flcfl O'/S H \R\ ARD UNIVERSITY. L. I B R A H Y MUSEUM OF COMPARATIVE ZOÔLOGY. éxxA< QyyvQi iûddauiu^s. I Qù MÉMOIRES COURONNÉS AUTRES MÉMOIRES, PUBLIES PAR L ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. COLLECTION l!¥-8\— -T«ME X*lî a B RUXELLES, Avril 1872. MÉMOIRES COURONNÉS AUTRES MÉMOIRES. MÉMOIRES COURONNÉS ET AUTRES MEMOIRES HBLU> l'AU l'académie royale DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS l>K BELGIQUE. COLLECTION IW-8\— TtVI XXII m BRUXELLES. HAVE/. IMPRIMEUR 1)1 LACADÉMIE ROYALI iTril 1871 NOTE SUR LA PREMIÈRE MÉTHODE DE BRISSON POUR L INTEGRATION DES ÉQUATIONS LINÉAIRES AUX DIFFÉRENCES FINIES OU INFINIMENT PETITES; P. MANSION, docteur en sciences physiques et mathématiques (Mémoire présenté à la classe des sciences le 9 octobre 1869.) Tome XXII, ) NOTE sur LA PREMIERE MÉTHODE DE BUISSON POUR L INTEGRATION DES EQUATIONS LINEAIRES AUX DIFFERENCES FINIES OU INFINIMENT PETITES. Cauchy a fait connaître, dans les anciens Exercices de mathé- matiques (*), deux méthodes remarquables d'intégration des équa- tions linéaires à coefficients constants, ducs au géomètre français lirisson. La première ; dont on peut retrouver le germe dans Laplace (**), a pour caractère essentiel de ramener I intégration de cette classe d'équations à celle d'un système d'équations linéaires du premier ordre, que Ton peut aborder successive- ment, comme si elles étaient indépendantes. Il résulte de là que, (*) Tome II, pages 159-209, Sur l'analogie des puissances et des diffé- rences. Le mémoire est consacré presque en entier aux équations linéaires. Yalson, dans sa bibliographie des œuvres de Cauchy, a omis de le citer parmi les mémoires qui se rapportent à ces équations. Les mémoires de liiisson n'ont pas été publiés, que nous sachions. Le cahier XIV du Journal de l'École polytechnique contient un mémoire de Brisson sur les équations linéaires, mais la méthode qui y est employée n'es! aucune de celles dont parle Cauchy. (") Voir Lacroix, Cale. diff. et intégral, 2'™ édil , I. II, p. 609, t. III, p. 20S. Voir aussi une méthode analogue de Lngrange, Lacroix, l. III, p. 282. { 4) dans chaque cas particulier, l'on est conduit par ce procédé à l'intégrale la plus générale de l'équation donnée; il n'est nul besoin d'une démonstration ultérieure pour prouver que les con- stantes qui entrent dans la solution sont réellement arbitraires. Le cas où l'équation caractéristique de l'équation linéaire a des racines égales se traite d'ailleurs avec la même facilité que celui où les racines sont inégales. L'exposition de cette première mé- thode de Brisson est rendue plus simple par l'emploi de quelques notations symboliques. La seconde méthode, au contraire, beaucoup plus originale, repose essentiellement sur l'emploi de pareilles notations. Elle a reçu de grands développements en Angleterre, où elle a été cultivée particulièrement par Boole, qui semble n'avoir pas eu connaissance des travaux de Brisson (*). Cette seconde méthode, dont la fécondité est égale, sinon supérieure, à celle de la pre- mière, a l'inconvénient de ne pas conduire nécessairement à l'intégrale la plus générale de l'équation proposée. C'est ce que reconnaissent Cauchy et Boole (**). Dans cette Noie, nous appliquons la première méthode de Brisson aux équations linéaires les plus simples, dans les cas qui n'ont pas été examinés par Cauchy, c'est-à-dire quand le second membre est nul ou qu'il a une valeur particulière. Nous donnons en outre quelques applications de la même méthode aux équations linéaires à coefficients variables. (*) A treatise on di/ferential équations, 2™eédit ,1865. Nous ne connaissons pas le supplément publié par Todhunter, ni le traité des différences de Boole qui contiennent probablement quelques chapitres sur les méthodes symbo- liques. Dans le traité ici indiqué, quatre-vingts pages in-8° sont consacrées à la seconde méthode de Brisson; à la page 591 , Boole dit qu'il est l'auteur de cette méthode, ce qui prouve qu'il ignorait l'existence des travaux très-anté- rieurs du géomètre français. Ceux-ci contiennent d'ailleurs quelques idées qu'on ne retrouve pas dans le géomètre anglais. Voir, par exemple, Cauchy} loc. cit., p. 162. (*') Voir Cauchy, pp. 184-185: Enoncé du lliéo ème fondamental; Boole, préf., p. vu et p. 403. ( s ) § I. — Equations différentielles linéaires. 1 . Équations linéaires à coefficients constants. — Représentons par X une expression de la forme : eBr{Q« = 7.; « Q - a) — r9', j-R0 -+- Rx(6 — a) = rt; ... Rr_j -+- Rr(6 - <*) = » et C étant arbitraire. Si les constantes •„ ... rr sont com- plètement arbitraires, de manière à n'avoir entre elles aucune relation, les constantes Q,...QJ, R„ ... Rf sont aussi complète- ment arbitraires. Soit maintenant l'équation linéaire: d«y d»-i/y dy — --*-A -+- ....-i- 1 — +Ui/ = X Y£'~' 4- .... -h >',), «désignant une racine de l'équation caractéristique dont le degré ( 7 ) de multiplicité est />, et b une quantité qui n'csl égale à aucune des racines de cette équation. Il suflit évidemment d'ajouter à l'intégrale générale trouvée plus haut les deux termes : S&uiQlœP+1i-1 -+■ Q.2j:>'+'/-2-4- ... -f- Q(iaF)-t-Sete(K0a;r4-R1a?,_1 -+-...H-R,.). les nouvelles constantes étant convenablement déterminées au moyen de relations qui les font dépendre des constantes qt qfj, r0 rr, comme il a été dit à propos de l'équation du premier ordre. 11 est facile de voir que, dans le cas actuel, de 1 équation P(D - a)ky = X, on peut déduire P(D — a)'i . P(D - by+l. P(D - a)ky = 0 ; ou P(D - 6)H-i (D- a)k+''y = 0. C'est au moyen de cette dernière que M. Michaëlis intègre l'équation avec second membre (*). Dans le cas où x est une fonction quelconque, on trouve; y — Sea"(CLxk-1 -H C2.r*-2 h- .... -h C*) -f- X, Xt= e"Hx /e(«H -ï-ttfrdx feiun~-i-an-iî*dx / f e^a\-a^'dx f e~u^\dx expression déjà donnée par Cauchy et décomposée par lui en une somme d'intégrales simples (**). La méthode de Brisson fournit les intégrales particulières avec la même facilité que l'intégrale générale. Si Ton donne, par exemple, les valeurs ?/0, y'Q ... */o"-,) de y et de ses dérivées pour x — x0, on connaîtra immédiatement les valeurs des variables (') Mémoires de la Société des sciences naturelles du Luxembourg., t. Vil I. Dans les traités de calcul intégral, on trouve directement cette inté- grale générale par la méthode des coefficients indéterminés, mais on laisse ordinairement de côté le cas où q n'est pas nul. (**) Cauchy, Exercices, t. Il, p. 175. Il traite, en outre, complètement quelques exemples d'équations du second ordre avec second membre quel- conque. La question générale est exposée par la seconde méthode de Brisson , pp. 186-189. ( 8 ) auxiliaires y{ y2 ... y»-i pour cette valeur de x, et, par suite, on pourra trouver les intégrales particulières du système (2), qui conduiront à la solution particulière cherchée de l'équation (I). 2. Solutions communes à plusieurs équations linéaires à coef- ficients constants (*). La comparaison des intégrales générales de plusieurs équations linéaires permet de trouver facilement la solu- tion la plus générale commune à ces diverses équations. Mais on peut parvenir au même résultat, sans supposer connue lin- tégrale générale , en se servant des analogies qui existent entre les équations linéaires et les équations algébriques. Soient, d'abord, deux équations du premier ordre sans second membre : dy n dy mi = 0 au = 0. dx J dx J Toute solution commune à ces deux équations sera telle (pic (a — a') y = o; par conséquent, y = o est la seule solution commune. Soient, en second lieu, les équations : (D - at) (D - a%) (D - an)y = 0 , (D — b)y = 0. Si b est égal à Tune des quantités a{ at ... aB, la solution géné- rale de la seconde équation est commune à toutes les deux; mais, s'il n'en est pas ainsi, elles n'auront d'autre solution commune que y = o; car si l'on tire de la seconde équation la valeur de Dy, et qu'on la substitue dans la première, il vient : (b - a%) (b — a2) .. (b - aa-i) {b - an)y = 0. Soient enfin les équations : (*) M. Brassinne (Sturm, Cours d'analyse, 2,,,e édit., I. 11, p. 355) s'est occupé de la recherche des solutions communes à deux équations linéaires sans second membre et à coefficients quelconques. Il se sert aussi d'un pro- cédé analogue à celui que Ton emploie dans la théorie du plus grand com- mun diviseur; mais, à cela près, la marche suivie par nous n'est pas celle qu'a indiquée M. Brassinne. m (D -bjib-i,) ...\h-bi) (D — at) (D-cr2)..(b--aA)// = 0 (D - Cl) (D - câ) ... (D - cm) (D - ot) (D - a2) ... (D - ak)y = 0 )M = 0, (D-^)(D-f72) (D — <7„)w = 0 n'ayant aucun facteur symbolique commun. La seule solution commune est donc u — o. ( io ) Le cas où l'on doit chercher les solutions communes à plusieurs équations peut être ramené au cas précédent. Enfin, si les équa- tions linéaires considérées avaient la forme : P(I> - a)kn = Se'u[qvv'i-1 -+- etc.) -4- Sefa(r1a?r -4- etc.) on les ramènerai! à P(D -a)*+/»(u — 6)H-»=:0, on chercherait les solutions communes aux équations nouvelles; et, en donnant des valeurs convenables à certaines constantes, on trouverait les solutions communes aux équations données. />. Équations linéaires à coefficients variables. — Considérons une équation du quatrième ordre : (A0D* -4- A,b ■ -4- AfD» -4- A5D -4- At)y = 0 (1 ) et proposons-nous de la mettre sous la forme symbolique : (B0D3 -4- 15, l>- + B,D + ig (t)// - ty) = 0. (2) Les quantités B0, ... B3, l devront, pour cela, satisfaire aux relations : dl B0 = A0, B1 = A,-+-B0/, Ba = AJ-hB1<-t-3B0-r (Il ll'l B5 = A3 -4- B2/ -4- 2B, h 5B0 — - (B0D3 -4- I^D2 -4- B,D -4- B„ï «+A4 = 0. (3) La dernière équation nous donne le moyen de prouver que l'on a t = Dyt ://,, y, étant une solution de l'équation (1). Faisons, en effet, dans celle-ci, y=Z -f- 1, elle deviendra: (A0D< -4- A.l)"' -4- A2U- -\- A50 -4- A4) ; + A1 = 0 (B0D3 -4- lî.O- 4- BaU 4- IV ',h~ - !