D'AMMONIUS-SACCAS. 67 triomphé de tous les systèmes , après les avoir tous détruits, il ne restait plus à l’intelligence, pour manifester son activité, qu’un seul moyen, c'était de se plonger dans le mysticisme, c'était de recourir à des extases, c'était en un mot, de chercher à découvrir la vérité sans le secours de la raison et d’aspirer à des intuitions immédiates de la Divinité. Les doctrines /héosophiques et le su- pernaturalisme, tels sont les besoins, tel est le caractere distinctif de cette époque de décadence pour la philosophie rationnelle '. Cette manière de philosopher, il faut bien en convenir, était assez facile à mettre en pratique. Elle n’exigeait en effet aucune des conditions qui sont aujourd’hui indispensables , pour mériter le nom de philosophe; il suffisait d’être doué d’une imagination vive et brillante et d’avoir de fréquentes extases ; à l’aide de ces ressources, on prétendait découvrir des vérités que la raison est trop faible pour révéler aux hommes. Est-il étonnant, après cela, qu’Ammonius, qui avait été porte-faix jusqu'alors, se soit acquis, comme philosophe, une immense réputation et qu’il ait même établi à Alexandrie une école, qui devint aussi célèbre que son illustre fondateur ? Ce phénomène , inexplicable de prime abord, doit cependant nous paraître d’autant moins extraordinaire, que nous connaissons maintenant l'esprit du siècle, où le Saccophore a vécu et que nous avons déjà pu comprendre, en lisant lintro- duction à ce mémoire, qu'il a professé une doctrine syncrétiste, dans laquelle il combinait le rationalisme grec avec le superna- turalisme oriental. 1 Voyez Heynius, disputatio de genio soeculi Ptolemaeorwm , dans ses opuscul. acad. Tome, p. 83 et suiv., et p. 112 et suiv. 68 VIE ET DOCTRINE D'ailleurs, Hiéroclès confirme les faits que nous venons d’a- vancer et les conséquences que nous en avons déduites, lorsqu'il dit en parlant d’Ammonius! : os App, To Seodidéurou oùtos yap Rpôtos EVSouctiGas mpèc (To This quocopias ain n.T.À. D'abord, par le mot 5x, Hiéroclès fait entendre qu'Am- monius n’a jamais eu de maître, mais qu’il a été instruit par Dieu lui-même. Nous n’ignorons pas sans doute que les philo- sophes de cette époque se paraient souvent de titres pompeux, sans trop faire attention à la signification des termes dont ils se servaient ; mais l’épithète de 59%, dont l'emploi est suffisam- ment justifié par la première profession d’Ammonius, semble lui avoir été donnée à dessein et renfermer le sens que nous y atta- chons. Au reste, il existe dans le passage de Hiéroclès un autre mot, qui prouve à l'évidence que le Saccophore était partisan passionné du mysticisme; en effet, ce n’est point la raison qui fait naître en lui le goût de la philosophie; il y est, au contraire, porté par une 2nspiration divine (#Somäsas) ?. Quoi qu'il en soit, n'oublions point qu'Ammonius fut long- temps porte-faix avant de se livrer à l’étude des sciences spécu- latives; car, il sera nécessaire de nous rappeler avec soin cette circonstance importante, lorsque nous essaierons d'indiquer les sources où ce philosophe a pu puiser sa doctrine *. 1 Voyez Hieroclès, de Providentia apud Photium, biblioth. cod. 251. col. 1381. (Edid. Dar. Hoeschelius, latine red. Scholtus , 1612). 2 Voyez s.v. Ammonius, les Dictionnaires de Bayle et de Moreri, qui donnent au mot Sediduxro une signification toute différente de la nôtre, mais qui nous parait s'écarter du sens qu’il a dans le passage de Hiéroclès. 3 Voyez Jonsius, De scriptoribus historiae philosophicae, II, 13, 3. — Bayle, D'AMMONIUS-SACCAS. 69 CHAPITRE Il. QUELLE FUT LA PREMIÈRE RELIGION D’AMMONIUS=SACCAS ?—MOURUT-IL CHRÉTIEN OU ABANDONNA-T-IL LE CHRISTIANISME ? Ammonius-Saccas, élevé dans les doctrines du christianisme, est-il mort chrétien ou a-t-il déserté sa religion, pour embrasser la profession de philosophe ? Cette question a le privilége d’oc- cuper, depuis long-temps, tous les esprits et d’être un sujet de discussions continuelles parmi les savans ; toutefois il ne faut pas s'étonner de l'importance qu’on y a toujours attachée ; car la ma- mère dont on doit résoudre ce problème peut, jusqu’à un cer- tain point, nous donner une idée générale des principes que le Saccophore a développés à Alexandrie. En effet, s’il n’a jamais renié la religion du Christ, il est impossible qu’il ait enseigné des doctrines hostiles au christianisme, et si cela était démontré, il serait permis de tirer de ce fait la conséquence toute naturelle que les Ennéades de Plotin contiennent bien peu d'opinions, qu’il soit raisonnable d'attribuer à son maître. Mais si, au con- traire, il était prouvé que notre philosophe eût renoncé à sa pre- Dictionnaire, s. v. Ammonius. — Olearius, Dissertatio de eclecticis, cap. 3. — Cet ouvrage se trouve à la fin de la traduction latine de Stanley. — Pagius , Annal. ad an. Chr. 232, $ 4. — Mosheim, Znstitut. histor. eccles. p. 120 et suiv. — Idem , de turbata per Platonicos ecclesia ; $ 7, sqq. — Valesius ad Ammian. Marcellin. Lib. XXII, cap. 16. — Burman, ad Petron., p.234. — Colomesius, ad Gyraldi dialogos de poetis, p. 163, confond le mot £:4:%ç avec Séx;, qui sert à désigner un Barbare , un Thrace ou un Scythe.— P. J.Schardam, ou plutôt Ruhnkenius, Dissertatio philologica de vita et scriptis Longini, dans l'édition de Longin publiée en 1809, à Leipzig, par Weiske, p. LXXIIT, sqq. Tom. IX 10 70 VIE ET DOCTRINE mière religion, pour se Live à l'étude des sciences spéculatives, on aurait le droit d’en conclure qu'il a très-bien pu enseigner la doctrine des Démons, divulguée par Origène le païen, et com- battre les dogmes du christianisme; il y a plus, il ne serait pas méme très-difficile, si cette vérité était bien établie, de recon- struire, au moyen des renseignemens que nous fournissent les auteurs anciens, presque tout le système qu’il a professé dans la capitale de l'Égypte, aux applaudissemens d’un auditoire tou- Jours nombreux. Il n’est donc pas surprenant que cette question offre tant d’in- térét à l'historien de la philosophie, et que la critique en ait fait, depuis la mort d’Ammonius , l’objet constant de ses investiga- tions. 4 Nous venons, à notre tour, essayer d'analyser ce problème et de terminer une foule de discussions qui sont loin d’avoir éclairci ce fait historique. Les savans, qui ont cherché à l’expliquer, ont émis des opi- nions diamétralement opposées ; les uns en effet soutiennent qu'Ammonius est mort chrétien; les autres prétendent au con- traire, qu'il abandonna sa religion, lorsqu'il commença à étudier les doctrines philosophiques que l’on professait depuis plusieurs siècles au Musée des Lagides. Les premiers se fondent sur un passage d’Eusèbe ; leurs adversaires s'appuient de lautorité de Porphyre, disciple et ami intime de Plotin, qui fut l'élève de prédilection du Saccophore. Qu'on nous permette d’abord, afin de poser nettement la ques- tion, de faire connaître le texte grec des passages de ces deux auteurs. D'AMMONIUS-SACCAS. 71 Voici celui de Porphyre’ : z%e & poySnpirs rüv Tondius ypagiy où anégranu" dau Œ TiVES edpetu peut En éfrpisus Étpärovre dovyrhosteus F2 24 GVApUÉTTOLS TOiG 7 paapévas * oÙx éroeyta palier UTO- Ty SDEUY, ra padoy ny D aa Eromoy Tûs oistols GEpoUGas drypare Yap Tà gaspüs ape Moïse eysusx sa toprésayres val ÉRSeuTavtes ds Seoniquare Rhpr HEDGLOY pouarnpioy ; la te Toi TÜpo TO x ph This VuyñS HATOYONTEUTONTES , ER cye5, cu EÉmyioes". © Où Téne Tic areas £Ë àvopèc où ap tapud7 véos Gv Ete évrerymta, Lei edoetuisartos" Lai Etc à 6 atome Dryypapuaruv cduobvcos rageoSc Q Opryévons , c vdéos 5 Tata Toic ddaraidous zobra 6 Iéyoy Ep dadédoTor. Azpoar} nc 74P oTce "Appoyio roû reiorny Ep Toi aS qu%s ApÉvastémidonty Ey guoncoix Écynmétes yeyobs" els pèy Th uv léyay Épretpies ; roy Tapà zod Ddarnähoo Tv dpi Extiaazo: els dE: Ty GPS Ted Bio TPCAIPET, Ti TIR éxetr roù Bces pete énoricare. Appice pè v3P APITTLNèc Ed ypisticte Toi Voveboly avar panels, GTE ob poyEy tai The goacatas rÜate, évOdc 1 Voyez Porphyrius adversus Christianos , lib. Ill, apud Eusebium, Hist. eccles., lib. VI, cap. 19, shique interpres V'alesius. — Comme ce passage est assez long, nous croyons devoir joindre au texte grec , la traduction latine de De Valois. La voici : Quidam nequitiae judaïcarum scripturarum solutionem potius quam desertionem investigare cupientes, ad expositiones quasdam conversi sunt male incohaerentes, nec scripturis ipsis satis accommodatas, quae non defensionem peregrinae illius sectae, sed potius approbationem et laudem suae ipsorum doctrinae continerent. Postquam enim ea quae a Mose apertissime dicta sunt , fiquras quasdam atque adumbratas imagines esse jactarunt ac veluti oracula arcanis plena mysteriis divino quodam cultu prosecuti sunt, hujusmodi vanitatis praestigiis mentis acie quodammodo fascinata , expositiones suas deinceps proferunt. Hujus autem absurditatis exemplum sumatur ex eo viro quem ego admodum adolescens videre memini, qui et tunc temporis mazimam laudem adeptus fuerat et nunc quoque ob ea quae reliquit ingenii sui monumenta magnopere compro- batur, Origenes scilicet, cujus gloria apud doctrinae hujus magistros eximia habetur. Hic enim cum auditor fuisset Ammonii illius, qui nostra aetate maximos progressus in philosophia fecerat; quod quidem ad doctrinam pertinet philosophiae, plurimum ex magistri sermonibus profecit; quod vero spectat ad rectum vitae institutum atque propo- situm, plane contrariam viam ingressus est. Quippe Ammonius cum christianus inter parentes christianos educatus fuisset, simul atque per aetatem sapere potuit et philoso- phiae limen attingere, statim ad vivendi rationem legibus consentientem descivit ; 72 VIE ET DOCTRINE TPÈS TA AATA VOUOLS TorEtoy pecebdhere "Opryévns "EX &v "Emo moudtuSeis Méyois mpèc To Éäpéaper éEcxede réhunua o ) 0 pÉpaY TOY TE Kai Thy EV Toïs héyors £Eu Éxamnheuge* AOTX pe rèv. (Biou xeTTuves ÉGy ra rapayiuas" xaTx À tas TEPÈ TOY TPAyUATUY Ha roù Setou D£as Hmiboy ze vai ra Elrvoy voic oSvetois ÜroBaMôuevos (Sois auviy te yap ds To IDärov vois te voù Nouumvicu vai Kpoviou” AroMopävous te #a Aoyyiyou ai Mopére, Naouxyos te nai Tüy éy Tois TuSayopeios EMoyiumy dvopüy wpiler GuyypéuaTuy* ExpnTo À xaù Kouguovos tod aruixo5 , Koupvobron ve taïs Piflas: map @y TÔV JETAANTTHÔY TOY rap "Else pootiploy yods Téro , Taie Toydiras TPÉNLE ypapoñs. Voici maintenant le passage où Eusèbe réfute, en termes un peu virulens, l'opinion de Porphyre’ : EranSeser pèy mp vi TévOpès aTHsEns Aa ToAUa dE deusauéve) dè gapüc ‘| TE yap oÙx Epeley © HaTX XpioTuvGv" y dis adrèv péy onu €Ë Evo D nn gen rèv d'Aupaoy Ex (Blou tob nat Tv SeoséfBeuav, ÉTt Toy ÉdUmOY TOY ExTÉGEV" o TE yap "Opryéver TX TS HAT Xpusroy darnallas Ex Rpoyéoy écubero' dc al Tà Thc TPÉTŸE iatoplas Ed cu * To TE Appovio Tæ Ths EvSéoo phoropias drépuia al ddrtwTa, nai UÉYpis Sexe Toÿ Bio dépeve reheuths ds mou rai oi Tavdpès eicéte vo uaprüpodu mévo, à y ratée auy- Origenes vero cum gentilis esset et gentilium innutritus disciplinis, ad barbaram decli- navit audaciam : cui se ipsum mancipans et se quem adeptus fuerat usum in philosophia adulteravit ; quantum quidem ad mores, christiano rètu et adversus lequm praescripta vivens ; quantum vero ad opiniones de rebus ipsis ac de Deo spectat, graecissans et Grac- corum seu gentilium sermones peregrinis supponens fabulis ; versabatur enim assidue cum Platone ; Numenii quoque, Cronii, Apollophanis et Longini, Moderati etiam ac Nico- machi et aliorum , qui inter Pythagoricos praecipui habentur scripta quotidie in manibus habebat. Adhibebat etiam Chaeremonis stoïci et Cornuti libros ; a quibus cum allegoricum in explicandis Graecorum mysteriis modum didicisset, eum Judaïcis scripturis adhibuit. 1 Voyez Eusebius, Æistor. eccles., lib. VI, cap. 19, ibique V'alesius. — Nous allons également donner , d’après De Valois, la traduction latine de ce passage : Qui (Porphyrius) de viri quidem illius studio et multiplici doctrina verissime pronun- Liavit ; sed in eo manifestissime mentitus est (quomodo enim non mentiretur qui adversus christianos scribebat) quod ipsum quidem a gentilibus ad christianos transisse dicit ; Ammonium vero a veri Numinis cultu ad gentilium ritum se contulisse. Nam et Origenes christianae fidei doctrinam a majoribus suis acceptam servavit ut in superioribus osten- dimus ; et Ammonius divinae philosophiae praecepta ad extremum usque vitae terménum integra atque immota retinuit. Testantur ctiamnum lucubrationes viré tllius ob ea quae PET D'AMMONIUS-SACCAS. 75 YPALUATOY Tapà Tois TAELTTOIS cddrauoüyres * WITEP oùv x) à éncyeypapévos TER Ths Moÿséoc 20) 1705 CUUÇuVIXS ; ai 630 ado TapX Toic quordos eDpnyTa. Toûro pv oùv sic TapÂTTaGY EPLEGÈO , TAG TE ToÙ bd QUAOPAUTIAS ; Ka TRS Opryévevs za ED TX ‘Ervoy paSiuara Tours Ces deux citations sont, nous l’avouons, un peu longues; mais nous ayons pensé qu’il était indispensable de rapporter ces pas- sages en entier et sans y introduire aucun changement, parce que chaque ligne, chaque mot contient des éclaircissemens qui peuvent nous aider à découvrir la vérité au sujet du fait histo- rique qui nous occupe et qui fut si long-temps controversé. D’ail- leurs , nous avons voulu mettre sous les yeux de nos lecteurs toutes les pièces du procès que nous nous proposons d’instruire, afin qu’ils pussent, avec connaissance de cause, vérifier si notre Jugement est conforme à l’histoire. On voit, en lisant les deux fragmens que nous venons de re- produire , que, d’un côté, Porphyre prétend qu'Ammonius a renié la religion du Christ, pour se livrer à l'étude de la philo- sophie, tandis que, d’autre part, Eusèbe soutient (nous tradui- sous littéralement ses propres paroles) que Porphyre en a évi- demment menti. Tel est, en dernière analyse, le véritable état de cette question, qui a paru jusqu'ici presque insoluble, parce qu’elle dépend du degré de confiance que l’on accorde de préférence soit à Por- phyre soit à l’historien ecclésiastique. reliquit ingenii monumenta celeberrimi; exempli gratia , liber slle cu titulus est : De consensu Mosis ac Jesu ; et quicunque alii apud studiosos reperiuntur. Atque haec a nobis dicta sint, tum ad convincendam mendacissimi hominis calumniam , tum ad ezimian Origenis in Graecanicis disciplinis eruditionem declarandam . 74 VIE ET DOCTRINE Nous allons maintenant examiner les discussions’ que ce pro- blème a soulevées parmi les savans, sans toutefois nous astreindre à analyser minutieusement les opinions aussi nombreuses que divergentes, qui ont été émises à cet égard; ce serait en effet descendre dans des détails que limportance de la question ne saurait justifier ; car ils ne contribueraient en rien à éclaircir le fait historique dont il s’agit. Nous nous bornerons à faire con- naître le jugement qu’en a porté l’auteur de l'Histoire de l'éclec- tisme, qui peut, en quelque sorte, représenter tous les partis, puisqu'il a embrassé la question dans toute son étendue ’. Nous n'avons pas même l'intention de discuter toutes les opinions ni de réfuter tous les argumens de cet écrivain; car il en est de si puériles qu’ils ne méritent aucune attention. Nous nous conten- terons d’énumérer les moins faibles et les plus spécieux, en y joignant les réflexions qu’ils nous suggèreront : Pour prouver avec Eusèbe que Porphyre ex a évidemment menti, en affirmant qu'Ammonius a abandonné le christianisme, voici comme il raisonne : © À qui, dit-il *, ajouter foi du phi- » losophe platonicien (Porphyre) ou de l’historien ecclésiasti- 1 Cet ouvrage est moins une histoire de l’éclectisme qu'une réfutation de Brucker et de l’article Éclectisme de l'Encyclopédie de Diderot. Beausobre a toujours été regardé comme l’auteur de ce livre. Mais on sait maintenant qu'il est de l'abbé Guillaume de Maleville.— Voyez Barbier, Dictionnaire des Anonymes et des Pseudonymes , n° 7323. L'abbé Maleville, outre la partialité dont il ne cesse de faire preuve dans cet ouvrage, semble avoir écrit sans remonter aux sources , sans étudier les faits qu'il raconte ou qu'il interprète et sans invoquer, pour établir ses jugemens, le secours d’une saine critique. Aussi n'est-ce pas son histoire qu’il faut consulter , pour acquérir des données certaines sur la philosophie éclectique. 2 Voyez Histoire de l’éclectisme, par l'abbé Guillaume Maleville, 2 vol. in-12. Avignon , 1766, Tome I, p. 12 et suiv. 2 V2 © D’AMMONIUS-SACCAS. 75 que ? Décidons-nous par une réflexion bien simple. On ne pouvait pas avoir oublié à Alexandrie, quelle avait été la reli- gion d’Ammonius. C'était un des plus célèbres philosophes. Il y avait introduit une nouvelle méthode de philosopher , ébauchée seulement avant lui, ou il l'avait beaucoup perfec- tionnée. Ammonius l’y avait enseignée très-long-temps à une grande affluence de disciples. S'il était chrétien, il avait semé dans ses lecons des choses favorables aux dogmes du chris- tianisme. Ainsi les chrétiens devaient en avoir un très-cher souvenir. Ce qu’en dit Eusèbe conduit à cette idée; si au con- traire, il a été tel que nous le peignent Brucker et l’encyclo- pédiste (c’est-à-dire, apostat), il est impossible et que les chré- tiens n’aient connu son apostasie, qui avait certainement causé bien des larmes à l’église d'Alexandrie et qu’ils n’aient regardé Ammonius comme un de leurs plus dangereux ennemis. Com- ment donc au bout de quatre-vingts ans se seraient-ils persuadé qu'il avait été chrétien, qu’il avait même composé sur la piété et la religion des ouvrages universellement estimés? Un homme d’un âge mur, qui pendant dix et quinze ans s’attachait à un professeur (c’est ainsi qu’on en usait alors) ne pouvait le quitter sans étre instruit à fond de ce qu’il enseignait, de sa mé- thode et de tout ce qui regardait son histoire. Ainsi les disci- ples d’Ammonius ayant été en grand nombre, ayant long-temps fréquenté son école, on ne peut supposer que quatre-vingts ans après sa mort, on ne savait plus de quelle religion il était. » Ce raisonnement, si toutefois il est permis de donner ce nom des phrases sans cohérence ni enchaiînement logique, n’est d’un bout à l’autre qu’un tissu d'idées fausses et de contre-sens. 76 VIE ET DOCTRINE Un seul mot suflira pour détruire cette argumentation. L’écri- vain que nous cherchons à réfuter prétend qu'Eusèbe n’a pu ignorer, quatre-vingts ans après la mort d’Ammonius, la religion de ce philosophe. Mais ne pourrions-nous pas dire la même chose de Porphyre et nos raisons n’auraient-elles pas plus de fondement que les siennes? Eusèbe en effet vivait au IVe siècle après Jésus- Christ, tandis que Porphyre est né en lan 233 de l’ère chré- tienne, c’est-à-dire, plus de dix ans avant la mort du Saccophore, qui n'eut lieu, ainsi que nous le démontrerons bientôt, qu'en l’an 244 ou 245. Est-il vraisemblable , nous le demandons à tout homme de bonne foi, qu'Eusèbe, dont le Chronicon va jusqu’à Van 326 après Jésus-Christ, ait mieux connu la religion d’Am- monius que Porphyre, qui fut le contemporain de ce philo- sophe ? D’un autre côté, est-il probable que Porphyre se soit trompé sur un fait aussi important, lorsqu'il était devenu le dis- ciple chéri de Plotin, qui avait été lui-même l'ami intime et le dépositaire des secrets d’Ammonius ? Cest en vain que, pour défendre l'opinion de l’auteur de l'Histoire de l’éclectisme et de tous ceux qui s'appuient de l'autorité d'Eusèbe, on prétendrait que Porphyre a très-bien pu, dans un ouvrage qu'il dirigeait contre les chrétiens, oublier, à l'égard de ses ennemis, qu'il combattait avec une sorte d’acharnement, les principes d’une rigoureuse équité et citer, comme fait historique, un grossier mensonge ; cette accusation doit tomber devant la bonne foi et l’impartialité dont cet écrivain ne cesse de faire preuve dans le fragment fort étendu que nous avons emprunté à cet ouvrage et que nous avons rapporté textuellement. En effet, n’y Re pas un juste tribut d’éloges à Origène, quoique ce père de l’église D'AMMONIUS-SACCAS. 77 eut, selon lui, déserté l’école philosophique, à laquelle il avait d’abord appartenu, pour entrer dans les rangs de ses adversaires ? N'y vante-t-il pas les talens et l’érudition de ce savant docteur ? Hésite-t-il un instant à avouer qu'il s’est fait par ses écrits une grande réputation, que la mort n’a pu lui ravir ? Et si, comme on l’a dit, il voulait rattacher à la secte dont il était partisan, tous les hom- mes d’un mérite distingué, qui vivaient à cette époque dans la capi- tale de l'Égypte, n’aurait-il pas mis au nombre des néo-platoniciens ce même Origène, qui, bien loin de professer le christianisme pur et sans mélange, y introduisit constamment des vérités qu’il avait rencontrées dans les différens systèmes qu’il avait étudiés? Pour- quoi, après nous avoir appris qu'Origène a quitté le paganisme, pour embrasser la religion du Christ, n’aurait-il pas montré la même franchise, lorsqu'il affirme qu’Ammonius a abandonné le christianisme, pour se livrer à l’étude de la philosophie ? Il est évident que le premier argument de l’auteur de l’Aistoire de l’éclectisme se détruit de lui-même. Voyons si les autres parties de son raisonnement résisteront à un examen un peu sévère. Pour soutenir sa proposition, cet écrivain invoque le témoi- gnage de saint Jérôme, dont les écrits renferment le passage suivant ‘ : Jammonius , vir disertus et eruditus in philosophia, eodem tempore Alexandriae clarus habitus est, qui inter multa ingenii sui monumenta etiam de Consonantia Moysi et Jesu elegans opus composuit , et Evangelicos Canones excogitavit , quos postea secutus est Eusebius Caesariensis. Hunc falso accusat Porphyrius, quod ex christiano ethnicus fuerit, cum 1 Voyez Hieronymi, lb. de scriptor. eccles., cap. 65. Tom. IX. II 78 NIE ET DOCTRINE constet eum usque ad ultimam vitam christianum perseverasse. IL suffit, pensons-nous, de lire avec un peu d’attention les paroles de saint Jérôme, pour se convaincre qu’il n’a fait que copier, en le traduisant, le fragment d’Eustbe que nous avons cité en entier et qu’il se borne à ajouter, qu'Ammonius, outre la Concordance en- tre Moïse et Jésus-Christ, a composé des Canons évangéliques. Nous nous contenterons donc de faire remarquer que tout ce que nous avons dit jusqu'ici, prouve incontestablement qu'il s’est trompé, avec Eusèbe, s’il a voulu regarder Ammonius-Saccas comme l’auteur de ces deux ouvrages et de beaucoup d'autres monumens de son génie, dont il ne donne pas les titres. Cepen- dant il est curieux de connaitre les conséquences que Maleville a tirées du passage de saint Jérôme. « Pour montrer, dit-il’, que lAmmonius, dont parlent Eusèbe » et saint Jérôme, ne saurait être l'Ammonius-Saccas, chef de » l’école éclectique d'Alexandrie, on dit que, selon le témoignage » de Longin, disciple même d’Ammonius, ce dernier n’avait rien » écrit et qu'il s’était contenté d’enseigner sa philosophie de vive » voix. Nous tombons d'accord qu’Ammonius n’avait point com- » posé d'ouvrages philosophiques, où il eût développé ses prin- » cipes et sa méthode. Il se fit une grande réputation par l'accord » qu'il entreprit de Platon avec Aristote. Il n’écrivit cependant » rien là-dessus. C’est tout ce qu'a voulu dire Longin, lorsqu'il a » écrit qu'Ammonius s’était contenté d'enseigner sa philosophie » de vive voix. Mais quand Longin aurait prétendu qu'Ammonius » n'avait composé aucun ouvrage sur des matières différentes , son 1 Foyez Guillaume Maleville, o. 1. Tome, p. 35 et suiv. D’AMMONIUS-SACCAS. 