gi + di d 4 PEU A: [es LAPS tue } MÉMOIRES COURONNÉS ET MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS. L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. AAA INR ILES Le PTINEUYA REP AT CITE Ed % * : À œ “ (27 {}? DANCE EE à? pal PPTOROOS PAROI TE Q Y» “ 2 Pire +: ti a BA MTA ÉTAATIE ee 2ATION JORF ap. 5 Pr AYEN ANT EU ATAYOS HQE EL AREA PR ETAT ado : PAP trsa ln +” D AA Niba a A An eù _ à LA *\rg UE, , " = ‘1 PORT LEE: | ” ; dt : L v … » . di (l ï f \ ’ : ht 1} LA ‘14 ps k + t + “ 4 r A L LA = MÉMOIRES COURONNÉS ET MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS, PUBLIÉS PAR L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARITS DE BELGIQUE. TOME XIX. — 1845 Er 1846. BRUXELLES , M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1847. AE RARE - , A AUTME LT, F + . à Re ie je ue tT PR iè LA | #3Q +3 ind Hi Mgr da 17. fie ty Le At avt. LL UT ALERT éven de BAL ISA 2/6 | OLA ri #4; es al A A TABLE DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XIX. MÉMOIRES COURONNÉS. Mémoire sur la circulation dans les insectes, par M. Verlooren. Mémoire sur l'éducation des sourds-muets, par M. l'abbé Carton. MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS. Essai sur la coordination des causes qui précèdent, produisent et accompagnent les phénomènes électriques; par M. Ath. Peltier. Mémoire sur les tremblements de terre dans le bassin du Rhin, par M. Alexis Perrey. Mémoire sur les espèces du genre Lis, par M. D. Spae. Mémoire sur la conjugaison française, considérée sous le rapport étymologique, par M. Aug. Scheler. Ab ee à fix Ve LT ET au“ Sad au PT r 2 # D seWTetér, 2. SH br AE = DU TTAR DIT NAT 22 : ANT PRÉ F'T L | 4 49 An . je st nt MA vert of near far PR VASTE dde TON reg CLIS bio dant andre dB: ! ha ARTE eTeAPAT Va remet h x a Di dires rar is d'El étui bc" FT PT ras sl vite thai Wa “h re PS ; » rt éh 16: y A at, CF Hu Pirée, 4 gt: PAR Le DUC PET LL LT SE LE af Au! rauri} nuë on " NEA, Way 4 res CEA ur on VA TS CRM unçani M LES déc das FE wédionnique ff ont -* } - er { û . ". 3 Q r 1 r L=— À D” 1 L TS 7 à . Le a x. É , w:: 7 e J Le # à , n C'ENPN EUR CT LE - e = EL ) ” L ’ L L F. 0 di on: : L eo # ; ELA | a: d s 472 [2 — t k \ Î | F j' { + é e. D, JO à - . 0 MÉMOIRE EN RÉPONSE A LA QUESTION SUIVANTE : ÉCLAIRCIR PAR DES OBSERVATIONS NOUVELLES LE PHÉNOMÈNE DE LA CIRCULATION DANS LES INSECTES, EN RECHERCHANT SI ON PEUT LA RECONNAÎTRE DANS LES LARVES DES DIFFÉRENTS ORDRES DE CES ANIMAUX ; PAR M. VERLOREN, : DOCTEUR EN SCIENCES À UTRECHT. {Couronné dans la séance de l’Académie royale du 7 mai 1844.) La vérité n'est que dans l'observation Tome XIX. l d'un her 4 tu LL La Pre matt ju Ù si Dites #47 Va x ADR ; dk PER dote: #0 état Mopi she sh nn # ip ténpyer dl vpril HU ro Oo CEA Dr sg den uilk + 910 “ep do coitierh | e ab sel y 9 RE eus ofk sait on fs 12) Hi 1 nt pain aus etrib ef: LUILTS érufra reg 30 és 1 OT TT RREET TUE 15 LAS LES nr er te FER ET œ oui am 6binDatel. à Ho op 6 Cotinonut : “40° Lt et our 14 vi [RE] abat M metro Print dut , notribé (es no AUS enbrgins 1e egin) à] Euros rend EAN # pr pet hreapibateet cerisier La Ji ni LLFRRSSL PTT LL UE FRA Au CLONE RTE A nt à end MILEVET: CHAPITRE PREMIER. SUR LA CIRCULATION DANS LES INSECTES EN GÉNÉRAL. Le fluide nourricier ne pouvant aller chercher l'air, c'est l'air qui vient le cher- cher pour se combiner avec lui; chacun connaît l'homme de génie qui a écrit ces mots ; ts sont devenus tellement vulgaires dans la science, dit M. Duvernoy, qu'on se dispense à présent d'en citer l'auteur *. Les opinions des auteurs sont partagées sur le phénomène de la circu- lation dans les insectes ; tandis que l’un se croit autorisé à nier, en vertu de ces mots, tout phénomène de circulation dans ces animaux; les autres, veulent comparer cette circulation à celle d’autres animaux, en la consi- dérant de la même manière. Je tàcherai de concilier dans ce mémoire les deux opinions , puisqu'il est bien évident qu'elles franchissent toutes deux leurs limites. M. Léon Dufcur a dit : je viens aussi, m’élevant à des considérations moins circonscrites, examiner et résoudre par les faits et le raisonnement, une question liligieuse qui intéresse à un haut degré la physiologie générale et qui partage les savants de notre époque : c'est la prétendue circulation des insectes ?. Je savais 1 G. Cuvier, Lecons d'anatomie comparée, seconde édition, revue par G. L. Duvernoy, tom. VI, Paris, 1839, p. 416, note 1. Quoique ces mots soient bien connus, le passage du mémoire où ils se trouvent ne l'est pas autant, puisqu'on ne le cite pas d'ordinaire; je l'indiquerai donc ici : Cuvier, Sur la nutrition dans les insectes, MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'HISTOIRE NATURELLE DE Panis , t. I, 1797, pag. 34; ce mémoire est traduit en allemand dans Reil, Archiv für die Physiologie, B' V, s. 115. ? Etudes anatomiques et physiologiques sur une mouche, dans le but d'éclairer l'histoire des mé- 1% SUR LA CIRCULATION qu'il existait deux opinions, mais quant aux savants qui les professent, d'une part, il y en a plusieurs, tandis que de l'autre, je ne connais que M. Léon Dufour. Seul de notre temps il persiste à soutenir hautement qu'il n’y a point de circulation chez les insectes. M. Léon Dufour range bien plusieurs savants de son côté; il cite comme tels Malpighi, Swam- merdam, Lyonnet, Cuvier, MM. Marcel de Serres, Duméril, Duvernoy, Audouin; mais de quel droit? Plusieurs de ces illustres scrutateurs de la nature étant déjà décédés , je me fais un devoir de les défendre contre les assertions de M. Léon Dufour. En premier lieu, il ne faut pas considérer, dans une semblable ques- tion, quelle était Fopinion d’une personne au temps où elle l’a avancée, mais bien quelle serait son opinion aujourd'hui qu'une multitude d’ob- servations nouvelles et incontestables nous ont éclairés. Je n’oserais supposer que le génie de Cuvier s’opposerait opiniätrément à des faits in- contestables, contre opinion de tous les savants, par des raisonnements tranchants, mais vagues, illogiques et contraires à l'observation, afin de s'élever ainsi un monument qui ne témoignerait que de sa petitesse. Quand done M. Léon Dufour s'écrie : Hommage éclatant, hommage éternel à notre grand Cuvier ! me semble ne point lui rendre un bien grand hommage en voulant défendre encore aujourd’hui, par une fausse conséquence d’une expression très-juste et ingénieuse, une opinion que l'observation a prouvée ètre inexacte. D'ailleurs, Cuvier a laissé des disciples qui professent une opinion contraire à celle de M. Léon Dufour et dont les ouvrages, publiés sous les auspices de Cuvier !, semblent prouver que cet illustre natura- liste n'était pas opposé à leur opinion. Cuvier ne s’est pas, que je sache, expliqué sur ce fait, depuis la publication de l'ouvrage de M. Straus- Durckheim, tandis que son mémoire original remonte à l’année 1797 ; on ne saurait donc connaître Fopinion qu’il avait en dernier lieu; aussi, dans la seconde édition des Leçons d'Anatomie comparée , a-t-on formelle- tumorphoses et de la prétendue circulation des insectes, par M. Léon Dufour, Annales des seiences naturelles, seconde série, tom. XVI. Paris, 1841, pag. 5. 3 On sait combien Cuvier s'est intéressé à l'ouvrage de M. Straus-Durckheïm, Considérations générales sur l'anatomie comparée des animaux articulés. Paris, 1828. DANS LES INSECTES. 15 ment adopté le phénomène de la circulation et la structure compliquée du vaisseau dorsal. De plus, il faut remarquer que Cuvier a nié principale- ment l'existence des vaisseaux sanguins dans les insectes, mais pas aussi positivement l'existence du mouvement du fluide nourricier, et que les observations nouvelles ne diminuent en rien opinion qu'il a émise sur la relation intime qui existe entre les organes de la respiration et le mou- vement du fluide nourricier. Je ne puis comprendre que M. Léon Dufour ait pu énumérer parmi les partisans de son opinion Malpighi et Swammerdam ; car on sait que ces incomparables scrutateurs de la nature ont décrit les premiers le vais- seau dorsal des insectes en le nommant leur cœur, en le considérant toujours comme un organe destiné au mouvement du sang, et même, en sup- posant qu'il donnait des vaisseaux à toutes les parties du corps. On ne trou- vera dans leurs écrits aucun passage sur lequel M. Léon Dufour puisse éta- blir son assertion. Au contraire, ces deux habiles observateurs ont bien mieux connu la structure du vaisseau dorsal que ne la connaît M. Léon Dufour. Comme à cette occasion j'ai consulté les ouvrages de ces savants plus que je ne Favais fait auparavant, j'ai été étonné de ce qu'ils savaient déjà sur l’organisation des insectes, principalement Swammerdam, cet homme qui méritait, selon Cuvier, mille fois plus notre admiration que tant d’au- tres auteurs !, et dont Boerhaave disait : Dus heeft, hy een eenig, afyesonderd , arm Man begonnen, voortgegaan, en volbragt , veel meer, dan alle de Schrijvers der voorige eeuwen ?. À quoi je n’hésiterai pas d'ajouter que seul il a fait avancer de son temps nos connaissances sur l’organisation des insectes, plus que ne l'ont fait les deux siècles qui lui ont succédé. En eflet, si on lit avec attention ses ouvrages, on y rencontre presque tout ce que contiennent nos traités actuels sur l’organisation des insectes; on y trouvera entre autres plusieurs observations regardées comme nouvelles dans des temps posté- l Sur la nutr. dans les insectes, Méw. ve LA s0c. »'mSr. NAT, pE Pants, tom. Let Reil, Archiv. f. d. Physiol., Bd. V, s. 402. 2? Bybel der Natuure, door J. Swawmeroa , of Historie der Insecten, enx. Uitgegeven door H. Boerhaave, Leiden, 4757, dans Het leven van den Schrijver, par Boerhaave. 16 SUR LA CIRCULATION rieurs, et si elles sont souvent encore mentionnées incomplétement, il y en a d'autres aussi complètes que celles de ses successeurs, quelques-unes mème meilleures. Beaucoup d'observations de Swammerdam sont encore les seules que nous possédions sur certains sujets. Quand on songe à quelle époque cet homme a produit tout cela et avec quels moyens, dans un temps où non-seulement cette science manquait tout à fait de culture, mais encore où elle était embrouillée par des conceptions bizarres et des traditions fabuleuses, on conviendra qu'il fallait être un génie pour s’é- lever au-dessus de toutes ces préoccupations comme la fait Swammer- dam; de plus, il a enrichi cette science de presque tous les faits généraux connus de notre temps. Qui done n'aura pas pour cet homme la plus grande admiration! qui ne lui portera pas le plus grand respect ! quand surtout on voit avec quel scrupule il tächait toujours de découvrir la vérité, avec quel empressement il s’opposait à ceux qui laltéraient par de fausses observations et des idées préconçues. Et nous donc, nous vante- rons-nous d'avoir ajouté un point à cette science, serons-nous orgueilleux d'avoir observé un fait de la nature , et ne chercherons-nous qu’à défen- dre notre droit de priorité pour l'observation de ce phénomène ? Ne serait- il pas honteux au contraire, de n'avoir pas enrichi, de quelques faits nouveaux, cette science qui a pour but linvestigation des secrets de la nature ? Mais, dira-t-on, pourquoi donc cet homme n’est-il pas connu davan- tage et cité plus souvent? C’est principalement parce que la science qu'il avait étudiée est morte avec lui, pour ne renaïitre, avec un nouvel éclat, que du temps de Lyonet et de l'immortel Cuvier; et si, malgré l'éloge distingué que ce dernier a fait des travaux de Swammerdam , ceux-ci n’ont pas été aussi connus qu'ils méritaient en eflet de l'être, cela doit être attribué en partie à ce que son ouvrage est revêtu d’une forme ancienne qui ne plaît plus de nos jours. Je me suis permis ces remarques afin d'attirer l’atten- tion sur les ouvrages de ce grand et illustre scrutateur de la nature. J'emprunterai ici quelques passages des ouvrages de ces deux observa- teurs, Malpighi et Swammerdam, pour démontrer l’inexactitude des as- sertions de M. Léon Dufour. Malpighi dit entre autres : Cordium motus non DANS LES INSECTES. 17 eadem omnino temporis differentia succedunt, sed in Bombycibus, sicut et in alus etiam, ab extremo corculo, ad caudam locato, primus constrictionis motus emergit. Latiori enim C. compresso, contentus illico tenuis humor exprimitur per D in subsequens corculum B a quo in E et ija successivus fit tumor, qui in celeri diastole adeo confusus est, ut distinqui nequeat. Patet autem, dum prope exlinclionem ma- nifestæ succedunt compressiones, propulso vitali illo humore ex corculo in corcu- lum, velut ex auricula in cor, vel ex corde in arterias. An a corde arteriæ Ariantur vitalem succum deferentes, nondum certo asse- quutus sum; visus tamen interdum sum in Aurelia conspicuos ramos in annulorum interstitüs deprehendere, unde Arteriarum truncos esse conjeci!. On pourra con- sulter de même, à cet endroit, tout ce qu'il dit du vaisseau dorsal. Je citerai plusieurs passages où Swammerdam fait mention du vais- seau dorsal et de vaisseaux sanguins; ainsi il dit, page 248 ? : Aderen en Slag-aderen kan men niet sien dat se [Vestomac de éphémère | heeft; ende dai van wegen het bloet deser Dierkens, ’t geen wateragtig is; waardoor alle het onderscheijt van die deelen weggenomen wort : ende om welke reden, dat deese Dierkens de naam van Bloedeloose verlregen hebben; page 25%, en parlant du système nerveux du même animal : Of hij Aderen ende Slag-aderen ontfangt, dat vertrouw ik seekerlijk; hoewel ik het nooùt gesien heb; page STT, à propos de la chenille du Vanessa Urticæ : Het Hert is niet bekwamer te sien, dan dat men de Rups op sijn Rug leijt, en die dan op de Buijk opent, als dan siet men dat het selve het gansche ligchaam doorgaat, en de Staart, de Buijk, en Borst doorloopt, gaande voorts heel omhoog tot de Hersenen. Het is een dun en subtiel langwerpig piyphen, dat veselagtige, langwerpige, en dwars lopende spieragtige draden heeft, die men niet, dan door een swaare mocijte ende kunst, sien kan. Hier en daar is het eenigsins verwijdert, en dan weer samengetrokiken, ook lopen daar eenige longaderen door. Om sijn samentrekking te maaken, heejt het sin eijge Vesels, maar om het te verwijden, soo siet men, dat het aan weersijden een groot gelal verdeelde Spieren heeft, die als een Spierhaar vertoonen, hoewel nogtans dat se ligt te scheijden sijn, en in veele Spieren te separeren; page 389, ! Marcelli Malpighii, dissertatio epistolica de Bombyce. Londini, 1669, pag. 35 et 85, et Opera omnia. Lugd. Bat., 1687, t. Il, pag. 21 et 42. 2 Bybel der Natuure. Tome XIX. 3 18 SUR LA CIRCULATION en parlant de l’insecte parfait du Vanessa Urticæ, qui vient de quitter l'état de chrysalide : Het Dierken dan in dese staat sijnde, soo word alles het geen in hem is, ende bijsonderlijk sijn bloet , seer sterk beweegt, dat gistende door de bloetvaten uijt het Hert in de Vleugelen gevoert wort ; en uijt de Longen wort de Lucht daar in geperst. En outre, on pourra encore consulter les pages 70, 224, 246, 255, 510, 515, 541, 584, 86, 388, 665, 675, 707 et les figures suivantes : planche 15, fig. 4; planche 27, figure 8; planches 30, figure 7, et planche 54, figure 6; on y trouvera des observations sur les organes de la circulation dans les insectes. Je citerai encore un petit ouvrage que l’auteur a publié lui-même, tandis que la plus grand partie des ses ouvrages à été publié, comme on sait, longtemps après sa mort, par Boerhaave. Quant à Lyonet, je n’en puis dire que ce que j'ai fait remarquer en général sur les savants décédés, cités par M. Léon Dufour comme parti- sans de son opinion, savoir : qu’un jugement ne peut plus être reconnu comme bon, quand il est rejeté par les auteurs venus après, non à cause d’un raisonnement, mais à cause d'observations nouvelles, inconnues à leurs devanciers. Toutefois Lyonet n’a pas non plus nié positivement la circulation, mais bien l'existence de vaisseaux sanguins; et si M. Léon Dufour peut le citer comme favorable à son opinion, c’est qu’à l’époque où Lyonet écrivait, on considérait ces deux phénomènes comme dépen- dants l’un de l’autre. Lyonet considérait en effet l'opinion, que le vais- seau dorsal remplit les fonctions de cœur, comme très-probable , et il lui conserve son nom de cœur. M. Léon Dufour, cependant, ne semble pas encore pouvoir abandonner son ancienne opinion, puisqu'il ne veut pas reconnaître la vraie structure du vaisseau dorsal. Lyonet a connu le vaisseau dorsal bien mieux que M. Léon Dufour, car il ne le décrit pas comme un cordon sans cavité, ! J. Swammerdam, Historia Insectorum gencralis, ofte Algemeene Verhandeling van de Bloede- loose Dierkens. Utrecht, 1669, page 95. Je cite principalement ce passage pour ne pas induire en erreur sur le temps où l'auteur a vécu et fait ses observations. Il arrive qu'on se trompe, puisqu'on cite ordinairement le grand ouvrage publié par Boerhaave: l'on croit souvent que ses observations sont postérieures à celles de Malpighi, tandis qu'elles appartiennent au même temps. DANS LES INSECTES. 19 mais comme un canal rempli de liquide, analogue au sang des insectes, et ouvert à sa partie antérieure 1. Audouin, que je sache, ne s’est pas exprimé directement sur le phéno- mène de la circulation; je ne connais de cet auteur que ce qu’en rapporte Dugès dans ses Recherches sur la circulation, la respiration et la reproduction des annélides abranches ? : il dit que son ami, Audouin, lui a fait part qu'il a observé une division en branches du vaisseau dorsal, dans le corselet de plusieurs hyménoptères; on pourrait en conclure qu’il n’était pas de l'avis de M. Léon Dufour. Si Audouin a exprimé quelque part une opinion con- traire, ce n’est pas dans les derniers temps de sa vie. On peut dire de même de MM. Marcel de Serres et Dumeril, qu'ils n’ont pas émis récemment leur opinion; toutefois, comme ces deux sa- vants vivent encore, ils pourront se prononcer sur cette question. M. Duvernoy, depuis 1859, s'est déclaré positivement pour l'exis- tence de la circulation dans les insectes, comme on peut s’en assurer en lisant ce qu'il a ajouté à la seconde édition des Leçons d'anatomie com- parée de George Cuvier 5. Il est inconcevable que M. Léon Dufour ait pu comprendre M. Puvernoy parmi les incrédules qui n’admettent pas cette circulation. M. Léon Dufour est donc le seul des savants qui aujourd’hui refusent une circulation aux insectes. Je vais terminer en empruntant encore quelques mots à Swammerdam : « Hoewel de Schrijvers, hier een monstreuse vervorming uijtyesmeet hebben, die geen selfstandigheil nog weesen heeft, als in de uijtvindingen van haare speculatien. En dat seer belaggelyk is, sy hebben eenige honderden van Jaaren de reedenen nagevorst, op welkie dese vervorming geschiede, die nogtans nimmermeer in de Natuur te vinden is. Siet so dwvaalt men, als men het verstant en de reeden, tot sign 1 On peut voir ce que Lyonet en dit au chapitre XE, où il traite du cœur : P. Lyonet, Traité anatomique de la chenille qui ronge le bois de saule. La Haye, 1762, pages 412 et suivantes, prin- cipalement pag. 426. ? Ann. des se. nat., 1828, tom. XV, pag. 508. 5 G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, seconde édition, revue par G. L. Duvernoy, tom, VI, Paris, 1839, pages 440 et suivantes. 20 SUR LA CIRCULATION leermeester neemt, en dat men in sin studeerkamer sittende ende speculeerende , de heerlijkheid van de werken Gods versuijmt, die de waare leermeesters onser onwetenheid sin!” » ÉNUMÉRATION De différentes espèces d'insectes dans lesquels des phénomènes de circulation du fluide nourricier ont été observés par les auteurs. ESPÈCES OBSERVÉES. MYRIAPODES, . Julus (quttulatus ?) . . Lithobius forficatus . . . Geophilus . THYSANOURES. . Podurelles . . Podura plumbea . PARASITES, . Pediculus humanus capitis. Il PHÉNOMÈNES OBSERVÉS: Circulation dans les antennes et les pattes Pulsation du vaisseau dorsal et circulation dans les pattes et les antennes. . . Phénomènes de circulation. Circulation dans le corps Pulsation du vaisseau dorsal Pulsation du vaisseau dorsal et pulsation dans les pattes. FÉES ; Observalteurs. L'auTEUR !. TynnREz ?, L'AUTEUR. TYRREL *. Nicozer. L'auTEur. Baken *, Ducés (, ! Partout où l'espèce n'est pas indiquée, il m'a été impossible de la déterminer jusqu'ici, On comprendra aisément la difficulté de cette détermination , si l'on fait attention que la plupart des observations ont été faites ou sur des larves d’in- sectes , ou sur des individus jeunes qui n'avaient pas encore acquis leur entier développement; toutefois cette détermina= lion reste encore toujours possible, puisque, chez moi, les individus sont connus. Lorsque les espèces ont été observées par d'autres auteurs, ceux-ci n'ont pas non plus mentionné le nom de l'espèce, si ce nom n’est pas indiqué dans la liste. Quand je n'étais pas tout À fait certain de la détermination de l'espèce, j'y ai mis un point d'interrogation. * Proceedings of the royal society, jan. 15, 1835. Voyez Newport, À l'article Insecta, dans Todd's Cyclop. of. anat. a. physiol., vol. 11. London, 1839, p. 980. | 5 Zdem. Quand, pour les pliénomènes observés, ou ne trouve indiqué dans Ja liste que les phénomènes de circulation, c'est que les auteurs n’ont pas désigné spécialement les phénomènes observés. + Biecherch. pour serv. à l'hist. des Podurelles, dans les Neue Denkschr. d. Allgem. Sweiz, Gesellsch. f. die gesamm. Naturwissensch., Bd. VII. 5 On the microst ope. London, 1755, vol. 1, p. 176 et 178. | 6 Traité de physiologie comp. Paris, 1838, L. II, p.438, © Bybel der Nat., p. 580. DANS LES INSECTES. 21 ESPÈCES OBSERVÉES. PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. | Obserrateurs. 7. Liotheum. . Pulsation du vaisseau dorsal . . SUCEURS. Pulex irritans, la larve Mouvement du vaisseau dorsal et du fluide RO ÉEIRIE RSS SE ete à ee are VUS COLÉOPTÈRES, Coléoptères, des larves. Phénomènes de la circulation . . . Canus *, Melolontha solstitialis Circulation dans les élytres . . . . . | Canus*. Melolontha Frichii. Circulation dans les élytres . . . . . | Carus®. LADUTISCUus EL | Circulation dans les élytres . ! Canus°, Gonicet Prircmanp?. Dysticus, des larves. Circulation dans le corps . : - - | Carus®, Ducës”. Lycus sanguineus . Cireulation dans les élytres . . el RCARTS Lampyris italica . . Circulation dans les élytres . . . . . | Canus "1. Lampyris splendidula . | Circulation dans les élytres et dans le bord antérieur du bouclier, . . . . . . | Canus ?, Ducis ©. Clerus formicarius, lalarve. | Circulation aux côtés du corps, principale- ment aux points de combinaison des an- DEAR NN RE ET A TTT EUR LE Entdeckung eines einfachen vom Herzen aus beschleunigten Bluthreislaufes in den Larven net:flüglicher 1n- secten, Leipzig, 1827, s. 23. ? Jnsecten Belustigung, Theil. 11. Nüroberg, 1749. Sammlung derer Mücken und Schnacken Deutschland's, s. 15. 5 Lehrbuch der Zootomie , 2e Auf. Leipzig, 1824. Theil. 1, s. 763. | * Ferhandlungen der Kaïserlichen-Leopol- dinisch-Carolinischen Akademie der. Naturforscher, Band. XV, Abth. 2. Breslau und Bonn, 1831,s. 11, 5 Lehrb. d. Zootomie, Th.1, s. 764. 5 Ferh. d. Kaiserl.-Leop.-Carol. Akad, d. Naturf., Bd, XV, Abth. 2, 5.11. 7 Brewster, À Treatise on the microscope. Edinburgh, 1837, p- 188. L'auteur y cite Pritchard's Microscopie Illus- trations , et le Microscopic cabinet ; toutelois, dans le Microscopic cabinet, je n'ai trouvé mentionnés nulle part des phé- nomènes de circulation, et n'ayant pu consulter les Microscopic illustrations , je ne puis citer que ce passage de Brewster ; ilen sera de même des autres citations de ces auteurs. # Entdeck. eines einf. Bluthreisl., s. 37, duns la note. 1 ° Traité de physiol. comp., t. M, p.441. | 10 Lekrb. d. Zootom., Th. 1, s, 764. | #1 F’erhandl, d, Kaiser -Lcop.-Carol. Akad, d. Naturf., Bd. XV, Abth. 2, s. 11. | 12 Idem, 5. 116113, tab. 51, fig. 2. | 45 Traité de physiol, comp., t. 1, p. 441. 14 Il a été fait un dessin de cette larve ; Parce qu'au temps où J'y observais des phénomènes de circulation , j'ignorais à quelle espèce elle appartenait, quoique cependant il fût assez manifeste qu'elle appartenait à un coléoptère, Par la suite, cette larve est devenue nymphe, et il en est venu un Clerus formicarius. Or, une chose remarquable chez ces larves, c'est que j'en ai trouvé en abondance sous l'écorce de vieux troncs de pins; que je leur ai donné pour nourriture des mor- ceaux de l'écorce de ces arbres, et qu'elles en mangérent, en y creusant des trous ronds et en y faisant des espaces ovales qu'elles cou raient, à l'intérieur, d'un tissu soyeux d'un blanc luisant , pour y subir leur métamorphose, Ainsi, j'en ai sncore une aujourd'hui, le 10 janvier 1844 , que j'ai prise duns le mois de juin 1843 et nourrie jusqu'ici avec de l'écorce de pin. Je dis que cclu est remarquable, car on croit généralement , et tous les observateurs l'ont dit, que les larves des 19 19 18. Dermestes lardarius . . 19. Æydrophilus , la larve. 20. Rhynchophore, la larve 21. Rhynchophore, la larve SUR LA CIRCULATION PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. Circulation dans les élytres Phénomènes de circulation. Circulation dans tout le corps Circulation dans tout le corps Observateurs. Canus!. Canus°,GoninGet Prrromann”, L'AUTEUR #, L'AUTEUR Ÿ, OnTHOPTÈRES, 99, Orthoptères, indiy. jeunes. | Phénomènes de circulation. . Furficula auricularia, in- dividu jeune ? . . . . | Circulation dans les pattes, les antennes et les appendices en forme de pinces de Pab- TOME PT ER ET CET | PL AUENR 94. Mantis . . Circulation dans les ailes Eunexsenc et Heurnicn $, 25. Locusta Circulation dans les ailes Baker °. 26. Locusta viridissima . Circulation dans les ailes L'AUTEUR. 97. Locusta verrucivora Cireulation dans les ailes L'AUTEUR. clairons vivent de larves d'autres insectes : ainsi celles du Clerus formicarius dévoraient celles des fourmis. Toutefois, je me rappelle maintenant que lorsque j'ai recueilli ces larves, j'ai pris en même temps des larves de l’Acanthocinus œdilis ; en les mettant toutes ensemble dans un même endroit, avec des morceaux d'écorce de pin celles de l’Acanthocinus œdilis périrent toutes en peu de jours et semblaient avoir été dévorées ; il est bien probable que les larves des clairons les ont tuées et dévorées, Dans la suite, je n'ai plus donné aux larves des clairons des larves d'insectes, mais seulement de l'écorce de pin, et elles en mangérent avec avidité; ainsi done, ces larves semblent pouvoir se nourrir aussi bien de matières végétales que de matières animales , et leurs intestins peuvent digére ssi bien différentes larves d'insectes que l'écorce de pin; cela me parait être une chose très-intéressante pour la question du rapport qui existe entre la structure des intestins et les différents nutriments que ceux-ci sont destinés à d 4 Lehrb. d. Zootom., Th.1,s. 764. | ? Entdeck. eines einf. Blutkreisl., s. 37, dans la note. 5 Brewster, À Treatise on the microscope, p. 188. 4 Voyez les figures 16-19. J'ai pris ces larves dans le mois de mai, les rencontrant en grand nombre dans l'intérieur des feuilles de l’orme ; l'insecte parfait qui en provient m'est inconnu ; toutefois, il n'y a pas de doute qu'il n'appartienne aux Rhynchophores. C'est probablement le même insecte que Réaumur a décrit et figuré dans le tome HI de ses Mémoires pour servir à l'hist. des insectes, MËm. 1, p.31, pl. HE, Sy. 17 et 18; l'insecte parfait, fig. 18, est figuré trop incompléte- ment pour pouvoir être délerminé, mais il est manifeste que c'est un Rhynchophore, pent-être un Attelabus ou un genre voisin. Swammerdam à décrit et mieux figuré un insecte analogue qui vit dans l'intérieur des feuilles du saule, Bybel der Natuure, p. 743, tab. 44, fig, 8-13. En outre, Réaumur décrit encore deux autres espèces d'insectes analogues ; et c'est, je crois, tout ce qu'on sait sur l'histoire de ces insectes. Quand, dans la suite de cete liste, on trouve men- tiooné, comme ici, pour les phénomènes observés : circulation dans tout Le corps, j'entends par 1ù qu'on a observé ces phéaomèues presque dans tout le corps de l'animal et qu'on a vu principalement les pulsations du vaisseau dorsal , le mou- vement du fluide nourricier dans ce vaisseau et la connexion qui existait entre ce mouvement du vaisseau dorsal et les au- tres phénomènes de la circulation. 5 C'était une larve analogue à la pr ote, mais d'une autre espèce, qu'on trouve, quelque temps plus tard, dans l'in- téreur des feuilles de l'aunc. | # Lehrb, der Zootom. Th. 1, 8.763. | 7 Bientôt après une mue. # Alex. von Humboldt, Bericht über die Naturhist, Reisen der Herren Ehrenberg und Hemprich. Berlin, 1826, 5.22, | 9 On the microscope, vol. 1, p. 130. ESPÈCES OBSERVÉES. HÉMIPTÈRES. Cimezx lectularius . Reduvius. . . Maucoris. . . IVe ELU Nepa, individu jeune Mepa cinerea, indiv. jeune. . Ranatra linearis Corita 06 TUE MENT ORES Sigara coleoptrata OIONECIOA EE NE Notonecta glauca, individu NEUUE NU RER Cercopis spumaria, indi- iduÿjennel.ss.bueu..t. Tettigonia viridis, indiv. DEEE ADIRRS ME ENT 0. Aphis rosæ . 1 On the microscope, vol. 1, p. 131. DANS LES INSECTES. PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. Circulation dans les pattes Pulsation dans les jambes Pulsation dans les jambes Pulsation dans les jambes . Circulation dans le corps et les pattes, pulsa- tion dans les jambes . . . . . . . Circulation aux côtés du corps et pulsation du vaisseau dorsal. . . . . - . . Circulation dans les pates et pulsation dans les jambes . . Pulsation dans les jambes . Pulsation dans les jambes . . . . . . Pulsation danses jambes ; on n’a pas observé des globules dans le fluide nourricier . Pulsation dans les jambes . . . . Circulation dans les pattes, pulsation du vaisseau dorsal et pulsation dans les jambes. Circulation dans les pattes, pulsation dans les AD DES SRE C Circulation dans les pattes, pulsation dans RSTAMPEN RUE UN RTE Pulsation dans les jambes ; on n’a pas observé des globules dans le fluide nourricier . . Pulsation dans les jambes ; on n'a pas observé des globules dans le fluide nourricier . Observateurs. BaKkER !, Beun ?. Beux”*. Benx *, Ducis *. Ducës °. Wacxer ‘, Beux #. By ?. Beux L'AUTEUR !!. Ducës *. Canus ©, Ben #. ; L'AUTEUR. L'AUTEUR À. L'AUTEUR 16. L'AUTEUR. | ? Archi. Anat. und Physiol. w. Müller. Jahrg. 1835, s. 561, Dans le chapitre suivant, il sera traité de ce phénomène, ainsi que des autres. | 5 Idem. | + Idem. 5 Traité de physiol. comp., t. 1, p. 441. 1 Isis von Oken, 1832, s. 325. 8 ArchivS. Anat. u, Physiol. ». Müller #1 Voyez les figures 24 et 25. | © Idem, p. 442. Jabrg. 1835, s. 561. | ® Idem. | © Idem. | «2 Traité de physiol. comp.,t. 1, p. 441. 45 Verhandl. der Kaiserl.-Leop.-Carol. Akad. der Naturf., Bd. XV, Abth. 2, s. 8. Carus dit ne pas avoir observé des globules dans le fluide nourricier. # Archivf. Anat.u, Physiol. ». Müller, Jabrg, 1835, 5. 558 et tub. XII, fig. 18 et 16. | 1% Voyez fig. 26, 19 J'ai trouvé cette espèce d'Aphis sur le genét. 24 SUR LA CIRCULATION ESPÈCES ODSERVÉES. PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. Observalteurs. NÉVROPTÈRES. 44. Mévroptères , des larves . | Circulation dans tout le corps. ALLEN Tuousox !. 45. Libellula . . . . . Phénomènes de circulation. : Goninc et Prirenanp *. 46. Libellula depressa . . . | Circulation dansles ailes . - : Canus °, 47. Libellula, des larves . | Circulation dans tout le corps . . . = | Docës ‘. 48. Agrion puella . . | Phénomènes de circulation. . GonixG et Prircnanp ?. 49. Ægrion, des larves, . . | Circulation dans tout le corps. . . . . | pucès6. 50. Agrion, la larve . Phénomènes de circulation dans le vaisseau dorsalet de côlé. . « . . . . . "| L'AUTEUR 51. Agrion, lalarve. . . Phénomènes de circulation dans le vaisseau dorsal et de côté. . . + . . L|Nraureun*. 52, Agrion puella, la larve . | Circulation dans les appendices branchiales , les germes des ailes et la tête . . . . | Canus°, WaGxer !. 55. Agrion forcipula, la larve. | Circulation dans le corps et le vaisseau dorsal. | Canus ?!, Wacxen ?. 54. Ephemera, des larves . . | Circulation dans tout le corps. Grurrnuisen , Ducés !#, 55, Ephemera lutea. . . Circulation dans les ailes . . Canus . 56. Æphemera marginata . . | Circulation dans les ailes . . Canus 5, 57. Ephemera marginata , la larve. . . . . . . | Circulation dans tout le corps . Gonnc et Purrcuarn 7, Bo- WERBANK !$. * A l'article Cérculation dans Todd's Cyclopaedia of anat. a. physiol. vol. I. London, 1836, p. 651 et fig. 325. 2 Brewster, À Treatise on the microscope, p. 188. | 5 #erhandl. d. Kaïserl.-Leop.-Carol. Akad. d. Naturf., Bd. XV, Abth.2,s.11. | # Traité de physiol. comp., t. I, p. 440. | 5 Drewster, À Treatise on the microscope, p. 188. ® Traité de physiol. comp. , t. M, p. 440. 7 Je n'ai pu déterminer l'espèce de cette larve d'Agrion. # C'était une larve d'une autre espèce que la précédente, que je n'ai pu déterminer non plus. ® Entdeck. eines einf. Blutkreisl., s. 9,Taf, 1. | 10 Jsis von Oken, 1832, s. 324. "1 Entdeck. eines einf. Blutkreisl., s. 14, Taf. 1. Carus croyait que cette larve était peut-être celle d'un Semblis, d'un Sialés ou d'un genre analogue, mais Von Siebold nous a appris qu'elle ressemble tout à fait aux jeunes larves de l'Agrion Sorcipula. Voyez Erichson, Archiv für Naturgeschichte gegründet von Wiegmann. Jahrg. VII. Berlin, 1841, s. 211. «1 Jsis von Oken, 1832, s. 324 et Taf. IL, Mg. 5. #3 Salzburg. med, chir, Zeitung. 1818, n° 92, et Jsis von Oken, Bd. I. 1820, s. 247. | 14 Traité de physiol. comp., tom. 11, p. 440, | #° J’erhandl. d. Kaiserl.-Leop.-Carol. Akad, der Naturf., Bd. XV, Abth.2,s.11. | 16 Idem. "7 Microscopic illustrations, vol. I. London, 1832, p. 26. Voyez Lacordaire, Zntroduction à l'entomol. , t. 11, p. 77, et Brewster, À Treatise on the microscope, p. 188. 1# Entomological Magazine, vol. 1, 1833, p.239, pl. 2. Voyez Lacordaire , idem , et Newport, à l'article Insecta, duns Todd's Cyclop. of anat. a. physiol., vol. IH, p. 979. DANS LES INSECTES. 2 ESPÈCES OBSERVÉES. PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. Obsercaleurs. . Ephemera (diptera?). . | Circulation dans les ailes , pulsation du vais- seau dorsal et mouvements ondulatoires dans l'abdomen , , . . . L'AUTEUR !. 9. Ephemera (diptera?), la k larve. . . . . . . | Circulation dans tout le corps Carus*, WAGNER”, L'AUTEUR“. . Ephemeravulgata, lalarve. | Circulation dans les branchies - Canus ?. . Hemerobius chrysops Circulation dans les ailes . : Canus. Hemerobius albus . | Circulation dans les ailes . L'AUTEUR, Hemerobius perla Cireulation dans les ailes . . . . BowErBaAnKk ? et L'AUTEUR. . Semblis viridis . Circulation dans les ailes et les antennes Canus$. 5. Semblis bilineata Circulation dans les ailes et les antennes. . | Canus’,GoriéetPrrrenarp'®. ÿ. Perlaviridis. . . Circulation dans les ailes et les antennes . Gonine et Priremarp 1. Phryganea grandis Circulation dans les ailes et les antennes. . | L'aureur. HYMÉNOPTÈRES. - Cimbex lucorum, la larve. | Circulation dans les pattes des segments tho- LACIQUES El led INT AUTENR 1 Voyez fig. 30. Dans le prochain chapitre, on trouvera des renseignements sur le phénomène des mouvements ondula- toires dans l'abdomen, Les éphémères étaient jusqu'ici très-mal déterminées, et, dans le Lemps où j'ai fait cette détermination, je devais regarder cette espèce comme l'Ephemera diptera, d'après les classifications existantes. M. Pictet s'occupe actuellement d'une nou- velle rédaction de cette famille des névroptéres, et, d’après lui. je crois devoir tenir cette espèce pour le Cluë bioculata. Comme je n'ai pu consulter cependant que la figure de cette espèce, n'ayant pas encore reçu le texte, je ne puis l'affirmer positivement. La larve suivante appartient aussi à cette espèce. (Pictet, Histoire nat., générale et partic. des insectes né- vroptères, Genève, 1843, 7eliv., pl. 34.) 2 Entdeck. eines einf. Blutkreisl., s. 16, Taf. 3. | 5 Isis von Oken, 1832, s. 322 et taf. 2, fig. 1-4. + Voyez fig. 1.— Carus et, d'après lui, tous les auteurs ont désigné cette larve comme étant une Epliemera vulgata, quoiqu'elle n'appartienne certainement pas à cette espèce. C'est la même que Réaumur a décrite et figurée dans ses Mém. pour servir à l'hist, des insectes, t. VI, Mém. XI, p- 467 et pl. 45, fig. 1-6; mais il ne décrit pas l'insecte parfait. Or, il me semble très-probable que c’est la larve de l'Ephemera diptera , car dans les mémes endroits où j'ai trouvé ces larves en abondance dans les eaux, j'ai pris aussi plusieurs fois des insectes parfaits de l'Ephemera diptera, tandis que je n'y ai trouvé nilarves ni insectes parfaits d'autres espèces. 5 Éntdeck. eines einf. Blutkreisl., s.18, dans la note. | © Ferhandl. d. Kaiserl.-Leop.-Carol. Akad, d. Naturf., Bd, XV, Abth.2,s.11, | 7 Entomol. Magaz., vol. IV, 1836, p: 179, pl. 15. Voyez Newport, à l'article Insecta, dans Tudd's Cyclop. of. anat. a. physiol., vol, IL, p. 980. * Éntdeck. eines einf. BlutkreisL., s. 23 u. 37, dans les notes, et Verhandl. d. Kaiserl.-Leop.-Carol. Akad. d. Na- turf., Bd, XV, Abth.2,s. 12 u. Tab. 51 : fig. 3. Verhandl. d. Kaiserl.-Leop.-Carol, Akad, d. Naturf., Bd. XV, Abth. 2, s. 9, u, Tab. 51, fig. 1. 19 Brewster, À Treatise on the microscope , p. 188. 11 Idem. Je ne sais si c'est une autre espèce que le Semblis viridis, ‘* L'observation des phénomènes de la cireulation dans ces fausses chenilles est très-difficile ; elles s'y prêtent mal, de Tome XIX. 4 26 SUR LA CIRCULATION ESPÈCES ODSERVÉES. PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. | Observateurs. 69. Cladius difformis, la larve. | Circulation dans les pattes des segments tho- ACTES NE EU. NS RTE. © 2 AUTEUR, 70. Pompilus viaticus, la larve. | Circulation dans tout le corps . . . . . | L'aurEeur’. LÉPIDOPTÈRES. . Lépidoptères, des chrysali- GT ESS . : = | Circulation dans les germes des ailes. . . 72. Vanessa urticae, la chry- : £ , . . salide. . . : . . . | Circulation dans les ailes de l’insecte qui va quitter la chrysalide . . . . . . . | Swanmenpan*. 75. Smerinthus populi. Circulation dans les ailes . . . . . L'AUTEUR. 74. Cossus ligniperda, jeune ; larve. . « . . . . | Circulation aux côtés du corps entre les an- neaux et dans la tête . . . . . . . | L'AUTEUR. Noctua (brassicae ?). larve. | Circulation aux côtés du corps entre les an- HEAR Le de UE re tace Pie tm RUEAUTEU RE même que toutes les chenilles ; aussi n'y suis-je parvenu qu'après plusieurs essais infructueux. Toutefois, dans les pattes mentionnées , j'ai observé ces phénomènes très-exactement, et j'y suis parvenu en observant ces animaux quand ils man- . Hs ont la coutume de tenir le bord de la feuille qu'ils dévorent entre les pattes des segments thoraciques, tandis Fa ‘le se tiennent par leurs autres pattes sur cette feuille, Ges pattes thoraciques sont alors étendues, puisqu'ils penchent la tête en bas pour atteindre le bord de la feuille avec leurs mandibules, et, en mettant l'animal de cette manière sous le microscope, On pe ut en observer une partie au moyen de la lumière transmise. 1 Voyez fig. 22.— Une femelle de cette espèce avait creusé un trou dans un sentier très-dur ; bientot après, elle y apporta une araignée , et le referma avec de la terre aussi compacte qu'auparavant. Le jour suivant, j'ai ouvert le sol en cet endroit, et j'y ai trouvé l'araignée dans une excavation, portant déjà une très-petite larve sur son dos; je l'ai conservée de cette ma- nière dans une motte de terre , où se trouvait l'excavation, et au bout de huit jours, la larve avait acquis la grandeur qui est indiquée à côté de la figure; elle se tenait toujours sur le dos de l'araignée et la dévorait à l'intérieur en laissant la peau ; de là vient que ces larves dirigent toujours leur tête et la partie antérieure de Jeur corps vers le bas et l'appliquent souvent sur le ventre. Je l'ai alors enlevée de l’araignée et je l'ai conservée encore pendant huit jours, au bout desquels elle mourut. Dans cet intervalle, elle a été observée plusieurs fois, et le dessin en a été fait. Pour l'observer, elle était tou- jours mise dans de l'eau, et je l'y ai laissée souvent près d'une journée, sans que les phénomènés de la circulation ces- sassent totalement ; ils se ralentissaient de plus en plus, et auraient fini bientôt par cesser complétement , mais en retirant la larve de l'eau, elle reprenait vie après quelque temps. J'ai répété plusieurs jours de suite cette opération, pour l'ob- server et Ja dessiner, parce qu'elle devenait alors bientôt immobile par l’asphyxie. De cette manière, on n'avait à regarder qu'à ce qu'elle tint Ja tête étendue et non pas penchée en bäâs contre le ventre, Ces remarques sur les mœurs de ces insectes ne me semblent pas inutiles, puisqu'elles diflérent en quelque sorte de ce qu'on en raconte d'ordinaire. Il paraît donc, que les femelles enfouissent une araignée, dans laquelle elles ne pondent qu'un œuf; qu'elles n'apportent pas jour- nellement de la nourriture à leurs larves; qu'elles n’ont pas de trous souterrains à plusieurs issues, et que ce sont des araignées, comme le dit aussi Latreille, dont elles se servent pour y pondre leurs œufs. Voyez ce qu'en dit Dahlbom, dans un livre tout récent : Hymenoptera Europaca ; per familias, genera, species et warietates disposita atque des- cripta ab Andr, Gustav. Dablbom, Fasciculus [. Lundae, 1843, p.57. * Verhandi. d. Kaiserl -Leop.-Carol. Akad. d. Naturf. Bd. XV, Abth. 2,s.8. | 3 Bybel der Natuure, p. 589. 4 Je n'oserais décider si cette larve était en effet celle de la Noctua brassicae ; les larves de cette Noctuelle ressemblent tant à celles de quelques espèces voisines qu'il est presque impossible de les déterminer avec certitude, Toutefois cette DANS LES INSECTES. 27 ESPÈCES OBSEBVÉES. PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. Observateurs. 76. Phlogophora meticulosa . | Phénomènes de circulation. . . . . . | Bowensanx!. 77. Pyralis pomana, la larve. | Circulation aux côtés du corps. . . . . | L'aureuu*. 78. Ornix lusciniae-pennella, la larve . . . . . . | Circulation aux côtés du corps aux points de combinaison des anneaux . . . . . | L'AUTEUR‘. DIPTÈRES. 79. Diptères, deslarves. . . | Phénomènes de circulation. . . -: . . | Carus!. 80. Chironomus (plumosus ?), ” la larve . . . . . . | Pulsation du vaisseau dorsal sans avoir pu observer des globules dans le fluide nour- DICIEN De ses CN RE NE à il L'AGTEURÉE 81. Chironomus, la larve . . | Circulation dans toutle corps . . . . . | L'aureun®. 82. Éristalis tenax. . . . | Phénomènes de circulation. . . . . . | Burmæisren”. 85. £ristalis nemorum. . . | Phénomènes de circulation. . . . . ,. | Bunmrisrer#. 84. Syrphus (ribesii ?), lalarve. | Circulation dans tout le corps . . . . . | L'AUTEUR °. certitude est de peu d'intérêt pour la question de la circulation, car je ne doute nullement que l’on n'aperçoive ces phéno- mènes dans les espèces voisines lorsqu'on pourra les soumettre à l'observation. Quant à l'existence réelle de cette circu- lation, comme je l'ai déjà dit, je n’en doute pour aucun insecte. 1 Entomol. magazine , vol. X, p. 243. Voyez Newport, à l'article Insecta, dans Todd's Cyclop. of anat.a. physiol., vol. II, p. 980. 2 J'ai trouvé ces larves de Pyrale en automne, dans le pepin des poires. Elles ressemblaient exactement à celles qu'on trouve dans les pornmes, le Pyralis pomana ; toutefois je ne sais pas si c'est la même espèce (*). Réaumur en fait aussi mention dans ses Mém. pour servir à l'hist. des insectes , t. IL, MÉM. XHI, p. 501. 5 C'est cette teigne qu'on trouve sur les feuilles d'orme et que Réaumur a figurée et décrite, dans le tome IV de ses Mém. pour servir à l'histoire des insectes, MÉN. IV, p. 97 et pl. 8, Gg. 1-16, de même que l'insecte parfait, pl. 10, fig. 13 et 14. # Lehrb. d. Zootom., Th. 1I., s. 763. 5 Voyez les figures 2 à7. — Dans l'eau où je conservai ces larves, j'ai observé plusieurs fois des peaux qu'elles avaient reje- iées ; toutefois, je n'oserais décider si elles les avaient rejetées lors du changement en nymphe, ou si elles le font plusieurs fois. C'est la méme larve que Réaumur a figurée tom. V., pl. 5. Meigen croit que ce n'est pas le Chironomus plumosus 5 C'étaient des larves d'une autre espèce de Chéronomus, dont l'insecte parfait m'est inconnu. Elles étaient surtout re- marquables en ce que j'y observai des globules dans le fluide nourricier, mais en très-petit nombre, tandis que je n'en vis jamais dans l'espèce pr ente, quoique j'en aie observé plusieurs individus et à diff ? Handbuch der Entomologie. Berlin, 1822, s. 436. | # Idem. # Moyez fig. 23. — J'ai trouvé cette la rents äges. sur les fruits du framhoisier, mais je n'oserais décider avec certitude si c'est la méme larve que celle qu'on trouve sur le groseillier. J'ai retenu une pareille larve pendant quatorze ours sans nourri- ire ; après ce laps de temps, je lui présentai une framboise, car ses intestins ayaut la même couleur que ce fruit, je soupçonnai qu'elle le prenait pour nourriture, mais elle n’en mangea point ; e lui offris alors des pucerons de différents arbres, et elle se mit bientôt à les dévorer. H est donc probable qu'elle s'était nourrie de pucerons qui vivent sur les fram- boises et qui en avaient sucé les sucs rougeâtres, et que de Jà les intestins de notre larve s'étaient remplis de matières de () L'auteur » constaté, plus turd, que deux insectes purfuits sont sortis des chrysulides de ces larves; ils ont confirmé l'opinion que c'est ln mème espèce que le Pyralis pomana. 28 SUR LA CIRCULATION ESPÈCES OBSENVÉES. PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. Obsertvateurs. . Syrphus, la larve . . . | Circulation dans tout le corps . . . . . | L'aureun?. ï. Gastrus equi, la larve. . | Circulation aux côtés du corps et pulsation du vaisseau dorsal, . . . . . . . | L'aurEur?. . Gastrus haemorrhoïdalis, la larve . Circulation aux côtés du corps et pulsation du vaisseau dorsal. . . . . «. . . | L'AUTEUR. . Musca domestica . . . | Phénomènes de circulation. . . . . . | Tynrer®. . Musca vomitoria, la larve. | Circulation dans tous le corps . . . . L'AUTEUR . . Ornithomya avicularia#. | Pulsation dans la cuisse. . , É .< | Decerr *. cette couleur, car dans d'autres larves mangeuses de pucerons on ne trouve pas les intestins colorés de cette manière, Lorsqu'elle était prise récemment, une plus grande partie des intestins étaient colorés ainsi, mais alors elle se prétait moins à l'observation des phénomènes de la circulation; quand elle avait jeûné pendant quelques jours, les intestins se dé- coloraient , de sorte qu'il ne restait plus que la partie indiquée dans la figure; cette partie toutefois, retenait cette couleur. Je dois encore faire remarquer que, pendant le temps que j'ai conservé cctte larve, elle a subi une mue, mais la peau qu'elle a rejetée était extrêmement mince. Dans certains moments où je voulais l'observer, les phénomènes de la circulation se montraient beaucoup moins distinctement , et elle ne paraissail pas aussi transpareale qu'auparavant; le lendemain, je trouvais dans sa demeure cette pellicule mince, et elle paraissait de nouveau plus transparente. Il ne me semble pas inutile de faire celte remarque, puisqu'on nie les mues aux larves des diptères. 1 C'était une autre espèce de larve mangeuse de pucerous d'une couleur verdâtre et dont les intestins colorés n'é- tient pas aussi foncés que ceux de la précédente. Je ne saurais déterminer à quelle espèce elle appartient. 2 Sices larves, ainsi que celles de l'espèce suivante, avaient été plus jeunes, elles se seraient prétées bicn plus encore à l'observation des phénomènes de la circulation, = Proceedings of the royal society , jun. 15, 1835. Voyez Newport, à l'article Insecta, dans Todd's Cyclop. of anat. a. physiol., vol. II, p. 950, * Aux Diptéres, on peut ajouter encore une observation de M. Wagner, sur la pulsation du vaisseau dorsal et sur les globules du sang dans une larve du Corethra plumicornis (Ueber Blutkôrperchen bei Regenwürmern, Elutesgeln und Dipteren-Larven, ARCHIV FUR ANAT. UND Paysi02. v. Müller, 1835, s. 311). — D'après des observations antérieures, l'auteur avait nié l'existence des globules du sang dans les larves des Diptères ; il est certain qu'il y a des larves de Dip- tères qui en sont dépourvues, comme nous l'avons vu dans celles du Chironomus (plumosus?). L'auteur mentionne encore la non-existence de stries transversales sur Jes ligaments latéraux du vaisseau dorsal. dits les ailes du cœur, landis que ces stries étaient très-manifestes dans les autres muscles du méme animal. # Mémoire pour servir à l'histoire des insectes. Stockholm, 1775, t. VI, p- 287. On voit rassemblé dans cette liste un nombre de 90 espèces d'insectes, d'états et d'ordres différents, dans lesquels des phénomènes de circulation ont été constatés par 17 différents observateurs; et si l'on y ajoute encore les observations faites par plusieurs naturalistes sur une même espèce, on obtient un total de 105 observations sur le phénomène de la circulation dans les insectes. Or, si, à ces savants, l’on veut opposer ceux qui tà- chent encore actuellement de défendre l'opinion contraire, celle de la DANS LES INSECTES. 29 non-existence de cette circulation, c'est M. Léon Dufour seul qu'il faut citer; il a scrupuleusement analysé et victorieusement combattu, à ce qu'il croit, les assertions spécieuses et parfois contradictoires de ceux qui assument cette circula- tion dans les insectes. Il ne manque dans cette liste qu'un ordre d’insectes, dans lequel le phénomène n’a pas encore été observé, celui des Rhipiptères ; J'ai tâché d’en obtenir des larves sans y réussir jusqu'ici; toutefois cela ne me paraît, pour la question actuelle, que d’une utilité secondaire. D'ailleurs, je n’ai admis dans cette liste que des observations qui me paraissaient assez po- sitives pour pouvoir y être inscrites. On fait encore mention de quelques observations de Réaumur, de Lyonet, de Bonnet, de Nitzsch et de quelques autres, mais elles ne m'ont pas paru pouvoir y trouver place. J'aurais pu, sans doute, augmenter encore cette liste d’une multitude d’autres espèces d'insectes, mais cela m'a paru entièrement inutile; cette partie de la ques- tion me semble traitée suffisamment et le phénomène de la circulation dans les insectes se trouve confirmé d'une manière générale. J'ai préféré donner plus de temps à l'observation de quelques insectes qui conve- naient plus que d’autres pour éclaircir le phénomène dont l'existence a été démontrée dans ce chapitre. Je vais traiter maintenant, dans un se- cond chapitre, de la manière dont se fait la circulation, en me servant principalement des espèces qui s’y prêtent le mieux. 30 SUR LA CIRCULATION CHAPITRE SECOND. SUR LA MANIÈRE DONT SE FAIT LA CIRCULATION DANS LES INSECTES. Chaque insecte ne convient pas également bien pour éclaircir le sujet qui va nous occuper; il faut qu’on observe non-seulement un fait isolé de cir- culation, mais aussi la connexion qui existe entre ce phénomène et l’action du vaisseau dorsal, et qu'on étudie ainsi, autant que possible, l'ensemble des phénomènes de circulation dans tout le corps. Ce que je viens de dire : regarde les observations microscopiques; mais comme on a reconnu qu’il y a des organes servant à la circulation , principalement le vaisseau dorsal, qui domine cette circulation, comme le fait le cœur chez les autres ani- maux, On pourra encore éclaircir ce phénomène en recherchant la struc- ture de ces organes par le moyen de la dissection. Nous avons donc deux moyens d'étudier ces phénomènes. L'observation microscopique sera le moyen le plus fructueux pour nous dans ces recherches, puisqu'on peut observer de cette manière la structure du vaisseau dorsal mieux que par tout autre procédé, en se servant de petits insectes transparents , pendant que les phénomènes de la circulation ont lieu. Quant à la dissection, je ferai remarquer seulement que les plus grands insectes s’y prêtent le mieux, ce qui se comprend aisément. M. Léon Dufour a reproché à ceux qui pré- conisent la circulation dans les insectes, qu’ils se servaient principalement de petits insectes. Cependant ce savant n’a pas distingué entre le moyen de l'observation microscopique et celui de la dissection. Comme pour l’un, DANS LES INSECTES. 31 les petits insectes conviendront le mieux, ce seront les grands qu’on devra choisir pour l’autre, et, eu égard à cette distinction, le reproche retombe sur M. Léon Dufour lui-même, qui, pour ses dissections, s’est servi de préférence de petits insectes. Quant à moi, je me suis servi principalement pour les dissections de larves adultes du Sphinx ligustri et d’insectes par- faits du Lucanus cervus. Je ferai remarquer encore qu'en général j'ai mieux aimé faire mes ob- servations sur un petit nombre d'insectes, mais avec le plus d’exactitude possible, en soumettant ceux-ci à de minutieuses investigations. Je commencerai par la description de la structure des organes qui ser- vent à la circulation, et principalement par celle du vaisseau dorsal, qui domine cette circulation, comme on le sait déjà, et ainsi qu’on le verra confirmé par mes observations. On connaît ce vaisseau dorsal comme un vaisseau tubulaire qui s’étend immédiatement sous la peau de Pinsecte dans la région dorsale du corps, suivant la ligne médiane, depuis la partie postérieure jusque dans la tête, où il passe sous le ganglion sus-œæsophagien, et qui se compose de deux portions, l’aortique et la cardiaque ; cette dernière doit proprement être comparée au cœur des autres animaux, d’abord comme étant pourvue d'ouvertures latérales, destinées à recevoir le fluide nourricier et munies à l'intérieur d’un appareil valvulaire, ensuite comme étant pourvue laté- ralement d’expansions ligamenteuses triangulaires, les ailes du cœur; ces parties manquent à l’autre portion, qui est en même temps l’antérieure et qui reçoit le fluide de la partie cardiaque pour le conduire dans la tête, et de là dans tout le corps. Je vais maintenant exposer les résultats de mes observations. Premièrement, pour la forme de ce vaisseau , je ferai remarquer que, dans les larves, il a sa plus grande ampleur à la partie postérieure du corps, tandis que dans les insectes parfaits, cette ampleur se trouve au milieu de l'abdomen et le vaisseau se rétrécit un peu vers la partie posté- rieure. Dans quelques larves, il y a une dilatation très-prononcée à la par- tie postérieure du vaisseau dorsal, comme je l'ai observé dans la larve de Chironomus (plumosus?); dans les figures 2-7, a, cette partie est repré- 22 SUR LA CIRCULATION sentée telle qu'elle se montre en la regardant de différentes manières, sur le dos et de côté, en contraction et en dilatation. C'est cette partie qui a la plus grande amplitude de pulsation !, puisque c'est là que le mouvement peut être le plus étendu, comme on peut le voir par les figures : la 2° et la 5° représentent cette partie vue en contraction et de côté; dans la 4°, on la voit en dilatation et de côté; dans la 5° et la 6°, de même en dilatation, mais vue sur le dos; enfin, dans la 7°, en contraction et vue sur le dos. En observant cette larve de côté, on ne pouvait pas bien distinguer d’autres parties du vaisseau dorsal, puisqu'elles étaient trop cachées par le tissu adi- peux; vue sur le dos on en apercevait un peu plus, mais le tissu adipeux em- pêchait aussi de les observer distinctement. Cependant on peut voir, comme je l'ai représenté par les figures 5, 6 et 7, que le vaisseau dorsal qui com- mence par sa dilatation dans le 12° segment, se rétrécit considérablement dans le 41°; j'en ai pu observer assez dans les segments suivants, pour affir- mer qu'il était par la suite presque d’une même venue. La partie posté- rieure, vue sur le dos quand elle est en dilatation, a en quelque sorte la forme d'un flacon, avec les parois égales ; mais quand elle est en contraction, cette forme devient très-inégale et noueuse, ce qui semble être causé par l’attache de cordons ligamenteux élastiques ; ces cordons n’ont pas le ca- actère musculeux, c’est-à-dire les stries transversales onduleuses que pré- sentent les fibres musculeuses des insectes aussi bien que celles d’autres animaux. Ces ligaments se fixent latéralement à différents points du vaisseau 1 C'est ainsi que je nommerai le degré de dilatation et de contraction du vaisseau dorsal, ou la différence qui existe entre l'ampleur du vaisseau contracté, et son ampleur quand il est dilaté. La partie du vaisseau dorsal qui a la plus grande amplitude de pulsation sera la plus propre à la production du mouvement du fluide nourricier, comme recevant la plus grande quantité de ce fluide pour le mettre en mouvement. C'est cette partie qui remplit particulièrement la fonction de cœur; aussi Carus considère-t-il principalement la partie postérieure du vaisseau dorsal comme le cœur des insectes. Toutefois ce n'est pas exclusivement cette partie qui contribue à la produc- tion du mouvement, mais toute la partie cardiaque; du reste, la partie postérieure n’a pas tou- jours la plus grande amplitude de pulsation. La partie du vaisseau dorsal, qui est la plus ample, aura aussi la plus grande amplitude de pulsation , puisque là le jeu de contraction et de dilatation peut être le plus étendu; ainsi, dans les insectes parfaits, la plus grande amplitude de pulsation aura lieu principalement au milieu de l'abdomen, puisque c'est dans cette partie que le vaisseau dorsal a le plus d'ampleur. DANS LES INSECTES. 93 dorsal ; quand donc ce vaisseau se contracte, ces points d'attache des cor- dons sont étirés en tubercules, ainsi qu'on le voit dans la figure 7 (c, c’), qui montre l'effet de la pulsation latérale de cette partie du vaisseau dor- sal; mais ce n’est pas seulement dans ce sens que les contractions et les dilatations ont lieu, elles se font dans tous les sens, aussi bien dans le sens de la longueur que dans celui de la profondeur, c’est-à-dire dans la di- rection de la partie dorsale de l’insecte à la partie ventrale. Pour se rendre compte du mouvement longitudinal, il faut remarquer que les cordons ligamenteux qui s’attachent à la partie postérieure du vaisseau (figures 5 et 7, c'), sont disposés obliquement, des parties latérales de l’insecte vers le milieu et vers la tête; ils tirent les parois du vaisseau en même temps latéralement et en arrière. Quant au mouvement dans le sens de la profon- deur, cette partie du vaisseau dorsal ne devient pas aussi inégale et aussi noueuse par la contraction que cela a lieu dans le sens latéral; aussi, les cordons ligamenteux qu’on observe à la partie dorsale (fig. 5, c) se distri- buent plus également sur la paroi supérieure du vaisseau, et ne se trouvent pas par faisceaux, comme sur les parois latérales. Ces ligaments dorsaux s’attachent aux téguments dorsaux de l’insecte en se réunissant par paires ou par plusieurs cordons; de manière qu’ils sont disposés en éventail vers la paroi supérieure du vaisseau dorsal 1. Les attaches des ligaments laté- raux n'étaient pas visibles, puisque ceux-ci se cachaient dans le tissu adi- peux; de même, la partie inférieure du vaisseau dorsal n'a pu être obser- vée. Il est remarquable encore que le vaisseau dorsal ne s'étend pas plus en arrière et ne commence que dans le 12% segment, tandis que le 15% qui, dans ces larves, est aussi développé que les autres, et le 14%, si on peut considérer encore celui-ci comme un segment à part, en sont dépourvus. On verra que cela est en accord avec ce qu’on observe dans d’autres larves; mais là, le 12" segment termine le corps, le 15"° et le lave ne sont pas si développés, en sorte que le vaisseau dorsal s'étend dans celles-ci presque jusqu'au bout du corps. Cette particularité est peut- ! Straus-Durckheim a figuré une structure tout à fait analogue de cordons ligamenteux, liant le feuillet intérieur du tambour de la verge avec la partie postérieure de la languette de la verge. ( Considér. génér. sur l'anat. comp. des anim. art., pl. V., fig. 4 et 2.) Tome XIX,. 5 54 SUR LA CIRCULATION être bien la cause pour laquelle le vaisseau dorsal commence par un ren- flement si prononcé dans les larves du Chironomus (plumosus?), ainsi qu'on le verra par la suite. Dans aucune autre larve, je n’ai observé un renflement aussi prononcé que celui qui vient d’être décrit; toutefois, dans toutes les larves, la partie postérieure est la plus ample. Dans la larve du Pompilus viaticus , le vaisseau dorsal a sa plus grande ampleur à la partie postérieure, et se rétrécit régu- lièrement en s'étendant vers la partie antérieure du corps; il a la forme d'un cône très-allongé (fig. 22, a, b). Dans celle du Syrphus (ribesii?), la différence d’ampleur n’est que très-petite (fig. 25, a, b). Dans plusieurs chenilles, où les pulsations du vaisseau dorsal peuvent être observées à travers la peau, on s’assurera facilement que la plus grande amplitude de pulsation est à la partie postérieure, et que de là elle diminue de plus en plus en avançant vers la tête, comme le font voir les figures des che- nilles du Smerinthus populi et du Sphinx ligustri (figures 8 et 9, a,b,d)1. La partie postérieure, la plus ample du vaisseau, est représentée dans les figures 10, 11 et 14 (a) de la chenille du Sphinx ligustri ; la figure 10 mon- tre la position du vaisseau dans une chenille dont on a enlevé une partie de la peau du dos, ainsi qu’un peu de tissu graisseux qui couvrait la par- tie postérieure du vaisseau dorsal (près de h/'). La figure 11 fait voir, en dessus, le vaisseau dorsal enlevé du corps et débarrassé autant que pos- 1 Dans ces larves on ne voit pas ordinairement le vaisseau dorsal à travers les téguments, mais quand le temps de mue s'approche, la peau semble devenir plus transparente, principale- ment quand l'insecte doit se transformer en chrysalide; on voit alors les pulsations du vaisseau dorsal, et on peut, dans ces grandes chenilles, suivre très-bien la manière dont ces pulsations Sopèrent, quand les larves cessent de manger et commencent à se promener avec inquiétude pour chercher un endroit propre à y subir leur métamorphose; pendant cette période leur peau acquiert une teinte brunâtre, principalement sur le dos, ce qui est surtout très-manifeste dans les larves du Sphinx ligustri. C'est à cette époque, où le vaisseau dorsal devient très-apparent à tra- vers la peau, que les dessins mentionnés ont été faits. Il semble qu’alors la nouvelle enveloppe té- gumentaire, la membrane muqueuse, comme on la nomme, commence à se détacher, sur le dos, des téguments anciens; ces derniers n'étant plus en contact avec le fluide nourricier se dessèchent et deviennent plus transparents, tandis que la nouvelle enveloppe est encore mince et transpa- rente. Je ne saurais comment expliquer autrement ce phénomène. On croirait que la transparence de Ja peau devrait être moindre, puisqu'on a alors une double peau; mais il faut remarquer que DANS LES INSECTES. 99 sible du tissu graisseux qui y adhère fortement; tandis que la figure 14 montre la partie postérieure de ce vaisseau vue de côté. Cette portion est arrondie en arrière (près de q) et se compose d’une partie aplatie, hori- zontale, inférieure (r, q), et d’une arèête supérieure (0, p) qui surmonte la partie horizontale. L’arête est plus élevée en arrière (0) et descend de là vers la partie antérieure, où elle se termine dans la paroi supérieure du vaisseau dorsal qui devient cylindrique et plus ou moins quadrangu- laire. De plus, cette arèête est aplatie sur ses pans, même un peu concave (p), et chaque face est couverte d’un lobule du tissu adipeux très-grand en raison des autres et ayant une forme particulière (voyez fig. 10 h/'). Sur le sommet de l’arête (fig. 14, 0) s'élève la corne que ces larves por- tent sur leur dos. Ces parties ont été préparées par la dissection pour en faire les dessins, aussi la portion postérieure est-elle un peu affaissée et moins ample que quand elle est en dilatation entière, comme on peut s’en convaincre en observant, à travers la peau, le vaisseau dorsal en ac- tion dans une chenille vivante. Ce que je viens de dire suffira pour la des- cription de la forme de la partie postérieure du vaisseau dorsal dans les larves, laquelle offre le plus de variétés. Dans beaucoup de larves, vues au microscope, cette partie se soustrait à l’observation, parce que la partie du corps qui la contient est souvent moins transparente que les autres, moins surtout que celles du milieu du corps : de même, la partie anté- la peau est très-tendue quand le temps d'une mue s'approche et que, par cette tension, elle de- vient plus mince, plus délice, plus égale et sans plis; de sorte que la transparence en est angmen- tée. Cette peau extérieure des insectes ne semble pas Saccroître, mais, après chaque mue, la peau nouvelle paraît être plus grande; elle est plissée, inégale, plus épaisse que par la suite, et semble être plus ou moins élastique; quand donc l'insecte prend de l'accroissement et que la quantité de fluide nourricier contenue dans la cavité du corps s’augmente, la peau se dilate et se tend progressivement, jusqu'à ce qu'elle ait pris sa plus grande extension; alors le temps d'une nouvelle mue s'approche, l'insecte doit recevoir une enveloppe nouvelle puisque l’ancienne est de- venue trop petite. Presque tous les auteurs, dans leurs dessins, ont représenté les chenilles, vues de côté, et je n'en ai encore jamais rencontré un seul qui en ait dessiné une, vue sur le dos, où il ait repré- senté en même temps le vaisseau dorsal; cependant il y a tant de chenilles où l'on voit si bien, à travers la peau, les pulsations de ce vaisseau, que plusieurs auteurs en ont fait mention. Un semblable dessin donne déjà une idée très-nette de ce vaisseau et peut aider à l'explication ; c'est pour cette raison que j'ai reproduit les figures de ces deux espèces de chenilles. 56 SUR LA CIRCULATION rieure est ordinairement moins transparente. L'investigation par la voie de la dissection est très-difficile dans les petites larves. Comme je l'ai déjà fait remarquer plus haut, la dissection du vaisseau dorsal, pour le mettre à découvert, présente en général beaucoup de difficulté, principalement la partie postérieure ; aussi n’a-t-elle encore été décrite dans aucune larve, avec précision, par personne. Les belles figures que M. Newport a don- nées du Sphinx liqustri, représentant des coupes verticales de cet insecte sous ses trois états, pour faire voir tous les intestins dans leur situation naturelle, ne donnent qu'une idée incomplète de cette partie. Dans les insectes parfaits, le vaisseau dorsal se rétrécit un peu en ar- rière; de sorte que cette partie a une forme conique mais renversée à l’é- gard de celle des larves, et que le vaisseau dorsal est le plus ample au mi- lieu de l'abdomen; c’est ainsi que l'ont décrit et figuré Straus-Durckheim dans le Melolontha vulgaris, Wagner dans le Dytiscus latissimus et Newport dans le Lucanus cervus, et que je l'ai observé moi-même dans le Lucanus cervus et le Vespa crabro. La forme du vaisseau dorsal semble être en quel- que sorte en relation avec celle du corps; ainsi, dans les insectes parfaits, l'abdomen est en général le plus ample au milieu et se rétrécit vers la partie postérieure, tandis que, dans les larves, la partie postérieure a gé- néralement le plus d'ampleur; toutefois, on ne pourrait en faire une règle générale. Dans les larves, le reste de la partie cardiaque du vaisseau dorsal est plus uniforme; elle est presque cylindrique, un peu quadrangulaire et se rétrécit peu à peu en s’avançant vers la partie antérieure du corps, tandis que, dans les insectes parfaits, comme je l'ai dit, elle s’élargit pre- mierement dans la partie du milieu de l'abdomen. Cette forme plus ou moins quadrangulaire fait qu'on peut distinguer quatre parois, la supé- rieure, l’inférieure et deux latérales, l’une à droite et l'autre à gauche. La supérieure et l’inférieure sont égales, sans parties adhérentes , et si transparentes dans des individus récents, qu’on ne les voit pas à l'œil nu. Quand on y introduit un tube pour injecter le vaisseau dorsal, on ne peut pas distinguer si la membrane se trouve au-dessus. Dans la figure 10, les deux lignes blanches qu'on voit de chaque côté du Vais- DANS LES INSECTES. 31 seau dorsal sont produites par des lobules du tissu graisseux, qui adhè- rent aux parties inférieures des parois latérales et qui luisent à travers les parois, tandis qu’on observe une ligne foncée au milieu, parce que là les membranes, l’inférieure et la supérieure, sont sans parties adhérentes, et qu'on voit, à travers ces deux membranes, dans la cavité abdomi- nale sur l’estomac sous-jacent. Quand on observe ces parois au micros- cope, par transparence, elles deviennent apercevables à cause des fibres musculeuses qu’on distingue alors. Les parois latérales sont de même nature, mais on les voit mieux à cause des parties qui y adhèrent : ce sont principalement les lobules du tissu graisseux qui tiennent fortement à ces parois et qui forment de chaque côté deux couches, dont l’une adhère à la partie supérieure de la paroi latérale, et l’autre à sa partie inférieure. Les lignes d’adhérence des deux couches inférieures se rapprochent plus sur la paroi inférieure du vaisseau que ne le font les supérieures sur la paroi supérieure ; de manière, que la membrane supérieure transparente du vaisseau est plus large que l’inférieure; de là proviennent les lignes blanches dont j'ai parlé plus haut. Ces lignes d’adhérence du tissu grais- seux déterminent la forme plus ou moins quadrangulaire du vaisseau dorsal. Les deux couches du tissu graisseux s'étendent de chaque côté du vaisseau, entre les téguments de lanimal munis de leurs muscles, et les intestins avec leurs appendices; de sorte qu’elles enveloppent ces derniers et se portent vers ie bas, où elles se rencontrent à la ligne mé- diane inférieure du corps, sans cependant s'y réunir; ces couches se mettent seulement l’une contre l’autre, en laissant entre elles une ligne sans tissu adipeux, semblable à celle qui se trouve à la partie supérieure du corps et d’où le tissu graisseux s'étend des deux côtés; c'est la li- gne foncée que j'ai mentionnée au milieu du vaisseau dorsal. Dans plu- sieurs larves qui ont la peau transparente, on observe très-bien ces lignes à travers les téguments, car elles sont plus foncées à cause du dé- faut de tissu graisseux blanchâtre; par exemple, dans la larve du Vespa crabro, elles semblent diviser le corps en deux moitiés, une de droite et une de gauche. De cette description du tissu graisseux, il résulte qu'il n'y a pas, 58 SUR LA CIRCULATION comme on le dit ordinairement, de couche de ce tissu entre le vaisseau dorsal et les intestins, du moins sous la partie cardiaque. Entre les deux couches du tissu graisseux, la supérieure et l’inférieure, se trouvent les trachées qui vont se ramifier au vaisseau dorsal, et qui aboutissent aussi aux parois latérales. Dans quelques larves on voit encore de petites cou- ches de tissu graisseux en forme de bandes, sur le dos, aux endroits où les segments de l'abdomen se réunissent et se combinent ensemble, ainsi qu'on l’observe dans celle du Sphinx ligustri (fig. 10, h'). Ces bandes s’attachent à la paroi supérieure du vaisseau dorsal, et en recouvrent une partie, de sorte que le vaisseau semble subir des rétrécissements, ce qui toutefois n’est qu'apparent ; de là elles se portent de chaque côté, au-dessus des fibres musculeuses qui s'étendent entre les segments, et deviennent bientôt plus étroites ; sur ces côtés, à l'endroit des stigmates, elles vont se combiner avec les couches principales du tissu graisseux qui se trouvent sous les muscles. Les deux dernières bandes correspon- dantes du tissu graisseux, dans le douzième segment ( fig. 10), se pro- longent en arrière sur les bords de la paroi supérieure du vaisseau dorsal, et se réunissent sur le point le plus élevé de l’arête de la partie postérieure de ce vaisseau (figures 11 et 14, 0); c'est en ce point que se trouve, sur la peau, la corne de l'animal dans laquelle cette partie du tissu graisseux vient se terminer. Ces différentes couches de tissu grais- seux se composent de lobules de différentes formes qui se lient ensemble et forment ainsi un réseau cohérent, avec des mailles de formes très- variées. La description que je viens de donner du tissu graisseux adhé- rant aux parois du vaisseau dorsal, a été faite principalement d’après la larve du Sphinx ligustri; cependant, on le trouvera de même dans d’au- tres larves, sauf quelques modifications. Quant aux insectes parfaits, j'en ferai mention plus tard en parlant des ligaments latéraux du vaisseau dorsal. En s'étendant vers la tête, le vaisseau dorsal s’abaisse un peu chaque fois qu'il passe sous la combinaison de deux segments de l'abdomen; il y subit un petit rétrécissement qui, toutefois, n’est pas aussi considérable qu'il le paraît d'ordinaire, tandis qu'il se renfle un peu au milieu de chaque DANS LES INSECTES. 39 segment. Dans plusieurs larves, par exemple, dans celles du Pompilus via- ticus et du Syrphus (ribesü?), cette différence est presque imperceptible ; dans d’autres , elle est, comme je l'ai dit, plus apparente que réelle ; ainsi, dans la larve du Sphinx ligustri, le tissu graisseux adhère moins aux points de rétrécissement qu'aux parties renflées, d’où résulte qu'un vaisseau préparé par la dissection (fig. 11) semble plus dilaté à ces dernières par- tes qu’il ne l’est en réalité, à cause des innombrables filaments de ce tissu qui y restent fixés et qu’on ne pourrait enlever totalement. D'ailleurs, les bandes de tissu graisseux qu’on trouve aux points de ré- trécissement rendent ceux-ci beaucoup plus apparents, comme Je l'ai déjà fait remarquer; c’est pour cette raison qu’un vaisseau qu'on voit en pulsa- tion dans ces larves, à travers la peau, semble avoir des rétrécissements très-prononcés aux endroits de combinaison des segments (voy. fig. 9, e) et de plus forts renflements au milieu de ces mêmes segments {d). Aussi n'observe-t-on pas des rétrécissements si prononcés dans les larves du Smerinthus populi (fig. 8) et de plusieurs autres, car ces bandes de tissu graisseux manquent, ou du moins ne sont pas aussi développées. Cette structure du vaisseau dorsal lui donne un aspect variqueux que l'on a décrit souvent, comme l'avait déjà fait Malpighi; on le suppose formé d’autant de compartiments séparés qu’il y a de renflements; alors le fluide nourricier est transporté d’arrière en avant, de l’un dans l’autre de ces compartiments, par une action réciproque de contraction et de dilata- tion, de telle manière que pendant que l’un se contracte le suivant se dilate, et ainsi de suite alternativement, l’un est en contraction, l’autre en dilatation. Pour chacun d'eux, ces contractions et dilatations se suc- cèdent continuellement. Il me semble qu'une structure telle que celle que je viens de décrire dans la chenille du Sphinx ligustri peut avoir induit en erreur et donné lieu de supposer ce mode d'action au vaisseau dorsal; si on fait bien attention à la manière dont se font ces pulsations, on verra qu'elles ne procèdent pas ainsi et qu'une semblable action est incompati- ble avec la structure et la fonction du vaisseau dorsal. Il est inexact de considérer ces compartiments comme séparés en réalité. Cette hypothèse est admissible seulement pour la forme extérieure, mais non pas quant à 40 SUR LA CIRCULATION l'action du vaisseau. Il faut regarder la partie cardiaque comme ne for- mant qu'une seule cavité, ainsi que l'a fait très-justement Réaumur *. J'ai déjà réfuté aussi la forme variqueuse que Malpighi avait attribuée au vais- seau dorsal, en énumérant parmi les causes qui ont pu l’induire en erreur, ces bandes du tissu graisseux dont j'ai fait mention. Dans les insectes parfaits, les rétrécissements et les abaissements du vaisseau dorsal, aux points de combinaison de deux segments de l'abdomen, sont plus pro- noncés que dans les larves ; il ÿ a même des incisions à la partie supérieure du vaisseau, produites par le bord antérieur des arceaux supérieurs des segments du corps. Après une telle incision, en s’avancant vers la tête, la partie suivante du vaisseau à un petit cul-de-sac en arrière qui se fixe dans l’excavation postérieure de l’arceau suivant, comme je l'ai observé dans le Lucanus cervus et dans d’autres insectes parfaits. Toutefois, dans l'intérieur du vaisseau, on ne trouve pas, à ces endroits, de séparation réelle. Straus-Durckheim a représenté ces incisions (dans les figures T, 8et9,e, pl. VHI de son ouvrage), mais il a tort de les faire coïncider avec les ouvertures latérales et leurs appareils valvulaires qui se trouvent vers le milieu des segments de l’abdomen; nous nous occuperons tout à l'heure de ces ouvertures ?. Tout ce que j'ai dit jusqu'ici regarde la forme extérieure de la partie cardiaque du vaisseau dorsal; avant de parler de ce qu'on observe à l'intérieur, j'ajouterai encore quelques mots sur la partie aortale du vais- seau dorsal. La partie cardiaque se trouve, comme je l'ai dit, dans les segments abdominaux du corps; mais quand le vaisseau dorsal parvient dans les segments thoraciques, il subit des changements de forme, de- vient plus cylindrique, diminue d’ampleur et se porte de plus en plus vers le bas. Le tissu graisseux n’adhère plus à ses parois : c’est un vais- seau isolé sur lequel on n’observe plus que des trachées qui s’y portent; il est néanmoins tout entouré de Jobules du tissu graisseux, mais provenant 1 Mém. pour servir à l'hist. des insectes, tome 1, pages 160 et suiv. 2 On peut comparer aussi Wagner, Zones Zootomicæ , tab. 25, fig. 2, pour le Dytiscus latis- simus, et tab. 24, fig. 14, pour le Lucanus cervus, copié de Newport dans Todd's Cyclop. of anat. a. physiol., fig. 453. DANS LES INSECTES. IA des couches qui adhèrent à la partie cardiaque, de sorte qu’on ne l’ob- serve plus à travers la peau, et qu’il faut enlever une partie de ces lobules pour le mettre à découvert; à cet endroit le tissu graisseux s'étend aussi sous le vaisseau, entre celui-ci et l’estomac, ce qui n’a pas lieu, comme nous l'avons vu, sous la partie cardiaque. En s’avançant vers la tête, le vaisseau s’abaisse de plus en plus, va se fixer sur la partie supérieure de lœsophage, auquel il adhère intimement, et se porte avec lui sous le ganglion sus-æsophagien, où nous le laisserons pour y revenir plus tard. C'est ainsi qu’on l’observe dans les chenilles du Sphinx ligustri (voyez figures 10 et 11). Dans le quatrième segment, le premier des thoraciques en avançant vers la tête, le vaisseau dorsal diminue d’ampleur et il est re- couvert par le tissu graisseux; dans la figure 10, une partie de ce tissu à été enlevée, tandis qu’on voit encore les lobules sous-jacents (h/!); ces der- niers sont d’une texture plus grossière que les lobules supérieurs, comme cela a lieu à l'égard de tout le tissu graisseux dont la texture devient de plus en plus grossière en avançant vers le côté du ventre. Dans la figure 11 (t), on voit adhérer au vaisseau plusieurs trachées; on en observe or- dinairement trois paires très-régulièrement disposées dans le quatrième segment et qu’on prendrait aisément pour des rameaux du vaisseau dor- sal. Dans le deuxième segment, la partie aortale va se fixer sur l’œso- phage, et, dans la tête, on la voit se porter (fig. 10, b) sous le ganglion sus-æsophagien (i). Chez les insectes parfaits, cette partie aortale est plus longue, par rapport à la partie cardiaque, que chez les larves; de même, la tête et le thorax réunis sont ordinairement plus longs, en raison de l'abdomen, dans l’état parfait que dans celui de larve. On sait que, dans les insectes parfaits, le vaisseau dorsal s’abaisse extrêmement pour entrer dans le thorax; là il se porte de nouveau vers le haut, pour s’abaisser en- core une fois afin d’entrer dans la tête. Les différences de structure de ces deux parties du vaisseau dorsal ont porté à les considérer comme deux parties différentes, auxquelles on a donné les noms de cardiaque et d’aortale, en supposant que la première faisait principalement la fonction de cœur et que l’autre servait d’aorte pour conduire le fluide nourricier du cœur dans le corps. Cette supposi- Tome XIX. 6 42 SUR LA CIRCULATION tion se trouve confirmée principalement par la présence d'ouvertures la- térales, munies à l’intérieur d'appareils valvulaires pour recevoir le fluide nourricier dans le vaisseau, ouvertures qui existent aux parois de la partie cardiaque, mais dont la partie aortale est dépourvue. Quoique ces ouvertures se trouvent à l'extérieur du vaisseau et appartiennent ainsi à l'aspect de la forme extérieure dont j'ai déjà parlé, j'ai préféré les décrire en même temps que les appareils valvulaires dont elles sont munies à l'in- térieur. Quant au nombre de ces ouvertures latérales, on sait que les au- teurs en ont décrit, dans différents insectes, un nombre très-varié; selon mes observations, je pense qu'il est en rapport avec le nombre des seg- ments abdominaux du corps. J'ai compté aussi des nombres très-diffé- rents de ces paires d'ouvertures latérales dans différents insectes, mais sans être certain de les avoir vues toutes, car l'observation en est très- difficile. Ainsi, pour l'observation microscopique, on ne trouve jamais un insecte qui soit assez transparent dans toute sa longueur, pour qu’on puisse déterminer exactement le nombre de paires d'ouvertures ou celui des appareils valvulaires qui les accompagnent ; par exemple, dans la larve de Pompilus viaticus (fig. 22), depuis le neuvième jusqu’au douzième seg- ment de l'abdomen, j'en ai observé quatre, sans pouvoir affirmer qu’il n’en existe pas davantage; l'observation dans les segments antérieurs était bien moins complète, à cause du défaut de transparence de ces parties et des particules du tissu graisseux qui les recouvraient plus ou moins. Dans la larve du Syrphus (Ribesü?), on voit trois paires d'ouvertures (fig. 25, c, d, e); dans celle du Chironomus (plumosus?) on en observe deux (fig. à, y, e); dans celle du Rhynchophore, qu’on trouve dans les feuilles d’orme, j'en ai compté huit (on en voit une paire dans chacune des figures 17, 18 et 19); j'ai déterminé de même plusieurs ouvertures dans d’autres larves, sans que je sois convaincu d’avoir observé chez aucune d'elles le vrai nombre, puisque dans toutes il y avait des parties plus ou moins grandes où l'observation n'était pas possible : par exemple, dans la larve du Chironomus (plumosus?), je n’ai pu bien observer le vaisseau dorsal que dans deux segments; dans celle du Syrphus (Ribesü?), il se dérobait à l’ob- servation dans la partie antérieure, à cause du défaut de transparence et DANS LES INSECTES. 45 de la graisse. Par la dissection il n’est pas non plus facile de déterminer le véritable nombre de ces ouvertures, parce qu’on les met très-difficilement à découvert. Comme elles se trouvent entre les couches du tissu graisseux, dans les parois latérales du vaisseau dorsal, elles en sont tellement re- couvertes qu'on a de la peine à les trouver. Pour y parvenir il faut enlever ce tissu autant que possible; on n’ar- rive jamais à le séparer complétement sans déchirer en même temps les parois du vaisseau dorsal. Dans la figure 11 on voit un vaisseau dorsal de la larve de Sphinx ligustri, préparé de cette manière; toutefois, les innom- brables filaments du tissu graisseux et les rameaux de trachées qui adhé- raient à ses parois empêchaient encore l'observation des ouvertures; aussi ai-je pu les découvrir qu’au commencement de la partie postérieure du vaisseau dorsal de ces chenilles, dans le douzième segment du corps : jen ai trouvé là une double paire. On comprendra aisément la difficulté de mettre à découvert ces ouvertures, quand on saura que sur plusieurs individus dont j'ai disséqué ainsi le vaisseau dorsal, celui dont on voit le dessin, figure 14, a été le seul où j'ai pu les observer; dans les autres, ces ouvertures étaient encore trop embarrassées par les innombrables fila- ments du tissu graisseux, et lorsqu'on voulait détacher ceux-ci, les parois déliées du vaisseau se déchiraient, de sorte qu’on ne pouvait plus con- stater leur présence avec certitude. On sait, comme je lai dit, que ces ouvertures sont munies de valvules à l’intérieur du vaisseau et que leur relation est telle que les unes n’existent pas sans les autres; elles forment ensemble des appareils pour admettre le fluide nourricier dans le vaisseau dorsal, et on pourra conclure de la présence des unes à celle des autres; pour déterminer le nombre de ces ouvertures on peut donc aussi se servir de l’observation des appareils valvulaires. Dans les chenilles du Sphinx ligustri, je n’ai pas pu découvrir ces appareils, mais je ne doute pas plus de leur présence que de celle des ouvertures latérales, à cause de Pa- nalogie qu'on observe dans d’autres larves. Si on a égard à la finesse et à la transparence des parois du vaisseau dorsal, on comprendra que celles des valvules ne le sont pas moins, et qu’ainsi leur recherche est très- difficile. Dans d’autres larves, où les circonstances étaient plus favorables 4% SUR LA CIRCULATION à l'observation, je les ai toujours observées; ces circonstances se présentent principalement chez les petits insectes diaphanes qu'on peut observer par transparence, avec le microscope, pendant que le vaisseau dorsal est en action; alors de faibles nuances, produites par les phénomènes de la ré- fraction, permettent de distinguer ces valvules; mais quand le vaisseau dor- sal et par suite les appareïls valvulaires sont dans l’inaction, on ne voit pas plus ces valvules au microscope, à cause de leur transparence, que dans le vaisseau dorsal des chenilles du Sphinx ligustri par la dissection; ce dernier moyen offre en outre bien d’autres inconvénients, en déran- geant toujours plus ou moins la structure des organes. Dans les insectes parfaits, la structure paraît se prêter mieux à ce genre d’investigation, car c’est en le disséquant que Straus-Durckheïm a observé le vaisseau dor- sal dans le Melolontha valgaris, et je l'ai observé moi-même par ce moyen dans le Lucanus cervus et le Vespa crabro (fig. 27). J'ai vu les appareils valvulaires en action, à travers les téguments, dans un Hydrophilus piceus qui était encore à l’état de nymphe, dans un Ephemera (diptera?) et dans un Hemerobius albus. Je les ai observés encore dans les larves du Pompilus viaticus (fig. 22), du Syrphus (Ribesü?) (fig. 25), du Chironomus (plumosus ?) (figures 2-7) et du Rhynchophore des feuilles de l’orme (figures 16-19); j'ai pu les voir aussi dans des larves de l'Ephemera (diptera?) (fig. 1) et du Rhynchophore des feuilles de l’aune. C'est donc par analogie que je suppose que ces ouvertures et leurs ap- pareils valvulaires existent dans les chenilles du Sphinx ligustri, de même que dans toutes les chenilles, quoiqu’on ne les y ait pas observées réel- lement; je vais maintenant me servir d’un argument plus positif pour prouver la présence de ces ouvertures; il nous donnera lieu de déterminer, en même temps, le vrai nombre de paires d'ouvertures. Il s’agit des injections de liquides colorés que j'ai faites dans le vaisseau dorsal de larves du Sphinx liqustri. Ordinairement, à mesure que le liquide arrivait au milieu de chaque segment de l'abdomen, il s’écoulait des deux côtés du vaisseau dorsal et se répandait dans le tissu graisseux; cet écou- lement n'avait lieu que jusqu’au quatrième segment, parce que là commen- cent les segments thoraciques et avec ceux-ci la partie aortale du vaisseau DANS LES INSECTES. 45 dorsal qui est dépourvue d'ouvertures. Le tissu graisseux n’adhérant plus à cette dernière partie, les parois en sont beaucoup plus libres et plus aper- cevables; de sorte que si elle était encore pourvue d'ouvertures latérales, on devrait les voir, puisque rien n’en empêche l'observation. Dans les insectes parfaits, où l'on a observé en réalité des ouvertures à la partie cardiaque, on n’en a pas aperçu non plus à la partie aortale; Straus-Durckheim l’a affirmé pour le Melolontha vulgaris, et je l'ai constaté moi-même dans le Lucanus cervus et le Vespa crabro. Ainsi donc, on peut dire que ces ouvertures n'existent qu'à la partie cardiaque, qu’elles se trouvent dans les segments abdominaux, et, de plus, qu'il y en a huit paires dans les chenilles du Sphinx ligustri; une paire dans chacun des huit segments abdominaux, donc depuis le douzième jusqu’au cinquième. Maintenant on peut encore déterminer le nombre des paires d’ouver- tures avec leurs appareils valvulaires, d’après celles observées réellement dans les larves et dans les insectes parfaits, quoiqu’on n’en ait vu que quelques-unes. Comme il arrive que l’on observe, dans certaines parties du vaisseau dorsal, plusieurs paires de ces ouvertures de suite, on peut en déduire leur relation de position avec les autres parties du corps, par exemple avec les segments de l'abdomen. Ainsi, lorsqu'on trouve une paire d'ouvertures c’est toujours vers le milieu de chaque segment, ordinaire- ment un peu en arrière, là où se trouve la partie la plus renflée du vais- seau dorsal. Dans les neuvième, dixième, onzième et douzième segments de la larve du Pompilus Viaticus (fig. 22) on voit ces ouvertures, tandis qu’on ne peut pas déterminer leur position dans la larve du Syrphus (ribe- sü?), parce qu'il est trop difficile de distinguer les segments dans les larves des diptères; la larve du Chironomus (plumosus?) (fig. 5) n’en laisse voir que deux paires, l’une dans le onzième et l’autre dans le douzième segment; dans la larve du Rhynchophore des feuilles de l’orme, j'ai observé huit paires d'ouvertures vers le milieu de huit segments successifs de l'abdomen (voyez les figures 17, 18 et 19); j'en ai aperçu encore un certain nombre dans des segments successifs de l'abdomen des larves du Rhynchophore des feuilles de l'aune, du Vespa crabro et du Lucanus cervus. Ainsi donc, il de- vient probable qu’il y a toujours une paire d'ouvertures au milieu de 46 SUR LA CIRCULATION chaque segment de l'abdomen, et comme la partie aortale du vaisseau dor- sal, c’est-à-dire celle qui se trouve dans les segments thoraciques et la tête, n’en possède pas, on pourra fixer le nombre de ces paires d'ouvertures si l'on sait dans quel segment commence le vaisseau dorsal et où se trouve la première paire. Par exemple, dans la larve du Chironomus (plumosus?), nous avons vu le vaisseau dorsal commencer dans le douzième segment et nous y trouvons une paire d'ouvertures; dans le segment suivant, leonzième, il y en a une seconde; si l’on compte alors encore six paires, une pour cha- que segment, on arrive jusqu’au cinquième, au delà duquel, avant de par- venir à la tête, nous rencontrons encore trois segments que l’on peut considérer comme segments thoraciques; on a ainsi huit paires d’ouver- tures, nombre qui s'accorde avec celui que nous avons compté dans la chenille de Sphinx ligustri. Straus-Durckheim fait aussi mention de huit paires d'ouvertures pour le Melolontha vulgaris, et j'en aï observé le même nombre dans la larve du Rhynchophore des feuilles de lorme. Toutefois, je ne saurais affirmer les avoir vues toutes dans cette dernière larve, car je n'ai pas pu bien observer le commencement du vaisseau dorsal; comme on y compte plus de douze segments, il se pourrait qu’il y eût aussi plus de huit paires d'ouvertures. On trouve de même treize ou quatorze seg- ments dans la larve du Pompilus viaticus, et comme il m’a paru qu’il exis- tait déjà des ouvertures dans le treizième segment, il y en aurait donc neuf paires; je ne saurais l’affirmer, mais j'ai cru distinguer une seule ou- verture, au commencement du vaisseau dorsal (fig. 22, a) !. Quoi qu'il en soit du vrai nombre d'ouvertures dans les différents in- sectes, ce nombre n’est que d’une utilité secondaire pour la question de l'éclaircissement du phénomène de la circulation; le mode d’action du 1 Plus tard, ayant étudié plus amplement encore les phénomènes de cireulation dans les larves de l'Ephemera (diptera? ), je puis ajouter à ceci que j'ai vu, dans ces larves, neuf paires d'ouvertures latérales avec leurs appareils valvulaires, depuis le treizième jusque dans le cinquième segment (fig. 4, a, b). Pendant mon séjour à Bruxelles, j'ai eu l'occasion de voir dans la riche bibliothèque de livres d'histoire naturelle de M. Robyns, la figure de la larve del Ephémère de M. Bowerbank dans l'Entomological Magazine, et cette figure m'a paru très-exacte; les appareils valvulaires ÿ sont représentés exactement de Ja même manière que je les ai figurés et décrits, et on y voit aussi neuf paires d'ouvertures. Je regrette de n'avoir pas eu le temps de consulter le texte. DANS LES INSECTES. 47 vaisseau dorsal avec ses ouvertures et ses appareils valvulaires, et sa con- nexion avec la circulation, n’en seront pas changés, s’il y a une paire d'ouvertures de plus ou de moins; il suffit de savoir qu’il en existe toujours plusieurs paires, ordinairement huit, et qu'elles se trouvent au milieu des segments abdominaux, dans les parois latérales des parties renflées du vaisseau dorsal et non pas dans celles où il se rétrécit un peu et où il a des incisions faites en-dessus, par les bords des segments, aux endroits de combinaisons. Je vais décrire maintenant la structure de ces ouvertures et de leurs appareils valvulaires, parce qu’elle est d’une grande impor- tance pour éclaircir la manière dont se fait la circulation. Je me servirai principalement des observations et des figures du Rhynchophore des feuilles de l’orme, car c’est dans les larves de cette espèce que j'ai observé le plus exactement la structure et le mode d'action de ces appareils, surtout dans une larve où j'ai pu, par quelque artifice, observer cette action à mon aise pendant trois jours environ, ce qui d'ordinaire n’a pas lieu; du reste, j'ai trouvé ces appareils partout presque de même. La première paire, au commencement du vaisseau dorsal, fait seule exception, car elle offre quelques modifications dans différents insectes. C'était un spectacle bien curieux que celui de ces valvules continuellement en action; par quelle simplicité de structure la nature parvient à ses fins ! Comme on va le voir, cette structure si simple réunit en elle plusieurs circonstances favorables pour atteindre le but auquel ces appareils sont destinés. Je commencerai par décrire l’aspect des ouvertures, quand on regarde le vaisseau de côté; on les voit alors de face. De cette manière, à la vérité, je n'ai pu voir assez bien, pour en donner une figure d’après nature, que la première paire, au commencement du vaisseau dorsal, et dans deux espèces de larves seulement : dans le Sphinx ligustri (fig. 14, u, u'), par le moyen de la dissection, et dans le Chironomus (plumosus?) (figures 3 et À, z y), par l'observation microscopique de l'animal vivant. Les autres paires d'ouvertures étaient toujours trop recouvertes par le tissu graisseux pour pouvoir être bien observées; toutefois, en comparant ce que l’on a vu de la première paire dans la larve du Chironomus (plumosus?) avec ce que l'on observe dans les figures 1, 5, 6, 7, 17, 18, 19, 22, 25 et 27, on 48 SUR LA CIRCULATION peut se figurer l'aspect qu'offriraient ces ouvertures si on les observait de face, sur la paroi latérale du vaisseau dorsal. C'est de cette manière que je suis parvenu à faire un dessin schémati- que (voyez fig. 20) de ces ouvertures dans la larve du Rhynchophore des feuilles de l’orme. Ce dessin en donne une image exacte non-seulement pour cette larve, mais aussi pour tous les insectes que j'ai observés. Ces ouvertures doivent se présenter toutes de la même manière, à l'exception de la première paire. Cette forme s'accorde en outre avec le dessin que Straus-Durckheim en a donné d’après le Melolontha vulgaris. J'ai observé aussi cette même forme dans le Lucanus cervus. Dans la partie postérieure du vaisseau dorsal de la larve du Sphinx ligustri, Jai observé, comme je l'ai déjà dit, deux paires d'ouvertures la- térales, l’une (fig. 14, u) dans la partie inférieure, horizontale et aplatie (gr), et l’autre, plus petite (w/), dans les parois un peu concaves (p) de l’arête verticale qui surmonte la partie horizontale. Dans la première paire (u), les ouvertures sont ovales, allongées et horizontales, en rapport avec la partie dans laquelle elles se trouvent; celles de l’autre paire (uw!) sont de même ovales et allongées, mais elles se courbent un peu au mi- lieu et s'élèvent obliquement, ce qui se rapproche de la position verticale que nous rencontrons dans les autres paires d'ouvertures. Dans la larve du Chironomus (plumosus?), on ne trouve, dans la partie postérieure du vais- seau dorsal, qu’une seule paire d'ouvertures (figures 3 et 4, x y x) qui ont aussi une forme ovale, allongée, semblable à celle de notre bouche, mais elles se trouvent dans une position verticale, de même que toutes les autres ouvertures que j'ai observées au vaisseau dorsal de différents insectes. On y distingue deux bords, l’un antérieur (y), l’autre postérieur {z), et deux coins, l’un supérieur (x), l’autre inférieur /x'). Quand le vaisseau dorsal est en action, on voit chaque ouverture s'ouvrir et se fer- mer; dans la figure 4, on en voit une ouverte, dont les deux bords {z, y) sont éloignés l’un de l’autre au milieu. La figure 5 représente cette ouver- ture fermée ; le bord antérieur (y) s’est rejeté en arrière sur le bord posté- rieur (:). Cette ouverture est fermée quand le vaisseau dorsal est en contraction; mais lorsqu'il se dilate, elle s'ouvre, pour se refermer de DANS LES INSECTES. 49 nouveau à la contraction suivante , et ainsi de suite. Le bord antérieur (y) s’écarte plus de côté que le postérieur (z), d'où résulte que le premier se jette sur le dernier, en fermant l'ouverture; quand elle est en action, cette ouverture ressemble à un bec qui s'ouvre pour happer le fluide qui l'environne, et se retire alors en se fermant. Si l’on regarde maintenant le vaisseau dorsal par la partie supérieure, on voit ces ouvertures se pro- longer comme des gouttières (voyez figures à, 6, 7, u): la paroi latérale du vaisseau se recourbe en dedans, sur le bord antérieur (y) de l’ouver- ture, et se prolonge alors en avant, de manière à produire dans l’intérieur du vaisseau une membrane faisant fonction de valvule pour fermer lou- verture; cette membrane forme un petit cul-de-sac (y) avec la paroi latérale du vaisseau. Au bord postérieur (z) de l'ouverture, la paroï du vaisseau dorsal se prolonge de même dans l'intérieur et se dirige en avant, de manière à former une autre membrane, qui remplit aussi la fonction de valvule pour fermer l'ouverture. Quand donc le vaisseau dorsal est en di- latation, ces deux membranes intérieures forment une gouttière (fig. 6, u x) par laquelle le fluide nourricier entre dans le vaisseau; mais lorsqu'il est en contraction, ces membranes sont pressées l’une contre Pautre (fig. T, y, 2) et en ferment l'entrée (u). Dans les larves de l'Ephemera diptera J'ai observé, dans le commen- cement du vaisseau dorsal, une disposition tout à fait analogue à celle de celte première paire d'ouvertures; seulement les membranes valvulaires paraissaient se diriger moins en avant et avoir une direction plus perpen- diculaire aux parois du vaisseau dorsal. Avant de décrire les autres paires d'ouvertures, qui se trouvent dans les segments antérieurs de l'abdomen, je mentionnerai encore ce que j'ai observé dans la larve du Pompilus via- tieus. Comme je l'ai dit déjà, j'y ai cru voir commencer le vaisseau dorsal avec une seule ouverture, située en arrière dans le treizième segment (fig. 22, a); cependant, je n’ai pu observer cette particularité avec assez d’exactitude pour oser affirmer qu’elle existe, car on ne rencontre rien de semblable dans d’autres larves. Toutes les autres paires d'ouvertu- res, avec leurs appareils valvulaires, que j'ai pu observer dans les diffé- rents insectes, avaient à peu près la même forme ou structure que les Tome XIX. 7 50 SUR LA CIRCULATION ouvertures que je vais décrire d'après la larve du Rhynchophore des feuilles de l’orme, et de plus, cette structure ne différait pas essentiellement de celle que nous avons déjà reconnue, dans la première paire, chez les larves du Chironomus plumosus et de VEphemera diptera; je pourrai donc me borner à décrire les différences entre la première paire et les suivantes. Dans ces deux dernières larves, la seconde paire d'ouvertures a presque la même forme que la première (figures 5, 6 et 7, e); les coins que j'ai mentionnés dans la première paire (figures 5 et 4, x et x') s'é- tendent davantage dans la seconde paire et se dirigent en même temps en avant, d’où il résulte que les parties supérieures et inférieures de ces ouvertures reçoivent une direction oblique, d'arrière en avant, et que les coins {x et x!) de l'ouverture du côté droit du vaisseau dorsal se rappro- chent davantage de ceux du côté gauche. Ces ouvertures, vues de face sur le côté du vaisseau dorsal, prennent ainsi la forme de faucille re- présentée dans le dessin schématique (fig. 20); dans les figures 17 à 24, les mêmes lettres désignent les mêmes parties que dans les figures 3 à 7. En regardant maintenant le vaisseau dorsal par le côté supérieur, dans la larve du Rhynchophore des feuilles de l’orme, on observe, comme le montrent les figures 17, 18 et 19, faites d’après nature, que les coins supérieurs des orifices des deux côtés (x) sont très-rapprochés l’un de l'autre et ne laissent entre eux qu’un petit espace; ce sont des coins ana- logues à ceux observés dans la première paire d'ouvertures de la larve du Chironomus plumosus (fig. 6, x), seulement ces derniers sont plus éloignés lun de l’autre. Les deux ouvertures latérales {x u) se présentent ici de profil, tandis que, dans la fig. 20 (x, u, x!), on voit l’une de ces ouvertures de face; c’est donc la partie (æ u) de la fig. 20 et la partie correspondante de louverture opposée qu’on voit dans les figures 17, 18 et 19; ou bien encore la fig. 20, telle qu’elle devrait se montrer si on la voyait sur le côté (en x). On pourrait dire aussi que les figures 17, 18 et 19 font voir une section horizontale du vaisseau dorsal, faite par les points a b de la fig. 20, car ces figures se montrent ainsi, vues par le microscope. Sur les bords de ces ouvertures, les membranes du vaisseau dorsal se renversent en dedans, de la même manière que dans la première paire DANS LES INSECTES. d1 d'ouvertures de la larve du Chironomus phumosus, seulement ces mem- branes s'étendent plus loin dans l’intérieur et les ouvertures s’avancent aussi davantage vers le milieu du vaisseau dorsal. Ces membranes for- ment de chaque côté une gouttière {u x), par laquelle le fluide nourri- cier peut entrer dans le vaisseau. Fig. 20 on voit, dans l'ouverture {u), la membrane qui se porte du bord postérieur (z) vers l’intérieur du vaisseau; sur le bord antérieur (y), la membrane du vaisseau dorsal se renverse en dedans; ces deux membranes avancent alors ensemble dans le vaisseau dorsal jusqu'aux lignes ponctuées, et s'étendent du coin supé- rieur (x) jusqu'au coin inférieur (x’) de l'ouverture, de manière à former ainsi, à l'intérieur, une fente perpendiculaire qui s’étend de la paroi su- périeure à la paroi inférieure, et par laquelle la gouttière formée entre les membranes s'ouvre dans l'intérieur du vaisseau dorsal. Pour une paire d'ouvertures, il y aura donc une paire de fentes dans l’intérieur du vais- seau : l’une pour l'ouverture droite, et l’autre pour louverture gauche. Ces deux fentes en laissent entre elles une troisième pour la communica- tion du vaisseau dorsal lui-même. Dans les figures 17, 18 et 19, on voit, sur les bords des ouvertures, ces membranes (y, +) se renverser à l’intérieur du vaisseau dorsal; fig. 21, j'ai donné un dessin schématique de ces ouvertures avec leurs appareils valvulaires, fait en perspective, pour rendre leur disposition plus claire encore, Cette figure représente une section horizontale du vaisseau dorsal, faite suivant une ligne qui passerait par les points a et b de la fig. 20. Elle montre donc une demi-portion horizontale du vaisseau dorsal, soit, par exemple, la portion ventrale; alors a b sera la paroi inférieure, a la partie postérieure et b la partie antérieure; près de æ on aura les coins inférieurs des ouvertures, d’où s'élèvent, en dedans du vaisseau, les deux fentes latérales qui sont les orifices intérieurs des deux gouttières formées par les membranes antérieures (y, y) et postérieures (2, z), gout- üères qui s'ouvrent, à l’extérieur, par les orifices u, u; entre ces deux fentes latérales on en voit une troisième, formée par les membranes posté- rieures (z, 2), qui sert de communication entre les parties du vaisseau dorsal. Lorsque le vaisseau dorsal est en dilatation, les membranes intérieures d2 SUR LA CIRCULATION sont éloignées les unes des autres, et les gouttières qu’elles forment sont ouvertes, comme le montre la fig. 19, de sorte que le fluide nourricier peut entrer dans le vaisseau ; quand, au contraire, survient la contraction, elles se pressent les unes contre les autres, et les gouttières se ferment, comme on le voit dans la fig. 17, de façon que le fluide ne peut plus affluer par les ouvertures extérieures; la fig. 18 représente le vaisseau dorsal dans une position intermédiaire. Quand on compare maintenant cette structure avec celle que Straus- Durckheim a décrite et figurée pour le Melolontha vulgaris, on voit qu'elle est presque entièrement semblable; la seule différence consiste en ce que cet auteur à représenté la membrane postérieure (z:) comme ne s’éten- dant pas aussi loin dans l'intérieur du vaisseau dorsal; selon lui, cette membrane est plus courte que l'antérieure (y), mais il a exposé cette struc- ture d'une autre manière que moi, parce qu'il interprète autrement la fonction de cette membrane. IL s’est trompé sans doute dans cette inter- prétation. J'ai observé partout une structure semblable à celle que je viens de décrire, et que j'ai représentée, en outre, dans la larve du Pom- pilus viaticus (fig. 22), dans celle du Syrphus (Ribesii?) (fig. 25), dans la se- conde paire d'ouvertures de la larve du Chironomus: plumosus (fig. -T) et dans l'insecte parfait du Vespa crabro (fig. 27) (dans les figures les mêmes lettres indiquent les mêmes parties); j'ai observé encore la même structure dans le Lucanus cervus, ainsi que dans d’autres insectes. Dans les larves.de l'Ephemera diptera seules, les membranes postérieures n’ont paru être-un peu plus courtes que chez d’autres insectes, et approchant un peu de la structure que Straus-Durckheim a décrite dans le Melolontha vulgaris. Allen Thomson les a figurées exactement de la même façon dans la larve d’un Névroptère 1. On sait que Straus-Durckheim et tous les auteurs décrivent le mode d'action du vaisseau dorsal avec ses ouvertures latérales et ses appareils valvulaires, comme je lai exposé pag. 59. D'après eux, la partie car- diaque est formée d'autant de compartiments qu'il y a de paires d'ou- ! Todd's Cyclop. of Anat. a. Physiol., vol. L, l'artiele Cincuariow , p. 639, fig. 325. DANS LES INSECTES. DES vertures latérales ; ces compartiments sont séparés l’un de l'autre par les membranes antérieures (y, y), qui ont pour fonction de fermer et d'ouvrir alternativement la communication entre les cavités; la fonction des mem- branes postérieures (+, :) est de fermer les ouvertures latérales. En accord avec cette structure, ces savants admettent une action réciproque, alterna- tive, entre les compartiments ; de sorte que, pendant que l’un est en con- traction, le suivant est en dilatation, et ainsi de suite. Ces compartiments se transmettent ainsi leur contenu l’un à l’autre, et reçoivent en même temps une autre portion de fluide, venant de l'extérieur, par les ouver- tures latérales. Non-seulement un pareil mode d'action serait très-compliqué et dificile à comprendre , puisqu'on devrait alors considérer chaque compartiment comme un cœur séparé qui devrait avoir ses propres fibres musculeuses et ses nerfs, mais de plus, on verra qu'il est incompatible avec la struc- ture du vaisseau dorsal et qu'il n'est pas confirmé non plus par l'obser- vation. Considérons comment les choses se passeraient en admettant un pareil mode d'action. Pour s'en faciliter la représentation et pour aider au langage, j'en ai fait un dessin (voyez fig. 15); j'y ai admis la structure que Straus-Durckheim a décrite dans le Melolontha vulgaris, savoir : les membranes postérieures (:, z) plus courtes que je ne les ai observées moi- même. Supposons que la première chambre a reçu par ses ouvertures la- térales une certaine quantité de fluide de l'extérieur, et qu'elle est main- tenant en contraction; alors les membanes postérieures (z, :) s'appliquent contre les ouvertures latérales et les ferment, tandis que les antérieures (y,y) s'ouvrent pour laisser passer le fluide dans la seconde chambre, de manière qu'il reçoit un mouvement d’arrière en avant, de la chambre À dans la chambre 2. Mais en même temps cette chambre 2 reçoit une autre quantité de fluide par ses ouvertures latérales, car cette chambre étant en dilatation, ses parois refoulent le fluide extérieur qui les entoure, et ce fluide presse alors contre les membranes postérieures (+, 2) qui cèdent et laissent entrer deux courants de fluide par les deux ouvertures, Comme le fluide choque contre ces membranes, il reçoit un mouvement en avant, et les courants se dirigent sur les membranes antérieures (y, y); mais celles-ci sont appliquées D4 SUR LA CIRCULATION l'une contre l'autre, puisque la troisième chambre est en contraction, et elles ferment l'accès de cette chambre; les courants du fluide font donc supporter à ces membranes une force opposée à celle qu’elles subissent par l’action de la troisième chambre, qui a pour résultat de leur faire fer- mer ce passage. Si la force de contraction de cette chambre est assez puissante pour que ces membranes résistent à la pression des courants qui entrent par les ouvertures de la chambre 2, le fluide sera repoussé; les deux courants se rencontreront alors au milieu et ils se porteront ensemble en arrière, dans une direction opposée au courant du fluide venant de la chambre 1. Toutes les chambres auront entre elles la même relation d'action. Quand maintenant quatre de ces chambres (une sur deux si l'on en suppose huit) se sont remplies, en ayant reçu le fluide des quatre autres qui ont refoulé leur contenu dans les premières, elles changent d'action; celles qui étaient en contraction vont se dilater, et celles qui étaient en dilatation, se contracteront : ainsi la chambre: 1 se dilatera pour recevoir de l'extérieur une nouvelle quantité de fluide par ses ouvertures latérales; la chambre 2 se contractera, pour transporter, dans la chambre 5, son contenu qu'elle a reçu tant de la chambre 4 que par ses ouvertures latérales; la troisième chambre sera aussi en dilatation, et ainsi de suite. | Quoique ce mode de pulsation paraisse possible au premier coup d'œil, il serait néanmoins très-peu convenable et, pour mettre le fluide en mou- vement, assujetti à une grande perte de force : comme nous l'avons vu, le fluide s’introduit de l’une chambre dans l’autre en se dirigeant d’arrière en avant, tandis que le fluide qui entre par les ouvertures latérales par- vient au contraire dans la chambre avec un mouvement d'avant en arrière, et cela après avoir dû changer deux fois de direction, ce qui occasionne déjà une notable perte de force; en outre, le fluide devant se mouvoir dans le vaisseau dorsal d’arrière en avant, il faut que le mouvement des courants du fluide qui entrent par les ouvertures latérales soit détruit d'abord, puis changé en mouvement d’arrière en avant quand la chambre vient à se contracter, afin de porter le fluide dans la chambre suivante, ce qui produit une nouvelle perte de force. DANS LES INSECTES. bb) D'ailleurs, on ne voit aucune utilité à cette division en chambres, et on ne l’observe dans aucune autre classe d’animaux ; chez tous le cœur con- siste en une seule chambre, où du moins le cœur est d’une seule espèce ; par exemple, ils ont, comme les insectes, un cœur artériel, où une chambre artérielle du cœur. En supposant le mode d’action que je viens de décrire, j'ai dû admettre la structure que Straus-Durckheïm a décrite dans le Melolontha vulgaris (fig. 15); car si les membranes postérieures {z, :) sont plus longues, et je les ai presque toujours observées telles, ce mode d'action devient im- possible. En effet, le fluide, en entrant en même temps par deux ou- vertures latérales correspondantes, poussera les deux membranes posté- rieures en dedans, et comme elles seront assez longues, elles s’applique- ront l’une contre l’autre et fermeront l'accès de la chambre; mais, nous avons vu que les membranes antérieures (y, y) sont de même appliquées Fune contre l’autre à cause de la contraction de la chambre suivante, et qu'elles ferment aussi laecès de cette chambre; le fluide ne pourra donc plus s’introduire dans le vaisseau dorsal, puisque tous les accès se- ront fermés. L'observation montre que cette application des membranes postérieures (2, z) l’une contre l’autre a effectivement lieu (comme on le voit représenté dans la fig. 19), lorsque le fluide s’introduit dans le vaisseau. Si, malgré ce que je viens de dire, on admet encore la structure que Straus-Durekheim a décrite, je répéterai que ce mode d’action du vais- seau dorsal est totalement impossible, parce qu’il est en contradiction avec une des premières propriétés de la matière, celle de limpénétrabi- lité. En effet, chaque chambre devrait pouvoir contenir un instant toute la quantité de fluide qu’elle reçoit et qu'elle doit transmettre à la suivante; mais toutes les chambres, excepté la première, en reçoivent de deux côtés en même temps, savoir : le fluide de la chambre précédente et celui qui entre par les ouvertures latérales. La quantité que chaque chambre reçoit par les ouvertures latérales sera nécessairement en relation avec amplitude de pulsation ; là où celle-ci est le plus étendue, cette quantité sera la plus grande : comme c’est à la partie postérieure du vaisseau dorsal que cette amplitude est le plus éten- 26 SUR: LA CIRCULATION due, et que de là elle diminue de plus en plus à mesure que l’on avance vers la partie antérieure, ce sera aussi au commencement du vaisseau dorsal que les chambres recevront la plus grande quantité de fluide par leurs ouvertures latérales. Supposons que la première chambre reçoive une quantité de fluide re- présentée par 8, la seconde en recevra par ses ouvertures une quantité moindre, soit 7, et ainsi successivement la troisième 6, la quatrième 5, la cinquième #, la sixième 5, la septième 2, et la huitième 1: La pre- mière chambre, en se contractant, devra remettre à la chambre suivante toute la quantité 8 qu'elle a reçue par ses ouvertures latérales lors de sa dilatation; immédiatement après cette contraction, elle recevra de nou- veau par la dilatation suivante une autre quantité 8, qu’elle devra remettre encore à la seconde chambre, et ainsi successivement à chaque pulsation. Mais remarquons que cette seconde chambre reçoit, outre la quantité 8 de la première chambre, une autre quantité 7 de l'extérieur par ses propres ouvertures, en tout une quantité 15, qu’elle devra pouvoir contenir à la fois, puisque la troisième chambre est en contraction, ainsi que la pre- mière. Ensuite, quand la deuxième chambre se contractera, la troisième se dilatera pour recevoir de la précédente cette quantité 15 en entier; mais cette troisième reçoit en outre une quantité 6 par ses ouvertures latérales, ce qui fait en tout une quantité de fluide représentée par 21, et ainsi de suite jusqu'à la huitième chambre, qui recevra une quantité de fluide égale à 56. Cette huitième chambre devrait pouvoir contenir à la fois une quantité de liquide presque quintuple de la première, et avoir par con- séquent une Capacité quintuple ; mais on observe, au contraire, qu’elle est plus petite, puisque la grandeur des chambres, du moins dans les larves, diminue peu à peu en partant de la première; il est donc évident qu’une telle action du vaisseau dorsal est incompatible avec sa structure, et je m'étonne que personne n'ait jusqu'ici remarqué cette contradiction. On pourrait objecter encore que, dans les insectes parfaits, cette re- lation de la grandeur des chambres du vaisseau dorsal est différente, car chez ceux-ci, ce n’est pas la première chambre qui est la plus grande; mais, outre les arguments que j'ai fait valoir, je ferai remarquer que DANS LES INSECTES. 97 lorsque les chambres sont plus grandes, les amplitudes de pulsation sont aussi plus grandes, et qu'alors 1l s'introduit plus de fluide par les ouver- tures latérales ; quelle que soit la structure, toujceurs, quand il existe dans une chambre des ouvertures latérales, cette chambre devra contenir une plus grande quantité de fluide que la précédente, parce qu’elle reçoit en mème temps le fluide contenu dans la chambre précédente et celui qui entre par ses propres ouvertures. Or, dans le Melolontha vulgaris, la cin- quième chambre est la plus grande, tandis que celles qui suivent ont presque la même grandeur; mais comme celles-ci reçoivent chacune une nouvelle quantité de fluide par leurs ouvertures latérales, outre celle qui arrive de la chambre précédente, elles devraient, au contraire, devenir de plus en plus grandes; cette cinquième chambre ayant la plus grande am- plitude de pulsation, ce sera elle aussi qui recevra le plus de fluide par ses ouvertures latérales. D'ailleurs, dans d’autres insectes parfaits, je n’ai pas trouvé une différence de grandeur des chambres aussi prononcée que dans le Melolontha vulgaris décrit par Straus-Druckheim; ainsi, par exemple, je clterai le Vespa crabro ; Newport n’a pas figuré non plus de différence aussi grande dans le vaisseau dorsal du Lucanus cervus. Je conclus de là que ces chambres antérieures ne pouvant contenir à la fois toute cette quantité de fluide, un pareil mode de pulsation réciproque entre les diverses cham- bres est impossible. Cette quantité de fluide, croissant à mesure qu’elle s’avance dans le vaisseau dorsal, devrait passer par les chambres antérieures plus petites, de même que par la partie aortale, qui est encore beaucoup moins ample ; mais comment serait-ce possible? Cela ne se pourrait que si le fluide, en avançant dans le vaisseau dorsal, acquérait une vitesse croissante, de sorte que, dans un temps donné, il passät une plus grande quantité de fluide dans une partie antérieure du vaisseau dorsal que dans une des parties plus postérieures; mais en admettant la pulsation réciproque des chambres, celte augmentation de vitesse serait impossible, puisque, comme je lai démontré (p. 54), le mouvement du fluide doit être détruit dans chaque chambre, et reproduit ensuite pour porter le fluide dans la chambre sui- vante; les courants n'auraient donc pour but que de transmettre le fluide Tous XIX. 8 >8 SUR LA CIRCULATION d'une chambre dans l'autre, et la dernière chambre seule devrait porter le fluide dans tout le corps; cette chambre serait le cœur proprement dit, et elle devrait être d’une force bien plus grande que les chambres précédentes, puisqu'elle aurait à porter le fluide dans tout le corps, tandis que les autres ne devraient le porter que d’une chambre dans l’autre. Néanmoins, l'observation prouve que cette augmentation de vi- tesse a effectivement lieu dans les parties les plus antérieures du vais- seau dorsal, et c'est pour cette raison qu’on observe si difficilement la circulation dans ces parties antérieures, car la quantité de globules n'étant pas grande et la vitesse étant rapide, on ne les voit, pendant qu'ils passent, que comme des ombres. C'est ce que j'ai pu observer dans les larves du Pompilus viaticus, du Cossus ligniperda et de V'Ephemera diptera. Il est donc nécessaire qu'il y ait un autre mode de pulsation du vaisseau dorsal, et l'observation montre en effet qu'il en existe un. Pour expliquer ce mode d'action il faut regarder la partie cardiaque comme une seule chambre. Alors on comprendra l’admirable structure des appareils valvu- laires, et comment cette structure si simple concourt, de quelque part qu’on l’observe, à atteindre le même but, le mouvement du fluide nour- ricier. En premier lieu, il faut remarquer que les membranes valvulaires ont une direction d’arrière en avant, et oblique vers l’intérieur du vaisseau ; il s’en suit que le fluide qui passe par les ouvertures, reçoit un mouvement d’arrière en avant, en accord avec celui que produira tout à l'heure la contraction. Ce mouvement n’est donc pas perdu, mais il est un commen- cement de celui qui sera communiqué au fluide par la contraction du vaisseau, et l’augmentera ; ainsi la dilatation même du vaisseau contribue au mouvement que la contraction est spécialement destinée à produire et concourt déja au but principal. Les membranes valvulaires servent prinei- palement à opérer la clôture des ouvertures latérales par lesquelles le fluide entre dans le vaisseau; leur disposition n’est qu'accessoire, par rapport à ce que je viens de dire, mais très-propre au but principal de la nature, et nous allons voir qu'elle l’atteint d’une manière très-ingénieuse. DANS LES INSECTES. 29 Le vaisseau dorsal étant en dilatation, ses parois pressent contre le fluide nourricier qui les entoure; celui-ci s’introduit dans les ouvertures latérales (u, u, fig. 19) et passe entre les membranes (y, z) qui, à cause du mouvement, sont éloignées l’une de l’autre, et donnent ainsi accès au fluide dans le vaisseau. Ce fluide vient premièrement presser des deux côtés contre les membranes postérieures {z, z) qu'il serre l’une contre l'autre, et elles reçoivent ainsi une courbure vers le bas (près de 2); par cette disposition des membranes, le fluide, en entrant par les ouvertures (u, u), est dirigé d’arrière en avant, et entre ainsi avec une certaine vitesse dans le vaisseau (par la fente x). Quand arrive maintenant la contraction du vaisseau, qui s’avance d’arrière en avant, elle augmente considéra- blement ce mouvement du fluide vers la partie antérieure; le fluide vient presser contre les membranes postérieures (z, z, fig. 17), les pousse en avant en les appliquant contre les membranes antérieures (y, y), et passe entre elles, par la fente /x) qui constitue la communication entre les portions du vaisseau dorsal. Mais les membranes antérieures (y, y), par leur ingénieuse disposition, sont poussées dans une direction précisément opposée, contraire au cou- rant du fluide d’arrière en avant, et cela par la même contraction du vaisseau dorsal qui produit ce courant. Nous avons dit précédemment que ces membranes forment avec les parois extérieures du vaisseau des culs- de-sac (près de y, y); quand donc la contraction de ces parois est parvenue jusqu'au de là des ouvertures, elle presse le fluide contenu dans les euls- de-sac, fluide qui, à cause du principe d'égalité de pression des liquides, presse également en tous sens : contre les parois extérieures la pression est détruite, car celles-ci sont la cause de cette pression; en avant, elle produit un mouvement du fluide dans le même sens que le courant prin- cipal, tandis qu’en arrière et vers l'intérieur du vaisseau, la pression s'exerce contre les membranes antérieures (y, y), lesquelles sont re- poussées obliquement en arrière et, par conséquent, contre les mem- branes postérieures (x, :). Par la même contraction des parois du vaisseau, et à cause du mouvement du fluide d’arrière en avant qui en résulte, ces membranes postérieures, avons nous dit, sont poussées en avant et vers 60 SUR LA CIRCULATION les côtés du vaisseau, à cause de leur position oblique; de sorte que les membranes antérieures et postérieures s'appliquent les unes contre les autres et sont pressées avec d'autant plus de force, que la contraction du vaisseau est plus énergique et qu'elles ont à résister à une plus grande pression; elles peuvent donc résister à cette pression, malgré leur grande délicatesse. De cette manière les valvules ferment les ouvertures latérales, d'autant plus exactement que la pression du fluide est plus grande, et le fluide ne peut pas s'échapper par ces ouvertures, mais doit, par la con- traction des parois du vaisseau dorsal, se porter en avant, de la partie cardiaque dans la partie aortale, et ensuite dans tout le corps. On voit que la disposition des membranes est très-propre non-seule- ment. à donner la direction d’arrière en avant au mouvement du fluide nourricier, mais aussi à fermer et à ouvrir tour à tour au:fluide l'accès dans le vaisseau dorsal. De plus, cetie disposition est encore très-propre au but de l’action du vaisseau dorsal, qui est de produire un mouvement régulier du fluide nourricier, parce qu’elle permet facilement au fluide d’a- vancer d’arrière en avant, et mettrait obstacle à un mouvement en sens con- traire, car, dans ce cas, le fluide serait arrêté dans les culs-de-sac que forment les membranes antérieures (y, y), et il presserait contre ces mem- branes en les appliquant l'une contre l’autre, de sorte que la communi- cation entre les différentes parties du vaisseau dorsal ! serait fermée pour un mouvement d'avant en arrière. Les membranes antérieures Ss'appli- queraient alors lune contre l’autre, puisqu'elles n’éprouveraient pas en même temps une pression en sens contraire, comme cela a lieu avec le mouvement d'arrière én avant; dans ce dernier cas, cene sont pas les mem- branes correspondantes de droite et de gauche qui s'appliquent lune contre l'autre, mais bien les membranes antérieures ‘et postérieures de chaque côté du vaisseau. 1 Quoiqu'il soit inexact de considérer le vaisseau dorsal comme étant séparé en. diverses cham= bres, néanmoins ces appareils valvulaires le divisent en différentes parties, et on peut l'envisager ainsi, si seulement on n'y combine pas une action réciproque entre ces différentes parties; elles ne forment qu'un seul appartement, et ce n'est que dans le cas où le fluide tendrait à s'écouler en ar- rière, qu'une séparation réelle entre ces parties aurait lien. DANS LES INSECTES. 61 Cette parfaite économie de structure des appareils valvulaires est con- firmée par la différence qui existe entre la premiere paire, telle que nous l'avons observée dans les larves du Chironomus plumosus, et les paires suivantes. Nous avons vu que la première paire ne s’étendait pas aussi loiu que les autres dans l'intérieur du vaisseau dorsal; mais comme cette paire est au commencement du vaisseau, il n'était pas nécessaire de pré- venir ici la rétrogradation du fluide; aussi les membranes de la première paire ne peuvent-elles jamais, comme celles des autres appareils, diviser le vaisseau dorsal, car elles sont trop courtes. Cependant, les membranes antérieures et postérieures subsistent encore, car elles sont restées néces- saires pour opérer la clôture des deux premières ouvertures latérales, seulement elles sont plus courtes que celles des autres paires, parce qu'elles n'avaient pas besoin d’être aussi longues; leur direction plus ou moins oblique, en avant et vers le milieu du vaisseau dorsal, est conservée de même, car elle restait aussi utile que pour les autres paires d'appareils: La seconde paire a déjà la forme ordinaire qu’ont toutes les autres, car celles-ci sont toutes dans les mêmes conditions. On voit que tout s'accorde dans la structure du vaisseau dorsal pour produire un mouvement régulier du fluide nourricier d’arrière en avant, et c'est l'observation exacte qui montre l'existence réelle de ce mouvement et de l’action des appareils valvulaires telles que je les ar décrits. C’est principalement dans les larves du Rhynchophore des feuilles de orme, du Rhynchophore des feuilles de Faune, du Pompilus viaticus, du Syrphus (Ribesü?), de l'Ephemera diptera et d'autres insectes que j'ai le mieux observé ce phénomène. Si maintenant on observe dans d’autres insectes une structure analogue, pourra-t-on douter qu'une action semblable s’o- père chez eux? Après tout ce qui a été mentionné, pourrait-on douter même de l'existence de la circulation dans un seul insecte ? Les mouvements du fluide nourricier deviennent visibles par les glo- bules qu'il contient, mais quand il en est dépourvu, ce mouvement ne peut plus être observé; c’est ce qui a lieu dans les larves du Chironomus plumosus. Toutefois, en observant l’action des appareils valvulaires dans ces larves, personne ne doutera de l'existence du mouvement du 62 SUR LA CIRCULATION fluide, quoique celui-ci soit privé de globules, car cette action est tout à fait analogue à celle des mêmes appareils dans les larves citées plus haut. Il y a encore une autre particularité que je mentionnerai ici : c’est que généralement la quantité de globules est moindre dans le fluide nour- ricier contenu dans le vaisseau dorsal, que dans celui des autres parties du corps, et que quelquefois même ils y manquent totalement. Ainsi, dans les larves du Rhynchophore des feuilles de lorme, j'observai des globules en mouvement dans la cavité du corps, entre les viscères, mais je n’en vis pas dans le vaisseau dorsal, et c’est dans cette même larve cependant que j'ai observé le mieux le mode d'action des appareils valvulaires qui étaient continuellement en action. Néanmoins, le fluide coulait régulière- ment dans le vaisseau dorsal d’arrière en avant, et y entrait par les ouver- tures latérales, entre les membranes; car, pendant que j'observais cette larve, j'ai vu, à trois reprises différentes, un seul globule, comme un in- dice du courant du fluide, entrer par les ouvertures latérales, passer entre les membranes et se mouvoir alors dans le vaisseau dorsal avec rapidité vers la partie antérieure. Dans les larves du Rhynchophore des feuilles de l'aune, de même que dans d’autres insectes, je vis plus régulièrement des globules passer ainsi avec le fluide par le vaisseau dorsal; toutefois, la quantité de ces glo- bules était moindre ici que dans la cavité du corps. Dans ces larves, j'ai reconnu en même temps la cause de cette différence, car une grande partie de ces globules, avant que le fluide n’entràt par les ouvertures , s’ar- rêtaient près du vaisseau dorsal, notamment dans le tissu graisseux; ils y restaient comme embarrassés et fixés, s’aggloméraient par la suite en groupes et allaient former ainsi le tissu graisseux; c’est donc principale- ment des globules contenus dans le fluide nourricier que se forme ce tissu. Ces globules paraissent consister principalement en graisse et ne pas être d’une utilité indispensable pour ce fluide, car, dans la larve du Rhynchophore des feuilles de Forme, nous avons vu qu'il en était totalement débarrassé en entrant dans le vaisseau dorsal, et &’est pourtant ce fluide nourricier, privé de globules, qui, pour la nutrition, sera porté dans tout le corps; d’ailleurs, dans les larves du Chironomus plumosus, nous n’avons DANS LES INSECTES. 63 pas observé de globules du tout, pas plus que dans d’autres insectes, dont il sera encore fait mention par la suite. Dans l'exposition que j'ai donnée du mode d'action du vaisseau dorsal, j'ai considéré la partie cardiaque comme un seul appartement qui se di- latait et se contractait en même temps dans toute sa longueur; de sorte que toutes les paires d'ouvertures latérales avec leurs appareils valvu- laires s’ouvraient au même instant pour laisser entrer le fluide nourricier dans toute la longueur du vaisseau dorsal, et qu'elles se fermaient aussi toutes au même moment, quand le vaisseau se contractait pour porter par tout le corps le fluide nourricier qu'il avait reçu. Dans la larve du Rhynchophore des feuilles de lorme, j'ai pu observer en même temps dans le champ du microscope (avec un petit grossissement, mais suffisant pour voir distinctement l’action des valvules), trois paires de valvules, sans qu'il m’ait été possible de distinguer une différence de temps appréciable entre le moment d’écartement ou celui de clôture de ces trois paires; elles semblaient s'ouvrir et se fermer en même temps. Toutefois, il se pourrait encore que l'on observät une différence de temps, si l’on embrassait une plus grande partie du vaisseau dorsal. Ces petits insectes se prêtent mal à une observation de ce genre, puis- qu'on doit les regarder toujours par un grossissement assez considérable pour pouvoir bien distinguer les pulsations du vaisseau dorsal, et se bor- ner alors au champ de vue de ce grossissement. De grands insectes qui ont la peau assez transparente pour laisser observer les pulsations avec précision à l’œil nu seront donc préférables; par exemple, les grandes che- nilles du Sphinx ligustri, du Smerinthus populi où d'une espèce analogue. Si l’on observe attentivement l’une de ces chenilles, on pourra s’assu- rer, premièrement : que la pulsation du vaisseau dorsal n’est pas ondu- leuse, qu'il n’y a pas des dilatations et des contractions alternatives pour les différents appartements, car nous avons vu que la différence d’ampleur dans la larve du Sphinx ligustri n’est qu’apparente; et, en second lieu : qu'il y a une petite différence de temps entre la pulsation de la partie postérieure et celle de la partie antérieure du vaisseau dorsal, mais que cet intervalle n’est pas aussi grand que celui qu'il y aurait avec des pul- 64 SUR LEA: CIRCULATION sations alternatives des chambres. Dans ce dernier cas, le nombre des pulsations étant, par exemple, de 60 par minute (on peut admettre ce nombre pour terme moyen des pulsations dans les insectes), on aura une pulsation par seconde. En commençant donc par la première chambre, la quantité de fluide qu’elle contient, sera refoulée par la première pul- sation dans la seconde chambre, d’où elle sera poussée par la deuxième pulsation dans la troisième chambre ; ainsi, à la deuxième seconde, la pulsation qui pousse cette quantité de fluide, est parvenue à la deuxième chambre, et en avançant ainsi, ce sera à la huitième seconde que cette quantité de fluide et la pulsation qui la pousse, parviendra dans la huitième chambre, de sorte qu’on aura une différence de huit secondes entre la pulsation des extrémités postérieure et antérieure de la partie cardiaque du vaisseau dorsal; un tel mode de pulsation ne pourrait s'accorder avec la vitesse que le fluide doit recevoir pour passer par le vaisseau dorsal. La différence qu'on observe n’est pas aussi grande, elle est un peu moins d’une seconde environ; en observant attentivement cette pulsation, on verra que la contraction, par exemple, commence toujours en arrière à la partie postérieure du vaisseau, en poussant devant elle le fluide con- tenu dans le vaisseau; cette contraction s’avance très-rapidement, et quand elle est parvenue jusqu'au huitième segment environ, la partie postérieure du vaisseau commence déjà à se dilater de nouveau , et cette partie sera en dilatation entière, quand la contraction sera parvenue à l'extrémité du vaisseau environ. Dans une pulsation on peut distinguer quatre moments : un moment de contraction, un moment de dilatation et deux moments de station; l’un entre la contraction et la dilatation, l’autre entre cette dilatation et la contraction suivante. Ces moments sont entre eux dans des relations telles que celui de la contraction a la plus courte durée de tous; vient alors celui de la dilatation, et ensuite celui de la station entre la contrac- tion et la dilatation; enfin le moment le plus long est celui de la station entre la dilatation et la contraction, de sorte qu'en supposant d’une se- conde la durée de la pulsation entière, on pourra exprimer la durée de ces différents moments par les nombres de parties centésimales d’une se- DANS LES INSECTES. 65 conde donnés ci-après; pour que l’on se figure plus facilement encore ce mode de pulsation, j'y ajouterai des lignes dont les longueurs représen- tent les durées respectives des moments et qui se suivent dans le même ordre que dans la pulsation, en commençant par la contraction. On com- prendra toutefois que ces données ne sont qu'approximatives : AOMENT MOMENT MOMENT MOMENT 3 de station entre la contraction H : de station entre la dilatation de contraction. : ë de dilatation. e et la dilatation. et la contraction. 15" es" 20” 40 100 100 100 100 Quand la contraction est parvenue vers l'extrémité antérieure du vais- seau, nous avons dit que le commencement est de nouveau presque entièrement dilaté; il s'ensuit que la différence de temps entre la pulsa- tion des parties postérieure et antérieure sera d'environ #9, car pen- dant ce temps la pulsation de la partie postérieure a parcouru les trois premiers moments. On comprendra maintenant aussi, qu'il est impossible d'observer une différence de temps appréciable entre le moment d’écar- tement ou celui de clôture de trois paires d'appareils valvulaires suc- cessives. Cette différence de temps entre la pulsation des parties postérieure et antérieure du vaisseau dorsal, ne peut pas, comme on pourrait le croire, mettre obstacle à l'action des appareils valvulaires telle que je l'ai exposée, tandis que la pulsation alternative des différents apparte- ments empêcherait au contraire cette action, ainsi que je l’ai démontré. Entre la partie qui est en moment de contraction et celle qui est en moment de dilatation, il y a toujours quelques parties en moment de sta- tion; ainsi, par exemple, la contraction étant parvenue, comme je l'ai dit, au huitième segment environ , la partie postérieure du vaisseau, dans le dou- zième segment, commence de nouveau à se dilater; de sorte qu'il y a entre ces deux parties les onzième, dixième et neuvième segments dans lesquels le vaisseau est en moment de station, entre la contraction et la dilatation Tome XIX. 9 66 SUR LA CIRCULATION suivante; toutes ces parties peuvent donc se dilater et se remplir de fluide sans obstacle, en allant d’arrière en avant, et quand cette dilatation parvient au huitième segment, la contraction se trouve déjà à l'extrémité du vaisseau, de sorte que l’action peut toujours s’avancer ainsi sans incon- vénient. Il n’en est pas de même pour la contraction; avant que celle-ci puisse commencer, il faut que tout le vaisseau soit en état de dilatation; car, cette contraction commençant en arrière et pressant sur toute la colonne liquide contenue dans le vaisseau, l'introduction ultérieure de fluide, par les ouvertures latérales , deviendrait impossible. Je dois faire remarquer que les durées des différents moments de la pulsation ne sont pas exactement les mêmes pour les différentes parties du vaisseau dorsal; par conséquent, les nombres par lesquels je les ai représentées n’expriment que des valeurs moyennes. Comme l'amplitude de pulsation est plus grande pour les parties postérieures du vaisseau que pour les parties antérieures, ces dernières emploieront moins de temps pour les moments de contraction et de dilatation que les parties postérieures ; il en résulte que les moments de station auront une plus grande durée pour les parties antérieures; cette plus grande durée se porte principalement sur le moment de station entre la dilatation et la contraction suivante, de sorte que celui-ci l'emporte de beaucoup sur les trois autres moments. Ainsi, la différence de temps qui existe entre la pulsation des parties postérieure et antérieure est en grande partie com- pensée, et la partie antérieure vient donc précisément d’être dilatée, quand la contraction commence de nouveau à la partie postérieure. Les pulsations du vaisseau dorsal peuvent continuer aïnsi sans interrup- tion; chaque pulsation pousse en avant, dans la tête et de là dans tout le corps, une nouvelle quantité de fluide nourricier reçue de l'extérieur par les ouvertures latérales du vaisseau dorsal, qui, par ses contractions , lui fait acquérir une vitesse croissante à mesure qu’elle avance dans ce vaisseau. Mais, pour effectuer cette pulsation, il lui faut de la force, ïl lui faut une organisation capable de la produire, tant pour la contraction, que pour la dilatation. La membrane du vaisseau dorsal, qui opère la contraction, consiste DANS LES INSECTES. 67 principalement en un tissu musculeux, dont les fibres entourent le vaisseau en forme annulaire; en outre, à l’extérieur, on observe en- core des fibres longitudinales, mais pas sur toute l'étendue circulaire du vaisseau, puisqu'elles laissent entre elles des espaces plus où moins grands; elles se distribuent de la même manière que sur l'estomac des chenilles, comme l’a très-bien figuré Suckow, seulement cette distribution est un peu plus irrégulière dans le vaisseau dorsal ; ces fibres n’ont pas le caractère musculeux. Les fibres annulaires, au contraire, se distribuent sur toute la longueur du vaisseau, sans intervalles, et l'entourent d’une membrane serrée; elles ont le caractère musculeux, des stries transver- sales, exactement comme les fibres des autres muscles chez les insectes et chez d’autres animaux. On peut s’en assurer par la fig. 28, qui repré- sente une parcelle de la membrane du vaisseau dorsal du Vespa crabro, vue sur la face intérieure; on y observe trois de ces fibres musculeuses, par un grossissement d'environ 800 fois; la direction a a est celle de la longueur du vaisseau, et b b celle de la largeur !. Dans la partie aortale, j'ai observé la même structure, mais il m'a été impossible de bien distinguer les trois membranes que Straus Durckheim et Newport ont aperçues dans les parois du vaisseau dorsal; il s'entend toutefois qu'il y aura encore une membrane qui lie ces différentes fibres musculeuses. Dans la partie postérieure du vaisseau dorsal, ces fibres annulaires changent de direction, du moins c’est ce que j'ai observé dans les che- nilles du Sphinx ligustri (fig. 14). Les fibres semblent suivre la direction des ouvertures latérales; ainsi, près de l'ouverture u, elles ont une direc- tion horizontale et entourent cette ouverture ; de là elles vont en s’élevant dans la partie supérieure du vaisseau et prennent une position oblique, de même que l'ouverture w’ ; ensuite elles s’élèvent encore davantage dans les parties plus antérieures du vaisseau, et prennent une direction presque verticale, mais toujours encore un peu oblique, s’avançant de la partie 1 Swammerdam a déjà décrit cette structure musculeuse du vaisseau dorsal, comme on a pu le voir par Ja citation reproduite dans le premier chapitre, pag. 47. (Bybel der Natuure, pag. 577.) 68 SUR LA CIRCULATION supérieure vers la partie inférieure et antérieure. Dans les parties les plus antérieures du vaisseau dorsal, on ne distingue plus les fibres aussi net- tement. Cette structure musculaire des parois du vaisseau dorsal produit les contractions, qui, chose remarquable, semblent être soumises à la’ vo- lonté ou à toute autre influence chez quelques insectes, du moins, j'ai ob- servésouvent que le vaisseau dorsal cessait de battre pendant quelque temps, dans des circonstances toutes naturelles, et recommençait ensuite, pour faire toujours quelques pulsations régulières, avant de s'arrêter de nou- veau. Ces intervalles de pulsation sont très-irréguliers; souvent on voit battre le vaisseau dorsal pendant plusieurs heures, d’autres fois pendant quelques minutes seulement. Les durées des temps d’arrêts sont de même très-irrégulières, mais jamais aussi longues que celles de pulsation. C’est principalement dans les larves du Chironomus plumosus que lon observe ces intervalles, et on les observe plus généralement dans les insectes aqua- tiques que dans les aériens. J'ai vu les mêmes phénomènes se produire chez l'Ephemera diptera ; tant dans l'insecte parfait que dans la larve, mais je ne les ai jamais observés dans d’autres insectes aériens; ici le vaisseau dorsal battait sans intervalles. L'état de dilatation est l’état ordinaire, car quand les pulsations s’ar- rêtent, le vaisseau reste toujours dilaté; lorsque l’insecte n’est plus sain, qu'il est mourant, il arrive quelquefois que le vaisseau reste contracté pendant quelque temps, mais c’est alors par un effet de spasme. Cet état de dilatation est-il produit par une élasticité des fibres muscu- leuses du vaisseau, de sorte que celles-ci s'étendent toujours d’elles- mèmes après leur contraction, ou bien, y a-t-il des organes particuliers pour effectuer cette dilatation ? Il n’est pas probable que ces fibres pos- sèdent cette élasticité, puisqu'elles ont l'aspect et l’action des fibres mus- culeuses ordinaires; d’ailleurs, il serait difficile de vaincre de cette manière la résistance que les parois du vaisseau éprouvent en se mouvant contre le fluide qui l'entoure. I doit donc y avoir des organes particuliers pour cette dilatation, des organes extérieurs, qui ont la faculté de tirer les parois du vaisseau en DANS LES INSECTES: 69 différents sens contre le fluide qui l'entoure, fluide qui, à cause de ce mouvement, s'introduit dans les ouvertures latérales. Ces organes ont déjà été décrits pour la partie postérieure du vaisseau dorsal, dans les larves du Chironomus plumosus, où je les ai le mieux observés; ce sont les liga- ments, en forme de cordons, que l'on voit tendus entre les parois supé- rieure et latérales du vaisseau et les téguments extérieurs de lanimal; comme je l'ai fait remarquer , ils n’ont pas le caractère musculeux. Ces ligaments semblent être élastiques, ce qui est en accord avec l’état ordi- naire de dilatation du vaisseau, puisqu'ils tendent toujours à le dilater; quand survient la contraction, cette force de tension est surpassée par celle de la contraction des fibres musculeuses des parois du vaisseau, mais, comme les ligaments élastiques continuent encore toujours à tirer ces parois vers l’extérieur, ils produisent ces tubercules et cette forme inégale que l’on observe aux parois latérales de la partie postérieure du vaisseau dorsal ; lorsque la contraction de ces fibres musculeuses vient à cesser, l’élasticité des ligaments fait que ceux-ci rentrent dans leur état ordinaire de contraction et entraînent avec eux les parois du vaisseau. Je n’ai pas pu apercevoir aussi bien ces ligaments dans d’autres insectes, mais les ligaments connus, qui s'étendent sur les côtés du vaisseau dorsal, et qu’on a nommés les ailes du cœur, semblent y appartenir ; toutefois, le vrai mode d'action de ces ligaments latéraux me semble encore un peu obscur. On admet ordinairement qu'ils ont pour but de dilater le vais- seau dorsal, comme nous l'avons vu dans la larve du Chironomus plu- mosus; mais à eux seuls, ils ne peuvent pas, par leur contraction, pro- duire une dilatation du vaisseau, si les parois supérieure et inférieure, ou une de ces deux au moins n’est pas fixée en même temps : en eflet, ils tireraient le vaisseau des deux côtés seulement, celui-ci recevrait une forme aplatie sans se dilater, et cette action aurait plutôt pour résultat de pousser le fluide hors du vaisseau que de lui en faire admettre une nouvelle quantité. Cependant, cette dilatation devient possible, s'il y a aussi des ligaments analogues à la partie supérieure du vaisseau, comme dans la larve du Chironomus plumosus, et si en même temps les liga- ments latéraux sont tendus dans une direction oblique de bas en haut. 70 SUR LA CIRCULATION Cette dernière condition a lieu, puisque les points où ces ligaments s'attachent aux parois latérales des téguments du corps se trouvent un peu plus bas que l'endroit qu’occupe le vaisseau dorsal. Quant aux liga- ments supérieurs, ils n’ont pas été observés jusqu'ici, mais leur existence est très-probable , car le vaisseau dorsal ne se dilate pas seulement des deux côtés dans le sens de la largeur, mais aussi dans celui de la pro- fondeur, vers les parties dorsale et ventrale du corps, comme nous l'avons vu déjà dans la larve du Chironomus plumosus ; J'ai observé encore la dilata- tion en profondeur dans d’autres insectes, par exemple, dans les larves des Rhynchophores , en les regardant sur le côté. D'ailleurs, je n'ai jamais pu bien observer les ligaments nommés les ailes du cœur, tels qu'on les décrit, dans les larves d’insectes; dans les chenilles du Sphinx liqustri, je n’ai pas pu les distinguer du tissu graisseux, qui adhérait fortement aux parois du vaisseau; est-ce parce qu'ils sont trop embarrassés dans ce tissu, ou bien constituent -ils réellement une partie de ce tissu? Ces questions je ne puis pas les dé- cider, mais il me semble bien certain que ces ligaments ont au moins une certaine relation avec ce tissu. Quand on voit battre le vaisseau dorsal dans une larve, on observe toujours que le tissu graisseux se meut en même temps, et qu'il suit les mouvements du vaisseau; ce tissu res- semble à une membrane s'étendant des deux côtés du vaisseau dorsal, membrane qui est entrainée vers le milieu, quand le vaisseau se contracte, et qui se retire, quand il se dilate. Ce mouvement est très-propre pour arrèter les globules contenus dans le fluide nourricier, et pour les embar- rasser dans ce tissu, comme je l’ai mentionné plus haut. Dans les insectes parfaits, les ligaments latéraux, les ailes du cœur, sont plus distincts et semblent plus développés; on peut le voir dans la fig. 27, qui représente la partie antérieure de la portion cardiaque du vaisseau dorsal, avec la dernière paire de ligaments, et une partie de l’avant-der- nière, chez l’insecte parfait du Vespa crabro. Je dois faire remarquer, premièrement, que ces ligaments n’ont pas le caractère musculeux, comme on peut le voir dans une portion vue avec un plus fort grossissement (fig. 29), et que, conséquemment, on ne peut DANS LES INSECTES. 