~) "+- A» = ° Posons : 1); -/; = ;,; (I) d'où résulte : (B0D3 -4- BjD» -4- B3D -4- B5) r., -4- A4 = 0. (5) (Ml ( Il ) A cause de lit ressemblance de forme cuire les équations (3) et (5), toute solution de l'équation (3) est aussi une solution de l'équation (5). Soit t=tt, z, = f, nue semblable solution com- mune; d'après l'équation (4), on aura: Da- ■/,s = /l ou D(z-f- 1)— /, (z-+- l) = 0 ou encore : égalité qui démontre le théorème énoncé pins haut. Revenons maintenant à l'équation (1) ou (2), et soit y = c1M1 -4- C'^Wg -+■ Cstt8 4- CiUt son intégrale la plus générale. Posons : Dy — ty — w. (6) L'équation (2) deviendra (B0D3 -h UtD2 h- BSD h- B8) UJ = 0. (7) Nous venons de voir que l'on peut prendre £ — /,, /, étant déterminé par la relation : »4 en posant : u>2 = (D — /t)w2, fc5 = (D — ft)t/„ m?s(D — /t)w4. On peut ramener l'équation (7) à une équation du deuxième ordre, et celle-ci à une du premier, en raisonnant comme on l'a (*) L'intégrale la plus générale de (5) contenant irois constantes arbitraires ne peut être que D [ctut-i-...-t-ctvJ '■ [cïul -+- ...-4- c4"4). ( là ) fait pour passer de (1) à (7); on saura, d'ailleurs, trouver l'inté- grale la plus générale de chacune de ces équations au moyen de celle de la précédente, comme nous avons trouvé w au moyen de y. Nous pouvons résumer ces réductions successives en même temps que les calculs précédents dans le tableau suivant : L'équation A0D* -+- AtD3 -+- A2D* -h A.D -+- A_4)y = 0 devient successivement : (B0D"J -+- BtDa -t- B2'> -+- B.) w = 0 (C0D--+-C1D -+-C2ïo = 0 (E0D h-E^ô^O For=0 D'ailleurs : An = Ko = Co = Eo = Fo mj=(D — tjy, v={])-(^iv, s—(U — t-)v, r = (D — /4)«; w2 = (D-t1)uii 0=(D — t^uy, f0s==(D — *,)«,, t>8 = (D — /2)«?3, 0=(D — gva; M?4 = (D — ^)w4, e4==(D-*2)u>4, s4 = (D — ^v4, 0 = (D-f4)s4r). L'équation donnée peut donc se mettre sous la forme : A„(D-/4) (D-/.Ï (D-/2) (D-tl)y = Q. (8) Ce (pie nous venons de dire à propos des équations du 4mc ordre est vrai pour les équations linéaires d'ordre quelconque. Par conséquent, si l'on connaît la solution la plus générale ClUl -+- ty/j -+" ... ■+- C„Un d'une équation du nième ordre, linéaire et sans second membre, on pourra décomposer le premier en facteurs symboliques du premier ordre. On voit encore que si l'on ne connaît que m solu- (*) Inversement, on déduit de ces relations que ctw, -h etc., est une solution de l'équation (8), niais on ne peut |>as conclure de là que ctut -+- ele. en soit r intégra le la plus générale. ( 13 ) lions particulières de l'équation , on pourra trouver m des n fac- teurs symboliques du premier ordre dont le produit est égal au premier membre. On conclut de là les beaux théorèmes de Lagrangc et de d'Alcm- bert sur les équations linéaires avec second membre : 1° si l'on connaît la solution d'une équation linéaire sans second membre, on peut en déduire, par de simples quadratures, la solution de l'équation correspondante avec second membre; 2° si l'on connaît m solutions particulières d'une équation linéaire sans second mem- bre, l'ordre de l'équation correspondante avec second membre pourra être diminué de m unités; il en sera de même si l'on con- naît une équation d'ordre m ayant m solutions particulières com- munes avec l'équation d'ordre n sans second membre. En effet , si l'équation d'ordre n est N = (AnD" -t- A^"-' -f- ... -+- A») y = 0, et celle d'ordre m M = (BnDm -h l^D'»-1 -h ... -h Bw) y = 0 , comme on peut décomposer le premier membre de ces équations en m et n facteurs symboliques, dont m seront communs aux deux équations, il en résulte que l'on peut poser : N = (C0D'»-«* + CjD»-™-1 -*-...-+- C„_m) M et l'on saura déterminer C0 C,...C„_,H sans effectuer d'intégration. La métbode qui vient d'être exposée peut, dans des cas res- treints, conduire à l'intégration des équations linéaires à coeffi- cients variables. Si l'on a, pour ne parler que de l'équation du quatrième ordre, A0 = a0(px -h - n -+- 1) y - o (x\) -t- ,u) y = 0. Dans le cas où X — n -¥• I = p, on a donc : (D"-1 — v) (a?D -+- m) y ~ 0 , ce qui conduit à l'intégrale générale sous forme finie. Mais si Ton n'a pas x — h t- 1 = a, on pose /.• = > — n . -*- 1 et #D*/ -f- A-// = w ; (8) alors, au lieu de I équation donnée, il vient t)"- ' ii = vu — v (k — iu) y. (9) Si l'on élimine y et Dy entre ces deux équations et la dérivée de la seconde, on trouve : / du rï)"tt -+- AI)"-1 m = v \x h M ou / du \ r/.r (*) Voir Lacroix, l. Il , p. 009, nn 767. (**) Archives de Grunert, t. 46, p. 2o. (Voir Nouvelles Annales de mathéma- tiques, 1867, p. 190). Spitzer donne une solution au moyen des intégrales définies contenant n — 1 constantes arbitraires, dans le cas où X, u-,v sont des constantes quelconques. Il en déduit, dans le cas où ,u et ^^ sont des nombres entiers, l'intégrale générale sous l'orme finie; ensuite, par une autre méthode, il trouve l'intégrale générale au moyen des intégrales définies quand M et / ~~ so;it positifs, mais non entiers En remarquant, comme ( I») équation de même forme que la proposée, où A est remplacé par / — (n — 1). Des équations (8) et (9), il résulte que la connais- sance de y entraîne celle de u et réciproquement. On pourra donc ramener la proposée à une autre, où A est remplacé par X zfc m(n — 1), m étant un entier positif. Par conséquent, si / zb m (n — i) = fjc, ou si A — ix n — 1 est entier, positif ou négatif, on saura toujours intégrer sous forme Unie. Pour terminer ce qui concerne les équations différentielles linéaires, nous ferons remarquer que les méthodes de transfor- mations données par Jïoole dans son Traité, afin de les ramener à des formes telles qu'on puisse y appliquer la seconde méthode de Brisson, peuvent aussi en général faciliter l'application de la première (*). § II. — Équations linéaires aux différences finifs. 5. Équations linéaires à coefficients constants. — Nous sup- poserons, dans ce qui suit, que la variable indépendante x ail pour différence constante l'unité. L'équation : JV/-H1 - «)// = 0 a pour intégrale : y — Cax a étant une constante donnée, C une constante arbitraire dans le sens attaché à ce mot dans le calcul des différences. nous le faisons plus bas, que non-seulement la valeur de y peut se tirer par dérivation fie celle de u, niais aussi que celle de m peut se déduire de celle de y, il aurait pu conclure que l'équation est intégralité au moyen des inté- grales définies, quand ix est positif, et ^-^-. Quelconque. \*) Nous signalerons particulièrement la belle formule: d"u d I d \ [ d \ ld \ '»> (a -'H*-1) ■■■(*" "H" si x = c'. et maintes conséquences qu'on en déduit. Treatisc, p. -412. ( *6 ) Soit, on second lieu, l'équation avec second membre : A y -+- (1 — a)y = q0x" -f- qvxn~l -h .. -4- qn-{x -+- qn q0 q{ . ... étant des constantes. On posera : y = z ■+■ Q0#" H- Qvxn~l -+- . + Q„_i a; + Q„; et si Ton détermine convenablement Q, Q, .. Q„, l'équation donnée se réduit à de sorte que l'intégrale la plus générale de l'équation en y est : y = Cax -+- QQœn -+- .... h- Q„. Soit encore l'équation : A// -+- (1 — a)y — b* (qnxn -+- qxxn~{ -4- .. M- q») h étant différent de a. En posant y =b*z, on la ramène à la forme de l'équation précédente et on est aussi conduit à l'intégrale y = Cax -+- bx~i {Q0xn -+-.... -+- QH). Enfin , si l'on pose ?y = axz, dans l'équation : A,y -+- (1 — a)/y = a* (r0arB -+- rta^~l -h ... -h r„) , elle devient : Ar. = a~[{r0xn -+- rtaP-* -4- .... -+- rH). On tire de là : z — R0o-»+l ■+- R,a?M -4- ... -4- R*o; -4- R«+.i R0... Rn étant des constantes convenablement déterminées et K„+i une constante arbitraire. Si q0...qn sont complètement arbitraires, ainsi que r0 ... rn, il en sera de même de Q0 ... Q„, R0 — R«- Une équation linéaire aux différences d'ordre quelconque à coefficients constants pourra s'écrire sous la forme : [A+O-fl.f, [a -*- (1 — oj\k* .... , [a-Kl — an)]k»y = X ou même : ( 17 ) X étant une fonction de se et a{ cu2 ... an étant des constantes. On peut remplacer cette équation par un. système d'équations du premier ordre. Dans le cas où X = 0, on trouve, en s'appuyant sur ce qui précède, y = Sa* (C^-1 -+- C2xk~î + . .. -+• C*_4a? + Ck) S étant le signe sommatoire ordinaire et C, ... Ck des constantes arbitraires (*). On intègre avec la même facilité les équations où le second membre, au lieu d'être nul, a une forme analogue à l'intégrale générale trouvée plus haut. Les équations aux différences mêlées, de la fornlc P(D-a)*[A+(l — ft)]«y = 0, se ramènent à la dernière classe d'équations. Posons en effet : P[A-*-(1- b)]ly = w on aura : P(D — o)*ie = 0 et par suite, en faisant. ea=c : w = Scx(Ctxk-1 -+- C5.^-2 h- .... -4- Ck) L'équation en y devient donc : P[a -*- (1 — b)]ly = Sc^C,^-1 -4- .... ■+- C*) que l'on saura intégrer. On remarquera que les constantes intro- duites par l'intégration de l'équation différentielle sont de nature différente de celles qu'introduit l'équation aux différences; celles-ci sont des fonctions de x, qui ne varient pas quand x croît de O Cauchy {Exercices, l. Il , pp. 175-180) traite complètement le cas des équations du second ordre avec coefficients variables et celle du n,ème ordre de la forme : ( A — r)« y = fx On peut en déduire une partie des résultats précédents en faisant fx = o. 1) étudie cette dernière équation et l'équation (1), par la seconde méthode de Brisson,pp. 189 et 195-197. Tome XXII. 2 (18 ) l'unité. Cest pourquoi Ton ne peut pas arriver à l'intégrale de l'équation donnée en posant P(D — afy = io P[A-4-(1 —b)]lw = 0. La première intégration pourrait eneorc s'effectuer, mais la seconde ne pourrait plus être qu'indiquée. Enfin les équations aux différences mêlées, que nous considé- rons ici, peuvent encore évidemment être intégrées si Je second membre est de la forme — y 17», 0 = (A — (t)s,. On tire de ce théorème des conclusions analogues à celles qui ont été énoncées dans le cas des équations différentielles (*). 7. Autre méthode d'exposition des résultats précédents. — Posons : y'= y H- Mj, yr= y'+- *iy' ... , yi») = y(»-*) -h A?/"-1'. Alors, au lieu de l'équation : [A 4- (1 - a,)] [A -4-(1 - aS\ [A + (1 - on)]y = X , on pourra écrire le système : y'— any = yt ; y\ — an-iyt = y» .... y'»-\ — a^jn-i = X (*) Inversement des dernières équations, on peut déduire que c ,«! -+• c2u i -h ctu- -+- c4m4 satisfait à l'équation A0(A-<4) (A-*3) (A-1i) (A-ll)j/=0. ( 20 ) ee qui prouve que l'équation donnée peut se mettre sous la forme : t/<") -+- M^--'1 + M. --+-...+ M,.// = X pourvu que : a" -+- Mifl"-1 -+- ... -+- Un = [a — a^ {a - ax) ... [a = a„). On pourra de même remplacer l'équation du quatrième ordre considérée dans le numéro précédent par le système : y'_(/iH_l\,/ =!