79 » témoignage ne serait pas de grand poids. Longin ne recherchait » point les ouvrages qu'Ammonius avait composés sur des matières » de piété et qui concernaient la religion chrétienne, et les chré- » tiens n’avaient point d’empressement à faire connaître ces » sortes d'ouvrages aux philosophes païens '. » Pour faire voir combien le raisonnement de l'écrivain que nous réfutons, s’écarte de la vérité, nous citerons le texte grec du frag- ment de Longin, auquel on fait ici allusion. Le voici * : oc 449 QUES, à Mépree, FY PO pop , cÙy NAIGT T&pX Tods mpérouc This Munias QU ypévors ( Lyc cn Ghiyou TG y ouosopix Aéyoy TPOÉITAOM ; Ds arotas pèv drncËe) day ap x Ty EL Toudy Eéri Tolodc Térouc aua Toic YoEbary ÉLdUua , GuyyÉc Se dé ait y Ta ériger LATO TUTO, GUYYOs LSver Lo rec émuilares) oi uèy rai à ypaghs éreyeioncas tà Joncbyta GQUIÈ TG HLATEUET Ia , XATOMMÉNTES Tois ERL/LYYOUÉVOLS ThS Tap aÙr Gy Goshelas etape" oi d dT Sy phVaL TOUT pñganto, Tods ouvobyras rpoBfBabe els Th) TOY dpecroycuy are nat nb. Qy roù pév imporépos yeyévan tpéreu [arowumoi uèy, Edrleldye x. t. À... voù Où durépou 1 Voyez Guillaume Maleville, 0.1. TomelI, ch. 2, p. 44. 2 Voyez Dionysüi Longini, de Sublimitate graece et latine, denuo recensuit et animad- versionibus virorum doctorum aliisque subsidiis instruxit Benjamin Meiske. Lipsiae, 1809. — Weiske a joint au Traité du Sublime tous les fragmens connus des autres ouvrages de Longin. Voyez p. 176 et suiv. — Voyez encore la Vie de Plotin, par Porphyre, p. 13. (Ed. Basil., 1615). Voici la traduction latine de ce fragment de Longin : Cum permulti memoria nostra, Marcelle, exstiterint philosophi, primis maxime aetatis nostrae temporibus (..... sed nobis adolescentulis non pauci inclaruerunt tuendis philosophiae placitis, quos omnes nobis contigit videre propter institutas cum parentibus in mulla loca peregrinationes , quorum etiam qui tum superstites erant, consuetudine müihi juncti fuerunt, multas gentes et civitates obeunti) : nonnulli eorum scriptis etiam placita sua exposuerunt, ut et posteri doctrina ipsorum fruerentur ; ali vero sufficere existimarunt , si sectatores suos ad illorum cognitionem perducerent. Quorum qui prio- rem rationem secuti sunt , Platonici fuerunt Euclides, alii...…. ; qui vero posteriorem 80 VIE ET DOCTRINE IDarovmot pèy "A péyros oi "Opryévne , oic Aueïs To RAEGTOY TO YPÉVOU TLOTEPOLTIOQUEU dvdpiou ox yo Ty xaS Éavrods ele civeaiv deveyrodot. : Ce passage de Longin est décisif, Ammonius-Saccas n’a jamais rien écrit, et Eusèbe, saint Jérôme et tous les savans modernes qui ont soutenu le contraire, sont dans l'erreur; car, il serait absurde de prétendre, avec l’auteur de l'rstoire de l’éclectisme, que Longin, dans le fragmént que nous venons de rapporter, n’a entendu parler que d’écrits philosophiques et qu'il ne s’estnulle- ment expliqué sur les ouvrages de théologie que le Saccophore aurait publiés, comme s’il avait pu traiter des questions théologi- ques, sans empiéter sur le domaine de la philosophie ; on conçoit en effet que cela lui eüt été d'autant moins facile, que le système qu'il professait et qui avait principalement pour base le superna- turalisme oriental, se rattachait bien plus aux doctrines théoso- phiques qu’à la philosophie proprement dite. Pour nous, nous avons l’intime conviction que Longin seul a dit la vérité, et qu'Eusèbe et saint Jérôme se sont trompés. Mais l’écrivain que nous combattons, ne partage pas notre avis; à ses yeux le témoi- gnage de Longin serait de peu de valeur, eût-il même affirmé que le Saccophore n’a composé aucun traité sur des matières diffé- rentes, parce que cet habile critique ne recherchait point les ouvrages de piété qui concernaient la religion chrétienne. Ainsi, pour faire admettre son opinion, il va jusqu’à révoquer en doute la bonne foi d’un auteur, le plus estimé peut-être de son siècle ! Nous pourrions, s’il le fallait, donner des preuves irrécusables de rationem secuti sunt, Platonici fuerunt Ammonius et Origenes, quos quidem ego diutis- sime frequentavi, viros aequalibus suis doctrina multum antecellentes. D'AMMONIUS-SACCAS. 81 l'impartialité de Longin et faire voir que la bassesse dont Male- ville semble le croire capable, n’a jamäis terni son noble caractère. Longin recherchait la vérité partout où il espérait la découvrir; voici un fait remarquable qui vient à l'appui de cette assertion. Comme toute cette discussion roule presque exclusivement sur la question de savoir si cet écrivain ne mérite pas, dans ce cas, plus de confiance qu'Eusèbe, on nous pardonnera de parler ici d’une circonstance, qui parait de prime abord absolument étrangère au sujet dont nous nous occupons. On sait que, dans son Traité du Sublime , il cite comme mo- dèles de bon goût et d'élégance, beaucoup de passages d'auteurs anciens, qui renferment de grandes beautés; or, ceux qui ont parcouru cet ouvrage, se rappelleront sans doute y avoir lu le morceau suivant, tiré des écrits de Moïse ‘ : Tarn za ray Toudatur SequoSérne, oùy © Tuyüy évhp, énadn Th tob Selou dhvauy vara Tv dia ÉxpNCE, HGÉÉQNVE) ; eUSdc € A ciaBokn ypédas Tüy vépay" « "Eme 0 Seèc, » qngt: T; « TeyécSw où ; ai EVÉVETO' YENÉGIO Yh, HA ÉVÉVETO. D Longin est païen et cependant, on le voit, il fait l'éloge du législateur des Hébreux; il appartient à une école philosophique qui s’est toujours déclarée ennemie du christianisme, et pour- tant il ne dédaigne point d'emprunter ses exemples aux saintes écritures. Peut-on, après cela, douter de la bonne foi de cet 1 Voyez Dionysüi Longini , de Sublimitate graece et latine, ed. Weiske, p. 33, Cf. ceterum ad hunc locum interpretes, p. 276 sqq., et Ruhnkenius dissertatio de vita et scriptis Longini , XIII. Voici la traduction latine du passage de Longin. Ergo et Judaeorum legislator, non contemnendus scriptor, cum Numinis potentiam animo digne complexus esset , eam etiam statim in initio lequm his verbis demonstravit : Dixit Deus, inquit. Quid? Fiat Inx , et facta est, Fiat terra, et facta est. 82 VIE ET DOCTRINE écrivain sublime et refuser de rendre hommage à son impartialité ? Il reste donc bien établi, en dernière analyse, que Longin, qui fut long-temps l'élève même d’Ammonius et qui par conséquent aurait dû, moins que personne, ignorer l'existence des ouvrages de son maitre, s’il en avait composé, n'aurait jamais affirmé qu’il n'avait rien écrit, s’il avait été l’auteur des traités qui lui sont si gratuitement attribués par Eusèbe et saint Jérôme. Nous n’ajouterons plus, pour faire triompher l’opinion de Longin et détruire celle de ces deux pères de l’église, qu'un seul argument, qui, nous en sommes sûr, bannira de l'esprit de nos lecteurs toute espèce d'incertitude. Si Ammonius n'avait point déserté le christianisme, pour s’oc- cuper de l'étude des sciences spéculatives; s’il avait réellement écrit des traités théologiques en faveur de la religion du Christ, cette circonstance seule aurait suffi pour le faire exclure de toutes les sectes philosophiques d'Alexandrie; on ne l'aurait pointregardé comme le chef des néo-platoniciens ; on l’aurait au contraire rangé parmi les docteurs de l'école chrétienne, dont Athénagore, saint Pantène , saint Clément et Origène eurent successivement la di- rection. Cependant, quoiqu'Eusèbe et saint Jérôme lui attribuent des ouvrages, qui, s’il les avait réellement composés, auraient fait d’Ammonius-Saccas un père de l’église, plutôt que le chef d’une secte, qui chercha constamment à arrêter les progrès du christia- nisme, aucun auteur ancien ne le compte au nombre des savans de l’école des saintes paroles. Il ÿ a plus : personne n’ignore que ni les docteurs chrétiens, ni ceux de l’école judaïque, ni les gnostiques n’obtinrent jamais la permission d'enseigner au Musée des Lagides, devenu alors le D'AMMONIUS-SACCAS. 83 Musée des empereurs romains ; les philosophes grecs d'Alexandrie, c’est-à-dire, les savans qui professaient des doctrines grecques pures , ce qui fut toujours excessivement rare depuis le commen- cement de l'ère chrétienne, ou combinées avec le supernatura- lisme oriental, ce qui était, à l’époque où vécut le Saccophore, la règle presque générale, étaient les seuls à qui lon accordât d’y développer librement leurs systèmes *, Or, Ammien Marcellin, que nous avons déjà eu l’occasion de citer, place Ammonius- Saccas, maître de Plotin, parmi ceux qui donnaient leurs leçons au Musée. Voici ses propres paroles* : Alexandria... amisit reqio- nis maxzimam partem, quae Bruchion appellabatur, diuturnum praestantium hominum domicilium. Unde Aristarchus , gram- maticae rei donis excellens et Herodianus, artium minutis- simus sciscilator et Saccas Ammonius, Plotini magister…… Ce passage suflirait, quand même nous n’aurions aucun autre témoignage, pour nous convaincre, avec Porphyre, qu'Ammonius renia le christianisme, pour s’adonner à l'étude de la philosophie; car si, non content de rester attaché à la religion du Christ, il avait cherché, en composant des ouvrages de théologie, à la dé- fendre ou à la propager, il n'aurait jamais été autorisé à enseigner ses doctrines au Musée. Or, nous voyons, par ces paroles d’Am- mien Marcellin, qu'il a joui, avec beaucoup d’autres, de la faveur de pouvoir y professer le système qu’il avait créé; car n’oublions pas que le Bruchion d'Ammien Marcellin, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, doit s'entendre du Musée, qui fut, pendant 1 Voyez Matter, Essai historique sur l’école d'Alexandrie. Tome, passim. 2 Voyez Ammianus Marcellinus, lib. XXIT , cap. 16, tbique Valesius. 84 VIE ET DOCTRINE plus de six siècles, l’asile des sciences et de ceux qui les culti- vaient. De tout ce qui précède, il résulte clairement, selon nous : 1° Qu'Ammonius-Saccas ou le Saccophore a renoncé à la reli- gion de ses pères, pour se livrer à l'étude de la philosophie; 2° Qu'iln’est point l’auteur des ouvrages qui lui sont attribués, Et 3° enfin qu'Eustbe, saint Jérôme et tous les savans mo- dernes, qui ont préféré l'autorité de ces deux pères de Péglise à celle de Porphyre, se sont trompés. Toutefois, nous ne contestons nullement Re nsténioë d’un écri- vain du nom d’Ammonius, qui aurait publié une /armonie des quatre évangélistes etun Traité sur la concordance entre Moise et Jésus-Christ ; nous croyons au contraire, avec Eusèbe et saint Jérôme, que cet auteur a existé; mais nous sommes en même temps bien certain qu’il ne peutrêtre ici question d'Ammonius- Saccas et qu'il s’agit évidemment d’un docteur chrétien, qui portait le même nom que notre philosophe, mais qui composa ces ouvrages à une époque postérieure à celle où le Saccophore fai- sait, par son enseignement, la gloire et l’ornement du Musée. Le nom d’Ammonius se rencontre très-souvent dans les annales d'Alexandrie; mais les anciens n’ayant pas toujours eu soin de désigner par une épithète particulière tous ceux à qui on la donné ,on a fréquemment rapporté à un seul et même person- nage, ce qui appartenait en réalité à plusieurs. Nous ayons vu que l'erreur d’Eusèbe, quelque grave qu’elle fût, n’a pu naître que de la confusion de deux Ammonius tout-à-fait distincts l’un de l’autre. Il ne nous serait pas difficile de prouver qu’un grand nombre de sayvans modernes ont commis une faute à peu près semblable à D'AMMONIUS-SACCAS. 85 celle de cet écrivain ecclésiastique, en considérant Ammonius- Saccas comme l’auteur d’une Vie d’ Aristote ; mais ce serait anti- ciper sur notre sujet; nous nous bornerons pour le: moment à faire l'observation que cette biographie du philosophe de Stagyre, est l’ouvrage de Jean Philopon. Mais revenons au fait historique que nous avons cherché et réussi, pensons-nous , à éclaircir, et taächons de légitimer la dis- cussion un peu longue, dans laquelle cetexamen nous a entrainé, en résumant les réflexions générales que nous avons déjà eu loc- casion de faire sur la nécessité de savoir enfin avec certitude, si le témoignage de Porphyre doit avoir à nos yeux plus de poids que celui d’'Eusèbe et de saint Jérôme, ou bien si l'opinion de ces deux pères de l’église est préférable à celle de l'ami intime et du disciple chéri de Plotin. Ammonius-Saccas est-il demeuré jusqu’à sa mort fidèlement attaché au christianisme ou at-il abandonné la religion du Christ, pour se livrer à l’étude des sciences spéculatives ? Cette question est une des plus importantes que nous ayons à traiter dans ce Mémoire ; car, nous le répétons, la solution de ce problème, qui a si long-temps paru énigmatique, doit en quelque sorte nous servir de boussole au milieu des recherches que nous allons entre- prendre, pour retrouver les doctrines qui ont rendu immortel le nom d’Ammonius. En effet, si, après avoir mis en parallèle Porphyre d’un côté, Eusèbe et saint Jérôme de l’autre; si, après avoir pesé et discuté leurs opinions avec autant d’attention que d’impartialité, nous avions l’intime conviction que ce philosophe ne s’est jamais séparé de l’église de Jésus-Christ, il ne nous serait plus permis d’aflirmer que les Ennéades de Plotin, son élève de Tom. IX. 12 86 VIE ET DOCTRINE prédilection, renferment tout son système; il faudrait alors se résoudre à dire que la philosophie du Saccophore est entièrement perdue pour nous et il ne nous resterait plus, en nous résignant, qu’à regretter que la postérité fût condamnée pour toujours à ignorer des doctrines qui ont acquis tant de célébrité à celui qui les a professées. Maintenant au contraire que nous avons démontré à l'évidence qu'Ammonius a renié la religion de ses pères, pour se vouer à l'étude de la philosophie, nous pourrons, à l’aide de quelques renseignemens positifs, qui nous ont été transmis par les anciens et en mettant à profit les nombreux écrits de Plotin, retracer les principaux linéamens de sa doctrine. C’est dans le but d’ouvrir la route à suivre et d'indiquer les moyens à employer, pour parvenir à reconstruire à peu près l’ensemble de son système, que nous nous sommes si long-temps arrété à l'examen et à la solution de la question qui fait l’objet de ce chapitre; nous aurions pu, on le comprendra sans peine, y ajouter de nouveaux développemens ; mais nous aurions dù, pour le faire, entrer dans des détails inu- tiles; nous serions même tombé, malgré nous, dans des redites. Nous nous sommes donc contenté de réfnter l’auteur de l’Æistoire de l'éclectisme ; car il a, dans cet ouvrage, embrassé la question dans toute son étendue et les savans modernes qui l’ont traitée après lui, n’ont fait que le copier, quand il n’a pas copié les au- tres . ! Nous nous garderons bien de faire connaître ici toutes les discussions auxquelles ce fait historique a donné lieu parmi les savans ; ce travail, très-long d'ailleurs , serait sans utilité réelle ; car il n’apporterait aucun nouvel éclaircissement. Nous nous bor- D'AMMONIUS-SACCAS. 87 CHAPITRE II. OUVRAGES QU’ON ATTRIBUE A AMMONIUS-SACCAS. Nous avons vu dans le chapitre précédent qu'Eusèbe et saint Jérôme ont attribué à Ammonius-Saccas : 1° Une Harmonie des quatre évangélistes ; 20 Une Concordance entre Moïse et Jésus-Christ , Et 3° beaucoup d'autres monumens de son génie, dont ils ne nous donnent pas le titre. Mais nous avons prouvé que notre philosophe n’était l’auteur d’aucun de ces ouvrages, puisque, selon le témoignage de Longin, il n’a jamais rien écrit. nerons à citer les principaux écrivains qui se sont occupés de l'examen de cette impor- tante question. Voyez Valesius (De Valois) ad Eusebii Hist. eccles, , Nb. VI, cap. 19. — Idem interpres ad Ammian. Marcellin, lib. XXIT, cap. 16.— Jonsius 1. 1, — Cave, ist. litt., 1. 1. — Basnage. — Selden. — Bayle, s. v. Ammonius. — Moreri, Dictionnaire, s. v. Ammon. Tous ces auteurs ont adopté l'opinion d’Eusèbe et de saint Jérôme. Olearius, dissertatio de eclecticis, dit qu'Ammonius fut d’abord chrétien, que plus tard il devint païen et qu'il finit par redevenir chrétien. Cf. Baltus, Défense des pères de l’église. — Mosheïm , dissertatio de turbata per Pla- tonicos ecclesia. Le Nain de Tillemont a consacré plusieurs chapitres à Ammone-Saccas; mais il s’y trouve une foule d'erreurs. — Voyéz son Histoire des empereurs. Tome IT, p. 409. — Le même, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique. Tome III , p. 122 et suiv., et p. 322 et suiv. — De Gérando , Æistoire comparée des systèmes de philosophie, tome III, p- 351 et 459 et suiv., penche pour l'opinion de Porphyre. — Tennemann, au con- traire dit que Porphyre étant l'ennemi du christianisme , l'opinion d’Eusèbe lui parait plus probable. — Voyez Tennemann, Geschichte der Philosophie. Tome VI, p. 24 et 25 , en note. 88 VIE ET DOCTRINE Plusieurs savans modernes attribuent également au Saccophore une Vie d’Aristote, qu'on trouve en tête de quelques éditions des ouvrages du philosophe de Stagyre ‘. Ils ont sans doute été induits en erreur par un passage de Hiéroclès, qui rapporte qu'Ammonius s’illustra à Alexandrie, en essayant de faire voir l’analogie qui existe entre Platon et Aristote *. Mais Fabricius * a démontré que cette biographie du fondateur du Lycée, n’ap- partient ni à Ammonius-Saccas, ni à un autre Ammonius, fils d’Hermeas, mais qu’elle est ouvrage de Jean Philopon. Il est donc évident, malgré les assertions contraires d’Eusèbe, de saint Jérôme et des savans modernes, dont nous venons de parler, qu'Ammonius le Saccophore n’a jamais rien écrit et qu’il s’est contenté de communiquer sa doctrine de vive voix à ses nom- breux élèves. CHAPITRE IV. CONNAÎT-ON L'ÉPOQUE DE LA NAISSANCE ET DE LA MORT D'AMMONIUS = SACCAS ? Nous ignorons entièrement l’époque précise de la naissance d’Ammonius le Saccophore, les anciens ne nous ayant fourni à cet égard aucune donnée positive. Mais il n’en est pas tout-à-fait de même de l’époque de sa mort, que l’on peut déterminer au moins approximativement. 1 Woyez Jonsius, de scriptoribus histor. philos. NI, 13, 3. 2 Voyez Hiéroclès, de Providentia apud Photium , biblioth. cod. 251. 3 Voyez Fabricius, Biblioth. graeca. Tome V ,p. 701 in nota et p. 705 et suiv. D’AMMONIUS-SACCAS. 89 Cave ! rapporte que ce philosophe mourut vers l’an 230 de l'ère chrétienne. Le savant Matter * a cherché à prouver qu’il ne cessa d'exister qu'entre les années 230 et 235 de l’ère actuelle. Mais il n’est pas bien difficile de démontrer que ces deux écri- vains sont dans l'erreur. En effet, Porphyre nous apprend que l’empereur Claude avait déjà occupé pendant deux ans le trône impérial, lorsque Plotin vint à mourir à l’âge de 66 ans; d’où il résulte que l’époque de la naissance de ce philosophe tombe dans la treizième année du règne de l’empereur Sévère *, qui correspond à l’année 205 de l’ére chrétienne. Or, il est constant que Plotin ne connut Ammonius qu’à l’âge de 28 ans et qu’il suivit les leçons de ce philosophe pendant onze années tout entières ‘. Né l’an 205 de notre ère, Plotin ne commenca donc qu’en 233 _à profiter de l’enseignement du Saccophore et il ne quitta son maitre qu’en 243, pour accompagner l’empereur Gordien dans son expédition contre les Perses. Il est impossible de dire avec certitude si Ammonius était mort, lorsque Plotin s’éloigna de la capitale de l'Égypte, pour se rendre en Asie; mais il est probable qu’il wexistait plus, quand Plotin, après la défaite de cet empe- reur, alla s'établir à Rome; car, s’il en avait été autrement, Plotin L Voyez Guil. Cave, Scriptorum Ecclesiasticor. hist. literaria. Genevae , 1705, p. 68, col. 2 med. 2 Voyez Matter, Essai historique sur l’école d’ Alexandrie. Tome 1, p. 311 et suiv. — TomeIl, dans le supplément, p. 306. 3 Voyez Porphyrü, Vita Plotini, p. 2 init. (ed. Basil.) 4 Voyez Porphyrii, Vita Plotini, p.2 extr. 90 VIE ET DOCTRINE serait retourné auprès de son ancien maitre ou du moins il aurait continué à entretenir des relations avec ce célèbre philosophe, dont il ne faisait que reproduire les doctrines dans les conférences qu’il avait avec ses disciples intimes. Or, Porphyre, son biogra- phe, ne parle d’aucune de ces deux circonstances et cependant il est hors de doute qu’il se serait bien gardé , vu leur importance, de les passer sous silence, si les faits qui avaient eu lieu dans les dernières années de la vie d’Ammonius, l'avaient autorisé à en faire mention. Nous croyons donc qu’il est permis de fixer à l'an 244 ou 245 de l'ère chrétienne, l’époque de la mort du Saccophore; car nous savons que Plotin revint à Rome en 245, à l’âge de 40 ans !. CHAPITRE V. DISCIPLES D'AMMONIUS-SACCAS. Ammonius-Saccas, devenu un des plus célèbres philosophes de son siècle, dut nécessairement compter un nombre considé- rable de disciples; car, comme l’observe très-bien Ruhnkenius ;, il jouissait d’une grande réputation, dont il était redevable en partie à son mérite personnel et à ses connaissances, en partie à l'enthousiasme des jeunes gens, qu’il avait su charmer par la nou- veauté du système qu’il professait avec tant de succès. D'ailleurs, quoique le Saccophore eût abandonné la religion ’ 1 Voyez Porphyrü, Vita Plotini, p. 2 extr. 2 Woyez Schardam ou plntôt Ruhnkenius, dissert. de vita et scriptis Longini, $ V. D'AMMONIUS-SACCAS. 91 du Christ, pour se livrer à l’étude de la philosophie, il se trouvait cependant parmi ses auditeurs beaucoup de chrétiens. Ce fait, de prime abord, parait surprenant et extraordinaire; car comment expliquer que des chrétiens se soient déterminés à fréquenter les leçons d’un philosophe apostat? Toutefois, quand on veut y réflé- chir , ce phénomène ne renferme rien dont on ne puisse se rendre compte ; nous dirons même qu'il était tout naturel. En effet, si les chrétiens, depuis l'établissement du christianisme en Égypte, n'avaient jamais cessé d’avoir des écoles à Alexandrie, on s'était borné, du moins dans l’origine, à y instruire les jeunes catéchu- mènes , qui se disposaient à recevoir le baptême; car, pour eux, il ne s’agissait pas encore à cette époque de défendre la religion du Christ contre les attaques des philosophes, qui regardaient les hommes attachés à cette religion comme de vils artisans, plus méprisés à la vérité qu’ils n'étaient méprisables. D'un autre côté, les chrétiens avaient tant de confiance dans les promesses de leur divin maître, qu’ils dédaignaient en quel- que sorte de s’occuper des systèmes philosophiques que lon développait autour d’eux avec tant de bruit et d’éclat, soit pour les réfuter, soit dans le but de faire de nouveaux prosélytes. Mais bientôt, il en fut autrement; les progrès toujours croissans du christianisme éveillèrent l'attention des philosophes, qui com- prirent enfin qu’ils s'étaient trompés et qu’ils avaient eu tort de laisser en repos les apôtres de la religion du Christ; ils se mirent donc sérieusement à étudier les opinions et les doctrines, que les chrétiens préchaient sans ostentation et propageaient avec autant de zèle que de persévérance, et commencèrent à les combattre avec toutes les ressources de l'esprit humain. 92 VIE ET DOCTRINE Mais les attaques continuelles des philosophes eurent pour résultat de placer les partisans du christianisme dans la nécessité de faire à leur tour tous les efforts dont ils étaient capables, pour réfuter les systèmes philosophiques et leur opposer une vigoureuse résistance. Dès-lors on ne se contenta plus, dans les écoles des saintes paroles , de préparer les catéchumènes à recevoir le bap- tème ; on chercha plus particulièrement à repousser les attaques des païens et à combattre leurs doctrines. Les fonctions de caté- chiste et de directeur des écoles chrétiennes finirent donc par exiger de la part de ceux qui les remplissaient, une profonde connaissance de tous les systèmes que l’on professait à cette époque dans la capitale de l'Égypte et qui s’y étaient formés ou que l’on avait empruntés à des nations étrangères. Mais comment acquérir cette connaissance devenue indispensable ? Il y avait pour cela un moyen bien simple; de tous les philosophes, qui régnaient alors à Alexandrie, Ammonius-Saccas était le seul qui, dans son enseignement exoférique ou dans ses conférences publi- ques , passät en revue les différentes doctrines philosophiques, en les analysant avec esprit, en faisant voir ce qui s’y rencontrait de conforme à la vérité et ce que l’on y découvrait de contraire à la raison , en faisant l’éloge de celles dont il se déclarait le défenseur, en combattant avec modération celles qu’il n’approuvait point, en s’attachant du reste à mettre dans ses critiques la plus grande impartialité et en s'abstenant surtout de blesser ouvertement la religion du Christ. L'enseignement du Saccophore offrait donc aux catéchistes et aux docteurs de l’école chrétienne, l’occasion de se familiariser avec les systèmes de leurs adversaires et leur fournissait des armes pour les réfuter. Voilà ce qui explique pour- D’AMMONIUS-SACCAS. 