71 pas les comparer à des muscles ordinaires; ensuite, que ces ligaments entourent le vaisseau dorsal en formant une gaîne dans laquelle il est enfermé; et enfin, que plusieurs lobules du tissu graisseux adhèrent en- core partout à ces ligaments. j La gaîne qu'ils forment autour du vaisseau dorsal se fixe aux parois de celui-ci, à l'extrémité de la partie cardiaque et à l'endroit où com- mence la partie aortale (près de e, fig. 27); de là cette gaine s'étend vers la partie postérieure, en entourant lächement le vaisseau, et en for- mant une enveloppe en forme de réseau , à l'extérieur de laquelle on ob- serve plusieurs molécules de la graisse (h'). C’est par cette structure qu'il me semble que les globules du fluide nourricier sont retenus en tout ou en partie avant que le fluide entre dans le vaisseau. Je crois aussi que cette enveloppe est la troisième membrane du vaisseau dorsal que mentionne M. Newport, et le sinus veineux dont parle M. Owen. Comme le tissu graisseux est absorbé, pour la plus grande partie, pendant l’état de nymphe et d'insecte parfait, on n’en voit plus ici que quelques restes adhérents partout aux cordons des ligaments, et c'est de là que ces ligaments sont beaucoup plus apparents dans l’insecte parfait. D’après ce que je viens de dire, il me paraît que ces ligaments ont quelque rapport avec le tissu graisseux et ne sont pas sans influence sur la formation de ce tissu; je m'étonne, d’après le degré de développement qu'ils ont dans les insectes parfaits, de n'être pas parvenu à les distin- guer dans les larves, malgré le tissu graisseux dont ils devaient être enve- loppés. Il me semble donc douteux que ces ligaments existent déjà dans les larves; peut-être dans cet état se confondent-ils avec le tissu grais- seux, et qu'alors, quand ce tissu vient à être absorbé dans l’état de nymphe, ces ligaments restent pour faire la fonction de dilatateurs du vaisseau dorsal. Nous avons encore à voir maintenant la manière dont se fait la circula- tion par les autres parties du corps; elle sera facile à comprendre et pourra être décrite en peu de mots, si nous avons une fois une idée nette du mode d'action du vaisseau dorsal , puisque c’est cet organe qui domine tout le mouvement circulatoire. Nous avons reconnu et démontré que le vais- 12 SUR LA CIRCULATION seau dorsal avait pour fonction de pousser à chaque pulsation une certaine quantité du fluide nourricier, par sa partie aortale, jusque dans la tête de l'insecte, et qu'il recevait cette quantité, à chaque pulsation, de la cavité de l'abdomen, par ses ouvertures latérales. Il nous reste à voir où cette quantité de fluide se porte quand elle est arrivée à la tête. Dans la description de la partie aortale, nous avons laissé le vaisseau sous le ganglion sus-æsophagien, et nous devons voir ce qu'il devient alors ; s'ouvre-t-1l là librement, ou bien se divise-t-1l en plusieurs rameaux, comme le pensent quelques auteurs, principalement les Anglais, tels que MM. Bowerbank !, Newport et autres? Ce dernier auteur a décrit et figuré dans le Sphinx ligustri et dans la chenille du Vanessa urticae, des ramifi- cations à la partie antérieure de la portion aortale du vaisseau dorsal, après qu'elle a passé sous le ganglion sus-æsophagien (j'ai copié figures 12 et 15, les dessins qu'il donne d’après le Sphinx ligustri), et en outre, il croit avoir observé un vaisseau qui longe le système nerveux sous-intestinal; cette structure est analogue à celle qu'on a décrite dans les Scolopen- dres. 11 m'a été impossible d'observer des divisions semblables dans cette partie du vaisseau dorsal, toutefois, je n’oserai les nier, car l’investigation en est très-difficile; quant à une division en rameaux se distribuant par tout le corps, je ne crois pas qu'elle existe. J'ai dit en commencant ce mémoire que les auteurs qui se rangeaient à l’une des deux opinions opposées, étaient trop exclusifs. Nous nous sommes déjà occupé de lune de ces opinions; quant à l'autre, il me semble qu’elle va trop loin en accordant un système vasculaire com- plet aux insectes. Le mode particulier de disposition des organes res- piratoires le rend sans doute inutile; le raisonnement de Cuvier reste done vrai; le système vasculaire dans lequel se meut le fluide nourri- cier est en rapport avec le mode de respiration. Dans les insectes, ce système vasculaire a été donné à l'air, pour qu'il pût se porter dans 1 Dans la figure de la larve de l'Zphémère, M. Bowerbank représente exactement de la même manière que moi les courants du fluide nourricier; je n'y ai pas distingué les vaisseaux, que, d'après ce que disent quelques auteurs, M. Bowerbank prétend avoir observés; toutefois, comme on la vu (note p. 46), je n'ai pas pu consulter le texte. a DANS LES INSECTES. 75 toutes les parties du corps et du fluide néwrricier, et non pas au fluide nourricier pour aller chercher l'air dans un organe particulier et le porter alors dans chaque partie du corps; il ne s’ensuit pas que la circulation dé ce fluide soit devenue entièrement inutile; l'observation prouve le contraire. On doit considérer le vaisseau dorsal, dans les insectes, non pas comme un organe vasculaire servant à contenir le fluide, mais bien comme un organe destiné à lui donner un mouvement régulier dans le corps; e’est un appareil qui produit et régularise le mouvement du fluide. On oppose à cette considération qu’on ne peut se figurer une circula- tion sans vaisseaux; pour moi, je n’y vois aucune difficulté, et je le prou- verai bientôt, mais je ne puis me former une idée de la nutrition, avec un appareil vasculaire, tel que le proposent quelques auteurs. Ainsi, le siége de la nutrition se trouvant en chaque endroit des organes de l'animal, le fluide nourricier doit pouvoir parvenir dans chacun de ces endroits; dans les autres animaux, les vaisseaux sanguins se ramifient jusqu’à un degré de finesse extrême, et se portent à chaque partie de l’or- ganisme ; dans les insectes, il devrait donc exister une ramification ana- logue si le fluide nourricier était contenu dans des vaisseaux, mais en admettant de larges espaces vasculaires, sans ramifications dans toutes les parties des organes, il m'est impossible de me faire une idée de la nutri- tion. C'est de cette manière que M. Brants représente aussi l'appareil vas- culaire!; dans l'insecte parfait du Vespa crabro, cet auteur croit avoir vu le vaisseau dorsal s’élargir après être passé sous le ganglion sus-æsophagien, et se continuer ensuite par des membranes entourant les différentes parties du corps et formant ainsi des vaisseaux pour conduire le fluide nourricier en arrière; ces membranes montraient la structure musculeuse propre aux parois de la partie aortale du vaisseau dorsal, mais non pas aussi distinc- tement. Il dit aussi qu'il ne peut pas se figurer une circulation régulière sans ces vaisseaux; quant à moi, comme je l'ai déjà dit, je ny vois pas de 1 Bijdrage tot de kennis der Monddeclen van eenige vliesvleugelige gekorvenen (Insecta hyme- noptera), door Dr. A. Brants (p. 87). Ce mémoire, que j'ai oublié de mentionner dans la préface, se trouve inséré dans le Tijdschrift voor Natuurlijke Geschiedenis en Physiologie , uitgegeven door J. Van der Hoeven en W.-H. de Vriese (NII partie, Leyde, 1841, p. 71). Tome XIX. 10 74 SUR LA CIRCULATION difficulté, tandis qu’il me paraît au contraire, que le fluide nourricier ne pourrait venir en contact avec toutes les parties des organes, s’il coulait par des espaces vasculaires qui existeraient entre ces organes. Si cepen- dant les espaces vasculaires ne se trouvaient pas entre les organes, mais si ceux-ci se montraient dans ces espaces mêmes, de telle sorte, que le fluide, en coulant par ces espaces, baignât en même temps les organes qui s’y trouveraient, la chose me paraîtrait possible. La cavité du corps serait alors divisée par ces membranes en plusieurs espaces séparés qui serviraient en quelque sorte à diriger les courants du fluide; l’exis- tence d’une telle disposition me semble probable, du moins dans les in- sectes parfaits, puisque j'ai observé des phénomènes qui s’y rapportent, notamment dans l’insecte parfait de l’'Ephemera diptera. Dans l'abdomen de cet insecte, j'ai vu le vaisseau dorsal faire des pulsations qui s’avan- çaient d’arrière en avant, mais, en outre, j'ai observé des mouvements ondulatoires qui s’avançaient en sens contraire, de la tête vers la partie postérieure ; il semblait que les ondes du fluide fussent poussées par une membrane fibreuse qui effectuait évidemment des contractions régulières quand l’onde passait dessous. Cette membrane paraissait revêtir , à l'in- térieur, les téguments de l’insecte, mais je n’ai pas pu décider si elle s’é- tendait aussi entre les organes intérieurs; toutefois, elle semblait se porter aussi sous le vaisseau dorsal. On observe dans ces ondes quatre courants principaux : un sous le vais- seau dorsal, un autre à la partie ventrale, le long du système nerveux sous- intestinal, et un de chaque côté, suivant le trajet des gros troncs latéraux des trachées; on voit représenté, dans la fig. 50, l’un des courants latéraux (c) et le courant ventral (e'); le côté du ventre est un peu tourné en avant, de manière que le courant dorsal n’est pas visible dans la figure. Les ondes de ces courants principaux diminuent lentement sur les côtés, de sorte qu'entre deux ondes contiguës, ces courants se confondent insensi- blement l’un avec l’autre; ainsi les courants latéraux sont en contact en haut avec le dorsal, en bas avec le ventral, et au milieu entre eux; ils entourent de cette manière l'abdomen d’ondes en forme d’anneau, qui s’en- flent aux quatre points des courants principaux. Ces ondes en forme d’an- DANS LES INSECTES. 7 neau s’'avancent uniformément d'un segment dans l’autre, d'avant en arrière, et se succèdent régulièrement, de telle manière, qu'il y en a simul- tanément une dans chaque segment. Quand on observe cet insecte sur le dos, on voit les pulsations du vais- seau dorsal qui s'avancent très-rapidement en avant; mais en même temps on voit, sous le vaisseau dorsal, à travers celui-ci, le courant principal des ondes, qui se dirige en sens contraire en s’avançant beaucoup plus lentement. Comme on aperçoit ces ondes beaucoup plus facilement que les pulsations du vaisseau dorsal, principalement à cause de la rapidité avec laquelle s’avancent ces dernières, on croit au premier abord que les pul- sations de ce vaisseau marchent de la tête vers la partie postérieure de l'insecte, et, quand on observe alors le vrai courant du vaisseau dorsal, celui-ci paraît subir une double pulsation, l’une d’arrière en avant, l’au- tre d’avant en arrière; mais une observation plus exacte prouve que les choses se passent comme je les ai exposées. Ainsi, les observations anciennes de Malpighi ! et de Réaumur ?, sur les- quelles on a manifesté si souvent de l’étonnement et des doutes, sont con- firmées, car ces savants ont évidemment observé un phénomène analogue dans des insectes parfaits. De même que ces deux observateurs, je n’ai jamais vu de phénomène semblable dans les larves, et il me semble de nouveau, que les membranes dont on observe l’action en même temps que ces mouvements ondulatoires, ont quelque rapport avec le tissu grais- seux, ei qu’elles restent après la réscrption du tissu. Comme je l'ai déjà fait remarquer plus haut, les pulsations du vaisseau dorsal s’arrêtaient parfois dans ces insectes pendant quelque temps, mais néanmoins, les mouvements ondulatoires continuaient et ne s’arrêtaient jamais; cela montre qu’ils avaient une cause propre et qu'ils ne dépen- daient pas immédiatement de l’action du vaisseau dorsal; toutefois les intermissions dans la pulsation du vaisseau dorsal étaient toujours très- courtes, elles ne se prolongeaient jamais beaucoup plus que la durée de trois ou quatre pulsations. Il semble résulter de ces faits que les phéno- 1 Dissertatio epistolica de Bombyce, page 86, et Opera omnia, tome Il, page 42. ? Mémoire pour servir à l'histoire des insectes, tome 1, pages 409 et 643. 76 SUR LA CIRCULATION mènes de la circulation sont plus compliqués dans les insectes parfaits que dans les larves; ils sont donc loin de disparaître comme le pensait M. Carus. Du reste, il est peu croyable que, dans l’état parfait, lorsque l'animal est parvenu à son plus haut degré de vie animale, les fonctions de la vie organique ne soient plus nécessaires; le contraire me paraît devoir exister, même pour les organes qui, à ce que l’on dit, se dessèchent, tels que les ailes, par exemple. Puisque l’on doit considérer ces organes, non comme des membranes immobiles, mais bien comme des membranes sus- ceptibles de se mouvoir en divers points, ils doivent donc contenir, dans leur organisation, des muscles pour mouvoir leurs différentes parties; ces muscles se dessècheraient bientôt s'ils n'étaient plus baignés par un fluide, et les ailes ne seraient plus en état d'exécuter leurs fonctions; la nutrition doit donc les mettre toujours en état de pouvoir exécuter ces fonctions, de même que tous les autres organes. J'ai dit que je ne croyais pas, qu’outre ces expansions de membranes, il y eût des vaisseaux dans les insectes, et je base cette assertion, notam- ment sur les faits suivants : 1° Je n'ai pu observer des rameaux partant du vaisseau dorsal; tou- tefois, l'observation de la partie antérieure du vaisseau, quand il a passé sous le ganglion sus-æsophagien, est, comme je l'ai dit, très-difficile à faire, et il se pourrait qu'il y eût, à l'extrémité de cette partie, de courtes ramifications pour diriger les courants du fluide qui échappe- rait du vaisseau dorsal en cet endroit, ainsi que l’a figuré M. Newport. Quant à des rameaux ultérieurs, leur existence ne me semble pas plus pro- bable que celle des rameaux partant de la partie antérieure de la portion aortale, comme les a figurés M. Dugès. Dans les injections que j'ai faites dans le vaisseau dorsal, les différentes matières que j'ai employées étaient toujours répandues d’une manière trop discontinue dans cette partie an- térieure, pour pouvoir être suivies de point en point; je n'ai pu les suivre que jusqu'à une petite distance au delà du ganglion sus-æsophagien. Cette discontinuation de la matière injectée dans la partie antérieure du vaisseau dorsal, semble indiquer que son contenu s’épanche dans un espace plus ample; il en résulte que la matière parvient difficilement à remplir l'extré- DANS LES INSECTES. 77 mité du vaisseau dorsal, c’est-à-dire la partie qui épanche le fluide dans un espace plus grand. 2° En observant attentivement la substance des organes par le micros- cope, on devrait y apercevoir des traces de ramifications, quand même la transparence des parois de ces vaisseaux serait assez grande pour rendre leur observation impossible; et, comme on ne distingue rien de semblable, il est probable qu’elles n’existent pas. 5° Quand on fait une petite incision dans la peau d’une larve, à la partie antérieure ou postérieure, et qu'on la tient ensuite par le bout opposé, de manière à ce que le corps soit librement suspendu, la peau molle de la larve s’affaisse bientôt, et presque toute la quantité du fluide nourricier contenu dans la cavité du corps s'écoule par cette petite incision; s’il était contenu dans des vaisseaux, et que lincision n’eût blessé que de petites ramifications, le fluide ne s’écoulerait pas aussi facilement. Dans les insectes parfaits, les téguments plus rigides ne s’affaissent pas aussi facilement, et le fluide ne s'écoule que quand l'air s’introduit au même instant pour le remplacer; mais une petite incision rend difficile l'introduction de l’air.en même temps que la sortie du fluide, aussi l'écoulement s’opère-t-il très- imparfaitement. 4 Dans les injections que j'ai faites dans le vaisseau dorsal, la matière s’est portée toujours partout entre les organes en les colorant à l'extérieur, sans que l'observation microscopique montràt sur ces organes des distri- butions régulières en forme de ramifications de vaisseaux. >° Lorsque l’on ouvre la cavité du corps des insectes conservés pen- dant quelque temps dans de l’esprit-de-vin, on trouve ordinairement par- tout entre les organes des flocons de matière coagulée provenant du fluide nourricier. 6° D'après l'observation microscopique des courants du fluide nourri- cier, ils ne paraissent aucunement être renfermés dans des vaisseaux. On voit souvent ces courants changer plus ou moins de place et de direction quand linsecte se meut ou que les intestins sont en grande action, par exemple, quand le rectum se décharge d’excréments, et on voit aussi généralement les globules se remuer sur un assez grand espace. 78 SUR LA CIRCULATION 7° Enfin, on peut encore énumérer les arguments que Cuvier avait déjà mentionnés : la distribution particulière des organes respiratoires; la dis- position des organes sécrétoires, ainsi que des muscles, qui ne forment pas, comme dans les autres animaux, des glandes conglomérées et des masses liées ensemble par du tissu cellulaire, mais flottent au contraire librement dans le fluide qui les baigne; et, en outre, le défaut de tissu cellulaire dans les insectes, car ce sont les trachées seulement qui com- binent les organes entre eux, et mettent obstacle à leur séparation. En admettant donc que le vaisseau dorsal s'ouvre librement dans la tête et y épanche, dans la cavité du corps, le fluide qu’il pousse en avant par chaque pulsation, on peut se rendre facilement compte des phéno- mènes de circulation que l’on observe dans le corps de l'insecte, si l’on fait attention à la structure et au mode d'action du vaisseau dorsal. Comme chaque pulsation pousse une nouvelle quantité de fluide dans la tête, ce fluide ne peut pas s’y accumuler et y rester; chaque nouvelle quantité pousse donc celle déjà contenue entre les organes qui se trou- vent dans la cavité de la tête, et cette dernière ne pourra se porter qu’en arrière, car elle ne peut s'échapper d'aucun autre côté. Dans la partie postérieure du corps, le vaisseau dorsal, par chaque pulsation, reçoit au contraire, de l'extérieur , c’est-à-dire de la cavité du corps, une nouvelle quantité du fluide qu’il pousse en avant dans la tête; la quantité de fluide contenu dans la partie postérieure du corps se trouve ainsi continuelle- ment diminuée, et il en résulte un vide qui détermine une succion vers cette partie; le fluide contenu dans les parties antérieures se porte donc en arrière pour remplacer les pertes qu'y cause l’action du vaisseau dorsal. Ces deux effets opposés doivent produire évidemment un courant régulier d'avant en arrière dans le fluide nourricier contenu dans la cavité du corps, tandis que le vaisseau dorsal le porte de nouveau d’arrière en avant. Ce courant ne coule pas dans une cavité libre, car celle-ci est remplie d'organes qui lui opposent des obstacles; le fluide avance principalement par les vides que lui laissent ces organes, et se partage en plusieurs cou- rants principaux qui passent par les endroits où ces organes laissent entre DANS LES INSECTES. 79 eux les plus grands espaces. Ces courants ne sont donc pas bornés d’une manière invariable; c’est de là que résultent les changements et les ébran- lements qu'on y observe souvent et que j'ai déjà mentionnés. Toutefois, on compte généralement quatre courants principaux : un au-dessous et le long des côtés du vaisseau dorsal; un de chaque côté du corps, le long des troncs principaux des trachées, et un quatrième au ventre, le long du système nerveux sous-intestinal. Ce n’est pas seulement à la partie postérieure du corps que le vaisseau dorsal reçoit du fluide de l'extérieur pour le porter en avant, car, dans chaque segment de l'abdomen où il y a une paire d'ouvertures, il s'empare d’une certaine quantité de ce fluide; il y aura ainsi une diminution du fluide dans les environs de chaque paire d'ouvertures, ce qui détermine des courants transversaux se détachant des courants principaux qui vont d’ar- rière en avant, et se portant de bas en haut et obliquement des côtés vers les ouvertures latérales. Comme c’est la partie postérieure du vaisseau dorsal qui a la plus grande amplitude de pulsation, du moins dans les larves, et que cette amplitude diminue de plus en plus vers la partie antérieure, c’est aussi à cette partie postérieure et par la première paire d'ouvertures que la plus grande quan- tité de fluide est reçue dans l’intérieur du vaisseau ; cette quantité diminue successivement pour chaque paire d'ouvertures, à mesure que celles-ci se trouvent plus en avant. De là il suit nécessairement que la succion vers la partie postérieure du corps est la plus grande, et qu’elle devient successi- vement moindre à chaque paire d'ouvertures plus antérieure. Parmi les courants produits par cette succion, les plus considérables sont ceux qui se dirigent vers la partie postérieure; les principaux sont donc ceux qui se portent d'avant en arrière, tandis que les courants latéraux qui s’en détachent sont de moins en moins considérables, à mesure qu'ils corres- pondent à des paires d'ouvertures plus rapprochées de la tête. À mesure que l'amplitude de pulsation sera plus grande à la partie pos- térieure du vaisseau dorsal, chaque pulsation y enlèvera une plus grande quantité de fluide de la cavité du corps; mais, en outre, il en résultera que la force de succion deviendra plus grande dans la partie postérieure et 80 SUR LA CIRCULATION que le courant qui se porte d’avant en arrière sera plus considérable et aussi plus rapide. Le renflement de la partie postérieure du vaisseau dorsal dans la larve du Chironomus plumosus produira par conséquent dans cette larve des courants considérables et très-rapides d’avant en arrière, courants qui, à cause de la célérité qu’ils ont acquise, se porteront plus facilement au delà du commencement du vaisseau dorsal, c’est-à-dire dans les 13e et Läve segments; c’est là le rapport dont j'ai parlé antérieurement et que j'ai supposé exister entre le renflement et la disposition du vaisseau dorsal. D’après ce que nous venons de dire, il se formerait donc dans le corps de l’insecte, entre les intestins, différents courants réguliers s'avançant principalement d’avant en arrière; c’est de cette manière que nous les avons toujours observés et que nous les avons aussi représentés (figures À, 22 et 25) dans la larve de l’Ephemera diptera, du Pompilus viaticus et du Syrphus (ribesü?). Ces courants ne deviennent apercevables que par le mouvement des globules, qui ne peut pas être représenté dans une figure où tout reste en repos; de plus, ces globules n'étant jamais nombreux ni même très-apparents, on ne les aperçoit presque pas dans les figures, car ils ne forment pas des séries de globules bien distinctes indiquant le chemin qu’ils parcourent comme dans des animaux vertébrés; j'ai dû, pour ces raisons, indiquer les principaux chemins suivis par les globules au moyen de lignes qui représentent en même temps la direction du mou- vement. Elles sont formées d’une série de petits traits plus gros en ar- rière et se terminant en pointes en avant, de manière que la direction des pointes indique la direction des courants, comme le montrent les lignes tracées à côté des figures, où la direction est de y vers z. Je crois que les figures n’ont presque plus besoin d’autre explication; j'ajouterai seulement que le courant du vaisseau dorsal, celui au milieu du corps dont la direction est indiquée d’arrière en avant, est le seul qui aille dans ce sens, tandis que tous les autres vont d'avant en arrière, et produisent les petits courants latéraux qu’on voit entrer par les valvules dans le vais- seau dorsal. Dans le vaisseau dorsal de la larve du Pompilus viaticus, on voit le cou- rant passer sous le ganglion sus-æsophagien en b, et sortir près de c, où | DANS LES INSECTES. 81 il se divise en trois parties : un courant central qui se porte en avant entre les màchoires, dans le labre, et deux courants latéraux qui se re- courbent de côté et en arrière, passent entre les muscles des joues et des tempes, et vont se dérober à la vue dans les organes qu’on y trouve; il existe probablement encore d’autres courants qui se portent vers le bas, mais ils ne sont pas apercevables, à cause des organes qui en empêchent l'observation. C’est la seule larve dans la tête de laquelle j'ai pu bien dis- tinguer ces courants. J'ai indiqué les différents courants par une ligne noire, tandis que Carus a distingué le courant direct du vaisseau dorsal par un trait rouge, et les courants rétrogrades, par des lignes bleues, en désignant ces der- niers comme yeineux et le premier comme artériel. Cette distinction en sang veineux et artériel me parait fausse, puisqu'elle a entièrement disparu dans les insectes; cela supposerait que leur sang porte avec lui l'oxygène à toutes les parties du corps, et enlève de ces parties l'acide car- bonique pour le transmettre au dehors par les poumons, tandis que tout le sang des insectes est toujours de même nature. Malgré ces courants du fluide nourricier, il pourrait cependant arriver qu’il y eût dans le corps des parties où le fluide restât en repos, et par lesquelles les courants ne passeraient pas; mais on ne doit pas oublier que les insectes ont un corps mobile qu'ils peuvent contracter et dilater plus ou moins, et dont ils ont la faculté de mouvoir les différents segments, ce qui arrive chaque fois qu'ils se déplacent. Le fluide nourricier contenu dans la cavité du corps, doit nécessairement être mis en mouvement par ces secousses et s’entre-mêler partout. Il ne pourrait jamais être produit de cette manière un mouvement régulier, mais bien une mixtion entre les parties du fluide stationnaire et celles du fluide des courants; cette combinaison produira un renouvellement régulier du fluide nourricier dans toute la cavité du corps. Dans les appendices du corps, les pattes, les ailes, les antennes et autres, on ne peut pas se rendre compte de la même manière du renou- vellement du fluide nourricier; on n’aperçoit aucune cause qui détermi- nerait les courants du corps à s’introduire dans ces appendices, pour se Tome XIX. 41 82 SUR LA CIRCULATION porter jusqu'aux parties extrêmes, et à retourner ensuite vers les courants principaux, dans le corps, comme l’a supposé Carus. Pour que des cou- rants réguliers parcourent aussi ces appendices, des organes particuliers semblent nécessaires, aussi en a-t-on observé. Ce sont les organes pulsa- toires que M. Behn a le premier décrits en détail dans les pattes de plu- sieurs Hémiptères, et que Degeer avait probablement déjà observés dans les pattes d’un Ornithomya avicularia. J'ai observé moi-même des phénomènes qui s’y rapportent dans les pattes de plusieurs Hémiptères, comme on le voit mentionné dans le tableau du premier chapitre (pag. 25), et j'ai repré- senté quelques organes pulsatoires dans les jambes du Sigara coleoptrata (voyez fig. 24, 25 et 26); toutefois, il m'a été impossible jusqu'ici de bien distinguer leur structure et leur mode d'action. Tout.ce que j'en puis dire, c’est qu'on observe dans la partie supérieure des jambes, près ‘de l'articulation avec la cuisse, un organe en forme de bourre qui, quand il est en mouvement, monte et descend comme un piston; on le voit repré- senté dans les fig. 24 et 25 (e). Cet organe semble, d’une part, fixé à la face supérieure et antérieure des téguments de la patte et, de l’autre, se continuer en une membrane (c d), qui paraît s'étendre dans toute la patte. Quand l'organe e se meut vers le bas, il semble s’écarter un peu de la mem- brane c; de sorte qu'il en résulte un espace entre cete, fig. 25. J'ai observé des pulsations dans ces organes, mais il n'a été impossible d'y constater l'existence de la circulation, ce qui ne doit être attribué qu'à l'absence des globules dans le fluide nourricier de cet hémiptère; cette circulation n'est pas douteuse, car on l’a observée dans les pattes d’autres espèces, lorsque le fluide contenait des globules. La circulation a lieu alors, quand l'organe que nous venons de décrire est en mouvement, et elle s'arrête aussitôt que cet organe cesse de se mou- voir; je l'ai observée ainsi dans les pattes de. jeunes individus du Tettigonia viridis, dont j'ai représenté une jambe dans la fig. 26. On n’y voit pas l'or- gane pulsatoire, mais seulement la membrane qui s'étend dans la patte (d); cette membrane est aussi toujours en mouvement, quand l'organe pul- satoire se meut, mais ce mouvement diminue de plus en plus pour des parties de la membrane plus éloignées de l'organe pulsatoire; le mouve- DANS LES INSECTES. 83 ment de cette membrane s'opère du milieu de la patte vers sa parGi exté- rieure et supérieure, et réciproquement. Quand cet organe était en mouve- ment, il se formait dans la patte un courant de fluide qui descendait avec une grande vitesse, dans un petit espace de la patte, le long du côté exté- rieur et supérieur; ce courant se recourbait à l'extrémité de la jambe, près de l'articulation du tarse, et revenait plus lentement, dans un espace plus grand, le long du côté intérieur et inférieur de la patte. Une portion du courant ne se recourbe pas, mais parcourt de la même manière le tarse; la quantité de fluide qui parcourt ainsi les extrémités des appendices du corps. étant toujours petite, elle ne contient que quelques globules, et souvent point du tout, ce qui rend l’observation de la circulation, dans ces parties extrêmes ; toujours difficile ; c’est là , sans doute, ce qui a donné lieu à l’opinionique les courants ne s’étendaient que dans les cuisses ou les jambes. Les pulsations de ces organes sont fréquemment interrompues , sou- vent pendant un assez long espace de temps, tandis que la durée du mou- vement est ordinairement courte; ainsi on peut, pendant plusieurs heures, observer différentes fois un insecte sans voir ni pulsations ni phéno- mènes de circulation dans les pattes; c'est ce qui a fait croire proba- blement, que les phénomènes de la circulation disparaissaient à certaines époques. Toutefois, quand ces organes sont en mouvement, ils battent très- vite, et on y compte toujours beaucoup plus de pulsations en une minute que dans le vaisseau dorsal; elles étaient surtout très-rapides dans les es- pèces d’Aphis; leur nombre s'élevait certainement à plus de cent par minute. Il n’y à donc pas de (doute que ces organes ne soient des accessoires pour produire des courants réguliers dans les pattes ; ils sucent, pour ainsi dire, par chaque pulsation, une nouvelle quantité de fluide de la cavité du corps, et ils le laissent passer et repasser à l'endroit où ils se trouvent, pour le-porter dans les parties plus inférieures des pattes ; cependant, son chemin doit: être tracé, car il ne se formerait pas dans ces parties de courants jusqu'aux extrémités, si le fluide pouvait de nouveau s'échapper tout de suite. On observe, en effet, que la cavité de la patte est divisée en 84 SUR LA CIRCULATION deux portions par une membrane, de sorte que le fluide qui entre dans la portion la moins spacieuse, ne peut retourner que par l’autre, qui est plus grande. Je crois avoir observé des organes analogues dans les ailes de quelques insectes, mais je ne puis pas avancer ce fait avec assez de certitude. Dans un grand nombre d'insectes, je n'ai pas observé d'organes sem- blables dans les pattes; néanmoins, il semble qu'ils y existent aussi, mais dans un autre endroit. Dans les larves de l’Ephemera diptera par exemple, j'ai observé, dans l'intérieur du corps, au commencement des appendices caudaux et des pattes , des organes qui semblaient servir à la circulation dans ces parties, car cette circulation s’y faisait de même avec une vitesse plus grande que dans le corps, et de plus, elle s’y arrêtait sou- vent, quand la circulation dans le corps continuait; elle doit donc avoir une cause propre de mouvement que je crois trouver dans ces organes, car ils étaient en mouvement chaque fois que la circulation se faisait voir dans les appendices. Ces appendices étaient aussi partagés par des mem- branes en deux portions, dont l’une était moins ample que l’autre; le courant entrait dans l’espace le moins ample, et il sortait par l’autre espace; à l’intérieur du corps, ces espaces semblaient plus dilatés, et entourés d’une membrane qui était en mouvement quand la circulation se montrait dans les appendices. L’organe dont nous venons de parler est représenté dans la fig. 1 (d). Le vaisseau dorsal semble se continuer dans cette partie, mais je ne puis dire si leurs deux cavités communiquent ensemble; il m’a paru cependant que cette communication n'existait pas. Cet organe exécute aussi des pul- sations, mais elles ne sont pas en rapport avec celles du vaisseau dorsal; elles s'arrêtent souvent, tandis que les pulsations du vaisseau dorsal continuent. On n’y observe pas d'ouvertures latérales avec leurs appa- reils valvulaires, mais bien un appareil unique (e) au milieu, dont les membranes valvulaires sont opposées en direction à celles qu’on trouve dans le vaisseau dorsal. Cet appareil valvulaire se prête donc à un mou- vement du fluide nourricier d'avant en arrière, opposé à celui qui a lieu dans le vaisseau dorsal. DANS LES INSECTES. 85 Si cet organe communiqueavec la partie postérieure du vaisseau dorsal, il peut en recevoir du fluide nourricier par l’action des pulsations de cette partie, et ces pulsations lui communiqueront un mouvement d'avant en ar- rière ; il recevra alors ce fluide du cul-de-sac par lequel le vaisseau dorsal se termine en arrière dans le 14° segment : s’il n’est pas en communication avec le vaisseau dorsal, il peut recevoir du fluide nourricier de l’exté- rieur , de la cavité du corps, par l’action de l'appareil valvulaire qu'on y observe. Cet organe se porte plus vers le bas que le vaisseau dorsal, et un courant de fluide nourricier, revenant de la partie postérieure de lani- mal, passe au-dessus et se porte en avant, ce qui empêche de bien dis- tinguer la marche des globules dans cet organe. Dans les appendices caudaux on observe un petit canal limité; il se trouve au milieu, dans l’appendice mitoyen, et un peu de côté et vers l'intérieur , dans les appendices extérieurs; ces canaux, par lesquels le fluide nourricier s’introduit dans les appendices, peuvent être suivis presque jusqu’à l’extrémité de ces organes; le fluide revient ensuite par la cavité qui entoure chacun de ces canaux. Dans les pattes, j'ai observé aussi la circulation du fluide nourricier, mais rarement, et pas assez distinctement pour pouvoir déterminer le cours que ce fluide y prend et la manière dont s’y fait la circulation, c’est pourquoi je ne l'ai pas indiqué dans la figure. Dans les antennes, je n’ai jamais pu observer de circulation du fluide nourricier, excepté dans le premier article, où le courant entrait du côté intérieur et revenait du côté extérieur. Dans les appendices branchiaux, j'ai observé, plusieurs fois, un cou- rant qui entrait par le bord antérieur. Dans les ailes, j'ai toujours observé la circulation de la même manière que M. Carus l'a décrite, seulement, j'ai observé de plus, dans la nervure principale des ailes d’un Phryganea grandis, deux courants de côté, l’un entrant et l’autre sortant. Je crois avoir éclairci dans ce second chapitre les phénomènes de la circulation dans les insectes, autant que les observations le permettent; j'aurais pu traiter, dans un troisième chapitre, de la connexion qui 86 SUR LA CIRCULATION DANS LES INSECTES. existe entre ce mode de circulation et l'organisation entière des insectes, en la comparant en même temps avec ce qu'on observe chez d’autres animaux, mais c’eût été m'écarter de la question telle que l’Académie l'a proposée !. 1 Ce troisième chapitre a été envoyé après le concours comme partie supplémentaire, mais l'Académie n’a pas cru devoir lé publier. Elle a supprimé aussi quelques considérations générales dans la préface, ainsi qu'une grande partie du premier chapitre où l'auteur s’oceupait du but et de la nécessité de la circulation, des différentes manières d'observer et des moyens d'éviter les causes d'erreur dans les recherches microscopiques. EXPLICATION DES FIGURES . PLANCHE LI. Fic. 4. Jeune larve de l’Ephemera diptera ?, vue sous un grossissement de 50 fois en- viron. — Les courants du fluide nourricier sont indiqués par des lignes formées d’une suite de petites flèches qui montrent en même temps la direction du mouvement. Par exemple, dans la ligne tracée à côté de la figure, les flèches indiquent que la direction du courant est de y vers z. N°:1-14. Les quatorze segments du corps de l'insecte, dont le premier forme la tête, les second, troisième et quatrième, les segments thoraciques, et les dix autres les segments abdominaux. a, b, b', c’, c. Le vaisseau dorsal ; a, le commencement dans le treizième segment; b, b, les quatre premières paires d'ouvertures avec leurs appareils valvulaires; l’entrée des courants est représentée par les lignes qui passent entre les valvules; b', b’, les cinq dernières paires d'ouvertures; on n’a pas indiqué les courants qui en- trent par ces paires pour ne pas trop embrouiller le dessin; ’, €, la partie aor- tale du vaisseau dorsal. de. Prolongement du vaisseau dorsal en arrière, dans le quatorzième segment; il sert probablement pour la cireulation dans les appendices caudaux; e, un appareil valvulaire simple qu'on y trouve. (Dansla figure les points de renvoi ont été mis un peu trop en arrière.) f,f. Canaux par lesquels le fluide nourricier entre dans les appendices caudaux, tandis qu'il retourne vers le corps par l’espace entier des appendices. h,h. Quelques parties des appendices des intestins (vaisseaux de Malpighi). ! Le petit trait placé à côté de plusieurs figures représente la grandeur réelle de l’objet. ? Dans le texte, j'ai regardé la détermination de cette espèce comme incertaine , mais je crois pouvoir maintenant lever tous les doutes ; cette larve n'est pas, comme je l'ai dit (page 25), le Cloë bioculata de Pictet, mais bien son Cloë diptera. 88 EXPLICATION DES FIGURES. 0, 0. Premiers rudiments des ailes. À. Une des branchies, vue en dessous avec un plus fort grossissement. t. Tronc de trachée qui va se ramifier dans cette branchie. PLANCHE IT. Pic. 2. Larve du Chironomus plumosus !, grossie et vue de côté. Commencement du vaisseau dorsal avec un renflement dans le douzième segment. CATE Différentes parties des intestins qui luisent à travers les autres organes. hk,h. Le tissu graisseux, d’une couleur verte. 1. L'un des deux appendices (respiratoires?) postérieurs. v. L'un des deux appendices (respiratoires?) antérieurs. à. Quelques petites branches de trachées partant de ce point. C'est vers le même point qu'on trouvera dans la nymphe les houppes branchiales. 0. Un double tubercule muni de poils. Quatre appendices à la partie inférieure du douzième segment. VA Quatre autres appendices à l'extrémité du corps, en forme de feuilles arrondies; l'un d’eux est caché par les autres. Fi. 5. Le douzième segment de cette même larve, grossi davantage et vu de côté. On y voit le commencement du vaisseau dorsal en état de contraction. c. Les ligaments dorsaux du vaisseau dorsal, en forme de cordons. Des faisceaux de ces ligaments qui se portent en arrière, en haut et en bas. k, k!,k”. Différents muscles pour le mouvement des segments. y,z,æ,æ. L'une des ouvertures latérales; y, le bord antérieur; z, le bord postérieur; +, le coin supérieur; +’, le coin inférieur. Les autres lettres indiquent les mêmes objets que dans la figure précédente. Fi. 4. Le même segment que dans la figure précédente, mais avec le vaisseau dorsal en état de dilatation. PLANCHE HI. Fic. 8. Le treizième, le douzième et une partie du onzième segment de la larve précé- dente vue sur le dos. b. Portion du vaisseau dorsal qui a acquis son ampleur ordinaire. e. La seconde paire d'ouvertures avec ses valvules. Les autres lettres indiquent les mêmes parties que dans les trois figures précé- dentes. ! Les doutes émis par Meigen m'avaient fait placer dans le texte (voyez page 27) un point d'interrogation après le nom spécifiqué de cet insecte, mais je ne pense pas que l’on doive encore douter de cette détermination. EXPLICATION DES FIGURES. 89 Fic. 6. La même partie du vaisseau dorsal que dans la figure précédente, mais représen- tée hors du corps de l’insecte et grossie davantage. Elle est en état de dilata- tion. Fic. 7. La même partie en état de contraction. PLANCHE IV. Fic. 8 Chenille du Smerinthus populi, de grandeur naturelle. a,b, d. Le vaisseau dorsal, luisant à travers les téguments. Fi. 9. Chenille du Sphinx ligustri, de grandeur naturelle. a,b,d,e. Le vaisseau dorsal luisant à travers la peau; d, d, parties qui semblent ren- fées au milieu des segments; e, e, parties qui semblent rétrécies aux en- droits de combinaison de deux segments. Fic. 10. Chenille du Sphinx ligustri, dont une partie de la peau du dos a été enlevée; vue au double de la grandeur naturelle. a,b,e,d,e. Le vaisseau dorsal; a €, la partie cardiaque; c b, la partie aortale; b, l'endroit où le vaissean disparaît sous le ganglion sus-æsophagien; d, d, les parties renflées où se trouvent les ouvertures latérales ; e, e, les parties rétrécies. f. L'œsophage. g. Le commencement de l'estomac. h, h. La couche supérieure du tissu graisseux qui adhère aux parois latérales du vaisseau dorsal. He n. Petites couches de tissu graisseux, en forme de bandes, qui couvrent en partie le vaisseau dorsal et s'attachent à la paroi supérieure. h',h".. Lobules plus profondes du tissu graisseux; pour les rendre visibles, des parties de la couche supérieure ont été enlevées. h!, h”. Deux lobules de ce même tissu, très-grands et d’une forme particulière. Ils couvrent la partie postérieure et supérieure du vaisseau dorsal et s'appliquant contre les deux surfaces latérales de l’arête qui se trouve sur cette partie du vaisseau dorsal (fig. 14, p). Ganglion nerveux sus-æsophagien. k, k. Différents muscles pour le mouvement des segments. Fis. 14. Le vaisseau dorsal du même insecte représenté hors du corps. q. Partie postérieure arrondie du vaisseau dorsal. P,p. Les deux faces de l’arête que porte cette partie du vaisseau dorsal. 0. Le sommet de cette arête. tt Des parties de trachées adhérentes encore au vaisseau dorsal. Fic. 12. La portion antérieure de la partie aortale du vaisseau dorsal du Sphinæ ligustri, se divisant en quelques branches courtes dans la tête, après qu'elle a passé sous le ganglion sus-æsophagien. Cette partie est vue sur le dos. Tome XIX. 42 90 EXPLICATION DES FIGURES. Fic. 45. La même partie, mais vue de côté. Ces deux parties ont été copiées d’après leg dessins de M. Newport. Elles sont vues sous un grossissement considérable *. Fié. 44. La partie postérieure du vaisseau dorsal dela chenille du Sphinæ ligustri, vue de côté et sous un plus fort grossissement que dans la fig. 11. a. Le commencement du vaisseau. b. La partie antérieure. qr. La partie inférieure, aplatie et horizontale de la partie postérieure du vaisseau: po. L’arête verticale qui surmonte cette partie horizontale; p ; la face gauche de cette arête, un peu concave pendant l’affaissement du vaisseau ; 0, le sommet de l'arête. u. L'ouverture gauche inférieure de la double paire d'ouvertures que l’on trouve au commencement du vaisseau dorsal de cette chenille. L'ouverture gauche supérieure de cette double paire d'ouvertures. ñ. La face inférieure du vaisseau. Fic. 45. Dessin schématique du vaisseau dorsal qui montre comment les choses se pas- seraient en admettant la division en un certain nombre de chambres et la pulsation réciproque de ces différentes chambres, comme l'ont fait M. Straus- Durckheim et d'autres auteurs d’après lui. y, y, z, z. Nalvules que l’on trouve dans le vaisseau dorsal; x, z, les valvules postérieures qui, d'après M. Straus-Durckheim , sont plus courtes quelles antérieures y, y. PLANCHE Y. Fi6. 46. Larve du Rhynchophore qu'on trouve au printemps dans l’intérieur des feuilles de l'orme. Fic. 47. [L'un des segments abdominaux de cet insecte et le commencement des deux segments adjacents, vus sous un plus fort grossissement. On y voit une por- tion du vaisseau dorsal et une paire d'ouvertures avec leurs appareils valvu- laires, qui se trouvent vers le milieu du segment. Le vaisseau dorsal est ici en élat de contraction. a b. Portion du vaisseau dorsal; a, la partie postérieure; b, la partie antérieure. u, u. Les ouvertures latérales extérieures. æ. Les coins supérieurs des ouvertures et l'endroit où elles s'ouvrent dans le vais- seau. Ces ouvertures sont fermées, tandis que la communication entre les parties a et b du vaisseau est ouverte. y, Y. Les membranes valvulaires antérieures. Z,2 Les membranes valvulaires postérieures. g g. Une portion de l'estomac. ? Roget, Animal and vegetable Physiologie, vol. I. London , 1854, p. 245, fig. 543 et 544. D TR Fic. 18. Fic. 19. Fic. 20. Fic. 21. Fic. 22. e,d, d. Fic. 23. EXPLICATION DES FIGURES. 91 La même partie que dans la figure précédente, mais avec le vaisseau dorsal dans unétat intermédiaire entre l’état de contraction et celui de dilatation. Encore la même partie, mais avec le vaisseau en état de dilatation. Iei on voit ouverte! la communication entre l'intérieur -et l'extérieur du vaisseau, par les ouvertures latérales, tandis que la communication entre les parties a et b du vaisseau est fermée. Dessin schématique, d’une portion du vaisseau dorsal, vue perpendiculaire- ment à l’un des! côtés , afin de montrer l’une des ouvertures latérales. Dessin schématique de la moitié de la portion. du, vaisseau dorsal représentée dans la figure précédente (coupe faite par les points a et b de la fig. 20), pour faire voir l'appareil valvulaire en perspective. Cette figure est représentée dans une position renversée, de sorte que la partie antérieure se trouve en bas, parce que de cette manière elle se prétait mieux à être vue en perspective. PLANCHE VI. Larve du Pompilus viaticus , grossie et vue sur. le dos. Les globules du fluide nourricier étaient très-grands dans cette larve. On les voitreprésentés dans la partie postérieure de l'insecte.— La direction des courants du fluide est in- diquée par de petites flèches. Dans la ligne tracée à côté de la figure, les flè- ches indiquent que le sens du mouvement des courants est de y vers z. Le vaisseau dorsal; a, le commencement dans la partie postérieure de l'insecte; b, endroit où il passe sous le ganglion sus-æsophagien; c, endroit où il reparaît après avoir passé sous ce ganglion. Du neuvième jusqu’au treizième segment, on voit quatre paires d'ouvertures latérales avec leurs appareils valvulaires ; chaque paire se trouve au milieu d'un segment. Trois courants du fluide nourricier dans lesquels on voit se diviser le courant du vaisseau dorsal ;e, le courant du milieu qui se porte entre les mâchoires, dans le labre; d, d, deux courants qui sé recourbent latéralement, se portent en arrière et se divisent entre les muscles qu'on trouve dans Ja tête pour le mouvement des màchoires. Le ganglion nerveux sus-æsophagien. Différentes parties des intestins qui, par leur couleur brun-foncé, luisent à tra- vers les téguments et le tissu graisseux. Le tissu graisseux qui couvre extérieurement tous les organes intérieurs et qui, à quelques endroits, est plus transparent qu'à d'autres; on observe en outre, plusieurs corps ronds et blancs qui sont des parties de ce tissu déjà plus or- ganisées, c’est-à-dire pourvues d'une multitude de petites trachées et entou- rées de membranes plus épaisses. Larve d'un Syrphus { Ribesü?) vue sur le dos. Les segments du corps étaient difliciles à distinguer dans cette larve. On voit les globules du fluide nourri- 92 Fic. 24. Fic. 25. Fic. 26. Fic. 27. EXPLICATION DES FIGURES. cier disséminés dans tout le corps; ils sont plus petits que dans la larve précé- dente. — Comme dans la figure précédente, une suite de petites flèches indiquent les courants du fluide. La tête. Le vaisseau dorsal ; le commencement, près de a, et la partie antérieure, près de b, ne sont pas apercevables, à cause de la graisse et des autres organes qui les couvrent. Trois paires d'ouvertures latérales avec leurs appareils valvulaires. Portion des intestins. Différentes parties du tissu graisseux. Les deux grands troncs latéraux des trachées; à, à, les stigmates antérieurs; L, les stigmates postérieurs. Un tronc de communication entre les deux troncs latéraux des trachées. Deux rameaux de trachées, assez considérables, qui partent des troncs latéraux et se partagent en un faisceau de plusieurs petites branches très-courtes, destinées probablement à aller se ramifer par la suite dans le tissu grais- seux. Une patte postérieure du Sigara coleoptrata , grossie. La cuisse. La jambe. Trachée. L'organe pulsatoire. La membrane qui est en connexion avec cet organe pulsatoire et qui s'étend dans la patte. Une patte antérieure du même insecte. Le tarse. Les autres lettres indiquent les mêmes objets que dans la figure précédente. PLANCHE VII. Une jambe d’une jeune Tettigonia viridis, grossie. La membrane qui s'étend dans la patte. La partie antérieure de la jambe. Le tarse. Trachée. Une portion du vaisseau dorsal de l'insecte parfait du Vespa crabro. Je l'ai fait représenter telle qu'elle était, quoique un peu gâtée à la partie postérieure, parce que je n’ai jamais eu une portion du vaisseau dorsal où les ligaments latéraux se montraient aussi bien; je l'ai donc fait dessiner exactement d’après nature, sans rien y changer. a, b, d. WE Urz. EXPLICATION DES FIGURES. 93 Portion du vaisseau dorsal; a, partie postérieure ; b, partie antérieure ou com- mencement de la partie aortale. Une paire d'ouvertures latérales avec leurs appareils valvulaires. Ces lettres dé- signent les mêmes parties que dans les figures de la planche V. La dernière paire de ces ouvertures. Les ligaments latéraux {les ailes du cœur). Tissu graisseux qui se trouve encore entre ces ligaments. Gaine que les ligaments latéraux forment autour du vaisseau dorsal et à laquelle adhèrent encore plusieurs globules de la graisse. Une portion de la membrane de la partie cardiaque du vaisseau dorsal du même insecte, vue sur la face intérieure et avec un grossissement de 800 fois en- viron. On y observe trois fibres musculeuses. La direction dans la longueur du vaisseau dorsal. La direction dans la largeur. Portion des ligaments latéraux du vaisseau dorsal déjà représentés dans la fig. 27 (e, e), mais vus avec un plus fort grossissement. Quatre segments de l'abdomen de l’'Ephemera diptera. La partie dorsale. La partie ventrale. Un des deux gros troncs latéraux des tranchées. Stigmates. Ondes du fluide nourricier qui parcourt le corps, de la tête vers la partie pos- térieure de l’insecte. ———““s 4 — #E AUOITYIATA AIGAT SAIOMAM 39 2NAQ 2AÂTIAAT SAAAITAM 44 SIA II A9 … + » nofesup sl & s1baoqèms àxog tie auon iup Atom 29 igjue of a9Misni sb Sa0qoiq esmmos savon 2uon iuob sibineo ni 168 .— dojue LD Suite Hit el 18 .SAINAAT FATITAHI Jortanag us aout 23h noïniusrr où nv etoile ao! sads notaire eyrieriius énoinigo 248 solos ei xoda noûteluoris sl ob sonstefes"f insmenbiins Jasin ip zun9 86 adiaigo'Le® 10igiqo 3)142 2108768 EAN 2uly é [14 »151q 200160 -bo51 1 1ioth loup sû 15700 eq Sem aoinigo'l sb 15an8q fiiwel su(} wsbrsmmsye sb 46 idgiqlel 50 noinigo'l tue isanoyl ob sllso 1e « œiuobuA'b aoiniqo'l 5Œ lisamu 15 as1598 9b lors MU 46 4fls9 5Œ vouraru@ M 86 sffso 3 tu noE M sup noïniqo stiso sb muertreg ammon soomoldetirèv onob Sites sut IL néons dl sb esnômouddq ask vue ,Efupeutesiisl anoitevisade ss1091Mib 856 ussldi . asfoseni 29/ stligsdo s0 8b noieulouoD AnNOMYE SAT AHI basic, 20l ue porn nf 1 98 Snvb mbsanine 1) vu | L &Ù 48q 36 sqnaeonim se aoitsv1sado'b snsyonr 231 sué lexrob wasuziay vb slsranèg aoiqiisaotl TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES TRAITÉES DANS CE MÉMOIRE. —— PRÉFACE. Pages. Des motifs qui nous ont porté à répondre à la question 5 Sur la manière dont nous nous sommes proposé de traiter le sujet 6 Sur la littérature du sujet. . . . . 7 CHAPITRE PREMIER. Sur la circulation des insectes en général. Deux opinions contraires existent chez les auteurs. . . : D 0. 15 De l’opinion de ceux qui nient entièrement l'existence de la rnlaton ne je insectes 1. De quel droit M. Léon-Dufour prête-t-il à plusieurs savants celle opinion? . . . . . . . 14 Que faut-il penser de l'opinion émise par Cuvier . . . . . . . . . . . . . . . àb. Sur l'opinion de Malpighi et de Swammerdam . . . . . . . . . . . . . . . . 15 EC A le AE ED Onn ete CT UE TO De l'opinion d’Audouin . . . 5e 10 ENS NOM TR RE AE EE EE SRE) De celle de MM. Marcel de se et Dore DR LUE RE NC ENORME Dercelle de fe Duyer20y . nn Ne SN NET Il ne reste donc véritablement comme partisan de cette opinion que M. Ééo DIE SACS NET Tableau des différentes observations faites jusqu'ici, sur les phénomènes de la circulation dans LS TES 5 ES COMM ot evo 0 O0 ROMA ER RC re | PE pue ce Chapitre 20 RE oc le dos UC 2 CHAPITRE SECOND. Sur la manière dont se fait la circulation dans les insectes. Sur les moyens d'observation au microscope et par la dissection. . . . . . . . . . . 30 Description générale du vaisseau dorsal . . , . . . . . . . . , . . . . . . 51 96 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES. Pages. Detatormeexierieure Qu Yaissean dorsal EC RCE Sur la dilatation de la partie postérieure de ce vaisseau dans les larves du Chironomus plumosus . Ce que j'entends par amplitude de pulsation. , . . . . . . . . . . . . . . . Sur les ligaments (ailes du cœur) qui fixent la partie postérieure du vaisseau dorsal aux tégu- MENÉE ÉT ENT Oo le MES CORP ECM SNS TT MÉMONPRIEEL : Sur la partie postérieure du vaisseau dorsal dans les chenilles du Sphinx ligustri . . . . . Sur cette même partie dans les insectes parfaits . . . . . . . . . . . . , . . Description du reste de la partie cardiaque du vaisseau dorsal et du tissu graisseux qui y adhère, MAR TPENVOS ANDEEDEES. ne Bloc CN EE ne CN Sur la forme variqueuse attribuée au vaisseau dorsal, sur la division de ce vaisseau en un certain nombre de chambres et sur la pulsation réciproque de ces chambres . . . . . . . . Sur la forme de la portion antérieure de la partie cardiaque du vaisseau dorsal dans les insectes HA Eee Ne bee à Lee vert te lee D Re Mr NU ES Sur la forme de la partie aortale du vaisseau dorsal . . . . . . . . . . . . . . De l'existence, dans la partie cardiaque du vaisseau dorsal, d'ouvertures latérales munies d'appa- reils valvulaires, et du nombre de ces ouvertures . . . . . . . . . . . . . . De la forme et de la structure de ces ouvertures et de leurs appareils valvulaires . . . . . Réfutation de la pulsation réciproque des chambres du vaisseau dorsal 4 . . . . . . . Du vrai mode de pulsation du vaisseau dorsal et de l’action des valvules . . . , . . . . Della maniere dont les pulsations se succedent M De la structure des membranes du vaisseau dorsal. . . 2. . 1. .. … . . | Des intervalles qu'on observe chez quelques insectes dans les pulsations du vaisseau dorsal . . De la fonction des ligaments (ailes du cœur) qui fixent les parois du vaisseau dorsal aux téguments EXÉÉTICULET 1e Pre DNe Rare ee D lee à 316 0e RS ON ET mt NI M RER CRE De la partie antérieure du vaisseau dorsal, après son passage sous le ganglion sus-æsophagien. Sur l'opinion des auteurs qui admettent un système vasculaire complet chez les insectes . . Sur un mouyement ondulatoire du fluide nourricier, de la tête vers la partie postérieure, dans les insectes parfaits, et sur les observations de Malpighi et de Réaumur, qui semblent avoir observe uniphénomeneanalopue 0. 1. ci ET RC Des motifs pour lesquels je ne crois pas devoir admettre , dans les insectes , des vaisseaux autres QUE TE VASE EAU UOT SA Ne AUS US NN CR CT CECI Mode de circulation du fluide nourricier dans le corps des insectes . . . . . . . . . De la manière dont le fluide nourricier circule dans les appendices du corps, et des organes quuserventaretteCILQUIARON NL NT CRT AN Peel ER CU Rxnheshan des 6 pnnes 0 nn FIN. 51 :b. 52 1b. 54 56 66 MEMOIRE EN RÉPONSE A LA QUESTION SUIVANTE : FAIRE UN EXPOSÉ RAISONNÉ DES SYSTÈMES QUI ONT ÉTÉ PROPOSÉS POUR L'ÉDUCATION INTELLECTUELLE ET MORALE DES SOURDS-MUETS ; ÉTABLIR UN PARALLÈLE ENTRE LES PRINCIPALES INSTITUTIONS OUVERTES A CES INFORTUNÉS DANS LES DIFFÉRENTS PAYS, EN EXPOSANT LES DIVERS OBJETS DE L'ENSEIGNEMENT , LES MOYENS D'INSTRUCTION EMPLOYÉS, LE DEGRÉ D'EXTENSION DONNÉ A L'APPLICA- TION DE CES MOYENS DANS CHAQUE INSTITUTION, ET, ENFIN, DÉTERMINER, D'APRÈS UN EXAMEN COMPARÉ DE CES MOYENS D'ENSEIGNEMENT, CEUX AUXQUELS ON DOIT ACCORDER LA PRÉFÉRENCE ; Par L'ABBÉ CARTON, DIRECTEUR DE L'INSTITUTION DES SOURDS-MUETS À BRUGES. Digitisque loquor gestumque decoru {Couronné dans la séance générale des 7 et 8 mai 1K4b.) Tome XIX. I AL ILES ec j VITITé LE SOURD-MUET. Avant de passer en revue les divers systèmes que l’on a proposés pour l'instruction des sourds-muets, il est essentiel de nous fixer sur l’état moral de ces malheureux avant leur éducation; nous devons connaître le point de départ, afin de pouvoir juger de la valeur des moyens qu'on emploie pour arriver au but. Doué comme l'enfant ordinaire d’une âme raisonnable, le sourd-muet est capable comme lui d'acquérir le développement de sa raison. Il possède comme lui les éléments nécessaires à ce développement : il a l'instinct comme ceux avec lesquels il doit entrer en relation, et ce point de contact permet déjà la formation d’une convention pour obtenir de la société l’usage 4 SUR L'ÉDUCATION de la parole. D'un autre côté, il est en communication avec la nature, dont il reçoit des impressions par ses sens, qui lui suggèrent des détermina- tions semblables à celles des personnes avec lesquelles il est destiné à en- trer en relation. Mais à ce point commence la différence. Chez l'enfant ordinaire, toute impression se résout en un son; par l’in- tervention des mères chaque son s'organise en parole, et, par la parole, l'enfant se trouve en relation avec l'intelligence sociale qui lui ouvre ses trésors. La nature parle au sourd-muet comme à ceux qui entendent : son lan- gage est compris par lui, et il suscite en lui des déterminations comme dans l'intelligence des entendants; mais les impressions de ses sens ne se résolvent qu'en signes, et les signes ne s’organisant pas en une langue connue de ses semblables, ne le mettent pas en communication avec les opérations intellectuelles des hommes. Il reste isolé, et cet isolement le prive de toutes les connaissances que les hommes possèdent, soit par la révélation divine, soit par l'expérience sociale. Lorsque nous nous examinons et que nous essayons de donner une date à l'acquisition de nos notions morales et intellectuelles, notre mé- moire est impuissante à en fixer une : elles se trouvaient en nous au mo- ment où la mémoire a commencé son action; il semble que ces notions nous aient accompagnés à notre entrée dans la vie, ou qu’elles soient innées en nous; mais on a fait justice de cette opinion. Un seul fait d’ailleurs aurait suffi pour'renverser complétement cette théorie : c’est l'ignorance des sourds-muets de naissance; c’est le vide que l'on peut constater dans leur intelligence avant qu'ils aient été mis en rap- port avec les notions ou les traditions sociales. En pr DES SOURDS-MUETS. b) Telle est la nature de notre intelligence qu’elle ne se développe que par la foi : l'enfant croit à sa mère avant de raisonner, et c’est d’elle qu'il reçoit l'instrument au moyen duquel il sera mis en état de raisonner; il reçoit par les sens l'impression de tout ce qui l'entoure, et il accepte de confiance l'expression que lui en donne sa mère. Vaguement compris d’abord, ce mot ou cette expression s'explique de plus en plus par les déterminations que prend la mère et qu’elle exprime en agissant, de manière que chaque mot occupe successivement toutes les positions qu'il peut occuper dans les formes syntaxiques de nos lan- gues ; or, chaque position nouvelle révèle plus complétement sa valeur et sa destination : puis, les gestes de la mère, les traits de sa physionomie, le ton et les inflexions de sa voix complètent cette explication ; et ses me- naces, ses caresses, ses pleurs, son sourire, toute la vie enfin de la mère devient, par une admirable disposition de la Providence, une révélation continuelle. Sous l'influence si bienfaisante de l'amour maternel, l'intelligence de l'enfant éclôt enfin : il lance son premier mot, il naît à la vie intellec- tuelle, et les joies de la maternité se renouvellent pour celle qui l’a porté dans son sein : elle nourrira cette seconde vie et l'instinct devien- dra sentiment; le sentiment excitera des idées qui s’associeront successi- vement aux mots, et l'enfant acquerra la langue, et, avec la langue, toutes les notions qu'elle exprime. Il est évident que la parole est l'instrument au moyen duquel on nour- rit si admirablement l'intelligence de ceux qui jouissent de l’ouie, puisque la privation de ce sens, et, par suite, l'impossibilité d'acquérir la parole, causent un si triste dénûment intellectuel dans le sourd-muet. Pour remédier à cette fatale position, trois systèmes ont été pro- posés. 6 SUR L'ÉDUCATION Premier système : Remplacer la langue par les signes et le dessin. Deuxième système : Organiser les signes en langue mimique ayant une syntaxe calquée sur celle de nos langues. Troisième système : Enseigner directement nos langues au moyen des signes. DES SOURDS-MUETS. 7 PREMIÈRE PARTIE. PREMIER SYSTÈME. REMPLACER LA LANGUE PAR LE DESSIN ET LES SIGNES. Tous les instituteurs ont eu l’idée, d’ailleurs simple et naturelle, d’em- ployer des estampes et des images en commençant l'instruction des sourds- muets. Kerger, Arnoldi, Wolke, et Bébian surtout, se sont servis de cet instrument avec bonheur, Ce dernier instituteur a montré comment on peut utiliser le dessin pour communiquer des notions abstraites. IL est certain qu'on est parvenu par cette méthode, à communiquer certaines notions aussi bien qu'on aurait pu le faire par les signes; ce sont deux moyens d'instruction qu'on a d’ailleurs toujours employés simultanément, Le dessin et les signes ont cela de commun qu'ils retracent à la vue l'image des choses absentes ou d'actions passées; ils servent par consé- quent, l’un et l’autre, à communiquer une idée à celui qui l'ignore, ou à développer cette idée dans l'intelligence de celui qui en a déjà une notion incomplète. 8 SUR L'ÉDUCATION Les signes ou gestes offrent souvent plus de ressources que le dessin: ils sont plus vivaces, plus animés, peuvent être accompagnés de positions significatives du corps ou de traits expressifs de la physionomie; ils s’unis- sent donc mieux aux idées et s'adaptent plus facilement à toutes les mo- difications que les idées peuvent subir; ils peuvent d’ailleurs exprimer presque simultanément et dans un seul tableau, l'affirmation et la néga- tion, une qualité et son absence, le oui et le non, l'être et le non-être. Le dessin a cependant des avantages que ne possèdent pas les signes. En rendant permanente l’image des idées, il permet de faire une étude prolongée des objets qu'il représente; il soutient l’attention du sourd, lui permet de se reposer, il l’aide à se fixer, et il lui offre le moyen de re- venir, par ses sens, sur l’objet, de le comparer à d’autres et de le classer; il permet de juxtaposer plusieurs expressions, et laisse embrasser d’un coup d'œil ce que les gestes, qui sont essentiellement mobiles, n’offrent que d’une manière successive, Le dessin est donc en quelque sorte aux signes, mais dans un ordre in- férieur, ce que l'écriture est à la parole. Mais, dès qu’il veut s’essayer sur l'ordre moral, intellectuel ou abstrait, il donne lieu aux plus fatales méprises. Il est vrai que, pour nous, le statuaire et le peintre peuvent exprimer un sentiment, une idée, aussi bien que l’expriment les mots dont nous nous servons; ils font mieux : ils savent, dans leurs chefs-d’œuvre, exprimer un idéal auquel la réalité ne saurait jamais atteindre; mais, qu’on ne s’y trompe pas, cet idéal que nous saisissons, qui nous dit des choses que les expressions de nos langues ne sauraient définir, cet idéal, dès qu’il sort de l'ordre sensible, est complétement muet pour un sourd de naissance. Dans ces sortes d’impressions , on ne distingue pas assez ce qui vient de nous de ce qui nous vient de l’objet que l’on voit. La vue comme instru- ment de l'intelligence, n’est jamais au-dessus du niveau de l'intelligence; plus l'intelligence est développée, plus la vue se développe. On ne peut voir que ce que l’on sait : nous ne voyons pas dans une feuille verte, les nuances des couleurs que le peintre y découvre; et il n’est pas nécessaire de des- cendre bien bas dans l'échelle des classes civilisées , pour rencontrer des personnes qui resteront froides devant une statue ou un tableau qui re- EE fs CL MNemM.des Sav.elr, 10 Fa Méro.coux et Mém.di av êtr, Tome XIX Merde ME Verloren PI Mém.cour.et Mém.des Sav.ctr, Tome XIX. Mem. de M" Verloren, PLI. si Mémcour. et Méni des Sav. êtr, Tome XIX. Mem. de M! Verloren PIE We a As Lo nn ÉS EE ù » À deg 2" ,° Mém.cour. et Mem. des Sax.étr, Tome XIX. Mém.de M? Verloren, PLIV, ) 1 Net 4 D Men. de M° Verloren. PLV. tr, Tome XIX. Mém. cour. et Mém.des Say. € Lis ; Cu à ! Méim.cour. et Mém.des Sav. ét. Tome XIX. Mem.de M° Verloren, PI. VI eL Figi22, ga Mém.cour. et Mém.des Sar.étre, Tome NIX. Mém.de ME Verloren, PEVH Fig de. DES SOURDS-MUETS. gd muera profondément l’homme de goût. Il ne faut donc pas juger des res- sources du dessin pour l'instruction des sourds-muets, par l'impression qu'il fait sur nous et par les idées qu’il nous communique. Le dessin, dès qu'il sort de sa sphère naturelle, c’est-à-dire, dès qu'il veut exprimer autre chose que des formes, n’est plus dessin pour un sourd-muet; il ne lui présente que des lignes, et loin d'élever son intelligence, il ne servi- rait plus qu'à matérialiser une idée. Non-seulement un élève chez lequel on emploierait imprudemment cet instrument de communication, ne serait pas instruit, mais il serait poussé dans l'erreur : mieux valait l'ignorance; car il est plus difficile de redresser une erreur que d'introduire dans l’in- telligence une notion vraie. Remarquons encore que le dessin et les gestes ne peuvent souvent pas donner une idée exacte d’une chose, et qu'il est bien des cas où ils ne peu- vent remplacer l’objet lui-même. La nature excitera toujours des impres- sions qu’elle seule peut donner exactement, et il sera toujours indispensable de promener nos élèves sur ce théâtre, si l’on veut qu'ils comprennent leur existence et leurs rapports avec ce qui est. Pour ne donner qu’un seul exemple, pris encore dans l'ordre matériel : comment dessiner ou exprimer par des gestes le mot — lait? Si, pour l’ex- primer, on prend le signe de — traire, quel signe prendrons-nous pour rendre l’action que ce verbe exprime? À moins qu'un objet dessiné ne se distingue par des formes assez caractéristiques pour que la vue de ces for- mes amène nécessairement l’idée de l’objet, il est toujours difficile de con- stater si l'élève a une idée exacte, une notion claire, lorsqu'une action ou un dessin doit faire comprendre la valeur d’un substantif. Les productions de la nature sont destinées par la Providence à nous parler de Dieu. Le dessin ne nous dit jamais que les formes des objets, d’une fleur, par exemple; il rend au plus sa forme et ses couleurs, mais l'odeur dont elle embaume nos jardins, la transparence de ses feuilles, le moelleux de ses pétales, le balancement qu'elle subit sous l'impres- sion du moindre vent, sa vitalité, le développement successif de toutes ses richesses; tout, en un mot, dans une fleur naturelle, a une voix, A côté d'elle le dessin n’est qu'un cadavre. Tome XIX. 2 10 SUR L'ÉDUCATION Ceci prouve qu'il n’y a pas de voie de communication qui n'ait son utilité et qu'il n’en est pas qui suffise à elle seule et prise isolément. La nature réclame le concours simultané de tous les sens et le secours qu'ils procurent à l'intelligence, pour son développement régulier. Il est cependant curieux d'étudier les essais que l'on a tentés pour donner aux sourds-muets les notions les plus indispensables, au moyen d'images. Ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d'observer, d'étudier et dé suivre l'éducation d’un sourd-muet au sein de sa famille, se font à cet égard les idées les plus fausses : ils s’imaginent que toute communication avec ces infortunés est impossible, ou du moins si difficile, qu'il faut toutes les ressources d’une science pour y réussir. Dans le fait, cette communication s'établit si naturellement, si succes- sivement, avec des nuances si déliées, qu'elle existe déjà sans que ceux avec qui elle s’est établie s’en soient aperçus. C’est ainsi que procède tou- jours la nature. Les petits sourds-muets donnent eux-mêmes l'idée de cette langue, en recourant aux signes, comme le font d’ailleurs les enfants à qui l’ouïe n’a pas été refusée; ils y arrivent par le besoin, par la nécessité et surtout par l'instinct: mais, ce qui leur en facilite les moyens, ce qui leur abrége la route de cet enseignement, c’est l'amour des parents, le désir des frères et des sœurs d'entrer en communication avec leur petit frère. Un fait consolant, c’est que les enfants réussissent mieux que les autres à communiquer avec les petits sourds-muets : il suffit, en effet, d’oser pour réussir; 1] est si naturel à l’homme d'entrer en communication d'idées avec ses semblables , que, pour peu qu’on l’essaie, on est sûr de quelque succès. Ce sont surtout les prétentions de la science qui ont retardé l'in- struction des sourds-muets : sans les préjugés qu’elle a su inspirer contre cette possibilité, on l’aurait essayée plus tôt et plus souvent. Il est cependant probable que là où la science n’a pu y mettre obstacle, des essais ont été tentés pour communiquer à ces infortunés quelques notions au moyen du dessin et des signes. Un seul argument suffit pour le prouver, c'est que ce fait se renouvelle encore aujourd’hui dans presque toutes les familles où naît un sourd-muet. J'ai eu bien des fois l’occasion ETC bise DES SOURDS-MUETS. 11 de reconnaître ces notions chez de petits sourds-muets admis chez moi. Je les ai généralement trouvés animés du plus vif désir d'apprendre; ils savaient qu'ils seraient longtemps absents de leur maison; qu'ils rece- vraient dans l'intervalle la visite de leurs parents ou de leurs frères, et qu'après un certain temps, ils seraient admis à faire leur première com- munion. Le nombre de ceux qui ignorent tous ces détails est très-petit, si on le compare à ceux des enfants qui les connaissent et qui les doivent uniquement aux relations qu’ils sont parvenus à établir entre eux et leurs parents. Sous l'influence des cultes anciens, et surtout en Grèce, où tout se matérialisait ou prenait un symbole, l'éducation d’un sourd-muet à dû coûter moins. Àu moyen âge, les meubles par leurs sculptures, les églises par leurs peintures et le nombre innombrable de statues et de statuettes dont elles étaient ornées, offraient à chaque pas un moyen d'instruction; tout parlait alors dans les temples. Il est indubitable que le zèle religieux aura engagé les chrétiens à utiliser les vitraux peints des églises, pour initier autant que possible les sourds-muets à la connaissance des vérités révélées 1. Quelques faits isolés d’une pareille instruction au moyen d'images, sont parvenus jusqu’à nous, et je les exposerai avec quelques détails, parce qu'aucun historien de Part d'instruire les sourds-muets ne les a connus. 1 L'église a de bonne heure encouragé les fidèles à orner les églises de peintures et de verreries. Le synode d'Arras de 1025, avait en quelque sorte consacré cette direction, en déclarant que les peintures sont le livre des simples et des ignorants. On les appelait encore le livre des laïques et des idiots; mais qu'entendait-on alors par idiots? S. Grégoire semble insinuer que ce sontles sourds- muets, lorsqu'il écrit que « les tableaux sont pour les idiots qui les voient, ce que l'écriture est » pour ceux qui lisent; les ignorants y découvrent ce qu'ils doivent suivre; ceux qui ne connais- » sent pas les lettres y lisent leurs devoirs. » En distinguant entre les laïques et les idiots, ne paraitrait-il pas qu'on a voulu indiquer les sourds-muets, qui, par suite de leur malheur, pas- saient alors pour des idiots; si l'on avait voulu marquer par ces mots les aliénés et les fous, le but n'aurait pas pu être atteint. Plus tard , cette habitude rencontra de l'opposition; on voulut supprimer les peintures et les statues. Je ne puis m'empêcher de rapporter ici l'apostrophe de Thomas Waldensis à ces Vandales : « Pourquoi, dit-il, un artiste ne pourrait-il pas exprimer par des signes, ce que l'écriture exprime » par des lettres? Le pinceau pèche-t-il là où la plume est innocente? Une image serait-elle » coupable lorsque les lettres ne le sont pas? » 12 SUR L'ÉDUCATION Alanus Copus, cité par Philippe de Berlaimont dans son Paradisus pue- rorum !, parle, d’après les lettres des missionnaires, d’un enfant sourd- muet indien qui demandait avec instance le baptème aux Pères Jésuites, et qui fut admis à le recevoir, parce qu'il sut les convaincre qu'il possé- dait une notion suffisante de la religion. Il leur montra avec une grande vénération l’image de Jésus crucifié, et il leur dit, par ses signes, que Jésus était mort pour la rédemption des hommes; que l’image n'était qu'un morceau de bois façonné, mais qu'elle représentait celui que nous devons tous adorer et imiter. Ce fait a dû être souvent répété; on doit en trouver d’autres exemples, mais on a négligé de les signaler. Il serait utile que tous les savants annotassent les faits de cette nature, lorsqu'ils les rencontrent dans leurs recherches. En 1647, le Père Guillaume Steegius a fait imprimer à Anvers, une collection d'images intitulée : La doctrine chrétienne expliquée d'une manière intelligible par le langage du dessin ?. Ce travail est le plus complet et le plus curieux qu'on ait jamais publié sur cette manière de faire comprendre les vérités de la foi. L'ouvrage est divisé en neuf tableaux avec une explication en flamand des points proposés. Ces tableaux sont subdivisés en trois cents comparti- ments, représentant souvent d’une manière ingénieuse, les articles de la foi, les mystères, les commandements de Dieu et de l’église, les vertus, les vices, les œuvres de miséricorde, les fins de l’homme et une vie de Jésus. Steegius n'a pas composé son ouvrage dans le but de le faire servir à l'instruction des sourds-muets; mais on s’en est immédiatement emparé dans l'intérêt de l'instruction religieuse de ces malheureux. Il se prêtait trop évidemment à cet usage, pour qu'on puisse douter que l’auteur n’ait pas eu les sourds-muets en vue lorsqu'il l'a composé : je connais divers exemples de sourds-muets instruits au moyen de ce livre. ! Paradisus puerorum in quo primaeva honestalis totiusque pueritiae recle informatae reperiun- tur exempla, per R. P. Philippum de Berlaymont, socielatis Jesu. Duaci, 1618. >? De christelycke leeringhe verstaenelyker uytgeleyt, door eene beeldensprake, door P. Joannes Steegius, priester der Societeyt Jesu. Antwerpen, 4647, in-4°. DES SOURDS-MUETS. 15 Parmi ceux qui s’en sont servis, le sourd-muet Joseph Caigny mérite une mention spéciale. Ce sourd-muet naquit à Pitthem, vers 1750. Dès son enfance, ses pa- rents lui inspirèrent une tendre piété et développèrent avec soin ses heu- reuses dispositions. Quoiqu'il fût sourd-muet de naissance, son éducation réussit si bien , que dès lors il excita l'admiration publique. Le curé de la commune lui permit de servir d’acolyte dans l’église, et il inspira la dé- votion par l'air recueilli et respectueux qu'il conservait pendant le service religieux. A cette époque, se trouvait à Heule, près de Courtrai, une demoiselle nommée Marie-Joseph de Brabandere, qui jouissait d’une grande réputa- tion dans l’art d’instruire les sourds-muets. Caigny fut placé auprès d’elle dès l'âge de douze ans; elle lui donna une Bible en estampes et un autre livre de dessins qu’il conserva toute sa vie avec le plus grand attache- ment. Ces livres provenaient de la bibliothèque du seigneur de Cuerne, qui avait eu deux fils sourds-muets dont l'éducation avait été faite au moyen d'images. M. Alexandre Rodenbach, dans son Coup d'œil d’un aveugle sur les sourds- muets , nous a conservé le souvenir d’un autre sourd-muet qui avait reçu son éducation chez sa cousine M: Lagae, sourde-muette à Heule, et ensuite dans la famille Deurwarder, à Courtrai 1. Ces faits sembleraient prouver que les essais de ce genre, dans notre pays, datent au moins du commencement du XVIII siècle. J'ai eu en main des livres d'images grossièrement dessinées, qui avaient servi à l’in- struction des sourds-muets et qui paraissaient remonter à une époque encore plus ancienne. En rentrant chez lui, Caigny utilisa ses connaissances dans l’intérêt de ses frères d’infortune. IT avait dans la figure une expression de bonté et d'intelligence qui lui conciliait l'estime de tous ceux avec qui il se trou- vait en rapport. La bienveillance et la douceur de son caractère le ren- daient éminemment propre à la mission qu'il s'était imposée. 1 Coup d'œil d'un aveugle sur les sourds-muets, par Alexandre Rodenbach. Bruxelles, 1829. 14 SUR L'ÉDUCATION Caigny était très-ingénieux pour tous les ouvrages manuels. Il s’'amu- sait souvent à sculpter : c’étaient toujours des traits de la Bible qu'il prenait pour sujets de ses sculptures. C’est ainsi qu'il sculpta sur une canne les traits les plus saillants de l'Ancien Testament, en commençant par l'histoire d'Adam et d'Eve et en descendant jusqu’au Christ. Une au- tre canne lui servit à y tracer l’histoire de la passion de Notre-Seigneur : ses amusements servaient ainsi à l'instruction de ses disciples. On a calculé qu'il instruisit de trois à quatre cents sourds-muets. Ce qui contribua surtout à lui faire trouver des élèves, c'est qu'il allait demeurer comme pédagogue dans les familles qui avaient des enfants de cette catégorie. Dans l'instruction de ceux de ses élèves que j'ai connus, Caigny faisait constamment usage de l'ouvrage de Steegius, de la Bible en estampes et d’une espèce d'histoire ecclésiastique en figures; mais, d’après ce que jen ai pu juger, il ne considéra jamais les images que comme un moyen auxi- liaire, comme une espèce d'écriture en signes permanents d'idées qu'il avait préalablement développées par une pantomime extrêmement expres- sive. , Caigny ne se bornait pas, dans cette éducation, à des notions assez éten- dues de l'histoire sainte et des mystères de la foi; il y ajoutait quelques teintures de l’histoire générale. Il racontait de préférence les phases prin- cipales de la révolution française. 11 les connaissait parce qu'il avait été témoin de quelques faits, et que ses parents et ses amis l'en entretenaient. Un pareil drame, mis en récit au moment même où toutes les péripéties s'en déroulaient au dehors, faisait sur Caigny une impression d'autant plus profonde, que le narrateur en était lui-même glacé d'horreur. Sa curiosité l'avait un jour poussé à aller voir les Autrichiens aux prises avec les Français. Sa surdité lempéchait d'entendre le canon, et son ignorance des dangers qu'il courait, lui inspirait une confiance impru- dente. Surpris par un corps d'observation, il fut conduit devant le général comme espion. Sa curiosité aurait pu lui être fatale. Il tomba heureu- sement entre les mains de Pichegru, qui, frappé de son air de candeur, de naïveté et de sincérité, l'examina avec intérêt. Caïgny s’expliqua avec DES SOURDS-MUETS. 15 tant de vivacité et de bonheur, qu’il sut convaincre le général qui le fit mettre en liberté en lui recommandant avec bonté de rentrer chez lui, sil ne voulait pas devenir victime de sa curiosité. Plus tard, le curé de Meulebeke essaya d'établir une école de sourds- muets dans le local de l'hospice des vieillards qu'il avait fondé dans cette commune. Caigny en eut la direction pendant plusieurs années; mais il paraît que cette institution charitable dut cesser, par suite des exigences de la famille de notre sourd-muet. Peu de temps avant l'abbé de l'Épée, le père Vanin, de la doctrine chrétienne , avait aussi élevé à Paris des sourds-muets au moyen d'images. Les renseignements qui nous sont parvenus sur sa méthode se bornent à des indications vagues fournies par les rapports des commissaires de l’Académie des sciences, écrits au sujet de Pereire. Il eût été d'autant plus curieux de connaître les procédés du père Vanin avec quelques détails, qu'il est le seul en France qui ait employé ce moyen d'instruction. Au commencement du régime impérial, un curé de Bruges fut envoyé à Paris, où il séjourna pendant quelque temps dans l'institution des sourds- muets, pour y étudier la méthode de l’abbé Sicard. À son retour, il forma quelques disciples, mais ce qui doit étonner, c'est qu'il n'employa pour leur instruction que des signes et un livre d'images. Ceux de ses élèves que j'ai eu l’occasion d'examiner, savaient tout au plus tracer leur nom, mais ils s’expliquaient très-bien par signes et conservaient un tendre sou- venir de leur maitre. Ce n’est qu'après avoir achevé la rédaction de mon mémoire que j'ai eu connaissance des essais de M. Van Hoenacker, curé du Quesnoy. Ses tra- vaux doivent dater de la première moitié du XVIIT: siècle, car, en 1764, époque à laquelle l'abbé de l'Épée n'avait encore rien publié, M. Van Hoenacker fit un exposé complet de sa méthode, d’après l'ordre qu'il en avait reçu du vicariat de Tournay. Ce furent évidemment les succès que ce pasteur avait obtenus dans l'instruction des sourds-muets , qui en- gagèrent les grands vicaires de Tournay à lui demander d'écrire un exposé de sa méthode. Les manuscrits de M. Van Hoenacker sont conservés à la bibliothèque de Bourgogne. 16 SUR L'ÉDUCATION Une note qui se trouve en tête du deuxièmevolume de ces manuscrits, montre que la rédaction de ce mémoire avait pour but de convaincre les évêques des Pays-Bas de la possibilité d’instruire les sourds-muets en commun; car, dit l’auteur, « ils avaient l'intention, si le succès ré- pondait à leur attente, de réunir les sourds-muets en une école. » Ce fait n'est pas connu dans l’histoire de l’art, et le projet dont il s’agit est d'autant plus digne de remarque, qu’on a tenté de le réaliser à une époque où il n'avait encore été essayé nulle part. J'ignore, du reste, les obstacles que ce projet a rencontrés, et par quel motif les bonnes intentions de nos évé- ques n’ont pas obtenu le résultat désiré: M. Van Hoëenacker n'avait aucun doute sur le succès de l’épreuve à laquelle on l'avait soumis. « Il ya, » dit-il, à Lille, un sourd-muet, nommé Gérard , instruit d’après ma mé- » thode. Ils pourront le faire examiner par qui ils trouveront bon, ou » lexaminer par eux-mêmes, et, si ce muet fait voir qu'il entend le sens, » mot par mot, de tout ce qui est écrit dans ce discours, cette preuve sera » convaincante qu'on peut apprendre aux muets les vérités de la religion » par des images, des signes et en se servant de l'écriture: » M. De Gérando, dans son ouvrage si remarquable Sur l'instruction des sourds-muets, exprime ses regrets de ce qu'on n'ait que quelques indications vagues sur les procédés du père Vanin , qui enseignait à l’aide d’estampes. « Ileût été, dit-il, d'autant plus curieux de connaître avec quelques détails ce procédé, qu'il est le seul, en France, qui ait employé ce procédé. » M. Van Hoenacker expose dans tous ses détails la méthode qu'il em- ploya dans l'instruction de ses élèves, au moyen des images : il est donc important d'en présenter une analyse complète. Son ouvrage est sans doute le seul monument de ce genre qui nous ait été conservé. Il forme deux vo- lumes de 700 pages in-4° chacun ; le premier est le Dictionnaire et le Ca- téchisme; le second est intitulé : Discours sur la manière d'instruire les muets des vérités de la religion. «Un pasteur, dit M. Van Hoenacker, qui a des muets dans sa paroisse » est obligé, par état, de faire de son mieux pour leur faire connaître le » vrai Dieu, Jésus-Christ son fils, et les autres vérités de notre sainte » religion. Les muets qui ont reçu le don de la foi et l'Esprit Saint, DES SOURDS-MUETS. 17 sont des brebis de ce pasteur qui a dit : Laissez venir à moi les petits enfants ; qui, les embrassant et leur imposant les mains, les bénit; qui remercia son Père de ce qu'il l'avait fait connaître aux petits, et qui, pendant sa vie mortelle, a eu des entrailles de charité pour les muets qu'on lui présentait. » Un pasteur qui remplit les devoirs de sa charge, a tout sujet de croire que ces muets, qui sont ses brebis, entendront sa voix, puisqu'il en est le pasteur et l’homme choisi de Dieu pour les instruire; et, malgré les difficultés qu'il rencontrera à les instruire des mystères de la foi, que ce pasteur mette sa confiance en celui qui forme le sourd et le muet, et espère que Dieu l’éclairera et éclairera ces muets. » J'ai copié textuellement les expressions vives et ardentes des sentiments qui animaient le digne pasteur; il était impossible qu'avec une foi et une confiance si vives, il ne réussit pas à former le cœur de ses élèves et à leur inspirer des notions élevées de Dieu. Avant de commencer l’exposé des procédés méthodiques de cette in- struction, telle que M. Van Hoenacker la concevait, nous allons indiquer l'idée qu'il se formait du muet qui n’a pas encore reçu les bienfaits de l'enseignement. « Un muet, dit-il, excepté le don de la parole, est un » » homme aussi parfait que ceux qui parlent; son esprit et son cœur sont comme le cœur et l'esprit des autres hommes; il sait, par son sen- timent intime, qu'il y a en lui un être qui pense; que ce qui pense en lui a de la joie, du plaisir, aime d’être heureux, sent la douleur, craint le mal, compatit, etc., etc. Il a souvent l’odorat plus fin que les autres; il lit mieux que nous dans les traits du visage et surtout dans les yeux, ce qui se passe dans l’âme, etc. Il s'aime soi-même, il est sensible aux plaisirs, il hait le mal, il désire le bien. Dieu a mis dans son àme ce penchant si naturel à l'homme de se rendre heu- reux, et cette piété qui fait que tout homme a de la répugnance à faire le mal; il sent de la peine à voir souffrir son prochain. Mais, je découvre également en lui tous les sentiments contraires ; il est parfois colère, hautain, emporté; il aime à éprouver ma patience, à me faire de la peine. Les grandeurs et les misères de Fhomme sont visibles en Tome XIX. 3 18 SUR L'ÉDUCATION » eux. On voit par ces inclinations si étonnamment contraires, qu'il ÿ a » dans l'homme quelque grand principe de bien et quelque grand prin- » cipe de misère. Il a dans l'instinct tout ce qu'il faut pour se conserver, » etil a, dans la raison, le pouvoir d'acquérir tout ce qu'il faut pour vivre » en société et atteindre le but de son existence. » Avec des idées si élevées de sa mission, et si justes de la position mo- rale et intellectuelle de sen élève, M. Van Hoenacker a dû réussir dans ses efforts. Son travail est divisé en treize points, qu'il examine successivement. Ces points sont : 1° L’utilité des signes pour instruire un muet des vérités de la religion ; 2° Quels sont ces signes ; 5° La nécessité de se servir d'images ; 4 De quelles images il faut se servir ; > S'il est utile et même nécessaire de joindre des mots aux signes ; 6° Comment on peut parvenir à faire connaître et à retenir la signifi- cation des mots; 7° Les différentes méthodes de se servir de mots joints aux signes et aux images; 8 Si, au moyen de quelques mots joints à des signes et à des images, on peut donner au sourd-muet les mêmes notions des mystères qu'en ont ceux qui parlent; 9 L'idée que doit se former du sourd-muet celui qui Pinstruit; 10° Quelles sont les vérités que lon doit premièrement enseigner aux sourds-muets ; 11° Importance de cette instruction ; 12° Quelle serait la méthode la plus certaine pour instruire les sourds- muets en COMMUN ; 15° Ce qu'il y a de consolant pour un pasteur qui accepte la tâche d'instruire les sourds-muets. J'ai déjà exposé les idées de M. Van Hoenacker sur le neuvième point. Les sixième et septième n’ont aucune importance. Les autres points, c'est-à-dire, les 8, 10°, 11°, 12° et 15°, ne sont que des corollaires des DES SOURDS-MUETS. 19 cinq premiers de son Discours; ce sont ceux-là que je vais m'attacher à analyser fidèlement, en y ajoutant mes remarques, afin de montrer la va- leur de ses procédés. Il ya, dit l’auteur, des signes qui expriment bien plus vivement que la parole, un fait ou une vérité. Il cite à l'appui de ce principe, le fait de ce roi scythe qui envoya à Darius un oiseau, une souris, une grenouille et cinq flèches, pour lui faire comprendre le danger dans lequel son armée se trouvait. Il cite la rhé- torique d’un vieillard qui s'était trouvé à huit batailles, et qui, échappé de la prison pour dettes, montrait sa poitrine couverte de blessures et son dos ensanglanté par les coups que son créancier lui avait fait donner, etc., etc. M. Van Hoenacker parcourt ensuite toute l'Écriture sainte, et en rapporte tous les passages où un signe exprime vivement une idée, comme lorsque David montra à Saül le morceau du manteau qu’il s'était contenté de couper lorsqu'il pouvait le tuer; il exprime, en effet par là, et d’une manière saï- sissante, son respect pour la personne sacrée du roi. Il cite encore le lévite qui coupa le corps de sa femme tuée, en douze morceaux, qu'il envoya aux douze tribus, pour marquer l’exécrable méchanceté des habi- tants de Gabaa. A ce signe, les Israélites jurèrent de punir le crime. Les signes peuvent même, dit-il, exprimer l'idée de ce qui doit arriver ; et, à ce sujet, il invoque les signes donnés par les prophètes pour prédire l'avenir. Dieu même, dit M. Van Hoenacker, se sert de signes pour conserver le souvenir des vérités; et c’est ce qu'il prouve en citant le tabernacle, la manne conservée dans l'arche, la verge d’Aaron, les douze pierres prises dans le Jourdain, la circoncision, le sabbat, l'année sabbatique, le jubilé. Les signes sont donc, suivant lui, le moyen le plus propre et le plus à la portée de tout le monde, pour faire connaitre les vérités de la religion; aussi, dans la religion du Christ, tout ce qu’on voit dans le culte extérieur est-il un signe de ce qui est, ou d’un des effets que l'on espère, et les muets voient comme nous; il est vrai qu'ils ont un voile sur les yeux tant qu'on ne les a pas instruits, mais ce qu'ils voient les dispose à comprendre ce 20 SUR L'ÉDUCATION que le pasteur leur expliquera. Un signe obscur d’abord, est bientôt com- pris, quand on l'explique par l’image. Mais, quels sont les signes qu’on doit d’abord employer, ou plutôt, quelles sont les vérités que l’on doit avant tout faire connaître aux muets? Dans les méthodes que l’on suit à présent, on se sert d'images pour faire connaître la valeur des mots; les faits gravés, peints ou mimés, sont employés pour expliquer la phrase, et c’est par la langue apprise sous l’im- pression des faits qu'on enseigne la religion. M. Van Hoenacker emploie les images et les signes comme une espèce de langue connue avant toute explication, et il s'attache à exposer directement les vérités surnaturelles. Or, il pense que l’ordre le plus naturel de cette communication, le modèle le plus parfait à suivre dans cette explication, est le discours de saint Paul, dans l’aréopage. En effet, dit-il, le grand apôtre voulait faire connaître aux Athéniens le Dieu inconnu et le Sauveur de l'humanité, et c’est ce que doit vouloir ; le pasteur. Paul commence par dire que ce Dieu inconnu a fait le monde. Le pasteur fera done d’abord voir au sourd-muet, le saint nom de Dieu dans les gravures, et surtout dans celles où l’on représente des hommes adorant Dieu; le pasteur et son élève devront aussi se pros- terner. Puis, le pasteur tàchera de faire connaître par ses œuvres, ce Dieu qu'il vient d’adorer. Avant tout, il fera voir dans les gravures du Spectacle de la nature, par Pluche, tous les métiers de l'homme, afin que le sourd-muet puisse con- naître ce qui est fait par les hommes. Ensuite, il promènera son élève dans les champs, en lui faisant remar- quer tout ce que Dieu a fait : les moissons, les arbres, les animaux, le so- leil, la lune, les étoiles, et il lui fera bien comprendre que toutes ces choses sont des œuvres de Dieu. Il respirera devant le muet et il lui dira : c’est Dieu qui nous donne la vie, ainsi qu'à tout ce qui vit. I lui dira, par signes, que c'est Dieu qui fait battre le cœur, qui fait que l'homme marche, que c’est lui qui donne l'être aux enfants que l’on voit jouer, que DES SOURDS-MUETS. 21 Dieu est le père de tous les hommes, qu'il les a faits et qu'il les nourrit. M. Van Hoenacker suit ainsi le discours de saint Paul phrase par phrase, et il montre, à chaque mot nouveau, une gravure qui l'explique et qui fait apprécier la valeur de la phrase. C’est ainsi qu'il parle successivement des faux dieux et des péchés des hommes, de la nécessité de la pénitence, du jugement dernier, du Sauveur. Pour révéler à son élève sourd-muet la divinité et la naissance de Jésus, il dit que l’'instituteur doit suivre la manière dont le Sauveur a lui-même instruit les hommes; qu'il doit le révéler comme Jésus s’est révélé lui- même. Îl montre d’abord les faits visibles, c’est-à-dire, la naissance du Christ, les mages, sa prédication, ses préceptes, mais surtout ses miracles, au moyen desquels il a confirmé la divinité de sa mission, et qui servent au pasteur à initier le muet dans la connaissance de ce que l’on doit croire de la seconde personne de la sainte Trinité. Cet exposé se fait toujours au moyen de gravures, mais en employant, pour les faire comprendre, une pantomime viveet naturelle, en répétant en quelque sorte le fait, et en faisant pour ainsi dire assister le muet à un drame mimé. L'auteur parcourt de cette manière, tout le Nouveau Testament jusqu’à la passion; il parle de la mort de Jésus, de sa résurrection, de la propa- gation de l'Évangile et du martyre des prédicateurs. Les phrases qui expri- ment ces faits sont numérotées et indiquent, par chiffres, celles des gravures de l’histoire de la Bible qui se rapportent aux faits qu'il veut faire con- naître. Il se servait dans son instruction de la grande bible, dite de Royau- mont, ornée de gravures. Îl recommande aussi comme très-utiles, les Antiquités de Flavius Josèphe, traduites par d'Andilly; le Dictionnaire de la Bible, avec estampes, par Dom Calmet, et le Spectacle de la nature, par Pluche. L'enseignement de M. Van Hoenacker porte tous les caractères d’une bonne méthode, lorsqu'il montre comment il faut faire observer, méditer, et admirer la nature, qui est admirable jusque dans ses moindres détails, la bienveillance de la Providence pour toutes les créatures, ete. C’est alors qu'il commence à exposer l’histoire de la création, la chute de homme, le déluge et les faits principaux de l'Ancien Testament; mais les détails dans lesquels il entre sont tellement prelixes, qu'on ne peut s'empêcher de 19 2 SUR L'ÉDUCATION penser qu'il a voulu plutôt se montrer profond bibliste, que prescrire des leçons à donner à des muets. Après avoir ainsi développé les quatre premiers points qu'il avait en- trepris de traiter, l’auteur arrive à l'importante question de Putilité ou de la nécessité des mots qu'il faut joindre aux signes. Les mots, dit-il, fixent les idées; en effet, comme une image peut rap- peler une idée, le mot peut, sans doute, servir de signe de rappel; mais, on le sent, l’auteur a voulu dire que les mots définissent les idées, et cela est vrai dès qu'il y a une phrase, une proposition complète. Mais, un mot seul ne définit pas une idée complexe, il laisse cette idée à la merci de toutes les impressions qui accompagnent la vue du mot. Je reviendrai bientôt sur ce point. Les mots, dit encore M. Van Hoenacker, facilitent la répétition des leçons et permettent à tous ceux qui connaissent la langue, de renouveler les ex- plications dans l’ordre où le pasteur les a données d’abord, et cette répétition est utile et nécessaire; car, comme un enfant n’apprend à parler et à con- naître la signification des mots qu’en les entendant répéter dans toutes les circonstances où ils peuvent servir à exprimer l’idée conçue, de même la répétition seule peut donner au muet la connaissance de la valeur des mots. Les aborigènes d'Amérique, ajoute notre auteur, ne connaissaient point l'écriture, mais ils conservaient la tradition de leur histoire au moyen de fils de différentes couleurs et de longueurs différentes. Or, ces signes ne suflisaient pas seuls pour exprimer des faits; dès que celui qui était chargé de les faire connaître aux jeunes gens y joignait quelques mots, ces fils diversement coloriés acquéraient un sens, une valeur, une signification; il paraît que, de même, les signes et les images doivent être accompagnés de quelques mots dans l'instruction des sourds-muets. La comparaison est peu concluante, et, loin d'admettre qu’une image doive être accompagnée d'un mot pour être comprise, c’est bien plutôt le mot qui doit être expli- qué par l’image. Mais peu importe, continuons. L'écriture, dit M. Van Hoenacker, n’est pas seulement utile, elle est né- cessaire; car, quoique les mots écrits n'aient pas le même rapport que les gestes ou les images avec l’idée qu'ils-représentent, cependant, comme les 19 DES SOURDS-MUETS. 3 mots sont des signes institués pour représenter toutes les idées, et que les gestes n'indiquent guère que les objets présents faciles à apercevoir, et les actions visibles, il s'ensuit, quoique les gestes soient plus expressifs, qu'il est pourtant vrai de dire que les mots seuls peuvent donner au muet l'idée des choses spirituelles. Les idées générales ne peuvent entrer dans son esprit qu'à l’aide de mots écrits, son intelligence ne pouvant les saisir que par des propositions comprises. Toute idée générale est, par elle- même, intellectuelle : quand l'imagination s’en mêle, l'idée devient aussitôt particulière. Représentez-vous un arbre : il sera grand ou petit. Pour pou- voir donner au muet les idées générales de sagesse, de vérité, de justice , de bonté, de prudence, de substance, de nature, etc., qui ne trouvent pas de modèle dans ce qui est visible, il faut nécessairement employer les mots aidés des images. Les premiers mots que le pasteur doit enseigner à son muet sont ceux de Dieu et de Jésus. IT doit appliquer le nom de Dieu à tous les actes de la Divinité, à la création du monde et de homme, à la promulgation de la loi de Dieu sur le mont Sinaï, etc. Il doit appliquer le nom de Jésus aux gravures qui représentent sa naissance, Sa mort, Sa résurrection, Sa venue quand il arrivera pour juger les hommes; et il faut que le muet voie à l’ex- pression avec laquelle il prononce ce mot, l'idée que le pasteur s’en forme. Il y a, dit l'auteur, un langage du cœur que l'expression du visage, les yeux, et l'attitude tout entière de l’homme expriment avec beaucoup plus d'énergie que les paroles. Ce langage du cœur se décèle dans les gravures des bons maîtres qui représentent des hommes agissant avec conviction. Ce sont, suivant lui, ces gravures qu'on doit montrer aux muets ; il insiste beaucoup sur ce point, parce qu'il considère l’idée que le muet concevra de Dieu et de Jésus, comme le fondement de toute son instruction. L'expression de la figure, l'attitude respectueuse que l'on prend quand on prononce ou que lon entend prononcer le nom de Dieu, peuvent, sans doute, provoquer un sentiment vague d’un être supérieur, invisible, mais elles sont incapables de donner une idée quelque peu définie de Dieu. Je souffre en voyant notre auteur tourner autour d’une bonne idée, d’un bon principe, sans oser l’accepter ni admettre. Il entrevoyait vaguement la 24 SUR L'ÉDUCATION vérité, c’est-à-dire, la nécessité de la langue, et il s'arrête à la nécessité du mot. Je reviendrai sur ce point. Les mots que le pasteur doit ensuite faire connaître sont ceux-ci : homme, femme, Abel, Caïn, Noé, Abraham, etc., la sainte Vierge, saint Joseph, Zacharie et les noms historiques du Nouveau Testament. Les premières leçons, dit M. Van Hoenacker, doivent être courtes, pour faire désirer au sourd-muet d'apprendre davantage. En montrant le mot à l'élève, on doit lui en donner en même temps l'image, et faire le signe le plus naturel qu’on puisse trouver pour en mar- quer la valeur. Il faut, dit-il, que les signes soient abrégés, faciles à exé- cuter, et, autant que possible, que le muet les invente lui-même. L'auteur fait en passant, une foule de remarques excellentes; on sent, en le lisant, que sa pratique valait mieux que sa théorie. Il entre ensuite dans des détails où il me serait impossible de le suivre sans sortir des bornes que je dois me prescrire. Ces détails prouvent qu'il était animé du plus grand zèle pour alléger la triste position des sourds- muets, et qu'il avait sur leur instruction des idées très-saines, quoique encore incomplètes. Jusqu'ici, tous ses efforts avaient tendu à faire comprendre la valeur d’un grand nombre de mots, et surtout de mots choisis parmi ceux qui de- vaient servir à ses élèves pour leur faire comprendre l'histoire de la Bible. Dès qu'il était parvenu à mettre son disciple en état de désigner ces mots par un signe et d'en montrer la valeur en les appliquant à une image, il essayait de lui expliquer l'analyse des mots en lettres. Il lui faisait observer que toutes les lettres qui se trouvent dans les mots, sont prises dans les vingt-quatre lettres de l'alphabet; il l’engageait à s'assurer de la chose, et il le remettait alors à sa famille, qui devait l'exercer pendant quinze jours à composer, avec des caractères mobiles, tous les mots qu'il connaissait déjà. Ce travail devait plutôt ennuyer et dégoûter l'élève que servir réelle- ment à son instruction. J'ai oublié de dire que l'ouvrage de M. Van Hoenacker est rédigé dans la forme dramatique; il parle et l'élève lui répond. Son discours n’est qu'une répétition de ses leçons. DES SOURDS-MUETS. 25 Pendant ces quinze jours, dit l’auteur , le pasteur ne doit pas négliger son muet ; il doit se transporter chez lui pour voir s'il s'applique, pour l'encourager , le louer , etc. Je continue à copier le manuscrit de M. Van Hoenacker. « Le jour mar- » qué pour l’instruire étant arrivé, le pasteur, après l'office, prend son ». muet, et ils vont ensemble voir les malades. Pour animer la conversa- » tion, le pasteur lui montre le nom de Dieu , et dès que le muet voit ce » nom, tout parle en lui ; les arbres lui disent qu'ils sont son ouvrage , le » soleil le proclame son auteur, et, en présence de la nature, le muet » adore le Créateur, comme Adam le jour de sa création. » Ils arrivent chez le malade, et le pasteur excite chez son élève les senti- ments de compassion. Après leur sortie de la maison, le pasteur montre qu’il est inquiet pour la vie de cet homme, et il saisit cette occasion pour parler de l'âme et de la soumission à la volonté de Dieu. En passant devant une auberge, le muet raconte qu’on s’y est battu le dimanche, que des gens ivres se sont donné des coups de couteau, et il explique, par sa pantomime , tous les détails de la querelle. Plus loin, il montre que l’on a volé telle ou telle chose, et, à chaque fait que lui ra- conte le muet, le pasteur saisit l’à-propos pour lui inspirer l'horreur du vice. Tout ce qui se présente ainsi à leurs yeux devient un moyen d'in- struction. « Le pasteur rentrant chez lui, remercie Dieu de ce qu'il a » écrit sa loi dans le cœur du muet et de ce qu'il lui a donné l'horreur » du vice, et il demande à Dieu que ce muet obéisse toute sa vie à » cette lumière qui l’éclaire, et à Dieu qui fait entendre sa voix au fond » de son cœur. » Le lendemain, le pasteur rappelle les faits de la veille, les hommes ivres , le meurtrier, les voleurs, etc., et il applique les mots — hommes mauvais -— à toutes les figures de la Bible qui expriment des actions bonnes ou mauvaises : PATPIEMAN ARE: ON L a l'eau CAUR MAUVAIS. INDES DO PE PNR NT HOMMES MAUVAIS. Loth bon, +, 9, , 1, , 1 } , . Sodomites mauvais. ducobbotnadden duaoricénieont cishaides Ésaimanvaiél Tome XIX. 4 26 SUR L'ÉDUCATION En continuant ses instructions sur le même sujet, il explique quelles sont les vertus que Dieu nous ordonne de pratiquer, et la récompense qu'elles obtiennent. Il montre également la punition des vices — le déluge — So- dome brülé — le jugement dernier. Le pasteur recommande surtout aux parents d'élever leurs enfants sourds-muets dans la plus grande simplicité, et de leur donner pour com- pagnons des jeunes gens intelligents, afin que ceux-ci s’habituent à leurs signes; car, dit-il, un des grands moyens pour instruire les muets, c’est de les mettre en relation avec des enfants de leur âge. Le pasteur prescrit alors des exercices pour faire connaître au muet que les mots sont composés de syllabes, les syllabes de lettres, et que les lettres sont ou voyelles ou consonnes : ceci est loin d’être aussi raison- nable que ce qu'il a conseillé jusqu'ici. Pour nous entendants-parlants, un mot est composé d’un ou de plusieurs sons; les sons s'expriment par les différentes syllabes; la connaissance des syllabes nous est donc essen- tiellement nécessaire. Mais, pour un sourd-muet, les mots ne sont qu’une agglomération de lettres, et toutes les lettres sont muettes; il lui importe peu de savoir qu'un mot exige un ou plusieurs sons pour être exprimé: ces sons n'existent pas pour lui, et les leçons où il ne peut acquérir que laborieusement la notion de la division des mots en syllabes, et des syllabes en voyelles et en consonnes , n'ayant pour lui aucun sens appréciable, doi- vent plutôt le dégoûter de l'instruction que servir à développer son intel- ligence. Le pasteur fait ensuite donner à son élève une centaine de substantifs écrits sur des cartes et rangés d'après l'ordre alphabétique. Cette classi- fication des mots par leurs initiales, a un sens pour ceux qui entendent , mais la classification par espèces seule, en a un pour les muets. Il essaie après cela de faire comprendre à son muet les différentes par- ties du discours : les substantifs, l'article, les adjectifs, les adverbes, etc; toute son explication, si elle a eu quelque résultat, n’a dû mener son élève qu'à une opération mécanique, et nullement à une connaissance logi- que de la valeur grammaticale de chaque partie du discours. M. Van Hoenacker enseignait la conjugaison à peu près de la même DES SOURDS-MUETS. 27 manière que la montrait l'abbé de l'Épée, et vraisemblablement sans plus de résultats que cet ecclésiastique n’en obtenait dans son instruction. Toutes les connaissances des muets, dit l’auteur, leur viennent des gestes, des images et des mots qu'on leur montre. Mais M. Van Hoenac- ker, comme après lui l'abbé Gosse et l'abbé de l'Épée, n’a vu dans la langue que des mots isolés sans lien logique; il n’y voit aucunement la phrase, c'est-à-dire, la réunion logique d’une affirmation et de la chose affirmée, formant un tableau dans l'esprit. Tous ses efforts tendent à faire connaître la valeur des mots pris séparément, mais non à fairé concevoir l'idée exprimée par la réunion du verbe avec son sujet, son régime direct ou indirect, et les modifications que les verbes et les substantifs subissent par l’adjonction des adjectifs et des adverbes : en un mot, il enseigne le dictionnaire et non la syntaxe. L'auteur fait de temps en temps des remarques heureuses, qui l'au- raient mené aux vrais principes, s’il en avait su suivre les conséquences. C'est ainsi qu'il recommande de bien définir la valeur d’un mot par un geste naturel, de ne donner que peu de mots à la fois, de n’employer que des phrases très-simples pour expliquer une image, et de recourir souvent à la synonymie pour expliquer le sens des phrases similaires. Mais il ne s’y arrête pas et revient constamment à son système de tout expliquer par les gravures de la Bible, de faire signifier à un mot toute une phrase, et de se servir de phrases sans syntaxe. S'il avait, dans son enseignement , donné l'explication des mots par des gestes naturels ou des images, et s'il n'avait d'abord employé que la forme la plus simple de la phrase syn- taxique, sa méthode serait basée sur les principes universellement re- connus comme le fondement de l'instruction des sourds-muets. Malheu- reusement, en voulant s'en tenir systématiquement au programme qu'il s'était prescrit, c'est-à-dire, à l'instruction des muets par les images , il abandonne d'excellentes vues qui se présentent à chaque instant à son esprit. Il donne des explications vagues, tandis que la langue enseignée sous l'impression des signes et des images, lui aurait permis de définir exactement chaque notion. Il cherche des arguments inadmissibles pour justifier ses procédés : quand il s’agit, dit-il, de faire une statue, un ta- 28 SUR L'ÉDUCATION bleau, tout dépend de bien ébaucher; je suis persuadé que, pour initier solidement un muet dans la connaissance des vérités de la religion, il faut commencer à l’en instruire d’abord , à la vérité d’une manière fort imparfaite, mais qui serve de fondement à une connaissance plus parfaite. Cette manière d'instruire serait bien dangereuse : une notion fausse est pire que l'ignorance. M. Van Hoenacker pensait, et c’est là une grande erreur, qu’il pouvait se contenter d'instruire son élève, sans tàcher de parvenir à lui faire exæpri- mer les notions acquises : c'était cependant le seul moyen de vérifier l’exac- titude des idées qu'il avait voulu lui donner : il fait lire, mais il ne fait pas écrire; c'est comme si l’on se contentait de parler à un entendant sans l'exercer à parler. Donnez, dit-il, à mon élève le petit catéchisme de Fleury, et vous verrez qu'il montrera, pour chaque mot, une gravure où l'action et le sens de la phrase sont exprimés. Mais l'enfant était inca- pable d'écrire par lui-même une simple phrase; il lisait des livres bien écrits, et il ne savait pas répondre par écrit à la plus simple question ; c’est ce que l'abbé de l'Épée a obtenu plus tard, ni plus ni moins : c'était une opération mécanique, une affaire de mémoire, mais le vague restait dans l'intelligence. Le pasteur n'avait aucune garantie que ce qu'il avait expli- qué était nettement compris. Il est à regretter que M. Van Hoenacker n'ait pas pu appliquer un peu largement ses vues et ses procédés : la rectitude de son jugement lui aurait fait vaincre le préjugé qui le poussait à tout chercher dans les images, et il eût fini par un enseignement normal de la langue, au moyen de signes et d'images. DES SOURDS-MUETS. 29 DEUXIÈME SYSTÈME. ORGANISER LES SIGNES EN LANGUE. Pour bien comprendre ce système et pour pouvoir en discuter pertinem- ment le mérite, il est nécessaire de nous fixer d’abord sur ce que l'on entend par signes. Le mot signe exprime : 1° un geste arbitraire conventionnellement admis pour rappeler une idée. Ainsi, dans quelques institutions, le mot mal, mauvais, s'exprime en étendant le pouce, et le mot bien, bon, en étendant le petit doigt. Chacun de nos mots pourrait être remplacé par un signe de cette na- ture; et, au moyen de ces signes, on pourrait se parler et communiquer ses idées. Si le but de l'instruction des sourds-muets n’était pas de mettre ces infor- tunés en relation avec la société; si nos élèves ne devaient vivre qu'avec leurs frères d'infortune, cette langue toute mimée offrirait quelque facilité de communication, mais il faudrait l’enseigner comme nos langues, et les difficultés de l’enseignement resteraient à peu près les mêmes. 2° On entend encore par signes, une gesticulation qui indique les choses en tout ou en partie, par leurs qualités sensibles, par l'emploi que l'on en fait ou la source d’où elles proviennent, et qui exprime les actes physiques, par les mouvements qu’ils exigent dans leur accomplissement. On appelle cela faire des signes ; mais, pour éviter toute équivoque, on ferait mieux de donner à ce procédé le nom de dessin gesticulé, et, dès lors, tous les instituteurs avoueraient qu'ils font usage de signes, surtout au commencement de l'instruction, lorsqu'il s’agit de montrer à l'enfant la relation qui existe entre le mot et la chose. 30 SUR L'ÉDUCATION 5° Le mot signe a une troisième signification ; il peut être défini : la démonstration extérieure de ce que l’on pense, de ce que l’on sent et de ce que l'on veut. Il y a des gestes qu’on fait naturellement dès que l’on ressent certaines impressions. Tels sont les traits de la physionomie qui se modifient singu- lièrement selon la diversité des affections qui nous agitent. Sur la physio- nomie se peignent avec beaucoup de variétés de nuances, le plaisir, la dou- leur, la haine, la colère, la compassion, le désir, l'horreur, l'admiration, le mépris, la frayeur, la surprise, l'attention, l'inquiétude, etc., etc. Tels sont aussi les mouvements de la main quand l'homme implore, lorsqu'il repousse avec dédain ou qu'il serre un objet avec tendresse; tels sont encore les mouvements de la main lorsqu'on ordonne, qu'on appelle, qu'on menace. Tels sont, peut-être également, les signes de négation et d’affirmation. La clarté, la facilité et la vigueur d'expression de ces mouvements se remarquent surtout lorsque le sourd-muet se sert de ces signes pour ex- primer ses sentiments. Le principe fondamental du système de l'abbé de l'Épée est que cette pantomime est un langage naturel, et, pour ainsi dire, la langue mater- nelle du sourd-muet, dans laquelle intelligence de cet infortuné doit être développée. Selon lui , l'instruction spéciale donnée dans nos institu- tions, doit uniquement consister à apprendre aux sourds-muets à traduire cette pantomime en nos idiomes, de la même manière qu’on enseigne une langue étrangère à un enfant qui possède déjà une langue. D’après Popi- nion de l'abbé de l'Épée, toute l'instruction du sourd-muet se borne donc à une traduction des signes en mots, ou, comme il le dit, du langage mimique en langue artificielle. Ce principe est simple et d’une application réelle pour le cercle d'idées que le sourd-muet sait exprimer par le langage qu'il s’est formé lui-même ou qu'il a appris par ses relations avec la société. C’est de ces signes que partent tous ceux qui entreprennent l'éducation des sourds-muets. Quelque système qu’ils se soient fait, ces signes sont les premiers et les seuls éléments de communication; le point par lequel DES SOURDS-MUETS. 51 les sourds-muets sont en contact avec la société; la matière première sur laquelle il faut travailler pour les initier à la connaissance de nos langues. Cependant la nomenclature des signes mimiques est extrêmement pau- vre; les signes de ce langage sont bientôt épuisés , et ce langage, d’ailleurs sans syntaxe , sans logique des propositions, n’a pas même un signe pour exprimer le verbe étre. Ce fond étant épuisé et n'ayant plus de matière à traduire, quelle marche faut-il suivre ? La méthode de l'abbé de l'Épée se distingue ici de toutes les autres méthodes. Nous nous servons de signes pour établir le rapport entre un objet et le mot qui le désigne , entre l’action et le verbe, entre la qualité et son ex- pression, entre la relation et les prépositions ou les conjonctions ; mais, dès que nous le pouvons, nous employons les mots et les phrases connus pour interpréter d'autres mots par l’analogie, par le secours des contrastes, en procédant du simple au composé; et, de cette manière, nous élargissons le cercle des connaissances de nos élèves. La langue, acceptée d’abord de confiance et comprise par l'interprétation naturelle des choses et des faits visibles, devient un instrument de conception. L'abbé de l'Épée s’y prit autrement : il ne se contenta pas de traduire les expressions mimiques inventées par les sourds-muets, ou qu'ils con- naissaient avant leur entrée dans son institution ; mais cette idée était chez lui absolue : leur instruction lui paraissait devoir être une traduc- tion prolongée. 11 fut donc contraint de composer lui-même, sur le modèle des pre- miers signes et avec les éléments qu'ils lui offraient, une langue mimi- que complémentaire. Ces signes additionnels sont ce qu’on appelle signes méthodiques. I considéra cette langue , dont il était l'inventeur, comme la langue naturelle du sourd-muet, et il enseigna à ses élèves à traduire chaque signe en un mot de nos langues. Cette opération était tout à fait mécanique. L'abbé de l'Épée ne voyait dans la syntaxe de nos langues que la forme matérielle d’un arrangement arbitraire de mots, et il ne considérait guère 52 SUR L'ÉDUCATION les diverses parties du discours comme formant un tableau complet. Les phrases, selon lui, ne présentent que des idées partielles, isolées et en quelque sorte incomplètes. Aussi, ses élèves étaient-ils incapables d'exprimer d'eux-mêmes aucune de leurs idées, ou de rendre compte d'aucune de leurs actions dans une phrase écrite de leur composition; ce résultat lui paraissait impossible. « N'espérez pas, écrivit-il à l'abbé Si- card, qu'ils (les sourds-muets) puissent jamais rendre par écrit leurs idées !. » On ne comprend pas comment l'abbé de l'Épée ait pu avancer une pa- reille proposition, alors qu'il assure avoir tenu, par écrit, des conversa- tions soutenues avec des élèves sourds-muets de Péreire. Les élèves de l'abbé de l'Épée écrivaient correctement sous sa dictée de fort belles lettres, mais ils ne les comprenaient pas, et ils ne pouvaient écrire d'eux-mêmes la moindre lettre. Ils soutenaient des thèses de philo- sophie et de théologie en différentes langues, mais les arguments étaient communiqués d'avance et appris par cœur. L'abbé de l'Épée, pour analyser en un mot tout son système, enseignait le dictionnaire, et dès que l'élève connaissait un mot pour chaque signe, et qu'il pouvait, à la vue d’un signe, écrire le mot, il considérait sa tâche comme accomplie et l'éducation comme achevée. M. l'abbé Gosse, ancien vicaire général du diocèse de Tournay sous M5 Hirn, avait, sur la langue, à peu près les mêmes idées que l'abbé de l'Épée, mais il fut plus conséquent dans la traduction des signes en nos langues. Convaincu que la syntaxe est une inutilité, ou, du moins, une simple forme sans fondement logique, 1l se contenta de traduire les signes dans l’ordre où ils se présentent à l'esprit du sourd-muet sans s’assujettir aux formes de nos phrases. En 1805, il publia à Tournay, un volume inti- tulé : Prières et instructions à l'usage des sourds-muets de naissance , dédiées à ME" l'évêque de Tournay. Comme cet ouvrage est inconnu aux historiens de l'art d’instruire les sourds-muets, il ne sera pas inutile de donner ici quel- ques exemples de ces traductions. 1 Cours d'instruction , par Sicard, note 5, à la fin du volume. DES SOURDS-MUETS. ORAISON DOMINICALE. Dieu Au ciel Vous Père notre, Terre toute adorer vous, Je désire, Vous sur hommes tous roi, Je désire, Vous commandant, ciel , terre, obéir, Je désire. Jours tous pain à nous, donnez, Péchés nos à nous remettez, Comme à tous nous remettons ; Des tentations nous vous retirez, Du mal vous nous gardez; Oui, oui, oui. Je désire, je prie. Autre exemple : SALUTATION ANGÉLIQUE. Je vous salue, Marie, De grâce pleine, Dieu vous avec, Femmes bonnes toutes vous dessus, Fils votre grand. Marie sainte, de Dieu mère, Pour nous pécheurs priez à présent A mort. ACTE DE CONTRITION. Dieu, vous contre je péchai : vous Créateur mon, Vous Père mon, vous taché non, Vous, grand, bon, je rien, vous contre, péchai A vous zest. Pour rien vous moi je séparai. Towe XIX. b} 55 94 SUR L'ÉDUCATION MALHEUR ! MALHEUR ! Je pénitent : pécher fin : péché : peine à moi remettez : vous moi unissez; je prie, Je prie, péché fin. Oui, oui, oui. Ces mots sont une traduction assez fidèle du langage des signes. Maintenant, nous allons suivre les développements du système de l’abbé de l'Épée. Son auteur avait trouvé un équivalent de toutes les idées, dans les différentes combinaisons de signes, et il était aisément parvenu à graver à la fois dans la mémoire des sourds-muets, les mots et les signes; les mots pour nous, les signes pour eux. L'abbé Sicard fit un pas de plus; quoiqu'il n’attachàt pas aux signes une importance aussi exclusive que son maitre, et qu'il füt loin de les con- sidérer comme la partie essentielle de l’enseignement, il entreprit de faire de ce langage mimique, une langue organisée logiquement, et qui püt cor- respondre à nos idiomes par la richesse de son dictionnaire et l'exactitude de sa syntaxe. Il y a deux espèces de signes dans cette langue mimique : 1° les signes de nomenclature, qui expriment la valeur du mot et de l'idée qu’il repré- sente; 2° les signes grammaticaux indiquant la valeur relative des mots, c’est-à-dire, s'ils sont substantif, verbe, adjectif ou préposition. L'abbé Sicard trouvait qu'il y avait un avantage immense à employer des signes, de préférence aux mots, parce que les signes qui expriment les idées ont des rapports naturels avec les idées, tandis que le mot n’a un rapport avec la notion qu'il exprime, que par une convention. Malheureusement , Sicard prouve encore ici qu'il est plus facile d’éta- blir un principe que de l'appliquer. Il donne aux verbes pour signe gram- matical la lettre V, et le signe général de préposition est le chiffre #, parce que la préposition occupe souvent la quatrième place dans la phrase. 1 2 5 4 Je frappe la table avec, etc. Le signe grammatical de conjonction est un crochet formé avec les DES SOURDS-MUETS. 39 deux index. Ces signes, il faut en convenir, ne caractérisent pas la valeur grammaticale de ces parties du discours. Quant aux signes de nomenclature, ceux qu'il a décrits dans sa théorie des signes, sont des descriptions animées et quelquefois heureuses, mais elles sont rendues avec une profusion de détails qui en forment plutôt des tableaux que des signes; il y en a qui exigent plus d’une page d’im- pression pour être décrits. L’homme qui était certainement le plus capable de porter un jugement raisonné sur ces signes, M. de Gérando, s'exprime ainsi : « Nous en ren- » controns à chaque pas qui sont atteints de vague et d'incertitude, et » souvent plus ou moins inexacts; nous ne voyons point marquer les » nuances qui distinguent les valeurs des mots analogues; … nous ren- » controns le même signe pour des objets différents ; nous cherchons en » vain, à côté de la description du sens propre, celle du sens figuré !. » Ces signes ont subi d’autres réformes, je le sais, et je ne conteste pas qu'ils n’en puissent subir encore; mais leur utilité est un problème qui nest pas résolu jusqu'ici, et lon ne prouvera jamais la nécessité des signes, dans le sens de l'abbé de l'Épée. Je conçois que le langage mimique, tant qu'il est fondé sur lanalogie, soit, concurremment avec le dessin des objets et leur intuition réelle, un moyen d'introduire le sourd-muet dans la connaissance de la langue: mais pourquoi se servir, dans l'explication des mots inconnus, de signes arbitraires ou méthodiques, au lieu d'employer les mots déjà connus ? Quelle nécessité y a-t-il de créer cet immense appareil de signes, dont l'usage est restreint au commerce du maître avec ses disciples et de ceux-ci entre eux, et dont l'emploi continuel empêche acquisition de la langue? Pourquoi ne pas attacher directement l'idée au mot, en présence des objets et des faits, au milieu des circonstances qui leur servent d’inter- prètes , et sous le contrôle de l'application journalière ? On prétend que le langage mimique est une langue naturelle et que, dès lors, elle possède pour le développement intellectuel, des prérogatives 1 De l'éducation des sourds-muets, tome HF, page 522. 56 SUR L'ÉDUCATION qui doivent la faire préférer aux langues acquises, dans l'instruction des sourds-muets. Mais, c’est faire là un abus des mots; les signes ne sont pas une langue, car ils n’ont pas de syntaxe. La raison est surtout l'intelligence des rapports; cette connaissance forme l'essence de l'intelligence, et, pour qu'une collection d'expressions soit une langue, elle doit pouvoir exprimer ces rapports; or, c’est ce que le langage naturel des signes ne fait pas. D'ailleurs, ce qu’on appelle signe naturel pourrait bien n'être qu'un signe appris. Pour distinguer les signes naturels, il faudrait que l'on püût étudier un sujet sourd-muet qui n’eût jamais été en communication avec la société. Il est évident que la vue des déterminatiens et des actes des hommes instruits communique au sourd-muet une foule de notions. S'il est cer- tain pour moi que les sourds-muets, avant leur admission dans les insti- tutions qui leur sont ouvertes, ont une idée de la moralité de leurs actions et souvent une idée vague de la divinité, je ne suis pas moins convaincu qu'ils doivent ces notions à leurs relations sociales. Les signes de ces idées, au lieu d’être naturels dans le sens de ceux qui croient à l'existence d’un langage naturel de signes, ne sont donc que des signes acquis. En supposant encore que le sourd-muet pût exprimer naturellement tout ce qu'il voit, on doit admettre que vingt ou cent expressions ne sont pas une langue, ni, par conséquent, une langue naturelle. Ensuite, le sourd- muet ne pourrait sans doute jamais exprimer naturellement ce qu'il n'entend pas et ce dont il n'a, par conséquent, naturellement aucune idée; or, il y a infiniment plus de vérités à entendre qu'à voir. Mais il est inutile d’insister davantage sur la valeur du système del’abbé de l'Épée; un seul fait suffit pour le faire apprécier : c'est que le système des signes méthodiques, tel que ce professeur l'a inventé, et tel qu'il a été perfectionné par l'abbé Sicard, est banni depuis longtemps du sys- tème d'enseignement de l'institut de Paris. DES SOURDS-MUETS. 57 TROISIÈME SYSTÈME. Dans l'instruction des sourds-muets nous avons à remplacer loue et la parole. L'ouie, comme moyen de comprendre la langue : La parole, comme moyen d'exprimer cette langue. Dans le premier système, on n'enseigne pas de langue ; Dans le second, on enseigne une langue de signes. Le but que l’on se propose dans le troisième système dont nous nous occupons 1ci, est d'enseigner nos langues au moyen de signes, et de donner aux sourds-muets un instrument de communication connu de ceux avec lesquels ils seront en relation. La méthode que suivent les partisans de ce système, varie sans doute. On ne s'accorde aucunement sur le choix de l'instrument ou sur la préférence à donner à un instrument sur un autre, pour remplacer la parole articulée. Pour enseigner la langue, la méthode d'enseignement est, chez les uns, practico-théorique ; chez les autres, elle est plutôt théori-pratique; mais. ni le choix de l'instrument pour exprimer la langue, ni la nature du procédé méthodique à employer pour enseigner cette dernière, ne con- stituent ici une différence essentielle de système. L'un de ces procédés est sans doute préférable à l'autre, mais l'enseignement direct de l: langue est l’objet de l’un comme de l’autre procédé. Quant au choix de l'instrument de communication qui doit servir à remplacer la langue articulée, les uns préfèrent les signes et la mimogra- phie; les autres donnent la préférence à l'écriture alphabétique et à l’al- phabet manuel. En général, les premiers inventeurs ont enseigné ce qu'on appelle l'articulation artificielle et la lecture sur les lèvres, mais tous ont considéré ce choix comme n'ayant qu'une importance secondaire. L'ensei- gnement philosophique de la langue a toujours été, dans leur manière de voir, la partie essentielle. 58 SUR L'ÉDUCATION Le désir mal entendu de relever le mérite de l'abbé de l'Épée, peut seul faire dire que tous ceux qui se sont occupés avant lui de linstruc- tion des sourds-muets, se sont exclusivement attachés à leur rendre l'usage mécanique de la parole; qu'ils croyaient avoir tout fait en appre- nant à un pauvre sourd-muet à remuer machinalement la langue et les autres organes vocaux !; que le Ciel avait réservé à cet immortel génie la gloire de renverser tout l’ancien système, et qu'il est l'unique créateur du véritable art de suppléer, chez ces infortunés, à l’ouïe par la vue, et à la parole par l'écriture ?. Toutes ces assertions sont positivement contraires à la vérité, et il importe d'autant plus de relever cette erreur, que cette fausse apprécia- tion du mérite des premiers inventeurs pourrait faire négliger l'étude de leurs œuvres. La vérité est que le système inventé et appliqué par l’abbé de l’Épée est définitivement banni depuis longtemps du système d'enseignement de l'institut de Paris, et qu'il n’est plus suivi dans aucun établissement du monde. C’est le système des anciens inventeurs qui prévaut actuelle- ment; ce système a tellement modifié les procédés analytiques de l'abbé Sicard, qu'on peut dire qu'il n’y à plus aujourd'hui qu'un seul système suivi dans l'instruction des sourds-muets, et que, dans sa partie essen- tielle et dans tous ses procédés de quelque importance, ce système est celui des premiers inventeurs de l'art. Pour prouver une thèse en appa- rence si nouvelle, j'ai besoin de donner un aperçu sommaire du système de tous ceux qui passent pour être les inventeurs de cet art, et de ceux de leurs disciples qui ont écrit avant l'abbé de l'Épée. Déjà, au commencement du XVI: siècle, Cardan, mort en 1576, jeta en passant quelques vues rapides sur l’art d’instruire les sourds-muets, et ces vues dénotent qu'il saisissait lidée-mère de cette instruction. « Nous pouvons donc, dit-il 5, mettre un sourd-muet en état d'entendre Les Sourds-Muets avant et après l'abbé de l'Épée , par Ferdinand Berthier. Paris, 1840. Galerie d'Orléans, 16. Palais-Royal, pages 39, 40. 2? Ibid, pages 53, 87. 5 Paralip., Hb. IT, ce. 5. DES SOURDS-MUETS. 39 en lisant, et de parler en écrivant. Le sourd-muet conçoit, par la pensée, que le mot pain, par exemple, tel qu'il est écrit, signifie cet objet qui lui est montré en même temps; sa mémoire retient cette signification; il contemple dans son esprit les images des choses; de même que, d'après le souvenir d’une peinture que l’on a vue, on peut exécuter un tableau qui la représente, on peut aussi peindre sa pensée dans les caractères de lécriture; et, de même que les sons divers émis par la voix humaine, ont reçu, des conventions établies, une signifi- cation déterminée, les caractères tracés par écrit peuvent aussi recevoir, par des conventions, une valeur semblable. » Le sourd-muet, dit-il encore, doit apprendre à lire et à écrire, car il le peut aussi bien que l’aveugle, comme nous l'avons montré ailleurs. L'entreprise est sans doute difficile, mais elle est cepen- dant possible pour le sourd-muet. On peut exprimer un grand nombre d'idées par des signes... Les mimes romains en sont un exemple. On sait qu'un roi barbare, frappé de la vérité de leur langage par gestes, demanda à l’empereur d’en emmener deux dans ses États. L'écriture s'associe à la parole, et, par la parole, elle s'associe à la pensée; mais elle peut aussi retracer directement la pensée sans l'intermédiaire de la parole, témoin les écritures hiéroglyphiques, dont le caractère est entièrement idéographique !. » Adolphe Agricola, qui mourut en 1485, avait déjà parlé de la possibilité d'une éducation intellectuelle pour les sourds-muets, dans son ouvrage : De inventione dialecticä.… W parle, Hb. 5, cap. ultimo, d'un individu sourd dès le berceau, et par conséquent muet, qui avait appris à comprendre tout ce qui était écrit, et qui exprimait également toutes ses pensées par l'écriture. Les instituteurs de ce sourd-muet ne s'étaient évidemment pas exclusi- vement attachés à lui rendre l'usage mécanique de la langue. Le premier qui ait appliqué dans toute leur étendue les principes sur lesquels cette instruction repose, est un Bénédictin d'Oña, au royaume de Léon, nommé Pierre de Ponce. 1 De utilitate capiendä ex adwersis, Gb. I, cap. 7; de Subtilitate, Gb. XIV. 40 SUR L'ÉDUCATION François Vallès, auteur d’une Philosophie sacrée \, qui avait vu lui- même les résultats de la méthode de Ponce, dit que ce père enseignait à parler aux sourds-muets. Mais, croyait-il avoir tout fait en apprenant à ses disciples à remuer ma- chinalement les lèvres? Voici ce que Vallès dit à ce sujet : « Il n’em- ployait à cet effet, d'autre moyen que de leur apprendre d’abord à écrire, en leur montrant du doigt les objets qui étaient exprimés par les ca- ractères écrits... C’est ainsi que ceux qui sont privés de l’ouie peuvent remplacer la parole par l'écriture, et arriver à la connaissance des choses divines par le moyen de la vue, comme les autres le font par le moyen de Fouïie. » Ambroise Moralès, dans ses Antiquités d'Espagne, nous apprend aussi qu'il a été témoin des succès de Pierre de Ponce. « Pedro de Ponce, » » dit-il, enseigna aux sourds-muets à parler avec une rare perfection. Il est l'inventeur de cet art. Il a déjà instruit de cette manière deux frères et une sœur du connétable, et il s'occupe actuellement de Finstruction du fils du Gouverneur d'Aragon, sourd-muet de naissance, comme les précédents. Ce qui surprend le plus dans son art, c'est que ses élèves, tout en restant sourds-muets, parlent, écrivent et raisonnent très-bien. Je conserve de l'un d’eux, don Pedro de Velasco, frère du connétable, un écrit dans lequel il me dit que c’est au père Ponce qu'il a l’obliga- tion de savoir parler. » Dans les archives du même couvent, se trouvait autrefois l'acte de fon- dation d’une chapelle, dans lequel Pedro de Ponce atteste que « les » sourds-muets, ses élèves, parlaient, écrivaient, calculaient, priaient à haute voix, servaient la messe, se confessaient, parlaient le grec, le latin, l'italien, et raisonnaient très-bien sur la physique et lastro- nomie. Quelques-uns sont même devenus d’habiles historiens. » Toute la méthode de Ponce nous a été conservée par Paul Bonet, dans son ouvrage intitulé : Reduction de las lettras, y arte para enseinar & hablar los mudos. Madrid, 1620, in-4°. 1 De sacrà philosophià liber singularis , Francisei Valesii. Aug. Taur., 1587. Cap. 5, p. 71. DES SOURDS-MUETS. A Voici comment cet auteur envisage l'instruction des sourds-muets. Je me bornerai à citer de son ouvrage, qui est très-connu, les passages qui prouvent que Ponce ne se contentait pas d'apprendre à ses élèves à remuer machinalement les lèvres, mais qu'il leur donnait réellement une con- naissance philosophique de la langue. Dans le second livre de son ouvrage, Paul Bonet s'occupe du sourd- muet et des moyens de l’instruire. « Le sourd-muet, dit-il, n’est muet que parce qu'il est sourd; c’est en vain qu'on s’efforcerait de lui rendre, par des moyens violents, la faculté d’audition dont il a été malheureusement privé. Mais, on peut lui donner par le sens de la vue, les connaissances qui ne peuvent lui parvenir par celui de l'ouie. Cette voie est indiquée par la nature. Le langage d'action est une langue naturelle; des sourds- muets qui ne se seraient jamais vus, s’entendraient entre eux s'ils se trouvaient réunis, en usant des mêmes signes. » Les sourds-muets ont une habileté extrème à saisir l’enseignement qui leur est donné à l’aide de la vue, et à y chercher les moyens de suppléer au défaut de l’audition : c’est de cet instrument qu'il faut s'emparer pour leur enseignement. » Voici le procédé que Bonet employait pour mener son disciple à l’intel- ligence de la langue. « Les noms des objets réels, extérieurs , sensibles, qui affectent la vue, s’enseigneront en montrant ces objets eux-mêmes, et en exécutant en même temps les signes qui les expriment. Quant au nom des objets qui ne peuvent se montrer à la vue, à l'exception de ceux qui appartiennent à l’ordre moral et aux affections de l'âme, le maître en fera connaître la valeur à l’aide des signes du langage d'action, les plus capables de les expliquer par analogie... Mais, tout ce qui appartient à l’ordre des idées morales et religieuses demande un soin plus particulier et une exposition plus rigoureuse, etc. » C’est à l’usage répété, mais convenablement dirigé, que linstituteur espagnol recourt pour enseigner au sourd-muet l'emploi de ce qu'il appelle les conjonctions, c'est-à-dire, les conjonctions proprement dites, les préposi- tions, les adverbes et les interjections. Towue XIX. 6 SUR L'ÉDUCATION rs 19 C’est encore à l'usage répété et bien dirigé, qu'il se confie pour ensei- gner les genres et les nombres, ainsi que les terminaisons dont ils affec- tent les noms; mais en appliquant toujours les exemples à des objets déjà connus de l'élève, et en les retraçant sous les yeux. « Les verbes désignent des actions qui s'exécutent par une ou par plu- » sieurs personnes, et qui ont lieu dans les temps passé, présent ou à venir. » Pour faire connaître au sourd-muet l’action que le verbe exprime, on » l’imitera en sa présence, si elle appartient à l'ordre des choses visibles, » et on s'adressera à sa propre expérience intérieure, si elle est du ressort » de l’ordre moral. » On trouve à peu de choses près, dans l’ouvrage de Bonet, une idée de tous les procédés qui ont été développés et régularisés plus tard, c’est- à-dire : l'écriture, le langage des signes employé pour attacher les idées aux mots, l’articulation et la lecture sur les lèvres; des gravures y repré- sentent l'alphabet manuel. En 1628, Kenelm Digby, qui accompagnait le prince de Galles à Madrid, eut l'occasion de voir souvent les disciples de Paul Bonet. Voici comment il en parle dans son traité De naturâ corporum, chap. 28, $ 8. Ce paragraphe se trouve inséré en entier dans la Revue d'Édimbourg (ne 124, 1855). « J'ai connu, dit-il, en Espagne, un noble, le frère cadet du connétable de » Castille, qui avait appris à entendre les mots par ses yeux, s’il est permis » de s'exprimer ainsi. Ce seigneur espagnol était atteint d’une surdité de » naissance tellement absolue, qu’il n’entendait pas même un coup de fusil » lâché tout près de ses oreilles : il était par conséquent muet. Les agré- » ments de son visage, la vivacité de ses yeux et les formes gracieuses » de toute sa personne, furent des signes certains de la bonne trempe de » son esprit. Tous ceux qui le connaissaient, regrettaient qu’il fût impos- » sible de cultiver son intelligence, et de l’orner de connaissances pour » lesquelles il paraissait avoir tant de dispositions. Les médecins et les » chirurgiens avaient inutilement épuisé sur lui tous les genres de re- » mèdes. À la fin, un prêtre entreprit de lui enseigner à comprendre les » discours des autres, et à parler lui-même pour se faire entendre ; on DES SOURDS-MUETS. 45 s'en moqua d'abord, mais quelques années après, on cria au miracle. En un mot, par une patience rare et des peines infinies, il parvint à le faire parler aussi distinctement que peut le faire un homme doué de tous ses sens, et à lui faire comprendre si parfaitement ce que les autres di- saient, qu'il ne perdait pas un seul mot dans les conversations les plus longues. J'ai souvent raisonné avec ce prêtre (Jean-Paul Bonet), quand j'étais à Madrid avec le prince de Galles, à présent notre gracieux sou- verain Charles [+, et Sa Majesté, je n’en doute pas, se souvient encore de ce que j'en ai dit, car Sa Majesté attachait une grande importance à bien examiner ce fait. Il y avait, il est vrai, un grand défaut dans son ar- ticulation; elle manquait d’uniformité; sa voix n'étant pas contrôlée par l'oreille, il parlait tantôt haut, tantôt bas, mais presque toujours, il finissait dans le même ton où il avait commencé à parler... Il répétait tous les mots qu’en prononçait devant lui, quelque difficiles qu'ils fussent. Le prince en faisait souvent l'expérience non-seulement en prononçant des mots anglais, mais encore des mots du dialecte gallois. L'élève de Bonet les répétait si exactement que j'admirais ceci plus que tout le reste. Son instituteur avouait que son art ne s’étendait pas jusqu’à pou- voir donner des règles positives et produire cet effet avec certitude. Il en concluait que le succès était dû aux règles que son élève s'était tracées par une observation constante, et que la subtilité des sens dont la nature l'avait doué, lui permettait de faire avec habileté et sagacité ce qu'un homme doué de l'ouie n'aurait jamais pu faire. Il le prouva évidem- ment par son Imitation exacte de la prononciation gallique; car cette langue, comme l'hébreu, se sert souvent de lettres gutturales, dont l'œil ne peut juger autrement que par l'effet qu'elles produisent par acci- dent sur d’autres parties de la bouche exposées à la vue. Quoique parlant doucement, 1l conversait couramment avec des entendants-parlants, et je l'ai vu souvent répéter les mots qu'un homme, séparé de lui par toute la largeur d’une grande salle, prononçait d’une manière si douce que je ne l’'entendais pas moi-même, quoique j'en fusse très-rapproché. Mais, dans l'obscurité, ou quand on détournait la face, il ne comprenait plus rien. » Je n'ai rien voulu retrancher du texte de Digby, parce que c’est bien 44 SUR L'ÉDUCATION lui qui a donné l'éveil. Presque tous ceux qui se sont occupés à cette époque de l'instruction des sourds-muets, en ont puisé la première idée dans la notice que cet écrivain nous a conservée sur les élèves de Paul Bonet; et c’est l'exemple de Paul Bonet qui a provoqué les essais entrepris successivement dans les autres pays. Deux Anglais, Bulwer et Dalgarno, ont pris le fait mentionné par leur compatriote, pour point de départ. Ils y ont puisé l’idée d'appliquer à l'in- struction des sourds-muets, les opinions philosophiques qu'ils nourrissaient déjà, l'un sur l'utilité des signes et sur leur éloquence ; l'autre sur celle d’une langue philosophique. Cependant tous deux ont fini par proposer, pour l’éducation pratique, les procédés qui sont encore en usage. Jean Bulwer est le premier qui ait publié, en Angleterre, un ouvrage spécial sur la matière 1, En 1644, parut d’abord sa Chirologia et ensuite sa Chironomia. Dans le premier de ces ouvrages, il s'occupe surtout du langage manuel ou de ce que la main peut exprimer par ses différentes positions, et il arrive à la conclusion que la main est le membre le plus expressif : Manus membrum hominis loquacissimum : c’est lépigraphe de son livre. Dans le second ouvrage ?, il considère surtout l’éloquence de la main, et il y décrit les règles anciennes et modernes pour les gestes, comme partie intégrante de l’éloquence. On vit, dès lors, toute l'utilité qu'il est possible de retirer du langage des signes pour l'instruction des sourds-muets. Un ami de l’auteur le fait expressément observer dans ces vers qu'il lui adressa et qui se trouvent en tête du volume : Al that are deafe and dumbe may here recrute. Their language, and then blesse thee for the mute Enlargement of thy alphabets , whose briefe Expresses gave their mindes so free reliefe. 1 Chirologia or the naturall language of the hand, ete. By J. B. (John Bulwer). London, tho Harper, 1644. 2 Chironomia, or the art of manuall Rhetorique, ete. By J. B. (John Bulwer.) London, Harper, 1644, in-8°. DES SOURDS-MUETS. 45 Ce que nous venons de dire montre qu'à cette époque, on appréciait déjà l'utilité des signes pour l'instruction des sourds-muets, et que c’est bien à tort que quelques-uns prétendent que leur usage est une invention de l'abbé de l'Épée. Mais c’est surtout le troisième volume de l'ouvrage de Bulwer, intitulé : Philocophus * : ou l'ami des sourds-muets, qui doit nous intéresser. M. de Gérando, l'historien de notre art, n'ayant pas connu ce livre, je vais en faire l’objet de quelques observations. Bulwer l’a dédié à sir Édouard Gostwick de Wellington, dans le comté de Bedford, à son frère cadet Guillaume Gostwick et à tous ceux qui, comme eux, n'entendent ni ne parlent. « Quelques-uns, leur dit-il, ne » comprenant pas le mystère de votre condition, s'imaginent que vous » n'êtes tels que par une méprise de la nature; mais moi, qui ai étudié » vos perfections et observé les rares compensations que la nature vous » a données, je ne trouve rien en vous qui ne soit un sujet d’admira- » tion... Quoique vous ne puissiez pas vous exprimer verbalement, il ne » vous manque pas de langue; vous avez tout votre corps pour langue, et » ce langage est plus naturel et plus expressif que le nôtre, et nous le com- » prenons comme vous. Les gestes sont le langage universel de la nature » humaine ; nous le joignons méme aux mots de nos langues pour qu'ils » aient une vie et une efficacité. » Je suis le premier qui aie fait mon étude chérie de la richesse naturelle » de cette langue; j'ai non-seulement prescrit des règles pour lusage des » signes dans l’éloquence, mais je suis descendu jusqu'aux sources et jus- » qu'aux racines et aux étymologies musculaires des signes; cependant, je » trouve que vous parlez ce langage si purement, qu'il ne vous manque » rien, j'en suis sûr, pour être parfaitement compris... Par l'habitude que » vous en avez acquise, vous vous exprimez par ce langage aussi bien que » nous le faisons par la parole... Cependant, ayant compris que vous dé- » sirez vivement acquérir le moyen de vous exprimer de vive voix, parce 1 Philocophus : or the deafe and dumbe mans friend, ete.,by 3. B. (John Bulwer). London, printed for Humphry Mosely, 1648, in-12. 