/i ou >/ — rly=yl, si ï\ == it + 1 : .'/', — (^ h- 1 ) y, = !fa ou ;/', — ray, = y, , si ra = f,-*- 1 ; & — (!»-*- I)y2=& ou «/; — r=t/a =».•-, si r3 = /34-i: £ — (<4-*-*)y5=0 ou £ — r4y5=0J si >-4 = t4-+-l. Les équations qui donnent fn f;. fs, f4 deviennent : 0 = ?i'i — rttt,; 10, = »j — rt«j , 0 = Wj — /yes : u,3= u. — r^/3, r- = 10* — >Y-*V 0 = r3 — 'W wA = u\ — rtu4, i\=w\ — >yr4, sê = i\ — r3r4, 0 = s, — r#*. Si l'on convenait d'écrire (' — r)y au lieu de 7' — ry l'équation donnée deviendrait ('— rê) C-r,) ('- ra) ('— i\)y = U. On peut établir directement ce dernier point, de la manière suivante. Posons : tf-ry=W W'" + NtW"-f- NSW + NSW = 0 ou . si l'on veut, au moyen de notations symboliques : l'équation donnée étant mise sous la forme ( 21 ) Nous trouverons, pour déterminer les valeurs de N,N2N3, r y les relations N, = M, -+- r'" ; Na = M2 + r"N,; N, = M3 + KN, : 0 = M , + rNs. On en déduit r'"r"r'r -\- Ufr'r -4- Bf8rV h- >J3/- + M, = 0. Si l'on fait : z' = rz, d'où z" = rV, z'" = r"z", z" = r'"z'", l'équation en r se transformera en la suivante en z : a" -4- Mt*'" -+- Ma«" -+- M5s' -+- M,z = 0. Celle-ci ayant identiquement la même forme que l'équation en y, on voit que z=y, et par conséquent 'i' r = — , ou \i — ry = 0. Cette première relation entraine évidemment toutes les autres sur r, , ra, r3, et r4. Exposée sous celte forme, la méthode de Brisson est identique avec celle de Laplace (*). Seulement ce géo- mètre ne semble pas avoir songé à transformer 1 équation en /• en une autre en z, identique à l'équation donnée. § III. — Equations aux dérivées partielles. 8. Equations à coefficients constants (es plus simples. — L'équation dz dz a — = 0 ou (D, - aV,,) z = 0 dx dy a pour intégrale générale z=ft (y-t-ax), p, désignant une fonc- tion arbitraire. O Voir Lacroix, t. III, p. 208, n° 1046. L'équation en r et par suite l'équation donnée en y peuvent s'intégrer dans un cas étendu (voir n° 1047). Quand on compare cette méthode de Laplace à celle que Lagrange emploie pour étudier les propriétés des équations aux différences partielles, on recon- naît qu'elles ne diffèrent pas essentiellement. ( 22 ) L'équation : (D* — aDy) z = ft {t/ -+- flff) donne une équation en z" identique à la précédente, si ion pose z = £'f, (y -+- ax) et z' = 3c+^". On a donc, en désignant par ^2 (y ■+- rtjr) une fonction arbitraire de ?/ ■+- ax, s = # ?i (^/ -+- ax) -4- f t (^ -*- «#) ?a (y -+" «#) » ou d'une manière abrégée : En généra] , si , n — 1!. n — 2!. 1 l'équation (Da - aDv) z = F„ a pour intégrale z=Fn+l, Fn+, étant une expression formée d'après la même loi que F„ et où entre une nouvelle fonction aM+, arbitraire. Dans le cas où ç^2 ....?„ sont des fonctions com- plètement arbitraires de y+ax, n'ayant, par conséquent, au- cune relation entre elle-, on peut mettre F„ sous la forme : V" ri-- "raj"'*^»-!» 'ht étant des fonctions complètement arbitraires de y -+- «x. Considérons maintenant l'équation : dz dz En intégrant cette équation parla méthode ordinaire, on est con- duit à l'intégrale : z == 7C {y ■+- 6a?) -+- a;"-1 £, (*/ -+- aa?) -f- #"-2 %2 (// + ax) ■+■ ••• ■+■ ^» (^ + rta;) 7r désignant une fonction arbitraire, et %,%.>....%„ étant des fonc- tions qui se déduisent de àïh—'h [)iXV des relations connues, et arbitraires d'ailleurs quand ces dernières le sonf. ( 23 ) On trouve encore aisément l'intégrale dans le cas où le second membre est une fonction entière de x et y. Les équations à coefficients constants linéaires, et homogènes par rapport aux signes de dérivation, pourront se mettre sous la forme : (Dx - atUy)ki (Dx - a^y)ki (D, - ajftfà a = U ou P (D, — aVy)k z = \] U étant une fonction de x et de ;/, et «.«2 • — «» des constantes. En intégrant par le procédé indiqué dans le cas précédent, on trouve, quand U = o Z = S [aj*-f $ï (y -+- ax) h- xk~* ï2 {y -+- ax) -4- + h {y 4- ax)] *Pn hi'—h désignant des fonctions arbitraires, k le degré de multiplicité du facteur symbolique correspondant à la quantité a. On intègre, avec la même facilité, les équations où ie second membre a une forme analogue à l'intégrale générale que nous venons de trouver (*). 9. La recherche des solutions communes à plusieurs équations linéaires peut se faire absolument comme dans le cas des équa- tions différentielles; mais on n'arrive plus, comme pour celles-ci, à un théorème général donnant toutes les solutions communes. Nous allons indiquer la cause de cette différence. Soient, d'abord, les deux équations : (Dx. - atoy) 2 = 0, (D.* - a'Dy) z = Q. On en déduit, pour la solution commune : Dxz — 0 , UyZ = 0 , z = une constante. (") Cauchy ne traite par la première méthode de Brîsson que les deux équa- tions : d2- d-z diz d-z d-z — — = ax -+- bu et -— - 2 — — -+- -— = e™+h (pp. 181-185). dx- dy- J rfxa dxdij dy- Il décompose en facteurs symboliques une autre équation (p. 192). Mais il s'occupe de cas plus généraux par la seconde méthode de Drisson et par une autre qui lui est propre (pp. 189 et 197). ( 24) Soient, en second lieu : (Dx-^Dy) {Dx-asPy)....(tox-anDy)z = 0, (D.e — bï)y) 5 = 0. La solution commune z devra satisfaire aux équations : d:*=o, Dx~,dj/5=o, d,d;"i*=o, d;i2=o. La fonction, la plus générale qui satisfasse à ces dernières équa- tions est un polynôme de degré n — 4 en x et y à coefficients arbi- traires. Un semblable polynôme satisfait à la première équation donnée en z, mais pour satisfaire à la seconde, il doit être de la forme : Z = C + Cl(t/+ bx) -h C2 (y -+- bx? -f- -4- Cn-i {y 4- te)"-1 C, C,... Cn_,j étant des constantes arbitraires. Soient, enfin, deux équations d'ordre quelconque : (Dx - bfly) (D, - 62Dj,) (Dx. - feiDj,) (Dx - o^y) (D, - akVy) z = 0, (Dx — qD,,) (Dx -c2Dy)... .(Dx — cmDj,) (Dx — rttDy) (D* — a*Ds)* = 0. On posera : (Dx - atDf ) (Dx — u2\)y) (D, - a*D„) z = « les équations données deviendront : (Dx — 6,Dy) (Dx — 6iDs,)w = 0 (Dx - ctD,) (Dx - cmDy) z* = 0. Si m est égal ou inférieur à l, ces équations ont pour solution commune l'intégrale de l'équation : (Dx - otD,) (Dx - a2by) (Dx - akby) u = V V étant an polynôme quelconque de degré m — 1 en x et y. Mais nous savons, parle cas particulier examiné plus baut, qu'il peut y avoir d'autres solutions communes. En opérant comme dans le cas des équations linéaires différentielles, on trouve deux équa- tions auxiliaires, dont l'une du premier ordre, qui ont parmi leurs solutions communes toutes celles des équations données. Mais la réciproque ne sera pas vraie: on devra donc, après avoir trouvé les ( S») solutions communes aux équations auxiliaires, déterminer les fonctions et les constantes arbitraires qui y entrent, de manière que ces solutions satisfassent aux équations données. On ramène au cas précédent celui où l'on a plus de deux équations à considérer, et celui où les équations ont un second membre de même forme que l'intégrale des équations sans second membre. 10. Quelques remarques sur les autres équations aux dérivées partielles. — La méthode de Brisson peut s'appliquer à d'autres équations aux dérivées partielles. Aussi, par exemple, les équations suivantes : dH „ dH d2z « -7T+ -X(J -r~r + y Tl — ° dx2 dxdij dy2 d2z d2z 4 dy dx2 dy2 x-\-y dx d*z d2z d2z dz dz % — - -f- Vxu h y2 1- x h y n2z = 0 dx2 J dxdy J dy2 dx J dy d5z d*z %dH (Fz 2 (d*z d*z\ _ dx"' dx'-dy dxdy2 dif x-\-y \dx2 dy2) se mettent, après quelques tâtonnements, sous la forme : (a?Dx. -4- yDy — 1) (^D* -t- yby)z = 0 (D'+D'+^) (D<-D> 4 U = o x -t- y, (x\)£ -f- yBy -f- n) {xhx -+- yDu — n)z = 0 D,-Dy —) x + 'jI (Dx.-Dy) (D,-4-I)tf)2 = 0. En remplaçant ces équations par des systèmes d'équations du premier ordre, on trouve leurs intégrales les plus générales : \x y x ._ 2x 1 y-* z — c x+y ?{x -h y) -\ ev+x à {y — x) x-hy a z = f {x - y) + , % désignant des fonctions arbitraires. (26 ) On peut aussi parfois trouver des solutions particulières par des artifices se rattachant à cette méthode. Ainsi la troisième équa- tion donnée plus haut peut s'écrire : {xD£ -+- yBy) {xDx -+- i/Dy)j5 = n2z. Si Ton pose : (xl)x -+• yDy) z = zb mv on aura : (xVx ■+- yVy) 10 = ± riz. La forme de ces équations prouve que l'on peut y satisfaire en faisants—^, et cette hypothèse étant introduite dans l'une d'elles, on trouve : *.f(j) ce qui, dans le cas actuel, équivaut à la connaissance de l'intégrale générale (*). \ 1 . Laplace et Legendre se sont déjà occupés de la composition du premier membre d'une équation du second ordre en deux fac- teurs symboliques du premier ordre; mais en donnant à l'équa- tion une forme particulière et surtout en faisant le coefficient du premier terme de l'équation égal à l'unité, ils ont rendu parfois O Les quatre équations données ci-dessus sont empruntées à Lacroix, t. II, pp. 58o, 691, et Bertrand, Calcul différentiel, p. 223. On peut former à volonté autant d'équations in légrables que Ton veut. Ainsi, l'équation suivante : ( DXyz + fxDyz -+- fiyVx; H- fzzDXy + fx.ft yDz -h fxfa-Vy + A2/A~-D- + fc-fiH-f»*) u = F(x,y,z) se ramène à un système d'équations différentielles linéaires, parce qu'elle peut s'écrire '• (Dx+/x) {Dy + fty) (T)z + f,z.)u = F(x,y,z). L'équation : [Vxyz— xyVsy— xzhjcz— yzDIJZ-\-[xyz— t) (xDx-+-j/Dj/4-rDJ)-4-(5a!;j/s— x2y2z2— l)]w=0 se met sous la forme : (Dx — ys) [Dy — xz) {\)z — yx) u = o et a pour intégrale la plus générale : U, étant fonction quelconque de y et z, U2une fonction quelconque de x et s, V- une fonction quelconque de y et z. ( 27 ) plus difficile la recherche de ces facteurs. En voici un exemple (*). Si l'on pose : (ADI -+- 2HD;y + BD| + 2GD, + 2V\)U + G) z = (aDx + 6D,, -+- c) («A -4- ^Dj, -4- ct) s. On trouvera, pour déterminer a, a,, 6, 6l5 c. c, , les rela- tions : dcr , de, A = aa, \S = bbn C = cc,H-a- ho— , cfa? dy dfc. cfô, u2H = ab. -t-ff.6; 2F = 6^ H- 6tc -4- a — -+-6 — ; dx dy dat dat 2G = ac. ■+■ ax ■+■ a h b — . dx dy Il suffira de trouver une solution particulière de ces équations pour que Ton puisse décomposer le premier membre de l'équation donnée en deux facteurs symboliques. Puisqu'il y a six équations, le problème est en général possible. Mais si l'on faisait, avec Le- gendre et Laplace , A ==a= at=^\, l'intégration des équations pré- cédentes réduites à cinq et contenant quatre fonctions inconnues 6, />,, c, c, , ne pourrait plus s'effectuer que s'il existait une rela- tion entre les coefficients B, C, II, F, G. Soit, par exemple, l'équation : d2z d*z ez d-z 2o dz 2/ dz A— - -+-B — h h2H h— - — t- — =0. dx- di/2 {hx -h ky)'2 dxdy hx -+- hy dx hx -h ky dy On reconnaîtra immédiatement que, si A, B, II , e, h, k, y, j, sont des constantes, on peut satisfaire aux six équations de con- dition , en supposant que m , m, , a, a{ , 6, 6, soient des constantes telles que m mt hx ■+- ky ' hx -t- ky A = rt«t h = bbl %U =abl-\-alb e = mmï — ahm — bkmt; <2[= bmt ■+■ mbx ; tg = amt 4- mav Ces équations sont, en général , compatibles , de sorte que l'on i*) Voir Lacroix, t. II, § 767, p. 605; § 763, p. 615. ( 28) peut décomposer, dans presque tous les cas, le premier membre de Téquation donnée en deux facteurs symboliques, et par suite la question est ramenée à l'intégration de deux équations du pre- mier ordre. Si nous avions fait A=a=cr1=i,nous aurions trouvé une équation de condition à laquelle les coefficients de l'équation donnée devraient satisfaire (*). En se donnant à priori les valeurs de quelques-unes, ou de toutes les quantités a, «,, on forme des équations assez générales qui peuvent se ramener au premier ordre. Les deux suivantes, par exemple, obtenues en faisant a = b — a{ = b{ = 1 et a=at — x , b — bl = y, sont dans ce cas : ri*z d'Z d2z dz dz — -4- 2 - — - h -+- f {x -h y) h f {x -+- y) h z . $ {x + y) = 0 dx* dxdy dy* J'dx J dy ^d-z _ d2z d2z dz dz !