93 quoi les conférences publiques d’Ammonius-Saccas furent con- stamment suivies par tant de chrétiens. Toutefois, il ne reste aujourd’hui de cet auditoire si brillant et toujours si nombreux, que quelques débris, qui ont échappé comme par miracle à la fureur du temps; de tous ces disciples, qui se pressaient autour de leur maitre, avides de l'entendre et de recueillir ses paroles, il en est à peine quelques-uns dont l’his- toire nous ait conservé le souvenir ; encore devons-nous ajouter que parmi ceux qui nous sont connus, il en est plusieurs qui ne le sont que de nom. Quoi qu’il en soit, comme il est très-souvent possible de juger le maître par les élèves qui sont sortis de son école et par les écrits qu'ils ont publiés, nous allons consacrer quelques lignes à chacun des disciples d’Ammonius-Saccas, dont il est fait mention dans les auteurs anciens, en nous arrêtant principalement aux faits qui ont de l'importance pour notre sujet. I. Plotin. Nous accordons, dans cette revue, la première place à Plotin; elle lui revient de droit; car, ce philosophe nous a laissé des écrits d'autant plus précieux, que ce sont presque les seuls ou- vrages, qui nous fassent connaitre dans son ensemble le système des philosophes, auxquels on donne encore tous les jours, mais improprement, le nom de néo-platoniciens. Érennius, Origène le païen et Plotin avaient pris entre eux l'engagement de ne rien divulguer des principes qu'Ammonius, dans ses conférences secrètes ou dans son enseignement ésoté- Tom. IX. 15 94 VIE ET DOCTRINE rique, leur avait expliqués. Ce dernier tint parole; mais Érennius fut le premier à violer son serment, et son exemple fut bientôt suivi par Origène ; Plotin se crut alors autorisé à imiter ses deux condisciples, qui avaient révélé, au moins en partie; les doctrines de leur maître commun et il composa successivementcinquante- quatre petits traités , dans lesquels il: développe tout le système du Saccophore, en y ajoutant vraisemblablement des opinions qui lui appartiennent. Porphyre, chargé par son maître qui aimait beaucoup, de les corriger et de les mettre: en ordre, s’acquitta de ce soin et les publia, après les avoir divisés en six Ennéades. Un autre élève de Plotin, Eustochius, donna aussi une édition des Ennéades, qui différait en plusieurs endroits de celle de Porphyre’. Il est à regretter que nous ne la possédions plus ; car, en la comparant avec celle de son condisciple, nous aurions pu savoir jusqu'à quel point Porphyre a modifié l’œuvre de son maitre, et ce travail nous aurait aidé singulièrement dans la recherche des doctrines d’Ammonius. Porphyre a écrit une biographie de Plotin, qui renferme, sur le Saccophore, des détails pleins d'intérêt. IL. Origène le chrétien. Ammonius-Saccas peut également revendiquer l'honneur d’a- 1 On tire cette induction d’un seul passage des Ennéades de Plotin, publiées par Porphyre. — Voyez Ennéades, IV, liv. 4, ch. 30, p. 423 (ed. Basil.). — Porphyre, dans la Wie de Plotin, fait deux fois mention d'Eustochius ; mais il ne nous apprend pas que son condisciple ait publié nne édition des écrits de leur maitre commun. — Voyez Porphyriüi, Vita Plotini, ch. 2et 7, p. 2 et 5. D'AMMONIUS-SACCAS. 95 voir vu figurer parmi ses élèves le célèbre Origène, qui fut à Alexandrie l’ornement et le soutien du christianisme. Porphyre rapporte qu'il fut élevé par ses parens dans les prin- cipes du paganisme, mais qu’il abandonna le culte de ses pères, pour embrasser la religion chrétienne ”. Eusébe soutient au con- traire qu’il est né dans le sein de Péglise et qu'il n’a pu par consé- quent se convertir à la foi du Christ, puisqu'il n’a jamais été païen*. Sans vouloir décider cette question entre ces deux auteurs, nous nous bornerons à faire remarquer qu’à l’âge de 18 ans, Origène succéda à saint Clément d'Alexandrie dans la direction de l’école des saintes paroles, et qu’il sut, en remplissant ces fonctions, déployer son génie et ses talens. Bientôt sa réputation se répandit au loin et l’on accourut de toutes parts à ses leçons; on y voyait, à côté d’une foule de chrétiens, des hérétiques, qui fréquentaient les écoles des Grecs et qui étudiaient surtout la philosophie. Il résolut alors de s’occuper de leurs doctrines et de les approfondir; car il avait compris qu'il devait, pour pouvoir se rendre capable de lutter avec avantage contre les ennemis de la religion , chercher à connaitre tous les systèmes, que les sectes rivales professaient à cette époque dans la capitale de l'Égypte. C’est pour atteindre ce but qu'il assista long-temps aux confé- rences publiques d'Ammonius-Saccas, où il rencontra Héraclas, qui les suivait déjà depuis cinq ans *. Or, le Saccophore exposait 1 Voyez Porphyrius, adrersus Christianos , Kb. IL, apud Eusebium Hist. eccles. lib. VL, cap. 19, tbique interpres V'alesius. 2 Voyez Eusebius, Hüist. eccles., lib. VI, cap. 19, thique V'alesius. 3 Voyez le Fragment d'une lettre d’Origène le chrétien, reproduit par Eusebe, Hist. eccles.; lib. VI, cap. 19, p. 179 (ed. Valesii), thique interpres. 96 VIE ET DOCTRINE ses idées avec tant de clarté et développait ses principes avec tant d’art, qu'Origène, malgré la position éminente qu’il occu- pait dans l’église d'Alexandrie, conserva toujours le souvenir des paroles éloquentes de ce philosophe et ne renonça jamais entiè- rement à ces doctrines brillantes et variées, qu'Ammonius avait si souvent expliquées, en présence de l'illustre docteur chrétien, à ses nombreux auditeurs; il finit même par étre regardé comme entaché d’hérésie; aussi Démétrius, à cette époque évêque d'Alexandrie, le força-t-il à quitter cette ville; mais on ne se borna pas à l’exiler; il fut plus tard excommunié et déposé dans un concile tenu en Egypte, l’an 231 de notre ère. Toutefois il mourut dans le sein de l’église. La condamnation prononcée par un concile contre le directeur de l’école chrétienne, est pour nous un fait historique de la plus haute importance et un événement qui mérite toute notre atten- tion. En effet, disciple d’Ammonius , Origène devient, par son génie et son immense érudition, la gloire et la puissance de l'église d'Alexandrie. Cependant, quoique à la tête de l’école des saintes paroles , il n’a pas oublié les principes de son premier maitre de philosophie; il s’en sert fréquemment pour enrichir le christianisme ou pour le défendre contre les attaques des sectes rivales. Il est donc permis d'affirmer que les écrits de ce savant docteur renferment beaucoup d'opinions, qu’il avait recueillies dans les leçons du Saccophore. Le moyen le plus simple de recon- naître les doctrines qu’il avait empruntées à l’enseignement de ce philosophe et qui lui ont fait encourir la disgrâce de l’église, ce serait de comparer entre eux ses ouvrages et ceux de Plotin; ce travail serait certainement bien long et bien pénible; mais il D'AMMONIUS-SACCAS. 97 aurait pour résultat de nous mettre à même de savoir quels sont les principes sur lesquels s’accordent ces deux hommes immortels, sortis de l’école d’Ammonius. Et ces principes devraient être con- sidérés sans aucun doute comme appartenant au Saccophore; car, si l’on ne perd pas de vue qu'Origène professait la religion du Christ, tandis que Plotin au contraire était païen, on comprendra facilement qu'il est presque impossible que ces deux écrivains, marchant dans des voies différentes, aient fait usage des écrits l’un de l’autre, et on tirera de là la conséquence toute naturelle que, s’ils se rencontrent quelquefois et professent sur certains points des opinions à peu près analogues, c’est qu’ils les tiennent de leur maitre commun ”. Il serait donc d’autant plus intéressant d'établir cette comparaison entre les écrits de Plotin et ceux d’Origène , qu’elle nous aiderait à reconstruire le système d’Am- monius-Saccas ; mais les ouvrages de ces deux philosophes sont si nombreux, que nous ne nous sentons pas, du moins pour le moment , la force d'entreprendre ce travail. D'ailleurs, nous nous hâtons d'ajouter, que ces recherches ne seraient point de nature à nous faire retrouver les doctrines secrètes, qu'Ammonius-Saccas n’a révélées qu’à ses disciples intimes ; car, Origène le chrétien ne semble point avoir participé à l’enseignement ésotérique de ce philosophe; il paraît qu’il se borna à assister à ses conférences publiques, dans le but d’étu- dier les divers systèmes, que l’on professait à cette époque dans la capitale de l'Égypte et de se mettre à même de défendre la 1 Voyez Porphyrius, adversus Christianos, lib. II, apud Eusebium Hist. eccles. lib. VI, cap. 19 , ibique interpres. 98 VIE ET DOCTRINE religion du Christ contre les attaques de ses ennemis. C’est ce qui résulte du fragment d’une lettre de ce célèbre docteur, qui nous a été conservé par Eusèbe' et que nous rapportons plus loin, pour prouver qu'Héraclas fut son condisciple à l’école d’Ammonius. IIL Origène le paien. On a souvent confondu Origène le chrétien, dont nous venons de parler, avec un autre Origène , qui fut aussi l'élève du Sacco- phore ; mais il n’est pas difficile de démontrer qu'ils sont tout-à- fait différens l’un de l’autre. Ce dernier en effet était né de pa- rens païens; mais il persévéra jusqu'à sa mort dans la religion de ses ancêtres. Et ce qui prouve qu’il faut nécessairement distin- guer deux Origènes, c’est que le père de l'église ; que les chrétiens d'Alexandrie appelèrent à l'honneur de succéder à saint Clément dans la direction de l’école des saintes paroles, écrivit plus que nous ne lisons, S'il faut en croire saint Jérôme, et nous laissa de nombreux ouvrages, qui ne forment pourtant que la moindre partie de ses travaux, tandis que celui qui resta toujours attaché au pagarisme, se borna, selon le témoignage de Longin * et de Porphyre *, à composer deux traités, le premier sur la doc- ! Voyez Eusèbe, Hist. eccles., liv. VI, ch. 19, p. 179 (ed. Valesü), ibique interpres. R 2 Woyez Longin, préface du Traité rep? rékous , rapportée par Porphyre dans la 74e de Plotin, ch. XX, p. 13, (ed. Basil.). 3 Voyez Porphyre, Wie de Plotin, ch. IE, p.83. D'AMMONIUS-SACCAS. 99 trine des Démons (ri = duuéw), le second, qui est intitulé : pévos romths © Basihebs Ék Enfin, à l'appui de notre opinion, nous ferons remarquer qu'Origène le chrétien ne suivit que les lecons publiques d’Am- monius, et qu'Origène le païen fut au contraire admis à son en- seignement ésoférique ; car on doit se rappeler que ce philo- sophe fut un des disciples du Saccophore, qui avaient juré de ne jamais divulguer les doctrines secrètes de leur maître. Il est donc évident qu'Ammonius a compté parmi ses auditeurs 2 deux élèves, qui ont l’un et l’autre porté le nom d'Origène ?. 1 De Burigny, dans sa traduction de la Vie de Plotin par Porphyre, traduit le titre de cet ouvrage par ces mots : Que le prince est le seul poète. — De Valois à cru, d’un autre côté , qu'Origène avait voulu, en publiant ce livre , faire sa cour à l’empe- reur Gallien, qui passait pour être grand poète. — Voyez Eusebii, Æist, eccles., lib. VI, cap. 14 et 19, shique Valesius. : Mais nous pensons que la traduction de De Burigny n’est pas exacte et que l'opinion de De Valois est loin d’être fondée. 11 nous semble qu'il faut traduire ce titre de la manière suivante : Que le Créateur seul est roi; car nous ne devons pas oublier qu’Ori- gène appartient à une école, qui considère l'Être Suprème comme la cause de toutes les causes , la substance de toutes les substances , et qui a très-bien pu, d’après ce prin- cipe, proclamer l’axiome , que le Créateur, d'où émane tout ce qui existe, est seul maitre ou roi de l'univers. Notre traduction, outre qu’elle exprime une idée conforme aux doctrines Ammonio-Plotiniennes, a l'avantage d’avoir un sens bien déterminé , et nous ne croyons pas qu’on puisse dire la même chose de celle de De Burigny. Au reste , Voyez Ruhnkenius sève Schardam , dissertatio de vita et scriptis Longini, $ V; qui, après avoir réfuté l’opinion de De Valois (ad ÆEusebii Hist. eccles., 1, 1.), propose de lire : Gz1 v0bs romrÿs nai Baoeüs et de traduire : mentem hoc universum con- didisse et conditum regere. — Voyez encore Fabricius, Biblioth. graeca. TomelV, p.97. — Brucker, Âist. philos. Tome IL, p. 216. 2 Voyez Jonsius, de Scriptor. Hist. philos. IX, 16, p. 293. — Pearsonus , prolog. in Hierocl., p. 29. — Idem., in Vindic. Ignat., W, p. 10. — Huctius, èn Origenian., lib. I, cap. 1, sect. 7. — Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir à l Histoire 100 VIE ET DOCTRINE IV. Zongin. Le quatrième disciple connu du Saccophore est le célèbre Longin, qui semble toutefois avoir eu pour les belles-lettres beaucoup plus de goût que pour la philosophie. Cependant, il a enseigné celte dernière science à Athènes; il a même publié dif- férens écrits sur des matières philosophiques. Nous ajouterons que Longin n’a pas approuvé de tout point, le système de Plo- tin ni celui de Porphyre ; nous sayons méme qu'il a composé deux traités intitulés : repi ro 2, pour réfuter leurs doctrines des idées. Le premier était dirigé contre Plotin, le second contre Porphyre. Il ne nous reste rien d’aucun de ces deux traités . Eusèbe nous a conservé * un fragment assez étendu d’un ouvrage de Longin, qui avait pour titre #:pi fuy et dans lequel il professe sur la nature de l’âme, les mêmes principes qu’Am- monius-Saccas son maitre. Nous regrettons vivement la perte des écrits philosophiques de ce célèbre critique ; car, si nous les possédions encore, ils RER ERER PONNRENE NTERTERENRINNPRRN ecclés. Tome HT, part. I, p. 86. — Le même, ist. des emper., Vie de Gallien, art. 1, tome I, p. 318. — Mosheim, de turbata per Platonicos ecclesia. I, $ 7 et suiv. — Idem, ist. eccles. I, $ 27 et suiv. — Baronius, Ænnal. ecclesiast. — Lucas Holstenius, Vita Porphyrii, cap. 2 et 6. 1 Voyez l'excellente dissertation de Schardam ou plutôt de Ruhnkenius sur la Wie et les écrits de Longin , en tête de l'édition des ouvrages de ce célèbre critique, publiée à Leipzig , en 1809 , par Weiske, Ç XIV, p.GV.—Cf, Longinus , pracfatio libri répt réouc , p.182 (ed. Feiskii) et Porphyrius, Vita Plotini, p.13, (ed. Basil.). — Holstenius, Vita Porphyrii, p. 54. 2 Voyez Eusebius, Praeparat. Evang., lib. XV, (17, p.822 (édit. de Paris de 1628): — Ce fragment se trouve dans l'édition de Longin, par Weiske, p. 188 et suiv. — Cf, Porphyrius, apud Stobaeum. Eclog. Phys. 1, p. 109. D'AMMONIUS-SACCAS. 101 auraient pour nous d'autant plus de prix, qu’en les comparant avec les Ennéades de Plotin, il nous serait bien facile de retrou- ver au moins en partie les doctrines qu'Ammonius exposait dans ses lecons publiques; car Longin n’a probablement jamais pris part à ses conférences secrètes ou à son enseignemeut éso- térique. V. Érennius. Érennius doit aussi être compté parmi les élèves d’Ammonius ; c’est lui qui fut le premier à rompre l'engagement qu'il avait pris avec Plotin et Origène le païen, de ne jamais révéler la doc- trine ésotérique de leur maitre. Il parait certain, ainsi que nous le démontrerons dans un des chapitres suivans, que les deux fragmens qui sont formellement attribués à Ammonius-Saccas par Némésius d'Émèse, appartiennent à l’ouvrage qu'Érennius avait publié dans l'intention de divulguer le système du Sacco- phore et dans lequel il s'était contenté de reproduire les principes que ce philosophe avait coutume, dans ses conférences secrètes ou dans son enseignement éso{érique, d'expliquer à ses disciples intimes ‘. VI Olympius. Le sixième élève du Saccophore, dont on fait mention dans les auteurs anciens, est Olympius d'Alexandrie; toutefois nous 1 WoyezPorphyrü, Vita Plotini, cap. 3 ,p. 3, 2nit., (ed. Basil.). Tom. IX. 14 102 VIE ET DOCTRINE n’avons sur lui que très-peu de renseignemens. Porphyre est, si nous ne nous trompons, le seul qui en ait parlé ; mais il se borne à nous apprendre que, voulant aspirer au premier rang parmi les philosophes, il avait traité Plotin avec mépris et s'en était déclaré Pantagoniste * VII. Antonius. On cite également parmi les disciples d'AÂmmonius-Saccas An- tonius d'Alexandrie, dont l’antiquité ne nous a transmis que le souvenir *. VIII. Héraclas. À tous ces noms, il faut encore ajouter celui d’Héraclas d'Alexandrie. Mais, comme on semble avoir ignoré jusqu’au- jourd’hui qu’il fut un des nombreux élèves du Saccophore, qu'il nous soit permis de donner ici le texte grec d’un passage, où Origène le chrétien rapporte qu'Héraclas suivait déjà les leçons d’'Ammonius, lorsqu'il s’appliqua , sous la direction du même maître, à l'étude de la philosophie. On pourra d’ailleurs, d’un examen attentif et d’une analyse approfondie de ce fragment, conclure avec certitude , qu'Ori- gène le chrétien n’a jamais été admis à l’enseignement ésoféri- que d’Ammonius-Saceas ; or, cette circonstance qui, pensons- nous, est jusqu'ici demeurée inconnue, est assez intéressante , 1 Voyez Porphyrii, Vita Plotini, cap. 10, p. 7. 2 PWoyez Proclus, ad Platonis Timaeum , lib. II, p. 187. D’AMMONIUS-SACCAS. 103 pour justifier l'insertion dans notre Mémoire de ce passage tout entier. Le voici : : "Erei à daxEUÉ TE pot Tu léyo The giuns dar peyobons repi The £Éeme AUÔV Rpooreay , otre èy aipetuoi, ote à éno Toy ElmuxGv paSmudtuy, nai pilote rüy ëv guÜocogie EcbËey era Ta Te Tüv petiuGY dyuara, nai Ta TOY pecécoy Tepi dAndelas }éyety enayyeNôueva. Toüro dé renomxauey, paunadpevol Te Tèy mpo muy ToNodc Doeioayte Ilävreuvcr, oùr Gén Ev éxeidois écyneôta Tapacueuny" ai Téy vby éy To pes [BEuTE pit AATECOUEVOY "AXEaydpéoy Ho * crue eDpey Fapx To amis TOY pocéqoy PaNUATEY , nn Tévre Eten aÿto) TPOGLAPTEPITAYTA, Ti EU apEasSo GAOUELV EXEDOY Tv Âéyoy! À na TpéTEpey 2007 ÉTIATL HPOUEVOS, amodvsausvos Hoi puécopey duaho(3ty cxûue, péyee tob dôpo Tnpeï (uOla re Elnvav nara veu cd maiste phohéyuy. La lecture de ce fragment suffit pour nous convaincre qu'Hé- raclas fut un des auditeurs assidus d’Ammonius; car il est con- stant, d’un côté, qu'Origène le chrétien fut long-temps le disciple du Saccophore, et que, d'autre part, ce savant directeur de l’école des saintes paroles n’a pas eu d’autre maître que lui dans ses études philosophiques. Il résulte donc de ce rapprochement que le professeur de phi- 1 Voyez le Fragment d’une lettre d’Origène le chrétien, qu'on trouve dans Eusèbe, Hist. eccles., iv. VI, ch. 19, p. 179 , (ed. Valesii) ibique interpres. Voici la traduction latine de ce passage : Cum vero me totum addixissem verbo Dei, ac de nostra eruditione fama jam crebrior spargeretur, confluentibus nunc ad me haereticis, nunc graecaruwm disciplinarum stu- diosis et maxime philosophis, scrutari haereticorum dogmata et quaecunque a philoso- phis de veritate jactantur, excutere constitui. Atque hoc fecimus tum Pantaent illius, qui ante nos multis profuit, exemplum seculi, qui quidem hujusmodi cognitione non mediocriter instructus, fuit, tum Heraclae, qui nunc inter Praesbyteros Alexandrinae sedet ecclesiae, quem ego apud magistrum philosophiae repert, quintum jam annum ei operam dantem , priusquam ego ejusmodi doctrinam auscultare coepissem. Atque idoirco cum vulgari veste antea usus fuisset, ea deposita philosophicum induit habitum , quem etiam retinens Graecorum libros studiose volvere non desistit. | 104 VIE ET DOCTRINE losophie dont Héraclas avait déjà suivi les leçons pendant cinq ans , lorsqu'Origène commença à les fréquenter, ne peut être qu’Ammonius-Saccas. Mais ce fragment, que nous reproduisons textuellement d’après Eusèbe, renferme d’autres faits non moins importans. Héraclas était, comme Origène, un de ces savans docteurs qui, sentant la nécessité de défendre la religion du Christ, dont ils s'étaient faits les apôtres en Égypte, avaient été forcés, pour se mettre à méme de repousser les attaques dont elle était l’ob- jet, d'étudier avec zèle et persévérance les doctrines philosophi- ques, que leurs adversaires propageaient avec d'autant. plus d’ardeur, que le christianisme, dans sa marche majestueuse- ment progressive, avait, à cette époque, pris une attitude me- naçante devant toutes les écoles rivales. Or, nous l’avons déjà fait remarquer et nous ne faisons ici cette observation que pour apporter une nouvelle preuve à l’appui de l'opinion que nous avons émise à cet égard, Ammonius était à Alexandrie le seul philosophe qui examinät, dans ses conférences, les nombreux systèmes professés, soit par ses devanciers, soit par ses contempo= rains et qui les critiquât avec non moins de talent que d’impar- tialité. Les docteurs de l’école chrétienne étaient donc obligés d'y assister, pour acquérir les connaissances dont ils avaient besoin pour réfuter leurs ennemis. C’est ainsi qu’Origène le chré- tien fréquenta long-temps ces leçons publiques, dont il ne perdit jamais le souvenir; c’est encore ainsi qu'Héraclas profita pendant plus de cinq ans d’un enseignement qui lui était si nécessaire et qui était d’ailleurs accessible à tout le monde. On peut donc tirer de ce fait historique, qui nous est trans- D’AMMONIUS-SACCAS. 105 mis par Origène lui-même dans le fragment qu’on vient de lire, la conséquence, que ce savant directeur de l’école des saintes paroles ne participa jamais à l’enseignement ésoférique du Sac- cophore et qu’il resta toujours étranger aux doctrines secrètes de son maitre; car il nous apprend qu’il était déjà à la tête de cette école et qu'il jouissait même d’une réputation assez éten- due, lorsqu'il résolut, à l’exemple de saint Pantène et d’'Héraclas d'Alexandrie, de se livrer à l'étude des principes (%yuera) pro- fessés par les hérétiques et par les philosophes. Or, personne n'ignore que c'était dans son enseignement exoférique qu'Am- monius passait en revue les différens systèmes que l’on exposait alors dans les écoles de la ville des Lagides. D'ailleurs, il serait absurde de supposer que le Saccophore eüt jamais voulu consen- tir à dévoiler les mystères de son enseignement ésotérique à Ori- gène et à Héraclas, tous deux docteurs de l’école chrétienne et par conséquent tous deux ennemis des sectes philosophiques, qui combattaient avec force le christianisme triomphant. En éta- blissant ce fait, nous n’hésitons pas à placer Héraclas à côté d’Origène le chrétien; car tout ce que nous disons ici s’appli- que aussi bien à lui qu’à son illustre condisciple. Nous ajoute- rons même , parce que nous en avons la certitude, que, de tous les élèves d’Ammonius dont le nom soit parvenu jusqu’à nous, il n’en est que trois, savoir : Plotin, Érennius et Origène le païen, qui aient eu connaissance des doctrines secrètes de ce philo- sophe ; car si l’on se rappelle qu'eux seuls, d’après le témoi- gnage de Porphyre’, avaient fait le serment de ne jamais révéler 1 WoyezPorphyriü, Vita Plotini, cap. 3, p. 3. 