46 SUR L'ÉDUCATION » que vous considérez votre surdi-mutité comme un immense malheur, » par pitié pour vous, J'ai commencé à chercher un intermédiaire où un » instrument intellectuel, au moyen duquel vous puissiez examiner de » plus près l'essence intime des choses, et acquérir quelque perfection in- » tellectuelle de plus. Jai bientôt découvert qu'il existe une communauté » ou une solidarité entre les sens, et qu'il y a une ouie oculaire, trésor que » nul n’a découvert jusqu'ici. » Bulwer fait entrevoir ensuite qu’il a saisi l'utilité de la lecture sur les lèvres, et il continue ainsi : « Jai découvert assez d'éléments pour créer » un art nouveau de mener à l'intelligence des sons articulés et intelligi- » bles par une autre voie que l'oreille ou l'œil, en montrant qu'un homme » peut entendre par la bouche. » Ces expressions si étranges n’indiquent, comme on le verra bientôt, que l'articulation et la lecture sur les lèvres. « Ces découvertes, dit-il encore, me donnèrent l’idée d’une institution » que l’on pourrait ouvrir en faveur de ceux qui, comme vous, sont » sourds-muets; mais ayant commencé à en réunir tous les éléments, je » m'aperçus bientôt que les hommes les plus raisonnables regardèrent » mon projet comme paradoxal, prodigieux et hyperbolique, et lon prit les » termes dans lesquels je formulais mon art, pour une impardonnable » violation du bon sens, auquel il fallait renoncer pour avoir foi dans » une pareille entreprise. » Pour convaincre ces hommes, éclairés sans doute, mais trop attachés à » des préjugés accrédités, j'ai cru devoir exposer d’abord la vérité philosophi- » que de cet art. C’est ce que j'entrepris avec d'autant plus d'assurance, que » les faits me promettent déjà de leur présenter un argument irréfutable. » Cette citation prouve que M. de Gérando était dans l'erreur, en assu- rant que Bulwer n’a fait aucune application de ses procédés, qui sont d’ailleurs ceux en usage de notre temps, et que l'on n’a pas pu les appré- cier par le résultat. « Cependant, dit encore Bulwer, je ne descendrai pas jusqu'aux parti- » cularités, ayant uniquement en vue de donner un aperçu sommaire des » opérations de notre future institution... Vous y apprendrez d’abord à DES SOURDS-MUETS. 47 » écrire les images visibles des paroles et à connaître la valeur de cette » visible et permanente parole... De ces alphabets nous passerons à l’ar- » ticulation, qui vous permettra d'entendre par les yeux, et ensuite d’ap- » prendre à parler avec la langue, etc. » Un ami de Bulwer lui adressa une pièce de vers qui analyse tout cet ouvrage. Rejoice you deafe and dumbe , your armes extend T' embrace th inventive goodenesse of a friend Who heere intends, for your reliefe, to found An academie , on natures highest ground : Wherin he doth strange mysteries unlocke, How all the senses have one common stocke, Shewes how indulgent nature for each sense Wanting, allowes a double recompence How she translates a sense, transplants an eare Into the eye, and makes the optiques heare. Inoculates an eare with sight, whereby , 16 schall performe the office of an eie. Presents rich odours tasted, viands smelk , And sound and light in a strange manner felt. The sences (arts new master Piece) are taught T'exchange their objects by a new found thougt The deafe and dumbe get hearing eies, which breake Their barre of silence, and thence learn to speake. Words may by seene or heard : w’are at your choyce For to give eare , or eie unto a voyce. Where men by their transported senses gaine This anagramme of art and nature’s plaine. Cet ouvrage est rempli d'observations justes et curieuses. On s'aperçoit, en le lisant, que les historiens de l’art d'instruire les sourds-muets, ne l’ont point exploité. L'auteur fait précéder son traité d’une espèce d'analyse des principes qu'il y a posés. J'en extrais ce qui nous intéresse ici, pour avoir une idée de ses principes. « L'homme né sourd et muet a une espèce de langage très-expressif et » naturel. 48 SUR L'ÉDUCATION » Un sourd-muet s'exprime vivement par les signes. » Un sourd-muet peut entendre le sens des paroles par les yeux. » La plupart des sourds-muets produisent naturellement des sons. » Les sons que les hommes produisent n'expriment rien par eux- mêmes. » L'écriture, pour les sourds-muets, peut tenir la place de la parole ar- ticulée. » Un sourd-muet qui a appris à écrire peut apprendre à parler. » Bulwer s’est évidemment inspiré, dans ses recherches, des détails que Digby avait publiés; il commente longuement le récit de cet auteur et montre que le succès de Bonet n’a rien d’impossible. Georges Dalgarno publia d’abord à Londres, en 1661, puis à Oxford, en 1680, un ouvrage qui contient des vues précieuses sur l’art d'instruire les sourds-muets 1. Ce philosophe a anticipé sur les conclusions expéri- mentales de notre époque avec une sagacité vraiment étonnante. Je citerai un passage de Dalgarno, qui prouve bien qu'il ne croyait pas non plus avoir tout fait lorsqu'il avait appris à son disciple à parler machinalement, mais qu'il lui enseigna à comprendre la valeur des mots et le sens de la proposition. « Mon dessein, dit Dalgarno, n’est pas de donner un système méthodique » des règles grammaticales, mais seulement des instructions générales » par lesquelles un précepteur industrieux peut amener son élève sourd » à l'usage vulgaire et 57e d’une langue ; qu’il puisse être ainsi plus capable » de recevoir l'instruction dans le d; ër. des règles de la grammaire, lors- » que son jugement est assez mür pour cette étude, ou, pour m'exprimer » plus clairement, mon intention est de tracer la route qu'il faut suivre » pour enseigner à un homme sourd à lire et à écrire, en se rapprochant, » autant que possible, de la manière dont les enfants apprennent à parler » et à comprendre leur langue maternelle ?. » En poursuivant cette idée générale, il traite, dans un chapitre très- 1 Didascolocophus, or the deaf and dumb man's tutor, by Geo. Dalgarno. Oxford, 4680. Reprinted at Edimburgh, 1854, in 4°; by the Maitland club. ? De Gerando, De l'éducation des sourds-muets, tom. 11, page 200. DES SOURDS-MUETS. 49 concis, d’un dictionnaire à l’usage d’un homme sourd, et dans un autre, d’une grammaire pour les personnes sourdes. Le style de ces ouvrages est affecté, mais ils renferment tous deux des vues précieuses. Dalgarno a jeté, en passant, une foule de remarques qui ont aujour- d’hui tout l'intérêt de l’à-propos. La plus grande innovation qu'il propose est, comme je le dirai dans la seconde partie de mon mémoire, en expo- sant la méthode de M. Piroux, de Nancy, l'usage de l'alphabet manuel préféré à l'écriture. Au second chapitre de son Didascolocophus, Dalgarno se demande quelle est la méthode d'enseignement qui doit être préférée pour l'instruction du sourd-muet : celle qui emploie d’abord l'écriture, ou celle qui se sert de la dactylologie. On peut dire, dit-il, quoique les deux procédés soient également arbitraires et également faciles pour l'élève, que l'écriture a l'avantage d’être permanente et de permettre à l'élève d'étudier par lui- même; elle fait aussi une impression plus profonde, l'alphabet manuel ne figurant les mots que d’une manière fugitive; les mots passent avant qu'on les ait saisis. J’inclinai donc d’abord en faveur de l'écriture, mais après un examen plus approfondi, j'ai fini par préférer l'alphabet manuel. La per- manence des caractères a certainement en elle-même, quelques avantages, mais les mots écrits par l’alphabet manuel et fréquemment répétés, font une impression aussi profonde que les caractères fixes. L'auteur résout ensuite quelques objections, puis il continue ainsi : « Ajoutez que par l'alphabet manuel l'écriture est susceptible de plus » d’emphase, qu’on la répète plus facilement, qu’en peut l'accompagner » de gestes expressifs, et qu’elle se rapproche davantage de la manière or- » dinaire d’instruire. » L'ouvrage de Dalgarno est divisé en huit chapitres, dont nous croyons devoir faire connaître les titres. Cuarirre Ie, — L'auteur y traite de la possibilité de faire comprendre la langue aux sourds-muets. Cuarvireg IL. — L'instruction d'un sourd-muet peut commencer d'aussi bonne heure que celle d'un aveugle. Cuarrrre TL. — Un sourd-muet peut apprendre à parler. Tome XIX. 7 20 SUR L'ÉDUCATION Cuarrrre IV. -— Un sourd-muet peut comprendre ce que les autres disent. C'est dans ce chapitre qu’il rapporte l'exemple du disciple de Paul Bonet, que Digby avait exposé. Cuarrrre V. — Della voie la plus efficace pour instruire un sourd-muet. Cuavrrre VE — D'un dictionnaire pour les sourds-muets. Cnarrrre VIL = D'une grammaire pour les sourds-muets. Cuamirre VIII. — D'un alphabet sur les doigts. Jusqu'ici, nous voyons que ceux qui se sont occupés d’instruire les sourds-muets avaient connu les succès de Pedro de Ponce et de Paul Bonet, et que les résultats étonnants de ces deux instituteurs espagnols les ont inspirés, et leur ont donné la confiance nécessaire pour renouveler ces essais. [l'est indubitable que Wallis, qui publia en 1655, à Oxford, un Traité de la parole ou de la formation des sons !, à également connu les succès qu'on avait obtenus en Espagne. Dans l'ouvrage dont je viens de parler, Dalgarno publie d'assez longs détails sur les disciples de Paul Bonet, et il cite au nombre de ses amis, ce Jean Wallis qui était professeur d'astronomie à Oxford. Il est donc à peu près démontré que Dalgarno aura communiqué à son ami les indications qu'il possédait, et que les succès de Pedro de Ponce et de Paul Bonet, auront amené Wallis à tâcher d'en réaliser de semblables; car il est vrai, comme l’auteur le dit lui- même, que le premier inventeur n’a pas pu cacher sa méthode. En for- mulant les succès de Paul Bonet, on indiquait les principes qui les lui avaient fait obtenir. Wallis a formé plusieurs élèves ; mais, à l'exemple de ses devanciers , il était loin de se contenter de leur apprendre à remuer machinalement les lèvres. Dans sa lettre au docteur Thomas Beverley, il s'exprime assez net- tement pour qu'on n'ait aucun doute sur la valeur qu'il attribuait à l’ar- ticulation dans l'instruction des sourds-muets. « Voilà, dit-il, la partie la » plus facile de la tâche (l'articulation), bien qu’on la regarde ordinaire- » ment comme la plus admirable. Cependant, dans ce qui reste à faire, ce » serait d'un bien faible usage; car, prononcer des mots comme des per- î J. Wallis, De loquela, sive sonorum formatione. Lugd. Batav., 1727. DES SOURDS-MUETS. j1 » roquets, c’est-à-dire, sans connaître leur signification, de quelle utilité » cela pourrait-il être dans le commerce de la vie? » Mais, c'est la seconde partie, celle qui a pour but de donner l’u- » sage du discours écrit, que vous désirez connaitre. » Pour cela, il faut, avant tout, que le muet qu'on veut instruire » apprenne à écrire, etc. » Il sera fort avantageux de lui apprendre l'alphabet manuel, etc. » Ensuite, il faut lui apprendre l'articulation , avec cette différence que » le muet apprend par les yeux, les signes qui représentent les mêmes » sons. Or, les sons et les signes peuvent, à volonté, représenter les mêmes » choses ou les mêmes idées. » Il est si vrai que Wallis ne se contentait pas d'enseigner à ses élèves à remuer machinalement la langue, qu’il en forma plusieurs sans recourir à l'articulation. Quant aux signes, cet auteur avait la même idée que nous de leur usage : « Il sera, dit-il, avantageux d’avoir toujours à votre disposition une » plume et du papier, pour traduire par des mots ce que l'élève indique » par ses gestes , et pour lui faire écrire ce qu’il donne à entendre par des » signes; car les muets sont assez habiles à exprimer leurs pensées par » signes, et il est fort utile que nous apprenions cette espèce de langue, » pour leur enseigner la nôtre en leur montrant quels mots répondent » à tels ou tels signes. » Vers le même temps, il parut à Londres, sous le titre de: Discours d'un sourd-muet, un autre ouvrage que Sibscota s’est attribué. M. Guyot a décou- vert que cet écrit est un plagiat, car il n’est qu’une traduction d’une dis- sertation d’Ant. Deusing, publiée en 1660, in-4°, à Groningue. L'ouvrage de Deuzing n’a probablement que peu d'importance, puisqu'on n’en trouve aucune trace dans l’histoire de l’enseignement des sourds- muets. Je ne l'ai jamais eu en mains, et comme je me suis fait un devoir de ne parler des auteurs que d’après la lecture que j'en ai faite, je me vois forcé de passer cet écrit sous silence. Le premier que l'histoire de l’art mentionne ensuite comme s'étant oc- 52 SUR L'ÉDUCATION cupé de l'instruction des sourds-muets, est le fils du fameux Van Hel- mont. Dans son ouvrage intitulé : A/phabeti vere naturalis vera delineatio , Fran- çois Mercure Van Helmont s’est proposé d'examiner à quels moyens il devrait avoir recours pour se mettre en communication avec des sourds- muets, si, par suite d’un naufrage, il lui arrivait d'aborder à une île peu- plée de toutes personnes atteintes de surdi-mutité. D'après l'esprit de son siècle, Van Helmont s’aventure dans des dis- cussions transcendantes, et jette, en passant, une foule d'idées lumineuses sur des questions de haute philosophie, telle que la puissance magnéti- que, idées que les modernes ne dédaignent pas de s’attribuer ou dont, du moins, ils profitent largement. Van Helmont s'attache surtout à l'articulation, et, pour montrer ou pour prouver les avantages et les priviléges de la parole articulée, il puise des arguments dans les rapports qui existent entre les opérations du microcosme et celles de l’univers : il compare la puissance plastique de l'homme par sa parole, à la puissance créatrice de Dieu par le Verbe; la conception et la génération de l'être, avec la conception et la génération de l’idée par la parole. Mais il n’attribuait cette puissance qu’à la langue primitive, dont il ne nous reste plus que des débris. C’est surtout dans la langue hébraïque qu'il en cherchait les restes, et c’est dans cette langue qu’il croyait rencon- trer la vraie prononciation. Suivant lui, les lettres hébraïques représentent par leur forme, les positions des organes de la voix. De son côté, M. Graser, de l'institut de Bayreuth, croit trouver quel- que analogie entre la position et le mouvement de la bouche et les carac- tères latins : c’est qu’en effet, et dans un certain sens, pour l'imagination, tout est dans tout. Quant à Van Helmont, je dois faire remarquer qu'il faut nécessaire- ment distinguer sa théorie de ses idées pratiques. Il avait observé que ceux que l’on appelle sourds-muets, ne sont 1 Alphabeli vere natwralis hebraici brevissima delineatio. F.-M.-B. Ab Helmont; Sulzbaci, 1677. ms dhathent ss fé DES SOURDS-MUETS. DS cependant pas tout à fait muets; que, malgré leur surdité, ils conservent toujours la faculté d'émettre des sons, et que cette infirmité les empêche seulement d'apprendre par l’ouie, les combinaisons des syllabes, d’a- près les lois et les usages de chaque langue. Ces observations sont vraies, et il en conclut que l'enseignement de l'articulation n’est pas impossi- ble. Les sourds-muets, dit-il, jouissent ordinairement d’une plus grande perspicacité de la vue que les enfants qui entendent. C’est qu’en effet la nécessité les force à recourir à la vue pour leur conservation, leurs be- soins, leurs jouissances, et que l'exercice donne à la vue plus d’étendue, et rend ce sens plus intellectuel. Souvent, ajoute-t-il, un sourd-muet comprend ceux qu'il a l'habitude de voir parler, lorsqu'ils ne s’entretiennent que de choses usuelles. Tout le monde peut jusqu'à certain point vérifier ce fait, surtout sur un sourd- muet doué d’un peu d'intelligence et parvenu à un certain âge. Il apprécie très-bien la difficulté de la lecture sur les lèvres; la vue ne peut saisir que les mouvements extérieurs des organes de la voix, et toute opération de ces organes dans l’intérieur de la bouche, doit lui échapper; d’où il suit, qu’un sourd lirait plus facilement sur les lèvres, les langues orientales, que nos langues du Nord. Les premières se parlent à bouche ouverte et avec des émissions de voix sortant avec plus de rondeur de la poitrine, tandis que les nôtres, et surtout l’anglais, se prononcent plutôt à bouche fermée. Cet ordre d'idées l'avait conduit à la conviction qu'il est plus facile de lire lhébreu qu'aucune autre langue, et c’est par la lecture de cette langue, qu'il croyait utile de commencer l’enseignement de larticulation aux sourds-muets. Van Helmont prétend que trois semaines lui ont suffi pour mettre un musicien allemand qui était complétement sourd, en état de lire sur les lèvres ce qu'on lui disait, et de répondre à toutes les questions qui lui étaient faites lentement et à bouche ouverte. M. de Gérando semble douter de ce fait, en disant que Van Helmont prétend être parvenu à instruire un sourd-muet dans ce court espace de d4 SUR L'ÉDUCATION temps; mais Van Helmont ne dit nulle part que son élève fût sourd-muet; il prévient, au contraire, que c’était un musicien connaissant déjà l'allemand. Son intelligence devait être bien développée, car Van Helmont assure que cet homme, après avoir appris à prononcer les lettres hébraïques, parvint à comprendre cette langue au point de pouvoir comparer la bible hébraïque avec une version allemande. Le fait d’avoir enseigné à lire ainsi sur les lèvres en si peu de temps, est un succès qui n’est nullement improbable, et le fait se reproduirait si l'on employait ce moyen d'instruction sur des sujets aussi intelligents que l'était l'élève de Van Helmont. D'après une foule d'idées éparses dans son livre, il me paraît évident que si Van Helmont avait dû instruire un sourd-muet, il s’y serait pris à peu près comme nous pour l’enseignement philosophique de la langue; seulement, il aurait fortement insisté pour la lecture sur les lèvres et sur l'articulation. Dans son Surdus loquens, le docteur Conrad Amman expose théori- quement des idées qui sont à peu près celles de Van Helmont : « L'homme, » dit-il, jouit donc de la faculté de lancer, pour ainsi dire, les rayons de » cette vie qui surabonde chez lui, par la parole, sur les créatures qui » lui sont soumises ; et, de même que le Tout-Puissant a créé par sa » parole, il est donné à l'homme, non-seulement de contempler les choses » dans son Créateur et de les exprimer en son honneur par un langage » convenable, mais encore de produire, en parlant, tout ce qu'il veut » conformément aux lois de sa nature. » Dans sa pratique, Amman ne se contenta pas d'enseigner la prononciation des mots, il expliqua encore leur valeur par le langage d'action; il est cependant vrai de dire qu’il ne s'exprime que d’une manière très-incomplète sur cette partie essentielle de l'enseignement. La tradition de cet art d’instruire les sourds-muets se perdit en Hol- lande, mais l'Allemagne donna plus de suite à l'impulsion qu’elle avait reçue de l'exemple du succès de Paul Bonet, que Rodolphe Camerarius y avait fait connaître. Les succès de Paul Bonet et de Pedro Ponce se trouvent encore men- DES SOURDS-MUETS. DD tionnés dans les écrits d’un autre auteur allemand, le père Gaspar Scotti 1. Kerger réussit à instruire des sourds-muets au commencement du dix-huitième siècle. M. le baron de Gérando se trompe en citant Ettmüller comme ayant instruit une sourde-muette. L'auteur de-cette instruction est Kerger, qui, à la demande d’'Ettmüller, fit connaître à l'Académie des curieux de la nature, les procédés qu'il avait suivis. Kerger s'étonne, dans son rapport?, que son travail ait été jugé digne d'être soumis à cette Académie, tandis que d’au- tres s'étaient occupés avant lui du même objet; il cite à cette occasion Pierre Ponce, Valesius, l'ouvrage de Paul Bonet, et les traités de Wallis, de Van Helmont, de Holder, de Sibscota, d’Amman et du père Lana- Terzi. « Personne, dit Kerger, en rappelant le fait rapporté par Agricola > et les principes émis par Cardan , personne ne saurait révoquer en doute » que tout sourd-muet, réduit au sens de la vue, mais doué de l'intelli- » gence naturelle, ne puisse être mis en état d'écrire et de comprendre le » sens de ce qu'il lit, lors même qu’on ne lui enseignerait pas à parler. » Kerger explique ensuite sa méthode et signale les ressources que la pan- tomime lui offrait; il ne se contentait donc pas d'enseigner à mouvoir ma- chinalement les lèvres. Vers cette époque, d’autres personnes essayèrent encore cette instruc- tion et réussirent. Je les passe sous silence, mais je dois dire un mot de George Raphel, né en Silésie, en 1675. Raphel eut trois filles sourdes-muettes dont il fit lui-même l'éducation : lainée, qui mourut à vingt ans, avait si bien appris à parler et à lire sur les lèvres, qu'on ne la distinguait pour ainsi dire pas d’une personne douée de tous ses sens. Elle avait acquis une connaissance parfaite de la langue, et son savoir en fait de religion était étonnant. Ces résultats prouvent que Raphel ne se contentait pas de l’enseignement * Schola steganographica ; Herbopoli, 1665, m-4°. — Joco-seriorum naturae et artis, Caramuel (G. Scotti), in-4°. ? Dans l'ouvrage: Georg. Raphel's Kunst Taube und Stumme reden zu lehren mit einer Vorrede des H. Cæsar's, und einem briefe des Lic. Med. Wilhelm Kerger's. Leipzig, 1801. 56 SUR L'ÉDUCATION purement mécanique de l'articulation. Il explique d’ailleurs dans son traité !, la manière dont il parvint à enseigner la langue à ses filles. Il s'était attaché à observer comment les enfants doués de l'audition, parviennent à comprendre le sens des mots et des phrases, et il tàcha d’imiter leur procédé en le simplifiant. Il n’appelait la grammaire à son secours que quand l’enseignement pratique, donné par l’usage, lui permet- tait d'expliquer la syntaxe par la langue. 11 s’aidait du langage des gestes et désapprouvait beaucoup l'emploi des images dans l’enseignement des vérités de la religion. Pendant tout le dix-huitième siècle, une suite non interrompue d’écri- vains et d’instituteurs continuèrent à répandre, à perfectionner et à appli- quer les principes de l’art d’instruire les sourds-muets. Othon Benj. Lasius, loin d'attribuer toute la valeur de l'instruction à l'enseignement matériel de l’articulation, se contenta d'apprendre à son élève à lire, à écrire et à comprendre le sens des mots et des phrases. Le pasteur Arnoldi entreprit, avec un plein succès, l'éducation d’un jeune homme sourd-muet, fils d’un seigneur hessois. Il eut encore d’autres élèves. Arnoldi fit un grand usage du dessin; il employa également le lan- gage mimique pour l’enseignement de la lecture et de l'écriture. Le Saxon Samuel Heinecke donna des preuves incontestables de son talent dans l'instruction des sourds-muets, et ses succès furent tels qu'ils portèrent l'électeur de Saxe à fonder, en 1778, le premier institut de sourds- muets qui ait été établi par un gouvernement. C'est à Leipzig qu'il fut ouvert sous la direction de Heinecke. Il est inutile d’insister sur cet institu- teur, que ses démélés avec l’abbé de l'Épée ont fait suffisamment connaître. S'il n'avait pas eu la malheureuse idée de faire un mystère de sa méthode, ses principes auraient prévalu sur la méthode des signes méthodiques, et sur la fatale idée de ne laisser à nos langues que le rôle de traduire un langage sans syntaxe. Vers le milieu du dix-huitième siècle, un Portugais, nommé Péreire, obtint, en France, des succès étonnants dans cette branche d'instruction. 1 Cité plus haut. DES SOURDS-MUETS. D7 Le 11 juin 1749, l'Académie royale des sciences l’admit à lui présenter un de ses élèves, le jeune d’Azy d’Étavigny. Le rapport des commissaires constate le plein succès de Péreire 1. « Les élèves, y est-il dit, lisent et » prononcent distinctement toutes sortes d'expressions françaises ; ils don- » nent des réponses très-sensées à toutes les questions qu’on leur fait; ils » exécutent ponctuellement tout ce qu’on leur propose de faire; ils don- » nent aux noms le genre et le cas qui leur conviennent, conjuguent les » verbes, font l'usage propre des pronoms et des adverbes, des prépositions » et des conjonctions; ils savent les règles de l’arithmétique, etc. » En 1751, Péreire présenta un autre de ses disciples à l'Académie : c'était le jeune Saboureux de Fontenai. Le rapport des commissaires est plus explicite encore : « Cette méthode, y est-il dit, doit être excellente, les » enfants qui ont tous leurs sens ne faisant pas autant de progrès dans un si court » espace de temps. » Saboureux a écrit une lettre qui est arrivée jusqu'à nous, et que l’on peut citer comme un nouvel exemple du degré de culture intellectuelle qu'il est possible de donner à un sourd-muet. Elle renferme des vues très- justes sur les moyens d’instruire ces malheureux. L'abbé de l’Épée, dans son Institution des sourds-muets, 1" édition , I: partie, page 27, parle en ces termes de ce Saboureux de Fontenai. « C’est » aux talents de M. Péreire, que M. de Fontenai fut redevable de l’in- » struction de la langue française : une autre personne s’est chargée de lui » apprendre la religion; ensuite il a appris lui-même plusieurs langues, » par le secours des méthodes et des dictionnaires. » Péreire faisait un grand mystère de ses procédés d'enseignement, parce qu'il espérait qu'ils lui auraient fait obtenir une récompense, mais le gou- vernement ne lui accorda que des paroles flatteuses : c’est la règle. Son secret mourut avec lui. En jetant un coup d'œil sur l’histoire de l'art d'instruire les sourds- muets avant l'abbé de l'Épée, voici comment on peut la résumer. La première impulsion nous vient de l'Espagne. Paul Bonet a eu con- 1 Histoire de l'Académie, année 1749. Tome XIX. 8 58 SUR L'ÉDUCATION naissance de la méthode de Pedro de Ponce. Kenelm Digby, témoin des succès de Paul Bonet, l’a fait connaître en Angleterre et en Allemagne. La plupart de ceux qui se sont occupés de cette instruction, en ont puisé la première idée dans les résultats auxquels les deux professeurs espa- gnols étaient parvenus. Les succès qu'ont obtenus les maîtres qui ont entrepris l'instruction des sourds-muets avant l'abbé de l'Épée, sont incomparablement supérieurs à ceux que ce professeur en a retirés : de tout ce qu'il a proposé pour cette instruction, il n'existe plus que ce qui était connu de ses prédé- cesseurs ; rien n’est resté de ce qui lui était exclusivement propre. Voilà la vérité ! Mais, l'abbé de l'Épée a rendu des services qui feront à jamais bénir son nom : il a été généreux et il s’est dévoué plus que personne au sou- lagement des sourds-muets. Par son dévouement et sa générosité , il a eu le bonheur et la gloire de réaliser complétement une promesse que Jésus avait faite : Pauperes evangelizantur , l'évangile est prêché aux pauvres sourds- muets. DES SOURDS-MUETS. 59 SECONDE PARTIE. Dans la seconde partie de la question proposée, l'Académie demande que l’on établisse un parallèle entre les principales institutions ouvertes aux sourds-muets dans les différents pays, en exposant les divers objets de l'enseignement, les moyens d'instruction employés, et le degré d’exten- sion donné à l’application de ces moyens, dans chaque institution. La réponse à une question aussi vaste sortirait des bornes prescrites par l'usage aux mémoires académiques, si j'entrais dans toutes les nuances qui distinguent les méthodes employées. Il n’y a pas de méthode absolu- ment commune à deux établissements; aucune différence essentielle ou fondamentale n’existe non plus entre les méthodes suivies dans les diverses institutions. Enfin, la méthode n’est stationnaire dans aucun établissement : comme dans tout ce que l'homme crée, l'expérience y introduit successivement certains changements , certaines améliorations. J'établirai cependant ce parallèle, en comparant les méthodes et en groupant les différences qu'elles présentent. Je dirai quels sont les pro- cédés employés, la manière dont on applique les différents instruments imaginés pour l'instruction des sourds-muets, et enfin, j'exposerai les objets de l’enseignement. 60 SUR L'ÉDUCATION Cette partie de mon mémoire sera plutôt une exposition historique , qu'une discussion sur la valeur ou le mérite des procédés et des métho- des. Je réserve cette appréciation pour la troisième partie, dans laquelle j'établirai les motifs de la préférence que l’on doit donner à un instrument sur un autre instrument, à une méthode sur une autre méthode. En arrivant dans nos institutions, le sourd-muet possède ordinairement une provision de signes, et, par conséquent, d'idées plus ou moins vagues ou déterminées, suivant son intelligence et les soins dont il a été l’objet. S'il avait pu entendre, il aurait parlé; la parole l'aurait mis en commu- nication avec ceux que la Providence avait destinés à l’initier aux notions sociales, et, au moyen de ce langage , son intelligence se serait déve- loppée. Sans doute, l’ouie ne donne pas l'intelligence de la langue : on nous répèterait pendant des années, les mots et les phrases d’une langue, que l'ouïe seule ne nous les ferait pas comprendre : le mot ne donne pas l'idée. Pour qu'un mot ait une valeur, cette valeur doit y avoir été atta- chée au moyen d’un intermédiaire ; mais dès que deux idées se sont, pour ainsi dire, incarnées dans deux mots, dès que l'intelligence a deux phrases à sa disposition , elle a le moyen de faire naître une troisième idée. Les langues artificielles ont cette double utilité qu'elles servent aux hommes pour communiquer entre eux, et sont un instrument intellectuel au moyen duquel l'homme peut multiplier et développer ses idées, en com- parant entre elles celles qu’il a déjà acquises. Les langues fixent nos observations, et les mots sont comme autant de jalons que nous posons dans le chemin des découvertes que nous faisons dans l’ordre physique ou moral. Les langues introduisent l’ordre dans ce qui ne se présente à nos sens qu'au hasard, confusément, et dans une espèce de chaos; elles aident à généraliser, à abstraire, comme je le dirai plus amplement dans la troi- sième partie de ce mémoire. La langue étant l'expression de ce qui est, nous avons besoin, pour en donner la connaissance, d'utiliser ce que nous avons de commun DES SOURDS-MUETS. 61 avec les sourds-muets; or, comme eux, nous sommes en relation avec la nature par nos sens, et, comme nous, ils en reçoivent des impressions. En arrivant dans nos institutions, le sourd-muet a déjà traduit un nom- bre plus ou moins grand de ces impressions, en expressions gesticulées ou signes mimiques, et nous lui en donnons les équivalents dans nos langues. Nous avons encore de commun avec les sourds-muets notre instinct et nos sentiments, qui se font jour et s'expriment dès qu'ils se trouvent en présence des faits qui les suscitent. Le dessin peut rappeler les objets qui ne sont pas présents, comme il peut reproduire les gestes naturels que provoquent les sentiments, et remplacer l'intuition immédiate ou réelle. Les gestes, l'intuition médiate ou immédiate, sont donc un premier in- termédiaire pour attacher les idées aux mots; les mots à leur tour devien- nent un instrument de développement intellectuel. Tous les établissements de sourds-muets s'accordent sur la nécessité d'enseigner nos langues écrites, et il n’en est pas un seul qui ne se serve de signes pour donner cette connaissance; toutefois, les instituteurs va- rient dans l'extension à donner à l'application des signes. On divise les signes en signes naturels et en signes arbitraires, mais il est impossible d'établir cette classification d’une manière exacte. Qu'est-ce qu'un signe naturel? quelles sont les qualités qui le distinguent essentielle- ment du signe arbitraire? Les signes que font nos élèves à leur entrée dans les institutions, sont-ils tous des signes naturels? S'il en était ainsi, les sourds-muets auraient généralement les mêmes signes pour exprimer les mêmes idées. Or, il n’en est rien. La plupart des signes que l’on range parmi les signes naturels, ont été choisis arbitrairement suivant le point de vue sous lequel le sourd-muet a envisagé l'objet, la manière dont une chose l'a frappé, ou suivant les circonstances qui ont accidentellement fixé son attention. On divise encore les signes en signes de mots et en signes d'idées, c’est-à-dire, en signes qui ne font que rappeler le mot, et en signes idéogra- phiques qui rappellent en même temps l'idée exprimée par le mot. j 62 SUR L'ÉDUCATION Si la coordination de ces différentes espèces de signes est calquée sur celle de la phrase écrite, c’est-à-dire , si en faisant usage des signes on imite les artifices grammaticaux de nos langues ; si chaque mot, d’après l'ordre qu'il occupe dans nos phrases, a un signe principal accompagné de signes accessoires pour exposer toutes les modifications qu'il doit subir, on appelle ces signes — signes méthodiques. Ce qu’on nomme la pan- tomime, est une série de signes sans ordre grammatical, qui expliquent un fait par toutes ses circonstances, une idée par ses causes ou ses effets, et les objets par leurs qualités sensibles, etc. L'usage que l'on fait des signes varie d'une institution à une autre et de professeur à professeur. La différence est cependant beaucoup plus mar- quée dans les livres que dans la pratique. L'usage des signes reste rarement dans les termes des programmes ; on les emploie souvent beaucoup plus qu'on ne l'avoue. Il est donc impossible de tirer du résultat que l’on en obtient dans les différentes institutions, un argument absolu en faveur de l'un ou de l’autre procédé. On ne peut raisonner que sur le principe. Je me réserve de traiter ce point dans une autre partie de ce mémoire; je n'ai à constater ici que le fait matériel de l'emploi de ce mode de communication, et du degré d'extension qu’on lui donne dans l’instruc- tion. Tous les établissements se servent de signes , et lorsque l’Allgemeine deutsche Real-Encyklopedie ! distingue l’école française de l’école allemande, en ce que la première se sert de signes, tandis que la seconde s'attache à l'articulation, on peut dire qu’elle fonde cette classification sur un fait impossible, car, comme les Français, les Allemands se servent de signes pour faire comprendre la langue. La raison de ce fait est fort simple : c’est qu'il n'existe pas d'autre moyen pour la première période de l'instruction du sourd-muet. L’articulation en elle-même n’est considérée en Allemagne et partout ailleurs que comme un instrument mécanique. Il y a beaucoup d'établissements où l’on donne aux élèves un signe pour 1 Allgemeine deutsche Real-Encyklopedie für die gebildeten Stände. Achste origenal Auflage. Leipzig, Broekhaus, 1836. (Art. Taubstummenunterricht.) DES SOURDS-MUETS. 63 chaque mot, et où l’on répète plus souvent le signe que le mot; mais, nulle part, pas plus en France qu'en Allemagne, on ne fait actuellement jouer aux mots le rôle purement matériel de traduction, ainsi que le com- prenait l'abbé de l'Épée. Partout on enseigne les langues graphiques; ce- pendant il est des établissements où l’on enseigne en même temps une langue mimique, ayant prétendument des règles syntaxiques comme nos langues. Ce système d'instruction était celui de l'abbé Sicard; aussi la plupart des professeurs qui ont suivi ses cours ou ceux de l'abbé de l'Épée, avaient-ils introduit l'usage des signes méthodiques dans leur enseigne- ment. Mais l’enseignement a marché partout, et ce système peut d’autant moins se nommer le système français, qu’on ne le suit pas dans la plupart des établissements de la France. L'institution de Paris, qui, par ses prin- cipes, occupe sans doute le premier rang parmi ces institutions, a défini- tivement et depuis longtemps, banni les signes méthodiques du système de son enseignement. J'ai rencontré des instituteurs qui admettent ce système en pratique, mais sans oser l'avouer. Beaucoup de ces maîtres sont malheureusement étrangers à toute notion générale et fixe de leurs méthodes, et ils pratiquent ainsi sans connaître les principes qui doivent les guider: S'il fallait décider du mérite des méthodes par le nombre des établissements ‘où elles sont en usage, le système des signes méthodiques n'aurait même pas là majorité; mais l’eût-1l : trop d'établissements font nombre sans faire autorité. Il y a d’autres institutions qui, sans faire des signes une langue, ont cependant un dictionnaire de signes qu’elles emploient pour rappeler les mots d’unermanière facile et expéditive. Les partisans de ce système, ou plutôt de ce procédé, veulent faire de ces signes une espèce de parole ma- nuelle, presque aussi simple etaussi prompte que la parole orale, et beau- coup plus rapide que l'écriture. La lenteur de la communication par le moyen de l'écriture est'un fait incontestable; l'écriture exige d'ailleurs des ‘instruments que lon n’a pas toujours à sa disposition. Ceux qui se sont occupés les premiers de lart d'instruire les sourds-muets, ont imaginé différents instruments pour remédier à cet inconvénient. 64 SUR L'ÉDUCATION 1° Les uns, comme je viens de le dire, ont trouvé ce remède dans l'usage indéfini des signes. 2° L’articulation a beaucoup de partisans. 5° D’autres ont eu recours à une écriture abrégée. 4° IL en est qui préconisent l'alphabet manuel comme pouvant acquérir assez de vitesse pour lutter avec la volubilité de la parole. d° Enfin, les plus sages n’ont pas de préférence absolue et se servent de plusieurs procédés suivant les circonstances. J'examinerai successivement chacun de ces procédés. Après avoir longtemps employé les signes, l'établissement de Gmünd, dans le Wurtemberg, y a renoncé et a adopté l'articulation comme étant un moyen de communication plus facile. Les institutions de Birmingham et de New-York ont, au contraire, abandonné l’enseignement de l’articula- tion, pour faire usage des signes. Les signes sont encore employés pendant tout le cours de l’enseigne- ment, seuls ou conjointement avec l'articulation, dans les établissements de Groningue, de Londres, de Vienne, de Berlin, de Saint-Pétersbourg, de Munich, de Waitzen, de Pforzheim, de Berne, de Strasbourg, de Milan, de Gênes, de Hartford, etc. Parmi les nombreux établissements où cette méthode est en usage, je me suis borné à citer les principaux , et encore l'emploi des signes est-il loin d'y être identique. Il faudrait des volumes pour décrire toutes les nuances qui existent dans la pratique de ces établissements. La liste des institutions qui n’admettent pas la nécessité des signes au delà de la première période d'instruction, ne serait pas moins nom- breuse que celle des établissements qui jugent que leur emploi est nécessaire pendant tout le cours de l’enseignement. Mais, je le répète, je réserve pour la troisième partie de mon mémoire, ce que j'ai à dire sur l'utilité ou le danger des signes. Il me suffit de constater ici que les résultats qu'obtiennent toutes les institutions qui n’adoptent point leur emploi prolongé, témoignent d’une manière péremptoire contre la nécessité de faire un long usage des signes pour l'instruction des sourds- muets. DES SOURDS-MUETS. 65 Cette non-nécessité étant prouvée par des faits, le raisonnement pourra facilement établir l'utilité ou les dangers des signes. Les partisans des signes ne s'accordent pas sur la nature de ceux qu'ils doivent employer. L'abbé Jamet et les instituteurs qui partagent son opinion, prétendent que l’on doit enseigner aux sourds-muets les signes des mots et non les si- gnes des choses. Beaucoup d'instituteurs soutiennent, au contraire, que les signes doivent ètre des signes d'idées, c’est-à-dire, que ce langage doit rester une écriture idéographique, et que c’est dans cette forme que gît toute son utilité. Ces différents points de vue méritent d’être exposés avec plus de détails. Tout le système de l'abbé Jamet repose sur la distinction des signes : l°en pantomime ou en un ensemble de signes au moyen desquels il fait connaître le sens et les diverses acceptions d’un mot; 2° en signes expé- ditifs. Ces derniers doivent être uniques, concis, aussi simples que possible, et d’une exécution facile. Le rôle de ces signes est de rappeler le mot, de le prononcer manuel- lement. La conséquence de ce système, est que chaque mot n’a qu'un seul signe, quels que soient le nombre et la variété de ses acceptions. Il suit de là que les signes de M. Jamet sont nécessairement arbitraï- res, car il est impossible qu'un seul signe puisse représenter et peindre chacune des significations d’un mot. Cependant, par une contradiction assez commune aux partisans des signes, cet instituteur prétend que les signes qu’il propose « ont de l’ana- logie avec la chose qu'ils indiquent, et qu'il a pris pour règle imvariable de chercher dans la chose exprimée par les mots, le point qui la distingue de toute autre, pour en faire la base de son signe 1. » À moins de vouloir soutenir que les mots français écrits ont une ana- logie avec les idées qu’ils expriment, on ne conçoit pas comment, en fai- 1 Mémoires de l'abbé Jamet; Caen, 1824, pag. 44-57. Tome XIX. 9 66 SUR L'ÉDUCATION sant le signe des mots et non celui des choses, on puisse faire un signe qui ait de l’analogie avec la chose. Afin de classer aisément ces signes dans la mémoire de ses élèves, M. Jamet a cherché à les grouper et à rattacher, en quelque sorte, à uh signe radical, tous ceux qui indiquent les mots dérivant d’une souche commune. Ainsi, tous les dérivés d’un verbe ont pour signe radical le signe même de ce verbe. Il en est de même des mots composés. Le verbe poser, uni à près de vingt prépositions, et ses composés, s’ex- priment par le signe radical — poser, et par les signes de chacune des prépositions qui s’y associent. L'auteur se flatte de donner ainsi une idée nette du sens du mot qu’on ne saurait exprimer autrement que par un long commentaire. Cependant, quelle idée nette et claire veut-on qu’un sourd-muet con- çoive du verbe supposer, lorsqu'il doit la puiser dans les signes de poser et de sur ou sous ? M. l'abbé Jamet s’est ingénié à trouver un signe qui pût, mieux que l’é- criture, remplacer la parole; mais ses signes, je regrette de devoir le dire, ne me semblent pas une conception heureuse. L'écriture est, sans doute, un moyen lent et imparfait; cependant on doit reconnaître qu'aucun système de signes n’atteint le degré de perfec- tion de l'écriture avec ses réductions en alphabet manuel, oral et labial. En examinant les signes au point de vue de la rapidité des communi- cations, on trouve qu'ils ont peu d'avantages sous ce rapport, car pour faire le signe d’un verbe avec l'indication de son mode, du temps et de la personne, on doit nécessairement employer autant de temps qu’il en faut pour écrire un mot au moyen de l'alphabet manuel ou avec la plume. L'écriture ordinaire présente encore cet avantage, que son usage peut être contrôlé par les entendants-parlants, tandis que la langue des signes ne peut l'être que par le maître qui l'a enseignée, ou par ceux qui la connaissent par une longue application; cette dernière langue devient d’ailleurs inutile à l'élève, lorsqu'il quitte l'établissement où il a reçu son instruction. — DES SOURDS-MUETS. 67 Et puis, l’on sait que le sourd-muet a une prédilection marquée pour l'usage des signes. Ce moyen de communication vaudrait pour lui autant que l'écriture, s’il était destiné à passer sa vie avec ses frères d’infortune : mais le but de l'instruction qu'on lui donne, est de le mettre en rapport avec ses concitoyens qui parlent la langue du pays, et qui sont étrangers à la langue mimique. Au lieu d'engager le sourd-muet à faire un usage constant des signes, il faut donc s’ingénier à le faire écrire avec la plume et l’alphabet, ou à le faire parler de vive voix, s’il a appris à le faire. Que dirait-on d’un instituteur qui, ayant un élève flamand auquel il aurait pour mission d'enseigner la langue française, engagerait cet élève à ne parler que sa langue maternelle? L'enfant entrerait facilement dans les vues de son maître, et se servirait de préférence de la langue flamande, mais il est évident qu'il n’apprendrait guère ou que très-difficilement à parler français. Cet examen sommaire du système de M. l'abbé Jamet me dispense d’en- trer dans de longs détails sur le procédé qu'emploient les partisans des signes qui trouvent qu'il faut faire le signe des choses, afin d'y trouver une espèce d'idéographie sensible, ou, comme ils le disent, une langue qui parle à l’äme. Les signes des choses, pour être nets, expressifs et assez déterminés pour qu'on ne puisse pas les confondre, doivent nécessairement être longs. Si on les simplifiait, ils ne désigneraient pas les choses, ni surtout les idées, et le sourd-muet serait incessamment exposé à les confondre avec les signes de choses ou d'idées tout à fait différentes. La confusion ou la lenteur des communications seraient le résultat nécessaire de l'emploi de cette espèce de signes, si on les préférait à l'écriture. Enfin, la permanence et la fixité de l'écriture lui donnent sur les signes un avantage tel, que les partisans de ces derniers recherchent depuis long- temps les moyens propres à les fixer. Plusieurs essais de mimographie ont été tentés, mais jusqu'ici aucun d'eux n’a pu être appliqué avec succès à l'instruction des sourds-muets. Je vais pourtant donner une idée de ces essais, afin de compléter l'exposé que je dois faire des signes et de leur usage. 68 SUR L'ÉDUCATION M. Bébian est linstituteur qui s’est montré le plus ingénieux dans l'essai qu'il a publié d’une écriture mimique. En adoptant son Manuel, le Conseil d'administration de l'Institutroyal de Paris a jugé que, pour rendre ce travail complet, l’auteur aurait dû tra- cer les règles principales du langage mimique, et joindre à chaque exemple la description des signes propres à l'expliquer. Dans l'opinion de M. Bébian, les signes sont l'instrument essentiel de l'instruction des sourds-muets, et constituent un langage dont dépendent tous les résultats des efforts du maître. Une méthode d'enseignement basée sur cette hypothèse, exigeait nécessairement que l’on traçàt les lois syntaxi- ques de cette langue. Mais il est impossible de faire connaître les règles d’une langue sans en faire connaître les mots : on ne peut non plus tracer sa syntaxe, si l’on n’en a pas le dictionnaire écrit; or, c'est en vain que l’on tenterait de dé- crire les signes mimiques au moyen de mots; le dessin même, quelque parfait qu'il fût, ne le pourrait pas, car ces signes exigent une succession de mouvements que le dessin ne saurait exprimer. M. Bébian se trouvait ainsi forcément amené à chercher une écriture spéciale des signes, à la fois simple et expéditive comme l'écriture ordi- paire. Au premier coup d'œil, la tentative paraît désespérée: comment en effet peindre tous les mouvements des différentes parties du corps, qu'on peut modifier de mille manières? ensuite, comment écrire les traits si variés de la physionomie qui est elle-même si mobile? Mais l’on revient en partie de cette idée, quand on considère que trente à quarante caractères élémentaires sufiraient pour pouvoir écrire lim- mense quantité de mots qui composent le vocabulaire de toutes les langues du monde. Il ne serait donc pas impossible de réduire tout le langage d’ac- tion à un petit nombre d'éléments. Un signe mimique est composé d’un ou de plusieurs gestes. Un geste est un mouvement partiel ou général du corps. L'écriture mimographique exigerait donc que l’on indiquàt l'organe qui agit et le genre de mouvement exécuté. DES SOURDS-MUETS. 69 M. Bébian indique ce mouvement par une portion de cercle ouverte dans la direction imprimée au mouvement, et ayant une petite ligne ou rayon qui sort de cette portion de cercle 1. Si le mouvement est oblique, c'est encore le rayon qui le mar- que. Si le mouvement décrit une courbe, on l'écrit en imprimant au rayon une forme courbe, dans le sens de sa direction. Si le mouvement est circulaire, le rayon finit par la lettre O , toujours placée dans la direction voulue. M. Bébian a inventé des signes pour marquer les mouvements de flexion, tels que ceux d'ouvrir la main, les yeux, la bouche. Il est également parvenu à écrire les différents mouvements de rota- tion du corps entier, de la tête, des mains ou de tout autre organe dé- signé. Il marque les modifications dont chaque mouvement est susceptible, au moyen d’accents placés sur les caractères du mouvement. Un second ordre de figures élémentaires décrit les mouvements multi- pliés de la main, qu’il réduit au contour. Un troisième ordre contient les dessins des différentes parties de la tête et du corps; ces dessins sont abrégés et d’une imitation facile. Enfin, un quatrième ordre donne ce qu'il appelle les points physiogno- miques, qui désignent l'admiration , l'interrogation ou les autres passions ou sentiments de l’homme. Chacun de ces signes, qui sont au nombre de dix, indique, par un léger changement de position, deux mouvements opposés, comme le plaisir et la douleur, l’affection et la haine, ete. Cha- cun de ces points peut indiquer les trois degrés que subissent ces affec- tions. Il est incontestable que M. Bébian a déployé toutes les ressources d’un génie inventif dans son Essai de mimographie; ce travail est cependant loin de répondre à ce qu’une écriture des signes devrait être. En cherchant 1 Les quatre ordres de caractères mimographiques de M. Bébian sont représentés sur la plan- che ci-jointe. 70 SUR L'ÉDUCATION à simplifier le plus possible, il arrivait à employer des traits d’une nature si-subtile, qu'ils devaient nécessairement échapper à l'attention et se con- fondre avec d’autres signes. Le nombre des signes de M. Bébian, quelque restreint qu'il soit, s'élève néanmoins à 150 : quel bagage pour la mémoire! Si l'usage prolongé des signes pendant le cours de l'instruction était indispensable, et si l'emploi de ce langage, en le supposant arrivé à son plus haut degré de perfection, était vraiment essentiel, cette écriture au- rait incontestablement de l'avenir; mais on sait qu'il y a contre elle des arguments sans réplique, et des faits qui prouvent si clairement que l’édu- cation des sourds-muets est possible sans l'emploi continu des signes, qu'on n'oserait plus soutenir cette opinion. L’essai de M. Bébian est, du reste, le plus complet qui ait été proposé jusqu’à ce jour. M. Piroux expose dans les classes de son institution, ce qu'il appelle des cartes mimographiques, mais il n’a pas publié un système complet de ses signes écrits : ce qu'en a fait graver un de ses professeurs, M. Richardin, se borne à deux phrases où les signes figurent les mouvements de la main ou des mains, pour faire les signes de rappel des mots 1. L’imperfec- tion, la difficulté et l’inutilité de cette écriture me paraissent incontestables, surtout dans la manière de voir de M. Piroux. Si cet instituteur considère son écriture comme une idéographie, je crois pouvoir dire qu'elle est pour cela trop imparfaite. S'il veut l’em- ployer comme signe de rappel, comme écriture abrégée, l'écriture or- dinaire est plus distincte et d’une exécution plus facile. Je ne crois pas que la mimographie puisse jamais devenir un auxi- liaire d'une utilité réelle dans l'instruction des sourds-muets, et j'in- cline même à penser qu’elle serait nuisible, si on s’en servait comme procédé principal. J'applaudis cependant aux efforts que font des savants pour réaliser le projet que M. Bébian a conçu, et dont il a démontré que l'application était possible jusqu’à un certain degré. MM. De Montglave 1 Voir la planche précédente. DES SOURDS-MUETS. 71 et Berthier qui s’en occupent, finiront peut-être par découvrir un système d'écriture universelle pour un certain ordre d'idées ? Beaucoup d'institutions préferent l'articulation au langage des signes, comme moyen de communication. En général, l'usage de ce procédé d'enseignement est bien plus répandu en Allemagne que partoutailleurs : les langues du Nord s’enseignent en effetplus facilement que les autres au moyen de la vue, parce qu'elles sont plus ru- des, et qu’on les articule plus vivement et avec des aspirations plus marquées. Plusieurs établissements enseignent l'articulation comme procédé prin- cipal, et dans celui de Pforzheim on la met plus tôt et plus souvent en usage que l'écriture; l’école de Breslaw considère cet enseignement comme indispensable ; à Groningue, à Londres, à Gmünd et dans plusieurs insti- tutions allemandes, tous les élèves apprennent également l'articulation. Il y a d’autres établissements où l’on n’enseigne l'articulation qu'aux élèves qui ont les dispositions nécessaires pour l’apprendre, où qui la con- naissaient et la pratiquaient déjà avant d’avoir perdu l'ouïe. Telles sont les institutions de Paris, de Nancy, etc., etc. Il est nécessaire d'examiner ici Finfluence que l'articulation exerce sur l'enseignement, ainsi que sur le développement intellectuel et sur la santé du sourd-muet. Cet examen me permettra de constater jusqu'à quel point l'emploi de cet instrument est possible. En parlant de l'articulation, je dois déclarer que je ne la sépare pas de la lecture sur les lèvres, qui en est le complément naturel et, pour ainsi dire, inséparable. Il importe d’abord de remarquer que l'articulation ne sera jamais pour le sourd-muet ce qu’elle est pour nous. Nous parlons nos idées, les sourds- muets ne peuvent parler que leur écriture ; pour nous, les sons sont un ins- trument direct de l'intelligence; pour le sourd-muet, les sons ne sont rien. Les mouvements des organes vocaux sont une lecture de l'écriture, et rien de plus. Nos idées sont directement attachées aux sons que nous articulons; les idées des sourds-muets sont attachées immédiatement aux mots écrits, et, pour eux, l'articulation est plutôt un instrument de la mémoire que de l'intelligence. C'est pour cette raison qu'un auteur l'appelle phonomimie. 72 SUR L'ÉDUCATION L'articulation ayant l'écriture entre elle et l'intelligence, sera donc tou- jours un instrument de second ordre, car la simultanéité de la parole arti- culée et de la pensée n’existe pas pour le sourd-muet, et, par conséquent, son articulation est privée de la qualité la plus utile et la plus précieuse. L'influence que larticulation exerce sur le développement intellectuel du sourd-muet est à peu près nulle; mais, comme l'articulation est plus expéditive que l'écriture, et qu’elle est possible là où l'écriture ne l’est pas, elle permet de répéter plus souvent le mot écrit et de l’attacher plus inti- mement à l’idée, sous l'impression instantanée du fait. Comme écriture expéditive, elle a sur le développement intellectuel toute l'influence d’une répétition plus facile et plus souvent renouvelée. La plupart des sourds-muets appartiennent à la classe pauvre, au milieu de laquelle presque tous doivent passer leur existence; or, en général, les indigents ne savent pas écrire, et s'ils savaient écrire, l'emploi de ce moyen de communication exigerait d'eux un temps qu'ils ont intérêt à utiliser pour le travail manuel. Un sourd-muet qui a appris à articuler n’oubliera pas aussi facilement l'instruction qu’on lui a donnée, que celui qui est con- damné à ne pouvoir exprimer que rarement ses idées par des mots écrits. Ce point méritera toujours de fixer l'attention de l’instituteur. Il est également probable que l'articulation exerce une influence salu- taire sur la santé de l’homme: je suppose ici que, dans ce procédé d’ensei- gnement, les organes vocaux et surtout les poumons, sont amenés à un état d'activité plus qu'ordinaire, au moyen de gradations bien ménagées et toujours en rapport avec le degré de force que les poumons possèdent. Par une disposition admirable de la Providence, l’organisation de l'homme est telle que tous les actes nécessaires à l'exercice des organes, sont en même temps utiles à sa santé. Dans l'exercice de l'articulation, les vibrations de la poitrine sont beau- coup plus marquées que dans l'acte de la respiration. L’articulation est pour le sourd-muet une sorte de gymnastique des poumons, et quand elle est pru- demment ménagée, elle rapproche ces organes de leur état normal, et prévient ainsi les affections dont ils peuvent devenir le siége. Des physiolo- gistes m'ont signalé l'articulation comme cause prochaine de plusieurs autres 4 ! : DES SOURDS-MUETS. 75 phénomènes utiles à la conservation de la santé, mais dont je ne dois pas m'occuper ici. Je me borne à parler de l'utilité qu'elle présente dans l’enseignement. On a exagéré les avantages de l'articulation, comme on en a exagéré les difficultés. Les instituteurs qui ont essayé ce procédé d'enseignement ont souvent réussi, mais, d’un autre côté, ceux qui ont voulu lemployer indistincte- ment chez tous les élèves, ont bientôt reconnu l’inutilité de leurs efforts. Je ne connais qu’une seule école où tous les élèves parviennent, dit-on, à articuler d’une manière intelligible, c'est une institution suisse. IL est toutefois à remarquer que le directeur de cet établissement a le droit de choisir ses élèves, et qu'il n’y admet que ceux qui lui semblent avoir des dispositions pour l'articulation; il paraît que le succès couronne plus souvent ses efforts que ceux des autres instituteurs. En comparant l'articulation et le langage des signes, on trouve que pour la communication ordinaire des idées qui ne sortent pas de l’ordre sensible, les signes sont des expressions plus agréables aux sourds-muets et plus expé- ditives, mais ce point de vue est loin d’avoir l'importance qu’on y attache. Comme l'écriture est l'instrument principal de l'instruction, tout ce qui peut contribuer à donner une connaissance parfaite de cet instrument doit évidemment obtenir la préférence, et l'articulation est un de ces moyens. Tandis que les signes ne rappellent que l’idée, l'articulation répète tout à la fois l'idée et l'expression écrite. Cette considération avait conduit un partisan du langage des signes, M. Scagliotti, de l'institut de Turin, à faire précéder le geste de la lettre initiale du mot, et à l'accompagner de la lettre indicative des modifica- tions que le mot éprouve dans sa forme : ainsi, lorsqu'il s'agissait d’un verbe, il accompagnait le geste de la lettre initiale du mot, puis des let- tres qui en indiquent le temps et la personne. Je ne puis approuver cette marche; si les gestes sont réellement utiles comme moyen de communication, pourquoi M. Scagliotti veut-il leur ôter le type d’universalité qu'il leur reconnait ailleurs, ainsi que leur valeur interprétative, en les réduisant à n’être plus qu’une écriture abrégée? S'il Tome XIX. 10 74 SUR L'ÉDUCATION est vraiment utile de rappeler la première lettre d’un mot et celles qui marquent leurs modifications grammaticales, il doit l'être bien plus encore d'écrire le mot en entier. Cette répétition ne peut que familiariser davantage le sourd-muet avec la langue qu'il doit apprendre, et contribuer à mieux imprimer dans sa mémoire, le mot et la valeur qu'il doit lui assigner. L’articulation n’est donc qu'un procédé auxiliaire dans l'instruction, et si elle présente quelques avantages sur le langage des signes, l’expé- rience montre cependant que la plupart des sourds-muets n’acquièrent pas facilement une habitude suffisante de cette manière d'exprimer leurs idées pour pouvoir se faire aisément comprendre. C’est ce fait qui a porté M. Recoing à chercher un procédé qui permettrait de parler avec la main aussi rapidement qu’on le fait par l'articulation. M. Recoing avait un fils sourd-muet, dont il entreprit lui-même l’édu- cation. Inspiré par la tendresse paternelle, il s’est voué à cette tâche avec succès, et il a voulu que tous les malheureux atteints de mutité, pussent participer à sa découverte. M. Recoing n’ignorait pas, ce que l’on sait généralement aujourd’hui, que l'écriture et la lecture sont le moyen essentiel, fondamental et direct de l'instruction des sourds-muets. Il avait judicieusement remarqué que le plus grand désavantage que le sourd-muct rencontre dans l'usage de l'écriture, est la lenteur de ce moyen de communication. La sténographie et la tachygraphie lui donnèrent l’idée d'une écriture manuelle qui retracerait les mots aux yeux, avec la célérité, la simplicité et la facilité de l'articulation. Son procédé est un syllabaire manuel !. Les mouvements de la main, des doigts, du poignet et la direction qu'on leur imprime, donnent quatre ordres de signes qui s’exécutent si- multanément et dont chacun représente même jusqu’à quatre signes ?. Son système se compose de 86 signes pour les voyelles et pour les con- 1 Syllabaire dactylologique, ou Table d'une langue manuelle pour les sourds-muets. Paris, 1823, in-4°; par M. Recoing. ? Lesourd-muet entendant par les yeux, ou Triple moyen de communication avec ces infortunés, par des procédés abréviatifs de l'écriture. Paris, 1829, in-4°* DES SOURDS-MUETS. 75 sonnes simples ou composées, et de 16 signes complémentaires pour cer- taines finales. Soixante de ces signes affectés aux consonnes, s’exécutent par six posi- tions diverses de la main, et dix mouvements particuliers de chacun des quatre doigts. 26 autres signes sont affectés aux voyelles et s’exécutent par le mouvement du pouce, combiné avec celui du poignet. Cette manière d'écrire n’a pas de rapports avec l'écriture alphabétique; les positions de la main ne sont pas non plus l'image de l'écriture tracée à la plume. Elle constitue une secondeécriture, et cette discordance entre les deux écritures, doitnécessairementamener une complication embarrassante. Les instituteurs de sourds-muets n’ont généralement pas assez de temps à donner à leurs élèves pour les familiariser suffisamment avec la dacty- lologie dont je m'occupe ici, et si M. Recoing a réussi à en tirer un parti évident dans l'instruction de son fils, c’est qu'il a pu l’initier à l'usage de ce syllabaire dès l’âge le plus tendre. Il est d’ailleurs impossible de rien conclure de cet essai individuel de l'alphabet syllabique, pour son appli- cation à une éducation collective. I nous reste maintenant à examiner le quatrième instrument de com- munication imaginé pour remplacer l'articulation de la parole, telle qu'on l’acquiert par l’ouie : c’est l'alphabet manuel. L'idée d’un alphabet manuel est très-ancienne. L’'anonyme dit 1 : Tot linguæ quot membra viro, mirabilis est ars, Que facil articulos, voce silente loqui. On lit dans Cassiodorus ?: Hic sunt additæ orchestrarum loquacissimæ manus, LINGUOSI DIGITI , silentium clamosum , exposilio tacita , quam musa polyhymnia repe- risse narratur ostendens homines posse et sine oris affatu suum velle declarare. Voilà le langage des doigts, linguosi digiti, passant pour être l'invention d’une muse. Bède a écrit un petit traité ayant pour titre : de Manuali loquela. Cet al- phabet manuel différait sans doute de celui dont on se sert aujourd'hui, qui ne paraît pas aussi ancien. Le premier ouvrage où on le trouve consigné est le Thesaurus artificiosæ memoriæ du père Cosma-Rosselio, imprimé à 1 Lib.4 Epigr.…... cité par John Bulwer, Choronomia, p. 14. 2 Lib. 6, epist. ult. 76 SUR L'ÉDUCATION Venise en 1579, in-4°. Paul Bonet le représente dans une série de gravures jointes à son écrit : Reduccion de las lettras, qui parut à Madrid, en 1620. C’est dans l’ouvrage de Bonet que l'abbé de l'Épée l'a trouvé, comme il lavoue du reste lui-même f. En présence de ces faits, j'avoue ne pas comprendre comment la com- mission formée pour l'érection de la statue de l'abbé de l'Épée, qui décore une des places publiques de Versailles, a pu dire, dans son prospectus de souscription : « Ce monument, destiné à perpétuer le souvenir de l'abbé de l’Épée, représentera le grand homme au moment où il vient d'inventer son alphabet manuel; les yeux levés vers le ciel expriment sa reconnaissance pour l'heureuse découverte que Dieu lui a inspirée. » L’alphabet manuel est d’un usage à peu près général; les institutions de Quedlimbourg et de Sleswig sont pour ainsi dire les seules où il n’est pas employé; on ne s’en sert que rarement à Gènes et à Berlin. Un professeur de l'institution de New-York, M. Barnard, trouve de grands inconvénients à l'emploi de cet instrument. Ces inconvénients sont fondés, suivant lui, sur ce que le sourd-muet paraît plutôt attacher ses idées aux signes dactylologiques qu'aux mots écrits, et que les mots ne représentent les idées à son esprit que par l'intermédiaire de la dactylologie. Il fonde cette opinion sur diverses observations , telles que le recours habituel des sourds-muets à cet al- phabet, pour se rappeler l'orthographe des mots et pour déterminer l’ordre syntaxique des mots dans la phrase; l'habitude qu'ils ont de répé- ter les mots au moyen de l'alphabet manuel pour les imprimer dans leur mémoire, ou pour en vérifier l'exactitude, etc. M. Barnard avait souvent admiré la rapidité avec laquelle ils exécutent la lecture des mots; cette rapidité fait certainement contraste avec la lenteur de l'écriture. La lenteur de cette dernière provient, selon lui, de ce qu'avant d'écrire, le sourd- muet a besoin de traduire les signes dactylologiques en lettres écrites, et que cette espèce de traduction exige un temps moral. M. Barnard fait remarquer, en outre, que, lorsque les sourds-muets 1 Institution des sourds-muets, par l'abbé de l'Épée. Paris, 1776, pp. 27 et 98. DES SOURDS-MUETS. ÿi7I lisent pour eux-mêmes, ils accompagnent les opérations de l'esprit des mouvements des doigts ; mais de toutes ces indications sur les habitudes intellectuelles de ces infortunés, aucune ne lui paraît plus significative que l'emploi de l'alphabet manuel, lorsqu'ils apprennent des mots par cœur. Si les mots écrits représentaient directement les idées, la dactylo- logie ne serait pas mise en jeu. C’est ainsi qu’en lisant ou en écrivant, nous répétons ces mots par l'articulation, parce que directement nos idées sont effectivement attachées aux sons et aux mots écrits. D’après M. Barnard , il est loin d’être indifférent pour le sourd-muet, de représenter ses idées sous la forme de l'écriture ou sous celle de la dactylologie; il croit aussi qu'il faut donner la préférence à l'écriture, parce qu’elle présente tous les éléments d’un mot d’une manière perma- nente et simultanée, tandis que les signes dactylologiques sont essentiel- lement successifs et passagers ; les mouvements qui accompagnent néces- sairement ces signes, les rendent aussi toujours moins distincts, et si on ne les remarque pas à l'instant, ils sont perdus. Les signes exigent donc, pour qu’on les saisisse, un effort plus ou moins grand d'attention qui éloigne cette dernière de la chose signifiée pour l’attirer sur le signe. D'un ensem- ble de faits et d'observations très-ingénieuses, M. Barnard conclut enfin, qu'il est urgent de restreindre l'emploi de la dactylologie dans l’enseigne- ment des sourds-muets, de la bannir entièrement dans le début de l’in- struction, comme instrument pédagogique, et de n’en montrer l'usage aux élèves que peu de temps avant leur sortie des institutions. Je reconnais la justesse des observations de M. Barnard, mais la con- clusion qu'il en tire, me semble inadmissible. Dans l'examen qu'il a fait des remarques de M. Barnard, M. Morel présente quelques considérations pour prouver que, malgré les apparen- ces, le sourd-muet pense réellement avec les formes écrites des mots; qu'aussitôt que son intelligence opère sur les idées et les combine pour se développer, la forme plastique sous laquelle les idées se présentent à lui, est l'écriture et non les signes dactylologiques; et enfin, que le sourd- muet pense, sans doute, à ces signes, mais non avec ces signes. Cette distinction est peut-être ingénieuse, mais elle n’est pas réelle. 78 SUR L'ÉDUCATION Du moment où l’on admet que l’idée, dans l'intelligence du sourd-muet, revêt la forme de l'écriture ou celle des signes dactylologiques, on ne peut plus douter que l'intelligence ne pense avec ces signes dès qu’elle pense à ces signes. Dans ses opérations, l'intelligence n’emploie jamais qu'une forme, parce qu'une seule forme lui suffit. Quelque familière que nous soit l'écriture, c'est toujours sous la forme de sons que les mots se représen- tent à notre intelligence. Mais, au lieu de conclure avec M. Barnard, qu'il faut bannir l'alphabet manuel des systèmes de l'enseignement, je pense, au contraire, qu’on doit l'employer en première ligne. Dans la plupart des établissements, la première forme des mots que l'on montre aux sourds-muets, est l'écriture; l'alphabet manuel ne vient qu'en seconde ligne : telle est la manière générale de procéder. Pendant tout le cours de l'instruction, les instituteurs mettent constamment l’éeri- ture en avant. Les observations de M. Barnard constatent pourtant un fait réel, c’est que le choix de l'intelligence n’est pas douteux, elle donne toujours la préférence à la dactylologie. La conclusion que M. Barnard tire de ses observations en faveur de l'écriture, est fondée sur ce que cette dernière présente les mots d’une ma- nière simultanée et permanente, tandis que les mots écrits au moyen de la dactylologie n’ont qu'une forme successive et fugitive. Si cette raison était décisive, il faudrait en conclure que nous, entendants-parlants, nous fe- rions mieux de penser avec les formes écrites des mots, qu'avec des formes phoniques, car en articulant les mots, les syllabes ne se prononcent que d’une manière successive, et les sons sont essentiellement fugitifs. Il me semble que quelques raisonnements combinés avec art ne peuvent pas contrarier la marche de la nature. M. Piroux est entièrement de notre avis, et il l’est même jusqu'à l’exa- gération. M. Piroux pense, comme tous les instituteurs, que le langage d'action n'est utile qu’à interpréter l'écriture; mais, suivant lui, le problème le plus essentiel à résoudre, est celui de savoir si la dactylologie doit occuper la première place, on bien, si cette place doit être réservée à l'écriture, en DES SOURDS-MUETS. 79 d’autres termes, si l’idée doit être d’abord attachée à la forme dactylolo- gique ou à la forme écrite. Le professeur de Nancy pense contrairement à M. Barnard, que la dactylologie rapproche davantage les sourds-muets des parlants, qu’elle active leur esprit et échauffe leur cœur, en un mot, que le langage d'action est, avant tout, destiné à enseigner, parce qu'il est celui qui ressemble le plus à la parole. M. Piroux veut denc que le langage dactylologique soit le premier élément de l’enseignement, c’est-à-dire, qu’il devienne l'instrument direct de l'intelli- gence dans ses opérations. Cette marche mérite d'autant plus d'être suivie que, malgré la priorité qu'on donne généralement à l'écriture dans l’en- seignement, l'intelligence lui préfère cependant toujours la dactylologie. Les deux procédés tendent donc à obtenir le même résultat : on suit les penchants naturels de l'intelligence en adoptant lopinion que M. Piroux a fait sienne, et on les contrarie en vain, en se rangeant à l’autre opinion. M. Piroux prétend être le premier qui ait osé proposer cette voie d’in- struction !, « Il y a vingt ans, dit-il, que nous nous débattons inutilement » avec tous nos confrères dans le labyrinthe où nous étions entré aveu- » glément à leur suite. Quoi! dit-il encore, l'homme qui a été créé à l'i- » mage de Dieu, et dont l'intelligence lui permet de commander à tout ce » qui l'entoure, ne s’égarerait point aujourd’hui en faisant de l'écriture » une nouvelle idole, et elle en devient une, dès qu'on la pose la pre- » mière devant soi. Au point de vue de l’ordre éternel, elle ne peut » venir que la dernière ?. » « La voie nouvelle quenous ouvrons , conserve tous les moyens anciens, » mais, au lieu de nous obstiner à les puiser dans la mort, nous les » demandons à la vie. Au lieu de prendre pour guide des errements ho- » micides et déicides, nous plaçons Dieu au-dessus de l'âme, et l'âme au- » dessus du corps. Nous invoquons le secours des anges de lumière (les » signes dactylologiques), et nous repoussons les ruses et les grimaces de » Satan (l'écriture) 5. 1 L'ami des sourds-muets, par M. Piroux, t. V, page 104. 2 Jbid, page 104. 5 Ibid. page 107. 80 SUR L'ÉDUCATION » Présentés dans l’ordre de leur génération, les divers langages du sourd-muet se développent sans difficulté et se transmettent successive- ment la vie qu'ils ont reçue. Le cœur passe dans la main, à l’aide du lan- gage d'action, et de la main dans les doigts, à l’aide de la dactylologie; enfin, de la dactylologie, il passe dans l'écriture, où il peut alors reposer des siècles sans périr !. » Voici comment je comprends l’enseignement des sourds-muets : à la place du tableau, je mets mon âme; à la place du mur, je mets Dieu qui le soutient, et, enfin, à la place de l'écriture, je présente ma dacty- lologie. Ainsi, je me place dans la vie, et, dès lors, je puis être dans {a voie et dans {a vérité, tandis que tous les autres moyens sont dans la mort de l’âme, dans les vices du cœur et dans les erreurs de l'esprit ?. Je mets l'Évangile à la place de la grammaire; Je fais tout sortir de mon élève, au lieu d’y faire tout entrer. Je le laisse venir à moi. Je ne sème que des semences, et les sens ne sont, selon moi, que les canaux qui les portent à l'ame; ma méthode n’est pas de moi; elle est la méthode éter- nelle, celle qui a donné à l’homme tant d’empire sur la matière et qui lui prépare un éternel bonheur 5. » Ce que nous demandons n’est presque rien dans la forme;..….. nous voulons seulement que le langage d’action serve d’abord au maître pour dire aux élèves ce qu'il veut enseigner; que la dactylologie... soit en- suite employée à exprimer les mêmes choses, et qu’enfin, la langue écrite ne soit présentée que la dernière #, » J'ai la conviction que M. Piroux est dans le vrai; je pense comme lui que la dactylologie atteint mieux le but que l'écriture au moyen de la plume ou de la craie, et qu’elle s'allie mieux avec les véritables instru- ments de l'enseignement des sourds-muets : l'expression physionomique et les gestes. Mais M. Piroux aura nui à la diffusion et à l'adoption de ses opinions, en exagérant le résultat qu'il en espère, et en appliquant à 1 L'ami des sourds-muets , pages 107-108. 2 Distribution solennelle des prix. 1844. Nancy. Discours de M. Piroux, pag. 12. 5 Ibid. pag. 15. 4 L'ami des sourds-muets, t. V, pag. 108. DES SOURDS-MUETS. 81 cette méthode des termes que Jésus a consacrés à sa doctrine 1. La question de l’utilité du dessin dans l’enseignement est un dernier point qui nous reste à examiner. Les signes et les gestes ont chacun leur spécialité dans l'interprétation de la langue, et leur utilité suit les mêmes règles et se fonde sur les mêmes principes. Quelque habile qu’on soit dans le langage mimique et quelque parfaits que soient les signes, jamais on ne parviendra à donner à un enfant sourd- muet une idée complète d’un objet : plus on multipliera les signes et plus il en résultera de confusion. M. Reich ?, de l'institut de Leipzig, en a fait une triste expérience : il avait expliqué, par signes, la nature et les qualités du sirop. Son élève lavait parfaitement compris; lorsqu'on l’interrogea , il fit tous les signes qui décrivent ce liquide. Comment pouvoir douter qu'il n’en avait pas une idée claire? il n’en était cependant rien. Mis en présence de plusieurs liquides et invité à indiquer celui qu’on désigne par le mot sirop, il lui fut impossible de le distinguer. Comment, en effet, vouloir expliquer une sub- stance par des actions ? Les signes mimiques ne sont pas moins impuissants que les mots écrits ou parlés, pour donner une idée complète des objets inconnus. Mais, si le langage des signes est ici aussi stérile que nos mots, il n’en est pas de même de tout ce qui se rapporte à l’action, c’est-à-dire, au verbe et aux parties du discours qui en modifient le sens, comme les adverbes ; l’action enfante le verbe comme la valeur du nom surgit du dessin. Les gestes et les signes sont utiles pour rappeler une action que Fon a besoin de montrer pour faire comprendre la signification d’un verbe, et quoique cette action fictive ait rarement le naturel d’une action sérieuse faite sous l'impression réelle d’un sentiment ou d’une idée, elle est souvent la seule possible. Le dessin est utile pour représenter l’objet dont on veut faire connaître 1 Il n'est pas d’ailleurs le premier qui ait proposé cette marche, comme je l'ai fait remarquer en parlant de Dalgarno. Voir page 49 de ce mémoire. ? Der erste Unterricht des Taubstummen, von M. C.-G. Reich. Leipzig, 1834, page 55. Tome XIX. 11 82 SUR L'ÉDUCATION le mot, mais l’objet réel donnerait des impressions beaucoup plus profondes. La pantomime, c’est-à-dire, un groupe de signes au moyen desquels on fait connaître une idée en expliquant sa cause, ses effets ou son but, est d’une importance plus grande que les signes isolés pour le développe- ment intellectuel. C’est ainsi que des objets dessinés sur le théâtre où on les emploie et entourés des circonstances qui en démontrent l'usage, l’uti- lité, le besoin, offrent bien plus de ressources dans l’enseignement que des objets isolés. Le dessin , les gestes, l'écriture, l'articulation et la lecture sur les lèvres sont une partie de la méthode, mais ces instruments de communication ne la constituent pas. La méthode est la mise en œuvre des différents instruments inventés pour enseigner la langue et pour développer, par la langue, l'intelligence des sourds-muets ; c’est, en un mot, l'enseignement logique de la langue, et, par la langue, la communication des notions sociales. Si je devais passer en revue les différences qui se remarquent dans le procédé d'instruction suivi dans chaque établissement, il me faudrait co- pier tout ce qu’on a écrit sur l’enseignement des sourds-muets, car toutes les écoles varient sur ce point. Les instituteurs s'accordent cependant assez à n’attacher qu’une importance secondaire à la plupart des nuances qui distinguent leurs méthodes. Pour jeter quelque lumière sur cette matière, je vais tracer sommaire- ment la marche de l’enseignement, et signaler les différences que présen- tent les procédés employés dans les principales institutions qui ont publié leurs méthodes, ou que j'ai pu visiter. La connaissance de la langue suppose la connaissance de la valeur des mots et des lois qui régissent leur syntaxe. Je ne connais qu’une seule institution qui ne fasse pas de l'écriture la base de l’instruction, et pour laquelle les signes écrits ne soient pas le premier procédé. M. Graser, de l'institut de Bayreuth, en Bavière, veut baser l'écriture sur l'alphabet labial, parce qu'il croit trouver quelque analogie entre la po- sition et le mouvement de la bouche et les caractères latins. Van Helmont, DES SOURDS-MUETS. 85 on s'en souvient, trouvait que les lettres hébraïques exprimaient par leur forme, la position des organes de la voix dans la production de ces lettres. Un tableau publié par M. Graser, présente des traits bizarres que ce professeur ramène à la forme adoptée pour nos lettres, par des transfor- mations successives. Ce détour pour arriver à l’écriture est inutile et nuit à la simplicité qu'il importe essentiellement de conserver dans nos mé- thodes , afin de fixer l'attention des élèves plutôt sur la chose exprimée, que sur la forme matérielle des mots. Le dictionnaire et la syntaxe, ou la nomenclature et la phrase, forment les deux branches de la langue, et l’ordre de leur enseignement caracté- rise la nature de la méthode pendant la première période de l’enseignement. Il y a des instituteurs qui font de la nomenclature la base de la mé- thode. Pour eux, le premier cours de l'instruction des sourds-muets est entièrement consacré à imprimer dans leur mémoire, des séries de sub- stantifs, d’adjectifs et de verbes isolés. Cette manière d'enseigner la langue ne permettra jamais d’attemdre le but qu’on doit se proposer. Toutes les facultés de l'homme doivent être développées simultanément. Nourrir sa mémoire sans développer son intelligence, c’est empêcher cette dernière de naître, ou, du moins, c’est la détrôner; car, qu’on ne s’y trompe point, ce n’est pas avec des mots isolés que l’on pense: c’est avec la phrase, et iln'y a connaissance de la langue que lorsqu'il y a connaissance de la phrase. La nomenclature enseignée isolément dégoûte l'élève, et l'étude des mots détachés est pour lui sans attraits : il importe donc de montrer le plus tôt possible aux sourds-muets l'emploi des mots. En général, ces malheureux ont une grande idée de leur langage de signes. Nous savons que nos langues sont incomparablement plus parfaites, mais il ne suffit pas que nous le sachions, ce sont nos élèves qui doivent en être convaincus, afin de soutenir leur zèle dans l'étude. Quand on aborde plus tôt l'enseignement de la phrase, et que, dès le début du cours, on met l'élève en état de juger par expérience de la netteté de nos expres- sions, de Ja justesse, et des ressources que nous offrent nos modifica- tions grammaticales, alors ils déposent leur orgueil et reconnaissent l’état 84 SUR L'ÉDUCATION d’imperfection dans lequel leur langue de gestes les laissait. Ils se sentent heureux de pouvoir acquérir un moyen de communication si parfait, et les études leur deviennent agréables. Aussi, dans toutes les institutions où l’on raisonne les principes, a-t-on substitué l'étude de la phrase à celle de la nomenclature isolée. Telle est la première phase de l’enseignement logique de la langue et la différence que les méthodes présentent. Mais, ceux qui s'accordent sur ce point qu'il faut, avant tout, enseigner la phrase et la nomenclature dans la phrase, ne s'accordent pas sur la méthode d'enseigner la phrase : les uns veulent qu’on y arrive par la théorie; les autres l’enseignent d’abord par la pratique, et ils n’en ex- pliquent la théorie que lorsque l’élève a acquis assez d'habitude de la langue pour pouvoir en comprendre l'explication par la langue. L'abbé Sicard s’est distingué de tous les autres instituteurs par son recours continuel à l'analyse , non-seulement de la phrase, mais même des mots et de leurs modifications. Pour faire comprendre la valeur du mot aujourd'hui, au lieu de s’occu- per à fixer l’espace de temps que ce mot exprime, et que quelques répé- titions auraient suffi pour limiter nettement entre les deux dénominations hier et demain, il faisait subir à ce mot les transformations suivantes : Dans le jour de le jour présent ; à le jour de jour présent ; à ce jour de jour hui ; à ce jour de hui ; au jour d hui. Pour donner la connaissance de la valeur de la terminaison adverbiale ment , il en cherchait l'explication dans le mot latin mente, manière, dont main est un dérivé, et il embarrassait incessamment son enseignement par des tableaux comme celui-ci, qu'il employait pour faire apprécier le sens de l’adverbe : Sicard a frappé la table avec une main forte; — —— — main faible; DES SOURDS-MUETS. 85 Sicard a frappé la table avec une ment forte; — — — ment faible ; — — — une manière forte; — — — ment forte — — — forte ment — — — fortement. Au lieu de chercher l'explication du mot dans le fait ou la chose qu'il exprimait, il la cherchait dans l'analyse des mots, et il recourait même au latin lorsque la langue française n’offrait pas de termes analogues, comme pour le mot donc, qu'il déduisait de : De unde venit quod FAN AE Pour lui, l'étude portait donc plutôt sur les formes de la langue que sur les idées qu’elle représente. Sous le titre de Théorie des chiffres, l'abbé Sicard avait imaginé un moyen d'analyse grammaticale qu’il appliquait à tout son enseignement. Il repré- sentait le mécanisme de la phrase par les chiffres 1-2-5-4-5, qui mar- quaient le sujet, le verbe, le régime, la préposition et le mot qu'elle régit. 1 2 8 12 5 Je frappe la table avec la main. M. Saint-Sernin, instituteur à Bordeaux, y a ajouté le chiffre 6 pour l’adverbe, et le signe X pour la conjonction. Cette manière d'analyser la phrase ne servait qu'à montrer matérielle- ment la place qu'un mot doit occuper dans la phrase élémentaire , mais elle ne donnait aucune notion sur la nature du mot. Dans l'établissement de Hartford, au Connecticut, on se servait de quelques signes arbitraires pour l'analyse de la phrase. M. Vaïsse, aidé de M. Barnard , composa un autre système de signes au moyen desquels il espérait pouvoir exprimer la nature des mots et les lois de la construction syntaxique. Il l'introduisit d’abord à l'institut de New-York. Cest avec les 86 SUR L'ÉDUCATION modifications qu'il a fait ensuite subir à ce système, qu'il l’expose au- jourd’hui à l'institut de Paris. Le mérite de l’auteur et le rang distingué qu’occupe l’institution qui a admis son système de signes parmi les procédés de son enseignement, me font un devoir d’en donner ici une idée. L'unité représente la coexistence de la substance et de la qualité; mais, comme dans nos langues, le substantif et le qualificatif sont des mots dis- tincts, M. Vaïsse, afin de les distinguer dans l'analyse, sépare l'unité (1) par une barre transversale (+), dont la partie inférieure désigne le substantif et la partie supérieure l'adjectif. Le suradjectif ou l’adverbe est marqué par une double barre; le verbe abstrait, le verbe neutre, le verbe actif, le sub- stantif à l’état de sujet et à l'état de régime, la préposition et la conjonc- tion sont également distingués chacun par un signe particulier. Vingt-deux autres figures servent à marquer les différents temps du verbe 1. D'autres instituteurs préfèrent l'analyse grammaticale qui se fait au moyen de la langue par les interrogations qui? que? quoi? que fait-il? où ? avec quoi? dans quel? sur quoi? sur quel? etc. Cette manière d'analyser est en même temps un exercice de la langue, et l’enseignement de la langue par la langue, est incontestablement un procédé qui mérite l’attention de l'instituteur, et auquel on sera toujours tenté de donner la préférence. Voilà donc un exposé exact de ce que l’on fait et de ce que l’on a imaginé pour relever les sourds-muets de leur infortune. On a dépensé beaucoup de science pour parvenir à rendre à ces malheureux la place qu’un écart de la nature semblait leur avoir ravie pour toujours dans la société. J'ai visité un grand nombre d'établissements où les procédés les plus ingénieux sont mis en usage. La science aux prises avec les difficultés qui empêchent la vérité d'entrer dans l'intelligence des sourds-muets, est un beau spectacle; le succès de la charité est cependant souvent plus complet : c'est qu’en effet le cœur est la voie la plus directe pour ouvrir l'intelligence. 4 Voir pour tous ces signes la planche ci-jointe. DES SOURDS-MUETS. 87 TROISIÈME PARTIE. $ 1. Je ne me dissimule pas l'importance de la réponse que l'Académie exige dans la troisième partie de sa question. Il s’agit de déterminer, d’après l'examen des différents moyens d’ensei- gnement mis en pratique, ceux auxquels on doit accorder la préférence. La solution de cette question n’est rien moins qu'un programme d’en- seignement et l'appréciation complète du degré d'utilité que présente, dans son application, chacun des instruments inventés pour remplacer la parole et enseigner la langue. Je puise le courage nécessaire pour entreprendre cette tâche dans la pureté d'intention qui me dirige dans l’accomplissement de ma mission. J'exposerai ma méthode et les motifs qui m'ont engagé à la suivre plutôt que toute autre. Je ne crains pas d'en rendre compte, parce que je me sens la force d'accepter d’autres principes, dès que je les croirai meilleurs : Meliora doctus , meliora sequar. Je m’abstienderai dans cette partie de mon mémoire, de toute discus- sion purement spéculative; j'exposerai une méthode pratique, possible et 88 SUR L'ÉDUCATION applicable dans une institution, et je dirai les raisons qui m'ont déterminé à suivre la marche que j'ai adoptée. Je diviserai cet exposé en deux parties : la première comprendra le choix des instruments, et la seconde l’enseignement philosophique de la langue. Il n'entre pas dans mes vues de discuter ici la question purement phi- losophique de savoir si l'homme ne peut pas penser sans connaître une langue quelconque. Il me suffit de constater un fait pratique qu'on peut vérifier sur soi-même: c'est que nous pensons avec les langues ; un Français pense en français, un Allemand pense en allemand. La langue maternelle de chacun est l'instrument auquel les idées qu'il possède sont attachées; c’est avec cette langue que son intelligence com- bine, discute et juge. Il y a tant d'intimité entre le mot et l'idée qu’il exprime, que lorsqu'on oublie une idée, c’est le mot ou la combinaison des mots qui l’expri- ment qu'on a oublié : en nous rappelant le mot, nous nous rappelons l’idée. Les opérations de l'intelligence sont ou facilitées par la perfection de l'instrument avec lequel elle opère, ou entravées par son imperfection. Le choix de l'instrument auquel on attache les idées a donc une importance réelle. L'instrument auquel j'attache les idées et au moyen duquel je veux faciliter les opérations intellectuelles de mes élèves, est la langue du pays et des personnes avec lesquelles ils doivent passer leur vie. J'ai dit, dans la seconde partie de ce mémoire, pourquoi je croyais ne pas devoir laisser jouer le premier rôle au langage des signes; je dirai ici pourquoi je préfère les langues graphiques ou alphabétiques. Dès qu’un sourd-muet peut apprendre nos langues, ce sont ces langues qu'il faut lui enseigner : la raison en est claire : c’est qu'il faut le mettre en relation avec ses semblables. Le temps que le sourd-muet passe dans les institutions particulières est ordinairement court relativement à celui qu'il passera au sein de sa famille; il importe donc bien plus de lui ensei- gner un moyen de communication connu de sa famille, c’est-à-dire, la langue, que de chercher à perfectionner son langage des signes, dont DES SOURDS-MUETS. 89 il se sert de préférence, mais qui devient à peu près inutile dès qu’il sort de l’établissement où il a reçu l'instruction. Tout ce qui peut contribuer à multiplier et à faciliter cette communica- tion, doit nécessairement être favorable à son bonheur, contribuer à son éducation et empêcher qu'il n'oublie ce qu'il a appris dans sa jeunesse. Le sourd-muet peut apprendre nos langues ; il me suffirait, pour le prouver, de montrer le grand nombre de sourds-muets qui les écrivent et les comprennent. Mais il est utile pour l'intelligence des principes qui me guident, de prouver que la langue que le sourd-muet écrit n’est pas né- cessairement une traduction du langage des gestes, et qu'il peut l’apprendre directement, comme nous l'avons apprise : cette partie de la discussion est indispensable pour faire apprécier la marche de la méthode que j'ai adoptée. La langue est un instrument qui ne se fait pas comprendre par sa na- ture même : elle peut être comprise, parce que le type primordial de ce qu'elle exprime, existe dans la nature. La langue n’est que la manifestation des impressions ou des rapports qui résultent de la nature des choses, et que l’homme reçoit ou aperçoit au moyen de ses sens. Il ne suffit pas que la chose existe , il faut, pour que l’homme puisse en comprendre l'expression, qu’elle existe pour lui. On tenterait en vain de donner à l’aveugle l’idée des couleurs, et au sourd-muet l'idée des sons : les couleurs et les sons n’existent pas pour l’aveugle ou le sourd-muet : ces infortunés ne sont pas, par leurs sens, en rapport ou en relation avec ces choses; ils n’en concevront donc jamais l’idée. La vue ou louïe ne peut pas féconder leur intelligence des sons ou des couleurs : jamais ces idées ne naîtront chez eux. À l'exception des idées qui se rapportent aux sons, le sourd-muet peut donc connaître ce qui existe dans la nature avec laquelle il est en communication par ses sens. C’est là ce que je nommerai les faits extérieurs. En présence des faits, l'instinct de l’homme opère naturellement. Les déductions que l'enfant tire de ses impressions, sont d’abord pratiques et uniquement relatives à sa conversation ; mais, à la vue des actes de ses Tome XIX. 12 90 SUR L'ÉDUCATION semblables, son intelligence se dégage peu à peu de l'instinct; il cherche la raison du fait , il réfléchit, 1l raisonne. Entre le monde extérieur et l’in- telligence, la relation intime est établie, et la vérité est connue en raison de la conformité et de la fidélité qui existent entre l'expression et la chose exprimée. Comme les hommes reçoivent à peu près les mêmes impressions de ce qui existe, l’homme qui sait, peut communiquer à l'enfant l'expression ou le mot qui lui est nécessaire pour traduire l'impression qu'il a reçue, et la fixer, soit par le son, s’il entend, soit par l'écriture, s’il est sourd-muet, Mais il est un ordre tout autre de phénomènes qui se passent dans l'homme : il pense, il doute, il juge, il veut. Il a la conscience de toutes ces opérations de son âme, et c’est parce qu'il peut les constater en lui- même, qu'il peut comprendre les mots qui les expriment. C’est là ce que je nomme les faits intérieurs. Pour tout l’ordre des idées qui se rapportent aux phénomènes exté- rieurs et aux phénomènes intérieurs, le sourd-muet n'aura le mot que parce qu’on le lui aura appris, et il n'aura pu comprendre la valeur de ce mot, qu'après avoir aperçu l’idée que le mot exprime. Il n'existe donc des substantifs, des adjectifs, des verbes et des prépo- sitions, que parce qu'il y a dans la nature des substances, des qualités, des faits et des rapports entre les actes et les objets. Le type primordial des mots de nos langues existe donc pour le sourd- muet comme pour l'enfant qui entend, et l’un peut aussi bien que l’autre acquérir l'usage de nos langues. Mais, à côté des mots qui expriment des faits et des choses sensibles, il existe des êtres abstraits. C’est ici que se montre toute l'importance de la langue, comme M. Ordi- naire l’a fait remarquer dans son Essai sur l'éducation des sourds-muets. Les mots sont bien plus imprégnés de notre intelligence que de la cause qui l’excite; et le substantif même, qui est de tous les éléments du dis- cours, celui qui se calque le plus sur la nature extérieure, est la preuve évidente de cette vérité. En eflet, la nature ne nous présente que des indi- vidus, et les substantifs expriment le genre. Les noms propres et ceux séitt. dt te out nd à DES SOURDS-MUETS. 91 exclusivement attachés à un mdividu, se trouvent presque circonscrits aux relations de famille. Jamais on ne donnera une idée nette et précise du développement de l'intelligence, si on n’y suppose une succession de points qu'on ne saisit pas tous individuellement et dont on n’aperçoit pas toujours l’enchaîne- ment, mais qui pourtant se tiennent. L'intellectuel sort du sensible, et l'abstrait du concret; il n’y a pas de barrière entre ces deux ordres : le premier produit le second. Ce travail se fait spontanément en acquérant la langue. Le premier mot qui exprime une chose physique et dont l'intelligence saisit la valeur, contient en germe l’ab- straction. On sait que l’enfant au début de la vie se sert aussi exactement de mots abstraits que le philosophe. Au moyen de la langue, dont l'intelligence unit ce qui est divisé et géné- ralise ce qui ne se présente aux sens qu'individuellement, ainsi les sens ne saisissent que des chênes, des tilleuls, des ormes, des pommiers, et nous nommons l'arbre : nous voyons le vert, le bleu, le blanc, le noir, etc., et nous nommons la couleur. Il y a un second travail de l'intelligence : au moyen de la langue, elle m’unit pas seulement ce qui est divisé ou individuel dans la nature, mais elle divise ce qui est uni. Dans la nature, la qualité n’est jamais séparée de son sujet. La forme, la dimension, la couleur, la beauté, etc., sont toujours inhé- rentes à un objet; une action se fait toujours d’une certaine manière, mais ces qualités, quoique unies dans la nature, l'intelligence, au moyen de la langue, les sépare de leurs sujets et se forme une idée de la grandeur, de la pesanteur, de la beauté, etc. Cette vue de l'esprit, cette abstraction, est aussi naturelle que l’acquisi- tion d’une expression concrète. Comme ce travail intellectuel se fait également dans chaque être intel- ligent, il n’est pas difficile de faire comprendre les mots qui l’expriment. A-t-on jamais dû nous enseigner à faire l’abstraction? La vue de l'esprit que les mots abstraits expriment, n’est ordinairement qu’obscurcie par les moyens ingénieux et les savantes combinaisons de mots auxquels on a recours pour la faire comprendre. 92 SUR L'ÉDUCATION Les notions abstraites découlent donc également des faits. Le procédé de l'intelligence est le même, soit qu'elle abstraie les qualités de leurs sujets, soit qu’elle considère l'unité dans la multiplicité et l'ordre dans le chaos; l’un de ces procédés est aussi facile que l'autre. Le langage des signes naturels ne produirait que difficilement ce résul- tat. Comme ce langage conserve toujours quelque chose du type matériel de l’objet, il ramène nécessairement l'intelligence vers l’idée de l'individu. Nos langues ont ici un immense avantage sur les signes, par cela seul que celles-là sont arbitraires. Il est donc plus utile d’attacher immédiatement les idées aux mots de nos langues, que de mettre les signes en première ligne, parce qu’indé- pendamment de la fixité et de la permanence des mots de nos langues au moyen de l'écriture, indépendamment de ce que l'usage de la langue par le sourd-muet, peut être contrôlé par tous ceux qui connaissent l'écriture, les mots de nos langues, et surtout leur syntaxe, sont un instrument plus intellectuel que les signes, qui n’ont pas de syntaxe formulée, ou du moins qui n’ont qu'une syntaxe bien imparfaite et surtout complétement différente de celle de nos langues. L’acquisition de la langue est donc le but essentiel que je me propose dans mon enseignement. Tous les procédés que j'ai examinés et dont j'ai comparé la valeur dans la seconde partie de ce mémoire, ne sont pour moi que des moyens pour arriver à ce résultat. Je n’enseigne jamais de signes; mais voici comment j'utilise dans l’in- térêt de l’enseignement de la langue et du développement intellectuel, ceux qui sont connus des sourds-muets. Les signes, comme je l'ai dit ailleurs, sont indispensables pour le pre- mier enseignement de la langue. C’est par les signes que s'opère la con- vention qui établit la valeur des mots; ils sont le point de contact du maître et de l'élève. C’est comme dans l'éducation maternelle; est-ce que jamais une mère, comme l'a si bien dit M'e Ferment, a enseigné l’articu- lation à son enfant, les bras croisés? Elle a agi, et, en agissant, elle a parlé pour faire comprendre la valeur du mot articulé. J'agis, j'écris, je traduis les signes des idées que mon élève a déjà acquises, je fais traduire DES SOURDS-MUETS. 95 par des phrases les gestes que je fais, et j'arrive, par la pratique, à lui don- ner l’usage de la phrase simple, ainsi que je le montrerai dans les leçons normales dont je ferai suivre cette discussion sur le choix des procédés. J'entends par phrase simple, l'emploi du verbe seul à l'impératif : Venez, ou l'emploi du verbe avec un sujet : Vous écrivez, j'écris, ou avec son sujet et son régime : Vous frappez la table, ou avec son sujet, son régime et la préposition suivie du mot dont elle exprime la relation avec le verbe : Je frappe la table avec la main. J'entends encore par phrase simple, l'emploi des trois temps absolus du verbe, et la modification que les verbes et les substantifs subissent par l’ad- Jonction des qualificatifs. Jusqu'à ce point, j'emploie les signes pour l’en- seignement de la langue, et, dès que l'enfant possède l’usage de la phrase simple comme je l'entends; dès que, par l'habitude qu'il en a acquise, il est en état de s’en servir couramment pour rendre raison des impres- sions qu'il reçoit de la nature ou des faits qui se passent en sa présence; dès qu’il peut rendre compte de ce qui se passe en lui, je trouve dans cette connaissance de la phrase, les éléments nécessaires pour expliquer et faire concevoir toutes les difficultés de la langue. C’est donc par la langue que j'explique la langue. Je n'ai plus recours aux signes pour expliquer les temps composés du verbe, la valeur des conjonctions et toutes les tournures de phrases employées dans la période; je les explique par la synonymie, le contraste, ou en provoquant, par la disposition de deux ou 9% SUR L'ÉDUCATION de plusieurs phrases simples , cette vue de l’esprit dont j'ai besoin pour faire concevoir la valeur d’un mot ou d’une tournure de phrase, Tout ceci est bien vague; aussi ne me contenterai-je pas d'exposer la théorie de ma méthode. Comme je prends au sérieux la tâche que fai acceptée, en répondant à la question proposée par l’Académie, je mon- trerai bientôt avec détails, comment je mets ma théorie en pratique. J'emploie encore les signes pour expliquer la valeur d’un mot, lorsque je ne puis la faire apprécier par l'intuition réelle; mais dès que j'ai les mots nécessaires pour définir un terme inconnu, je préfère toujours l'usage de la langue à l'emploi des signes. J'ai, par exemple, à expliquer la valeur des mots examiner sa conscience, contrition, etc.; au lieu de me contenter de prendre un air pensif et de montrer que je pense avec douleur , etc., j'écris tout ce qui se passe dans un homme qui examine sa conscience : Il a péché. Il pense à ses péchés. Oui : — Combien de fois ? etc. Il pense : — Ai-je menti? Non. Oui : Souvent, grandement ? Ai-je désobéi à mes parents? Non. Ai-je, n'ai-je pas? — etc. et, le tout se résout ou s’analyse dans le verbe, il examine sa conscience, et, dès lors, à la vue de ce mot, les différentes phrases qui en ont expliqué le sens, reviennent à l'esprit. J’aurais pu tracer tout ce tableau par la panto- mime, mais en me servant de la langue, j'ai répété des mots et des tournures de phrases qu'il importe d'imprimer profondément dans la mémoire, afin de rendre de plus en plus intime, l'alliance de l’idée et de son expression. En procédant de cette manière, je fais acquérir une plus grande habitude de la langue, et je circonscris et définis plus nettement toute nouvelle acquisition. Je me rapproche d’ailleurs, par ce moyen, de la marche que suivent ordinairement les mères, sous l'inspiration de l'instinct, dans l’édu- DES SOURDS-MUETS. 95 . cation de leurs enfants, ainsi que de la méthode usitée par les instituteurs dans l’éducation ordinaire. IL est un autre emploi que je fais du langage des gestes et qu’il importe de définir. Comme mes principes sur l'emploi des signes dans cette seconde période de l’enseignement, concordent avec ceux de M. Morel , de l'Institut de Paris, je me permettrai de lui emprunter souvent les termes dont il se sert pour exposer l'utilité des signes. Les langues doivent être enseignées sous l'impression des faits naturels, sensibles, et sous celle des phénomènes qui se passent dans l'homme. Dans l'éducation ordinaire, l'enfant qui jouit de tous ses sens apprend la langue en présence des faits réels. Que ces faits se passent dans la fa- mille, dans ses jeux ou ailleurs, partout ils ajoutent à son éducation, et c’est surtout en compagnie des enfants de son àge, qu'il acquiert cet usage facile des mots et des différentes tournures de la phrase. Toute cette vie réelle se passe pour le sourd-muet sans qu'il en retire rien pour l'acquisition de la langue, et, comme ces faits sont cependant nécessaires, et même indispensables à la connaissance de la langue, il ne nous reste plus qu’à faire de l’école une répétition de la vie, comme le dit M. Naef, et à représenter au moyen d'une pantomime expressive, les faits qui doivent servir à donner aux élèves les impressions destinées à inter- préter les mots de nos langues. Dans une éducation particulière, le maître peut faire assister son élève au spectacle de la nature, le mettre dans les circonstances voulues, le rendre témoin des événements de la vie journalière, l'instruire enfin, en présence de la réalité. Mais il n’en est pas de même dans une institution où le maître est nécessairement confiné dans l'enceinte d’une classe; celui-ci n'a qu'un seul moyen à sa disposition pour ramener autant qu'il est pos- sible cette réalité; il consiste à y suppléer par la pantomime, en transpor- tant les élèves par une peinture expressive de gestes, sur la scène de la vie, en retraçant les événements, les circonstances, les actions propres 1 Deuxième circulaire de l'Institut de Paris, page A7. 96 SUR L'ÉDUCATION à faire naître les idées qu'il veut réveiller ou les sentiments qu’il veut faire éprouver. Dans cette période de l'enseignement, le langage mimique ne s'emploie plus à interpréter la langue, à analyser la pensée et à expliquer les for- mules syntaxiques; il sert à faire naître des idées. Il ne doit plus analyser l'idée partielle ou simple exprimée dans la phrase, mais présenter cette pensée dans son ensemble, avec toutes ses circonstances, sans égard aux mots ou à la syntaxe. Ce procédé, toujours agréable aux sourds-muets, leur donne beaucoup d’émulation, parce qu'ils s’ingénient à rapporter par écrit le plus de détails possibles. Lorsque les élèves ont achevé le compte-rendu par écrit de la scène qu'on leur a décrite par la pantomime, comme ils ont ordinairement reçu beaucoup plus d'idées qu'ils n’en ont exprimé, on peut les interroger, comme on interrogerait un enfant ordinaire, vérifier l'exactitude de leurs idées et les aider à compléter leur rédaction. Je conserve souvent à ma pantomime ce que M. Gallaudet, de l’Institut de New-York, nommait la localité, c’est-à-dire, qu’en peignant une scène, je change moi-même de place chaque fois que je représente un interlocu- teur différent ou que la scène se déplace elle-même. C’est aussi le moyen d’initier plus rapidement l'élève à la composition des dialogues, qui sont la forme de la langue la plus usitée par le sourd-muet. C’est sans doute une idée de cette nature qui a engagé les professeurs d’une institution, à composer de petites scènes à personnages, au moyen de poupées placées dans différentes circonstances de la vie sociale. Ainsi, une petite poupée placée dans une baraque représente la mar- chande; d’autres poupées figurent des chalands; ici on cause, là on joue ou l’on travaille, etc.; mais tout cela étant immobile, sans expression de sentiment, ne peut servir qu'à l’amusement et à la distraction des élèves. Ce n’est pas le corps, c’est la vie qui circule dans l’homme, ce sont ses sentiments, ses idées qu'il faut représenter, reproduire et retracer ; ce n'est pas une poupée qui doit parler aux yeux, c’est l'âme du maître qui doit parler à l'âme de son élève. I DES SOURDS-MUETS. 97 Le langage mimique mérite d’être considéré sous un autre point de vue. Ïl y a des sourds-muets qui, sans être idiots, ne sont point suscep- tibles d'acquérir une connaissance suffisante de nos langues, pour pouvoir être initiés par la langue, aux vérités morales et religieuses; leur intelli- gence peut cependant recevoir un certain degré de culture par le langage des gestes. On conçoit que, dans cette circonstance, les signes sont une ressource précieuse, et cette seule considération suffirait pour ne pas faire méconnaître l'utilité de ce langage. Quant au dessin considéré comme instrument d'enseignement, je me dirige pour son emploi sur celui des signes. Si, comme une mère, l'insti- tuteur pouvait incessamment porter l'enfant dans ses bras, le tenir sur ses genoux ou le promener sans le quitter un instant, lui parler sans cesse, le dessin aurait certainement une importance beaucoup moindre. Mais il faut prendre l'homme tel qu'il est : la mère seule ne se lasse pas dans l'accomplissement de sa tâche; son cœur est une source inépuisa- ble de patience : Dieu n’accorde ce don qu'aux mères. Exiger de toute autre personne la patience admirable d'une mère; et décrire la manière dont elle instruit son enfant, comme une chose possible pour un institu- teur, c’est là pour moi de la poésie. Lorsque le maître se procure une distraction ou le repos dont il a be- soin, le dessin sert à continuer l’enseignement de l'élève pendant l'étude isolée; il rend cette dernière utile. Une série de dessins remplace intuition réelle pour appliquer le mot à la chose, et permet au sourd-muet, quand ilest seul, de répéter la forme matérielle du mot en renouvelant l'idée de sa valeur. Dans l’enseignement de la phrase, le dessin d’un fait simple sert à donner l'explication d’une phrase et à rappeler l'explication que le mai- tre en a donnée par la pantomime. Au point de vue du développement des idées, le dessin peut être utile lorsqu'il représente une scène complète où le fait se développe avec toutes ses circonstances. Je l'ai déjà dit, pour expliquer la valeur des substantifs qui expriment des objets sensibles, le dessin est souvent indispensable lorsque l'objet n'est pas sous la main; ici les gestes ne peuvent le remplacer que très-im- Tome XIX. 15 98 SUR L'ÉDUCATION parfaitement; mais pour tout phénomène intérieur, pour toute action, le langage des signes est toujours plus expressif que le dessin. Tout nous ramène à cette conclusion : qu'aucun auxiliaire n’est à dédaigner dans l'enseignement des sourds-muets, et que, d’après les circonstances du temps ou les dispositions de l'élève, on doit donner la préférence tantôt à un moyen d'interprétation et tantôt à un autre. C’est bien l’instituteur du sourd-muet qui doit dire : la méthode c’est moi. Mais rien ne peut remplacer complétement l'intuition réelle. La scène du monde, destinée par la Providence à nous révéler Dieu , a une voix que le dessin ne possède pas. Il est indispensable de pro- mener souvent les élèves dans les campagnes. La nomenclature des objets et de leurs qualités peut leur être montrée au moyen des images; le dessin nourrit leur intelligence, mais les objets réels inspirent seuls le cœur et réveillent les sentiments si vivaces qui produisent la foi et l'amour de Dieu. Les plantes font sur l'imagination de nos élèves une impression bien plus profonde que celle que le dessin produit. À la vue d’une belle fleur, l'enfant se sent en présence d’une créature de Dieu, et en l’aidant un peu, il conversera avec elle pour lui parler de son Créateur, pour comparer la position et la destination de la fleur à celles que Dieu lui a ménagées, pour y puiser des motifs de le remercier de ses dons, et l'espérance d’une autre vie. Je me permets de placer ici une de ces conversations de l’une des jeunes sourdes-muettes de mon institution; j'ai dû l'aider, sans doute; j'ai dû di- riger ses pensées, mais toutes viennent d'elle, et elle les sentait bien plus vivement que je n'ai pu les exprimer : c’est un exemple entre mille, que tout le monde est en état de répéter et d’imiter. C'était un beau jour d'été. J’avais mené mes sourdes-muettes dans le jardin pour augmenter leur dictionnaire et développer leurs idées. L’une d'elles, plus attentive que ses compagnes, se complaisait à voir et à sen- tir une rose; nous écrivimes ensemble la méditation suivante : O rose! vous êtes une jolie fleur ! je vous admire! qui vous a créée, Ô rose? qui vous DES SOURDS-MUETS. 99 a peinte de si belles couleurs ! le savez-vous ? Connaissez-vous votre Créateur? Connaissez- vous Dieu? Oh! non. Les roses ne connaissent pas Dieu; mais moi, je le connais et je sais qu'il a créé les fleurs. Je suis plus heureuse que la rose. O rose! que votre odeur est agréable; j'aime bien à vous sentir. Sentez-vous cette odeur , à rose? Non : les roses ne se sentent pas; Dieu a créé cette odeur pour moi. Je suis plus heureuse que la rose. O rose! vous êtes plantée en terre; mais savez-vous marcher? lorsqu'un orage éclate, pouvez-vous fuir? lorsque l'hiver arrive, devez-vous rester jour et nuit exposée au froid ? Les roses ne savent pas marcher , elles doivent rester en terre; mais moi, je sais m’abriter contre l'orage et me défendre contre le froid. Je suis plus heureuse que la rose. De quoi vivez-vous, à rose? quelle est votre nourriture? La pluie tombe du ciel, l’eau entre dans la terre jusqu'aux racines, les racines sucent cette eau, et la fleur vit. Mais lorsque les fleurs ont soif et qu'il ne pleut pas, elles meurent, elles ne savent pas faire de signes pour demander de l’eau; elles ne savent pas marcher pour aller à la pompe ou à la fontaine, et elles meurent. Lorsque j'ai soif, moi, je sais demander de l'eau ou aller en puiser à la fontaine, je ne meurs pas de soif. Je suis plus heureuse que les fleurs. Vivez-vous longtemps, à rose ? Combien de jours vivez-vous? La rose ne fleurit que peu de jours, et elle se fane. La rose n’a pas d'âme qui vivra après sa mort. Tout se meurt, tout devient poussière; moi, je vivrai éternellement, je verrai Dieu, je me réjouirai avec les anges, pendant toute l'éternité. Je suis bien plus heureuse que les fleurs. En s’y prenant de cette manière, il n’est pas de fait dans la nature qu'on ne puisse faire servir à une pareille étude et à former le cœur du sourd-muet, en nourrissant son intelligence. La forme de la question proposée par l'Académie m’a conduit à traiter à peu près les mêmes matières dans chacune des parties de mon mé- moire. J'ai exposé dans la première, la nature des procédés inventés pour l'instruction des sourds-muets. Dans la seconde partie, j'ai indiqué l'application que l’on fait de ces 100 SUR L'ÉDUCATION procédés dans les institutions, mais en comparant ces derniers sous le rapport de l'emploi qu’ils reçoivent, j'ai dû souvent empiéter sur la troi- sième partie du mémoire, et déterminer, d’après cet examen, quels sont les procédés auxquels je crois devoir donner la préférence dans mon en- seignement. En comparant ce que M. Barnard écrit sur le danger de l'alphabet ma- nuel dans l’enseignement, avec l'opinion de M. Piroux, qui proclame, au contraire, cet alphabet, comme le seul procédé propre à développer l'in- telligence du sourd-muet d’une manière convenable, je suis arrivé à cette conclusion que, soit qu'on montre d’abord les phrases et les mots écrits au moyen de la plume, soit qu’on les donne au moyen de la dactylologie, l'intelligence préfère cette dernière forme et opère toujours avec elle. M. Barnard prône trop les avantages de l'écriture, et M. Piroux en exagère certainement les dangers. J'emploie plus souvent l'alphabet manuel que l'écriture au moyen de la craie, du fusin ou de la plume, parce que la dactylologie est beaucoup plus expéditive. En écrivant les mots ou les phrases par l'alphabet manuel, je puis ac- compagner les expressions de gestes et de mouvements physionomiques qui en font mieux saisir le sens. Mais je fais un usage continuel et, s’il est possible, simultané de l’écri- ture, parce qu'il est éminemment utile dans les institutions, de pouvoir préparer les éléments d’une étude isolée. La fixité et la permanence de l'écriture, en permettant la comparaison entre deux ou plusieurs petits tableaux complets d'idées, offrent des lumières et révèlent des rapports qu'on ne saisit jamais aussi bien lorsque les expressions sont fugitives comme dans la dactylologie. Il me reste à déterminer l’usage possible de l'articulation comme moyen d'exprimer la langue. Nous l'avons déjà vu, nulle part les succès de cet enseignement ne sont généraux, et en exceptant une école de la Suisse, où ils sont plus marqués qu'ailleurs, à cause de quelques circonstances que j'ai en partie expliquées, toutes les autres institutions peuvent être mises sur la même ligne que celle DES SOURDS-MUETS. 101 de Gmünd que nous connaissons par ce qu’en dit M'e Morel. Sur les trente- trois élèves de cet établissement, deux ou trois parlaient avec une facilité et une netteté étonnantes; deux ou treis autres étaient incapables de re- produire la parole d’une manière intelligible, et le reste de ces élèves articulaient péniblement et souvent avec des contorsions qui faisaient mal à voir. Ces proportions sont à peu près celles que j'ai trouvées dans plu- sieurs établissements. Afin de pouvoir indiquer d’une manière plus précise, le nombre des sourds-muets auxquels il est possible d'enseigner l'articulation avec suc- cès, il convient de les diviser en trois classes, comprenant : La première, les sourds-muets tombés dans le mutisme après avoir acquis l’usage de la parole; La seconde, les enfants atteints d’une surdité incomplète; Et la troisième, ceux dont la surdité congéniale est complète. Chez les enfants de la première classe, si la perte de l’ouïe n’est pas trop ancienne ou arrivée à un àge trop tendre, il ne s’agit pas d’ensei- gner l'articulation, mais bien d'amener l'élève à se ressouvenir de la pa- role. Il a connu le mécanisme de l'articulation dont il a fait autrefois usage, mais il n’en a pas analysé les mouvements; il suffit donc de fixer son attention sur les mouvements de chacun des organes vocaux. L’arti- culation réussit plus souvent et s’acquiert avec moins de peine chez les sourds-muets dont je m'occupe ici. La deuxième classe comprend, comme nous l'avons dit, les enfants at- teints d’une surdité incomplète. Le docteur Itard, dont on connaît les tra- vaux sur cette classe assez nombreuse de sourds-muets, établit quatre degrés de surdité incomplète. Premier degré. — Impossibilité d'entendre la parole sur le ton ordi- naire de la conversation. Si l'infirmité survient dans la première enfance, l'enfant deviendra complétement muet; pour que l’enfant puisse apprendre à parler, il faut qu'il entende aisément et d’une manière complète; en perdant l'habitude d'entendre, sa surdité augmentera et le défaut d'attention qui en sera la 102 SUR L'ÉDUCATION suite nécessaire produira tous les phénomènes d’un vice d'organisation. Mais il y aura beaucoup de chances de pouvoir rétablir le véritable degré d’audition en la cultivant et en développant ses facultés intellectuelles. Deuxième degré. — Impossibilité de distinguer, même lorsqu'ils sont prononcés à haute voix, un grand nombre de sons articulés ou consonnes, quoique les voyelles soient nettement perçues. Les sourds-muets dont il s’agit ici peuvent être facilement amenés à apprendre l'articulation par des méthodes appropriées. Troisième degré. — Impossibilité d'entendre les sons articulés; possibi- lité d'entendre les sons inarticulés ou voyelles. On obtient à peu près le même succès chez les sourds-muets qui appar- tiennent à ces deux catégories; la différence de résultat ne dépend pas du degré de l’ouïe, mais du degré relatif d'attention et de bonne volonté que l'on rencontre chez ces infortunés. Le succès dépend aussi de l'exercice que l'enfant aura pu faire de sa faculté d’émettre des sons dans son en- fance, et du contrôle que l’on a exercé sur l'émission des sons. Quatrième degré. — Impossibilité d'entendre la voix humaine, mais possibilité d'entendre les bruits plus ou moins éclatants. Les instituteurs allemands ont fait beaucoup d'essais sur les enfants atteints de ce degré de surdité, et parfois ils ont réussi, soit par les soins spéciaux qu'ils ont donnés à leurs élèves, soit par les dispositions parti- culières dont ceux-ci étaient doués, mais presque toujours les résultats se sont montrés trop incomplets pour être vraiment utiles. La troisième classe comprend, comme nous l'avons dit, les sourds- muets dont la surdité est congéniale et complète. Les rapports publiés par les instituteurs qui enseignent l'articulation, indiquent qu'ils sont assez souvent parvenus à l’apprendre à ces enfants, mais comme je mai jamais été à même de vérifier leurs assertions en examinant leurs élèves, j'admets le fait en déclarant que je n’ai jamais pu obtenir les mêmes ré- suliats. DES SOURDS-MUETS. 105 On réussit beaucoup mieux dans l’enseignement de la lecture sur les lèvres, et le succès est à peu près général. Ce moyen de communication offre de grands avantages en ce qu'il facilite beaucoup la conversation entre le sourd-muet et celui qui ne sait pas écrire ou qui ne peut pas se faire comprendre par signes. Il est infiniment plus facile d'enseigner ce pro- cédé que l'articulation; on le néglige généralement beaucoup trop, et je ne m’excepte pas de ce reproche qui s'adresse à la plupart des institu- teurs. Je n’adopte aucune des méthodes abrégées d'écriture. Il serait sans doute important d’avoir un moyen de communication plus prompt que l’écri- ture avec la plume ou la craie; mais d'abord la dactylologie lutte sans trop de désavantages avec une articulation lente. Ensuite, s’il importe d'écrire rapidement, il importe encore davantage d'écrire bien et complétement chacun des mots d’une phrase. Les mots abrégés ne seraient pas compris dans les relations du sourd-muet avec la société; celui-ci doit employer des mots complets, et une répétition réitérée peut seule les lui imprimer nettement dans la mémoire. Quant à l'intelligence, il est indifférent que les idées soient représentées par des mots écrits ou par des mots parlés; mais, pour la mémoire, l'écriture est un moyen infiniment plus compliqué que l'articulation. Un mot pour le sourd-muet est une agrégation de con- sonnes; pour nous, un mot de plusieurs syllabes est une collection de deux ou trois sons. Essayez de retenir dans l’ordre prescrit les consonnes suivantes : nnstttdsrdsmts; quelle difficulté n’y trouverait-on pas! faisons-en des sons en écrivant : un institut de sourds-muets, et la mémoire les retient aussitôt. Répéter les mots et les faire répéter complétement, distinctement et le plus souvent possible, est presque un principe fondamental de l’enseigne- ment des sourds-muets. Tels sont les instruments dont je fais usage, et les motifs qui m'ont dé- cidé à les employer. 104 SUR L'ÉDUCATION $ 2. La syntaxe fixe du langage des signes, si tant est que ce langage ait une syntaxe, est toute différente de celle de nos langues. Habitué à penser au moyen de ses signes, le sourd-muet qui doit apprendre nos langues , ren- contre une difficulté dans la différence de syntaxe qu'il remarque dans les phrases. L'habitude qu'il a prise pendant le temps qui s’est écoulé avant son entrée dans nos institutions, doit être remplacée par une autre habitude : au lieu de le laisser faire usage des signes et de leur syntaxe pour ses opé- rations intellectuelles, on doit l’amener à employer des mots dans l’ordre prescrit par nos langues. La théorie doit-elle précéder l'habitude? ou bien, comme je le pense, la connaissance théorique de la langue doit-elle être le résultat de la pra- tique ? Les règles doivent découler de l'usage, et l'usage peut être dirigé de manière à ce que la connaissance de la syntaxe soit un fait acquis avant même que l'élève s’en soit aperçu. On sait que l'intelligence tend toujours à généraliser un cas individuel : dès que l'enfant connaît une forme d'expression, il l'appliquera partout. Le maître doit empêcher l'élève de commettre cette erreur, en lui four- nissant toujours de nouveaux cas individuels, qui, en montrant nos usages, puissent finir par formuler la règle et ses exceptions : toute autre manière de procéder serait dangereuse. Si le maître obtenait quelque succès par l’em- ploi d’une méthode purement théorique, ce serait en dépit de son procédé. Ceux qui ont recours à de semblables moyens, devraient se donner la peine d'étudier le développement progressif de la langue chez les enfants doués de tous leurs sens; ils se convaincraient alors que les règles syn- taxiques ne sont pas le moyen prescrit par la Providence pour l’enseigne- ment de la langue, mais que la connaissance des langues dépend de lob- servation et de l’étude des choses réelles. Cependant cette étude ne peut pas être abandonnée au hasard; cette marche ne nous permettrait pas d'achever le cours d'instruction dans le DES SOURDS-MUETS. 105 court espace d'années affectées à l'éducation des sourds-muets, nous de- vons regagner le temps perdu en coordinant bien nos leçons et en impri- mant une bonne direction à l'intelligence de nos élèves, c’est-à-dire, en exer- çant davantage leur jugement que dans l'éducation ordinaire, en les ai- dant à réfléchir, à comparer, à tirer des conclusions d’un fait, à constater la cause et le but d’une chose, et, enfin, à devenir raisonnables. Je me propose d’esquisser ici des leçons normales, et d'indiquer, en gros, la marche de mon enseignement. Une leçon est un mélange si intime de signes, de dessins, de mouve- ments de la physionomie, de positions du corps ou de quelques membres, et enfin de tout ce qui peut animer les sentiments et provoquer des idées, qu'il est impossible d'en donner une description. Je ne puis, au plus, qu'indiquer le but à atteindre et le résultat qu’on peut obtenir à chaque leçon. Je me propose d'enseigner la langue et de développer l'intelligence des élèves par la langue. Nos sens et la conscience que nous avons de ce qui se passe en nous, suffisent pour interpréter la langue et nous la faire comprendre. Ce que nous aurons compris de la langue, sous l'interprétation des faits extérieurs et intérieurs, suffit pour nous faire comprendre toutes les vérités révélées ou d'expérience sociale. La langue interprétée par les deux agents naturels, les sens et la conscience que l’homme a de ce qui se passe en lui, présente tous les élé- ments nécessaires pour faire connaître les vérités répandues dans la so- ciété. Mon premier soin est donc d'enseigner la langue par l'observation de ce qui se passe à la portée de nos sens et en nous-mêmes. Mais, comme le visible ou le sensible n’est qu'un moyen pour acquérir l'idée de invisible, comme le fini et le créé ne sont qu'un moyen pour élever l'intelligence jusqu’à l'idée de l'infini, j'emploie, le plus tôt possible, la langue apprise sous l'interprétation des sens, pour faire connaitre les vérités dogmati- ques ou morales. Je sépare le moins possible l'instruction et l'éducation. Il y a cependant Towe XIX. 14 106 SUR L'ÉDUCATION dans le cours de l'instruction, une période où l’enseignement de la langue doit se borner à celui de la nomenclature, car il faut nécessairement que - l'élève connaisse ce qu'est un mot, avant de pouvoir l’'employer comme instrument intellectuel : il doit savoir que le mot représente une chose ou une idée. Une convention a dû expliquer la valeur du mot avant d’indi- quer son emploi comme représentant une idée. Il y a des instituteurs qui donnent d’abord le verbe à leurs élèves, afin qu'il y ait emploi de la phrase, dès le début de l’enseignement. Le verbe à l’impératif est une forme très-simple : la phrase existe dès qu'il y a emploi du verbe, mais cette manière de procéder me paraît être l'exagé- ration d’une bonne règle. À l'impératif, le verbe seul n’est une phrase que parce qu'il y a ellipse, et que la personne qui ordonne et celle à laquelle le commandement s'adresse, sont sous-entendues. Je crois qu'il est plus raisonnable et plus facile d'établir la convention qui donne une valeur au mot, avec des substantifs et des substances : les substances sont plus détachées, plus isolées que les actions; on détermine et l’on précise plus facilement la valeur qu’un substantif représente, que la valeur d’un verbe. Mais, dès que l'élève a compris qu'on représente une chose par quelques lettres, c’est-à-dire, que tel mot rappelle tel objet, il nous comprend aisé- ment quand nous lui disons que nos langues ne désignent pas seulement les objets qu'il voit ou qu'il sent, mais qu’elles nous offrent encore des expressions pour indiquer les actions, distinguer les qualités acciden- telles, etc., etc. La première leçon a donc pour but de faire concevoir la nature des mots. Je montre quelques objets, je les dessine, soit avec les mains dans l'air, en montrant leur forme ou l’usage qu’on en fait, soit avec la plume ou à la craie, etc. J'écris le mot qui exprime chaque objet, et je fais répéter ce mot par l’alphabet manuel. Cette leçon qui, en théorie, pourrait être présentée comme difficile, se donne aux nouveaux venus dans une institution, plus tôt par les élèves les moins avancés que par le maître. Ces élèves, fiers de ce qu’ils connaissent, se prêtent complaisamment à expliquer à leurs nouveaux compagnons la valeur des mots; ils s'em- PU DES SOURDS-MUETS. 107 pressent toujours d'enseigner l'alphabet manuel et ils se complaisent à cet exercice; cette supériorité du moment éveille leur amour-propre : c’est une espèce de domination qu’ils chérissent. L'homme est ainsi fait, il faut utiliser ses petits défauts comme ses bonnes dispositions; plus tard ce sentiment s’ennoblira et deviendra charité. Une leçon peut souvent nous occuper pendant plusieurs jours. Indépendamment des leçons de langue, les sourds-muets reçoivent à leur entrée, des instructions d’un ordre plus élevé. Dès le premier jour, le maître converse avec son nouvel élève; il provoque ses réponses, afin de connaître ses signes, le degré de développement de son jugement et la nature de son caractère; il l'engage à l’obéissance, à la charité, à la reconnaissance; il cherche à s’emparer de son cœur; il s’en fait aimer, pour que l'enfant veuille bien le suivre dans ses leçons. Mais il est impossible de décrire cette partie de l’enseignement; ici le maitre remplit un rôle d'inspiration, et ce rôle constitue sa mission. Avant de continuer, je dois exposer un autre principe qui me dirige dans mon enseignement, et pour être mieux compris, Je vais entrer dans quelques détails. Je ne donne d’abord à l'élève qu'un très-petit nombre de substantifs; je tâche plutôt de lui enseigner les différentes formules des phrases, et c’est ce que je fais en employant le moins d'expressions qu'il m'est possible. Le dictionnaire a peu d'importance, tout le monde peut le montrer à nos enfants : c’est la phrase dans toutes ses formules qu'il faut s'attacher à montrer. M. Morel vient de publier dans les Annales de l’éducation des sourds- muets 1, le programme général de l’enseignement de l'institution de Paris. Ce programme présente, pour chaque cours, une nomenclature de sub- stantifs, d’adjectifs et de verbes qui ont des rapports entre eux, et qui sont rangés sur trois colonnes. Je sais qu'on ne doit pas inférer de là que les mots s’enseignent isolé- ment dans cette institution; c’est dans des phrases que l'élève étudie les 1 Tome I", page 129. 108 SUR L'ÉDUCATION mots. La classification indique seulement dans quelle catégorie d'idées le professeur doit puiser les mots qui entreront dans la composition de ses phrases ; mais ce choix me paraît fait sans but moral. Pour ne pas s’exposer à marcher au hasard, linstituteur, dit M. Morel, a besoin de se rendre exactement compte de la route qu’il doit parcourir avec ses élèves. La nomenclature, d’après M. Valade, doit être l'itinéraire des élèves et du professeur. Quant à moi, j'ai toujours pensé que ce n’est pas le dictionnaire qui doit servir de guide dans l'enseignement; les mots ne me semblent pas devoir servir de base à un programme raisonné des matières de l’enseignement, ni pouvoir servir d'itinéraire aux élèves et aux professeurs, ni indiquer la division des cours. Je ne cherche pas d’abord quels sont les mots que je dois enseigner dans chaque classe, car le choix des mots doit, pour ainsi dire, varier pour chaque élève, surtout au commencement de l'instruction. Je cherche à graduer les difficultés de la grammaire d’une classe à une autre. Un instituteur qui médite la marche qu'il a à suivre, ne doit pas se demander quels sont les mots qu'il enseignera, mais bien quelles sont les vérités qu'il lui importe de révéler le plus tôt possible. Le choix de ces vérités n’est pas douteux; l'existence de Dieu et de l'âme sont celles qui doivent occuper la première place dans l'étude de nos élèves; c'est vers la révélation de l'Étre suprème et de ses attributs, et la connaissance de l'âme et de ses facultés, que doivent tendre toutes nos explications; c’est seulement lorsque nous serons arrivés à pouvoir leur révéler ces vérités, que l'instruction deviendra morale. Ces vérités doivent donc servir de base au premier cours de l’enseignement des sourds-muets;: ce sont elles qui doivent guider l’élève et le maître, et décider le choix des éléments propres à atteindre ce but. C'est dans cette pensée que j'ai rédigé pour mon premier cours, un livre qui contient les explications qui doivent servir à la connaissance de ces vérités fondamentales. Les différentes notions nécessaires pour complé- ter l'idée de Dieu et de l’âme y sont formulées dans des phrases simples , et ce n’est qu'après avoir fixé le terme où je devais arriver, que j'ai fait le choix de mes matériaux et tracé l'itinéraire. Ce ne sont pas les mots qui DES SOURDS-MUETS. 109 m'indiquent la marche que je dois suivre, mais bien les vérités que je dois avant tout faire connaître. Le but de mon premier cours est d'arriver à la pratique de la phrase simple, et par cette formule de phrase, à la notion que l'élève doit avoir de Dieu et de l'âme. Dans l’enseignement de la langue, je me suis tracé quelques principes que je crois utile d'exposer : 1° Je donne tous les jours quelque chose de nouveau à mon élève, soit en augmentant son dictionnaire, soit en lui montrant une nouvelle formule de phrase. Dès qu'il connaît la valeur des mots et la marche simple de la phrase, je ne lui donne jamais de substantifs qu'il ne connaît pas qu'avec un verbe qu'il connaît déjà, et dont la valeur lui sert à faire apprécier celle du substantif. Il en est de même avec jes verbes; je ne lui donne ceux dont il ignore le sens, qu'avec des substantifs qui peuvent aider à les expliquer. 2° Je ne donne jamais qu'une seule difficulté à la fois. Les mots n'expriment pas seulement des objets ou des choses, des ac- tions, des qualités ou des rapports isolés, et leur utilité ne se borne pas à représenter isolément une chose distincte. De même que les couleurs, malgré leur nombre et leur variété, se fondent et s’harmonisent sous le pinceau d’un peintre habile, ainsi, pour l'intelligence, les mots d’une phrase s’enchaînent de manière à ne former qu'un seul tableau, une seule idée, multiple dans son expression, mais unique dans l'esprit. C’est pour obtenir ce résultat que je ménage prudemment le dévelop- pement de la phrase; il faut que chaque connaissance nouvelle donnée à l'élève s'allie avec ce qu'il connaît déjà. Je donne des substantifs dans ma première leçon, et j'y ajoute ensuite les articles Le, la, un, une, du, de la. PREMIÈRE LEÇON. Livre. Pain. Table. Craie. 110 SUR L'ÉDUCATION DEUXIÈME LEÇON. Le livre. Un livre. La table. Une table. Le pain. Du pain. La craie. De la craie. Les articles s'expliquent plus facilement, et leur valeur réelle est mieux saisie, quand on les met ainsi en regard. Le définit l'objet, un est plus vague et ne le définit pas individuellement. TROISIÈME LEÇON. J'ai donné, dans mes leçons précédentes, les noms de quelques ani- maux, et ceux de quelques élèves; j'y ajoute ensuite un verbe : ainsi, Le chien mord, aboie. Pierre pleure, mange, boit. Le chat joue. Jean danse. QUATRIÈME LEÇON. J'ajoute un régime : Le chat mange une souris. Jean boit de l’eau. Le chien mange du pain. Pierre mange une pomme. CINQUIÈME LEÇON. Je reviens sur la première leçon pour montrer que nous trouvons le moyen d'indiquer le pluriel des substantifs, par l’adjonction d’une ou de plusieurs lettres. - DES SOURDS-MUETS. au SIXIÈME LEÇON. Je reviens sur la deuxième leçon pour montrer le changement que su- bissent les articles, lorsque leurs substantifs se trouvent au pluriel : Les. Des. SEPTIÈME LEÇON. Elle comprend la formation du pluriel des verbes à la troisième per- sonne : Le chien mange. Les chiens mangent. Le chat joue. Les chats jouent. HUITIÈME LEÇON. Je donne la forme négative de la phrase expositive, en répétant toutes les formules de phrase que l'enfant connaît déjà : Le poisson nage. L'oiseau ne nage pas. Les poissons nagent. Les oiseaux ne nagent pas. Le chat mange une souris. Le chien ne mange pas une souris. Les chats mangent des souris. Les chiens ne mangent pas des souris. NEUVIÈME LEÇON. Je reviens sur les substantifs pour montrer qu'on peut déterminer la propriété des objets, et, dans cette leçon, je ne montre encore qu'une ie seule difficulté à la fois; l'enfant connaît la valeur de : Le chapeau. Picrre. L’ardoise, Jean. 112 SUR L'EDUCATION Je lui apprends à en désigner le propriétaire au moyen du mot de : Le chapeau de Pierre. J'applique toujours aux phrases connues le nouvel accroissement que je leur donne ou le changement que j'y introduis : Le chapeau. Le chapeau tombe. Le chapeau de Pierre tombe. Pierre frappe la main. Pierre frappe la main de Jean. Le chien déchire le mouchoir de Paul , etc. DIXIÈME LEÇON. La leçon précédente me conduit naturellement à l’explication de la va- leur des pronoms. Le chapeau de Pierre. Son chapeau. Le livre de moi, Paul. Mon livre. L ONZIÈME LEÇON. Traduction des noms propres en, je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles; et en régimes simples, le, la, les. Conjugaison méthodique du présent de l'indicatif : Il frappe mon chapeau. Je le déchire. DOUZIÈME LEÇON. Introduction de Ja préposition dans la phrase : Sous, sur, dans, avec, etc. : Je coupe mon pain avec un couteau. DES SOURDS-MUETS. 113 TREIZIÈME LECON. L’adjectif sans ou avec le verbe être. La formation du féminin et du pluriel des adjectifs, le comparatif et le superlatif. J'ai renvoyé à cette leçon l'introduction de l'adjectif, non que je tarde à indiquer sa valeur jusqu’au moment où l'élève connaît la phrase avec son régime direct et indirect, mais parce que j'ai voulu d’abord exposer la formation successive de cette phrase complète. L'emploi de l'adjectif dé- pend de plusieurs circonstances. Dans une institution un peu nombreuse, un enfant devance souvent l’ordre des leçons; ses compagnons lui commu- niquent des formules que nous renvoyons ordinairement après d’autres explications; un fait quelconque amène les adjectifs, comme : si quelqu'un est malade, méchant, paresseux, etc.; S'il est maigre, grand, gros; si son habit est noir, bleu, brun. Une foule d’adjectifs s’introduisent toujours comme à la dérobée; et ce qu’un jeune élève apprend ainsi sous l'inspiration d’un fait réel et sous la direction de son compagnon un peu plus avancé, est toujours bien compris. QUATORZIÈME LEÇON. J'introduis l’adverbe : bien, mal, là, ici, partout, hier, aujourd'hui, de- main, peu, beaucoup, souvent, etc., etc. QUINZIÈME LEÇON. Connaissance des trois temps absolus du verbe. Les adverbes hier, au- jourd'hui, demain, dont les sourds-muets connaissent la valeur qu'ils expri- maient déjà par des signes, me donnent l’occasion de montrer la modifica- tion que leur emploi exige dans le verbe. Tome XIX. 15 114 SUR L'ÉDUCATION Pour l'étude isolée de l'élève, j'introduis la conjugaison des temps absolus des différentes désinences des verbes. Nos lecons lui ont successi- vement montré ces modifications ; il ne s’agit donc plus ici que d’une clas- sification des désinences des différents temps et des personnes du verbe, sous une rubrique générale. La conjugaison ne précède pas l'emploi du verbe dans les divers temps, elle en est le résultat. Je trouve ici l’occasion de dire que la seconde personne du singulier ou du pluriel, sans sujet, marque un commandement, et la pratique l’ex- plique aussitôt à l'élève. L’explication du pluriel a donné lieu à l'introduction de la numéra- lion : I. 4; Un. IT. 2 Deux. III. GÉ Trois. TV 4. Quatre, etc. L’explication de la préposition na permis d'aborder les connaissances géographiques : Vous demeurez à... Vous êtes né à... ec Tel village est à 4 lieues de telle ville. La description du bâtiment qu’habitent les élèves amène les expressions relatives à la direction des lieux : Le directeur demeure au nord de la classe. La chapelle est au sud de la classe. La cuisine est à l'est de la chapelle. Tel village est au sud ou au nord, ete., de telle ville; je fais suivre toutes ces directions sur la carte; l'idée des réductions se forme d’elle- même. La partie la plus essentielle de notre enseignement échappe à la descrip- DES SOURDS-MUETS. 115 tion, car chaque circonstance prête à une explication nouvelle, et chaque difficulté vaincue aide à en surmonter une autre. Pour soutenir l'attention et la bonne volonté de ses élèves, l’instituteur doit prendre les matériaux et les sujets de ses phrases dans la série des idées qu’il sait être les plus agréables à leur sexe ou à leur caractère; les filles aiment tant à rêver de robes, de bijoux, de jouets; aux garçons, il faut parler de sabres et de fusils, de chiens et de chevaux, etc. Chacun sait que les enfants aiment à manier l'argent. On peut retirer de grands avantages de lemploi de la monnaie pour l'instruction des sourds-muets. On leur rend la numération agréable en leur mettant en mains des pièces de un, de deux, de cinq et de dix centimes, et le franc avec ses sous-divisions : c’est pour eux un plaisir de compter. Je les oblige à indiquer le nombre de centimes qu'on leur remet; l'addition, la sous- traction s’apprennent ainsi en jouant. On obtient un autre avantage moral de l'emploi du maniement de la monnaie : ordinairement l'enfant n’a jamais réfléchi sur la valeur et le prix de ses vêtements et des objets mis à son usage. De [à sa malpro- preté, et le peu de soins qu'il a de ses effets. La connaissance qu'il acquiert du prix des différentes parties de son habillement influe favora- blement sur ses idées et sur sa conduite; il n'avait jamais remarqué que ses souliers coûtent 4 francs, ni son habit 25 francs, etc. Ces indications l’étonnent le plus souvent, et l'impression qu'il en reçoit est d'autant plus forte, que l’idée qu’il se forme des sommes est grande. On l’amène ainsi plus facilement à concevoir des sentiments de recon- naissance envers ses parents ou ses bienfaiteurs. Nous avons tant de choses à enseigner à nos élèves pour développer leur intelligence et former leur cœur, que nous ne devons négliger aucune occasion, ni aucun moyen propre à abréger et à faciliter laccomplissement de notre tâche. SEIZIÈME LEÇON. Je reviens à la phrase assertive pour montrer comment le sujet, l’action, 116 SUR L'ÉDUCATION le régime direct ou indirect, la préposition et la qualité peuvent devenir le sujet d’une question : Qui? que? avec quoi? de quoi? où? combien? comment? quelle ? quand ? etc. Mes élèves ont maintenant la connaissance complète de ce que je nomme la phrase simple dans sa forme expositive, impérative et inter- rogative. Chaque partie du discours a été successivement introduite dès que l’u- tilité ou le besoin s’en sont fait sentir, et nous avons contribué à faire naître l’idée de son besoin ou de son utilité par le langage des signes, si elle ne se présentait pas d'elle-même. L'élève ignorant que quelques lettres suffisent pour indiquer ou rap- peler l’idée d’un objet, s’est aussitôt trouvé étonné et heureux d’avoir ac- quis un moyen très-simple de se faire comprendre, et je lai amené à s’en servir de préférence aux signes, en feignant de me méprendre sur ses in- tentions, lorsqu'il s’exprimait par signes. Je ne lui accordais l’objet de sa demande, ou je n’exposais les motifs de mon refus, que lorsqu'il m'écrivait. Ce n’est qu'après lui avoir fait comprendre l'utilité de distinguer les substantifs par leurs qualités accidentelles, que je lui ai donné l’adjectif. Il en a été de même de l'introduction du verbe et de la modification que sa valeur subit par l’adjonction de l’adverbe ou par la préposition. Ainsi, à mesure que les mots de la phrase se multiplient, l'idée se définit de plus en plus et devient plus distincte. J'ai choisi les sujets de mes phrases de manière à pouvoir fixer l'attention des élèves sur une foule de notions utiles et leur révéler plu- sieurs vérités morales. En faisant écrire leurs substantifs dans leurs cahiers, je leur ai fait observer un ordre tel, que la classification des êtres et des choses, en homme, animal, plante et chose, s’est établie d'elle-même. Cette seule classification donne déjà des lumières sur leur nature res- pective. J'ai développé ces premières vues en provoquant de mes élèves des comparaisons, en leur montrant le contraste qui existe entre leurs DES SOURDS-MUETS. 117 actes; et enfin, en attirant leur réflexion sur les différences que présentent ces diverses classes, j'ai réussi, en fixant leurs idées sur les facultés de l'homme, à en faire surgir l’idée de l'âme. La numération m'a fourni l’occasion de faire connaître combien on compte, d'heures dans un jour, de jours dans un mois, et de mois dans une année. J'ai fixé leur attention sur le cadran d’une horloge, sur le mouvement des aiguilles et sur les moyens qui servent à indiquer le temps. Le comparatif m'a permis de leur faire remarquer que les jours sont plus longs et les nuits plus courtes en été qu'en hiver; au moyen de la com- paraïson, j'ai pu leur donner une idée de la valeur des objets, de l'âge de chacun d’eux, etc. Je m’attache beaucoup à donner à mes élèves des notions claires de la vie réelle. L'enfant sourd-muet entre ordinairement fort jeune dans nos institutions, et la plupart de ces infortunés appartiennent à la classe in- digente. Trop pauvres dans leur famille pour avoir pu y acquérir des no- tions positives sur les dépenses domestiques, ces enfants, bien vêtus et bien nourris dans nos établissements, s’imagineraient aisément que leur vie entière doit se passer ainsi sans soucis pour les besoins de la vie. J'attire donc leur attention sur ce point, en prenant les sujets de mes phrases dans les besoins de la vie. — Je leur dis ce que coûtent le pain, les pommes de terre, la viande, le charbon de terre, leurs habits, le loyer d'une maison. — Je leur indique le salaire, le gain journalier d’un ou- vrier, etc. J'aime à leur faire apprécier la dépense à laquelle s’élèvent le déjeu- ner, le diner et le souper, et, pour cela, je leur donne à calculer le nom- bre de tranches que l’on découpe d’un pain et la quantité de beurre, de thé, de légumes, etc., qu'il faut pour la portion de chaque individu. Ce ne sont pas quelques procédés plus ou moins ingénieux qui font la bonté d'une méthode; la méthode est plus où moins bonne suivant qu’elle se rapproche plus ou moins de l'éducation maternelle. Lorsque, dans la suite de mes leçons, j'explique à mes élèves le méca- nisme de l'interrogation et les ressources que cette forme de la phrase 118 SUR L'ÉDUCATION leur présente pour leur faire acquérir des notions nouvelles, ou vérifier l'exactitude de celles qu’ils possèdent déjà, je me sers de préférence de la forme interrogative pour les amener à concevoir la nécessité d’un être su- périeur. Ainsi, dans la suite de mes questions, Je propose, par exemple : Qui a fait la table ? De quoi? avec quoi? Qui a fait la maïson , de quoi, avec quoi ? Qui a fait le soleil? la lune? les étoiles ? Qui a fait la terre? l'eau? Pour l’ordre entier des mots qui expriment des faits extérieurs ou inté- rieurs, je n'ai jamais donné un mot, une expression, Sans avoir la certitude que l'élève avait de l'objet une idée nette et précise ; Je pouvais la lui faire concevoir d'avance, parce que je pouvais le mettre en rapport direct avec cette idée au moyen de ses sens ou de la conscience que l'on a de ce qui se passe en nous. Mais, lorsque je dois lui faire connaître des vérités métaphysiques, je suis obligé de lui donner d'abord le mot et d’en expliquer ensuite la valeur, en groupant autour de ce mot, et au moyen des expressions qu'il possède déjà, toutes les idées, toutes les notions que la nature de ce mot exige. Après donc que j'ai fait sentir le besoin d’un être supérieur à l'homme, qui a créé ce que l’homme n'aurait pu faire, comme le soleil, l’eau, etc., je lui donne en réponse le mot Dieu. Ce n’est encore qu'un mot, mais avec la langue déjà connue, je lui révèle Dieu. Dieu a toujours vécu. Dieu ne mourra jamais. Dieu n’a pas de corps. Dieu voit tout. — Connaït tout. Il a tout créé de rien. Dieu est partout. Nous verrons Dieu après la mort. L'existence de Dieu est une vérité qui ne doit pas leur être prouvée; dès que je révèle Dieu à mes élèves, ils croient en lui avec amour, et je puis DES SOURDS-MUETS. 