/2 — -*- vffa y) t +xffa y)-r~z-ffaiï = 0 dx2 dxdy dy2 dx dy ■p, f et /"désignant des fonctions quelconques. 42. Quand les coefficients du second facteur symbolique ne sont fondions que de y ou de x, on pourra parfois trouver d'autres relations que les six qui ont été données plus haut entre a, b, c, an 6,, Ci peuvent être supposés indépendants de x. La remarque précédente peut s'étendre a une équation d'ordre quelconque et à un nombre quelconque de variables. \ 5. Dans le cas où tous les coefficients d'une équation du second ordre sont constants, on peut essayer de satisfaire aux six relations en a, aj etc., en supposant ceux-ci constants. Ces relations pren- nent, dans ce cas, la forme : \ = at, B=66t, C=cct, 2F = bci-\-btc, 2G=ac1-4-a1c1, 2H=a&1-i-fl1&. On arrive aux mêmes relations en posant : Aa?2-t- By2-hCz2-+-2H^i/-f-2G^z + 2Fî/z = (aa?H-^ -+- cz) (c^a? -+-&,»/ +i\z) dhc dhi „d2u ^¥T d% . d*u cPu A hB — + C — -+-2H-— H-2G- h2F dx% dy2 dz2 dxdy dxdz dydz = {aDx -+- bDtJ -+- cD-) (aj)x -+- bj>y -f- c,D-) u AD| + BA* -*- C -h 2HAD?/ -t- 2GAy -4- 2FD// = (aD -+- b\ ■+- c) {aj) -+- 6XA -+- cx) ?/, et elles ne sont compatibles, comme on sait, que si l'on a : o n. A H G H B F G F C O Cf. Lacroix, t. II, $ 762, p. G03. ( 50 g IV. — Équations aux différences partielles (*). ] i. Nous «liions donner quelques détails sur les équations homo- gènes par rapport aux signes de différentialion relatifs aux varia- bles indépendantes. Nous supposons, d'ailleurs, qu'il n'y ait que deux variables de cette sorte et qu'elles aient pour différence con- stante l'unité. En outre, dans ce qui suit nous ne nous occuperons que de solutions particulières de ces équations; pour obtenir l'in- tégrale générale ou au moins une intégrale plus générale, il suffira de prendre la somme d'un nombre quelconque d'intégrales parti- culières semblables à celles que nous donnons ici. Le signe s d in- tégration, employé plus bas, est relatif à la variable x. Soit d'abord l'équation : Axs — flAyS = 0 ou (Ax — aba)z = 0. On trouve comme solution particulière : mt — 1 z = {\m\n\, nx étant tel que — a et JWj et C{ étant des constantes arbitraires. Soit ensuite : Posons, z==C, mtx n? z\ puis z'=z"+ 2 1 : mA , nous trouve- rons : an. m, d'où, si : mt — 1 ant m1mt — mt = — , c'est-à-dire = a ?js — 1 ml ?i1»?2 — ?», T21 ! z' = C2m*ng et z = C.m^n^ — -+- Csm|w* . (*) Canchy, Exercices, t. II, pp. 185 et 186, ne fait qu'indiquer l'application de la méthode de Brisson à ces équations; dans le mémoire suivant, pp. 201 et 209, il étudie avec beaucoup de soin l'équation du premier ordre avec un second membre quelconque. ( M ) Faisons, pour abréger, pit=mi, ql=^ni, pi=mi ut,, qt=nini, on aura : Pi - 1 lh~ Pi a = = Qt - 1 9t - Qt De même, si f/i - 1 72 ~ f/i % — 72 l'équation : Ax3 - abtJz = C\p*qyï[ -+- C;pfg| a pour intégrale : z = Cjpftf . 22i -4- C2pfg|2i + Csp^, Ci et C2 étant des constantes que l'on détermine au moyen de C, et C/2, et C3 une constante arbitraire, ainsi que />, , p2, /?3. On peut aisément généraliser cette formule. Soit maintenant l'équation : Axz — b^yZ = sv où V = Ctp*qyt2*~i\ h- Capfgp*-*i h- + C*pfof. Pour ramener cette équation à une autre sans second membre, on pose : W étant une expression de la forme : p\qv [KtZ*-*l -t- K^-H -+- ... -4- K*] + PI9I [M*"2! 4- L82*-31 -*- ... ■+- L*_i] et on détermine convenablement les coefficients de W. L'équa- tion donnée a donc pour solution particulière : y = C'p'*q'y -4- SW ; C est une constante arbitraire et p' et q' doivent satisfaire à la seule relation : f/'-l ( 52 ) Si les constantes Ci,C5!,...CA sont arbitraires, il en est de même de Kj, L4 , .... Ht , mais les autres constantes K2....KA, L2.... dépen- dent de K15 L0 etc. En s'appuyanl sur ce qui précède, on pourra trouver une solu- tion particulière des équations d'ordre quelconque : P(Ax — aAy)** = SV. Cette solution contiendra autant de constantes arbitraires ana- logues à C qu'il y a de facteurs symboliques dans le premier membre de 1 équation , et le même nombre de constantes ana- logues à p. On pourrait étendre aux équations aux différences partielles plusieurs remarques faites sur les équations aux dérivées par- tielles; mais ce qui précède suffît pour montrer l'utilité de la mé- thode de Brisson pour l'étude de ces équations. FIN 0) . ÉTUDES SUR LE FROTTEMENT. PREMIÈRE PARTIE. NOTE RELATIVE AL FROTTEMENT DE GLISSEMENT SUR LES SURFACES HÉLIÇOÏDES RÉGLÉES; PAR J.-M. DE TILLY, capitaine d'arlillerie, professeur à l'École militaire. (Mémoire présenté à la classe des sciences le S lévrier t870.) Tome XXII. ÉTUDES SUR LE FROTTEMENT NOTE RELATIVE AI FROTTEMENT DE GLISSEMENT SUR LES SURFACES HÉLJÇOÏDES RÉGLÉES. La surface héliçoïde réglée est engendrée par une droite animée d'un double mouvement de rotation autour d'un axe et de trans- lation parallèlement à ce même axe. Je distinguerai donc quatre espèces d'hélicoïdes réglés suivant les positions relatives de la gé- nératrice et de l'axe (*), Héliçoïde du premier genre (la génératrice et j à plan directeur, l'axe se rencontrant) / à cône directeur. Héliçoïde du second genre (la génératrice et \ à plan directeur, l'axe ne se rencontrant pas) j à cône directeur. On trouve des exemples de l' héliçoïde du premier genre dans les vis, et de rhéliçoïde du second genre dans les rayures de cer- taines armes à feu. Je ne m'étais jamais occupé spécialement de la question du frot- tement de glissement sur les héliçoïdes , la considérant comme (*) Le cas où la génératrice serait parallèle à Taxe ne doit pas être consi- déré , puisque alors rhéliçoïde se réduit à un cylindre. (4) résolue depuis longtemps, lorsque M. Steichcn me fit observer qu'il y a divergence d'opinion à cet égard et qu'il existe pour la vis à filet triangulaire deux solutions incompatibles entre les- quelles il faut choisir. Je dois des remercîmenls à ce savant pour m'avoir signalé cette divergence qui prend sa source dans la marche suivie pour la solution de la question. Poncelet (*) et Coriolis (**), remarquant qu'il doit y avoir équi- libre sur chaque système rigide entre les forces actives, les frotte- ments et les réactions qui se développent en tous les points de contact du système avec d'autres, déduisent la solution de la question des équations générales d'équilibre appliquées à toutes ces forces et par rapport à des axes arbitraires. C'est ce que j'ap- pellerai dans la suite, et pour abréger le langage, la méthode des réactions. Navier (***) et M. Steichcn (****), au contraire, établissent l'équi- libre entre les forces actives sollicitantes et les frottements dus aux pressions normales au moyen d'une décomposition effective et naturelle des forces actives suivant la direction du chemin par- couru et suivant la normale à l'hélieoïde. Ils arrivent ainsi à un résultat très -différent du premier. C'est ce que j'appellerai la méthode des décompositions (*****). (*) Poncelet, Traité de mécanique appliquée aux machines, lrc part., pp. 307 à 515. Liège, 1845. Il attribue à Persy la formule qu'il adopte. (**) Coriolis, Traité de la mécanique des corps solides et du calcul de l'effet des machines , 2me édit., pp. 145 à 149. Paris, 1844. (***) Navier, Résumé des leçons données à l'école des ponts et chaussées sur l'application de la mécanique à l'établissement des constructions et des ma- chines , 5me part, (ou 2me vol.), pp. 205 à 210. Paris, Carilian-Gœury, 1838. (****) Sleichen, Théorie de l'équilibre de la vis à filet triangulaire (extrait des Mémoires de la Société royale des sciences de Liège). Le même auteur a publié encore dans ce recueil un mémoire sur l'équilibre physique des ma- chines, et un autre dans le Journal de Crelle, t. LI, dans lesquels il déve- loppe des idées analogues; mais ici il s'agira surtout du premier de ces mé- moires. (*****) Chose singulière, après avoir appliqué cette méthode dans le texte, Navier donne en note la formule de Poncelet et de Coriolis, et ne semble pas s'apercevoir qu'elle est incompatible avec la sienne. ( 5 ) Suivant moi, ces deux méthodes sont également rigoureuses et ne peuvent conduire, par conséquent, à des résultats contra- dictoires. Dans les applications delà mécanique à l'artillerie, que je pro- fesse à l'École militaire et dont je me propose de faire paraître des extraits dans ces Études sur le frottement, j'emploie tou- jours la méthode des réactions que je considère à la fois comme plus simple, plus générale et plus féconde. Mais il est bien en- tendu que ce n'est là qu'une préférence et que je ne doute nulle- ment de l'exactitude de la méthode des décompositions quand on peut l'appliquer, c'est-à-dire quand la seule décomposition des forces actives peut conduire aux véritables pressions