106 VIE ET DOCTRINE les principes que leur maitre commun leur avait expliqués dans son enseignement ésotérique, on doit inférer de là que tous les autres auditeurs du Saccophore sont demeurés constamment étrangers à cet enseignement ; en effet, s’ils y avaient été ad- mis, Plotin, Érennius et Origène le païen auraient-ils pu rai- sonnablement espérer, en prenant entre eux l'engagement dont nous venons de parler, d'atteindre le but qu'ils s'étaient pro- posé en le contractant? N’auraient-ils pas dû, au contraire, pré- voir que leurs condisciples, moins discrets qu'eux , ne manque- raient point de publier les doctrines mystérieuses d’Ammonius, qu'eux seuls auraient juré de dérober pour toujours aux regards profanes du vulgaire ? Cependant, nous savons que ces doctrines ne furent divulguées ni par Longin, ni par Origène le chrétien, ni par Olympius, ni par Héraclas, ni par Antonius; ce qui prouve qu’ils avaient bien assisté aux leçons publiques du Saccophore, mais qu'ils n'avaient jamais pris part à ses conférences secrètes. Porphyre * nous apprend, au contraire, que l’indiscrétion a été commise par Érennius, qui fut le premier à violer son serment et dont l'exemple fut plus tard suivi par Origène le païen et par Plotin. Ce fait historique, qui nous a été communiqué par l'ami intime de ce dernier philosophe, par son élève de prédilection, nous démontre à l'évidence que, des nombreux auditeurs d’Am- monius-Saccas, Plotin, Érennius et Origène le païen sont, nous le répétons, les seuls qui aient participé à l’enseignement éso{é- rique de ce philosophe. En émettant cette opinion, qui ne s’ac- corde peut-être pas avec celle des savans qui se sont occupés, 1 Foyez Porphyrii, Vita Plotini, 1.1. D'AMMONIUS-SACCAS. 107 avant nous, de l’histoire des doctrines philosophiques et théoso- phiques d'Alexandrie, nous ne faisons qu’exprimer notre con- viction, conviction d'autant plus profonde qu’elle repose sur des textes authentiques, empruntés à différens auteurs anciens, dont la bonne foi est généralement reconnue. Tels sont les renseignemens que l’histoire nous a conservés sur Ammonius-Saccas; nous les publions comme nous les avons recueillis, sans avoir la prétention de donner à nos lecteurs une biographie complète du Saccophore; car nous devons pour tou- jours renoncer à l'espoir de counaître dans toutes ses phases la vie de ce célèbre philosophe. Cependant les détails qui pré- cèdent offrent d'autant plus d'intérêt, qu'ils sont de nature à faire comprendre, au moins d’une manière générale, le système qu'il a professé avec tant de succès dans la capitale de l'Égypte. En les faisant entrer dans notre Mémoire, nous avons cherché à les coordonner et à les présenter sous leur véritable point de vue; nous avons ainsi rétabli des faits historiques ou mal com- pris ou mal interprétés ; en un mot, nous avons voulu, en écri- vant cette notice biographique sur Ammonius, en faire, pour ainsi dire, une espèce de préparation à l’étude de sa doctrine philosophique, que nous allons essayer d’exposer. 108 VIE ET DOCTRINE SECONDE SECTION, DANS LAQUELLE ON A RECUEILLI, COORDONNÉ ET EXPLIQUÉ LES FRAG-— MENS DE LA DOCTRINE D'AMMONIUS-SACCAS. CHAPITRE PREMIER. DES PRINCIPES QU'ON DOIT ADMETTRE COMME crèterèuwm , EN CHERCHANT À RE— TROUVER LES DOCTRINES PHILOSOPHIQUES D’AMMONIUS-SACCAS. Nous arrivons à la partie essentielle, mais en même temps la plus difficile de notre travail, celle qui concerne le système d’Ammonius. L'introduction à cet ouvrage, qui pourrait, de prime abord, paraitre étrangère au sujet que nous traitons, et la biographie du Saccophore, que nous avons cru indispensable de joindre à notre Mémoire, sont étroitement liées à lexposi- tion des principes de notre philosophe. Car, dans la première, nous avons établi une nouvelle classification des écoles d’Alexan- drie, infiniment plus simple et beaucoup plus rationnelle, du moins nous le pensons, que toutes celles qui furent admises avant nous. En proposant ce changement, nous avons sur- tout tâché de faire comprendre la nature et le caractère de la doctrine d’Ammonius et de ses disciples, et nous espérons avoir atteint notre but; car cette doctrine sera désormais mieux connue, par cela seul qu’elle cessera d’être confondue avec des systèmes absolument incompatibles et tout-à-fait distincts de celui de ces philosophes. D’un autre côté, en publiant sur la vie d’Ammonius tous les renseignemens que l’antiquité nous a trans- D’AMMONIUS-SACCAS. 109 mis, nous nous sommes spécialement attaché à examiner et à résoudre enfin d’une manière décisive la question de savoir, si ce philosophe a abandonné la religion chrétienne , pour se livrer à l'étude des sciences spéculatives. La certitude que nous avons acquise de lapostasie du Saccophore est pour nous de la plus haute importance ; car si, comme nous l'avons déjà fait obser- ver, nous prétendions, en admettant l'opinion d'Eusèbe et de saint Jérôme et en répudiant le témoignage de Porphyre, qu'Am- monius n’a jamais renié le christianisme , nos recherches pour retrouver la doctrine de ce philosophe, seraient sans but et nos efforts sans résultat; en effet, si ce fait était bien démontré, ni les Ennéades de Plotin, ni les fragmens d'ouvrages de ses autres disciples ne renfermeraient aucun élément, qui nous permit de juger son système et nous serions, dans cette hypothèse, réduits à proclamer cette triste vérité, qu’Ammonius fut un des plus cé- lèbres philosophes d'Alexandrie, mais que nous ignorons entiè- rement et que nous ignorerons toujours les doctrines qui l’ont rendu immortel, puisque tous ses élèves sans exception ont pro- fessé des principes diamétralement opposés à ceux qu’il leur avait expliqués dans ses leçons publiques et dans ses conférences secrètes. Heureusement nous pouvons tirer de ce qui précède des conséquences plus consolantes pour l’historien de la philosophie et affirmer sans craindre d’être démenti, qu'il est possible, jus- qu’à un certain point, de faire revivre le système d’Ammonius, ou tout au moins d’en retracer les principaux linéamens. Quelles furent les véritables doctrines de ce philosophe ? Cette question est la première qui se présente à nous; mais, il faut bien l'avouer, elle semble, de prime abord, un problème insoluble ; Tom. IX. 15 110 VIE ET DOCTRINE car, d’un côté, il est constant que le Saccophore n’a jamais rien écrit et qu’il s’est borné à développer de vive voix son système philosophique ; le témoignage de Longin est trop positif, pour qu’il puisse à cet égard rester le moindre doute dans notre esprit. Cependant, d’autre part, nous savons que Plotin a ras- semblé dans les cinquante-quatre livres dont se composent ses Ennéades, toutes les opinions d’Ammonius; car Porphyre nous apprend ‘ qu'il ne répondait à ceux qui l’interrogeaient que ce qu’il tenait de son maitre; la rédaction primitive des En- néades n'avait même pour but que de mettre par écrit, pour des disciples intimes, les élémens de la doctrine du Saccophore ; mais nous savons en même temps que Plotin ne commença à publier ses ouvrages, qu'après avoir fait un voyage dans les contrées orientales et quoiqu'il ne lui füt pas permis d’y séjourner bien long-temps à cause de la défaite de l’empereur Gordien, dont il avait suivi l’armée, il est pourtant fort probable qu’il a pu re- cueillir dans ce pays, qui fut le berceau du mysticisme et du supernaturalisme, des idées neuves et étrangères aux doctrines d’Ammonius. En outre, personne n’ignore que les écrits de Plotin étaient, à la mort de ce philosophe, presque illisibles et parfois inintelligibles. Frappé lui-même de leurs défauts , il confia à Porphyre le soin de les mettre en ordre et lui recommanda de les revoir et de les corriger. Porphyre, cédant aux vœux de son maitre, exécuta les ordres qu’il en avait reçus et fit six Ennéades des cinquante-quatre petits traités, qu’il avait laissés en mou- rant; mais, à la prière de ses amis, qui trouvaient obscurs plu- 1 Voyez Porphyrii, Wita Plotini, p. 3 et 9 (ed. Basil.). D'AMMONIUS-SACCAS. 111 sieurs passages des ouvrages de Plotin, il y inséra assez sou- vent des notes et des commentaires, et tout nous porte à croire qu'il dut, en certains endroits ou mal écrits ou incompréhen- sibles, substituer ses propres opinions à celles de ce philoso- phe. Il atteste lui-même tout ce que nous venons de rapporter, lorsqu'il dit dans la vie de Plotin, dont il était l’auteur : : Ta pèv oôy Biflux els EE Evveadas TobroY Ty Tpémoy HATETOËQUEY , Tédapa Aa TEVTHAOVT ovta. KaraGeGnueSa Où nai ets tua arov Ümouviuata Gvéutuc, Lx Tods érabavtas MURS Étapes YPAGEN, ele amp arol Th Cagiva aTGy yevés doi férn. Ei ce qui doit encore augmenter nos soupçons sur la fidélité de Porphyre, c’est qu’un de ses condisciples, nommé Eustochius, paraît avoir donné, des Ennéades, une édition qui ne s’accordait pas entiè- rement avec la sienne *. D'ailleurs, il est à remarquer que Plo- tin ne cite, dans aucune partie de ses ouvrages, le nom d’Am- monius ; ce qui du reste semble se rattacher à l'engagement qu’il avait pris avec Érennius et Origène le païen , de ne jamais révéler les doctrines secrètes de leur maitre commun. Aïnsi, quoiqu’il . soit incontestable que les Ennéades renferment le système et le système complet du Saccophore, il faut cependant, quand on y cherche les principes et les opinions de ce philosophe, les lire avec autant de défiance et les analyser avec autant de circon- 1 Voyez Porphyrü, Vita Plotini, p. 19, (ed. Basil.). — Voici la traduction latine de ce passage : Libros igitur quatuor et quinquaginta in sex Novenarios ita disposuimus ; inseruimus autem in libros quosdam absque certo ordine commentaria, quoniam amici qui nos urgebant ad commentandum, ea potissimum exigebant a nobis exponi, quae maxime explicatione in illis libris egebant. 2 Woyez Plotin , Ennéad. IV, liv. IV, ch. 30, p. 423, (ed. Basil.), où l’on fait mention de l’édition d’Eustochius. 112 VIE ET DOCTRINE spection que les dialogues de Platon, lorsqu'on veut y découvrir les pensées de Socrate. | Enfin, en se rappelant qu’à l'exception des Ennéades et de quelques fragmens, à la vérité, assez étendus, les écrits des nom- breux auditeurs d’Ammonius, qui étaient destinés à transmettre sa doctrine à la postérité, n’ont pu échapper à la fureur du temps, on pourrait croire que la philosophie du Saccophore est entière- ment perdue pour nous. Cependant, faut-il renoncer pour toujours à l'espoir de connaître les principes qu’il sut développer avec tant de génie et de talent dans la capitale de l'Égypte ? Faut-il done cesser de faire des recherches qui, d’après les observations pré- cédentes, sembleraient inutiles et sans but? Non, sans doute ; ne nous désespérons point; car nous sommes, nous le répétons, en droit de dire, et nous allons bientôt le prouver, que, s’il est impossible aujourd’hui de retrouver le système d’Ammonius dans son ensemble et dans ses détails, on peut du moins parvenir à en indiquer les bases fondamentales et la partie essentielle, D'abord n'oublions point que l’enseignement d’Ammonius fut double et qu’à l'exemple des plus grands hommes de Pantiquité, il eut une doctrine exotérique ou externe et une doctrine éso- térique ou interne. La première, il lexposait dans des leçons publiques , auxquelles étaient admis tous ceux qui voulaient les suivre; cet enseignement n’avait, à proprement parler, aucune couleur, aucune nuance particulière ; on voyait dans le méme auditoire Longin à côté d’Origène le chrétien, Plotin à côté d'Héraclas d'Alexandrie. Nous définirions volontiers cette doc- trine exolérique un enseignement critique, où le Saccophore passait en revue tous les systèmes que l’on professait alors ou D’AMMONIUS-SACCAS. 113 que l’on avait professés avant lui dans la ville des Ptolémées, sans se déclarer le partisan exclusif d'aucun d’eux et sans com- battre trop ouvertement les principes des autres écoles; car s’il en avait été autrement, on m'aurait point rencontré dans ses leçons les adeptes de différentes sectes ni surtout des chrétiens confondus avec des païens. Nous pensons même que c’est cet enseignement exoférique qui lui a fait donner le nom de phi- losophe éclectique ; car sa doctrine ésotérique a un caractère qui lui est propre et qui la distingue et du judaïsme et du chris- tianisme et du gnosticisme, systèmes qui étaient à cette époque les plus en vogue à Alexandrie. C’est dans cet enseignement ésotérique qu’il avait des conférences secrètes avec quelques disciples intimes; c’est là qu'il leur communiquait les vérités qu'il ne voulait point révéler aux profanes ; c’est là en un mot qu’il les initiait aux mystères de la science et qu’il leur en ou- vrait sans réserve tous les trésors. On sait que jaloux de con- server pour eux seuls cette doctrine transcendantale, à laquelle, selon eux, le vulgaire n’était point digne de participer, ou peut- étre pour d’autres raisons qui nous sont inconnues, ses trois disciples de prédilection, Plotin, Origène le païen et Érennius, avaient juré de ne rien divulguer des principes que leur maitre leur avait expliqués dans son enseignement ésotérique. Mais heureusement pour nous ce serment fut violé ; Érennius fut le premier à rompre l'engagement qu’il avait pris; mais il serait peut-être difficile aujourd’hui de déterminer quelle est la partie du système d’Ammonius qu’il a exposée dans ses ouvrages. Nous avons cependant la conviction, nous l’avons déjà dit, que les deux fragmens, qui nous ont été conservés par Némésius d'Émèse 114 VIE ET DOCTRINE dans son Traité de la nature de l'homme , et qui sont formelle- ment attribués au Saccophore par cet écrivain, furent emprun- tés aux écrits d'Érennius. Au surplus, nous nous proposons d'analyser les motifs qui, à nos yeux, rendent cette opinion très-probable, lorsque nous nous occuperons de l’explication des principes philosophiques d’Ammonius. Quant à Origène, il suivit l'exemple de son condisciple, pu- blia un traité sur les Démons et fit de cette manière connaître les opinions du Saccophore sur la démonologie. Plus tard, il com- posa un second ouvrage, dont le titre est assez obscur, mais dans lequel, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, il cherchait à démontrer que le Créateur ou l’'Étre Suprême, d’où émane tout ce qui existe, est seul maitre ou roi de l'univers. Enfin, après l’indiscrétion commise par Érennius et Origène, Plotin se crut autorisé à développer, dans ses écrits, les idées qui se rattachaient exclusivement à la doctrine ésotérique du Saccophore. Or, en présence du double enseignement de ce philosophe, nous nous demandons où est son véritable système ? Est-ce son enseignement exotérique ou externe? Non; car, on le sait, cet enseignement public, ouvert et accessible à tout le monde, n’avait aucune couleur particulière, aucune nuance caractéristique. Il résulte de là que sa philosophie ésotérique ou interne peut seule être considérée comme sa propre doctrine. Voyons donc à quelles conditions il est possible de retrou- ver cette doctrine qui lui appartient et qui sert de ligne de démarcation entre l’école Ammonio- Plotinienne et toutes les D’AMMONIUS-SACCAS. 115 autres sectes philosophiques ou théosophiques d'Alexandrie. Il nous semble que, pour pouvoir reconstruire le système du Saccophore, il faut nécessairement, avant de commencer nos in- vestigations, admettre, comme criterium , les trois principes sui- vans. Premier principe. Nous possédons, de la doctrine d’Ammonius-Saccas , deux fragmens assez étendus, qui lui sont formellement attribués par un auteur ancien généralement estimé. Or, fout ce qui, dans les Ennéades de Plotin, s'accorde et se lie avec ces fragmens, comme déduction ou comme conséquence naturelle des idées , quiy sont exposées, appartient indubitablement au Saccophore. Ce point de critique qui se légitime de lui-même, car il est incontestable, nous aidera merveilleusement dans nos recherches et nous mettra sur la trace des principaux élémens de la doc- trine de ce philosophe; car tout, dans l’école Ammonio-Ploti- nienne, s’enchaine si étroitement, que l’on peut en quelque sorte rétablir l’ensemble du système, dès que l’on est parvenu à en découvrir une des bases fondamentales. Deuxième principe. Nous savons que les nombreux disciples d’Ammonius ont suivi des directions toutes différentes; Origène le chrétien nous en offre un exemple frappant; car, quoiqu'il fût placé à la tête de l’école des saintes paroles, il fréquenta cependant assez long- temps les leçons publiques de ce philosophe. Toutefois, il paraît 116 VIE ET DOCTRINE avoir introduit dans son enseignement ou dans ses ouvrages des dogmes qu’il avait recueillis aux conférences du Saccophore, puisqu'il fut excommunié et déposé dans un coneile, après avoir été forcé par l’évêque d'Alexandrie, Démétrius, de quitter cette ville. Nous savons également que Longin n’a pas approuvé en en- tier la doctrine de Plotin; car il a écrit plusieurs traités et contre Plotin lui-même et contre ses deux plus illustres Ge ; Por- phyre et Amélius *. Nous savons enfin qu’Olympius d'Alexandrie se Ab l’an- tagoniste de Plotin, dont il voulait à son profit détruire la répu- tation. Ces diverses considérations nous prouvent que Plotin ne pro-. fessait plus la doctrine pure d’AÂmmonius ou du moins que ses Ennéades s’écartaient, en certains points, des principes que le Saccophore avait exposés dans ses leçons publiques ; car il ne faut pas perdre de vue que Longin, Olympius et Origène le chré- tien ne furent jamais admis à son enseignement ésotérique, dont les trésors paraissent avoir été exclusivement réservés à Plotin, Érennius et Origène le païen. Néanmoins, il est permis de tirer des observations précédentes une conséquence qui est, pensons-nous, de nature à faciliter le travail de celui qui s'occupe de la recherche et de l’étude des doctrines d’Ammonius. Car les dispositions hostiles qui se sont 1 Voyez Longin, in praefatione luculentà libri rep) rénouc, p. 176, (ed. FVeiskü). — Porphyrii, Vita Plotini, p. 13, (ed. Basil.). — Lucae Holstenïi, Vita Porphyrii, p. 54. D'AMMONIUS-SACCAS. 117 manifestées parmi les élèves de ce philosophe, de même que la réfutation d’une partie des Ennéades de Plotin par un de ses condisciples, nous autorisent à en conclure que fous les prin- cipes sur lesquels ils se sont accordés , leur sont absolument étrangers et doivent étre regardés comme autant d’élémens du système de leur maitre commun. En effet, il est impossible que ces philosophes aient puisé leurs opinions dans les écrits de leurs adversaires, dont ils avaient quelquefois combattu les idées , parce qu’elles étaient contraires aux leurs. C’est ainsi que, lorsqu'on découvre dans les ouvrages d’Origène des prin- cipes qui sont en harmonie avec ceux de Plotin, on doit bien se garder de croire que le savant docteur de l’école chrétienne les a empruntés aux Ennéades; car d’abord il est à remarquer que les traités de Plotin n’ont été composés que bien long- temps après la publication des écrits de son condisciple ; en outre, Origène était attaché à une religion tout-à-fait différente de celle de l’auteur des Ennéades. Il serait donc absurde de sup- poser qu'Origène ait fait usage, soit dans ses leçons, soit dans ses ouvrages, des écrits d’un philosophe dont les doctrines étaient absolument incompatibles avec les dogmes du christia- nisme. Le seul moyen de nous rendre eompte des rapports nom- breux qui existent entre les élèves d’Ammonius, quoique nous les ayons vus marcher dans des voies opposées, c’est, nous Vavons déjà fait observer ailleurs, d'attribuer à ce philosophe tous les principes sur lesquels ils sont d'accord et que l’on trouve à la fois dans les divers traités qu'ils nous ont laissés. Toutefois, ce point de critique n’est applicable qu'à Plotin, Tom. IX. 16 118 VIE ET DOCTRINE Origène le chrétien et Longin, dont nous possédons, du moins en partie, les immortels ouvrages; car, quant à Olympius d’A- lexandrie, nous ignorons entièrement sa doctrine, ses écrits, sil en a publié, m’étant point parvenus jusqu’à nous. Troisième principe. Plusieurs auteurs anciens affirment qu'Ammonius-Saccas s’est acquis une grande réputation, en essayant de combiner les principes de Platon et d’Aristote, et en s’efforçant de prouver que ces philosophes professaient les mêmes doctrines. Il n’y à, disait le Saccophore, qu’une seule vérité, et il est impossible que ces deux génies supérieurs ne se soient point rencontrés en la cherchant. Ce fait historique nous est révélé par Hiéroclès, qui était aussi Platonicien, comme on l'était 4 cette époque, c’est- à-dire, qui adoptait le platonisme enrichi ou plutôt défiguré par d’autres systèmes. Voici ses propres paroles * : és "Auymioy ro SeoddäuTou" oùros Yap TpOTOS ÉMNATAS Tpos TO Th puoroias And vov, al Te Tu molGv das drepdav, tas mhsïstoy oves puosoqia TpoGTpLBoUÉveS , ee rade Ta ÉXATÉDOU (IMérovos Aa Apastorélous ) xai GUYÉYayE) EG Eva ua TOY œÙToy voly 4! XITOTATTOY TU puocopier rapaNXduxe Tor vois aÜrob yvopiuos, péMoTa Œ. Toic dRITTOIS TOY adto yeyovéra , Dore xai "Opryéver, xal Toïs ÉËñs amd ToUTuy. 1 Voyez Hieroclès, de Providentia apud Photium biblioth. cod. 251, col. 1381 et 1382 (ed. Hoeschelii apud Stephanum 1612). — Voici la traduction latine de ce fragment : Usque ad divinum Ammonium. Hic enim primus aestu quodam raptus ad philoso- phiae veritatem, multorumque opiniones, qui magnum dedecus philosophiae adferrent , contemnens , utramque (Platonis scilicet et Aristotelis) sectam probe calluit et in concor- diam adduxit et a contentionibus liberam philosophiam tradidit omnibus suis auditoribus et maxime doctissimis acqualibus suis Plotino et Origeni et successoribus. D'AMMONIUS-SACCAS. 119 Dans un autre fragment du Zraité de la Providence, qui nous a été également conservé par Photius, Hiéroclès cite une seconde fois le fait dont nous venons de parler. Après avoir dit qu'il a existé un grand nombre de philosophes qui ont prétendu dé- montrer que Platon diffère entièrement d’Aristote, Photius ajoute que Hiéroclès au contraire a voulu faire voir l’harmonie qui règne entre la doctrine du fondateur de l'Académie et celle du Stagyrite; puis, s'appuyant toujours de l'autorité du même écrivain, il continue en ces termes ‘ déaubey, Secddmros éruuakeio deu duyet ToËTOY YXp Tas TOY RoouGy ay)pSy dora Sd pot 0 e * : : LÉXPIS 0ToÙ À ppnyiov Gaia Dana Toi ÉnaTépueL dyapuopévoLs TOTHEUUGELEVCY Aipols, cpquyey Ey Toïs Ettaipas TE LA GVEAALOTATOIS \TOY dyuaruy IDéroves te rai "Apasroréous TA YVOUTY émoqfveu”. De ces deux fragmens de Hiéroclès et de Photius, qui ne peuvent toutefois s'appliquer à ses conférences secrètes ou à son enseignement ésotérique , il résulte clairement que le but prin- cipal d’Ammonius, dans ses leçons publiques ou dans son en- seignement exotérique , était de prouver que le système de Platon et celui d’Aristote , loin d’être tout-à-fait distincts l’un de l’autre et de s’exclure mutuellement, ainsi qu’on l’avait toujours sou- tenu avant lui, s’accordent parfaitement dans leurs points essen- tiels. Nous regrettons vivement la perte du Traité de la Providence , 1 Voyez Photius, Biblioth. cod. 214, col. 549 et 550 (ed. 1.) —Voici la traduction latine de ce passage : Donec Ammonii aliquando sapientia orbi illuxit, quem etiam divinitus edoctum appellari praedicat. Hunc enim veterum philosophorum opinionibus perpurgatis et resectis , quae utrinque excreverant nugis, in praecipuis quibusque et maxime necessartiis dogmatibus , concordem esse Platonis et Aristotelis sententiam demonstrasse. 2 Voyez Photius, 0. 1. codice eod. ext. 120 VIE ET DOCTRINE qui avait été composé par Hiéroclès et qui devait renfermer une foule de documens précieux sur la doctrine exoférique d’Ammo- nius; car Photius ! nous apprend que le septième livre de cet’ ouvrage était consacré à la concordance que le Saccophore avait tâché d'établir entre le Platonisme et le Péripatéticisme. Quoi qu'il en soit, nous pouvons, après avoir déduit du témoi- gnage de Hiéroclès notre troisième et dernier principe de criti- que, le formuler de la manière suivante : fout ce qua, dans les ouvrages des disciples d'Ammonius , tend à faire voir l'harmonie qui existe entre la doctrine de l’Académie et celle du Lycée, se rattache à l'enseignement exotérique ou externe de leur maître commun. Nous ajouterons cependant qu’il ne faut employer ce criferium qu’avec beaucoup de circonspection; car les philosophes d'Alexandrie, et notamment ceux de l’école Am- monio-Plotinienne, voulant rassembler les vérités éparses dans Platon et Aristote, ont écrit, dans ce but, différens traités, et il serait, on le conçoit sans peine, peu conforme à la raison, de rapporter au Saccophore toutes leurs opimions. Toutefois, il n’en est pas moins vrai que ce point de critique, si l’on s’en sert avec réserve, est d’une utilité incontestable et conduit à des résultats qu'il serait bien difficile d'obtenir sans y recourir. Tels sont les trois principes qu’il est nécessaire de suivre, sans s’en écarter, dans la recherche de la philosophie du Saccophore. Il nous reste maintenant à montrer comment il est possible, en faisant une sage application de ce triple criferium , de re- 1 Voyez le mème Photius, Biblioth. cod. 214, extr. coll. 553 et 554. D'AMMONIUS-SACCAS. 