119 aussitôt le leur présenter comme juge et rémunérateur; leur vie a, dès lors, un but, et leur morale, une base. Lorsque le soir, avant de se coucher, l'instituteur peut se dire : j'ai au- jourd’hui fait connaître Dieu à des êtres qui ignoraient son existence, ce moment, on le sent, récompense de bien des peines. Une condition essentielle dans notre enseignement, c’est de répéter sou- vent; une autre condition est de faire plutôt écrire les élèves que d'écrire soi-même; de provoquer des demandes au lieu de se contenter de réponses aux questions qu'on leur adresse. Penser, réfléchir, juger intérieurement, tout cela s'obtient par nos ex- plications; mais penser tout haut, pour ainsi dire, exprimer des réflexions et des jugements, cela ne peut s’obtenir que par habitude, et cette habi- tude doit se former de longue main, sous la direction intelligente du maître et dès que les élèves possèdent la plus simple formule de phrases. On peut, par exemple, leur donner un cahier où ils inscriront : — Le temps qu'il fait. — La direction du vent. — L'arrivée de nouveaux compagnons; leurs habitudes. — Le nom de la commune d’où ils arrivent, sa position géographique. — Le métier de leurs parents. — Le nom et les titres des personnes qui viennent les examiner, les voir. — Les faits qui se passent dans l'établissement. — Aux ouvriers, on fait annoter ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont gagné. — Chaque élève ouvrier reçoit deux ou trois centimes pour chaque paire de souliers qu’il achève, pour chaque pièce d’habillement, pour chaque panier fait en dehors des heures de tra- vail. Je les oblige toujours à me donner une quittance régulière de ce que je leur paye, etc., etc. Un instituteur de sourds-muets est un peu leur serviteur, leur com- pagnon, leur maître, leur père et leur mère; on n'obtient un bon résultat qu'à ce prix. Mais il est temps de continuer la série de nos leçons. Je puis déjà joindre deux phrases, et dire : Il fait chaud. — Ouvrez la fenétre. Allumez le poéle. — J'ai froid. Jean est malade. — Portez-lui une jatte de lait. 120 SUR L'ÉDUCATION Je complique successivement ma phrase primordiale en observant tou- jours le principe de ne jamais donner qu’une seule difficulté à la fois. L'enfant connaît le pluriel du substantif et du verbe : OT ER ES Les chevaux courent. Je lui montre à obtenir le pluriel au moyen de deux singuliers. DIX-SEPTIÈME LEÇON. Pierre et Paul courent. Jean, Paul et Pierre dansent. Je lui fais remarquer ici la fonction de la virgule. L'exercice lui ayant montré la valeur du copulatif, je emploie pour ajouter plusieurs adjectifs à un substantif. Jean est gros et gras. Pierre est obéissant, doux et pieux. Ou, pour joindre deux verbes : Ivon saute et court. DIX-HUITIÈME LEÇON. Ma phrase primitive s’accroit encore lorsque je lui montre que cette formule : J'ai un chapeau noir, De peut se traduire par : J'ai un chapeau qui est noir. Qui : c’est il, ou elle. DES SOURDS-MUETS. 121 Je vois un homme; il court. Je vois un homme qui court. Je vois des oiseaux; ds font des nids. Je vois des oiseaux qui font des nids. J’explique une troisième variante de cette phrase au moyen de la syno- nymie : des oiseaux faisant un nid, J'ai vu À des oiseaux couvant leurs œufs. un chien courant après un lièvre. Cette formule offre les plus grandes ressources pour varier n0S COMPO- sitions. DIX-NEUVIÈME LEÇON. Nous avons dans nos langues ce que des grammairiens nomment des verbes adjectifs, c’est-à-dire, des verbes qui se joignent à d’autres verbes sans conjonctions , tels sont : vouloir, devoir, pouvoir, oser, etc. Il est très-facile de faire concevoir à nos élèves la valeur de la forme grammaticale où l’on introduit ces verbes, si on les emploie d’abord dans la forme négative : Je ne veux pas écrire. Je ne peux pas voler. Je ne sais pas parler. Il n'ose pas grimper sur l'arbre. Ramenées ensuite à la forme affirmative, ces phrases nous servent à définir la volonté. Il y a quelques autres verbes qui s’emploient de la même manière que ceux dont je viens de me servir; tels sont : J'entends passer un homme. Je vois courir un chien. Je fais tomber la chaise. Je laisse sortir le chat. Toue XIX. 16 122 SUR L'ÉDUCATION Dieu fait eroître les arbres. Je viens voir, ete. VINGTIÈME LEÇON. Dès que le sens d’une nouvelle combinaison de mots peut être aisément saisi, je n’hésite jamais à la donner à mon élève. Ainsi, après lui avoir montré à joindre les deux verbes sans copulation, j'introduis la conjonc- tion de deux verbes au moyen de la préposition à : Il m'aide à lever ce bloc. J'aime à manger des raisins. Il s'amuse à danser. Il s'applique à dessiner. Il s'arréte à regarder les poissons. Je commence à écrire. Il se dispose à partir. Il m'encourage à écrire. Il m'enseigne à parler. Il excelle à nager. Il m'excite à étudier, etc. D'autres verbes peuvent être réunis au moyen de la particule de : Je brûle d'aller. Je vous conseille de sortir. Il me déconseille de manger. Il désire de voir ses parents. Je difière de sortir. J'essaie d'ouvrir cette serrure. Je me hâte d'écrire une lettre. Je me lasse de... Il menace de... Il m'ordonne de... , etc. Je fais suivre cet exercice de la forme où j'introduis la conjonction que : Je dis que Pierre a brisé le carreau de vitre. Il déclare que, Il assure que, DES SOURDS-MUETS. 125 Il affirme que. Je vous annonce que votre père est guéri. Je pense que monseigneur viendra aujourd'hui. Je confesse que j'ai frappé Jean. J'espère que mon père viendra. Je remarque que Jean n’est pas attentif. Je me rappelle que j'ai vu monsieur, il y a trois ans. Je poursuis le cours de la phraséologie double en expliquant chaque nouvelle formule par l’analogie qu’elle a avec une autre, ou en faisant naître la vue de l'esprit que la conjonction exprime. Mon élève connaît cette forme : Je lis et je marche. Je mange et je lis. La forme suivante : Je lis pendant que je marche. Je lis tandis que je mange. peut être facilement comprise, quand on fait observer que lorsque les deux actions se font en même temps, on exprime cette simultanéité par les mots et, tandis que, pendant que. Cette forme étant connue, on montre à l’élève à la varier en traduisant pendant que et tandis que par en avec le participe présent du verbe : Je lis en marchant. Je lis en mangeant. si la même personne est le sujet des deux phrases. Après avoir fait observer la simultanéité qui peut exister entre deux actions exprimées dans deux phrases, je parviens aisément à faire remar- quer que l'action de l'une de ces phrases s’accomplit quelquefois avant celle que l'autre exprime : Je prie. — Je dine. Je dis donc à l'élève que cette antériorité s'exprime par la conjonc- 124 SUR L'ÉDUCATION tion avant que, où par la conjonction avant de et l'infinitif du verbe. Je prie avant que je dine. Je prie avant de diner. Si l’action de la première phrase s’accomplit avant celle de la seconde, je lui montre que cette postériorité s'exprime par après que : Je dîne après que j'ai prié. De deux phrases, l’une peut exprimer une action dont on espère un résultat, et la seconde ce résultat même : Il sème... Il récolte. Le sourd-muet est, tout aussi bien que nous, en état d’avoir l’idée de ce but; on lui apprend par une application intelligente à l'exprimer par : Il sème afin qu'il récolte. et, par synonymie : Il sème pour récolter. Je change ensuite la position des verbes, et au lieu de : SEMET seu e Récolter , je mets : Récolter….…. Semer. c'est-à-dire, la cause après l'effet. J’explique alors que la raison, la cause, etc., s'expriment par parce que : Je récolte parce que j'ai semé. Il en est de même lorsqu'il s’agit de montrer l'emploi des autres con- jonctions, si, pourvu que, à condition que, etc. Nous ne devons pas donner DES SOURDS-MUETS. 195 à nos élèves la vue de l'esprit qu'expriment les conjonctions si, pourvu que; il suffit de provoquer cette vue, de la faire remarquer lorsqu'elle naît par la juxta-position de deux faits, et d'y appliquer les expressions de nos langues que nous nommons conjonctions. Quand je suis parvenu à introduire toutes les parties du discours dans la phrase, la langue n’est plus le but de mon enseignement, mais elle me sert d'instrument pour développer l'intelligence des élèves. J'ai à peu près suivi, dans l'exposé que je viens de faire de ma méthode, l'introduction successive dans la phrase, de chacune des formes nouvelles qu'on peut lui donner. On comprend, du reste, qu'il est impossible d’ex- poser un cours d'enseignement dans tous ses détails, et de décrire la suc- cession positive de chaque formule différente de nos phrases. Le choix des formules dépend de mille circonstances et doit varier avec elles. II serait plus que dangereux de vouloir plier le développement de l'intelli- gence à un ordre de leçons préconçu : c’est la méthode employée sous la direction habile du maître, qui doit se prêter aux impressions du moment, et à l'aptitude des élèves. L’œil toujours fixé sur le but qu'il doit atteindre et sur les moyens qui doivent l'y mener, le maître doit saisir l’à-propos d’une explication, et l'instant le plus favorable pour faire faire un pas en avant à son élève. La tâche de l'instituteur ne consiste pas seulement à assister à l'étude d’une leçon, mais bien à hâter le développement du germe et de lesprit de l'élève, et à conserver une juste proportion entre l'introduction de formes nouvelles et le degré d'activité que son esprit atteint. L'intelligence n'est pas l’aire où les leçons s’entassent comme les gerbes, c’est un champ à cultiver. Je divise mon cours d'instruction en trois parties. Dans la première partie, j’enseigne la langue, en séparant le moins pos- sible l’enseignement de la langue de celui des vérités que cette dernière est destinée à exprimer. Je joins le plus tôt possible l'instruction et l'éducation. Dès que l'élève a acquis la formule d’une phrase, quelque simple qu'elle soit, je emploie pour lui dévoiler une vérité. 126 SUR L'ÉDUCATION Dans cette partie de mon cours, j'interprète la langue par la réalité; je révèle Dieu par ses œuvres et âme par ses facultés. Dans la seconde partie, j'utilise la connaissance que l'élève a acquise de la phrase normale ou régulière, pour lui enseigner toutes les modifi- cations que nous introduisons dans le discours, en commençant par la modification la plus simple, et en remontant jusqu'aux plus compliquées. La phrase régulière primitive est, par exemple : Jouvrirai mon parapluie s'il pleut. On peut l'écrire de cette manière : S'il pleut, j'ouvrirai mon parapluie, D'où résulte une première règle: « Le second membre de la phrase qui est double, peut être mis avant le premier. » Le sujet et le régime d’une phrase peuvent être spécialement indiqués par une phrase incidente : Un Monsieur est venu nous voir. Un Monsieur, que j'ai vu, il y a trois ans , est venu nous voir. — qui est marié à la fille de notre bourgmestre, etc. J'ai vu aujourd'hui un sourd-muct, pendant que je me promenaïs, etc. — — âgé de dix ans, etc. — > qui n'est pas instruit, etc. _— — que je ne connaissais pas, elc. — — qui entrera à l'institut dans un an, etc. Je reprends successivement chacun des accroissements de la phrase, et je montre comment on peut en varier la formule : Jean a frappé Paul avec un bâton. C’est Jean qui a frappé Paul, ete. C'est Paul que Jean a frappé, ete. C'est avec un bâton que Jean a frappé Paul. C'est au moyen d'un bâton , etc. DES SOURDS-MUETS. 127 Mais, ce sont surtout les mots abstraits employés à la place de l’adjec- tif ou du verbe, qui introduisent une grande variété de formes dans la phrase : Je viens vous voir parce que vous l'avez désiré. Je viens vous voir suivant votre désir. Suivant votre désir, je viens vous voir. J'aime Jean parce qu'il est doux. J'aime Jean à cause de sa douceur. Toute cette partie du cours doit être introduite dans le système d’ensei- gnement avec mesure et prudence. Elle est indispensable pour initier peu à peu les élèves à la lecture des livres ordinaires; leur montrer trop de variétés de phrases à la fois serait le moyen de les décourager ou de les brouiller. Je les exerce donc tous les jours à ces transformations, en leur donnant des phrases régulières à varier, ou en leur faisant ramener des phrases compliquées à la forme normale. Voilà pour la phraséologie. Quant à la nomenclature, je augmente au fur et à mesure que le besoin s’en fait sentir, et j'introduis successive- ment les mots dont la valeur ne peut pas être montrée par un objet ou par une action simple, c'est-à-dire, dont le sens exige une combinaison de phrases ou une définition détaillée : Tribunal, juger, plaider , criminel; gouvernement, gouverner , Ministre ; conseil communal, délibérer ; commerce, négocier. C’est l’histoire moderne que j'explique pour ainsi dire; c’est la vie so- ciale que je dévoile à mon élève, et dont je lui montre les relations, les combinaisons ou la subordination. Au lieu de commencer l’histoire de notre pays à Jules César, aux fores- tiers ou à Baudouin Bras-de-Fer, je la commence là où elle commence réellement pour mes élèves, c'est-à-dire, aux faits qu'ils ont sous les yeux; des fonctions du garde champêtre, je passe à l'autorité du bourg- mestre qui obéit au gouverneur, lequel, à son tour, doit obéir à un ministre qui reçoit les ordres du Roi. 128 SUR L'ÉDUCATION Je leur explique pourquoi les habitants doivent payer des contribu- tions que tous les receveurs d’une province versent chez un receveur gé- néral, qui transmet l'argent au ministre, lequel en dispose d’après les ordres du Roi. Il m'arrive souvent de commettre des hérésies constitu- tionnelles, mais du moins j'introduis de l'ordre dans les idées de mes élèves. Je me borne du reste à leur enseigner dans cet ordre d'idées, ce qu'il leur est le plus utile d'apprendre. Je fais davantage pour ceux dont l’in- telligence est suffisamment développée, ou dont la position sociale exige des leçons plus relevées. De l'histoire du Roi régnant, je passe à celle de son prédécesseur : je remonte, si l’on veut, le cours de l’histoire, mais ce moyen est le meilleur pour arriver à sa source sans nous égarer : c’est évidemment procéder du connu à l'inconnu. Les faits de notre temps ont leurs raisons dans les faits d'autrefois; les effets nous mènent aux causes, comme les fruits font re- monter aux germes. Un peuple ne meurt pas tout entier, ni tout à coup; il change. L'état actuel est le connu, et il doit servir à nous faire connaître l'état antérieur, qui est l'inconnu : c’est le seul moyen, suivant moi, d’ac- quérir des notions justes. Ma mission n'étant pas de former des historiens , je m’arrête assez tôt pour ne pas faire des savants de malheureux qui, en définitive, n’ont be- soin que de connaître Dieu, leurs devoirs et un métier. Mais, comme livre de lecture, une petite histoire du pays a ses attraits, et on aurait tort de refuser aux sourds-muets ce qui peut contribuer à leur bonheur. J'ai écrit pour mes élèves un abrégé de l'histoire de Napoléon en phra- ses très-simples; la vie de ce grand homme excite vivement leur intérêt. Les marches de ses armées, ses invasions, ses guerres extérieures, me permettent de passer en revue une grande partie de la géographie, et d’im- primer plus profondément dans la mémoire, les positions géographiques, en les rattachant à un souvenir historique. Dans la première partie de mon cours, j'ai fait ressortir l’idée de Dieu de Ja vue des créatures; dans la seconde, je donne à mes élèves DES SOURDS-MUETS. 129 l'histoire de la création , de la chute de l’homme, la promesse du Sauveur, sa naissance, sa vie et sa doctrine. Chacun des jours de la création me donne l’occasion d'introduire na- turellement une nomenclature détaillée des êtres ou des choses créées. Je décris donc les merveilles du firmament, j'indique les causes des éclipses, le mouvement de la terre, la distance qui nous sépare des étoiles, etc. J'explique la forme de la terre, plusieurs minéraux, les mines, les sources, les montagnes, la cause de la pluie et celle des brouillards; la mer, l'utilité des marées, les noms des poissons, etc. Je classe successivement les plantes et les animaux. J'ai composé une petite histoire naturelle qui sert de livre de lecture à mes élèves. Comme le succès de cette éducation exige qu’on les exerce fré- quemment à exprimer eux-mêmes leurs idées, à parler enfin, j'emploie pour cela plusieurs moyens. Je leur donne, par exemple, en guise de thème, plusieurs mots qu'ils doivent formuler en phrases : Ange, corps, esprit. L'ange est un esprit, il n’a pas de corps. Brucelles, chemin de fer, Gand. On va de Bruxelles à Gand par le chemin de fer. Dieu, voler , tribunal, prison. Dieu défend de voler, et le tribunal condamne les voleurs à la prison. Autre exercice; j'écris : Pierre, je me plains de vous; je vous ai instruit, nourri et vêtu, et vous n'êtes pas assez reconnaissant. J'adresse cette période à Pierre, et je lui demande ce que j'ai dit; il écrit ensuite : Vous m'avez dit que vous vous plaignez de moi, que vous m'avez instruit, nourri, habillé, et que je ne suis pas assez reconnaissant. Cette transposition des personnes du verbe amène une grande variété dans nos leçons. Tome XIX. 17 150 SUR L'ÉDUCATION Autre exercice pour des thèmes, par des interrogations : Êtes-vous sorti hier ? — Oui, je suis sorti. Pourquoi? — Pour aller à la poste. Pourquoi êtes-vous allé à la poste? — Pour y porter une lettre. Êtes-vous retourné vite? — Non, j'ai été longtemps absent. Pour quel motif? — Parce que j'ai dû attendre au pont. Pourquoi avez-vous dù attendre au pont ? — Parce qu'un bateau allait passer. De quoi était-il chargé? — De charbon de terre. Est-ce que le bateau n’a pas passé vite? — Non , il marchait lentement. Pourquoi? — Parce qu'il n'y avait que deux personnes pour le haler. Ces réponses me servent à faire faire un petit discours suivi tel que ce- lui-ci : Je suis sorti hier pour aller porter une lettre à la poste; j'ai été long- temps absent, parce que j'ai dù attendre au pont, car un bateau chargé de charbon allait passer; il marchait très-lentement, parce qu’il n’y avait que deux personnes pour le haler. Enfin, je donne des sujets de thèmes au moyen du langage des signes. J'expose un fait dans tous ses détails et avec toutes ses circonstances; s’il intervient un dialogue entre les acteurs, j’observe ce que j'appelle ail- leurs la localité avec M. Gallaudet; je prends successivement le rôle de chacun des interlocuteurs, et puis je me fais rendre compte de ce que j'ai dit. Chaque élève écrit ensuite des idées d’après l'impression qu'il a reçue de ma pantomime. Je relis alors les compositions, je les contrôle lune par l’autre, et, en corrigeant et en faisant des questions, je parviens à une rédaction convenable de mon récit mimique, que je permets à mes élèves de consigner dans leurs cahiers. Le lendemain, je reviens sur mon récit, et je le leur fais raconter par signes, non d’après ce qu’ils ont écrit, mais en consultant leurs souvenirs, etc. Tous ces exercices peuvent se combiner et se varier d’après les vues du maître et les progrès des élèves. Il est fort utile de revenir souvent sur les idées déjà expliquées, de les grouper de différentes manières et de les présenter sous un nouveau point de vue; on entretient le zèle des élèves, on les anime par des tableaux écrits, DES, SOURDS-MUETS. 151 dans lesquels on montre réuni tout ce qui se rapporte à un fait principal. C’est ainsi que j'ai tracé un cercle divisé en 5363 parties, pour représenter les jours de l’année. L'intérieur de ce cercle est partagé en quatre sections qui répondent aux quatre saisons, et où se trouvent marquées les fêtes de chaque jour de l’année et les travaux de chaque saison. J'y indique les temps où il faut planter, semer ou récolter. Sur 19 pages de papier, divisées chacune en 100 compartiments, j'ai fait inscrire les années qui se sont écoulées depuis la naissance de J.-C. ; puis sur 40 autres pages, les 4,000 années antérieures à cet événement. Dans les compartiments réservés à chaque année, se trouvent annotés les faits les plus remarquables, tels que le meurtre d'Abel, la mort d'Adam, le déluge, Abraham, etc. La mort des apôtres, l'arrivée des premiers apôtres dans notre pays; le règne de nos princes, etc., etc. IL faut toute une étude pour éveiller et soutenir l’attention des élèves, et il importe de ne reculer devant aucune peine pour arriver au but qu'on cherche à atteindre. Toutes les années étant enregistrées sur 59 pages, chaque page finit par s’analyser dans un mot : Is, Ile, He, IV: siècle avant J.-C.; I, 1e, IIIe, IV: siècle après J.-C.; on reprend ensuite la description des faits en les groupant par siècle. Tel fait est arrivé au premier siècle, tel autre dans le deuxième siècle : pendant le premier, telles choses ont eu lieu, et ainsi de suite. En marchant ainsi l'analyse devient synthèse : les années devien- nent un siècle; les faits, une idée, et les parties un tout; l'intuition réelle des individualités féconde l'intelligence du genre. L'élève possède déjà toutes les idées essentielles et connaît de la langue ce qu'il lui en faut pour exprimer toutes ses idées. Le troisième cours a particulièrement pour but d'initier la plupart des sourds-muets à la connaissance approfondie de la religion. C'est à cette époque de l’enseignement qu’on leur donne un cours de synonymie, de tropes et de figures, qui les dispose à comprendre l'histoire de la Bible, telle qu'on l'enseigne au peuple, le catéchisme diocésain et les livres de prières ordinaires. 152 SUR L'ÉDUCATION DES SOURDS-MUETS. Le cours de tropes et de figures peut être calqué sur celui de Dumar- sais ou de tout autre auteur; on doit seulement s'attacher à donner aux élèves un grand nombre d'exemples, et à les choisir dans un ordre d’idées et d'expressions en rapport avec le degré d'instruction où ils sont par- venus. : Quant au cours de synonymie, j'en ai déjà dit un mot en exposant l'objet de la seconde partie de mon cours. Le maître doit trouver dans ses études préliminaires le moyen de donner ce cours d’après les besoins et l'utilité du moment. C’est à ce point de l'instruction qu’on doit chercher à mettre les élèves à même de pouvoir continuer, ou au moins de répéter utilement leurs études. Il faut pour cela les initier à la connaissance du dictionnaire. La position de ces malheureux rendra toujours nécessaire l'existence d’un dictionnaire spécial expliquant la valeur des mots au moyen du des- sin, ou d’une série d’autres mots, par l’analogie, la synonymie, le con- traste, la négation, etc. MM. Morel et Valade-Gabel ont jeté beaucoup de lumières sur ce point, mais personne n’a osé jusqu'ici entreprendre le travail; il faudrait d’abord convenir des points essentiels ou de la marche générale d’un cours pédagogique normal; et puis, un particulier reculera toujours devant les dépenses d’une pareille publication. FIN. | CARACTÈRES INDICATIFS DU MDUVENLENTT MOUVEMENTS. —— Simples Courbes. Caraelères des diverses parles de la téte et du Corps. CAES sens L € L gauche 24 Le 244 [Pe: 4 gauche « oui as n 7 of Cyan [PQ de qui V2 72 de A2 Haut | 4 1 n [re] 2 las 22 ee où) ddreta qaucl 7772 las | È J H ‘api HZ Lau er PT 9) D£ Lan 74 0e Cala \ ) TA TO p CHALANT H J | \ 0 CHAT LUCTC Cerculatres. r : *) © Dtcttt A cn LT ul. (Ee gauche CI cn Uard | = } \@ Ç Il 0 d'extension Go d quil Fee PA /77774 & } \ | ” 3 \ “ LGV ; ._ crdultira Obliques 5 S (6e N ro À re 4 à fe, CHANT. & K J \ \ à f . 3 ’ : A emblesnent G V | (4 J | J | À © Ÿ 0 < 4 D à| LE ) [LS A Se A CAL «#4 E M, LIT / CL out 7 ul (V VA 7 fi lt o SYICS DR S destinés à rappeler la nature etles diverses roles des parties du discours . Ml ant 7e : Mecaie domi 41 ut Vi A8 7/4 “4 : Jul) 1 “4 W v 4 (d'4 + d derrle arhclt 2m alé VAE NN verte Gi Vote à NL 2247/4444 SL / , CAS. L_ mai TPS PA pr ET 7 Hi Dept D / AP AAA AAA D A as CC res / AARLA RAR AA C7 \— CH CL CE == ar) le da 2 44 We Ne PAT 4 4 7 DS CRE . 74 7 LA Re up “4 CA A (44 af PAT à Cf 772 4 AT HUT Malin: ae î É acfutl 0/24 712114 {l — 2 fo cafe | A —— L chant | +1 > den 224 El 7 GA | | ‘ l ei u pa A ia | | one «lie le 2 | + pt fucid suit hutr AU. als 7 + 4 fut Da 774 PPT aulis l = — adhtetitut MS art gl hpélu Hi ttt 4 cell ht ESSAI SUR LA COORDINATION DES CAUSES QUI PRÉCÈDENT , PRODUISENT ET ACCOMPAGNENT LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES; PAR M. Aru. PELTIER. (Lu à la séance de l'académie royale du 6 avril 1844.) Tome XIX. ] éMé529 244 AOÏTANIGA00D 4] À CRUDIATOAIE ar ee - : HEATE, 49 uré s À ut anoT 184 AVANT-PROPOS. Ce résumé devait former la dernière partie d’un ouvrage, dans lequel je traite de toutes les théories électriques qui ont paru depuis Gilbert jus- qu'au temps présent. Après avoir démontré leur insuffisance, même à l’époque de leur naissance, insuffisance qui s’est accrue avec la multipli- cité des faits qui se sont successivement dévoilés, je devais, à la suite de ces démonstrations, présenter une théorie plus générale, plus en harmonie avec les différents ordres de faits connus et avec les autres grands phéno- mènes de la nature. La première partie de ce travail est terminée depuis cinq ans; elle traite des théories qui ont été successivement émises, depuis Gilbert jus- qu’à la découverte de Galvani. Pendant ce long espace de temps, toute la science de l'électricité résidait, comme on le sait, dans les seuls phénomènes d'électricité statique, dans l’ordre le plus restreint et le moins diversifié dans ses apparences. La seconde partie, traitant du Galvanisme et du Voltaïsme jusqu’à l'éta- blissement de l’électro-chimie, était presque achevée, lorsque mes observa- tions météorologiques me conduisirent à envisager d’une manière toute nouvelle, la cause, l’ordre et la succession des météores dépendant de % AVANT-PROPOS. l'électricité et la modification qu’en éprouvent les autres phénomènes naturels. J'ai dû suspendre mes premières recherches pour explorer cette nouvelle voie, autant que mes moyens le permettaient; j'ai dû en suivre toutes les conséquences, quelque inattendues qu’elles fussent, et quelle que fût leur opposition aux systèmes admis jusqu'alors. Les expériences que j'ai faites pour constater ou infirmer les consé- quences issues de mes observations, le temps que j'ai dû sacrifier à faire ces mêmes observations, et malheureusement une longue maladie qui a pris naissance dans les brusques alternatives de température et d'humidité auxquelles je m’exposais nécessairement, ces différentes causes ne m'ont point permis de terminer encore mes travaux météorologiques, ni de re- prendre, par conséquent, la critique historique des hypothèses électriques. Ne pouvant prévoir l’époque où je pourrai terminer ce travail, et voyant combien il est chaque jour plus difficile de comprendre les faits qui sur- gissent de toutes parts, principalement ceux de l'induction et de la météo- rologie, J'ai pensé qu'il pouvait être utile de présenter un résumé de mes recherches, sous la forme d’une série de propositions qui s’enchaïnent et s’éclairent mutuellement. Cependant, comme des énoncés aussi restreints deviennent obscurs par leur brièveté même, je les ai accompagnés de notes nombreuses, contenant les faits principaux sur lesquels ces propositions s'appuient. Je pense qu'avec l’aide des faits ainsi groupés, la brièveté des propositions cessera d’être nuisible à la clarté et à l'intelligence des conséquences que j'en ai tirées. Quelle que soit ma profonde conviction de la réalité de cet enchai- nement systématique des causes et des effets des phénomènes auxquels je me suis attaché, c’est cependant avec défiance et timidité, que je me décide à présenter au monde savant un système aussi opposé à toutes les idées rèçues et dominantes dans la science. On n'entre pas dans une voie si dif- férente de toutes celles qui sont parcourues par les hommes les plus émi- L AVANT-PROPOS. b) nents, saus craindre de s'être égaré et sans ressentir quelque émotion en se plaçant ainsi seul devant l'opinion commune. Mais ma conviction est si complète, elle s'appuie sur tant de faits et d'expériences que J'ai multipliées et variées de toutes les manières, qu'il m'est impossible de me former une autre idée de la cause générale des phénomènes électriques; il ne me paraît pas possible de les comprendre et de les coordonner en une unité scientifique avec aucune des théories actuelles. Jamais l'idée d’une matière électrique ne pourra servir de base à une théorie assez rationnelle pour satis- faire à l'explication de l'union et des transformations des phénomènes. M. Berzélius, l'illustre fondateur de l’électro-chimie, a, dès l'origine, re- connu lui-même qu'il y avait beaucoup de substances qui résistaient à la classification qu’il proposait, et on se rappelle aussi les efforts ingénieux de M. Ampère, pour expliquer la présence des deux fluides contraires au- tour d’une molécule neutre. Nous citerons encore le cercle vicieux dans lequel se trouvent les phy- siciens qui ont recherché des équivalents dans la quantité d'électricité né- cessaire à la décomposition d’une unité de substance, d’un gramme d’eau par exemple. Cette quantité se trouve la même, soit qu'on mesure celle qui provient d’une pile et qui agit par décomposition ; soit celle qu’on ob- tient par voie de combinaison, comme celle de l'oxygène et de l'hydrogène; soit celle qui ressort au contraire de la séparation, de la décomposition de ce même gramme d’eau, par des moyens chimiques. Nous ferons observer d’abord, que le courant qui combine comme celui qui décompose, ne cède rien, ne prend rien à la nouvelle substance; le courant est toujours identique à lui-même dans tout son parcours, il n’a pu rien abandonner dans son trajet, rien donner aux éléments désagré- gés; il se conserve intact jusqu’à la fin de sa courbe fermée. Pour qu'il y ait courant, il faut que l'élément électrique, parti du point a, revienne au point a; sans ce retour complet, il n’y à pas de courant. En outre, si la 6 AVANT-PROPOS. quantité d'électricité formant l'équivalent d’un gramme d’eau, était coer- cée autour des atomes; si de cette quantité dépendait leur combinaison, comment l'addition d’une nouvelle quantité pourrait-elle détruire l'effet de la première? Comment de deux quantités égales et semblables, l’une pour- rait-elle constituer l’affinité, et l’autre la détruire? Nous n’avons jamais pu admettre des principes aussi contradictoires, et leur erreur nous a tou- jours paru provenir de la fàcheuse conception des fluides spéciaux comme causes des phénomènes électriques. Nous espérons que l'application de nos principes ne présentera pas ce cercle vicieux, et que tous les phénomènes paraîtront s’enchaîner naturellement, toutes les fois qu'on voudra se don- ner la peine de suivre les déductions qui en découlent. Avant d'indiquer les causes des phénomènes électriques, qui sont le sujet principal de ce résumé, il a été nécessaire d'indiquer la constitution des corps, telle que je la conçois; il a fallu s'étendre quelque peu sur les rapports moléculaires, sur la force qui maintient les atomes en cohésion, et sur les altérations que peuvent subir ces rapports, principalement sur celles qui constituent le phénomène électrique. Cette première partie est bien certainement la plus rebelle à nos investigations, et la plus difficile à traiter avec quelques chances de succès. C’est elle qui soulèvera, sans aucun doute, le plus d’objections, et qui pénètrera le plus lentement dans les convictions : nous ne pouvons pas malheureusement montrer aux yeux la cause directe et matérielle de l'attraction, ni celle de l’affinité; aucune ex- périence ne peut s'élever, quant à présent, à une manifestation patente, incontestable, et la cause de ces phénomènes ne peut qu'être déduite des faits médiats et secondaires. En raison de ces difficultés, je dois m'at- tendre au doute sur les conséquences que j'en tire, doute qui s’effacera peu à peu, j'en ai la conviction, lorsqu'on aura fait quelque effort pour suivre l’enchaînement des phénomènes. C’est donc au temps que j'en ap- pelle, à l’étude suivie des faits et à leur coordination. AVANT-PROPOS. 1 En prévision des difficultés du sujet, j'ai multiplié les citations dans des notes, espérant conduire le lecteur plus promptement à déduire lui-même les causes probables, en groupant les faits, et en recherchant le lien qui peut les unir. En suivant cette voie, on sera amené, comme nous l’avons été, à reconnaître que l’on ne pourrait comprendre ni la constitution des corps, ni aucun des phénomènes qui s’y développent, si l'on admettait que la substance éthérée est disséminée uniformément et à l’état de liberté dans leurs interstices. Tous les faits, au contraire, concourent à la faire considérer comme étant divisée en sphères autour de chaque atome, de chaque molécule ou particule pondérable; à faire concevoir que ces sphè- res sont le siége d’oscillations nombreuses, et que c’est de l'accord ou du désaccord de ces mouvements éthérés des sphères, que résulte leur attrac- tion ou leur répulsion réciproque. Dès l'instant qu'on aura été conduit à tirer cette première déduction, toutes les autres en découleront, et l’on suivra avec facilité l’'enchaînement et les transformations des phénomènes !. 1 Ce mémoire a été présenté à l'académie au mois d'avril 4844; il a subi, depuis, différentes modifications. L'auteur se proposait de le revoir encore sur les épreuves; mais sa mort, arrivée le 27 octobre 4845, ne lui a pas permis de faire une dernière révision de ce travail auquel il attachait un grand prix. A. Querecer. EE 7 FETE ER Gabin: et ifjhattiet: to RE PE Pr ohne ob À nsiuosg et bal peint os ti eEIOS | dos ani 61 sacdomdéon ge call pot rasqeguais : Bts eee aber À evo Ginptas/doubé srl lié to ad Emitters n° lues fa” N béton sféteibanqdies rue oncaë top om | : … sépatimahbe;mutbie .1qquloobd préminnnntg abus in | aterdiboats pad & vi sbibarotinnobmiients ddr abibal sursis : rdtelés nrmronmen, stistings ae together ul: pbyiqusc spparfs abagosns eritq# ce nai vib come sut PTE | fat anp-omenon triel 6 tlebiroi lsfobieuqiré vhr ino friosodtl Bros oépris Laseuotimom énoithitiozoh sydis of 10021 aps Tufiesipr eclquntr: ps monts at 85 Métisbios D durs noepumentt ME eomporgit nou #t POUR © Got momie no zonage eut luoiob)h ri NU à + ct piston ounly el erroiperrriatéuns epfiomsmisantailsrostl ilè rit Er fréibe “| e su ben altirators id (5 arte sobir est" snpriorte; pérenyalan) su | Es pit canétitegant 25 phlraiet etre Cutre & net ribré Lo 4 étant le plis mm ile pr 10% sopnious., et le,j ras difidiita A don cures eanent du min r MES si HU neuve, 1e$ F does, Le! Te Fotlationg, n: ET LT ct rite pu mrtré denis hi, # MN ir 'aP 9 NE BE TE À ÉERTOTENPUREEr NES Sn diras de us nets 14 Libtra tests, 11 trie de Phare AT Eu uit or) moe auliSe. à Là 1' ane € MT TR, faire Jr 1 ñ = CD LA Ve EU ri dx CP ET cé héritée 18 DO bat - cie (D are "1 pour etir AM { . dé A ipge Lt à 4 FA ie hé pe Ne " :6444 robe des ua “ Mes rot Tee CT RULE de a a am ar lu le. ca 8 vo0etp 72 00 SRE ot à Tout ther chaire “ - ESSAI LA COORDINATION DES CAUSES QUI PRÉCÉDENT, PRODUISENT ET ACCOMPAGNENT LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. PREMIÈRE PARTIE. DES DEUX SORTES DE MATIÈRES QUI ENTRENT DANS LA CONSTITUTION DES CORPS. 1. L'étude des phénomènes naturels nous conduit à reconnaître dans l'univers deux sortes de matières, qui diffèrent entre elles jusque dans leur nature la plus intime !. 1 La rapidité de la propagation de la lumière et de la chaleur par rayonnement, celle de l'élec- tricité par rayonnement, par influence et par propagation, celle de l'influence du magnétisme, enfin, celle de l'influx nerveux, ne permettent pas de reporter à la matière pondérable, telle que nous la connaissons, des effets aussi grands, aussi étendus, produits à d'aussi grandes distances dans un temps aussi limité, Les changements qui s'opèrent dans la matière pondérable ne se font qu'avec lenteur, de molécule à molécule. Une des propagations les plus rapides, celle de l'onde sonore à travers l'air, ne parcourt cependant que 357,2 mètres par seconde, tandis que l'onde Tom. XIX. 2 10 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 2. Celle qui est le plus universellement répandue, a reçu le nom d’éther: son existence ne nous est jamais dévoilée immédiatement; elle n’est point tangible pour nos organes comme substance propre, mais elle se modifie et produit ainsi de nouvelles manières d’être qui sont senties, et que, pour cette raison, on a nommées sensations 1. Cette matière éthérée n’est point pondérable, son élasticité nous paraît absolue, ainsi que sa force d'expansion : elle remplit les espaces célestes et tous les interstices moléculaires des corps ?. 4. Ne tombant pas immédiatement sous nos sens, l’existence de cette lumineuse, l'onde calorifique et l'onde électrique parcourent environ 32,000 myriamètres dans le même espace de temps. Il y a plus : premièrement, les espaces célestes sont vides de matières pondérables, et cependant l'onde lumineuse et l'onde calorifique nous arrivent du soleil et des au- tres astres ; secondement, les influences électrique et magnétique se font sentir à travers le vide et la matière pondérable; troisièmement, la propagation électrique et nerveuse à travers les corps se fait avec une vitesse presque infinie, si on la compare à celle qui s'opère au moyen des molé- cules pondérables. Les phénomènes de lumière, de chaleur, d'électricité, de magnétisme et d'influx nerveux ne peuvent donc s'opérer qu'au moyen d'une substance spéciale, d'une nature toute diffé- rente de celle que nous touchons et que nous pesons; c’est cette substance, d’une élasticité infinie, qu'on a nommée éther. 1 Le nom éther donné à cette substance, est l’x des géomètres : c'est une inconnue dont l'exi- stence ne peut pas plus être révoquée en doute que le quatrième terme d’une proportion, ou il faudrait admettre que les grands phénomènes qui se passent au dehors de la substance pesante, sont des effets sans cause. Pour qu'un phénomène existe pour nous, il faut qu'il soit manifesté par une modification appréciable dans les corps pondérables, ou que la matière pondérable de nos organes soit elle-même modifiée. C'est ainsi que nous avons le sentiment de la chaleur et celui de la lumière, parce qu'il y a un changement dans les rapports moléculaires de nos tissus, sans pour cela qu'il y ait eu un choc produit ni par un corps de chaleur, ni par un corps de lumière. Nous n’a- vons pas à diseuter ici la valeur des deux théories de la lumière, celle des ondulations nous paraît avoir complétement annihilé celle de l'émission. « Les phénomènes de lumière, dit sir J. Herschel, et la résistance qu'éprouvent les comètes nous autorisent à penser que l'éther remplit l'espace. On peut même croire par analogie qu'il a, comme tous les milieux élastiques connus, une tempéra- ture, une chaleur spécifique qui lui sont propres, et qu'il peut communiquer aux corps qu'il enve- loppe. » (Discours sur l'étude de la philosophie naturelle, ete., p. 154 de la traduction.) 2 Aucun de nos moyens actuels n'a pu nous faire saisir, embrasser, ni peser cette substance : la rapidité de propagation de ses mouvements prouve son extrême élasticité; le rayonnement de la chaleur à travers les corps pondérables, le passage de la lumière, les influences électrique et magnétique, ainsi que la contraction des corps, sont des preuves évidentes que les atomes pon- dérables ne sont point en contact, que cette substance en remplit les interstices, et que c'est au moyen de cet éther interstitiel que ces phénomènes se propagent et s’accomplissent sans obstacle à travers les corps. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 11 substance ne pourrait être soupçonnée, si elle ne nous était révélée par les phénomènes qu’elle produit dans sa communauté avec la seconde sub- stance. 5. Les phénomènes nous démontrent aussi que l’éther, dans son union avec cette seconde substance, n’y est point dans l’immobilité; qu'il y exécute, au contraire, des mouvements oscillatoires de longueurs di- verses, dans des sens déterminés, et que ses influences extérieures sont alors appropriées à l’état particulier de ces mouvements 1. 6. Plusieurs de ces mouvements oscillatoires ont été mesurés; on a pu en conclure qu’en général les phénomènes chimiques sont produits par des 1 L'ordre dans lequel s'alignent les particules d'un cristal, ordre que la fusion fait disparaître (Gaudin, Comptes rendus, t. VUE, p. 683); l'affinité plus grande d’un point cristallisé pour les autres molécules en dissolution que celle que les molécules libres ont entre elles; l'inégale dilatation des cristaux suivant les axes; les différentes absorptions des rayons de diverses réfrangibilités suivant la température du cristal ; la non-proportionnalité des rayons lumineux absorbés par les milieux colorés; la différence du pouvoir réfringent et dispersif des substances diverses, ou de la même substance, suivant que le rayon lumineux traverse un cristal parallèlement ou perpendiculairement à l'axe; l'angle de polarisation d’un cristal bi-réfringent changeant avec le plan de l'axe; le verre trempé se comportant comme un cristal bi-réfringent; la polarisation incomplète des métaux et des substances très-réfringentes; l’altération plus profonde qu'éprouve la puissance absorbante de la topaze sur le rayon extraordinaire que sur le rayon ordinaire, lorsque l'on a soumis ce cristal à une haute température... , ete.; tous ces faits indiquent des mouvements permanents de longueurs diverses, dont les uns interfèrent avec certaines ondes lumineuses ou calorifiques et dont les autres n'interfèrent pas. (Voyez le Traité de la lumière de sir J.-F.-W. Herschel, les observations de M. Quetelet, les mémoires de Brewster, de M. Delezenne, etc.) Le mouvement, l'arrangement et l'influence moléculaire se déduisent encore d'une foule d’autres faits dont nous ne pouvons citer qu'un petit nombre : tel est le retrait des boules des ther- momètres; le changement des formes cristallines de l'alliage fusible de bismuth, de plomb et d’étain, et celui du fer fibreux en fer eristallisé; les figures roriques de MM. Ries et Karsten ; la permanence de la puissance dépolarisante que les vibrations sonores donnent au verre; la meilleure conduction électrique d'un fil métallique après avoir été traversé par un courant préalable; la reproduction du courant électrique dans le vide après une interruption de quelques secondes; les mouvements rotatoires que l'acier aimanté imprime aux courants électriques; l'action catalytique des corps; la permanence pendant quelques instants des modifications qu'on a fait subir au verre comprimé.., ete. forment une masse de faits propres à démontrer l'existence du mouvement des sphères éthérées qui enveloppent les atomes pondérables. ( Voyez sur ces divers sujets , la Revue scient., 4841, t. IT, pag. 77; Repertorium des Physik, vol. VI, 180; Arch. de l'électricité, n° 6, p. 591; Poggend. amn., tom. LVIT, 4992, et Arch. de l'élect., n° 6, G47; Ann. de chim. et de phys., 2 série, LXXI; id., 3° sé- rie, t. IV, et Arch. de l'élect., n° 5, 586; Mém. de la soc. roy. de Lille, 1835; Traité de la lumière d'Herschel, 1.1, 484 et suivants, et t. Il, p. 43; etc. 12 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. mouvements dont le retour isochrone, c’est-à-dire dont les ondulations appartiennent aux ondes les plus courtes; que celles de la lumière se prolongent un peu plus, et que celles qui produisent la chaleur parais- sent avoir encore plus de longueur, quelles que soient du reste les par- ticularités et la nature de leur mouvement 1. 7. La matière éthérée, ne pouvant seule former des corps, ne peut être perceptible pour nos organes; conséquemment, nous ne savons pas si elle est unique où multiple; si elle est homogène dans toutes ses parties, et si les phénomènes ne sont alors que des produits de mouvements différents; ou si, étant hétérogène, les mouvements divers y sont exécutés par autant de portions dissemblables. La simplicité et l'ensemble des phénomènes natu- rels prédisposent en faveur de la première opinion ?. 8. La seconde substance est tangible, elle nous impressionne immédia- ! On sait que les ondes qui donnent la sensation du rouge, ont environ 0",000620 de longueur; que celles qui donnent la sensation du violet, ont environ 0"%,000495 : on avait pensé jusqu'alors que c'était vers cette extrémité que l’action chimique se développait le plus; mais, dans ces derniers temps, M. Ed. Becquerel a fait des expériences qui paraissent démontrer que la place du spectre chimique est dépendante de la substance impressionnable et non de l'agent producteur ( Comptes rendus, tom. XVII, p. 882). Du reste, un fait analogue avait déjà été reconnu par le professeur Melloni : il a démontré, il y a déjà plusieurs années, que le spectre calorifique changeait de place, qu'il était dépendant de la nature du corps impressionné ou des écrans interposés. M. Cauchy, à la suite de ses savantes analyses mathématiques, est arrivé à concevoir les ondes calorifiques formées par des ondulations condensées et dilatées, comme celles qui produisent le son dans l'air, et non par des oscillations perpendiculaires au rayon vecteur ; il admet que tout rayon lumineux qui s'éteint dans un milieu non isotrope, produit, par cela même, des condensations calorifiques. Le peu de succès obtenu jusqu'ici par les recherches sur les interférences des rayons calorifiques , et les conséquences que nous avons tirées d'autres faits, nous disposent à croire que tel est en effet le sens du mouvement éthéré qui constitue la chaleur. 2? Dans le système de l'émission, on est obligé d'admettre autant de sortes d’atomes lumineux qu'il y a de couleurs, et pour rendre compte des phénomènes de la polarisation, on suppose des facettes à ces atomes et des qualités spéciales à chacune de ces facettes. Toutes ces créations arbi- traires se sont évanouies devant le grand fait des interférences; on n’a jamais pu comprendre qu'en doublant la quantité d'une substance, on püt l'annihiler; tandis que, dans la théorie des oscillations, il ressort des principes mêmes de la dynamique, que deux mouvements égaux et en sens contraires se neutralisent complétement. Depuis les travaux de M. Melloni, le spectre calorifique présente des déplacements et des particularités inconnues au spectre lumineux; il en est de même pour le spectre chimique, d'après les observations de MM. Malagutti, J. Herschel, Talbot, Ed. Bec- querel, ete. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 15 tement; elle est pondérable; elle se groupe et forme des corps distincts, limités par des parois nettes et tranchées, mais aucun d’eux n’est produit par elle seule; tous sont le résultat de son alliance avec la première sub- stance !. 9. La substance pondérable n’est point disséminée dans tout l'univers, elle est réunie en globes divers, jetés à de grandes distances les uns des autres dans l’espace infini occupé par la première ?. 10. Ces globes ne sont pas formés d’une substance unique; du moins tel est le globe que nous habitons, et, par analogie, telles sont les pla- nètes : leur composition est très-variée et elle est le produit de l'agglomé- ration d’une quantité innombrable de petits corps partiels, appartenant à des espèces différentes 5. 11. La matière pondérable est, pour nous, actuellement, constituée de cinquante-quatre éléments #. 1 La matière pondérable isolée de la première ne nous est pas connue : les atomes, les corps formés par leur cohésion, et nos propres organes sont toujours des combinaisons des deux sub- stances. Quelle que soit la modification que cette union apporte à l'état expansif de l’éther, cette substance ne nous impressionne jamais immédiatement comme masse agglomérée, c'est toujours la matière pondérable, groupée en portions distinctes, qui nous donne la sensation d'un corps limité. 2? C'est une grande et belle question de philosophie naturelle, que celle de rechercher pourquoi la matière pondérable est ainsi groupée en globes, disséminés à des distances considérables; les uns complétement obscurs, les autres émettant de vifs rayons lumineux; d’autres enfin, semblant garder encore un peu de lumière propre: tels sont les planètes, les étoiles et les comètes. On pense que toute la matière n'est pas encore groupée en globes, qu'il s'en forme actuellement dans les espaces immenses des cieux; que les nébuleuses ne sont que des corps en formation, et que les espaces très-foncés qu'on rencontre dans le ciel, ne seraient que les lieux privés de la substance qui a servi à former de nouveaux corps. Ces idées ramènent à l'hypothèse de M. Ampère, qui n’ad- met qu'une substance unique, l'éther , dont les autres ne sont que des dérivés. Telle est aussi l'opi- nion de M. Mossoti (broch. in-4°, 1836, et Bibl. univ., 1837, t. VIL, p. 179) et celle de M. Faraday. L'illustre physicien anglais ne divise pas en points atomiques la substance éthérée, il la consi- dère comme un tout continu dans lequel des points de forces se sont établis. (Phil. magaz., 1844, février, et Bibl. univ, t. LI, p. 359.) 5 Si l'analogie n'est pas aussi concluante pour les corps lumineux, l'observation vient à son aide; ainsi, le soleil paraît avoir un noyau obscur fort différent de son atmosphère, et probable- ment qu'il en est ainsi des étoiles. Quant à la nature et à la constitution du noyau, rien jusqu'ici n'a pu nous en donner l'idée. La densité du globe solaire, n'étant que le quart environ de celle de la terre, indique une grande différence dans sa constitution matérielle. * Nous n’y comprenons pas les fluides, dits impondérables , de la lumière, de la chaleur, de l'é- 14 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 12. Chaque élément pondérable a une affinité propre et spéciale pour coercer et garder la matière éthérée. Cette affinité pour l’éther décroît dans une progression que nous ne pouvons encore indiquer, mais qui est supérieure au cube de la distance. La densité de chacune des couches qui forment la sphère éthérée croit donc dans une proportion considérable de sa périphérie au centre 1. 15. L’éther ainsi coercé autour des atomes pondérables et s’y trouvant accumulé et dans des états de condensation variables selon leur nature, cet éther leur forme des enveloppes sphériques qui leur sont solidaires et ne font qu'une unité atomique. Cette unité complexe perd plus ou moins de son indépendance absolue dans l’union des atomes, mais elle ne s’an- nihile jamais, même dans les combinaisons les plus énergiques, ni dans les corps les plus rigides ?. lectricité et du magnétisme. Ces prétendus fluides spéciaux ne sont, pour nous, que des états par- ticuliers de l’éther. 1 L'attraction de l'atome pour l'éther qui l'entoure, donne à la sphère qui en résulte une aug- mentation de densité, depuis les zones les plus éloignées jusqu’à celle qui lui est contiguë, d'après une loi qu'il ne nous est pas possible d'indiquer, mais dont l'énergie croissante de la diffraction démontre le fait d’une manière médiate. M. Laurent ne considère pas les atomes chimiques comme des unités indivisibles, mais comme des groupes d'éléments plus petits, disposés dans un certain ordre. « Le nombre et l'arrangement de ces éléments, dit-il, font que ce que l'on appelle un corps simple se présente à nous, soit à l'état libre, soit en combinaison, tantôt avec certaines propriétés, tantôt avec d'autres. » Et plus loin il dit : « Un atome d'oxygène ne peut pas tenir la place de deux atomes d'hydrogène. Ceux-ci ont été remplacés par 50 + 50. » Du reste, cette manière d'envisager les atomes rentre dans celle que M. Ampère a émise depuis longtemps et dans les formes allotro- piques de M. Berzelius, telles qu'en présentent le soufre, le carbone, le phosphore. (20° rapport annuel sur les progrès de la chimie, à l'académ. sc. Stockholm, 13 septemb. 1843 , et Revue scient., t. XII, 4845, p. 176 et 177.) M. J.-F.-W. Herschel, dans son Traité de la lumière, $ 561, fait le calcul de la force at- tractive de la matière sur la lumière, d'après la vitesse de cette dernière et la courbe qu'elle fait lorsqu'elle arrive dans la sphère d'influence des molécules; il en conclut la puissance énorme de 4,969,126,272 X 10%, la pesanteur à la surface du globe étant prise pour unité. Il démontre éga- lement au $ 559, que le phénomène de la réflexion et celui de la réfraction ne pourraient s’opérer si la lumière arrivait jusqu'au contact des molécules pondérables; que ces phénomènes ne peuvent avoir lieu que sur une surface éthérée, remplissant les interstices des molécules, et que les actions et les réactions ont lieu entre les sphères éthérées, d'une part, et les vibrations ou la lumière émise de l'autre. ? Quoique l'on connaisse, en général, combien est puissante l'action moléculaire, par la rup- SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 15 14. Un atome, dans son état naturel et d'équilibre, comprend trois choses qu'il faut toujours soigneusement distinguer : l'atome pondérable ture des vases pleins d'eau au moment de la congélation du liquide, il nous paraît utile cependant de rapporter un fait qui en donne une valeur approximative. Dans un des docks de New-York, on souleva le vaisseau Orléans, de 600 tonneaux, pour le réparer, au moyen de deux presses hydrau- liques. Chacune des presses avait un cylindre de 5 mètres 55 centimètres de haut sur 7 décimètres de diamètre. L'intérieur était rempli par de l'eau-de-vie de grains, contenant 45 pour 100 d'alcool et ayant une pesanteur spécifique de 0,825 : cette eau-de-vie formait une colonne de 4,26 sur 0%,525 de diamètre. Le jour où l'on souleva le bâtiment, le 13 décembre 1834, la température était à 4°,44 c. Le 15, la température tomba à — 15°,9 c. Chaque piston supportant environ 300,000 kilogrammes, avait été repoussé de 447,4 et avait soulevé de cette quantité le bâtiment avec son châssis. En réchauffant les cylindres, le piston redescendit à son premier point. ( Amer. Journ. Silliman, vol. XLV, 1845, p. 49.) La théorie des ondulations, dans son application à la réflexion, à la réfraction, à la diffraction et aux interférences, ne peut rendre compte des faits qu'en admettant l'individualité moléculaire; en admettant le partage de la masse éthérée en autant de petites sphères qu'il y a d’atomes, de molé- cules et de particules composées; en admettant enfin, que cet éther à plus de densité dans sa dis- tribution sphérique, qu'il n’en a, par sa libre expansion, dans l'espace ou dans le vide. Il n'y a pas un seul phénomène naturel qui soit explicable, si l'on admet l'éther comme un véhicule in- différent, au milieu duquel sont plongés les atomes pondérables; tandis que tous les faits condui- sent à reconnaître, au contraire, que cette substance est divisée en autant de sphères qu'il y a d'atomes et de molécules distinctes. Une des preuves les plus directes de cette division de l'éther intermoléculaire, une des preuves qu'il n’est point libre dans son interposition, c’est le résultat du verre trempé, du verre comprimé et du verre fléchi. Ce dernier a l'avantage de montrer, au même instant, dans quel sens une zone dilatée fait dévier un rayon bleu polarisé, et dans quel sens la partie condensée fait dévier le rayon rouge. Si l'on admettait la distribution uniforme de l'éther dans les corps, il faudrait renoncer à comprendre les découvertes d'Young, de Fresnel, de MM. Brewster, Herschel, Arago, Biot, Que- telet, Delezenne, etc. Nous ne citerons que quelques exemples. M. Brewster a observé que certains échantillons de glaubérite n'avaient qu'un axe de réfraction pour le violet et deux pour le rouge; que , par une élévation de température, les deux axes du rouge se rapprochaient et se confondaient en un, de telle sorte que le cristal n'avait plus qu'un axe pour tous les rayons. De plus, en le lais- sant refroidir, le second axe du rouge reparut, mais dans un plan rectangulaire à sa première position; enfin, en donnant une basse température à ce cristal, un second axe pour le violet se détacha du premier et parut dans le lieu où avait été d’abord le second axe rouge. (Philosophical transactions. Edimb., t. XI, p. 273.) Dans un milieu indiflérent et homogène, il n'y aurait ni axe, ni changement de position, puisqu'il n’y aurait ni mouvements coordonnés, ni sens de coordination, Beaucoup de cristaux, ainsi que leurs dissolutions, laissent passer inégalement les rayons du spectre, et l'on voit les rayons transmis changer de couleur avec l'épaisseur du milieu traversé, comme le démontrent une variété du eyanophane et la dissolution de l’oxalate de chrome et de potasse, etc, ete. (Phil. magaz., 1835, vol. VI, p. 133 et 305.) M. Herschel démontra que des cristaux d'apophyllite étaient négatifs pour les rayons 16 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. et purement matériel; la sphère éthérée qu’il maintient coercée autour de lui, et dont l'étendue et la densité sont appropriées à sa puissance coer- citive; enfin, les mouvements qui y sont excités, mouvements qui sont coordonnés en zones méridiennes, laissant entre elles des intervalles plus ou moins étendus selon les substances, et selon la prédominance de l’aff- nité dans la cristallisation 1. 15. L’éther qui remplit les interstices des corps est divisé en autant de sphères qu’il y a d’atomes élémentaires, de molécules secondaires formées par la cohésion de plusieurs de ces atomes, de particules tertiaires, etc., enfin rouges, positifs pour les rayons bleus et qu'ils n'exerçaient aucune action sur les autres rayons. Les minéraux qui ne possèdent pas la double réfraction sont unichroïtes, c'est-à-dire qu'on les voit toujours sous la même couleur dans quelque sens qu'on les regarde et sous quelque inclinaison que ce soit. Dans les cristaux à un axe, on en trouve qui sont dichroites, c'est-à-dire qu'ils parais- sent sous deux couleurs différentes, selon qu’on les regarde dans un sens ou dans l’autre. Cette propriété est très-prononcée dans la cordiérite, qui est bleue dans un sens et violette dans l'autre. Enfin, on trouve dans les minéraux qui ont deux axes, des cristaux qui sont trichroites, c'est-à- dire, qui présentent trois nuances, selon qu’on les regarde dans une direction parallèle au plan des axes et à la ligne moyenne , ou enfin, dans une direction perpendiculaire au plan et à la ligne que nous venons de nommer. M. Sorret a vérifié ce phénomène dans une topaze du Brésil, qui était rose avec une teinte jaunâtre dans la première direction, violette dans la seconde , blanche- jaunâtre dans la troisième. Ces teintes passaient de l’une à l'autre dans les positions intermédiaires. (D'Omalius d'Halloy, Précis de géologie, 1843, p. 174.) Les lois de la diathermansie; les changements dans la conduction électrique d’un métal qui a subi certaines modifications, telles que celles qui proviennent de la trempe, de la chaleur ou d'un passage prolongé de l'électricité; l'induction électrique et magnétique, etc., etc., ne sont pas des phénomènes compréhensibles, si l'on n'admet pas une certaine indépendance dans chaque sphère moléculaire ni la conservation de l'individualité qu’elle possédait avant sa combinaison, toute res- treinte qu’elle puisse être alors. 1 Ce serait contraire à la marche régulière des phénomènes naturels, si les mouvements excités autour de l'atome étaient tumultueux et propagés sans ordre: la cristallisation, du reste, protes- terait contre cette conséquence en démontrant, par les plans de ses angles, que la cause de l’affinité a des sens bien déterminés, formant des zones méridiennes autour de chaque centre sphérique : il n'y a de différence entre les substances cristallisées et celles qui ne nous le paraissent pas, qu'en ce que, dans les premières, le plan primitif se propage de molécule en molécule à tont le corps, sans aucun déplacement, tandis que, dans les dernières, ces zones méridiennes s'arrêtent à des groupes particulaires trop petits pour être isolés et observés séparément; c'est dans la cohésion de ces parti- cules en corps que se perd la similarité parfaite qui constitue un cristal pour nous, similarité que nous leur rendons par des moyens mécaniques, en les soumettant à une force égale agissant dans un plan invariable, comme est celle de la pression, etc. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 17 en autant de sphères qu'il y a de corps; aucune portion ne reste libre, ni indépendante de la matière pondérable 1. 16. IL y a équilibre dans la coercition et la condensation de la sphère éthérée de chaque atome, lorsque l'attraction de l'élément pondérable contre-balance exactement la réaction d'expansion naturelle de léther et l'action des autres corps. Donc, l'éther a toujours plus de densité dans son union avec la matière pondérable que dans le vide absolu ?. 17. La réaction expansive de l’éther, s’'opposant à la saturation com- plète de l'attraction de la matière pondérable, cette attraction non satis- faite, agissant sur toutes les sphères éthérées des corps, produit, suivant nous, la gravitation 5. 18. Lorsque deux atomes se trouvent dans la sphère d'influence de leurs mouvements éthérés, si ces mouvements sont harmoniques, parfaitement semblables, ils se confondent et favorisent un rapprochement plus intime ; l'attraction en augmente. Si ces mouvements, au contraire, sont désharmo- niques, opposés, leur choc réciproque arrête ou diminue la pénétration moléculaire, et ces atomes s’éloignent lun de l'autre *. 1 Voyez la note 2 de la page 14. « Dans les corps inorganisés, dit M. Laurent, comme dans les êtres vivants, la forme, le nombre et l'ordre sont plus essentiels que la matière... Ainsi j'ai prouvé que C5? H°%8 B? CI? et C5? H?5 CI? B? sont deux corps différents, mais qui se ressemblent au plus haut point : ils sont isoméromorphes. » (Revue scient., 1845, t. XII, p.176 et 177.) ? Les phénomènes ayant conduit à reconnaître que l’éther n’est point à l'état de liberté dans les interstices des corps, on est obligé d'admettre que l'état de subordination qui en résulte est une force coercitive; qu'elle est une attraction qui unit l'atome pondérable à une portion d'éther. Cet éther, ainsi attiré, est alors plus condensé autour de chaque atome que dans le vide absolu, et chaque atome en aura coercé en raison de sa puissance spéciale. L'équilibre entre les deux sub- stances dépendra donc, 1° de leur attraction réciproque; 2 de la réaction expansive de l'éther ; 3° enfin, de l’action des corps voisins. Il en résulte que, dans les corps, l'éther est plus dense qu'au milieu de l'espace vide, et cette plus grande densité n’y est même point uniforme, puisque les cou- ches les plus voisines des atomes, des molécules, ete., ont des condensations de beaucoup supérieures à celles des couches extrêmes, $ 12. Du reste, cette plus grande densité de l'éther dans les inter- stices des corps , ressort du système des vibrations qui constituent la lumière. 5 L'équilibre de réaction ayant lieu sans qu'il y eût saturation, l'attraction surabondante agit sur les sphères éthérées appartenant aux autres corps. Cette attraction de corpuscule à corpus- cule, de corps à corps, cette attraction réciproque et universelle produit, suivant nous, l'agglo- mération des corps pondérables en masses distinctes, c’est-à-dire, une gravitation des corps les uns vers les autres, * J'ai démontré par expérience (Compt. rend. acad. sc. des 23 nov. et 14 déc. 1835) que deux corps Ton. XIX. 18 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 19. Les mouvements semblables ou dissemblables, qui provoquent une combinaison nouvelle, ou la solution d’une combinaison ancienne, ont leur maximum d'amplitude dans des zones méridiennes espacées réguliè- rement autour de chaque atome, $ 14. Le nombre de ces zones d’ondula- tions varie avec la nature des substances : plus elles sont nombreuses, moins elles sont profondes, et il en résulte qu’elles ont moins de persistance individuelle; elles se laissent modifier et polariser avec plus de facilité par les forces étrangères, et reprennent plus facilement aussi leur position normale, aussitôt que ces forces étrangères ont cessé d'agir sur elles. 20. Lorsque ces zones méridiennes sont en petit nombre, leur profon- deur est plus grande ou peut l'être, l'amplitude de leurs oscillations est plus considérable, et elles possèdent alors une influence plus prépondérante sur les corps voisins. Cette plus grande énergie de mouvement les fait aussi persister plus longtemps dans les nouveaux plans qu'on leur a donnés, c’est-à-dire, dans la polarité nouvelle qu’on leur a imprimée, au moyen d'obstacles mécaniques ou chimiques qu’on interpose entre les sphères ato- miques. 21. Par suite du rapprochement des atomes, les couches extrêmes de chaque sphère dépassent le centre atomique de la sphère voisine et pénè- trent dans le rayon opposé, où les mouvements ondulatoires se présentent en sens inverse. Au lieu de mettre en présence des mouvements concor- dants, cette pénétration extra-centrale met en présence des mouvements discordants, et la force répulsive commence. La discordance ayant lieu de chaque côté des centres pondérables, ce double effet fait croître la répul- sion avec rapidité. 22. Plus les sphères se pénètrent, moins il y a de couches à mouvements harmoniques dans l’espace intra-central, et plus il y en a de désharmo- niques dans les deux secteurs extra-centraux. Il y aura donc une limite dans la pénétration des sphères atomiques, lorsqu'il y aura égalité entre les causes de la répulsion et celles de l'attraction. L'équilibre de position sera établi sans contact matériel et sans qu'il puisse jamais avoir lieu. La hétérogènes voisins, sans aucun contact, s'influençaient réciproquement, que l’un devenait plus apte à se charger d'électricité résineuse et l'autre d'électricité vitrée. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 19 cohésion dépend uniquement de la concordance des plans d’oscillations et non de leur proximité matérielle ?. 25. L’affinité étant le résultat de la concordance des mouvements éthérés des sphères en présence, la combinaison ou la formation de l'unité nou- velle se fera d'autant plus facilement que les molécules seront plus libres, plus indépendantes de toute cohésion; elle s'effectuera d'autant mieux que 1 Prenons deux sphères éthérées À et B, fig. 1*°. Ces sphères ne se pénètreront pas au hasard, si elles sont complétement libres; elles se pénètreront en se présentant par leurs mouvements homo- logues, les autres zones de mouvements s'attirant moins ou se repoussant. Cette pénétration sera d'autant plus intime, que l'état du corps aura permis à chaque molécule de se présenter avec plus de facilité dans un parallélisme parfait, entre les oscillations les plus concordantes. S'il y a quelque obstacle à l'exécution du mouvement entier, l'attraction en est amoindrie; elle diminue en raison inverse du sinus de l'angle des deux systèmes de mouvement. Nous avons constaté cet effet par des expériences que nous avons fait connaître en 1855. (Ann. ch. phy., 2 série, t. LX, p. 201.) Si la pénétration des deux sphères éthérées ne dépasse pas les deux centres, fig. 2, tous les mouvements qui s'exécutent autour de chaque atome c’ c’ seront concordants, comme l'indiquent les flèches, et deviendront plus intimes, plus attractifs en raison de l'augmentation de densité des couches centrales; les deux centres se rapprocheront, Mais aussitôt que la dernière couche éthérée e e’ aura dépassé le centre de la sphère voisine, elle rencontrera les mouvements en sens inverse du rayon extérieur à à’, fig. 5, et la force répulsive commencera à s'exercer. L’attraction intra-cen- trale étant encore prédominante, les atomes se rapprocheraient jusqu'à ce que la petite quantité des couches centrales fit équilibre à laquantité plus considérable des couches extérieures qui se repous- sent, mais dont la densité est beaucoup plus petite, si l'intervention des atomes placés de chaque côté du groupe primitif ne venait arrêter plus tôt cette pénétration. Les mouvements discordants des atomes pairs entre eux et des atomes impairs entre eux, augmentent la répulsion aussitôt que ces sphères se touchent et se pénètrent à travers l'atome interposé; leur action se joignant à celle des mouvements extra-centraux, ils déterminent un équilibre plus dilaté que sil n'y avait en jeu que les oscillations concordantes des atomes immédiatement en regard. Du reste, nous ne voulons ici qu'indiquer ce point de vue qui répond au besoin souvent reproduit de la chimie et de la physique, de couper les atomes réputés simples pour rendre raison des phénomènes observés. Un exemple frappant de l'importance de la concordance des plans méridiens d'oscillation est le suivant : on sait que l'eau liquide se dilate par le refroidissement depuis + 4° jusqu'à — 20° (limite des expériences de M. Despretz), tandis que cette même eau, à l’état solide, se condense dans ces mêmes limites. Dans le premier cas, les molécules, trop indépendantes encore, ne sont point placées, les unes par rapport aux autres, dans leurs zones méridiennes maximum, les mou- vements particulaires y sont discordants; tandis que, lorsque la cohésion a eu lieu, lorsque la po- larité de ces zones est parfaite, toute soustraction de calorique est une cause de plus grande pénétration. M. Brunner fils a trouvé que la densité de la glace, en passant de 0° C. à —% C. augmentait de 0,001040, tandis que M. Despretz a trouvé que l'eau, dans les mêmes limites, avait diminué de 0,001259. (Ann. ch. phys., 2° série, LXX, p. 24. Brunner, Ann. ch. phys., 5° série, XIV, p. 378.) 20 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. la désagrégation approchera le plus de la division moléculaire. L’affinité n'a point alors, ou n’a que peu de résistance à vaincre de la part des sphères en concordance 1. 24. L'équilibre moléculaire dépend de l'égalité de puissance entre les mouvements attractifs et les mouvements répulsifs; si donc l’on introduit ! On sait que les combinaisons se font plus facilement lorsque les substances sont en dissolu- tion, ou en poudre impalpable, que lorsqu'elles sont à l'état de corps rigide. M. Magnus (Ann. der Phys.und Chem., M, p. 51) a fait voir que le fer réduit, soit par l'hydrogène, soit par la caleination de l’oxalate, se trouve dans un tel état de porosité, qu'il se combine sur-le-champ à l'oxygène lors- qu'on le met en contact avec l'air, et qu'il prend une température qui va jusqu'à l'incandescence, Il en est de même de l’urane, du cobalt et du nickel. Il faut aussi consulter l'intéressant mémoire de M. J. Fournet, publié dans les Comptes rendus de l'acad. se. de Paris, 1844, t. XVII, p.405. Une ancienne expérience de Watt, renouvelée dans ces derniers temps par M. Magnus (Acad. Berlin , 7 et 21 déc. 1845, et Journ. l'Institut, 1844, p. 199), démontre encore, de la manière la plus directe, combien s'est accrue cette liberté des molécules périphériques, lorsqu'elles n’ont pour réaction qu'une atmosphère gazeuse, Si l'on remplit la chambre barométrique par quelques grammes d’eau que l'on a privée d'air le plus possible, cette eau adhère fortement aux parois du tube de verre. En élevant la température de cette eau à 100 degrés, on ne voit se former aucune vapeur; en conti- nuant d'élever la température du liquide, il se forme tout à coup une masse de vapeur, dont la force élastique soulève 6 à 7 centimètres de mercure; ce n'est point graduellement qu'elle atteint cette puissance de résistance, elle y arrive du premier coup, et ce n’est qu'après cette première et subite formation, que la quantité et la tension de la vapeur augmentent régulièrement et en raison de la température. Cette expérience démontre que la réaction des molécules périphériques du verre, agissant avec énergie sur les secteurs périphériques du liquide, il a fallu, pour la vaincre, une force élastique de répulsion équivalente à un poids de 7 millimètres de mercure; mais, aussitôt que les molécules d'eau extrêmes n'ont plus eu de réaction que celle de leur vapeur, la production des vapeurs nouvelles a suivi les lois des forces correspondantes aux degrés de la température, sans qu'il y ait eu de soubresaut. M. Donny, préparateur de chimie à l’université de Gand , a reproduit cette expérience sous une nouvelle forme, et l'a encore rendue et plus intéressante et plus concluante. Ce jeune savant a pu élever la température jusqu'à 135° et 140° avant de produire l'ébullition dans une eau presque en- tièrement privée d'air. Dans cet état de contact plus immédiat de l'eau et du verre, les commotions longitudinales ne pouvaient détachér le liquide du tube de Mariotte. Il prouva, en outre, de la ma- nière la plus heureuse, que c'était bien l'interposition d’une couche aérienne autour des molécules d’eau qui en diminuait l'adhésion, soit entre les molécules homogènes du liquide, soit entre les molécules hétérogènes du liquide et du verre, en faisant arriver dans un point donné de la colonne liquide un globule d'air qu'on laisse s'y dissoudre : à l'endroit même où ce globule d'air Sest dissous, la colonne liquide se fractionne constamment, si l'on frappe l'extrémité du tube pour en produire des chocs longitudinaux ; le fractionnement n'a lieu que dans cette portion et nullement dans les autres portions de la colonne. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 2À dans ces sphères des éléments de discordance, la répulsion devenant prédo- minante, le corps se dilate. Si l'on diminue au contraire l'énergie des mou- vements discordants, l'attraction devient prédominante à son tour, et le corps se condense !. 25. Les ondes éthérées qui produisent le phénomène de la chaleur, différant de celles qui constituent l’affinité, soit par leur longueur, soit par leur plan d'oscillations, leur introduction au milieu des ondes chimiques diminue la concordance des mouvements intra-centraux, la force répul- sive s’en accroît, et le corps se dilate. 26. La densité des couches éthérées, augmentant avec leur proximité des atomes, l'affinité s’en accroît dans une progression considérable; elle est dépendante, non-seulement de la proximité des atomes, de la concor- dance des plans d’oscillations, mais encore de la condensation des cou- ches éthérées successives, condensation qui varie suivant la nature de Ja substance ?. 27. Cette triple cause de la cohésion, la proximité, la concordance des mouvements et la plus grande densité des couches éthérées, oppose plus ? On peut produire une représentation , grossière il est vrai, de l'effet de la rencontre des mouvements semblables et de celui des mouvements opposés. On place dans l'eau deux petits vo- lants, à quelques centimètres l’un de l'autre, auxquels on donne un mouvement de rotation: il se forme autour de chacun d'eux une sphère rotatoire qui s'étend plus ou moins, suivant les di- mensions des volants, la vitesse et la durée du mouvement. Si ces sphères tournantes se présentent dans le même sens, il se forme une ligne commune au milieu, produite par un courant unique, tangente au mouvement des sphères, et qui se prolonge au delà de leur mouvement rotatoire et en raison de la plus grande impulsion qui est résultée de cette jonction. Le reste du liquide, sous l'action dominante de chacun des volants, achève son mouvement rotatoire et conserve les deux sphères Lournantes dans toute leur étendue. Si, au contraire, les sphères liquides se présentent dans des sens opposés, il naît de leur choc une répulsion qui projette l'eau et s'oppose à tout mou- vement d'ensemble entre les centres; il n’y a qu'agitation confuse et non union de mouvement. De cet arrêt intra-central naît un mouvement extérieur qui embrasse les deux volants, et l'on a une grande sphère rotatoire au lieu des deux primitives. Dans le premier cas, le niveau s'élève au milieu des sphères; dans le second cas, le niveau baisse. ? On sait qu'en rapprochant, par une forte pression , les sphères libres d'un gaz, on en liquéfie un grand nombre, et même on en solidifie plusieurs. D'une autre part, par la compression des li- quides, Perkins à produit des cristaux d'acide acétique en soumettant l'acide liquide à une pres- sion de 1100 atmosphères; sous la même pression , il a fait dissoudre complétement de l'huile de bergamote dans l'alcool. (Ann. chim. phy., 2 série, t. XXUT, page 410.) 22 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. de résistance aux ondes perturbatrices du calorique que les ondes plus éloignées du centre. C’est pourquoi les corps rigides à grande cohésion, se dilatent moins sous l'influence d’une certaine quantité de calorique que les liquides; et les liquides se dilatent moins que les gaz !. 28. En continuant d'introduire dans les corps une plus grande quan- tité de calorique, la concordance des ondes intra-centrales en est affai- blie; il arrive un moment où la concordance normale devient insuffisante pour retenir les molécules dans leur position fixe; la cohésion est alors détruite, et les molécules ne sont plus arrêtées d’une manière stable. C'est cette liberté des molécules de changer de position les unes envers les au- tres, qui constitue l’état fluide d'un corps ?. 29. En continuant d'élever la température, ce dernier acte de laffinité que produisait l'adhésion, est détruit; il ne reste d’actif que la répulsion, ou plutôt l'éloignement des molécules, provenant, d’une part, des mouve- ments irréguliers et discordants des sphères éthérées, et, de l’autre part, de la prédominance que reprend l’élasticité de l’éther, n'étant plus retenu, comme il l'était, par l’action des autres molécules. Plus la température s'élève, plus l'indépendance des particules s'accroît. 30. Aucune force ne maintenant plus la pénétration des sphères molé- 1 La puissance cohésive de ces causes, lorsque les atomesse trouvent dans une grande proximité, donne la raison de l'insuffisance de la loi de Mariotte, dans le voisinage de la liquéfaction des gaz et dans leur état liquide. En effet, l'attraction des mouvements similaires reprend son empire, et la grande élasticité des gaz, due aux répulsions extérieures, a disparu aussitôt que le calorique latent a pu se dissiper. La substance, comme le montre l'acide carbonique, ne reprend son état gazeux, qu'à mesure que le calorique, cette cause de perturbation , a rendu de nouveau déshar- monique le mouvement des zones méridiennes ; perturbation qui ne croît et ne s'agrandit que successivement et non instantanément. ? Par l'addition d'ondes calorifiques , la concordance des mouvements centraux € € diminuant, il arrive que la force, qui maintenait les molécules dans des positions fixes, devient bientôt insuf- fisante, et le corps n'a plus de solidité. Ce n'est pas que toute influence soit éteinte, mais ce qui en reste ne peut suflire pour le retenir en corps rigide, Arrivés à ce degré d'indépendance, les corps s’amollissent, entrent en fusion, et leurs molécules ne peuvent plus qu'adhérer légèrement les unes aux autres pour former des gouttes liquides. Plus l'indépendance devient complète par l'addition successive du calorique, plus l'adhésion diminue et plus le liquide est coulant. Entre la solidité du corps et sa liquéfaction complète, il y a des états intermédiaires dépendant du reste de concor- dance qui s'est conservé dans les mouvements éthérés. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 25 culaires, les molécules se repoussent jusqu’au contact de leurs zones ex- trèmes, et reprennent une individualité presque absolue. Ce nouvel état est celui qui constitue la vapeur ou les gaz. Plus un gaz ou une vapeur est éloigné de l’état liquide, plus la communauté d’action des molécules simi- laires s’affaiblit 1. 51. Aucun corps n’est dépourvu d’oscillations calorifiques; tous en pos- sèdent une certaine quantité : donc, aucun corps n’atteint la condensation qui appartient à la seule affinité; le refroidissement ne fait qu’atténuer l’in- tensité des oscillations discordantes sans jamais les annihiler. 52. D’autres influences peuvent encore altérer les vibrations harmoni- ques des molécules composées; telle est la proximité d’une troisième sub- stance, qui suffit pour en déterminer la décomposition, quoiqu'elle n'entre 1 Au delà de la liquéfaction, il n’y a pas de marche progressive; toute addition nouvelle d'ondes calorifiques, ne sert plus à atténuer les mouvements concordants ni à rompre peu à peu la cohé- sion, elle transforme sur-le-champ tous les mouvements éthérés en mouvements discordants, qu'ils soient äntra ou extra-centraux. I n'y a plus de diminution successive entre la concordance et la discordance des mouvements, la répulsion agit seule alors sans autre contre-poids que celui de la gravité universelle. Dans cette partie du phénomène, il ne peut donc y avoir de terme moyen, de demi-vaporisation, comme il y a des demi-liquéfactions molles et visqueuses. Aussitôt que les mou- vements éthérés sont devenus discordants, ils se repoussent, les sphères ne se touchent plus que par leurs zones périphériques extrêmes, n'ayant plus qu'une faible pénétration due en grande partie à la pesanteur. Telle est la cause du passage subit de l’état liquide à l’état de vapeur. On retrouve ce- pendant encore dans les vapeurs ce qu'on a trouvé dans les liquides, lorsque la température ne vient pas accroître leur répulsion avec excès; c’est un certain reste d'accord dans leurs mouve- ments qui détermine quelque peu des positions symétriques; du moins, c’est ce qu'on doit inférer de l'expérience de M. Biot sur la vapeur de la térébenthine, lequel a montré que, même à cet état de liberté, un rayon polarisé était dévié, comme dans la térébenthine elle-même. Si l’on continue d'élever la température des gaz ou des vapeurs, leur grande dilatation prouve combien leur répul- sion augmente : leur indépendance devant croître dans la même proportion , la symétrie de posi- tion doit disparaître peu à peu. L'individualité des molécules est d'autant plus grande que leur solidarité respective est moindre : ainsi, dans les métaux, et principalement dans les métaux ductiles, leur solidarité est presque ab- solue; c'est dans ces corps que l'individualité moléculaire est à son minimum; dans les métaux cristallisés, c'est-à-dire, dans les métaux dont les atomes s'unissent en plus grosses particules ou en petits groupes distincts, la solidarité des groupes y est moins intime que celle des atomes, et leur séparation y est plus facile. Dans les substances les moins ductiles, les plus cassantes, comme sontles résines, le soufre, les groupes cristallins y ont plus d’individualité encore ; celle des molécules ou groupes des liquides, est plus grande que celle des résines ; enfin, c’est dans les atomes ou dans les molécules des gaz ou des vapeurs que se retrouve le maximum de cette individualité. 24 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. pour rien dans les produits nouveaux. L’éponge de platine, la ponce et le charbon pilé provoquent des combinaisons ou des décompositions par leur seule présence; l'éponge de platine combine l'oxygène et l'hydrogène; le charbon décompose l'acide oxalique !. 55. Cette puissance d'agir par la seule proximité a été nommée force catalytique par M. Berzelius. Dans les circonstances où cette puissance agit contrairement à la force d’affinité, elle fait l'office de la température. Dans la décomposition de l’eau oxygénée, l'éponge de platine remplace complé- tement la température, tandis que, dans celle du nitrate d'argent, elle équi- vaut seulement à 70 degrés; il faut compléter par une application directe de la chaleur ?. 54. Dans la combinaison des atomes, c’est-à-dire, lorsque de plusieurs individualités atomiques 1 se forme une nouvelle individualité moléculaire , chaque atome perd une partie de sa sphère : des portions abandonnées il se forme autour du groupe une sphère commune qui en fait une unité, un 1 Tout ce qui trouble l'état normal des corps voisins, comme peut le faire un courant électrique, une influence magnétique, etc., altère la position moléculaire et conséquemment l’état chimique de certaines substances. Le temps même finit par produire des affinités entre des corps en contact qui n’en ont aucune dans le premier moment; une vessie bien appliquée sur du verre, s'y mcor- pore tellement avec le temps, qu'on arrache plutôt la couche superficielle du verre que de l'en séparer en la tirant. (Mitscherlich, Ann. ch. phys., 1845, t. VIT, p. 21.) ? Les faits qui constatent la force catalytique sont maintenant très-nombreux et s'augmentent chaque jour. Consultez sur ce sujet les travaux de MM. Dobæreiner, Mitscherlich, Berzelius, Pe- louze, Kulhmann, Reïset et Millon, ete. Non-seulement il y a des forces catalytiques qui provo- quent les combinaisons nouvelles, maïs il y en a d'autres aussi qui arrêtent l’affinité des combi- paisons commencées; quelques millièmes d'acide prussique, par exemple, arrêtent complétement la combustion de l'acide oxalique par l'acide iodique (Millon, Comptes rendus, XIX , 726, et XXI, 57), soit en s'interposant entre les corps sous la forme d’un voile d’une minceur extrême, soit en alté- rant les échanges électriques à travers son réseau. En résumant ces travaux, on est convaincu que ce n’est point l'effet mécanique de l'interposition d'une poussière fine, mais un effet chimique, un effet moléculaire. On voit en effet que si l'éponge de platine l'emporte en énergie dans la décomposition du nitrate d’ammoniaque, la ponce l'emporte dans la décomposition de l'acide oxalique. Nous rangerons dans les effets catalytiques, c'est-à-dire, dans l'influence des corps voisins, les effets si curieux de la force épipolique de M. Dutrochet et ceux trouvés par M. Doyère. M. Wertheim a démontré que l'influence de la chaleur, d'un courant électrique et du magné- tisme, en altérant l’état normal des rapports moléculaires, altère en même temps l'élasticité des Corps. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 25 nouvel élément propre à d’ultérieures combinaisons. Cette nouvelle unité possède alors autant de sphères éthérées qu'il y a d’atomes réunis, plus, la sphère commune, qui appartient au groupe total comme corps unique. 35. Les molécules qui s'unissent pour former une particule, aban- donnent aussi une portion de leurs sphères éthérées pour en constituer une à la particule entière. Il n’y a d’individualité, d'indépendance élémentaire et corporelle, que sous l'égide d’une sphère extérieure et commune au groupe, quel que soit le nombre d'éléments réunis et celui des sphères par- ticulières qui se pénètrent de tous les côtés. 36. Les particules se groupant en corps définis, font pareil sacrifice d’une portion de leur éther pour former l'enveloppe commune et caracté- ristique de l’individualité. 57. Tout corps est donc la réunion d’individualités à différents degrés de complexité, toutes gardant une portion de leur indépendance primitive, soit simple, soit complexe. Le corps nouveau, quelle que soit sa cohésion, quelle que soit sa complexité, n’annule jamais aucune des individualités ato- miques, moléculaires, particulaires, etc., qui entrent dans sa composition 1. 58. Lorsque des atomes hétérogènes se combinent, la somme d’éther conservée par chacun d'eux, comme celle qui est abandonnée pour former la sphère extérieure, n’est pas toujours proportionnelle à la quantité pri- mitive et individuelle. Suivant la nature spéciale de chaque atome, suivant l'ordre de combinaison qu'il peut former avec l'atome d'une autre sub- stance, les uns en acquièrent plus, les autres en conservent moins; il y a un déplacement, un transport de l’éther d’un atome à l’autre, une transpo- sition de la puissance éthérée qui manifeste son action au dehors sur des instruments convenablement disposés ?. 59. Il y a donc deux états d'équilibre bien distincts dans lunion des 1 La décomposition des substances complexes par le courant électrique prouve cet arrangement atomique, moléculaire et particulaire. En ménageant convenablement le courant on sépare les molécules complexes qui formaient des particules plus composées, ou on sépare les atomes des molécules elles-mêmes. Dans la décomposition d'un sel, par exemple, on peut faire parvenir au pôle positif l'acide du sel, ou seulement l'oxygène, et au pôle négatif, la base, ou seulement le métal qui lui sert de radical. # On verra plus bas quel est l'ordre de phénomènes produits par ce déplacement éthéré. Tom. XIX. 4 26 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. atomes, l'un dépendant de la quantité d’éther coercé, l’autre, de la posi- tion et du rapprochement des atomes. Le premier équilibre a lieu lorsque la puissance d’aflinité entre les atomes de la substance est égale à la réaction expansive de l’éther et à l’action des corps ambiants. Le second a lieu lors- que la pénétration des sphères a mis en présence autant de mouvements discordants que de mouvements concordants. Tout corps dans ce double équilibre est dit à l’état neutre. SECONDE PARTIE. DES ALTÉRATIONS QUI CONSTITUENT LE PHÉNOMÈNE ÉLECTRIQUE. 40. Six altérations différentes peuvent troubler l'équilibre d’un corps : 1° L’addition ou la soustraction d’une portion d’éther à la quantité normale. 2° La distribution inégale de l’éther dans le corps entier. 3° La distribution inégale de l’éther dans chacune des sphères molé- culaires. 4 Les modifications imprimées aux vibrations normales des sphères éthérées par des causes extérieures. 5° La translation d’une quantité quelconque d’éther à travers les sphères. 6° L'inégal partage de l’éther qui a lieu entre les molécules d’un corps au moment de leur brusque séparation, soit qu’elles fassent partie de deux portions solides, ou de deux portions, l’une restant solide et l’autre pas- SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. . vo sant à l’état liquide, soit enfin qu’elles appartiennent à deux portions, l’une liquide et l’autre passant à l'état de vapeur. 41. Tout corps neutre auquel on ajoute une nouvelle quantité d’éther, cesse d’être en équilibre avec l'espace et avec les corps voisins. 42. Par l'addition d’une nouvelle quantité d’éther, l'action coercitive du corps est répartie sur un volume plus considérable ; elle en est moins puis- sante sur chacune des parties, et il en résulte que la réaction de l’espace et celle des corps voisins deviennent prédominantes. 43. Cette sphère éthérée, soumise à l’action prédominante des corps voisins, est attirée vers eux, et elle entraîne le corps qui lui est solidaire. 44. Dans les corps solides conducteurs, toutes les molécules inté- rieures éprouvent nécessairement des réactions égales dans tous les sens, puisque les actions y sont semblables; cette égalité de réactions récipro- ques ne peut avoir lieu pour celles qui sont à la périphérie. Ces dernières ne sont soumises à ces mêmes réactions que par leurs secteurs intérieurs, tandis que les secteurs extérieurs, étant en rapport avec des corps d’une nature toute différente, n’éprouvent que des réactions insuffisantes pour contre-balancer leur propre action. 45. Donc, si l’on ajoute à un tel corps en équilibre une nouvelle quan- tité d’éther, la presque totalité sera repoussée au dehors et augmentera la sphère extérieure !. 46. Lorsqu'un tel corps possède une surabondance éthérée, et qu'il est attiré jusqu’au contact par un corps neutre conducteur, il se fait un par- tage entre ces corps de la quantité surabondante, dans la proportion de 1 La diffusion des gaz est une preuve que les réactions moléculaires des substances hétérogènes ne peuvent produire une égalité de réaction propre à contre-balancer celle des molécules homo- gènes. Aussi, toute addition d'éther se fait au profit de la périphérie : c'est le contraire qui a lieu lors du retranchement d'une portion de l'éther normal; les actions intérieures restant les mêmes, la quantité n'en est pas diminuée, et la perte est entièrement supportée par les sphères des molé- cules de la périphérie. Dans ce dernier cas, l'aflinité du corps n'étant plus satisfaite, son action sur l'éther des corps voisins augmente; s'il les approche jusqu'au contact, ou très-près du contact, il les attire et leur enlève une partie de leur éther normal. Nous avons dit la presque totalité, car on peut démontrer par expérience la solidarité qui existe entre les sphères intérieures et périphé- riques. Cet état des molécules de la périphérie produit un affaiblissement dans leur cohésion et les rend plus aptes à former des combinaisons nouvelles. 28 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. leurs réactions respectives; ils s’équilibrent entre eux, mais lun et l’autre sont surchargés par rapport aux autres corps, et attirés par eux. 47. Lorsqu'on retranche à un tel corps une portion de l’éther qui fait partie intégrante de sa constitution normale, l'action attractive de ce corps, cessant d'être complétement satisfaite par sa sphère éthérée, devient plus puissante sur celles des autres corps; elle les attire, et si le contact a lieu, un nouvel équilibre éthéré s'établit entre eux, mais tous deviennent sous- saturés envers les autres corps, sur lesquels ils agissent semblablement. 48. C'est ce phénomène extérieur, provenant de l'inégalité d'action et de la réaction des sphères éthérées des corps voisins, dont les uns sont sur- saturés ou sous-saturés d’éther par rapport aux autres, c'est ce phénomène apparent, extérieur, qu'on a désigné sous le nom d'électricité statique. C’est cette inégale saturation éthérée, considérée comme cause, que l’on a nom- mée électricité, créant ainsi une substance spéciale pour rendre compte d’un état particulier qui ne changeait en aucune manière la nature de la substance f. 49. La surabondance, comme la diminution éthérée qui constitue le phénomène d'électricité statique dans les corps conducteurs solides, ne se fait sentir dans sa presque totalité qu’à la périphérie des corps; altération qu’en éprouvent les sphères intérieures est si faible, que nos appareils sont rarement assez délicats pour la manifester. On peut dire qu'en géné- ral, tout le phénomène d'électricité statique se passe à la périphérie des COrps ?. 1 On a fait pour les phénomènes électriques, ce qu'on avait fait pour la lumière et la chaleur; on s’est permis des créations là où la nature n'avait placé que des modifications. Cette création de fluides spéciaux ne tarde pas à devenir un embarras lorsqu'il s'agit de les placer autour des molé- cules pondérables et de les y maintenir, tantôt dans leur état d'activité, tantôt dans un état virtuel. Ces créations gratuites ont eu pour résultat d'obliger à considérer certaines substances comme ayant autour de leurs atomes jusqu'à six fluides distincts, sans y comprendre le fluide universel qui remplit les espaces célestes, sans y comprendre la cause de l'aflinité et de la cohésion, ni celle des plans réguliers dans lesquels s'unissent les molécules qui forment des cristaux. Ainsi, un corps peut posséder les fluides lumineux, calorifique, les fluides électrique, magnétique ; les animaux possèdent en plus le fluide nerveux. 2 Quelque faible que soit l'altération que reçoivent les molécules intérieures lorsqu'on ajoute ou qu'on retranche de l'éther aux corps conducteurs solides, quelques faits indiquent cependant SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 29 d0. L'état électrique manifesté par la surabondance de l’éther, est ce- Jui que Dufay a désigné sous le nom indiflérent d'électricité résineuse, et Franklin sous le nom complétement impropre d'électricité négative. Ces deux désignations, dont l’une est sans valeur et l’autre erronée, ne rappelant qu'il existe une relation continue entre les sphères périphériques et celles du centre; en d’autres termes, entre l'électricité déposée sur la surface et l'état moléculaire du point central. On prend une sphère métallique pleine que l'on perce jusqu'au centre; on scelle dans le trou, avec de la gomme laque, un tube capillaire en verre qui la surmonte d’un décimètre. Cette sphère ainsi préparée, étant isolée, on dépose à sa surface une faible charge d'électricité, qui doit rester étrangère au point central, sil est vrai qu'il n'y a aucune solidarité entre les réactions intérieures et la réaction extérieure sur-ajoutée. L'expérience est contraire à cette conclusion, car on peut en- lever toute l'électricité de la périphérie, au moyen d'un fil fin que l'on descend jusqu'au centre par le tube capillaire isolant, sans toucher en aucune manière à la surface, où, dit-on, toute l’électri- cité surabondante est accumulée. On trouve dans le beau travail de Snow Harris (Phil. Tr., 1854, et Bibl. univ., 1858, n°55), qu'un fil de fer qui se volatilise facilement dans l'air, ne peut plus être volatisé dans le vide, si l'on em- ploie des charges égales; il faut une tension beaucoup plus forte pour obtenir le même résultat. Ce fait prouve, suivant nous, que l'air, en réagissant contre le conducteur, oblige une plus grande quantité d'électricité à traverser l'intérieur du métal, tandis que dans le vide les segments exté- rieurs, libres de toute compression, donnent un passage plus facile au courant électrique. Les exemples du foudroiement dans l'intérieur des maisons, sont des faits contraires à la théorie admise. La foudre pénètre dans l'intérieur des bâtiments et sy promène, parfois avec lenteur ; elle arrache les carreaux et le parquet des chambres et brille aux extrémités des membres des indi- vidus qui y sont renfermés; elle les tue ou les asphyxie, ete. Nous ne citerons que le globe de feu que M. Buchwalder vit aux pieds de son compagnon couché près de lui, sur le Sentis, sous une tente mouillée par la pluie, et conséquemment conductrice, à 2,504 mètres d'altitude, dans le can- ton d'Appenzell, le 4 juillet 1840. Nous y ajouterons la danse de l'enfant, au milieu d’une cham- bre, sous l'influence de la trombe de Mirabaux (Observ. et rech. etc., sur les causes qui concourent à la formation des tombes, par M. Ath. Peltier, p. 306), et la poêle qui sauta et perça le plancher, dans la trombe du 19 août 1845, à Mainville. D'autres exemples prouvent combien on se méprend encore en comparant la foudre aux étin- celles que l’on tire des conducteurs métalliques : par exemple, le 28 août 1839, la foudre tomba , vers 2 heures et demie du soir, dans la cour du nouveau bureau central d'octroi de la ville de Paris, sous la forme d'un globe; elle fit un trou de 18 centimètres de diamètre, rebondit et alla retomber à trois mètres plus loin, y laissa également des traces de son passage par un trou de 9 centimètres de diamètre et des traînées; puis rebondit encore, sauta sur le chaperon du mur qu'elle suivit assez lentement l’espace d'environ 25 mètres, tomba de l'autre côté du mur, traversa la porte cochère de l'hospice S'-Louis et la cour en diagonale, et disparut. De pareils faits ne prouvent-ils pas que la foudre n’est pas de l'électricité, telle qu'on l'enseigne dans les cours de physique, mais que c’est une substance retenue et coercée en quantité immense par de la matière pondérable, dont l'inconduction ne permet pas la neutralisation instantanée, lors même qu'elle est en contact avec le sol? 30 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. aucunement la cause du phénomène, nous désignons cet état par le nom d’hyperéthérie, afin d'indiquer que cet ordre de phénomènes provient d’une quantité d'éther supérieure à celle de l'état d'équilibre normal. L’indica- tion de cette plus grande quantité d’éther se rend par le signe algébrique >, plus grand 1. ; d1. L'état électrique manifesté par l'insuffisance de la substance éthé- rée, est celui qui a été désigné par Dufay sous le nom d'électricité vitrée, et par Franklin, sous celui d'électricité positive, désignation contraire aux faits et que nous remplaçons par le mot hypoéthérie (souséthéré), dont le signe est <, plus petit, moins ?. 1 J'aurais désiré conserver le mot électricité, consacré depuis la découverte de Thalès de Milet; mais après avoir consulté un de nos hellénistes les plus instruits, M. Barthélemy-Saint-Hilaire, j'ai dû abandonner un mot qui ne rappelle qu'un des moyens de production d'électricité. L'éther étant au contraire, suivant moi, la cause première de tous les phénomènes de cet ordre, ce mot doit être la racine de toutes les dénominations. Le mot éther, devant remplacer celui d'électron dans la nouvelle nomenclature , deux modifica- tions devaient y être jointes pour exprimer les deux états électriques. Syn et an pouvaient indiquer la sur-salwration et la sous-saluration; mais ces particules, d'après les observations du D'Conneau, nous ont paru avoir un sens trop absolu de présence et d'absence, tandis qu'il ne nous fallait qu'une indication en plus ou en moins du point neutre ou d'équilibre, point où les forces électriques ne se manifestent plus par des signes extérieurs sur nos instruments : les particules hyper et hypo rendent mieux le sens que nous attachons à ces phénomènes, puisqu'il ne faut indiquer que des différences. Nous dirons donc hyperéthérie pour exprimer la sur-saturation éthérée, l'état résineux de Dufay, l'état négatif de Franklin; et hypoéthérie, pour exprimer la sous-satwration éthérée, Vétat vitré de Dufay, l'état positif de Franklin. Les signes adoptés depuis Franklin, et d'après les dénominations mêmes qu'il avait données, se trouvaient, comme les noms, en opposition avec les faits; il fallait également les changer, et, pour ne point faire de confusion, nous avons adopté, d'après l'avis du même D' Conneau, les signes >, <, plus grand, plus petit, correspondant aux valeurs de hyper et hypo. Nous indiquons l'état neutre, celui où l'équilibre des forces a fait disparaître tout signe apparent d'électricité, par le signe connu —, qui veut dire égalité. Nous l'avons préféré à la réunion des deux signes >, <, comme ><, qui ressemble complétement au signe de la multiplication X , ce qui aurait pu faire confusion. Le signe de la désignation du phénomène général, l'éthérie, sans indication d'aueun état spécial, se rend par la jonction des deux signes Z. Dans l'article éther du nouveau Dictionnaire universel d'histoire naturelle, publié sous la direction de M. Ch. d'Orbigny, j'ai donné la nouvelle nomenclature avec les particules syn et an et avec les anciens signes modifiés par un crochet. Il faudra corriger ce tableau en substituant hyper à syn et hypo à an, et en remplaçant les signes +, —, par >, <,et + par &. ? Lorsque Dufay eut découvert que le phénomène produit par la résine frottée différait de celui produit par le verre, il lui parut naturel d'admettre deux causes distinctes, puisqu'il avait deux SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 51 D2. Voici le tableau des dénominations nouvelles que nous proposons : nous y avons joint les autres dénominations déjà reçues dans la science : NOMS ANCIENS. oo DENOMINATIONS NOUVELLES. DÉNOMINATIONS Leurs DÉNOMINATIONS SIGNES, de Et FRANELIT. RIENES? DUFAY Érnéme, substantif féminin, de æi9}o, éther, et de la désinence substantive grecque ie. Dé- signation générale de l'ordre des phénomènes électriques, sans spécification d'état parti- MUC CIS PTT PAT SORCIER < Électricité . . . Électricité. Hypenéruérie , sub. fém. Désignation géné- rale des phénomènes produits par la sur-sa- (uratONEtNErÉe > APRIRON UNE Électricité négative. Électricité résineuse. Hyroéruérie , sub, fém. Désignation générale des phénomènes produits par la sous-satura- tionréthérée it. dar QE en lot Électricité positive . Électricité vitrée. Éruénique , adj. désignant l’état naturel des corps, ou leur équilibre éthéré . , . . Électricité neutre . Électricité neutre. HYPERÉTRÉRIQUE , adj. Éthéré en plus. . . Électrisé négativem. Électrisé résineusem. HYPOÉTHÉRIQUE , adj. Éthéré en moins DMC Électrisé positivem. Électrisé vitreusem. ErnéRiser , ÉTHÉRISÉ , verb. et part. Etat d’un corps que l’on rend ou que l’on a rendu éthériqnes-MANIDPMOS Eur LE. eh Z Électriser . . . Électriser, électrisé, produits différents. Il matérialisa ces causes en nommant électricité résineuse, celle qui provenait de la résine frottée, et électricité vitrée, celle qui provenait du verre frotté. Franklin, ayant mieux analysé les faits, en déduisit qu'il était inutile d’avoir recours à deux causes, que cette multiplicité de forces était toujours un embarras et contraire aux lois de la nature; qu'une seule électricité rendait parfaitement compte de tous les phénomènes, qui ne différaient en réalité que par leur intensité de réaction, que le corps qui en avait le plus agissait sur le corps qui en avait le moins, comme les corps vitrés et résineux de Dufay. Il changea done les noms, et appela électricité positive, la surcharge d'un corps par l'électricité, et électricité négative, la sous-charge de cette même électricité. Jusque-là on ne pouvait critiquer les idées de Franklin, il simplifiait le nombre des substances impondérées, créées pour le besoin de l'explication ; mais Franklin, cessant d'être conduit par des observations directes, prit au hasard le phénomène qu'il considérait comme positif; et, en effet, la première question à résoudre était celle de savoir lequel des deux états était en réalité le pro- duit d'une plus grande ou d'une plus petite dose d'électricité? On ne voit pas par quelle raison Franklin fut déterminé, si ce n'est que électricité positive provenait du verre, de la substance la plus usuelle, la plus commode pour reproduire le phénomène électrique; tandis que la résine, étant plus fragile et perdant de son énergie en s’efleurant à l'air, en se couvrant à la longue d'une DÉNOMINATIONS NOUVELLES. Ernénocine, sub. masc., de #77, mouvoir . ÉTRERRMÉOCINE Où RRÉOGINE, sub. masc., de péey, copprs PE PRES de courant éthérique (électrique) . . . . . . . . ë à HYPERÉTUÉROCINE, sub. masc. Élément d’où provient l'onde co enafe ARR par l’altération physique ou chimique des corps - Hyroérnérocine, sub. masc. Élément appauvri de la portion de son éther qui a passé sur l’autre élément et l’a rendu hyperéthérique (négatif) . ÉruéromÈrre , sub. masc. Mesureur de l'éthérie (de l'électricité) . Éruénoscore , sub. masc. Indicateur de l’éthérie (de l'électricité). . Éruennnéonèrre ou RuéomÈrre, sub. masc. Mesureur des courants éthériques ÉrnennnéoTomE , sub. masc., ou Rnéorone. Instrument qui HErANREE périodi- quement le courant éthérique (électrique) . DE CRE Éruennnéornore ou RuéoTrore, sub. masc. Instrument qui renverse alternati- vement le courant éthérique (électrique) . . . . . 4 Érnennuéosrar ou Rnéosrat, sub. masc. Appareil propre à ramener un courant éthérique (électrique) à un degré donné. : . Ye ÉTRERRRÉOTYPIE où ÉTRÉRHOTYPIE , sub. fém. Désignation dé l’acte du courant éthérique (électrique) de transporter et de cohérer les atomes métalliques des dissolutions sur le corps hy LE is UE et 3 DHEUR REG) le type de ce corps. . . . . ÉrnÉRo-TONIQUE . adj. État jatent Fe corps induit Étant l'é libre transitoire Q J- P P q qu'il possède entre le courant de fermeture et celui d'ouverture. Érnénozyre, sub. masc., de Aüer, dissoudre. Substance complexe qui se décom- pose sous le courant éthérique (électrique) . ANÉTHÉROLYTE, susb. masc. Substance qui ne se ri des pe sous l'influence d'un courant . Éruénoryser. verbe, ÉTRÉROLYSÉ, ad, et ns Mis dis Paasniogre à être dé- composé éthéro-chimiquement (électro-chimiquement). ,. . Érnérope, sub. masc., décomposante (pôle) de 6dèc, route, chemin. La surface où se termine la surface AUTRES DÉNOMINATIONS DE M. FARADAY. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. DÉNOMINAT. ANCIENNES. Électromoteur. Rhéomoleur de M. Wheatstone. Élément négatif. Élément positif. Électromètre. Électroscope. Galvanomètre, multiplicateur. Rhéotome de M. Wheatstone. Rhéotrope. Rhéostat. Électrotypie ,; galvanoplastie , électro-dorure, etc. Électro-toniquede M. Faraday . Électrolyte, Anélectrolyte. Électrolyser. Électrode, ANODE, sub, masc., de &«, vers le haut. Désignation de la surface décomposable par laquelle entre le courant positif (hypoéthérique). Carnope, sub. masc., de x474, vers le bas, désigne la surface opposée, celle par où entre le courant négatif (hy- peréthérique), ou par laquelle sort le courant positif (hypoéthérique). Aniow, sub. masc., de dyicy, qui va en haut : l'anode. c’est l'élément provenant de la décomposition qui marche vers Cariow, sub, masc., de x47)ov, qui va en bas : c’est l'élément provenant de la décomposition qui s'avance vers le , »4 p cathode. lon ou 10xs, sub. masc. Nom des éléments provenant de la décomposition , mais sans indication du sens de leur marche vers l’un ou l’autre électrode. Ixvucrion, sub, fém. Action d'un corps électrique ou magnétique surun corps voisin, et sur ses propres molécules «. p q gneliq couche graisseuse par le frottement , en se prêtant moins aux formes et aux dimensions de toute espèce, n'était employée qu'accidentellement et pour des contre-expériences. Peut-être aussi, l'état électrique de l'atmosphère contribua-t-1l à cette dénomination. 1 M. Faraday a présenté une nouvelle nomenclature en évitant dans ses termes toute indication SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 33 55. Pour que les deux états éthériques hyper et hypoéthériques (né- gatif et positif) soient perçus et manifestés séparément, il faut que leur théorique. Nous en avons placé la liste dans le tableau, et nous n’y avons changé que la base qu'il avait prise au mot électricité. (Voyez la 7° série de ses Recherches, du $ 662 au 665.) M. Faraday a voulu faire disparaître de la science le moyen empirique de M. Ampère, pour désigner le sens du courant, celui d'un homme placé dans le courant positif qui le traverse des pieds à la tête; il a pris le sens des courants supposés qui font de la terre un aimant et qui mar- chent dans le sens apparent du soleil, de l'Orient à l'Occident; il nomma donc anode le côté d'en haut, d'où se lève le soleil, et il nomma cathode le côté d'en bas, où il se couche. L'appréciation de l'état électrique qui correspond à la coercition d’une plus grande quantité d’éther, se déduit des faits dont nous allons rapporter les principaux : 1° Aucun phénomène éthérique ou électrique ne nous est connu en dehors de la matière pon- dérable, et la matière pondérable ne nous est connue elle-même que combinée avec l’éther qu’elle coerce et condense. 2% L'espace libre et vide de matière pondérable n’a pas de surabondance éthérée; il n’est rempli que par l'éther dans son état naturel d'expansion. Un corps placé au milieu d’un tel espace doit donc donner, et il donne en effet, des signes de surabondance éthérée; il est hyperéthérique (vési- neux, négatif). Ces signes indiquent alors avec certitude auquel des deux états statiques répond la plus grande coercition de l'éther. 3° Le globe terrestre remplit ces conditions pour nous. Le globe étant placé loin de toute réac- tion de même nature et plongé au milieu d'un espace vide, on peut constater la différence de sa condensation éthérée de celle de l'espace, en approchant ou en éloignant de sa surface des appareils propres à manifester cet ordre de phénomènes. L'expérience nous a démontré (Ann. chim. phys., tom. IV, p. 591 à 595, 5° série), que l'influence qui provient de la surabondance éthérée du globe est de l’ordre de celle qu'on a nommée électricité résineuse ou négative, c'est-à-dire que l'état rési- neux est le signe d'une plus grande coercition d'éther, ce qui est complétement contraire au nom d'électricité en moins ou négative que lui a donné Franklin. Le globe terrestre est donc pour nous dans l'état hyperéthérique. 4° La quantité d'éther coercé autour des molécules n'est point la même pour toutes les sub- stances, comme l'indique la marche des atomes provenant de la décomposition par l'électricité; cette quantité est considérable pour les unes et très-faible pour les autres. Il en résulte que, dans la combinaison des atomes ou des molécules inégalement partagées, celles qui en possèdent le plus en cèdent à celles qui en possèdent le moins pendant la formation de l'unité nouvelle, et qu'il y a alors un déplacement éthéré, un mouvement de la première à la seconde. 5° Les atomes pourvus de cette richesse éthérée sont reconnaissables aux nombreuses combi- naisons qu'ils peuvent former; plus leur rang est élevé dans cet ordre, plus ils sont aptes à s'unir avec toutes les autres substances ; possédant l'élément primitif, d'où s'écoule toute affinité, le plus élevé en richesse éthérée pourra s'unir non-seulement à toutes les substances, mais s'y adjoindre à des quantités diverses, toutes ayant des caractères différents suivant qu'elles auront conservé une plus grande part de richesse primitive. C'est ainsi que l'oxygène, le plus puissant des corps éthérés, peut se combiner avec tous les autres et en des quantités multiples; puis viennent après lui le chlore, l'iode, le soufre, ete., ete. Tom. XIX. B) 54 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. séparation soit telle, que la portion condensée ou hyperéthérique, ne puisse rétrograder vers la portion dilatée ou hypoéthérique, et ÿ rétablir l'équilibre. La somme des combinaisons possibles diminue avec la quantité d'éther retenue autour de chacune des substances; ce qu'on nomme équivalents électriques en fournit des preuves. Après avoir me- suré la quantité d'électricité produite par une première combinaison entre un atome d'oxygène et un atome de base, si l'on ajoute à la molécule produite un nouvel atome d'oxygène, la quantité d'électricité trouvée la première fois est reproduite; si, au contraire, on ajoute un second atome de base à la première molécule formée, on n'obtient plus l'équivalent primitif. (Faraday, 7° série, et principalement du $ 852 à la fin, et Ed. Becquerel, Compt. rend., t. XVII, p. 562.) 6° Au premier moment du rapprochement de deux molécules qui vont se combiner, il y a d'abord un mouvement éthéré de la molécule la plus riche en éther à la moins riche. Un nouvel équilibre s'établit dans la particule, et tout ventre dans la neutralité. T° Dans le premier moment dela combinaison, dans le moment du passage d’une portion d'éther du corps qui en est le plus pourvu au corps qui en est le moins pourvu, si cette quantité projetée parvient sur un corps disposé de telle sorte, qu'il la garde et la coerce sans lui permettre de réac- tion en retour, on aura sur cet appareil un signe électrique correspondant à une surcharge éthérée, il sera hyperéthérique, et le reste du corps donnera un signe électrique correspondant à la perte qu’on lui a fait subir, il sera hypoëthérique; c'est encore, dans le premier cas, le signe résineux de Dufay ou négatif de Franklin qui apparaît, et, dans le second, le signe vitré du premier physicien et le positif du second. 8° Dans toutes les combinaisons ultérieures, pour former des corps plus complexes, tant que la richesse éthérée de l'oxygène n’est pas épuisée, et que, sous le nom d'acide à divers degrés de puissance, la combinaison a lieu avec des substances moins riches, ce qu'on nomme électricité résineuse (l'hyperéthérie) passe du corps le plus riche aux corps les plus pauvres; c’est ainsi que tout métal qui s'oxyde devient résineux ou hyperéthérique, ainsi que les alcalis qui se combi- nent avec un acide. 9° Si au lieu d'un appareil coerçant et gardant l'éther perçu, on place entre les deux corps qui se combinent, un conducteur qui permette à l'onde projetée et condensée en avant d'aller retrouver l'onde dilatée en arrière, par une circulation rapide, et y rétablir l'équilibre et la neutralité , l'al- tération produite dans le conducteur par cette propagation dite électrique, et celle produite dans les corps voisins par influence, est le phénomène éthérique (électrique) de l'ordre dynamique, que nous indiquerons plus bas, et le courant, marchant du corps le plus riche au plus pauvre, est celui qu'on nomme résineux ou erronément négatif, et que nous nommons hyperéthérique. 40° Les équivalents électriques (éthériques) ne dépendent que de la substance négative (hyper- éthérique) et non de la substance positive (hypoéthérique). (Ed. Becquerel, Comp. rend., XVII, 362.) Nous devons mentionner ici une erreur généralement commise et qui provient de la fausse théorie de Volta; c'est celle qui applique le nom d'élément positif au zine, réservant celui d’élément négatif au métal associé, dans les couples voltaïques ordinaires. Volta ayant placé sa force électromotrice au contact des métaux hétérogènes, il fut obligé d'admettre deux états différents dans les éléments du couple. Il est étonnant que cette dénomination erronée ait pu durer aussi longtemps, puisqu'elle pouvait être rectifiée par l'expérience la plus élémentaire. On plonge dans deux vases séparés et bien isolés, remplis du même liquide, les extrémités d'un couple zinc et cuivre (figure 5). On im- SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 5 54. Si le corps interposé entre ces deux états ne se prête pas à la ré- trogradation de la portion condensée, on le dit bon isolant, et les deux por- tions, condensée et dilatée, peuvent être très-rapprochées sans que l’équi- libre se rétablisse. D5. Si la substance interposée se prête quelque peu ou beaucoup à cette rétrogradation éthérée, il faut que l’espace soit proportionnellement plus étendu pour retrouver l'isolement nécessaire. D6. Ainsi, lorsqu'on clive un cristal de sulfate de chaux, ou lorsque la résine qu’on a fondue sur le verre s’en détache en se refroidissant, les deux portions en regard peuvent garder longtemps leur état électrique (éthérique) opposé, malgré leur extrême rapprochement; tandis que la neutralisation se fait subitement, entre le liquide et la vapeur qui s’en élève, si leur séparation n'est pas brusque et si la projection n’a pas placé instantanément entre eux un grand espace comme cela arrive lors- que la vapeur se forme avec une tension élastique d’au moins deux atmo- sphères 1. d7. La neutralisation des deux états électriques aura des manifestations merge d’abord le bout d’un fil de platine d dans le vase A qui a reçu le zine, et l'autre bout du fil com- munique au sol. Au moyen d'un autre fil de platine e, que l'on tient isolé parun manchede gomme laque f, on met successivement en communication le zine, le cuivre et le liquide du vase B qui a reçu le cuivre, avec un des plateaux condensateurs g d'un électromètre h. D'après cette disposition, le liquide ne peut posséder d'électricité libre, puisqu'il communique au sol, et le zinc ne devrait pas en posséder davantage, puisque la force électromotrice, suivant la théorie, est au contact du zinc et du cuivre. Ce n’est point ainsi que la distribution s'effectue : le liquide du vase A estneutre, mais le zine, le cuivre et le liquide B sont négatifs au même degré. On place ensuite le bout d du fil de platine, communiquant au sol, dans le vase B, et l'on interroge de la même manière, au moyen du fil de platine isolé e, le cuivre, le zinc et le liquide du vase À, qui est alors isolé. Le liquide de B est nécessairement neutre, ainsi que le cuivre qui y est plongé, mais il en est de même du zine, qui est également neutre ; l'eau seule du vase A est positive. Ce n’est done pas l'élément attaqué qui est positif, il est négatif comme tous les corps attaqués dans leurs éléments, et le liquide seul, le liquide négatif par sa nature, devient positif, parce qu'il a cédé une partie de sa surabondance au corps qu'il attaque. On voit combien les dénominations de Franklin sont contraires aux faits. 1 Nous emploierons souvent , dans le reste de ce travail, les dénominations anciennes, pour ne point troubler l'intelligence des faits, mais nous y ajouterons souvent leur synonymie nouvelle. Pour ce qui concerne le clivage, voyez le Traité d'électricité de M. Becquerel, I, p. 441, et le chapitre H de mon Mémoire sur l'électricité atmosphérique, pour l'électricité des vapeurs, (Ann. chim. phys., 3° série, t. IV.) 36 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. fort différentes, selon que l’espace de séparation sera plus ou moins un bon isolant. Si cet espace isole bien, la neutralisation des quantités élec- triques opposées ne pourra avoir lieu que par la puissance des masses électriques en regard, vainquant la résistance du milieu. Cette neutralisa- tion de masses ou décharge, produit une étincelle lumineuse accompagnée d’explosion et de l'odeur particulière qu’on nomme ozone. D8. Sa décharge sera d'autant plus énergique et l’étincelle plus vive, que le milieu interposé sera plus isolant, soit par sa nature propre, soit par un plus grand éloignement des corps chargés d’électricités contraires (d'éthéries contraires). 59. L'air devenant plus conducteur par la présence des vapeurs, les charges électriques ne peuvent plus atteindre la même tension que dans l'air sec, l’étincelle et l'explosion diminuent d'intensité. L'air, en s’'appro- chant de la saturation, donnant un écoulement plus facile aux échan- ges électriques, l’étincelle disparaît, et la neutralisation se fait en si- lence. TROISIÈME PARTIE. DES ALTÉRATIONS DANS L'ÉQUILIBRE DES SPHÈRES ÉTHÉRÉES QUI CONSTITUENT LE PHÉNOMÈNE D'ÉLECTRICITÉ DYNAMIQUE (éthérie dynamique). 60. Lorsque l'on met en communication deux corps inégalement satu- rés par la substance éthérée, il y a, à travers le conducteur interposé, un transport de cette substance du corps qui en possède le plus au corps qui SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 51 en possède le moins, c’est-à-dire du corps hyperéthéré au corps hypoéthéré (du résineux au vitré). 61. L'éther interstitiel étant divisé en autant de sphères distinctes qu'il y a d’individualités atomiques et moléculaires, il ne peut être traversé par un écoulement uniforme. 62. Lors donc qu'une quantité d’éther traverse un conducteur, elle fait partie successivement des sphères atomiques et moléculaires qui se trouvent dans sa direction; c’est en s’incorporant et en s’individualisant dans chacune des sphères qu’elle atteint la dernière molécule, après s'être ainsi transformée en autant d’individualités qu'il s’est trouvé d’atomes constituant le filet conducteur f. 65. Ce partage de toute la masse éthérée en sphéroïdes dépendants des molécules pondérables, est nécessairement le résultat d’une force qui la maintient; de manière que, si petite que soit cette force, elle offre un 1 La première molécule d'un conducteur étant mise en contact avée un corps possédant une surabondance éthérée, son affinité de coercition étant plus puissante que celle de ce corps, elle s'empare d'une portion de cet éther sur-ajouté : si cette molécule était seule, si elle était parfai- tement isolée des autres molécules, elle se mettrait en équilibre statique avec lui, et le phénomène serait accompli; mais il n'en est pas ainsi : cette molécule extrême est la première d'un corps étendu; done, aussitôt que, par son action sur le corps, elle s'est surchargée d’une quantité d'éther anomale, lorsque toute son affinité de coercition est plus que satisfaite, et qu'elle réagit moins sur sa propre sphère que la molécule suivante qui la touche et la pénètre par sa sphère éthérée, cette surabondance qu'elle a prise au corps lui est enlevée par l'action plus puissante de la seconde molé- cule, qui devient alors, par rapport à la troisième, dans la même infériorité d'action coereitive que la première avait eue l'instant auparavant par rapport à elle-même. La quatrième molécule agit sur la troisième comme celle-ci a agi sur la seconde, la cinquième agit ensuite sur la quatrième, et ainsi de suite. Mais aussitôt que la première a cédé à la seconde une portion de sa surabondance éthérée, elle a cessé d'être en équilibre avec le corps sur-saturé d’éther; elle lui reprend aussitôt une nouvelle quantité d'éther équivalente à celle qu'elle a abandonnée à la seconde molécule. Cette dernière reprend alors à la première ce qu'elle a cédé à la troisième, et ainsi de suite, jusqu'à l'épuisement du corps éthérisé (électrisé), si la dernière molécule du conducteur ne trouve aucun ob- stacle à se décharger du surcroît qui lui est arrivé, soit en le cédant au centre commun , soit en le cédant à un autre corps qui aurait été privé de tout l'éther dont on aurait chargé le premier corps. Le passage d'une quantité surabondante d'éther, c'est-à-dire, le passage de l'éthérie ou électri- cilé, ne se faisant que par une suite de transformations d'une sphère à une autre sphère, la propa- gation de cet éther se fera d'autant plus facilement, que les sphères atomiques et moléculaires auront gardé entre elles moins d'individualités, que leur solidarité commune sera plus intime, qu'elles seront enfin plus éloignées de leur état primitif de corps distincts. 38 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. obstacle au passage d’une sphère à l’autre, obstacle qui varie avec la nature des substances 1, 64. Chaque sphère éthérée éprouve trois modifications bien distinctes par l'effet de la quantité d’éther qui la traverse : la première provient de cette surabondance qui agit sur chacune des molécules avant de pénétrer dans sa sphère, par sa seule influence statique ; la partie postérieure devient vitrée (hypoéthérée), la partie antérieure devient résineuse (hyperéthérée). Tous les atomes deviennent électrisés, à chaque pôle, en sens opposés, par cette seule influence. 65. La deuxième modification consiste dans l’altération que les zones méridiennes éprouvent dans leurs oscillations. Ces zones de mouvements similaires sont plus ou moins nombreuses, selon la substance. Plus leur nombre est considérable autour de chaque atome, moins l'amplitude de leurs oscillations a de profondeur et d’ampleur; moins alors elles offrent de résistance aux forces perturbatrices des quantités d’éther qui 1 L'exemple du verre comprimé est une preuve de la coercition individuelle de l’éther molécu- laire; la résistance de chaque molécule se montre dans le fait suivant : aussitôt que l’on a com- primé une première fois un prisme de glace, on aperçoit des rayons blanes, c'est-à-dire, des portions du verre qui dépolarisent. En conservant le verre dans cette première compression , les rayons blanes s'étendent et leur intensité diminue; si on augmente alors la compression, de nouveaux rayons opalins apparaissent, ils sont plus vifs et mieux limités : au bout de 12 ou 24 heures, ils se sont étendus comme les premiers et ont perdu de leur éclat. Il est évident que, dans cette expérience, la compression ne se fait pas sentir partout à la fois, que les portions en contact avec le compresseur en ont éprouvé d'abord l'effet ; puis, cet effet se partage peu à peu avec les molécules voisines, il s'étend, se divise sur un plus grand nombre de corpuscules, et s’affaiblit dans la même proportion. Dans le passage d'une sphère à l'autre, il y atoujours résistance, quelles que soient leur pénétra- tion et leur intimité. Dès l'instant que l'éther interstitiel est partagé entre les atomes, que tout y est divisé en individualités atomiques et moléculaires , passer d'une sphère à l'autre, c’est rompre une individualité pour s'incorporer dans une autre; c'est l'emporter sur une force résistante, si faible qu'on voudra lasupposer. Moins les sphères atomiques seront individualisées, moins elles seront sub- ordonnées à l'atome pondérable, meilleure sera la conduction électrique du corps; au contraire, plus cette individualité sera prononcée, moins la conduction électrique pourra s'opérer. Cette indi- vidualité se montre facilement dans les masses de résine fondue conservées plus de 5 et 6 mois avec l'électricité résineuse qu’elles ont acquise au moment de leur solidification. Cette individualité est évidente dans les expériences de MM. Marrian et Beatson, et la démonstration en est devenue complète par celles de M. De la Rive. Cette démonstration ressort des sons et des chocs divers que l'on remarque dans une barre métallique par la seule influence d'un courant électrique. (Voyez Archives de l'élect., t. V, page 200.) SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 99 les traversent. Tout au contraire, si le nombre en est restreint, l'amplitude a plus d’étendue, la lame éthérée qui forme la zone méridienne a plus de profondeur, l'énergie de mouvement est plus considérable, et la résistance plus grande à l’intromission de toute nouvelle quantité d’éther et à sa transmission. 66. La transmission de quantités non interrompues d’éther, entrant par un pôle et sortant par l’autre, dévie les plans de ces zones, les incline dans le sens même du mouvement, les polarise enfin à des degrés divers. Les sphères à zones nombreuses prennent instantanément la polarité que leur imprime la progression éthérée; de même elles perdent instantané- ment cette polarité au moment même de la rupture du courant. 67. Les sphères à zones profondes résistent davantage à prendre leur maximum de polarité; de même qu’à la suppression du courant, ou du mouvement perturbateur, elles conservent plus longtemps l’état anomal qu'on leur a donné 1. 68. La troisième modification qu'éprouvent les sphères éthérées est le mouvement linéaire et ondulé qu'elles reçoivent du passage successif de ces portions éthérées qui constituent le courant et sur lequel nous re- viendrons. Il y a donc : 1° état statique nouveau dans chaque sphérule; 2° altération des oscillations méridiennes en leur donnant une polarité ; 5° mouvement ondulé du courant en s’incorporant successivement dans chaque sphère atomique et partageant sa forme ondulée et son état sta- tique. 69. Il résulte de l’existence des sphères moléculaires et de la force qui 4 C'est dans les corps les plus isolants que l'on rencontre les exemples les plus nombreux de la conservation, pendant quelque temps, des modifications anomales imprimées aux atomes par des causes étrangères. La phosphorescence est le phénomène qui rend cette conservation la plus ma- nifeste, parce que cet ordre de phénomènes impressionne notre organe visuel. On sait que la chaleur rend phosphorescents le spath-fluor, les os, les coquilles, ete.; que les phosphores de Bologne, de Baudouin, de Homberg, etc, n’ont besoin , pour le devenir, que d'être exposés quelques instants au soleil ou aux décharges électriques; on sait que les fissures formées dans l'adulaire (variété de feldspath) par le choc du marteau, prennent un état Jumineux qui dure plusieurs minutes, ete. etc. Ces faits et une multitude d'autres que possède la science, prouvent non-seulement l'individua- lité des molécules, mais encore la persistance des mouvements éthérés. 40 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. les retient en individualités distinctes, que, pendant la transmission d’une quantité quelconque d’éther, ces sphères ne peuvent conserver l’état na- turel de leur distribution éthérée. 70. C'est la propagation de ces quantités d’éther sur-ajoutées et les changements successifs et transitoires qu’elles produisent dans la série des sphères moléculaires, qu'on a nommés phénomène dynamique de l'élec- tricilé, ou, par abréviation, électricité dynamique, ou enfin, courant électrique. C’est, pour nous, le phénomène dynamique de l'éthérie, où mieux de l’hyper- éthérie, puisque la propagation de l’éther a lieu dans ce sens 1. 71. La propagation rapide de l’éther à travers cette série de molécules individuelles, produit des effets fort différents sur l’état du corps : si les molécules sont rapprochées et solidaires par la cohésion ou l'adhésion, la température du corps s'élève ?; si les molécules sont éloignées et à l’état d'indépendance, comme dans les gaz, le mouvement éthéré oscillatoire ayant beaucoup plus d'amplitude, il devient lumineux. Dans le vide, la matière pondérable qui est transportée d’un pôle à l’autre, forme la chaîne de communication entre eux; le mouvement d’oscillation y devient égale- ment lumineux, si son intensité est suffisante pour ébranler notre organe visuel. 72. Le passage d’une portion d'éther le long d’une série alignée de molécules, ne peut avoir lieu que par une série d’ondulations par conden- sation et dilatation, dont la grandeur est celle de la grosseur des sphères elles-mêmes. Pendant son parcours, l’éther sur-ajouté forme donc une nou- velle série de mouvements qui se propagent par condensation et dilatation, 1 Ilen est de l'électricité dynamique comme de l'électricité statique; il faut que la neutralité d'action soit rompue entre les molécules pondérables et l'éther : si cette action provient de la sur- abondance de l'éther, il en résulte un phénomène extérieur désigné sous le nom d'électricité rési- neuse (lhyperéthérie); si l'action provient des atomes pondérables, c’est que ces atomes sont sous- saturés, leur manifestation est dite vitrée (hypoéthérique). Voilà pour l'ordre des phénomènes statiques. Dans cet ordre, il n'y a de différence qu'entre les réactions réciproques de la matière et de l'éther, il n’y a pas de déplacement complet, d'abandon de l'éther d'un atome pondérable ou d'un corps. 2 Nous avons produit du froid au moyen d'un courant électrique; nous reviendrons ailleurs sur ce cas particulier. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 41 dans le sens de la propagation. Le nombre de ces ondes, le long d’un con- ducteur, est égal à celui des atomes qui le composent, et leur amplitude vibratoire dépend de la différence de l'axe polaire avec le diamètre équa- torial. 75. Le mouvement ondulatoire, contraire à celui de la cohésion, con- stitue un nouveau phénomène dans les conducteurs, celui de la chaleur, sur lequel nous allons revenir, $ 75. 74. La température est d'autant plus élevée par un courant que la ré- sistance de passage d’une sphère à l’autre est plus grande, la condensation des ondes croissant avec la résistance, ainsi que la détente éthérée au mo- ment du passage. 75. Une série de sphères alignées présente une série de renflements et une autre d’étranglements : la différence entre la section des renflements et celle des étranglements est d'autant plus grande que les atomes sont plus éloignés les uns des autres. En traversant un gaz, c’est-à-dire un con- ducteur ayant des sections très-différentes à l'équateur des atomes de celles des points de jonction, chaque volume d’éther, faisant partie alter- nativement d'un renflement et d’un étranglement, prend un second mouve- ment oscillatoire qui est perpendiculaire à celui de propagation. C'est ce mouvement oscillatoire transversal dans les conducteurs qui produit, par sa rapidité et son amplitude, l’incandescence des conducteurs solides et l'étincelle dans les gaz 1. 76. C’est aussi ce même mouvement oscillatoire qui produit la lumière dans le vide d'air, au moyen des atomes pondérables qui relient les deux pôles et transportent les surcharges éthérées. 77. Les amplitudes calorifiques et lumineuses, croissant en même temps et par la même cause, ces deux ordres de phénomènes s’accompa- gnent et peuvent se suppléer dans quelques cas de mesures ?. 78. Il ne suffit pas de produire le phénomène électrique, il faut le con- server et Jui faire traverser nos appareils, pour qu'il puisse se manifester à ! Lintensité de la lumière croît avec la grandeur de l'amplitude de l'oscillation transversale, amplitude qui croit elle-même avec la différence des deux sections équatoriale et polaire. ? Voyez les résultats des expériences de M. Masson. (Ann. chim. phys., 5° série, t. XIV, p. 194.) Tow. XIX. 6 42 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. nos sens. Pour obtenir ce résultat, il faut que la production se fasse en contact avec des conducteurs convenables; car si l’action chimique ou toute autre cause de production se complète hors du contact du conduc- teur, la réaction s’opérant immédiatement, la neutralisation du phénomène électrique a lieu autour de chaque molécule, et il n’en résulte aucune ma- nifestation extérieure, queile que soit l’activité de la cause productive !. 79. Par la continuité de sa propagation et du trouble qu'il apporte dans les sphères éthérées des corps, ce fluide en mouvement, qu’on nomme alors courant électrique (courant hyperéthérique), affaiblit l'harmonie qui constitue la cohésion. Les altérations peuvent être portées jusqu'à la destruction du corps, si les discordances l'emportent sur l'affinité tout en- tière, de même qu’elles peuvent aider aux combinaisons nouvelles en rendant moins discordants les mouvements des molécules hétérogènes en présence. Entre ces deux extrêmes, il y a tous les degrés possibles de dé- composition et de recomposition ?. 80. Lorsque le conducteur est un liquide non élémentaire, et principa- 1 C'est de l'oubli de ce principe par les partisans de l'action chimique, que ressort le triomphe momentané des partisans du contact, en montrant aux premiers combien la quantité d'électricité mesurée dans un courant diffère de la quantité d'action chimique, suivant les substances qu'on emploie. La réponse à cette objection est facile et elle peut être faite expérimentalement : il faut prendre pour élément vitré un métal ou toute autre matière, qui conserve au contact de sa surface la nouvelle substance formée, au moins pendant tout le temps que dure la combinaison, afin que tout mouvement éthéré puisse être recueilli et propagé avec facilité. Mais si, au contraire, la molécule du métal se sépare du reste du métal aussitôt qu'elle est attaquée, et si la combinaison s'opère au milieu du liquide actif, comme cela a lien avec le cuivre que l’on plonge dans l'acide nitrique, le phénomène électrique ne peut être recueilli, et le faible courant qui traverse nos ap- pareils n’est nullement en rapport avec la quantité d'électricité produite; ce n’est qu'une portion dérivée et enlevée aux combinaisons les plus voisines. L'utilité de l'amalgamation des éléments vitrés consiste à forcer la combinaison de chaque moléeule de zine à se faire au contact d'un bon conducteur, et à ne permettre que le moins possible de réaction en arrière. ? Un courant nombreux et rapide détruit l'aflinité et la cohésion des corps, il les volatilise; sous l'influence des courants faibles et prolongés, au contraire, il se forme un nombre considérable de substances que la présence seule des éléments ne pourrait produire. Toutes les expériences de M. Becquerel démontrent ces derniers faits. Les belles expériences de M. G. Wertheim sur l’élasti- cité et la cohésion des métaux, prouvent aussi que ces puissances décroissent, sous la seule in- fluence perturbante d'un courant électrique et même sous celle de l'influence magnétique. (Compte rend., t. XIX, p. 229-232.) SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 45 lement s’il est électrolyte, la propagation ne se fait plus par le seul passage d’une molécule à l’autre, en laissant chacune d'elles dans sa place primi- tive, comme cela a lieu dans les métaux; mais l’affinité des atomes élémen- taires étant vaincue par cette perturbation électrique, la décomposition a lieu, et chaque élément reprend, en se séparant, une quantité d’éther pro- portionnée à sa capacité coercitive. 81. L'oxygène par sa haute puissance coercitive, emporte une tension considérable au détriment de l'atome d'hydrogène : il en résulte deux états électriques opposés, dont l'un entraîne l'oxygène chargé d'électricité rést- neuse (d'hyperéthérie) vers l’'anode ou pôle vitré, et l'hydrogène appauvri d’éther, étant dans l’état d'électricité vitrée (d’hypoéthérie), est attiré par le cathode ou pôle dit résineux ou négatif ?. 82. Si le liquide résiste à la décomposition, en tout ou en partie, une portion est entraînée vers le cathode, le pôle résineux ou hyperéthérique, et le volume du liquide s’en accroît ?. 85. Lorsque les molécules ont peu de solidarité, lorsque la propaga- tion éthérée se fait lentement et difficilement entre elles, la surcharge éthérée que l’on a communiquée aux molécules intérieures y reste coercée, 1 Lorsqu'un conducteur liquide est composé de molécules complexes, comme l'eau, dont les éléments ont des capacités différentes pour coercer l'éther, l'altération produite par le courant vaine leur affinité; l'un des éléments, l'oxygène, coerçant une plus grande dose d'éther, est atti- rant et attiré par l'électrode vitré, où il neutralise la surabondance qu'il s'est appropriée au moment de la décomposition, et s'échappe alors à l'état neutre. L’antre élément, l'hydrogène, appauvri par la suprématie coerçante du premier élément, est attirant et attiré par l'électrode résineux , riche en éther coercé, il y reprend sa portion normale, et, sil n'est plus retenu par d'autres forces, il s'échappe en obéissant à sa légèreté spécifique. Pendant tout le temps que les éléments provenant de la décomposition sont sous l'influence du courant, ils conservent l’état statique propre à chacun d'eux, et l'on peut s'en assurer en interrogeant l'eau d'une auge d’un mètre de long, qui est traversée par un courant, au moyen d'un fil de platine attaché à la boule d'un électroscope à feuilles d'or. On recueille de l'électricité résineuse du côté de l'oxygène, depuis le milieu jusque près de l'élec- trode vitré, et l'on recueille de l'électricité vitrée depuis le même milieu jusque près de l'électrode résineux (l'hyperéthérode). 2 Consultez les expériences de MM. Parrat, Mackrell et Becquerel, sur le passage des corps légers et des liquides de l'anode au cathode. (Voyez le Traité d'électricité de M. Becquerel et les Proceedings of the London elec. soc., session de 1841 à 1842. Les Archives d'électricité, n°5, p- 575, etc.) 44 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. ou, suivant le degré de conduction du corps, une portion reste attachée aux molécules intérieures, et l’autre portion est repoussée à la périphérie. Ainsi, si l'on dispose une quantité quelconque d'électricité statique dans l'intérieur d’une sphère de résine, ou de verre peu alcalin et bien see, elle y restera coercée, et lon n’obtiendra au dehors qu'une action d'influence et non de propagation. On ne pourra pas décharger par sa périphérie, la quantité d’éther ou d'électricité statique qu'on a déposée dans l'intérieur de cette sphère. 84. Si à l’inconduction électrique de la substance se joint l'éloignement des molécules, comme cela a lieu dans les gaz secs, toutes les charges éthérées qu'on aura données individuellement à ces molécules s'y conser- veront à peu près intactes, et il n’y aura aucune sphère surnuméraire de formée autour du volume de ce gaz, au détriment des charges indivi- duelles, ou bien cette sphère sera presque insignifiante , et le plus souvent, elle sera formée par influence et non par propagation : dans ce dernier cas, la sphère extérieure sera d’un signe contraire à celui des sphères mo- léculaires. Pour ramener les molécules intérieures à l’état neutre, il faudra les décharger individuellement de la quantité qu'on leur a donnée, soit en allant au devant de leur contact, soit en les attirant jusqu’au contact d’un corps bon conducteur non isolé. 85. Si la résistance à la propagation éthérée ne provient que de la dis- tance des molécules, et non de leur nature, l'isolement ne sera plus com- plet, il ne sera que partiel; une partie obéira aux répulsions respectives des molécules entre elles, qui ont toutes la même charge électrique; cette partie sera repoussée jusqu'à la périphérie, où cesse l'égalité de réaction, et y formera une sphère de même nom que celles des molécules intérieures; l’autre portion restera coercée autour de chacune de ces molécules, et elle les tiendra dans une répulsion plus grande qu'elles n'auraient été, si elles fussent restées à l’état neutre. Il y a done, dans un tel corps, deux sortes de surcharges éthérées ou d'électricité statique, Vune appartenant aux molécules intérieures, et l’autre appartenant à la périphérie : tel est l’état des vapeurs. 86. Plus la vapeur sera dilatée, plus l'individualité sera parfaite, et moins il y aura de propagation possible entre les molécules; c’est ainsi SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 45 que, dans les vapeurs les plus élevées de l'atmosphère, pour celles qui sont toujours dans un état de dilatation extrême et par leur rareté et par la moindre pression atmosphérique, il n’y a plus que les charges mdivi- duelles, que les surcharges moléculaires, il n’y a plus de charges péri- phériques, elles ne forment plus de nuages proprement dits. 87. Dans les couches placées immédiatement au-dessous des précé- dentes, la dilatation des vapeurs est encore de beaucoup trop grande pour qu'elles puissent prendre l’état globulaire et devenir visibles par leur rap- prochement et leur groupement. Cependant un commencement de conduc- tion permet déjà une lente propagation des surcharges électriques, dont une partie est repoussée jusqu'à la périphérie des masses de vapeurs, ou dans les éclaircies de ces vapeurs disséminées qu’elle sépare plus nettement et en forme de nues distinctes et transparentes. 88. Lorsque ces nues transparentes se rapprochent, elles équilibrent leurs tensions électriques par une série de décharges le long de leurs bords et non par une seule décharge : insuffisante conductibilité de ces corps vaporeux est un obstacle à cette projection unique et instantanée que peuvent réaliser les corps bons conducteurs. Cette équilibration électrique se fait alors par une série de décharges successives le long des bords en regard, et c’est la succession ignée de ces décharges dans l'espace, qui simule la marche d’un petit globe de feu qui naît tout à coup dans un point du ciel pour aller s’éteindre dans un autre point, et que l’on nomme étoile filante 1, 89. Quel que soit l'ordre auquel un phénomène électrique appartienne, 1 On commettrait une grande erreur si l'on admettait qu’en dehors de toute matière pondé- rable il puisse se former une charge électrique, une calotte d'électricité qui enceindrait toute matière et formerait la limite extrême de notre atmosphère. Les particules des dernières couches, ou plutôt, les derniers groupes des vapeurs repoussés par l'influence du globe et par le courant tropical lui-même, possèdent individuellement des tensions électriques considérables; et, en effet, les molécules aériennes ou vaporeuses, dans leur état d'écartement, peuvent coercer et garder toutes les charges qu'elles ont reçues. Ces groupes isolés nageant à une très-2rande hauteur dans l'espace, sont des masses détachées du courant tropical par la répulsion; ils cessent alors de faire partie de la météorologie régulière et diurne; ils manifestent leur puissante tension élec- trique par d'autres phénomènes accidentels dont nous ne pouvons nous occuper dans cette note, mais ils n'ont plus d'enveloppe électrique comme nos nuages météorologiques et orageux. 46 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. il ne peut exister en dehors de la matière pondérable. Partout où il se ma- nifeste, cette dernière y existe avec certitude; et elle y existe avec une quantité de substance éthérée plus grande que celle que son attraction peut coercer normalement et rendre neutre, ou elle y existe avec une quantité moins grande, ou enfin elle sert à la propagation de la différence éthérée entre deux corps !. QUATRIÈME PARTIE. DU RAYONNEMENT ÉLECTRIQUE. 