normales, ce qui n'est pas toujours évident. M. Steichen, au contraire, semble, dans le Mémoire cité, consi- dérer la méthode des décompositions comme seule rigoureuse et claire , et rejeter l'autre parce qu'elle ne fournit pas les mêmes résultats, mais je vais faire voir que la discordance n'est qu'appa- rente et qu'on aboutit aux mêmes conclusions dans les deux méthodes lorsqu'elles sont toutes les deux convenablement appli- quées. Et d'abord celui des deux résultats qu'il faut conserver et que les deux méthodes doivent fournir est celui de M. Steichen; à cet égard le doute ne me paraît pas possible. C'est donc le résultat de Poncelet et de Coriolis qui doit être fautif, et la raison en est, non pas dans la méthode des réactions, mais dans une erreur com- mise en appliquant cette méthode. Pour le prouver, je vais reprendre d'abord la marche habi- tuelle, concentrer toutes les actions en un seul point du fdet moyen et établir les équations d'équilibre sans rien préjuger en ce qui concerne la direction de la réaction totale. Après avoir constaté la concordance du résultat avec celui de la méthode des décompositions, et traité de la même manière tous les cas possi- bles, je reviendrai sur l'hypothèse de la concentration des forces en un seul point et j'examinerai à quelles conditions cette hypo- thèse est admissible et quel sens précis il faut attribuer aux équa- tions qui en résultent. ( o) Je reprends donc la méthode de Poncelct et de Coriolis, c'est- à-dire que je vais projeter sur trois axes arbitraires les forces actives, les réactions et les frottements, et égaler à zéro les trois sommes. Pour plus de simplicité, je prendrai deux axes horizon- taux cl un axe vertical, c'est-à-dire parallèle à celui de la vis (à filets triangulaires) que je suppose ainsi placée, mais ceci est in- différent, car la nullité de la somme des projections sur trois axes entraîne géométriquement une condition semblable pour un axe quelconque. Les deux forces actives seront -£ et Q (sur ce point toutes les méthodes sont d'accord); j'appellerai R la réaction totale de l'écrou sur la vis au point M, y compris le frottement, et j'appellerai a, 6', c' les angles qu'elle fait avec les trois axes (X, rayon de la section du cylindre; Y tangente à cette section ; Z parallèle à Taxe de la vis), tandis que la normale fait avec eux les angles a, 6, c. K (ah'c') G(8,90,90-(i) T1 (S0A> 90 + à-) L'hélice sera supposée montante vers la droite ou en arrière du papier; a et (3 seront les angles aigus faits avec l'horizon par la tangente à l'hélice et la génératrice de l'héliçoïde. (7) Je prends pour parties directes de l'axe des Z et de la normale N celles qui sont situées au-dessus de l'horizon, et qui, par consé- quent, font entre elles un angle aigu c. Les parties directes des X et des Y sont prises comme la figure l'indique. Alors les angles formés par les diverses lignes avec les axes sont aussi ceux indi- qués entre parenthèses dans la figure, et en combinant les trois équations cos (NT) = 0 , cos (NG) = 0 et cos2 a + cos2 b -4- cos2 c — \ , on trouve lg/3 COS Cl — - Vl -*- tgs) 1 4-tg'jsH- Ig a cos y H- V' 1 — cosV cos ,3 V \ / Us a cos y-\- V 1 — coss,3 — cns'-v\ "r V ' -*■* [ ^ ) ( (3) ) Les autres équations restent les mêmes que dans le cas précé- dent, sauf qu'il faut remplacer Q par Q -+- m ^ pour tenir compte de la force capable de l'accélération de translation et P ~ par P— — -^§f (I, moment dinertie de la vis autour de son axe; r r cil v 7 ^3 accélération angulaire) pour tenir compte de la force capable de l'accélération de rotation. D'ailleurs a étant l'inclinaison de la tangente à l'hélice sur l'horizon (ou mieux sur le plan normal à l'axe), dv et dw sont liés par la relation dv=rdw tga; il faudra donc remplacer P r- par P ~ — l-^ ^. Donc les équations de- viennent R cos a' = 0 (4) r' I cot a dv P — = R cos b' (o) r r- dt dv R cos c' = Q -h m — (6; dt cos br cos iX — cos c' sin . » P tg<3 r r r2 dt' tg a cos y -+- 1/ 1 — cos2)3 — cos*? ' cos j3 (") Dans ces expressions, les deux radicaux doivent cire pris posilivemenl ; le pelit parce que S est un angle aigu, le grand parce que c est aussi un ( 12 ) on obtiendra les résultats en y faisant les mêmes substitutions, donc r' I cot a dv r r9 dt . \ /. „ /lgacosr-+-^/l— cos2/3 — eos2y\ / ,^'V'^^i- —, J Q + « j] % / a a /Igacosy+Kl — cos*^ — cos2° Équilibre sur l'hcliçoïde du second genre à plan directeur dv cos2 r = 1 - cos2 3 ; — = 0. r' sin a V^cos2 j3 -h tg2 «-+-/" cos /3 r cos a l^cos- j3 -h tg2 s2 a V7 1 -+- tg2 a cos2 (3 — f tg a cos (3 G0 Mouvement sur l'héliçoïde du premier genre à plan direc- teur (vis à filet carré) : cos^=0; cos /3 = 4. p r' I cot ex. tfo ?• rî dt ir Q-t-m dv dt f dv\ Igs'-t-f \ ^/ l-/"lg« t — f tg « 7° Équilibre dans le même ca< Pr:=Q ig*+f r ' \ — f lg a R<=— °-, l-ftg« Au sujet des quatre dernières formules il n'y a jamais eu doute parce que, pour celte espèce d'héliçoïde, l'hypothèse de Poncelct et de Coriolis sur la réaction des surfaces se vérifie par hasard. Dans toutes celles des formules précédentes qui renferment des radicaux, ceux-ci doivent être pris avec le signe -t- pour des rai- sons déjà données. Je vais examiner maintenant le cas du canon rayé; alors le canon est l'écrou fixe et le projectile est la vis; mais l'action de la manivelle se trouve remplacée parla pression des gaz F et le mou- ( 15 ) vement du projectile dans l'âme a lieu sous l'action de cette force motrice combinée avec les réactions (et frottements) et aussi avec la résistance de l'enveloppe de plomb, la résistance de l'air et la pression atmosphérique. Il faut donc, si l'on veut assimiler ce cas à celui de la vis, imaginer que sur la tête de celle-ci placée verti- calement comme tout à l'heure, s'exerce une pression F; qu'en dessous s'exerce en sens contraire une pression Q, représentant la somme des résistances accessoires dont on vient de parler, et aussi que le mouvement (et par suite le frottement) aient lieu en sens inverse. Donc il faut, dans les formules générales (équations et résultats), faire P = 0, remplacer Q par F — Q et changer les signes de ^ et de f. Les résultats deviennent donc I cot a dv r2 dt (F-«-'"ï) % / /tg a cos y-\- V\ — cos2 J3 — cos2 y\ ' sin* V 1 + tgî«+ ; -J -/ r \ cos 3 / \ /. „ /tgacosy+l/l — cos2/3 — cos2?A * \ cos/3 / ou n dv Icolœ dv F = Q -t- m 1 dt r* dt \ / n / tg d'où cosVh - } = cos9j3 — - (/) H-3- Cette formule est générale, malgré l'hypothèse d'après laquelle la figure a été tracée. En effet, si 3 est aigu, la plus courte distance de la génératrice à Taxe est au-dessous de M. C'est ce qu'on a sup- posé dans la figure. Si Ô est droit, r devient la plus courte dis- tance, et 1 équation (i) se vérifie encore. Si (3 est obtus, la plus courte distance est au-dessus du point M, et il est évident qu'on peut traiter ce cas en renversant la figure; la formule sera la même, sauf que (3 sera remplacé par 180 — (3, mais le cosinus entrant au carré dans la relation (t), celle-ci ne se modifie pas. Pour les héliçoïdes du second genre à cône directeur, on pourra donc éliminer ? ou (3, et il vaudra mieux éliminer ,3 par la formule cos2 (3 = cos2rOp ~~ 0> pa^e que cos S entre partout au carré dans les formules, tandis que y donnerait lieu à une ambiguïté de signes. Pour les héliçoïdes du second genre à plan directeur (système Whitworlh), on a cos2 (3 -+- cos2 r- En faisant les substitutions, on verrait que la valeur attribuée à r n'est pas indifférente pour ce genre d'béliçoïdes, car si l'on pouvait admettre r = d, par exemple, on trouverait R'=0, ce qui ne peut arriver que quand -£ = 0 (canon rayé), ou quand Q + m£ = 0(vis). Il y a donc lieu, ici, de recourir à l'expérience pour connaître la valeur la plus convenable de r. Mais une autre hypothèse est celle qui consiste à ramener toutes les actions en un seul point du filet, et celte hypothèse doit être discutée lors même que ce filet serait infiniment étroit. ( 20) Je vais faire voir qu'elle est rigoureuse lorsque la vis a plu- sieurs filets équidistants sur son noyau, tandis qu'elle n'est qu'ap- proximative quand le filet est unique, ou du moins qu'il faut alors des conditions particulières pour la rendre rigoureuse. A cet effet je vais reprendre la solution en appliquant directe- ment les six équations d'équilibre à tout le corps de la vis, sans transporter les actions en un seul point. J'appellerai dK la réaction élémentaire sur chaque élément de filet correspondant à une rotation d? de l'hélice (*); la direction de t/R fera les angles a', b' , c' avec les axes des X , des Y et des Z , axes variables avec l'élément considéré, et je rapporterai toutes les actions à trois axes fixes X1? Yl9 Z{ représentés dans la figure (l'axe Y4 est perpendiculaire au plan XjZ,). Si l'on appelle f la longitude de l'élément considéré par rapport au plan fixe XjZ, et z sa distance au plan XjY,, on trouvera sans aucune difficulté les six équations d'équilibre suivantes : F J ^tlRcûJ c ! 2, L \ xL à K COJ h / / ■' / f Q \ dH C(>3 a? dl\ cos a' 2 cos f — dR cos b' 2 sin f = 0 , (1) (*) (7R doit être supposé constant pour chaque élément du filet, sinon il n'y a pas de théorie possible; à la rigueur il faudrait considérer c/R comme une valeur moyenne s'il y avait doute à cet égard. La même observation s'ap- plique aux angles a', &', c'. (21 ) dR cos 6' 2 cos y -+- dit cos ft' 2 sin ? = 0, .... (2) Rcosc' = Q, (ô) dR cos a'2z sin f -+- dR cos 6' 2 s cos ? -+- dR r cos c' 2 sin y = 0 , (4) dR cos ^ 2 z cos y — dR cos b' 2 s sin y h- dR r cos c' 2 cos f = 0 , (5) Pr' — R cos b'r = 0 (*) (6) Ces équations sont générales et vraies, quel que soit le nombre de filets existant sur le noyau, mais, à partir de ce moment, je vais établir une distinction sous ce rapport. Vis à un seul filet. Alors si l'on suppose que l'axe fixe des Xj soit parallèle au rayon qui passe par le premier élément de la vis qui pénètre dans l'écrou, on aura z = A; h- §£(/?, pas de la vis; k, distance du premier élément au plan des XjYj), et les équations d'équilibre devien- dront dR cos a' 2 cos y — dR cos b' 2 sin f = 0 , . . . . (1 ') dR cos b' 2 cos f -h dR cos a' 2 sin f = 0 , . . . . (2') Rcosc' = Q, (3') dit cos a'k 2 cos f ~\r dR cos a' — 2 f cos y — dR cos b'k 2 sin f J — dR cos b' — 2 f sin f -+- dR r cos c'2 cos f = 0, dK cos a'k 2 sin f -t- dR cos a' — - 2 f sin f + dR cos b'k 2 cos f n -H dR cos b'—-2if cos y -t- dR r cos c' 2 sin f = 0, Rcos6'r = 0 (6') (*) On suppose que P et Q représentent l'ensemble des forces de rotation et des forces dirigées suivant Taxe; si Ton voulait traiter un des cas particu- liers qui précèdent, il suffirait de faire les substitutions indiquées, mars les raisonnements ne changeraient pas. (4") (22) Appelant ^la longitude du dernier clément de la vis qui pénètre dans l'écrou , on a rfR _ d'f R "Ti d'où et les équations peuvent s'écrire — \cos a' J *cos 'i df — cos b\ J 'sin ?d? 1 = 0, . . (I') fi L « o J — cos t'y *cos p dp + cos a'y 'sin f d?