121 trouver la partie essentielle et fondamentale de la doctrine de ce philosophe. CHAPITRE I. DES FRAGMENS DE LA DOCTRINE D’AMMONIUS-SACCAS , QUI NOUS ONT ÉTÉ CONSERVÉS PAR LES ANCIENS. Nous possédons, ainsi que nous lavons déjà dit ailleurs, deux fragmens assez étendus de la doctrine d’Ammonius-Saccas et ces morceaux , extrémement précieux par eux-mêmes, doivent à nos yeux avoir d'autant plus d'importance, qu’ils nous permettront de faire connaitre à nos lecteurs les élémens constitutifs du système de ce philosophe. Ces fragmens nous ont été conservés par Némésius, évêque d’Émèse, qui les a intercalés dans son traité intitulé : de la na- ture de l’homme (r:pi gùseus àvS pare) *. Ils se trouvent également dans les œuvres de saint Grégoire L Voyez l'édition de Némésius, qui a pour titre : Nemesius Emesenus de Natura Hominis , graece et latine. Post editionem Antverpiensem et Oxoniensem, adhibitis tribus codd. Augustanis, duobus Dresdensibus, totidemque Monachiensibus, necnon duabus vetustis versionibus latinis, Cononis et V'allae, denuo multo, quam antea, emendatius edidit et animadversiones adjecit Christian. Frideric. Matthaei, professor Vitember- gensis et collegg. Imperiall. Rossicorum assessor. Halae Magdeburgicae, 1802, 1 vol. in-8°. Le savant éditeur de Némésius a rendu un véritable service à l'histoire de la philo- sophie, en publiant ce traité si intéressant et si curieux de la nature de l’homme et en corrigeant , d’après plusieurs manuscrits, les nombreuses fautes qui déparent le texte de saint Grégoire de Nysse et qui le rendent souvent inintelligible ; seulement il aurait été à désirer qu’en prodiguant moins les notes critiques et littéraires , il eût enrichi son édition d’un commentaire historique. 122 VIE ET DOCTRINE de Nysse, qui les a rapportés en entier, sans indiquer la source où il les a puisés; mais il est facile de se convaincre qu’il les a extraits de l’ouvrage de Némésius ?. Nous les reproduirons bientôt à notre tour; mais auparavant nous avons à examiner deux questions qui s’y rattachent direc- tement et qu’il est indispensable de résoudre avant de s’occuper de l’exposition des doctrines d’Ammonius. La première est celle-ci : les fragmens qui sont formellement attribués au Saccophore par Némésius d'Émèse, appartiennent- ils réellement à ce philosophe ? De prime abord, tout nous porte à croire que l’on ne peut faire à cette question qu’une réponse négative, et lesobservations qui précèdent, il faut bien l’avouer, semblent venir à l'appui de cette opinion ; car, d’après le témoignage de Longin, dont la bonne foi est généralement reconnue, le Saccophore s’est toujours con- tenté de développer de vive voix les principes qu’il professait et n’a jamais rien écrit. Il paraît donc bien certain que ces deux fragmens n’ont pas été empruntés à un ouvrage composé par Ammonius, et c’est en effet la vérité. Aussi Némésius ne prétend-il point que ces deux morceaux aient jamais fait partie d’un ouvrage écrit par le Saccophore; les expressions dont il se sert, en les insérant dans son Traité de la nature de l'homme, prouvent même qu'il partage l'avis de Longin; car le premier commence par ces mots: rpès mévras robe léyovros 1 Woyez Divi Gregorii Nyssensis opera (editio Morellii), in-fol. Tome Il, p. 91 et 109. D'AMMONIUS-SACCAS. 123 coua Th duyñv, dpréce Ta rap ‘Apuoyie , To durrdhou Iorivou sipmuéræ, Ce que l’on peut traduire littéralement en ces termes : Quant à ceux qui disent que l'âme est corporelle, il suffit, pour les réfuter, de citer LES GHOSES Dites par Ammonius , maître de Plotin. Si cet écrivain avait voulu faire entendre que les argumens, à l’aide desquels il allait combattre ses adversaires, étaient tirés d’un ouvrage d’Ammonius, il n’aurait pas employé les mots +4 sgnuéva (les choses dites), mais bien l’expression :à sypauuéva (les choses écrites). Le second fragment est précédé de cette phrase : érinré à, rôs Vuyñs ra coparss dduyou yivetou EVoTts. ’Apuiyos Œ © ddicrakos IDoriyeu 70 EnTolpevey Torou, té Tpénoy éreXUETo. En voici la traduction littérale Nous devons maintenant rechercher comment a lieu l'union de l’éme avec un corps inanimé. Ammonius , maitre de Plo- {in , AVAIT COUTUME DE RÉSOUDRE /& question de celte manière. On le voit, Némésius, loin d’aflirmer que le Saccophore en mourant ait laissé quelques écrits, se borne, dans l’un et l’au- tre passage, à citer les paroles de ce philosophe et à invoquer, en faveur de la proposition qu'il soutenait, les argumens dont Ammonius faisait ordinairement usage dans ses conférences, pour établir les mêmes vérités. Il est donc, sous ce point de vue, parfaitement d'accord avec Longin. Cependant, il n’en est pas moins vrai que ces deux fragmens nous ont été transmis sous le nom d’Ammomius, et sil est constant que l’auteur qui nous les a conservés ne les a pas extraits d’un ouvrage publié par le Saccophore lui-même, on se demandera naturellement d’où ils proviennent et de quel droit on les lui attribue. 124 VIE ET DOCTRINE Quelques mots sufliront, après tout ce que nous avons dit jusqu'ici, pour fixer notre opinion à cet égard et faire dispa- raître la contradiction apparente qui existe entre Némésius , qui rapporte ces deux fragmens à Ammonins, et Longin qui nous apprend qu’il n’a jamais rien écrit. Ce philosophe s’est toujours contenté de l’enseignement oral et n’a développé dans aucun ouvrage les principes qu’il expli- quait dans ses lecons publiques ou dans ses conférences se- crètes, c’est là un fait incontestable, allégué par le plus grand critique de l'antiquité et confirmé par l'engagement que les dis- ciples intimes du Saccophore avaient pris entre eux de ne jamais divulguer ses doctrines; car, s’il avait consacré quelques écrits à l’exposition de son système, il eùt été inutile, il eût même été absurde que ses élèves jurassent de ne jamais révéler aux profanes les vérités qu’il leur avait enseignées. Mais, d’un autre côté, personne n’ignore que ce serment fut violé, et que c’est à cette circonstance que nous sommes rede- vables de connaître l’enseignement ésotérique d’Ammonius. Quant à son enseignement evotérique, il n’est pas étonnant que nous sachions quelle en fut la nature et le caractère dis- tinctif; car tout le monde y était admis. La doctrine secrète ou ésotérique du Saccophore a donc été dévoilée par ses disciples intimes , qui s'étaient mutuellement promis de la garder pour eux seuls. Sa doctrine exotérique nous a été retracée, au moins dans quelques points isolés, par plusieurs de ses auditeurs, qui, sans avoir pris part à ses conférences mystérieuses, avaient assisté à ses leçons publiques. D'AMMONIUS-SACCAS. 125 De ces faits, il résulte clairement selon nous, que les deux fragmens, que nous trouvons sous le nom d’Ammonius dans le traité de Némésius, ont été empruntés à un ouvrage composé sur la doctrine de son maitre par un des disciples de ce philo- sophe. Cette induction prouve donc évidemment que les prin- cipes qui y sont développés sont autant d’élémens du système du Saccophore. : Cette première question résolue, il en reste une seconde à dis- cuter, laquelle mérite également toute notre attention. La voici : ces deux fragmens appartiennent-ils à l’enseignement ésotérique ou exotérique d’Ammonius ; ou en d’autres termes : quel est le disciple de ce philosophe qu’il convient de considérer comme l’auteur de l'ouvrage d’où Némésius les a extraits? On concevra sans peine l’intérêt que nous attachons à la so- lution de la question que nous venons de formuler, si l’on se rappelle que nous avons déjà fait remarquer que c’est unique- ment dans ses conférences secrètes ou dans son enseignement ésotérique qu'Ammonius déroulait aux yeux de ses disciples de prédilection ses véritables doctrines, tandis qu’il se bornait, dans son enseignement exotérique, qui n’avait, pour ainsi dire, aucune couleur, à passer en revue, en les critiquant avec mo- dération, les différens systèmes que l’on professait alors ou que lon avait professés avant lui dans les écoles philosophiques d'Alexandrie. Il est donc évident, s’il était démontré que ces fragmens ne renferment que des opinions émises par ce philo- sophe dans ses leçons publiques, que nous devrions pour tou- jours renoncer à l'espoir de reconstruire son système, le système qui est sa propriété, le système, en un mot, qui fait du Sac- Tom. IX. 17 126 VIE ET DOCTRINE cophore une individualité dans l’histoire des connaissances hu- maines et qui le distingue de ses devanciers, de ses contem- porains et de ses successeurs. Mais heureusement pour nous, il ne sera pas bien difficile de faire voir que ces deux morceaux de philosophie transcen- dantale rentrent exclusivement dans le domaine de son ensei- gnement ésotérique. De tous les auditeurs d’Ammonius, il n’en est que huit dont le souvenir soit parvenu jusqu’à nous. Mais de ces huit disciples du Saccophore, il n’en est que quelques-uns qui aient écrit sur des matières philosophiques. Olympius, Héraclas et Antonius, n’ont rien écrit du tout ou du moins les auteurs qui en parlent ne citent aucun ouvrage composé par eux. Origène le chrétien nous a laissé de nombreux monumens de son génie; mais c’est en vain que nous avons cherché dans ses œuvres les deux fragmens dont il s’agit. Longin, outre son immortel Traité du Sublime, a publié diffé- rens ouvrages sur des questions de philosophie ; mais on ne tar- dera pas à se convaincre, en parcourant ce qui nous en reste, qu'il n’est point l’auteur de ces deux fragmens. Origène le païen a divulgué la doctrine d’Ammonius sur la Démonologie ; mais, d’après ce que Proclus nous a transmis de son traité intitulé : rep r&v dauér, 11 est hors de doute qu’il n’est pas non plus l’auteur de ces fragmens ". Plotin a composé successivement cinquante-quatre petits trai- ! Woyez Proclus, in Platonis Timaeum, p. 24. D'AMMONIUS-SACCAS. 127 tés, dont Porphyre a fait six Ennéades; mais malgré nos investi- gations, nous n’y avons point découvert les deux morceaux que nous lisons , sous le nom du Saccophore, dans Némésius. Érennius, en dernière analyse , est donc , de tous les auditeurs d’Ammonius , le seul à qui nous puissions RER hui rapporter l'ouvrage, d’où lon a extrait ces fragmens; le peu de renseigne- mens que l’antiquité nous a légués sur cet écrivain, viennent à l'appui de cette opinion ; car nous savons qu'il a fait de la phi- losophie l’objet de ses études et qu’il a écrit sur cette science, puisqu'il fut le premier à divulguer la doctrine secrète d’Ammo- nius, malgré l'engagement qu’il avait pris avec ses condisciples de la dérober pour toujours aux regards du vulgaire. Or, nous croyons avoir démontré qu'aucun des autres élèves du Saccophore n’est l’auteur des deux fragmens en question; iksemble donc bien établi qu'ils ont été l’un et l’autre rédigés par Érennius, dans le but de dévoiler le système de son maitre et de révéler les prin- cipes qu'il avait recueillis dans les conférences mystérieuses de ce célèbre philosophe; d’où l’on peut conclure qu’ils se rattachent à l’enseignement ésotérique du Saccophore; car nous avons fait voir dans un des chapitres précédens, que ce philosophe n° y avait admis que trois disciples intimes et qu'Érennius était de ce nombre. Maintenant que nous ayons prouvé que les deux fragmens que Némésius d'Émése attribue formellement à Ammonius-Saccas, appartiennent à l’enseignement ésotérique de ce philosophe, nous allons les reproduire, en y joignant la traduction et en rejetant dans des notes les observations que nous jugerons né- cessaires, soit pour l'intelligence du texte, soit pour le déve- 128 VIE ET DOCTRINE loppement et l'exposition des idées qui y sont présentées en style toujours concis et souvent obscur. Nous aurions pu consacrer un chapitre spécial de notre travail à l’examen de ces deux beaux morceaux de la doctrine du Saccophore ; mais nous avons préféré adopter la forme du commentaire et placer l’analyse à côté de chaque principe, l'explication à côté de chaque difficulté; car c'était le seul moyen d’être à la fois clair et complet. Premier fragment ‘. Kow pEv 099 TES Mévtas Tods Aéyoytas côux Th Vuynv, dpréce Tà Tapx Apuoytes Tob dasuihoo Iwrios ta Nouumuiou to5 ruSoyopeos elpnuéve. Eici d raïta. Ta oduare tn oineix qie Tpenta ota val anedasta nai délou ele GREUPOY TUNTE , pnèmès Éy œToïs Pre Dnoheopéyes dira Tod ouvrudévros xal ouvéyouTos Hal GITEP GustyysVTOS na GUyxpatobyTos aÙtà, onco duyny Xéyouev. Ei rev oôua ét ñ Yuyn oisvdirore, et nai entouepéotaroy, té mauy éati TO ouvéyoy énelymy; Edxy On Y%P » T&Y TÔUA Dig ToÙ OUVÉYOUTOS , Ka oùtws els amELpCY, EG @v XOTOHTNIUEY Els &éuarov. Ei d Aéyouy, xaSamep oi Eruinoi, Tovrerv Tux Elan win Tepi TX ouate, Elg To €ow aqua ai ele Tè Lo AWOUUÉVAY , La Ty UÈV els To £éo, peys Do Ha TOLOTHTUY GTOTE)ETTUANV eiveu, rhv Où ec td éow, ÉvOTEs val oÙTlas, Eporntéoy autos, Een räca xVNis AT Tués ÉoTL OvauEns, Ts n Ovauus œtn xaÙ à) Tu cdot; pèv oùv vai düvauts (047) Un Tis éott, Tai atote TéMY XpnTôuE Ia Aéyors' et d cÜy D, &X Evo Etepoy dé éaTs Tù Ever Tapa ThV Um” TO ap METÉAOY AN, Edo Xéyerou È 2 3: 40 5 e F e RENE MR USE té more pa Égri T peréyoy This Vs, TéTEpoy v}n voi aùrè 7 oboy; et juèv oùv V1 ; ras Evvley wa oùy, vdn 3 et Où où VAn, aÿde ape et DE aiev, cÙ côux" RAY hp caux ENvdor. Ei OÙ Jéyauv, ot ta couata Teuf agtara ati, ai h Vuyn Œ, À ‘oloy drouaa Toi cpatos, Tpuyñ antari ét, ai dx Tobto Tévtus vai ua Époluev, O7 mé èu côua Touyf dastarov, où nav Où Tà Tptyf dartaroy cou koi yap TÈ Mogdy al To Toy, 1 Voyez Nemesius Emesenus, de Natura Hominis, ch.U, p.69 etsuiv. {ed, Matthaei). D'AMMONIUS-SACCAS. 129 + à 2. : pat ae ce = éüpara ovta X09 Éoutx, 2arx ouufBefBrnos Ev cyaw Tosoÿtou COTON OV KaÙ TN duyr , 200 émTh pèv npéseon Tà éÂtarey , xaTù cupfiefrmès d To, & © QUES Tex 7 dastatw. CYTt, HSenpEtu x at} Te darrari. En, mé oôua pra témSev XUVEÏT OU F- EbSe" dX et pèy ES , auyoy Eorœu* ei d Eud09ev, Euduyoy" et dà cûua ñ Doyen, € uèv eEw9ey mvoïro, aduyés és" ei Où EvdoSes, eufuyes” aroroy Où, ua To afuyov , nai rd eubuyor, Jéyew Tv Luyrv' oùx ape côue à duyr. Et, à duyn, Et pèv TPÉETU, URO dTOUATOU TPÉQETU TX YAP Lamuate. ToËpez aütiy" oùdéy À ua Ünod ATOHATCU TRÉPETA CÜk apa cua à buy. Deuxième fragment ‘. Znrncéo À, nûs duyñs rai ouaros biyou yivetou EVOT. Apres à dacrohos IDoriou To Enrouevcoy tobtoy Toy tpérou énehueto. "Ecye (yäe) à vonrx Toadrmw exe po, ds vai EVoTè Toi Jvauéyerc ata HExs ou, 2ODGTEp Ta Le oi évcipevx pévay dobyyuta val ditépSopa, ds TX TAOaHEUUEVe. "Eri HE yap TOY cout À Eos dAbGw TOY GUÉTUY Tévtwc pyäbetot, éreldnnep els aa copata ueraffilete, ds TA oTayeia ec Tà GUyrpiUaTa , vai a Tpoqai Es ua, To aiuæ els cépua vai TX daumX pépra td oüuatos’ Emi Tüv vonrov evons pèv yéetou, dMotma À où raparoloude où YAP TÉQULE TO vontèv war ‘oÙsiay docs dX ébisrate, 7 els To ji ov pSetpeton, uetoBokny à oùx ocre aIX oùte ls To va ov pSeipeto où YàP a nv ASävares. Kai à duyn, Eon ca, Et y TA LPAGEL perefälero, Mon av noi où ete nv Eu” té Où owebilere To GOUOTt, E Un Tapeixey adro Th Cofv; où ap dNocbta à Yuyn € TA ÉvOGeL * dde rYÉVON TOY TOUTE , GTL Tù VenTX évelotarra ar oÿslay Ti, dvorralos Rrapa4o}oySE, To ai évopeva at Un on see Ro os Hot" où pote Tolyuy 0 dcyy4Ètus nya TO GOUATL gr: ote pèv Yap mota, ÿ ouuraSex duos cuura de 7ap DE ét rà Cüoy, ds Ev cy° Gte À vai acüyyutes pévet, do &x coû Tv Luyhv Tpéroy tua = To Güpaos ëy Tu UT, A0) WIREP YERpOY adrè x Jo raTAdEËRoUTEY | HÉVOY dE Éarubouaay adto Tr Com, Wa un Totelüs dréAnTE , 209 ÉanThy ÉV toc Gyetpous Voyez Nemesius Emesenus, o. 1. ch. IT, pp. 125, 129 et suiv. (ed. Watthaei). 130 NIE ET DOCTRINE Evepyéty , deariboyTen To pélor, vai vois vonrois mAncidboucen: 1Tù abro À cuuBaive ra Bt naS ÉoTNV ÉTITLÉRTNTAL TL TOY VONTOY: La) TÔTE VAR) à oidy. TE, Tob céuaros éariy xopier nai xa9 ÉayThv yIVET At, y oùtuc érBdn toi DETE dGUUATOS YA cÜaa, À Gho vs Exp 3 os Ta miepenguée y pévoucæ ipopos Hal’ AGU){UTOS no To za TS ÉoTh Ev Dario a ; ai y olc av YÉvnTee ThÉRoISA réa aTa Th avr Con, ai ph TREMOUEU dr Excoy" dc yap à mes tn Tapousia atod Toy dépa sie ps uetaBale, moy arèy outre, rai évobro To dége Tà où, dauyydrus aqua vai 2EJuuÉVwS" Ty AT TpÉToY ai 7 LUE ÉVOUUÉYN TÔ Gépart, péver ravre)Gs éaiyautes, LaTà toÿto prévo daddärrousa, Cru à UÈv Hucs, GÔUX @Y xaÏ TRE a oÙx este rare, Eva Ha TÔ pôc are, ds oùŸ Tè nüp' péver 73 xai aÿto Ey Toig Evo n év tn SpoalX dedtuévos, ws à térw" h À Vuyh, dséuaros oùca nai pin ep PapAHEE Térw , cn à Chou XOET vai Tob qurès ÉaUTAc, Ka TOD GUUATOS, ai OÙx Eat Hépos onTESuEyoy DT abris, & Ô ph Chn répesty* où yàp xpareirou Drè toÿ aüuares , &XN at} Apr | ro oûua, où y to date Ti, ds à àyyelw ñ äno, ax AM Tè coux &v adrn" ph aohväueve yap dd Täv apte Ta vote, AAÂX À TauTÈs GOLATOS H6)DOVTE tai Qaparôvta val QeËôvTa, oÙx oc te atiy ÜTd térou dopaTixo xATÉYET I VOnTX 7%p oTæ, ÉJivontois La) TÉR Fais at! y4p Ev ÉarTos n & Tois Dneprequésas VONT" CE ñ Vuyn, Torè uèy év à ÉaITn Gtuw , OT hope , motè C, € Tu vo, Gta von” ERXY 09% à Tépart déyncoi bc, oÙX OS €) TOTW TO GHLATL Âéyerea eva, al oc y THÉGEL & ai TO Tapeiva, À Dérca à © Oeès ëy Au" ral yap tn oxÉGEL Ka TA TPÉG TL porn Ha dass dd Su Fe ÜTo Tod coparos Thy ne. dc Déyouey Ùrè Tic Epouéne DT Sau Tv épasthy, où coparmäs, où ronde, da nat oyÉm' QUÉYEŸES YAE (x) cu ai aryuey ee dpepès (n duyn Thäyua), ts uata uépos rames TEprypanÿs HPEUTTÉ ni) Y4p uñ E0) HÉPSS;, Toit) divareu TÔTU) TEPt } PAPE 77 Y4P TÔROS GUYUGITTATAL * TÉrOs ap ÉTL RÉpas ToÙ TEPÉYOVTES , FR mepéyer Tà mepeyéuevoy" ei Œ is léyar* cUkoDy val Ev "Aeavdpeier ua) ev Popn écri val navrayoÿ à eu Quyn, AavSdve Éaurèy Fou Toroy déyus * ta Jap Tè à "AcÉedpele za Ghmg To y Tue, Téros Éotint né té QIPE cUx ET, ak à oyéeu Oeretan PP ui FRE repthrpS ver TéRw" OTav 0 Ey cyÉTe YÉvnTer Tà VonTè Téreu Tuwès % GE a €) TOR ovtes , xataypnsTuwtepoy Méyouev, ÊxET ait avan, Dix Thy Evépyetav adtob Ty ÉNEt, TOY TÉTOY dvi Ths cyéaemc nai The évepyelus AaufBävoutes dou y Déyeu, ÉnEt EVEPPE, Xéyouer, Et ETTi. co x n D'AMMONIUS-SACCAS. 131 CHAPITRE I. TRADUCTION DES DEUX FRAGMENS DE LA DOCTRINE D'AMMONIUS-SACCAS. — EXPLICATION ET DÉVELOPPEMENT DES PRINCIPES QUI Y SONT EXPOSÉS. La première réflexion que l’on doit naturellement faire, après avoir parcouru les deux morceaux qui précèdent, c’est que celui qui veut en étudier le texte et comprendre les principes qui y sont analysés avec une puissance de logique extrêmement remar- quable, rencontre à chaque pas de nouvelles difficultés et se voit souvent arrêté dans sa marche, Les idées qui se rattachent au supernaturalisme et à la théosophie orientale, ne peuvent, on le conçoit aisément, s'exprimer à l’aide du langage ordinaire ; mais pour ceux qui n’y sont pas habitués, ce langage mystique est presque toujours obscur et quelquefois même énigmatique. Voyez les Ennéades; existe-t-il dans toute la littérature ancienne un ouvrage dont la lecture soit, pour le fond et pour la forme, plus fatigante et moins agréable? Toutefois, nous l’avouons, il y à entre les écrits de Plotin et les fragmens attribués au Saccophore, une immense différence ; le disciple nous laisse un texte corrompu et rempli de locutions vicieuses ou inintelligibles"; le maître au contraire a un langage pur et correct sans être constamment clair, élégant sans être pompeux. Mais, malgré tous ces avantages, il n’en est pas moins vrai que les deux morceaux qui nous restent de la doctrine d’Ammonius, renferment un grand nombre de mots 1 Espérons que le savant Creuzer fera bientôt paraitre sa belle édition des Ennéades, à laquelle il travaille depuis plus de vingt ans et qui est attendue avec la plus vive impatience par tous ceux qui s'occupent de l'histoire de la philosophie. 132 VIE ET DOCTRINE et même de phrases tout entières, dont il est presque impossible de saisir l'équivalent en français. En publiant la traduction de ces deux fragmens, nous n’avons cherché qu’à la rendre littéralement exacte et fidèle ; nos lecteurs jugeront si nous avons réussi. Premier fragment. Ce fragment, inséré par Némésius dans son Traité de la nature de l’homme , se trouve dans le second chapitre de cet ouvrage, intitulé : de l'âme (r:pi duyñe). Le savant évêque d'Émése, ayant de parler du Saccophore, passe en revue les opinions émises par ses devanciers sur l’essence de l’âme et en donne un aperçu général que nous allons reproduire. Presque tous les anciens, dit-il’, différent d'opinion sur la nature de l’âme; car Démocrite, Épicure et toute la secte des philosophes stoïciens, soutiennent que l’âme est corporelle ou matérielle, et ces mêmes philosophes qui prétendent que l’âme est corporelle, différent encore d’opinion sur son essence. En effet, les Stoïciens disent que c’est un souffle chaud et igné; Critias”, que c’est le sang ; Hippon*, que c’est de l’eau; Démo- crite “, que c’est du feu. 1 Voyez Nemesius Emesenus, o. 1., ch. Il, p. 67 et suiv. (ed. Matthaeï). 2 Woyez Fischer. ad Platonis Phaedonem, p. 404, note 22. — Proclus, ad Platonis Timaeum , p. 22. 3 Voyez Jo. Grammat., qui, dans son Traité sur l'âme , donne à Hippon le surnom d'athée. 4 Voyez Aristot. de anima, liv. 1, ch. 2. D'AMMONIUS-SACCAS. 133 Mais cette divergence d'opinions n'existe pas seulement parmi les philosophes qui pensent que lâme est corporelle ou maté- rielle ; ceux qui soutiennent qu’elle est incorporelle ou immaté- rielle ne sont pas plus d'accord entre eux; les uns disent que c’est une substance et une substance immortelle, les autres que l’âme est bien incorporelle, mais qu’elle n’est ni une substance, ni im- mortelle. Car, pour commencer par Thalès, il prétend que l’âme est toujours en mouvement et qu’elle se meut d’elle-méme : ; Pythagore, que c’est un nombre qui se meut lui-même *; Platon, que c’est une substance intelligible, mue d'elle-même selon un nombre harmonieux * ; Aristote, que c’est l’entéléchie primitive d’un corps physique, organique, qui ne doit la vie qu’à la puis- sance (viua Enr Eye); Dicéarque, que c’est l'harmonie des quatre élémens *. 1 Voyez Plutarch. de placit. philosoph. IN , 2. 2 Voyez Macrob. Somn. Scipion., liv. I. 5 Woyez Plutarch., 1. 1. — Platon. de legib. 10 etin Phaed. 4 Plutarque , 1. 1., explique le mot évreñeyex par le mot &éoye, activité, force. — Idem Plutarch. Tome II, p. 1006, D. — Diogen. Laert., p. 176. Voyez dans Eusèbe, Praeparat, evang., p. 811 et suiv., la réfutation par Plotin et Porphyre de la doctrine d’Aristote sur l’entéléchie. — Aristot., liv. IL, de anima, ch. 1 et 2. — Selon Aristote , tout , dans la nature , a sa matière (ay) et saorme (eidoc); mais, quant à l'âme, elle n’a ni matière, ni forme ; elle n’a qu'une quasi-matière , c'est-à-dire , une force, une puissance (diyæu:) et une quasi-forme, c'est-à-dire , une entéléchie (éyreeyclæ). Toutefois il est à remarquer que ce philosophe désigne souvent l'âme tout entière par le mot &rercyelr, et qu'il prétend que l’âme est immobile, tandis que Platon soutient le contraire. Au reste, l'entéléchie d’Aristote, nonobstant toutes les explications des anciens et des modernes, restera toujours chose fort obscure. — Voyez Macrob. in Somn. Scipionis, liv. Il, ch. 13-16. — Ancillon, dans : 4bhandlungen der Berliner Academie , années 1804-1811. 