90. Pour que l'échange électrique ait lieu à distance entre deux corps possédant une très-grande cohésion et placés dans un milieu bon isolant, 1 Le fait de la présence de la matière pondérable dans tout phénomène électrique a été presque toujours méconnu. Les diverses théories se sont efforcées comme à l’envi de faire considérer d’une manière abstraite le phénomène électrique, et de ne regarder la présence de la matière que comme un ac- cident indifférent. Jamais cependant aucun phénomène électrique ne s’est manifesté en dehors de la matière pondérable, jamais électricité statique ne s'est dévoilée sans corps coerçants, et l'élec- tricité dynamique sans conducteurs matériels ; cela n'a point empêché de traiter les phénomènes électriques comme indépendants de la substance pondérable, et de créer des substances nouvelles et des forces nouvelles, pour expliquer des phénomènes qu’on n'apercevait que dans la matière ou autour d'elle. La foudre sous forme de globe, et se dissipant lentement, sa marche dans les bâtiments ou sur les crêtes des murs, l'odeur qu'elle laisse après elle, indiquentl'immense tension que peuvent prendre certaines substances, tension qui ne se dissipe que successivement et non tout à coup comme dans les décharges de nos batteries. Cette lente dissipation de certaines foudres et celle de certains bo- lides nous paraissent dépendre de la nature des matières qui en forment le noyau pondérable. Si ces matières sont de la nature du soufre, des résines, des alealis terreux, leur faible conducti- bilité ne permet leur décharge que successivement, après la disparition des couches extérieures ; tandis que si les atomes métalliques forment la base du noyau, la décharge est instantanée. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 47 il faut que leurs sphères extérieures se soient assez pénétrées, et que les corps matériels se soient assez rapprochés pour que lattraction surabon- dante du corps sur-saturé (le corps résineux ou hyperéthéré) soit plus grande que celle du corps sous-saturé ou vitré sur les propres molécules de ce dernier. Dans ce cas, les molécules extrêmes de la périphérie du corps vitré s'échappent de la surface, et, au moyen de leur interposition, l’équili- bre se rétablit entre les deux corps. 91. Lorsque la cohésion est égale dans les deux conducteurs en regard, comme sont deux boules du même métal, il s'échappe de la superficie des boules des molécules pondérables, mais celles du corps sous-saturé sont toujours de beaucoup plus nombreuses. 92. Si l’un des corps, ou si les deux corps sont vaporisables, c’est-à- dire, si les molécules constituantes de la surface peuvent se séparer avec facilité du reste du corps et obéir ainsi à l’attraction supérieure entre la surabondance éthérée de l’un et la surabondance matérielle de l’autre, l'échange à lieu à de plus grandes distances, et l'équilibre de réaction s’éta- blit promptement au moyen de ces transports moléculaires. 95. Si les deux corps sont également volatils, c’est du corps sous- saturé (vitré ou hypoéthéré) que s'échappe un plus grand nombre de molé- cules. L’évaporation y est plus abondante que sur l’autre corps !. 94. Lorsque les corps sont inégalement volatils, l'échange se fait plus rapidement quand c’est celui sous-saturé d’éther (le corps viré, hypo- éthérique) qui est le plus volatil, que lorsque c’est le corps le plus saturé (résineux ou hyperéthérique). 95. Donc, pour obtenir des échanges égaux au moyen des corps égaux par la forme et le volume, il faut placer très près ceux qui sont en platine, 1 L'évaporation plus grande du corps ou du liquide vitré, de celui qui possède le moins d'éther, indique que la cohésion et l'adhésion sont le produit de l'éther même ou de ses mouvements, et non d'une force appartenant aux molécules pondérables. Plus les segments libres des molécules de la périphérie seront étendus et plus le rayonnement sera facile; en effet, c'est des pointes les plus aiguës, de celles qui présentent les molécules qui ont le moins de réactions intérieures , que l'électri- cilé s'échappa avec le plus de facilité. Ces faits si vulgaires concordent avec tout ce que nous connaissons des autres actions physiques ou chimiques. 48 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. moins près ceux qui sont en or; on éloigne plus encore ceux qui sont en zinc, bien plus encore les masses de mercure, d’eau, etc. 96. C’est cette propagation à distance, au moyen du transport des mo- lécules pondérables d’un corps à l'autre, que l'on a nommée rayonnement électrique (rayonnement éthérique) *. 97. Si le milieu ambiant ne possède aucune conductibilité, comme l'air parfaitementsec, chacune des molécules voisines agit comme corps indépen- dant ; elle est attirée par le corps électrisé, elle se met en équilibre avec lui, puis, étant plus attirée par les autres molécules encore à l’état neutre, elle s’en rapproche en s’éloignant du corps électrisé, ce qui simule unerépulsion. 98. Si le milieu possède quelque conduction, la décharge du corps électrisé se fait plus rapidement; le rayonnement ayant lieu en partie par l'air humide, les corps en présence perdent moins alors de leur propre substance. Enfin, si le milieu est bon conducteur, l'équilibre se rétablit par la propagation électrique dans l'intérieur du corps et non par le détache- ment des molécules. 99. Lorsque l’altération dans l'équilibre ne provient pas d’une quan- tité d’éther ajoutée ou retranchée, mais du changement dans les mouve- ments des sphères, il se manifeste deux ordres de phénomènes que lon considère séparément. 100. Si l’action extérieure augmente l'intensité des mouvements con- _cordants, les molécules se rapprochent, et le volume se contracte; si cette action augmente l'intensité des mouvements discordants ou affaiblit les mouvements concordants, les molécules s’éloignent et le volume se dilate; mais ces effets n’appartenant pas à l’ordre des phénomènes que nous avons considérés dans ce résumé, nous n'avons pas à en suivre les conséquences. ! On a souvent remarqué que la fumée des cheminées s’abattait au lieu de monter, dans les temps les plus favorables à son ascension. Le capitaine Parry cite deux observations de ce genre; nous les avons rapportées dans notre Mémoire sur la cause des variations barométriques, publié dans le t. XVIII des Mémoires de l'Académie de Belgique, ainsi que les expériences qui donnent l'explication de ce phénomène, M. Bravais a eu l'occasion de faire cette observation un grand nombre de fois, pendant son hivernage à Bossekop; nous avons pu la faire nous-même à Paris, pendant un temps froid et électrique. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 49 CINQUIÈME PARTIE. DE L'INDUCTION ÉLECTRIQUE. 101. La sphère périphérique d’un corps n’est point formée par une en- veloppe uniforme comme celle d’un atome; elle est formée d’abord de tous les segments de sphères atomiques et moléculaires qui y conservent leurs individualités, comme elles les conservent dans l’intérieur du corps, quelle que soit leur pénétration. De plus, comme corps, comme unité nou- velle, cette sphère générale possède des mouvements propres, indépen- dants de ceux des sphères partielles des éléments constituants, qui en forment un tout complet, une unité spéciale 1. 102. La sphère éthérée d’un corps s'étend au loin et pénètre celle des corps voisins : il résulte de cette pénétration que, lorsque l'équilibre nor- mal de l’un est altéré, l'équilibre de l’autre l’est instantanément. Si cette rupture d'équilibre consiste dans une différence en plus ou en moins dans la sphère qui enveloppe le corps, ou, comme on le dit, lorsqu'un corps pos- sède une électricité de tension en plus ou en moins (une hyperéthérie, ou une hypoéthérie), le corps voisin est altéré également dans la répartition éthé- 1 Les mouvements simultanés que reproduit chaque atome d'éther sont, pour nous, innom- brables, et nous ne pouvons les comprendre que par une abstraction mathématique. Quoique nos sens ne puissent saisir ces mouvements, ni notre intelligence les suivre, nous ne balançons pas à en accepter la réalité, en voyant tous les rayons lumineux traverser une lentille, converger vers un point et continuer ensuite leur route sans altération, en s'écartant les uns des autres : tous ayant propagé leurs mouvements dans le même instant, à travers ce point ou cette petite ligne qu'on nomme foyer. L'induction électrique est certainement la branche de la science de l'électricité la plus curieuse sous le rapport de la physique moléculaire, et elle est à l'égard des fluides spéciaux, ce que les inter- férences ont été à l'égard de la lumière émise. Elle ne peut s'accommoder de ces créations supplémentaires qui remplissent les corps d'agents simples ou doubles, n'ayant que des forces virtuelles et auxquelles il faut ajouter de nouvelles forces pour agir suivant le besoin des découvertes ultérieures. Tow. XIX. 7l 50 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. rée de sa sphère périphérique, le volume en est distribué dans un sens contraire à celle du corps influent. 105. On nomme induction statique cette influence stable, persis- tante, d’un corps sur un autre corps; influence qui distribue inégalement l'enveloppe éthérée des autres corps pendant tout le temps de la présence du corps influent !. 104. Si la rupture d'équilibre a lieu dans la quantité ou dans la distri- bution de l'éther d’un corps non isolé, cet équilibre se rétablit instantané- ment, en donnant au centre commun, ou à d’autres corps en contact, ce qui lui a été transmis surabondamment, ou en leur prenant ce qui lui a été retranché de sa quantité normale. C’est au moyen de cette propaga- tion éthérée, de ce courant électrique, que l'équilibre se rétablit. 105. Les trois modifications qu'un conducteur primaire éprouve lors de la fermeture du circuit, agissent sur tout conducteur voisin, en lui im- primant les mêmes modifications dans une direction opposée. ($S 64-68.) 106. A l'instant de la projection de l’éther sur-ajouté, il se forme une ! Nous n'avons que des notions fort incomplètes sur l'étendue de ces sphères; les influences électriques et magnétiques peuvent seules nous en donner une idée, sous le rapport physique, à de grandes distances ; comme l'influence de l'arête d'un corps sur un rayon lumineux nous l'a fait con- naître à de petites distances en produisant la diffraction ; ou bien , comme les influences cataly- tiques nous en donnent l'idée sous le rapport chimique. L'obscurité déjà si profonde de ces influences à distance, le devient plus encore lorsqu'on veut les rechercher entre les corps inorganiques et les corps organisés , et enfin entre les corps organisés eux-mêmes. En étudiant l'instinct des animaux inférieurs, on ne peut douter de cette influence des corps à distance, et même à des distances fort étendues. L'influence de l'électricité de tension est celle que l’on connaît depuis l’origine de cette science, et dont la cause immédiate n’en est pas moins restée obscure. M. Faraday, 15° série, pense que, dans l'air, cette influence se communique par une suite de pénétrations des sphères électriques de l'air interposé entre les deux corps, que ce n’est pas la sphère même du corps qui s'étend jusqu'au corps voisin. Lorsqu'on fait le vide, on retire le corps isolant qui séparait les sphères des corps mêmes, ces sphères s'étendent alors, se pénètrent et produisent immédiatement l'une sur l'autre l'effet d'influence qui avait lieu auparavant au moyen des influences partielles de l'air. Ces vues, quoique appuyées d'expériences ingénieuses, nous paraissent contestables, et nous pensons que les deux ordres d'influences ont lieu en même temps, celle provenant de la pénétration des corps éloï- gnés et celle provenant de l'induction successive des molécules d'air : les corps comme les molé- cules ayant leurs sphères propres très-étendues, agissent pour leur propre compte sur les autres corps, comme les molécules agissent entre elles sur les molécules voisines. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. > condensation en avant dans chaque molécule du conducteur; cette portion condensée, par son influence statique, repousse en arrière dans les atomes des corps voisins une portion d’éther équivalente à son influence. Dans l’un comme dans l'autre conducteur, une partie de la portion projetée en avant dépasse la limite de leur atome respectif et pénètre dans les sphè- res ultérieures; elle se propage le long du circuit fermé, et revient au point de départ rétablir l'équilibre. 107. C'est cette perturbation secondaire, c’est cette inégale distribu- tion de l’éther des sphères moléculaires que les corps conducteurs éprou- vent et font éprouver aux corps voisins, ainsi que le courant qui résulte de cette équilibration en avant, courant qui polarise les zones méridiennes en ondulant le long des séries moléculaires, c’est ce phénomène complexe d'influence statique et d’altération de mouvements, qu’on nomme induction dynamique. ‘ 108. Dans un courant électrique, il y a donc trois phénomènes qu'il faut soigneusement distinguer. Le premier est la propagation d’une quan- tité d’éther à travers un conducteur, ce qui ajoute un mouvement nouveau à ceux auxquels les sphères moléculaires sont déjà soumises. Le second est la nouvelle distribution statique de l’éther dans chacune des sphères moléculaires. Le troisième est la polarité forcée des mouvements oscilla- toires des zones. Ces trois ordres distincts qui concourent au résultat général, ayant été méconnus, on a désigné par le nom commun d’induc- tion dynamique les effets simultanés qui en dérivent, dont l’un appartient au mouvement électrique, l'autre à la distribution statique de l'électricité proprement dite de chacun des atomes : et le troisième, enfin, au plan nouveau de polarité des oscillations zonaires. 109. De ce phénomène complexe qui constitue le courant électrique, ressortent deux ordres de faits qu’on obtient séparément, et qui en don- nent un troisième plus complexe par leur réunion. 110. Le premier ordre se manifeste en mettant en présence deux por- tions mobiles de deux circuits fermés, traversés l’un et l'autre par un courant. 111. Siles deux courants marchent dans le même sens, leurs mouve- 52 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. ments semblables jouissent alors du pouvoir des mouvements concor- dants; ils s’attirent et se pénètrent jusqu’à ce qu'il y ait contact entre les conducteurs. Si les courants marchent en sens inverse l’un de l’autre, la discordance de leurs mouvements produit la répulsion, et par suite les conducteurs s’éloignent. 112. Tous les effets dynamiques produits par l'influence des courants les uns sur les autres, dérivent de l'attraction des mouvements semblables qui tendent, par leur pénétration, à se placer dans un parallélisme par- fait et dans la plus grande intimité possible 1. 115. Le second ordre de phénomènes est le produit de l’inégale dis- tribution de l’éther dans les sphères moléculaires et le mouvement de propagation d’une portion de cet éther ($ 107) qui constitue l'induction dynamique ?. 1 L’attraction entre deux courants concordants n’est que le résultat de la différence entre l'attrac- tion pure des courants et la répulsion de l'induction statique de chaque conducteur. Chacun d'eux a ses condensations en avant, dans le sens du courant résineux, et ses dilatations en arrière. Cette similitude dans l'état statique des molécules est une cause de répulsion qui est primée par celle de l'attraction des courants entre eux. Si l'un des conducteurs cesse d’être traversé par le courant, la distribution statique de l'éther de ses molécules est de suite renversée, la partie dilatée répond à la partie condensée du conducteur qui a conservé son courant, et la partie condensée répond à la partie dilatée. ? M. Faraday a, depuis longtemps, cherché à ramener l'induction dynamique à l'induction sta- tique, principalement dans la 15° série de ses Recherches ; depuis, MM. Masson et Breguet (Ann. ch. ph., 5° série, t. IV) ont émis la même idée; mais aucun de ces savants n’a suffisamment analysé le phénomène, pour que cette idée, énoncée en termes généraux, puisse être admise comme une démonstration, et de plus, ils sont partis de l'idée que l'électricité est une substance spéciale. Une expérience curieuse de M. Dove prouve cette inégale distribution de l'éther moléculaire et de l'in- duction qu'elle produit sur les corps voisins. Ce savant physicien plaça une hélice dans le cireuit qui devait servir à la décharge d'une bouteille de Leyde; ensuite, au moyen de deux autres conduc- teurs, attachés à des points différents du conducteur primaire, il chercha à recevoir les commotions d'un courant dérivé. Lorsque les points d'attache comprenaient entre eux l'hélice du circuit pri- maire, il y avait des commolions ressenties; mais lorsque les points d'attache ne renfermaient pas l'hélice, qu'ils comprenaient un are de cercle au dehors de l'hélice, il n'y avait plus de com- motions perçues. Il ressort de là que la commotion n'était pas dépendante d'une portion dérivée du courant primitif de la bouteille de Leyde, puisque les conducteurs dérivés étaient dans les deux cas attachés à deux points distants du conducteur primaire, mais qu'elle était produite par un mouvement spécial dépendant de l'influence des spires les unes sur les autres ; enfin, que cha- cune des spires était induite par les autres spires. (Ann. ch.-phy., 1842, 1. IV, p. 556 et suiv., et Arch. de l'électric., 1842, &. II, p. 354.) # SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. : © 114. L'induction statique et l'induction dynamique proviennent donc pri- mitivement du même ordre de phénomènes; le fait principal qui les différencie, c'est que la première consiste dans la surcharge ou la sous- charge éthérée d’un corps, ou dans la distribution inégale de son éther normal, inégalité qui agit sur les autres corps en y occasionnant une nouvelle distribution de leur éther, distribution de totalité de masse qui a lieu en sens contraire de celle du corps influent, et reste maintenue im- mobile sous cette influence. Dans l'induction dynamique, au contraire, la distribution éthérée n’est point un effet de totalité; elle y est parcellée, chacune des sphères moléculaires a son inégale distribution. Il en résulte que son influence statique y est moléculaire comme sa cause; le déplacement éthéré, ou la projection primitive que produit cette influence n'ayant point lieu sur un corps isolé, mais sur une des individua- liés qui constituent le corps, cette projection peut alors se propager d’une molécule à l'autre et ne produire son équilibration qu'après une propa- gation en avant, dans un circuit fermé, qui ramène au point de départ le surcroît projeté, et avoir ainsi constitué par son passage des phénomènes de mouvements inconnus à la première induction !. 115. Les mouvements concordants ou discordants des courants mani- ! Le corps induit, ne donnant aucun signe de son induction entre l'instant de la fermeture et celui de l'ouverture du circuit primaire, prouve que cet état n’est qu'un équilibre nouveau qu'il a pris au moment de la fermeture du circuit primaire, et qu'il abandonne au moment de sa rupture. Le magnétisme produit par induction ayant la même permanence que celle du courant induc- teur, et, d'autre part, un barreau aimanté produisant des courants induits instantanés, comme ceux qui doivent leur naissance aux courants électriques, ces faits, suivant nous, disposent à consi- dérer le magnétisme comme étant le résultat de courants éthérés autour des particules de fer et non comme étant le résultat d’une simple tension statique. Nous disons des particules de fer et non des atomes, parce que nous pensons qu'il ne peut y avoir d'induetion primaire que lorsqu'il y a un passage d'un atome à un autre atome, et non lorsqu'il y a une circulation régulière autour de chacun d'eux. Dans ce dernier cas, il ne peut y avoir d'inégalité statique dans la distribution de l'éther, puisqu'il n'y a aucune résistance à vaincre, Nous entendons par particules de fer, des agelomérations d'atomes homogènes, de véritables unités nouvelles formées par des individualités atomiques, comme cela a lieu entre les substances hétérogènes. Les corps simples sont formés de particules à éléments homogènes, comme les sels sont formés de particules à éléments hétérogènes. L'action du magnétisme sur le fer est semblable à celle d'un courant électrique; son effet dure autant que sa présence. d4 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. festent leur action par les rotations imprimées aux aimants mobiles qu'on leur soumet, ou par des rotations imprimées aux conducteurs eux- mêmes s'ils sont mobiles, lorsqu'on les soumet à l'influence d’un aimant. 116. Les courants n'étant que le passage plus ou moins prolongé des quantités d’éther et ayant des influences différentes à leur origine et à leur fin, on doit les diviser en deux espèces suivant le temps qui sépare leur origine de leur fin; la première est celle des décharges instantanées qui ne permettent pas de distinguer les effets de l’origine de ceux de la fin. La seconde est celle des décharges prolongées qui permettent à nos instruments de manifester séparément ces deux effets. 117. La décharge de la bouteille de Leyde à travers un conducteur par- fait est instantanée; elle est le type de la première espèce. 118. L'action chimique reproduisant sans cesse dans les piles de nou- velles quantités d'électricité, produit conséquemment une continuité d'écoulement électrique qui sépare nettement l'influence de l’origine de l'influence de la fin de la décharge totale ?. 119. Donc, tout courant inducteur agit deux fois sur lui-même, l’une au moment que l’on ferme le circuit, l’autre au moment qu’on l’ouvre: les effets de ces deux actions sont en sens contraire; au moment que l’on ferme le circuit, le courant induit dans le conducteur même, marche comme le courant de la source motrice; au moment de la rupture du cir- cuit, le courant induit du conducteur marche dans un sens contraire à celui de la force motrice. 120. Il en résulte que l'influence du courant inducteur sur les corps voisins est double, et que les effets qu’elle y produit sont en sens inverses de ceux subis par l’inducteur. Le premier de ces effets, au moment de la fermeture du circuit, est une propagation éthérée en arrière, en opposi- tion à celle qui a lieu dans le circuit primaire; le courant secondaire se propage donc dans une direction contraire à celle du courant voltaïque et du premier courant induit. Le deuxième effet est une projection en avant ! La décharge instantanée d'une bouteille de Leyde ne fait pas dévier l'aiguille aimantée; tandis que la même décharge à travers un tube de verre rempli d’eau étant retardée dans son écoulement total, l'inertie du système a le temps d'être vaineue, et l'aiguille dévie. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. DD au moment de la rupture du circuit, au moment que toutes les condensa- tions antérieures du circuit primaire rétrogradent pour s’équilibrer. Cette seconde projection produit alors un courant se dirigeant dans le même sens que celui du courant voltaique inducteur f. 121. Si les deux courants induits sont égaux et presque instantanés, ils se détruisent, et nul effet n’est manifesté au dehors; si l'un est plus énergique que l’autre, l'effet persistant est le produit de la différence d'action. 122. Plusieurs causes secondaires provenant du mode de l’électrisa- tion, de l’intensité du courant et du temps de l'écoulement, produisent des différences considérables dans l’action inductive. 125. Si le courant primaire a peu d'intensité ?, c’est-à-dire, s’il oppose peu de résistance à la neutralisation en arrière, sa puissance de projec- tion en avant est faible et ne peut produire qu’une légère inégalité dans la distribution de l’éther moléculaire au moment de la fermeture du cir- cuit. 124. Si le circuit induit est court, l'intensité du courant secondaire sera aussi faible en ouvrant qu’en fermant le circuit primaire. 195. Si le circuit induit est long, s’il fait un grand nombre de circon- volutions autour d’un conducteur primaire peu étendu, le courant secon- 1 On reconnaît dans beaucoup de cas les deux temps dont il est ici question , par leur influence successive sur l'aiguille aimantée. Un léger mouvement paraît d'abord l'entrainer dans un sens, lorsqu'une brusque secousse la repousse dans l'autre. (Voyez les Mém. de M. Henry, $ 79.) M. Riess a trouvé que le voisinage d’un conducteur secondaire fermé altérait l'effet du cireuit primaire sur son propre conducteur, et qu'avec des longueurs appropriées du fil primaire et du fil secondaire, la température du premier, sous une même décharge, pouvait être réduite au quart de ce qu'elle était lorsqu'on ouvrait le fil secondaire fermé. Il a également démontré que l'augmentation ou la diminution de ces réactions inductives suit le rapport des conduetions des deux cireuits. ({ Annal. der Phys., t. LI, page 177. Archives de l'élect., &. V., p: 555. Voyez aussi la 9° série de M. Faraday, $ 1084-1103; les premiers Mémoires de M. Henry dansles Transactions de la Soc. Phil. Améri- caine, etc.) 2 Par intensité du courant, nous entendons la résistance qu'offre l'électromoteur (l'éthérocine) à la neutralisation électrique, résistance qui oblige l'onde électrique à traverser le conducteur qui ferme le circuit. (Voyez mon Mémoire sur les mots quantité et intensité électrique, dans les Annales de chimie et de physique, 1856, t. LXIIT, p. 245.) 26 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. daire sera plus intense au moment de l'ouverture du circuit primaire qu'au moment de sa fermeture. 126. En conservant les dispositions précédentes, si on augmente le nombre des couples de la pile, l'induction en fermant croîtra comme le nombre des couples ajoutés, tandis que l'induction en ouvrant restera stationnaire : d’où l’on conclut que c’est la tension statique, croissant avec la rapidité de la projection dans chaque sphère moléculaire, qui produit l'induction sur les corps voisins !. 127. Lorsque le conducteur primaire est long et résistant, et que l’é- lectromoteur est faible, la projection n'étant ni vive, ni instantanée, la tension statique en avant des sphères moléculaires est faible ainsi que son action inductive en fermant le circuit 2. 128. En ouvrant le circuit, au contraire, toutes les réactions molécu- laires se faisant à la fois, l’action inductive finale est produite instantané- ment, et avec une énergie dépendante du nombre des molécules réagis- santes, quel qu'ait été l’état de la propagation du courant primaire 5. 1 Lorsqu'on augmente le nombre des couples de la pile, l'action inductive s'accroît dans la même proportion, tandis qu’elle reste la même en ouvrant. On arrive à un maximum d'effet lors- que la résistance de la pile augmente dans le même rapport que diminue sa conduction électrique. En ajoutant de nouveaux couples, la diminution de sa conduction croît plus vite que la résistance, et la quantité d'électricité qui traverse le circuit devient moindre. ? Lorsque l'instrument mesureur n'obéit pas instantanément à l'action inductive, lorsque le temps est un élément nécessaire pour vaincre son inertie matérielle, il est impropre à la mesure des brusques décharges; tel est le rhéomètre où multiplicateur. Il en est tout autrement de l'aiman- tation et des commotions physiologiques ; elles sont le produit du choc instantané, la durée n'y ajoutant rien. 5 A l'ouverture du cireuit, au moment que toutes les condensations maintenues en avant par le courant sont rendues à leur liberté, toutes se projettent individuellement en arrière vers la partie dilatée de leur propre sphère éthérée, en raison de leur grandeélasticité qui rétablit l'équilibre. Par la vitesse acquise par ce mouvement de rétrogradation, l'onde éthérée dépasse le point d'équilibre, comme elle avait dépassé le point du nouvel équilibre au moment de la fermeture du circuit. C’est ce passage d'une sphère à l'autre par vitesse acquise qui donne un courant inverse à celui de la fermeture du circuit, et son intensité dépend de la somme de toutes les impulsions indivi- duelles qui proviennent d'un long conducteur. La quantité du courant, au contraire , dépend du nombre des molécules ébranlées dans la section du fil. Ainsi de deux fils d'égale longueur, si l'un pèse le double de l'autre, la quantité électrique sera double, tandis que son intensité sera la inême. Si ce fil, au contraire, a la même section , mais une longueur double, la quantité d'électricité SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 57 129. Il résulte de tout ce qui précède, que l'induction est d'autant plus forte au moment de la fermeture du cireuit, que l'intensité du cou- rant primaire est plus grande et que la propagation électrique et la dé- charge complète le long du circuit fermé sont plus instantanées. 150. IL résulte également que la vitesse, croissant avec la force de pro- jection, si cette dernière est très-vive, la masse éthérée qui dépasse les li- mites de chacune des sphères, forme un courant ou un choc, proportion- nellement plus intense, plus énergique, que ne peut détruire celui qui est produit en retour. Dans ce cas, les commotions, la décomposition de l’eau, laimantation de l’acier trempé, témoignent en faveur du courant direct. 151. Si, au contraire, la tension primitive n’est pas très-forte, et si le passage électrique à travers le conducteur n’est pas suffisamment brusque, s’il a quelque durée, l’action inductive du courant inverse l’emportant alors par l'énergie que lui donne son instantanéité générale, le résultat dé- finitif sera la conséquence de la suprématie de ce dernier courant, et rien ne restera du premier produit. Donc, suivant l'énergie de la tension et sui- vant son instantanéité, le courant primaire produira un effet secondaire, semblable ou dissemblable au sens de sa propagation !. SIXIÈME PARTIE. DU MAGNÉTISME PRODUIT PAR L'INDUCTION ÉLECTRIQUE. 152. Parmi les corps que les courants électriques induisent en pola- risant leurs mouvements cohésifs, il en est trois, le fer, le nickel et le co- n'augmentera pas, mais ce sera l'éntensité qui doublera. On peut diminuer l'intensité d’une in- duction sans diminuer la quantité, en interposant un écran conducteur entre le corps inducteur et le corps induit. (Voyez mon Mémoire dans les Annales de chim. et phys., 1836, t. LXHT, et ceux de Henry, das les Transac. amer. phil. soc., vol. VIE, $ 41-46, etc.) ! En suivant ainsi l'analyse des résultats que donne la décharge d’une tension statique, en To: XIX: 8 d8 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. balt, chez lesquels l'amplitude des mouvements polarisés est suffisamment intense, pour induire secondairement et avec énergie les! corps voisins, Cette puissante induction secondaire, disposant parallèlement à ses pro- pres mouvements ceux de ces corps, détermine une attraction récipro- que qui se manifeste par l'adhésion. Un conducteur en action se charge de limaille de fer qu'il abandonne aussitôt que le courant cesse. 155. C’est l'énergie des mouvements polarisés de ces substances que l'on nomme puissance magnétique ; c'est leur polarisation par un’ courant électriqué ou par d’autres moyens; que l’on nomme magnétisme; enfin lactée qui les dispose ainsi en une polarité communé'se nomme aimantation ". tenant compte de l'instantanéité de son écoulement ou de sa durée, les expériences inexpliquées de M. Savary ( Ann: chim. et phys., t. WT, p. à) perdent de leur étrangeté;!elles rentrent dans le résultat définitif que produit la différence de deux forces qui agissent successivement en sens con- traire, l'une à l'origine, l’autre à la cessation de la décharge. À ces conséquences de l'induction générale, il faut joindre celles qui sont spéciales à Ja haute tension de la décharge d'une bouteille de Leyde trayersant un conducteur insuffisant. Au moment de cette décharge, l'enveloppe électri- que.du conducteur est beaucoup plus étendue que celle d'un courant voltaique, elle s'étend au loin, et deux zones très-rapprochées et très-minces diffèrent peu par le degré d'influence qu'elles éprou- vent. Les aiguilles d'acier, très-rapprochées du conducteur, éprouvent sur leurs segments inférieur et supérieur une action presque identique, action double, qui tend à leur donner deux magnétismes contraires qui se détruisent, ou qui ne laissent pour résultat que le faible produit de leur différence. La réaction finale vient ensuite détruire inégalement ce premier résultat; elle imprime une puissance magnétique en sens contraire du courant primaire. Ainsi, selon la distance de l'aiguille, la tension de la décharge, son instantanéité, selon la rapidité du mouvement de la main pour ap- procher le bouton du conducteur, la forme et le poli des boutons en regard, les décharges diffère- ront en instantanéité et en écoulement complet. Il y aura dès lors une inégalité d'action sur les côtés opposés des aiguilles d'acier; enfin si la puissance de réaction finale est très-grande , l'effet définitif sera une aimantation très-variable dont le sens et l'intensité magnétique dépendront de la suprématie de l'une des ces actions. Nous pensons aussi que l'air joue un rôle dans ce phéno- mène ; que, suivant sa sécheresse ou son humidité, l'induction de ses propres molécules s'en mo- difient, et que ces molécules réagissent à leur tour sur les corps qu'elles enveloppent ; ce qui ajoute une nouvelle complexité à ce phénomène déjà si compliqué. Ces expériences ne produisent jamais qu'un magnétisme bien inférieur à celui qui correspond à l'énergie de la décharge ; parce que le résultat n’est qu'une différence finale et non la quantité primitive. 1 Nous répétons que trois phénomènes s'accomplissent pendant la propagation de l’éther à travers les corps : 4° inégalité statique de l'éther atomique; 2° mouvement nouveau imprimé à cet éther par l’arrivée, l'incorporation dans chaque sphère et le départ de la quantité sur-ajoutée ; 3° altéra- tion dans les mouvements des zones cohésives, en leur donnant une direction unique, en les polarisant. Le premier phénomène produit le courant instantané d'induction, dans tous les conducteurs, au SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. D9 154. Lorsque l’on soumet un disque de fer doux suspendu, à l’induc- tion d’un courant, les mouvements moléculaires, résistant également en tous sens, se polarisent dans le sens même du courant, sans que le disque éprouve aucun mouvement d'ensemble. Deux axes rectangulaires de natu- res diverses, sont le produit de cette induction. L'un est parallèle aux sé- ries linéaires des condensations et des dilatations successives; l’autre, perpen- diculaire au premier, est la ligne qui passe par tous les points de jonction des segments moléculaires condensés et dilatés. C’est la ligne qui passe par ces points de jonction que l’on a nommée axe magnétique. L'autre axe, étant resté inconnu, n'a pas reçu de nom. 155. Au lieu d’un disque, si l’on prend un rectangle en fer doux, les diamètres n'étant plus égaux, la résistance à la polarité sera plus grande dans le sens du grand axe que dans le sens du petit. Si le rectangle est li- brement suspendu, il obéira à l'impulsion donnée dans le sens des moin- dres résistances, etse placera en croix avec le courant. L’axe innommé des condensations et des dilatations se créera spontanément dans le sens du petit diamètre; et l’axe des points de jonction, celui que l’on nomme axe magnétique, sera abandonné au grand diamètre du rectangle 1. 156. L’obéissance à l'influence du courant inducteur sera d'autant plus moment où la projection qui établit l'inégalité de partage fait passer d’une sphère à l’autre une portion de cet éther condensé. Le second produit des attractions réciproques entre des courants ayant même direction. Le troisième phénomène est celui qui altère les mouvements cohésifs dans les corps en les po- larisant; cette altération en diminue la ténacité ( Wertheim, Ann. chim. phys., 5° série). En agissant sur les corps voisins en fer, cette polarité leur fait partager sa similitude de mouvements, et ces mouvements ainsi coordonnés s'attirent; les corps se rapprochent et adhèrent. On nomme magné- tisme cette puissance d'énergie coordonnée dans les oscillations méridiennes de ces substances. 1 La stabilité du disque et l'instabilité d'un rectangle prouvent que le déplacement des portions d'éther, qui constituent les condensations de chacune des sphères moléculaires, se fait plus faci- lement dans le sens du moindre diamètre, dans la ligne la plus courte qui aboutit aux surfaces libres et sans résistances ; nouvelle preuve de l'individualité des sphères atomiques, et de leur résis- tance propre. À En suivant le sens de direction du courant éthéré (du courant résineux ou hyperéthéré) dont tous les segménts condensés sont en avant et les segments dilatés en arrière, on trouve que l'état statique induit, dans un barreau de fer doux, placé en croix sous un courant résineux (hyper- éthéré) qui se propage de gauche à droite, que ce barreau, disononome, a tous ses segments con- 60 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. facile, et le résultat plus complet, que les molécules du fer auront plus d'indépendance sans cesser d’être adhésives; c’est pourquoi l'intensité magnétique du fer croît avec sa pureté et l'élévation de la température, Dans ce dernier cas, l'augmentation a son maximum au rouge sombre ; au delà, leur solidarité se détruit, et tout signe magnétique disparaît. (Ed. Becquerel.) 157. Le magnétisme est transitoire, s’il n’a de durée que celle de lin- duction; il est permanent ou fixe, s’il persiste après la cessation de la force inductive. 158. Pour rendre permanent l’état transitoire du magnétisme, il faut opposer une résistance au retour des mouvements éthérés; on obtient ce résultat en rapprochant contre nature les atomes par la percussion ou la torsion, ou en interposant des substances étrangères entre les molécules du fer, comme du carbone ou de la silice, et surtout par la trempe qui altère considérablement l’affinité réciproque des molécules. SEPTIÈME PARTIE. DE L'INDUCTION MAGNÉTIQUE. 159. L'action manifestée sur les corps voisins, ou l'induction, n'est pas produite par les seuls courants électriques; le magnétisme en produit de semblables. Un aimant fait naître un courant instantané, lorsqu'on l'approche d’un conducteur fermé, comme le fait un courant électrique. Ce courant induit se propage dans un sens qui est opposé à celui qu'in- densés à gauche de l'observateur et tous ses segments dilatés à droite, si l'on se place de manière à ce que le pôle boréal du barreau soit en avant, et le pôle austral en arrière, c'est-à-dire, le premier le plus éloigné de l'observateur, le second le plus rapproché. SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. GI dique la position des pôles du barreau aimanté ; il se propage de ma- nière à avoir le pôle boréal à gauche du courant résineux, et le pôle austral à droite du courant vitré. En éloignant l’aimant, un effet contraire se développe, le courant induit se propage en sens inverse du premier; il a le pôle boréal à droite du courant résineux (hyperéthéré), et le pôle austral à gauche du courant vitré (hypoéthéré) !, 140. Le barreau inducteur, de même que le courant inducteur, ne donne rien, ne cède rien au corps induit; il conserve tout ce qui lui est propre, et il n’agit que par son influence statique et dynamique particu- laire. Il projette en arrière une partie de l’éther de chacune des molécules du conducteur; une portion de cet éther se propage d’une sphère à l’autre et produit dans le circuit fermé un courant instantané, qui n'existe qu’au moment de la transformation de l'équilibre ancien au nouvel équilibre, que maintient l'influence magnétique. 141. L'induction magnétique ne paraît produire, dans la plupart des mé- taux, que l'induction dynamique; mais dans le fer, le nickel et le cobalt, à cette induction se joint la polarité de zones cohésives au degré nécessaire, pour rendre magnétiques les molécules induites secondairement. L'approche d’un aimant rend donc ces corps aimants transitoires par son influence. 142. Le fer ne conserve le magnétisme d'influence que lorsque l’on a fait perdre à ses molécules leur liberté de retour par des chocs ou par la torsion, ou lorsque leur liberté de mouvement polaire a été rendue diff- cile par l’interposition du carbone ou de la trempe. Pour le rendre alors magnétique, il faut user un grand nombre de fois de cette action d’induc- tion par une série de frictions. 1 En classant les phénomènes d'après leur manifestation apparente , on trouve que l'influence du magnétisme est de deux sortes : la première est l'induction électrique, qu'il produit dans les corps woïsins et qui se dévoile par un courant, si le cireuilest fermé ; la deuxième est l'attraction des molé- eules de fer, de nickel et de cobalt. Le premier effet est tout à fait semblable à celui que produit un courant électrique; toutes les sphères moléculaires des corps induits ont leur éther inégalement distribué : le segment antérieur est condensé, le segment postérieur est dilaté. Le second effet est le produit de la similitude des courants moléculaires que développe le magnétisme danses autres corps magnétiques et persistant autant que son influence dure, SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. (=?) 19 145. Le courant, suivant son instantanéité, détermine sur la coercition du magnétisme le double effet indiqué dans les paragraphes 116-118 sur l'induction électrique. Si la décharge électrique est celle d’une bouteille de Leyde, si elle a été instantanée à travers un parfait conducteur, si létin- celle n’a eu qu’une durée inappréciable, l'effet définitif est nul, ou à peine sensible. Si cette même décharge a produit une étincelle allongée, soit par le temps que l’on a mis à rapprocher les deux extrémités du conducteur, soit par l’imparfaite conduction de ce dernier, la coercition produite ap- partient à la rupture du courant et non à la fermeture ; le sens du magné- tisme est direct, l'aiguille a son pôle austral à droite du courant négatif. Si la fermeture a été prompte, si la première tension a produit un courant énergique instantané, mais si la résistance du circuit a retardé les dernières parties de la décharge, l'effet du départ, l’emportant sur celui de la cessation, prédominera dans la coercition du magnétisme; l’aimantation affaiblie par la rupture sera le produit de la différence en faveur du courant de ferme- ture. Selon donc l’instantanéité complète de la décharge, selon l’instanta- néité du départ et la prolongation affaiblie de la rupture, selon la lenteur du contact et larapidité de la rupture, selon, enfin, la différence d'énergie du courant, soit de celui de fermeture, soit de celui d'ouverture, lerésultat définitif sera nul, ou dépendra du courant de fermeture ou de celui de la rupture, où n'indiquera que la différence des deux actions opposées. 144. Lorsque le fer doux est devenu magnétique sous l'influence d’un courant, il est toujours attiré, comme le sont les conducteurs traversés par des courants se propageant dans le même sens. 145. On prouve ce fait en plaçant une aiguille aimantée dans le même sens qu'elle aurait pris sous l'influence du courant; elle est alors attirée, et se précipite sur le conducteur. Si l'aiguille est placée en sens inverse et qu’elle soit très-mobile, elle exécute sur-le-champ un mouvement révo- lutif, se place dans le sens propre au courant et se précipite sur lui; si sa suspension ne permet pas ce mouvement révolutif, elle est repoussée et se tient éloignée du conducteur. 146. L'action inductive du magnétisme croit avec l’étendue de la sur- face aimantée; ainsi, un aimant composé de 50 fils d’acier trempé, produit SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 63 une induction plus puissante que celle d’un barreau du même poids que les 50 fils. 147. Il en est de même de la réaction de l’électro-magnet, c’est-à-dire du fer doux devenu aimant sous l'influence d’un courant ; elle est plus puissante lorsqu'il est composé de fils isolés, que lorsqu'il est formé d’un cylindre unique. 148. En réduisant la masse de fer en fils isolés, ou en la rendant con- ductrice médiocre, comme elle le devient à l’état de fonte ou d'acier trempé, la tension physiologique s'accroît dans le rapport de l’individuali- sation des molécules de fer, tandis que la quantité reste la même 1. 149. Ces différences dans l'intensité magnétique, proviennent de la li- berté d’action des mouvements qui ont lieu dans les segments libres des sphères de la périphérie. Ces mouvements libres ne sont pas contre-balan- cés par les réactions des mouvements semblables et opposés, comme ils existent entre les molécules rapprochées de l’intérieur. Plus la surface est étendue, plus il y a de cette influence libre qui agit au dehors. 150. Le globe terrestre étant un corps magnétique dont le pôle boréal est vers son axe nord, les molécules des roches qui le composent, ou au moins les molécules de quelques-unes d’entre elles, sont dans un état de distribution statique permanente, ayant leurs segments condensés tour- nés vers l’ouest, et leurs segments dilatés, vers l’est. 151. La cause de cette distribution éthérée nous paraît provenir du 4 L'interposition des substances inconductrices qui transforment le fer en fonte ou en acier, donne plus d'individualité à chaque molécule; elle augmente par cet isolement la puissance de réac- tion moléculaire, puisque tout le déplacement s'est opéré et maintenu dans chaque sphère éthérée, sans qu'aucun écoulement en ait diminué la quantité. Pour connaître toutes les circonstances de l'induction, il faut consulter les nombreux mémoires qui ont été publiés sur ce sujet, et principalement ceux de MM. Faraday, Dove, Schœnbein, Riess, Masson, Breguet et autres physiciens. Nous ne rappellerons qu'un fait utile pour comprendre les énoncés précédents. Lorsqu'on induit une hélice faite autour d'un tube métallique fermé, les com motions sont nulles ou très-faibles; sile tube est ouvert, c'est-à-dire s'il est fendu dans sa longueur de manière à ne pas permettre de circulation électrique, les commotions du fil induit seront fortes. Si l'on mesurele produit d'induction par le rhéomètre, on trouve les quantités très-peu diffé- rentes. On voit dans ce fait la tension physiologique augmentée par l'inconductibilité du tube fendu , tandis que la quantité reste égale. 64 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. mouvement en sens contraire qu'exécutent le segment du soleil en regard du globe terrestre, d’une part, et le segment de la terre en regard du soleil de l’autre, puisque la rotation générale de ces deux astres se fait dans le même sens. Ces deux corps, comme tous les corps pondérables, étant à l'é- tat d'hyperéthéré ou de grande coercition éthérée, la similitude de ces états doit d’abord agir comme masse en repoussant respectivement leurs sphères éthérées, puis en agissant sur chaque individu moléculaire de ces corps. 152. Tout courant d'électricité atmosphérique, agissant sur cet état de distribution inégale dans les molécules terrestres, et sur l'aiguille aimantée, il en résultera, dans la position de cette dernière, des perturbations d’au- tant plus grandes, que ces courants seront plus intenses et plus rapprochés. 155. Le méridien magnétique est le produit de toutes les concordantes célestes, solaire et planétaires, et de la résistance des atomes du globe. Ce méridien peut donc varier, et par l’ensemble des positions séculaires des planètes, et par les altérations que peut éprouver le noyau central du globe terrestre. HUITIÈME PARTIE. DE L'INDUCTION ANIMALE, OÙ DES POISSONS ÉLECTRIQUES: 154. Il ressort des faits précédents qu'il suffit pour créer une induc- tion stalique où une induction dynamique, qu'il se produise une force nou- velle, dans lecorps même ou dans les corps voisins, capable de changer la distribution actuelle de l'éther périphérique pour le premier cas, ou de l’éther des molécules pour le second. 15. Pour que le phénomène statique se manifeste, il faut que la nou- velle distribution éthérée et périphérique altère celle des corps voisins; et pour que l'induction dynamique se manifeste, il faut que la projection éthé- SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 65 rée moléculaire se propage à travers un conducteur formant un circuit fermé. 156. Il y donc deux conditions nécessaires à la manifestation exté- rieure de ces altérations : c’est un appareil de coercition dans le premier cas et de conduction dans le second. 157. Donc, toute force, de quelque nature qu’elle soit, inorganique ou organique, qui pourra changer instantanément l’équilibre d'un corps, par le déplacement soudain d’une portion de l’éther total ou moléculaire, pro- duira une induction véritable, mais cette induction produite sera manifes- tée au dehors ou ne le sera pas, selon la nature du corps induit. 158. L'induction proprement dite doit donc se reproduire en nombre incommensurable, puisque tous les corps s’influencent les uns les autres, puisqu'il y a autant de phénomènes électriques qu'il ÿ a de molécules qui s’agrégent dans les corps, ou qui s’en détachent; mais sa manifestation au dehors est rare, attendu que la plupart des corps induits sont peu propres à transmettre le phénomène et à le rendre apparent. 159. Quelle que soit l'obscurité qui enveloppe les actes nerveux, sponta- nés ou volitoires, il n’en est pas moins hors de doute que leur puissance modifie les actions moléculaires; que l'absorption et la sécrétion sont dans leur dépendance, ainsi que les contractions volontaires et involontaires. 160. Les contractions prouvent que l'acte volitoire change les rapports des particules entre elles; qu’il les fait passer de la position linéaire à la posi- tion ondulée. Dans cet acte, il n’a point été nécessaire qu’il y eût une projec- tion éthérée d’une sphère à l’autre, il n’a fallu que créer un autre point de maximum dans les mouvements d’affinité, $ 13-14, et la liberté d’obéir au déplacement de cette force. C’est là l'acte ou l'induction volitoire; il pola- rise dans un sens les mouvements éthérés d’une moitié des éléments de la fibrille musculaire, et polarise dans un sens presque opposé les mouve- ments éthérés de l’autre moitié; de telle sorte que les globulins qui rem- plissent la gaîne de chaque fibrille, se placent alternativement les uns à droite, et les autres à gauche de la ligne médiane ou axe de la fibrille, et forment une ligne ondulée ?. 1 Le phénomène du déplacement des globulins, formant les fibrilles élémentaires des muscles, Tom. XIX. 9 66 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 161. Pour que l'influence nerveuse produise un phénomène électrique extérieur, il faut qu'il y ait, au lieu d’un simple changement dans le sens des mouvements d’affinité, une projection d’une portion de l’éther d’une sphère à l’autre, et que cette portion puisse sortir des organes et se pro- pager à travers les corps en contact médiat ou immédiat. 162. Parmi les animaux, on n’en a jusqu'ici constaté que trois es- pèces qui possèdent un organe propre à cette manifestation extérieure; ce sont la torpille, le gymnote et le silure. Cette manifestation extérieure est toujours de l’ordre des décharges de l'électricité statique. 165. L’organe de ces poissons est composé d’une infinité de capsules semblables, chacune recevant un filet nerveux provenant d’un tronc com- mun, soumis à la même détermination, à la même modification nerveuse. Cet organe humide, non isolant, ne donne aucun signe électrique ni avant, ni après l’acte volitoire; l'acte volitoire de l'animal, la modification qu’en reçoit chaque utricule, la manifestation électrique, sont trois phénomènes concomitants et instantanés. 164. L'énergie et l’instantanéité de l'acte volitoire déplacent et pro- jettent subitement, dans un sens déterminé, une portion de léther mo- léculaire de cet organe, comme l'énergie et l'instantanéité d’une décharge projettent subitement, dans un sens déterminé, une portion de l’éther moléculaire des corps conducteurs !, se complétant autour de chacun d'eux, il n’y a pas d'influence extérieure qui puisse être perçue avec nos instruments actuels. 1 L'influence nerveuse produit le phénomène électrique, comme elle produit celui de la contrac- tion ; dans l'un comme dans l'autre cas, l'acte volitoire, quelle qu’en soit la nature, agit sur la distribution de l'éther des sphères moléculaires et consécutivement sur le rapport des particules entre elles, rapport qui est toujours le résultat de l'influence éthérée. Lorsque les changements opérés dans ces rapports sont manifestés au dehors, ils portent différents noms, suivant l’ordre du phénomène apparent, phénomène qui dépend secondairement de l'organe modifié et de sa consti- tution intime. Dans les muscles, par exemple, les globules qui composent la fibrille élémentaire, ne sont pas tellement cohérents entreeux, qu'ils ne puissent s’écarter de leur position normale d'une quantité très-appréciable, sans rompre la solidarité qui les unit. Ce fait se constate parfaitement en observant au microscope la fibre élémentaire des animaux inférieurs qu'on fait périr par inanition. La lenteur de leurs dernières contractions permet de suivre les phases et les positions que prennent les globules dans cet acte physiologique. Les globules qui étaient d’abord alignés dans leur gaîne pendant le repos, se placent instantanément en zigzag, ce qui raccourcit nécessairement la SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 67 165. Dans l’un comme dans l’autre cas, le résultat est la conséquence du passage brusque, instantané, d’une quantité de l’éther, provenant de la somme de toutes les projections individuelles. Dans l’un comme dans l'autre cas, il y a diminution dans la quantité de l'éther du corps ou de l'organe, et pour l’un comme pour l'autre, il leur faut un renouvellement éthéré pour reproduire une nouvelle décharge. C’est une commotion sentie, si le corps humain en ferme le circuit, c’est un autre produit d'électricité dynamique, si on leur soumet des appareils conducteurs convenables. 166. Dans les corps inorganiques, le renouvellement se fait par des moyens inorganiques , friction, action chimique, etc. Dans les corps orga- nisés, le renouvellement se fait au détriment de la masse éthérée apparte- nant au système nerveux général, ce qui provoque un prompt épuisement dans l’animal. 167. Il faut distinguer avec soin ce qui différencie l'influx nerveux du phénomène électrique. Dans l'acte nerveux, la sphère éthérée est dépen- dante des molécules nerveuses, aucune portion ne peut se soustraire à cette influence ; leur solidarité reste complète, leur unité reste entière. Dans cet état, aucune portion des sphères éthérées nerveuses ne peut produire de phénomène électrique, qui est un phénomène de liberté et d'indépendance de l’éther. Mais ce même éther nerveux, s’il est détaché de cette solidarité, s’il devient indépendant des molécules pondérables, s’il peut se propager à travers les corps et se distribuer sur leur surface, il rentre dans la classe de tout éther libre, et il en reproduit tous les phénomènes. 168. Ce n’est point en effet l'influx nerveux qui constitue le phénomène électrique, puisque cet influx est arrêté par une ligature, ou par la section du nerf dont les bouts restent en contact, tandis que le phénomène élec- fibrille. Dans cet acte il n'y a pas eu de transport d'une nouvelle quantité d'éther, passant des nerfs aux muscles; il y a eu changement dans le lieu du maximum de 'aflinité, et ces maæima nou- véaux, au lieu de former une ligne droite comme dans la neutralité, forment une ligne ondulée. Au- une portion éthérée ne sortant de l'organe, aueun transport n'ayant lieu d'une sphère éthérée à l'autre, il n'y a pas de phénomène électrique, ce dernier n'existant, pour nous, que par la projec- tion d'une surabondance éthérée, se propageant d'une molécule à l'autre, ou par l'influence d’une inégale distribution périphérique. (Voyez notre Mémoire sur la structure des muscles, dans les An- nales des sciences naturelles, cahier de février 1838.) 68 SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. trique se propage sans difficulté à travers le nerf ligaturé ou les sections coupées en contact. 169. Puisque la cause de l’innervation n’est pas de l'électricité, elle agit donc par influence sur l'organe électrique, comme un barreau aimanté agit sur un conducteur métallique : elle induit cet organe, comme le bar- reau induit le fil de cuivre par sa seule influence et non par l'addition ac- tuelle de sa substance; elle projette dans une direction unique l’éther des sphères moléculaires des utricules de l'organe, comme le barreau projette celui du fil conducteur : elle en est la cause immédiate par son influence et non par sa substance. Ce n’est qu'après la perte de cette portion éthérée de l'organe, qu’un nouvel équilibre s'établit au détriment du système ner- veux et produit cet affaiblissement et cet anéantissement qu'on remarque dans ces animaux après chaque décharge !. 170. La torpille, le gymnote et le silure, donnant des commotions instantanées comme un fil induit, ne possédant rien avant, ne possédant rien après le moment de l'induction, démontrent que la constitution de leurs organes est favorable à la propagation, d'une molécule à l’autre, de la portion projetée en avant par l'influence nerveuse, soumise à la volonté de l'animal. Cette projection, la propagation qui en résulte, l'accumulation de toutes portions moléculaires déplacées en un faisceau commun, pro- duisent exactement les mêmes effets que les projections induites dans un fil métallique, la propagation de ces projections et leur direction commune ?. 1 Nous ne pouvons qu'indiquer ici, en général, la séparation qui différencie complétement l'in- flux nerveux de l'électricité produite; c’est en étudiant avec soin toutes les expériences de MM. de Humboldt, Gay-Lussac, Matteucci, Faraday, Linari , ete., etc., qu'on saisira mieux l'impossibilité de confondre ces deux ordres de phénomènes, quelle que soit leur connexité dans les effets physio- logiques. Il faut consulter principalement le Traité des phénomènes électro-physiologiques des ani- maux, de M. C. Matteucci, in-8°, 1844. ? Il n'y a pas, pour nous, d'autre cause des commotions électriques de ces animaux que celle qui dérive de l'influence inductive, c'est-à-dire, une nouvelle et brusque distribution de l'éther des sphères particulaires des deux corps, déterminée par la puissance d’un corps voisin, que ce corps soit un conducteur électrique, un barreau aimanté ou un filet nerveux. Toute altération dans un équilibre établi entre les molécules, produit son phénomène électrique (éthérique), puisqu'il ne peut s'opérer sans un mouvement quelconque dans l’éther interstitiel ; les phénomènes électriques sont donc aussi nombreux dans les corps vivants qu'il y a de molécules qui s'agrégent par l'absorp- SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRIQUES. 69 tion et de molécules qui se désagrégent par la sécrétion. Mais l'inégale distribution éthérée qui en est résultée un instant et qui constitue le phénomène électrique, n'étant en contact ni avec un corps isolé qui puisse la recueillir et la garder, ni avec un corps conducteur qui en permette la propagation , il n'y a pas de phénomène électrique (éthérique) manifesté au dehors. Ces moyens de conservation et de propagation n'existant pas pour chacune des particules formées ou modifiées, aussitôt que l'onde condensée a épuisé la force de projection qui l'a fait naître, elle réagit en arrière, et l'équilibre nouveau s'établit sans que le phénomène soit sorti de la sphère moléculaire. Pour qu'il y ait un phénomène électrique, il faut, nous le répétons, qu'il y ait coercition ou pro- pagation d'un surplus d'éther dans des appareils propres à se modifier ostensiblement sous cette in- fluence, sans cela le phénomène s'accomplit sans indication extérieure, et il est, pour nous, comme non avenu. En immergeant les extrémités d’un rhéomètre dans les tissus, ou en les mettant en contact avec les actions chimiques moléculaires, on peut obtenir des courants faibles qui ne proviennent que des atomes les plus rapprochés, $ 66. Dans l'expérience ingénieuse de M. Matteucei, celle qui con- siste à placer des jambes de grenouilles en pile, toutes dans le même sens, on obtient également un courant : dans ce dernier cas, pour qu'un courant soit perceptible, il faut que l'assimilation moléculaire se fasse dans un sens uniforme, ou au moins qu’une portion prédominante de ces assi- milations l'emporte sur le reste. S'il n’y a pas de prédominance, si toutes ces assimilations se font à peu près également en tous sens, on ne recueille aucun courant; c'est ce qu'on observe le plus souvent avec tous les autres organes : ce sont les muscles filamenteux des jambes de la grenouille qui donnent la prédominance la plus marquée à l'ensemble de leurs assimilations. L’extrême fai- blesse d’un courant obtenu au milieu des actions chimiques innombrables, opérées pendant toutes les assimilations et les désagrégations moléculaires qui ont lieu dans les corps vivants, prouve que la réaction en arrière, la neutralisation par rétrogradation , dans chacune des combinaisons, est plus facile que la propagation de l'onde électrique vers les conducteurs qu'on plonge dans les tissus. On n'obtient également qu'un courant insignifiant, lorsqu'on immerge les bouts d'un rhéomètre dans un mélange uniforme d'acide et d'alcali, au moment de leur combinaison , tandis qu'au moyen de dispositions particulières, cette même combinaison produit un courant considérable et fort énergique. Ce fait d'un courant perçu au milieu de phénomènes nombreux et divergents, se retrouve dans la cristallisation des sels et des métaux: on obtient souvent un courant, si la somme des arrange- ments polaires est plus grande dans un sens que dans les autres, ou bien en recevant seulement le mouvement électrique qui a lieu dans les parcelles en contact avec les conducteurs immergés. Il n’y a, pour nous, rien de spécial, ni d'organique dans ce courant de la grenouille ni d'aucun autre animal vivant ou récemment tué; il n'est qu'un effet de différence purement physique dans l'arrangement moléculaire ou dans la réception des ondes électriques des particules en contact avec les bouts du rhéomètre. À mesure que la mort s'étend sur les tissus des animaux tués, les actions chimiques organiques diminuent, et le courant cesse d'être perçu; il ne reprend une nouvelle indication qu'au moment où l'action chimique de la décomposition se fait sentir. FIN. D VV Samurai ni Para te wa RU LTOMMANE AO ANT AE ABS so inpsmbil noiudisib shrghadt-aiainoitbrobial si sam fatén. ip Ve pmagaer rc ja La 1 sosdhn ,supiusal snémonadd ol sutitagos iup 49 1ueteai au sil Het n° LE 4 Joubgon aqioo ae 9995 in QrébriEy a 39 üilliguses ol seaiuq iup à Lo 2 pat) hrfodb Rond ob eut à ER | pr sn sr eme ich Has ra tee) RS emo acnirh qe hr SR aepar "age fe a ea ms des SD éltosgfhias dou #51 do va ans et bnob D on ip .2ldiéletutiuno al a D pe Ja ,M ab CR NT i onoit notion Audi pb etre does heronrih born à sapin mA Re upationus.se, omoline eass nu each sed se svigle md iQ) i2 ,49 nnimobèriq #6 séqe ge 12 ateot ol tue : avoue ss aol HART ist 0h ho A au) hs 6m btE TE LIEU) pere = om ce rokseune ha ab admin syuie-tal sun D M1 enuiatniges etols où all rmasl +obrels el goreoobeant 122.4 sol ET gbuag » aa AS D Ven Er à ab yoilun de mate nou k RS PE Hier de a mr orties canaris made DS TÈ awepig aol eus agavig ao yp.raatsohuns gl se pixel bas Lah Re vituob(t (TN nu 85 TOI pra th 1 dent nero np Le Yasoiolez taçoité de op eff, cts of à RENE 84 D bb ét Ex st 0 pinbbienon tamibes mu tiuhorql: mriqininsrqies] joxes ar bilubit mea :e diainien b ensb Epson và Lecot : 5 pee] poisse 6 Sites 6 DRE ns agurss.2ah suunos af ie Témtbos no frs tusbdo no :xw68en 29 pe 2 sb ut | of ndtnaluos senvsses ag asidene saintes pertes dupe qua daxaqnl ee DE Si der manannt emtatonthqn hasninieiaonmersülhsane an ass buaiheties 14 miasigé- avt bin sBinouors d aasenb22nab supiee and lniteifanbqr after ‘4 tasses À rutte sugiiep-hrswurian sanodids ot sole rit ipn Mer À 1È atauf ant Bat ammmen om soluritanq ab hosqiunatienbna haine fhanoirse mio | 1 roupiitle Arret sen) oemine sfr anenit el aus bangie nous el aup étui À .suémotdhi Mpeme-1v-2 à san basaqes ou li-:miamg ot -aesag deièpon ee coqs térrianox Visé n6 em re cp fo: D SO Dee des on p pt 1055000 | Le bc ur, dû Lafreci 2914486 ut 00 6 nenveccr % sr ain féasnige, Soit s Apnée dre et og s tunique) 1 t%e D. LE dass Léger dnirpart he hit che lopéteee vrai qu'é ide année ce jai d'ascré TABLE DES MATIÈRES. AVANT-PROPOS. PREMIÈRE PARTIE. — Des deux sortes de matières qui entrent dans la constitution des corps. SECONDE PARTIE. — Des altérations qui constituent le phénomène électrique 3 TROISIÈME PARTIE. — Des altérations dans énuilibre des Fu éthérées qui constituent le phénomène d’é- lectricité dynamique (éthérie dynamique). QUATRIÈME PARTIE. — Du rayonnement électrique. CiNQUIÈME PARTIE. — De l'induction électrique : SIXIÈME PARTIE. — Du magnétisme produit par l'induction électri- que : SEPTIÈME PARTIE. — De l'induction erente : Hurnième partie. — De l'induction animale, ou des poissons élec- triques Paragraphe OUT = COR? CAO PES 5: ET D. - ÉAANITAN 8HQ AISAT mt | # APS | bei par 0 hprgeind aguft us s MS | nu É LL] enrb Jnsuns lop esbbem ob 29h02 xu9b 890 — (E +. region aosh nobuniienon gl. DER + ol tasmiiencs ip enoiletle 290 —. dE 0) eswdqe sb “endilispail ensb emouprile 894 -— db scomoniq 98 fnonfiienos ip sd d ùT aginemhb sis) supinreagh dlisirisot où 2 < Onmpitoo® aomennmoget 4 — @. - . sepiussl aotioubnif 3Œ — iuootd moüowbai'l 16q isbotq oneilongen 0 — Té \ sp œ ° | enpiboger aoïowbai't o4 — “ssh euosaioÿ eob vo ,slsmine noïowbi'f a d ‘iQ F OA ve, 69UpDE ITALY. A [AL « CNPAA AUÉHttAn) > ll Sue, x Li TARA MR AITHAU \HITHAN : TT se | POTORE TIC } Mers cour 8 Men. des sav. ér,tonne XX Li Ménoire de AL Ath. Ftlrier. RÉ Eu Fig. 2. (Aôte du “p.6 ) (Note da S° 2,p. # ) 4 CS. | Fig. 3. Fig. 3. | (Aote hu S :3p40 ) ; (Aate duS 5e.p5x- 38 ) | PÉRNE pe | TE ( ; a) | (@) = PV EiDegobert. Lun de ni nt de LAattirus MÉMOIRE SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE DANS LE BASSIN DU RHIN, VAR Arexis PERREY., , PROFESSEUR A LA FACUÉÊTE DES SCIENCES DE DIJON, Toue XIX. l FL 6 di dE Gi! «7 | LAN AA in ti CA Ï | CRE À pes LT PA | F& 1 CO WE MMS 4 Lot ui slt #3: s sfr tié LAON vs (EE refl rip a dr SA : 0 trie qe. j 1 FRET OR nèf rides MÉMOIRE LES TREMBLEMENTS DE TERRE DANS LE BASSIN DU RHIN. INTRODUCTION. Du pied des Alpes qui dominent l'Europe, coulent trois fleuves dont l'étude approfondie ne peut manquer de jeter un grand jour sur l'histoire naturelle et la physique terrestre de cette partie de l'ancien continent. Le lit d’un fleuve, a dit un illustre voyageur, ne ressemble point au lit d’un autre fleuve. Le Rhône, le Danube et le Rhin présentent en effet des carac- tères physiques essentiellement différents : ils diffèrent par leurs directions opposées et rectangulaires : ils diffèrent par l'étendue superficielle de leurs bassins (les area sont entre elles comme les nombres 4, 39 et 11), par la longueur de leurs cours (leurs développements sont : : 2:7:5), par le volume de leurs eaux (qui, répandues annuellement sur toute la super- ficie des trois bassins, y formeraient une couche de 0,70 pour le Rhône, 0",93 pour le Danube et 0,41 seulement pour le Rhin). 11 serait inté- ressant d'étudier ces trois bassins sous les divers points de vue géologique, botanique, zoologique et météorologique. Il faudrait une étude toute basée sur l'observation et, par conséquent, il serait nécessaire que, sur quelque point de chacune de ces grandes régions physiques, il se formät une société spéciale dont le but unique ou principal fût de réunir et de MÉMOIRE = coordonner les documents relatifs à l’histoire naturelle de chacun de ces bassins. Déjà la ville de Lyon est devenue le centre des études de ce genre qui se font dans le bassin du Rhône. J'ignore si, dans celui du Danube, cette entreprise aussi belle qu'utile a reçu un commencement d'exécution. Quant à ce qui regarde celui du Rhin, l'Académie royale de Bruxelles a déjà réuni d'immenses, de précieux documents, et la première partie du magnifique travail de M. Quetelet Sur le Climat de la Belgique (que ce savant vient de publier dans le t. IV des Annales de l'Observatoire) formera un des beaux chapitres de l’histoire naturelle du bassin du Rhin. Sans doute, en établissant le vaste système d'observations simultanées, dont on regrette si vivement et si légitimement de voir la publication momentané- ment interrompue, l'Académie royale de Bruxelles s’est acquise une gloire immortelle; ce travail d'ensemble a mérité et obtenu promptement l'as- sentiment unanime, et il ne saurait manquer de rendre les services les plus signalés à la science. N'oublions pas cependant que des études semblables, dirigées non plus sur toute la surface du globe vers un but unique, mais restreintes à des régions physiques bien déterminées, peuvent aussi offrir un grand intérêt. Peut-être même serait-il avantageux de bien connaître la météorologie de chaque région naturelle de l'Europe et des autres parties du monde, pour discuter les résultats partiels, et sur leur comparaison établir les prin- cipes fondamentaux de la météorologie du globe. De pareilles études ainsi restreintes, conserveraient encore une certaine généralité et seraient très- propres à fournir les éléments numériques d’un système météorologique universel. Relativement au phénomène dont je m'occupe depuis plusieurs années, les deux bassins du Rhône et du Danube ont été étudiés dans deux mémoires qui sont publiés !. Déjà dans une lettre du 16 juin 184%, lil lustre secrétaire perpétuel de l'Académie m'engageait à entreprendre cette 1 Le premier, relatif au bassin du Rhône, a été inséré dans les Annales des sciences physiques et naturelles. . . publiées par la Société d'agriculture. .. de Lyon, t. VIII. Le second, relatif au bassin du Danube, est sous presse et paraîtra dans le t. IX du même recueil. Un mémoire analogue, sur les tremblements de terre dans la Péninsule scandinave, a été publié dans les Voyages en Scandinavie, Laponie. .. de la Commission scientifique du Nord, et un SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 5) nouvelle étude : « La vallée que parcourt le Rhin, m'écrivait M. Quetelet, » et la Suisse où le fleuve prend naissance, mériteraient bien de faire » Pobjet d’un travail spécial. » Fort de ce conseil et soutenu par les encouragements de l'Académie, qui m'a fait l'honneur d'approuver un précédent mémoire, je viens au- jourd’hui soumettre au jugement de la Société mes Recherches sur les trem- blements de terre dans le bassin du Rhin (dans lequel je comprends celui de la Meuse et de leurs affluents). Puisse ce nouveau travail mériter son suffrage ! Le mode de rédaction est le même que j'avais adopté dans mon pre- mier travail; seulement ici j'ai remplacé les citations latines par une tra- duction aussi fidèle que possible. Les sources où j'ai puisé sont indiquées par des symboles dont voici la liste : nn La grande Collection des historiens des Gaules, commencée par Dom Bouquet, continuée par Brial, Daunou et M. Naudet . sa D: belle de Marténe ct Durand ct ue ec Mo peser M: D. . Collection de Duchêne. apré ] Le D. . Le Spicilegium de d'Acheri... + ++ +. ++ + + ee A . Rerum Germanicarum quatuor celebriores vetustioresque Chronographi , 4 vol. in-fol. Lutetiae, 1566. Cet ouvrage, Sans n0M d'auteur, est de CT & O1 1 cru OS EN A cc de ic er Lido so A RO SAS 6. Historicum opus, Rerum Germanicarum.……. 4 tomes en 5 vol. Bâle, sans date d'année , par Simon Schard. 4 S. S. 7. Lycosthènes, Prodigiorum ac ostentorum Chronicon. 1D° 8. Fritschius, Catalogus prodig. ac ostent. F. 9, Joannis Trithemii Chronicon hirsaugiense CU. 10. Centuriae Magdeburgenses. + + + + + * C. M. 14. Bertrand, Mémoire sur les tremblements de terre... + + + + +: B. 12. Collection Académique , tome VI de la partie française, Catalogue de Gueneau de Montheillard. . . . + :+ + : * : C. A. 15. Philosophical transactions of the royal Society of London PSE (Gigi? 44. Annales de chimie et de physique, par MM. Gay-Lussac et Arago. autre, sur les tremblements de terre de la Péninsule Ibérique, approuvé par la Société royale d'a- griculture de Lyon, paraîtra, cette année (1847), dans le‘tome X de ses Annales. 6 MÉMOIRE 45. J.-J. Scheuchzer , Natur-Geschichte des Schweitzerlandes. Zurich, 1746, 1e partie, p. 178-195. 2 partie, p. 500-567. 46. Journal historique. 17. Journal encyclopédique. 18. Journal des Débats et Journal Fm DAbnEre 19. Moniteur universel et Gazette nationale. 20. Gazette de France. 91. Mercure de France. 29, Chronik der Erdbeben von K. E. A. Von Hoff. 925. Baronius, Annales ecclesiasticae nimes num > Him CUEHE Les autres ouvrages où j'ai puisé sont suffisamment indiqués dans le texte. Je dois faire remarquer que les collections de journaux que j'ai pu consulter sont toutes incomplètes, à l'exception du Moniteur et du Journal des Débats. Malheureusement je n'ai pu me procurer le travail de M. P. Mérian, sur les tremblements de terre ressentis à Bâle : mon ami, M. Ch. Mar- tins, bien connu de l'Académie et des savants, ayant eu l’obligeance de m'envoyer la liste manuscrite des faits qui y sont relatés, j'ai pu les citer, mais seulement avec les détails que j'ai trouvés ailleurs. Je m’empresse d'ajouter que depuis la rédaction du catalogue, M. Mérian a bien voulu, en m'exprimant son vif regret de ne pouvoir me procurer son mémoire, m'envoyer une liste manuscrite des tremblements de terre ressentis en Suisse, de 1826 à 1844 (lettres du 9 février et du 8 mars 1846). Ces faits, dont plusieurs m’étaient inconnus, ont été intercalés dans le texte et sont compris dans les tableaux numériques qui résument mon travail. M. Studer, professeur de géologie à l’Université de Berne, dans une lettre du à janvier 1846, avait déjà eu l’obligeance de m'adresser une liste des tremblements de terre ressentis en Suisse de 1800 à 1826 : ils sont marqués (St.). Enfin, je dois de nombreuses communications imprimées et manuscrites à M. Colla, directeur de l'Observatoire météorologique de Parme; je prie ces savants de recevoir ici l’expression publique de ma vive reconnaissance. 0 rt SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 1 CATALOGUE DES SECOUSSES. IX° SIÈCLE. 801.— 25 ou 50 avril, 2 heure de la nuit. Fameux tremblement de terre en Italie, où il produisit de grands dégâts. On le ressentit aussi sur le Rhin, en Gaule et en Germanie. (D. B., t. V. p. 24, 55, 521, 525, 532, 550, 565; D. passim.) Quelques auteurs ont regardé les secousses ressenties dans notre pays comme indépendantes de celles qui ébranlèrent l'Italie, et disent seulement : La même année 801, la terre trembla sur le Rhin, en Gaule et en Germanie. (D. B., t. V, p. 350; D., t. II, p. 60; S. S., fol. 32.) Von Hoff, dans sa Chronik der Erdbeben , cite même la date du 31 mars. 802. — 13 avril. Dans toute la Suisse, violent tremblement de terre suivi de maladies très-meurtrières. (B.; Diarium histor., p. 129; Mémorial de Chronol., t. H, p- 910.) Le Chron. Turon. (M. D., t. V, p. 959) dit seulement qu'il y en eut un second cette année : Lycosthènes en cite deux, mais aux dates de 800 et 802; Mézerai enfin ne parle que du premier, qu'il fait suivre de maladies, t. IL, p. 211, édit. in-12. 803. — En hiver. En cel yver fu croules et mouvement de terre en tout le pais d'Es-la-Chapèle. (D. B., t. V, p. 54, 251 et 321; D., t. I, p. 49; S. S., fol, 32; Just. Reuber, p. 35.) 823. — Vers la fin de l'année (l'Empereur venait de congédier les légats du pape, calend. de novem.). À Aix-la-Chapelle. Li palais d'Ais-la-Chapèle croula par mouvement de terre et granz sons et granz temoutes furent oï par nuit... Et fulqura sereno atque interdiù de coelo cadentia…..….. (D. B., t. VI, p. 106, 147, 184, 208 et 225; L.; F.; S.S., 1. IL. p. 1868 ; Chron. Alberti Stad., fol 88.) 8 MÉMOIRE 829. — Vers Pâques, la nuit; hieme transacta. — Et quant avint vers la fin du quaresme, que la solennité de Pasques approchoit (fu) si granz croules et si granz mo- vemenz de terre que apar poï que li palais et les tors ne chairent. A Aïx-la-Chapelle. Ecclesiae Dei Genetricis terrae motu et vento discooperta est tota….……. quatuor diebus ante Pascha. (D. B., t. V, p. 110, 151, 189, 209, 221, 226 et 255; D. t. Il, p. 272 et 506; B. À., t. IX, p. 489; Chron. Alberti Stad., fol. 89; L. et F.) Pâques arriva cette année le 28 mars. — (Sans date mensuelle.) En Suisse, tremblement qui fut suivi de vents si vio- lents, que des arbres et des maisons en furent renversés. (B.) 8358. — 18 février, le soir. À S'-Nazaire ( Lauresheim, territoire de Mayence), dans le pays de Worms, Spire et in pago Lobadunensi. (D. B., t. VI, p. 210) On trouve encore, dans le même volume, p. 206 et 226, le 18 janvier, le soir: tremblement de terre. Aucune localité n’est signalée. 841. — 2 juin, à Wurzbourg, plus de 20 secousses. Il y eut des orages accom- pagnés de grèles, des ouragans, de grandes perturbations atmosphériques. ( V. H. et L.) 842. — 2% octobre, première heure de la nuit. Presque dans tout le nord de la Gaule, grand tremblement de terre, avec bruits souterrains qui se renouvelèrent pendant sept jours, à la première ou à la neuvième heure, ou au milieu de la nuit ou au lever de l'aurore. Suivit une toux très-violente dont beaucoup de personnes moururent. (D. B., t. VII, p. 52 et 41.) Dans Duchêne, t. IH, p. 579, on donne la date de 843. 845. — G septembre, encore (iterum) un grand tremblement de terre, au lever de l'aurore et au milieu de Ja nuit. Le 7, nouvelles secousses semblables, à la première et à la deuxième heure du jour. (D. B., t. VIT, p. A1; E, t. IL, p. 387.) 849. — 17 février, la nuit, 10° heure. En Gaule, violent tremblement de terre pendant l'office de nuit. Il fut ressenti à Auge (auj. Richenaw), près de Constance, en Suisse. (D. B., t. VII, p. 65, 207, 235, 272). Bertrand et Scheuchzer en citent un (sans détails) comme ayant été ressenti en Suisse cette année. Serait-ce le même? 855. — 1° janvier, à Mayence, on compta, dit-on, vingt secousses. Il y eut des ouragans (aeris turbines) inaccoutumés, des grèles, des éclairs et des coups de tonnerre, L'église de St-Kilian fut brûlée par la foudre, aux nones de juin, et les murs furent ensuite détruits par un ouragan. (D. B., t. VIT, p. 217 et 255; D, t. Il, p 555.) Dom Bouquet, t. VII, p. 163, dans un extrait des Annales Fuldenses, indique qu’au lieu de Mayence, on lit ailleurs Wirtsburg. Ne serait-ce pas le même fait qui SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 9 est cité à l'an 841, d’après Lycosthènes et Von Hoff? Cependant, ces auteurs rap- portent encore celui-ei que Von Hoff donne même, mais sans date mensuelle, comme ayant été ressenti à Worms. C’est Frytschius qui, dans son catalogue, donne la date du 1‘ janvier, d’après Aventinus. Les Centuries de Magdebourg rapportent aussi le fait avec la même date mensuelle, qui ne se trouve pas dans Sigebert. (S. S. fol. 109 , recto.) 856. — 13 décembre (fête de Ste-Luce). À Bâle, tremblement par lequel des rochers et des montagnes s’entrouvrirent. (M. D., t. V, p. 271.) 858. — 1° janvier. En diverses villes et régions, mais surtout à Mayence, secous- ses violentes; l’église de St-Alban, martyr, s'écroula et écrasa dans sa chute l'oratoire de S'-Michel, situé à l'ouest de l'église. (D. B., t. VII, p. 166; D., t. IE, p. 554.) La chute de cette église est rapportée au mois de février par Jean Naucler(Chron., t. Il, p. 65), qui signale d’ailleurs le tremblement de terre sous la date de janvier. —— 25 décembre. À Mayence, secousses nombreuses et violentes qui se répétèrent la nuit et le jour. (D. B., t. VIE, p. 75.) — (Sans date mensuelle). En Suisse, tremblement de terre violent; plusieurs maisons s’écroulèrent. (B.) 859.— (Sans date de mois). À Mayence, secousses nombreuses de tremblement de terre et mort du prêtre Probus le vu des calendes de juillet. L'année suivante, hiver terrible. (D. B., t. VII, p. 254.) L'auteur ne parle pas des secousses de 858; mais il signale le 1° janvier 857, sans indication de lieu. Peut-on voir dans cette citation un fait nouveau ? 860. —— Plusieurs tremblements de terre désastreux furent ressentis en Perse, en Syrie et dans diverses contrées de l'Europe. Un bouleversement de terre considérable eut lieu en Hollande; l’une des bouches du Rhin fut fermée près de Catt. (C. A.) 867. —— 9 octobre. Secousse en plusieurs lieux. (D. B., t. VII, p. 175, 208, 255 et 275.) Ont-elles été ressenties dans le bassin du Rhin, où se trouvait l'abbaye de Fulde dont je cite les Annales ? — (Mème année, sans date de mois). Des secousses furent ressenties en Suisse. (B.etS.) i 870. — 5 décembre, 1" heure. La ville de Mayence fut aussi ébranlée par un tremblement de terre. (D. B., t. VIT, p. 175 et 255.) 872. — 5 décembre, 1" heure. La terre trembla et Mayence fut renversé. (D. B., t. VIT, p. 176 et 256.) Cette coïncidence du 3 décembre 870 et 872 me paraît devoir inspirer de la dé- fiance sur la réalité d'un double phénomène dont la date mensuelle ne se trouve pas, pour chaque fait, dans la Chronique d'Hermann et dans les Annales de Fulde, Tome XIX. 2 10 MÉMOIRE auxquelles j'emprunte les deux citations. Cependant, il est à remarquer que les au- teurs de ces deux ouvrages écrivaient, pour ainsi dire, sur les lieux. D'ailleurs, on retrouve la même chose dans les centuries de Magdebourg et dans Lycosthènes, qui seulement cite les années 868 et 870. 880. — 1° janvier. Tremblement à Mayence. — Il y eut éclipse de soleil. (V.H., d’après Beuther.) 881. — 30 décembre, avant le chant du coq. À Mayence, tremblement violent, maisons ébranlées. Des vases en terre se brisèrent dans les fabriques, ainsi que l'assurèrent les ouvriers. (D. B., t. VIII, p. 41 et 246; C. A.; C. M.) 882. — 29 décembre, avant le chant du coq. À Mayence, grand tremblement de terre. (D. B., t. VITE, p. 98.) Y a-t-il là encore deux phénomènes distincts? C’est peu probable, aucune des chroniques citées n’en mentionne deux. 885. —— Le temple de S'-Alban, à Mayence, fut renversé par un tremblement de terre. (Müntzenus in Chronographia; C. M.) Ce fait est-il différent de celui de 858? Ne doit-on pas penser qu'il y a eu trans- position de chiffres? 895. — Pendant le concile de Tibur ou Tuver, près de Mayence (lequel com- mença le 22 août au plus tard , d'après l'Art de vérifier les dates), il y eut de grands tremblements de terre dans plusieurs lieux des Francs d'Occident. (D.B., t. VII, p.56.) S'étendirent-ils dans le bassin du Rhin? X° SIÈCLE. 922. — Dans le Cambrésis, tremblement de terre qui renversa beaucoup de maisons. (D. B.,t. VIE, p. 179; D., t. IL, p. 592.) 944. — 16 avril, le matin, tremblement de terre suivi d’un été très-pluvieux (D. B. t. VII, p. 251, et t. IX, p. 92; Annal. Epidanni, Rerum Alamannic., t. T, p. 10; L.; C. M.) Von Hoff indique la Suisse comme ayant ressenti ce tremblement qui, dans les chroniques précitées, est donné sans indication de lieu. Bertrand et Scheuchzer si- gnalent pour la Suisse un tremblement de terre en 944, mais sans date mensuelle. 950, où mieux 951. — En beaucoup de lieux de la Germanie et de la Gaule, grands et fréquents tremblements de terre; nombreux édifices renversés; arbres déracinés. (C. I.) L'édition en un volume de la Monasterü hirsaug. Chronica, p.38, donne la date de 932. C'est celle que préfère Dom Bouquet , qui, du reste, dans les extraits de diffé- SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 11 rentes chroniques, t. VIIT, p. 102, 272 et 314, conserve les dates de 950, 952 et 954. Von Hoff préfère celle de 956 d'après Æneas Sylvius. En 968, il y eut un tremblement de terre en Allemagne. (V. H.) S'étendit-il dans le bassin du Rhin? En 996, grands tremblements deterre.(Philippi Bergomat. suppl. Chron., f. 286.) En 997, secousses à Magdebourg. (V. H.) En 999, le 14 décembre. Tremblement de terre; sécheresse extrême. (C. A.; C. M.; Toaldo, Essai météorol., p. 248.) Toutes ces secousses ébranlèrent-elles le bassin du Rhin ? En 1000, le 29 mars, tremblement de terre général, per totam Europam, per tolum orbem. Toutes les chroniques citent le phénomène, mais aucune, à ma con- naissance, ne signale de localités. La gazette de France, n° du 44 avril 1786, in- dique seule Cracovie comme ayant éprouvé un tremblement de terre cette année, mais sans date mensuelle. XI‘ SIÈCLE. 1004. — En Suisse, tremblement qui renversa plusieurs maisons. Météores ignés. (B. et C. À.) En 1012, il y eut de grands tremblements de terre; le phénomène se renouvela le 18 septembre et le 18 novembre 1013, puis encore en 1014. Mais aucune loca- lité n'est signalée. Ceux des 18 septembre et 18 novembre ont-ils été ressentis à Liége? Je les trouve mentionnés dans les chroniques de cette ville. 1021. — 12 mai, à Bâle, tremblement très-violent. La cathédrale et plusieurs maisons furent renversées dans le Rhin. Les fontaines furent troublées dans la Suisse, plusieurs devinrent rouges comme du sang. On vit en divers endroits des météores ignés. Il y eut en divers lieux de grandes inondations (B.; S.; C. A.) Ce tremblement, signalé d’ailleurs par presque toutes les chroniques que j'ai pu consulter, s'étenditen Allemagne, et principalement en Bavière. Vient ensuite un intervalle de plus de 20 ans, durant lesquels la Syrie et l'An- gleterre furent plusieurs fois ébranlées, sans que je trouve rien qui soit relatif au bassin du Rhin. 1048. — 13 ou 15 et 16 octobre. À Constance et sur le lac, fortes secousses. (L.;C. M.;D.08. ,.t. XL p. 20; V.H.) Dans l'année 1059 , l'Allemagne éprouva un tremblement de terre que rien n'in- dique comme ayant ébranlé les régions dont je m'occupe. 1062. — 8 février. À Bâle, Constance et dans plusieurs autres lieux de la Suisse , 12 MÉMOIRE tremblement de terre qui, à Neuchâtel, fut accompagné de tonnerres et d'éclairs. (B.; C.M.; L:; V. H.; Diarium Histor. et D. B., t. XI, p. 22.) On trouve la description d’un phénomène semblable, dans la Bibl. Univ. de Genève, t. IV, mars 1817, p. 244. Il est rapporté sans date mensuelle à l'an 1082. Le 27 mars, jour de Pâques, 1065, il y eut un tremblement de terre en Alle- magne. 1070. — 11 mai. À Cologne et dans les régions voisines , tremblement de terre. (NE) 1080. — 4° décembre. Mayence éprouva un tremblement de terre considérable. (S.S., fol. 128, verso.) 1081. — 27 mars, 1" heure de la nuit. Dans toute l'Angleterre, grand tremble- ment de terre avec bruit souterrain considérable. (Mathieu Paris; Mathieu de Westmonast.; Polyd. Virgil., Hist. Angl., p. 209; M. D.,t. V, p. 7 et 1009, et Nov. Thes. Anecd., t. HE, p. 1419; D. B.,t. XI, p. 291; t. XII, p. 289; t. XII, p. 581 et 600; S.S., fol. 128; L.; C. A; C. M.) Von Hoff, qui donne la date du 26 mars ou 26 avril, le fait s'étendre sur le con- tinent et signale Mayence comme ayant ressenti les secousses. En l'an 1085, il y eut un grand tremblement de terre, et dans la partie occiden- tale de la Lorraine une grande peste... Magnus terrae motus et in occidentali parte Lotharingiae pestilentia magna... (Chron. Turon.; D. B., t. XIT, p. 465.) Le tremblement de terre a-t-il eu lieu en Lorraine? Cependant, comme d'après Lycosthènes, cette année fut signalée en Angleterre par des secousses violentes et un froid excessif; comme, d’après la chronique d'Hirsauge, il y eut de grands trem- blements de terre en Europe, j'ai cru devoir citer ici le fait de la chronique de Tours , tout en faisant néanmoins remarquer que Mathieu Paris ne parle pas de commotions souterraines dans l'année 1085, mais qu'il rapporte seulement des inondations tout à fait désastreuses à l’année suivante. 1088. — Dans la Thuringe et la Hesse, tremblement de terre. (V. H.) 1092. — 8 février. À Constance et sur les bords du lac, tremblement de terre. (V. H.) 1095. — 10 septembre. La nuit, grand tremblement de terre, au milieu d’une tempête. (C. H.; C.M.; S.S., fol. 150; D.B., t. XII, p. 714.) Ces secousses, signalées seulement par des chroniques allemandes, se sont-elles étendues dans le bassin du Rhin !? 1098. — A Bâle, tremblement ajouté par l'éditeur Berghaus à la chronique de Von Hoff. ? Terrace molus crebri fuerunt..…. magni erant per loca. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 15 XII‘ SIÈCLE. 1112. —5 janvier. Rothembourg sur le Necker fut renversé par un tremble- ment de terre. Celui-ci se fit sentir dans le sud de l'Allemagne; plusieurs villes et plusieurs églises furent détruites, et la fameuse ville de Liége fut noyée par le dé- bordement des eaux de la Meuse. (L.; F.; C. A; C. M; J. Naucleri Chron., t. KE. p.187; Hist. des anc. révol. du globe... Amsterdam 17521.) 1117. — 5 janvier. Tremblement considérable en Italie, en Allemagne, en Suisse, où des maisons et des châteaux furent renversés. (On ressentit des se- cousses à Liége, suivant Von Hoff.) Toutes les chroniques qu'il m’a été possible de consulter, parlent de commotions souterraines en décembre et janvier 1116, 1117 ou 1118, lesquelles durèrent 40 jours. Ces hivers furent aussi marqués par des vents impétueux, des orages et des ouragans. Voici un extrait que je traduis de la chronique de Sigebert, sous la date de 1118 : « Au mois de janvier, le nr des nones, il arriva un tremblement de terre plus ou » moins fort, selon les lieux. Il ne fut pas universel, mais il renversa plusieurs » villes par parties. » La Meuse, près d’une abbaye nommée Fustula, suspendit son cours et les eaux, se soutenant en l'air, parurent avoir abandonné leur lit. » Et plus bas : — 3 mai. A Liége : « Pendant les vêpres, la foudre, accompagnée d'un tremble- » ment de terre, pénétra dans la cathédrale, fit sauter les enduits, et pendant que » tous les assistants tombaient prosternés contre terre, pénétra dans la tour et » en brüla une bonne partie des poutres. Suivit une odeur intolérable, qui » disparut à peine malgré la grande quantité d’aromates qu'on répandit dans » l'église. » Puis, suit la description d'orages épouvantables en juin , juillet et août : l'un d'eux parait avoir été une trombe; et enfin en décembre : vent très-violent. (S.S., fol. 154 et 155; C. M.; A. S., t. XI, p. 408; Diarium histor., p. 134.) D'après la chronique de Tours (D. B., t. XII, p. 469), ce vent très-violent eut lieu le 24 décembre et, le 9 janvier, on ressentit un tremblement de terre. Le 10 décembre 1122, il y eut encore un tremblement de terre, mais rien ne prouve qu'il ait ébranlé le bassin du Rhin. 1128. — En Suisse et ailleurs, tremblements qui durèrent quarante jours : on remarqua des secousses par intervalles; grand nombre de maisons furent ébranlées. (B. et C. A.) 1 A janvier, Terrae motus horribilis in partibus Britanniae. (Chron. Saxonicum; D.B.,t. XII, p. 557.) 14 MÉMOIRE Le 1% octobre1154, mouvements extraordinaires des eaux dans la mer du Nord : les côtes d'Angleterre et des Pays-Bas furent inondées. S'agit-il ici d’une marée très- forte ou du phénomène que les Italiens désignent sous le nom de terre moto di mare ou d'un raz de marée proprement dit ? 1158. — 5 juin. À Wurzbourg, 20 secousses pendant un orage accompagné de grèle. L'église S'-Kilian fut brûlée par la foudre. Trois jours après, violente tem- pête. (V. H.) 1146.— À Mayence, 15 secousses dans l'intervalle d’un jour et d'une nuit. Il y en eut aussi en Suisse et dans d’autres contrées de l'Europe, principalement à Lisbonne. (C. H.; B.; C. M; C. A; V.H.) 1170. — 29 juin, en Syrie, tremblement de terre désastreux ; il dura 15 ou, se- lon d’autres, 25 jours. Il parait s'être étendu très-loin, car on cite encore la Sicile, où il périt beaucoup de monde, la Hongrie, l'Allemagne et la Suisse, où il causa quelques dommages. On indique aussi les côtes d'Afrique comme ayant été ébranlées. La Frise fut inondée par les eaux de la mer; il y eut de grands vents. (D. B., t. XIE, p. 345 et 774; Labbe, t. I, p.397; M. D., t. V, p. 1019; A. S., t. IT, p. 778, et t. XI, p. 445; 5. S., fol. 151 et 152; C. H.; C. M.; B; C. À; L: F; V. H; Hist. des anc. révol. du globe, déjà citée.) Ce phénomène est-il unique? Les secousses ont-elles eu lieu en même temps dans tous les lieux cités? d’ailleurs, sont-elles bien de l’année 1170? Plusieurs auteurs indiquent 1169, puis il est dit : ce même jour, vers la troisième heure, le soleil fut obscurci. Or, s'il s’agit d’une éclipse, je ferai observer que 1170 est une des années assez rares (on n'en compte que 46 pour les 20 premiers siècles de l'ère chrétienne) où il n’y a eu ni éclipse de soleil, ni éclipse de lune. Pour le bassin du Rhin, je regarderai ce phénomène comme étant donné sans date mensuelle. Le 1* août 1179 et le 1° août 1180, il y eut un tremblement de terre, mais ce phénomène est cité sans indication de lieu (D. B., t. XIE, p. 725; Chron. Saxonic. et dans la Chron. Lamberti Parvi, M. D. t. V, p. 12) M. Quetelet a bien voulu m'indiquer l'heure, c'est la troisième du jour; mais il n'a pas non plus spécifié de localité. 1180.— En cette année, il y eut un tremblement de terre en Suisse. Il fut suivi d'orages et de pluies. — Une partie de la ville de Naples fut détruite; celle d'Arian fut engloutie, et quelques autres entièrement renversées. (B.) Ces diverses citations indiquent-elles des secousses simultanées ? s'agit-il d'un fait unique ? 1185. — Tremblement de terre en Suisse. (B.) Il y eut cette même année des secousses désastreuses en Syrie et en Sicile. Ber- SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 15 trand les regarde même comme à peu près universelles. L'Etna était en éruption, suivant quelques auteurs ; selon d’autres, il s'agirait ici de l’éruption de 1169. En 1186, on éprouva des secousses universelles {terrae motus generalis per totum orbem). En Angleterre, des édifices furent renversés. Le bassin du Rhin fut-il ébranlé? L'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie ressentirent encore de nombreuses et vio- lentes secousses dans les dernières années de ce siècle, ainsi que dans les premières du XIIF. XIII" SIÈCLE. 1222. — 11 janvier. À Cologne, tremblement qui renversa des tours et des maisons , tant dans la ville que dans les environs. (C. H.) Beaucoup d'auteurs parlent de secousses ressenties à cette époque, mais ils in- sistent principalement sur celles qui causèrent de grands désastres pendant 45 jours, dans la haute Italie, et qui détruisirent entièrement la ville de Brescia. J'emprunte la date mensuelle à la chronique d'Hirsauge, édition en un volume. En 1298, la Frise fut inondée par les eaux de la mer. Le 25 mai 1277, il y eut un fort tremblement de terre en Allemagne. Depuis plusieurs années, l'Angleterre éprouvait des secousses fréquentes. Mais je ne trouve aucun fait qui se rapporte au bassin du Rhin. 1290. — Tremblement à peu près universel; la Suisse n’en fut pas exempte. On en éprouva en Irlande et à Lisbonne. (B.; C. A.; V. H.) 4295. — Fin d'août ou commencement de septembre. Dans les Alpes Rhétiennes , secousses qui paraissent s'être étendues jusqu'à Constance. (V. H.) XIV' SIÈCLE. 1318.— Septembre. À Cologne, tremblement qui duralongtemps. (Acta Trevir. Archiepisc., M. D., t. V, p. 407.) Le 25 mai ou le 4” juin 1522, il y eut un tremblement de terre terrible en Al- lemagne; s’étendit-il dans le bassin du Rhin ? Il y en eut encore un, durant l'été de 1326, en Misnie, en Bohème, en Thu- ringe et dans d’autres contrées. Doit-il figurer dans ce catalogue ? Le même doute s'élève au sujet de celui qu'on ressentit, le 42 février 1552, à Meissen et dans la Thuringe. 1342. — Vers la fin de l'année. Tremblement dans la province d'Utrecht. (Guill. Heda, Hist. Ultrajectina, p. 242.) 16 MÉMOIRE Le 25 janvier 1545 ou 1346, en Allemagne, tremblement qui causa de grandes ruines. Quelles furent les régions ébranlées ? 1546. —24 ou 25 novembre (la nuit du 24 au 25). En Suisse, et principalement à Bâle, tremblement par lequel plusieurs bâtiments, entre autres le palais épisco- pal, furent renversés. (B.; C. A.) 1548. — 25 janvier. À Bâle, nouveau tremblement et nouvelles ruines. Trois vers qui se lisent encore sur un mur de l'église St-Jacques ont perpétué la mé- moire de ce désastre !. Il y eut trente-six villes ou châteaux qui en furent renversés dans la Hongrie, la Styrie, la Carinthie, la Bavière et la Souabe. La terre s’entrouvrit en divers lieux : des montagnes se fendirent. Les secousses, qui durèrent 24 jours (ou même 40, sui- vant Lycosthènes), s'étendirent jusqu'à Rome. (M. D; t. V, p. 254; Baronius, Annal, Eccles., t. XIV, p. 1048; Conrad de Lichtenau, p. 193; B.; C. A; F.; C. H.; V. H.,G. F., 14 avril 1786.) Quelques-uns des auteurs cités donnent la date annuelle de 1349 pour l'Alle- magne. Bertrand ajoute : « On crut que les exhalaisons puantes que ce tremblement » produisit furent cause de cette peste qui se répandit par toute la terre, qui dura » trois ans et qui, à ce que l'on estimait , fit périr le tiers du genre humain. » ]l y eut des pluies qu'on regardait comme de sang en divers lieux; c'est-à-dire, » des pluies teintes d’une matière minérale rougeâtre ou chargée d’une ocre rouge » comme dans le mois d'octobre de l'année dernière dans l'Oberland et ailleurs. » — 6 février, tremblement à Francfort-sur-Mein. (V. H.) 1554. — 12 mars, au milieu de la nuit, Dans la France orientale, la Bavière, la Suisse et dans les régions cis-rhénanes, ouragan et tempête épouvantables pen- dant lesquels on crut avoir ressenti un tremblement de terre. À cette époque, on n'avait aucun souvenir de semblables perturbations atmosphériques. Leur violence, leur impétuosité furent telles que beaucoup d'arbres furent déracinés, que beaucoup de maisons, même des plus solides, bâties en pierre, furent renversées. La nuit suivante, nouvelles perturbations atmosphériques, nouveaux coups de vent, qui, quoique moins intenses que ceux de la veille, arrachèrent encore des ar- bres séculaires et firent écrouler plusieurs édifices précédemment ébranlés. (C. H.) L'édition en un volume de la chronique d'Hirsauge ne parle pas de tremblement de terre, mais elle en rapporte un autre à l’année suivante, p. 295. ? Voici ce qu'on lit sur la muraille : Sub M. C. triplo quadraginta octo tibi dico, Tunc fuit terrae motus. Conversio Pauli, Subvertit urbes Basileam, Castra F'illaei. (S) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 17 155. — Septembre, vers la neuvième heure. À Bäle et à Strasbourg, grand tremblement de terre qui renversa des édifices. L'abbé Trithème n'en parle pas dans l'édition en deux volumes. Ce phénomène n'est sans doute pas différent du suivant? 1556. — 18 octobre , après la neuvième heure, ou à 10 heures du soir, suivant Bertrand. À Bâle, un grand nombre de maisons furent renversées. Bientôt après les secousses, le feu prit en plusieurs endroits de la ville. L’incendie dura plusieurs jours. Le peuple, effrayé de la continuation des secousses, n’osa plus rentrer en ville pour éteindre le feu. (Même chose est arrivée à Lisbonne en 1755.) Les secousses cessèrent et recommencèrent onze fois à Bâle pendant cette nuit-là. Grand nombre de villages furent détruits ou endommagés. Pendant près d'une année on éprouvait presque tous les jours de nouvelles agitations. Souvent on en- tendait du murmure ou de l'éclat, tantôt sous terre, quelquefois dans l'air. Ce tremblement, ajoute Bertrand, avait, ce semble, le centre et le foyer de son explosion à Bâle, qui en fut renversée. Mais il y eut bien peu d'endroits en Suisse où il ne fit quelque dommage. Les voûtes de l’église cathédrale de Berne furent enfoncées et tombèrent ; la tour des cloches, ou le Vendelstein, fut aussi renversée en partie; on fut obligé de suspendre les cloches par échafauds jusqu'à ce qu’elle fût rebâtie. Cette église était fondée depuis 1232. Dans la campagne, il y eut plus de mal : quarante-deux châteaux furent renversés ou considérablement endommagés. A Lausanne et Yverdun, on sentit ces secousses sans beaucoup de perte !. Il y eut trente-huit châteaux détruits (entre autres celui de Farnsburg, près de Gellerkinden) dans l'évéché de Constance. Pendant tout le reste de l’année , il y eut divers retours de secousses ?. Aux localités citées par Bertrand , j'ajouterailes suivantes : Strasbourg et tout le haut Rhin, Schauenburg, Reichenstein, Landskron, Waldeck, Landenberg, et Rothenburg sur le Tauber, cercle de Rezat en Bavière. (B.; C.H.; C. A; L:; F; V.H;; Dubravius, ferum Bohemic.; Fréher, p. 182.) Guillaume de Nangis (A.S., t. XL, p.819), qui, comme Frytschius , donne la date du 18 octobre 1554, dit que les secousses s'étendirent au loin, et mentionne Reims et Paris comme les ayant ressenties. Enfin, je lis encore dans la chronique de Zantfliet (M. D., t. V, p. 271) qu'il y ! Ce fait a été omis dans mon Mémoire sur les tremblements de terre dans le bassin du Rhône. * Voici les noms empruntés à Scheuchzer : Telsperg, Vorburg, Lüwenberg, Mersperg, Blochmont, Thierstein, Neuenstein, Pfeffingen, Berenfels, Schollberg, Mônchsberg, Hangenstein , Lands-Kron, Reichenstein, Birseck , Münchenstein, Beuren, Ramstein, Gilgenberg, Schauenburg, Wartenberg, Landesehr, Hasenburg, Steinbrunn , Binderthan , Heitweiler, Wildenstein , Eptingen, Horbeg. Froburg, Farnsberg , Liechstal, Hartenberg , Ottlicken , Brombach, avec beaucoup d’autres , ajoute l’auteur. eu Tome XIX. 9 18 MÉMOIRE eut un tremblement de terre à Bäle le jour de S"-Lucie, c'est-à-dire le 15 dé- cembre. Comme les auteurs précités disent le 18 octobre, ou le jour de S'-Lue, jadmets une erreur de copiste dans Zantiliet. 4557. — 14% mai, vers 7 ou 8 heures du matin. A Bâle, tremblement fort vio- lent qui ébranla beaucoup la cathédrale et diverses maisons. On ressentit ces se- cousses à Soleure, à Neuchâtel et en d’autres endroits de la Suisse. Il fut très-violent à Strasbourg et dans toute l'Alsace. Les montagnes ne furent point ébranlées; les vallées le furent toutes. (C. H.; B.; C. À.; L.; F.; M. D., t. V, p- 275; Philippi Bergomat., Supplem. Chron., f. 526.) Quelques-uns des auteurs cités caractérisent ce phénomène par les épithètes de grand , d’horrible, et le font s'étendre en Germanie, en Souabe et jusqu’en Espagne, à Séville et Cordoue. Von Hoff regarde les secousses ressenties dans la Péninsule Ibérique comme indépendantes de celles qui ébranlèrent le bassin du Rhin. Pour moi, je me contenterai de faire remarquer que plus d’une fois, des localités aussi éloignées que la Suisse et l'Espagne ont été ébranlées simultanément. 1568. — Dans la semaine de la Pentecôte (la Pentecôte arriva le 21 mai). En Thuringe, à Mülhausen, Eisenach et dans d'autres lieux, tremblement de terre. (V. H.) 4572. — 1° juin. À Bâle, quelques ébranlements qui durèrent peu de temps et qu'on n'aperçut qu'aux environs. M. Burxdorf, ajoute Bertrand,, place dans cette année un second tremblement de terre qui, le 1‘ juillet suivant , renversa la statue de S'-Georges dans la cathédrale de Bâle. C'est peut-être le même que quelques auteurs placent au 1° juin par équivoque de dates, à moins que d’autres secousses ne soient revenues le premier juillet, un mois après les premières. (B.; C. A.; Lycosthènes.) M. Mérian,, et Von Hoff d’après lui, n'admettent qu'un seul phénomène. La même année, des tremblements de terre terribles avec ruines de montagnes furent vus en Aragon, au quartier de Ribagorça.(Turquet, Hist. d'Espagne, p. 822.) On en ressentit encore en Espagne les 41 et 19 mars 1573. (Marca hispanica, p-. 799.) 1578. — 1° juin. En Suisse, tremblement de terre considérable. (L.) 1580. — 1° juillet, En Suisse, tremblement considérable; toute l'année fut ora- geuse. (B.; C. A.) 1582. — 20 avril. En Suisse et dans quelques contrées de la France, grands tremblements. (V. H.) — 21 et 24 mai, dans le Brabant et la Flandre, en France et en Angleterre, plusieurs secousses très-fortes dans toutes les Iles Britanniques, où elles causèrent des dommages considérables dans plusieurs endroits. Quelques jours après, les vais- SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 19 seaux furent fortement battus par l'agitation des flots de la mer. (Chron. Corn. Zanifliet, M. D., t. V., p. 521 ; Hist. des anc. rév. du globe. 1. e.; C. A.) Baronius (Anna. ecclesiast., t. XV, p. 88) et Lycosthènes ne parlent que de l'An- gleterre que Zantfliet ne cite pas. Lycosthènes rapporte même ce tremblement à 1581; mais je n’en suppose pas deux. M. Gueneau de Montbeillard, dans son Catalogue si souvent cité sous les initiales C. A. de la Collection académique, ajoute que, dans cette année, les secousses furent réitérées en Suisse et en Italie, qu'il y eut de grandes maladies en Suisse et point de vents dans toute l'Allemagne où la peste fit de grands ravages. 1591. — 22 mars, en Suisse, tremblement de terre. (V. H.; C. A.) La même année, tremblement remarquable dans toute l'Irlande; apparition d’une comète qui fut suivie de grandes pluies et d'inondations, de famine et de peste dans la Thuringe et en plusieurs endroits de l'Allemagne. 1594. — 22 mars, en Suisse, en France et en Allemagne, tremblement terrible; toutes les montagnes, depuis leurs cimes, furent secouées. Un été chaud suivit. Tous les fruits furent printaniers. Ce fut une année d'abondance. (B.; S.; Mémorial de chronol., t. IT, p. 915.) La Bibliothèque univ., t. IV, mars 1817, p. 245, donne la date de 1395. 1595. — À Anvers , tremblement si violent que les plats ne pouvaient se fixer sur la table. (Communic. de M. Quetelet.) La même année, tremblement en Allemagne et en Espagne. XV° SIÈCLE. 44145. — 21 juin. À Bâle, tremblement qui fit fuir la plupart des habitants épou- vantés. (B.; C. A.) 1416. — 21 ou 22 juillet (jour de S“-Magdeleine), le soir. À Bâle encore, trem- blement ressenti dans tous les environs; sans dommage. (B.; C. A.; L.; S.) Von Hoff ne cite que ce dernier, le seul qui se trouve dans Mérian, suivant une note que je dois à l’obligeance de M. Ch. Martins. La même année, éruption du Katlegiaa en Islande. Le 29 septembre 1426, secousses dans toute la Grande-Bretagne; elles furent presque universelles par toute la terre. 1428. — 13 décembre (ou le dimanche avant la fête de S“-Lucie), sur le soir. À Bäle, nouveau tremblement qui fit non-seulement tomber les tuiles des toits, mais qui renversa encore une grande partie des cheminées et lézarda quelques 20 MÉMOIRE murs dans la ville. Il causa beaucoup de dommages dans le canton. (L.; B.;C. A.; S.) 1444. — 30 novembre, avant le lever du soleil. À Bâle et aux environs, léger tremblement. (B.; S.; C. A.) Le 5 février, le Vulcano (iles Lipari) avait fait une éruption. (V. H.) Durant cette même année, de grands tremblements de terre signalèrent l'érup- tion de l’'Etna. (Expédition scientif. en Morée, part. géol., p. 286.) 4449. — 25 avril, tremblement en Flandre et dans quelques autres contrées. (NV. H.) Terra non in uno loco valide commota est, dit Lycosthènes. À Laybach, (Carniole), un tremblement de terre fut suivi d’une peste affreuse. Il y eut de fré- quents tremblements de terre l'année suivante : ils furent violents dans le royaume de Naples. 4456. — 26 août, 2 heures du matin. Tremblement à Liége. (M. D.; t. V, p: 494.) — D, 25 et 50 décembre. Secousses violentes et désastreuses dans toutrule royaume de Naples, où soixante mille hommes furent tués. Ces secousses paraissent s'être étendues jusque dans le bassin du Rhin; on en ressentit à Rome; les flots de la mer d'Ancône s’élevèrent à une hauteur extraordinaire, une montagne fut ren- versée dans le lac de Garda, Lausanne et tout le canton de Vaud furent violemment ébranlés à cette époque: Ce tremblement avait été précédé de deux mois de pluie sans aucun vent; il fut suivi d’inondations ; toutes les campagnes aux environs de la ville d'Orberfurent submergées; la ville elle-même fut en danger. (B.; C. A.) 1470. — G février, à heures du soir. À Bäle, tremblement de terre. Il y avait beaucoup de neige; le froid était excessif. (B.; G. A.) La note déjà citéedeM. Ch. Martins donne la datemensuelle du 21, d'après Mérian. C’est aussi cette date que cite Berghaus dans sa préface de la chronique de Von Hoff, 1475. — 2% août (nuit de St-Barthélemy). À Francfort-sur-Mein, tremblement de terre. (V. H.) La même année, éruption du Trélladijngr en Islande. 1492. — 7 novembre. À Bâle, tremblement de terre violent. (B.; C. A.) 1498. — 10 novembre. A Bâle, tremblement ajouté à la chronique de Von Hoff, par Berghaus , p. 4 de la préface. 1500. — Mai. La terre tremble en divers lieux; plusieurs endroits en Suisse fu- rent ébranlés. (B.; C. A.) La date de mai est indiquée par Gueneau de Montheillard, qui ajoute : le 28 mai, trombe près du cap de Bonne-Espérance , accompagnée d’un coup de vent furieux, suivie d'un orage affreux de 22 jours. Auparavant il avait dit : le 12 mai, on vit une comète à l'Est du cap de Bonne-Espérance; elle était visible jour et nuit; son apparition fut suivie de furieuses tempêtes, notamment le 25 mai. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 21 C'est entre ces deux citations que se trouve celle relative au tremblement de terre. La même année, douzième éruption du Vésuve. XVI' SIÈCLE. 4504. — 25 août, vers la 11° heure de la nuit. En Belgique, tremblement de terre de courte durée. (Johannis de Los, Chron., p. 119, Bulletin de l'Acad. de Bruxelles, t. IX, °° part., p. 559.) Au mois d'avril, secousses désastreuses dans le midi de l'Espagne; en mai et juin, tremblements à Genève et, sur la fin de l'automne, en Portugal, où ils'se re- nouvelèrent l’année suivante. 1505. — 50 juin, 4 heures du matin. En Belgique encore, tremblement très- court, d'un seul instant. (Johannis de Los, Chron., p. 120; communication de M. Quetelet.) Au milieu de cette année, secousses désastreuses dans l’Afganistan. Dans un seul jour on compta 53 secousses et pendant un mois, 5 ou 4 secousses chaque jour et chaque nuit. La même année, éruption du Pic de Ténériffe. — Le 14 septembre, 1510. Secousses considérables à Constantinople et dans l'Asie Mineure. On en ressentit en Allemagne à la même époque, mais on n'indique aucune localité. Von Hoff cite bien, il est vrai, Freiburg (Brisgau), la Styrie et le Tyrol comme ayant éprouvé des secousses en cette année, mais il ne donne pas de date mensuelle. Toutefois, voici un texte plus explicite : 1509. — 1" et 2 novembre (Anno D. 4509, Kal. novembris). À Freiburg (Brisgau), deux tremblements horribles. Le premier, qui eut lieu la nuit, soulevait les toits en l'air et les laissait ensuite retomber par mouvements alternatifs. Le second qui eut lieu le lendemain, vers le soir, fut plutôt un certain bruit (sonus quidam) et un horrible sifflement qu'une commotion ou un tremblement. (Frytschius, Meteor. method. dialectica, f. 142 verso.) 1514. — 20 janvier, à Bâle, tremblement de terre. (Berghaus, Préf. de Von Hoff.) 1522. — (sans date de mois). À Bâle encore. (Même source.) 1523. — 19 mai, 5 heures du matin. En Suisse, grand tremblement de terre. On fut fort effrayé à Neuchâtel, et dans le pays de Vaud comme à Yverdun , ete... (B.; C. A.) — 27 décembre. À Bâle, trois secousses. (Mêmes sources.) 22 MEMOIRE Berghaus (. c.) et la note de M. Ch. Martins d'après Mérian, indiquent la date du 28. La même année, secousses en Espagne et dans le royaume de Naples. 1524. — 22 avril. A Bâle encore. (Berghaus, /. e, et Mérian, suiv. M. Ch. Martins. 1528. — À Mayence, plusieurs secousses. (V. H.) 1529. — 11 septembre. A Bâle encore. (Mêmes sources.) 1530. — Dans le temps même de la mort de Zwingle (arrivée le 10 octobre), à la suite de grandes pluies, de tonnerres, d'éclairs et de tremblements de terre, la Flandre, la Hollande et la Zélande furent inondées. (G. Tarcagnota, Hist. del mondo, t. V. f. 69.) La Collection académique donne la date du 51 octobre 1529, pour l'inondation, mais elle ne parle pas de tremblement de terre. Et plus bas : 1550 ou 1532, grande inondation dans la Frise. 1551. — Au commencement de l'année, en Suisse (à Bâle), nouveau tremble- ment par lequel quelques maisons furent renversées en divers lieux. (B.) La Collection académique indique l’année 1532. Le 26 janvier 1531, tremblement épouvantable en Portugal , où les secousses se répétèrent 7 ou 8 fois par jour pendant une semaine. Il se fit sentir sur la côte septentrionale d'Afrique, en Espagne et en Suisse. ( Von Hoff cite le canton de Vaud comme l'ayant éprouvé.) Turquet ( Hist. d'Espagne, p. 1482) dit qu'il s'étendit jusqu'en Flandre, mais Von Hoff parait regarder les secousses de ce pays comme un phénomène différent qu'il donne sans date mensuelle, ce qu'il ne fait pas pour les secousses du canton de Vaud, dont il admet la simultanéité avec celles de Portugal. Gueneau de Montbeillard donne encore (A. C.) la date de 1552, et Lycosthènes (d'après Fincelius) en signale un nouveau à Lisbonne, cette année, après avoir dé- crit celui de 15514. S'il est vrai que toutes ces secousses aient eu lieu simultanément dans les diverses régions signalées , qu’elles aient renversé 1500 grandes maisons et toutes les églises à Lisbonne, ce phénomène peut être comparé à celui du 1° novembre 1755, non- seulement sous le rapport de son intensité, mais encore comme offrant un exemple non moins frappant d’axe d’ébranlement. La distinction entre les cercles et les axes d’ébranlements pouvant offrir de l'intérêt pour l'étude des soulèvements des mon- tagnes , je me propose d'étudier plus tard les tremblements de terre sous ce point de vue. Mais auparavant, il serait utile que mes catalogues fussent publiés , afin que différentes personnes pussent se livrer simultanément à la recherche des relations qui peut-être existent entre ces deux grands phénomènes. 1533. — 7 mars. À Bâle, tremblement violent, mais sans dommage. (B.; C. A.) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 23 — 25 ou 26 novembre. Dans toute la Suisse, principalement à S'-Gall, sur le lac de Constance et à Neuchâtel, secousses qui causèrent de grandes alarmes et peu de dommages. Le cours d’une rivière de la Thurgovie fut détourné. Toute l'an- née fut orageuse en Suisse. (B.; C. A; S. et V. H. auquel j'emprunte la date du jour, qui, suivant d’autres, est celle du 9.) — 27 décembre. À Bâle, trois secousses. (L.; Berghaus, Préf. de V.H.) La même année, peut-être à la même époque, forte éruption du volcan de Latacunga ou du Cotopaxi , au Pérou. 1554. — 22 octobre, pendant la nuit. À Zurich et dans les environs, violent tremblement de terre suivi d’un ouragan terrible dans les cantons de Zurich et de Lucerne. (B.; C. A.) Von Hoff, qui donne la date des 11 et 12 octobre (v. st. ?), cite encore Bade, Bremgarten, Mellingen, Bruck, Windisch et Kônigselden comme ayant été forte- ment ébranlés; l'Argovie et le canton de Berne. Scheuchzer donne la date du 2 pour le tremblement et celles des 21 et 22, pour l'ouragan. 1557. — A Bâle, tremblement de terre. (C. À.; Berghaus, Préf. de V. H.) 1558. — 98 janvier. À Bâle et dans tout le canton, nouvelles secousses, suivies de divers météores ignés. (B.;S.; C. A.) Berghaus ({. c.) donne la date du 20 janvier d’après Mérian; c’est celle qui se trouve aussi dans la note de M. Ch. Martins. 1540. — 18 juillet. À Bâle, tremblement de terre ajouté par Berghaus à la Chro- nique de Von Hoff. Le 27 juin, il y avait eu un grand tremblement de terre dans l'Erzgebirge de Saxe. Le 14 décembre, on éprouva encore en Allemagne des secousses qui renversèrent des édifices. Furent-elles ressenties dans le bassin du Rhin ? 1548. — 9 février, après # heures du matin. A Bâle, légère secousse par laquelle Lycosthènes fut réveillé : il se sentit secoué et comme soulevé dans son lit. J'aurais ignoré, dit-il, que ce mouvement fût l'effet d'un tremblement de terre, si je n’eusse appris que d’autres avaient éprouvé la même chose au même moment. (L.; B.; €. A.) 1549. — 12 mars, à Bruxelles, deux secousses. (Communic. de M. Quetelet.) 1552. — 16 septembre, 6 heures après midi. À Bâle, léger tremblement. (L. ; B.; C. A.) Dans le même mois, tout le Valais fut ébranlé. On ressentit des secousses en Hongrie. 155%. — 21,22 mars et 50 avril. En Belgique. Le phénomène des tremblements de terre est rare, surtout dans notre contrée, dit Cornélius Gemma, médecin de Louvain, et depuis plusieurs années, on n'y en avait pas éprouvé, lorsque, le 21 mars 24 MÉMOIRE 1554, à minuit, on y ressentit une secousse violente qui renversa les vases placés dans des lieux élevés. Le mouvement, comme je me le rappelle parfaitement, était accompagné d'un grand mugissement, il avait l'éclat de l'airain (velut ahenaeus clangor), comme celui d’un grand nombre de chars courant avec rapidité. Le lendemain 22, 4 heures du soir, deux fortes secousses. Enfin, le 50 avril, à 5 heures du soir, on ressentit encore trois secousses consé- cutives. (De naturae div. caract., Gb. HT, p. 25.) Le 10 février 1555. En Thuringe, affaissement du sol. Il en sortit une odeur in- fecte et pénétrante. 1556. — 15 janvier. Tremblement de terre à Strasbourg. (V. H.) Le 20, aurore boréale : le lieu où on l'aperçut n'est pas indiqué. Le 24, secousses en Hongrie et dans presque toute l'Allemagne. Dans le courant du mois, secousses désastreuses en Chine. 1557. — 2% avril. A Zurich et Winterthur, secousses accompagnés de beaucoup d'éclat, mais sans dommage. Elles s’étendirent dans le canton de Vaud, à Yverdun. (B.; C. A; V.H;S.) Le 17 mai 1558, en Thuringe, tremblement suivi d’inondations causées par la pluie. (F.) 1560. — Nuit du 27 au 28 décembre, minuit. À Zurich, faible secousse dont les guetteurs ou veilleurs de S'-Pierre et du Münster s'aperçurent au bruit que firent les fenêtres ébranlées. Elle fut suivie, la mème nuit, d’une aurore boréale vue non-seulement à Zurich, mais encore dans toute l'Allemagne. Un paysan rapporta encore, qu'un peu avant l'aurore, il avait vu quelque chose brillant de diverses couleurs s'élever du sol. (Scheuchzer, L. c., p., 74.) La veille, dans le duché de Wurtemberg, il s'était formé tout à coup, sur une largeur de 20 pieds et 56 pieds de profondeur, un gouffre dans lequel l'eau s'était élevée à 9 pieds environ. Le 15, à Vienne (Autriche), on avait éprouvé un tremblement de terre pendant une tempête épouvantable mêlée de tonnerre, de coruscation et d'éclairs. L'église de S'-Étienne avait été frappée de la foudre, et le ciel avait paru bräler. (Simon Schard, Rer. Germanic., t. HI, p. 2168.) Cette aurore boréale n'est-elle pas celle du 28? 1563. — 17 janvier, en Belgique, tremblement accompagné de tonnerre et de vent extrèmement violent que suivirent des pluies considérables (Corn. Gemma, £. c., p.41.) 1565. — nuit du 7 au 8 février. Dans le Hundsrück, sur la Moselle et le Rhin, plusieurs secousses. (V. H.) — (Sans date mensuelle). Tremblement de terre à Bâle. ({bidem.) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 25 4569. — 16 avril, 9 heures (du soir ou du matin?). À Berne, légère secousse. (Ibidem.) — 1% mai, minuit. À Louvain , tremblement avec bruit sourd. On vit, dit-on, des spectres dans l'air. Deux heures quarante minutes plus tard, Corn. Gemma res- sentit deux nouvelles commotions consécutives, dont la dernière dura 5 ou 4 mi- nutes. Il vit alors l'atmosphère teinte de diverses couleurs, d'apparence inusitée et très-terribles. (L. c., p. 64; C. A.) Von Hoff cite aussi la date du 12 mars, mais je préfère celle de Cornélius Gemma, témoin du phénomène. — 6 août. Une légère secousse. (V. H.) 1570. — 6 décembre. Pendant que les tremblements de terre se succédaient en Italie, on ressentit quelques secousses dans les Gaules, à Strasbourg et à Spire. Inondation du Rhône et du Rhin. (J. Aug. de Thou, Hist., t. IL. p. 56.) 1571. — 16, 17 et 18 février, Secousses considérables en Angleterre. Suivant Von Hoff, on en ressentit en Belgique. — 19 février, entre 8 et 9 heures du matin. À Bâle, à Strasbourg et dans toute l'Alsace, secousses violentes. L'année fut printanière, l'hiver froid , et l'été chaud. (B.; C. A.; V. H.). Scheuchzer les rapporte à 1572, même date mensuelle. Les 12, 45, 14 et 15. Aurores boréales, J. Aug. de Thou (L. c., p. 85) dit qu'il y eut un tremblement de terre à Yvorne (Berne), après les secousses d'Angleterre. Le 1“ novembre, inondation considérable en Hollande et tremblement de terre à Inspruck. 1572. — En Suisse, plusieurs secousses ressenties, principalement à Lausanne, à Aigle et dans le Haut-Valais. (B.; S.; C. A.) Rien n'indique que ces secousses doivent figurer dans ce travail, mais comme je les ai omises dans mon Mémoire sur les tremblements de terre du bassin du Rhône, j'ai voulu réparer un oubli. 1575. — 20 septembre. Tremblement à Zurich; tous les environs du lac fu- rent agités. (B.; C. A.) Scheuchzer donne la date du 20 décembre. Faut-il en compter deux ? —21 décembre (le soir de la S'-Thomas). Tout le canton de Glaris essuya d’ef- frayantes secousses, accompagnées de bruit et suivies de quelques dommages. (B.; C. A.) 1574. — 50 juin. À Zurich et dans les environs, plusieurs secousses. (B.; S.) — 30 juillet. A Bâle, une secousse. (V. H., d'après Mérian.) Le 3 mai, on en avait ressenti à Genève où l’on en éprouva de nouvelles le 24 avril 1575. 1576. — En octobre. À Bâle, quelques secousses dans le courant de l'automne. Tome XIX. 4 26 MÉMOIRE — 20, 21 et 22 novembre. Nouvelles secousses. — 20 et 21 décembre. Quelques secousses encore; le froid était très-grand. (B.; CA; V. H.) 1577. — 27 février. À Bâle , une secousse, (V. H., d'après Ragor, écrivain con- temporain.) — 22 septembre. A Bâle encore, trois tremblements; le premier entre 2 et 3 heures du matin; le second à 5 heures du soir, moins violent; le troisième dans la nuit, plus fort que le second. Puis le 25, le 24 et le 29, suivant Ragor. Toute la Suisse ressentit ces secousses; on s'en aperçut dans le pays de Vaud, surtout du côté d'Aigle. — à et 18 octobre. À Bâle, nouvelles secousses. On en ressentit plusieurs autres dans le courant de l’année sur divers points de la Suisse. Genève en éprouva et le château de Froutigue (Frütingen) fut plusieurs fois ébranlé. (B.; C. A.; V.H.;S.) — (Sans date de jour.) À Strasbourg, Haguenau et dans les lieux voisins, plu- sieurs secousses. ( V. H., d'après Beuther.) Ont-elles eu lieu en même temps que celles de Suisse? 1578. — 28 septembre. En Suisse, tremblement général, plus fort à Zurich. (B:3S:; C. Ai) 1579. — 6 avril. Dans les Pays-Bas, deux secousses légères; quelques églises et quelques elochers furent ébranlés. (Mémorial de Chronol., t. IX, p. 915.) Ce fait diffère-t-il du suivant ? Je ne le crois pas. 1580. — 6 avril. A Bruxelles, Malines, Cologne et en Hollande, secousses res- senties sur les côtes de France, à Calais, à Boulogne, jusqu'à Paris et à Château- Thierry. (De l'Estoile, Journal de Henri II, t. 1, p. 198, de la coll. Petitôt; J. Aug. de Thou, Hist., t. IT, p. 766; V. H.) Ce tremblement fut considérable en Angleterre. La mer fut violemment agitée, le ciel était serein et tranquille. Deux nouvelles secousses eurent lieu pendant la nuit; la première avait eu lieu à 6 heures du soir, celles-ci se firent sentir à 9 heures et à 11 heures. — 1% mai, nouveau tremblement dans le comté de Kent. Il fut ressenti dans les Pays-Bas jusqu'à Cologne. (Cambden, Hist. d'Élisabeth, p. 514; J. Aug. de Thou, L. e., p. 766 et 784; C. A.) Le même jour, secousses qui renversèrent des maisons à Naples et à Pou- zolles. 1584. — 1° mars (un dimanche), à midi. Dans toute la Suisse, en Bourgogne, Dauphiné et en Piémont. J'ai décrit ailleurs ce qui se rapporte au bassin du Rhône; voici les seuls détails que j'ai trouvés relativement à celui du Rhin. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 27 Le bourg et le lac de Gryffensée, à deux lieues de Zurich, furent violemment agités et souffrirent du dommage. Le tremblement redoubla trois jours de suite et le 4, la chute d’une montagne couvrit les villages d'Yvorne et de Corbeiry, près d’Aigle. Il faut que les secousses soient encore revenues plusieurs jours après, puisque le 10, on ressentit non-seule- ment à Bâle (où l'on avait éprouvé celui du 1"), mais dans tout le reste de la Suisse, un nouveau tremblement qui s'étendit dans la Savoie. (B.,S.; C. A.; note de M. Ch. Martins.) 1591. — 5 septembre. À Bâle, une secousse. (V. H.) 1592. — 11 février. À Francfort-sur-Mein, tempête violente pendant laquelle on prétend avoir ressenti un tremblement de terre. (V. H.) 1593. — 5 novembre. À Neuchâtel et aux environs, tremblement qui divisa de haut en bas de larges rochers. (B.; C. A.; Huot.) 1594. — Après la S'-Martin (auf S'-Martins-Tag). Dans le canton de Glaris, tremblement de terre pendant lequel une montagne tomba et fit quelques dommages. (B.; C. A:;5.) XVII SIÈCLE. 1601. — 8 février. À Francfort-sur-Mein, tremblement fort, mais sans dom- mages. (V. H.) — Nuit du 7 au 8 septembre, entre 1 et 2 heures après minuit. Fameux trem- blement de terre dont l'Europe entière et l'Asie éprouvèrent non moins de dommage que d’effroi. Il fut ressenti en Autriche, en Bavière, etc. En Suisse (sans parler du bassin du Rhône qui trembla dans toute son étendue), il ébranla tout le pays de Vaud, Yverdun, Orbe... A Berne, toutes les maisons furent ébranlées, mais sans aucun renversement. Il y eut seulement quelques ornements extérieurs de la cathédrale qui furent abattus. À Lucerne, le cours de la Reuss fut interrompu, en sorte qu'une partie tombait dans le lac, tandis que l'autre partie rebroussait chemin : on aurait pu passer à sec dans le lit pendant un instant. Zurich fut violemment agité; il y eut des ruines. A Bâle, la maison de ville fut extraordinairement ébranlée. On le ressentit à Haguenau, Strasbourg, Spire, Francfort, dans le Wurtemberg et la Hesse. À Gotha, un clocher fut renversé. (S.; B.; C. A; V. H) 1602. — 28 juin, 6 heures du matin. A Zurich et aux environs, nouveau trem- blement. (B.; S.; C. A.) 28 MÉMOIRE 1604. — 14 avril, entre 9 et 10 heures (du matin ou du soir?). À Bâle, trem- blement de terre (B.; C. A.) 1607.—2 avril. Dans tout le pays de Vaud, particulièrement à Yverdun,, trem- blement suivi de plusieurs orages. (Ibidem.) Cette année fut signalée par des secousses dans toute l'Europe. — Dans le pays de Würtzhourg , à Ebersklingen, on ressentit une secousse qui occasionna peut-être la chute d’une montagne (V. H.) 1610.— 29 novembre. A Bâle , tremblement considérable qui renversa une partie des murs de la ville et fut accompagné d’un murmure souterrain. (B.; S.; C. A.) 1612. — 29 février. À Bâle encore, tremblement sans dommages. (Ibidem.) — Du 9 novembre au 7 décembre, tremblements de terre en plusieurs endroits de l'Allemagne, en Westphalie, surtout à Bielfeld ; pas un jour de tout ce temps ne se passa sans ruines notables en cette ville et au château de Sparemberg; l'air était calme et les arbres paraissaient agités comme par un grand vent. (C. À.; Mercure français, adjonction à l'an 1612, p. 3.) On ressentit aussi des secousses désastreuses dans l'ile de Candie et sur plusieurs points de la Méditerranée. 1614. — 17 février, la nuit. À Bâle, tremblement considérable accompagné d'un grand bruit. Le 25 juin, dans le canton de Bäle, météores ignés à 9 heures du matin. — 24 septembre, après minuit. À Bâle encore, nouveau tremblement considé- rable et accompagné, comme le précédent, d’un grand bruit. (B.; S.; C: A.) 1617. — 5 juillet. Pendant un tremblement de terre, un grand rocher tomba sur une maison à Fribourg et l'écrasa. (Mêmes sources.) 1618. — 25 août, la nuit. Dans toute la Suisse , secousses auxquelles on attribue la chute du Conto, qui ensevelit la ville de Pleurs (Grisons), remplacée par un lac. Il périt environ 1200 personnes. On cite comme ayant ressenti les secousses, la Valteline, le pays de Vaud, dont la plupart des villes furent, dit-on, ébranlées, ainsi que Neuchâtel. On vit ensuite des météores ignés. (Mêmes sources.) 1649. — 19 janvier, entre 6 et 7 heures du matin. À Francfort-sur-Mein, Kô- nigsberg, Kronberg, Reiffenberg, jusqu'à Boppart, S'-Goar et Oberwesel, un trem- blement de terre que j'emprunte à Von Hoff, mais (PRE lequel la collection acadé- mique donne la date du 26 janvier. La petite rivière de Nidda, non loin de Francfort, cessa longtemps de couler. (V. H.) — 29 janvier. À Neuchâtel, tremblement sensible, plus violent en d’autres lieux : il faisait un vent violent qui fut suivi de pluies. (B.; C. A.) Von Hoff donne encore la date du 19. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 29 Le 4 février, au Pérou, secousses sur une étendue de plus de 160 milles. 1620. — En janvier. Dans le canton de Berne, surtout à Froutigue , tremble- ment qui s'étendit jusqu'à Genève, où l'on en éprouva un second en décembre sui- vant. (B ; C. A.) On ressentit des secousses en Autriche. 1621. — 20 mai (jour de la Pentecôte), pendant le sermon du soir. À Bâle, à Neuchâtel, dans le canton de Vaud, à Genève et en Savoie, tremblement qui ren- versa plusieurs cheminées à Neuchâtel. {Mémes sources.) 1622.-— En mars. Dans la haute et basse Engadine, tremblement suivi de pluies et d'orages. (B.; C. A.) 1623. — Du 20 au 24 février. Dans la Valteline, dans la communauté de Per- gell (Grisons), diverses secousses chaque nuit. Les monts Septimer et Major furent ébranlés. Il s’en détacha des pierres. Ce tremblement fut aperçu bien loin dans le pays de Cleves et ailleurs. (B.; S.; C. A.) Von Hoff doute qu'on puisse lire Clèves. Il s’agit en effet de Chiavenna, qui s’ap- pelle aussi Cleven? C’est ainsi que l'écrit Scheuchzer. Durant l'été, pluie rougeâtre à Ancenis en Bretagne, à Herbrachin dans le Wur- temberg, à Maiensfeld, pays des Grisons, à Malanfi, à Darmstadt dans la Hesse, à Vindisbac, à Podebrai en Bohème, l'eau d'un puits fut rouge pendant quelques jours. (Où se trouvait ce puits”) — 29 novembre. Tremblement dans le Palatinat. (V. H.) 162%. — 29 novembre. Dans le Palatinat encore. (V. H.). Y at-il là deux phénomènes distincts? Et puis, de quel pays s'agit-il? 4625. — 22 février, 14 heures du matin. En divers lieux de la Suisse, tremble- ment très-sensible. (B.; C. A.) Le même jour, secousses dans le Budjadingerland. (Ce pays m'est inconnu.) 1626. — En janvier. Tremblement à Worms. (V. H.) — 22 février. À Elbermannstadt, dans le pays de Bamberg, dans le duché d'Oldenbourg, tremblement que j'emprunte à Huot. (Cours de géol., t. X, p. 110.) Ne doit-on pas le confondre avec celui qui fut ressenti en Suisse, l'année précé- dente? Von Hoff rapporte à 1625 (mais sans date de jour ni de mois) un tremble- ment de terre ou une chute de montagne entre Ebermannstadt et Geisseldorf, dans une chaine qu’il désigne sous le nom de Trudenleiten. 1650. — 5 juillet, la nuit. À Bâle, une secousse; il faisait très-froid. (B.; C. A.) Dans le même mois, tremblement à la Mecque; beaucoup de maisons furent renversées. — 25 décembre. A Bâle encore, tremblement violent. (B.; C. A.) 1656. — À Schéledstadt et dans la Basse-Alsace, secousses violentes pendant huit jours. Elles avaient lieu à 7 heures du matin, midi, 7 heures du soir et mi- 30 MÉMOIRE nuit. Elles étaient accompagnées de bruit, mais ne firent aucun dommage. (V. H.) 1658. — En mars. Dans le canton d'Uri, à Bellinzona (Tésin) et dans quelques autres lieux , plusieurs secousses. (B.; C. A.) Dans le même temps, la Calabre éprouva des secousses désastreuses pendant quatorze jours. On y en avait ressenti de légères depuis le 18 janvier 1640. — 4 avril, 5 heures 15 minutes du matin (deux jours avant la pleine lune). En Belgique, en Hollande et en France, trois secousses considérables accompagnées d’un bruit semblable à celui d’une voiture très-chargée. On cite Malines, Bruxelles, Anvers, Mons, Namur, Cambrai, Metz, Luxembourg , Francfort, etc. Elles s'éten- dirent en Hollande, en Zélande, dans la Frise, la Gueldre, la Westphalie, la Lor- raine .…, ce qui fait un espace de plus de 560 lieues, lequel a été violemment ébranlé dans tous ses points. Les vaisseaux qui se trouvaient dans les ports de Hollande.et de Zélande furent agités sans qu’il fit aucun vent. (C. A.; Mémorial de chronologie, t.W, p: 919 !; Brachelii Hist., part. [, p. 587.) 1642.— Quelques semaines avant Pâques. En Hollande, plusieurs secousses. (V.H.) Ce tremblement est-il différent de celui de 1640? Cette année, Pâques était le 20 avril. — 18 novembre. À Spire, Worms, Mayence, Francfort et Cologne, plusieurs secousses. (V. H.) — 22 novembre, la nuit. Dans le comté de Neuchâtel, trois secousses. (B.;C. A.) 1644.— 2 avril. À Bâle, une secousse. ( V. H.) Le 16 février et le 5 ou 13 juin, secousses à Genève et dans les environs. Le 19 janvier 1645, il y eut dans toute la Suisse un vent d'ouest si violent qu'en plusieurs lieux ont crut avoir senti trembler la terre. Il renversa des arbres, des murs et des tours. Les eaux du Rhône rebroussèrent à Genève. 1647. — } mai, à Bâle, une secousse. (V. H.) Le 15, tremblement désastreux au Chili. « ? Enim verd nox erat inter diem tertiam et quartam Aprilis, anno 1640, quadransverd post horam tertiam a nocte media; luna post biduum indè plena et dies Mercurii ante Pascham , quando Hechlinia (ubi tunc eram propter cau- sas), insigniter tremuit et subsilit, tribus repetitim accessibus , singulaque invasione tremor durayit paulo minüs quäm esset spatium Symboli Apostolorum. Accessum verd quamlibet immediatè praecessit mugitus quidam in aere , et quasi rotarum actio, qua majora tormenta bellica per plateas vehuntur, terram succuteret. Didiei ab amicis, iisdem penè momentis, iisdemque tribus repetitis vicibus, pari intervallo diremptis, similique comitante mugitu; tre- muisse Bruxellam, Antwerpiam, Liram, Goudanum, Montes Hanoniae, Namurchum, Camerachum. Deinceps audivimus idem accidisse in Hollandia , Zelandia , Frisia , Luxemburgo et Gelria , imo Francofurtum ad Moenum » usque non minus tremuisse. Metziis aliquot turres dirutas , et nova aedificia prope Threnopolin corruisse; tre- muisse quoque Westphaliam , imd Ambiarum et Galliae finitimas oras. Tractus est ad minimum tercentum sexa- ginta leucarum, singulis ejus cireuli minimis locis , aequali ubique formidine, trepidabat solum. Intellexi naves in portubus Hollandiae atque Zelandiae , malis atque antennis concussas , absque vento.» (Opera. Joh. Bapt. VantHel- mont, art. Terrae tremor, p. 90. — Rév. du Globe, déja citées.) # » » © Ê SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 51 1648. — 25 novembre. À Yverdun et dans le canton de Neuchâtel, quelques se- cousses ; il faisait du vent. L'hiver fut très-pluvieux. (B.; C. A.) 1650.—10 janvier. Dans le canton de Berne, tremblement qui, plus léger à Neu- châtel, s’étendit cependant jusqu'à Morges dans le bassin du Rhône. — 15 février. Tremblement à Bâle. — 15 mars, dans la nuit. À Pâle encore. — 9, 6, 7 et 16 mai, à midi. Nouveaux tremblements. — A1 juillet, 4 heures du matin, et le 26, secousses nouvelles. — 10 septembre. À Berne et sur les bords du lac de Genève, à Lausanne, Morges, Vevey, etc….., tremblement violent, qui, un jour auparavant, avait été pré- cédé d’un orage furieux, lequel causa beaucoup de ravages. — 11 septembre, 4 heures du matin. A Bâle, tremblement le plus violent de l'année et pourtant sans dommage. Il s’est fait ressentir aux mêmes lieux que celui du 10. Les 12, 16 et 19, nouvelles secousses à Bâle. — 9, 10, 15, 16, 18 et 20 octobre. A Bâle, secousses légères. — 6, 9, 10, 15, 16 et 20 novembre. Nouvelles secousses légères dans le canton de Bâle, à différentes heures. Cette année, la seigneurie de Hohensax, dans le canton de Zurich, éprouva dix- huit tremblements de terre (Zurich quatre.) Ce fut une année pluvieuse. (B.; S.; C.A.; V.H.) La note manuscrite (déjà citée de M. Ch. Martins) ne signale en novembre que le 6 et le 9. Les tremblements ressentis dans la seigneurie de Hohensax, ont-ils eu lieu en même temps que ceux de Bâle et de Berne”? Scheuchzer dit que la seigneurie de Hohensax fut ébranlée pendant cinq jours consécutifs au commencement de l'année, Bâle et Zurich en automne. Le 7, 2 heures du matin. Météore igné près de Wedischwill; il volait avec un bruit effrayant. 1651. — 8 et 18 janvier. Secousses à Bâle. (V.H.) — 12 février. À Bâle encore, nouveau tremblement. ( V. H.) — 8 et 25 juin. Dans l'Engadine (Suisse), diverses secousses. — 3 août. Aux mêmes lieux, nouvelles commotions.(V. H., d’après Keferstein.) Le 29 octobre et le 8 décembre, secousses à Genève. 1552. — 4 février. Dans les cantons de Zurich, de Bâle et de Schaffouse, trem- blement assez violent. (B.; S.; C. A.; Ephém. de Manheim, an. 1785, p. 685.) — A" août. À Bâle, une secousse. (V. H.; note deM. Ch. Martins.) — 10 décembre. À Neuchâtel, tremblement suivi immédiatement d'une grande abondance de neige. (B.; C. A.) 32 MÉMOIRE — Dans le canton de Berne, plusieurs tremblements de terre dans l'année. (Ibidem.) 1653. — 9 janvier. À Francfort-sur-Mein, tremblement de terre. (V. H.) — 14 janvier, au milieu de la nuit. À Bäle, tremblement violent. (B.; C. A. ; V.H.) — 25 août. À Bâle, encore une secousse. ( V. H.) 1654. — 17 mars. En divers lieux de la Suisse, tremblement de terre. Le canton de Glaris essuya, dans l’année, quinze tremblements différents. Il y eut aussi de fréquents orages cette année et la suivante. (B.; C. A.; MS) 1655. — Vers la fin de mars, tremblement à Strasbourg et dans le Wurtem- berg. (V. H.) — 53 juillet. Secousse à Francfort-sur-Mein. ( V. H.) Toaldo caractérise ainsi cette année : année très-sèche avec des tremblements de terre. Les deux que je viens de citer sont les seuls que je connaisse pour l'Europe. Le 15 novembre, il y en eut un très-violent à Lima. La ville fut fortement en- dommagée. 1656. — 95 février, dans la nuit. À Bâle, trois secousses ressenties à Neuchâtel et dans d’autres lieux de la Suisse. — 16 mai, entre 5 et 4 heures du matin, à Bâle, une secousse. — En août, troisième tremblement en Suisse, par un temps pluvieux et froid qui devint chaud bientôt après. Ce tremblement fut ressenti à Bâle. (B.; C. A.; MAS) En février ou, suivant d’autres, à la fin de l'année, il y eut en Syrie un grand tremblement de terre par lequel Tripoli fut bouleversée. 1657. — 9 août. À Bâle, tremblement que je trouve mentionné seulement dans la note de M. Ch. Martins. 1660. — Du 4” novembre au 5 décembre, la terre trembla six fois à Neuchâtel. (B%1CA:) 1661. — 8 ou 9 janvier, entre 10 et 11 heures du soir. Dans tout le canton de Glaris, une secousse qui causa quelques dommages. (B. ; C. A.) Scheuchzer donne la date du 9, à 11 heures. — 15 janvier. Tremblement à Bâle. (Note de M. Ch. Martins.) Le 17, tremblement dans le duché de Milan. Le 20 , à 7 heures du matin, un globe de feu très-ardent parut tomber du ciel dans le canton de Glaris; on en vit autant à Wedischwill, à la même heure. — 25 janvier. A Neuchâtel, une légère secousse. (B.; C. A.) Dans le courant du mois, à l'ile Formose, secousses qui renversèrent plusieurs SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 33 maisons à Tajovan , tourmentèrent les vaisseaux dans le port, soulevèrent les flots de la mer, renversèrent une partie des fortifications du fort Zélande et durèrent plus de six semaines. Formose est sujette aux tremblements de terre. — 3, 14, 24 et 27 décembre. Secousses à Bâle. (Note de M. Ch. Martins.) — Dans le courant de l’année, un grand rocher tomba près du mont Jura, aux environs de Soleure, et fit beaucoup de mal. (B.; C. A.) 1665. — 5 janvier. Dans le canton de Berne, du côté d'Aigle, légère secousse. (B.; GC. A.) — Le 10 juin, retour du même phénomène aux mêmes lieux. ({bidem.) Ces secousses s’étendirent-elles dans le bassin du Rhin ? Du 5 janvier, ou peut-être seulement du 5 février, au mois d'août, secousses dé- sastreuses sur une étendue de plus de 400 lieues dans l'Amérique du Nord , aux États-Unis et principalement au Canada. — 10 septembre, 10 heures du soir. Toutes les Alpes du canton de Glaris furent ébranlées ; les bestiaux parurent effrayés du murmure. Le 15, nouvelles secousses précédées et accompagnées d’éclats semblables à ceux du tonnerre. (B.; C.A.; S.) 1665. — 1° mars, 2 heures du matin. Dans le canton de Glaris, les Alpes furent ébranlées comme les 10 et 15 septembre 1665. (B. ; C. A.; 8.) Le même jour, dans le royaume de Naples, tremblement à la suite duquel il se forma un gouffre d’où sortit du feu à Nichino Casale. — 51 mars. À Neuchâtel , quelques secousses ressenties principalement dans les montagnes. — En mai, nouvelles secousses. (B. ; C. A.) Dans ce mois, grande peste à Londres et dans la Frise orientale. Le 19 , grande tempête (sans indication de lieu), accompagnée de tonnerres horribles, pendant laquelle il tomba une poussière vraiment sulfureuse. (C. A.) 1666. — 1* septembre. À Arbon, sur le lac de Constance, tremblement pendant lequel les eaux avancèrent de plus de 25 à 50 pieds sur le rivage, et se retirèrent subitement. — 20 octobre. À Eglisau, secousses considérables. — 9, 8 et 14 décembre. À Eglisau, nouvelles secousses avec bruit. — Le 11, à Bâle, secousse violente. (B.;S.; C. A.) En novembre précédent , 5 villes et 50 villages avaient été bouleversés en Assyrie parun tremblement de terre; on avait aussi ressenti des secousses à Corfouet à Porto. 1667. — 50 juin. À Schaffouse, Berne, Zurich, Inspruck et Salzbourg, plu- sieurs secousses. (V. H.) Le 27, on en avait ressenti à Ancône. Tome XIX. ù 54 MÉMOIRE 1668. — 20 avril, entre 3 et 4 heures du soir. À Glaris, tremblement accom- pagné d’un grand bruit souterrain et suivi d’une grande vapeur. (B.; C. A.;S.) — 26 avril. A Bâle, tremblement de terre. (Note de M. Ch. Martins.) — 14 décembre, entre midi et 4 heure. A Francfort-sur-Mein, léger tremble- ment. (V. H.) — Tremblement de terre, à Sarrebourg, en Lorraine. Un convalescent d’une fiè- vre maligne, qui avait la jambe découverte au moment du tremblement, fut attaqué de la gangrène en cette partie, qu’il fallut couper cinq semaines après. La mème chose était arrivée déjà dans le voisinage. (C. A.) L'auteur fait-il allusion au phénomène de 1085 ? 1669. — 50 septembre, 3 h. 30 m. du matin. À Strasbourg, trois secousses , dont la première fut la principale. Le même jour, tremblement à Bâle. (V. H.) 1670. — 6 juillet, 2 heures du matin, tremblement dans le canton de Neuchâtel. — Le T7, 5 heures du matin, dans le canton de Glaris. (B.; C. A.) — Le 17 (n.st., et le 7, v.st.), 5 heures du matin, secousses très-étendues qui se renouvelèrent pendant plusieurs jours. Elles furent très-fortes à Hall (Tyrol) et dans les environs, comme à Inspruck et Schwatz. Au Sud, elles s'étendirent jus- qu'à Venise; vers le nord, à Wildungen, Augsbourg, Donawerth et jusqu'à Nu- renberg; du côté de l'Ouest, au lac de Constance et dans le canton de Glaris. A Hall, une église et plusieurs maisons furent renversées. (V. H.) Ce fait, que l’auteur de la Collection académique fait commencer avec la nouvelle lune, dans la direction d'Orient en Occident et durer plus d’un mois, est regardé par lui comme un phénomène distinct de celui du 7. Cet auteur, en effet, ne parle pas ici du canton de Glaris, qu’il a signalé d'après Bertrand. Mais, dans l’avertisse- ment qui précède son Catalogue, ilne parle pas de la correction grégorienne. Comme d’ailleurs, cette réforme ne fut guère admise en Suisse que vers l'an 1700, il est probable que toutes les dates empruntées à Bertrand sont de l’ancienstyle. M. Bra- vais pense qu'il en est de mème de celles qui se trouvent dans la Note de M. Ch. Martins sur les tremblements de terre de Bâle. Cependant, je ferai remarquer que Von Hoff, qui corrige la date du 7 juillet, ne corrige pas celle du 6, ni aucune de celles qui précèdent, ni en général celles qui suivent. Aussi aurai-je soin de mar- quer toutes les dates qui seront corrigées. — 18 septembre, 10 heures du matin. Dans le canton de Glaris, tremblement avec murmure dans l'air. (B.; C. A.; V.H.;5.) En septembre 1671, sur les côtes de la Manche et dela mer du Nord, à S'‘-Malo, le Havre, Calais, Dunkerque, Anvers. une secousse. (V. H.) S'est-elle étendue jusque dans le bassin du Rhin? 1672. — 9 janvier, 5 heures du soir. Dans la seigneurie de Hohensax (Zurich), SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 39 et aux environs, à Frumsen, deux secousses; la dernière fut accompagnée d’un bruit éclatant et fit du dommage. (B.; S.:; C. A.) — 12 mai, 11 h. 50 m. du matin. Aux mêmes lieux, phénomène semblable. Partout les montagnes et les vallées, la terre et les eaux furent ébranlées. — 2 décembre, 5 heures du soir. A Usler, Eglisau, Kybourg et autres endroits du canton de Zurich, tremblement très-sensible avec bruit faible. F faisait très- froid. Le temps devint incontinent plus doux. (B.; S.; C. A.) Le même jour, une secousse à Bâle. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) —- 10 décembre. À Zurich, tremblement que Bertrand cite d’après J. 3. Wagner, mais qu'il parait confondre avec le précédent; Gueneau de Montbeillard le donne comme un phénomène distinct. 4675. — 15 février. Dans le canton de Glaris, tremblement suivi d’une grande chute de neige; plusieurs autres qu'on y ressentit dans le courant de l'année, furent moins sensibles. (B.; C. A.;S.) Le 25 janvier, 5 heures du soir. À Zurich et aux environs, météore igné, ac- compagné d'un bruit éclatant. Le 22 février 10 heures du soir, et le 21 mars, 8 heures du soir, globe de feu vu en divers lieux de la Suisse. — En mars. Une secousse à Dusseldorf. (V. H.) 1674.— En mars. À Yverdun, tremblement précédé d’un bruit dans l'air et suivi d'une vapeur. (B.; C. A.). — 6 décembre, pendant le sermon du matin (c'était un dimanche). Dans toute la Suisse et dans les pays voisins, vive secousse. Elle fut violente à Bâle : tout le monde sortit des églises. On l’a ressentie à Colmar. Ce tremblement fut plus violent encore à Hohensax. Le canton de Glaris fut aussi particulièrement agité. A Näfels, les secousses furent le plus violentes. (B.; C. A; V.H.;S$.) Peu après, on vit deux météores ignés, ou globes de feu, tomber du ciel. Le 29 mars 1676 , à 11 heures du soir, météore igné dans la Thurgovie. Le 40 juillet 1678, au-dessus de Hohensax, une portion de montagne avec les arbres dont elle était couverte, tomba avec éclat. On voit maintenant, dit Bertrand, dans l'endroit de la montagne détachée, un rocher nu et abrupte. « C'était sans » doute une suite des tremblements auxquels ce lieu était auparavant sujet. C'est » ainsi que se forment dans les montagnes ou ces précipices, ou ces terrains perpen- » diculairement coupés, qu'on ne voit pas sans frissonner. » Dans ce mois , commotions souterraines et chute d'une montagne dans les Pyré- nées. Il se forma un lac d'où jaillirent des torrents dont l’eau avait un goût minéral. L’Adour et la Garonne débordèrent. 36 MÉMOIRE 1679.— 95 janvier, entre 2 et 5 heures du matin. Dans le canton de Glaris, nouvelles secousses. On entendit un murmure souterrain, avant, pendant et après. (B:;,0. AS.) —— 14 mars. À Bâle, une secousse. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) 1680. — 24 juillet. En plusieurs endroits de la Suisse, particulièrement à Bâle, Neuchätel , Yverdun et Orbe, plusieurs secousses. Dans cette dernière localité, elles furent suivies d'un murmure qui dura plusieurs minutes, et d'orages, de grèles et de pluies qui produisirent de très-grandes inondations, surtout dans le pays de Vaud (B.; S.; C. A.) — 11 décembre. À Bâle, une secousse. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) 1681. — 27 janvier, entre 10 et 11 heures du soir. Secousses en Suisse, parti- culièrement dans le canton de Glaris. On sentit ces secousses à Neuchâtel et à Bâle. Dans plusieurs localités du canton d'Appenzell, des tuiles tombèrent des toits; il faisait un grand froid. (B.; GC. A;S.) Scheuchzer donne la date de 1680, p. 181, et celle de 1681, p. 192. — Dans le courant du mois, un vendredi, entre 4 et 5 heures. À Mayence, Francfort-sur-Mein et Hanau , une secousse qui brisa les glaces du Mein, mais causa peu de mal. (V. H.) 1682. — 16 janvier. À Trübenhausen (Hesse), une secousse avec chute d’une montagne. (V. H.) — % mai, entre 2 et 5 heures du matin. En Suisse, en France et en Savoie, secousses sur une vaste étendue de pays. Elles furent accompagnées en divers lieux d'un bruit souterrain et dans d’autres endroits d'une agitation dans l'air. En Suisse, on cite Pâle, Neuchâtel, Genèveet le canton de Glaris, où ce bruit fut suivi d'un grand éclat; en Allemagne, dans la Thuringe; à Gotha, la tour de l'hôtel de ville et le clocher de l'église S“-Marguerite éprouvèrent des oscillations bien mar- quées. En France, ce tremblement ébranla toute l'Alsace, la Lorraine, où l'on cite Bar- le-Due , Nancy et Metz, la Champagne (Troyes), la Bourgogne (Auxerre), la Franche-Comté (Vesoul), le Lyonnais. Il s’étendit au Nord jusqu'à Paris et au Sud jusqu'en Provence. (B.; V. H.) Les principaux détails qui précèdent sont empruntés à Von Hoff, pour la France, mais ils me paraissent devoir se rapporter au tremblement du 12 du même mois; il y a erreur probable. La correction relative au calendrier n'aura sans doute pas été faite. — 4 mai, 7 heures du soir, tremblement à Francfort-sur-Mein. (V. H.) — 7 mai, dans le canton de Glaris, tremblement avec bruit subit et semblable à celui du plus gros canon qui fit vibrer les fenètres. (S. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 57 Le 12, entre 2 et 3 heures du matin. En Suisse, à Bâle, à Neuchâtel et autres lieux, plusieurs secousses. (V. H.; C. A.) Les secousses de ce jour furent moins fortes que celles du 2, à Genève. (C. A.) Ainsi le phénomène unique dans le bassin du Rhin, eût été double dans celui du Rhône. Le 15, 2 heures du matin, nouvelles secousses. À Paris, elles furent légères et durèrent environ un quart d'heure. Ce tremblement, dont la date parait peu certaine à cause de la correction relative au calendrier, qui nulle part, à ma connaissance, n’est indiquée, est néanmoins un des plus remarquables que la France ait éprouvés , tant par l'étendue des pays ébranlés que par les circonstances qui l'ont accompagné. J'ai déjà dit que ces se- cousses (que je considère comme constituant un seul phénomène) s’étendirent de- puis Paris jusqu'en Provence. Mais leur foyer parait avoir été à Remiremont, sur la Moselle, au pied des Vosges, où elles se firent sentir pendant plusieurs semaines de suite. Elles y étaient accompagnées d’un bruit souterrain semblable à celui du tonnerre , et si violent que lorsquela grande église des chanoinesses tomba, on n’en entendit rien. Ces secousses ne se faisaient sentir que la nuit et jamais le jour, à cinq ou six lieues aux environs de la ville, avec la même violence, particulièrement dans les fonds et dans les entre-deux des montagnes. On voyait des flammes sortir de terre sans qu'on püt remarquer leur issue, excepté dans un seul endroit, où lon aperçut une ouverture en fente dont on voulut inutilement mesurer la pro- fondeur : elle se boucha quelque temps après. Les flammes qui sortaient de la terre et qui étaient plus fréquentes dans les bois et autres lieux plantés d'arbres, ne brülaient point ce qu'elles rencontraient; elles rendaient une odeur assez désagréable qui n'avait rien de sulfureux ; elles devaient être produites, ajoute l'abbé Richard , par des matières grasses, bitumineuses, réunies dans le sein de la terre où elles consumaient les corps auxquels elles s'attachaient. On en juge par ce qu'une fontaine proche de la ville en avait été troublée et rendue semblable à de l'eau de savon, non-seulement par sa couleur, mais encore par une qualité abstersive qui lui en était restée. Il se formait à sa superficie une écume qui se coagulait en une matière semblable à du savon, et qui se dissolvait aisément dans l’eau. On ne dit pas si l'éruption de ces feux occasionna quelque changement dans la température de l'air. Dans le bassin du Rhin, on cite encore Strasbourg, outre Bar-le-Duc, Nancy et Metz déjà mentionnés. Il y eut quelques dégâts dans cette dernière ville, Dans celui de la Seine, entre Paris et Troyes, déjà cités, on signale aussi Tonnerre, Rivière (Yonne), où une fontaine considérable demeura à sec pendant une demi- heure, Sens et Auxerre, puis Joinville, Châlons, Reims, Soissons, Laon et Pro- vins; Orléans, dans celui de la Loire. 38 MÉMOIRE Dans le bassin du Rhône, Vesoul , Plombières, dontla fontaine jeta, le 15, beau- coup plus de fumée qu'à l'ordinaire, Dijon, où le même jour, les bergers ne pu- rent empêcher leurs troupeaux de regagner l’étable dès 4 heures du soir, Dôle et Mäcon. Le Beaujolais, le Lyonnais, le Dauphiné, la Savoie et la Provence res- sentirent aussi des secousses. Îl y a donc là un axe d’ébranlement, ou plutôt trois axes divergents d’un centre commun et dirigés suivant les trois bassins principaux au sommet desquels se trouvent les Vosges et leurs prolongements, la Meuse, la Marne et la Seine vers le Nord et l'Ouest, et la Saône au Midi. (Spon., Hist. de Genève, t. 1, p. 599; S.; B.; C. A. & I, p. 95, ett. VI, p. 578; V. H.; Richard, Hist. des météores,t. NII, p. 495.) Dans l'Histoire de l'Académie des sciences de Paris, t. 1, p. 341, on ne donne que la date du 15 et on signale seulement Paris, et Remiremont dont les habitants quittèrent la ville pendant six semaines. 1685. — 27 novembre. A Bâle, une secousse. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) 1684. — 26 février, entre 8 et 9 heures du soir, plusieurs endroits de la Suisse et des pays voisins ressentirent des secousses. Quelques maisons furent renversées. (B.; S.; C. A.) — Dans le courant de l'année, secousses en Lorraine, dans le Limousin et dans le Poitou. (V. H.) 1685. — 26 février, à la même heure que l'année précédente. Dans presque toute la Suisse, tremblement très-sensible à Lausanne, à Bâle et dans le Haut-Va- lais. (B.; C. A.) Scheuchzer cite le canton de Glaris. Bertrand et Gueneau de Montbeillard doutent que ce fait soit différent de celui de 1684. Von Hoff le rejette comme double emploi, mais il cite pour ce jour et pour le surlendemain 28, des secousses ressenties à Bâle. Elles se trouvent aussi men- tionnées dans la note de M. Ch. Martins. — 9 septembre. À Glaris, tremblement assez violent; l'air était très-serein. (B.; C. A.) Suivant Scheuchzer, on y aurait éprouvé des secousses les jours précé- dents. 1687. — 5 mars. Dans le canton de Glaris, nouvelles secousses sensibles. (B. ; C. A:;S:) — 19 mai. Tremblement en Zélande. (V. H.) 1689. — Juin. À Neuchâtel et aux environs, quelques secousses. (B.; C A.) 1690. — 5 décembre (24 nov., v. st.), sur les 5 heures du soir. Dans la Souabe et les environs, secousses assez fortes pour faire sonner les cloches. Ce tremble- ment fut précédé par des bouillonnements et par une élévation subite des eaux d'une citerne publique : la direction des balancements fut du sud-ouest au nord-est. A PT Dé. fil mode SR ana opt nd SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 39 Sept heures du soir. Autre secousse, mais très-légère; la montagne où est situé le château de Rech-Bergen fut fort ébranlée; elle s’entr'ouvrit en plusieurs endroits; il s’en détacha de grosses masses; trois ou quatre années après, on y voyait encore de grandes crevasses, et la terre était spongieuse et meuble au point qu’on y en- fonçait aisément un bâton en entier. Ce tremblement s'étendit dansla Thuringe, l'Autriche, la Prusse..….., en un mot, dans toute la largeur de l'Allemagne et la moitié de sa longueur, mais non dans tous les points, car de deux maisons voisines et même de deux pièces d’une même maison, l’une était ébranlée et l’autre pas. Von Hoff cite, dans le bassin du Rhin, Strasbourg, Heidelberg, Francfort et Villach; dans ceux de l'Elbe et du Danube, Baireuth, Jéna , Altenbourg, Meissen, Clagenfurt, Vienne, Bopfingen, Hohentru- dingen et Nôrdlingen. (C. A.; V. H.; Langlois, Dict. de géogr., t. 1, p. zxvr.) — 18 décembre. A Cologne, une secousse. (V. Hi) Au Pérou et aux Antilles, on ressentit dans ce mois trois tremblements de terre. 1691. — 4 janvier. À Bâle, une secousse. (V. H.) — 26 janvier, à 6 heures du matin. A Bâle, nouvelle secousse. (B.; C. A; V. H.) — 19, 20 et 21 février. Tremblement très-étendu, dont la première secousse fut la plus violente. On cite Carlstad en Transylvanie, Laybach (Carniole), Venise, Bâle, Metz (trois localités où les secousses furent très-violentes), Sarre-Louis, Mayence, Francfort-sur-Mein et Hanau. Ce tremblement s’étendit le long du Necker. Le mou- vement allait de l'Est à l'Ouest. Arbres déracinés, terre entr'ouverte. (C. A.; V. H.) Cette direction fut-elle la même dans toutes les localités? En quels lieux a-t-elle été observée? 1692. — 15 septembre, à 2 h. 15 m. du soir. Tremblement qui dura près d’une minute, et ne causa pas de grands dommages à Bruxelles et à Anvers; probable- ment le même que le suivant. (Communication de M. Quetelet.) — 18 septembre (n. st.), entre 2 et 5 heures du soir, puis le 20 ou le 24, entre 8 et 9 heures du matin , tremblements extraordinairement étendus ; ils ébranlèrent l'un et l’autre au moins 2,600 lieues carrées. Le centre des secousses parut être dans le Brabant, au moins c’est là qu’elles furent le plus violentes, de Bruxelles à Anvers. Elles s’étendirent jusqu'à Paris et en Normandie, sur les côtes d'Angle- terre à Deal, Douvres et Sheerness, en Flandre et en Hollande. Du côté de l'Est, on cite Spa, dont les sources furent altérées, Mayence et Francfort. Au Sud-Est, le pays de Vaud et le Valais. On remarqua que les côtes de la mer, les bords des grandes rivières, les pays coupés de montagnes furent principalement ébranlés; les montagnes furent plus violemment agitées que les vallées. Au moment où eut lieu le premier tremblement, qui ne dura que deux minutes et fut plus considérable que le second, il n’y avait pas de vent. (B.; C. A; V. H.; Phil. Trans., t. XLVI, p. 624.) 40 MÉMOIRE — 15 octobre. Tremblement à Schaffouse. — 28 octobre. À Francfort-sur-Mein. — 30 octobre. À Liége. (Keferstein, suivant V. H., qui ne les cite qu'en note et ne comprend pas ces trois faits dans sa chronique.) 1695. — 9 janvier. A Lausanne, Orbe et Yverdun, tremblement de terre pendant lequel les marais d'Orbe s'emplirent excessivement, les lacs de la vallée de Joux furent très-hauts. Le temps était très-froid, il devint chaud presque tout à coup : on eut quelques pluies chaudes et l'année fut printanière. (B.; C. A.) Le même jour et le surlendemain 11, à Malte, en Sicile et dans la Basse-Cala- bre, secousse tout à fait désastreuse ; il y eut des ruines immenses et des victimes innombrables qu'on a portées à 60 mille. S“-Agouste devint un lac. Les secousses allaient du sud-ouest au nord-est. Von Hoff, qui regarde ces commotions comme constituant un phénomène uni- que, ajoute qu'on les ressentit en même temps sur divers points de la France, de l'Allemagne et de la Hollande. L'Etna était en éruption. — 16 décemb. (v.st.), à 1 heure du soir. A Francfort-sur-Mein, une secousse. (V. H.) 1699. — Janvier. En Suisse, sur le Rhin, le Mein et à Hambourg, plusieurs secousses. (V. H.) Le 5 de ce mois, tremblement épouvantable dans les iles de Java et de Sumatra. A Java, on ne compta pas moins de 208 secousses. Il y eut éruption du Falak. Tout le pays fut bouleversé. Les commotions se renouvelèrent pendant tout le mois. La même année, Manille fut presque détruite par un tremblement de terre. On observa de nombreuses aurores boréales cette année, les 17, 23 et 25 jan- vier; 17,20, 21 et 28 avril; 18 et 26 juin; 25 et 26 juillet; 14, 19, 21, 22, 24, 26 et 27 août; 16, 17,18, 19, A, 22 et 24 septembre; 9, 18, 21, 22 et 24 octobre; 410, 15,18, 21, 25 et 24 novembre; 14, 15 et 17 décembre. L'année précédente avait aussi présenté souvent ce phénomène. XVIII" SIÈCLE. 1704. — Du 19 août au 50 janvier suivant, le territoire de Glaris éprouva 57 et, selon quelques-uns, 50 (ou même 60) tremblements de terre, composés de plus ou moins de secousses, souvent accompagnées de murmures et quelquefois d'éclat. (B.; GA5:5S;) LAS mate CR. ; ; ) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. A Voici la liste des 57 que compte Scheuchzer. — 19 août (v. st.), entre 6 et 7 heures du soir, dans le Linththal , eurent lieu, avec un bruit épouvantable dans l'air, les trois premiers. Le 50, à 9 heures du soir, secousse violente. ( C'était le même jour, n. st.) Le 51, vers 5 heures du matin, 5° tremblement. Les 6° et 7° eurent lieu le 1“ septembre, à 11 heures du soir, et le 2, à 9 heures du matin. Le 4 septembre, les personnes qui se trouvaient dans l'église, entendirent deux fois battre la languette du tronc des pauvres, qui était devant la grande porte, comme si on eût frappé dessus avec un bâton. Ce bruit était dû à un tremblement de terre qui fut ressenti dans les maisons à 8 heures du matin. Deux nouvelles secousses , dont une violente, à 5 heures. Le à, à 9 heures du soir, 11e tremblement, fort. Le 12° entre 11 heures et minuit. Le 6, à 10 heures du soir, secousse violente. Ce 15° tremblement fut le premier qu'on ne ressentit que dans le Linththal. Le 7, très-forte secousse avec bruits divers dans l'air et grande agitation des corps terrestres. Elle fut ressentie à Bettschwanden et dans toutle Linththal, jusqu'à Aesch, au commencement de la vallée de Schachen (ou Schachenthal im Urner-Gebiet.). A Matt et Elm, dans le Kleinthal (ou petite vallée, par opposition au Grossthal, le Linththal se divisant en deux branches à Schwanden), on n'avait encore rien res- senti auparavant. Le 8, à 1 heure du matin, dans les deux vallées, une secousse assez forte pour bercer les personnes dans leurs lits. Le 16° tremblement eut lieu le 10, à 8 heures du matin; le 17°, le 15 (le 2, v. st.) à 40 heures du matin. Le 18, 4 heures du soir , 18° tremblement avec bruit, comparé par quelques personnes à celui d’un coup de feu. Le 19 (le 8, v.st.), 8 heures du matin, secousse violente. Le même jour eut encore lieu le 20° tremblement ; le plus fort qu'on eût res- senti. Comme on était à l'église, on crut entendre le bruit d’une pierre qu'on broïerait avec violence, et le bâtiment fut fortement ébranlé. Cette secousse fut encore plus violente dans le Linththal qu'à Bettschwanden. Le 25 (le 12, v.st.), un peu avant 4 heures du soir, choc court, tremblement léger, avec sifflement ou bourdonnement par un temps clair. Le soleil brillait. Le 29 (le 18, v. st.), 7 heures du soir, faible secousse dans les deux vallées. Les objets oscillèrent, mais sans se choquer, comme dans les tremblements anté- rieurs. Tome XIX. (0 42 MÉMOIRE — 95 octobre (le 12, v. st.), 6 heures du matin, 25° tremblement, l'un des plus faibles, fut cependant remarqué par beaucoup de personnes. La terre était depuis cinq jours couverte de neige. — Le 26 (le 15, v. st.), 8 h. 45 m. du soir, secousse médiocrement forte, res- sentie par beaucoup de personnes dans les deux vallées. Tout le jour régna un brouillard épais qui se dissipa vers minuit. Le ciel parut alors étoilé. — 15 novembre (le 2, v.st.), 7 heures du matin, secousse faible , remarquée par quelques personnes des deux côtés de la Linth. — 12 décembre (le 1‘, v. st.), 8 heures du soir, 26° tremblement par un temps clair et froid. Deux jours auparavant, il avait fait très-chaud. Le 19 (le8, v. st.), 3 h. 15 m. du matin, une secousse forte. Le 28 (le 17, v. st.), 6 heures du matin, 28° tremblement, dans tout le Linththal. Nuit du 50 au 51, 29° tremblement. On le remarqua des deux côtés de la Linth. 1702. — 4 janvier (24 décembre 1701, v. st.), 6 heures du matin, dans les deux vallées, l'une des plus violentes secousses. Le temps, extrêmement froïd depuis quatre jours, devint chaud le lendemain. — 24 février (le 15, v. st.), 9 heures du soir, 31° tremblement, dans les deux vallées. — 17 juin (le 6, v.st.), un peu avant 10 heures du matin, secousse médiocre dans le Linththal. — 2 octobre (24 septembre, v. st.), le matin, avant le jour, secousse remarquée par plusieurs personnes dans le Linththal. Le 4 (26 septembre), une demi-heure avant le jour, grêle épouvantable; les grèlons étaient gros comme des noisettes. — 9 décembre (28 novembre, v.st.), avant 5 heures, 34° tremblement, très-fort, composé de trois secousses qui s’étendirent plus loin que toutes celles qui avaient précédé. Il ébranla toute cette région (tout le canton) et particulièrement Mollis : les personnes ne furent pas seulement bercées, mais fortement secouées dans leurs lits. 1705. — 10 février (50 janvier, v. st.), 7 heures du matin, grand bruit dans l'air, suivi de secousses violentes, et ébranlements des maisons , une demi-heure après. Le 11 (24 heures plus tard), nouvel ébranlement, moins fort que le précédent, ressenti plus violemment à Bettschwanden que dans le Linththal. Ces secousses forment les 33°, 36° et 37° tremblements de l’auteur. Plusieurs des tremblements de cette liste ont ébranlé les montagnes et se sont étendus dans le pays des Grisons, par exemple, à Dissentis. Plus d'une fois, des æs SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 45 fontaines ont donné un volume d’eau plus considérable, sans qu'à leurs sources ont eùt remarqué les secousses. (S.). Cette liste prouve que jusqu'ici Bertrand n’a pas fait la correction relative au calendrier. — 6 mai. À Francfort-sur-Mein et Hanau, secousse légère. ( V. H.) 1704. — 50 janvier , entre 6 et 7 heutes du soir. À Francfort-sur-Mein, secousse sans dommage. (V. H.) — novembre, entre 4 et 5 heures du matin. À Zurich et dans le canton, deux fortes secousses, précédées d’un brillant météore dans l'air. (Aurore boréale.) A la mème heure, il s’éleva à Bâle, un vent violent accompagné d’éclairs et de tonnerres et suivi d'une pluie très-abondante sans aucun ébranlement de la terre. (S.; B.; C. A.) 1705. — 22 mai. A Mollis et Näfels (Glaris), secousse sensible. — 5 juin. Aux mêmes lieux, nouvelle secousse. (S.) C’est à l'occasion de ces secousses que Scheuchzer a rédigé son Catalogue. — 24 septembre, 10 heures du matin. À Eglisau, tremblement considérable. Le reste du canton de Zurich fut faiblement ébranlé. Le Rhin fut agité avec bouil- lonnements. (S.; B.; C. A.) — 15 novembre, entre 3 et 4 heures du soir. (S. dit du matin). Aux mêmes lieux, nouvelles secousses plus sensibles à Zurich. Le Turgaw, le Tockenbourg, la Souabe et plusieurs autres pays furent plus ou moins ébranlés, dans quelques endroits avec éclat. À Fletthach, derrière la montagne de Zurich , un voyageur vit deux brillants éclairs au moment des secousses. Les jours précédents, le temps avait été tantôt chaud et tantôt froid, tantôt sec et tantôt humide : mais au commencement du mois, un vent du sud, d’une intensité extraordinaire, avait élevé la température, fondu les neiges des montagnes et causé des inondations désastreuses. Le 17, T heures du soir. À Zurich et Eglisau , nouveau tremblement plus violent encore. (S.; B.; C. A.) 4707. — Nuit du 16 au 17 février. Tremblement à Francfort-sur Mein. (V. H.) 1709. — 8 janvier. Dans le canton de Glaris, plusieurs secousses. (V. H., d’après Keferstein.) 1710. — 8 décembre. Secousses à Stein, sur le Rhin. (V. H,, d'après Keferstein.) AAA. — 9 février, entre 4 et 5 heures du matin. À Zurich, tremblement qui s'étendit jusqu'au Rhin, dont les eaux bouillonnaient. On le ressentit à Bâle. (C. A., t. IE, p. 181 et 183; Acad. des sc. de Paris, an. 1714, p. #; V. H.) — 17 mai. À Berg-op-Zoom , tremblement de terre pendant un orage. (V. H.) 174%. — Du 15 au 14 janvier. Dans le Brabant, le Hainaut et à Liége, secousse légère. (V. H.) 44 MÉMOIRE — 29 décembre, 7 h. 50 m. du soir. Dans le territoire d’Eglisau, tremble- ment; à 9 heures , les secousses revinrent. (B.; S.; G. A.) 1716.— 2 janvier. Dans le canton de Zurich, une secousse. (V. H., d'après Keferstein.1) — D avril. À Eglisau, retour des secousses à 7 h. 50 m. du soir. (B.; S.; C: A.) — 20 novembre, 2 heures après-midi. Dans le Val-de-Ruz et aux environs (canton de Neuchâtel), on entendit un grand bruit dans l'air, qui dura environ 7 ou 8 minutes. Mais quelques-uns, peut-être avec plus de fondement, crurent que ce bruit était souterrain. Le 26, 5 heures du soir, à Neuchâtel et aux environs, tremblement de terre. (B.; C. A.) 1717. — 6 juillet, 4 heures du soir. À Eglisau, tremblement de terre (S.; B.; C. A.) — 9 août. À Neuchâtel et dans le canton. Le printemps avait été extrème- ment froid; tout le long du lac, il était tombé de la neige le 11 mai et il avait gelé le 12. Ce froid ne fit pourtant pas de mal aux plantes parce qu'elles étaient re- tardées. — 18 décembre, 8 heures du soir. À Eglisau, nouveau tremblement. Le 27, à midi. Au même lieu encore. (B.; S.; C. A.) ATAS. — 17 juillet, entre à et 6 heures du soir, Tremblement à Eglisau et non pas dans le comté de Neuchâtel, comme le dit Gueneau de Montheillard. — 10 décembre, même heure. Au même lieu, nouveau tremblement. (Ibidemn.) 1720. — 26 février, 7 h. 50 m. du matin. À Eglisau encore, nouveau tremble- ment. — 16 juin. Dans le canton de Zurich. (B.;S.; C. A.) — 9 septembre, 2 heures du matin. À Zurich, tremblement plus fort que le pré- cédent. (C. A.) Le même jour, à Messine, secousses qui causèrent quelques dommages. Le 12, tremblement violent en Calabre , surtout à Gérace. — 18 octobre, la nuit. Dans le canton de Neuchâtel, une secousse accompagnée d’une violente tempête. (B.; C. A.) Dans la nuit du 19 au 20, tremblement à Livourne. — 20 décembre, 5 h. 50 m. du matin. Dans le pays de S'-Gall, le Thur- gaw, les environs du lac de Constance, à Constance et à Stein , tremblement ac- compagné de bruit et suivi de vapeurs chaudes. Il dura à peine une minute. À Appenzell, Reinegg, Altstätten et jusqu'à Lindau, il y eut quelques maisons ren- versées. Il fut faible à Zurich, où on le ressentit à la même heure. A Roggweil ? Du 29 janvier au 5 février. iederholende Erdstüsse bei Gürz im Kloster Constantia. (V. H., d'après Seyfart. ) De quelle localité s'agit-il ? sd Pr de SEE SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 45 près d'Arbon, à Arbon même, à Maschweilen, des murs épais furent fendus. Le même jour, 8 heures du matin, à S'-Gall, nouvelles secousses. La veille, on y avait eu un vent du sud puant et accompagné de poussière. À Zurich, le baromètre était à 26 pouces à lignes et un quart; le 19 et le 20, à 26 pouces 5 lignes. (B.; S.; C. A.) 41721. — 5 juillet, Th. 45 m. du matin. Tremblement de terre dans presque toute la Suisse. Il fut fort sensible dans tout l'évêché de Bâle. Dans la ville, il fut précédé d'un murmure souterrain; quelques murs furent fendus et quelques che- minées découvertes. On distingua deux secousses, deux allées et deux venues, d’un mouvement horizontal de l’est à l’ouest. A Wallenbourg , il fut plus violent; à Porrentruy, il fut accompagné d'un bruit éclatant et suivi d'une odeur forte. Ef- frayant à Mulhouse, il causa des dommages dans quelques endroits de l'Alsace, et s’étendit jusqu'à Strasbourg. À Berne et dans le canton, il fut aperçu à la même heure, mais plus fortement le long de l'Aar qu'ailleurs. Une faible secousse encore avant 9 heures. À Lucerne, on le sentit faiblement, plus au bas qu'au haut de la ville. Peu sensible à Zurich; plus au delà du mont Albis qu’en decà. On cite encore Knonau, Erlibach, Ritterschweilen et Einsiedeln. On observa qu'immédiatement après ce tremblement, il s’'éleva un froid piquant, mais qui dura peu. Quelques jours plus tard, grands orages qui firent beaucoup de mal en Italie. (B.; S.; C. A.) 1725. —— 15 avril, à midi. A Eglisau, tremblement sans dommage. (B.; S.; C. A.) L'année suivante, il y eut de grandes inondations dans le même lieu. La quantité d'eau de pluie fut de 51 pouces, 1,25. 4725. — Le 50 juin, ou plutôt le 50 juillet, comme le dit Scheuchzer, p. 558. Dans le canton de Glaris , affaissement d’une montagne, précédé d’un bruit souter- rain. Il se fit des crevasses d’où l’on vit sortir de l'eau pendant dix jours. Le terrain devint marécageux ; on ne put pas trouver le fond du marais dans certains endroits. Ce désastre cansa du dommage. Le 1‘ août, nouvel éboulement de la même montagne. — 5 août, 2 heures du soir. Dans le territoire d'Eglisau, tremblement qui ébranla les deux rives du Rhin. La commotion fut précédée d’un bruit comme celui d’un coup de tonnerre éclatant ou d’un coup de canon. Le bruit venait de la mon- tagne de Hohen-Egg. (B.; C. A.;S.) 1726. — 16 février. Dans le territoire d'Eglisau , nouveau tremblement. — 7 juillet, 7 heures du matin. À Eglisau encore, tremblement considérable. Celui-ci fut ressenti à Hiltemberg vers Glattfelden , qui jusqu'alors n’en avait point éprouvé; à Berne, dans quelques endroits du pays de Vaud, à Froutigue et aux en- 46 MÉMOIRE virons, dans tout le Sibenthal. Les fontaines furent troublées. (B.; S.; C. A.) 1727. — 12 mai, 6 heures du matin. A Francfort-sur-Mein, tremblement qui causa quelques dommages. (V. H.) 1728. — Février. À Epstein, à trois milles de Wiesbaden, plusieurs secousses. (V.H)) — 5 août, entre 4 et 5 heures du soir. En Suisse , en Alsace et dans une partie de l'Allemagne, tremblement très-étendu. À Berne, il fit sonner jusqu’à cinq fois la cloche de la grande horloge. La veille, il y avait eu une tempête terrible accompa- gnée de grands tonnerres. La secousse se fit sentir, à la même heure, à Zurich, à Eglisau, à Bâle, à Strasbourg, à Manheim et dans tout le pays compris entre Worms, Mayence, Francfort, Offenbach, Hanau et Aschaffenburg. Le tremble- ment se renouvela à Bäle pendant la nuit, et, à Strasbourg, on éprouva cinq se- cousses depuis les 4 ou 5 heures du soir jusque vers 3 heures du matin. Le Rhin enfla considérablement et s’éleva jusqu'à la hauteur d’une pique. (B.; C. A.; V.H.; France püutor., art. SrrasBourG.) On le ressentit à Genève à la même heure. Le mème jour (à la pointe du jour), à Neubury, dans les États-Unis d'Amé- rique, violent et long tremblement qui ébranla les maisons. On y en avait déjà res- senti plusieurs chaque mois (avril excepté), depuis le 14 janvier précédent. Dans le reste de l'année et dans le commencement de la suivante, on y entendit encore de petits bruits et on y ressentit une nouvelle secousse dans les premiers jours de septembre. 1729. — 15 janvier, entre 10 et 11 heures du soir. Tremblement dans une grande partie de la Suisse. On le ressentit à Berne, mais plus vivement sur les lacs de Thun et de Brientz, où des bateaux furent poussés avec violence sur les bords. Le château d'Interlaken se fendit; celui de Spiez fut fortement secoué. A Zurich , il y eut trois secousses; la première entre 10 et 11 heures du soir; la seconde à 2 heures et la troisième à 5 heures du matin, le lendemain. Quelques jours auparavant, on avait remarqué des éclairs comme en été. C'est à Froutigue que les ébranlements furent les plus forts. Ils s'y renouvelè- rent d’ailleurs, non-seulement toute la nuit du 15 à différentes reprises, mais ils revinrent huit nuits de suite à peu près périodiquement, commençant à 10 heures du soir et finissant à 7 heures du matin. La nuit du 453 était belle, mais très-froide. 11 soufflait un vent faible du midi. D'intervalles en intervalles, ce vent se renfor- çait, puis il cessait, et, au moment qu'il cessait, les secousses revenaient. Il se fit quelques fentes aux murs du château et à ceux de l'église de Rykenbach, qui est à une lieue de là. La terre s’entr'ouvrit à quelque distance du côté du Sibenthal. A Rettingen (une ou deux lieues au nord de Froutigue), le tremblement dura f 1 ; \ N SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 47 aussi plusieurs jours. Il causa quelque dommage à Constance. On le ressentit à Bâle. Dans le bassin du Rhône, on ressentit quelques secousses légères à Lausanne; la Cité, la partie de la ville la plus élevée, fut un peu plus agitée. On cite encore Genève, Vevey, et on ajoute qu'il ébranla généralement tout le pays de Vaud , mais ceci doit s'entendre des secousses du 15. Le 18, 9h. 15 m. du soir, une nouvelle secousse à Genève. Le même jour encore, nouveau tremblement à Bâle. (B.; C. AÀ.; V. H.; note de M. Ch. Mar- tins.) Vers 1751 ou 1752, à 6 heures du soir, tremblement de terre qui s’étendit de- puis la Pologne jusqu'aux Pyrénées. On le ressentit à Bâle !. 1733. — 18 mai, 2 heures après-midi. A Francfort, Offenbach, Hanau, Gies- sen, Butzhbach, Darmstadt et Mayence, et dans les lieux compris entre ces limites, trois secousses assez fortes pour détacher des pierres des murailles et, à Mayence, faire sonner une cloche. (V. H.) 1755. — 7 août. À Francfort-sur-Mein, Mayence et Cologne, plusieurs se- cousses. (V. H.) 1756. — 12 juin, un peu avant 8 heures du soir. Dans toute la Suisse et les environs, tremblement assez considérable, quoiqu'il ne causât pas un grand dom- mage. Il lézarda quelques murs et renversa quelques cheminées. On le ressentit à Bale. Le 15,6 h. 12 m. du matin, secousse à Genève. (B.; C. B.; Jean Bernoulli, t. IV, p: 15.) 17357. — Le 192 février, des secousses ébranlèrent le Bas-Valais et une partie du pays de Vaud. S’étendirent-elles dans le bassin du Rhin ? — Du 11 au 28 mai, à Carlsruhe {Carolo Hesychi), 67 secousses très-sensibles, dont voici le journal : Le 11, à 5 h. 45 m. du matin, première secousse notable avec bruit semblable à celui de plusieurs voitures. À 2 h. 30 m. du soir, secousse subite; bruit pareil à un tonnerre lointain ou à celui d’un coup de canon : il précéda le tremblement dont les trépidations durèrent environ 2 minutes. Les bâtiments furent fortement ébranlés; des tableaux et des vases tombèrent. Cette secousse fut ressentie à Rad- stadt avec beaucoup plus de violence encore. À Bâle, on en ressentit une très-faible à 5 heures; peu de personnes s’en aperçurent. ? Au cercle restreint des commotions qui ébranlèrent Carlsruhe du 11 au 28 mai 1757, Jean Bernoulli oppose l'é- tendue de celui-ci : quem, dit-il, cérciter ante quinque vel sex annos , hora sexta pomeridiana , sensimus , quique se extendit a confiniis Polontae usque ad montes Pyrenaeos. (Lettre de Jean Bernoulli, datée du 19 juin 1757, dans ses Œuvres complètes , t. IV, pag. 515.) 48 MÉMOIRE A 10 heures et minuit, nouvelles secousses très-sensibles à Carlsruhe. Ce jour-là comme les précédents, la chaleur fut accablante. C'était une chaleur des mois de juillet et août. Le 12, à 5h. 45 m. du matin, secousse violente avec éclat et ébranlement des maisons. Tout le jour, grande chaleur par un vent impétueux variable entre le SSO. et l'OSO. Trépidations continuelles. A Bâle, secousse très-faible à 5 heures du matin. Le 15, 4 h. 45 m. du soir, fort bruit souterrain venant de l'ouest, et secousse violente à Carlsruhe. Entre 5 et 4 heures, secousse notable, qui se renouvela à à heures. Ciel serein et brûlant; tempête vers 5 heures. Le 14, 2 heures du matin, secousse violente avec craquement des murailles. Dans le jour, ciel serein et chaleur. Le 15, vers 5 h. 45 m. du matin, tremblement violent. À 5 h. 45 m., choc violent avec bruit éclatant et ébranlement des maisons; trépidations successives pendant 3 minutes. À 6 h. 46 et 47 m., deux secousses violentes suivies de fré- missements. À 8 heures 20 minutes, secousse notable avec trépidations pendant 8 minutes. À 10 heures, secousse forte, suivie de trémoussements continus pen- dant tout le jour. Vent du sud-ouest comme la veille. Le 16, de à à 6 h. 15 m. du matin, cinq ou six chocs violents, principalement à 5h. 57 et 46 m,; les murs tremblèrent. Dans l'après-midi, surtout un peu avant 4 heures et jusqu’à à heures passées, chocs nombreux et violents avec trépidations. Mêmes vents et mème temps. Le 17, de à à 6 heures du matin, chocs forts et fréquents comme la veille. A 8 heures, bruits lointains et frémissements du sol; à minutes après, nouveaux bruits et nouveaux frémissements qui se prolongent et s'accroissent pendant 15 mi- nutes. Le ciel se couvre, le baromètre baisse, vers 4 heures; trois orages se forment au sud, au sud-ouest et à l’ouest vers 8 heures, le ciel s’éclaircit de nouveau. La nuit, éclairs à l’ouest et à l’ouest-sud-ouest. Le 18, de 5 à 6 heures du matin, plusieurs chocs qui se renouvellent à 9 heures. A 9 h. 45 m. du soir, tremblement terrible avec bruit éclatant et tonnerre sou- terrain de l'ouest et du midi : les maisons sont très-violemment agitées pen- dant 3 ou 4 minutes. Ces secousses, au jugement de tous, furent plus violentes que celles du 11, à 2 et 5 heures. Entre 10 et 11 heures, secousses très-sensi- bles, dont une, à 10 h. 45 m., fut verticale et accompagnée d'un bruit sou- terrain et éclatant que suivit un autre bruit semblable à celui que rend le sol quand nous marchons. Après 11 h. 45 m., nouveau tremblement plus violent en- core, consistant en deux secousses verticales et consécutives, avec un éclat pareil à celui du canon et un bruit comme si d'immenses cavernes se trouvaient sous SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 49 le sol. Ces secousses causèrent quelques dommages. Ciel un peu nébuleux, ton- nerre et pluie de 8 à 9 heures. À 9 h. 45 m. du soir, météore igné. De minuit à 1 heure du matin, le 19, secousses fréquentes, mais moins fortes. Vers 5 heures, tremblement violent. Le ciel se couvre : vent d'ouest. Quelques minutes avant 4 heures, deux chocs verticaux et consécutifs avec éclat comme celui d'un canon à petite distance. Aurore boréale, visible malgré les nuages. À 6 heures 40 et quelques minutes, deux secousses terribles, suivies, À mi- nute après, d'une troisième et de frémissements persistants. Après 7 heures, vent violent, froid sensible. Après midi, et avant 1 heure, deux nouvelles secousses verticales avec bruit pareil à celui du canon, lequel, depuis 6 heures, paraît venir du sud-est. La cha- leur est intense. À À heure, bruit éclatant et forte secousse du sud-est. Bientôt après, l'air redevient froid. On a encore noté deux autres chocs violents, à midi et demi et à 1 h. 30 m. Celui-ci venait du sud et fut accompagné d’un bruit pareil à celui du canon. À 2 h. 15 m., bruit semblable et nouveau choc venant du sud- est; à 3 heures et quelques minutes, une secousse encore, mais sans bruit no- table. Le 20, de 1 heure du matin à midi, plusieurs secousses, dont une, après Theures, fut accompagnée d’un bruit sourd, d’un tonnerre lointain paraissant venir du sud. Un peu avant 10 heures, choc violent, ébranlement du sol et des maisons avec bruit semblable à celui du canon , venant du sud. Quelques minutes après 10 heu- res, phénomène semblable. A 10 h. 45 m., secousse médiocre. À 10 h. 50 m. du soir, tremblement et trépidations. Le baromètre a beaucoup baissé. Aurore boréale. Vers midi, air froid, soleil ardent. La nuit, le ciel se couvre, éclairs, pluie et brouillard. Le 21, à 2 heures du matin, tremblement avec trépidation. Le baromètre est très-bas. Ciel couvert et pluie par intervalles. Le soir, l’ouest présente l'image d'un incendie au coucher du soleil. Tonnerre et pluie la nuit. Le 22, de 1 à 5 heures, quatre secousses, les meubles tremblèrent. Baromè- tre très-bas, vent et pluie; il fait froid. Brume et brouillard intenses : pluie par in- tervalles. A 10 heures 40 et quelques minutes du soir, secousses très-sensibles pendant 4 minutes. Le 25, à midi, secousse notable; à 5 et 5 heures, secousses médiocres. Pluie presque continuelle. Vents variables , quelquefois opposés. Le 24, à 2 heures du matin, choc et bruit éclatant : les meubles sont secoués. Vents variables, tempétueux. Le baromètre remonte. Tome XIX. 7 30 MÉMOIRE Le 25, vers 6 h. 45 m. du matin, choc vertical violent suivi de trépidations pen- dant 4 minutes. Ciel nébuleux, tourbillons dans l'air. Quelques minutes après, nouvelle secousse semblable. À 8 heures, fréquentes trépidations; à 9 h. 15 m., nouveau choc, qui se renouvelle bientôt. À 4 h. 350 m. du soir, nouveau choc et frémissements du sol. À 6 heures, choc très-sensible. Pluie et vent très-fort la nuit. Le 26, à 1 h. 50 m. du matin, une secousse avec trépidation et tourbillon tempêtueux qui bouleverse l'atmosphère jusqu'au lever du soleil. Aurore boréale. A 7 heures, tremblement avec trépidation. Pluie. Le baromètre est un peu re- monté. Les montagnes sont couvertes de brume. À 6 heures du soir, choc vertical avec bruit sourd; à 8 heures, choc et bruit semblable; une demi-minute après, choc un peu plus faible. Le soir, air froid avec pluie par intervalles. Quelques éclairs. Le baromètre est beaucoup plus haut. Le 27, à 2 heures du soir, choc vertical avec tremblement. Pluie jour et nuit. Les montagnes sont couvertes d’une brume extraordinaire; elles fument. Le 28, à 2 heures du matin, tremblement et trépidations, mais sans bruit , pen- dant 8 ou 10 minutes. Le baromètre monte d’une manière extraordinaire. Pluie par intervalles. La chaleur est plus grande que les jours précédents. Au journal succèdent les remarques suivantes : Les plus fortes secousses furent celles du 14 mai, 2 h. 50 m. du soir; du 18,9 h. 45 m. et 11 h. 45 m. du soir encore. Puis le 41, à 4 heures du matin et à midi; le 12 et le 14, à 2 heures du matin; le 45, à 5 h. 45 m. du matin; le 18, à 10h. 45 m. du soir; le 19, à minuit 40 et quelques minutes, à 3, #, 6 heures; puis à midi 45 m., 1 heure, 4 h. 50 m., 2h. 15 m. du soir. Les autres secousses furent plus faibles, mais toutes sensibles, même en rase campagne. Outre cela, il y avait une espèce de trépidation continuelle, et même de légères secousses qui n’ont pas été comptées parmi les 67. Ces trépidations cessèrent un peu les 17 et 20, mais point du 21 au 26. Pendant ces tremblements, tous les coqs privés et sauvages chantèrent beaucoup plus fort que de coutume; plusieurs poules chantèrent même comme les coqs, et dans les secousses les plus violentes, ces animaux se rassemblaient et se serraient les uns contre les autres en donnant des signes d'épouvante; le lait s’aigrissait dans les laite- ries les plus fraiches en moins d’une nuit; en tenant l'oreille contre terre, on enten- dait le bruit comme d’une grande masse d’eau qui aurait été en ébullition; la terre était chaude et conserva la même chaleur, quoique le temps se fût refroidi et mis à la pluie; les montagnes étaient chargées de brouillards et exhalaient une fumée épaisse à travers laquelle perçaient des traits d’une lumière sombre; on vit des globes de Je of F SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. o1 feu dans l'air du côté de Landau, le 18; on en avait déjà vu trois semaines aupa- ravant. En mème temps, il y eut à Ulm (bassin du Danube) de légères secousses : mais les orages et les tempêtes y furent continuels. (OEuvres complètes de Jean Bernoulli, t. IV, p. 504-515; C. A.) Du 14 au 25 mai, éruption du Vésuve. 1745. — 8 octobre. Une secousse à Bâle. (V. H. d’après Mérian; note de M. Ch. Martins.) La Coll. acad. cite une aurore boréale à cette date, mais sans indication de lieu. Elle ne parle pas de tremblement de terre. — 8 novembre, entre 8 et 9 heures du matin. A Pâle encore, une secousse très- sensible. (B.; C. A.; V. H.) Mérian n'en parle pas. Y a-t-il erreur de date? Le 18 avril 1748, on ressentit deux secousses à Vevey; s’étendirent-elles au delà du Jura dans le bassin du Rhin ? 1750. — 10 mars. À Canstadt (sur le Necker), une secousse. De même à Constance. (V. H.) La seconde localité paraît un peu douteuse à Von Hoff, qui semble penser que Keferstein, auquel il lemprunte, a écrit Constanz pour Can- stadt. — 22 décembre. À Schaffouse, à Venise et à Naples, une secousse. (V. H.) Bertrand ne parle pas de ce tremblement. A-t-il d’ailleurs eu lieu simultanément dans les trois localités citées? Le 9 mars 1755, à Genève, on éprouva de fortes secousses qui s'étendirent au sud jusqu'à Turin. Au nord, dépassèrent-elles le Jura pour ébranler le bassin du Rhin? Les 12, 15 et 19 septembre 1754, secousses dans le haut Valais, à Sion, Bex, Aigle, Villeneuve... S'étendirent-elles dans le bassin du Rhin? 1755. — En avril, à Stepney (Angleterre), en Brabant et sur quelques points de la Méditerranée, quelques secousses. (V. H. d’après Keferstein.) Les Transactions philosophiques n’en font pas mention. — 4" novembre. Fameux tremblement de terre de Lisbonne. Ce tremblement qui s’étendit des côtes d'Afrique jusqu'au Groenland et se fit re- marquer sur les côtes d'Amérique par une agitation extraordinaire des eaux, s’est aussi manifesté dans le bassin du Rhin. Voici les renseignements que j'ai pu me procurer relativement à cette région physique du globe : Vers les 10 heures du matin, en divers lieux de la seigneurie d'Erguel (Neuchä- tel), on ressentit quelques secousses. Après midi, les fontaines furent troublées et leurs eaux teintes en jaune, en rouge, en gris, couleurs qu'on n'avait pas aperçues d’autres fois quand elles avaient paru troubles. A Lisbonne, les secousses eurent lieu vers 9 12 heures. 52 MÉMOIRE Entre 3 et 4 heures du soir, à Bâle, quelques secousses; des fontaines furent troublées. Dans la nuit du 1° au 2, au Locle, deux secousses. D'après ces faits, les seuls que je puisse citer, avec doute même de celui qui est relatif à Bâle et qui ne se trouve que dans la Collection académique, il est permis de conclure que la partie de la Suisse dont je m'occupe a été peu ébranlée. Cepen- dant le régime ordinaire des eaux parait avoir été vivement influencé. Je ne parle- rai pas ici du Léman, dont j'ai décrit ailleurs les agitations extraordinaires dans cette journée. | Des pêcheurs qui étaient sur le lac de Nidau sentirent leur petit bateau emporté et ramené par une sorte de courant, et soulevé ensuite par des flots alternatifs, quoi- qu'ils n’apercussent aucun vent extérieur, mais ils entendirent un bruit souterrain. Les lacs de Brientz et de Thun, surtout le premier, s’avancèrent successivement sur le rivage et s’en éloignèrent ensuite. Le cours de l’Aar, sortant du premier pour entrer dans le dernier, parut un instant retardé. Le petit lac de Seedorf, dans le bailliage de Buchsee (Buchs? dans le canton de Zurich), fut non-seulement agité, mais fit un bruit effrayant, bruit qui n'était point dans la surface, mais sous les eaux, et qu'un chasseur a assuré avoir été semblable à celui de coups de canon qu'on entend dans l'éloignement. L'eau haussa tout à coup et baissa ensuite, se remettant comme auparavant. Le lac de Zurich, surtout le lac supérieur (Bodensee), au-dessus de Rapperschwyl, fut agité et soulevé sans aucun vent extérieur. Il haussa différemment de 6, de 40, jusqu'à 12 pieds. Un bruit sourd se faisait entendre. Cela dura 6 à 7 minutes. A Mänedorf, Meilen, Rüschikon, Horgen, ce lac a été jeté à plusieurs reprises loin de ses bords. Le lac de Wallenstadt (comté de Sargans) fut aussi élevé pendant quelques mo- ments. Il y régnait un vent d'est, qui assez ordinairement y souffle depuis le lever du soleil jusqu'à 10 heures, et cependant le lac parut agité du sud au nord. Le lac de Constance, près de la ville de Stein, parut aussi s'élever de plusieurs pieds, et le Rhin qui en sort près de cette ville, fut accru pour quelques instants. Le lac d'Etalière (comté de Neuchâtel), sorte d’étang naturel qui se vide sous terre, fut aussi agité et donna du son, suivant Bertrand. Quant aux lacs du canton de Berne et à celui de Neuchâtel, dit cet auteur, je n’en ai rien appris. Cependant on lit dans les Transactions philosophiques (t. XLIX, p.457) que les ruisseaux ayant donné ce jour-là un plus grand volume d'eau, le lac de Neuchâtel monta de près de deux pieds au-dessus de son niveau ordinaire, et resta à cette hauteur pendant quelques heures. Plusieurs sources de la Suisse se ressentirent en effet, selon Bertrand, des commo- tions souterraines de ce jour. Après avoir parlé des sources dont les eaux se jettent SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. D3 dans le lac de Genève, Bertrand ajoute, relativement à celui de Neuchâtel, qu'on entendit un bruit souterrain près de la source de l'Orbe, au-dessus de Valorbes, et que la rivière parut augmentée pour quelques instants. Une source, qui, près de Boudry, se jette dans la Reuss, fut suspendue un instant, et sortit ensuite du rocher en plus grande abondance et trouble. Au-dessus de Kirchberg (Zurich) est une source soufrée et bitumineuse qui fut troublée et qui sortit en plus grande abondance. Près d’une fontaine auprès du lac de Zurich, la nuit précédente on avait entendu un murmure singulier. Dans un moulin près du Locle on avait remarqué un bruit semblable. Tous ces phénomènes ont été aperçus à la même date dans le bassin inférieur. Le 1” novembre, vers 11 heures du matin, à La Haye, l'air étant entièrement calme, l’eau fut tout à coup agitée, et les navires ballottés les uns contre les autres de manière à briser leurs câbles. Le phénomène fut remarqué simultanément à La Haye, à Leyde, Harlem, Amsterdam, Gouda, Utrecht, Rotterdam et Bois-le- Duc. Le mouvement parait avoir été moins fort à La Haye. Une autre lettre donne , pour Leyde, l'heure de 10 1/2 heures et celle de 11 heures. Ainsi le phénomène s’y serait répété deux fois. Des effets sembables ont été remarqués en France, en Angleterre, en Allemagne, en Scandinavie et sur tout le littoral des Pays-Bas. Le baromètre’était ce jour-là, le matin, à Berne, à 25 pouces 10 lignes ; il tomba le soir à 25 pouces 6 lignes. La moyenne est 26 pouces 2 lignes; la hauteur maxima 26 pouces 11 lignes, et la hauteur minima 25 pouces 5 lignes, suivant Bertrand. Le thermomètre de Réaumur, suspendu au nord sans appui, marquait à 6 heures du matin, 2°,5 au-dessous de zéro; il remonta le soir à 2° au-dessus. Il fit la nuit un vent d'ouest très-violent. À Bâle, le baromètre marquait 26 pouces 2 lignes ; la hauteur moyenne est de 27 pouces. Rarement l’a-t-on vu aussi bas. Il y eut aussi pendant la nuit une violente tempête. (B.; C. A.; Philos. Transac., t. XLIX, p- 596 et 397; V. H.; les journaux de l'époque; G. F. et le Journal historique, fév. 1756.) Le 2. Secousse à Bâle. (Note de M. Ch. Martins.) Le 9. Secousse à Neuchâtel .…, suivant Von Hoff. Mais l’auteur cite les Transac- tions philosophiques, et cet ouvrage indique le 9 décembre, jour, où, comme nousle verrons plus bas, les secousses furent générales en Suisse. Il y a évidemment erreur de date. — 18 novembre. Le long du Rhin et dans le Brisgau , secousses légères. ? Voir mon Mémoire sur les tremblements de terre ressentis dans le bassin du Rhône , ANNALES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRIC, ET D'HIST, NAT, DE LYON , t, VIII. d4 MÉMOIRE On en ressentit pareillement à Aix en Savoie. Elles furent violentes à Lisbonne, très-violentes à Fez et à Méquinez; on en ressentit en Angleterre, dans l'Amérique septentrionale et aux Antilles. Dans la nuit du 18 au 19, à Tanger et Tetuan, secousses pendant environ 4 minutes. Le 19, le long du Rhin et dans le Brisgau, secousses légères comme la veille. On en ressentit encore à Aix en Savoie; elles furent très-violentes à Fez et à Méquinez qui fut englouti. Le même jour, 10 h. 50 m. du matin. À Gibraltar, secousse très-forte, mais qui causa peu de dommage. Elle fut accompagnée d’une violente tempête. (C. A.) Je ne trouve que dans la Collection académique les secousses ressenties dans le bassin du Rhin; quant aux autres, tous les journaux de l’époque en font men- tion. Le 26 et le 27 novembre, secousse en Belgique, suivant Von Hoff qui cite les Transactions philosophiques, t. XLIX, p. 512 et 663. Ces secousses sont des 26 et 27 décembre suivant. — 9 décembre. Tremblement général en Suisse. Toute la masse énorme des Alpes , dit Bertrand, a été ébranlée et bien au delà tout autour. Dans le fond des vallées les plus profondes comme sur le sommet des montagnes les plus élevées, on a aperçu des secousses plus où moins fortes. Le même jour, Lisbonne fut de nou- veau ébranlé d’une manière effrayante. Les détails qui suivent sont principalement empruntés à cet auteur. Ce fut à 2 h. 32 m. du soir qu'on sentit à Berne trois secousses, trois allées et trois venues. Le mouvement était horizontal, la direction à peu près du sud ou du sud-est au nord ou au nord-ouest. Cette observation n’a été contredite nulle part, mais confirmée en plusieurs endroits. Les trois secousses n’ont pas duré plus d’un tiers ou d'une demi-minute. La cloche dé la grande horloge sonna quelques coups, et une pyramide de pierre fut renversée de dessus la grande église. Il se fit deux fentes légères dans l'église française, qui se refermèrent depuis. Il y a eu quelques châteaux du pays qui ont été un peu plus ébranlés, et où il s’est fait aussi quelques légères fentes, comme à ceux de Lucens et de Nidau. On dit qu'un moment avant le tremblement, l'Aar était couverte dans quelques endroits d’une forte vapeur et semblait bouillonner. Près de la digue, elle parut suspendre ou retarder un instant son cours. Quelques personnes sentirent peu après une odeur de soufre, et le soir il y eut des brouillards très-épais. Immédiatement avant le tremblement, on entendit à Bienne un murmure dans l'air comme celui d'un vent du sud, et sur la terre un bruit sourd. Les fenêtres SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. D opposées au sud se courbèrent intérieurement. Bientôt après, les fontaines jetèrent une eau trouble, mais moins chargée qu'elle ne l'était au 1° novembre. Tout le canton de Fribourg et tout le pays de Vaud ont essuyé le même trem- blement et les mêmes alarmes à la même heure. Les villes qui, comme Yverdun, sont près des eaux , ont été les plus ébranlées. Dans mon mémoire Sur les tremble- ments de terre dans le bassin du Rhône (Annales de la Société royale d’agricul- ture, histoire naturelle et arts utiles de Lyon, t. VI), j'ai décrit les effets du trem- blement en France, en Savoie, à Genève et dans le Valais. À Lucerne, une première secousse légère à 4 h. 30 m. du soir; mais à 2h. 50 m., revinrent des mouvements beaucoup plus violents. Les cloches donnèrent du son. Une cheminée du couvent des Franciscains fut jetée en bas, et il se fit diverses crevasses dans le plâtre de l'église et de la maison. Le tremblement a été plus sensible dans la Petite-Ville. Le lac a été beaucoup moins ému que le A novembre. Dans les cantons de Zug, de Schwitz, de Glaris, secousses très-sensibles, plus violentes à Näfels, sur la Linth. Le couvent des Capucins fut violemment secoué. À Einsidlen ou Notre-Dame des Hermites, couvent du canton de Schwitz, la belle peinture du chœur de l’église fut endommagée. À Chiavenne (Valteline), quelques rochers se sont détachés et sont tombés dans une vallée inculte. Le lac fut fort enflé. Cette partie du versant méridional des Alpes parait avoir été agitée comme celle qui appartient au Piémont. On ressentit des secousses à Côme, à Milan et même jusqu'à Naples. Mais je reviens au bassin du Rhin. Dans les cantons de S'-Gall, d'Appenzell, de Thurgovie, tous les bâtiments furent plus ou moins ébranlés. À Leichtenteig, dans le Toggembourg , les secousses furent suivies d’un frémissement et d’une odeur de soufre. À Egnach (Thurgovie), on en compta huit assez fortes. La Thur a été émue et troublée. La cure de Gottlieben a été très-fortement ébranlée. Elle était située au même endroit où, 60 ans aupara- vant, une maison fut engloutie. Tout le long du lac de Constance, qui fut fort agité, dans le Rheinthal, on a aussi plus ou moins ressenti ce tremblement. Le lac parut fort enflé le lendemain. Dans le bassin du Danube, à Donau-Eschingen (Furstemberg), une secousse à 10 heures du matin; on n’y a rien ressenti à 2 heures et demie. Le même jour (sans indication d'heure), légère secousse à Munich, à Donawerth, où une église fut endommagée, à Ingolstadt, où les fontaines baissèrent considé- rablement et devinrent d’une couleur roussâtre. Ce tremblement s'étendit ainsi sur divers points des régions voisines de la Suisse, dans le Tyrol, la Souabe et la Franconie. 26 MÉMOIRE C’est à 2 h. 45 m. qu'on place le tremblement ressenti à Zurich. On fait durer les secousses presqu'une minute. La frayeur, dit Bertrand, peut avoir fait pa- raître le temps plus long. Le tremblement y fut accompagné d’un vent violent, que quelques personnes ont aperçu dès le commencement, d'autres à la fin des ébranlements. Dans le collége, on a remarqué avant les secousses, un bruit sourd et souterrain, eomme celui d'un vent renfermé. Tous les bâtiments ont été secoués, les cloches ont sonné, des portes ont été ouvertes, des tuiles détachées des toits. Dans le quartier de la prison et de l'église Notre-Dame, les mouvements ont été plus violents. Plusieurs personnes qui ignoraient la cause de leurs balancements, ont cru être frappées d’apoplexie. Les secousses finies, on a senti une odeur de soufre. Il est même des quartiers où elle a été accompagnée d’une vapeur ou d’un brouillard épais. Quelques personnes ont cru que cette vapeur venait du mont Hütli. La violence du tremblement s’est fait apercevoir dans les lieux bas, par le mou- vement des bancs de la boucherie et par du vin troublé dans les caves; dans les lieux élevés, par les balancements des pointes du clocher de l'église Notre-Dame. Il s’est fait sentir à peu près de même dans tout le canton, à Ottembach, Affol- teren, Marchwanden, Mettmestätten, Regensberg, Kybourg. À Knonau, l'étang du château, qui était couvert de glace, s’est ouvert tout à coup avec éclat pendant le tremblement, et l'eau a été soulevée à la hauteur de trois pieds. À Rieden, ce tremblement a été plus sensible sur les hauteurs que dans le bas. Si les maisons avaient été bâties en pierre, on a pensé qu'elles auraient été renver- sées. Dans la plupart des lieux au contraire, les ébranlements se sont moins fait sentir dans les maisons situées sur les hauteurs que dans celles qui étaient placées dans les fonds. A Kirch-Uster, à Werikon (Pfaeffikon?) et dans les neuf villages qui composent cette paroisse, tremblement plus ou moins violent. Le ruisseau appelé Uster-bach a été fort ému. L'eau d'une fontaine a été poussée à 2 ou 3 pieds au delà du bassin. À Winterthur, la glace de l'étang qui entoure une parte de la ville a été rompue avec violence. L'eau s’est élevée jusqu'aux jardins. À Nestembach, on doit avoir senti trois tremblements : e premier à 8 heures du matin, le second à 10 heures et le troisième à 3 heures environ de l'après-midi. A Eglisau, les secousses furent encore plus violentes que dans ces diverses loca- lités. Elles eurent lieu à 2 h. 50 m., comme à Berne. On distingua aussi trois secousses qui durèrent près d'une minute. L'air était tranquille : un bruit écla- tant se fit entendre de toutes parts, et au même instant toutes les maisons furent SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. D7 ébranlées. L'une et l’autre rive du Rhin ont ressenti ces commotions qui ont ébranlé tout le Ratzerfeld , comme Rass, Hüntwangen, Weil, Glattfelden et même quelques endroits plus fortement. Il semble que dans cette partie comme dans le midi de la Suisse, tous les lieux situés le long des rivières et des lacs ont été le plus agités, du moins ceux dont le terrain n’est pas graveleux ou sablonneux. A Stein sur le Rhin, on compta aussi trois secousses distinctes, dont la dernière fut la plus forte. Si les allées et les venues n'avaient pas été égales, uniformes dans le balancement et la direction, il y aurait eu subversion des édifices. Le Rhin était agité comme il l'est par un vent médiocre. L'heure n’est pas indiquée dans Bertrand, non plus que la direction des secousses, qui là encore fut du sud au nord. C’est à 2 h. 45 m. qu'on fixe le tremblement à Schaffouse. 11 dut avoir lieu ici à la même heure , puisqu'il se prolongea le long du fleuve. Dans le canton d’Argovie, il eut lieu à la même heure qu'à Berne (2 h.32 m.), au moins à Zoffingen, où l’on éprouva les mêmes secousses. Des livres de la bibliothèque publique furent renversés de dessus leurs tablettes. La plus haute des cloches de la tour de l’église fut aussi ébranlée. A Langenthal, à Brugg et dans les baïlliages voisins d’Aarbourg, de Kônigsfel- den, de Wildenstein on a eu la même épouvante, on n’éprouva nulle part aucun mal. A Kindhauser (comté de Baden), lieu situé dans les environs de Diétikon où , en 1728, une portion de terre s’enfonça dans un abime dont on ne put sonder la profon- deur, les secousses paraissent avoir duré une heure entière. A Bâle, entre 2 h. 50 m., et 2 h. 45 m., trois ébranlements : toutes les mai- sons de la ville et de la campagne furent agitées. Ce fut l'affaire d'une demi-mi- nute. Quelques cheminées et quelques pans de mauvaises murailles ont été ren- versés. Dans le même instant, Mulhouse, tout le Marquisat, les montagnes de l'évèché de Bäle et tous les pays voisins firent les mêmes observations. Les ébranlements du château de Wallenbourg ( canton de Bâle) et de celui de Gillemberg, dans le canton de Soleure, furent plus violents encore. Dans tout le village du Locle, on aperçut les secousses du sud au nord. Dans la partie inférieure du village, elles furent assez fortes, surtout proche du marais. Les mêmes phénomènes furent observés dans tout le vallon, dans celui de la Sagne, de la Chaux-de-Fond, de la Brévine et dans celui de Morteau (bassin du Doubs). Dans ces quartiers-là , les lieux élevés n’ont ressenti le tremblement que peu ou point. J'ai déjà dit qu'il s'était beaucoup étendu en France : toute la masse du Jura comme celle des Alpes fut ébranlée. Au moment des secousses, l'air était fort tranquille à Berne. On avait peine à Tome XIX. 8 o8 MÉMOIRE apercevoir le vent qui était sud-ouest. Le baromètre était à 27 pouces 7 lignes. Le matin, à 6 heures, le thermomètre avait été à 0°. À 2h. 50 m., il marquait + 1°,5. La veille, à 6 heures du matin, il avait été à — 8°,75; ce fut le jour le plus froid de cet hiver. Dès lors le temps a été assez doux, souvent pluvieux, toujours humide, pendant le mois de décembre et une partie de janvier. À Bäle, le baromètre marquait au moment des secousses 27"4,5, le thermo- mètre, +1°,5. La veille, au soir, il était à — 6°. Partout, les lacs, les rivières, les sources ont excessivement haussé peu de temps après le tremblement. La pluie qui est tombée , dit Bertrand, n’en a pas été la seule cause. Il faut qu'il se soit fait quelque éruption des eaux souterraines. Les inonda- tions affreuses de quelques provinces de France l'indiquent assez. Depuis trois ans, le pays de Vaud était exposé à une sécheresse fâcheuse. Dès le milieu de décembre, il a regorgé d’eau, et bientôt de toutes parts les lieux bas ont été exposés à des inon- dations. La source de Bévieux a aussi augmenté. C’est un mélange d’eau douce chargée d’un peu de sel. Après le 9 décembre, on en tirait un neuvième de sel de plus à peu près. À Morat, on a observé que l'aiguille aimantée a décliné à l'ouest de 0°25 à peu près au moment du tremblement. L'instrument était placé au haut d’une tour. Sur les frontières de la Suisse, de la limaïlle de fer suspendue par sa pointe à un aimant s’appliqua en se collant contre l’'aimant ou son armure; elle se remit ensuite dans sa situation verticale. A Hohen-Ems (château situé un peu au-dessus de l'embouchure du Rhin dans le lac de Constance, un aimant non armé était suspendu à un cordon de 11 pouces. A la première secousse , le cordon et l'aimant se tournèrent du côté du sud et formè- rent avec la perpendiculaire (verticale?) qu'ils marquaient auparavant un angle de quarante et quelques degrés. Ils restèrent dans cet état pendant toute la durée des secousses, et à la dernière l’aimant retomba du côté du nord et se balança par plu- sieurs vibrations qui diminuèrent peu à peu. Tandis que la pierre d’aimant demeurait ainsi élevée au sud, la limaille qui était ordinairement sur les deux pôles dressée comme des aiguilles s'était abaissée, et s'était serrée ou appliquée contre le pôle nord. Il en tomba ainsi quelques parcelles. Quelques petits morceaux de fer restèrent pendant le mème temps fortement attachés et debout sur le pôle sud. Dès que les balancements du cordon suspensoir eurent cessé, les pôles de l'aimant reprirent leur direction selon le méridien, et les morceaux de fer furent dressés sur les pôles comme auparavant. Là, le tremblement a duré à peu près une minute, de même que la position extraordinaire de l'aimant. Après avoir rapporté ce fait, Bertrand se demande s’il y a eu quelque changement dans le cours de la matière magnétique qui environne le globe, et il répond : la chose n’est pas impossible. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. D9 Ce fait m'en rappelle un autre analogue observé par M. de Humboldt. Avant un tremblement de terre ressenti le 4 novembre 1799, à Cumana, l'illustre voyageur avait trouvé dans cette ville l'inclinaison magnétique, mesurée avec la boussole de Borda, de 44°20° (nouvelle division). Après le tremblement, elle n’était plus que de 45°55°. Or, des expériences ont prouvé à M. de Humboldt que c’est cette partie du globe et non l'aiguille qui avait changé de charge magnétique. (M. U., 4 floréal an IX.) Enfin, relativement à ce tremblement, Bertrand fait encore observer que dans un même lieu et à de fort petites distances, les secousses ont été plus ou moins aperçues. Il ne paraît pas, dit-il, que cela vienne du plus ou moins de courage des observateurs. La position des murs relativement à la direction des secousses paraît y avoir contribué davantage. Il semble aussi qu'il y ait à cet égard plus ou moins de sensibilité chez les hommes. Dans la même chambre on a ressenti différemment les ébranlements. (B.; C. A.; Journal hist., 1756, t. I. p. 132-154; G.F., 10 janv. 1756; Acta helvetica, t. NL , p. 408; V. H.) Le même jour, violente secousse à Lisbonne, où elles se renouvelaient presque chaque jour depuis le 1° novembre. Le 11, nouvelle secousse sur divers points de l'électorat de Bavière. Elles furent presque quotidiennes jusqu’à la fin de février dans le Valais. ( Voir mon Mémoire sur le bassin du Rhône.) — 15 décembre, entre 2 et 3 heures du soir. À Strasbourg et Huningue, se- cousses qu'on a aussi ressenties dans la Franche-Comté, la Bresse, la Bourgogne, à Dijon et jusqu'à Montbard. ( C. A.) — 17 décembre , 11 heures du soir. À Brugg et dans le bas Argeu, secousses sans ruines. (B; C. A.) Elles se continuent à Brigg, dans le Valais. Le 20 décembre, au village du Locle (bassin du Doubs), une secousse pendant la nuit. Les tremblements se continuent à Brigg, mais je ne sache pas qu'aucune localité du bassin du Rhin ait été ébranlée. — Nuit du 26 au 27 décembre. En Belgique et en Hollande, trois secousses ressenties principalement à Liége, à Nimègue, Arnheim et jusqu'à Bréda, où la der- nière eut lieu le 27, à 4 heures du matin. On en compta cinq à Maestricht : Le 26, à # heures du soir, choc léger ; à 4h. 15 m., choc violent, mais court; à minuit, choc à peine sensible ; à minuit un quart, choc fort et d'une durée considérable; Le 27, à une heure du matin, un choc plus faible. 60 MÉMOIRE Tous ces mouvements ont été ondulatoires. A Cologne, on ressentit deux secousses à 4 heures et à 5 heures du soir; le 26, on en éprouva aussi à Bonn, dans le pays de Juliers, dans le Luxembourg et tout le long du Rhin; l'heure n’est pas indiquée. A Rocroy, deux secousses légères, la première à 11 h. 56 m. et la seconde à minuit 12 minutes. Elles s’annoncèrent par un bruit sourd de peu de durée, et le ciel, au rapport des sentinelles alors en faction , parut tout en feu. A Bruxelles, elles paraissent avoir eu lieu à 41 h. 45 m. et minuit. Elles n'y ont pas été violentes. Le 27, minuit 50 m. À Sedan et à Liége, deux secousses; quatre à Cologne, sans dommage, excepté à Chesnée, village à une lieue de Liége, où la dernière des deux secousses renversa deux maisons et en ébranla d’autres; elle fut accom- pagnée comme d’un bruit éloigné de mousqueterie. Dans quelques endroits on n'entendit aucun bruit. (C. À; G. F., 5, 17 janv. et 6 mars; Journal hist., 1756, p- 155; Philos. Trans., t. XLIX, p. 512, 546, 664; V. H.) Le même jour, secousses en Suisse, en Savoie, dans les Pyrénées et à Cordoue. La veille, on en avait ressenti en Bourgogne et en Franche-Comté. Elles se conti- nuaient toujours dans le Valais. 1756 — 15 janvier. À Amersfort (province d'Utrecht), une secousse qui causa une grande consternation, mais sans dommage. (Philos. Trans., 1. e., p. 515.) Von Hoff en cite une au même lieu le 15 décembre précédent; mais il y a erreur. Celle qu'il cite sous la date du 18 janvier à Bruxelles est du 18 février. — 25 janvier. À Berne , quelques personnes croient avoir ressenti une secousse. (B) Il y en eut de violentes à Brigg, ainsi que le lendemain. Le 24 ,on en avait res- senti de violentes à Démont en Piémont. — 26 janvier, 3 h. 55 m. du matin. À Cologne, une légère secousse de l’est à l'ouest pendant 7 à 8 secondes; à Bonn, comme au 26 et 27 décembre précé- dent. Le même jour, 11 heures du soir. À Brugg et dans tout le bas Argeu, nouvelles secousses sans dommage. (B.; C. À; G. F., 7 fév.; Journ. hist., mars, 1756, p.215) — 2 février. À Arau, quelques secousses légères. Le même jour, on en a aperçu dans divers endroits de la Suisse et de l'Italie. (B.; C. A.) — 18 février. Secousses qui s'étendent très-loin, dans les Alpes , en Allemagne, en France, en Belgique, en Hollande et en Angleterre. On en ressentit aussi en Portugal. A Paris et dans tout le bassin de la Seine jusqu'à la mer, deux secousses ont eu lieu entre 7 et 8 heures du matin. ER SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 61 A peu près vers 8 heures, on en ressentit dans presque toute la Belgique, à Bruxelles, Mons, Namur et Liége, ainsi qu'à Cologne, Maestricht, Utrecht, Bonn, Worms, Manheim , Dusseldorf, Hanau, Darmstadt, Cassel, Amsterdam, Wetzlar, Paderborn, Osnabruck, Arensberg. A Leyde, elles ont eu lieu à 7 h. 56 m.; à Bonn, 8 h. 6. m.; à La Haye, 8h. 8 m.; à Gotha, 8 h. 50 m. En Hollande, où elles furent très-fortes, elles durèrent une minute et demie, puis recommencèrent 10 ou 12 minutes après. À Bonn, il y eut encore, un peu avant 9 heures, puis 20 minutes après, deux autres secousses; on ne parle pas de dégâts. À Cologne, plus de cent cheminées sont tombées. Quelques maisons ont été endommagées considérablement dans leurs murs et leurs charpentes. Les bateaux qui étaient sur le Rhin ont éprouvé une agitation extraordinaire , et plusieurs ont couru risque de périr. A Liége, où elles recommen- cèrent à 9 heures, il y eut de grands dommages; entre autres, une masse énorme de pierre se détacha d’une tour de la cathédrale et enfonça les planchers de plusieurs maisons voisines. A Sedan, les secousses, accompagnées d’un grand bruit souterrain, ont duré plus d’une minute, sans agitation sensible dans les eaux de la Meuse, qui furent très- agitées ailleurs. A Aix-la-Chapelle, dont les eaux paraissent avoir été momentanément altérées, une femme fut tuée par la chute d’une cheminée. À Metz, des cheminées furent ren- versées. Moyenvic parait être le point le plus méridional ébranlé dans le bassin du Rhin. A Maestricht, on en avait déjà ressenti quelques jours auparavant et elles s’y con- tinuèrent après. Il ne se passa pas un jour jusqu'au commencement d'avril, sans qu'on y ressentit une secousse et quelquefois plusieurs. On a compté plus de 80 tremblements de terre distincts. Voici la liste des secousses de février, les seules dont j'aie trouvé les dates. Le 15, à 4h. 50 m. du soir, un choc court et léger; Le 14, à 5 h. 50 m. du matin, choc violent mais court; Le 18, à 8 h. du matin, secousse des plus violentes ; à9 h., choc court et léger; à 9 h. 50 m., choc plus fort, mais court; à midi et demi, choc court, presque insensible; à 8h. 45 m. du soir, choc court et peu sensible; Le 19, à 6h. du matin, choc violent et court; Le 20, à 4 h. du matin, choc court, moins violent. En général, ces secousses furent plus sensibles dans les étages supérieurs que dans les rez-de-chaussée ; elles furent moins ressenties dans les parties hautes de la 62 MÉMOIRE ville. Celles du 18 furent ondulatoires comme celles du 26 décembre; les autres n’eurent pas toutes ce caractère. Pendant les plus violentes, on remarqua des éclairs. Elles ont toujours été précédées d’un bruit souterrain qu'on n’a pu mieux comparer qu'à celui d'une charrette lourdement chargée et entendue à distance, ou à celui d'une voiture roulant rapidement lorsqu'elles étaient très-fortes. Plusieurs fois des bruits souterrains ont été entendus sans qu’on ressentit aucune commotion. Les secousses eurent lieu par tous les temps, sec, humide, clair, brumeux...…; seulement on a remarqué le calme au moment des secousses et le vent aussitôt après. On en a compté un plus grand nombre de nuit que de jour, peut-être à cause du plus grand repos et silence. Pendant ces tremblements, la boussole et le baromètre furent très-agités; ce dernier instrument indiquait un très-beau temps, tandis que la pluie était continuelle. Le vent d'ouest avait soufflé constamment tout l'été, et on avait observé des aurores boréales avant le commencement des secousses. Lorsque le ciel était couvert de nuages, on y apercevait souvent des bandes rouges comme du feu. Les brouillards furent fréquents , le temps très-variable. Lorsqu'on le croyait fixé au beau, arrivaient subitement de l’ouest des nuages extrème- ment bas. Quelques personnes éprouvèrent des sensations semblables à celle que cause une forte décharge électrique; les animaux domestiques, les chevaux, les vaches, les pigeons en furent affectés; souvent longtemps même avant les secousses, ils firent du bruit. Le 18, jour du tremblement général, les eaux, particulièrement celles de la Meuse, furent très-agitées; la Jaar qui coulait à pleins bords avant les secousses de ce jour, diminua beaucoup aussitôt après. Ce jour-là, le baromètre était très-bas à Paris, Versailles, Beauvais et S'-Quentin; à Rouen , à la Fère et à Dieppe, il était au dernier degré au-dessous de tempête. À Londres et sur les côtes d'Angleterre, où le tremblement commença un peu avant 8 heures, l'air était calme, le ciel brumeux, et aussitôt après sévit une très-grande tempête. À Bonn, l'air était légèrement chargé, le vent sud-ouest. À Berne, le baromètre était à 25r515; le thermomètre à 12. Dans toute la Silésie, ouragan horrible ce même jour. Non-seulement les maisons particulières, mais même plusieurs édifices publies ont considérablement souffert. La plupart des arbres ont été déracinés. On l'a aussi éprouvé en Suisse, où le vent était sud- sud-ouest. Il a été à peu près général, et sa plus grande intensité a eu lieu vers 8 heures du soir. Dans les environs de Liége, les ouvriers employés aux mines les plus profondes (900 pieds), entendirent avant l’ébranlement un bruit sourd au-dessus de leurs têtes, tandis que ceux qui étaient sur le sol entendirent un bruit du même genre SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 63 (a rumbling noise) au-dessous de leurs pieds et coururent à la cloche d'alarme. (C. A; G. F., 28 février, 6,15, 27 mars; Journal hist., 1756, p. 502; Philos. transact. , t. XLIX, p. 544, 565, 580 et suiv.; V. H.) Le même jour on sentit, le matin, à Lisbonne, une secousse de l’est au sud. A S'-Quentin on nota la direction du nord-ouest au sud-est. Je ne sache pas que dans ce phénomène on l'ait remarquée ailleurs. Du 19 février jusqu'au 12 mars, le temps fut très-chaud pour la saison : les se- cousses se continuèrent à Brigg (Valais) jusqu'au 7. Des météores ignés furent * aperçus dans le pays de Vaud, dans les montagnes de l'évèché de Bâle et à Avignon, les 3 et 7 mars, puis le 12 avril. — 3 juin. A Aïx-la-Chapelle, une secousse, beaucoup plus violente à Duren, Sittart, Maestricht, Liége, Cologne, dans le Limbourg et dans tout l'entre-Meuse et Rhin où en ressentit même plusieurs. (G. F., 19 juin; Philos. transact., t. XLIX, p. 895; C. A) — 7 juin, $ h.50 m. du matin. Dans le comté de Neuchâtel, secousses suivies d’autres secousses 18 minutes après. À Colombier, c'était un balancemet qui allait de l’est à l’ouest. A la Chaux-de-Fond, il y eut quatre reprises le matin depuis 8 h. 45 m., et une autre à 11 heures du soir; le mouvement qui y était vertical a paru plus violent qu'ailleurs , mais sans causer de dommages. On aurait cru qu'il y avait des charretiers avec leurs voitures. — Le 22, aux mêmes lieux, nouvelles secousses. (B.; C.; Acta helvetica, t. TT, p. 458.) — Commencement de juillet. Dans le bailliage d'Interlacken, secousses ressen- ties aussi à Brigg. (C. A.) A la fin du mois dans la vallée de Lauterbrunnen, éboulement considérable de rochers. — 19 novembre, 3 h. du matin. A Cologne, Liége, Bonn, Malmédy, dans le Limbourg et dans tout le pays d'entre-Meuse et Rhin, une secousse de 50 secondes de durée. (C. A.; G. F., 4 décembre; Philos. transact.; t. XLIX,, p. 895; V. H.) 1757.—18 janvier. En Alsace et dans la Franche-Comté, quelques secousses. (C. A.) — 6 août. À Bâle, une secousse. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) Le même jour, tremblement affreux en Sicile; la moitié de la ville de Syracuse a été renversée; douze mille personnes ont péri. On à aussi ressenti des secousses à Milan. Le Vésuve était en éruption. — 8 novembre, 9 heures du matin. À Bâle, légère secousse. (Acta helvetica, t. HE, p. 585.) 1760. — 19, 20 et 21 janvier. À Amsterdam, Leyde et Utrecht, quelques se- cousses. (C. A.) 6% MÉMOIRE Le 20, à Paris, Versailles et à Vézelay (Bourgogne), légères secousses. — 20 juin, vers 11 heures du matin. A Bruxelles, Cologne et autres lieux, se- cousse légère. (C. A.) — 16 juillet. À Bruxelles et dans plusieurs autres villes du Brabant, trois ou quatre secousses ondulatoires. (C. A.) 1761. — 51 mars, midi 4. Secousses à Lisbonne, en Angleterre, en Irlande, en Écosse, aux Canaries et aux Açores. On en ressentit en Hollande, ou plutôt le phénomène s'y fit remarquer par les oscillations des lampes dans les églises. (G. F., 2 mai.) 1762. — 91 juillet, 4 heure du soir. À Bonn, secousse précédée d’un bruit sou- terrain. Vers minuit, le même bruit fut suivi de nouvelles secousses plus fortes que la première; elles durèrent trente secondes. Le 1" août, deux nouvelles secousses. (G. F., 13 août.) Le même jour, 11 heures du matin. À Bruxelles, tremblement qui dura 10 à 20 secondes (Communic. de M. Quetelet.) 4763. -— De septembre de cette année jusqu'en mai 1764. À Müblehorn; on compta environ 50 secousses dans la direction de l'est à l'ouest. Elles ébranlèrent tout le canton de Glaris, depuis le Linththal, et s’étendaient à travers le Sernfthal, le lac de Wallenstätt ( Wallensee) jusqu'au Quintenberg et dans le Toggenbourg, aux environs de Wildhaus, et plus loin encore dans la seigneurie de Sax, canton de St-Gall. (V. H. d’après Salis et Steinmüller, Alpina, th. HT, p. 511.) 1764. — 6 janvier. À Bâle, une secousse. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) 1767. — Nuit du 18 au 19 janvier. A Bielefeld ( Westphalie), une secousse. Le 19, 10 heures du matin. À Hameln, une secousse après laquelle les puits qui manquaient d’eau furent tout à coup remplis. À Hanovre, une légère secousse qui n’a duré que quelques instants et qui n’a été sensible que dans le haut des maisons. Il faisait excessivement froid. Le 20. À Lypstadt, Rythberg, Guterslohe et Erford , une secousse. On en a res- senti à Munster, Osnabruck et Paderborn (G. F., 6, 9, 16 et 20 février; J. E., 15 février.) Le 21 , deux secousses à Parme, dans la matinée. — 15 avril, 4 et 5 heures du matin. À Gotha, deux secousses; la première, la plus violente, a été ressentie à Cassel, Gôttingen , Helmstadt et Mulhausen. Au mo- ment de cette secousse, on apercçut de Vagelsbourg un nuage sulfureux et oblong du côté de Cassel. À Sondra (2 milles de Gotha), bruit pareil à un coup de canon. Le même jour, à Rothembourg, trois violentes secousses, cheminées renversées On les ressentit le long de la Fulde et de la Werra. (G. F., 1, 8, 25, 29 mai; J.E. 15 mai; M. F., octobre.) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 65 — 15 avril, entre 2 et 5 heures du matin. À Gernsheim (Hesse-Darmstadt), deux fortes secousses avec bruit souterrain d’une minute pour chacune. Le 11, le thermomètre avait subitement baissé de 9°; le soir, il éprouva de grandes variations, et à 10 heures, il s’éleva un vent violent qui ne dura que cinq minutes (G. F., 15 mai.) La date du 15 n'est-elle pas inexacte? Ne faudrait-il pas lire le 13? — 22 juin, 5 h. 9 m. du matin. A Cologne et dans toute la province de Clèves, une violente secousse qu'on a aussi ressentie à Sedan et à Bouillon. (G. F., 3 et 17 juillet; 3. E., 15 juin, le n° n’a paru qu’en juillet.) 1770. — 20 mars. À Bale, une secousse. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) — 9 juin, 10 h.58 m. 45 s. À Cologne, secousses réitérées de 14 à 16 secondes. On en a ressenti une à Maestricht. (G. F., 25 juin.) — 9 octobre. À Bâle, une secousse (V. H.; note de M. Ch. Martins.) A la fin de décembre, éboulement d’une montagne près de Bamberg. 1771. — 11 août, 9 heures du matin. À Memmingen, Dourlach, Stuttgardt, Schaffouse, dans les environs d’Augsbourg , sur une étendue de pays de 60 lieues de longueur et 40 de largeur, jusqu'aux bords du Rhin, des secousses si violentes que le service divin fut interrompu; les prêtres quittèrent l'autel. (G. F., 9 et 11 octobre.) Le 15, secousses semblables au delà des Alpes dans la haute Italie (Mantouan, Modénais, Ferrarais), avec cette différence qu'elles y furent suivies d’un orage. Le 15, dans la vallée de Magna, près de Bergame, une secousse très-vive renversa une montagne. 1775. — 8 août, 4 h. 50 m. du soir. À Luxembourg, forte secousse qui s’étendit jusqu’à Vienne. (G. K., 27 août.) 177%. — 10 septembre, # h. 30 m. du soir. À Strasbourg, une légère secousse de l’ouest à l'est. Le même jour, à la même heure. A Belfort, trois secousses dans l'intervalle de quatre minutes. La seconde a ébranlé toutes les charpentes des bâtiments et a jeté la plus grande consternation parmi les habitants, qui se sont répandus dans les places et dans les rues. Il n’en est cependant résulté aucun dommage considérable. La direction du mouvement était de l'ouest à l’est. Le même jour, à la même heure encore. À Beaune (ou Baume-les-Dames*), une violente secousse pendant environ une demi-minute, ainsi qu'à Besançon, où la commotion a été moins violente. Temps couvert, air calme. (G. F.; 25 septembre.) Le même jour, vers les à heures du soir, légère secousse à Ratisbonne; mou- vement plus sensible à Anspach. — Le même jour encore, à Altdorff ou Altorf (chef-lieu du canton d'Uri). Trem- Tome XIX. 9 66 MÉMOIRE blement qui répandit la consternation et l'alarme dans tous les environs. Il y eut trois secousses le matin, la première à 5 heures, la seconde à 9 heures et la troisième à 11 heures, qui, quoique progressivement plus sensibles , n'occasionnèrent aueun dommage. Environ à 4 heures après-midi, le mouvement recommença avec tant de violence que la grande église en souffrit considérablement. Le clocher fut partagé en deux. Le dôme d’une autre église s'ouvrit et tomba. Plusieurs chemins furent dégradés et quantité d'édifices s'écroulèrent. De tous les principaux bâtiments du bourg, la mai- son de ville est celui qui a été le plus endommagé. L'église paroissiale de Stirixen, qui en est éloignée de deux lieues, a été totalement détruite. Des masses énormes de pierre se sont détachées des montagnes qui règnent le long du lac des Quatre-Can- tons, et tout le pays eût été ravagé, s’il fût encore survenu une secousse pareille. Le lendemain, environ à minuit, on en ressentit une autre qui, à 9 heures, fut suivie d’une secousse plus forte. La terre a continué depuis à être agitée, et les habitants, remplis d’effroi, se sont retirés dans la campagne, oùils couchaient encore sous des tentes au 24 octobre sui- vant. On remarque qu'aux environs d’Altorf, 1l règne en été un vent du sud, chaud et impétueux, qui est cause que les fruits y mürissent beaucoup plus tôt que dans les cantons voisins, quoique plus éloignés des Alpes ; mais la violence de ce vent jointe à sa chaleur est très à craindre. Il souffle quelquefois avec tant de force qu'on n'ose presque point allumer de feu dans le bourg, surtout depuis un fameux incendie de 1695. La montagne qui domine Altorf, dit de Saussure, parut manifestement osciller : elle semblait près de se renverser et d'écraser la ville. El s'en détacha même une grande quantité de pierres qui auraient causé un grand dommage s’il ne s'était pas trouvé sur la pente de la montagne un enfoncement qui les arrèta. (G. F.; 48 no- vembre; de Saussure, Voyages dans les Alpes, $ 1952, t. IV, p. 112.) 1776. — 28 novembre, 3 h. 15 m. du matin. À Manheim, deux fortes secousses qui ont duré, l'une une minute et quelques secondes et l'autre une minute, dans la direction du nord-ouest au sud-est. Les maisons s’écroulèrent, les cloches sonnè- rent d'elles-mêmes. A l'Observatoire, on s’assura que les secousses avaient été verticales. Un fil à plomb de 10 pieds ne fut pas altéré; la boussole dont l'aiguille avait un pied de longueur, dévia de 3 minutes. L'air était calme. Le même jour, 8 h. 10 m. du matin. À Calais et à Dunkerque, une forte se- cousse en reprises consécutives dans un espace de trois secondes, avec bruit sou- terrain. Direction du nord au sud. On l’a ressentie à Douvres. (G. F., 9 décembre et 27 janv. suivant.) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 67 — 19 décembre. A Spire, une secousse. (Cotte, Journal de Phys., t. LXV ,p.251) 1777. — 7 février, ? heures du matin. À Lucerne, dans le canton d'Unterwal- den et aux environs, secousse assez forte, soulevant le terrain sans balancements. À Sarnen des cheminées furent renversées. On l’a ressentie à Aarberg, à Anet (Berne), à Neuveville et à Neuchâtel. {Journal helvétique , avril 1177.) 1778. — 2 avril. À Manheim, une secousse. (Cotte, /. e. p. 258.) 1779. — 5 décembre. Tremblement à Bergen, entre Francfort et Hanau. (Tbidem.) 1780. — Du 26 au 27 février. À Coblentz, quatre secousses : 1° entre minuit et 1 heure du matin le 2%, forte secousse: 2 un peu avant 5 h. 50 m. du soir, secousse beaucoup plus forte; 3° le 27, 4 h. 45 m. du matin, secousse faible, mais de longue durée; 4° 10 h. 50 m. avant midi, secousse plus faible encore; un ciel très-orageux faisait craindre quelque catastrophe. Le 26,6 h. 55 m. du soir. À Boppart, forte secousse du sud au nord; le 27, entre # et à heures du matin, secousse plus faible. On remarqua que diverses hor- loges s'étaient arrêtées le 25 au soir. Le 26, à 7 h. 45 m. du soir, fort coup de vent de l'ouest, à Hachenburg, Limburg, Wiesbaden, Weïlburg, Francfort-sur- Mein, jusqu’à Siligenstadt, mais qui faiblit en s’éloignant du Rhin. Dans quelques lieux, on observa que le baromètre était de deux lignes au-dessous de tempête. Dans les matinées des 26 et 27, deux secousses à Wetzlar. À Dachsenhausen (Hesse-Darmstadt), le 26, 6 heures du soir. Secousse remar- quable avec fort bruit souterrain et bruissement dans l'air; la secousse dura un peu moins d’une minute. Le 25, forte neige par un vent impétueux. Entre 6 et 7 heures du soir, dans tout le pays de Wetzlar et de Kæœnisgberg , une forte secousse de deux secondes: elle fut cependant faible à Breitenbach. A Wissen, trois secousses violentes dans un espace de 12 heures, du 26 au 27. Les portes et les fenêtres furent agitées avec bruit. La dernière secousse eut lieu le 27, à 4 heures du matin, et fut si violente que les lits furent agités. Pas de dom- mages. À Marpurg, près de Braubach, il y eut quelques dégâts, des murs furent lézardés, quelques pierres s’en détachèrent. A Selb (Voigtland de Bayreuth), on avait quelques jours auparavant éprouvé de fortes secousses. Le 18, vers 1 heure du matin. Secousses persistantes; le 25, à la même heure, secousses plus fortes ; le même jour, quelques secousses encore, à 3 heures. Le 24, à 2 h. 45 m. de l'après-midi, secousses très-sensibles qui firent sonner les verres sur les tables. Le 25, 8 h. 18 m. du soir, une dernière secousse. Ces se- cousses paraissaient venir du sud-ouest. 68 MÉMOIRE Sur le S'-Gothard, à la Capella (la Chapelle?), on remarqua de légers mouve- ments, particulièrement le 22, à 7 heures du soir. Dans le courant du mois (sans date de jour), sur le lac de Wallenstadt, les eaux furent très-agitées sans apparence de vent, pendant que diverses localités voisines étaient ébranlées par un tremblement de terre qui fut très-fort à Lu- cerne. La Reuss éprouva une espèce de flux dans lequel l'eau s’éleva de plus d'un pied, ce qui se renouvela plusieurs fois dans une heure. (Ziehen, Nachricht von einer bevorstehenden grossen Revolution der Erde.…., 1785, pages 11, 25 et suivantes.) A la fin du mois et le 5 mars, secousses tout à fait désastreuses en Perse. — 11 décembre. À Haguenau (Bas-Rhin), tremblement de terre. (V. H.) 1781. — 95 septembre. À Harderwyk (Zuyderzée), tremblement. ({bidem.) La veille, tremblement et mouvement extraordinaire des eaux dans le lac de Bracciano, entre Rome et Viterbe. 1785. — 5 avril. À Manheïm, plusieurs secousses. (V. H.) 1784. — 5 juin, entre midi et 1 heure. À Caub sur le Rhin, une secousse qui se répéta à 6 heures du soir. On la ressentit à Guttenfels et dans le Palatinat. Elle fut suivie d’un ouragan sur le Rhin. (V. H.) De ce jour jusqu'à la fin du mois, secousses nombreuses dans les Calabres. — Nuit du 5 au 6 septembre. A la forteresse de Rhinfels , deux secousses avec une forte explosion comme d’un coup de canon. (M. F., 20 octobre.) — 12 novembre. Dans l'évêché de Spire, secousses violentes; une haute mu- raille de sept pieds d'épaisseur s’écroula au château de Kropsberg. (M. F., 18 dé- cembre.) Le 15, tremblement à Arequipa, au Pérou. — 29 novembre, 10 heures du soir. À Bourlemont, à une demi-lieue de Neuf- château (Vosges }, une secousse violente d’une minute. On l’a ressentie à Clefmont (Haute-Marne.) À 10h. 10 m. A Strasbourg, à Bâle, à Berne , et surtout dans la partie méridio- nale de l'Alsace, plusieurs secousses de 4 à 5 secondes de durée. Direction du sud- ouest au nord-est. On en ressentit en Dauphiné, en Savoie, à Genève, dans le canton de Vaud et en Allemagne , sur un espace de plus de 150 lieues. L’abaissement du baromètre, au-dessous de tempête, a été remarqué dans plu- sieurs localités, même là, comme à Paris, où les secousses n’ont pas été éprouvées. (Mém. de l'Acad. de Dijon, année 1789, p. 79; M. F.,18 décembre, 1° janv. 1785; Éphém. de Manheim, année 1784, p.458; V.H.) — à décembre, 41 h. 15 m. du soir. A Neufchâteau, Rouceux, Noncourt, SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 69 Bourlemont (Vosges), une secousse violente. Il faisait un vent terrible depuis trente- six heures. Une maison a été renversée. (Journal de Paris, 24 décembre.) Le 5, secousses dans la vallée de Graisivaudan, et le 9 à Briançon. — Nuit du 29 au 50 décembre, À Fürstnau (comté d'Erbach), deux fortes se- cousses d’une minute chacune. (M. F., 29 janv. 1785.) 1785 — 2 avril, 4 h. 20 m. du matin. À Nordenstadt, près de Darmstadt, une forte secousse ressentie aussi à Mayence et à Schelestadt. Le même jour, à Eglisau (Zurich), une secousse. (Est-ce la même?) Dans la nuit du 2 au 5, quelques secousses à Mayence, suivant Von Hoff, qui ne parle pas de celle de Nordenstadt, mais cite celle d'Eglisau. (M. F., 50 avril et 7 mai; Éphém. de Manheim , année 1785, p. 586.) Dans la nuit du 51 mars au 1“ avril, affaissement de terrain à Commotau en Bohème. 1786. — 153 février, minuit. À Albstadt {Souabe), Schreiberseisen et Diversdorf, plusieurs secousses. (G. F., 24 mars, sous la rubrique de Hambourg, 24 fé- yrier.) Doivent-elles figurer dans ce catalogue ? Le surlendemain , une violente secousse en Transylvanie. — 10 mars. Secousses dans le Palatinat. (Cotte, /. c.) Le même jour, dans le Voigtland, depuis Noïlas jusqu'à Lobienstein , plusieurs secousses légères. — 28 mars. À Bonn et aux environs, plusieurs secousses. (G. F., 21 avril.) Von Hoff, qui ne parle pas de celles-ci, en cite deux autres aux mêmes lieux, à 10 et 11 heures du soir, le 24, d'après Cotte. — 22 avril, 8 h. 30 m., 10 heures et 11 heures quelques minutes du soir. A Bonn, plusieurs secousses. (G. F., 16 mai.) — 10 juillet. À S'-Goar, sur le Rhin, une secousse. (V. H., d'après Cotte.) — 24 juillet, midi et 8 minutes. À Bonn, secousse de deux secondes. Air calme et pur. (Ibidem.) — 20 novembre, entre 3 et 4 heures du matin. À Bâle, deux secousses légères. (V. H.) 1787. — 27 août, minuit 45 m. À Stuttgard, deux secousses chacune de 7 à 8 secondes. On les a ressenties dans le bassin du Danube, à Augsbourg, Empten et Dillingen plus fortement. À Inspruck on a remarqué que leur direction était du sud-ouest au nord-est. À Munich et à Ratisbonne on a aussi observé deux secousses distinctes. Une aiguille magnétique a rétrogradé de 012’ à l'est. Pluie continuelle pendant tout le jour. 10 MÉMOIRE Le 26, 1 heure du matin. Secousse à Peissenberg. (G. F., 18 et 25 septembre; Éphém. de Manheim, année 1787, p. 202, 257 et 266.) + Von Hoff, qui donne la seule date du 28, 55 minutes après minuit, cite encore Bäle, Zurich, Landshut, Pappenheim et Ansbach. Il ne signale qu’une seule se- cousse. À Stuttgard, il avait fait un vent violent. Le temps était calme au moment des secousses. — 5 et 4 novembre. Tremblement dans le bassin du Mein et du Necker. A Gräfenhausen, dans le comté de Neuenburg (Forèt-Noire), on éprouva sept se- cousses de 8 heures du soir, le 5, jusqu'au 4, 8 heures du matin. À Deckenhelm, elles furent si fortes que la cloche de l'hôtel de ville {Rathhaus) sonna plusieurs fois et que des toits furent renversés. À 4 heures et à 6 heures du matin, le 4. Deux secousses à Heidelberg, Manheïm, Darmstadt et sur la route (Bergstrasse) qui joint ces villes, à Francfort et Hanau. À Manheim, le mouvement eut lieu du nord-nord-ouest au sud-sud-est, suivant la direction du vent. (G. F., 20 nov. ; Éphém. de Manheim, année 1787, p. 12; V.H) 1788. — 350 mars. À Bâle, tremblement. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) Le lendemain, une secousse à Genève. Le 17 juillet, à Munzingen, dans le duché de Bade, les eaux s’élevèrent à une hauteur extraordinaire, ainsi qu'on l'avait déjà remarqué lors du fameux tremble- ment de terre de Lisbonne. (V. H.) — 12 août, dans la forêt de Hundsrük (entre Rhin et Moselle). Une forte se- cousse. (V. H.) — 29 octobre, vers les 11 heures du soir. À Darmstadt, forte secousse du sud au nord. (G. F., 18 novembre.) — 9 novembre, dans le pays de Darmstadt, une secousse. ( V. H.) — 25 décembre, 2 heures du matin et un peu avant 7 heures du soir. À Mayence, Francfort et dans les environs , deux secousses. Le lendemain, il tomba de la neige, puis il dégela le soir. Mais le 26, le vent étant repassé au nord, le froid reprit avec vivacité. (G. F., 20 janv. 1789; V. H.) 1789. — 18 janvier, 3 heures du soir. À Mayence, Francfort, Epstein, Solms- Laubach, plusieurs secousses ressenties plus faiblement en divers lieux comme Cologne, Giessen et Erfurt. Le 20, un peu avant midi, nouvelle secousse à Mayence. (G. F.; 10 février; V.H)) — 15 juin, 8 h. 58 m. du soir. A Manheim, deux fortes secousses qui se sont suivies rapidement, dans la direction du nord-est au sud-ouest, sans dommage. Le 16, entre 11 et 42 heures (du matin ou du soir?). À Manheim et Oggersheim, une nouvelle secousse. (G. F., 5 juillet; V. H.) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 71 — 28 octobre, 6 heures du matin. A Bernek (Forèt-Noire), quelques secousses après un fort éclair. (V. H.) Est-ce dans la Forêt-Noire ou le Fichtelgebirge ? 1790. — Nuit du 5 au 6 mars, 8 heures, 11 heures du soir et 4 heures du matin. À Griesheim, principauté de Darmstadt, trois fortes secousses. La dernière fut la plus violente. On la ressentit à Darmstadt et dans lOdenwald. (G. F., 2 avril; VW) — 4 juillet, à Bâle, une secousse. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) 1792. — 21 mai, 4 heures (du soir ou du matin?). À Sandvort (Hollande), la mer s’éleva si haut que les personnes les plus âgées n'avaient aucun souvenir de pareil phénomène; dans l’espace de quelques secondes, elle retomba. (V. H.) 1795. — 12 décembre. Dans la Hesse-Darmstadt, une secousse accompagnée d'un grand bruit. (V. H.) 1795. — 25 septembre. À Ober-Cassel, non loin de Bonn, une secousse. (V. H.) 1796. — 20 avril. Tremblement à Bâle. (V. H.; note de M. Ch. Martins.) — Nuit du 21 au 22 octobre. À Bienne (Suisse), deux fortes secousses pen- dant près d’une minute. La direction a paru être du sud au nord, (M. U., 25 bru- maire an V.) 1798. — 14 mars, vers 10 heures du matin. À Sarguemines, Bliastel et autres communes du département de la Meurthe, une secousse très-violente; elle a été si forte à Bitche qu’elle a soulevé une partie de la voûte du pont. La circonférence dans laquelle elle a eu lieu renferme plusieurs mines de houille, dont une, pareille à la solfatare de Naples, brûle continuellement. Quelques jours auparavant, un météore enflammé s’est élevé de terre entre Fey et Véron, à trois lieues de Metz, et a disparu avec une forte détonation. (M. U., 8 germinal an VI.) L'éruption de l'Etna continue pendant ce mois; secousses nombreuses à Mes- sine. 1799. — Nuit du 21 au 22 février, pendant un ouragan épouvantable. À Franc- fort-sur-Mein et à Giessen, secousses de tremblement de terre qu'à Pusseldorf des personnes bien éveillées ont cru avoir ressenties. (M. U., 27 ventôse an VIT; V. H.) 1800. — 3 novembre (12 brumaire), 41 heures du matin. À Zurich, une légère secousse. (M. U., 26 brumaire an IX.) — 9 novembre (18 brumaire). À Bruxelles, deux secousses de tremblement de terre pendant un ouragan qui, de 5 heures du matin à 6 heures du soir, a ravagé 1 La ville d'Eglisau est exposée à de violents tremblements de terre. Sur les 90 que ressentit le canton de Zurich pendant le XVIII siècle . elle en compta 63 pour sa quotcpart. (Adolphe Joanne, Ztinéraire descriptif el historique de la Suisse, p. 475.) 72 MÉMOIRE les côtes de France depuis le Havre jusqu’au nord de la Hollande. (M. U., 25 bru- maire an IX.) XIX' SIÈCLE. 1801. — 1% mai, 10 h. 50 m. de la nuit. A Sisikon, près du lac Waldstätten (Suisse), une masse de rocher s’est détaché de la montagne de Tell. Sa chute a élevé les eaux du lac à une hauteur prodigieuse. Des maisons ont été enlevées. (M. U., 25 prairial an IX.) — Nuit du 40 au 11 septembre. À New-Brisack, une forte secousse dont la di- rection était du nord au sud. On l'a ressentie à Colmar. (M. U., 5° jour complé- meéntaire an IX; V. H., d'après le Hamb. corr., n° 151, Beil.; St.) 1802. — 1° janvier (12 nivôse), 6 h. 45 m. du matin. A Strasbourg, tremble- ment du nord au sud. Inondations presque universelles depuis un mois. (M. U., 20 nivôse an X.) Von Hoff indique l'heure de 7 h. 15 m. — 95 janvier, le soir. À Strasbourg, une secousse. (V. H., d'après le Hamb. corr., n° 21; St.) = 19 mai, A1 heures du matin. À Berne, à Zurich, à Genève et dans d’autres lieux de la Suisse, une secousse. À Berne, elle a été assez forte pour ébranler les meubles dans les chambres, particulièrement au troisième étage. Un vieillard et une jeune femme tombèrent au même instant sur une terrasse, et la eloche de la maison de ville donna des sons. Le même jour, il y avait eu, de 10 à 11 heures , de fortes secousses dans la haute Italie, à Turin, Roveredo, Crema, Brescia, Parme, Gênes et Milan. Le bourg de Marguin fut entièrement englouti et remplacé par un lac. (I. D., 4, 5,9, 10, 15, 17 prairial et 18 messidor an X; M. U.,6, 9, 10, 15 prairial; V. H.; St.) — 15 mai, 7 heures du matin, dans le pays de Darmstadt, violente secousse de 15 à 20 secondes. (J. D. , 17 prairial an X..) — 8 ou 11 juillet (19 ou 22 messidor), 9 h. 53 m. du soir. À Strasbourg, une secousse violente. (3. D., 25 messidor; M. U.; 28 messidor an X.) — 18 et 19 août. À Berne, plusieurs secousses. (M. U., 12 fructidor an X.) — 11 septembre, 7 12 h. et quelques minutes du matin. À Strasbourg , secousse assez forte, dirigée du sud-ouest au nord-est. Le 12, 6 h. 36 m. du matin, nouvelle secousse; une heure après, une autre secousse plus forte. Un vent violent du sud accompagnait le phénomène. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 75 Le 15, quatre nouvelles secousses, dont la première a duré plus d’une minute. Le 14, 2 heures de la nuit, nouvelle secousse assez faible, et à 7 h. 4 m., com- motion violente avec bruit souterrain. Le 15, un peu avant minuit, nouvelles secousses. Direction constante du nord au sud. Dans les maisons on a ressenti celle du 12, du haut en bas, comme la chute d'un poids qui tombe avec violence et remue la maison. (J. D., 50 fructidor, 2 et 5° complémentaire an X, 1“ et 2 vendémiaire an XI; M. U., 2 compl., an X et 5 vendém. an XL.) — 25 octobre, 7 h. 50 m. du matin. À Strasbourg, nouvelle secousse. Le 2%, une nouvelle secousse encore assez forte. (J. D., 7 et 13 brumaire an X}; M. U., 11 brumaire et 3 frimaire.) — 8 novembre, 11 h. 30 m. du soir. A Strasbourg encore, nouvelle secousse. Celle-ci fut la plus forte : comme toutes les autres, elle fut, dit-on, locale. Pourtant, on l'a ressentie à Veissembourg. (3. D., 25, 24 brumaire et 4° frimaire an XH; M. U., 24 brum. et 5 frimaire: St.) — 22 novembre. À Coire (Chur), secousse assez forte. (J. D. , 4 nivôse an XI.) — 18 décembre. À Schwaben , Rotterdam et autres lieux des Pays-Bas, plusieurs secousses. (V. H., d’après Kefestein.) — Nuit du 25 au 24 décembre. À Mayence, léger tremblement. (V. H., d'après le Hamb. Corr., 1805, n° 2.) 1805. — 13 décembre. Le long des bords de la Meuse, particulièrement à Vlaar- dingen, Rotterdam et Schiedam , légère oscillation souterraine. En mer, des bà- timents remarquèrent un mouvement extraordinaire des eaux. (V. H., d'après Moll.) 180%. — 15 janvier, pendant l'office du soir. A Rotterdam et aux environs, une secousse, ressentie en mer. Elle a été forte à La Haye et à Bois-le-Due. (J. D., 1" pluviôse; M. U., 3 et 5 pluviôse an XII.) Le même jour, secousses à Malaga, Madrid et autres lieux de l'Espagne. Ce fait n'est-il pas le même que celui cité par Von Hoff? — 25 août, 10 heures et midi. Dans les Pays-Bas, principalement à Schiedam , secousses simultanées avec celles qui ce jour-là ébranlèrent une grande partie de l'Espagne. On en ressentit aussi à Clermont-Ferrant en Auvergne. ( V. H., d'après Moll.) 1805. —— 9 mai. A Strasbourg, Bischweiller et Haguenau, une légère secousse. Le 16 , 9 heures du soir, dans ces deux dernières villes et aux environs, une secousse dans la direction du bassin dela Moder. (V.H., d'après le Hamb. Corr., n°58.) — 50 novembre au matin. À Coire, plusieurs secousses. (J. D., 2, et M. U., 3 niv. an XIV.) 1806. — 2 septembre, 5 h. du soir. Éboulement d’une montagne dans le canton Tome XIX. 10 74 MÉMOIRE de Schwitz, dû, dit-on, aux pluies qui ont miné le rocher. (J. D., 15, et M. U., 17 sontambres Rapport de Saussure, dans la Bibl. Brüann., t. XXXIH, p- 255.) à décembre, nouvel éboulement en Suisse. La route Le Lucerne a été coupée par un gouffre de 900 pieds de long sur 560 de profondeur. (J. D., 25 décembre.) — 12 décembre. Tremblement à Bâle. (Comm. par M. Ch. Martins, d'après Mérian. ) 1807. — 19-20 février. Tremblement à Darmstad. (St.) — 17 juin. À Eglisau, dans le canton de Zurich. (St.) — 14 juillet. A Lahr ou Lohr (Souabe) assez forte secousse; quelques édi- fices ont été ébranlés. (3. D., 50, et M. U., 51 juillet.) — 11 septembre, 8 h. 50 m. du soir. À Neuwied, violente secousse horizontale et dans la direction du sud-ouest au nord-ouest. (?) Les maisons situées au nord d’une rue ne la ressentirent presque pas; les maisons de l’autre côté furent fortement ébranlées. Bruit semblable à celui d’une voiture qui roule avec vitesse sur le pavé. Agitation sur le Rhin; les poissons sautaient hors de l’eau. À minuit, deuxième secousse; à 5 heures, troisième secousse moins violente. Le temps était calme. (J. D., 27 septembre ; M. U., 28 septembre et 9 octobre.) — 22 décembre, 3 heures du matin. À Dusseldorf et dans les environs , deux secousses précédées d’un bruit semblable à celui qu'occasionne un grand nombre de voitures roulant sur le pavé. Temps calme et nébuleux. (3. D. et M. U., 4° jan- vier 1808.) 1808. — 27 mars, 5 h. 15 m. du matin. À Strasbourg, violente secousse; il faisait un grand vent. (M. U., 1° avril; J. D., 2 avril; St.) — 2 avril, à h. 50 m. du soir. A Berne, faible tremblement, plus fort dans le bassin du Rhône et en Piémont. (St.).— Voir mes autres mémoires. Dans la nuit du 12 décembre. Nombre d’avalanches en Suisse; on a soupçonné un tremblement de terre. Le baromètre était très-bâs et très-variable, (3. D., 9, et M. U., 10 janvier 1809.) — Nuit du 20 au 21 décembre, à Marche en Famène (Sambre-et-Meuse), une secousse de deux ou trois secondes. ( J. D., 4 janvier 1809.) 1809. — 30 janvier, la nuit. À Courtrai, légère secousse pendant un ouragan terrible. (M. U. 5 février.) — 26 avril, 9 heures du soir. À Berne, faible tremblement. (St.) — 29 juin. A Thun et dans le Simmenthal, tremblement. (St.) — 2 juillet, 2h. 50 m. et à h. 50 m. du matin. A Dusseldorf et dans les envi- rons, deux secousses avec bruit pareil à celui des voitures. Les animaux beuglaient dans les écuries. (3. D., 9 et 11 juillet.) Û SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 75 Le même jour, légères secousses à Suze. Le 4, marées extraordinaires à la Spezzia (Gênes) et près de Lisbonne. L'année 1810 ne présente aucun tremblement de terre dans le bassin du Rhin; et je n'en compte, en Europe, pas moins de 27, dont 10 dans le bassin du Danube, et un seul dans celui du Rhône. 1814. — Du 25 novembre au 10 décembre. Dans le pays des Grisons, plusieurs secousses pendant quinze jours. (M. U., 27 décembre.) Le 12 et le 13 décembre, on en ressentit dans le bassin de l'Elbe et dans les montagnes de la Saxe. Le 10, à Prague, le baromètre était descendu subitement au-dessous de la hauteur moyenne. 1812. — 19 février, 4 heures du matin. Dans le Brettigau (Grisons), plusieurs secousses. (M. U., 25 mars; St.) Le 14 et le 15, on en avait ressenti à Mirabel (Drôme), dans le bassin du Rhône. — 15 mai, entre 4 et 2 heures du matin. A Zulpich, près de Cologne, deux se- cousses qui ont renversé quelques vieux murs et des meubles. Elles se sont suivies à une minute d'intervalle : la première, la plus forte, a duré deux secondes. Ce tremblement ne s’est étendu que dans un rayon de deux lieues. (J. D., et M. U., 28 mai.) — 17 juillet, 4 heures du matin. À Kandern, Mulheim (Haut-Brisgau), une se- cousse avec bruit souterrain, paraissant être de l'est à l’ouest. Une cheminée ren- versée. (J. D., 4 août; M. U. , 1" et 11 août.) Nuit du 3 au 4 novembre. À Nurenberg (Nürnberg), quelques secousses. (M. U., 18 novembre.) — 18 novembre, 7 h. 15 m. du matin. À Bonn, une secousse de 2 ou 3 se- condes; à 7 h. 30 m., deux secousses dans le voisinage des Sept-Montagnes (près Dusseldorf). Quelques personnes à cheval ont été renversées. (3. D., 25 novembre et 4° décembre; M. U., 28 novembre.) — 15 décembre, à et 9 heures du soir. À Oberhalbstein (Grisons), deux se- cousses légères. (J. D., 16 janvier 1815)) 1815. — 22 septembre, 3 h. 50 m. du matin. Tremblement de terre dans toute la vallée de Coire. Le même jour, 1 h. 45 m. du matin, à Rundess, Marlinsbruck, et dans le Bas-Engadine (bassin du Danube), on avait ressenti deux secousses successives et légères pendant une pluie mêlée de tonnerre. (M. U., et J. D., 21 et 22 oct.) La veille, 8 h. 40 m. du matin, on en avait éprouvé à Imola, Forli et Faenza, où elles se renouvelèrent pendant le mois d'octobre. Le bassin du Danube a éprouvé huit tremblements de terre cette année, sans compter les secousses du 22 septembre et trois en 1814. 76 MÉMOIRE L'année 1815 n'offre non plus aucun fait que je puisse citer. 1816. — 7 février. Tremblement à Saint-Gall. — 15 mai. À Boltigen, dans le Simmenthal. — 9 et > juillet. À Lenk et Zweisimmen, dans le Simmenthal. (St. — Nuit du 27 au 28 juillet. À Yverdun (Vaud), plusieurs personnes assurent avoir ressenti une secousse de tremblement de terre. Du 27 au 51, les eaux du lac de Neuchâtel ont haussé de deux pouces de France. (I. D., 10 août.) 1817. — 15 janvier, 7 h. 50 m. du soir. À Payerne et dans plusieurs villages du canton de Vaud, une violente secousse. Les 17, 19 et 20. Aux Ouches (vallée de Chamounix), une secousse chaque jour. (3. D., 25 janv. et 27 mars.) — 11 février. À Bâle, tremblement de terre encore communiqué sans détails par M. Charles Martins, d'après Mérian. Du 1° au 8 mars. En Suisse, vent violent; le 7 et le 8, avalanches. — 44 mars, 9 h. 10 m. du soir. Aux Ouches encore et à Saint-Gervais, une autre secousse violente du sud-ouest au nord-est; meubles renversés, voûtes fen- dues, bruit pareil à une forte détonation, craquement des glaciers; au même mo- ment, éclair sur le Mont-Blanc et une lueur sur le côté opposé. Le ciel était serein. On a compté encore onze secousses jusqu’au lever du soleil. A 9 h. 24 m., on en a ressenti plusieurs dans l’espace d'une minute, à Lau- sanne et dans tout le canton ainsi qu'à Berne (faible à 9 heures du soir), à Neu- châtel et à Genève. Dans plusieurs endroits, à Genève surtout, les meubles se sont déplacés et les portes se sont ouvertes. Presque partout les oiseaux placés dans des cages ont été précipités des appuis sur lesquels ils dormaient; à Yverdun, un ta- bleau solidement suspendu à un mur a été jeté sur le plancher. Dans une autre maison, un plafond en gypse, presque neuf, a été fendu en plusieurs endroits. Vingt-quatre heures auparavant, quelques personnes avaient déjà été frappées d'un coup violent mais sourd, comme une espèce de détonation souterraine et profonde. En général, on a remarqué dans les murs une espèce de craquement qui s'est prolongé même après la secousse. Ces secousses ont été ressenties aussi à Thun et dans d’autres endroits de l'Em- menthal, jusqu'à Wynigen. Le même soir, mais quelques heures plus tôt, la partie occidentale du château habité de Liebegg, près d'Arau, s'est écroulé; une vieille servante a été ensevelie sous les ruines. Le 13, à 10 h. 50 m., 11 heures du matin, 2 h. 10 m., le soir, et plus tard à 11 h. 20 m. Cinq nouvelles secousses aux Ouches, où l’on en a encore ressenti une autre à 7 heures du matin et une seconde à midi. Les 15, 28, 50, 31 mars, 1" et 2 avril. Secousses nouvelles aux Ouches; celles SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 77 des 28 et 50 mars avec bruits souterrains, celle du 31 et la première du 2 avril, très-violentes. Direction du sud au nord. (F. D., 22, 27 mars, 5 et 17 avril: St.) — 16 avril, 2 h. 50 m. du matin. A Appenzel, une forte secousse. La veille, tempête terrible. (J. D., 28 avril; St.) Un tremblement de terre fit périr 3,000 personnes en Chine dans le courant de ce mois. — 7 juillet, à heures du matin. À Schaffhausen, une assez forte secousse, plus violente à une lieue de la ville. (M. U., 50 juillet ) Le même jour, à la même heure, une secousse à Porrentruy (bassin du Rhône). Elle se manifesta plus fortement aux environs. (J. D., 98 juillet ; St.) — 8 août. À l'hospice du Grimsel, tremblement de terre. (St.) — 11 et 13 août. A Saanen ou Gessenay (Berne), fortes secousses qui se sont renouvelées presque chaque jour, mais avec moins de violence pendant un mois. Elles ont cessé vers la mi-septembre, époque à laquelle on en ressentit de très- fortes, surtout dans le canton de Vaud : on cite Rothenburg. (J. D., 29 sep- tembre.) M. Studer cite encore Rougemont (à l'ouest de Saanen), pour la nuit du 15 au 14. A Inspruck, on éprouva une très-forte secousse le 19 août. Du 25 à la fin du mois, il y en eut de violentes en Morée où la ville de Vostitza fut détruite en 17 minutes. — 17 octobre, 5 heures après-midi. À Yvonand (Vaud), une assez violente se- cousse. (3. D., 27 oct. ; St.) Le lendemain, tremblement de terre en Sicile. — 12 novembre, vers 3 heures du matin. À Genève, une forte secousse avec une violente détonation. La direction a été de haut en bas. Le bruit ressemblait à la chute d’une très-grande masse. La secousse a été res- sentie dans tous les environs (s’est-elle étendue sur le versant septentrional du Jura ?); et les eaux du lac ont éprouvé une hausse momentanée. — 20 novembre, tremblement à Gadmen, dans l'Oberland bernois. On a ressenti , vers cette époque, plusieurs secousses dans diverses contrées du pays. (J. D., 21 et 24 nov. ; M. U., l‘et 8 déc.; Sc.) 1818. — 19 février, 10 h. 50 m. du soir. A Rouffach, Soultz et Belfort ( Haut- Rhin), forte secousse; la ville voisine de Colmar ne s’en est pas ressentie. (C. P., t.IX, p.455; J. D.,6 mars.) Le lendemain, tremblement remarquable en Calabre, en Sicile et à Malte. Le 22, à Turin et dans la haute Italie, secousses avec bruit souterrain ; les 25, 24 et 25, dans la partie inférieure des bassins du Rhône et du Var. Le Journal des Débats du 24 mars avait annoncé des secousses comme ayant été 78 MÉMOIRE désastreuses à Soultz (Bas-Rhin) dans la soirée du 8 mars; mais il s’est rétracté dans son n° du 26. Tout s'était borné à un orage très-violent. — 4 et 5 novembre. Dans la nuit, à Aquisgrana (Aïx-la-Chapelle), secousse peu violente; après le lever du soleil, nouvelle secousse; quelques minutes après, elle se renouvela avec un bruit semblable à celui d’une canonnade éloignée : les mêmes secousses se firent sentir dans toute la ville de Witchbach. (C. P.,t. XXXIIT, p- 405; M. U., 14 nov.) L'année 1819 présente, pour l'Europe , 28 tremblements de terre, dont 5 dans le bassin du Danube, un seul dans celui de l’'Elbe et aucun dans celui du Rhin. On a aussi compté, cette année, de nombreuses secousses en Asie, dans plusieurs archipels de l'Océanie et en Amérique. Des remarques analogues s'appliquent à l’année 1825, pendant laquelle on a éprouvé 17 tremblements de terre en Europe : deux ont ébranlé le bassin du Danube ; un seul celui du Rhin. 1820. — 25-24 octobre. A Berne, faible tremblement. (St.) 1821. — 15 janvier, 2 h. 50 m. du matin. À Berne, encore une forte secousse. (G. P., t. XVIIE, p. 414; St.) — 20 septembre, 2 heures du matin. À Kônitz, près de Berne, tremblement. (St.) — T octobre. À Epinal, Remiremont et Plombière (Vosges), plusieurs secousses; direction, sud-nord; durée, 50 secondes ; bruit semblable à celui que font entendre, quand elles tournent avec rapidité, ces sphères creuses et percées d'un trou que les enfants appellent des Diables. (C. P., t. XXE, p. 395.) Le lendemain , commencement de secousses qui durèrent pendant 26 jours dans le royaume de Murcie. Le 28, secousses dans le bassin de d'Elbe, et dans l'Erzgebirge de Saxe, où elles se renouvelèrent le 50. Elles ne paraissent pas s'être étendues jusqué dans le bassin du Rhin. — 2% décembre. A Rhintal (Suisse), secousse après l'apparition de plusieurs mé- téores ignés. (C. P.,t. XXXIIT, p. 405.) Ne faut-il pas écrire dans le Rheinthal ? — 25 décembre, 8 h. 50 m. du soir. À Mayence, légère secousse. Ce phéno- mène est remarquable en cela surtout qu'il a coïncidé avec la baisse extraordinaire du baromètre, observée le mème jour dans toute l'Europe : tempête violente à Gênes, dans la haute Italie et en Suisse. (C.P., t. XXI, p. 395; V. H.) Le 26, après minuit, deux fortes secousses sur la côte de l'Adriatique. 1822. — 19 février, 8 h. 45 m. du matin. Tremblement de terre en Suisse et en France. Dans le bassin du Rhin, on cite Berne et Zurich ; dans celui du Rhône, Genève SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 79 et Lausanne, où il eut lieu à 9 h. 15 m.; en Savoie, Annecy et Chambéry, ainsi qu'Aix, où les eaux thermales se troublèrent et perdirent leur odeur et leur saveur. En France, il s’étendit depuis Vesoul et Dijon jusqu’à Bourg, Lyon et Valence. A Belley, des rochers se fendirent. Clermont et plusieurs autres lieux du Puy- de-Dome furent aussi ébranlés. Onleressentit à Paris où, d’après l'observation de la boussole, M. Arago constata qu'il avait eu lieu dans le sens du méridien magnétique. M. Biot avait cru que la direction était du sud au nord ou du sud-sud-est au nord-nord-ouest.(C. P.,t. XIX, pp. 106 et 185, et t. XXI, p. 595; J. D. , 25 fév. et 7 mars; V. H.) M. Studer indique 9 heures pour Berne. Du 15 au 25, éruption du Vésuve. Le 25, une nouvelle secousse ressentie à Belley et à Chambéry. — 21 novembre. À Horb (Wurtemberg), une secousse. (V. H.) Le 25, à Sulz (Wurtemberg), une secousse. (V. H.) N'y a-t-il pas ici erreur de date ? — 25 novembre, 5 heures et 5 heures du matin. À Sulz, deux secousses ac- compagnées d’un mugissement souterrain semblable à celui du tonnerre. Elles fu- rent ressenties à Altenseig et Heidelberg. Le 28, 10 h. 50 m. du matin, à Strasbourg, Kehl, Buel, Steinbach, Einzheim, Carlsruhe, Spire, etc. , une assez forte secousse. À Stuttgard , elle a été dirigée du sud-est au nord-est. On cite encore Tubingen et Heidelberg. À Mayence, vers minuit et demi (?), une secousse sensible, surtout dans les en- virons du Rhin. M. Von Yelin (à Munich) a cru remarquer que l'aiguille aimantée avait été in- fluencée par ce tremblement (C.P., t. XXI, p. 595; t. XXXIIT, p.406; M. U.,8, 12, 15 déc. ; J. D., 6 décembre ; V. H.) Le 19, tremblement remarquable au Chili. 1823. — 21 novembre, 9 h. 50 m. du soir. A Fribourg (Brisgau), une secousse de plusieurs secondes de durée. On en ressentit aussi d'assez fortes à Brisach, avec un bruit éclatant, à Strasbourg, Kenzingen et Schelestadt; dans quelques localités elles furent accompagnées d'un bruit sourd à peu près semblable à celui d’un fort coup de vent. À Gundelfingen et Vôrstetten, on entendit un bruit souterrain. Di- rection de l’ouest à l'est. (C. P.,t. XXIV, p. 429.) Von Hoff indique l'heure de 5 1/2 du soir. Le 24, on en éprouva à Stockholm et dans la Dalécarlie. Le 25, on en avait res- senti à Arezzo, en Italie. Le 26, tremblement à Calcutta. Dans ce mois encore, on en ressentit au Chili, et il y eut une éruption volcanique à Java. 80 MÉMOIRE — 7 décembre. A Bâle, une secousse. (V. H.) — Décembre (sans date de jour). À Mülheim (province de Clèves-Berg), une se- cousse. (V. H.) Le 15, secousses à Belley (Ain) et à la Martinique. 1824. — En janvier et février , on éprouva de violentes secousses dans l'Erzge- birge et le Fichtelgebirge, principalement à Hartenberg. Jeles ai décrites ailleurs et je n'en donnerai pas ici la description, car ce phénomène appartient essentiellement au bassin de l'Elbe. (Voir le Mémoire relatif à ce bassin.) — 12 février, entre 8 et 9 heures du soir. À Eglisau (canton de Zurich), secousse violente. (C. P.,t. XXXIII, p. 407.) La veille, légère secousse à Irkoutsk, en Sibérie. — Le 51 mars, à 4 heures du soir, on éprouva une légère secousse à Burg en Prusse. (C. P., t. XXVII, p.577.) Mais de quelle localité s'agit-il? Il y a Burg ou Bourg dans la province rhénane, au confluent de la Burg ou Esch avec la Wupper, et Burg sur l'Ile. — 18 août. À Harderwyk ( Gueldre), une secousse dirigée vers le sud-ouest ; grand bruit semblable à celui d’une voiture roulant rapidement sur un pavé inégal. (G. P., t. XXVIT, p. 577; Constitutionnel, T septembre.). — 29 octobre, la nuit. À Mulheim , Stornberg et Schramberg (Brisgau), secous- ses dirigées du sud au nord. À Brunswick, quelques personnes pensèrent avoir res- senti une secousse pendant un orage, dans la nuit du 29 au 50. (C. P., t. XXVIT, p.577, et t. XXXIIT, p. 408; Constitutionnel, 20 novembre.) Le même jour, vers 8 heures du soir, secousse à Chambéry. Le 28, à Dubossar, en Crimée, il y avait eu une violente secousse suivie, le 1° novembre, d’un oura- gan désastreux. — Nuit du 15 au 14 novembre. À Mayence, une secousse et un globe de feu. (V.H.) — Nuit du 22 au 25 décembre. A Alfter, village à une lieue de Bonn, sur le Rhin, deux fortes secousses ; les lits furent ébranlés. (V. H.) La même nuit, entre 5 et 6 heures du matin, légère secousse à Hambourg, où régnait une tempête. De forts éclairs ont sillonné les nues. 1825 —5 janvier, 9 heures du soir. À Preuschdorf (canton de Worth, arrondis- sement de Weissembourg), légères secousses pendant 40 ou 45 secondes; on les a ressenties à Lampertsloch. (C. P., t. XXX, p. 412; Constitutionnel, 20 janv.) Le même jour, tremblement dans la Calabre ultérieure. —17 août, entre 10 et 11 heures du matin. A Nieder-Beerbach (Hesse-Darmstadt), plusieurs secousses par lesquelles les fenêtres ét les portes furent ébranlées et même ouvertes. ( V. H.) SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 81 Le 20, secousses aux Antilles, et le 21, au Caire. Les Égyptiens, suivant le voyageur Rüppel, attribuèrent celles-ci à l'influence de la comète visible en octobre suivant. — 25 décembre, 5 heures du matin. À Strasbourg , secousses sensibles du nord-est au sud-ouest, ou du nord au sud. On les ressentit en même temps à Kelh, Sundheim, Neumülh , Kork , Offenbourg, mais moins fortement qu'à Strasbourg , où le temps était calme et le ciel couvert; il soufflait un léger vent du sud. Le ba- romètre était à 27 pouces 41 lignes, à peu près 2 lignes au-dessous de la moyenne hauteur, et le thermomètre à + 1°,25 R. Le guetteur de la cathédrale sentit son banc s'ébranler vers # h. 45 m., puis suivirent trois ou quatre secousses; il avait entendu entre 3 ou 4 heures, un mugissement extraordinaire dans l'air. On en ressentit à Manheim, où le phénomène paraissait, dit-on, inconnu depuis une vingtaine d'années. (C. P., t. XXX , p. 414; Constitutionnel, 28 décembre; V.H:) 1826. — 24 juin, vers 2 heures du soir. Sur les deux bords du lac de Zurich, secousses ressenties principalement à Wandensweil, à St-Gall, à Stôfa et sur le Seefeld non loin de la ville de Zurich. La veille, 2 h. 50 m. du soir. A Venise, deux secousses légères, et vers 8 h. 30 m., deux faibles secousses à Inspruck, où l’on en ressentit une troisième, plus forte, le 24, vers 4 h. 30 m. du matin. Elle ébranla les meubles dans les apparte- ments et fut accompagnée d’un bruissement considérable. Le même jour (24), on a aussi ressenti des secousses dans la haute Italie. A Trente, en même temps qu'à Inspruck, selon quelques-uns , et suivant d'autres à 4 h. 20 m. du soir. La secousse ondulatoire de l’est au sud dura deux secondes et fut accompagnée d'un coup de vent du sud, après lequel le vent souffla modéré- ment jusqu'à 5 heures. Avant le phénomène, le ciel était entièrement serein ; après, il devint de plus en plus nuageux : l'air paraissait brumeux (trübe), malgré l'éclat du soleil. Le baromètre, qui était à 27" 8,9, tomba à 27" 7,6 au moment de la secousse, et remonta ensuite à 27° 8,4. Le thermomètre marquait + 20°,4 R., et l'hygromètre 24°. À Roveredo, 1 h. 20 m. du soir (ou suivant d'autres, en même temps qu'à Inspruck), une légère secousse ondulatoire du sud-ouest au nord-est. Elle dura 15 secondes. A Brixen, 4 h. 26 m. du soir ( ou encore en même temps qu'à Inspruck). Trois secousses du sud au nord : la troisième fut la plus violente. Le vent, assez fort depuis plusieurs jours, tomba tout à coup pendant les secousses pour recommencer après. Le temps devint chaud. A Mantoue, 4 h. 45 m. du soir, léger tremblement pendant quelques secondes. (3. D., 10 juillet; V. H.; Férussac, Bull. des se. nat.,t. XX, p.215, et t. XV,p. 247; St.) Tome XIX. 11 82 MÉMOIRE D’après les variantes qu’on remarque et dans les heures indiquées et dans les di- rections signalées pour les secousses , Von Hoff serait porté à voir, dans le phéno- mène de ce jour, deux tremblements de terre distincts. En effet, Inspruck, Brixen, Trente, Roveredo et Mantoue sont à peu près sur un même méridien, ou sur une ligne sensiblement nord-sud. Or, à Brixen, le mouvement eut lieu vers le nord; à Trente, il eut lieu vers le sud; à Roveredo du sud-est au nord-ouest. Il y aurait donc là opposition entre les directions constatées, d'où l'on pourrait conclure quele centre de l'ébranlement a dù se trouver, non pas, comme le dit Von Hoff, entre Trente et Roveredo, mais plus probablement entre Trente et Brixen, ou peut-être au-dessous de Trente. Quoi qu'il en soit de ces directions, la différence des heures paraitrait peut-être assez considérable pour faire regarder les secousses de Suisse comme essentiellement distinctes. Mais toute discussion à cet égard serait ici prématurée. Le 2/4 encore, à S'-Brieuc ( Côtes-du-Nord), une secousse. — 15 décembre, vers 8 h. 46 m. du soir. À Inspruck, dans tout le Montafon- thal (Tyrol), à Augsbourg , Lindau , Coire, Winterthur , Schaffausen, Zurich, (8 heures, suivant M. Studer), plusieurs secousses plus ou moins fortes, selon les lieux. À Inspruck et dans la vallée de Montafon, il y aurait eu deux secousses con- sécutives du nord au sud, vers 9 heures; à Augsbourg, une seule, mais considé- rable, vers 8 h. 45 m.; le mouvement fut ondulatoire de l’est à l’ouest. A Lindau, Coire, Winterthur, Schaffhausen et Zurich, le tremblement semble avoir eu lieu à la même heure, c’est-à-dire vers 8 h. 30 m. À Zurich, au moins dans certaines parties de la ville, les pendules, les vitres furent ébranlées, les lam- bris craquèrent. Entre 7 et 8 heures du même soir (ou suivant d’autres, mais peu probablement, du matin), on aurait déjà éprouvé un léger tremblement semblable à un coup de vent. M. P. Mérian ajoute les localités de St-Gall et Herisau, pour la plus forte secousse (8 h. 30 m.); elle y aurait cependant été ressentie faiblement. Le 16,53 ou 4 h. du matin. Nouvelle secousse du nord-est au sud-ouest; et à Inspruck, à 5 h. 59 m. du soir, une secousse de 50 secondes de durée, avec un bruit semblable à celui du tonnerre. Les limites du paysébranlé sont Zurich, à l'ouest, et Inspruck, à l’est, de manière que le mouvement paraît s'être propagé le long des Alpes, de l’est à l’ouest. (C. P., t XXXUHE, p. 412; M. U,, 5 janv. 1827; V.H.) Le 1%, tremblement de terre à Grenade en Espagne. 1827 — 1" avril, entre 11 heures et minuit. À Appenzel , à St-Gall et à Ebnat {Toggenbourg), tremblement en trois oscillations ressenties dans l'Engadine, à Trente et à Venise. Dans cette dernière ville, on avait déjà, dit-on, éprouvé trois secousses le même jour, à 1 heure du matin. A PRE SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 83 Le 2, 1 h. 20 m. du matin. À Bevers (haute Engadine), deux secousses consécu- tives et assez fortes. Les habitants de la basse Engadine assurent avoir compté, dans l'hiver, vingt secousses pareilles. (C. P.,t. XXXVI, p- 599; V. H.; P. Mérian.) — 10 octobre, 2 h. 48 m. du soir. À Zurich et sur tous les bords du lac, secousse assez forte. ( C. P., t. XXXVI, p. 398; Constitutionnel, 2 oct.; P. Mé- rian. } Le lendemain, à Ismaïl et dans la Bessarabie, tremblement qui s’est renouvelé le 14, en Moldavie. — 21 novembre, 8 heures du matin. Dans la vallée de Lauterbrunnen (Berne), une forte secousse. (V. H.; P. Mérian.; St.) Le 16 et le 17, fameux tremblement de terre de Popayan, dans la Nouvelle-Gre- nade. Les 22, 24 et 29, une secousse chaque jour à Luuroé en Norwége. 1828 — Nuit du 25 au 26 janvier. À Spa, la montagne de Spalnberg, qui do- mine la ville, s’est écroulée. (J. D., 2 février; V. H.) — 29 janvier, 10 h. 15 m. du matin. À Ohnastetten (grand bailliage d'Urach), à 2700 pieds au-dessus du niveau de la mer, et à Unterhausen, dans le voisinage de la vallée d'Honau, violente secousse de l’ouest à l’est : durée, deux secondes, avec un bruit pareil à celui d'une décharge d'artillerie. Un épais brouillard couvrait la montagne (Rauhen Alp) comme cela a lieu tous les jours en hiver; il se dissipa après midi et le ciel resta serein les deux jours suivants. Le thermomètre marquait quelques degrés au-dessus de zéro. À Ohnastetten, le baromètre baïssa de trois lignes au moment du tremblement. À Tubingue (Forèt-Noire), à trois milles géographiques au nord-ouest de Ohnastetten , il se tint à 4 lignes au-dessus de la hauteur moyenne et baissa de deux lignes dans la matinée suivante par un temps calme et serein (V. H,, d'après Schübler, in Schweigger’s Jahrbuch,t. XXIX (LIV), p. 34.) — 8 février, 2 h. 50 m. du soir. Nouvelles secousses dans les Alpes de Souabe, aux mêmes lieux que le 29 janvier et même sur une étendue de pays plus considé- rable, dans les grands bailliages d'Urach, Münsingen , Reutlingen; au sud-ouest jusqu'à Tuttlingen, au nord-ouest jusqu'à Tubingue, où plusieurs partiesde la ville furent sensiblement ébranlées. On cite Kohlstetten, le grand et le petit Eugstingen, Holzelfingen et Ohnastetten sur le sommet des Alpes, comme les lo_ calités où ce tremblement fut le plus violent. I faisait un calme parfait. La direction des secousses fut du sud-ouest au nord-est; leur durée, de 3 à 4 secondes avec bruit souterrain. Des maisons furent fortement ébranlées et même endommagées dans la plaine comme sur les montagnes. A Tubingue, le temps était doux, le vent sud-est, le ciel serein en grande partie. Le thermomètre marquait + 4,8 R. ; le baromètre à sa hauteur moyenne, baissa 8% MÉMOIRE dans le jour et le lendemain , de 3 lignes, sans qu'il surviat ni pluie ni tempête. M. Schübler a fait remarquer que ces secousses, comme celles du 29, avaient eu lieu dans un sol basaltique. (V. H., même source.) Le 6 et le 15, une secousse chaque jour à Luuroé en Norwége. — 25 février , S heures et demie du matin. Dans le nord de la France, en Bel- gique , dans les bassins de la Meuse, du Rhin et de la Moselle, tremblement plus remarquable par son étendue que par son intensité. La secousse, que l’on a ressentie à Bruxelles, a été éprouvée à la même heure à Bonn et à Liége; vers8 h. 20 m. du matin, par un temps très-calme, on éprouva, dans cette dernière ville, plusieurs secousses, d'abord très-légères et ensuite assez fortes; elles se sont prolongées 7 à 8 secondes; elles étaient accompagnées d’un bruit sourd et paraissaient se diriger du sud-est au nord-ouest. Les maisons trem- blaient et les meubles éprouvaient un mouvement oscillatoire très-prononcé; quel- ques cheminées ont été renversées. Le mouvement s’est fait sentir très-fortement , surtout dans les parties élevées des habitations; il a été sensible aussi dans l’inté- rieur de la terre; à la houillère de Belle-Vue, près S'-Laurent, les ouvriers l'ont ressenti distinctement, et à la houillère de Banoux, faubourg Vevignies, ils l'ont éprouvé à 52 toises de profondeur ; quelques-uns d’entre eux disent avoir entendu une espèce de roulement. Après les secousses, le baromètre s'est maintenu au même état d'abaissement de 27° 4’. Au collége royal de Liége, le mouvement ondulatoire a été très-sensible; des personnes ont été secouées fortement dans leurs lits, d’autres ont fui des églises. À l'église S'-Denis, le mouvement a été si prononcé qu'on eût dit qu'on secouait violemment les colonnes; des parties de ciment ont été détachées de la voûte du chœur. A Maestricht, à la même heure, la secousse a été assez forte pour avoir déplacé des meubles dans plusieurs maisons et occasionné la chute de plusieurs cheminées. À Liége et à Maestricht on aurait même ressenti un premier mouvement dès les 2 heures du matin. A Tirlemont, on a ressenti pareillement, dans la matinée, des secousses qui ont duré à peu près 7 minutes; grand nombre de cheminées ont été renversées, les murs de plusieurs maisons crevassés, et dans une habitation, les miroirs, verres et objets de porcelaine ont été brisés. À Commercy (Meuse), il y eut deux secousses dans la direction du sud au nord. A Longuyon (Moselle), une seule, mais assez intense et qui a duré plus d'une minute. À Avesnes (Nord), sa durée a été moins longue, quoique la secousse fût éga- lement forte; la direction en était de l’est à l'ouest. À Dunkerque, la commotion a été ressentie par plusieurs habitants; la direction du mouvement souterrain y a été Re. 7, SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 85 diversement observée : on lui donne généralement celle du sud au nord; la secousse a ébranlé de gros meubles , entre autres des bois de lit qu'on a vus se mouvoir en divers sens sur leurs roulettes. Von Hoff qui, dans sa Chronique, donne d'assez longs détails sur ce phénomène, le circonserit ainsi : au sud, Longuyon et Commerey; au sud-ouest et à l'ouest, Avesnes, le Quesnoy, Dunkerque, Bruges; au nord-ouest, Middelbourg et Flessingue; au nord, Dordrecht et Upbergen, près Nimègue; à l'est, il s'est étendu au Rhin at même au delà. Tous les lieux situés entre ces limites, comme Mons, Namur, Louvain, Aix-la-Chapelle, Hainaut, etc...., ont été plus ou moins ébranlés; Tongres et Huy, où le bruit fut signalé par une espèce de craquement, méritent d'être signa- lés pour la violence des secousses. On cite encore Ath, Linz, Môze, Soet, Coblentz, Louvain, Wavre, Perwez, Jodoigne, Sclayen, Andenne, S'-Trond, Remagen, Poppelsdorf, Cologne, Dussel- dorf, Crefeld, Essen, Schwelm, Bockum , Dortmund et le Hundrück. Ce tremblement ne s'étendit-il pas jusqu’à Trèves et Wiesbaden ? On cite quelques perturbations magnétiques comme ayant précédé ou accompagné le phénomène. Ainsi, à Cologne, on aurait remarqué, le 25, une variation de 4° à l’ouest dans l'aiguille aimantée. Le 21, à 5 heures après-midi, le baromètre , à Genève, était tombé à 26° 11 de ligne. À Cobourg, où la hauteur moyenne barométrique est de 755 mill. (réd. à 0° C.), Von Hoff observa seulement 716"",9 par 6°,5 C., le 22, à 8 heures du soir; le 25, à 6 heures du matin, il était remonté à 719°",45, et à 8 heures, il marquait 719"",2, le thermomètre centigrade étant à 7°. La hausse a continué. Les 19, 20, 21, 22 et 23, des tempêtes terribles ont régné dans le midi de l'Europe. Le jour même du tremblement, les iles d'Hyères étaient ravagées par un orage mêlé de grêle et par une espèce de trombe. (3. D., 1° et 28 mars ; le Consti- tutionnel, n° des mêmes jours; M. U., 27, 28 fév., 1" et 28 mars; C. P.,t. XXXIX, p: 408; Bull. de Férussac, mars 1829 et mai 1850; V. 1.) — 26 février, 8 heures du matin. À Upbergen et Beck, près de Nimègue, légère secousse de deux secondes. Direction du sud au nord. (V. H.) Le 24 (sans indication d'heure). Une forte secousse à Washington et Baltimore. On y ressentit, le 9 mars, deux nouvelles secousses très-fortes. — 91 mars, entre 20 et 59 m. du matin. À Jauche, Jandrin, Jandrenouville , une secousse, plus faible à Louvain. Durée, 2 ou 5 secondes. À Cobourg, le baromètre tomba encore ce jour à 71% mill., la température étant à 14° C. (V.H)) La même nuit, à Durrenberg sur l'Elbe, et dans les environs, une secousse con- sidérable avec un bruit pareil à celui des voitures. La veille, on avait remarqué un vent du sud avec nuages orageux et une forte pluie. La tempête sévissait encore au 86 MÉMOIRE moment de la secousse, bien que le ciel füt pur au zénith; les nuages orageux se trouvaient au nord. Le 21 encore, à 8 heures du soir, affaissement du Kerselaer-Berg (Mont-Ceri- sier), près d'Audenarde. Y a-t-il eu tremblement de terre? — 25 mars, 9 h. 50 m. du matin. Au Quesnoy (Nord) et dans une des villes des Pays-Bas (Jauche?), forte secousse consistant en un mouvement oscillatoire dirigé de bas en haut. On avait remarqué, la veille, vers le nord , trois grands éclairs dans un ciel sans nuages. (M. U. et Constitutionnel, 27 et 28 mars; C. P., t. XXXIX, p. #10; V. H.) Le 50, au Pérou, fort tremblement qui renversa Lima et Callao. Le 29, on avait ressenti quelques secousses faibles à la Martinique. — 45 mai, 10 h. 50 m. du matin. A Büren et Limbach (Berne), fortes secousses. (C. P., t. XXXIX, p. 411; P. Mérian.) Le Constitutionnel du 28 mai donne l'heure de minuit et demi et signale Limpach comme ayant éprouvé ce tremblement. — 22 mai, minuit. Tremblement à Soleure. (P. Mérian.) — 15 août, entre À h. 30 m. et 2 heures du matin. En Belgique, deux secous- ses légères avec bruit souterrain. (V. H.) — 21 novembre, 3 h. 50 m. du matin. Dans les environs de Reiïffenberg, non loin de Francfort-sur-Mein, une secousse accompagnée d’un bruit ou roulement souterrain. (V. H.) — 25 novembre. Dans les contrées entre Francfort et Mayence, tremblement qui, pas plus que celui du 5 décembre suivant, n’a eu d'influence sur les eaux mi- nérales de Wiesbaden, de Selters et autres du duché de Nassau. Il ne s’est pas fait ressentir dans les pays au nord du Mont-Taunus. (J. D., 8 janvier 1829.) - 26 novembre, 8 h. 50 m. du matin. A Sindlingen (grand-duché de Nassau), à 6 ou 7 milles au nord-ouest de Francfort, une forte secousse de l’est à l’ouest. Le lendemain, 27, à 7 heures du matin, à Bonn, une secousse pareillement di- rigée de l'est à l’ouest. (V. H.) — 3 décembre, vers 6 h. 50 m. du soir. Tremblement très-étendu, de Metz à Aix-la-Chapelle, sur une ligne sensiblement dirigée du sud au nord, avec quelques sinuosités à l'est. Les plus fortes secousses ont eu lieu à Aïix-la-Chapelle, Burt- scheid, Malmédy, Spa et Stavelot. Du côté de l’ouest, on en ressentit, mais faible- ment, à Maestricht et à Liége, où l'on remarqua deux commotions, ainsi qu'à Dusseldorf, Bonn et Remagen. A Liége, elles durèrent 40 ou mème 60 secondes, et le baromètre demeura très-haut après comme avant (28' !/4 ou 1/2); leur direc- tion n’y est pas indiquée. À Aix-la-Chapelle, les deux premières secousses, qui durè- rent deux secondes seulement, se dirigèrent du sud-est au nord-ouest et furent SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 87 suivies d’une troisième, la plus forte qu’on y eût éprouvée depuis dix ans. Il en fut de même à Burtscheid. À Remagen, la direction des deux premières fut du nord- ouest au sud-est; la troisième fut verticale. Elles furent accompagnées d’une espèce de sifflement ou bruissement (Sausen). À Stavelot, où elles durèrent 4 ou 5 secon- des, la dernière fut accompagnée d'une détonation très-prononcée, ainsi qu'à Mal- médy. On cite encore comme ayant ressenti trois secousses , Fiegburg et Pützchen , près Bonn. A Verviers, les deux secousses n’ont duré que quelques secondes : mou- vement vertical. En résumé, ce tremblement a ébranlé une grande partie de la vallée du Rhin et de celle de la Moselle. Il s’est étendu jusqu’à Saint-Wendel, à 10 milles au nord-est de Metz. Cologne l'a ressenti. Du 1‘ au 5, tempêtes épouvantables dans la mer du Nord, dans la Méditerranée et l'Adriatique. À Saint-Pétersbourg et à Mémel, à l'embouchure de la Vistule, mouvements considérables des eaux de la Baltique, le 3, vers midi. (J. D., M. U, Constitutionnel, 8, 9, 23 décembre et 3 janv. suiv.; C. P., t. XXXIX, p. 419; V.H.) Contrairement au Journal des Débats, le Constitutionnel dit que les eaux de Sel- ters ont diminué et que celles de Wiesbaden ont augmenté. Von Hoff regarde aussi comme fausse la nouvelle de ces changements. — 15 décembre, 9 h. 50 m. du matin. A Sandgruben, au pied du Schwendel- berg, et à Guggisberg (à 1 h. ‘2 de Reusschegg, route de Berne à Thun), une faible secousse ; à 9 h. 40 m., secousse extrèmement forte accompagnée d'un grand bruit souterrain. Le 14, à midi et 2 heures du soir, deux secousses. Le 16, 2 h. 50 ou 45 m. du matin, nouvelles secousses pendant plusieurs se- condes. (Constitutionnel, 8 janv. 1829; C. P., t. XXXIX, p. 412.) M. Mérian donne l'heure de 9 h. 30 m. du soir, pour les premières secousses du 15. Le 14, secousse en Géorgie (Amér. septentrionale), et le 19, éruption d’eau à Yggerstorp, près de Jénkôping, en Suède. 1829. — 4 janvier, 10 h. 50 m. du matin. Tremblement à Berne et à Fribourg. (P. Mérian.) — 25 avril, 9 h. 50 m. du soir, à Freyburg (Baden) et dans le Münsterthal, près de Staufen, forte secousse avec un bruit pareil à celui du tonnerre; durée, quel- ques secondes; direction, du sud-ouest au nord-est. À Freyburg, elle fut suivie d'un fort coup de vent du nord-ouest et d’une chute de neige. (V. H.; P. Mérian.) Le 24, nouvelles secousses dans le royaume de Murcie, où elles se répètent pres- que journellement depuis le 21 mars. 88 MÉMOIRE Le 25, tempête, orage et grêle à Lichtenberg, dans le cercle du Haut-Mein. — Nuit du 5 au 4 juillet. À Zwolle (Yssel supérieur), une légère secousse; le vent très-fort se calma aussitôt après. (V. H.) Le 5, tempête avec grêle et inondations à Arnstein, dans le cercle du Bas-Mein. 7 août, 5 heures du matin. A Colmar, S'-Dié, Strasbourg, Belfort, Pontroy et sur plusieurs autres points de l'Alsace, plusieurs secousses accompagnées d'un bruit semblable à celui d'un tonnerre lointain. Direction du nord au sud. Elles fu- rent plus fortes dans les montagnes que dans les pays bas. (Le Globe,9 septembre; Bull. de Férussae, oct.; C. P., t. XLIT, p.349; P. Mérian.) Le 4, chaleur intolérable à Rome et chute de neige à Clermont (Puy-de-Dôme); le 4 et le 5, tempêtes désastreuses sur les côtes d'Angleterre. Le 5, on avait ressenti deux secousses à Luuroé, en Norwége. Dans le courant de ce mois, la Nouvelle-Galles du sud, peu sujette aux commo- tions souterraines, éprouva un violent tremblement de terre pendant un ouragan terrible. La terre, suivant la relation insérée dans l’Asiatic Journal, était bouleversée en plusieurs endroits et offrait, comme la mer, des vagues s'élevant dans les airs, se déchirant cà et là, se fermant et se transformant en gouffres destructeurs. — 9 septembre, 10 h. 50 m. du matin. À Francfort-sur-Mein, une secousse du sud-ouest au nord-est. (Constitutionnel, 17 sept.) Von Hoff parait douter de l'existence de ce phénomène qu'il attribuait aux coups de vent qui se firent sentir à cette époque dans le bassin du Mein. — 12 octobre, 11 heures du soir. A Gessenay ou Saanen (Berne), une secousse assez forte, avec bruit souterrain venant de diverses directions; les lits ont tremblé. Temps calme, mais froid. Le même jour, une montagne s’est fendue dans la vallée de Sixt. (3. D., 1° nov.; C. P., t. XLIT, p. 349; P. Mérian.) Suivant Von Hoff, on aurait encore ressenti de nouvelles secousses le 15, en plusieurs contrées de la Suisse ; elles auraient fendu une montagne près de Blonay, dans le canton de Vaud. D’après cet auteur, on aurait encore éprouvé quelques se- cousses à Aubonne (Vaud), dans le commencement de ce mois, météores, coups de vents chargés d’une neige fine ( Schneegestüber). M. P. Mérian donne la date du 10, 10 h. 50 m. du soir, pour Aubonne. Le 15, nouvelles secousses dans le royaume de Murcie, où elles sont presque quotidiennes. Le 1%, il tomba une quantité de neige considérable à Copenhague; ce même jour le thermomètre marqua + 24° R. à Naples, et il neigea à Madrid. 1830. — 27 février, 6 heures du matin. À Lauterbrunnen (Berne), une secousse du nord au midi; durée, quatre secondes. (M. U., 22 mars.) — 4 Avril. À Eglisau (Zurich), une secousse. ( V. H.; P. Mérian.) «+ ci dé Ed > SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 89 Du 5 au 7, dans la mer Baltique, tempêtes qui causèrent de grands dégâts, surtout à l'embouchure de l'Oder. Le 6, éruption du Vésuve. — Nuit du 19 au 20 avril, 2 heures. A Soleure et sur les bords de l'Aar, une secousse de l’est à l’ouest, pendant un ouragan qui s’étendit sur toute l'Allemagne et dura jusqu'à la nuit de 24. (V. H.; P. Mérian; St.) Dans la nuit du 19, à Manchester, magnifique aurore boréale qui commença à 9 heures et finit à minuit. Le lendemain, tremblement de terre à 15 werstes à l'ouest de Bakou, sur la mer Caspienne. — 11 mai, le soir. À Eglisau, une secousse avec bruit intense; maisons ébran- lées. (V. H.; P. Mérian; St.) — 9 septembre, 9 h. 20 m. du matin; le 10, 7 h. 48 m. du matin; et le 12, 10 h. 45 m. du matin encore. Dans le grand bailliage de Münsingen, secousses qui s'étendirent sur une ligne dirigée du sud au nord, sans ébranler les pays à l'ouest, mais qui s'avancèrent du côté de l'Orient. La plus forte fut celle du 12; elle dura 3 secondes. Les deux autres, de 2 secondes chacune, furent faibles. À Hayningen, Zwiefalten et Münsingen, comme à Buttenhausen, Eglingen et dans tout le Zwie- falter Alp, elles furent très-sensibles; elles remuèrent les meubles et firent tomber le mortier des murailles. À Münsingen, le baromètre, 15 minutes avant la secousse du 12, marquait 29" 2; il tomba de 6 lignes et remonta jusqu'à 27° dans la soirée. Le ciel était sombre et l'air calme. À Tubingue, à 5 milles géographiques de Münsingen, le baromètre se trouvait, le même jour, à 2 heures du soir, de 2 lignes au-dessous de la moyenne ; il baissa encore de 2 lignes jusqu'à 10 heures du soir. À Stuttgart, on remarqua une baisse correspondante ce même jour. Vents sud et sud-est. À Gotha, le baromètre baissa aussi de 4 mill. de 6 heures du matin à 8 heures du soir. À Scheer (bailliage de Wangen), au pied méridional de l'Alp, ces secousses ébranlèrent les maisons et y produisirent des vibrations semblables à celles que cause un violent coup de tonnerre. (V. H.) — 19 septembre, dans le Marchthal supérieur (au pied sud de l'Alp), une faible secousse. Le 25, 4 h. 50 m. du matin, dans l’'Alp, nouvelles secousses ressenties simul- tanément à Kalw, dans les bailliages d'Urach , de Münsingen, de Balingen, à Onst- mettingen, dans l'Ober-Marchthal, dans la partie occidentale du bailliage de Saulgau et dans celui de Marbach. A Kalw, on compta trois secousses consécutives accompagnées d'un roulement. Tous les meubles furent remués. La direction du mouvement parut de l'ouest à l'est; l'air était calme. Dans le bailliage de Münsingen, à Hayningen, Buttenhausen, Tome XIX. 12 90 MÉMOIRE Apfelstetten, Oberwilzingen et Huldstetten, on fit les remarques suivantes : la di- rection fut de l’ouest à l’est; la durée, de 6 à 8 secondes, et de nombreuses maisons eurent leurs portes ouvertes par les secousses. Dans le bailliage de Saulgau, on cite encore Mengen, Scheer, Entach et Glochingen. Dans ces contrées, le baromètre atteignit sa hauteur minima du mois le 22 au matin. À Stuttgart et Tubingen, il était de 6 lignes au-dessous de sa hau- teur moyenne; il remonta rapidement de 4 !/2 lignes, et redescendit ensuite len- tement dans la journée du 25. À Gotha, par une température qui varia de 16°,5 à 46,8 C., le baromètre mar- qua, le 22, à 6 heures du matin, 725"",1; à 8 heures, 722"",7; à 2 heures du soir, 725,1; à 8 heures du soir, 729°°,95 ; puis, le 25, à 8 heures du matin, 750"",1, et à 8 heures du soir, 729"",95, par un vent fort du sud-ouest qui régna toute la nuit. Ce vent fut accompagné de pluie dans les localités ébranlées. Le 24, 6 h. 50 m. du soir, nouvelles secousses dans les vallées de l’Alp, principa- lement vers le haut, à Onsmettingen. Le ciel était sombre et il tomba de la pluie. Le baromètre baïssait lentement et se tint au-dessous de sa hauteur moyenne. (V. H.) Le 16, à Manille, quelques secousses pendant un {y-foong. Le 11, pluie désastreuse à Parme et dans les environs pendant plusieurs heures. Le lendemain matin, les montagnes au sud-sud-est et au nord-nord-est étaient couvertes de neige. Le 15, grèle épouvantable qui subsista deux jours sans se fondre. Les 7, 10, 12, 15, 17, 19, 20, 21 et 25, aurores boréales en Écosse. Celle du 15 fut observée à S'-Pétersbourg. — 25 novembre, 6 heures du matin. À Mulhouse, S'-Louis, Bâle (6 h. 4m), Strasbourg, Freiburg, Mülheim, Lorrach (grand-duché de Bade), plusieurs se- cousses précédées d’une détonation semblable à celle d’une pièce de gros calibre. Direction du sud-ouest au nord-est. Quelques secousses à S'-Blaise ( Bade), vers 5 h. 45 m.(C. P., t. XLV, p. 402; Colla, Giorn. astr., 1835; V. H.; P. Mérian.) — 2 décembre, 15 minutes du matin. À S'-Blaise encore, une forte secousse. (V. H.; P. Mérian.) Le 5, tremblement de terre à Inspruck. — 28 décembre, vers 2 heures du soir. À Coblentz, Neuwied et Rubenach, dans la province prussienne du Bas-Rhin, secousses dirigées du nord-ouest au sud- est; elles furent précédées d’un bruit semblable à celui d’un canon de gros calibre. Les sources des environs de Coblentz, à Rubenheim, avaient tari deux jours aupa- ravant. (V. H.; Huot, Cours de géologie.) Le Constitutionnel du 10 février 1832 donne la date du 28 janvier 1832. Le 29, secousses à Sulmona et dans l’Abbruzze. 1851. — 29 janvier, entre 10 et 11 heures du soir. Dans les arrondissements de 0. SE Le SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 91 Remiremont et S'-Dié, forte secousse du sud-ouest au nord-est. À Géraromer, la secousse a été accompagnée d’un bruit sourd, mais bien prononcé. (M. U., 15 fé- vrier.) Le 28, secousse à Palerme. — 27 août, minuit. Tremblement à Fribourg en Suisse. (P. Mérian.) Le 13 septembre, éboulement d’une montagne, le Gebbardsberg, en Suisse. Un ouvrier qui s’est fait descendre dans une crevasse de 200 brasses a vu l'eau bouil- lonner au fond. (J. D., 41 octobre.) — 20 novembre, 10 heures du soir. Au Val-de-Travers , au Locle et à Neuchâtel, deux secousses légères. (J. D., 4 décembre; Constitutionnel, 19 décembre.) Le 22, 9 h. 55 m. du soir. À Fribourg, en Suisse. (P. Mérian.) — 29 novembre, 9 h. 30 m. du soir. Dans le Thuringerwalde et non loin des sources de la Werra et de la Schleuts, secousses, qui furent très-violentes dans le Thuringerwalde-Gebirge, à Frauenwald, Schmidefeld et Neustadt; du côté du nord, à Amtgehren et Katzhütte; du côté du sud, le long de la Werra, à Eisfeld et à Hildburghausen. Une de ces secousses fut très-forte et accompagnée d’un roule- ment qui dura 6 secondes. Direction du sud au nord. Maisons violemment ébran- lées. Il faisait un calme parfait. Le même jour, tremblement à Neuchâtel. (V. H.) Le 50, secousses au Chili. 1852. — 28 janvier, 2 heures du soir. Phénomène identique avec celui que j'ai cité sous la date du 28 décembre 1850. — 1" février, vers midi et 10 heures du soir. Secousses dans la haute Engadine. (P. Mérian.) 1853. — 5 janvier, avant 11 heures du soir. Tremblement à Soleure. (P. Mé- rian..) — 14 janvier, entre 10 h. 50 m. et 10 h. 45 m. du matin. À Machern, Brandis, Puchau et autres villages de la Suisse, ainsi qu'aux environs de Leipzig, trem- blement qui a commencé par une forte secousse, accompagnée d’une détonation sourde semblable à l'explosion d’une mine pratiquée dans une carrière de pierre, puis suivi d’un roulement semblable à celui d’un tonnerre lointain et au bruit d’une voiture. La secousse a eu lieu dans la direction du sud au sud-ouest ; elle a duré près de 2 secondes. (Garnier, Météorol., p. 171.) La veille, deux secousses à Linkôping (Suède). Dans la nuit suivante, c’est-à-dire, du 45 au 14, auprès du pont de Montata, dans la même contrée, les eaux du fleuve ont cessé de couler et se sont élevées comme un mur; on a pu traverser le lit à sec et pourtant il passe ordinairement sous ce pont 60,000 tonnes d'eau par mi- nule. 92 MÉMOIRE — 27 février, 5 h. 28 m. du matin. A Friedrichshafen sur le lac de Constance et aux environs. (P. Mérian.) — 25 août, vers midi. À Utrecht, une légère secousse. { Garnier, Mét., p.175.) — 2 décembre, dans la matinée. Dans les environs d'Harlem , une secousse qui a duré 20 à 25 secondes. (Garnier, Ibid.) 1854. — Du 15 au 18 octobre. Dans le canton de Glarans (Glaris?), en Suisse, quelques faibles secousses. (A. Colla, Biblioteca italiana, t. LXXNTIL.) M. Mérian donne seulement la date du 15, 4h. 50 m. du matin, pour Glaris. Pendant ces mêmes jours, secousses fortes et nombreuses en Hongrie. Le 13, à Snaasen en Scandinavie. 1835. — 27 février, 10 heures du matin. A Delle, Dannemarie, Mulhouse et au- tres lieux du Sundgau (Haut-Rhin), tremblement non ressenti à Bäle. (P. Mérian. } — 18 avril. 6 h. 25 m. du soir. Dans la vallée d'Interlacken, une très-forte secousse de près d’une minute de durée. Le nouvel édifice du château fut frappé de trois chocs successifs accompagnés d’ébranlement formidable. La terre fut sensi- blement secouée et la cloche sonna. Cinq minutes après, nouvelle secousse, suivie d'une troisième plus faible à 9 h. 45 m. (Colla, loc. cit.; P. Mérian.) Le 21, tremblement en Moldavie. — 12 juin, à Rougemont, château d'Oex, dans la partie orientale du canton de Vaud, tremblement moins fort à Villeneuve et Montreux, dans le bassin du Rhône. (P. Mérian.) — 51 juillet, un peu avant 10 heures du soir. Tremblement à Eglisau. (P. Mé- rian.) — 29 octobre, vers 4 heures du matin. A Saint-Gall, Appenzell et aux environs, secousse violente qui fit sonner plusieurs cloches. On entendit un bruit sourd comme celui d'un coup de canon dans le lointain. On vit des météores ignés. (Colla, Ibid.) ; elle fut ressentie à Bâle, à 5 h. 47 m. (P. Mérian.) Le 27 et le 28, tremblement dans les Pyrénées. Le 1° novembre, lun des plus forts qu'on ait jamais ressentis aux Moluques. 