\ = 0 , . . (2") R cos c' = Q , . (5") — cos rt'A; / 'cos f df •+- cos a'— J 'p cos p df — cos 6'A; o /'sin f df — cos 6' — - J 'p sin p dp + r cos c'J Vos f dp = 0 , 1 iTO O J I O Rr ryx P p». \ — I cos ft'A; / sin p df -+- cos ar — J f sin f df -+- cos 6'fc i o i /'cos p df -+- cos 6' — J * f cos fdf -wcosc' J * sin fa df I = 2t o o J o Pr' — Rcos&'r = 0 .'."... (G") ou , en développant les intégrales : B r , 1 — cos a sin pt — cos 6' (1 — cos p^] =0, .... (1"') R r ,, i — [cos b' sin fx -+- cos a (1 — cos p,)J = 0, . . . . (2'") Rcosc' = Q, (5'") r r p \ — cos a'k sin pj -+- cos a' — (p, sin px-t-cos pt — 1) — cos6'#(l — cos pt) J >(4'"' — cos 6' — (— ft cos p, -+- sin pt) + r cos c' sin p, I = 0, . . (5") 0.1 (5'") ( 25 ) Rf p — cosa'A;(l — co: p,) •+- cos a' — (— ^ cos fl -+- sin ft) -f- ces b'k sin ». Pi L -T -f-cosfr' — (?tSin fi-t-cosft — 1) -t- r cosc' ^1 — cosft) =0, Pr' — Rcos6V=0 (6'") Etudions les moyens de satisfaire à ces équations. Si l'on considère d'abord Y" et 2'", on ne voit que trois moyens d'y satisfaire : 1° En posant R = 0; 2° — simultanément sin ^ = 0, cosy!= 1 ; 5° — — cosa'=0, cos6' = 0 (*). i° Poser R = 0, c'est, à cause des équations (5) et (G), admettre aussi Q = 0, P = 0; ainsi, dans ce cas, lavis est en équilibre parce qu'aucune force n'agit sur elle ; 2° Transportant l'hypothèse sin ^=0, cos f{ = 1 dans les équa- tions 4'" et 5'", il reste R cos V -£ = 0 , P — K cos a' — = 0 , ce qui exige encore cos«'=0 et cos&'=0. Ainsi on rentre dans le troisième cas; 5° Puisque cos2 a' -h cos2 b' -h cos2 c' = 1 , on aurait alors cosc'=± 1. Transportant dans (3) et (G), il vient P = 0, R = zhQ, ou R — Q en rejetant la seconde solution comme étrangère à la question. C'est le cas d'une vis en équilibre sous l'action de son poids et des réactions de l'écrou , le frottement y compris. On voit qu'en dehors des deux cas très-particuliers que nous venons de trouver, il est impossible d'établir l'équilibre strict en supposant la réaction uniformément distribuée, comme il faut le (') Je néglige comme impossible eu pratique la solution ?, = >o qui, au point de vue purement théorique, n'est pas absurde. ( 24 ) faire, sans supposer aussi que la puissance P soit uniformément distribuée le long du filet, au lieu d'être simplement appliquée aux deux extrémités d'une manivelle. Admettons maintenant cette hypothèse, qui est à la rigueur réa- lisable en pratique (*), et que l'on peut considérer comme une approximation quand elle n'est pas réalisée. 11 faut alors, dans les équations d'équilibre, faire P=0, puis remplacer (IR cos b' par dR cos tV — P r- ■— ou par r' d? i r' tfR dR cos 6' — P r R ou H cos b' par il cos b' — P r-. Alors les six équations deviennent R / r'\ 1 - ce — cos a' sin ft — R cos b' — P - ?i \ r) ft sin ft / r'\ 1 — cos 'cosc'(l— cosft) ' 0, ft i R C0S b' — P- = 0. (VI) r (*) Si Ton ne peut pas appliquer directement les forces à la partie de la vis qui pénètre clans l'écrou, on peut du moins les appliquer symétriquement au- dessus et au-dessous de l'écrou de manière à ce qu'elles aient deux à deux pour résultantes des forces appliquées en tous les points du lilet pénétrant dans l'écrou. ( 25 ) Simplifiant d'après l'équation VI et supprimant les facteurs qui ne sont pas nuls, il vient : cos a' sin yl = 0 , (i') cosa'(i — cos ft) = 0, (ii') Rcosc' = Q, (m') p cos a' , t. . _ , „ k cos a sin^t ■+-— (?i sin ft •+■ cos ft — l)-t- rcosc' sin yt = 0, (iv') kCOSa'{\ — COS^)-*-^- ■(— ^COS^H-sill^+rCOSC^l— COS^JrrzO, (v') Rcos6'- P-=0 (m') r On ne peut satisfaire aux équations I' et 11' qu'en posant eosa'=0 ou bien simultanément sin ^ = 0, i - cos ?t = 0, mais le second système transporté dans (V) réduit cette équa- tion à - ViP cos g' 2tt ce qui exige encore cosa'=0. Ainsi cette valeur doit être admise dans tous les cas. Les équations (T) (11') sont alors satisfaites, mais (IV) et (V) se réduisent à r cos c' sin f , = 0, r cos c' (1 — cos ft) = 0, et comme on ne peut faire, en général, cosc'=0,ce qui entraîne- rait Q=0, il faut admettre encore siny1=0, cosff=4, c'est-à- dire que y, corresponde à un nombre entier de tours. Ceci admis, les équations se réduisent à cos a' = 0 , R cos a' = Q , R eus b' = P - r ( *c ) Ce sont celles de la page (7). Ainsi le transport de toutes les actions en un seul point M n'est rigoureux, pour une vis à un seul filet, que moyennant les deux conditions suivantes : 1° Que la puissance soit répartie uniformément sur le filet, ce qui peut se réaliser pratiquement comme on l'a dit; 2° Que la portion de la vis qui pénètre dans l'écrou corres- ponde à un nombre entier de tours du filet. Vis à plusieurs filets. Dans une vis à plusieurs filets répartis symétriquement sur la section, on a dans chaque section et, par conséquent, aussi pour l'ensemble des éléments 2 sin f = 0 , 2 cos 'i = 0 , 2 z sin y = 0 , 2 z cos y = 0 (car z est une constante pour une même section). Les équations d'équilibre se réduisent donc a R cos g' = Q , P - = R cos 6'. r Ainsi, dans ce cas, non-seulement la solution générale trouvée précédemment vérifie les six équations d'équilibre sans qu'il soit nécessaire d'admettre aucune des deux conditions indispensables pour la vis à un seul filet, mais on voit même qu'il y a d'autres solutions analytiquement possibles, c'est-à-dire que a' reste en apparence indéterminé. Ainsi la méthode des réactions ou des six équations d'équi- libre peut quelquefois conduire à l'indétermination, mais jamais à l'inexactitude. Je vais démontrer maintenant que l'indétermination n'est qu'ap- parente et que l'on doit avoir cosa'= 0 , ce qui complétera le sys- tème des trois équations ordinaires d'équilibre et justifiera en liè- rementla solution précédemment donnée. ( 27 ) • Supposons d'abord que les filets lassent un nombre entier de tours. Si P (e'est-à-dirc le couple |5 — |) et Q sont les forces agis- santes, et si n est le nombre de filets, on peut imaginer n vis à un seul filet, placées pour le reste dans les mêmes conditions que la vis donnée et dans le même écrou, ebaque vis correspondant à l'un des filets de l'écrou (*). On pourra toujours établir l'équilibre sur chacune des vis à un seul filet au moyen d'une force £ ten- dant à la rotation, mais répartie le long du filet, et d'une certaine force Q' dans le sens de l'axe, et l'on aura alors, d'après ce qui précède, cosa'=0. On peut maintenant, sans troubler l'équilibre et sans rien ebanger aux forces ni aux réactions, imaginer que ics n vis se trouvent tout d'un coup reliées entre elles de manière à former système rigide, et l'on reconstitue ainsi la vis à n filets qui était d'abord donnée. Or les forces ~ agissant sur elle et qui tendent à la rotation peuvent se recomposer en un couple (|, — -) puisque la composition peut se faire dans ebaque section trans- versale. Les forces agissant suivant l'axe peuvent se composer en une seule nQ\ mais comme il serait absurde d'admettre que dans une même vis deux couples de rotation égaux pussent faire équi- libre strict à deux forces inégales exercées suivant l'axe, on doit avoir nQ'=Q. Ainsi on a reconstitué par cette méthode détournée la vis telle qu'elle était donnée avec les forces actives qui agissaient sur elle, et, d'après la marche suivie, on a cosa'=0. Supposons maintenant que la longueur de vis engagée dans l'écrou, au lieu de correspondre à un nombre entier de tours, ou, en d'autres termes, au lieu d'être un multiple exact du pas, soit un sous-multiple exact de ce même pas (J). L'équilibre étant établi sur la vis donnée entre P (*,— ^), Q, et les réactions, on peut supposer que n vis semblables soient en- gagées bout à bout dans l'écrou et en équilibre strict sous l'action des mêmes forces; on peut ensuite les rçunir en un seul système (*) Pour réaliser matériellement le système, les filets pourraient exister seuls si on les suppose rigides, puisque le corps ou le noyau de la vis n'a au-» cune importance dans la question qui nous occupe. ( 28 ) rigide, sans rien changer aux forces ni aux réactions, puis recom- poser les couples de rotation en un seul ainsi que les forces agis- sant suivant Taxe; or, dans la grande vis ainsi formée et qui a une longueur égale au pas, on a cosa'=0 d'après ce qui précède, donc il en est de même dans la vis donnée, puisque a' n'a pu changer par la rigidification du système. Supposons maintenant une vis de longueur /, simplement com- mcnsurahle avec le pas p. Si m est la commune mesure, on aura cosa'=0 dans la vis de longueur m d'après ce qui précède et par la réunion de — vis de longueur m, effectuée comme tout à l'heure, on démontrera qu'il en est de même dans la vis donnée. Enfin, pour des raisons connues, le cas de la commensurabilité implique celui de l'incommensurabilité; le théorème est donc gé- néral. Résumant ce qui précède, on voit que les solutions obtenues par l'hypothèse de la concentration de toutes les actions en un seul point sont toujours rigoureuses pour les vis à plusieurs filets (canons rayés, par exemple) et ne le sont pour les vis à filet unique que moyennant les deux conditions énoncées à la page 26. Note sur le sens du contact. — Je me restreindrai strictement aux deux cas traités dans le texte: 1° Une vis verticale soumise à un effort vertical Q et se mouvant vers le haut; 2° un projectile se mouvant dans un canon rayé sous l'action d'une pression posté- rieure F — Q. J'appellerai sens direct du contact celui que l'on a supposé im- plicitement dans le texte du mémoire, c'est-à-dire celui qui a lieu