5 Voyez Plutarch., 1. 1. IV, 2. Tom. IX. 18 134 VIE ET DOCTRINE Mais parmi ces philosophes, il en est qui prétendent que l’âme est une substance (ce); Aristote et Dicéarque disent que ce n’est pas une substance (x). En outre, il y en a qui soutiennent qu'il n’existe qu’une seule et même âme éparpillée sur tous les êtres animés, qu’elle est la même pour tous, mais qu’elle est divisée en petites parties, que l’âme de chaque être animé n’est autre chose qu'une de ces parties de âme universelle, et que toutes ces parties doivent de nouveau se réunir et rentrer dans son sein, ainsi que le pensent les Manichéens ‘et quelques autres”. Il en est qui disent au contraire qu’il y a plusieurs âmes et qu’elles différent les unes des autres par leur forme. Enfin des philosophes affirment qu'il n’y à qu’une âme et en même temps qu’il y en a plusieurs. Or, il est indispensable que nous entrions ici dans quelques détails, pour combattre des opinions si diverses et si nombreuses. Quant à ceux qui prétendent que l’âme est corporelle ou ma- térielle , suffira, pour les réfuter tous et sans exception, de citer les argumens qui appartiennent à Ammonius, maitre de Plotin, et à Numénius, philosophe pythagoricien. Voici textuellement leurs paroles : « Les corps étant de leur propre nature susceptibles, non- 1 Voyez Epiphan., Tome I, p. 625, D. 2 Ce qui précède se rattache évidemment au système des émanations, dont nous ferons bientôt connaitre les principaux élémens, et les philosophes dont Némésius fait mention après les Manichéens, doivent s'entendre des Gnostiques , d’Ammonius-Saccas et de tous ses élèves, qui ont professé cette doctrine, Car cette âme universelle; qui est la même pour tous les êtres animés, ne peut être que l’âme du monde de l'école Ammonio-Plotinienne. D'AMMONIUS-SACCAS. 155 seulement de subir des changemens, mais encore de se dissiper partout dans l’espace et de se diviser à l'infini , de sorte qu’il ne reste en eux rien d’immuable, ils ont besoin d’un principe qui en joigne les parties , «wi, et les tienne unies ensemble , axéye, qui les lie les unes aux autres, ox, et les combine pour ainsi dire, ouyxgaroi ‘, et que nous appelons éme. Or, si l’âme est un corps, quelle que soit son essence, quelque subtil qu’il soit, quelle sera donc la nature du principe qui lui sert de support (de substratum) ? Car il est démontré que tout corps a besoin d’un principe, qui réunisse et attache les élémens dont il se compose, et il en sera de même à l'infini jusqu’à ce que nous parvenions à rencontrer une substance incorporelle. — Mais si l’on prétend, comme les Stoïciens *, que l’âme n’est qu'un mouvement autour des corps, un mouvement de ten- sion qui est dirigée vers le dehors en même temps qu’elle Pest vers le dedans, et que, dirigée vers l'extérieur, elle produit les grandeurs (les quantités) et les qualités, tandis que dirigée vers l’intérieur, elle forme l’union, ze, et l'essence, sta ; si des philosophes, disons-nous, émettent cette opinion, voici ce que nous leur répondrons : puisque tout mouvement part d’une force, vu, quelconque, quelle est cette force, nous le de- 1 Ce principe est l’hypostase ou le substratum des modernes. 2 Voyez Baguct, disputatio de Chrysippo, dans les Annales de l’université de Lou- vain, p. 102et suiv., not. 175 et pp. 252 et 307. 3 Les Stoïciens ne veulent-ils pas désigner par là ce que les physiciens et les chi- mistes de nos jours appellent mouvement d'attraction et de répulsion? Au surplus, cette observation, hous en sommes convaincu , ne rendra pas plus claire la définition. des philosophes du Portique. 136 VIE ET DOCTRINE » mandons, eten quoi consiste son essence ? Que si l’on soutient » que cette force elle-même est matière, nous emploierons les » mêmes argumens que plus haut. Que si l’on soutient au contraire » que cette force n’est pas matière, «y un, mais quelque chose » de matériel? a , (ce qui est matériel, 2%, est différent de » la matière; car on appelle matériel, em, Ce qui participe de » la nature de la matière, uez © RO — 162 VIE ET DOCTRINE différence est le résultat et la conséquence nécessaires de la di- versité des passions, auxquelles les hommes sont soumis. Donc, quand on dit que toutes les âmes des hommes ne forment qu’une seule et même âme, il ne faut pas entendre par là que les âmes des hommes ne soient point susceptibles de multiple ; mais cela si- gnifie que ces âmes sont à la fois l’unité et le multiple ; l'unité, en tant qu’elles participent de la nature de l’âme du monde, qui reste toujours la même ; le multiple, en tant que, d'autre part, elles sont étroitement liées et intimement unies à la nature divi- sible, qui entoure les corps *. Voilà un aperçu de cette riche pneumatologie dont Ammo- nius a tiré un si grand parti; il nous donne ainsi un traité de cosmogonie transcendantale, dont il n’est point facile de se rendre raison ; il parcourt les régions aériennes de l’univers intellectuel, comme si elles étaient son domaine; il peuple lempyrée de génies que son imagination a créés; il les place chacun à leur poste, comme un général d’armée dispose ses soldats. On reconnait dans tout ce que nous avons vu, les idées mystiques dont l'Orient fut le berceau, et Ammonius nous apparait, avec Plotin, son meil- leur ami et son disciple de prédilection, comme un théosophe enthousiaste ou plutôt comme un des esprits fantastiques qu’il trouve partout, et qui, dédaignant de laisser tomber leurs regards sur la terre, se tiennent constamment dans le monde des intelli- gences; car ses doctrines secrètes ou son enseignement éso{é- rique aboutissent au supernaturalisme le plus excentrique. 1 Voyez Plotin, Enn, IV,9,1et2,p.477 et suiv. D'AMMONIUS-SACCAS. 163 Toutefois, en jetant ce coup d’œil rapide sur le mysticisme oriental professé par le Saccophore et ses disciples intimes, nous n’avons point la prétention d’avoir analysé, dans tous ses détails, le brillant système des émanations ; nous nous sommes au con- traire borné, pour le moment, à en indiquer les bases fondamen- tales et essentielles; mais nous nous réservons de traiter ce beau sujet d’une manière aussi complète que possible dans un ouvrage assez considérable, que nous nous proposons de consacrer à l’ex- position de la doctrine de Plotin dans ses rapports avec celle d’Ammonius-Saccas, et dont la publication , nous l’avons déjà dit et nous l’espérons, sera très-prochaine. 164 VIE ET DOCTRINE TROISIÈME SECTION. DES SOURCES OÙ AMMONIUS-SACCAS A PUISÉ SA DOCTRINE. La question de savoir ce qu'Ammonius a emprunté, pour créer son système, à ses nombreux devanciers , est une des plus intéressantes que l’on rencontre dans l’histoire de la philosophie. Mais elle offre de grandes difficultés à ceux qui veulent la résoudre. Nous allons néanmoins l’aborder et l’examiner avec d’autant plus de soin, qu’elle nous permettra d’expliquer lorigine et la nature de la philosophie d'Alexandrie, et de montrer non- seulement ce qu’elle a été, mais ce qu’elle a dû être nécessaire- ment. Dans toute doctrine, il faut distinguer la méthode de la partie dogmatique. Il nous semble donc indispensable, avant d'indiquer les sources où le Saccophore a puisé les idées philosophiques qu’il a développées au Musée des Lagides, d'étudier les causes qui ont exercé une influence plus ou moins puissante sur la méthode qu'il a adoptée. Pour mettre plus d’ordre dans notre travail, nous diviserons cette section en deux chapitres; dans le premier nous essaierons de présenter, sous son véritable point de vue, l'esprit de ce siècle extraordinaire où Ammonius a vécu, et qui n’a pu manquer de lui tracer la marche qu'il a suivie dans sa manière de philosopher. Dans le second, nous tâcherons d’énumérer les différentes doc- trines qui lui ont fourni les principaux élémens de son système, et qui ont imprimé à son mysticisme ce caractère particulier qui le distingue du christianisme, du judaïsme et du gnosticisme. D'AMMONIUS-SACCAS. 165 CHAPITRE PREMIER. DE L'ESPRIT ET DE LA TENDANCE DU SIÈCLE D’AMMONIUS-SACCAS. — DE LA NATURE VÉRITABLE DE LA PHILOSOPHIE ALEXANDRINE. Quelle a été et quelle a dû être la nature des nombreuses doc- trines philosophiques d'Alexandrie ? Si nous admettions le raison- nement employé par M. Victor Cousin, dans son Zntroduction à l'histoire de la philosophie, deux mots süfiraient pour répondre à priori à cette question; mais ce serait la trancher et non la résoudre. Ce savant professeur part de ce principe qu'il n’y a, dans la pensée , que trois élémens, celui de l'infini, celui du fini et celui du rapport de l'infini au fini. L’infini représente le supernatura- lisme oriental, le fini le rationalisme grec basé sur l'expérience, et le rapport de ces deux élémens forme ce que nous appelons le syncrétisme , c’est-à-dire, la combinaison du supernaturalisme ou de l'infini avec le rationalisme ou le fini’. Et puisqu'il n’y a dans la pensée que trois élémens, il n°y aura dans l’histoire de la philosophie que trois grandes époques, qui se succèderont dans l’ordre suivant : 1° l’époque de l'infini, 2° celle du fini et 3° celle du rapport des deux premières *. Mais il faut que l'esprit d’une époque, pour étre visible, prenne possession de l’espace, s’y établisse et occupe une portion quelconque plus ou moins con- } Woyez Victor Cousin, Zntroduction à l'histoire de la philosophie, cours de 1828, (éd. de Bruxelles), IV® leçon , p. 20 et suiv., p. 28 et suiv. — Ve leçon, init. et p. 26 et suiv. — VII: leçon, anit. ? Voyez Victor Cousin , même ouvrage , VII: leçon, p. 9, jusqu’à la fin. Tom. IX. 22 166 : VIE ET DOCTRINE sidérable de ce monde ; tout lieu , tout territoire doit donc néces- sairement représenter une idée et, par conséquent, une des trois idées que nous venons d’énumérer; de là cette formule, qu’un lieu représente ou l'infini, ou le fini, ou le rapport du fini à l'infini. Or, quel sera le théâtre de chacun des élémens de la pensée ? Tout dans l’époque de l'infini étant sous la condition de l’idée de l'unité, de l'être en soi, de l'absolu, de l’immobilité, de la syn- thèse, en un mot, du supernaturalisme, cette époque aura pour théâtre un immense continent, dont toutes les parties seront com- pactes, immobiles et indivisibles, comme l'unité; l’Asie convenait donc parfaitement au développement de l'infini. — Quel sera le théâtre du fini ? L'idée du fini n’existant que sous la condition du mouvement, de la variété, de l'analyse, du rationalisme basé sur l'expérience, son époque occupera des pays de côtes, les bords de quelque mer intérieure; car les mers intérieures, représentant la crise et la fermentation de la nature, sont le centre naturel, le lieu et le rendez-vous des grands mouvemens de la civilisation et de l'humanité; la Grèce devait donc être le théâtre de cette époque. — Mais l’époque du rapport du fini à l'infini doit aussi, comme élément de la pensée, avoir son théâtre ; pour le décou- vrir, On n’a qu’à concevoir un mélange des deux premières épo- ques, du fini et de l’infini, du mobile et de immobile, de l’analyse et de la synthèse, du rationalisme et du supernaturalisme, et l'on aura l’industrie, l’état, les arts, la religion et la philosophie de cette troisième époque. Mais quel en sera le théâtre? Un con- tinent considérable, assez et pas trop compacte, d’une longueur et d’une largeur bien proportionnées, de grands fleuves qui le traversent en tous sens, de telle sorte que le mouvement et l’im- D’AMMONIUS-SACCAS. 167 mobilité, que la durée et le temps, que le fini et l'infini puissent y trouver leur place, que rien n’y demeure dans une unité glacée et que rien ne s’y dissolve, que tout dure et en méme temps se développe, que tous les extrêmes y soient avec leur harmonie ; ce sera, en un mot, un continent, qui, par sa configuration, par sa température exquise, par le mélange de mers et de terres, de montagnes et de plaines, soit propice au développement complet et harmonique de l'humanité ’. On devine sans peine, d’après ces diverses considérations, que la ville d'Alexandrie sera inévitablement le théâtre de l’époque des rapports du fini à linfini, c’est-à-dire, de la combinaison du rationalisme grec avec le supernaturalisme oriental; car, d’un côté, les déserts de Barca, de la Lybie et surtout l'immense océan de sable de Sahara, représentent exactement l’idée de l’imfini, tandis que, d'autre part, la mer Méditerranée, par son mouve- ment continuel et varié, convient parfaitement au développement de l’idée du fini. Mais toutes ces raisons sont plus spécieuses que solides et, quoiqu’elles flattent et séduisent au premier aspect, il est bien difficile qu’elles plaisent à l’esprit, qui juge froidement et qui ne se laisse point éblouir par l'imagination toute poétique d’un homme de génie. Quand on cherche l’origine de la philosophie chez les peuples; quand on veut en connaître la nature et découvrir les principales directions qu’elle a suivies, il faut examiner avec soin quels sont 1 Voyez Victor Cousin , même ouvrage, VII- leçon, 1. L — VIII: leçon, p. 11 et suiv., p. 13 et suiv.,p. 15 et suiv., et surtout p. 19 et suiv. 168 VIE ET DOCTRINE les élémens dont se compose la nation, quelle est sa religion, quelles sont ses lois, quel est son commerce, quelles sont ses institutions et quel est son langage. C’est en procédant de cette manière, mais de cette manière seulement, quon peut espérer d'atteindre le but qu’on se propose et de parvenir à une solution rationnelle d’une foule de problèmes de la plus haute importance pour l’histoire du genre humain. Nous allons, en appliquant ces principes de critique aux nombreuses écoles, qui ont pris nais- sance dans le royaume des Ptolémées, nous efforcer de faire voir comment elles se sont formées, comment elles se sont successive- ment développées et quel en est le caractère distinctif. Quels furent les habitans primitifs d'Alexandrie ? Voilà la pre- mière question qui attire notre attention. Alexandre-le-Grand, après avoir bâti cette magnifique cité, qui devait le rendre immortel, ordonna aux autres villes d'Égypte d’y verser une partie de leur population, y laissa une garnison macédonienne et fit venir des Grecs et des Asiatiques, qui s’em- pressèrent de s’y établir. Plein de confiance dans l’attachement que les Juifs lui avaient montré, il les invita aussi à se fixer dans la future capitale de l'Occident. Tel fut le mélange hétérogène des premiers habitans de cette ville, qui, dès son origine, reçut dans ses murs les savans de toutes les contrées, qui consentirent à accepter les faveurs des Lagides. C'étaient des Égyptiens, élevés dans ces principes isolans, que le sceau des siècles rendait indestructibles ; des Juifs, qui, dans leur dégradation même, se regardaient comme les seuls enfans de Dieu; des Macédoniens, qui ne connaissaient encore que la grossière existence d’un peuple belliqueux et qui n’admet- [l D'AMMONIUS-SACCAS. 169 taient d'autre supériorité que celle des armes; des Grecs, qui méprisaient tout ce qui n’était pas eux et des Asiatiques, qui ne se souciaient guère ni d'enseigner ni d'apprendre ‘. Mais que résultera-t-il du mélange de tant d’élémens divers, qui, de prime abord, semblent s’exclure ? De deux choses l’une: ou cette ville immense reproduira l’image de la lutte des masses inertes et ténébreuses du chaos et verra naître, dans son sein, la barbarie, l'ignorance et enfin l’anéantissement, ou bien une puissance extraordinaire entreprendra la fusion de ces nombreux élémens, réveillera les étincelles presque éteintes du génie de ces différentes nations et réunira leurs rayons épars en un flambeau propre à éclairer univers et à appeler en Égypte les hommes les plus distingués des contrées lointaines. Or, Alexandrie, gouvernée par les Ptolémées, loin de devenir le séjour de peuples sauvages et ennemis de la civilisation, s’éleva au premier rang des cités et fut, pendant plus de six siècles, l’asile des sciences et des lettres; car ces princes, généreux protecteurs des beaux-arts, avaient compris qu’ils devaient, pour régner paisiblement, s’efforcer de rapprocher les uns des autres tous leurs sujets et de détruire les antipathies qui pouvaient exister entre eux ; aussi ne négligèrent- ils aucun moyen pour parvenir à ce but. Le fils de Philippe de Macédoine , en jetant les fondemens d'Alexandrie , avait dédié des temples aux divinités grecques non moins qu’à celles de l'Égypte, pour prouver qu’il ne favorisait point une partie des habitans de sa nouvelle métropole à l'exclusion de leurs concitoyens *. Les ! Voyez Matter, Essai historique sur l'école d’ Alexandrie. Tome 1, p. 20 et suiv. 2 Voyez Arrien, Ezxped, Alexand. Mag., liv. HI, ch. 1. 170 VIE ET DOCTRINE Lagides suivirent un exemple qui avait amené les plus heureux résultats, et accordèrent une égale protection à tous les peuples soumis à leur empire. Ptolémée Soter érigea des autels en l’hon- neur de Vénus, de Bacchus et d'Hercule, tandis qu'il faisait rendre des hommages et offrir des sacrifices à Sérapis, divinité égyptienne. En montrant sans préférence tant de sollicitude pour la conservation intacte de tous les cultes admis dans leurs états, les Lagides avaient évidemment formé le projet de réunir et de confondre des peuples aussi attachés l’un que autre à leur an- ciennie religion. Les traditions mythologiques de la Grèce avaient de grandes analogies avec les doctrines symboliques de l'Égypte ; elles reposaient même, dans l’origine, sur des bases à peu près identiques ; il ne s’agissait donc que de faire disparaitre les diffé- rences qu’avaient produites le temps, le climat et le caractère de chaque nation. Plusieurs faits historiques viennent attester que les Ptolémées travaillèrent constamment à cette belle œuvre, conçue par un génie puissant et exécutée par des princes éclairés: l'asile des muses grecques, le Musée d'Alexandrie, fut consacré à Isis ; la statue de Jupiter, enlevée de Sinope, fut transportée dans le temple de Sérapis; le grand-prêtre de la cour, qui semble avoir dirigé les vues de Ptolémée Soter, avait été appelé de la ville d'Éleusis, dont les mystères avaient les rapports les plus intimes avec ceux de l'Égypte’. Toutefois, ce qui contribua le plus directement à assurer à leurs nobles efforts le succès le plus 1 Voyez Matter , Essai historique sur l’école d’ Alexandrie. Tome I, p. 58. — Tacit. Histor. IV , 83. — Mémoires de l'Académie des inscriptions. Tome XXXI, p. 99. — Creuzer , Symbolik der Griechen und Rômer. Tome I, p. 305 et suiv. D'AMMONIUS-SACCAS. 171 éclatant, c’est que le premier des Lagides recut avec distinction tous les savans qui se rendaient à Alexandrie, et leur accorda des faveurs innombrables ; il fit même recueillir pour eux, non-seule- ment les ouvrages de la Grèce, mais encore ceux de Asie et de l'Afrique. | Mais le fait le plus remarquable, le phénomène le plus extraor- dinaire, qui démontre à l’évidence que le but réel des Lagides était de ménager un traité d'alliance et d'union indissoluble entre Orient et l'Occident, et de faire , de tous les élémens que renfer- mait la capitale de l'Égypte, un seul peuple , ayant les mêmes goûts, les mêmes habitudes, la méme religion, les mêmes doc- trines et le même langage; ce fait, qui mérite, sous tous les rap- ports, l'attention de lhistorien, c’est la version grecque du Pentateuque , qui fut commencée vers la fin du règne de Ptolémée Soter, et qui fut entièrement achevée sous celui de Ptolémée Philadelphe. Jamais les Lagides ne furent aussi zélés pour la possession d’un ouvrage; jamais ils ne furent aussi prodigues envers ceux qui le cédaient". En effet, ils envoyèrent de riches présens au grand-prètre de Jérusalem, et, la version terminée, ils récompensèrent dignement ses soixante-douze auteurs *. 1 Voyez Aristeas, de leg. div. ex heb. in graec. translat., p. 70, interp. (ed. emend. juxta exemp. Vatican.) Francof., 1810. 2 Voyez Syncell. chronog., p. 272. — Josephi Judaei antiq. XI, 2, 2-14. — Philon. oit. Mosis. Tome IT, p. 660.— St. Epiphan. de ponderibus et mensuris , $ 3. — Eusebn Praep. evang. IX , 3. — Lightfoot Arkbayz de rebus ad vers. 70 in oper. posthum. — St.-Jérôme, Quaest. in Genes. in prooemio.— L'épilogue du livre d'Esther.— Sandhbock, de versione Alexandrina. Upsal, 1784. — Vives ad Civit. Dei. XI, 25. — Eichhorn. Répertoire de littérature sacrée (en all.), p. 266. — Valckenaer ( Diatribe de Aristo- bulo judaeo, 1805), qui émet de nouvelles idées sur la version des Septante, — Foyez 172 VIE ET DOCTRINE Or, créer un musée pour les savans de tous les pays et combler de bienfaits tous ceux qui se livraient à l’étude des sciences et des lettres, à quelque nation qu'ils appartinssent ; placer des divinités grecques dans les temples d'Alexandrie et introduire dans la reli- gion des Hellènes des cérémonies empruntées aux traditions symboliques de l'Égypte ; rassembler les monumens scientifiques et littéraires de l'Orient et de l'Occident, pour fournir à tous leurs sujets occasion de les consulter, de les étudier et de les comparer ; charger soixante-douze personnes de traduire, pour les différens peuples qui habitaient leurs états, les livres sacrés des Hébreux; faire de leur royaume le centre et le siége du com- merce des trois parties du monde, n’était-ce point déjà préluder au mélange des idées orientales avec les systèmes grecs, en opé- rant la fusion des élémens si nombreux et si hétérogènes dont se composait la population de leur capitale? En un mot, n’était-ce point préparer la combinaison du rationalisme et du supernatu- ralisme ? Tout semble donc annoncer que la philosophie de cette époque doit aboutir au syncrétisme et cela est si évident, que cette ten- dance n’est pas moins sensible dans la littérature que dans les sciences purement spéculatives. Dans l’origine, Alexandrie fut, ainsi que nous l’avons déjà dit, peuplée de Macédoniens, d'Égyp- tiens, de Juifs et de Grecs. Le dialecte macédonien y domina d’abord avec tous ses sons désagréables ; mais bientôt des expres- sions vicieuses et des tournures étrangères se glissèrent dans ce surtout , pour ce qui précède , l'excellent ouvrage de M. Matter, que nous avons si souvent cité : Essai historique sur l’école d’ Alexandrie ; passim. D’AMMONIUS-SACCAS. 173 langage. Plus tard, lorsque l’on s’occupa de la version grecque du Pentateuque ; on fonda dans la ville des Lagides une école d’écri- vains juifs, qui se perpétua jusqu’à l'établissement de l’école chrétienne ou des saintes paroles”. Cette école adopta un style particulier, qu'on nomme hellénisme judaïque, et qui offre beau- coup de constructions et de locutions orientales. Les progrès de ce genre de littérature inconnue jusqu'alors, se font surtout remarquer dans les écrits de Josèphe et dans les livres du Vouveau Testament”. Toutefois, nous ajouterons que les Juifs ne sont pas les seuls qui aient entrepris de combiner la langue d’Homére avec les langues orientales. Théocrite lui-même parait avoir joint ses efforts à ceux que faisaient les docteurs de cette école pour obtenir ce résultat, si conforme au génie de leurs contemporains. Qu’on lise son épithalame d'Hélène et de Ménélas et l’on y découvrira des ressemblances frappantes avec ce cantique célèbre, dans lequel le roi de Jérusalem chante son hyménée avec la belle Sulamith : on a été plus loin; on a prétendu que le poème de Théocrite n’était qu’une imitation de celui de Salomon . Au surplus, si nos lecteurs attribuaient au hasard l'unique point de contact que nous venons de signaler, nous les engagerions à comparer encore d’autres passages, et, après les avoir parcourus, ils ne tarderaient guère, nous en sommes sûr, à se convaincre avec nous que l’auteur des Zdylles grecques a étudié au Musée 1 Voyez Suidas, s. v. Irenaeus , qui écrivit sur les dialectes alexandrins. 