1856. — 26 mars, 3 h. 50 m. du matin. À Fribourg (Suisse), trois secousses très-fortes (Colla, Ibid. ; P. Mérian.) — 7 juillet, 6 h. 15 m. du soir. A Soleure et aux environs, forte secousse du sud au nord. (Colla, Jbid.; P. Mérian.) — Nuit du 18 au 19 octobre. À Sarnen (canton d'Underwald), fortes secousses. (Colla, Jbid. ; P. Mérian.) — 5 novembre, 7 heures du matin. À Bâle et dans la partie nord-ouest de la Suisse, secousses violentes du sud au nord, d’un côté à Lôrrach et de l'autre dans le SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 935 Leimenthal, à Arlesheim, Schauenbourg et très-faiblement à Bisthum, Soleure, Sundbau et Liestal. (Colla, Jbid.; P. Mérian, p. 67 et 84.) A ce jour se rapporte sans doute le tremblement de terre ressenti vers la fin de l'année à Altkirck, et que je trouve mentionné sans date mensuelle, dans le Journal des Débats, n° du 30 janvier 1837 ? — 25 décembre, 9 h. 50 m. du matin. Tremblement à Eglisau. (P. Mérian ) 1837. — 24 janvier, première heure du jour, fortes secousses dans le grand- duché de Baden, le Wurtemberg , l'Alsace et la Suisse. A Constance (2 heures du matin), violente secousse, suivie d’une seconde une demi-heure après. À Zurich , les secousses furent violentes, mais de courte durée; tous les bords du lac furent ébranlés. A Burdorf, on ressentit trois secousses; direction, du sud-sud-ouest au nord- nord-est. A Altkirek , il y eut deux frémissements du sol : le premier, à 1 h. 45 m., pen- dant 8 secondes , fut précédé d'un bruit pareil à celui d'une masse de pierres qui se seraient écroulées ; le deuxième, plus court, eut lieu quelques minutes après 2 heu- res : air calme, ciel clair. On ressentit pareillement deux secousses à Stuttgart et à Oberndorf : la première à 1 h. 54 m., et l’autre à 2 h. 11 m. La direction fut de l'est à l'ouest. A Berne, il y eut trois secousses, dont les deux dernières, moins prononcées, eurent lieu à 2 h. 7 m., environ 20 minutes après la première. A Bâle et dans les communes du canton, on ressentit deux et peut-être même trois commotions qui réveillèrent les personnes endormies. À Soleure, des cages d'oiseaux furent ren- versées; à Dorneckdorf (village du canton de Soleure), on ressentit aussi deux secousses : leur direction y fut du nord au sud. L’atmosphère était très-calme. Ce tremblement s'étendit aussi dans le bassin du Rhône, à Sion, à Genève, où le 21, on avait déjà ressenti deux fortes commotions , à Brigg , où les bruits et les secousses se renouvelèrent pendant plusieurs jours, et enfin à Besançon: j'ajou- terai les détails suivants, relatifs à cette dernière localité, qui ne se trouvent pas dans mon Mémoire sur les tremblements de terre dans le bassin du Rhône. A 2 h. 52 m., deux secousses à demi-seconde d'intervalle. La première a fait éprouver aux corps terrestres deux mouvements brusques, d'abord du sud au nord, puis du nord au sud; la deuxième n'a eu qu'un seul mouvement dirigé de l'est à l'ouest. Le baromètre à beau temps, au moment des secousses, a éprouvé dans la journée un léger mouvement d'ascension. L'atmosphère était légèrement nébuleuse, le vent ouest, mais à peine sensible. La température s'était élevée depuis quelques jours, le thermomètre était alors à 4 8°. (J. D., 50 janv. et 1° fév. ; M. U., 2 fév.; Colla, Giorn. astron., 1839.) 94 MÉMOIRE Les secousses se sont aussi étendues dans la Lombardie et le Piémont, où leur direction a été du nord au sud. — 25 janvier, 5 h. 6 m. du matin. A Zurich, faible secousse. (P. Mérian..) — 28 janvier, deux minutes avant minuit, dans le canton de Soleure, secousses très-sensibles Elles furent plus fortes à Seeberg et à Steinhof qu'à Soleure même. (Colla, fbid.; P. Mérian.) Le 29, secousses fortes à Vizille, dans le département de l'Isère. Dans la nuit du 50 au 51, des secousses plus fortes que celles du 24, peu sensi- bles à Brigg, ont causé à quelques lieues de là, en remontant vers les sources du Rhône, des dégâts plus ou moins considérables. Suivant M. Fournet, elles ont con- tinué jusqu'en mai, en diminuant d'intensité. — 14 et 16 février, puis le 18, 11 h. 54 m. du soir et le 20, minuit. A Soleure (Hugi), faibles secousses. (P. Mérian.) — 19 février, 7 h. 50 m. du matin. A Bâle, secousse très-faible. (Colla, Zbid.) C'était pendant une tempête; M. Mérian la regarde comme fort douteuse; il n’a pu se procurer dans le temps aucun renseignement positif sur la réalité du phénomène. — 25 février, vers 5 h. 15 m. du matin. À Gand, par un temps orageux , une secousse assez forte qui a duré 2 à 5 secondes et dont l’oscillation était du sud-est au nord-ouest. La secousse a été plus forte que celle qui y avait eu lieu huit ans auparavant. Le vent venait du sud-sud-ouest et le thermomètre marquait — 4°,5 R. (Garnier, Météor., p. 185.) — 27 mai, vers 6 heures du soir. À Coblentz, une légère secousse. (Garnier, Jbid.) Différentes secousses se sont fait sentir dans les pays voisins du Monte-Lopiale qui, comme on sait, est un volcan étient. D’autres secousses ont eu lieu le 28 mai au soir, à Velletri et le 29 au matin, à Gensano, Albano, Marino, Frascati, etc... Le 28 mai encore, très-forte secousse à la Martinique. Le 31, à Inspruck, deux fortes secousses. — 19 septembre,5 h. 45 m. du matin. À Eglisau, secousse saccadée et très-forte. Une demi-heure après, autre choc léger et accompagné d’un bruit sourd. (Colla, Zbid.) Le 21 au soir, détonations terribles à Lasaya (Van Diemen); longues trainées lumi- neuses d’un rouge vif à l'horizon, puis tout le ciel devint sanguinolent. Le lendemain, 5 heures du matin, tremblement de terre tout à fait désastreux. Le sol était en mouvement comme des vagues, de cinq en cinq minutes les détonations devenaient épouvantables. Des éclairs jaunes sillonnaient les nues; l'atmosphère était pesante. Les secousses se continuèrent jusqu’au jour. Lasaya fut renversé et rempli de cadavres, ainsi que Maya, sur la côte de la Nouvelle-Hollande. Il y eut simultané- ment une tempête terrible; les eaux de la mer envahirent les rivages, et il se forma une ile nouvelle. RÉ LD De SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 95 Ce pays, comme le nôtre, est peu sujet aux commotions souterraines. — 4 octobre, à heures du matin. A’Eglisau, forte secousse. (P. Mérian.) — 50 octobre, 11 heures, moins quelques minutes, du soir. À Mulhouse et à Breisach , une assez forte secousse de l’est à l’ouest. (J. D., 44 nov.; Colla, Loc. cit.) Le vend du sud , déjà très-violent, se change en tempête immédiatement après. (P. Mérian.) Le lendemain 51, vers 2 heures du matin, dans le royaume de Murcie, secousses comparables aux commotions désastreuses qui avaient commencé en mars 1829 et désolé ce pays pendant une grande partie de l'année. — Nuit du 2 au 5 novembre. A Carlsruhe, faible secousse. (P. Mérian.) — 12 novembre, le soir. À Lucerne, une forte secousse. (Colla , ibid.) Les 7 et 8 novembre, tremblement de terre remarquable au Chili; mouvements extraordinaires des eaux de la mer dans l'Océanie. Il parait même que dans quelques archipels, comme aux îles Manga-Reva, on ressentit quelques légères commotions. Dans la nuit du 12 au 15, une belle aurore boréale fut aperçue en divers points de l'Europe. À Lucerne, vers minuit, les rayons en étaient très-beaux ; c’est alors qu'on entendit gronder le tonnerre et qu'on ressentit la secousse. À Paris, où elle fut aperçuc, on en remarqua une seconde non moins belle le lendemain. À Breslau et à Turin, on les observa aussi toutes les deux. À Milan, on ne vit que la première. La seconde fut aperçue en mer, par 40°40' lat. nord et 50° long. ouest. Cette der- nière fut observée par M. Herrick en Amérique. Ce savant remarqua une déviation d'environ 6° dans l'aiguille aimantée, pendant le phénomène. C'était, comme on sait, une nuit aux étoiles filantes. Elles furent peu nombreuses. 1858. — 5 mars, 9 h. 50 m. du matin, à Eglisau et Rheinau, forte secousse. (P. Mérian.) — 16 mars, vers À heure du matin. À Coblentz, une secousse pendant une tem- pête très-violente. (Colla, Giorn. astron. 1830.) Le lendemain, forte secousse à Shrewsbury, en Angleterre. — 44 octobre, 7 heures du matin. À Coblentz encore, violente secousse pres- que instantanée. Du 11 au 14, le baromètre était descendu de 28" 4 2/0 à 27° G' 6/10. (3. D., 20 octobre.) Le 15, abaissement notable du baromètre à Parme; vent impétueux. Le 14 et le 45, la température y baissa considérablement. — 26 octobre, 4 h. 49 m. du soir. À Avesnes (Nord), secousse très-forte. (Colla, Loc. cit.) — 26 novembre, la nuit. Au château de Laupen (Berne), commotions très-faibles. Colla, Loc. cit.) — 15 décembre, minuit. À Zurich, faible secousse. (P. Mérian.) 96 MÉMOIRE 1859. — 47 mars, 6 h. 15 m. et 7 h. 25 m. du soir. Dans l'Engadine supé- rieure, secousses du nord-ouest au sud-est. — 8 mai, entre 11 heures et minuit. Dans l'Oberland bernois et l'Emmenthal, secousse du nord-ouest au sud-est. sr Le 10, après minuit, nouveau tremblement dans l'Oberland bernois. — 8 novembre, 3 heures du matin. À Coire, secousse du sud-ouest au nord-est. — 11 décembre, avant 4 heure du matin. Tremblement à Zurich. Le 17, 6 heures du matin, à Berne. (P. Mérian.) Cette année a été féconde en secousses dans le bassin du Rhône. 1840. — 2% janvier, entre 2 et 5 heures du matin. À Petit-Huningue, près .de Bile, assez forte secousse , que quelques personnes prétendent avoir ressentie à Bâle même. Il régnait une forte tempête, ce qui rend l'observation douteuse. (P. Mérian.) Le 25, tremblement à Clagenfurt. ‘ — 10 mars, dans la nuit. À Meyringen (Berne), faible secousse. Le 12, entre 44 heures et minuit, à Meyringen encore, deux fortes secousses dusud-est au nord-ouest. Un quart d'heure plus tard , une troisième secousse, faible. L'Allgemeine schweizer Zeitung de Berne indique la nuit du 15 au 14, suivant M. Mérian, qui m'a communiqué la date précédente d'après M. Albert Mousson, pro- fesseur de physique à Zurich. M. A. Colla m'a aussi communiqué un tremblement comme ayant été ressenti le 15 à Berne. Le 4%, tremblement dans l'ile de Méléda; le 44 et le 15, perturbations magné- tiques à Prague; le 45, à Milan. Les 11, 12 et 15, orages dans le royaume de Naples. — 59 octobre, après minuit. À Altnau (Thurgovie), forte secousse qui réveilla beaucoup de monde. (P. Mérian; Quetelet, Ann. de l’Observ. de Bruxelles, 1845.) Le 29, aurore boréale à Bruxelles (du 28 au 50, tremblement de terre à Zante.) Le 1" novembre, perturbations magnétiques à Prague; le 1° et le 2, à Munich. 1841. —5 février, 7 heures du soir, A Eglisau, on ressentit un tremblement sous les pieds, qu'on a cru attribuer à l'écroulement de corps pesants dans la profondeur. Il ÿ eut des personnes qui descendirent dans leurs caves pour voir ce qui s'était passé. (P. Mérian; St.) Le même jour, tremblement à Zurich, suivant une lettre de M. Colla. Mais comme M. Mérian m'écrit sur les notes de M. Mousson déjà cité, je regarde la secousse de Zurich comme douteuse. Du 1" au à, perturbations magnétiques à Cracovie; le 2, à Naples. — 19 mars, 5 h. 50 m. du matin, à Eglisau, mouvement beaucoup plus fort que celui du 5 février et ressenti dans un plus grand rayon. Dix minutes plus tard, seconde secousse plus faible. (P. Mérian; St.) mttcteshtné te dt qe CES CE SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 97 —- 92 mars, 6 h. 54 m. du matin. À Coblentz, une secousse du nord-est au sud-ouest; durée, une seconde; bruit très-fort. On l’a ressentie sur la Moselle et sur la Lahn. (M. U., 28 mars; Lamont, Annalen für Meteorologie und Erdmagne- tismus, I, p. 168.) Le même jour , secousses sur divers points de l'Écosse: on cite Comrie. Le 22 et le 25, perturbations magnétiques à Parme, Munich , Genève, Prague, Bruxelles , Toronto et S°-Hélène; le 24, à Milan, Naples, St-Pétersbourg et Catherinenbourg. Les 21,25 et 24, aurores boréales aux États-Unis d'Amérique. Dans la nuit du 21 au 22, météore igné à Troyes, Auxonne et S“-Menehould. Le 22, aérolithe dans les environs de Grunberg ; météore igné à Parme. — 21 juin, 11 heures du soir. A Büsserach et Rheinwyl (canton de Soleure), plusieurs secousses accompagnées de roulement du sud-ouest au nord-est. (P. Mérian.) — 18 juillet, dans l'après-midi. À Gundelfingen (grand-duché de Bade) et à Freyburg (Forêt-Noire), trois secousses. (Lamont, Loc. cit., p. 162.) Les 17, 18, 20, perturbations magnétiques à Cracovie; le 18, à Bruxelles; le 20, à Munich; les 19 et 20, à Toronto et à S'-Hélène. Les 17 et 18, chaleurs extraor- dinaires et ouragans dans plusieurs lieux de l'Europe. Le 19 , aurore boréale aux États-Unis, et le 20, tremblement de terre à Guastalla, et météore igné à Prégny. Le 15, secousses en Danemarck. — 50 juillet. Tremblement de terre en Westphalie. (Communication de M.Colla.) Le même jour, secousses à Lisbonne et à Leira (Portugal). Les 25, 26 et 50, se- cousses en Écosse. Les 28 et 29, étoiles filantes à Parme et à Naples. — 24 octobre, 2h. 8 m. du soir. A Cologne, violent tremblement de terre pa- réil à celui d'il y a trente ans; maisons ébranlées, murs fendus, cheminées renver- sées; durée, deux secondes avec bruit souterrain. Un vent chaud et désagréable avait régné tout le matin. (J. D. et M. U., 19 novembre; Quotidienne , même date ; Phalange, 26 novembre; Colla, Notices météorologiques.) Le même jour, perturbations magnétiques à Cracovie, Nertschinsk, Toronto et Ste-Hélène ; le lendemain, nouvelles perturbations magnétiques à Cracovie, Parme, Bruxelles, Milan, Naples, Prague et S“-Hélène, et aurore boréale aux États-Unis. Le 25 et le 24, tremblement de terre en Hongrie. — 10 décembre. À Burgschloss, sur le Necker (grand-duché de Bade), double secousse très-forte. (Lamont, Loc. cit., p., 163.) Le 9, secousse en Savoie. Le 10, étoiles filantes à Naples, perturbations ma- gnétiques à Nertschinsk et tremblement de terre aux Moluques. — 19 décembre. Tremblement de terre sur divers points du grand-duché de Bade. (Colla, Giorn. astr., 1842.) Tome XIX. 15 98 MÉMOIRE Le même jour , perturbations magnétiques à Cracovie, Munich, Bruxelles , Parme, Prague et Milan. Dans la nuit du 19 au 20, aurore boréale à Cracovie. Le 18 et le 19, forte baisse du baromètre à Parme. Le 21, tremblement de terre aux Moluques. 1842. — 50 mars, À h. 30 m. du matin. À Bex et dans toute la partie sud du canton de Vaud , forte secousse accompagnée de bruit sourd. Plusieurs personnes la ressentirent, à Bâle de bas en haut (P. Mérian.) — 9 avril, la nuit. À Sargans (S'-Gall), quelques secousses pendant une tem- pête. (P. Mérian.) — 98 avril, 7 h. 15 m. du matin. A S'-Aubin, Sauge, Vaumarcus (Neuchätel), deux fortes secousses, la première accompagnée d’un bruit souterrain semblable à un tonnerre lointain; la seconde, plus faible. Le lac de Neuchâtel, qui, avant les secousses, était parfaitement calme, fut tout à coup agité, et les ondes, assez élevées, se succédaient sur la rive avec une grande rapidité. La direction du mouvement parut être du sud au nord. On observa que le baromètre baissa tout à coup et re- monta immédiatement à son premier niveau. (A. Colla, Catal. des tremblements de terre, en 1842; extrait de l’Ann. géolog. italien; P. Mérian.) Le même jour, assez forte oscillation à Grenoble, entre 1 et 2 heures du soir. Le 25, secousses en Grèce; le 26, aérolithes en Croatie; le 29, perturbations magnétiques à Parme; le 30, trombe d’eau à Vitteaux, près de Dijon. — 5 juin, 8 heures du soir. À Därstetten, dans le Simmenthal (Berne), une se- cousse faible; 4 h. 50 m. plus tard, une seconde secousse plus forte accompagnée de bruit. (P. Mérian.) M. Studer indique encore le 4. Le 8, deux secousses en Écosse. Le 3, météore igné à Parme et dans le midi de la France; les 2, 5 et 4, ouragans à Calcutta; le 4, aurore boréale aux États-Unis, perturbations magnétiques à Bruxelles; le 4 et le 5, à Munich et à Prague. — 15 octobre, le soir. À Coblentz, deux secousses avec grand fracas. À Neu- wied, l’ancienne maison du diable et la cuisine du diable ont ressenti les secousses, qui durèrent 6 secondes. L'air était calme, la température douce et le ciel couvert de nuages (M. U., 20 octobre ; Colla, Loc. cit.) Le 12, météore igné dans le département de l'Isère; le 12 et le 13, grandes va- riations barométriques à Parme; perturbations magnétiques, le 15, à Parme, le 13 et le 14 à Prague, le 14 à Naples et à Bruxelles. — 21 novembre, dans plusieurs localités du canton de Neuchâtel, faibles se- cousses. (P. Mérian.) M. Studer cite Vaumarens et S'-Aubin. 4845. — 15 janvier, vers 3 heures du matin. A Strasbourg , deux légères se- cousses, plus sensibles en rase campagne. (Courrier français, 20 janvier.) Le 15 et le 18, secousses en Algérie; le 16, dans l'océan Atlantique, par 55°44 latitude nord et 34°5' longitude ouest. DE ren T7 SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 99 Du 8 au 16, bourrasques, ouragans et désastres en diverses parties de l'Europe et sur les côtes d'Afrique; le 12, daus le Magettan (Batavia), coup de vent terrible et désastreux. Le 13, perturbations magnétiques à Munich. Les 12, 15, 45 et 16, baisse extraordinaire du baromètre en Europe. — 95 mars, 7 h. 50 m. du matin. À Bâle, une violente secousse. L'horizon était couvert, le temps nébuleux et le vent frais. Le baromètre a baissé d’une ligne, la température est devenue plus basse. Quelques personnes assurent avoir ressenti, dès la veille, quelques légères secousses. Celle du 25 a été ressentie à Huningue, dans le grand-duché de Bade, où elle a été très-forte. Sa direction était du sud-est au nord-ouest (G. F., 50 mars; Courrier français du 31; National des 30 mars et 2 avril). Suivant M. Mérian, qui indique 7 h. 7 ou 10 m., elle ne fut ressentie dans les maisons qu'à une assez petite distance, dans le Wiesenthal inférieur, à Huningue et S'-Louis; on ne la ressentit pas à Altschwyler, Hapenheim et au- dessus de Bâle. On la ressentit dans le Simmenthal, suivant M. Studer. Du 25 au 27, secousses quotidiennes à la Guadeloupe, ou pour mieux dire, de- puis le 8 février. Elles s’y renouvelèrent ainsi jusqu'au 31 mai. Le 24, perturbations magnétiques à Bruxelles; le 25, aurore boréale et quelques étoiles filantes à Bruxelles. Du 27 au 50, tempêtes violentes sur l'Océan. — 28 mars, 10 h. 6 m. du matin. À Lunéville (Meurthe), une secousse dans la partie la plus élevée de la ville. Une maison de la rue Notre-Dame s’est écroulée. (National, 8 avril.) Le même jour, tremblement à Smyrne; le 30, à la Jamaïque; le 31, dans le royaume de Naples et dans les Pyrénées, où sévit une tempête extrêmement violente. Le 29, aurore boréale à Makerstoun et perturbations magnétiques à Genève, Munich, Cracovie, Prague, et Mackerstoun en Écosse. — 6 avril, vers 6 heures du matin. A Bois-le-Duc, secousses de quelques se- condes, de l’est à l'ouest. On les a ressenties à la Haye, Grave, Bréda, Weghel, dans le Limbourg et à Maestricht. Des sonnettes ont sonné, des portes se sont ou- vertes. Mèmes phénomènes 40 ans auparavant, un dimanche au soir (1804). Les secousses se sont étendues jusqu’à Bruxelles. (National et Phalange , 11 et 42avril; Bullet. de l'Acad. de Bruxelles, 1843, n° 5.) Nuit du 8 au 9. Secousses dans les environs de Genève et dans d’autres lieux non spécifiés de la Suisse. Perturbations magnétiques, les 5, 6,7, 8 et 9 à Ge- nève , 5,6 et 7 à Cracovie et Bruxelles, 5, 6, 8 à Prague, 5,6,9 à Munich, 6 à Naples. Le 5, aurore boréale à Gand, le 6, aux États-Unis. Le 7, météore igné à St-Malo. Les dix premiers jours de ce mois furent encore signalés dans toute l'Europe par des bourrasques, des ouragans, des variations extraordinaires de la tempéra- ture et une baisse générale du baromètre. 100 MÉMOIRE — 91 avril, dans l'après-midi. Espèce de tremblement sous-marin dans la partie de la digue de mer près de Blockzyl. L'eau fut violemment agitée, et il s’éleva des jets d'eau lancés à deux mètres de hauteur avec fracas, pendant 7 à 8 minutes. La surface est restée trouble et boueuse après le calme. Dans les deux jours précédents on avait pris mille livres d'anguilles. (G. F., 1° mai; National du 5; Courrier fran- çais, du 9 mai.) Le même jour, tremblement dans le département du Rhône, et le 24, à Borgo- taro, dans les États de Parme. Du 20 avril au 6 mai, secousses nombreuses dans la province de Tauris. Le 22, à l'est de S'-Domingue. Le 2, perturbations magnétiques à Bruxelles. Le 20 et le 22, apparition ex- traordinaire d'étoiles filantes aux États-Unis. — 9 juillet, après à heures du matin. Secousses dans le Simmenthal, à Bex, à Villeneuve. (P. Mérian.) M. Studer donne la date du 10. — A août. À Fribourg, tremblement de terre. (Colla, Not. météorol.; St.) Le même jour, tempête à Upsal et en Algérie. Dans la nuit du 10 au 12, étoiles filantes à Pesaro et à Gand. Perturbations magnétiques le 11 et le 45 à Munich, le 415 à Genève, et, dans ce dernier jour, tremblement de terre sur les côtes de l'Adria- tique. — 6 septembre. Tremblement de terre dans la Souabe, qui se transmet près de Besançon. ( Fournet, Notes addiionnelles au Mém. de A. P. sur les tremblements de terre dans le bassin du Rhône.) Je sais qu'il y a eu le 6 septembre, 9 h. 20 m. du matin, à Soulce, près S'-Hippo- lyte (Doubs) une forte secousse dans la direction du sud-est au nord-ouest; mais j'ignorais le tremblement de terre de Souabe. En se communiquant au bassin du Rhône, il a dû ébranler celui du Rhin. Le même jour, perturbations magnétiques à Bruxelles et à Naples. — 6 novembre, entre 6 et 7 heures du soir. Tremblement à Fribourg en Suisse. (P. Mérian.; St.) — 21 décembre, vers 10 heures du soir. À Giromagny, Rougegoutte (Haut- Rhin) et dans les environs, une assez forte secousse de 2 secondes. Elle a été précédée d'une clarté si vive qu'elle a effacé la lumière des chandelles. Vers la même heure, deux violentes détonations eurent lieu dans la région des Vosges. Elles étaient accompagnées d’une vive lumière; les portes des maisons et les vitres ont été ébranlées dans les villages qui garnissent les vallées et la base des Vosges. Cet ébranlement a été faible dans la plaine. A Colmar, ce phénomène a été considéré par beaucoup de personnes comme un coup de tonnerre précédé d’un éclair; cependant on a reconnu que la clarté avait duré plus longtemps, qu’elle avait produit une espèce de scintillement dans le SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 101 brouillard. La secousse y a été faible, tandis qu’elle a été assez vive à Bergheim et dans d'autres communes au pied des Vosges. Dans le Münsterthal, la lumière a embrassé tout l'horizon et a égalé celle du jour : la secousse a été ressentie fortement. A Délémont, il y a eu deux éclairs correspondants à deux détonations. A Belfort, la lumière a été vue à travers le brouillard , du côté du nord, avec l'éclat d'un éclair; on ne parle ni de bruit ni de secousse. (National, 29 décembre; Quo- tidienne, 50 décemb.; Phalange, janv. 1844.) Le lendemain, secousses à Cherbourg et aux environs; les 22, 25, 24 et 25, à Raguse. Perturbations magnétiques, le 21 à Bruxelles et le 22 à Naples. 1844. — 11 mars, un peu avant minuit. À Leimen et Hägenthal, dans le Sundgau (Haut-Rhin), trois secousses de l’ouest à l'est. (P. Mérian; St.) — 14 août, 9 h. 30 m. du soir. A Fribourg (Suisse), faible secousse ressentie dans la partie inférieure de la ville, accompagnée d'un vent violent, de pluie et d'éclairs. (Colla ; P. Mérian.) Cette année, ainsi que la suivante, me paraissent bien stériles en secousses dans le bassin de Rhin, et cependant les commotions souterraines ont été nombreuses en Europe. 1645. — Le 19 juin, 5 heures du soir. Le fluide électrique s’est, dit-on, déchargé avec un grondement très-fort, prolongé et semblable à un grand fracas, sur le vaste étang de Wogdam, près de Darmstadt, et aussitôt il s’est élevé au milieu de cet étang un ilot couvert de roseaux, ayant à peu près la forme d'une étoile à cinq branches et une longueur de 22 pas sur son plus grand diamètre. L'ilot tenait au fond de l'étang. Il n'y a pas eu de secousses de tremblement de terre. (J. D. 24 juin.) Nuit du 20 au 21, fort raz de marée à Cette. Le 22, quelques secousses à Messine. Le 18, le navire anglais la Victoire avait observé une éruption volcanique dans la Méditerranée, par 36°4056" de lat. et 13°44 36" de long. — Le 7 septembre, 11 heures du soir. Éboulement à Buschlaws (Grisons ?), dans la gorge de Sanzola. Le 14 et le 19, nouveaux éboulements au même lieu. (M. U., 15 octobre.) Le 7, 2h. 10 m. du soir, météore lumineux et tremblement de terre à Caleutta. , 102 MÉMOIRE RÉSUMÉ. Ce catalogue, auquel j'ai joint les principaux phénomènes concomi- tants dont j'ai pu avoir connaissance, remonte seulement au IX° siècle. Je p'ai trouvé aucun fait pour les siècles antérieurs. Comme dans mon précédent Mémoire, sans attaquer encore la théorie générale du phénomène, je me contenterai de donner des tableaux numé- riques qui résument mes citations, et j'en représenterai les résultats par quelques courbes dont le tracé graphique en fasse saisir d’un simple coup d'œil, l’ensemble et l'allure. Depuis que j'ai commencé ce genre de re- cherches, j'ai reçu de nombreux encouragements. Qu'il me soit permis de rapporter une bonne part de ces succès à l’Académie qui a bien voulu pu- blier, dans le Recueil de ses Mémoires, un demes premiers catalogues. Puisse ce nouveau travail obtenir la même faveur! Il me reste encore à dresser trois catalogues semblables, lun pour les Iles Britanniques, un autre pour la Péninsule ibérique, et un troisième pour la Péninsule hellénique, c’est- à-dire, pour la partie méridionale de l’Europe, comprise entre la mer Adriatique, la Méditerranée, et les monts Balkan ou Emineh-Dagh, qui se rattachent aux Alpes dinariques et séparent cette région du bassin du SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 103 Danube déjà étudié. Il sera convenable, je pense, d'y joindre l’Asie Mi- neure à l'est, qui paraît se trouver dans le même cercle de commotions. Quant à l'Europe boréale, toute la grande zone déprimée qui s’étend au nord des monts Carpathes, depuis le bassin de l'Elbe jusqu'aux monts Ourals, je l'ai réunie à la zone de même nom qui, en Asie, s'étend au nord .des monts Mouz-Tagh ou Thian Chan et des monts Jablonnoi jus- qu'au Kamschatka. Mon travail sur cette région si bien caractérisée sera bientôt présenté à l’Académie. Jose espérer que la comparaison des manifestations du phénomène dans ces diverses régions physiques, pourra jeter quelque jour sur lori- gine des tremblements de terre. Mais, je le répète, sans entrer ici dans aucune discussion peut-être prématurée, je passe aux tableaux synop- tiques que je viens d'annoncer. TABLEAU I. Avec TREMBLEMENTS AVEC DATES DE JOURS OU DE MOIS. DATES DE SAISONS. SIÈCLES. rs Autom.| Print. et et TOTAUX, Mars, | Avril.| Mai. É hiver. été. > 19 O0 1 OO © ND © = = — HU D NN OX = — Se w Ci — 104 MÉMOIRE L'hiver et l'automne présentent encore ici une prépondérance mar- quée. Si l’on groupe les saisons par couples, on trouve pour six mois: Du 1° octobre au 31 mars (automne et hiver). . . . . . 527 tremblements. Du 4% avril au 50 septembre (printemps et été). . . . . 205 » Or, 2 =. 397 — 9218, 5 et je trouve 205 seulement. Pour l’ensemble de la France, de la Belgique et de la Hollande, une combinaison semblable m'a conduit à un rapport sensiblement égal, ou même un peu plus fort 1. En considérant les quatre points critiques de l’année, les solstices et les équinoxes, on aura pour deux mois : TABLEAU II. BASSIN FRANCE BASSIN BASSIN du Rhin. |et Belgique. | du Rhône, | du Danube, a e Décembre et janvier (solstice d'hiver) . [=] Mars et avril (équinoxe du printemps). Juin et juillet (solstice d'été). OT 1 NN L=2 19 Septemb. et octob. (équinoxe d'automne). Le solstice d'hiver conserve partout sa prépondérance, mais dans le bas- sin du Danube, le solstice d’été est monté du dernier au second rang. Dans le bassin du Rhône, l’équinoxe du printemps se trouve après celui d’au- tomne, ce qui n’a pas lieu dans le bassin du Rhin. 1 Voir mon Mém, inséré au tome XVIII des Mém. Cour. et Mém. des sav. étrang., publiés par l'Académie royale de Bruxelles. SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. 105 Enfin, si l’on représente par 1 le degré de fréquence mensuelle du phénomène dans le bassin du Rhin, on aura pour chaque mois les nom- bres inscrits au tableau suivant et d’après lesquels les quatre premières courbes seismiques ont été tracées. Dans ces courbes et dans les suivantes, les lignes horizontales a b correspondent à la moyenne, et les ordonnées sont proportionnelles aux nombres des divers tableaux. Les abscisses cor- respondent aux mois (fig. 1 à 4), aux saisons (fig. 5 à 12), et aux diverses directions des secousses (fig. 15 à 15). TABLEAU III. Fréquence relative des secousses suivant les mois. XVII® SIÈCLE. | XVINI SIÈCLE, | XIX° SIÈCLE. | PÉRIODE TOTALE. Fig. 1. Fig. 2. Fig. 3. Fig. 4. Janvier Février Septembre Octobre De ce tableau se déduisent facilement les nombres ci-contre où la moyenne est aussi représentée par l'unité : Towe XIX. 14 106 MÉMOIRE TABLEAU IV, Fréquence relative des secousses suivant les saisons astronomiques. XVH SIÈCLE. | XVII SIÈCLE. | XIX° SIÈCLE. | PÉRIODE roTALE. Fig. 6. Fig. 6. Fig. 7. Fig. 8. SAISONS. Hiver . | Printemps. Été. Automne . TABLEAU Y. Fréquence relative des secousses suivant les saisons météorologiques. xvue SIÈCLE, | xviue siècre. | xixe srècce. | réRione roraur. | SAISONS. Fig. 9. Fig. 10. Fig. 11. Dans le tableau IV, l'hiver se compose des trois premiers mois de l'année; le printemps, des trois suivants; l'été, de juillet, août et septem- bre; l'automne, des trois derniers. Dans le tableau V, l'hiver est regardé comme comprenant décembre, janvier et février; le printemps, comme formé de mars, avril et mai; l'été, des trois suivants et l'automne, des trois autres mois. Dans ce résumé, j'envisagerai le phénomène sous un dernier point de vue, celui de la fréquence des secousses suivant les diverses directions qu'elles ont manifestées. En les rapportant aux huit rhumbs principaux et comptant les indications qui se trouvent dans le texte, j'ai dressé le ta- SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE, 107 bleau VE, dont la seconde partie (des nombres proportionnels) a été cal- culée en prenant pour unité la fréquence moyenne des secousses suivant les diverses divisions signalées. TABLEAU VI. NOMBRES ABSOLUS. NOMBRES PROPORTIONNELS. DIRECTION | | — DES SECOUSSES. XVI SIÈGE. | XIXe SIÈCL. | rémons toraus. | nn un | Fig. 13. Fig. 14. Fig. 45. Dainord'atsnd. 1. 1 6 7 0.56 0,96 0,78 Du nord-est au sud-ouest . . . . 1 3 4 0,56 0,48 0,44 DeMesta l'ouest UN D 7 12 1,82 1,12 1,55 Du sud-est au nord-ouest. . . , 2 6 8 0,75 0,96 0,89 Du sud au nord. . . . . . . .. 2 11 18 2,55 1,76 2,00 Du sud-ouest au nord-est . . . . 9 8 10 0,75 1,28 1,11 MDetPouesb AT Este eee ee ee 2 5 7 0,75 0,80 0,78 Du nord-ouest au sud-est, , . . 2 4 6 0,75 0,64 0,67 Enfin, si l’on regarde la cause du mouvement dans un sens déterminé comme proportionnelle en intensité au nombre de fois que chaque direc- tion est indiquée, on déduira du tableau précédent la direction moyenne des tremblements de terre dans le bassin du Rhin. Du résultat relatif à ce bassin , je rapprocherai les résultats analogues que j'ai publiés ailleurs pour ceux du Rhône et du Danube. TABLEAU VII. DIRECTION INTENSITÉ BASSINS. de de LA RÉSULTANTE. | LA RÉSULTANTE. Bassin du Rhin — duRhône . — du Danube, . 108 MÉMOIRE SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE. Ces trois bassins présentent donc sous ce rapport une analogie frap- pante. La direction moyenne des commotions terrestres est sensiblement celle du bassin. Dans les Alpes scandinaves, elle suit sensiblement celle de la chaîne, comme dans les Pyrénées. Les grandes chaînes de montagnes et les vallées profondes formeraient-elles des axes d’ébranlements linéaires? C’est ce que je me propose d'étudier plus tard. SUPPLÉMENT. Depuis la rédaction de mon mémoire , de nouveaux faits sont parvenus à ma connaissance ; je les donne ici sous forme de Supplément. (A. PERREY.) 1512. — En 1512, dans la vallée de Palensa (Suisse), deux montagnes se séparèrent; je ne sais, dit Bertrand, si ce fut l'effet d’un tremblement. (B.; C. A.) 1607. — 15 juillet, près de Würtzhourg , au lieu dit £bertzhingen , tremblement qui fit tom- ber une montagne et découvrir plusieurs abîmes et lieux souterrains. (Claude Malingre dit de S'-Lazare, Remarques d’Estat et d'hist. de 1609 à 1632, p. 125.) Le fait était donné sans date mensuelle dans mon mémoire. 1616. — Au commencement de mars, un tremblement de terre affligea plusieurs lieux du pays de Suisse, non sans grande ruine et désastre des maisons et bourgades presque tout en- tières. (Zbidem, p. 251.) 1671. — Sans date mensuelle, tremblement dans l’archevêché de Cologne‘. Est-ce celui de septembre? 1692. — Les Lettres historiques, oct. 1692, p. 475, donnent la date du 25,2 h. 30 m. du soir, pour le phénomène cité dans le texte à la date du 18 septembre. Suivant ce journal , les secousses de ce jour se seraient fait sentir jusqu'en Écosse. 1693. — Le tremblement du 9 janvier s’étendit en Angleterre, en Hollande , en France, en Flandre , en Allemagne , sur 2,600 milles carrés, en deux minutes. (H. Borowski, 4briss einer Maturgeschichte des Elementarreichs, p. 82.) 1714. — La secousse signalée dans la nuit du 13 au 14 janvier, ne fut pas unique; il y en eut plusieurs de 9 à 11 heures du soir; des cheminées furent renversées à Bruxelles et à Maestricht. (Journ. hist., mars 1714, p.211.) 1719. — 6 mars. Sur divers points de la Champagne et de la Lorraine, léger mouvement que quelques personnes ont attribué aux orages qu'il faisait. (J. h., juin 1719, p. 405.) 1728. — Le 3 août, à Strasbourg, la première secousse eut lieu à 10 h. 30 m. du matin; les autres à 4 heures du soir (la plus forte), à 4 h. 30 m., 9 heures et minuit. Le 4 , à 2 h. 15 m., très-violente , et à 3 h. 45 m. du matin, faible. Les fortifications de Kehl furent endommagées. Le tremblement s'étendit sur un espace de 30 lieues de l’est à l’ouest ou perpendiculairement à l'axe du bassin. (J. h., oct. 1728, p. 287.) # Circa Laurentii noctu Archidioecesin terrae motus concussit, qui tamen potissimum per superiorem fuit observatus, alibi aviculus, alibi homines, alibi etiam tintinnabula excitans. (Brewer, Historica,… sive Hist. universalis, t., X, p. 240.) 110 SUPPLÉMENT. 1778. — 9 avril. J'ai cité une secousse à Manheim. Bertholon, Électricité des météores, t. 1, p- 291, dit : quelques secousses. 1787. — 4 novembre. Aux détails donnés sur le phénomène de ce jour, J'ajouterai le suivant: vers 3 et 6 heures du matin, à Kleinumstadt, double secousse de l’est à l’ouest. (Époque, 5 août 1846.) 1791. — 24 janvier, 8 h. 80 m. du soir. À Darmstadt , une légère secousse , suivie d'une se- conde, à 4 heures du matin, le lendemain. (V. H., d’après le Hamb. Corr., 1791, n° 22.) 1792. — 9 mars, tremblement à Bâle. (V. H.) 1816.— 2 février, un tremblement de terre remarquable (décrit dans mon Mém. Sur lestrembl. de terre dans la Péninsule ibérique) , s'est étendu de Lisbonne en Hollande et jusqu'à Madère. — Décembre. Dans le district de Grandson , une secousse. Une seconde secousse fut très-vio- lente, surtout dans le hameau de Corcellètes, où elle fut accompagnée d’un grand bruit sou- terrain. (Bebl. univ. de Genève, t. IV, mars 1817, p. 244.) 1827. — Nuit du 21 au 22 décembre, tremblement à Fribourg , à Berne... (Comm. de M. Stu- der). Je lis dans la Cronik de V. H., à la date du 22 décembre, à 1,2 et 3 heures du matin: deux secousses dans la direction de l’ouest à l’est. Aucune localité n’est indiquée : s’agit-il du phé- nomène signalé par M. Studer ? + 1828. — 96 juillet. À Coire , tremblement communiqué sans détails par M, Studer. — 9 octobre. À Urseren au S'-Gothard, tremblement que je dois encore à M. Studer. Le même jour, à 3 h. 15 m. du matin, secousses à Marseille, à Gênes, à Turin et dans une grande partie du Piémont. Dans la nuit du 10, à 1 h. 30 m. du matin , nouvelles secousses. Le 10, tremblement à Aubonne et à Genève. 1829, — 1* juin, 10 heures du matin, à Bonn, secousse de l’est à l’ouest. (V. H.) 1830. — Le tremblement du 23 novembre a aussi été ressenti à Berne. (St.) 1831. — 19 novembre, le soir, tremblement à Neuchâtel et à Fribourg. (St.) Les secousses se sont-elles répétées pendant plusieurs jours dans le pays, ou bien, y a-t-il er- reur de date ? 1834. — 4, 6,7 et 8 janvier, secousses aux environs de Soleure. (St.) 1936. — 7 juillet, le soir, tremblement à Soleure. (St.) 1839. — 8 avril, tremblement à Frutigen (Berne) et dans les environs. — Le 11, à Interlacken. (St.) 1840. — 14 mars, 1 heure du matin, tremblement à Meyringen. (St.) 1841. — 2 décembre, 8 heures du soir, tremblement dans le bassin du Rhône : on le ressentit aux environs de Berne !, (St.) 1845. — 2 janvier, à Kandergrund, près de Frutigen (Berne), fort tremblement. (St.) — 12 octobre, dans les environs de S'-Goar et d’Oberwesel, faible tremblement. (Comptes rendus , t. XXIV, p. 453.) — 22 novembre, entre 7 et 8 heures du matin, à Soleure et à Bleienbach (canton de Berne), secousse assez forte. (P. Mérian et St.) 1846. — Nuit du 31 janvier, 2 heures du matin, à Nimègue, quelques personnes assurent avoir ressenti une secousse. 4 Le 12 juin, tremblement à 8t-Louis, ( Véd. Leonhard, Taschenbuch für Freunde der Geologie, erster Jahrgang , p. 205.) S'agit-il de St-Louis près de Bâle? SUPPLÉMENT. 111 — 6 février, entre 11 heures et 11 h. 30 m. du soir, à Nimègue , une nouvelle secousse légère de 3 à 4 secondes de durée. Quelques instants après, ouragan terrible ; le thermomètre descendit à — 1°, le vent étant ouest-sud-ouest. (Feuilles autographiées de M. Delaire. ) — 8 février, entre 4 et 5 heures du matin, puis le 10, avant minuit, à Lausanne, à Echal- lens, à Orbe et à Yverdun , fortes secousses. Plusieurs personnes ont été réveillées ; les meu- bles étaient ébranlés, les portes et les fenêtres battaient et un bruit sourd se faisait entendre. (Comm. de MM. Studer et Colla. ) — 1* juillet, tremblement à Eglisau, dans le canton de Zurich. (St.) — 29 juillet, dans la soirée, tremblement dans une grande partie du bassin du Rhin, dans le Taunus et l'Odenwald. Il semble avoir ébranlé une étendue polygonale dont les principaux sommets seraient Pyrmont au nord, Liége et Namur à l’ouest, Nancy au sud, Stuttgart et Wurzbourg à l’est. L'heure paraît avoir varié suivant les lieux 1. A Vic (Meurthe), à 9 h. 15 m., une secousse par un temps calme, chaud et serein. Elle a duré environ trente secondes avec Lrois intervalles bien marqués. Elle s’est particulière- ment manifestée au nord de la ville, dans le quartier qui aboutit aux rives de la Seille. Des portes se sont ouvertes spontanément , les fenêtres tremblaient, les plafonds craquaient, les cloisons étaient ébranlées ; la cloche de l’hôtel-de-ville a sonné à plusieurs reprises et les coqs ont chanté. Enfin, un bruit sourd et lointain fut distinctement perçu au moment où ces divers effets se produisaient. A Nancy, plusieurs personnes ont remarqué le même phénomène, ainsi qu'à Boulay, aux Étaugs et à Silly. A Metz, les quartiers près de la Moselle ont été principalement ébranlés ; à Bitche, les maisons ont tremblé pendant plusieurs secondes ; une espèce de roulement se fit entendre et tous les meu- bles furent agités; on éprouva 4 ou 5 oscillations tellement fortes , que l’on crut que les planchers allaient s'ouvrir, Tout le littoral de la Sarre a ressenti le mouvement : Thionville, Sarre-Louis, Vaudrevange, Sarguemines , Neukirchen , Grosbliederstroff, etc. Dans cette dernière localité, tous les meubles ont été vivement agités; à Sarrebruck , plusieurs maisons ont été lézardées. A Strasbourg, les lits de l’hôpital militaire ont été fortement secoués. A Creutznach-lez-Baine, les habitants sont sortis de leurs maisons. À Niederbronn (9 h.30 m.), par le calme le plus parfait, une secousse très-forte; elle a duré trente secondes. A la même heure, à Jægerthal (Bas-Rhin) , on a remarqué quatre oscillations distinctes, dans une direction à peu près per- pendiculaire au méridien : durée, 6 ou 8 secondes. Plusieurs vitres ont été brisées ; l’atmos- phère paraissait, à l’ouest, d’un rouge de sang près de l'horizon. À Ems ( vers 9 heures), double secousse avec terrible détonation que les échos rendaient encore plus effrayante. A Cologne (9 h. 36 m.), l’ondulation assez forte a été du nord au sud. À Aix-la-Chapelle et Siegbourg (9 h. 25 m.), ainsi qu’à Bonn et Boppart ( même heure), mouvementtrès-sensible. Dans cette dernière ville, tous les habitants sortirent dans les rues. Les meubles dansaient dans les appartements, les ardoises tombaient des toits; des poutres se fen- dirent , des portes de caves s’enfoncèrent. Le bruit souterrain ressemblait à celui de plusieurs chariots. La secousse ne dura pas plus de dix secondes. * Ce tremblement de terre a été ressenti du côté de l'ouest jusqu'à Louvain, Bruxelles, et la Hamaide, entre Ath et Renaix ; voyez le Bulletin de l'Acad. royale de Belgique , août 1846, page 112. Le tremblement de terre du 29 juillet 1829 a été décrit avec besucoup de soin par M. le professeur J, Nôggerath, broch. de 60 pages in-4° avec uue planche. Boon, 1847. (Note de M. À. Quetelet.) 112 SUPPLÉMENT. Les mariniers, sur le Rhin, assurent avoir vu des blocs détachés du rivage, se précipiter dans le fleuve. L'eau elle-même était si agitée que de petites barques chavirèrent : heureusement on n’a eu à déplorer la mort de personne. A Francfort-sur-Mein (10 h. 2 m. ), tremblement ondulatoire qui a duré plusieurs secondes. 1! y a eu trois secousses assez fortes suivies d’une quatrième plus faible. La direction a-t-elle été mal observée? Suivant les uns , elle était de l’ouest à l’est ; et du nord au sud , suivant les autres. Les personnes qui se trouvaient dans les waggons, sur les chemins de fer, n’ont rien ressenti, Suivant M. Daubrée, ( Comptes-rendus de l’Acad. des sc., t. XXIV, 1847, p. 453), le tremble- ment aurait ébranlé une étendue de pays de 62,700 kilomètres carrés , et une bande large de 100 kil., entre Pyrmont et les contrées rhénanes, n’aurait pas éprouvé de secousses. Le même jour, 9 h. 25 m. du soir , forte secousse à Rome. Le même jour encore, (mais sans indication d'heure), un mouvement de terrrain fort consi- dérable eut lieu dans l’alluvion de la Kander, à son embouchure dans le lac de Thun. Environ 4 à 5 arpents de terrain s'enfoncèrent dans le lac. De mémoire d'homme on n’avait observé de vagues aussi fortes. Enfin, dans la matiné du même jour, un tremblement a été ressenti à Lingstown en Angleterre. (Journaux français, du 3 au 14 août.) — 8 août, 11 heures de la nuit, dans lacommune de Salzach (canton de Soleure), forte secousse. Tous les rapports sont précis : à Altreu, une secousse unique, accompagnée d’une détonation ; plus haut, vers Salzach, le bruit était beaucoup plus sourd : on crut dans les maisons qu'une partie des foins rangés dans la grange était tombée; plusieurs personnes sortirent de leur lit pour regarder ce qui était arrivé. Dans la partie supérieure du village de Salzach, la secousse fut légèrement ressentie , et vers le sud, où le grès s'enfonce dans les terrains meubles , on n’ob- serva plus rien; ainsi, par exemple, dans le haut de Bäriswyl, à Lommiswyl , etc., vers l’ouest, la secousse ne se fit sentir que jusqu'au petit village de Haag. A Bettlach, on ne la remarqua plus. Vers l’est , la secousse ne s’étendit de même qu’à une petite distance , du moins on n'obseva rien à Büllach ( Gaz. de Bâle, n°191.) — Le 9, 6 heures du soir. À Orbe (canton de Vaud), assez forte secousse accompagnée d'un bruit sourd. (Zbid., n° 190.) — Le !4 (?). On mande des bains de Grenchen, près Legnau (canton de Soleure), le 28 août, qu'un tremblement de terre y eut lieu 14 jours auparavant (vor 14 Tagen), entre 2 et 3 heures de la nuit. Des maisons s'ébranlaient, des portes se fermaient et des personnes s’effrayaient con- sidérablement. Un vent très-fort qui soufilait auparavant, cessa sur le champ. (/bid., n° 203.) Ces trois derniers faits, ainsi que celui du 29 juillet, relatif au lac de Thun, m'ont été communiqués par M.P. Mérian. Le 14, fameux tremblement de Toscane. — Le 17, A Lausanne, une première secousse dans la nuit, elle a été peu sensible; vers 7 heures du matin, une seconde secousse plus forte dans le haut de la ville; portes ouvertes, vases renversés, meubles dérangés. Quelques minutes après, autre secousse non moins violente, mêmes effets; durée 5 à 6 secondes. À Orbe, entre 2 et 3 heures du matin, secousse faible ; oscillation du sud au nord, à 6 h. 30 et quelques minutes, deux secousses très-fortes à quelques secondes d'intervalle. La commo- tion a encore été, ici comme à Lausanne, plus forte dans le haut que dans le bas de la ville. Un homme qui était au clocher , a vu les cloches se mettre en mouvement : fenêtres brisées ; oscil- SUPPLÉMENT. 115 lation du nord au sud. Plus tard (l'heure n’est pas indiquée), deux nouvelles secousses à une seconde d'intervalle; elles ont été beaucoup plus fortes encore que les premières. À Yverdun (6 h. 45 m. du matin), une première secousse assez faible; à 7 h.25 m., une autre beaucoup plus forte, assez violente pour renverser des cheminées et fendre des murs; une partie du rempart, près du magasin à sel , s’est écroulée, Les arbres étaient agités comme par un grand vent, quoique le temps füt très-calme; personnes et animaux renversés. La direction a paru de l’est à l’ouest. Phénomènessemblables à S'e-Croix , Echallens, Vuarens , Fey, Thierrens, Oullens, Morges, Meudon, Ollon, Pollinz-Pittel, etc. A Praroman (6 h. 45 m.), une secousse qui a paru dirigée du sud-ouest au nord-est. Durée 4 secondes environ ; bruit sourd semblable à celui d’un vent tempêtueux dans le lointain : les cloisons et les fenêtres ont paru se disjoindre. C’est le second tremblement ressenti à Praroman celte année. (Quelle est la date du premier?) Ce phénomène s’est étendu jusqu’à Châlon-sur-Saône, où on l’a observé à 7 h. 30 m., et à Mà- con (7 h. 55 m.) L'heure n’est pas indiquée pour Lons-le-Saulnier, Quelques journaux ont donné la date du 16 pour la Suisse; mais M. de Charpentier, qui l'a observé à Bex, a assuré à M. Mérian que la date exacte était celle du 17. Il a de plus fait remar- quer à M. Studer que la ligne de Bex à Yverdun coïncide à peu près avec la direction du littoral de la Toscane. Il prétend d’ailleurs que les secousses qu’on ressent à Bex (une ou deux annuel- lement), suivent ordinairement cette direction. Le tremblement de ce jour s’est étendu ainsi dans une grande partie des cantons de Vaud et de Fribourg, sur quelques points des cantons de Berne, de Neuchâtel et de Genève, et jusque dans le bassin de la Saône. (Fédéral génévois , 21 août; Journal des Débats, 24 et 25 août, etc.) — 30 août, 10h. du soir. A Ennetmaas (Unterwalden-Stantz), secousse dans la direction du sud-ouest. Le mouvement n’était pas très-fort, mais on entendait un bruissement sourd et, peu de temps après, des terrains glissèrent. Cette dernière circonstance est probablement ce qui a fait dire à certains journaux qu'il y avait eu des éruptions, (Moniteur et Constilutionnel, 12 sep- tembre ; Gaz. de Bâle, n° 211, suiv. M. Mérian). — 3 octobre. A Adelboden et Zweisimmen (Berne, partie alpine), une secousse. (Commun. de M. Studer.) — 20 décembre, vers b heures du matin, un énorme glissement est survenu près d'Ober- winter, sur la route de Coblentz. Un bruit effrayant en a donné le signal; tout un côté de la montagne était en mouvement. Ce mouvement assez lent a continué jusque vers midi; la dispo- sition relative des objets sur la masse détachée n’a pas changé. La montagne en question est ap- pelée le Bergeler-kopf et s'élève sur le Rhin à une hauteur de 380 pieds. De vastes carrières de basalte sont exploitées depuis un temps immémorial sur les bords du fleuve. Sur la pente qui fait face , est une couche épaisse d'argile au sein de laquelle s’est formée une large crevasse qui paraît se prolonger à une grande profondeur. Unesurface de 60 acres est aujourd’hui bouleversée sur les flancs de la montagne. On a là un spectacle tout-à-fait semblable à celui que présentaient les montagnes de la Calabre après le fameux tremblement de terre de 1783. (/nstitut, n°684, 10 février 1847). FIN. Tome XIX. 15 cour. & Mérn, des sav. étr. Tome XIX. Tremb. de terre duns Le bassin dt Rlun.PL.2. Pr VIE Depobert: LE. da L'AcaA MÉMOIRE SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS, PAR D. SPAE, a MORTICULTEUR, SECRÉTAIRE-ADJOINT DE LA SOCIÉTÉ ROYALE D'AGRICULTURE ET DE BOTANIQUE DE GAND Toue XIX. 1 ' « AVANT-PROPOS. Dans l’état actuel de l’horticulture, une description des lis est devenue indispensable; le nombre toujours croissant des espèces et variétés, dé- crites dans divers ouvrages, souvent très-rares ou peu connus, exige qu'on les réunisse et qu’on les décrive d’après un plan uniforme. Dès le commencement de nos recherches, nous avons senti l’insuffi- sance de nos moyens, aussi notre but n’a-t-il été que d'appeler sur ce beau genre l'attention de quelque personne instruite et de l'engager par là à entreprendre une tâche dont tous les amis de l’horticulture et de la botanique lui sauront certainement gré. MÉMOIRE LES ESPÈCES DU GENRE LIS. —“ 029 — L'époque de la création du genre remonte à celle de l'apparition des premières méthodes de botanique : Fuchs (1542) en décrit trois espè- ces, Clusius (1557) dix, Lobel (1581) en figura six, Dodoné (1583) six, Morisson (1680) dix, Bauhin (1623) en énuméra vingt-sept, et Tour- nefort (1719) porta le nombre des espèces et variétés à quarante-sept. En 1755, Linné, examinant tous les ouvrages de ses prédécesseurs, assigna des caractères aux espèces et leur rapporta toutes les variétés. Il réduisit le nombre des lis à huit; depuis il fut augmenté par les voyages qui se firent sur tous les points du globe : les découvertes de Thunberg et de Siebold, au Japon, de Bieberstein et de Fischer, en Sibérie, et de Wallich aux Indes, ont surtout contribué à cette augmentation, et aujour- d'hui on en connaît quarante-quatre espèces et un grand nombre de variétés. Endlicher, dans son Genera Plantarum, X, 141, donne au lis les carac- tères génériques suivants : Lumum Lin. Périgone corollin, décidu, hexa- 6 MÉMOIRE phylle ; folioles légèrement cohérentes à leur base, infundibuliformes- campanulées, étalées ou roulées par leur sommet, intérieurement munies d’un sillon nectarifère. Six étamines, plus ou moins adhérentes par leur base aux folioles du périgone. Ovaire à trois loges, ovules nombreux, bisériés, horizontaux, anatropes; style terminal, légèrement renflé en massue, droit ou peu courbé. Stygmate presque trilobé. Capsule trigone à six sillons, à trois loges, loculicide-trivalve. Semences également bisériées, horizon- tales, planes-comprimées à test jaunâtre, subspongieux, membraneux- marginé, à raphe décurrente d’une part par le bord. Embryon situé dans l'axe de l’albumen, qui est charnu, droit ou demi-circulaire, ayant son extrémité radiculaire dans le voisinage de l’ombilic. (Endl., £. c.) Trisu I. — LILIUM. Corolles campaniformes. + Fleurs penchées !. * Feuilles éparses allongées. candidum (1), peregrinum (2), Thomsonianum (3), nepalense (4), japonicum (5), Brownii (6), longiflorum (7), Wallichianum (8), eximium (9). ** Feuilles éparses cordées. cordifolium (10), giganteum (11). TT Fleurs droites. * Feuilles éparses. bulbiferum (12), croceum (13), pubescens (14), davuricum (15), fulgens (16), 1 Lors de la présentation de ce mémoire à l'Académie des sciences de Bruxelles, M. Morren a pro- posé, dans son rapport, une nouvelle distribution des espèces de ce genre. Cette distribution ne s'é- loigne de la nôtre qu’en ce que l’auteur intervertit l'ordre des deux premières sous-divisions, et qu'il place parmi les Martagons les L. camschatcense, philadelphicum, cordifolium et giganteum. Nous avons adopté ici le premier de ces changements, mais nous pensons que les caractères tirés de la position et de la forme des fleurs s'opposent à l'adoption de l'autre. : | SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. Thunbergianum (17), venustum (18), concolor (19), pulchellum (20), Catesbaei (21), lancifolium (22). ** Feuilles verticillées. camschatcense (23), philadelphicum (24). Trisu IL. — MARTAGON. Corolles (pétales) roulées. f Fleurs penchées. * Feuilles verticillées. Martagon (25), canadense (26), pendulum (27), superbum (28), carolinianum (29), maculatum (30). "* Feuilles éparses. pomponium (51), pyrenaïcum (52), chalcedonicum (55), carniolicum (54), te- nuifolium (55), pumilum (56), callosum (57), speciosum (38), polyphyllum (59), tigrinum (40), testaceum (41), Szovitzianum (42), monadelphum (45), Loddige- sianum (44). 4. Lorom ! canprpum. Tige de 5-4 pieds, arrondie ?, glabre, pourprée inférieurement ; feuilles éparses, sessiles, glabres, diminuant insensiblement de longueur jusqu’au 1 Ce nom vient du mot grec Acépe», léirion, dont l'étymologie est A6bs, qui signifie uni, poli, lisse. En latin on l'appelle Lilium et Rosa Junonis, parce qu'on croyait autrefois que cette plante était née du lait de Junon. — Alcmène, mère d'Hercule, qu'elle avait eu de Jupiter, redoutant la jalousie de Junon, fit exposer son enfant au milieu d'un champ aussitôt après sa naissance. Pallas emmena de ce côté l'épouse de Jupiter, et lui faisant admirer la beauté du nouveau-né, lui conseilla de le nourrir de son lait. Junon y consentit; mais l'enfant qui reconnaissait en elle son ennemie, la mordit si violemment qu'elle renoncça tout à coup au rôle de nourrice. Or, le lait de la déesse s'étant épan- ché à cette occasion, une partie forma dans le ciel cette tache blanche qu'on appelle Voie lactée, et l’autre fit éclore sur Ja terre le lis blanc ou la Rose de Junon, qui est devenue de nos jours le symbole de la majesté et de la candeur, soit par un reste de la fiction primitive, soit peut-être à cause de la couleur blanche et pure de sa corolle. 2? Les caractères distinctifs des espèces sont imprimés en italiques. 8 MÉMOIRE sommet de la tige, les inférieures lancéolées et pointues, les moyennes 4- néaires-lancéolées, les supérieures ovales-lancéolées; fleurs au nombre de 2-20 disposées en panicule, pédoncules glabres longs de deux pouces; corolles campanulées horizontales, grandes, pétales d’un blanc pur, supérieure- ment glabres, épais, striés, évasés, et un peu réfléchis à leur sommet, étamines à filaments blancs, anthères ovales-arrondies, jaunes, pollen safrané, style triangulaire marqué de trois sillons sous le stigmate. Synonymie. — L. caxomum, Linn., Sp. pl., 1, 455. — Willd., Sp. pl., 2, 85. — Bot. Mag., 278. — Hayn., Arzneigew., 8, t. XXVI. — Roem et Sch., 7, 416. — Kunth., Syn., 4, 266. — Dodon., Pempt., 197. — Cam. epit., 570. L. ALbum, flore erecto vulgare. Bauh., Pin., 76. — Swert., Flor., t. 45. Liuiuw. Fuchs., Stirp., 364. 8 Srriarum. March., 570. Fleurs parsemées à l'extérieur de petites stries de pourpre qui se remarquent aussi sur les feuilles et les écailles de la bulbe. > Fzore p1ENo. Hort. Paris (1689). A fleurs doubles. Elle consiste en un grand nombre de pétales placés en épi sur l'extrémité du pédoncule qui leur sert d’axe. d Focus varecanis. March. in Tourn. I. R. H., 569. Feuilles bordées et ma- culées de jaune. e L. cure plano compresso. Gron. orient., 406. L. caxowuw, + Linn., Sp. pl., 455. Originaire du Levant et très-anciennement connu; son introduction dans nos collections remonte au XVI: siècle : Lamarck et De Candolle, dans leur Flore française, disent l'avoir trouvé dans le Jura, près le comté de Neuchâtel. —Haller l'a aussi trouvé en Suisse, près de la Neuville. C’est, sans contredit, une des plus belles espèces du genre et un des plus beaux ornements de nos jardins, surtout lorsque son feuillage n’est pas attaqué par un petit coléoptère, le CnrysomeLA merpiGera Lin. Les deux sexes de cet insecte s’y donnent rendez-vous, et tandis que la femelle, couverte de ses propres excréments , s'attache aux feuilles et à la tige qu’elle ronge , le mâle, qui est d’un beau rouge, en détruit les boutons. 2. PEerEGRINUM. Tige haute de 2-5 pieds : inférieurement anguleuse, supérieurement SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 9 arrondie, glabre, peu feuillue; feuilles éparses , sessiles, glabres : les in- férieures lancéolées et pointues, les moyennes linéaires, les supérieures lan- céolées; fleurs au nombre de 1-10, paniculées; pédoncules glabres; corolles campanulées, penchées; pétales blancs, supérieurement glabres, étroits, lan- céolés, aigus , légèrement ondulés, rétrécis et séparés à la base ; étamines à filaments courts, blancs; anthères ovales-arrondies, jaunes; pollen safrané; style trigone au-dessous du stigmate. Synonymie. — L. rerecnNum. Mill., Dict., n° 2, — Hayn., Arzneigew., t. VIII, 27. — Red. Lil., 199. — Roem et Schult., Syst., VII, 417. — Sweet in B. F. G., 367. — Kth., Syn., IV, 266. L. eyzanrinum. Swert., Florileg., t. XLV. L. caxninun 8. Linn., Sp. pl., 1, 455. — Willd., Sp. pl., II, 85. L. cannipum gyzanTiNun. Lob. icon., 165. SuLrax zac, sive MARTAGON CONSTANTINOPOLITANUN , Clus., Stirp. Pan. hist. 137. Cette espèce, originaire de Constantinople, est regardée par quelques botanistes comme une variété de la précédente; elle en est cependant toute différente, et son introduction se rattache à la même époque !. Dodonée et Miller remarquent que les tiges de cette espèce sont quelquefois très- larges et plates, de manière qu’elles semblent formées par deux ou trois tiges réunies; lorsque cela arrive, elles portent depuis 60 jusqu’à 100 fleurs. Ce phénomène, qui ne se présente qu’accidentellement, est causé par une trop grande abondance de nourriture et ne se renouvelle jamais deux années de suite. Ce lis, autrefois très-commun dans nos collections, y a presque totalement disparu , à cause de l'indifférence dans laquelle était tombé ela culture des plantes bulbeuses. _ dl D. Tnomsonraxum. Tige haute de 2-5 pieds, arrondie, glabre, verte; feuilles molles, éparses- alternes, allongées-linéaires et aiguës; fleurs au nombre de 1-8, en panicule- 1 Voyez Clus., Stirp. pan. hist., p. 157. — Morren, Hist. littér. et scientif. des Lis et des Fri- tillaires. Brux., 1842, p. 40. Tome XIX. 2 10 MÉMOIRE pyramidale, pédoncules courts et garnis d’une bractée lancéolée ; corolles campanulées, horizontales, très-ouvertes; pétales d’une belle couleur rose, obovales-lancéolés, très-glabres à l’intérieur, légèrement réfléchis en dehors, rétrécis à leur base, où ils sont marqués d’une tache rouge-foncé; étamines à filaments inclinés, presque aussi longues que les pétales; anthères ovales- oblongues ; style un peu décliné, cinq fois plus long que l'ovaire; stigmate tripartite; capsule turbinée, obtusément hexagone; graine non ailée. Synonymie. — L. rnousonanum. Lindl., Bot. Reg. t. 1, 1845. L. roseun 8. Wall., Cat., n° 3077, fide Royle. FRITILLARIA TROMSONIANA. Royl., JL, p. 588, pl. 92. — Kth. Syn., IV, 672. Cette belle et rare espèce est originaire de Mussooree. Suivant le pro- fesseur Lindley, elle fut premièrement observée par les compagnons du docteur Wallich, qui la regardaient comme une espèce de Lis. Le profes- seur Forbes Royle, dans ses Illust. of the Bot. of the Himal.-mount. aid of the Flor. of Cashmere, la rangea parmi les Friricraria et la dédia au docteur Thomson. Le Lilium Thomsonianum a fleuri dans les serres de M. Loddiges, en Angleterre, en avril 1844. 4. NEPALENSE. Tige de 1-2 pieds, glabre, lisse, uniflore ; feuilles inférieures, éparses, elliptiques-oblongues , pointues, les supérieures verticillées ; fleur solitaire; co- rolle campanulée, penchée; pétales glabres, rétrécis en onglet, aigus à leur sommet, blanes à l’intérieur, teints de rose à l'extérieur. Synonymie. — L. nerarexse. Wall., PL. rar., HI, 67, pl. 291. — Don. in Mem. Soc. Wern., I, 412. — Ejusd. Prod., 52.— Roem. et Sch., Syst., VIT, 419, —Kth., Syn., IV, 267. Le docteur Wallich a observé cette espèce sur les montagnes les plus élevées qui entourent la vallée du Népal et vers Gossain Than. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 41 5. Japonicux. Tige de 112-2 pieds, simple, arrondie, verte, glabre et luisante, ordinairement uniflore, peu feuillue ; feuilles éparses alternes, lancéolées , pointues, entières, marginées, glabres, atténuées à la base, pétiolées, sessiles, longues de quatre pouces , vertes en dessus , plus pàles en dessous, à 3-5 nervures; fleurs au nombre de une ou deux; pédoncules glabres; corolle infundibuliforme campanulée, penchée, longue de quatre pouces; pétales elliptiques-oblongs , obtus, peu ouverts, glabres, d’un blanc pur à l'intérieur et teints de pourpre à l'extérieur; étamines à filaments blancs ; anthères ovales- arrondies, d'un jaune foncé; pollen roux; style blanc, presque triangu- laire, à peine plus long que les étamines ; stigmate verdàtre à trois sillons. Synonymie. — L. sapoxicux. Thunb., FL jap., 155. — Willd., Sp. pl., , 85.—Ait., Hort. Kew., I, 2,246.—Lodd., Bot. Cab., 458.— Gawl., Bot. Mag., 1591.— Sertum Botan., vol. I. — Don. Prod. fl. Nep., 2.— Kth., Syn., IV, 267. — Herb. Génér. de l'Amat., 1"° série, pl. 375. — Poir., Enc. méthod. L. garisua. Hamilt. Mss. L. Sazurr. Kaempf. Amoen., 871. Cette espèce, observée au Japon, par Thunberg, fut introduite en Eu- rope, en 1804, par M. Kirkpatrick, capitaine de vaisseau de la compa- gnie des Indes orientales. Elle se multiplia à tel point qu'elle fut bientôt répandue dans toutes les collections. Cependant, en ces derniers temps, elle a sensiblement disparu, de sorte qu’on ne la rencontre que rarement dans les jardins; il est à supposer qu’elle n’a pu supporter le rude hiver de 1858-1859. — C'est à tort qu’on la confond avec l'espèce suivante. La figure qu'en donne Loddiges, dans son Botanical cabinet, pl. 458, répond exactement à cette espèce; mais celle de Gawler, Botanical magazine, pl. 1594, s’en éloigne et la ferait rapporter à notre sixième espèce (L. Brownü), si la figure n’en était pas si inexacte. 6. Browaur. Tige de 3-4 pieds, simple , droite, glabre, verte et parsemée d’une 12 MÉMOIRE quantité de petites taches et stries pourpres , surtout vers le bas, où elle est presque noirâtre; feuilles caulinaires éparses, sessiles lancéolées, poin- tues, éloignées, pendantes, longues de six à sept pouces, glabres des deux côtés, d’un vert foncé et luisantes en dessus, plus päles en dessous, à 5-7 nervures : la médiane est très-saillante; les supérieures larges-lancéolées, subcanaliculées, forment un verticille de 4-5; fleurs au nombre de 1-4, solitaires, géminées ou en ombelles; pédoncules longs de 3 à 4 pouces, arrondis, glabres, verts; corolle tubulée-campaniforme, penchée, très- grande et très-ouverte; pétales glabres, lancéolés-oblongs, un peu réfléchis, d’un blanc de neige à l’intérieur et lavés d’une bande] de pourpre striée de violet à l'extérieur ; étamines à filaments déclinés, blancs, légèrement aplatis à leur base, arrondis à leur sommet; anthères ovales-oblongues; pollen roux; style arrondi d’un blanc verdâtre ; stigmate à trois sillons; capsule... Synonymie. — L. Brown. Brow., Cat. — Miell., Cat. plant. exp. Soc. d'hortic. Lille, jum 1841. — Cat. Soc. royale d'agric. et bot. Gand, juin 1845, p. 42. L. saponicum. Hortul. (non Tuuns.) L. sxonicux verun. Hort. Bot. Leid. — Hort. Angl. La patrie de ce beau Lis nous est encore inconnue. M. Von Siebold nous a fait connaître qu'il le croit originaire du Népal; mais il pense qu'il se trouve également en Chine et au Japon. La date de son introduction ne nous est pas non plus exactement connue; mais elle paraîtrait remonter à 1855 ou 1856, si l’on se fondait sur ce que m'en écrit M. Miellez, de Lille, qui le rapporta de l'Angleterre, en 1857, et sur ce qu’en écrivaient en 1838, MM. F.-E. Brown de Slough, près de Windsor, à M. Schuurmans-Stechoven, directeur du Jardin Botanique de Leyde (qui nous a transmis ces détails) « qu'ils » avaient en fleurs un lis qui leur est tout à fait nouveau, dont la fleur » est plus grande que le Japonicum, maïs toute la même, avec une bande » foncée sur le centre de l'extérieur des pétales. » — Nous avons vu fleurir cette espèce en juin 1841, à l’exposition de la Société d'Horticulture de Lille, sous le nom de L. Brown. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 15 Nous laissons à d’autres le soin de fixer exactement la date de son in- troduction en Europe, nous bornant à maintenir le nom de Brownü, quoi- que beaucoup d’horticulteurs la rapportent au L. Japonicum Tuuxs., car elle est certainement bien distincte de cette dernière espèce. On la rencon- tre parfois dans les collections sous le nom de Japonicum Vert ! & 7. LoncrrLoruu. Tige de 1-2 pieds, cylindrique, droite, simple, verte, glabre, trés-feuil- lue ; feuilles éparses, lancéolées, glabres, sessiles et pressées contre la tige, longues de 5 à 4 pouces, et un peu courbées en dehors, vertes en dessus, un peu plus pales en dessous, à 5 nervures profondes; pédoncules longs de 5 pouces, arrondis, verts; fleurs au nombre de 1-5 ; corolles tubulées- campaniformes, penchées, longues de à pouces; pétales glabres, un peu réfléchis en dehors, d’un blanc pur à l’intérieur, d’un blanc sale à l’exté- rieur ; étamines à filaments plus courts que le style, blancs; anthères /an- céolées-oblongues ; pollen jaune ; style cylindrique blanc; stigmate trilobé, blanc-verdätre; capsule allongée, bords angulaires à angles aigus, non ailés; semences très-plates, ovales-arrondies et garnies d’une membrane ailée. Synonymie. — L. LoxcrrLorum. Thunb., Ac. Soc. Lin. Lond., I, 533.—Lodd., Bot. Cab.,985. — Bot. reg., 560.—Willd., Sp. pL., Il, 84.—Spreng., Syst. veg., Il, 61. — Roem. et Sch., S., VIE, 417. — Drap., Monog., n° 6. — Kth., Syn., IV, 267. L. caxoious. Thunb., F1. jap., 135 (nec alior). Ce Lis croît au Japon, près de Nagasaki et Miaco, où il a été observé par Thunberg qui le confondit avec le L. Candidum, Li. Plus tard, com- parant ces deux espèces, il lui appliqua le nom de Longiflorum, nom qu'il a conservé dans toutes les collections. Son introduction en Europe date de 1819. 8. \WALLICHIANUM. Tige de 1 pied, grêle, glabre, très-feuillue et ordinairement uniflore; 14 MÉMOIRE feuilles éparses , sessiles , linéaires , très-pointues , très-nombreuses et très- rapprochées ; fleur solitaire, très-odorante ; corolle penchée, tubulée-cam- paniforme; tube très-long; pétales glabres, ouverts, blancs ; étamines à fila- ments blancs, à anthères lancéolées-oblongues; pollen jaune ; style cylindrique, blanc; stigmate trilobé, blanc-verdâtre. Synonymie. — L. Warricuranux. Roem. et Sch., S., VII, 14689. — Kth., Syn., Il, 267. L. zoxcircorum. Wall, Tent., 40, pl. 29. (Don. Prod. in adnot?) B. SUAVEOLENS, uNtrLORuM. Bot. req., pl. 560. ? L. Loxcrrcorum, 8 suaveolens. Van Houtte, Æortic. belq., X, 182. Le docteur Wallich a observé cette espèce dans les montagnes boisées de Sheapore au Népal. 9. Exmium. Tige de 2-5 pieds, arrondie, droite, verte, glabre; feuilles éparses et presque alternées, sessiles , très-vertes en dessus, plus päles en dessous, luisantes et glabres des deux côtés : les inférieures lancéolées, les moyennes plus larges et pointues; les supérieures lancéolées-canaliculées ; fleurs au nom- bre de 1-5; pédoncules glabres, verts, longs de 5 pouces; corolles pres- que droites on peu penchées , tubulées-campaniformes, très-grandes, très- ouvertes; pétales épais, glabres, réfléchis en dehors, d’un blanc de neige; étamines à filaments blancs ; anthères ovales-oblongues; pollen jaune; style cylindrique blanc; stigmate trilobé. Synonymie. — L. exmmuw, Court., Magaz. d'horticull., n° 300. — Nob., Cat. Soc. royale agric. et bot. Gand, juin 1845, p. 34. L. Loxerrzoru. Hortul. (non Tuuns.) L. LoxcrrLorux y Liukiu. Sieb., Annuair. Soc. royal. encour. hortic. Pays- Bas, 1844, p. 52. L. mrerrace. Rodb., Hortul. Cette espèce, qui croît sauvage dans l’île de Liukiu, au Japon, fit par- tie de la collection de plantes que M. Von Siebold déposa au Jardin Bo- tanique de Gand, en 1850. Il l’a reçue de nouveau de son pays natal en 1840. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 15 40. Cornrrouum. Tige de 2-53 pieds, arrondie, droite, glabre, verte et tachetée de violet ; feuilles portées sur de longs pétioles, ovales, aiguës , profondément cordées au sommet , échancrées à la base, l'angle de l’échancrure étant en coin tronqué , très-vertes en dessus, plus pâles en dessous, glabres des deux côtés et veinées ; fleurs au nombre de 2-3 portées sur un pédoncule com- primé-ailé aussi long que les feuilles, bractées, lancéolées en forme de spathe, persistantes ; corolles penchées, horizontales , campanulées, formant un tube cylindrique, longues de 6 à 7 pouces; pétales três-aigus, d’un blanc sale à l’intérieur et lavés d’un grand nombre de taches ou stries violettes, à l'extérieur, capsule ovale, anguleuse, à 6 loges à 6 valves, semences obovales-triangulaires, planes-comprimées, entourées d’un bord mem- braneux. Synonymie. — L. cornrorium. Thunb. in Linn. Trans., I, 352. — Willd., Sp. pl., IL, 64. — Roem. et Sch., Syst., VIT, 420. Zuce. in Sieb., F1. jap., pl. 13. — Kth., Syn., IV, 268 (exclus. syn. et descr. Don., F1. nep.) HeuerocaLLis corvara. Thunb., Æl. jap., 145. — Gaert., Fruct., I, 484, pl:479, 5. Saussurea. Salisb. in Linn. Trans., VII, p. 11. Sure. Kaempf. Amoen., 870. — Banks {e. — Kaempf., pl. 46. Le docteur Siebold , en parlant de cette belle espèce, s'exprime ainsi : « Le L. cordifolium forme avec le L. giganteum, trouvé par Wallich, au Né- » pal, une tribu très-marquée de Lis qui, si la structure des fleurs n'avait » pas tant de rapports avec toutes les autres espèces, pourrait nous auto- » riser par son port tout à fait différent à en faire un genre particulier. » Ce Lis se trouve dans tout le Japon, à une hauteur de 400 à 600 pieds » au-dessus du niveau de la mer et même jusqu'aux îles Curiles; cepen- » dant il est rare partout, quoique sociable dans ses stations. Il aime » les forêts humides et sombres. Les oignons se mangent cuits par les » Japonais comme par les Ainos. (Zucc. in Siebold, F. Jap., L. c.) » 11. Gicanreun. Tige . . ; feuilles très-grandes, ovales-aiguës, pétiolées : les infé- 16 MÉMOIRE rieures, portées sur de longs pétioles, sont cordées, à sinus ou échancrures arrondies; les supérieures presque sessiles, arrondies à leur base; fleurs au nombre de 8-10, disposées en grappe simple, très-odorantes, portées par des pédoncules courts, garnis d’une bractée presque ailée; corolles infun- dibuliforme-campanulées, penchées; pétales blancs, verdâtres à l'extérieur, roussâtres à l’intérieur, suivant Wallich (blanc sale, ponctué de violet, sui- vant Zuccarini). Les valves des capsules sont unicarinées. Synonymie. — L. crcanreux. Wall. Tent., FI. nep., 2, pl. 12-15. — Roem et Sch., S., VI, 419. — Zucc. in Sieb., F1. jap., p. 55 in adnot. L. cornrouum. Don. Prod. fl. nep., 52 (excel. Syn. Thunb., Ac. Soc. Lin. Lond., I, 532). Le docteur Wallich a observé cette espèce dans les lieux boisés et hu- mides de Sheapore au Népal. 12. Buzsirerun. Tige de 2-5 pieds, anguleuse, glabre et verte; feuilles éparses, sessiles, glabres : les inférieures linéaires-lancéolées; les supérieures ovales-lancéolées ; aux aisselles naissent des bulbiles d’un vert brunâtre; fleurs au nombre de 1-10, disposées en ombelle prolifere; pédoncules velus; corolles cam- panulées, droites; pétales wnguiculés d’un rouge-orangé très-vif, parsemés de petites taches noirâtres et garnis de papilles à l'intérieur, pubescents à l'extérieur; étamines à filaments subulés, dressés, jaune-rougeàtres ; anthères lancéolées oblongues; pollen roux; style deux fois plus long que l'ovaire, arrondi; stigmate à trois sillons ; capsule longue de deux pouces, obtuse, hexangulaire, à angles très-obtus non ailés. Synonymie. — L. suumrerux. Linn., Sp. pl., I, 455. — Willd., Sp. pl., I, 85. — Bot. Mag., pl. 56, ete., 1018. — Fisch. et A. Lall., Ind. sem., 1859, décembre, p.12. — Roem et Sch., S., VII, 413. — € & y et d Linn., 15p., p. 434.— Aït. Hort. Kew.,W, 2, 241. — Drap., Monogr., n° 5.—Kunth., Syn., IV, 674. L. nuwre. Mill, Dict., n° 4. L. scagrum. Moench., Meth. & umpecLaTun. Fisch., L. ce. — Park. Parad., p. 57, fig. 2. — Weinm., Phyt., pl. 655, f. 6. — Martag. cruent. angustif. Lob., L. c. 1, pl. 166. — L. bul- nlteh té nt me AT nc te nn à SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 17 biferum Scop. F1. carn., n° 404. — Jacq., F1. aust., pl. 226. — Palmstr. Svensk., Bot., pl. 598. — & Linn., L. c. B Lamrouuw. Fisch., !. c. Martagq. bulbif. I, Clus., Hist., p. 139, ic. — L. bulbiferum & Linn., L. c. — B umbellatum Gawl. in Bot. Mag. pl. 1018. — L. latifolium. Link, Enum. h. berol alt., 1, p. 321.—L. lancifolium Hort. Bouch.— L. spectabile, Link, Enum., \, 521. y Ramosux. Fisch., /. c.— Besl. H. Eyst V. Vern., fol. 6, fig. 1 et 2. — Lil. purp. II Dodon. Pempt., p. 199, ic. — L. bulbiferum » Linn. — Martag. bulbif. II, Clus., Hist., p. 156, ic. — L. bulbiferum J Lin. L. c. d Forus vareGaris. Æortul. — Feuilles bordées de blanc. e Frore PLENO. — L. purp. croceum flore pleno. Bauh., p. 77. A fleurs dou- bles. & FLore aLo. Mill, Dict., n° 4. Cette espèce, originaire du midi de l'Europe, est aussi une des pre- mières qui aient été cultivées dans les collections. Son introduction re- monte au XVI: siècle. Clusius ! nous apprend que pendant son séjour à Vienne ?, il le reçut de la Belgique d’une dame habitant la ville de Lierre, dans la province d'Anvers. 15. Croceux. Tige de 1-2 pieds, profondement anguleuse, glabre, verte; feuilles éparses, linéaires lancéolées, pointues, glabres ; fleurs au nombre de 1-8, disposées presqu'en ombelle; pédoncules légèrement velus; corolles cam- panulées, droites ; pétales unguiculés, fortement muriquées près des sillons nectarifères, qui sont bordés de poils étalés, d’un jaune orangé, parsemés de petits points noirs, velus à l'extérieur; étamines à filaments jaune- orange, anthères lancéolées; pollen safrané; capsule longue d’un à deux pouces, aiguë, hexangulaire à angles ailés. Synonymie. — L. cnoceum. Fuchs., Stirp., p. 565. — Chaix ap. Vill. Dauph., 1, 522. — Fisch. et Avé Lall., Znd. sem. Hort. Petrop.; 1859, décembre, p. 14. — Roem. et Sch., S., VIL, 414. —Kth., Syn., IV, 675. — L. bulbiferum Gaert. ‘ Clus., stirp. pan. hist., p. 142. — Voyez aussi Morr., Hist. des Lis, ele., p. 45. 2 En 1575, Maximilien I, empereur d'Autriche, lui confia la direction du jardin impérial, dont il prit soin pendant quatorze ans. Ch. Van Hulthem, Discours sur l'état ancien et moderne de l'agri- culture et de la botanique des Pays-Bas, pag. 20. Tome XIX. 9 18 MÉMOIRE de fruct., pl. 85. — x, yet à Linn., Sppl., 433. — « Lamk., Iust., pl. 246, fig. 2 (fructus). — 4 Aït. H. Kew., I, 2, 241. — x Red., fol. 210.—8 Pers. Syn., I, 358.—L. pumilum H. Bouch., 1854 (nec Red.) a Prarcox. Fisch. L. ce. — Besl. H. Eyst V. Vern., fol. 5 et 7. — Weinm., Phyt., pl. 655, fig. e, pl. 636, fig. b. — Knorr., Thesaur., fig. 50. — Lil. purp. maj. Dodon. Pempt., p. 198, ic. — Hall, Hist., n° 1932 a. — L. bulbiferum Bot. Mag., pl. 56. — « Linn., L. ç. — x. Gaud. FI. Helv., IX, p. 497. B Senormux. Fisch., 4. c. — Lil. nonbulbif. maj. Clus., Hist., 1, p. 136. — Martagon chymist. all. Lob. ic., I, pl. 164. — L. bulbiferum Vill Dauph., II, 276. — Red. Lil., pl. 210. — 4 Lin. L. c. y Huuze. Fisch., {. ce. — Lil. purp. minus. Dodon. Pempt., pl. 198, ic. — Lil. purp. minim. Lob. ie., 1, pl. 467. — L. bulbiferum y Lin. L c. — B Gaud. F1, helv., IH, 447. Le lis orangé est l'espèce la plus commune de nos jardins; il est origi- naire des mêmes contrées que le précédent, etson introduction remonte à la même époque. Fuchs en donna une très-bonne figure en 1542, dans son ouvrage intitulé : De Historia stirpium commentarii insignes. 14. Purescens. Tige ….; feuilles éparses presque ternées, linéaires, falciformes, triner- vées, subulées; fleurs ….; péduncules velus; corolles campanulées, droites; pétales unguiculés, rudes et garnis de papilles à l’intérieur, très-velus à l'extérieur, surtout vers l’onglet, d’où la pubescence se prolonge sur le pédoncule. Synonymie. — L. rurescens. Bernh. in Hornem., Hort. Hafn., W, 962. — Roem. et Schult. Syst., NII, 414. — Kunth, Syn., IV, 265. L. croceum. Bern et Link, Enum., 1, 321 (?) Cette espèce qu'on ne rencontre pas dans nos collections, nous parait une hybride des L. bulbiferum et croceum. 45. Davuricun. . . . « .p 2 Tige de 1 pied, droite, pentagone à angles presque aïlés; feuilles éparses, sessiles , linéaires-lancéolées : les supérieures forment un verti- SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 19 cille de 4-5 et ont les aisselles garnies d’un duvet cotonneux; fleur solitaire; péduncule lanugineux; corolle campanulée, droite; pétales unguiculés garnis de papilles à l’intérieur, d’un rouge foncé dégénérant en jaune à la base où se trouvent une quantité de petites taches noires, recourbés en dehors, très-poilus à l’extérieur ; étamines à filaments rouge-jaunâtres ; anthères ovales arrondies; pollen safrané ; capsule hexangulaire, sans ailes, obovale-turbinée, longue de 16-22 lignes. Synonymie. — L. avuricun. Gawl, in Bot. Mag, pl. 1210, in Adnot. — Bot. Reg., 594. — Roem. et Sch., VII, 414.— Drap., Monog., n° 4. —Kth., Syn., IV, 264. Swt., Br. fl. gard., 73. L. suceirerum ». Ait. Hort. Kew., HI, 2,241. L. carespaer. Hort. Bouchean, 1832. L. pexsyzvanicun. Gawl., in Bot. Mag., pl. 872. — Pursh. Flor., 229. L. PmLanezenicum. Hort. Berol., 1839. L. srecramse. Fisch., Cat. Hort. Petrop., 1824, p. 45. — Ejusd. animadv. Bot. in Ind. sem. Hort. Petrop., décembre 1839, p.46. L. IT rocus ancusriorteus. « Flore miniato. Gmel. Sib., I, 41. L. axcusrirozium. Flore rubro singulari. Catesb., Carol., M, pl. 8. L'introduction de cette espèce dans nos cellections date de 1754. Elle est originaire de la Sibérie, où elle a été observée, en 1747, par Gmelin et plus tard par Fischer. Elle porte encore, dans certaines collections, le nom de Pensylvanicum. 46. Fuzcens. Tige de 1-2 pieds, droite, simple, subpentangulaire, glabre, verte, brunâtre inférieurement, où elle est dépourvue de feuilles à l’époque de sa floraison; celles-ci sont éparses, sessiles ; les inférieures ovales-lancéolées ; les supérieures atténuées et aiguës, formant un verticille de 5-5, très-glabres, d'un vert luisant et bordées de poils laineux; fleurs au nombre de 1-4 disposées en ombelle; péduncules glabres; corolles campanulées, droites, ouvertes; pétales glabres à l’intérieur, un peu recourbés en dehors, d’un rouge vif et munis de caroncules crêtées, blanchätres à leur base, pu- bescents à l'extérieur; étamines à filaments d’un jaune pâle; anthères 20 MÉMOIRE ovales-allongées; pollen brun; capsule longue d’un pouce et demi, hexan- gulaire, à angles très-obtus non ailés; semences ovales-arrondies, très- plates, munies d’une membrane ailée. Synonymie. — L. ruzcexs. Morr., Notice sur les lis du Japon. — Drap., Mon. n° 10. L. ATROSANGUINEUN, Æortul. L. rHuNsERGIANUN. 8 atrosanguineum. Sieb., in Annuaire, p. 32. B macuzarum. /Zortul. L. ATROSANGUINEUM MAcuLATOM. Aortul. La var. 8, connue sous le nom de maculatum, a tout le port de l'espèce. Elle en diffère par ses feuilles plus larges et dépourvues de poils sur les bords, et par l'absence totale du duvet à l'extérieur des pétales. Sa fleur est d’une couleur rouge plus päle, tachetée et veinée de jaune et parsemée de quelques petits points noirs. Nous sommes redevable de l'introduction de cette espèce et de sa va- riété à M. Von Siebold. Elle fit partie de sa collection déposée au Jardin Botanique de Gand, où elle fleurit pour la première fois en juin 1835. 17. TauNBERGIANUM. Tige haute de 1-2 pieds, droite, presque anguleuse, glabre dans sa partie inférieure, velue et arrondie vers son sommet; feuilles inférieures éparses- alternées, ovales-lancéolées, glabres, les supérieures forment un verticille de 4-5; fleurs au nombre de 1-5 disposées en ombelle; pédoncules gla- bres ; corolles campanulées , droites, ouvertes ; pétales un peu réfléchis en dehors, oranges, glabres à l’intérieur, légèrement velus à l'extérieur; éta- mines plus courtes que les pétales, à filaments subulés jaunâtres; anthères ovales-allongées; pollen brun. Synonymie. — L. rnunrercranun. Roem. et Sch., S., VIT, 415.— Lind]., Bot. Register, 1859, pl. 58. — Kth., Syn., IV, 265. . THUNBERGIANUM, & aurantiacum. Sieb., in Ann., 1844, p. 32. . BULBIFERUM. Thunb., in Linn. Trans., WU, 555. . BULBIRERUM. D. Red., fol. 210. . PHILADELPHICUM.Thunb., F1. jap., 135. MACULATUN. Nob., Cat. soc. royal d'agric. et debot. de Gand, juin 4845, p.34. TEA ETLEUIES SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 21 C’est encore une des belles espèces rapportées par M. Von Siebold; elle fleurit au Jardin Botanique de Gand en 1855. La var. £ est produite par le croissement de l'espèce avec le L. fulgens. Elle en a tout le port, et sa fleur est d’un rouge-orangé très-obscur, parsemée de quelques taches et points d’un brun noirûtre. 18. Vexusru. Tige de 1-2 pieds, droite, flexueuse, un peu anguleuse, brune et rabo- teuse inférieurement, pubescente et velue vers son sommet; feuilles nombreu- ses, éparses, glabres, à nervures saïllantes : les inférieures linéaires-lancéolées, les supérieures ovales-lancéolées, formant un verticille de 4-5; fleurs au nombre de 1-8, disposées en grappes pyramidales ; pédoncule long, glabre, muni d’une feuille bractéiforme et terminé par une ou deux fleurs; corolles campanulées, droites, très-ouvertes; pétales glabres, onguiculées, sillonnés et intérieurement munis à leur base de deux glandes allongées, un peu réfléchis en dehors, d’une belle couleur jaune-orangé brillant; étamines à filaments d'un rouge jaunâtre; anthères allongées; pollen rouge-brun; ovaire vert, allongé, long d'un pouce; style moitié plus long, presque triangulaire, marqué de trois sillons sous le stigmate; capsule sans ailes longue d’un pouce, oblongue-arrondie, hexangulaire, à angles obtus; se- mences arrondies, très-plates et munies d’une membrane ailée. Synonymie. — L. Vexusrun 1, Æort. berol., A841. — Kth., Syn., IV, 266. L. TauxserGranum. Morr., Notice sur les Lis (non oem. et Sch.) Drap., Monog., n° 11. De même que les deux précédentes, cette espèce est originaire du Japon, où elle a été observée par le docteur Von Siebold. Elle fit partie desa 1 Nous croyons pouvoir faire observer que c’est sans doute par erreur qu'on a cité, dans un Compte-rendu des expositions de fleurs en Belgique (inséré dans le numéro de septembre 4844 de la Revue horticole), le L. venustum comme synonyme du L. aurantiacum. Ce L. venustum est cer- tainement bien différent du L. aurantiacum qui, suivant Von Siebold, est synonyme du L. Thun- bergianum. 22 MÉMOIRE collection déposée au Jardin Botanique de Gand, et y fleurit en juillet 1853. 19. Concozor. Tige de 1-2 pieds, droite, grêle, arrondie, rugueuse et verte; feuilles éparses, linéaires-lancéolées, oblongues, glabres; fleurs au nombre de 1-4, disposées en ombelle; pédoncule long de 2-5 pouces, glabre; co- rolles campanulées, droites, ouvertes; pétales lancéolés, glabres des deux côtés, d’un rouge cocciné très-vif, munis de papilles à leur base in- férieure , un peu réfléchis en dehors; étamines à filaments rouges; anthères linéaires-oblongues; pollen rouge-vermillon; ovaire vert, deux fois plus long que le style, qui est rouge, triangulaire et terminé par un stigmate à trois sillons; capsule turbinée-columnaire, presque sexangulaire, à angles non ailés. Synonymie. — L. concozor. Salisb., Parad., 47. — Ker, Bot. Mag., pl. 4165. — Ait. H. Kew., I, 2,5241. — Roem. et Sch., VII, 410. — Sert. Bot., vol. II. — Fisch., Mey. et Avé Lall., nd. sem. Hort. Petrop., 1859, p. 55. — Ejusd. Animadv. Bot., décembre 1839, p. 15. B UNIFLORUM. L. coxcocor. Link., Enum., 1, 521. Ce beau lis est originaire de la Chine, d’où il fut introduit dans nos collections en 1806, par Greville. Observation.—Kunth, dans son Enum. plant., range cette espèce parmi les Wartagons. L'inspec- tion des planches du Botanical Magazine, du Sertum Botanicum, et l'examen de la plante lors de sa floraison , ne nous permettent pas d'être de l'avis du savant botanographe. 20. Puzcmeuutm. Tige 1/2 à 1 pied, grêle, simple, droite, glabre, légèrement silonnée et peu feuillue; feuilles éparses, étalées, linéaires-lancéolées, à trois nervures, glabres en dessus, cartilagineuses en leurs bords et un peu pointues à leur sommet; fleur solitaire; pédoncule court; corolle cyathiforme-campanulée, de à SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 23 droite, ouverte; pétales lancéolés-elliptiques, longs de 13 à 14 lignes, d’un beau rouge tirant sur l'orange, parsemés de petits points d’un rouge foncé à l’intérieur et garnis à l'extérieur d’un duvet blanchätre; étamines à filaments trois ou quatre fois plus courts que les pétales; anthères et pollen d’un jaune safrané; style plus court que l'ovaire. Synonymie. — L. ruLcuecLum. Fisch., Hort. Berol., 1854. — Ejusd., Animad. botan., 1839, décembre, p. 14. L. Buscnranuu. Lodd., Bot. cab., pl. 1628 (?). L. smicux. Willd., Æort. Berol. sup., p. 17 (?) Cette espèce a été observée par Fischer, dans la Daourie, où elle re- présente le L. concolor de la Chine, avec lequel elle a beaucoup de rap- ports, sauf qu’elle est plus petite dans toutes ses parties. Nous croyons que c’est ce lis que Loddiges a figuré dans son Botanical cabinet sous le nom de L. Buschianum. I Va dédié à son ami M. Jos. Busch de Saint-Pé- tersbourg, qui le lui envoya en 1829. 21. CATESBAEI. Tige de 1-2 pieds, droite, cylindrique, glabre, un peu brunâtre infé- rieurement, verte à son sommet; feuilles éparses, distantes, linéaires-lan- céolées, légèrement onduleuses, aiguës, glabres, d’un vert tirant sur le glauque en dessus, plus päle en dessous; fleur solitaire; pédoncule long de deux à trois pouces, glabre, corolle campanulée , droite, grande, étalée ; pétales longuement onguiculés, à onglet très-rétréci, verdàtre à l'extérieur, réfléchis et ondulés en leurs bords, d’un rouge-orangé se dégradant in- sensiblement en jaune vers le centre et à la base, où ils sont marqués d’un grand nombre de taches d’un brun noirâtre, très-réfléchis en dehors; éta- mines à filaments dressés d’un blanc jaunâtre, longues de deux pouces; anthères elliptiques, allongés, jaunes; pollen jaune safrané; style cylin- drique, terminé par un stigmate à trois sillons. Synonymie. — L. Caressaer. Walt. carol., 193. — Curt., Bot. Mag., pl. 259. — Willd., Sp., IH, 86. — Ejusd. Zerb., n° 6555. — Michx, F1. 1, 497. — Pursh, 2% MÉMOIRE F1, 1, 228. — El. Bot., 1, 587. — Torr. fl, 1, 549. — Bot. cab., 807. Roem. et Sch., S., VIL, 419. — Swt., B. F. G., 2° série, pl. 185.— Drap., Mon., n° 12.— Kunth, Syn., IV, 263. L. caroziranu. Catesb., Carol., I, p. 58, pl. 58. —Lamk., Enc., IE, 535. L. srecranise. Salisb., Stirp. rar., IX, pl. 5. Nous devons l'introduction de cette belle espèce à M. R. Squibb, qui l'apporta de son pays natal en 1787, et la distribua à ses amis en An- gleterre. Catesbey l’a fait connaître en 1741, dans son The natural history of Carolina et Florida. Elle croit sauvage dans les terres sablonneuses, basses et humides de la Pensylvanie et de la Caroline, ainsi que sur les bords des marécages de la Géorgie. 99. LaxciFoLIuM. Tige de 1-2 pieds, droite, simple, anguleuse et velue ; feuilles éparses, alternes, sessiles, lancéolées, glabres, longues de 4 pouces, diminuant à mesure qu'elles approchent du sommet de la tige, où leurs aisselles sont garnies de bulbiles, fleur solitaire, corolle subcampanulée, droite, petite ; pétales onguiculés, blancs. Synonymie. — L. Lancrrourum. Thunb., Act. Soc. Lin. Lond., M, p. 355. — Willd., Sp. pL., IE, 85.— Roem. et Sch., S., VI, 417.—Kunth, Syn., IV, 266. (Excel. syn. L. Lancif. Hortul.) L. sucrrerun. Thunb., F1. jap., 154. Kenrax. Kaempf., Amoen., 871. Cette espèce croît au Japon, où elle a été observée par Thunberg. On ne doit pas la confondre avec les trois variétés du L. speciosum Tauns. qui sont généralement connues en horticulture sous le nom de L. Lancifolium , nom qui leur a été donné par feu M. Mussche, jardinier en chef du Jardin Botanique de Gand. 23. CAMSCHATCENSE. Tige de 1 pied, droite, simple, arrondie; feuilles inférieures verticil- lées, ordinairement quaternées, largement lancéolées : les supérieures 0p- + éd féteet dun re SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 25 posées ou solitaires; fleur terminale; corolle campanulée, droite; pétales sessiles, ovales-lancéolés, profondément veinés, glabres, d’un rouge foncé diminuant en jaune vers la base et tachetés de petits points noirs. Synonymie. — L. cawscuarcexse. Linn., Sp., p. 453. — Willd., Sp., Il, 89. — Lamb. in Linn. Trans., X, pl. 12.—Chamisso ên Linn., VI, 586. — Roem. et Sch., S., VII, 599. — Hook. et Arnot., Bot. of Bechey's voyage, 118. — Mill, Dict., n° 12. — Lour., Flor. Cochin. I. L. arrine ? Roem. et Sch., $., VIE, 400. L. quanmirocrarum. Meyer, in Reliq. Haenk., W, p. 126. AMBILIRION CAMSCHATCENSE. Sweet. FrricLaria camscnarcexsis. Gawl., Bot. Mag., 1216 in adnot. — Fisch. in Hook., Flor. Bor. Amer., W, 481, pl. 195° — Kunth, Syn., IV, 254. Cette espèce croît sauvage au Canada, Camschatca et Maryland. Lou- riero l’a également observée en Chine et en Cochinchine, où elle est très- rare. Son introduction en Europe date de 1759. Observation. — Le Lilium afine, Roem. et Sch., S., VII, 400 ; Chamisso in Linnaea, VI, 586, et le L. pudicum, Pursh, Flor., 1, 288, pl. 8; Roem. et Sch., S., VII, 401, sont rangés parmi le genre Fritillaria par Pursh, Sprengel, Kunth et tous les botanistes modernes. 2%. Pmcanezrmieum. Tige de 1-2 pieds, simple, arrondie, glabre; feuilles verticillées, gla- bres, très-courtes, ovales-oblongues et terminées en pointe obtuse; fleurs solitaires ou géminées; pédoncule court, glabre; corolle campanulée, droite, ouverte; pétales lancéolés, onguiculés, glabres, d’un rouge orangé passant au jaune vers la base où se trouvent une quantité de petits points d’un pourpre noir; étamines à filaments dressés; anthères oblongues; pollen roux; style triangulaire. Synonymie. — L. pmravecvmcum. Lin., Sp., 455. — Mill, Diet., n° 15. — Willd., Spp., IN, 90.— Bot. Mag., 519. — Red. Lil., pl. 104. — Pursh, FL, 1, 229, — Nutt. gen., 1, 222, — Bigelow. F1, 82, — El. Bot., 1, 387. — Torr. F1, 1, 348. — Lodd. Bot. Cab., 976. — Herb. Gén. de l'amat., 1"° série, pl. 92. — Roem. et Sch., S., VIT, 411 et 1688. L. venniccraru, Willd., Zerb., n° 6537 ? Tome XIX. mn 26 MÉMOIRE B annnun; foliis saepequinque. Bot. Reg., t. pl. 594. L. axonuw. Nutt. in Fras. Cat. et in Gen., 1, 221. L. uweezLarun. Pursh, F1., 1, 229. — Roem. et Sch., $., VII, 411. L. euiLanecpmiun 8 floribus 2-4 subumbellatis. Hook. La variété donne souvent des verticilles de cinq feuilles et porte de 2 à 4 fleurs. Ce lis est originaire du Canada et de la Caroline. Bartram l’a trouvé, en 1757, en Pensylvanie, d’où il l’envoya en Angleterre à son ami Ph. Mil- ler, jardinier en chef du Jardin Botanique de la Compagnie des apothi- caires à Chelsea. 25. MarTacon. Tige de 5-5 pieds, arrondie, brunâtre, pubescente et velue; feuilles toutes verticillées , lancéolées-elliptiques, pointues et légèrement bordées d’un duvet blanc, vertes en dessus, plus pàles en dessous; fleurs disposées en épi, au nombre de 5-20 ; pédoncule velu, uniflore et garni à sa base d’une bractée lancéolée ; corolles penchées; pétales roulés, velus à l'extérieur, glabres à l’intérieur, d’un pourpre obscur et marqués de quelques taches noires; étamines à filaments blanc-jaunâtres; anthères lancéolées; pollen jaune-safrané ; style triangulaire; stigmate à trois sillons ; capsule obovale, un peu arrondie, déprimée à son sommet, raccourcie à sa base, hexangu- laire, à angles ailés. Synonymie. — L. Marracon, Linn., Sp., 455. — Jacq. Aust., pl. 551. — Willd., Sp., H. 88.— Bieb. F1., 1, 267. — Bot. Mag., 895 et 1634. — Red. Lib., pl. 146. — Gaert., Fruct., I, 17, pl. 85, fig. 4. — Mert. et Koch., Germ., I, 336.— Besser, Enum., 14.—Roem. et Sch.,.S., VII, 402.— Ledeb., #1. II, 98.— Koch, Syn., 708. — Kunth, Syn., IV, 257. L. syzvesrre. Dodon. Pempt., 201. Aspxonezus FoEmINA. Fuchs. de stirp. hist., p. 115, ic. B L. rLoRIBUS REFLEXIS, ALTERUM mirsurum. Bauh., Pin., 87. — Bot. Mag. pl. 895. L. mrsuruw. Mill, Dict., n° 40. L. Mivenu. Schult., Obs., 67. — Tige très-velue, feuilles plus étroites et verticilles plus éloignés. > PALLIDUM. Spreng., Curt. post., 155. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 27 L. craënum. Spreng., Syst. II, 62. Tiges et feuilles glabres; fleurs blanches. d L. FLORIBUS REFLEXIS ALBIS. Swert., Flor., pl. 55. Tige et feuilles glabres, garnies aux aisselles d'un duvet blanc très-apparent, fleurs blanches. Cette espèce est indigène à l'Europe; on la rencontre sauvage en Alle- magne, en France, en Hongrie, en Suisse et en Sibérie. Elle est cultivée dans nos jardins depuis plus de deux siècles. Ce lis autrefois plus commun dans nos collections, y a produit un grand nombre de variétés, dont les principales sont : alboplenum, dorsipunctum, elatum, ocelare, perpurpureum , petiolare , purpureoplenum , purpureum , pubescens. 26. CANADENSE. Tige de 5-5 pieds, arrondie, glabre, verte; feuilles éloignées, verticillées, ovales-lanceolées, pointues, attenuées à la base, trinervurées , glabres en dessus, légèrement velues en dessous le long des nervures, et garnies en leurs bords d’un duvet blanc qui les rend un peu rugueuses; fleurs au nombre de 1-15, disposées en ombelle pyramidale; pédoncules dressés, longs de trois à quatre pouces, glabres et verts; corolles penchées turbinées-campaniformes ; pétales lancéolés, roulés , glabres, d’un jaune-orange, parsemés intérieu- rement d’un grand nombre de petits points noirs; étamines à filaments su- bulés, blanc-jaunâtres ; anthères oblongues-allongées; pollen roux; style trian- gulaire, verdâtre; stigmate trilobé. Synonymie. — L. caxanense. Linn., Sp. pl, 1, 455. — Barr. L.c., pl. 125. — Catesb., NT, pl. 41. — Michx., FL. amer., 1, 197. — Willd., Spec., Il, 89. — Gawl. in Bot. Mag., pl. 800 et 858. — Park. Parad., 52, f. 2, — Pursb, FL, 1, 9299, — Elliot., FL, 1, 388. — Torr., FL, 1, 348. — Roem. et Sch., S., VII, 405. — Kunth., Syn., IV, 258. — Hook., F1. Bor. Amer., IL, 181. — Mill, Dict., n° 11. æ FLAVUM, fleurs jaunes. Bot. Mag., pl. 800. B cocaneux (rubrum). Fleurs rouges. Bot. Magq., pl. 858. L. »exouurrzoruw. Red. Lil., pl. 405. — L. canadense. B. Red. Lil., fol. 501. Hooker en distingue trois variétés : « uniflorum, B pluriflorum, y parvi- forum. Originaire du Canada et de la Virginie, ce lis est cultivé dans les col- lections européennes depuis 1629. 928 MÉMOIRE 97. Penpurun. Tige de 5-4 pieds, droite, simple, arrondie, glabre, presque nue au sommet; feuilles atténuées à la base, lancéolées, onduleuses, pointues, gla- bres, les inférieures subverticillées, les moyennes verticillées, les supé- rieures linéaires-lancéolées; fleurs au nombre de 1-10, disposées en ombelle; pédoncules glabres, minces, longs de quatre pouces; corolles penchées, infundibuliformes-campanulées; pétales lancéolés, presque roulés, glabres, rouge-orange à l’extérieur, passant au jaune et parsemés de petits points bruns à l’intérieur; étamines à filaments jaunâtres; anthères oblongues ; pollen roux; style subtriangulaire; stigmate à trois sillons. Synonymie. — L. Penouzun. Hort. L. PENpuzirLorum. Cels. Cat. Nous croyons cette espèce originaire des mêmes contrées que la précé- dente. C’est à tort qu’on la regarde comme en étant une variété. 98. SUPERBUM. Tige de 4-5 pieds, droite, ferme, arrondie, glabre, violätre et glauque ; feuilles toutes verticillées : les inférieures lancéolées, pointues, trinervurées, les supérieures ovales-lancéolées, glabres, vertes en dessus, plus pâles en dessous; fleurs au nombre de 1-15, disposées en grappe pyramidale; pé- doncules glabres; corolles réfléchies; pétales lancéolés, roulés, glabres, d'un beau rouge écarlate à l'extérieur, passant au jaune et tachetés d’un grand nombre de petits points bruns à l’intérieur ; étamines à filaments jaune-orange ; anthères oblongues; pollen roux; style triangulaire, deux fois plus long que l'ovaire; stigmate à trois sillons; capsule allongée, longue de un à deux pouces, à sommet convexe, rétréci à sa base, hexan- gulaire, à angles très-obtus. Synonymie. — L. surereuu. Linn., Sp., 454. — Lamk., Eneyel., WE, 556. — Willd., Sppl., IT, 88. — Gawl., Bot. Mag., pl. 956. — Red. Lil., pl. 105. — Pursh, F1.,1, 250. — El. Bot., I, 589. — Torr., FL, 1, 549. — Roem. et Sch., SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 29 S., VIT, 405. — Catesb. Carol., Il, pl. 56. — Hook., F. Bor. Amer., II, 181. — Kunth, Syn., IV, 259. B pyrainaze. Hortul. La variété qu'on rencontre dans les jardins sous le nom de L. pyrami- datum, s'en distingue : par sa tige plus élevée, quelquefois 7-8 pieds, ses fleurs disposées en pyramide et souvent au nombre de quarante et cinquante. Originaire de l'Amérique septentrionale, cette espèce fut intro- duite dans nos collections en 1727. 29. CAROLINIANUM. Tige de 1 pied, droite, arrondie, très-glabre; feuilles presque toutes verticillées , lancéolées-obovales, glabres, sans nervures, rétrécies en coin à leur base et terminées en une pointe courte; fleurs au nombre de trois (rarement deux ou une seule), disposées en ombelle; pédoncule épais; corolle forte- ment penchée; pétales glabres, d’un rouge-foncé à l'extérieur, plus pâle et passant au jaune à l’intérieur, où ils sont parsemés d’un grand nombre de petits points noirs; étamines à filaments blanchâtres; anthères lancéolées- oblongues; pollen roux ; style triangulaire; stigmate à trois sillons. Synonymie. — L. carocnianu. Michx., FL, 1, 197. — Bot. Reg., 580. — Bot. Mag., pl. 2280. — Pursh, FL, I, 229. — Nutt. Gen., 1, 222. — Pers. Syn., 1, 558, — Ell. Bot., 1,588. — Sert. Bot. vol. I. L. aurumnae. Lodd. Bot. Cab. pl. 555. L. Marracon. Walt. Carol., 195. L. Micuauxranus. Roem. et Sch., $., VII, 404. L. Micuauxu. Poir., Encycl., suppl., D, 457. L. Surersun. B uniflorum. Red., Lil., fol. 103. Cette espèce se trouve en Caroline, en Floride et en Virginie. Elle a été introduite en Europe en 1820. Observation. Nuttal, dans son Genera of the North American plants, observe qu'elle a beaucoup de ressemblance avec le L. superbum ; qu'il l'a seulement rencontrée dans les montagnes septentrio- nales de la Caroline, ayant la tige uniflore; mais qu'il s’est bien assuré que, par la culture, elle produit plusieurs fleurs. 50 MÉMOIRE 50. Macurarum. Tige de 1-2 pieds, droite, simple, arrondie, striée, glabre; feuilles in- férieures éparses, les supérieures verticillées, sessiles lancéolées, glabres, très-nerveuses , droites et longues de 4 pouces; fleurs disposées presqu’en ombelle; pédoncules dressés, droits, longs de 4 pouces; corolles cam- panulées , penchées; pétales roulés, d’un rouge foncé, parsemés d’un grand nombre de taches pourpres. Synonymie. — L. macuzarun. Thunb., in Linn. Trans., IL, 554.— Willd, Sp., part. IT, 89.— Rœm. et Schult, S. VII, 408. — Kunth, Syn., IV, 258. L. cananense. Thunb., F1. jap., 155. Originaire du Japon, où il fut découvert par Thunberg, ce lis fit aussi partie de la collection que déposa le D' Von Siebold au Jardin Botanique de Gand , mais n’a pu s’y conserver. Cette espèce diffère du L. Canadense par ses feuilles plus élargies à la base et ses pétales moins roulés. (Fhunb., L. c.) 51. Pomronium. Tige de 1-5 pieds, droite, anguleuse, velue; feuilles éparses et rappro- chées, sessiles, subulées, pointues : les inférieures lancéolées-linéaires; les supérieures devenant insensiblement plus étroites sont linéaires et très-rap- prochées, glabres en dessus, ciliées en leurs bords; fleurs au nombre de 1-5, subombellées; pédoncules longs de 5 pouces, glabres; corolles pen- chées; pétales roulés, glabres des deux côtés, d’un rouge vermillon-foncé et tachetés de petits points noirs, munis à leur base de caroncules forte- ment dentées; étamines à filaments subulés, jaune-oranges; anthères ovales; pollen roux; style triangulaire ; stigmate à trois sillons. Synonymie. — L. Pouronux. Linn., Sp., 1, 454. — Willd, Sp., I, 87. — Dec. Gall., II, 202.—Lmk., Encycl., WE, p. 314. — Rœm. et Sch., $., VII, 408.—Kunth, Enum., IV, 260. æ Gawl., Bot. Mag., pl. 971. — Lamk., Encl., NM, 536. L. Rusrum. Lamk., Gall., III, 283. slam nas cf - > SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 31 8 L. wirarum odoratum angustifolium. Bauh., Pin., 79. y L. BREvI ET GRAMINEOFOLIA. Bauh., Pin., 79. L. ancusnirozium. Mill. Dict, n° 6. L. nusruu ancusrirozium. Baub., Pin., 78. L. rugrum PRArcox. Clus., Hist., 1, p. 133. Marracon Poxpoxx. Swert., Flor., pl. 49. Cette espèce, originaire de la Sibérie et des Pyrénées, est cultivée dans les jardins depuis plus de deux siècles; elle y est peu répandue aujourd’hui. La var. y que Miller appelle L. angustifolium, a la tige plus élevée et les fleurs en plus grand nombre. 32. Pyrenaïcuu. Tige de 2-5 pieds, droite, presqu'anguleuse, peu velue à l’inférieur, glabre à son sommet; feuilles nombreuses, éparses, linéaires-lancéolées, à 5 nervures, glabres en dessus, plus päles en dessous, et bordées d’un duvet blanc; fleurs au nombre de 1-7, disposées en ombelle pyramidale, d’une odeur forte; pédoncules glabres , longs de 5 à 4 pouces, corolles penchées, pétales roulés, glabres, d’un beau jaune, ponctués de taches distinctes d’un rouge brun; étamines à filaments subulés, jaunâtres ; anthères ovales ; pollen rouge; style très-court, triangulaire, verdâtre; stigmate allongé à trois sillons. Synonymie. — L. pyrexaicuw. Gouan, Obs., 25. — Spreng, Syst., IL, 61. — Dec., Gall. W, 205. — Red., Lil., 445.— Desf., Cat., 24.—Rœm. et Sch., S., VII, 407. — Kunth, Syn., IV, 262. — Drap., Monog., n° 7. L. cuaccenonicuw. B. Gmel, Syst., 544. L. Fravom. Lamk., Gall., I, 285. L. rLavum ANGusrirouium. Bauh., Pin., 79. L. rouroxtum. 8 Gawl., Bot. Mag., pl. 798. — Lmk., Encl., IX, 556. Originaire des Pyrénées , cette espèce était autrefois comprise parmi les variétés de la précédente. Le professeur Gouan de Montpellier l'en sépara en 1775, dans ses llustrationes botanicae. MÉMOIRE Q1 19 55. CnALCEDONICUM. Tige de 5-5 pieds, droite, subanguleuse, brune, pubescente et rude, surtout sur les stries, verte et glabre à son sommet et garnie dans toute sa longueur de feuilles nombreuses, éparses, très-vertes et glabres en dessus , plus pâles en dessous, bordées d’un duvet blanc très-apparent : les inférieures lancéolées-linéaires, presque obtuses, un peu contournées , de- venant, vers le milieu de la tige, plus petites, très-étroites et fortement pressées contre elle; les supérieures ovales-lancéolées, très-pointues ; fleurs au nom- bre de 1-8, disposées en ombelle pyramidale ; pédoncules longs de 4 à 5 pouces, glabres; corolles penchées; pétales roulés, glabres, d’un rouge écarlate très-vif nuancé de ponceau, et garnis à leur base de caroncules dentées ; étamines à filaments subulés, rouges ; anthères oblongues ; pollen rouge; style deux fois plus long que l'ovaire, triangulaire, verdâtre ; stig- mate, allongé à 5 sillons ; capsule obovale, hexagone, un peu arrondie, aplatie à son sommet où les angles sont membraneux et presque ailés, raccourcie à sa base; semences garnies d’une membrane ailée. Synonymie. — L. cuarcenonium. Lin., Sp., 1, 454. — Willd., Sp., p. IL, 87. — Ker., Bot. Mag. pl. 30. — Koch, Syn., 708, adn. — Roem. etsch., VIL, 407 et 1688. — Kunth,, Syn., IV, 262. — Drap., Mon. , n° 13. — Mill. Dict., n° 7. — Lamk., Encl., WI, 536.— Hemerocallis chalcedonica, Lob., 169. æ Caure unrLoro, Red., Lil., 276. L. BYzaNTINUM miniaTu». Bauh., Pin., T8. 8 CAULE MULTIFLORO, FLoRIBUS minaTUS. Red., L. c. L. 2YZANTINUM MINIATUM PoLxANTHoS. Bauh., Pin., 78. y CAULE MULTIFIORO, FLOrIBUS sançuINEIs. Red., L. ce. L. PURPUREO-SANGUINEUM, FLORE REFLEXO. Bauh., Pin., 78. d' Forns ALBomaRGINATIS, ouninoscazris, Kunth., Syn., IV, 262. Cette espèce est originaire du Levant et fut introduite dans nos collec- tions à la fin du XVF: siècle. Clusius ! rapporte que, vers 1579, Ulric de Khunigsperg, amena des jardins de Constantinople, la belle variété double, et qu'on l’appela Zusiniare où Couronna di Re, Couronne royale. Cette variété n'existe plus dans nos jardins. ! Clusius, Stirp. hist. pan., p. 156. RS CE SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 55) 54. CarNioLIcun. Tige de 1-5 pieds, droite, subanguleuse; feuilles toutes droites et étalées , régulièrement dispersées sur la tige, lancéolées, aiguës, à 5-T ner- vures et bordées de poils blanchâtres très-apparents : les supérieures sont plus petites; fleurs subombellées; corolles penchées; pétales roulés, gla- bres, d’un rouge vermillon, parsemés intérieurement de points d’un brun pourpre. Synonymie. — L. carmouicum. Bernh. in Mert. et Koch, Germ., IL, 556. —Koch., Syn., 708. L. cuarcenonicun. Mert. et Koch, II, 555. — Host., Aust., 1, 425. — Jacq. Aust., App., pl. 20. Cette espèce croît dans les montagnes de la province de Carniole, en Ilyrie, où elle a été observée par le professeur Bernhardi. mn 5. Tenuirouium. Tige de 1-2 pieds, arrondie, simple, d’un vert pâle et presque glauque, garnie de feuilles nombreuses, nue à son sommet; feuilles éparses, ses- siles, linéaires-étroites, obtuses, presque filiformes et très-aplaties, glabres, glauques , longues de 2 à 5 pouces; fleurs au nombre de 1-5, solitaires, géminées ou paniculées; pédoncules glabres , longs de 2 à 5 pouces; corolles penchées ; pétales roulés, glabres, d’un rouge foncé, garnis à leur base de deux caroncules velues ; étamines à filaments subulés, rou- geàtres; anthères ovales-oblongues ; pollen rouge; ovaire oblong, vert; style deux fois plus court que les étamines, subtriangulaire, jaunätre. Synonymie. — L. renurouuw. Fisch., Hort. Gorenk. — Schrad, Plant. rar. Hort. Goett., fase., 1. — Roem. et Sch., VIT, 409.— Bot. Mag., pl. 5140.—Svweet in B. F. G., pl. 275. — Drap., Monog., n° 14. — Reichenb., Mag., pl. 79. — Schrank., Hort. monac., pl. 91. 8. FLone aLso. Hortor. German. quid? Cette belle et rare espèce est originaire de la Daourie, où elle a été observée par le docteur Fischer, lors de son exploration de cette contrée Towe XIX. B) 34 MÉMOIRE en 1850. Son introduction dans nos collections date de 1831, époque à laquelle ce botaniste en gratifia le Jardin Botanique de Gand. Une variété à fleurs blanches paraît exister dans les collections allemandes. 36. Puit. Tige de 1-2 pieds, arrondie, simple, glabre, nue à son sommet; feuilles très-étroites, linéaires, subulées, glabres, vertes; fleurs au nombre de 1-5, disposées en panicule; pédoncules glabres, longs de 1-2 pouces ; corolles penchées; pétales roulés, glabres, d’un rouge orange, étamines à filaments subulés, jaune-orange; anthères oblongues; pollen rouge; style triangulaire, verdàtre. Synonymie. — L. PuLux. Red. Lil. pl.378.— Bot. reg., pl. 132. — Lodd., Bot. Cab., 558. — Roem. et Sch., $., VIH, 410. L. uirouum. Hornem., Hort. Hafn., 526. L. urcorun. Hort. angl. Ce lis est aussi originaire de la Daourie et a été introduit dans nos collections en 1816. Observation. Suivant Reïchenbach, le L. tenuifolium et le L. linifolium constitueraient la même espèce, et d'après Janius, le L. tenuifolium serait une variété du L. pomponium. 37. CALLoOSUuM. Tige de 2-5 pieds, droite, simple, glabre; feuilles très-nombreuses, S , , , D éparses-alternes, sessiles, très-étroites, linéaires, aiguës, entières, nerveuses et glabres: les inférieures allongées, les supérieures plus courtes; fleurs au nombre de 1-10, disposées en grappe; pédoncules glabres, garnis à leur base de deux bractées arrondies, linéaires, épaisses et dures; pétales rou- ? 2 ) lés, glabres, d’une belle couleur rouge parsemée de petits points d’une couleur plus foncée. Synonymie. — L. cacrosum. Zucc. in Siebold, F1. jap. fase. 9, p. 86, pl. 41. L. »ouronum. Thumb., F1. jap., p. 134. Sanras wulgo Fine surr, Kaempf., Amoen. exot., p. 871. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 99 Nous devons la connaissance de cette belle espèce au docteur Von Sie- bold qui Fobserva pendant son séjour au Japon (1823-1829). Elle fit partie de la collection qu’il déposa, en juillet 1850, au Jardin Botanique de Gand; mais elle n’a pu s’y conserver. Ce célèbre voyageur fait , au sujet de cette espèce, dans sa Flora Japonica, la remarque suivante : « Celis, que » Thunberg prend à tort pour notre L. pomponium, croît au Japon dans » les contrées montagneuses et peu boisées, surtout sur les pentes des » terrains volcaniques, à une hauteur de 500 à 2,000 pieds au-dessus de » la mer. Dans l’état sauvage, la plante est gréle et s'élève à 2 ou 5 pieds » tout au plus; dans les jardins, au contraire, où elle est cultivée avec les » autres espèces de lis, elle devient plus élevée et plus forte. Elle fleurit » depuis le mois dejuillet jusqu'au mois de septembre. En automne, on » fait la récolte de ses bulbes comme de celles du L. tigrinum, également » sauvage au Japon, pour les manger bouillies ou rôties. Elles sont très- » nourrissantes et d’un goût doux et agréable. On les fait aussi confire, » et on s’en sert comme d'un moyen diurétique et dissolvant dans les » toux chroniques. (Zucc. in Siebold, Flor. Jap., 1. c.) » 58. SrEcrosux. Tige de 2-6 pieds, droite, arrondie, rameuse, glabre, d’un vert pâle tirant sur le glauque ; feuilles éparses, sessiles ou courtement pétiolées, ovales- oblongues, entières, pointues, arrondies à leur base, glabres, vertes, à d-7 nervures saillantes ; les supérieures sont plus allongées; aux aisselles des feuilles inférieures naissent des bulbiles d’un brun noirâtre; fleurs au nombre de 1-20, disposées en panicules; pédoncules glabres, spi- ralés alternes, écartés, garnis vers leur milieu d’une ou deux feuilles ovales-lancéolées, et terminés par une ou deux fleurs; corolles très-grandes, penchées; pétales roulés, glabres, lancéolés, oblongs, ondulés en leurs bords, blancs, nuancés d’un beau rose passant au pourpre vers la base, où se trouvent une quantité de papilles irrégulières dentées, d'un rose très-vif; étamines à filaments blancs, subulés; anthères oblongues; pollen d'un brun orangé; ovaire arrondi, vert; style deux ou trois fois plus long 36 MÉMOIRE que l’ovaire, cylindrique, blanchâtre; stigmate arrondi, trilobé, violet et velouté; capsule longue de 2 pouces, oblongue, hexangulaire, angles arrondis; semences obovales, inégales, minces et garnies en leurs bords d’une membrane ailée et étroite. Synonymie. — L. sreciosux. Thunb. in Linn. Trans., W, 552. — Willd., Sp. pl., I, 86. — Roem. et Sch., S., VII, 406. — Morr., sur un lis du Japon, Messac. DES SCIENCES ET Des ARTS. Gand, 1855, p. 189. — Ejusd., Ann. sc. nat., nov. 1854. — Drap., Monogr., n° 1. — Horticult. belge, X, p.28. — Zucc. in Siebold, F1. jap., p. 51, pl. 12-15. L. versicoLor. Kasbiako. Kaempf., Amoen., ST1.— Banks Je. Kaempf., 47. L. sueersux. Thunb., Flor. jap., 154. a Kaewrern, feuilles inférieures oblongues; pétales roses, maculés de pourpre. Zucc., L. e. L. Lancrozium ! rupruN. Hort. 8 Tawerowe, feuilles toutes ovales-elliptiques, pétales tout à fait blancs. Zuce., L e. L. Broussarru. Morr. in Diss. ined. ad Acad. reg. scient. Bruxell. — Drap., Monog., n° 9. L. exmiun. Aort. (Sec. Zucc.) L. LANCIFOLIUM ALBUM. Aort. L. srecrosux var. albiflorum. Hook, Bot. Mag., 515. y Puxcraruw, feuilles toutes ovales-lancéolées, pétales blancs, ponctués de rose. Nob. Cat. exp. soc. royale d'Agricult. et de Bot. Gand, he 1844, p. 26. — Ibid, juin 1845, p. 54. L. LANGiFOLIUN PUNCTATUM. Hort. d Larirouum. Sieb., Annuaire de la Soc. royale pour l'encour. de l'hortic. dans les Pays-Bas, p. 32. Le Japon est la patrie de ce beau lis; il y a été observé en premier lieu par Kaempfer, puis par Thunberg, qui, à juste titre, l'a nommé élégant, et ensuite par Von Siebold qui, lors de son retour en Europe, en confia les bulbes à feu M. Mussche, jardinier en chef du Jardin Botanique de Gand, où il fleurit en août 1852. M. Morren, alors professeur de botanique à l'Université, publia une notice sur cette espèce; le dessin en fut fait à la 1 Le nom de Lancifolium que nous citons ici comme synonyme, et qu'il ne faut pas confondre avec notre n° 22, provient de ce que M. Mussche , aux soins de qui ces belles plantes furent confiées, les croyant inédites, comme la plupart des autres espèces de plantes rapportées par M. Von Siebold, les avait provisoirement étiquetées sous ce nom, qu'elles ont conservé dans toutes les collections. De ”- SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 97 sollicitation de feu M. Amand de Bast, par M. De Kegel. Le 19 août de l’année suivante fleurit également pour la première fois la variété à fleurs blanches, qui fut décrite, par le professeur Morren, sous le nom de L. Broussartü. La troisième variété à fleurs blanches, ponctuées de rose, a fleuri quelques années plus tard. M. Von Siebold, dans sa Flora Japonica, s'exprime ainsi au sujet de ces deux premières variétés. « Parmi plus de vingt espèces de lis importées » » » » par nous du Japon en Europe et déposées provisoirement au Jardin Botanique de Gand !, se trouvent aussi les variétés du L. specioswn , ici représentées en l'honneur de linfatigable Kaempfer; nous en avons nommé la première aux fleurs couleur de rose et tachetée de pourpre, L. speciosum var. Kaempferüi, parce que c’est lui qui en publia la pre- mière notice en Europe. Quant à la seconde variété à fleurs purement blanches, nous avons conservé le nom japonais de Tametome qu'elle a dans son pays, d’après le héros célèbre qui, dit-on, a rapporté ce lis des iles Liukiu. Par la beauté et le parfum des fleurs elles se rangent toutes deux entre les plus magnifiques espèces de leur genre; nous accorderions même la préférence au L. speciosum Kaempferü sur toutes les autres, si une variété du L. longiflorum, que nous avons également observée au Japon, ne lui disputait le rang pour le parfum et pour la grandeur des fleurs, qui sont souvent longues de 8 à 10 pouces. » Le L. speciosum Kaempferü se cultive aujourd'hui dans tout le Japon comme une plante d'ornement. Sa véritable patrie est probablement la Chine, ou plutôt le Korai, car la plante s'appelle aussi Korai-juri, c’est-à- dire lis du Korai. Elle fleurit à la fin du mois de mai et en juin; au Jar- din Botanique de Gand, elle n’a fleuri, en 1852, qu'au mois d'août, et cette floraison était la première qui s’effectuait en Europe. Semblable aux autres espèces, elle se multiplie très-facilement par caïeux, mais elle ne produit pas des bulbiles aux aisselles des feuilles. Elle prospère en terre 1 Les lis rapportés par M. Von Siebold sont étiquetés, au Jardin Botanique, comme étant les espèces suivantes : L. lancifolium , v. Flore alb., v. Flore rubro; L. speciosum ; L. maculatum ; L. croceum , v. grandiflorum; L. hyacinthus; L. concolor ; L. tenuifolium, et 14 espèces sans noms. (Morr., Notice sur un lis du Japon, |. c.) 38 MÉMOIRE » froide ou en pleine terre sous abri d’une bonne litière de feuilles sèches. » La variété Tametome, quoiqu'il ait plu à quelques botanistes d’en » faire une espèce particulière, sous le nom de L. Eximium , ne diffère » que par ses fleurs purement blanches et par ses feuilles un peu plus » distinctement pétiolées. D’après quelques botanistes japonais, elle doit » se trouver sauvage, non-seulement aux îles Liukiu, mais aussi au nord » du Japon; ce qui n'est peut-être qu'une méprise causée par le L. Japo- » nicun que l'on trouve fréquemment sauvage dans ces contrées. (Zuec. » in Sieb., Fl. Jap., L c.) » La troisième variété s'élève quelquefois jusqu'à 6 pieds, et porte alors jusqu'à vingt fleurs. Sa tige et ses feuilles sont d’un vert plus pale que les autres variétés. La quatrième variété que M. Von Sibold a reçue directement du Japon en 1840, a beaucoup de ressemblance, quant à la couleur de ses fleurs, avec les variétés obtenues en Belgique et ne semble s’en éloigner que par ses feuilles plus larges. Il est aujourd’hui démontré que la variété à fleurs rouges est le type de l'espèce. Les différents semis obtenus, tant de la variété à fleurs blanches que de celle à fleurs ponctuées, ont presque tous donné des fleurs rouges plus ou moins variées en nuances de couleur. On a déjà obtenu plusieurs nouvelles sous-variétés par la fécondation artificielle opérée entre elles, ce- pendant la troisième s’y prête moins que les deux premières, peut-être cela provient-il de ce qu’elle n’est probablement elle-même qu'une sous- variété des deux précédentes. MM. Byls et Alex. Verschaffelt en ont obtenu une cette année, qui surpasse de beaucoup en beauté la variété à fleurs rouges. Ses pétales plus larges sont d’un rouge cramoisi foncé qui se prolonge jusqu’à leur extrémité. M. Donckelaer, actuellement jardinier en chef du Jardin Botanique de Gand, est parvenu, par les nombreuses fécon- dations de ces variétés avec d’autres espèces, à les faire changer de forme typique, et nous espérons qu'il finira par doter nos collections de quelques variétés qui s’éloigneront totalement, quant à la forme, de leur type. M. Const. Gheldolf possède aussi une grande quantité de semis de ces variétés fécondées entre elles. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 39 39. PoryPHyLLun. Tige de . . . ; feuilles éparses, lancéolées, pointues; fleurs ordi- nairement au nombre de trois, verticillées; corolles penchées; pétales roulés , glabres, onguiculés; style deux fois plus long que l'ovaire. Le docteur Royle a observé ce lis à Taranda en Kinawur, dans les mon- tagnes de l'Himalaya. Synonymie — L. rozvruvyciu. Royle, JL. of the Bot. of the Himalayan mountains and of the Flor. of Cachmere. 40. Ticrinum. Tige de 5-5 pieds, droite, anguleuse, brune et garnie de longs poils blancs ; feuilles éparses, sessiles, glabres, vertes en dessus, plus pâles en 2 ? 2 dessous, à 5-7 nervures; les inférieures linéaires-lancéolées; les supérieures > ; I! plus courtes, ovales-cordiformes, aiguës; fleurs au nombre de 2-15, dispo- sées en thyrse; pédoncules velus, longs de 5-4 pouces, garnis vers leur milieu d’une feuille bractéiforme, ovale et pointue, et terminés par une ou deux fleurs; corolles penchées; pétales roulés, velus à l'extérieur, glabres à l’in- térieur, d’un rouge vermillon-orangé, parsemés d’un grand nombre de points d’un brun noirâtre et munis à leur base de papilles dentées ; éta- mines à filaments subulés rouge-orange; anthères oblongues; pollen roux ; ovaire allongé, sillonné, vert; style trois fois plus long que l'ovaire, presque cylindrique; stigmate arrondi, pourpre, velouté; capsule oblon- gue-arrondie, longue d’un pouce, hexangulaire, à angles arrondis. — En- tre les aisselles des feuilles supérieures et des bractées foliacées naissent des bulbiles d’un brun noirître. Synonymie. — L. mcrmom. Bot. Mag., 1257. — Aït., Hort. Kew., NH, 2, 241. — Red. Lil., 595 et 475. — Roem. et Sch., Syst., VI, 406. — Kunth, Syn., IV, 259. - Loisl., Zerb. de l'Amat., t. NL. L. seeciosuw. Andrew., Rep., pl. 586. L. romronius. B Lour., Flor. Cochin., 257. L. siexse. Hortul. Kenran vulgo On: suni. Kaempf., Amoen., p. 871. Cette espèce, originaire de la Chine et du Japon (Sieb.), où on la trouve 40 MÉMOIRE cultivée pour sa beauté et son utilité, a été introduite en Europe, en 1804, par le capitaine Kirckpatrick, de la Compagnie des Indes orientales. Elle fut introduite, en 1807, dans les collections gantoises par Fr. Van Cassel, cultivateur-botaniste très-distingué. A1. Tesraceum. Tige de 4-6 pieds, droite, arrondie, glabre, brune dans sa partie in- férieure, verte à son sommet; feuilles éparses, sessiles, glabres, vertes en dessus, plus pales en dessous et garnies sur leurs bords d’un duvet blanchâtre; les inférieures largement lancéolées et pointues; les moyennes lancéolées; les supérieures linéaires-lancéolées, subverticillées; fleurs au nom- bre de 1-6, disposées en ombelle prolifere ; pédoncules érigés, longs de 3 pouces, glabres; corolles penchées; pétales roulés, larges, glabres, d’une belle couleur nankin, parsemés de petites taches d’un rouge orangé et munis à leur base de quelques papilles crêtées; étamines à filaments su- bulés, blanchâtres ; anthères lancéolées-oblongues; pollen d’un rouge- orangé; ovaire oblong, verdàtre; style cylindrique un peu plus long que les étamines; stigmate trilobé, violet et velouté ; capsule obovale, aplatie à son sommet, hexangulaire, à angles ailés. Synonymie. — L. resraceux. Lind., Bot. Reg., 1849, mise., n° 51.— Ejusd., Bot. Reg., 1844, pl. 14. — Paxt. Mag. of Bot., 1845, p. 221. L. excecsus. Hortul. L. 1sABEzLINUM. Kunze. L. »ereGrinun. Aort. Germ. (non Miller). Nous ignorons la vraie patrie de ce beau lis, mais nous ne pouvons ad- mettre l'opinion du professeur Lindley, qui le croit originaire du Japon et introduit par le D' Von Siebold, parce que, d’après le témoignage de ce savant botaniste, cette espèce lui était inconnue lors de son retour en Europe. M. Paxton, dans son Magaz. of Botan., vol. X, p. 221, dit qu'il n'y a rien de positivement connu concernant son introduction, quoi- qu'on la range au nombre des plantes récoltées par le D' Von Siebold. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 41 Sa grande analogie avec le L. Szovitzianum nous la fait croire originaire de la Russie. Elle est cultivée, depuis plusieurs années, en Belgique et nous est venue de l'Allemagne, d’où nos collègues, MM. Aug. Van Geert et L. Van Houtte l'ont introduite, en 1858, sous le nom de L. Peregrinum, et c’est de la Belgique qu'elle a passé en Angleterre. M. Fréd.-Ad. Haage, horticulteur à Erfurt, en Saxe, donne, dans la Gazette d'horticulture de Thuringe \, les détails suivants relativement à cette espèce : « [l y a environ huit ans que j'ai reçu de Harlem une collection » d'oignons de fleurs, parmi lesquels se trouvait un mélange de cin- » quante L. Martagon que je plantai dans une plate-bande, et comme il se » trouvait parmi eux de petites bulbes, je les plantai entre les autres. » L'année suivante, j'en remarquai un qui se distinguait beaucoup des » autres et que j'étiquetai. En automne, je le transplantai dans une autre » plate-bande destinée aux lis. Devenu fort, ce lis m'a donné des fleurs » l’année suivante. Un botaniste qui l'avait vu fleurir chez moi, se chargea » d'en remettre une fleur au professeur Reichenbach, à Dresde, pour la » comparer; mais aucune espèce décrite dans les ouvrages sur les lis ne » lui ressemblait. Une deuxième fleur fut envoyée à Erlangen, et de là » on m'informa que c'était le L. Peregrinum. Pendant ces deux années, » j'en avais multiplié beaucoup et mis dans le commerce sous ce nom. » Une grande quantité en fut envoyée en Belgique, où les superbes lis de » M. Von Siebold étaient très-recherchés, et on me payait aussi pour les » miens de 10 à 60 francs, suivant la force des oignons. Quelque temps » après, j'appris par un voyage en Belgique, quelles grandes affaires les » horticulteurs avaient faites avec ce lis et que c'était de ce pays qu'il » avait passé en Angleterre; il se répandait en même temps dans toute » VAllemagne. C’est une chose extraordinaire que j'aie reçu le premier ce » lis de la Hollande, et néanmoins je ne le trouve annoncé dans aucun » catalogue de ce pays. Tous leurs lis nous sont connus depuis longtemps. 1 Nachrichten über das Bekanntwerden des Lun excersux, extrait de l'Allgemeine Thürin- gische Gartenzeilung, Centralblatt für Deutschlands Gartenbau , redak. prof. D° Bernhardi, n° 50, Erfürt, 14 décembre 1844. Tome XIX. 6 42 MÉMOIRE » Lorsque M. Rinz père, horticulteur à Francfort s/M., vit en fleurs » le lis que je lui avais envoyé, il s’écria : Je vois là une vieille variété » de trente ans. Un jardinier de Leipzig se rappelait aussi l'avoir eu » dans son jardin il y a vingt-cinq ans, mais ni l’un ni l’autre ne pou- » vaient se souvenir du nom. M. le professeur Kunze l’a appelé L. Isabel- » linum. » M. Haage croit cette espèce une hybride du lis blanc et du lis rouge (L. Candidum et L. Croceum) ; certains horticulteurs hollandais la regar- dent comme une variété dégénérée du L. Martagon , et citent en faveur de cette opinion, les nombreux exemples de dégénération des Jacinthes, Tulipes , Iris, Crocus et Gladiolus. Le Gladiolus ramosus Horrur., serait, selon eux, une dégénération du G. floribundus JacQ., assertions du reste contestables. Quel que soit le lieu de son origine, c'est un des plus beaux lis que l’on trouve dans les collections. 49. SzoYITZIANUM. Tige de 2!2-5 !/2 pieds, droite, sillonnée et très-feuillue; feuilles éparses, nerveuses, largement lancéolées, glabres en dessus, plus pâles et velues en dessous, et bordées de poils blancs : les inférieures ovales-obtuses; fleurs au nombre de 1-8, disposées en rameau; pédoncule glabre, un peu pen- ché, garni à sa base de deux bractées qui sont toutes les deux de la même longueur que le pédoncule : l’une ovale-lancéolée, Vautre lancéolée; corolles penchées, cyathiformes-campanulées ; pétales un peu roulés, lancéolés, longs de 2 12 pouces, glabres, d’une belle et brillante couleur de cire et parsemés de petits points d’un pourpre foncé; étamines quatre fois plus courtes que les pétales, exsertes ; anthères droites, rousses; pollen rouge- vermillon ; style deux fois plus long que l'ovaire, dépassant en longueur les étamines après la fécondation; capsule longue de 1-1 1/2 pouce, ovoïde, sexangulaire, à angles non ailés. Synonymie. — L. Szovrrzranum. Fisch. et Avé, Lall. in Animadv. Bot., décembre 1859, p. 16. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. 43 D'après le D° Fischer, cette espèce a beaucoup de rapports avec le L. Monadelphum de Bies. Elle est originaire de la Colchide, d’où M. Szovitz lui envoya les bulbes. Ce lis est très-rare dans les collections et n’a pas encore fleuri en Belgique. 45. Monanezruu. Tige de 5 2-5 12 pieds, droite, arrondie, glabre; feuilles éparses, sessiles, lancéolées, glabres, vertes en dessus, pubescentes en dessous, ainsi qu'en leurs nervures et en leurs bords, diminuant insensiblement de longueur jusqu'au sommet de la tige : les inférieures larges et lancéolées, les supérieures linéaires-lancéolées; fleurs au nombre de 1-27, disposées en panicule; pédoncules glabres, garnis à leur base de deux bractées : Vune lancéolée, Vautre subulée; corolles penchées, campanulées , glabres, un peu réfléchies, jaunes; étamines à filaments soudés à leur base ; anthères oblon- gues, safranées; pollen jaune; style ne dépassant jamais les étamines en longueur ; capsule courte, arrondie, hexangulaire , à angles ailés. Synonymie. — L. monanecenu. Bieb., F1. cauc., 1, p. 267. Id. Suppl., 262. — Id. Cent. pl. ros., I, pl. 4 (exclus. Syn. Gawl., Bot. Mag., pl. 1405). Roem. et Sch., S., VIE, 415. — Fisch., Meyer et Avé, Lall. in Animadv. Bot., décembre 1839, p. 15. — Kunth, Syn., IV, 260. L. ORIENTALE LATIFOLIUM, FLORELUTEO MAxIMO oporarissimo, Tourn. Corol., 25. ?8 CAULE UNIFLORO, FOLIS REMOTIORIBUS, PATENTIORIBUS, SUMMIS VERTICILLATIS. Stev. Cette belle et rare espèce de lis est originaire du Caucase, où elle a été observée par le professeur Bieberstein. La variété citée par le botaniste Steven, comme originaire de la Géor- gie, se rapporte, croyons-nous, à l'espèce suivante. 44. Loppicesranum. Tige de 2-5 pieds, droite, arrondie, glabre; feuilles nombreuses, épar- ses, sessiles, très-rapprochées, quelquefois presque verticillées, ovales- 44 MÉMOIRE lancéolées, légèrement obtuses, nerveuses , glabres en dessus, plus pàles et pubescentes en dessous, particulièrement sur les bords et les nervures, diminuant à mesure qu’elles approchent du sommet de la tige; fleurs au nombre de 1-5, disposées en panicule; pédoncules droits, deux à trois fois plus courts que la fleur, garnis à leur base d’une bractée ovale-lancéo- lée; corolles penchées; pétales glabres, roulés : les intérieurs plus larges, d’une belle couleur jaune et parsemés de petites taches oblongues d’un pourpre noir; étamines à filaments soudés jusqu'à la hauteur de l'ovaire, d’un quart plus courtes que les pétales; anthères oblongues; pollen jaune; ovaire trois fois plus court que le style, arrondi, trigone, à six stries ; style triangulaire, verdätre, de même longueur que les étamines; stigmate elliptique-ovale. Synonymie. — L. Lorvicesiaxun. Roem. et Sch., Syst., VIF, 416 in adnot. — Kunth., Syn., IV, 261. L. voxanecenum. Gawl., Bot. Mag., pl. 1405. — Sert. Bot., vol. I. Originaire de la Russie, selon Loddiges , et du Caucase, selon Gawler. L'introduction de cette espèce date de 1800, époque à laquelle les graines en furent envoyées de leur pays natal, à MM. Loddiges, en Angleterre. Nous l'avons vue fleurir en 1845, dans le jardin de M. Ch. Goethals, amateur distingué d’horticulture. ADDITIONS. N° 6. L. Brown. Annal. soc. royal d'Agric. et de Bot. de Gand, Y, pl. 41. N° 44. L. convicestanum, Annal, soc. royal. d'Agrie. et de Bot. de Gand, W, pl. 55. SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. Lilium affine. Roem. et Sch. album. Bauh. andinum. Nutt. . . angustifolium. Mill. angustifolium. Catesb. atrosangquineum. Hort, aurantiacum. Sieb. . autumnale. Lodd. Batisua. Hamilt. . bysantinum. Swerts. Broussartii. Morr. Brownii. AÆortul. bulbiferum. Zinn. . . . bulbiferum. Thunb. Trans. bulbiferum Thunb. Jap. bulbiferum. &. Red. . bulbiferum 8. Pers. bulbiferum B. Gawl. bulbiferum y. Ait. bulbiferum. J. Red. buschianum. Lodd. callosum. Sieb. et Zucc. camschatcense. Linn. canadense, Linn. canadense. Thunb. . canadense z B Y. Hook. canadense B. Red. candidum. Linn. . candidum. Thunb. candidum B. Linn, candidum %. Linn. . carniolicum, Bernh. . carolinianum, Michæ. , 45 TABLE ALPHABETIQUE DES ESPÈCES. . L, Paces. Paces. 25 Lilium Catesbæi. Wall... 25 8 | Catesbæii. Mort. Bouch. 19 26 chalcedonicum. Zinn. 32 On chalcedonicum. M. et K. 55 MAR chalcedonicum 8. Gmel. 51 20 | concolor, Salisb. . 99 JU | CONCOIO Ts LIRME AOPUFANENNENNUR 1b. 229111 cordifolium. Thunb. . . . . . . . 15 110) cordifolium. Don. . . . . . . 16 da croceum. Berbn. . 18 56 | croceum. Fuchs. +. 4. 0. 17 41221 davuricum. Gawl. eg À . 16 | excelsum. Hort. 40 20 | eximium. Court. . à 14 24 | eximium. Hort. (Sec. Zucc.) 56 + 18 flavum. Lamk. 51 s Thu 2] fulgens. Morr. 19 17. fulgens 2. Hort. . 20 Fi | glabrum. Spreng. 27 20 giganteum, Hall. . ., 15 085 humile. Fisch. 18 54 humile. Mill. . 16 24 hirsutum. Mill. 26 . 24 imperiale. Rodb. . 14 . 90 isabellinum. Kunz. 40 27 | japonicum. Thunb. . 11 Ib. | Jjaponicum. Hort. 12 ‘f lancifolium. Hort. Bouch. . Cu (FE 15 | lancifolium album. Mort. . . 56 9 | lancifolium punctatum. Hort. + Ib: Brel lancifolium rubrum. Mort. . . 1. 35 lancifolium, Thunb. . . . . 24 29 lancifolium, Link. . . … . , 17 24 | linifolium. Hornem., , . . , 54 carolinianum. Catesb. . 46 MÉMOIRE SUR LES ESPÈCES DU GENRE LIS. Paces, Lilium loddigesianum. Roem. et Sch. . . . 45 longiflorum. Thunb. . . . . . . 15 longiflorum. Wall. . . . . . . . 14 longiflorum 5. Bot. Reg. . . . . - 4b. longiflorum. Hort. . . . . . . . 1b. longiflorum y. Sieb. . . . . . . 1b. maculatum. Thunb.. . . . . . . 50 Martagon. Linn. . . . . . . : 26 Martagon. Walt. . . . . . . + 29 michauzianum. Roem.etSch. . . . Zb. Michauœis. Poir. . . - . .… . Ib. Millerii. Schult. . . . . . . . . 26 monadelphum. Bieb. . . . . . . 45 monadelphum. Gawl. . . . . . . 44 nepalense. Wall. . . . . . . . 10 penduliflorum. Red. . . + + . : 27 penduliflorum. Hort. Cels. . . . . 28 pendulum. Æort.. . . . .: . + . Ib. pensylvanicum. Gawl. . . . - . « 19 peregrinum. Müll. . . . . . . . 8 peregrinum. Hort. Germ. . . . . : 40 philadelphicum. Hort. Berol. . . . . 19 philadelphicum. Zinn. . . . . . . 25 philadelphicum. Thunb. . . : . . 20 philadelphicum 8. Hook. . . . . . 26 polyphyllum. Royl. . . . . . . . 59 pomponium. Linn. . . . . - . . 50 pomponium z.Gawl. . . . . . . 51 pomponium 3. Gawl. . . + - : : Ib. pomponium a. Lour. . + + «+ + : 39 pomponium B.Lamk. . . + + . . 50 pomponium a. Lamk. . . . . . . 51 pomponium. Thunb. . . . . . . 54 pubescens. Bernh. . . + + + . 18 ? pudicum. Pursh. . . + + + . 25 pulchellum. Fisch. . . . + + . 22 pumilum. Hort. Bouch. . . - + : 18 pumilum. Red. . . . . + + + : 54 Lilium pyrenaïcum. Gouan. quadrifoliatum. Meyer. roseum GB. Wall. . rubrum. Lamk. scabrum. Moench. sibiricum. Willd. sinense. Hort. speciosum. Andr. speciosum. Thunb speciosum albiflor. Hook. . . speciosum æ. Sieb. et Zucc. . speciosum GB. Sieb. et Zuce. speciosum 7. Nob. Hort. speciosum d. Sieb. spectabile. Fisch. spectabile Linck. spectabile. Salisb. superbum. Zinn. . superbum GB. Hort. . . «+ . superbum G. Red. . . . . superbum. Tunb. sylvestre. Dodon. . szovitzianum. Fisch. tenuifolium. Fisch. tenuifolium 6. Hort. Germ. testaceum. ZLindl. . + . . thomsonianum. Lindl. . . . thunbergianum. Roem. et Sch. thunbergianum &. Sieb. thunbergianum ©. Sieb. thunbergianum. Morr. . tigrioum. Gawl. . . . . umbellatum. Pursh. . uniflorum. Hort. Angl. venustum. Aort. Berol. . . versicolor. Kaempf. . verticillatum. Willd. wallichianum. Roemr. et Sch. FIN. MÉMOIRE SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE CONSIDÉRÉE SOUS LE RAPPORT ÉTYMOLOGIQUE, PAR M. Auc. SCHELER, DOCTEUR EN PHILOSOPHIE, BIBLIOTHÉCAIRE-ADJOINT DE S. M. LE ROI DES BELGES, AGRÉGÉ DE L'UNIVERSITÉ DE LIÉGE. (Présenté à l'Académie royale le 5 avril 1845.) Toue XIX. À INTRODUCTION. On a beaucoup écrit sur les origines de la langue française, comme langue indépendante et littéraire. Les Bonamy, les Lebeuf, les Barbazan, les Duclos, les Raynouard et autres ont publié des traités savants et des mémoires d’une érudition profonde et vaste sur la corruption, la dégra- dation successive du latin, et ont démontré, avec plus ou moins de suite, l'existence des principaux caractères de nos idiomes néo-latins dans la langue latine même, telle que la masse du peuple la parlait, telle que l'écrivaient les auteurs des derniers siècles de l'empire, et telle que la faconnaient les provinciaux illettrés. Des investigations sérieuses ont dé- truit les systèmes illusoires qu’avaient établis les Étienne, les Picard, les Périon sur l'origine de la langue française et sur les affinités avec la langue hellénique; et lon peut se glorifier aujourd’hui de posséder des données certaines tant sur la généalogie de ses termes que sur les lois qui ont présidé à son organisation grammaticale et syntaxique. En dehors de la science linguistique et dans un intérêt historique ou littéraire, les Guizot, les Hallam, les Villemain, les Ampère, etc., ont consacré des pages lumineuses à retracer et à développer les faits essentiels qui carac- térisent la naissance de la langue romane ou romance, des débris d’un latin dégradé et défiguré. INTRODUCTION. rs Mais, malgré ces progrès, l’étymologie française, ou, en d’autres termes, la science de la formation successive ou de la génération des mots fran- çais et de leurs inflexions grammaticales n’a point encore atteint le degré de solidité que l’on est en droit d'attendre du mouvement considérable qui s’est opéré dans les investigations philologiques. Les travaux entrepris par Du Fresne, par Ménage, par Caseneuve et par d’autres lexicographes et grammairiens, depuis Nicot jusqu’à Roquefort et Nodier, ne peuvent satisfaire celui qui ne se contente pas d’étymologies vagues et hasardées , souvent devinées plutôt par un effort d'imagination que démontrées; et qui exige avant tout une exposition claire et convaincante, un dévelop- pement rationnel des assertions étymologiques. Nul doute que l’ardeur avec laquelle, dans presque tous les pays, les antiquités littéraires et monumentales sont étudiées, et qui a fait exhumer et publier une foule de trésors scientifiques, appartenant à un âge reculé, nul doute, disons-nous, que cette ardeur n'ait servi à éclaircir à un haut degré les questions pendantes de la linguistique, et que l’étymologiste d'aujourd'hui ne doive, en considération des matériaux accumulés, excu- ser les aberrations et la légèreté des philologues d'autrefois. La somme des connaissances acquises par les recherches de la philologie moderne, dont la profondeur égale l'étendue, a répandu des lumières dont les Étienne et autres, nonobstant leur grand mérite littéraire, étaient natu- rellement privés. Ce qui étonne pourtant, c’est qu'aucun philologue français ne se soit livré jusqu'ici, dans un travail solide et spécial, à la fixation des lois qui ont présidé au passage du latin à la langue romane. Les études ana- logues , déjà faites sur le domaine des langues germaniques et les progrès de la grammaire comparée en général auraient dû porter à l’accomplisse- ment de cette tâche. Beaucoup d’écarts de nos plus célèbres philologues auraient pu être évités, si l’on avait étudié la filiation des lettres latines, INTRODUCTION. bo) le procédé physique de la décomposition des mots primitifs. Nodier, dont personne ne conteste le génie, n'aurait pas sérieusement avancé, par exem- ple, que le verbe écouter, qui sonne acouter en patois, est encore un des débris helléniques, répandus çà et là sur le territoire de la Gaule, et qu'il dérive directement d’éxew. Le célèbre académicien ignorait-il donc l’exis- tence du verbe auscultare, devenu, d’après le mode ordinaire des transfor- mations romanes, ascoltare en italien, escout en provençal, et enfin escul- ter, escouter, écouter en français. Il fallait que la docte et laborieuse Allemagne vint s'imposer la besogne dont nous parlons. Elle le fit avec cette profondeur, cette sévérité et cette persévérance qu'on lui connaît !. Un seul travail, immense et ingrat à raison mème de cette immensité, peu propre à le faire apprécier avec justice, un seul travail a résumé, mais systématiquement et à la hauteur de la science actuelle, tout ce qui jus- qu'ici avait été avancé, supposé, deviné sur la formation des langues mo- dernes d’origine romaine. Il embrasse dans ses trois volumes, les langues italienne, espagnole, portugaise, walaque, provençale et française, et les traite toutes avec une force égale, tant sous le rapport des divers éléments qui ont concouru à leur formation lexigraphique, que sous celui de leur structure grammaticale. C’est, en effet, l'histoire synoptique du dévelop- pement de chacune des langues indiquées, basée sur des exposés préli- minaires de la décadence du latin, et des lois qui se laissent apercevoir dans la transformation romane des voyelles et des articulations latines. 1 « Les formes grammaticales du vieux langage français n'ont pas été jusqu'ici l'objet d'un traité complet, d'un travail homogène et suivi. Soit que le sujet s'y prête difficilement, soit que l'état de nos connaissances ne soit pas assez avancé, il n'en est pas moins vrai que nul ouvrage ne mérite encore, d'une manière absolue, le titre de grammaire de la langue d’oil ou de la langue d'oc. Il est singulier que les savants étrangers se soient plus occupés de cette matière que ceux de la France, et que leurs œuvres aient fourni plus de matériaux à Fallot que celles de ses compatriotes. » (Francis Wey, Étude sur la lanque française, à propos de l'ouvrage posthume de Fallot. Bmuiornèque ne L'ÉCOLE DES CHARTES, 10m. 1, p. 465.) 6 INTRODUCTION. L'ouvrage allemand, auquel nous faisons allusion, est intitulé : Gram- matik der romanischen Sprachen, Bonn, tom. [, 1856; tom. II, 1858; tom. III, 1844, et a pour auteur M. Frédéric Diez, professeur à l'Uni- versité de Bonn. Appuyé sur l'autorité de cette grammaire, qui est le fruit d’une longue expérience, nous avons traité, dans un travail spécial, dont nous avons offert le manuscrit à la Société des sciences, lettres et arts du Hainaut, les transmutations des sons latins dans la formation du roman-wallon ou du français actuel. Ce sujet nous avait préoccupé depuis longtemps, et nous avons été heureux de pouvoir mettre quelques-unes de nos obser- vations sous la protection d’un savant distingué. Éclairé sur un fait fondamental, qui doit être le point de départ de toute recherche ultérieure dans la sphère de la linguistique française, nous nous sommes appliqué à l'étude étymologique des principales par- ties de la grammaire. Nous lavons commencée par le verbe, l'élément vital du discours, et par là même susceptible des formes les plus va- riées !, C’est le résultat de ces recherches que nous soumettons à la bien- veillante attention de l’Académie. Pour traiter au complet la question que nous avions ainsi posée : Quelles sont les modifications que la langue romane en deçà de la Loire (langue d'oil) et la langue française actuelle ont fait subir à la conjugaison latine? il fallait non-seulement explorer une grande partie des monuments de la langue française, depuis sa première apparition dans les fameux serments de 842 jusqu'à sa régularisation par l'Académie, mais il s'agissait aussi d'étudier les anciens et les nouveaux traités qui ont paru sur les formes grammaticales du vieux français. Nous l’avouons franchement, nous som- mes, sous ce rapport, loin d’avoir atteint à la maturité parfaite, pour oser 1 Les Chinois eux-mêmes ont donné au verbe la dénomination caractéristique de ho-tseu, mot vivant. INTRODUCTION. j' émettre, sous notre responsabilité, un exposé étymologique du verbe fran- çais. Mais, d’un côté, en adhérant au système établi par M. Diez, système que nous ne voulions que constater par nos propres investigations, nous avions pour nous une autorité de premier ordre en linguistique romane; d'un autre, nous préférions procéder librement sur une route que nous ne pouvions nous refuser à suivre, et ne pas trop accorder de temps et de méditation à cette foule d'idées émises sur notre sujet, et dont la moin- dre partie nous paraissait se présenter avec le cachet de compétence en matière linguistique. Voici, du reste, les ouvrages sur lesquels notre étude s’est principalement fixée et d’où nos propres citations sont tirées. Outre les serments de 842, le chant d'Eulalie (publié par MM. Wil- lems et Hoffmann de Fallersleben) ! et quelques autres morceaux épars de littérature ancienne, nous avons voué une attention particulière à la publication de M. Le Roux de Lincy, renfermant les Quatre livres des Rois, le livre de Job, le choix de Sermons de saint Bernard ?, à la Chronique rimce de Philippe Mouskes, que M. de Reïffenberg a mise au jour et accompagnée de divers fragments en langue romane, aux Jongleurs et Trouvères, ou choix de saluts, épîtres, rêveries el autres pièces légères des XIIT et XIV' siècles, pu- blié par M. Achille Jubinal 5, ainsi qu'aux œuvres de Rutebeuf, mises au jour par le même #, Nous avons également lu, quoiqu’elles ne concernent pas la langue wallonne, les grammaires romanes inédites du XI: siècle et la savante introduction de M. Guessard, qui les accompagne, dans le tome 1° de la Bibliothèque de l'école des chartes. Quant à l'ouvrage remar- quable de M. Fallot, Sur les formes grammaticales de la langue française et de ses dialectes au XIIT siècle, nous ne le connaissons que par quelques cita- 1 Elnonensia. Gand, 1837, 34 pag. gr. in-8°. 2 Paris, 484. Ce volume fait partie de la Collection des documents inédits sur l'histoire de France, publiés par ordre du roi. 3 Paris, 1835. 4 Paris, 1839, 2 vol. in-8°. 8 INTRODUCTION. tions étendues et par l'analyse qu’en a faite M. Francis Wey, dans le volume cité de la Bibliothèque de l'école des chartes 1. La grammaire du vieux roman (Alt- franzoesische Grammatik), composée par M. Orelli, pro- fesseur et bibliothécaire à Zurich, ayant été mise à profit et fréquemment citée par M. Diez, ne nous était plus rigoureusement nécessaire. L'Histoire des langues romanes, par M. Bruce-White ?, nous a suggéré çà et là quel- ques précieux détails, mais n’était nullement propre à jeter un grand jour sur la question linguistique qui nous occupe. Comme nous l'avons déjà fait entendre, au lieu de poursuivre notre tâche à nous seul et de travailler à découvrir un système original, auquel nous puissions assujettir nos observations, nous avons jugé à propos et plus digne d’un débutant, de renoncer au mérite de l'originalité et de suivre la marche prescrite par le professeur allemand. M. Diez, en effet, a fait connaître avec précision les caractères distinctifs de la conjugaison ro- mane et rangé sous des divisions générales les conjugaisons diverses de chaque idiome en particulier, qui, du reste, correspondent entre elles, et le mérite de son ouvrage est encore rehaussé par cette méthode synopti- que qui lui a permis, en comprenant dans un même travail toutes les langues de souche romaine, de poser des vérités qui se soutiennent et se complètent mutuellement. Cependant, malgré notre soumission à une capacité supérieure, les pages qu'on va lire sont loin d’être une imitation littérale, une reproduc- tion française d’un livre étranger. Nous nous sommes placé dans la même situation que l'historien qui s'empare avec empressement des faits avan- cés ou d’une théorie défendue par quelque devancier. Avant de les con- stater, il les examine scrupuleusement à son tour, combinant ses propres ! Paris, 1839, 4 vol in-8°. La partie, du reste, qui a trait à notre sujet, repose elle-même sur l'étude préalablement faite par M. Orelli, devancier lui-même de M. Diez. 2 Paris, 1841, 5 vol. gr. in-8°. INTRODUCTION. 9 vues et les documents qui lui appartiennent , avec l'argumentation et les documents étrangers, et ce n’est qu'après les avoir pesés et vérifiés qu'il les adopte, les entoure des appuis que lui fournit sa propre expérience, et les reproduit sous une forme plus ou moins modifiée, avec plus ou moins de développements. Nous avons divisé ce travail en deux parties d’une étendue inégale. La première renferme des faits qui concernent la conjugaison romane en général, et qui sont communs à toutes les langues dérivées du latin; ce- pendant, c'est principalement sur la langue française que nous les avons démontrés. La seconde fait connaître l'organisation spéciale de la conju- gaison française, les traits particuliers qui la distinguent. La citation de mots pris dans quelques idiomes collatéraux du français nous à paru in- téressante et utile à la fois, et nous en avons fait un fréquent usage. Tome XIX. 2 PREMIÈRE PARTIE. DES CARACTÈRES DE LA CONJUGAISON NÉO-LATINE EN GÉNÉRAL. 