lorsque, en faisant une section par l'axe de la vis, le contact se prend sur l'héliçoïde inférieur du filet, la pression normale R' du filet de l'écrou sur le filet de la vis étant alors dirigée vers le haut comme on l'a supposé. Pour le canon rayé, le sens sera direct lorsque , dans la section faite par l'axe, le contact se prendra à la partie antérieure du filet. En supposant que les rayures cheminent de dessus à droite comme dans la plupart des canons rayés , et que la figure A repré- ( 29) soute une projection horizontale de la rayure supérieure, on voit que cela revient à dire que le contact a lieu sur le flanc de tir et la pression normale R' du flanc de la rayure sur celui de l'ailette est dirigée vers l'arrière comme cela est admis aussi dans les cal- culs précédents. Coupe I I < M P M L Coiift M iV pillllll» Le sens inverse du contact sera nécessairement le contraire du sens direct , c'est-à-dire sur l'héliçoïde supérieur du fdel pour la vis , et sur l'héliçoïde postérieur ou sur le flanc de chargement pour le canon rayé. Il résulte de tout cela que le sens du contact peut se déterminer à posteriori d'après la valeur de R' et qu'il sera direct, inverse, ou indifférent suivant que R' sera positif, négatif ou nul. Celte règle ne suhit pas d'exception et ne peut mener à aucune contra- diction quels que soient d'ailleurs les signes de Q, de F — Q (canon ( 30) rayé), de ll~ et du dénominateur de R'. Ce dénominateur est aussi celui du dernier terme de F (canon rayé) ou de P (vis), et chaque fois qu'il ne sera pas nul, on pourra déterminer deux des quan- tités P, Q (ou F — Q pour le canon rayé), R', ^ et/", les trois autres étant données et la machine étant géométriquement connue (dans le canon rayé on a P = 0). Quand le dénominateur de R' est nul, il convient de remonter aux équations pour y chercher la vraie solution du cas particulier, et l'on arrive sans aucune difficulté aux conclusions suivantes : On ne peut avoir le dénominateur de R' égal à 0 sans avoir aussi -fi = 0 dans le canon rayé et Q h- m ^ = 0 (*) dans la vis, de sorte que R' n'est pas infini, mais bien indéterminé. Alors les équations ordinaires sont remplacées pour la vis par : Dénominateur de R' = 0. dv m — =0 dt r' \cotccdv \ / Ag«cosv-f-l/1 — cos2|3 — cos2,y P- — — = R'cota\/ l-+-tr r r* dt y \ cos/3 / résultant de l élimination de l'indéterminée entre les deux équa- tions ordinaires. Ainsi l'on peut encore se donner trois des cinq circonstances et calculer les deux autres., mais les données ne sont plus arbi- traires; /'en fait nécessairement partie et l'une des quantités Q dv dl ou jv mais une seule, doit aussi être connue (*) Pour la vis, ce résultat s'obtient en combinant l'équation : dén. de R'=0 avec les équations (2) et (7) (p. 11), ce qui donne cosc'=0, que l'on introduit dans l'équation (6) (p. 11). Pour le canon rayé, il faut combiner l'équation : dén. de R' = 0 avec l'équa- tion (-5) et l'équation (7) modilîée (p. 11), ce qui fournit cos b'—0, que l'on introduit dans l'équation (5) modifiée (p 11). ll'faut se rappeler dans ces calculs la valeur cosa' = 0. Les modifications • les équations pour le canon rave ont été indiquées page 15. ( 31 ) Pour le canon rayé, les équations deviennent : Dénominateur de R' = 0. V/tg.*cosy-f-l/'l — cos-S — cos2r\" ,H-«'«n Ï^H — /• Alors on a nécessairement P = 0, ~ = 0, /"déterminé, mais on peut, de plus, se donner arbitrairement Tune des quantités F — Q ou R'; l'autre en résulte d'après l'équation (m). Si, ayant pris /'comme inconnue, on trouvait /*=0, il faudrait en conclure que le frottement est nul ou négligeable, mais si Ton trouvait /"négatif, la conclusion devrait être que le mouvement réel a lieu dans le sens inverse de celui que l'on a supposé dans tout ce qui précède. Note sur la troisième composante de la réaction totale on la pression dématrice. — On a vu que la réaction totale d'un écrou sur une vis, en chaque point, a en général trois composantes; l'une est la pression normale, la deuxième la pression tangen- tielle ou frottement, et, pour simplifier le langage, je donnerai à la troisième, qui est perpendiculaire à la deuxième dans le plan tangent à lhéliçoïde, le nom de pression déviatrice. On ne peut douter, après tous les calculs précédents, de l'existence réelle de la pression déviatrice , et sa valeur absolue est : Pour la vis à filets triangulaires : Qtgi3 cos *V\ + tg2 * 4- tg2 /3 — /"tg « Pour le canon rayé du système Whitworth : I dv sin (3 "2 dt (*)■ sin ctV cos2 & -+- tg2 a — /"cos ,3 (") Ce sont les valeurs de (32) Mais on peut se demander si eette pression déviatriee ne mo- difie pas la valeur de la pression langenliellc ou du frottement? Il est probable que la réponse à celle question doit être affirma- tive; seulement, ignorant la véritable loi du frottement de glisse- ment, j'ai dû adopter la même loi empirique que tous mes devan- ciers (*), c'est-à-dire que le frottement ou la pression tangcntiellc dans le sens du mouvement est proportionnel à la pression nor- male. Mais de ce que l'imperfection de la science m'oblige à né- gliger l'influence que peut avoir la pression déviatriee sur le frot- tement, est-ce une raison pour négliger cette pression déviatriee elle-même? Or c'est ce que fait la théorie ordinaire. D'ailleurs rien n'empêche de considérer simplement /'comme le rapport de la pression tangentielle à la pression normale, sans prétendre aucunement que ce coefficient /'reste constant quand ces pressions ou d'autres circonstances expérimentales viennent à changer. Alors les équations sont rigoureuses, et, en les combi- nant avec des expériences convenablement conduites, on peut même déterminer 1 influence des diverses circonstances et, en par- ticulier, de la pression déviatriee sur le frottement. C'est ce qui sera développé dans une autre partie de ces études. (*) Jusqu'ici les essais tentés pour perfectionner la loi empirique du frot- tement de glissement n'ont abouti qu'à attribuer une certaine influence à la vitesse. Voir à ce sujet Combes, Phillips et Collignon, Exposé de l'état actuel de la mécanique appliquée, pp. 26 et 27, 1867, et les auteurs cités par eux. Mais certains faits semblent prouver qu'il y a bien d'autres changements à faire à celte loi. FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE. NOTE SIR LES TREMBLEMENTS DE TERRE EN 1868, AVEC SUPPLÉMENTS POUR LES ANNÉES ANTÉRIEURES, de 1843 à 186? (XXVI0 RELEVÉ ANNUEL); PAR M. Alexis PERREY, PROFESSEUR HONORAIRE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE DIJON. (Présentée à l'Académie royale de Belgique, le S févi ier 1870 ) Tome XXII. (*>) (S NOTE SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE EN 18G8, AVEC SUPPLÉMENTS POUR LES ANNÉES ANTÉRIEURES, de l§4 3 à 1S«9. L'Académie des sciences de Paris, en accordant à des observa- tions météorologiques un de ses prix de statistique, a ainsi élargi les étroites limites dans lesquelles, jusqu'à présent, cette science qui se développe semblait être renfermée, se ramifie et qui unit ses divers rameaux aux autres brandies des connaissances hu- maines. Depuis longtemps l'Académie royale de Belgique était entrée dans cette voie où s'est avancé si loin son illustre et modeste secrétaire perpétuel dont le monde savant vénère le noble carac- tère comme il en admire les grands et nombreux travaux. Si le concours de la statistique est nécessaire aux sciences morales et politiques pour reconnaître et formuler les lois qui régissent les sociétés humaines, il ne l'est pas moins aux sciences physiques (4) et naturelles pour dégager et mettre en évidence les grands prin- cipes dont dépendent tous les phénomènes de la nature. Encouragé par M. Quctelet et par l'accueil que l'Académie a toujours fait à mes travaux, j'ai l'honneur de lui présenter ce nouveau relevé annuel, le vingt-sixième d'une série dont le pre- mier remonte à 4845. 11 n'est pas moins riche en faits que les précédents. Mes amis scientifiques ne m'ont pas fait défaut. Plu- sieurs nouveaux collaborateurs ont répondu à mon appel; quel- ques-uns m'ont apporté spontanément leur concours. Deux hauts personnages n'ont pas dédaigné non plus de répondre à nus demandes. Je leur en fais à tous mes vifs remereîments. J'ai reçu : De S. Ex. M. Duruy, ministre de l'instruction publique, les Archives de la Commission scientifique du Mexique et le Voyage géologique dans les républiques de Guatemala et du Salvador, par MM. A. Dollfus et C. de Montscrrat. Paris, imprimerie impé- riale, in-i°. De M. W. Martin, ministre du royaume Hawaïen à Paris, de très-nombreux renseignements manuscrits sur les tremblements de terre et les éruptions volcaniques dans 1 île Havvaï en 1808. De M. Ant. d'Abbadie, membre de l'Institut, des notes manu- scrites et tous les numéros du Galignani's Messenger , du Times of India et du Courrier de Bayonne , dans lesquels sont men- tionnés des phénomènes séismiques. C'est M. d'Abbadie qui m'a mis en relation avec M. Martin. De M. Ch. Sainte-Claire Dcville, membre de l'Institut, des extraits des Comptes rendus , tirés à part. De M. James 1). Dana, de New-IIaven, la suite de Y American Journal of science, qu'il m'envoie gratuitement depuis plus de \ingt ans. De M,ne Calerina Scarpellini, la suite de son BuUeJtino meteo- rologico, feuille mensuelle dans laquelle sont relatés les trem- blements de terre d'Italie. De M. l'ingénieur français Ch. Ritter , directeur des travaux publics à Constantinople, et membre du ïanzimat, des notes manuscrites et des extraits de journaux. De M. le Dr Aristides Rojas, de Caracas, de très-nombreux ( B ) extraits de divers journaux de l'Amérique du Sud, des Antilles et des États-Unis, des notices manuscrites et imprimées, les nu- méros parus du recueil Vargasia ou Bolelin de la Soc. de ciencias fis. y nul. de Caracas, dont il m'a fait nommer membre hono- raire. De M. le président de la Société des sciences naturelles de Batavia, dont j'ai l'honneur d'être membre correspondant, le re- levé des tremblements de terre dans l'Archipel indien en 1806, par M. de Lange, extrait du Nutuurkundig Tijdscrift voor Nee- derlandsch Indie. Je n'ai pas encore reçu les relevés pour 1867 et'1808. De M. L. Palmieri, directeur de l'Obser\aloire du Vésuve, son mémoire intitulé : DelT incendio Vesuviano cominciato il 15 nov. 1867 . Extr. des Atti de l'Académie royale des sciences de Naples, 2!) pages in-i°, I pi. De M. W.