2 Voyez les écrits de Saumaise et de Sturtz , et surtout le programme du Professeur Planck : De vera natura et indole orationis graecae Nov. Test. Gotting., 1810, in 4°. 3 Woyez Salomon. Cantic. 1 , 9 et Theocrit. Zdyll. XVIII, 30 et 31. Tom. IX. 23 174 VIE ET DOCTRINE des Lagides le cantique de Salomon, qu’il Va souvent pris pour modèle ‘et qu’il a, de cette manière, contribué à faire surgir du milieu de toutes les doctrines enseignées dans la capitale de l'Égypte , le syncrétisme alexandrin. Cependant il est à remarquer que, durant les premiers siècles de l'existence du Musée, les savans accourus en Égypte de pres- que toutes les contrées de l’univers, se bornèrent à reproduire, sans leur faire subir des modifications essentielles, les principes qu'ils avaient professés dans les pays qu’ils venaient de quitter; mais, quoiqu'il ne füt d'abord que très-rarement question du mélange de la philosophie grecque avec le supernaturalisme oriental, il n’en est pas moins vrai que toutes les doctrines qui ont pris naissance dans la ville des Ptolémées, et qui sont réel- lement originaires d'Alexandrie, ont dû nécessairement se rat- tacher au syncrétisme ; car il répondait, sous tant de rapports, à l'esprit et aux besoins intellectuels du siècle, qu'il était devenu le seul système admissible et même possible à l’époque où vécut le Saccophore. CHAPITRE IL. DES DIFFÉRENTES DOCTRINES QUI ONT FOURNI À AMMONIUS-SACCAS LES PRINCIPAUX ÉLÉMENS DE SON SYSTÈME. Pour pouvoir indiquer avec exactitude les sources où notre philosophe a puisé sa doctrine, il est indispensable de connaître 1 Cf. Canticum. VI, 8-10. — Theocrit. Zdyl!. XVIII, 20-29. — Cantic., 1,5. — Idyll. XNVHT, 26-29. — Cantic. IV, 11. — Zdyll. XX, 27. — Cantic. VIII, 7. — Idyll. XXXW, 24-27, — Voyez aussi Warton, ad Zdyll. XVIIE, 26. — Schwebel, ad D'AMMONIUS-SACCAS. 175 avant tout la nature et le caractère distinctif des principes qu’il a développés avec tant d'éclat et de succès dans la savante école d'Alexandrie. Quel est donc le système qu’il a professé? Est-ce l’éclectisme pur ? Est-ce le faux éclectisme ? Ou bien est-ce le syncrétisme ? Mais on n’est plus éclectique, lorsque l’on rejette d’une ma- nière presque absolue l'autorité de la raison, pour se plonger dans les profondeurs des spéculations mystiques, et tout ce qui précède nous a représenté Ammonius, comme un philosophe, ou plutôt comme un théosophe enthousiaste, dont l’enseignement ésotérique porte avec lui le cachet du syncrétisme le mieux con- staté. En effet, son but est facile à saisir ; il tâche de combiner les riches théories du supernaturalisme oriental avec les belles conceptions platoniques et la métaphysique un peu obscure d’Aristote. Encore faut-il ajouter qu’il penche partout vers le mysticisme, ce qui du reste n’a rien d'étonnant dans un homme dont l’imagination était si exaltée, que ses disciples lui avaient donné le nom d’inspiré, et qui enseignait à une époque et dans une ville, où l’on voulait une philosophie croyante, qui, dédai- gnant de repousser les attaques du scepticisme, s’appuyät ou sur la révélation directe de la Divinité, ou sur l’intuition immédiate de l’Ëtre Suprême. Il est évident, d’après cela, que le Saccophore n’a fait aucun emprunt ni à Ménédème , ni à Strabon, ni à Ammonius, maître de Bionis Idyll. VIX, 1. — Harles, ad Theocrit. Idyll. VII. — Wesley, Dissert. in Uib. Jobi. — Lowth, Poesis sacra Hebr., p. 613. — Staeudlin , dans les Memorabilien du Prof. Paulus , p. Il, p. 162. — Matter , 0.1. TomelIf, p. 30 et suiv. 176 VIE ET DOCTRINE Plutarque de Chéronée, ni à Euphrate le Syrien , que nous avons, - dans l'introduction à ce Mémoire, rangés parmi les faux éclecti- ques, ni enfin à Potamon, que nous avons considéré comme le seul éclectique pur d'Alexandrie, tout en avouant que les auteurs anciens, qui en ont parlé, ne nous permettaient pas de dire au juste ce qu’il fut. Quels sont donc les philosophes qui ont exposé dans la capi- tale de l'Égypte des doctrines à peu près semblables à celles d’Ammonius-Saccas, et qui ont pu lui tracer les principales direc- üons qu’il a suivies dans ses conférences secrètes ou mystérieuses? Nous savons que son enseignement ésotérique, le seul qui ait quelque importance pour nous, repose entièrement sur le dogme fondamental de la contemplation immédiate de la Divinité, et sur le système des émanations. Or, ce système, dont la Perse parait avoir été le berceau, remonte à la plus haute antiquité. On le trouve développé dans le Zend-Avesta ; l'Étre Supréme yest qualifié de femps sans bornes , puisqu'il est impossible de lui assigner aucune origine '. Le commencement de la création se fit par émanation. La première émanation de l'Éternel fut la lumière primitive et de cette lumière sortit le roi de la lumière, Ormuzd; à l’aide de la parole, Ormuzd créa le monde pur *. L'idée de l’'émanation est encore, pour ainsi dire, l’âme et le caractère essentiel de la Kabbale *. 1 Voyez le Zend-Avesta, vol. 1, p.2, p. #14, et vol. Il ,p. 6. 2 Voyez le Zend-Avesta, vol. 1, p. 2, pp. 85 , 138, 140, 412 et 414. 3 Voyez Matter, Histoire du Gnosticisme. Tome [,, p. 94. D’AMMONIUS-SACCAS. 177 Il en est de même des écoles de Gnostiques, qui sont toutes d'accord sur les deux principes de l’émanation et de la création par le Démiurge ". Mais les Kabbalistes et les Gnostiques ne furent pas, dans la ville des Lagides, les seuls partisans du système des émanations. Philon le Juif l’adopta également et l’exposa même dans plusieurs de ses écrits. Or, il nous importe d'autant plus de connaître les princi- paux élémens de cette doctrine, telle qu’elle a été professée par ce savant docteur, que c’est lui qui a exercé sur l’école Ammonio- Plotinienne l'influence la plus directe et la plus puissante. En voici un aperçu général * : 1° Dieu est l’âme du monde. Il a communiqué la forme à la matière inerte et produit ainsi l'univers. La contemplation ne peut toutefois que préparer l'esprit à connaitre la Divinité; car, pour acquérir réellement cette connaissance, il faut étre instruit d’une manière immédiate par Dieu, qui fournit la vue intuitive de son existence à l'esprit humain, enseveli dans des méditations pro- fondes. L’intuition de la Divinité ne peut avoir lieu que par les yeux de l’âme, et pour qu’elle n’éprouve aucun obstacle ou même soit possible , il faut que l’âme se détache du corps et s’élève jus- qu'aux objets intellectuels, en abandonnant toutes les substances matérielles. 1 Voyez Matter, 0.1. Tome I, p. 250 et suiv. — 1, p. 267 et suiv. — I, p.270 et suiv. — I, p. 377 et suiv, — IT, p. 9 etsuiv. — Il, p. 13 et suiv. -— il, p. 33 et suiv. — I, p. 109 etsuiv. — 11, p. 191 et suiv. — IT, p. 261 et suiv. — 11, p. 265 et suiv. — Il, p. 337 et suiv. — Il, p.341 et suiv. 2 Ce résumé est extrait, en grande partie , de l’Zntroduction à l’histoire de la philo- sophie moderne, traduite de l'allemand de Buhle, par Jourdan. Tomel,p. 504 et suiv., et de l’Æistoire du Gnosticisme, par M. Matter. Tome 1, p. 62et suiv. 178 VIE ET DOCTRINE 2° La Divinité ne saurait non plus être reconnue par les yeux de l’âme. L’âme peut uniquement savoir que Dieu existe ; mais il lui est impossible de pénétrer sa nature; on présume seulement que la lumière primitive constitue son essence. Dieu a pour image le verbe, qui est plus resplendissant que le feu. L'âme de l’homme est un rayon de la Divinité. Les hommes ne peuvent donner à Dieu d’autre nom que celui de 55 +. 30 D’après sa substance, Dieu ne se trouve dans aucun lieu et ne peut être renfermé dans aucun espace. Comme être im- matériel, il est infini et réside hors du monde physique. Mais l'univers existant au milieu de l’espace et étant enveloppé par la Divinité, Dieu peut être appelé l’espace de lunivers. Par rapport à lui-même, il est son propre espace. Il se remplit lui-même et n’a d’autre limite que lui. L'espace ne parut que pendant ou après la création. Il en fut de même du temps, considéré comme mesure du mouvement du monde physique. Dieu vivait dans l’image pri- mitive du temps, où iln’y a ni passé, ni présent , ni futur. Il n’a pas commencé, ne finira jamais et réunit toutes les connais- sances. 4° En vertu de sa nature, la Divinité est immuable. Comme +, elle n’a aucun rapport avec les choses créées; mais elle a un nombre incalculable de forces et de qualités relatives, qui ser- vent à former le monde, à le conserver et à le mettre en rapport avec l’homme. Ces qualités sont morales; elles engendrent les idées de Dieu et les anges, qui sont tous des substances émanées de l'intelligence divine et répandues comme autant de rayons dans l’univers entier, ou des substances créées, dont la Divinité se sert pour atteindre son but particulier. C’est en vertu de ces D’AMMONIUS-SACCAS. 179 qualités que Dieu existe partout, quoique comme substance absolue, il réside au delà du ciel. 5° Dieu a deux verbes, de même que l’homme; le premier est l'intelligence divine. Il renferme les paradigmes de toutes les choses et de tout ce qui doit arriver ou être créé. L'ensemble de ces modèles constitue le monde idéal, qui n’est par conséquent que l'intelligence de la Divinité. Ayant conçu l’idée de créer, Dieu voulut produire le monde physique, mais aussi parfait que possible. I fut donc obligé de rendre le monde idéal, le verbe, ou le modèle de l'univers physique aussi parfait que possible, c’est- à-dire, de le former à sa propre image, puisqu'il est le seul sou- verain bien. Voilà pourquoi le verbe est l’image de la Divinité. En sa qualité de premier produit de l’activité de Dieu, il est son fils aîné , par opposition au monde physique qui en est un produit postérieur. 6° Le second verbe est la parole ou l’ensemble des qualités divines, en tant qu’elles agissent sur le monde physique, Le second verbe caractérise l’action de Dieu sur le monde; aussi désigne-t- on cette action par les locutions suivantes : Dieu dit ou com- manda. — Dieu envoya le verbe dans le monde et agit par lui. — Dieu envoya une de ses qualités pour exécuter sa volonté. 7° Le verbe, comme fils premier-né du créateur, est l’instru- ment dont il se servit dans la création du monde. Il est le monde idéal , d’après lequel Dieu a formé la matière. 8° Philon donne à la matière grossière et informe les noms de cr &v, ph 2, par lesquels il n’entend pas désigner le néant. Comme la matière tient sa forme et son mouvement de Dieu, le monde n’est pas éternel, mais créé. 180 VIE ET DOCTRINE 9° Outre les créatures visibles dont Dieu remplit les élémens, il donna aussi à l'air une foule d’habitans invisibles ou de génies, privés de corps terrestres, exempts du mal et immortels. Quel- ques-uns de ces génies sont plus rapprochés de la Divinité, com- plétement bons et désignés sous le nom d’anges. Ce sont les gouverneurs en sous-ordre de Dieu, les génies tutélaires de l'homme et ses intercesseurs auprès du Tout-Puissant. Il n’y a de mauvais anges que les àmes méchantes des hommes, dans les- quelles l'esprit de Dieu n’habite pas. Outre ces anges supérieurs, il yen a encore d’autres plus rapprochés de la terre, où ils des- cendent quelquefois et qui se laissent renfermer dans des corps. Les autres les dédaignent toujours. Les astres ont également une âme non pécheresse. Cependant il ne faut pas les vénérer ; car l'adoration est due tout entière à la Divinité. 10° L'homme est composé d’âme et de corps. Son âme ren- ferme deux parties, l’une raisonnable et l’autre irraisonnable. La première comprend l'intelligence, la faculté de sentir etcelle de parler. Le siége des passions et celui des désirs physiques appartiennent à la seconde. L'homme est donc un animal mortel et raisonnable. L'âme immortelle se trouve dans le corps comme dans une prison, un cercueil, un tombeau. Quand on veut ac- quérir la vertu, il faut exercer et développer son esprit par la phi- losophie, s’abandonner entièrement au verbe divin, combattre sans cesse la sensualité et détacher tout-à-fait son âme du corps. Les méchans, immédiatement après la mort, retournent dans le corps, qui est le siége des mauvais désirs et des passions. Les bonnes âmes montent à l’empyrée et y habitent pendant toute l'éternité. TS TC CHE RATE: Le: D'AMMONIUS-SACCAS. 181 Après avoir donné cette esquisse rapide des doctrines de Philon le Juif, nous avons à faire voir comment il s’est fait que le système des émanations, originaire de la Perse, puisque nous en trouvons les élémens dans le Zend-Avesta , a pu passer dans les savantes écoles d'Alexandrie. L'auteur de l'Histoire du Gnosticisme a, dans ce bel ouvrage, qui l’a rendu si célèbre, parfaitement ex- pliqué ce fait historique. Nous lui empruntons tous les détails qui s’y rattachent. Vers l’an 599 avant Jésus-Christ, Nabuchodonosor, roi des Chaldéens, pour se venger de Sédécias, qui s'était révolté, s’em- para de son royaume, celui de Juda, livra Jérusalem au pillage, fit égorger les vieillards, les femmes et les enfans, et condamna à l'exil et à l'esclavage le peu d’Israélites qui avaient échappé à la mort. Cette captivité, qu'on appelle la captivité de Babylone ou des 70 ans, dura jusqu’au règne de Cyrus; les Juifs, dont les institutions religieuses présentent dès leur origine des affinités si remarquables avec celles de l'Égypte , et qui ont toujours eu un penchant si prononcé pour les cultes des autres peuples, n’ont pu manquer de se familiariser avec les doctrines de leurs vain- queurs. Ils ont dü connaitre surtout celles de Zoroastre, que leur protecteur Cyrus parait avoir fait répandre dans ses états beau- coup plus que ses prédécesseurs. Sans doute dans les premiers temps, ils ont considéré les Assyriens, les Chaldéens, les Mèdes et les Perses, comme leurs ennemis, et il est certain que ces peu- ples se sont d’abord montrés tels envers la petite nation qu’ils avaient soumise à leur empire; mais bientôt des rapports diffé- rens et infiniment plus doux semblent s'être établis entre eux. Les Juifs obtinrent une juridiction particulière, des juges et des Tom. IX. 24 182 VIE ET DOCTRINE gouverneurs de leur nation ; plusieurs d’entre eux furent revêtus de charges de confiance, et Daniel, non-seulement fut l'ami et le ministre des rois, mais il fut même placé par eux à la tête du collége des Mages. Dès-lors, il est évident qu'il s’est formé entre les vainqueurs et les vaincus des relations très-intimes, et il est bien permis de croire qu’elles se sont étendues jusqu'aux idées religieuses, qui ont toujours été, pour les peuples de l'antique Asie, l’objet de leurs plus chères spéculations. Les doctrines de la Perse offraient d’ailleurs aux Juifs quelques analogies qui eurent pour résultat de les déterminer à enrichir leur propre système, en y introduisant, du moins en partie , le supernaturalisme de ces contrées !. Il y a plus:les Juifs ne cessérent pas, même après l'exil, d’avoir avec leurs anciens maïîtres des rapports d'amitié. Beaucoup de familles judaïques avaient refusé la faveur du retour que leur accordait l’édit de Cyrus; car leurs nouveaux établisse- mens valaient mieux sans contredit que le dénuement qu’elles allaient trouver en Palestine, occupée à cette époque par leurs ennemis, les Samaritains et quelques colonies étrangères aussi pauvres et plus superstitieuses que le peuple de Samarie. Ainsi une double série de communications existait entre l’Asie centrale et les régions voisines de la Méditerranée, depuis l'exil des Juifs et les conquêtes d'Alexandre. Les Grecs de l’Asie mineure, de l'Europe et de l’Afrique, visitaient souvent le centre de PAsie et recevaient dans les provinces qu'ils habitaient, les fils de leurs frères nés sur les bords du Tigre et de l’'Euphrate, tandis que, de leur côté, les Juifs entretenaient, dans ces mêmes pays, 1 Voyez Matter, Æistoire du Gnosticisme. Tome 1, p. 76 et suiv. D'AMMONIUS-SACCAS. 183 de nombreuses relations. Remarquons en outre que Ptolémée Soter, vers le troisième siècle avant Jésus-Christ, agit envers les Juifs avec une rigueur extrême, et qu'il en envoya 120,000 en Égypte, pour peupler la ville d'Alexandrie. C’est ce qui nous explique cette double invasion des idées orientales, qui, à lap- proche de l’ère chrétienne, se glissent dans les opinions judaïques et dans les systèmes grecs, ainsi que cet échange si sensible, qui a lieu , vers la même époque, entre les Grecs et les Juifs, dans cet immense confluent de toutes les doctrines, que lon nomme vul- gairement école d'Alexandrie’. Ce sont donc, en dernière ana- lyse, les Juifs qui firent connaître aux Alexandrins le mysticisme oriental. Il nous reste maintenant à examiner la question de savoir à quelle source Ammonius-Saccas a puisé ses vues générales sur la théosophie et les principes constitutifs de son système. Or, de tout ce qui précède, ilrésulte clairement, qu’on ne cite dans l’histoire de la philosophie d'Alexandrie que trois sectes, qui aient professé dans leur enseignement ou exposé dans leurs écrits la théorie des émanations , savoir : 1° Celle des Gnostiques ; 2° Celle des Juifs, Et 3° celle d’'Ammonius-Saccas et de ses disciples. Mais nous savons que l’école du Saccophore n’a été fondée que long-temps après l'établissement des deux autres. Il faut donc nécessairement que notre philosophe ait trouvé les premiers linéa- 1 Voyez Matter , 0. 1. Tome 1, p.111. 134 VIE ET DOCTRINE mens de sa doctrine, soit dans les ouvrages des Gnostiques, soit dans ceux de Philon le Juif. Quant aux Gnostiques, il ne peut nullement en être question; car, quoique leur système, de même que celui de l’école Ammo- nio-Plotinienne, ait pour base cette belle théorie orientale, ils diffèrent cependant l’un de l’autre dans plusieurs points essentiels. D'ailleurs personne n’ignore qu'il ne s’est établi entre les deux sectes dont nous parlons, que des rapports hostiles; témoin le traité que Plotin a composé contre les partisans de la gnose. Ilest donc évident que ce sont les écrits de Philon , qui ont fourni au Saccophore les principales directions, qu’il à suivies, en créant et en développant son système. Ce qui semble faire de cette opi- nion une vérité incontestable, c’est que si lon compare avec la doctrine d’Ammonius-Saccas le résumé de la philosophie philo- nienne , que nous avons inséré dans notre travail, on reconnaïîtra facilement avec nous que les deux systèmes ne reposent pas seule- ment sur les mêmes principes fondamentaux, mais qu’ils se ren- contrent jusque dans leurs moindres détails. Toutefois nous ferons observer que le Saccophore nes dtéché point à une seule doctrine, à l’exclusion de toutes les autres et qu'il fit quelques emprunts à Numénius d'Apamée, que l’on re- garde, peut-être à tort, comme néo-pythagoricien et dont nous allons, d’après Buhle”, analyser le système, en attendant que nous fassions voir, dans un ouvrage spécial, qui paraîtra inces- samment , l'influence que ce philosophe a exercée sur l’école Ammonio-Plotinienne. « Numénius n’appartenait à proprement 1 Woyez Buhle, Histoire de la philosophie moderne , introduction. Tome I, p. 544. D'AMMONIUS-SACCAS. 135 parler ni à l’école de Pythagore, ni à celle de Platon ; à en juger par ce que les anciens disent de lui et d’après les fragmens que nous possédons de ses ouvrages, il avait entièrement adopté la philoso- phie judaïque et particulièrement celle de Philon. Il admettait un Être Suprême, auquel il accordait l’immuabilité dans le sens le plus absolu, à l'instar d’Alcinoüs et d’autres Platoniciens du temps. Ce fut sans doute ce dogme qui l’engagea dans les mêmes difficultés et les mêmes contestations que ces derniers philosophes. Mais il croyait encore à l'existence d’un autre Dieu, Démiurge , émané du premier, et qui créa le monde; il accordait à cette autre divinité les mêmesattributs que Philon à son verbe. Plusieurs comparaisons lui servaient à prouver qu'il est possible de concilier cette émanation avec l’invariabilité de Dieu. Une lumière ne change point quant à son essence, lors même qu’on s’en sert pour en allumer une autre. Un maitre peut donner toute sa science à son élève, sans qu’elle ait éprouvé en lui la moindre diminution, ni la plus petite altération. Il est donc possible aussi que le Démiurge et le monde soient éma- nés de Dieu, sans qu’il cesse pour cela d’être immuable. » La doctrine de Numénius, on le voit, avait avec celle d’Am- monius des ressemblances si nombreuses et si frappantes, qu’on peut tirer de là linduction que le Saccophore a puisé dans les écrits de ce philosophe plusieurs des principes qu’il a professés à Alexandrie. Au reste, différens faits historiques viennent encore confirmer cette opinion. Lorsque Némésius, dans son Traité sur la nature de l’homme , cherche à prouver l’immatérialité de âme, il dit’ qu’il suffit, 1 Voyez Nemesius Emesenus , de Natura Hominis, cap. 11, p. 69 sqq.(ed. Matthaei). 186 VIE ET DOCTRINE pour réfuter tous ceux qui osent soutenir qu’elle est corporelle, d'apporter les argumens, dont Ammonius, maître de Plotin, et Numénius le pythagoricien, ont fait usage avant lui. Ces deux philosophes avaient donc adopté des principes tellement identi- ques, que le savant évêque d'Émèse leur attribue collectivement les raisons, à l’aide desquelles ils avaient fait voir que l’âme n’est pas un corps. Enfin nous ajouterons que, si Ammonius ne s'était point servi, dans ses lecons, des écrits de Numénius, ses disciples, tels que Plotin ‘et Origène le Chrétien *, auraient mis à les étu- dier et à les commenter moins de zèle qu’ils n’en ont montré. Concluons de tout ce qui précède qu’Ammonius-Saccas a eu, dans son enseignement ésotérique, deux guides et deux guides seulement : le premier est Philon le Juif, qui, en propageant le syncrétisme dans la capitale de l'Égypte, ne fit, au com- mencement de l'ère chrétienne, que continuer l’œuvre conçue et exécutée en partie long-temps auparavant par Aristobule; le second est Numénius d’Apamée, surnommé le Pythagoricien. Cependant on soutiendra peut-être que, d’après le témoignage formel de Hiéroclès, le but principal du Saccophore était de com- biner les doctrines de Platon avec celles d’Aristote, et qu’il a été par conséquent dans la nécessité de lire les écrits de ces deux philosophes. Mais cette conséquence n’est pas rigoureusement exacte. * D'abord nous ferons remarquer que les paroles de Hiéroclès ! Voyez Porphyrü Vita Plotini, passim. ? Voyez Suidas, s. v. Origenes et Eusebii Æistor. eccles. VI, ch. [4 et 19, ébique interpres Valesius. D’AMMONIUS-SACCAS. 187 semblent s'appliquer uniquement aux conférences publiques qu'Ammonius consacrait à l’examen des différens systèmes adoptés par les écoles philosophiques ou théosophiques d'Alexandrie, et qu’elles ne peuvent en aucune manière s'entendre de son ensei- gnement ésolérique , dans lequel il ne s’agissait exclusivement ni du rationalisme un peu poétique de l’Académie, ni des analyses extrêmement sèches du Lycée, mais où l’on s’occupait surtout du mysticisme et du supernaturalisme, parés de toutes les cou- leurs éblouissantes de l'Orient. D'ailleurs est-il probable qu’Ammonius, qui n’avait reçu dans son enfance aucune éducation, qui avait passé toute sa jeunesse dans la condition de porte-faix , qui vivait dans une ville et à une époque où la langue grecque dégénérée avait perdu cette grâce et cette élégance, qu’on admire dans les dialogues du disciple de Socrate, pour revêtir une teinte tout orientale, qui la défigurait singulièrement; est-il probable, nous le demandons, qu'un homme sans instruction et devenu philosophe comme par enchantement, ait pu lire et comprendre les ouvrages de Platon et d’Aristote ? II serait à notre avis infiniment plus raisonnable de dire que, si le Saccophore a étudié le platonisme et le péripatéticisme, il n’a connu ces deux doctrines que dans les écrits de Philon le Juif et de Numénius d’Apamée, qu’il avait pris pour modèles. 