81. Il ne faut pas un examen bien approfondi de la langue française et des langues homogènes pour se convaincre que l'organisme latin a pré- valu dans la contexture du verbe de ces langues, et que la flexion latine s'y retrouve avec plus ou moins d’altérations; altérations conformes au génie particulier de chacune d’elles. L’on y rencontre bien quelques prin- cipes nouveaux, quelques combinaisons particulières, et surtout ce pro- cédé analytique, ce système de temps composés qui caractérise la plupart des idiomes modernes. Mais encore, ces combinaisons nouvelles, ces formes explicites de nos conjugaisons ont leurs antécédents dans la langue mère et sont une conséquence naturelle de la progression des langues. « Une langue synthétique, comme l'appelle M. de Schlegel, une langue qui ne procède point par des moyens simples, analogues aux besoins rigou- reux des idées, mais qui, dans sa construction habilement systématique , offre des cas nombreux, des désinences variées, des verbes multiples dans leurs temps et dans leurs modes, des inversions prolongées, une syn- taxe artistement combinée, une langue ainsi faite, à son plus beau pé- riode, est susceptible d’une grande perfection oratoire et poétique. Mais sitôt que la barbarie et l'ignorance viennent le heurter, ce magnifique 12 MÉMOIRE édifice doit rapidement se dégrader et se détruire. Pour changer la com- paraison, c’est un instrument musical, délicat, compliqué, qui ne pouvait être touché que par un artiste, et qui se dérange ou se brise sous des mains grossières et maladroites. » Ce lumineux passage, que nous em- pruntons au Cours de littérature de M. Villemain , explique fort bien et justifie en quelque sorte les nombreuses altérations qu'a dû faire subir le génie moderne au langage sublime de Virgile. L'illustre académicien développe cette pensée, quelques pages plus loin, en disant : « La langue latine était en quelque sorte de son vivant exposée à mille altérations, qui tenaient à la perfection même de sa contexture primitive. De plus, il y a dans les langues et dans l'esprit de lhomme un travail continu qui s'opère. Ce n’est pas, sous tous les rapports un perfectionnement in- défini, mais c’est une tendance progressive à la clarté, à ordre, à la mé- thode. De là résulte ce que M. de Schlegel nomme le caractère analytique des langues. À ce sujet il explique, comment même des idiomes qui n'ont pas subi l'influence de la conquête et qui n’ont pas été déplacés de leur territoire ont, par la marche naturelle de l'esprit humain, quitté les formes savantes de la grammaire synthétique, et pris les formes plus simples, plus claires, plus directes de la grammaire analytique. » La théo- 1 Deuxième leçon. Paris, 1850, vol. I, p. 49. Nous ne pouvons passer outre, sans rappeler les judicieuses paroles de M. l'abbé Chavée, dont s’honore la Belgique. Elles considèrent la décom- position des langues mères sous le point de vue matériel, mécanique. « Tant que l'homme conserve une juste idée de l'organisation des mots, tant qu'il aperçoit le rapport intime des sons de la racine avec la sensation dont ils sont l'écho, tant qu'il apprécie les valeurs des préfixes dans la compo- sition et celles des désinences dans la dérivation, la déclinaison et la conjugaison, l'homme pro- nonce bien, il prononce tout. Il sait comment chacun des éléments constitutifs du mot concourt pour sa part à la manifestation complète de son idée. Il a du respeet pour les formes orales comme pour le beau produit de l'intelligence humaine. » Mais à mesure que l’homme désapprend à penser, il désapprend à parler. Comme il ignore les lois qui ont présidé à la formation des termes qu'il emploie, les mots ne sont plus pour lui que des signes arbitraires et de pure convention. On le voit alors sacrifier la vérité d'expression aux caprices de son oreille, et éliminer du mot lui-même des articulations essentielles. Trop souvent la longueur d’un mot lui est fastidieuse, il faut qu'il le contracte, c'est-à-dire qu'il le mutile, qu'il le détruise. Bref, altérations de consonnes caractéristiques, altérations de syllabes entières, rien ne coûte à l'homme qui ne sait comment ce qu'il dit exprime ce qu'il veut dire. » ( Essai d'éymologie philosophique, p.51 et suiv.) C'est là, en peu de mots, tout le principe de la décomposition du latin. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 15 rie du verbe français, considéré sous le point de vue de la manifestation verbale de l'idée, ne pourrait être exprimée d’une manière plus succincte et lucide à la fois. Mais notre travail porte plutôt sur l'examen de l'origine historique ou extérieure des formes qui nous restent. Si nous comparons avec attention et en appliquant les principes les plus manifestes des transmutations phonétiques qui caractérisent le fran- ais, si nous comparons, disons-nous, la conjugaison latine avec celle du français, et surtout de l’ancienne langue d’oil, nous obtiendrons sans peine les résultats suivants : 1. Le présent | 2. L'imparfait , de l'indicatif. 5. Le parfait . L'impéralif. . Le présent ) 6. Le plus-que-parfait | 7. Le présent de l'infinitif. 8. Le présent du participe, et enfin , dans une tournure unique (en chantant) : 9. Le gérondif. = (Sd du subjonetif. de l'actif latin se sont maintenus, quoique sous des formes altérées, mé- connaissables, et même aux dépens de leur valeur primitive; en somme, des dix-sept temps latins, neuf sont passés dans la conjugaison française. Nous voyons disparaître : 4. Le plus-que-parfait de l'indicatif ?. Les deux futurs *. . L'imparfait Le parfait Le passé de l'infinitif. Le futur du participe. Le supin. ol Lo du subjonetif. CS AUS 1 Le plus-que-parfait s'est conservé dans les langues espagnole, portugaise et provençale, dans les formes cantara, cantera, mais avec une signification de futur. Le mot auret, que nous avons rencontré au vers 2 du chant d'£ulalie, n'est-il pas une forme romanisée de kabuerat? La substi- tution des sons doux ou aspirés, v ou u à p ou b, est un fait ordinaire. Cf. les futurs aurai, saurai, les terminaisons d'adjectifs en aule pour abilis, si fréquents dans saint Bernard. ? Une trace du futur simple se trouve dans le vieux français ero, ert ou tert. 14 MÉMOIRE L'usage de ce dernier, auquel nous ajoutons le gérondif, puisque son emploi n’est restreint qu'à une seule locution, a été aboli dans les langues modernes; l’un et l’autre ont été remplacés par l'infinitif !. Les autres temps ont été rendus au moyen de verbes auxiliaires. Mais en dehors de cette ten- dance générale et caractéristique des idiomes néo-latins à revêtir les temps passés et futurs de formes analytiques, il est probable que des consi- dérations accessoires ont motivé, dans certains cas du moins, l’intro- duction des auxiliaires. Nous pensons que la configuration littérale de quelques terminaisons temporelles offrait un tel caractère, que la roma- nisation aurait facilement amené une coïncidence fâcheuse avec d’autres et la perte du cachet individuel qui leur était primitivement empreint. Ainsi, par exemple, les désinences cantaram, cantarem , cantarün ne sont pas assez distinctes pour l'oreille, pour se romaniser chacune d’une manière caractéristique suffisamment marquée. Cantabo se rapproche bien trop de cantabam, dont la finale m était contraire déjà au latin vulgaire; et la coïn- cidence de audiam futur et de audiam présent du subjonctif s’opposait à la clarté et à la simplicité que recherchait le génie moderne. Le système des verbes auxiliaires, soit qu'il fût basé sur des données romaines, ou qu'il fût le résultat des invasions gothiques et tudesques, ayant une fois envahi la conjugaison romaine, on s’empressa naturellement d’éloigner, par cet expédient, tout ce qui ne cadrait pas avec cette tendance vers des formes marquées, non ambiguës, tendance motivée, pour une large part, et surtout pour le français, par l'effet de la décomposition matérielle des mots primitifs. Exprimer par des verbes spéciaux, combinés, soit avec le participe du passif (l'unique reste de cette voix), soit avec l'infinitif, ce que la langue primitive exprimait par des flexions, voilà, nous le répé- tons, la grande et importante innovation du langage moderne. Consultons encore une fois sur ce fait, les lucides enseignements du litiérateur distingué que nous avons cité plus haut et qui le signale comme la plus grande révolution qui se soit opérée dans la syntaxe de- 1 Macrobe (Sat. vi, 1) cite un vers de Lucrèce : Ad sedare (pour sedandum ou am) sitim fluvii fontesque vocabant. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 15 puis les Grecs et les Romains. « Non-seulement le verbe avoir, dit-il, mais acception singulière qu’il a prise dans nos langues modernes, dérive du latin; elle y était rare , peu apparente , peu nécessaire , suppléée par d’au- tres modifications ingénieuses et variées ; elle y était cependant. On a re- marqué plusieurs phrases latines où le verbe habere, construit avec un participe, a précisément la même place et la même force que le verbe avoir dans nos langues modernes. Urbem, quam parte captam , parte dirutam habet, disait Tite-Live, la ville qu'il avait prise en partie, en partie détruite. Praemisit omnem equitatum, quem ex omni provinciu coactum habebat, etc. De Caesare satis dictum habeo, j'en ai dit assez sur César. Là, certainement, il n’y a pas la possession exprimée, on ne possède pas ce que l’on a dit. » Nous ajouterons à ces exemples les suivants, tirés de Cicéron : Habeo perspectum, cognitum; bellum dis indictum habuit; quae habes instituta. L'on voit clairement ici que le verbe habere a perdu sa fonction primitive, qui est d'exprimer un rapport de possession, d’inhérence entre le sujet et l'objet; qu'il est revêtu d’une acception secondaire et devenu un simple moyen formel pour désigner une relation vague entre le sujet et l’at- tribut de l’objet rendu par le participe. En d’autres termes, le participe fournit l’idée verbale, l’auxiliaire la modifie d’après les rapports de temps, de mode, de nombre et de personne. Et l’cu sait quelle heureuse influence ces auxiliaires modernes ont exercée sur la clarté et la précision de la pensée par la création de nouveaux temps, étrangers à la langue originale 1, Du reste, cette valeur purement formelle de habere n’est pas une innova- tion arbitraire, mais bien la conséquence de la signification, de la véritable nature de ce verbe. En disant habeo peractum opus , Jai achevé l’œuvre, je m'attribue l’achèvement, l'accomplissement de l'œuvre, comme je n''attribue 1 Je n'ai pas besoin de rappeler l'emploi correspondant du verbe allemand haben (autrefois aussi cigan) dans les idiomes germaniques, ainsi que la locution grecque-moderne +è yo veypapuise, pour je l'ai écrit. Les Espagnols et les Portugais emploient également dans un sens analogue l’an- cien tenere des Latins. Voyez sur la combinaison du verbe £yo avec le participe actif dans l'an- cienne langue des Grecs, nos observations dans notre Commentaire sur l'OEdipe Roi de Sophocle. Bruxelles, 4845, ad v. 557, p. 107 et suiv. 16 MÉMOIRE l’œuvre, je m'en déclare possesseur, en disant simplement habeo opus. L'é- colier déjà connaît la tournure est mihi aliquid pour habeo aliquid ; il en résulte nécessairement que est mihà dictum (il a été dit par moi) peut être remplacé par habeo dictum , ne füt-ce que par une analogie purement :ex- térieure. Le participe passif, dans la circonlocution dontl s’agit, affectant comme attribut non le sujet, mais l'objet, le régime direct, lon conçoit facile- ment l'accord que prescrivent nos grammaires ‘entre Je participe.et le régime, sous le rapport du nombre et du genre; si toutefois ce régime est connu, c'est-à-dire, s’il précède le participe. Le participe passé cependant remplit également les fonctions du participe déponent(comitatus sum ), et dépend alors naturellement du sujet : elle est venue; ils sont tombés: 1: Cette signification nouvelle du verbe avoir est même allée jusqu'à l'assi- milation entière au verbe être. Le Français dit j'ai été} quand V'Italien:s'ex- prime sono stato, et l'Allemand ich bin gewesen, les Espagnols disent'he céaido, he muerto, où nous disons je suis tombé ; mort !. Mais cette substitution de habere à esse, ou, pour mieux désigner ce fait, cette acception neutre, in- transitive de habere est également d’une date bien ancienne. Plaute, dont le langage a dû assez fidèlement refléter celui de la so- ciété ordinaire, écrit : qui istic habet pour qui est là? Les locutions classiques bene habet, #d6e eye? sont à tort expliquées par l'omission d’un pronom ré- fléchi. Habere, selon nous , indique ici une disposition, intérieure ou exté- rieure par suite de ce que l’on sent, l’on éprouve; ou dans sa plus simple expression, l’on 4; et il se confond ainsi avec esse: véritable expression de toute existence, de'toute manière d’être: De cette question de principe, passons aux faits mêmes. Nous distinguons deux espèces de compositions présentées d’abord par 1 Les Assises de Jérusalem présentent encore la combinaison : il fut été. 2 Voy.la Grammaire grecque de Matthiae, $ 607. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 17 le verbe actif : celles qui ont pour éléments constitutifs le participe passé et le verbe avoir à ses différents temps, et celles formées par linfinitif présent joint au présent et à l’imparfait du verbe avoir. La première ne produit que des temps passés, et se présente sous une forme disjointe, qui s'explique, étymologiquement, au premier abord. Il n’en est pas de même de la seconde, affectée seulement au futur simple et au soi-disant condi- tionnel présent. Elle se distingue de l’autre par sa forme complexe, par la fusion de ses deux parties. D'après la théorie ou une rigoureuse analogie, l'on s’attendrait, pour la formation analytique du futur, plutôt à la périphrase habeo cantandum (par- ticipium futuri), qui serait conforme à celle du passé habeo cantatum (parti- cipium praeteriti). Mais, d'un côté, cette terminaison axpum, qui découle du gérondif, a été éloignée du roman, probablement par sa quasi identité avec le participe présent; d’un autre, la syntaxe latine offrait un expédient plus simple et mieux applicable en roman, savoir : la combinaison de l'infinitif avec le verbe avoir. Habeo audire rend parfaitement l'idée de habeo audiendum ou habeo, quod audiam. Et de la pensée j'ai à entendre à celle je dois entendre, j'entendrai, Va distance n’est pas grande. Habeo peut se résoudre en meum est, scil. negotium — il me sied — je dois. La locution : je dois aller sous peu à Paris n'implique pas strictement une nécessité, une obligation rigoureuse, mais renferme bien le sens : les circonstances veulent ou rendent désirable que j'aille, donc j'irai. C'est ce rapport, cette cohésion d'idées qui a fait du verbe sollen, en allemand (angl. shall, flam. zal) et du verbe devoir, en français (surtout dans la traduction de cantaturus, DEvANT chanter) un auxi- liaire secondaire du futur. Or, nous venons de démontrer que habeo , dans la locution habeo audire, est équivalent de notre expression moderne je dois 1. C'est donc un fait avéré, que le futur et le conditionnel de la conjugai- son française ne sont autre chose que des synthèses; que les formes aimerai, finirai, rendrai, devrai, sont étymologiquement les infinitifs aimer, füur, 1 Ne perdons pas de vue que debeo n'est autre chose qu'un composé de de et habeo ; de-hibeo est devenu debeo, comme prae-hibeo s'est contracté en praebeo. Tome XIX. 3 18 MÉMOIRE rendre, devre ou doire (forme ancienne qu’il ne faut point négliger) ! plus ai, romanisation de habeo (cf. sapio, sai *) ; de même que aùmerois ( nous n'avons dans ce travail point ou très-peu d’égard à l’innovation orthogra- phique aimerais), ou plutôt l’ancienne forme aimer-eie, aimer-oie est le pro- duit de la combinaison de aimer et de eie, oie, formation romane de habebam ©. S'il fallait entourer cette assertion de quelques preuves 5, nous citerions les faits suivants : 1. Les désinences du futur correspondent en français, aussi bien qu’en italien et en espagnol, avec celles du verbe habere (romanisé) au présent de l'indicatif, sauf à la première et à la seconde du pluriel, où il y a syncope, et cela probablement par suite de la contraction d’une syllabe atonique ordinaire, ce qui a régulièrement lieu quand l'accent repose sur la dernière syllabe; ainsi nous avons en français : Chanter-ai, ital.: canter-0o, ef. : ho, esp. : cantar-e, cf. : he. AS, 0 fs haï, — 4$, has. — à, — 4, ha, — 4, ha. — ons (p. avons, éons?) — emo, habbiamo, — emos, hemos. — ex (p. avez, éez?) — ele, avete, — is, habeïs. — ont, — anno, hanno, — an, ban. 1 Devre ne se trouve pas en réalité, quoiqu'il y ait devrai. Cela tient, selon nous, à ce que la voyelle e ne pouvait passer en oi au futur, étant dépourvue de l'accent. C'est là l'application d'une loi que l'on ne peut méconnaître en étudiant la formation du roman, et que nous avons développée ailleurs. 2 Cette formation peut paraître étrange à M. Bruce-Whyte; à nous, elle n'offre rien d’extraordi- naire, du moins rien qui soit en dehors des lois de mutation ; kabebam, par le rejet habituel de b, a très-bien pu produire é-oie, d'où, par contraction, oie, comme de é-ousse, é-usse (habuissem) s’est formé ousse, eusse. Du reste, la forme éoie, oie ou éeie, eie devait plutôt se produire dans la syn- thèse amarabebam, que du mot isolé habebam, d'où l’on a tiré aveie, avoie, et enfin avois. 5 M. de Reiffenberg (Æntroduct. à Phil. Mouskés, t. IE, p. cocxxxvu) propose une étymologie du futur que d'autres avaient déjà tentée avant lui. Pour ne pas entrer dans une longue réfu- tation de l'opinion qui fait dériver le fatur roman du futur passé latin, nous n'opposons que ces deux considérations : 4. Jamais le son o ne se change en ai. 2. Les altérations des radicaux prouvent à l'évidence que le futur a pour premier élément l'infinitif dépourvu de sa finale, de sa désinence. Nous n'avons pas compris le savant académieien lorsqu'il donne à l'appui de son équa- tion linguistique o — e ou ai, les exemples suivants : onerosus, onéreux; odiosus, odieux. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 19 2. Une forme ancienne du futur italien canteraggio est analogue à la forme, également ancienne, aggio pour habeo. 5. La séparation des deux éléments par des mots intermédiaires, telle qu’elle se trouve dans les langues espagnole et portugaise, est une preuve manifeste de la composition du futur. Decir te han, cantar te hei, haber les hemos pour te deciran, te cantarei, les habremos 1, 4. Dans les dialectes sardes, l’auxiliaire précède linfinitif, sans qu'il y ait fusion : Appu essi, has essi, hat essi, et non pas essupu, etc. En dehors des formations auxiliaires dont il a été question jusqu'ici, nous trouvons dans les langues modernes une périphrase verbale qu’il importe de mentionner en cet endroit. Le français d'aujourd'hui n’en fait qu'un rare usage, mais les écrits des troubadours et des trouvères la pré- sentent d'autant plus fréquemment. Nous voulons parler de la décomposi- tion du verbe attributif en ses deux éléments, savoir: le verbe et l'attribat : je suis chantant pour je chante. Exemples : Raynouard, Croix, etc., HF, 590, es dormens; I, 87, es durans; Thibaut, 159, soit aidanz; Quarre Fils Axmon, 109, 119, sont disanz, seres trouvans; Livre pes Rois, p. 60, bien seit chantanz. On sait quel parti la langue anglaise a su tirer de cette circonlocution. Cette même combinaison, qui fait exception à l'actif, est devenue règle au passif. Cette voix a totalement perdu les flexions particulières de la ! M. Bruce-Whyte cite plusieurs exemples tirés de l'espagnol, tom. [, p. 242, et M. Raynouard a donné, dans sa Grammaire romane, p. 221 , une foule d'exemples qui constatent l'existence de cette forme disjointe du futur dans la langue des troubadours. Le premicr de ces deux philologues, se basant sur le témoignage de Junius, attribue au gothique la même particularité et même la sourée de cet usage roman, qui avait déjà fixé l'attention du fameux grammairien Antoine de Nebrija , mort en 1544, L'on trouve , dans la Grammatica sobre la lengua castellana de ce dernier, capit. HE, le passage suivant : 1 futuro dize per rodeo del infinitivo e del presente deste verbo (haber) £, A8, diziendo 10 man, T0 amaras, que vale tanto como io de amar, tu Às de amar. En esta manier« dize per rodeo el passado no acabado del subjonctivo con el infinitivo e el passado no acabado del indicativo deste verbo 14, ras, diziendo 10 AmAn-1A , 10 LEER-14 , que vale tanto, como io AvIA de amar. 20 MÉMOIRE langue primitive, et le système analytique la domine. Tandis que le verbe actif suppose un sujet agissant, le passif à un sujet souffrant, éprouvant : ceci produit naturellement les deux formules je suis battant et je suis battu , expressions que le génie primitif des langues a su simplifier, mais que la dégradation des idiomes traditionnels et la nécessité de l'analyse ont rétablies dans les langues romanes. Amo, nous l'avons vu, se traduit quel- quefois par je suis aimant ; amor, toujours par je suis aimé. Examinons le véritable rapport qui existe entre ::s participes aimant (amans) et aimet Fe aimé (amatus). Le premier énonce une manière de rure actuelle, ou représentée comme telle; le second, dans sa valeur primitive; une manière d’£rre actuelle, mais basée sur une action passée, non nécessairement écoulée : il énonce le résultat d’une action préalable. Amatus sum signifie proprement, je suis un, qu'un autre a aimé; Vaction d'aimer appartient au passé ,et n’est point envisagée comme étant actuelle. C'est ce dernier point qui constitue une différence notable entre la périphrase moderne du passif et celle dont les anciens, par un principe analogue , faisaient eux-mêmes usage au parfait de cette voix. Le participe, soi-disant passé du latin, a perdu ce caractère de passé.et me désigne plus aujourd'hui que l'état de sujétion à l’action exprunée par le radical, abstraction faite du temps. Amatus sum devient ainsi, dans sou sens moderne, présent, de parfait qu'il était auparavant; cette formule vient remplacer amor, comme amatus eram se substitue à amabar, amatus fui, à amatus sum, ete. Les Allemands sont beaucoup plus exacts dans leur procédé périphras: tique. Leur auxiliaire werden (devenir, proprement croître, se développer) joint au participe passé, rend parfaitement la relation qui existe entre le sujet et le participe à la voix passive : je suis battu, exprimé par ich werde geschlagen , fait clairement entendre que l'action schlagen n’est point encore achevée, mais qu’elle va, qu'elle est en quelque sorte en voie de progres- sion vers l’accomplissement, et l'équivoque, attachée aux termes français , dans ce cas spécial et d’autres, ne peut se produire en allemand ?. L’auxi- 1 ILest instruit, par exemple, vaut à la fois docetur et doctus est. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 24 liaire werden ! a l'avantage de distinguer l’idée de passivité, c’est-à-dire de l'impression faite par une action étrangère sur le sujet, de la distinguer de celle d'un état absolu , qui se rattache rigoureusement à la tournure romane, anglaise, flamande, etc. Outre la tournure que nous venons d'exposer, les langues romanes emploient encore deux moyens pour désigner le rapport de passivité , pour reproduire le passif latin: D'abord, comme le suggère la logique, le sujet du passif devient régime direct, et le régime mdirect primitif devient sujet. Si ce dernier n’est point exprimé, il est remplacé par un pronom indéfini de facture moderne, savoir : on, (om *, hom *, l'om *), prov. 4om (né de homo, :eomume l'allemand man du substantif Mann). Laudatur est rendu par on le loue; prov. hom l lauza. En second lieu, le passif est rem- placé par la forme réfléchie. Cela s'entend (it. s'intende, esp. se entiende, wal. se antzelege) équivaut à la forme latine intelligitur. Ce dernier usage, restreint à la troisième personne, et dont M. Bruce-Whyte n’a nullement constaté awéc solidité l'existence dans la langue d’Ulphilas, est un véritable abus. Le sens propre, encore une fois, est sacrifié à la forme: La tournure a quelque chose de faux et de forcé. Le verbe réfléchi marque l'action du sujet re- fluant sur lui-même; or, au passif, il y a souffrance par suite d’une action étrangère. Le verbe réfléchi, usité dans un sens passif, a quelque analogie avec cet échange de formes passives et moyennes dont le gree offre de si fréquents exemples. Kore3w, signifiant je me couchai, est, à la rigueur aussi dénué de fondement logique que quand Racine écrit : et votre heu- reux larcin ne se peut plus celer, où Bossuet : les histoires ne se iront plus, ou enfin Pétrarque : ma spesso nella fronte il cor si legge. L'entière abolition des terminaisons du passif dans les langues néo- latines devait entrainer celle des verbes déponents. Aussi furent-ils transfor: ! Goth. vairthan, croître. Les Goths formaient également leur passif par l'emploi de wisan (être), quoiqu'on trouve pour le présent de l'indicatif et du subjonctif des inflexions particulières. Voy. Becker, Ausfülrl. deutsche Gramm., partie T, p. 470, et Heyse, Ausführl. Lehrbuch der deut- schen Sprache. Hannover, 1858, 1, p. 740. Dans la langue romaunch des Grisons, on a presque imité le werden des Allemands, qui, comme on sait, sert également d'auxiliaire au futur, par vegnir. Ainsi laudor—veng ludaus, laudabar—vegniva ludaus, laudabo=veng a ludar, laudabor— veng a venir ludaus. 22 MÉMOIRE més.en actifs. Ce n’est plus sequi, nasci, jocari, precari, etc., qui se sont conservés dans nos idiomes, mais bien sequere (suivre), nascere (naistre, naître), jocare (jouer), precare (prier), etc. 1. $ 4. Après avoir considéré dans l'emploi des verbes auxiliaires le fait le plus important de la conjugaison moderne, et avant d'aborder lexamen de la division en quatre conjugaisons et des variétés des flexions temporelles qui en résultent, nous allons indiquer les traits principaux ? qui caractérisent les terminaisons verbales des langues romanes, surtout ceux qui concernent les désinences personnelles. Nous distinguerons les voyelles et les consonnes. I. Voyelles. — A s’affaiblit en e, chez les Français , principe général de romanisation wallonne; les langues sœurs du Midi, plus sonores et plus euphoniques, le conservent en majeure partie. Am-as, am-at, AIM-ES , AIM-T ”, ARE; amab-am, Hal. amav-u, esp. amab-a, prov. chantav-a, fr. amor *, au- jourd’hui «mots, Armor. E se conserve, s’il n’est pas syncopé, ce qui lui arrive presque toujours, quand il est bref et qu’il se trouve entre deux consonnes simples; habet, abet, par exemple, perd son ë, et devient abt, d’où at”, ad”, a. I, moins propre au français qu'aux idiomes collatéraux, est ou sup- primé (comme dans dort, de dornut 5, aimez, directement de amats, issu lui- même de amat-1s) ou s’émousse en e (comme dans vendez, de venditis, aimastes, de amasts). Des inscriptions latines du quatrième siècle présentent déjà exemple de cette dégradation : roov-E-re, cept, fecet. U passe en o, passage qui n’a guère besoin d’être justifié. Ainsi nous avons en italien les terminaisons amar-ono, sono ; en français somes*, som- 1 La décadence de la littérature romaine a préparé ce changement; elle nous offre de fréquents exemples de verbes actifs, employés primitivement comme déponents; par exemple : fabulare, consolare, mentire, precare, lestare. ? Nous donnerons de plus amples détails dans la partie spéciale. 5 Cette contraction n'a rien de plus étonnant que celle à laquelle nous nous sommes habitués dès l'école, amastis de amawistis et semblablement. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 25 mes, de sumus, sont de suxr. Quintilien (nstit. 1, 4, 16) mentionne comme archaïstiques les formes dederont, probaveront !. Par une atténuation pro- gressive, les Français ont transformé cette voyelle en e dans la désinence unt : lisent, aiméèrent ; exceptez sont (sunt) et féont *, font (faciunt). 0, qui ne se trouve qu'à la première personne de l'indicatif présent, ne subit de modifications notables qu’en provençal et en français. (Voy. partie spéciale. ) IL. Consonnes. — Les consonnes qui se trouvent au commencement de la désinence personnelle, telles que m,1t, st, dans mus, lis, shs, restent intactes, car il faut considérer que le £ étant latent dans z, cette consonne n’est point éliminée dans les secondes personnes plurielles du français. Les mutations affectent principalement les consonnes finales, qui sont MnSsitsint. M est apocopé?. Amabam, it. amava fr. aimoie: amem, prov. chante, esp. cante, fr. aime. D'après Festus, les Latins écrivaient ou prononçaient égale- ment allinge, recipie pour attingam , recipiam. S subsiste à la deuxième personne, des deux nombres; au pluriel ce- pendant, se liant à £, il se transforme en z. En français, la première per- sonne du pluriel le conserve également : vieux français -omes (mais aussi om, um), aujourd'hui -ons. Test rejeté à la troisième personne du singulier du présent de l'indicatif et du subjonctif (chante, de cantat et cantet), ainsi qu’à celle du prétérit dé- fini de l'indicatif (chanta, de cantalvi]t) à la première conjugaison 5. Il sub- siste dans les terminaisons françaises ot (imparfait), à (défini), &, àt, àt (imparfait du subjonctif). Les autres langues collatérales refusent géné- 1 Letexte de l'ancienne loi romaine retrouvé sur bronze à Bentini, prouve la perpétuité d'existence de la voyelle o dans une foule de cas où les parleurs plus modernes du Latium mettaient la voyelle grave u. On y rencontre popolum , poplico, queiquomque, ete., pour populum, publico, quicumque. 2? Ces apocopes étaient déjà censurées par les Romains. Dilucida erit pronunciatio, dit Quinti- lien, I, 5, primum, si verba lola exegerit, quorum pars devorari, purs destitui solet, plerisque extremas syllabas non proferentibus, dum priorum sono indulgent. 5 Le vieux français conservait le £, souvent affaibli en d, à la troisième personne du singulier du présent de l'indicatif et surtout de celui du subjonetif, et à celle du prétérit défini de l'indicatif; d'un autre côté, il l'omettait dans les parfaits définis des autres conjugaisons. 2% MÉMOIRE ralement le t final. La décadence offre déjà ce rejet de la dentale finale : exposuerun (inscription du V® siècle, v. Lanzi, Sulla lingua etrusca, V, 425), fecerum (Grut., Ind. gramm.), cemascou pour fecerunt (Maffei, /stor. diplom., p. 166). À la troisième du pluriel le £ reste toujours en français, conjoin- tement avec x qui le précède; aiment, aimoient, vendirent. De même au participe et au gérondif, ant. Toutefois ces deux consonnes n'ont plus qu'une valeur graphique. L'élimination des anciennes finales caractéristi- ques m, t, et le défaut de prononciation de s et nt, ont, dans le français moderne du moins, rendu presque indispensable l'usage perpétuel des pro- noms personnels dont on se passait fort bien encore du temps de Rabelais. Quatre personnes, clairement dictinctes en latin, sonnent de même en français : aime (amo), aimes (amas), aime (amat), aiment (amant). Ajoutez à cela que ces formes se reproduisent au subjonctif, également dépouillé de son caractère individuel. La grammaire latine établit quatre variétés de conjugaisons; la gram- maire française en comple juste autant. Ce qui pourrait conduire à la conclusion, que ces différences de conjugaison dans les deux langues cor- respondent mutuellement. 11 s'en faut de beaucoup que cette conclusion soit fondée. Les verbes latins en ère, par exemple, se distribuent inégale- ment parmi les quatre sortes de conjugaisons françaises. Statuere fait statuer ; converlere, converlin ; sapere, sav-o1R; tendere, tendns. 1 est donc né- cessaire d'admettre d’autres rapports qui rattachent linfinitif des verbes français à leurs primitifs, sous le point de vue étymologique. Pour les découvrir, examinons de plus près les données de la langue originale, et dégageons-nous surtout de l'influence que pourraient nous faire subir les anciennes habitudes de collége, incompatibles avec une appréciation plus rationnelle, avec la théorie du verbe latin. I. Une distinction fondamentale à établir dans les verbes latins, est celle entre les verbes au radical simple, monosyllabique, se liant directe- ment (quelquefois par le seul intermédiaire d’une consonne), aux désinen- SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 25 ces de flexion, et entre ceux au radical composé, c’est-à-dire renfermant le radical simple, plus une-voyelle additionnelle qui sert de transition du radical à la désinence, et qui provient, selon les étymologistes, de la dé- rivation nominale de ces verbes. Cette voyelle intermédiaire peut être une des quatre suivantes : a, e,i, u, et nous la nommons , d'après Diez, caracté- ristique, puisqu'elle imprime au verbe son caractère particulier. En d’autres termes, le radical des premiers verbes (que nous appellerons, d’après des autorités estimables, verbes forts, par opposition aux derniers, que nous appellerons faibles) se termine généralement par une consonne : coL-ere, LEc-ere; et celui des seconds, en une des voyelles mentionnées : awa-ere (d’où amare), veuæ-ere (d'où delere), srarv-ere, Auprere (d’où audire). C'est de la combinaison de ces voyelles caractéristiques avec les terminaisons normales qui s'ajoutent sans altération aux verbes forts, que provient la diversité des conjugaisons latines. II. D’après ce principe , nous obtiendrons les divisions suivantes : 1. Verbes forts ou primitifs. Caractères distinctifs : Infinitif : ERE; leg-cre: Parfait a. 1; leg-i; la voyelle radicale devient longue. b. v-1, U-1; col-u-i, doc-u-i. (Intercalation de » ou w, car les deux lettres sont identiques et va- ricntsuivant leur position). c. Intercalation de s, sum-si, clau[d|-si. d. Redoublement des deux premières lettres radicales : cu-curr-i, pu- pug-i, pe-pul-i. Supin : ruM, Où Sum, Ou 1TuM, suivant le caractère de la finale radicale; lec-tum , wer|t}-sum, cred-itum. Présent : 0 ou 10; sum-0, jac-io *. 2, Verbes faibles se classifiant ainsi : a. Caractér, a infin. ere (are), parf, a-v-i, supin &lwm, prés. o (contracté de ao). b. — e — vére (ere), — e-v, —— QU, — 60. c. — à — ,iere (ire), , — i-v-i, ü, — ilum, — 10. d, — WU — üere — ui — Hitun, um, prés. 40. * Ces verbes correspondent à la troisième conjugaison des grammaires vulgaires, dont les nom- Tome XIX. k 26 MÉMOIRE Au point de vue théorique, il nous fallait établir une quatrième classe de verbes faibles. Il est vrai qu'elle ne concerne pas les verbes qui, comme suo, pluo et autres, ont la voyelle x comme radicale et non comme caractéristique, mais seulement les verbes dérivatifs tels que tribu-o, statu-o, minu-0, acu-0, metu-0, etc. La caractéristique u ne se confondant pas avec la voyelle initiale de la flexion, comme le font a, e, i, cette conjugaison a toujours été rangée, même par M. Diez, dans celle des verbes en ère en général 1. IT. Le croisement de la conjugaison forte et faible et le mélange des diverses classes de conjugaison faible entre elles sont la source principale des nombreuses irrégularités du verbe; assertion qu’il n’est pas conve- nable de développer ici. $ 6. De quelle manière ces faits se reproduisent-ils sur le domaine du roman? voilà la question qu’il nous importe de résoudre. Et d’abord, que sont devenus sur ce nouveau terrain les verbes faibles du Latium”? Non-seulement leur nombre a prévalu, mais leurs caractères et les développements de leurs formes sont plus marqués, plus apparents, plus saisissables que dans les verbes de la conjugaison forte. Les trois conjugaisons représentées par les infinitifs are, ere, tre, se re- trouvent dans toutes les langues néo-latines; toutefois, sous la forme la plus altérée et avec le moins d'apparence dans notre langue française. La conjugaison en äre est devenue la soi-disant première française en er (ital. are, esp. ar, prov. ar). Celle en êre reparaît sous la forme ére en italien, sous celle ér en espa- breuses exceptions embarrassent tant les élèves. Celles-ci se rattachent cependant à des principes assez simples, dont malheureusement on néglige l'étude ou l'application. Nous nous proposons de traiter un jour en détail le système de la conjugaison latine, sur lequel nous ne pouvons présenter ici que des notions générales. 1 Ces verbes en were ne présentant aucun caractère individuel qui modifie leur conjugaison , et, comme celle-ci, par l'absence de la fusion de la voyelle caractéristique et de l'initiale terminative, n'a point suivi une marche spéciale dans la romanisation, nous n’aurons pas besoin non plus d'en faire une classe distincte dans notre système de conjugaison romane. SUR LA CONJUGAISON FRANCAISE. 27 gnol et en portugais, et sous la forme syncopée re en français. La plupart des verbes forts, probablement à cause de l’analogie de linfinitif, se sont assujettis à cette seconde conjugaison romane, pour laquelle nous établis- sons, comme paradigme, le verbe vendre. D'un autre côté, les deux verbes, du petit nombre de ceux qui, en latin, se conjuguent régulièrement d’après la formule normale eo, evi, etum, ere, savoir : pleo, oleo, sont passés dans la troisième conjugaison, emplir, abolir. I est à supposer que cette transition a été motivée par le peu d'aptitude de la liquide / à se rapprocher de la liquide r, par suite de la syncope de la voyelle brève e. La troisième conjugaison romane reproduit celle des latins en ire, mais elle se sous-divise en deux espèces : 1. Celle qui intercale entre le radical et la flexion, la syllabe ise ou esc, tirée des anciens verbes inchoatifs, tels que languesco, ingemisco sans toutefois que le sens, y attaché primitivement, se maintienne. tal. fior-isco, walaque flor-ese, prov. flor-isc, d’où, par l’apocope de la finale c, franc. fleur-is. Cette intercalation, cependant, n’est propre qu'à certains temps et à certaines personnes. Elle à sa raison dans la préférence que donne le roman aux flexions plus sonores, plus marquées, mieux ressor- tantes ; et cette préférence caractéristique des idiomes dérivés contreba- lance en quelque sorte le principe de rétrécissement et de mutilation auquel les radicaux latins ont été sacrifiés. 2. La seconde classe, dont le nombre est restreint, n’observe pas cette insertion de Ja syllabe isc. Elle diffère peu, par l'élision de la caractéris- tique à, de la seconde romane. Ex. : partir fait à la première personne plu- rielle du présent non pas part-issons, mais partons, à la première sing. pars et non partis; dormir fait dors et non dormis. Nous poserons donc, comme modèles de ces trois genres de conjugai- son faible, chanter (pour la première classe), vendre (pour la seconde), fleurir (pour la troisième A) et partir (pour la troisième B) 1. 1 Nous ne savons pas si cette distinction de verbes faibles et de verbes forts, appliquée aux lan- gues romanes, a déjà été faite par M. Orelli, le devancier de M. Diez et de M. Fallot. Ce que nous savons, c'est que M. Raynouard et les grammairiens du XHI° siècle (voyez p. 7) qui ont précédé le savant académicien dans la fixation des lois de la langue provençale, ont eu la plus grande peine 28 MÉMOIRE are Cette distinction de trois sortes de conjugaison romane, restes plus ou moins défigurés des première, seconde et quatrième Conjugaisons latines , une fois posée, passons à la recherche des principaux traits qui caractéri- sent la formation des temps dans les verbes /ütbles. Nos observations portent sur le présent, l'imparfait, le parfait, et le participe passé. I. Présent. — Les deuxième et troisième conjugaisons renoncent entiè- rement aux voyelles caractéristiques E ou Z (dans eo, io, eam, iam) par une tendance excessive à la régularité, qui les assimile aux formes de la pre- à mettre de l'ordre dans la variété immense des formes verbales que présente le roman, tant limousin que wallon. La sagacité de M. Raynouard n'est pas allée jusqu'à comprendre théo- riquement la dualité de conjugaison dans querre et quérir, dans sigre ‘ et seguir *. Malgré toute la déférence que nous devons à un littérateur d'un aussi grand renom, nous n'hésitons pas d'a- vouer que la lecture de sa Grammaire romane et de l'introduction à son Lexique roman, nous à fourni mainte preuve qu'il avait beaucoup trop négligé cette partie de la linguistique qui traite du développement phonétique des vocables. S'il avait fait, avec la finesse qui le distingue, cette étude spéciale, il n'aurait pas établi le système bizarre sur la formation des langues néo-latines que M. Bruce-Whyte, aux opinions duquel, du reste, nous ne prétendons nullement nous rallier sous le rapport linguistique proprement dit, a si chaudement réfuté, Les difficultés que suscite la classification des verbes français ne sont pas désavouées par l'anteur du Donatus provincialis, Hugues le Faïdit, dont nous citons le passage suivant : « Quatre conjugazos son : tut aquel verb, l'infinitius dels quels fenis en Ar, si cum amar, chantar, ensenhar, son de la prima conjugazo. De l'autras tres conjugazos sun tan confus l'infinitiu en vulgar, que coven a laissar la gramma- tica, et donar autra regla novella. Per que platz a mi, que aquel verbes, que lor infinitiu fan fenir in Er, sû cum es aver, tener, dever, sion de la segunda conjugazo. Aquelh, que fenissen in Re, € aquel que fenissen in exvre, st cum dire, escrire, tendre, contendre, defendre, siun tuit de la terza. Aquel que fenissen in m, si cum sentir, dormir, auzir, de la quart.» Noïlà les divisions de ce gram- mairien du XIE siècle, qui osa cependant proclamer de lui-même quod nullus ante ipsum trac- tavit ila perfecte super his nec ad unquem ta singula declaravit. Le passage susdit, et surtout les expressions laissar la grammalica , nous est d'un grand intérêt sous un autre rapport : ce terme grammalica, sous lequel on ne peut entendre que la grammaire latine, telle que Donat l'avait éta- blie, nous prouve jusqu'à l'évidence qu'au XII siècle le provençal n'était envisagé que comme une vulgarisation du latin, même par ceux qui, comme Faidit « essayaient d'en fixer les formes et d'en faire connaitre les caractères principaux ». Le même fait ressort, pour l'italien, du titre sui- vant, mentionné par M. Guessard dans le volume cité plus haut : Liber Palladii ex crammarico SERMONE in idiomate florentino deductus per me A. L. Traduction manuscrite du XIV siècle, con- servée à la bibliothèque Laurentienne de Florence. L'appréciation de ces témoignages peut renver- ser beaucoup de systèmes sur le caractère fondamental des idiomes néo-latins. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 29 mière conjugaison 1, Quant à la finale o, nous verrons dans la seconde partie de ce travail que les idiomes de la Gaule sont allés jusqu’à la faire dispa- raître tout à fait. Ainsi : It. vend-o, part-0o, sub}. vend-a, part-a ; PROY. rend. part-?, sub}. vend-a, part-a; FRANC. vend-s, par-s, subj. vend-e, part-e. IL. Imparfait. — Abam se retrouve facilement dans ava de l'italien, etc. Les terminaisons ebam, ibam (contraction déjà romaine de iebam 5) se sont transformées par l’adoucissement ou le rejet de la consonne b en era, iva, d’un côté (ital.), et en ia de l’autre (esp., port. etprov.). Les formes françaises sont : pour la première, êve et pour les deux autres, eie, oïe, ois, et enfin ais. ’ar assimilation, ces dernières ont fini par remplacer la première êve , formation régulière de abam (cfr. faba, feve; labrum , lèvre), et se sont éga- lement introduites dans la première conjugaison. La flexion oie est la représentation romane-wallonne de ia, forme provençale de imparfait. Analogies : sit, soit; quid, quoi; rides, foi; pirus, poire; Via, voie. Quant à la flexion 0e, oue (ovrouent = operabant) du Livre des Rois et autres écrits de cette époque, elle est surprenante; car il n'est guère admissible d'y supposer une prononciation variée de oie, puisque , d’après nos observa- tions, la diphthongue oi, formée de e ou de #, est tout à fait étrangère au Livre des fois. Nous y reviendrons, du reste, dans la seconde partie. HE. Parfait. — Les flexions du parfait avi, evi, vi ont toutes subi la syncope de la semi-consonne V #. La grammaire latine en donne déjà l'exemple dans certains cas limités : amasti, amarunt, complerunt, audi. Ce- pendant il n'y a que l'italien qui ait conservé, d’une manière évidente, les anciennes caractérisques : aIN-AI Lem-EI sent-I1 am-ASTI lem-ESTI SeN-ISTI ; 1 Cette disparition de l'hiatus #0, to et autres analogues, est un fait général de la romanisation francaise, par exemple : tnperiwn fait empire; justins, justesse et justice; miseria, Livre des Rois, misére, aujourd'hui misère; terraces, terrasse; facws , fac. Barbare, incurie et semblables, sont des mots de facture, ou plutôt d'emploi moderne. ? faudrait-il peut-être reconnaître dans ces 1 des restes de la caractéristique ? 5 Voy. Voss, Arist., V. 34. 4 Nous pensons que ce V dans amna-v-, col-v-i, ete, est une trace du digamma éolique, dont la consonnance était assez délicate pour disparaître entièrement dans le cours des siècles. 50 MÉMOIRE les autres langues, à l'exception du daco-roman , qui a un parfait en w, ont confondu, par contraction, le parfait de la deuxième et de la troi- sième conjugaison. IV. Participe passé. — Les participes en atus et itus se sont conservés sous les formes ato (fr. et, é) et ito (fr. it, i). Etus, participe de la seconde, aurait pu se maintenir avec la même facilité 1; mais, d’un côté, il était d’un usage trop restreint dans la conjugaison latine, et, d’un autre, les quelques verbes qui le prenaient, avaient passé dans la troisième conju- gaison des langues romanes. On y a donc introduit une forme étrangère, c’est-à-dire une forme qui n'appartient pas à la conjugaison faible. La ter- minaison utus, contractée de uitus, se présentait le plus naturellement pour remplir cette lacune, autant par le caractère prononcé de la voyelle grave u que par le grand nombre de verbes auxquels elle était attachée. À juger par quelques faits isolés qui se rencontrent dans les anciennes lois germani- ques et autres documents de la basse-latinité, tels que pendutus (Lex Ala- mann.), reddutus (Muratori, Antiquit., HI, 1015), sternutus, etc., on ose conjecturer que la terminaison utus avait empiété de bonne heure sur itus. Peut-être que la négligence de la quantité, qui est le propre de la déca- dence, ne mettait pas cette dernière en itus assez à l'abri de la confusion avec le participe de la quatrième conjugaison, et qu'il a fallu, pour l’é- viter, avoir recours à un moyen sensible et grossier ?. $ 8. Nous avons tàché, dans ce qui précède, d'établir des rapports de déri- vation entre les trois conjugaisons faibles latines (les 1°, 2% et 4e des grammaires ordinaires) et les trois conjugaisons romanes correspondantes. I nous reste à déterminer quel a été, dans les langues modernes, le sort de la conjugaison forte latine, ou la troisième, d’après l'ordre reçu. Com- 1 D'après les lois de mutation, ce participe se serait conservé chez nous sous la forme oit. 2 Les langues espagnole et portugaise ont abandonné le participe en udo, pour l'assimiler à celui de la troisième conjugaison en ido. Mais le langage ancien offre de nombreux exemples de la forme généralement adoptée dans les idiomes néo-latins. Voy. Diez, IL, p. 150 et 162. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 51 ment les terminaisons distinctives : infinit. êre; parf. à, ou si, ou wi; supin, primitif du participe passé, {um ou sum, se sont-elles transmises au roman? Deux faits principaux sont à signaler. Tantôt ces verbes ont tout à fait déposé leur nature forte, se sont trans- formés en verbes réguliers ou faibles et ont suivi comme tels l’une ou l’autre des conjugaisons que nous venons de caractériser; tantôt ils ont admis, dans certains temps seulement, des formes faibles, tout en main- tenant dans d’autres leur caractère primordial sous une forme plus ou moins reconnaissable, plus ou moins altérée par les lois générales qui régissent la transmutation des sons modulés ou articulés. Ainsi l’ancienne conjugaison latine en ëre a été restreinte à un petit nombre de verbes qui suivent une marche individuelle, tels que les verbes en oir de la langue fran- çaise , ainsi qu'à un grand nombre de formes éparses qui paraissent dans des verbes dont l'infinitif est ou er, ou ?r, ou re. Ce sont ces dernières formes qui constituent ce que l’on est convenu de nommer les verbes irré- quliers du français. Les deux faits mentionnés, c’est-à-dire l’affaiblissement (lon comprendra maintenant la valeur de ce terme), soit radical , soit partiel des verbes forts se rencontrent déjà dans la grammaire latine, et des métamorphoses ana- logues ne sont pas rares dans le sanscrit, dont les dix formes de conju- gaison expliquent à merveille les formes du verbe latin, qui leur étaient originairement identiques. Nous espérons que le cours de linguistique, ouvert naguère par M. Chavée dans notre capitale, fournira des preuves péremptoires de cette assertion, lorsque le savant professeur en sera venu à la grammaire comparée. Pour le moment, nous appelons l'attention de ceux qui désirent approfondir l’étymologie des formes grammaticales latines, sur le travail fort remarquable de M. Peter, sur les verbes faibles de la langue latine, inséré dans les 1% et 5° cahiers de la 5° année (1844) du recueil intitulé : Rheinisches Museum für Philologie. Les verbes qui constatent le mélange des deux sortes de conjugaison en latin ne nous font pas défaut, car on a trop bien appris, au collége, le cha- pitre des verbes irréguliers pour ne pas les connaître. Nous en retracerons les plus évidents, particulièrement sous le rapport de leur romanisation. 32 MÉMOIRE Juvare, lavare, crepare, cubare, ete., sont faibles au présent et à linfinitif, mais forts au parfait et au supin. Les formes faibles l'emportent même quelquefois dans ces deux derniers temps, car on trouve à côté de fric- tum, sou, plicitum, également les formes fricatum, fricavi, plicatum , sonavi. En roman, par la tendance à faire prévaloir les formes allongées, les verbes mentionnés se sont rangés dans la catégorie des verbes faibles. fs appar- tiennent tous à la première conjugaison en er [ laver, sonner, crever, coucher, plier, noyer, tonner, scier (seco?)]. Ce que la grammaire latine a posé comme type de la seconde conjugaison, n’est autre chose que ce mélange des conjugaisons forte et faible, poussé jusqu'au degré de règle générale. Les temps primitifs de la véritable deuxième conjugaison se terminent, avons-nous vu, en 0, evi, elum , ère; mais le nombre de verbes qui suivent cette formule est fort petit, et la plupart empruntent leur parfait et leur supin à la conjugaison forte. De là la formule générale : &o, wi, ttum, ere. Ce qui dans la grammaire pratique se présente comme normal, n'est qu'une anomalie au point de vue théorique. Beaucoup de verbes en ere empruntent à la conjugaison forte, non le parfait en wi, mais celui en si ou à; où plutôt ce n’est pas un emprunt, mais un reste de la conjugaison forte à laquelle cette classe de verbes a dû se référer entièrement dans le principe. Car nous voyons, dans la bonne latinité même, ferveo, -ere, fren- deo , -&re, fulgeo-&re, oleo-êre, strideo-cre, tergeo-êre, alterner avec les formes fervo-ére, frendo-tre, etc. Une inscription latine porte : tondo pour tondeo; et il se rencontre des exemples de respondère 1, Enfin, la quatrième conjugaison latine présente également des verbes mixtes. Nous citons : ape- rire, sancire, farcire, haurire, salire, sentire, sepelire, venire, vincire, dont quelques-uns, comme salire, sentire, passent entièrement dans la troisième romane, tandis que d’autres maintiennent avec leur infinitif à les formes fortes, comme ouvrir (aperire), qui fait ouvert au participe, et venir, qui fait vins au parfait défini. Il n'entre pas dans le cadre de ce travail d'indiquer le sort qu'a 1 La seconde romane ayant pour infinitif re, syncopé de ère, l'on peut considérer cette forma- tion ëre pour &re, soit comme un retour vers les formes originaires , archaïstiques, soit comme une simple dégradation produite par la négligence de la quantité. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE, 33 éprouvé, sous le rapport de l'échange complet ou partiel des conjugai- sons forte et faible, chacun des verbes appartenant à la troisième latine et transmis au roman, Nous croyons avoir suffisamment éclairci ce sujet, pour que l’on ne s'étonne plus de voir ces verbes passer, les uns : 1. Dans la première, comme fidère, it. fidare, fr. fier, confier; con- sumère, consumer; cedère, céder; corrigère, corriger ; affligére, affliger; discernere, discerner; distinguere , distinguer (cfr. exstinguere, éteindre); de plus, tous les verbes terminés en uere, c’est-à-dire à la caractéristique u. 2. Les autres, dans la seconde, tels que vendere, findere, reddere, etc *. 3. D’autres enfin, dans la troisième, comme colligere, convertere, flec- tere, quacrere, plaudere, agere, surgere, etc., qui font cueillir, convertir, fléchir, quérir, applaudir, agir, surgir (à côté de sourdre), etc ?. 4 Au premier coup d'œil, il paraît étrange de ranger des verbes comme vendre, rompre, ete., dans la seconde conjugaison romane, qui représente la seconde latine en ere. Il vaudrait beaucoup mieux, semble-t-il, leur assigner ane place parmi les verbes forts romans dont nous allons exposer les carac- tères. Y a-t-il lieu de supposer d’abord la dégradation de l'original vendére en vendere, de là de nou- veau un retour vers vendére, d'où, par contraction, s'est formé vendre? On pourrait encore objecter : est-ce qu'en général la deuxième romane, telle que nous l'avons caractérisée, est bien réellement la représentation de la seconde latine? La désinence à (plus tard is) du parfait, l'absence de le carac- téristique au présent (mordes, mords), Vinfinitif re et même le participe ut, u, ne doivent-ils pas faire admettre qu'il y a là plutôt une reproduction romane de la troisième conjugaison latine que de la seconde? — Les doutes que l’on pourrait élever sur notre classification , ne proviennent que d’un examen superficiel du français, dont les formes grammaticales, et surtout les flexions verbales ac- tuelles, sont le résultat de formes intermédiaires que nous fait connaître la comparaison des idiomes collatéraux. Ainsi l'infinitif ére du latin se romanise dans les langues italienne, espagnole, etc., en ér (vendér); dans le walaque en e (vende, cf. cëntà, cantare et auzi, audire), ce qui constate le changement mentionné de &re en tre. Le français a naturellement dû repousser cet infinitif er, pour éviter la coïncidence avec l'infinitif de la première, Quant à l'absence de l'e caractéristique au présent, nous l'avons suffisamment expliquée. Le parfait à est le résultat d'une contraction de ei, forme des langues sœurs, qui rappelle le evi du latin aussi fidèlement que ai rappelle avi. Que l'on compare, par exemple, le parfait provençal, ei, est, et, em, etz, eron, ou celui du portugais, i, esle, es, emos, estes, eras, et que l'on considère encore quelques particularités des terminaisons françaises que nous aurons l'occasion de signaler, et lon ne contestera plus la validité du système que nous avons cru devoir suivre. Ce qui prouve encore la coïncidence de la seconde latine et de notre seconde romane, c'est le parfait wi du walaque, opposé à di et à éi, qui rappelle si bien la forme générale, mais, comme nous l'avons démontré, irrégulière du parfait de la seconde latine. 2 Jl y a plusieurs verbes qui se sont transplantés en roman sous une double forme. Il existe de -cidere, par exemple, un verbe o-cire et un verbe dé-cider, de imprimere : imprimer (sans doute d'une date moderne) et empreindre, de surgere : sourdre et surgir. Toue XIX. 5) 54 MÉMOIRE $ 9. La conjugaison forte romane renferme ceux des verbes de la troi- sième latine, qui ne sont pas passés dans une des trois conjugaisons faibles. Leur nombre est proportionnellement restreint, bien que dans ce petit nombre les variations se multiplient assez, pour que la gram- maire, à l'exception des verbes en oir, n’ait pas été à même de les classer sous une catégorie spéciale, comme nous le faisons ici du point de vue théorique. Nous pensons toutefois que ces verbes sont en effet des excep- tions, mais des exceptions qui se rattachent à certaines causes maté- rielles, ou, si l’on veut, historiques , puisqu'elles résident dans les formes anciennes dont le souvenir a survécu à la désorganisation de la langue primitive. Ce qui nous fortifie dans cette supposition, c'est que nous remarquons dans la formation des langues modernes néo-latines comme dans le développement des langues germaniques, la même tendance vers l’'affaiblissement, ou, ce qui est identique, vers la régularisation !. Mais cette tendance rencontre çà et là des obstacles, qu’une investigation pro- fonde réussit souvent à déterminer. Selon nous, le concours de la finale du radical avec les terminaisons est le principal motif de l'existence de ces verbes. Énumérons les caractères des temps primitifs de cette classe de verbes. 1. L'infinitif revêt trois désinences. a. Re, la plus naturelle, prend-re, sourd-re, peind-re. Si la finale est c, elle s’efface devant r : ainsi, faire, dire. Le b final subit le même sort dans boire , it. bere de bibere. Ceux qui appartenaient primitivement à la conju- gaison latine en êre, et qui, par des circonstances spéciales, ont entiè- rement sacrifié le type faible, sont aussi soumis à cet infinitif en RE, qui produit également de légères modifications dans leur radical : taire, ta- cere; frire, frigere; nuire, nocere; semondre, submonere; luire, lucere. 4 M. Diez ne connaît qu'un seul exemple, dans les langues romanes, d’une métamorphose oppo- sée : c'est l'italien arrogere, arrosi, arroso, de arrogare. Tous les verbes français qui proviennent d'une source non latine ou basse latine, portent le caractère faible. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 5h) b. Quelques infinitifs primitivement terminés en ére, se transforment, sans doute, par l'influence de Vr ou de Fr radical, en m3; de là courir (jadis aussi courre), mourir, cueillir, quérir (cf. querre *), ete. Tenere, fait tenir, prov. tener et tenir !. C'était le seul moyen d'éviter, d’un côté, ten- dre, qui aurait produit une coïncidence fächeuse; d’un autre, tenoir, qui est contre le génie de la langue. ec. Un certain nombre de verbes enfin, surtout ceux dont la finale ra- dicale est une labiale, ont adopté un infinitif en oir, produit de er, qui est la forme des idiomes méridionaux, et qui provient lui-même, dans beau- coup de ces verbes, de la négligence mentionnée dans le maniement de la quantité primitive. Exemples : -cipere, esp. -ceber, fr. -cevoir ; sapere, it. sapére, prov. saber, fr. savoir; fallere a fait falloir, pour être distingué de faillir. L'élision de la finale radicale a eu le même effet dans veoir (videre), cheoir (cadere), d’où voir, choir. 2. Le présent n'offre rien de particulier, si ce n’est çà et là, dans les subjonctifs, des traces des anciennes caractéristiques e et à, entièrement bannies de la conjugaison faible moderne ?. Ex. : sache, formation régu- lière de sapiam (it. sappia), comme rage vient de rabies et achier de apia- rm, etc.; la diphthongue ai dans vaille rappelle valeam (cfr. palea, paille). 5. Quant à la formation du parfait, le redoublement qui allait en dimi- nuant chez les Romains déjà, a disparu dans les langues dérivées. La modification de la voyelle radicale, telle qu’elle a lieu dans feci, vent, vdi de facio, venio, video, se retrouve en roman, mais limitée à fort peu de cas 5. L'intercalation de la sifflante s entre le radical et la terminaison (sum-s-i), ne s’est pas seulement conservée, mais elle a même affecté des verbes qui en étaient dépourvus en latin *. L'intercalation de uw (col-u-i) se 1 J.-G. Voss, Arist. D, 55, suppose une forme latine tenire. 2 L'italien et le provençal ont de ces restes dans beaucoup de cas à l'indicatif; ainsi it. do- glio, vaglio, tengo, vengo, rimango (vemaneo), veggo, veggio (video), etc.; prov. valh, tenh, remanc, etc. 5 Nous ne pensons pas avec M. Diez que le français ait conservé le souvenir de ce fait dans vis, lis; ces formes s'expliquent d'une manière beaucoup plus simple. Mais l'italien, dans ruppi, veddi, venni, feci, et l'espagnol dans hice (feci) et vine (veni) le reproduisent visiblement. #* Au déclin de la littérature latine, nous voyons déjà negleæi substitué à neglegi. Dans le latin 36 -_ MÉMOIRE fait également remarquer, et même très-fréquemment, dans la conjugai- son forte romane. Ex. : voulu-s, valu-s, couru-s. 4. Le participe présente le plus de variétés, suivant les données du latin. Les terminaisons de cette langue en ts et sus se retrouvent d’une ma- nière sensible dans ouvert (apertus), plaint, plaint * (planctus), -duit (-due- tus), frait * (fractus), épars (sparsus), etc. La terminaison en itus a été ici, comme dans les participes de la seconde conjugaison faible, remplacée par utus, et cette forme s’est attachée à une foule de verbes contre la vérité étymologique, par une fausse et capricieuse analogie. $ 10. Quelques verbes qui se soustraient à la classification que nous venons de développer, ou qui présentent des traits d’anomalie trop saillants pour se ranger dans une des catégories ci-dessus établies, méritent une men- tion particulière dans cet aperçu général sur les principaux faits de la ro- manisation des verbes latins. Il s’agit surtout de ces verbes défectifs, à la conjugaison desquels on a fait concourir des éléments hétérogènes. Un examen superficiel nous fait aisément entrevoir la disposition des lan- gues néo-latines que nous avons signalée à plusieurs reprises, savoir, celle de faire disparaître les anomalies du latin, en les remplaçant par des formes barbares, mais régulières et plus homogènes avec la confor- mation générale du verbe. 1. Esse s'est régularisé en essere (ital.), esser (prov.). Le français qui généralement facilite le concours des dentales s ou n avec la liquide » par l'insertion d’un d ou d’un t (cf. craindre, de TREMERE, fistre de TEXERE, ävipés pour évépa), en a fait estre ou être. L'organisation moderne du verbe a nécessité l'introduction d’un participe passé. Il a été emprunté au verbe stare, qui a donné, it. stato, fr. estet, été. Le même verbe a fourni égale- classique même, emo fait ëmi, mais les composés ont demsi, sumsi, promsi. Ulpien a pulsi, pour pepuli. On cite aïlleurs punæi (it. punsi), fissi, de findere, sorpsi, absconsi. —" SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 91 ment l'imparfait pour remplacer eram , eras, erat, etc., dont on rencontre encore l'usage dans les vieux textes français. 2. Posse, contraction de pot-esse (être capable), est devenu potére (ital.), poder (esp., port. et prov.), pouvoir (franç.) !. La formation barbare pos- sens, a donné possente en ital., poissan en prov. et poissant *, puissant en fran- çais; ce dernier, comme adjectif, à côté de pouvant. Pot-utus a donné nais- sance à pé-u, aujourd'hui pu. 5. Velle a dü faire place à vollere, d'où volére (it.), voler (prov.), vouloir en français, sur lequel, ainsi que sur pouvoir, nous donnerons de plus amples détails. 4. Ferre a disparu et ne se retrouve que dans les composés offrir, souf- frir, et dans les mots plus modernes différer, inférer, proférer, conférer, référer, préférer. d. lre, ne pouvant guère, par son radical débile à, se soutenir dans la formation du roman, a été remplacé par vadere, qui se complète lui-même par ambulare, que les documents du moyen âge traitaient en véritable synonyme du verbe ire ?. Ambulare, par des modifications successives, a donné le français aller, et même la forme andare, propre aux langues ita- lienne, portugaise et espagnole. M. Diez démontre la communauté d’ori- gine des verbes andare et aller, par l'analogie de l’espagnol sendos, qui dérive de singulos en passant par singlos et sinlos. On ne méconnaîtra point le rapport physique entre les deux dentales / et d. $ 11. Nous avons soumis à notre attention jusqu'ici les principaux caractères | P ! qui se laissent déméler dans le verbe des langues néo-latines en général, rapproché du verbe original, latin. Nous avons exposé, d'abord, ce qui 1 Formé par la syncope de la dentale (cf. muer, suer, veoir , ete.), et par l'intercalation de v (cf. pleuvoir de pluere). On trouve en bas-latin les formes podibat et même potebat. (Leg. Luit- prandi, Ut. 106, $ I.) ? Par exemple : Contra superscripta definitione ambulare. Anno 631. Voy. Brequigny, n° 72. 38 MÉMOIRE s’est conservé des temps de la conjugaison latine, les moyens auxquels le génie moderne a eu recours, pour remplacer les temps abolis, et en- fin, nous avons retracé les traits particuliers qui caractérisent la for- mation des désinences personnelles modernes, propres à toutes les caté- gories de verbes. Ensuite, après avoir posé la distinction de conjugaison forte et de conjugaison faible, distinction qui ressort d’une analyse plus approfondie du verbe latin, nous avons poursuivi cette division sur le do- maine roman et établi, sur cette base, trois conjugaisons romanes faibles, et une conjugaison romane forte, dont nous avons indiqué succinctement les caractères distinctifs. Il nous reste à nous étendre dans la seconde partie sur les faits qui sont propres au français en particulier, et à parcourir une à une les quatre sortes de conjugaison que notre système établit. Nous ferons, pour plus de clarté, précéder les remarques qui se rattachent à chacune d’elles, d’un tableau modèle, tant du français moderne, que du vieux français ou roman proprement dit. On nous saura gré d’y avoir joint synoptiquement les conjugaisons provençale, italienne et espagnole. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 39 SECONDE PARTIE. CARACTÈRES DU VERBE FRANÇAIS EN PARTICULIER. $ 1. Ce qui distingue le roman-wallon des autres langues de souche ro- maine, C'est la grande extension qu'il a donnée à ce principe de défigu- ration phonétique et orthographique qui les domine toutes. Tandis que, dans les idiomes du Midi, les désinences verbales , tout en se détériorant par la mutilation, conservent encore, en grande partie du moins, la sono- rité, quelque caractère ressortant, et bien souvent l’accentuation de la langue originale, le système de rétrécissement des mots au moyen du re- tranchement ou de la transmutation, surtout de l’assourdissement des lettres, prévaut dans la langue parlée en deçà de la Loire, et rend les rapports qui les rattachent à la mère d'autant plus obscurs et moins sai- sissables dans leur véritable nature. Et remarquez que la prononciation a même dépassé les bornes auxquelles l'écriture s’était arrêtée, au point que, dans un seul temps, quatre désinences personnelles se confondent pour l'oreille, bien qu’elles soient caractérisées par l'écriture (aime, première et troisième personne, aimes, aiment ; aimais, première et seconde, aimait, aimaient). Toutefois la désorganisation d’une langue ne procède pas sans certaines lois; la démolition même du latin suit une marche régulière, 40 MÉMOIRE et c’est la tâche de l’étymologiste d'en découvrir la trace. Aussi nous en avons fait ailleurs le sujet d’une étude spéciale, de manière que nous nous dispensons d'exposer et de développer ici le mode de transmutation qu'ont subi les flexions verbales du latin, et nous nous bornerons à mentionner les faits, sans exclure cependant quelques observations éparses de ce genre, surtout lorsqu'il s'agira de justifier une déviation frappante de la marche ordinaire. Nous allons, en premier lieu, énumérer les traits essentiels de la con- jugaison française, communs à toutes les catégories que nous avons établies dans la partie générale. Nous commençons par les désinences person- uelles, et nous traiterons ensuite des terminaisons temporelles. Comme ce travail a pour but de préciser les rapports étymologiques entre le verbe français et son type latin, et que ce qui rend le verbe véritablement verbe, ce sont les modifications de personne et de temps apportées à l’at- tribut énoncé par le radical, en un mot, les désinences, nous ne sommes entré dans l'examen des radicaux que pour autant qu'ils exercent quelque influence notable sur la terminaison, ou qu'ils subissent, par l'effet même de la conjugaison, certaines altérations (viens, vins; résoudre, résolvons , etc.). Désinences personnelles. 1. Les voyelles À et I, si elles ne sont pas accentuées, se transforment en e sourd (son vague, dans lequel la négligence de prononciation fait retomber généralement les sons plus caractérisés, plus aigus de à, à, 0, u, é), ou ces voyelles sont entièrement effacées. Amas, aimes; senl(i)As, Sentes; vends, vends. La désinence o, particulière au présent de l'indicatif, dispa- rait aux deuxième et troisième conjugaisons, ainsi qu'à la forte : vend-s, par-s, fleuris (florisco), meu-s, fac”, prenc* 1. Cette disparition se faisait éga- 1 Voyez le mémoire de M. Dumortier sur l'introduction de la Jangue francaise dansles actes pu- blics au moyen âge, p. 40-41. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. A lement, dans la vieille langue d’oil, au présent de la première, où l'on disait aim, salf, (—sauve), chant !, au lieu d'affaiblir l’o en e, comme l'usage l'a établi subséquemment. 2. Plusieurs temps ont pour finale de la première personne un s, dont il est difficile de découvrir les précédents historiques, ainsi que la raison physiologique, à moins que celle-ci ne réside (ce qui serait notre conjec- ture) dans ce que l’on appelle vulgairement le velours de la langue, c’est- à-dire cette prédilection pour les s de liaison, à laquelle M. Guessard, dans son travail cité plus haut (page 7), rapporte, en partie du moins, la fameuse règle de ls dans la déclinaison romane. Ce qui est certain, c’est que cette articulation est, dans cet emploi, tout à fait étrangère au génie latin; elle s'explique d'autant moins, qu'elle ne se prononce pas devant des con- sonnes , et que, au dire de M. Diez, elle ne se présente pas avant le XIIIe siècle. Pour notre part, nous avons vu, dans les morceaux recueillis par M. Jubinal, alterner sur la même page les formes avec et sans s; ainsi sai et sais ?. Les temps qui admettent cette finale, sont : a. Le présent de l'indicatif de la 2° et 5° conjugaison et de tous les verbes forts; il est naturel et conforme aux règles générales de romanisa- tion, que cette lettre fasse disparaître les dentales ou autres muettes qui terminent le radical, avec quelques exceptions (vend-s, ete.). Ex. : par-s (rad. parx), sor-s (rad. sorr), meu-s (rad. mov), plain-s (rad. planc), autrefois part, sort, meuf, plaing. faut excepter de cette admission de s les cas suivants : ai, cueille, salle, et quelques autres, que nous mentionnerons dans nos remarques sur la troisième conjugaison. b. L'imparfait de l'indicatif, et par conséquent aussi le futur du sub- jonctif, généralement dit conditionnel présent. Ici ls a chassé la finale e, 1 Jubinal, Jongleurs, ete., p. 145. Vous mant (=mando) salut, ma douce amie Douce amie, salut vous mant. De même, très-souvent, je li vrr. 2 On connaît la licence poétique de retrancher cet s, pour mieux faire ressortir la rime avec des mots qui en sont dépourvus. Ainsi, l'on trouve dans les poëtes, et très-fréquemment dans Molière, l'orthographe je sai, je croi, je di, je ri, etc. Tome XIX. 6 42 MÉMOIRE qui existait encore, conformément à la voyelle finale « de la désinence latine pam. Aim-oie, aimer-oie, ont fait place à aim-ois, aimer-ois. c. Le parfait de la seconde et de la troisième conjugaison et des verbes forts. Anciennement rendi, dormi, fi, corui, di; aujourd’hui rendis, dormis, fis, courus, dis. d. L'impératif en est également affecté à la seconde et à la troisième conjugaison et dans les verbes forts : vends, dors, fais. Exceptez va pour vas. e. Le présent du subjonctif du verbe être : sois pour soë, de sim. 5. Nous avons déjà remarqué plus haut (p. 25) que la finale s se main- tenait à toutes les secondes personnes; passons à la troisième. Le #, qui la distingue en latin, ne se retrouve plus en français qu’au présent de l'indicatif de la troisième conjugaison et des verbes forts; à tous les par- faits en is, à l'imparfait des deux modes, partant au conditionnel pré- sent. L'ancien roman lui faisait jouer un rôle plus étendu : il le mettait au présent du subjonctif de la première, pour le distinguer de l'indicatif 1; modifié en d, au parfait de la première, au futur et dans quelques autres cas particuliers. Ce { ancien était souvent précédé d’un s euphonique ; aist, estrainst, dist pour ait, estraint (de étreindre), dit. Les serments de 842 constatent la haute antiquité de cet usage : on y trouve dis pour debet ©. 4. La première personne du pluriel conserve le s primitif, rejette lu bref, et assimile la labiale m à la dentale s, en la faisant n, d’où ns. Il se pourrait cependant (car nous n’osons pas nous prononcer là-dessus) que le s de la première du pluriel fût aussi paragogique que celui de la per- sonne correspondante du singulier, et que le français eût suivi exemple du provençal, qui rejette tout à fait la syllabe finale us (chant-am , vend-em , 1 Par exemple : aut pour aille, doint ou doinst (donet), griet (gravet}, aint (amet), se dex me salt (salvet), se dex me conseut ou conselt (consilietur), enveit pour envoie ; une trace de ce t s’est conser- vée dans ait (habeat). ? Un fait analogue se présente dans beaucoup de radicaux, par exemple : casnard * (aujourd'hui canard) ; chaesne *, chaisne *, d'où chaîne (de catena); cisne * (aujourd'hui cygne); mesner* (aujour- d'hui mener); resne *, d'où réne; rosle *, d'où rôle; trosne *, d'où trône ; pasle, d’où pâle; disyner ", disner * (dignare domine, commencement de la prière de table) d'où diner. — Le Livre des Rois à également deist, pour doit. | s | 4 SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 43 part-em). C'est ce que nous fait supposer la forme ancienne oram pour oramus, que nous avons trouvée dans le chant d'Eulalie. Le moyen âge, aux XIe, XIE, XIE: siècles, présente une grande variété de formes, omes, om, on, um, ums, ons. La première paraît théoriquement être la plus an- cienne, car elle reproduit le plus visiblement la syllabe mus. Toutefois on est fondé à n’y voir qu’un retour vers la langue mère, un rapproche- ment du mot original, introduit peut-être par les savants, car elle est d’une date bien plus récente que le Livre des Rois, qui a um ou ums (par- tum, trovum, volum, serrums), et que d’autres productions littéraires, contemporaines ou postérieures, qui ont om, où on, ou (saint Bernard) ons. Si l'articulation ns se déduit facilement de la syllabe originale mus, il n'en est pas ainsi du son 0, qui la précède. Comment a-t-il pu être substitué aux voyelles a, e,i, u, qui sont, en latin, les seules initiales que nous rencon- tions dans la désinence de la première personne du pluriel: amus, emus, imus, umus? C’est là une énigme , à la solution de laquelle nous renonçons avec plus de raison encore que notre principal guide, M. Diez. Umus pouvait naturellement s’affaiblir de um, wms en omes, ommes (sumus — somes — sommes), et de là passer en ons; mais est-il compréhensible que cette dé- sinence presque unique en latin, se soit imposée comme normale à toute espèce de verbe, surtout si nous considérons que les textes anciens sont plutôt disposés au passage de on en en, qu’à celui de en en on, à en juger par des exemples, tels que l'en pour l'on ou l’um (pronom indéfini), volentet pour volonté 1? Au lieu de ions, qui représente ebamus, nos pères disaient iens; cela se conçoit : il y a là d’abord transformation régulière, et, en second lieu, analogie avec la seconde iez, produit régulier de ebatis. Ces terminaisons ions, iez sont propres à l’imparfait et au conditionnel présent. Elles s’appli- quent encore au présent et à limparfait du subjonctif, mais ici li ne nous semble être que lamplification ordinaire de e ?, par laquelle le présent 1 Un linguiste distingué nous fait savoir que l’on trouve également les formes nos donnénes, nos donneines, nos donnans, nos donnens. Cela peut être vrai, quant au langage parlé, mais la lit- térature, qui sert de base à nos investigations, ne nous a jamais rien présenté de semblable. 2 Cfr. fier, hier, mien, rien, icstre”, de ferus, heri, meum, rem, essere. 44 MÉMOIRE du subjonctif se distingue de présent de l'indicatif. Ainsi vendamus, amas- semus font d'abord vendiens, aimassiens, et de là, par une maladroite assi- milation , vendions, aimassions. 5. Dans la terminaison tis de la seconde personne plurielle, l’i bref est syncopé, et le ts représenté par z, autrefois simplement s. La syllabe en- tière reparaît sous la forme tes, lorsque, comme au parfait, le £ est pré- cédé d'un s: amastis — aimastes — aimâtes; dormistis — dormütes. Par la même raison estes, êtes, de eslis. 6. Les finales nt, qui caractérisent la troisième personne du pluriel, existent à tous les temps, mais comme simple signe graphique. Car (et c’est là un fait général) les syllabes de flexion, dépourvues dans l'original de l'accent tonique, sont sourdes en français, et les finales consonnes sont privées de prononciation. C’est ainsi que dans la succession des temps, les ingénieuses inventions du langage ne sont plus que des figurantes, dont l’origine, le but, le véritable caractère se perçoivent par la vue, mais échappent à l'oreille. Nous dirons, pour revenir sur une métaphore étrangère rappelée plus haut : l'instrument délicat se dégrade ; les touches du clavier subsistent, mais la corde est brisée. Formation des temps. 1. nfinitif. — L'e final est rejeté, excepté dans ére, où le premier e subit la syncope. Ainsi, les terminaisons are, ire deviennent er, à; celle ere, quand elle ne passe pas en ère, comme dans taire, nuire, ou en à, comme dans tenir, gésèr, et surtout dans les cas où elle provient, par dépra- fait oùr. L’in- vation, de ère, comme dans décevoir, de decipère pour decipère finitif étant le premier élément constitutif du futur, c’est ici le lieu de traiter la formation de ce temps. La combinaison de l'auxiliaire ai avec l'infinitif, ne rencontre aucune difficulté; il est clair que l’e final dans les infinitifs en re, se perd par le concours avec la voyelle a : aimer-ai, finir-ai, SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 45 vendr-ai. Quelques altérations, occasionnées par la syncope i,e, dans ir, er, et le conflit qui en résulte entre lr de linfinitif et la finale du radical, seront mentionnées plus bas, ainsi que la formation du futur dans les verbes en oir, lesquels, comme il a été dit, appartiennent tous à la classe des verbes forts. 2. Présent de l'indicatif. — Dans les présents qui ont abandonné leur flexion primitive, les dentales { et d, finales du radical, devenues muettes comme telles, se sont souvent effacées dans l'ancien langage après n. Nous disons souvent, car il existe, dans l'orthographe des anciens, une di- versité et une fluctuation surprenantes ; ainsi man, defen, pour mand, defend. Aujourd'hui ce rejet de la dentale radicale ou de toute autre consonne qui termine le radical, n’a plus lieu que devant s et 1; par exemple : astreins, sens, mens, pars, dors, meut, sert, pour astreinc-s, SONTS, MONTS, parts, dors, meuxt, servt. Presque tous les verbes de la seconde conjugaison conservent cependant la finale radicale, ainsi: vends, rends, bats, perds, etc *. Exceptez vas, va, de vadis, vadit. Quelquefois, quand la finale du radical termine le mot entier à défaut de désinence, le vieux roman la modifiait: ainsi d devenait t ou c? (gart, prent ou prenc, perc où pert, pour garde, prend, perd)5:; v se durcissait en Fr (crief, pruef, pour crève, prouve). L'accent tonique repose à toutes les personnes du singulier et à la troi- sième du pluriel sur la pénultième, ou, si l’on veut, sur le radical; à la première et à la seconde personne du pluriel, sur la dernière ou la désinence. Dans finis, et semblables, il ne faut pas perdre de vue que is étant le pro- duit de isco, isc, appartient au radical, et ne pas voir dans cette accen- tuation une exception à notre règle. 5. Présent du subjonctif. — Ge temps ne se distingue de son correspon- dant de l'indicatif, que par lapposition de la désinence e, représentant 1 Il existe un principe général de transmutation romane, suivant lequel, lorsqu'il y a concours de trois consonnes, celle du milieu disparaît quand ce n’est pas un s; exemple : hoste de hosv'tem ; berger de berv'earius ; sepmaine et, en dernier lieu, semaine de sepr'mana; blasmer de blasr mare. 2 La mutation inverse de c ou g en t existe dans herbert * pour auberge, du bas-latin harberqum; Lucenbort, Estrabort, pour Luxembourg, Strasbourg. 5 Ph. Mouskes, v. 24085, jou li porc (pour porte), 24086, dont je recorc (pour recorde). Le même auteur à conc pour comple, quic pour cuide. 46 MÉMOIRE du son a original, là, où elle manquait à l'indicatif, et par les désinences ions, anciennement iens, et iez, à la première et la seconde personne du pluriel dont il a déjà été question. 4. Impératif. — Ce mode tire son singulier directement du latin, mais il emprunte le pluriel au présent de l’indicatif. Ama, vende, dormi, font, d’après le cours ordinaire, aime, vends, dors; mais c’est amatis, etc. et non amate, qui a produit aimez, vendez, dormez. Il faut excepter de cette règle les verbes être, avoir, savoir, vouloir, dont le singulier reproduit la première personne du singulier du présent du subjonctif, et le pluriel la seconde personne du pluriel du même temps : ainsi sois, soyez (sim, siatis pour süis), aie, ayez (habeam, habeatis), sache, sachez, anomale pour sachiez (sapiam, sapiatis) , veuille, veuillez (d’une forme barbare voleam, voleatis). D. Imparfait de l'indicatif. — Ebam, ibam, se sont transformés , par l’in- termédiaire de ia (provençal et espagnol) en eie et oie (voy. p. 29), d’où, par l'application du s paragogique, ois, et enfin, par l'orthographe de Vol- taire, ais. Abam a d’abord produit è&ve!, mais plus tard la terminaison oie des autres conjugaisons s’est imposée à la première, de sorte que aim-ois est une formation impropre, produite par le nivellement des formes qui a si fortement influencé la grammaire romane. Il va sans dire que les flexions de l’imparfait se répètent au conditionnel présent. 6. Parfait. — Le 1, qui entre dans la composition de la seconde per- sonne singulière de cetemps (asti, isli), ne manquait pas à la langue des trou- badours, et, avec moins de régularité, à celle des trouvères. Amasti, fecisti, devinrent d’abord aimast, féist, et, en dernier lieu, par apocope, aimas, féis’, fis?. Les formes actuelles chant-âmes, vend-imes, trahissent encore l’exis- tence antérieure d’un s, étrangère au latin. Cette insertion peut s'expliquer 1 Le wallon belge a conservé cette forme dans la flexion ef, appliquée également aux imparfaits des autres conjugaisons, variant même avec if ou iv’ devant une voyelle. Nous y trouvons, du moins dans la fable du Corbeau (Revue de Liège, 1845, 4° livr., p. 448), les mots flairiv’, v'nef respondév’. D'un autre côté, nous y avons trouvé aveut, saveut, sereut, mais cet eut , que l'on peut expliquer au besoin par ev + 1, ne serait-il pas la reproduction de la flexion latine uit, modifiant ainsi bien peu le son w que nous lui avons substitué dans le français littéraire. ? Cette disparition du £ pourrait être motivée par le besoin d'éviter la coïncidence avec la troi- sième personne singulière de l’imparfait du subjonctif. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 47 de deux manières. Il y a là soit quelque raison d’euphonie, comme dans le fait cité p. 42, note 2, ou une fausse analogie avec le s, qui existe con- venablement à la seconde personne du pluriel (astis, istis — âtes, îtes). 7. L'imparfait du subjonctif n'offre aucun caractère dont ce qui précède ne fournisse l'explication. La troisième personne du singulier, telle qu’elle est formée aujourd'hui, est le résultat de la syncope ordinaire de l’e bref entre deux consonnes, et de l’absorption de la consonne s par une con- sonne suivante, absorption rappelée par un signe graphique, l'accent cir- conflexe. Amasset — aimast, aimût. 8. Le participe présent variait autrefois entre ans et ant, suivant le cas où il se trouvait. La distinction du sujet et du régime ayant cessé, la der- nière forme a prévalu. La prononciation identique de e et a devant les na- sales m,n a confondu ant-em et Ent-em dans les conjugaisons romanes, qui ont toutes adopté la flexion ant. L’e primitif de la terminaison ens s’est maintenu dans quelques adjectifs, proprement participes, comme dolent, évident , éminent , apparent , équivalent ; de même dans sergent, formé de servient-em par l'intermédiaire de servjent. 9. Gérondif. — Les langues italienne et espagnole ont conservé ando et endo; le provençal en a gardé an et en, mais le wallon, ayant durci le d final en t, en à fait ant. L'usage du gérondif se borne, du reste, dans cette langue, à une seule locution. 10. Le participe passé actuel a rejeté le £ final que lui laissaient encore les anciens, en le changeant en z(— ts), quand le participe était au no- minatif. Aimet, vendut, receut, finit, cognuz du vieux langage, s’écrivent aujourd’hui aimé, vendu, reçu, fini, connu. $ 4. Nos observations sur la physionomie du verbe français dans toute son étendue étant terminées , nous pourrions déjà donner les tableaux des diverses conjugaisons que nous avons établies, avec les remarques qui s'y rattachent, mais nous jugeons convenable de nous occuper préala- 48 MÉMOIRE blement des deux auxiliaires avoir et être, vu leur usage fréquent, et, par conséquent, leurs formes plus défigurées, vu encore, quant au dernier, l'hétérogénéité de ses radicaux. I. AVOIR. Indicatif présent , ar, eù (habeo, cf. sai’, de sapio ), cf. esp. he, port. hei, prov. ei ou ai. As (habes, abes, abs). AT, ad°, a (habet, abet, abt). AvONS, avum (habemus). AVEZ (habetis). onr, unl° (habent). La dérivation ont de habent a certainement quelque chose d’étrange, et nous renonçons, à défaut de preuves concluantes, à vouloir déterminer le rapport qui unit les deux formes. Cependant cette mutation ent en unt, ont, a son analogie dans celle mentionnée, p. 45, de amus, emus en ons. Et, du reste, il nous semble permis d'admettre ici un barbarisme quelque peu saillant. On a donné au verbe habëre la terminaison de troisième per- sonne plurielle, qui est particulière aux verbes forts, savoir nt. De cette manière habent a très-bien pu devenir, d’abord éont et ensuite ont (cfr. faciunt, féont*, font ; vadunt, véont , vont). L'exemple de sont pourrait aussi avoir exercé quelque influence sur la formation ont. En tout cas, c’est une témérité que de voir dans cet unt” des textes anciens, un souvenir de ynt celtique (pro- noncé unt), qui est la troisième personne du pluriel de l'indicatif présent de bod, verbe suesrantir en gallois. Voilà cependant le moyen auquel a eu recours M. Bruce-Whyte (IL, p. 499), après avoir rappelé « que l’étymolo- siste le plus visionnaire et le plus hardi, Ménage lui-même, ne s’est jamais imaginé que habeo ait pu être corrompu de manière à produire des formes 1 La remarque de M. Diez, que dans ai comme dans sai, la voyelle à provient de l’e et de l'i dans labo, sapo, nous paraît très-plausible, et se base sur de nombreuses analogies, Cfr. pag. 69. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 49 telles que unt, eus, ousse, eu. » Nous l’affirmons de nouveau, le savant auteur de l’Histoire des langues romanes, ainsi que celui des Origines du fran- çais, a souvent méconnu les lois phonétiques qui président à la mutation et à l’altération des vocables. Imparfait. Av-o1s (habebam) aveie* ; -ois, -eies”; -oit, -eil” ; -ions, -iens ; -iez; -oient, -eient'. Parfait. EUS, é-u-i°, où (hab-ui, cf. sus, séus’ de sapui) (voyez p. 71); eus, oust; eut, éut”, eust”, ot”, out; eusmes, eùmes; eusles, eüles; eurent, urent, ourenl'. Subjonctif présent. A1E (habeam) , aies , ait ! (habeat), ayons, ayez, aient ?. Imparfait. EUSSE , éusse", ousse” (habuissem) , etc. Futur indicatif. Aurai, averaïi , ete. ©. Participe présent. Ayant (habentem). — passé. Eu, éu', oud” (de la forme barbare habutus). Infinitif, Av-oir , av-eir° (hab-ere). Il. ÊTRE. Indicatif présent. suis, sui (sum), es, est; sommes, somes’ (sumus), estes, iestes’, éles ; sont, sunl° (sunt). — imparfait. Ere', iere* (eram), erl', ierl' (erat), erent*, ierent' (erant). À côté de ces formes esteie*, eslois , étais (stabam) , etc. — parfait. Fus, fui (fui), etc. Subjonetif présent. Sois, soit, elc. (sim , sis, etc.) ; seie*, seies’. — imparfait. Fusse, etc. (fuissem). Futur simple. Esser-ai', sarai, serai (it. saro, prov. sarai), etc. On trouve aussi dans erc° , iers”, tert”, des traces de ero , eris , eril. Infinitif. Estre’, iestre”, étre de essere ; ester‘ de stare. Participe présent. Étant (stant-em). — passé. Ested’, été (it. stato), formé de stare. 3 Voy. la note 1, p. 42. ? On sait que, dans la conjugaison française, li ne subsiste que devant le muet. Devant les voyelles caractérisées, cet à se consonnifie en quelque sorte, et cette mo RGatiOn à est représentée dans l'écriture par y, qui correspond ainsi au yod des Allemands. 5 Voyez la note 1, pag. 15. Tome XIX. 1 50 MÉMOIRE $ 5. Tableau de la première conjugaison. FRANÇAIS MODERNE, VIEUX FRANÇAIS. PROVENÇAL. ITALIEN. ESPAGNOL, Indicatif présent. Chant-e. Chant, chant-e, Chant-i, chan.| Cant-o0. es. i et, e. omes, om, um. es. ent. Imparfait. Chant-ois, ais, Chant-ève, eie, oie, oue, Chant-ava. Cant-ava. Cant-aba. ois, ais. eves , eies, oies, oues. avas.” avi. abas. oit, ait. evet, eit, oit, ot, out. ava. ava. aba. ions, iens. avam, avamo, abamos. iez. iez. avatz. avate. abais. oient, aient, event, eient, oient, oent. avan, avano. aban. Parfait. Chant-ai. Chant-ai. Chant-ei. Cant-ai. as. ast, as. Ë asti. a at, ad, a. âmes. asmes, amos, âtes. astes. è asteis. érent,. arent, erent. À aron. Futur. Chant-er-ai. Chant-er-ai. Chant-ar-ai. Cant-ar-0. Cant-ar-é. as. (er) ai. at, ad, a, omes, um, es. ont. ont. anno. NB. Il va sans dire, que nous ne chargerons pas ces tableaux des temps composés, le futur excepté, vu qu'ils ne pré- sentent, sous le rapport étymologique, rien de particulièrement remarquable, SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 51 FRANCAIS MODERNE. VIEUX FRANCAIS. PROVENCAL. ITALIEN. ESPAGNOL, Subjonctif présent. Chant-e. Chant-e. Chant-e,chan.| Cant-i. Cant-e. es. i et, ed, chant. omes, iens. ies, ent. Imparfait. Chant-asse. Chant-asse. Chant-es. Cant-assi. Cant-ase. asses. asses. esses. assi. ases. ât. ast. es. asse. ase. assions. assiens , assiomes. essem. assimo. asemos. assiez. assies. essetz, aste. aseis. assent. assent. essen. assero. asen. Futur subjonctif ou conditionnel. Chan-ter-ois, ais. Chan-ter-oie , eie. Chant-ar-ia. Cant-ar-éi 1, ia. Cant-ar-ia. | { ois, ais. oies , eies, ias, (er) esti. ias. oit, ait. oit, eit. ia, ebbe, ia. ions. iens. iam. emmo. iez. ies. iatz. este. oient.aient. oïent. ejent. jan. ebbero, iano, Impératif. Chante. Chant-c. Chant-a. | Cant-a. ez. es. atz. | ate, Infinitif. Chant-er. | Chant-er. | Chant-ar. | Cant-are. | Cant-ar. 1 Cet éi représente habui, comme {a représente habebam. Pour celui qui a étudié soigneusement la corruption du latin, ces faits sont au-dessus de toute contestation, MÉMOIRE ( 19 FRANCAIS MODERNE. VIEUX FRANCAIS, PROVENCAL, ITALIEN, ESPAGNOL, Gérondif. Chant-ant. | Chant-ant. | Chant-an. | Cant-ando. | Cant-ando. Participe présent. Chant-ant. | Chant-ans, ant. | Chant-ans. | Cant-ante. | Cant-ante. Participe passé. Chant-é. | Chant-et, nomin. €, és, é. | Chant-at. | Cant-ato. I Cant-ado. $ 6. Bien que les terminaisons françaises énumérées ci-dessus n’offrent plus rien, sous le rapport de la formation, qui n’ait été expliqué précédemment, nous avons encore certaines particularités à noter, que l'usage capri- cieux, aussi bien que le besoin d’euphonie, a pu introduire soit dans le vieux français, soit dans la langue actuelle. Nous aurons également locca- sion de suppléer à des observations antérieures. 1. Le moyen âge modifiait livrinirir er en eir ou enier suivant des pré- dispositions dialectales. Cette dernière forme était assez répandue, surtout après des finales chuintantes ou sifflantes : mangier , forgier , cherchier, jugier . brisier. La finale de la désinence r n’était pas toujours muette, comme elle l'est aujourd’hui, car on remarque dans les anciens textes des mots, tels que mer, amer, etc., rimer avec l’infinitif. Le rurur et le conprrionneL, qui se déduisent directement de l'infinitif, présentent une anomalie dans les verbes envoyer et renvoyer, qui font enver- rai, etc. Nous ne saurions mieux expliquer ce fait qu'en prenant cette for- me pour un retour vers le primitif nviare (esp. enviare), dont l’i s’est affaibli SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. D3 devant le double r. Quant à celui-ci, il pourrait bien provenir du besoin d'éviter la coïncidence avec le futur envierai, du verbe envier —invidere 1. L'ancienne transposition de rerai en errai mérite encore d'être citée; exemple ouverrai (de ouvrer —=operare) pour ouvrerai; deliverrai, monsterrai pour délivrerai, montrerai ; ainsi que l'élimination de le entre deux r (demor- rai, jurra, durrai) et l'assimilation, en pareil cas, de la finale x du radi- cal avec Fr {merrai?, dorrai où durrai pour ménerai, donnerai). Le futur lairai 5 est plutôt le futur d’un verbe faire” (= tud. lân) que le résultat d’une contraction de laisserai. 2. Au présent de l'indicatif la première personne refusait autrefois l’e de la flexion aussi bien qu’elle l’admettait. Nous avons vu, sur la même page pri et prie, aport et aporte *. Mais cette voyelle était indispensable au subjonctif. La troisième personne singulière suivit l'exemple de la première ; non-seulement elle perdit le £ caractéristique, mais elle alla jusqu’à bannir la voyelle. Ainsi chant, cuit, dout, qart, coust, pour chante, cuide, doute, garde, coûte. Ceci toutefois ne paraît avoir été le propre que des verbes dont le radical se terminait par une dentale. La finale at, employée dans les ser- ments (dunat, conservat) , devenue plus tard et, se réduisit enfin en un simple e, et devintidentique avec la flexion de la première personne. D'un autre côté, le t, qui, combiné avec la syncope de la voyelle e, caractérisait le subjonctif ancien, a disparu du langage moderne. On connaît les vieilles formes : aut (pour aille) aint (— amet), doint ou doinst (pour donne), cest (pour cesse) devurt 1 Le Livre des Rois, particulièrement enclin à la diphthongue ei pour oi, a la forme enveier, d'où le futur enveierez. À côté de enveier nous avons rencontré la forme envier, avec le sens de convier. La même forme apparaît dans Ph. Mouskes, 24086 et suiv. : Quar li boins rois dont je recore Ert aouit mors et déviés Et viers paradis enviés. Le même chroniqueur se sert ailleurs (par exemple vers 25684) de envoiier. Par une bizarrerie fréquente, le composé fourvoyer est régulier dans la formation de son futur, 2 À Ja page 151 du Livre des Rois, il y a la forme monstrueuse amerrerai pour amèneraï. Nous pensons que parroit, Ph. Mouskes, 27802, a été pris à tort pour parleroit. I n'y a rien qui s'op- pose à l'interpréter, selon l'habitude, comme le conditionnel de l'ancien verbe paroir. 5 Voy. Ph Mouskes, v. 8952. 4 Voy. pag. 40, 1 et 45, note 5. D4 MÉMOIRE (— devoret}, laist (Ph. Mouskes 20,525 pour laisse). De là les locutions déjà citées se dex me salt (salvet), conselt ou conseut (consilietur ). 5. La flexion &ve de l’imparfait, formation véritablement romane de abam, existe dans jueyve (jocabam), cessevet (cessabat), vaillevet (vigilabat) semblevent (simulabant) de saint Bernard et de saint Grégoire. Page 29, de la partie générale, nous avons fait mention de la terminaison oue, 0e (à la troi- sième personne du sing. out, ot, plur. ouent), habituelle dans le Livre des Rois (amoue, chantout , partouent, alouent) et particulière à d’autres écrits contem- porains et postérieurs (quidout, Marie de France, contot, mandot, priout, Tristan). Nous osons émettre, à ce sujet, la conjecture que la dissolution de » consonne en « voyelle, prononcée ou, a peut-être contribué à sa for- mation. Cependant ni la terminaison êve, ni celle en oue ou 0e ne se sont appliquées à la première et à la seconde personne du pluriel; l’avance- ment de l'accent tonique (dbam, abémus) a amené l’assourdissement de ab en À, d'où ions, iez, qui est, par le même procédé, le produit de ebamus et ibamus. Les formes oie ou eie, d’où plus tard oi-s, ais, et qui datent, selon M. Diez, du XIJ° siècle, sont, nous le répétons, un emprunt fait aux autres Conjugaisons; car, conformément aux lois de mutation, elles sup- posent une forme intermédiaire ia, qui est, en effet, celle du provençal et de l’espagnol à la seconde et à la troisième conjugaison. 4. Nulle part l'a caractéristique qui distingue en latin la première conjugaison, ne s’est aussi visiblement conservé qu’au parfait, quoique la confusion des deux éléments a et i en diphthongue en ait altéré le son pri- imitif. À la troisième personne du singulier, le { primitif, souvent affaibli en d, est particulier aux écrivains des XI: et XIIE: siècles. À la troisième personne du pluriel, l'influence de l’r a modifié la voyelle «a en e, d'où érent, autrefois mostrarent, plorarent. L'imparfait du subjonctif, que lon peut convenablement faire dériver du parfait, avait, chez certains auteurs, un à au lieu de a pour initiale de la flexion à la première et à la seconde personne du pluriel; par exemple : enveissez (Livre des Rois), travaillissiez (ibidem), laississions (Rabelais ). Plutôt que de voir dans cette altération une imitation abusive des autres conjugaisons, nous l’expliquons par la même raison qui a motivé la for- SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. Do mation aim-i-ons de am-ab-amus, savoir l'avancement de l'accent tonique. d. La terminaison atus est devenue par une filiation régulière et, ed (ou iet, ied ), é. Le féminin &e, dont les anciens faisaient généralement usage, est un emprunt fait sans doute à la troisième conjugaison; exemples : escillie pour exilée, couchie pour couchée, forgie pour forgée. Quoique nous nous soyons proposé de relever toutes les irrégularités que mentionnent nos grammaires, nous n'entendions aborder que celles qui con- cernent essentiellement les terminaisons de flexion. I n’entre donc pas pro- prement dans le cadre de ce travail de nous étendre sur la différence entre appelle et appelez, achette ou achète et achetons, croient et croyez et semblables, différences que des raisons harmoniques et euphoniques ent introduites et que l'orthographe a représentées par des modifications sensibles. Nous nous dispensons également de parler des verbes défectifs. Ce caractère tient soit à des raisons historiques, aux antécédents de la langue mère, soit aux propriétés du sens, soit enfin aux caprices inexplicables du hasard. Cela posé, la première conjugaison, outre le verbe envoyer, dont nous nous sommes occupé, ne nous présente plus aucune irrégularité, si ce n’est la forme aille pour alle, dont nous ferons connaître l’origine à la page 69. Nous ne prétendons pas non plus traiter, dans leur totalité, les nom- breuses anomalies du vieux roman. 4 Lemême motif qui a produit l'infinitif ier (voy. pag. 52), nécessite aussi le participe tet ou üed. Le Livre des Rois a aculchied (accouché), jugied, mangied, etc. L'adoucissement de t en d occa- sionne dans le mot repaired, que nous avons rencontré dans cette vieille traduction biblique, une singulière coïncidence avec le même mot en anglais, quoique la flexion ed anglaise ait une tout autre origine. FRANCAIS MODERNE. Vend-s. Vends. Vend. Vend-ons. ez. ent. Vend-is. Vendr-ai. MÉMOIRE SU Tableau de la seconde conjugaison. VIEUX FRANCAIS. Vend, ven. Vens. Vend. Vend-omes, um. es. ent. Vend-cie, oie. eies, oies. eit, oit. iens. ies. eïent, oient. Vendr-ai. as. at, ad. omes, um. es. ont. PROVENCAL. ITALIEN. Indicatif présent. Vend-i. Fend-o. Imparfait. Vend-ia. V'end-eva. evi. eva. evamo. evate, evano. Parfait. Vend-ei. Vend-éi. est. esti. et. i,e em. emmo. etz. este. erono. Futur, Vendr-ai. Vend-er-0. ESPAGNOL, Fend-i. iste. i0. imos. isteis. ieron. Vend-er-e. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. D7 FRANÇAIS MODERNE, VIEUX FRANCAIS. PROVENCAL, ITALIEN. ESPAGNOL. Subjonctif présent. Vend-e. Vend-a. 7 Û Vend-a. es. i as. ebs1e. a. iens. ies. ent. Imparfait. Vend-isse. Vend-isse. Vend-es. Vend-essi. Vend-iese. isses. isses, :sses. essi. ieses. il. ist. esse, iese. issions. issiens. essimo. iesemos. issiez. issies. este. ieseis. issent. issent. esser0. iesen. Futur du subjonctif ou conditionnel. Vendr-ois. | Vendr-oie. | Vendr-ia. Vend-er-ei, ia. V'end-er-ia. ois. Ï ias. esti. ias. oit. i i ebbe, ia, ia. ions. | Ï emmo. iamos. iez. es. este. iais. oient. oient, éient. ebbero, iano. ian. Impératif, Vend-s. Vend. Vend-e. Vend-i. Vend-e. ez. Vend-es. etz. ete, ed, Enfinitif. Vend-re. | Fend-ve. Vend-re. | Vend-er. Tome XIX. 8 DS MÉMOIRE FRANCAIS MODERNE. VIEUX FRANÇAIS. PROVENCAL. ITALIEN. ESPAGNOL. Gérondif. Vend-ant. | Vend-ant. | Fend-en. | end-endo. | Vend-iendo. Participe présent. Vend-ant. | Fend-ans, ant. | Vend-ens, ent. | Vend-ente. | (fend-iente.) Participe passé. Vend-u. | Vend-ut, ud , u. | Fend-ut. | Fend-uto. | Fend-ido :. 1 Voyez la note p. 41. $ 8. Observations. 1. Cette conjugaison, aux caractères indiqués, savoir : infinitif re, par- fait is, participe u, ne comprend que les verbes suivants et leurs compo- sés : battre, coudre, fendre, défendre, fondre, mordre, -pandre, pendre, perdre, répondre, rendre, rompre, descendre, tendre, tondre, tordre, vaincre, vendre, et l'ancien toldre ? (parf. toli, part. tolu). On peut y ajouter le verbe défectif titre (p. tistre, de texere), dont le participe tissu trahit suffisamment son ca- ractère de verbe appartenant à la classe dont il s’agit. 2. Il est important de faire remarquer que tous les verbes mentionnés ci- dessus, à l’exception de rompre et de vaincre ?, terminent leur radical par une dentale, d’où lon conclura convenablement que les caractères dis- 1 On trouve aussi tollir, de la troisième conjugaison. 2? Aussi ce verbe a-t-il dû, au parfait, se soumettre au changement orthographique qu pour €, Du reste, l'exception de vaincre, ainsi que celle de rompre, est justifiée par le plus de consistance qu'obtiennent les finales par l'adjonction des nasales. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. D9 tinctifs de cette conjugaison, surtout l'infinitif en re, ne se présentent, dans toute leur netteté, que sous certaines conditions du radical. Cette observation fera comprendre les anomalies que nous allons signaler dans quelques verbes, aux radicaux desquels la romanisation avait ôté la con- sonne finale, et par-là la faculté de se joindre aux désinences d’une ma- nière régulière, mais qui, dans leur forme primitive, ont trouvé les moyens de suppléer à ce défaut. 5. Ces verbes sont : -duire (ducere), cuire (coquere), luire (lucere), nuire (nocere), et -struire (struere !). Le c primitif, effacé par son conflit avec des consonnes, ou plutôt dissous en à, reparaît devant les voyelles avec sa prononciation romane = $; ainsi : @uis-Ons, Auis-OiL, construis-il, conduis-ez. Le participe latin en ctus, appliqué également à luire et à nuire, s’est conservé en roman, de sorte que, sous le rapport du participe, ces verbes appartiennent à la classe des verbes forts. Ainsi : -duit, cuit, -struit (cf. le subst. fruit, de fructus), féminin duite, etc., mais, par une singularité inexplicable, lui, nui, non susceptibles de féminin. 4. Les nombreux verbes en aindre, eindre, oindre, provenant d’un infi- nitif latin angere, ingere, ungere (plaindre, at-teindre, joindre), ainsi que ceux terminés également en indre, mais provenant de emere ou imere (craindre, ou criembre ”, empreindre), perdent, devant les voyelles, le d in- tercalaire, qui se trouve habituellement à linfinitif, lorsque s, x, » ou g viennent à concourir avec r. De plus, les lettres ng se transposent en gn (peicxons, craicenis®). La disparition de la gutturale radicale g ou €, de- vant s ou £ (je, tu pein-s, il pein-t, part. pein-t et à Vinfinitif pein-d-re pour peing-re) n'est que la conséquence de la règle que nous avons fait connaître dans la note 4 de la page 45. Nous le répétons, un d ou un t peut venir faciliter la liaison des deux liquides » et r, et remplacer en quelque sorte ! Le verbe stru-ere accuse, par ses formes, srnuc-si, srruc-tum , la préexistence d’un infinitif srnuc-ere. — Les anciens, ayant égard aux infinitifs primitifs en ére, rangeaient les verbes luire, nuire, dans la troisième conjugaison, et disaient luisir, nuisir. (Cf. gésir de jacere; loisir, infinitif, à côté de loire *, et puis substantif, de licere.) ? L'analogie de l'infinitif a produit l'assimilation de la conjugaison de craindre, empreindre, à celle des verbes provenant de primitifs en ngere. L'infinitif de la troisième conjugaison eremir était également en usage chez les anciens. 60 MÉMOIRE la consonne éliminée‘. Ce que nous avons fait observer sur le participe des verbes dont il a été question au numéro précédent, s'applique également aux verbes en ndre. 5. Restent quelques particularités isolées. Coudre, produit de consuere par les intermédiaires consre, cous're (cf. monstrer*, de monstrare, moustier” de monasterium), cousdre, perd le d inter- calaire et reprend son s naturel devant les voyelles. Cousons, cousis, cousu. Suivre? formation romane de segv-ere (cf. tuile, de tegula) maintient le v, qui à sa raison dans lu — v du radical latin, où, du reste, il n’a qu'une valeur graphique (cfr. sec-utus — sequ-utus); mais il le perd, conformé- ment à la règle mentionnée page 45, 2, devants out; de là sui-s, sui-t. Le participe suivi est un reste de l'ancienne forme romane seguir de la troi- sième conjugaison, qui coexistait avec suivre où sigre. Le latin secutus se retrouve facilement dans le vieux français séu. Naître de nascere (voyez p. 39, note 1), en reprenant devant les voyelles son radical primitif nasc, a formé un parfait régulier nasqui *, d’où naquis. Le participe net ”, né, est directement formé de natus, lui-même participe ré- gulier denor Le supplanté par la forme inchoative nascor. [rasci, dont la conju- gaison latine est tout à fait conforme à celle de nascor, a éprouvé le même sort en roman : il existait anciennement un infinitif iraistre, dont on ne con- naît pas de parfait, mais qui a laissé le participe irascu, à côté de iret, for- mation immédiate de iratus. Nous émettons la conjecture, que vivre avec ses formes vesqui”, vescu”, vécu, appartient tout bonnement à la deuxième conju- gaison. Ce n’est que plus tard qu’un parfait fort vécus a été substitué à vesqu. Quant à cette dernière forme, elle nous semble résulter de la transposition du latin vicsit = vixit. Nous pourrions citer à l'appui de cette opinion le verbe lâcher, indubitablement formé de lascare pour lacsare = laxare. Écrire (scri[bfre) fait au parfait écriv-it (le b reparaît adouci en v), mais son participe est fort : escript *, écrit, de scriptus. 1 Le même principe a donné naissance aux infinitifs tistre (de texere), connoïstre (de cognoscere}, paître, naître (des formes actives pascere, nascere), sourdre (de surgere), coudre (de consuere), croître (de crescere). ? Anciennes formes : seguir, sigre, siure. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 61 e7e Ne) Tableau de la troisième conjugaison. On se souvient du double caractère de cette conjugaison que nous avons exposé à la page 27 de la première partie. Nous mettrons les formes inchoatives en regard des formes simples. Pour gagner de la place, nous abandonnons la comparaison de l'espagnol, qui ne présente pas la classe inchoative, et dont la troisième conjugaison ne diffère que légèrement de la seconde. Il est inutile aussi, de donner de chaque temps plus que la première personne, les autres désinences se complétant facilement par les tableaux précédents. FRANCAIS MODERNE. YIEUX FRANCAIS. PROVENCAL. ITALIEN, Indicatif présent. Par-s. Fleur-is. Part. Flor-is. Part-i. Flor-ise, is. | Part-o. Flor-isco. Par-s. is. Par-s. is. s. is? i. isci. Part. it. Part. ist. | Ë is. 5 isce. Part-ons. issons. | Part-omes. issomes, ez. issez. es. isses. ent. issenuL. ent. issent. | : iscon. : istono. Imparfail. Part-ois. Fleur-issois. | Part-oie. Flor-issoie. | Part-ia. Parfait. | Part-i. Futur. Partir-ai. | Partir-ai. | Partir-ai. | Partir-o. 62 MÉMOIRE FRANCAIS MODERNE. Part-e. | Part-e. isses. | Fleur-isse. isse. issions. issiez, issent. Part-isse. Part-isse. isses. isses. it, etc. ist, etc. VIEUX FRANCAIS. Flor-isse. PROVENÇAL. ITALIEN. Subjonctif présent. Part-a. Flor-isca. Part-a. Flor-isca. isses. as. iscas. a 1. isca. isse, isca. isca. issomes. iscam, issies. iscatz. issent. iscan. iscano. Imparfait. Part-is. Part-issi. isses. issi. is, etc. isse, esc. Futur ou conditionnel. Partir-ois. Partir-oie. Fleur-is. issez. Part-ir. Part-i. Part-ant. Fleur-issant.| Part-ant. Part-ant. Fleur-issant. | Part-ant. Part-it, i. | Partir-ia. | Partir-ei. Impératif. Flor-is. issés. Part-i. etz. Flor-is. Part-i. Flor-isci. ite. Enfinitif. | Partir. Gérondif. Flor-issant. | Part-en. | Part-endo. Participe présent. Flor-issant. | Part-ens. | Part-ente. Participe passé. | Part-it. | Part-ito. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 65 $ 10. Observations. 1. Conueaison PURE, c’est-à-dire sans la terminaison inchoative isco. Les voyelles caractéristiques e,i de la seconde et de la quatrième con- jugaison latine (mon-e-0, aud-r-0) ayant été annulées dans la seconde et la troisième conjugaison romane, il en est résulté une coïncidence presque complète entre les deux conjugaisons. La différence ne porte que sur le participe passé, et sur l’infinitif, avec les temps qui en dérivent. Le nombre des verbes réguliers simples qui composent cette classe de la troisième conjugaison, est limité à quatorze; ce sont : bouillir, cueillir, dormir, fuir, mentir, partir !, re-pentir, saillir, sentir, servir *, sortir !, et les défectifs faillir, ouir. Le futur présente une légère déviation de la règle dans cueillerai pour cucillirai ?. 2. Au présent, les finales radicales m, t, v s’effacent devant s et 4 de la flexion, toujours en conséquence d’un principe énoncé plus haut : ainsi dorfm]s, dor[m]t, men[t|s, sorft]s, ser[v]t. L disparaît également dans bouillir (bou{l}s), mais non pas dans saillàr et cueillir, qui, par une anomalie remar- quable, font saille, cueille. Si notre conjecture est juste, le maintien de la finale à la première personne du présent est motivée, chez ces verbes, dans l'un, par la nécessité de le distinguer soit de sai-s (sapio), ou de quelque autre vocable (saut, par exemple, = saltus); dans l’autre, par un besoin na- turel de sauver le seul vestige du radical primitif, puisque cueillir (prov. culhir, esp. colegir) est une reproduction de colligere, par les intermédiaires colgere , coglere. La conséquence de ce maintien de ! a été l'addition d’une désinence e, en remplacement de Ps ou du t, car le génie de la langue 1 Les composés répartir, — distribuer, partager, asservir (à cause de la signification causative, sans doute) et ressortir — dépendre d'une juridiction, appartiennent à la seconde classe. ? Nous ne savons pas, par notre propre expérience, si l’on est fondé, comme le fait Girault- Duvivier, d'admettre un infinitif cueiller, d'où ce futur proviendrait par dérivation régulière. 64 MÉMOIRE moderne ne permettait pas qu'une forme verbale se terminàt en { pur; la vieille forme voil, vueil — volo, a dû se modifier en veulæ, et plus tard, en veux. 9. Ainsi que nous avons remarqué, dans la conjugaison précédente, un échange entre des formes de la seconde et de la troisième, nous avons également à mentionner ici certains verbes qui participent, ou qui parti- cipaient autrefois des deux sortes de flexion. Vêtir est régulier, à l'exception du participe vêtu, introduction moderne pour l’ancien vêtr 1. Il en est de même de issir ( — exire), participe issu. Ce participe ap- partient cependant à une ancienne forme istre de la conjugaison précé- dente, d’où le futur istrai *. Férir, partic. féru ?. Sentir, sentu*, consuivir” (consequere), conséu (consecutus). 4. Les verbes ouvrir (aperire), couvrir (cooperire), offrir (offerre), souffrir (sufferre), ont le participe fort, en reproduisant l’ancienne ter- minaison ertus, prètée abusivement à sufferre et afferre. I] va de soi que la double et la triple finale fr, vr ne pouvaient s’adjcindre encore ni ls de la première personne du présent, ni le t voulu à la troisième de ce temps ; il lui a fallu le muet pour support; de là : je couvre, tu couvres, il couvre, etc. d. L'identité de fus, présent, et de fuis, parfait, n’est qu’apparente. Pour l’étymologiste, le radical est, au présent, fui (cfr. nui-s, lui-s, de xoceo, Luceo), et, au parfait, fu. 6. Le verbe saillir se conjugue d’après fleurir, quand il signifie sortir avec impétuosité, ou quand il est employé dans le sens de l’accouplement des ani- maux ; mais il suit le modèle de partir, quand il exprime un terme d’archi- tecture. Si le verbe simple est défectif, il n’en est pas ainsi des composés tressaillir (transsalire) et assaillir. Ces derniers étaient autrefois plus réguliers ! Le présent vests, vêts, n'est pas en contradiction avec ce que nous avons observé sur le retran- chement du t final. Ce t est nécessaire ici pour éviter le concours des deux s. ? Les fréquents exemples de il fiert— « la mort fiert sans manecier »—sont là pour prouver que férir ne prenait pas la forme inchoative. Toutefois, on a droit d'admettre un infinitif fierdre, au- quel il faut rapporter le participe féru. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 65 que le verbe simple : car on trouve les formes du présent assaus, assaut ?, tressaut ?, et un futur assaudrai (cf. faillir, futur faudra). Ce fait vient à l'appui de notre opinion (p. 65, 2), savoir que le présent du verbe saillir ne s’est pas formé en saus, pour éviter lhomonymie ou le rapprochement trop prononcé avec le fréquentatif sauter (saltare); cette considération venant à disparaître dans les composés, la forme saus s’est produite. 7. Coniucaison mixe. — Nous avons caractérisé, à la page 27, cette forme isc, franc. is. En provençal ei en italien’, elle n’affecte que le présent (à l'indicatif, au subjonctif et à l'impératif), tandis qu’en français, elle s’é- tend encore à l’imparfait de l'indicatif et au participe présent. Nous avons fait observer que le sens inchoatif, attaché primitivement à la formation esco, isco, Où asco, s'était perdu dans les langues romanes, et que celles-ci n'avaient eu en vue que l'agrandissement du vocable. Ceci ne s'applique pas aux verbes de création moderne et formés d’adjectifs, comme : maigrir, vieillir, grandir , re-froidir (verbe neutre), lesquels, avec les flexions des an- ciens verbes latins en esco, en ont également conservé la signification, devenir maigre, Vieux, etc. En français, la conjugaison inchoative comprend principalement les verbes de la quatrième conjugaison latine, mais nous nous sommes déjà prononcé sur le fréquent transport d’une conjugaison à l’autre, et sur le grand nombre de verbes appartenant primitivement à la seconde ou à la troisième conjugaison latine, et rangés parmi ceux de la troisième con- jugaison romane. Tels sont emplir, jouir, fleurir, envahir, convertir, frérnir, gémir , trahir , escovir * (excupere), etc. 8. Quoique l’objet spécial de ce travail soit simplement la génération des formes verbales , il me paraît important de remarquer que cette classe Malherbe, dans les Larmes de saint Pierre, en parlant de l'Église dit : Un jour, qui n’est pas loin , elle verra tombée La troupe qui l'assaut, et la veut mettre à bas. ? On trouve la forme inchoative tressaillit dans quelques prosateurs, comme Jean - Jacques Rousseau. 5 Ni l'espagnol, ni le portugais, quoiqu'ils présentent à la seconde conjugaison des formes inchoa- tives, telles que: clarecer, magrecer, negrecer, offrent pas cette division dela troisième conjugaison. Tome XIX. 9 66 MÉMOIRE de conjugaison a servi plus tard à former les causatifs ou les factitifs; ainsi a-doucir, a-grandir, af-faiblir , at-tendrir, a-vilir, — rendre doux, etc. 1. Mais qu'on y fasse bien attention, le préfixe ad ÿ est pour beaucoup dans la production de ce sens. Le latin sco a laissé des traces dans noircir, éclaircir (prov. negrezir, clarzir, esp. clarecer, clarescer”, negrecer). Dans les verbes, dont les radicaux, dépourvus de la flexion inchoative, se rédui- raient à une seule articulation, comme cr-esco, gn-osco, n-ascere, etc., la flexion a passé tout à fait dans le roman, en se soumettant aux lois or- dinaires de permutation littérale : de là croître, naître, etc. 9. Le verbe hair, d’origine germanique, est pur au singulier du pré- sent : hais, hais, hait. Les anciens allaient plus loin et conjuguaient : he, hes, het, haons, haez, heent; subjonct. hace, haces, hast. Ce fait est d'autant plus étrange, que les verbes d’origine non-romaine se classent tous dans la conjugaison mixte. $ 11. Conjugaison forte. Aux pages 34 et suivantes nous avons tracé les principaux caractères de la conjugaison forte en général, il nous reste à en faire l’application po- sitive à la langue française. D’après ce qui précède, il est à prévoir que nous allons nous occuper des verbes qui ne cadrent pas avec les défini- tions données de chacune des trois conjugaisons faibles, par conséquent des verbes en oir et d’une foule de verbes soi-disant irréguliers, dont le parfait n’est terminé ni en ai (= avi) ni en is, (= evi ou ii), car c’est sur ce temps, principalement, que porte la différence des deux grandes caté- gories de verbes que, sur les précédents du latin, nous avons distinguées dans les langues romanes. Si, d’un côté, parmi celles-ci, le roman-wallon a poussé le plus loin la déformation du latin, on y découvre, d’un autre côté, une tendance plus prononcée à prêter aux anciens verbes de la troisième conjugaison latine, des formes faibles, à les garantir ainsi de ce caractère exceptionnel que le 1 Saint Augustin employait déjà innotescere dans le sens de rare connaître, pour nEvenR célèbre. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 67 génie des langues, insouciant pour les raisons qui lui ont donné naissance, est continuellement occupé d'extirper. Le nombre des verbes que des au- torités respectables nous ont fait nommer verbes forts, est beaucoup plus restreint en français qu’en italien et en provençal. Il est vrai que le procédé de contraction qui défigure les radicaux français, a nécessité, pour ne pas désorganiser entièrement le verbe, la réparation de ce défaut par la pré- férence accordée aux formes faibles, plus sonores et mieux caractérisées. Ainsi que le caractère fort dans la langue mère, se reproduisait par- tiellement dans toutes les conjugaisons, la classe des verbes dont il va être question, en renferme qui non-seulement appartenaient à la troisième con- jugaison latine, mais aussi des verbes de la seconde, dont l’infinitif s’est formé, suivant les exigences des lettres finales du radical, d’après trois modes différents. Les verbes donc qui renferment des vestiges de l’ancienne conjugaison forte des Latins, et qui par-là s’écartent à certains temps le plus sensi- blement des conjugaisons exposées précédemment, présentent les parti- cularités suivantes : 1. L'infinitif se termine : a. Enre, véritable représentant de l’ancienne terminaison ère, qu’avaient adoptée, dans le latin barbare, même des verbes primitivement terminés en ére, comme täcere, devenu successivement täcère, d'où tac’re, taire: ridère, ridère, rid're, rire, etc. — Nous avons expliqué plus haut le d ou:le t in- tercalaire dans crois-t-re, de cresc-ere, connois-t-re (cognosc-ere); remain-d-re (reman-ere), mol-d-re, moudre (mol-ere), sol-d-re*, soudre (solv-ere). b. En oùr (dans certains dialectes eir), romanisation de êre, que la négli- gence de quantité, favorisée encore par la conformation littérale du radi- cal, a fait prendre à des verbes à l’infinitif latin en ère, comme recipere, devenu receber (esp.), et de là recevoir 1. c. En ir, particulier à des verbes qui avaient primitivement tant êre que 1 IL est tellement vrai que l'euphonie, bien plus encore que des considérations étymologiques, ont fixé le choix des trois infinitifs re, oir et tr, que plusieurs verbes n'ont pas laissé deux formes d'infinitif seulement (ce que nous avons déjà vu dans les verbes faibles), mais trois : ardere, par exemple, est devenu arsir, ardre et ardoir. 68 MÉMOIRE ére; par exemple courir (dont il existe, comme on sait, une forme secon- daire courre), quérir (jadis querre), mourir , arsir” (pour ardre), cheir”* (pour cheoir), seir” (pour seoir), etc. Le futur n’accuse qu'une seule forme d’infinitif, celle en re. Ainsi recevoir fait recevrai, d’un infinitif recevre, qui se trouve réellement sous la forme recoivre (voy. p. 18, note 4); valoir fait (d’un infinitif valre, valdre, vaudre) vaudrai; venir, tenir, en modifiant la voyelle radicale e en ie, et par l’inser- tion connue du d euphonique, font viendrai, tiendra, anciennement encore tenrai, venrad. Courir, mourir, font courrai, mourrai, de courre, mourre 1. 2. Le présent de l'indicatif ne diffère pas, quant aux terminaisons et à la combinaison de celles-ci avec le radical, des deux dernières conjugaisons de la classe faible; nous y retrouvons la mème élision de la finale radicale (doi[b]s), veu[1]x, meufv}s, sai[p}s), la même disparition de le ou de li ca- ractéristique dans les flexions latines eo, io. Mais un fait important se présente ici, c’est la modification de la voyelle radicale dans les formes personnelles où l'accent tonique ne repose pas sur la désinence. Exemples : Venir, tenir VEn-0ns, ten-6z, mais VIENS, {LIENS , (IENNeNt. -quérir -Quér-06ns » -QUIEYS, -Quièrent. Mourir mour-6n$ » -MEUTS, MEUTrEN(. Vouloir voul-éz » VEUT, VEUL, VEU(eNt. Mouvoir MOUV-ONS , » MEUVENl. Savoir SAV-ÉZ » SAIS, sEvenl” (aujourd'hui, par anomalie, savent). Devoir dev-6ns » dois, doivent. Cette considération fait également que l’imparfait prend la voyelle ra- dicale de linfinitif. Il va sans dire que le t ou d intercalaire dans pais-t-re, mou-d-re, etc., introduit accidentellement à l’infinitif pour faciliter le pas- sage d’une dentale liquide à la dentale liquide r, disparaît partout ail- leurs dans la conjugaison ?, et que la consonne radicale éliminée au sin- gulier du présent, et quelquefois à l’infinitif {boire de bib're, taire de tac're), 1 Ce n’est pas ici l'effet d'une syncope t entre deux r, analogue à celle que nous avons mentionnée dans jurrai pour jurerai (pag. 5). La voyelle à ne partage pas la nature fugitive de e. 2? L'écriture sanctionnée mouds pour mous, fait exception et est évidemment fausse; cfr. sous de soudre. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 69 se reproduit au pluriel, et en général devant les flexions qui commencent par une voyelle. Ainsi : connais, connaiss-ons ; moudre, mourons; dois, devons ; veux, vouL-ois, meus, meuvent; bois, buvons !. Remarquez encore les anomalies dites, faites (dic’tis, fac'tis) pour disez, fuisez ; de plus font, contraction de féont (faciunt) pour faisent. On voit bien, par ces exemples, que la grammaire, l'esprit systématique, a souvent dû céder à l'empire de la décomposition purement matérielle des vocables latins. 5. Le présent du subjonctif fait paraître çà et là des restes des voyelles i ou e de la flexion; ainsi deuille * rappelle doleam (cf. feuille de folium), vaille — valeam, sache — sapiam (voy. pag. 55), murgent” — moriant(ur), apierge* (appaream). Les fréquentes désinences en nge ou gne se rattachent à la même raison étymologique : tienge* ou tiegne”, d'où tienne. Ce ge | qui est aussi certainement la reproduction de la combinaison eam , que orge vient de ordeum , cage de cavea, rouge de rubeus| a même affecté des verbes faibles ou forts, qui, en latin, au présent du subjonctif, n'avaient que la simple terminaison am, et non pas eam ou iam; par exemple, pregne*, prenge”, d’où prenne (prehendam) ; defegne”, defenge” (defendam) ; aille, alge*, auge”, algiez”, du verbe aller ?; doigne”, doinge” (donem); doinst (donet); devurge (devorem). Le t final de la troisième personne, comme on l’a déjà fait observer, particulier aux écrivains du moyen âge (voy. pp. 42, 5 et 5, 2), ne se retrouve plus aujourd'hui que dans ait et soit. Quant aux radicaux, il existe, par la même raison de l’accentuation, une parfaite analogie entre les personnes respectives du présent des deux modes, sauf quelques légères déviations qui portent sur les consonnes finales, et qui se rattachent au fait que nous venons de démontrer : exem- ple : veur-ent, subjonctif veursr-ent. 4. C'est le parfait principalement qui donne aux verbes forts leur ca- chet individuel, et auquel les données de la langue originale ont fait prendre diverses formes qu'il nous faut énumérer : a. La simple inflexion , sur laquelle repose essentiellement la forma- 1 Cet u radical provient d'une fausse application de celui du parfait bu. Les anciens disaient : bevons , bevez. 2 Vov nu Voy. pag. 55. 70 MÉMOIRE tion du parfait dans la langue mère, a subi — à la première personne tou- jours, et toutes les fois que, comme dans vins et tins, la finale radicale n’est pas élidée — la loi de lapocope, par la même rigueur qui a défiguré dorm-s, dorm-1t en dors, dort. On ne la rencontre plus que dans quelques monosyllabes, dont la voyelle radicale n'avait pas assez de consistance pour ne pas se confondre avec la flexion, par exemple : fis, vis, sis, con- tractions de féis, véis, séis (feci, vidi, sedi). b. Le rejet est compensé, dans deux verbes, par une modification mar- quée du radical : vin-s, tin-s, analogue (peut-être) à celle qui a lieu dans fäcio, feci; lègo, legi; vèmo, veni. c. La terminaison si s’est conservée presque dans tous les cas latins : ars* (arsi), aers* (de aerdre* — adhaerere), clos (clausi), escos” (excussi), dis (dic-si)}, duis* (due-si) !. Cet s n’est pas la consonne paragogique dont nous avons parlé page 41 et suivantes; de ce que, avant l'introduction de celle-ci, les documents les plus anciens appliquent la finale s aux verbes que nous venons de nommer, il faut conclure que cette consonne est un élément constitutif et essentiel de la désinence. L'usage de ls dépassa même les limites que traçaient les antécédents latins, et il affecte des verbes, tels que ocis*, (occidi), raiens* (redemi ?), sols” (solvi). Quelques faits particuliers de l'ancienne langue sont encore à signaler. Le parfait en næi (cinxi, pinxi, etc.) était anciennement formé d'une manière forte, savoir : en ns, par exemple : ceins (cinxi), oins (unxi), plains (planxi), atains (attinxi, forme barbare pour attigi), tandis que le langage moderne, comme nous l'avons démontré page 59, 4, les traite en verbes faibles et fait leur parfait en quis, probablement pour les distinguer plus sensiblement du présent. Ces formations fortes correspondent avec celles du provençal, ceis, ois, plais, pois, ateis, et avec celles de l'italien einsi, unsi, piansi, punsi, attesi. Les verbes dont l’'infinitif se termine en loir étaient éga- lement pourvus de la désinence s et accusent ainsi une forme latine cal-si, fal-si, val-si, vol-si : chausist, faulsist, vausist, vousist, pour chalüt, fallät, valät, voulüt, à comparer avec les formes italiennes calse, valse, volse. 1 Variation du parfait duisis dont il a été fait mention pag. 59, 5. 2 Cependant redemsi peut avoir été latin aussi bien que sumsi, demsi. Voy. la note 4, p. 55. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 71 d. L'ancienne flexion ui prévaut de beaucoup en roman, et son emploi s’étend, comme la précédente, à des verbes qui ne l'avaient point en latin. Elle se reproduit exactement dans l’ancienne langue wallonne, quelquefois modifiée en oi : molui pour moulus, fui pour fus, poi pour pus; à la troisième personne du singulier, elle faisait ut ou ot; valut, sot* pour sut. Plus tard, l'i de la désinence a fait place au s paragogique. L'accent tonique affecte la terminaison : reçus, courds; c'est ce qui, selon nous, a occasionné les alté- rations notables que subit le radical, s’il n’est pas terminé par une liquide, comme dans cour-ur, fall-ur, moul-ur, mour-ur, val-ur, chal-ur*, dol-ur*. Quand la finale radicale est une muette, elle est élidée (fait général dans la formation du français), et la voyelle radicale, devenue presque imper- ceptible par l'avancement de l'accent, finit par se confondre avec la voyelle grave de la désinence. Ainsi credidi, ou plutôt la forme barbare cred-ui, fait d’abord cré-ui, puis crui, enfin crus. Tout ceci ne souffre pas le moindre doute pour celui qui s’est familiarisé avec la marche et les procédés de la décomposition phonétique et orthographique des vocables. Citons encore quelques exemples : beb-ui, forme barbare, pour bibi, fait béui — bui — bus; deb-ui— déui, dui, dus; sap-ui,—séui, sui, sus. De la même manière se sent formés : jui” de jacuit; lut” de licuit; nui* de nocuit ; plot (o pour w) de placuit; poi de potui; crui de crevi, creui [la coïncidence de crus (credidi) et crus (crevi) s'explique facilement d’après la base de notre système, tandis qu’elle a quelque chose de frappant au premier abord]; conui, connus, de cognovi (vi = ui); plut de pluvit; eut, ot, de habuit; reçus de recipuit. Les désinences personnelles de ces quatre espèces de parfait, comme nous allons les énumérer, se déduiront aisément des considérations précé- dentes. a. Vis, ancienne forme: véi; b. vins, vinc'. Vis, véis ; vins. Vite véil, vist, vint. Vimes, véismes ; vinmes pour vinsmes. Vites, véisles ; vintes pour vinstes. Virent , véirent ; vinrent, vindrent’. 1 L'e radical reparaît dans la vieille langue d'oil, aux autres personnes, comme les paradigmes donnés ci-après le feront voir. 72 c. Vieux français : MÉMOIRE dis. desist. dist (pour le s, voyez p. 42, 5). desismes. desistes !. distrent. Tel est le paradigme du parfait, sinon le plus fréquemment employé dans les plus vieux documents, au moins le plus pur et le plus voisin des formes primitives. Un fait important, mais conforme aux lois qui régis- sent la corruption des mots et des formes latines, vient le défigurer, c’est la suppression de la finale radicale s. Cette consonne simple, placée entre deux voyelles, s’affaiblit jusqu’à s’effacer entièrement (cf. maturus, devenu successivement ma-ür, méur, mir). Si la consonne est doublée, elle résiste, et nous ne rencontrGns jamais arist*, remanis*, mais bien arsist* (arsit) et remansist” (remansit). Cette syncope du $ a produit un parfait dont les formes diffèrent peu de celles établies aujourd’hui : Dis dis. Deist dis ?. Dist d'où par contraction 4 dit. Deismes dimes. Deistes dites. Distrent, disrent, disent dirent. d. Dui (debui) d’où dus. Deust dus. Dust, dut, du dut. Deusmes dümes. Deustes dütes. Deurent durent. On le voit, la voyelle radicale e, à laquelle aboutissent, par la rapidité 1 La mutation de la voyelle radicale à en e dans desist, desismes , desistes, est toujours le résultat de l'avancement de l'accent ; on ne peut plus s'y arrêter, d’après nos indications antérieures. ? Voy. pag. 46, 6. 5 Le { euphonique intercalaire manque très-souvent dans le vieux roman; on remarque égale- ment lomission du r organique, d'où : disent *, misent *, sisent *. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 75 de la prononciation, ou mieux, par leur caractère d’atonie, toutes Les autres modulations radicales primitives, subsistait encore dans le langage de nos pères; mais le français actuel, ennemi du hiatus, l’a rejetée. Qui retrouve aujourd’hui dans la forme dus le radical deb, et dans sus le radical sap? Bien qu'il soit aisé de déduire du parfait de l'indicatif imparfait du sub- jonetif, nous faisons suivre le tableau des différentes formes qu'il présente. 1. Parfait en ts (vis) : visse, contraction de véisse, etc. visses. vist, vit. vissions. vissiez. vissent. 2. Parfait sans terminaison, mais caractérisé par la modification de la voyelle (vins). vins se. vins ses. vinst, vint (autrefois venist, issu directement de venisset ). vins sions. vins Siez. vins sent. 3. Parfait en s (dis). des isse, deisse, enfin disse. des isses, disses. des ist, Ge dit. des issiens, à dissions. des issiez, 3 dissiez. des issent , Ê dissent. 4. Parfait en ui, us (dui”, dus). deusse d'où dusse. deusses , dusses. deust, dus. deussiens , dussions. deussiez , dussiez. deussent , dussent. Tome XIX. 10 74 MÉMOIRE 5. Participe. — Le participe des verbes forts est la reproduction exacte des formes latines, excepté que la terminaison tus s’est ici, comme à la seconde conjugaison faible, transformée en utus. Ce transport n'a ni phy- siologiquement ni historiquement quelque chose de frappant; les deux voyelles extrêmes x (—ou) et i se rencontrent dans le son u (—ù des Alle- mands et l’v des Grecs), et les Latins variaient eux-mêmes entre optumus et oplimus, lubido et libido, dissupo et dissipo, etc. Le latin sus laisse s en français, exemple : clos (clausus), ars” (arsus), aers (adhaesus), remes (remansus) !, mis (missus), ocis (occisus), pris (prensus). Cet s a même été appliqué abusivement à des verbes, comme quis (quae- situs), semons* (submonitus), trems” (tremitus), despis* (despectus), sors” sortitus). Cette règle subit une exception dans ri, conclu, de risus, conclusus. Le participe tus fait t; le c, ainsi que d’autres consonnes qui le précè- dent, est effacé ou se dissout en i; Exemple : ceint (cinctus), duit (ductus), fait (factus), dit (dictus). Exceptions : receptus, pastus, qui font reçu, pu. Il est naturel que l’adjonction de ut, où u, romanisation de utus, en- traîne les mêmes altérations du radical qu'au parfait. Ainsi, debitus fait déut — du, et, par une raison tout orthographique dü. La flexion barbare cognoscitus produit d’abord cognéu et puis connu ; placitus — pléu, plu. Le rejet de l’e radical date de très-loin, puisque l’on trouve dans le roman de la Vio- lette, bu, dechut; dans Tristan, crut, conut (partic.) Le besoin de niveler a fait que des participes, comme ventus, visus , tentus, receptus, pastus, ont également admis la formation en « : venu, vu, tenu, reçu, pu, etc. $ 12. Il nous reste à faire l'énumération des verbes qui suivent la conjugaison forte. L'infinitif étant formé d’après les dispositions particulières du ra- dical, nous les classerons suivant les divisions que nous avons établies pour la formation du parfait. Nous tracerons de chaque verbe les formes 1 La combinaison latine ans fait toujours ès en français roman, exemple : trans, très; infans, emfés * (Livre des Rois); mansi, -mest”. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 75 les plus intéressantes, qui représentent le mieux sa physionomie générale, en renvoyant pour leur justification, quand nous le jugeons nécessaire, aux remarques éparses que nous avons faites dans le cours de l'examen des particularités du verbe français. Du reste, nous ne prétendons pas donner dans les indications suivantes, un catalogue complet des verbes forts de l’ancienne et de la nouvelle langue des Français. Première classe. Verbes dont le parfait a conservé, à la première personne, la désinence latine. Fame (fac’re) !. fut. fer-ai, fraï (L. des R.). Voyez, pour le changement de la voyelle radicale, la note 2 de la page 72. indic. prés. fais, fai’, faz’, faisons *, faites, font. (Voyez page 69.) subj. face', fasse. parf. féis", fis; imp. subj. fesisse", féisse', fisse. part. fait (factus). Seorr (sedere) pourrait appartenir à cette classe par son parfait seis', sis*, mais l'emploi du s dans sistrent', nous détermine à le ranger dans la troisième classe. Voir pour vcoir', véeir, même vedeir (videre). fut. verrai (vid’r-ai ; cf. verre de vitrum). Voyez page 68. ind. prés. vois, voi‘, voyons, véons”, voient, véent'; imparf. vedeil” (Livre des Rois), voyait. subj. prés. voie, voyions. parf. vi (voyez p. 70), vis; imparf. subj. véisse, visse. part. veu”, vu Ÿ. * 1 Les composés de faire suivent l'exemple du verbe simple. Il en est de même des verbes en -fire= lat. -ficio, confire, suffire. Except. : suffi pour suffit, au participe. 2 On sait que la prononciation, par les motifs si souvent rappelés de l'accentuation, dément l'or- thographe et dit fesons. 5 Dans les composés de voir, remarquez les anomalies pour- et prévorrai et parf. pourvus, d'a- près la quatrième classe. Au présent et à l'imparfait, la diphthongue où est motivée par l'équation, incontestable en linguistique française, {— oi. Voy. pag. 29. 76 MÉMOIRE $ 15. Deuxième classe. Verbes dont le parfait a entièrement rejeté l'i organique du latin, mais qui ont modifié la voyelle radicale. TENIR (tenere). fut. tenrai (supposant un infinitif en ére, comme en général tous les verbes forts), tien-d-rai. prés. ind. trEns, tenons, tnnent. (Voyez p. 68.) — subj. tienge” (teneam) , tiegne*, tienne. parf. tinc', tins, tinmes, tinrent, tindrent' ; imparf. subj. tinsse, tint, mais aussi tenis{”. part. tenu. Venir suit tout à fait le modèle de tenir. S 14. Troisième classe. Verbes dont le parfait se termine en s. -CiRE circon-, ocire (lat. cid’re). Le d ne subsiste jamais devant r. fut. -cirai. ind. prés. c, cis; pl. cisons (anomale pour cions), cium, ciez . (Livre des Rois.) parf. cis; cesist', céist', cist, cis, cit; cimes (de césismes, etc.), cles, cirent , cistrent', cisenl'. part. cis (cisus). CLorE (claud're). fut. clorai. prés. clo*, clos; clos ; clôt (le circonflexe rappelle le s euphonique, dont il a été question p. 42, 5); cloons’. Composés : ENCLORE se conjugue comme le précédent. ÉCLORE à faussement éclosent , subj. éclose. CON-, EX-CLURE, prés. -clus, -cluons ; parf. -clus, part. -clu (anomale pour clus). SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. ME Dire (dicre, cf. fic're, fire). fut. dirai. prés. di, dis, dit, dist'; disons , dites (p. 69) ‘, disent, subj. die’, dise. parf. déis”, dis. part. dit. METTRE (mittre). fut. mettrai. prés. mels , mel ; meltons ? parf. omis (misi) , 5° sing. tramist®, p. transmit. part. mis (missus). PRENDRE (pre[he|ndere). fut. prendr ai. prés. prends ; prend, prendons”, prendez; plus tard, le d ayant été faus- sement envisagé comme un d intercalaire, prenons, prenez, pren- nent (pour prendent) ; subj. prenge*, pregne’ , prenne. parf. pris (3 sing. prist); pristrent, imp. subj. purpréist (L. des R.), présist (Ph. Mouskes, 14774). part. prins", pris (prens-us). QUERRE", -QUÉRIR (quaer’re). fut. querrai. prés. quiers; quérons , quiérent (p. 68). parf. quis ; quéistes (L. des R., p. 150), quistrent, quirent. part. quis. Rinere (rid’re, cf. -cire de -cidere). fut. rirai. prés. ris, rions, rient®, subj. rie. parf. ris. part. ri (pour ris de ris-um). SEoir (sed-ere) fut. siérai. (Cf. vrendrai , de venir). prés. siEd, siéent ; imparf. séeit, même sedeil' ; auj. seyait. 1 Redire a de même redites, mais les autres composés font régulièrement disez. 2 Les deux { ne sont mis que devant une voyelle ou un r. Les anciens n'écrivaient ce ile par- tout qu'avec un seul £. Il en est de même avec battre. 5 Le d radical est élidé partout dans la conjugaison. Rien de plus fréquent que le rejet de la dentale entre deux voyelles. (Cfr. benéir*, bénir de bencedicere, se-oir, vé-oir", de sedere, videre). 4 Il est probable que c'est pour distinguer seoir, verbe, de soir, substantif, que l’on a laissé sub- sister l’e dans seoir, qui cependant a été rejeté dans voir. Le Livre des Rois se sert encore du radical intact en faisant l'infinitif sedeir. 78 MÉMOIRE parf, sis”, pl. sistrent. Voy. p. 75. part. -sis (sess-um); part. prés. séant. Composés : sursEoIR, fut. anom. surseoirai, prés. sursois, sub). sursoïe ; par. sursis; part. sursoyant 1. ASSEOIR, fut. assiérai, ou asseierai ; prés. assieds, asseyons , asseient; part. assis. TraiRE (trahere, ou plutôt trac're). fut. trairai. prés. trais, trayons , traiïent. parf. traist (traxit), 5 pl. traisent”. (Voy. p. 72, note 5). part. trail (tractum). Verbes tombés en désuétude. ARDOIR OU ARDRE (ard’re), parf. ars, arsimes; part. ars. -Corre (es-, res-, se-, exculere, reexcutere , succutere); prés. 5 sing. esqueut; parf. rescos; part. es- res- se-cos (d’où secousse). Raemgre (redim're) (raiembre, Ph. M., 28855); parf. raiens, 5 sing. raienst ? (cfr. | prov. rezems , it. redense), part. raiens (Ph. M., 25055). | AgrDRE (adhaerere), parf. aers, part. aers. Despme (despic're), prés. 5 pl. despisent ; parf. despis, part. despit. Manom et remanoir, Maipre (manere), fut. maindrai, prés. remain, subj. mainne ; parf. mes, mest, remestrent ; part. remes. Semonore (submonere), parf. semons, semonstrent ; part. semons, d'où le substantif secmonce. Sorpre ou sourdre (surg’re), fut. sordra; prés. assort (assurgil), sordent (le d est un abus); parf. sors, surstrent; part. sors, d’où le subst. source. Verbes encore usités aujourd'hui, mais avec un parfait faible. a. infinitif ndre : CEINDRE, parf. ceins; imp. subj. ceinsist. ESTREINDRE, D» es{reins. 1 La diphthongue oi, au présent, vient d'une maladroite imitation de voir. L'e bref de la racine sal ne pouvait, affecté de l'accent, bien entendu, que se nuancer en ie. 2 Ph. Mouskes, 20365 : Phelippe de France moult fort Tornai raienst. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 79 OINDRE, parf. oins; subj. oinsisse. PLAINDRE , » plains. POINDRE, » 5 pl. poinstrent (punxerunt). ATAINDRE , » atains; subj. atainsist. b. DUIRE, parf. duis. DESTRUIRE, » deslruis. C. ÉCRIRE, » écris (Scrips-1). $ 15. Quatrième classe. Parfait wi, où, us; part. u. Cette classe comprend presque tous les verbes qui composent la troisième conjugaison des grammaires françaises ordinaires. Avorm parf. éu", eus; part. eu. Voy. plus haut, p. 49. Composés : ramentevoir", parf. ramentui, part. ramentéu. Bome, (bibre), fut. boirai; anc. beverai, d'un infinitif boivre”, d’abord bevre. Cfr. it. bevér. prés. bois, buvons , bevons (voy. p. 69) , boivent ; subj. boive. parf. bui, bus. part. béu°, bu. Con-re-cevoir (-cipere, gàté en cipere) , conçoivre", forme postérieure à concevre’ (cfr. prov. concebre) , d'où fut. concevrai. prés. -çois, -cevons, -Çoivent; subj. -çoive. parf. -çui”, -çus; 5 sing. -céul'. part. -céu”, -çu, fém. -ciute’. Caéorr’, déchoir, échoir (cadere, gàté en cadere). fut. charraï, cherrai; cfr. verrai de voir {dr = rr). prés. -chois, -choyons, -choient. Cette diphthongue oi accuse le radical latin -cidere. Le simple cad s’est conservé dans chiet*, chicent (cfr. canis = chien). part. prés. échéant ; passé -cheu*, chu, fém. chevite” (p. cheuite?) trace assez rare de la flexion latine itus. Il existait autrefois du même verbe, une forme régulière chaïr et chéir , d'où le parf. chaï, chéi, 5 sing. chaïd, pl. chaïent, ete. Le part. passé chaeit dans le passage suivant du Livre des Rois : Dun ne savez que ni 80 MÉMOIRE est CHAEIT uns princes et uns halts sires en Israel, fait supposer une forme d'infinitif selon la première conjugaison, ou n'y a-t-il qu'une faute d'impression, telle que l'édition de M. Le Roux de Lincy en paraît présenter plus d’une. Courir, courre (curr're). fut. courrai. prés. cours, etc. parf. corui, curui”, courus. part. coru , couru. Croire (cred’re). prés. crois, croyons, croient. parf. crui” (mais aussi la forme faible créi'), crus. part. créw', cru. CroisrRe", croitre (cresc're), fut. crestrai’ (Introd. à Ph. M., IT, xx), croitrai. prés. crois, croisl”; eroissons, cressons (se — ss; Cfr. piscis et poisson), imparf. cresseil”. parf. crui, crus. part. créu, cru. Devoir, d'après -cEvoir. FaLLoir, faldre*, faudre’ (fall're). fut. faudrai. prés. fall”, faut ; subj. faille, analogue à vaille. parf. fallut, faulsist* (voy. p. 70) ; imp. subj. fallüt , faulsisse. part. fallu. Gésir (jacere) , aussi jesir”, gisir. fut. gerrai, d’un infinit. gerre de jac’re' ; Ph. M. giroit, qui fait supposer les transitions, gésir, géir, gire. prés. gis, git, gisons, gisent. Les deux premières formes s'expliquent par les intermédiaires gésis, géis (cfr. desist, déist, dist, dit, p. 72); les deux dernières sont des déductions, étymologiquement anomales, du singulier. parf. jéui”, jui”, jut” !, subj. gésist. part. géu'. Moupre (molre), molre*, mold're. fut. moudrai. prés. mouds (voyez p. 68, note 2), moulons. parf. moulus, molui’. part. moulu. Mourir, mourre (?). Cfr. courre (mor're). 1 On lit dans Ph. Mouskes, v. 16332, d'un fil s'a cr, pour elle accoucha d'un fils. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 81 fut. morraï, mourrai. prés. muer, meurs; mourons (vOy. p. 68). parf. morui, mourus. part. mort (mortuus). Mouvoir {movere). fut. mouvrai. prés. meus (cfr. meurs, etc.) parf. méus*, mus. part. méu’, mu. Con-Noisrre d'après croisrre; et, si l'on voulait être conséquent, il faudrait aussi bien prononcer et écrire craître que connaître ou paraître. PAISTRE (pasc’re), paitre, d’où paîtrai. prés. pais; paissons. (sc—ss), 5 sing. pest (Ph. M.) parf. dans RE-pus. part. péu', pu. PAROISTRE, auj. paraître; d'après croître. Forme secondaire : -paroir, d'où prés. -pert (paret). Paire (plac’'re) fut. plarrai, plairai. prés. plais, plaisons. Subj. plaise, place", cfr. face”, fasse, de faciam , et non pas faise. parf. plus ; 5 sing. plot', ploul’. part. pléu”, plu. Pzeuvoir ‘ (pluere). fut. pleuvra. prés. pluel', pleut. parf. plut. part. plu. Pouvoir, autref. roorr (ital. potere) ?. fut. porrai", pourrai, pour potr-ai. prés. peux (pour peus), puis" ?; 2 sing. pues', peux; 3 sing. puel', peul; poons”, poum”, pouvons; pucent”", peuvent ; subj. poisse‘ (possim), parf. poi, pus, pot”, put; sub]. péuisse*, pousse‘, pusse ; 5 f. poust'. part. péu*, pu. Savoir (sapére). fut. sarraï (pour saprai), saurai (cf. aurai) ; saverai. (Voy. Girault-Duvi- vier sur ce verbe.) 1 Le v intercalaire dans pou-v-oir, pleu v-oir, est analogue à celui qui a produit les flexions la- tines avi, evi, ivi, et que les idiomes néo-latins ont rejeté de nouveau; cfr. flu-v-ius, plu-v-ia. ? Puis, de potéo, comme muid de modius, puis de postea. Tome XIX. 11 MÉMOIRE prés. sai, sais ; savons ; savent; sub). saiche", sache (sapiam). Voy. p. 69. parf. soi", sus; sol”, sut. part. su, séu”. -SOUDRE (-solv're). fut. -soudrai. prés. -sous ; -solvons , -solvent. parf. -solui”, -solus. part. -solu; mais dissoudre et absoudre font -sous , fém. soute (de sol'tus , sol ta). -TAIRE , {aish (tacére ou tacere), d'après PLAIRE. -vaLoIR, valdre', vaudre” (val're), d'où valdrai", varrai, vaudrai. prés. val”, val, vail”, vaux (— val + s), valons; subj. vaille (valeam), valions (valeamus). parf. valui”, valus, 5 Ê. valsist. part. prés. vaillant, valant, passé valu. Vivre (vivere). prés. vif”, vis (vi[v]s), 2 s. vifs" (L. des R.) ; vivons. parf. vée-us, anc. vesqui. Voy. p. 60. part. vescu”, vécu. VouLoir (ital. volere), fut. voldrai', vorrai’, voudrai. prés. vuel*, veux (cf. meurs), voulons, veulent ; sub}. veuille , voulions. parf. volui”, voulus, 5 pers. volt”, voldrent”, suppression de la voyelle u. Dans l’ancien langage, cependant, c'était le parfait en s qui prévalait : ainsi 2 p. vosis, 5 p. volsist, volstrent; subj. volsisse. part. voulu. Lire (leg’re). prés. lis, lisons. (Cf. disons , de dicimus.) parf. lus, autrefois lis. part. léu”, lu ; autr. lis, lit” (Lecrus); fém. lite’ (eslite, Ph. M., 14737). Verbes hors d'usage. CæaLoir (calere); fut. chaudra. prés. chalt, chaut (calet) ; subj. chaille. parf, chalut ; mais aussi chausist. part. chalu. Docom (dolere), fut. doldra, dorra. prés. duel, deus (cf. veux), duelent ; subj. dueille. parf. dolut. part. dolu. SUR LA CONJUGAISON FRANÇAISE. 85 Ester, parf. estut (stetit); esturent , d'où, par quelque analogie, peut-être celle de mut où put, le verbe ancien suivant : Esrovom , être convenable, nécessaire, fut. estovra , estevra , esteura. prés. esluel ; imp. estovait, estevoit ; subj. estuisse. parf. estut, esturent, subj. esteust. part. esteu ? De la même manière se conjuguait autrefois le composé ar-ester, d'où arréter , parf. arestui, part. arestu, à côté de arestai, arestet. Lomme {lic're). De la forme licere s’est conservé loisir, comme plaisir, de pläcére, à côté de plaire, de plac’re. prés. loist; subj. loise. (CF. plaise). parf. liut, lut; subj. léust. part. léu. Paror (forme secondaire de paroître, tirée directement de la terminaison ere, au lieu de l'amplification escere), fut. parra , prés. part, piert, pert, pl. perent. parf. parui. part. paru. SoLorr ou souloir (solere). prés. soult (solet) ou seult (Ph. M.), impf. soleit (L. des R.), soulait (Marot et Lafontaine). On ne rencontre ni le parfait ni le participe de ce verbe. Torre (toll’re), toldre, aussi tolir. fut. tolrai, torai. parf. tolui, mais aussi tolsist (et toli, d'après la 2° conj.). part. tolu. < js te) My he | i ï ‘ L L ‘ (é ï ‘ L] . ù ‘ 1 . { L ü | : 1 P Ê \ , 4