188 VIE ET DOCTRINE QUATRIÈME SECTION. DE L'INFLUENCE D'AMMONIUS-SACCAS SUR SES CONTEMPORAINS ET SUR SES SUCCESSEURS. CHAPITRE PREMIER. DE L'INFLUENCE QU'IL A EXERCÉE SUR SES CONTEMPORAINS. L'influence d'Ammonius-Saccas sur ses contemporains fut immense, ses disciples sont là pour l’attester. Mais, pour pouvoir l'apprécier et savoir déterminer avec exactitude jusqu'où elle s’étendit, il est indispensable de se faire avant tout une juste idée des différentes sectes qui régnaient à Alexandrie à l’époque où le Saccophore exposait, dans cette ville, le système qui le rendit si célèbre; car ce n'est qu’en mettant en parallèle ces écoles rivales, qu’il est possible de juger de la nature des rapports qui se sont établis entre elles. Ammonius étant mort, ainsi que nous l’avons prouvé dans un des chapitres précédens, l’an 244 ou 245 après Jésus-Christ, a dû commencer à enseigner sa doctrine au Musée des Lagides, vers la fin du second siècle de lère chrétienne; or, à cette époque, on ne connaissait déjà plus dans la capitale de l'Égypte aucune secte philosophique , qui eùt conservé intactes et sans leur faire subir des modifications, les anciennes idées rationnelles de la Grèce. Le Saccophore n’a donc exercé aucune influence sur les écoles où s'était introduit le rationalisme pur. D'AMMONIUS-SACCAS. 189 Quant à Philon le Juif, nous savons qu’il fonda à Alexandrie, vers l’an 41 de l’ère actuelle, l’école judaïque ; mais quoiqu’elle ait dü avoir, dans la capitale de l'Egypte, denombreux partisans, elle ne compte pourtant dans l’histoire que fort peu de représentans ; car, sans parler d’Aristobule, qui appartient à la première période, nous ne connaissons que Philon et Josèphe qui aient été partisans de la nouvelle doctrine qu'on y développa avec autant de zéle que d’enthousiasme, Encore convient-il de se rappeler que l’his- torien Josèphe ne fit dans la ville des Ptolémées qu’un séjour momentané, et qu'il quitta bientôt cette capitale, pour s'attacher à la fortune de Vespasien. Cette famille de philosophes était donc entièrement éteinte, lorsqu'Ammonius se livra à l'étude de la philosophie. D'où il résulte que nous n’avons à nous occuper que des relations que l’école Ammonio-Plotinienne a pu avoir avec celles des Gnostiques et des docteurs chrétiens; car ce sont les seules sectes philosophiques ou théosophiques qui aient, en même temps et à côté l’une de l’autre, travaillé au triomphe des principes qu’elles avaient adoptés et qu’elles s’efforçaient de propager par- tout. Voyons d’abord quelles sont les dispositions que le Saccophore a montrées à l'égard des Gnostiques. Nous avons déjà eu l’occasion de faire remarquer que la théorie des émanations formait la base du système professé non-seulement par les adeptes de la gnose, mais encore par Ammonius. Cepen- dant il n’exista jamais entre eux que des rapports d’hostilité. Notre philosophe parait même avoir inspiré à ses disciples une antipathie profonde pour les Gnostiques et leur avoir transmis la haine qu’il nourrissait contre eux ; cette haine fut d’autant plus Tom. IX. 25 190 VIE ET DOCTRINE vive, que leurs doctrines se rapprochaient davantage et qu’elles se rencontraient en plusieurs points. En outre, il pouvait se trouver dans les moyens qu'ils em- ployaient pour parvenir à la découverte de la vérité, un second motif d'inimitié; car les Gnostiques , tout en adoptant des principes fondamentaux à peu près semblables à ceux d’Ammonius-Saccas, avaient entièrement secoué le joug de la raison, tandis que si ce dernier en avait rejeté l'autorité d’une manière presque absolue, il n’en est pas moins vrai qu’il arrivait quelquefois, quoique très- rarement, qu'il reconnüt encore son empire et consentit à s’y soumettre ; c’est même en cela que son système a certaines affinités avec la philosophie rationnelle des Grecs. Les Gnostiques étaient donc pour lui des ennemis redoutables, qu’il devait, comme chef d'école, combattre de tout son pouvoir. Aussi chercha-t-il constamment à renverser cette secte puis- sante, dont le centre, à cette époque, était peut-être en Égypte, mais qui avait des ramifications partout. Nous ne citerons pour exemple des efforts qu'il fit sans cesse pour atteindre ce but, que le traité dirigé contre les Gnostiques par Plotin, qui, après avoir été long-temps l’un de ses disciples intimes, fut le dépositaire de ses secrets et le fidèle interprète de sa pensée ”. Examinons maintenant les rapports qu'Ammonius a dû avoir avec les docteurs de l’école chrétienne. Le savant Mosheim, après avoir dit que la philosophie du Saccophore n’est autre chose que la doctrine des anciens prêtres 1 Voyez Porphyrii, Vita Plotini, p. 4 et 10. — Plotin, Enn. Il, liv. 9, p. 199 et suiv. (ed. Basil.). — Matter, Æistoire du Gnosticisme. TomeIl, p. 456 et suiv. | D'AMMONIUS-SACCAS. 191 de l'Égypte, prétend que le but de cet homme extraordinaire, en développant à Alexandrie un système qui s’écartait de tous ceux que l’on y professait alors, était de détruire la religion chrétienne à laquelle il avait renoncé. Mais nous ne pouvons partager sans restriction l'avis de cet écrivain célèbre; car l’histoire ne nous autorise pas à porter, sur Ammonius, un jugement aussi exclusif. Nous ne nions pas qu’il n’ait été forcé, en se posant chef d’une nouvelle école, de se montrer l’antagoniste de toutes les sectes contemporaines et de se déclarer de fait l'adversaire des chrétiens ; mais les relations que le Saccophore a eues avec les défenseurs du christianisme, loin d’être un état permanent d’hostilité ouverte, se sont bornées à des sentimens d’antipathie, tels qu’en font naître la rivalité des écoles et la différence des doctrines. Ce qui semble corroborer notre opinion, c'est qu'Ammonius, dans ses lecons publiques ou exotériques , compta parmi ses auditeurs un grand nombre de chrétiens. Nous ferons méme observer que, sous ce point de vue, son influence sur l’école des saintes paroles fut d'autant plus grande, que plusieurs docteurs, après en avoir reçu la direction, ne purent s’empécher de se rappeler quelquefois dans leur enseignement, les principes qu’ils avaient puisés aux conférences du Saccophore; témoin Origène le chrétien, qui fut excommunié et déposé dans un concile, pour avoir professé des dogmes contraires à la religion du Christ. Mais on soutient souvent que, si la doctrine exotérique d'Am- monius ne fut pas dirigée contre les chrétiens , il n’en fut pas de méme de son enseignement ésolérique, dans lequel il attaqua et combattit avec acharnement les principes qu’ils avaient reçus de leur divin maître. On va plus loin : quelques auteurs modernes, 192 VIE ET DOCTRINE tels que le P. Labbe ‘ et Holstein *, affirment que le Saccophore y interprétait, en présence de ses disciples mtimes, les mystères de l'Évangile et qu'il leur avait, avant tout, fait promettre par ser- ment de ne jamais révéler sa doctrine ésotérique. Mais il est évident que ces écrivains, en avançant ces deux faits, ont commis deux erreurs extrêmement graves, que nous ne saurions mieux réfuter, qu’en citant le passage de Porphyre, sur lequel ils s’ap- puient. En voici la traduction littérale * : « Érennius, Origène et » Plotin avaient pris entre eux l'engagement de ne rien divulguer » des principes qu'Ammonius, dans ses conférences, leur avait » expliqués. Ce dernier tint parole, ayant bien des entretiens » avec quelques-unes des personnes qui venaient le voir, mais » ayant soin de tenir secrètes les doctrines qu'il avait recueillies » dans les leçons du Saccophore. Érennius fut le premier à violer » son serment : Origène suivit son exemple. Quant à Plotin, il » s’abstint encore long-temps d'écrire, se contentant de déve- » lopper dans ses conférences, les principes qu’il avait puisés aux » lecons d’Ammonius, » Il suffira, pensons-nous, de parcourir ce passage de Porphyre, pour se convaincre avec nous que le biographe de Plotin, au lieu de rapporter qu'Ammonius, après avoir fait jurer à ses élèves intimes de ne jamais publier sa doctrine ésotérique ; leur dévoi- lait, dans ses conférences secrètes, les mystères de l'Évangile de Jésus-Christ, se borne à nous apprendre que ce sont au contraire 1 Voyez le P. Labbe, de scriptor. eccles. 1, p. 58. ? Woyez Holsteni, Vita Porphyrti, p.28. 3 Woyes Porphyrü, Vita Plotini, p.3 (ed. Basil.). D'AMMONIUS-SACCAS. 193 ses disciples qui avaient spontanément pris entre eux l’engage- ment formel de ne jamais communiquer à personne les principes qui leur avaient été exposés et analysés, loin des regards du vulgaire profane, par ce philosophe. Toutefois , en cherchant à signaler l’erreur des deux écrivains modernes, dont nous venons de parler, nous n’avons nullement l'intention de prétendre qu'Ammonius n’a jamais développé, dans son enseignement secret et mystérieux, des idées contraires aux dogmes du christianisme. Loin de là; tout semble prouver que sa doctrine ésotérique fut essentiellement distincte des principes sur lesquels repose la religion du Christ. Le Traité des Démons, composé par Origène le païen, et les directions que Plotin et ses condisciples prirent après la mort de leur maitre commun , sont pour nous des indications sûres, qui, sans nous démontrer d’une manière incontestable que le Saccophore combattit avec achar- nement la doctrine du Christ, nous font du moins voir que son système est tout-à-fait différent des principes professés par les docteurs chrétiens. CHAPITRE II. DE L'INFLUENCE QU'AMMONIUS=-SACCAS A EXERCÉE SUR SES SUCCESSEURS. L'influence d’Ammonius-Saccas ne se fit pas seulement sentir à l’époque où il vécut; on suivit encore, lorsqu'il eut cessé d’exister, la marche qu’il avait tracée, et ses nombreux élèves, en continuant à bâtir sur les fondemens qu'il avait jetés, travaillèrent sans relâche à l’affermissement d’un système que la religion du Christ 194 VIE ET DOCTRINE devait bientôt détruire, en renversant le paganisme et en abattant indistinctement toutes les doctrines philosophiques ou théosophi- ques qui s’y rattachaient. Cependant il est à remarquer que les successeurs du Sacco- phore, malgré le respect et l’espèce de vénération qu'ils eurent toujours pour les principes qu’ils avaient recueillis, soit dans ses leçons publiques, soit dans ses conférences secrètes, en dévièrent chaque fois que l'esprit dominant et les besoins intellectuels de leurs contemporains l’exigèrent; nous trouvons des exemples frappans de cette vérité dans les changemens et les modifications que Plotin, Porphyre, Jamblique et Proclus, introduisirent suc- cessivement dans le système du célèbre fondateur de leur école. Nous avons vu, en analysant la doctrine d’Ammonius, qu’il était partisan du mysticisme et du supernaturalisme ; nous allons nous convaincre que le maitre le fut bien moins que ses disciples, phénomène qui du reste nous semblera tout naturel, si nous nous rappelons que tous ces théosophes appartiennent à un siècle de décadence pour les études philosophiques, à un siècle en un mot où il fallait des révélations directes de la Divinité et des intuitions immédiates de l’Étre Suprème. On peut, en général, distinguer dans la classification des écoles Ammonio-Plotiniennes, trois époques différentes, savoir : 1° Celle d’'Ammonius, de Plotin et de Porphyre; 2° Celle de Jamblique, Et 3° celle de Proclus. Riche des idées mystiques et du syncrétisme du Saccophore, Plotin pour qui la doctrine de son maitre était insuffisante , quitta la capitale de l'Égypte et prit la résolution, en se joignant à D’AMMONIUS-SACCAS. 195 l’armée de Gordien, de visiter l'Asie , afin d'étudier sur les lieux mêmes les doctrines orientales, les seules qui pussent lui plaire et qui fussent conformes à son génie. Forcé de s'éloigner de ces contrées, sans qu'il lui eùt été possible d’y puiser tous les prin- cipes qui l'y avaient attiré et qu’il se proposait d’y recueillir, il se livra à des méditations profondes et alla s'établir à Rome; là, il s’abandonna entièrement à ce genre de spéculations théosophi- ques, et son imagination bien plus exaltée que celle d’Ammonius, ne nous permet pas de douter que le mysticisme qu’il professa, nait eu un caractère beaucoup plus tranché que celui du Sacco- phore. D'ailleurs il ne faisait en cela qu’imiter toutes les sectes qui existaient à cette époque. Porphyre, qui fut le disciple et l’ami intime de Plotin, devint ladmirateur passionné et le biographe de son maître. Tous ses écrits se lient étroitement, ainsi que ceux de Plotin, au système d’Ammonius. En effet, se laissant assez souvent emporter par son enthousiasme dans les régions un peu vaporeuses du superna- turalisme , il écrivit sur les sacrifices, la divination, les démons et les oracles. Son mysticisme ne fut pas moins fortement marqué que celui de Plotin, dont il voulait expliquer et répandre partout la doc- trine théosophique. On se formera une juste idée de l’exaltation de son imagination, lorsqu'on saura qu’il raconte, avec une naïveté étonnante, que son maitre a eu quatre fois le bonheur de contem- pler face à face l’Être Suprême, et que lui-même a été, mais une fois seulement, honoré de l’intuition immédiate de la Divinité ‘. 1 Voyez Porphyrü, Vita Plotini, p.16, (ed. Basil.).—Clemens Alexandrinus, strom 1, p. 30%. — Fabricius, Biblioth. graec. IV , 2 , p. 118. 196 VIE ET DOCTRINE Le christianisme menaçait tous les systèmes philosophiques d’une perte commune ; il faisait chaque jour de nouveaux progrès et ses progrès étaient rapides. Porphyre forma alors le projet de lui opposer une barrière insurmontable, et écrivit contre les chré- tiens un ouvrage dont Eusèbe nous a conservé un fragment assez étendu, et dans lequel il se déchaine avec une sorte de fureur contre tous les partisans de la religion du Christ !. Il composa encore un traité dans le but de faire voir que le système de Platon et celui d’Aristote ne font réellement qu’une seule et même doctrine. Cet ouvrage est intitulé : des prédicables. De tout ce qui précède, il résulte donc que Porphyre a suivi les principales directions que lui avait fournies Ammonius-Saccas ; car, comme le Saccophore, il essaya d'arrêter le christianisme dans sa marche triomphale; comme le Saccophore, il nourrit contre les Gnostiques une haine et une antipathie extraordinai- res; enfin, comme le Saccophore, il tenta de combiner le pla- tonisme avec le péripatéticisme et de démontrer que, puisqu'il n’y a qu’une vérité, les fondateurs de l’Académie et du Lycée ont dû inévitablement se rencontrer en la cherchant *. Celui qui ouvre la seconde période est le philosophe Jamblique; disciple de Porphyre, il lui fut à peu près aussi fidèle que celui-ci l'avait été à Plotin; car il ne fut pas plus que son maître l’ami des Gnostiques; mais il fut celui du gnosticisme. Ce fait, qui semble d’abord incompréhensible, s’explique cependant fort na- 1 Voyez Eusebii, Æüst. eccles. liv. VI, ch. 19, sbique interpres V'alesius. » ? Voyez Hieroclès , de Providentia apud Photium , biblioth. cod. 252 et 254. D’AMMONIUS-SACCAS. 197 turellement, quand on connaît la tendance de ce siècle. A partir de cette époque , où les philosophes et les théosophes sont persé- cutés avec la même rigueur par les évêques couronnés de Byzance, les partisans de la doctrine ammonio-plotinienne et du gnosti- cisme, paraissent se ménager et même se rapprocher d’une ma- nière assez sensible, afin de réunir leurs efforts contre les chrétiens et de rendre plus eflicaces les attaques qu'ils dirigent contre leurs puissans adversaires ; alors commence une nouvelle période dans les rapports des deux sectes et le Traité des mystères des Égyp- tiens ; que l’on attribue à Jamblique, offre les analogies les plus frappantes avec le gnosticisme. Au reste, ce qui prouve le mieux l'existence de l’espèce de réconciliation, qui s’opéra, dans l'intervalle qui sépare Plotin de Jamblique, entre les Gnostiques et les philosophes de l’école Ammonio-Plotinienne, c’est la théurgie de ce dernier. Cet art, que Porphyre croyait n'être qu'un tissu de rêveries; cet art, que méprisaient encore les Gnostiques d’un esprit supérieur, mais que les autres pratiquaient avec autant d’ambition que d’avarice; cet art, que d’ailleurs ils n'avaient pas inventé, se rattachait trop directement au dogme fondamental de la contemplation et de l'intuition immédiate de l'Être Suprême, pour n'être pas, de quelque part qu’il vint, accepté avec empressement par les suc- cesseurs du Saccophore ’. Le chef de la troisième période est Proclus, qui enseigna à Athènes des principes qui rappellent encore ceux d’Ammonius- Saccas. Ce philosophe, le dernier qui ait illustré l’école Ammonio- 1 Voyez Matter, ZZistoire du Gnosticisme, Tome II , p. 468 et suiv. y ; Ï Tom. IX. 26 198 VIE ET DOCTRINE Plotinienne, livra, pour ainsi dire, à lui seul les combats de toute une armée. Ne pouvant se résoudre à voir engloutir dans un nau- frage général toutes les doctrines grecques, il admit dans son système quelques-unes des opinions de ses ennemis, dans l'espoir qu'il parviendrait par là à les entrainer sous ses drapeaux. Le gnosticisme était une sorte d’intermédiaire entre la philosophie religieuse et la religion théosophique, qui était l’objet de sa haine. Il se rallia donc jusqu'à un certain point aux Gnostiques ; mais il resta constamment l’adversaire acharné du christianisme, qu'il chercha à réfuter à l’aide de nouveaux argumens ‘. Toutefois il n’en est pas moins vrai qu'il ne cessa de se plonger, de même que tous les philosophes de l’école Ammonio-Plotinienne , dans les profondeurs vagues et ténébreuses du mysticisme, et c’est princi- palement sous ce rapport qu’il peut être considéré comme un des partisans du Saccophore *. Après Proclus, qui mourut à la fin du Ve siècle de l'ère chré- tienne, les différentes sectes, qui n'avaient pas encore renoncé aux doctrines d’Ammonius, tombèrent aussi rapidement que celles qui avaient sans interruption professé le gnosticisme. Mais enfin, vers l’an 533, l’empereur Justinien fit fermer toutes les écoles de philosophie, et ceux qui, à cette époque, enseignaient encore cette science , durent ou s’expatrier ou se convertir à la religion du Christ. & 1 Voyez Procli, Duodeviginti argumenta adversus Christianos. 2 Voyez l'ouvrage du savant Creuzer : Znitia philosophiae ac theologiae ex Platonicis fontibus deducta, et les OEuvres de Proclus, publiées en 6 vol. in-8° par M. Victor Cousin, l’un des chefs les plus distingués de l'éclectisme du XIX° siècle, — Voyez encore : Matter, Æistoire du Gnosticisme. Tome IT, p. 476 et suiv. re dé hlonene dr clitiléonnttéentm :. D'AMMONIUS-SACCAS. 199 Ici se terminent nos recherches sur Ammonius-Saccas, qui, de porte-faix, devint comme par enchantement le chef d’une des plus célèbres écoles philosophiques de l'antiquité, et qui, pendant plus de trois siècles, exerça sur le développement de l'esprit humain une immense influence. Cet homme extraordinaire doit nous convaincre, par son exemple , que la carrière du génie est ouverte à tous les rangs, à toutes les conditions, et qu’il n’est pas impossible d’y acquérir des titres à l’immortalité, quand on se livre à l'étude des sciences avec un zèle qui ne se laisse jamais abattre et une volonté que rien ne peut ébranler. FIN. F ae ERRATA. + PAGE LIGNE, AU LIEU DE LISEZ 20 26m re Di: RQ RON Tepà 71 Boo EE DE ele lue . x4yù 79 CN RE . ÉTUYTEG . à à ee éTayTag ® “ACT plntôt. . ..... plutôt 96 12 PERL PIC AT CC Egypienr "0 Egypte 128 3 EN ROMEO C DM ns hr: DM 129 Dee dun ÉBYdDIEY + à + + = + EydSEy 129 Een ee NÉS ELU OUEN D ÉÉcSe. ET $: D TABLE DES MATIÈRES. nee Pages, PRÉFACE. + . /. 0 I IxrrobucrIoN . . ©: 1 PREMIÈRE PÉRIODE d de histoire de la phitaiphée à des écoles Ds Pen 16 Du Péripatéticisme . . Ib. Du Platonisme 17 DuStoicisme. 74m 0.021». 11.# 18 De l'Épicuréisme 19 Des Cyrénaïciens et des Théodoréens : D: Des Hégékiaques MU» Leur, à À 20 Du Cynisme . . . 21 De l’école Érétriarique : D: De la secte Éristique 2 Du Scepticisme . : TD. SECONDE PÉRIODE de l’histoire de la het FR Hd d NÉ arée 26 re Secriox. — Des doctrines grecques enseignées à Alexandrie pendant la seconde PÉTIOMe SA de pres renbs AO A LEE 2 DR O1) DuPéripatéticismes. "MURS EC Ib. Du Stoïcisme . 33 Du 'SCepÜCine RP RES NE TR Te |, 35 202 IT: Section . TABLE DES MATIÈRES. Chapitre Ie®. — De l'impropriété des expressions : école d’Alexan- drie, néo-platonisme et éclectisme alexandrin. Ib. Chapitre IT. — Des anciennes classifications des écoles philoso- phiques d'Alexandrie . 40 Chapitre IIT. — D'une nouvelle classification des PA. philose phiques d'Alexandrie . . 43 Chapitre IF. — De l'éclectisme . . Ib. 6 1°. — De l’éclectisme pur . . . . 44 $ 2. — Du faux éclectisme . . . . . 46 Chapitre VW. — Du syncrétismé” « . . . . . . . . . 4 $ 1er. — De l’école judaïque . . . . ANA 49 $ 2. — De l'école chrétienne ou des ue He 52 $ 3. — Du gnosticisme . . . . . c 55 . $ # — De l’écolcammonio-plotinienne . . CC 57 Tableau synoptique des différentes sectes philosophiques ou ph. qui ont enseigné à Alexandrie des doctrines étrangères , ou qui y ont professé des sys- tomes créés dansicette ville, 9 OR. OR: 59 PRET PARTODE Re le ee 0 MR 2 he De ne Le SECONDE PÉRIODE. « + «+ + SC So Sie 60 ESSAI HISTORIQUE SUR LA VIE ET LA DOCTRINE D'AMMONIUS-SACCAS 61 Ie Secriox. — Biographie de ce philosophe. +. “TD Chapitre Te, — Lieu de naissance d'Ammonius-Saccas. — Ses sur- noms. — Sa première profession . . . . 63 Chapitre IT. — Quelle fut la première religion d’'Ammonius-Sac- cas? — Mourut-il chrétien ou abandonnatt:il le christianisme ? is 69 Chapitre IIT.— Des ouvrages qu’on attribue à TR Bron 87 Chapitre IF .— Connaît-on l’époque de la naissance et de la mort d'Ammonius-Saccas ? + . . . . . . 68 Chapitre P. — Des disciples d'Ammonius-Saccas . « + « +. 90 APRES. MN Me EMOURIE PO CRE 93 IL. Origènele chrétien. . . 94 III. Origène le païen 98 IV. Longin 100 V. Érennius. 101 TABLE DES MATIÈRES. VI. Olympius VIT." Antonins EN SES VIIL. Héraclas . ILe Secrion , — Dans laquelle on a recueilli, coordonné et expliqué les fragmens de la doctrine d’Ammonius-Saccas Chapitre Ie. — Des principes qu’on doit admettre, comme crite- rium , en cherchant à retrouver les doctrines philosophiques d’'Ammonius-Saccas EMPIRE GS Ie Principe . IIIe Principe Chapitre IT. — Des fragmens de la doctrine d'Ammonius-Saccas, qui nous ont été conservés par les anciens Ier Fragment . Ile Fragment . Te ee EE Chapitre III. — Traduction des deux fragmens de la doctrine d’Am- monius-Saccas. — Explication et développement des principes qui y sont exposés I Fragment. . “ Ile Fragment . ; Chapitre IF. — Peut-on attribuer à Ammonius-Saceas les doctrines philosophiques ou plutôtthéosophiques exposées dans les Ennéades de Plotin? . . , Chapitre P. — Système des Émanations . $ 1°. — Doctrine d’Ammonius-Saccas sur l'Être Suprême, premier principe de la triade ou de la trinité ammonio- ploti- nienne . sus oo ESPN. TR $ 2. — Doctrine d’'Ammonius-Saccas sur le second principe de la triade ou de la trinité ammonio-plotinienne, l’intelli- gence absolue (x), sur le verbe divin (47%, verbum) et sur le monde intellectuel qu'il renferme en lui . . 6 3 — Doctrine d’Ammonius-Saccas sur les rapports qui existent entre le verbe divin, le 240 et l'âme du monde, troisième principe de la triade ou de la trinité ammonio-ploti- nienne . 158 . 160 La . 204 TABLE DES MATIÈRES. Pages. Ile Secriox. — Des sources où Ammonius-Saccas a puisé sa doctrine . . . 164 Chapitre Ier. — De l'esprit et de la tendance du siècle d'Ammonius- Saccas. — De la nature véritable de la philoso- phie alexandrine + . . SE. - . 165 Chapitre II. — Des différentes doctrines qui ont fourni à Aro nius-Saccas les principaux élémens de son sys- HOMO EL. Oo, SOLS IVe Secrron. — De l'influence d'Ammonius-Saccas sur ses contemporains et sur ses suCCesseurs. . . ae ce Ne AS LIU Chapitre JF —Del'influence qu'a exeroéesur sescontemporains. TD. . 193 FIN DE LA TABLE. à ei Le