-T. Brigham, de Boston, ses deux mémoires : Notes on ihe volcanoes of the Hawaïan Islands el Notes on the érup- tion of the Hawaïan volcanoes. Extr. des mémoires de la Soc. d'hist. nat. de Boston, 18G8 et 1869, l'un de 157 pages et l'autre de 23 pages in-4°. De M. Rouauld y Paz Soldan, de Lima, le relevé des tremble- ments de terre ressentis dans celte ville en 1868, beaucoup d'autres notices, des journaux du Pérou et son mémoire sur le volcan d'Arequipa. De M. E. Vidal Naquet, ingénieur à Alep , une lettre sur un tremblement de terre éprouvé dans cette ville. De 31. Julius Haast, géologue de la province de Canlerbury (Nouvelle-Zélande) , plusieurs numéros du Times of Lytlelton. De M. Malle-Brun, directeur des Annales des voyages, dvs numéros du même journal. De M. F. de Hochstetter, membre de l'Académie de Vienne, ses deux mémoires sur le tremblement du 15 août au Pérou, et sur les vagues séismiques qui l'ont suivi, extr. des Silziinyb. de l'Académie précitée. De M. le Dr Ami Boue, de la même Académie, une copie ma- nuscrite des noies qu'il a recueillies sur les tremblements en 1868. ( 6 ) De don J. Ignacio Domevko, recteur de l'Université du Chili, son mémoire intitulé : Datos recojidos sobre el terremoto è lus agitaciones del mur del 15 de ugosto de 1868 ; puis , trois livrai- sons des Anales de la Universidad de Chili, contenant les rele\és des tremblements de terre et bruits souterrains constatés en 1866, 4867 el 1868 à l'Observatoire de Santiago , par M. Vergara. M. Domeyko m'écrivait, le 2 octobre dernier : a 11 s'est formé au commencement de cette année, à Santiago, une commission com- posée de membres de notre université et présidée par le chef de l'observatoire astronomique, M. Vergara , chargée de diriger et de publier les observations météorologiques que les profes- seurs des lycées sont obligés de faire conformément à l'instruc- tion dont j'ai pris la liberté de vous envoyer un exemplaire avec les livraisons des Annales. Cette commission se propose de pré- senter à la fin de chaque année un rapport qui comprendra les observations des tremblements de terre survenus sur tout le territoire de Chili depuis Atacama jusqu'au détroit de Magellan. Du rév. P. Cornette, de la Société de Jésus : Record of Eurlh- quakes in America. Spring Hill Collège (Ala), 1868, 23 pages in-8°. De M. Delalandc, mon ancien élève, aujourd hui bibliothécaire de la Société industrielle de Maine-et-Loire, une lettre sur un tremblement ressenti à Angers, en 1868. De M. le docteur C.-F. Winslow, son curieux ouvrage : Force and Nature, Attraction and Repulsion. London, 1869, de viii- 492 pages in-8°. De M. Mariano Grassi, d'Acireale, son relevé des tremblements de terre en Sicile et des phénomènes de l'Etna, pendant l'année 1868. De M. E. Soechting, de Berlin , son Histoire des progrès de la géographie physique en 1865. Aus dem XXI J. der Fortsciiritte der Physik. Berlin, I868, pp. 64 1 -747. De M. le baron F. Osten-Saeken, secrétaire de la Société géo- graphique de Russie, des fragments de journaux russes et beau- coup de notes manuscrites, parmi lesquelles se trouvent les tremblements notés par le commandant de la forteresse de Khod- (7) jend , M. Favitzky , qui lui promet son concours pour le Turkertan russe. De M. le l)r Laudv, agent des Sociétés géologique et météoro- logique de France, des fragments de journaux et des notices manuscrites, comme il le fait depuis beaucoup d'années. De M. W. Robert Mallet, professeur à l'Université de Virginia (États-Unis), des fragments de journaux et d'autres extraits. De M. Guiscardi, membre de l'Académie des sciences de Na- ples, des fragments de journaux pour 1 869. De M. C. Jelinek, directeur de l'Institut météorologique de Vienne (Autriche), plusieurs numéros du Zeilschrlft de cetle Société, contenant des notices séismiques pour 1869. Enfin , de M. Denis Stepbanos, juge au tribunal civil de Corlbu , une dernière communication qui remonte au 21 mai 18C8. De- puis, mes lettres sont restées sans réponse. J'ai encore perdu deux autres de mes correspondants les plus actifs : M. le baron Aucapilainc, jeune officier qui s'était fait un nom dans la science et qui me tenait au courant des phénomènes séismiques de l'Algérie. Et M. Fournet, correspondant de l'Institut, décédé en janvier 1869. Nos relations dataient de 1844. Il m'avait encouragé au début de mes recherches auxquelles il avait pris un vif intérêt et constamment soutenu depuis par un concours aussi actif que dévoué. Au moment même où je termine cette note, M. le Dr Domenico Conti, de Cosenza , m'annonce la mort de M. le chanoine Sea- glione et me confirme celle de M. Greco, ses compatriotes, dont je n'avais plus reçu de nouvelles depuis 1867. Il me dit en même temps qu'il va réunir les noies qu'ils me destinaient et m'offre gracieusement son concours. Comme de coutume, je divise celte note en deux parties. La première contient les suppléments aux années antérieures, et la seconde, les faits de 1868. Loricnt (Morbihan), le 2*2 janvier 1870. Alexis Penney. (V PREMIERE PARTIE. SUPPLEMENTS DE 1843 à 1867. 1845. Janvier. — Le 9, deuxième éruption connue du Mauna Loa, dans l'île Hawaï. La première est de 1852; elle eommença le 20 juin et dura deux ou trois semaines. Elle fut aperçue jusqu'à Lahaina à plus de eent milles de distance. Dans le cours de l'été, les tremblements de terre furent fréquents, mais légers à Hawaï, et suivis d'une éruption au Kilauea. (Brigham , /. c, pp. 588 et 451 .) Depuis, le Mauna Loa a eu encore cinq éruptions, en août 1851, février 1852, août 1855-octobre 1856, janvier 1859 et le 30 dé- cembre 1866. Elles sont décrites dans mes précédents relevés séismiques. Février.-— Le 10, 2 h. du matin, à Antigoa, une légère secousse. D'autres encore dans le jour et plusieurs les jours suivants. Celle du 8 , 10 h. '/2 du matin, y avait causé de grands dégâts. (Nau- tical Magazine, 1845, p. 174.) Avril. — Le 2, heure non indiquée, à Lima, fort tremblement de 10NO. à 1 ESE. Le 17, une assez forte secousse instanlanée avec bruits sou- terrains. Le 28, une forte secousse horizontale. (Le P. Cornette, Record o/' Earlhqiiakes in America; 1868.) M. Paz Soldan ne me signale pas cette dernière, mais il en rapporte une au 28 août suivant. ( !» ) Août. — Le 28, heure non indiquée, à Lima j tremblement de vingt seeondes de durée. Celui-ci et les deux d'avril , ajoute M. Paz Soldan , furent les trois plus remarquables des onze tremble- ments qu'on y ressentit dans Tannée. On ne donne pas les dates des huit autres. Le P. Cornette dit aussi que, de janvier au 51 oc- tobre, on y a compté onze secousses; mais il ne cite que les trois dates d'avril. Novembre. — Le 17, vers 2 h. du soir (21 h. ital.), éruption de l'Etna, après une heure de secousses continues, ressenties du côté d'Aderno et jusqu'à la base du volcan. Les secousses continuèrent encore après l'ouverture dune série de bouches latérales qui se montrèrent presque simultanément à l'ONO. au-dessus de Bronte. Le 25, à l'extrémité inférieure d'une coulée qui avait déjà par- couru six milles environ, se fit une explosion épouvantable qui projeta, de tous les côtés, les fragments de la lave déjà en partie refroidie. L'éruption ne dura qu'une dizaine de jours; la lave cessa de couler le 27. (C. Gemmellaro, Atti dell3 Accad. Gioenia, t. XX.) — En automne, de nuit, à Mexico, violent tremblement ondu- latoire; nombreuses secousses avec retnmbos. (Le P. Cornette.) — (Sans date mensuelle.) En mer, par lat. 38° 57' N. et long. 25° 57' 0. de Gr., au NE. de Terceire, le capitaine Saiiorius éprouva une secousse comme s'il eut passé sur un écueil de la longueur de son bâtiment. « II n'y eut pas de choc subit, dit-il, la teinte de l'eau ne parut nullement changée , et rien n'indiqua le voisinage de rochers ou de récifs. Je marchais à une vitesse de huit nœuds, vent arrière. Je fis sonder immédiatement sans trouver fond à 180 brasses. Dans mon opinion personnelle, c'est une secousse de tremblement de terre que j'ai ressentie. » (Nau- tical Mag., july 1845, p. 482.) — Dans une traversée de Smyrnc à Malte, à 35 milles dans l'ouest de Candie, un vaisseau anglais a éprouvé deux secousses consécutives, accompagnées d'un bruit sourd, venant du SE. et semblant passer sous le bâtiment. La sonde, jetée immédiatement, ne trouva pas de fond à 160 brasses. (Hrid., 1. c, et Ann. mari- times, 1845, t. II, pp. 100 et 161.) ( 10) 1844. Février. — Le 5, à midi, le capitaine Morge, de Y Albert el Clémence, a vu Siao. Il ne dit rien des volcans du groupe de Sangir. (Atin. marit., 18i5, t. I, p. 280.) Juillet. — Le 25, au volcan de San Miguel (Salvador), éruption de lave que M. Wells rapporte, par erreur sans doute, à 1845. Décembre. — Le 15, vers 11 h. du matin, sur la côte de la grande Andaman, deux violentes secousses. Le vaisseau anglais le Brilon fut si fortement secoué que tout l'équipage courut sur le pont. Le Runnymcde , déjà échoué par suite d un ouragan qui avait eu lieu les 10, 11 et 12 novembre précédent, fut complète- ment perdu. (Nant. Ma g., 1800, p. 025.) — (Sans date de jour). En décembre, à Lima, fortes secousses par un temps calme et une atmosphère fumeuse. La dernière eut le caractère d'un vrai tremblement de terre. (Le P. Cornette.) — (Sans date mensuelle.) A Rivas (Nicaragua), fortes secousses pendant trois jours. (/>/.) 1845. Janvier. — Le 5, le volcan de I île Barren (golfe de Ben- gale) vomissait de la fumée. (JYatit. Mag., 1860, p. 028.) Décembre. — Le 47, 2b. 5 m. du matin , le Jules de Blosseville a éprouvé une secousse semblable à celle produite par un ébou- lement; la mâture a été fortement ébranlée; le navire était sous voiles, filant quatre nœuds; beau temps. Dans ce moment on a relevé la pointe la plus S. de la Dominique à l'O. et la pointe la plus N. delà Martinique au SO. Cette secousse a duré de six a huit secondes. (Ann. marit., 1846, t. I , p. 052.) Le même jour, 2 h. du matin, une secousse à la Martinique el deux à la Guadeloupe. Je les ai décrites ailleurs. — (Sans date de jour, ni de mois.) A Quito, 8 h. du matin, deux secousses. (Le P. Cornette.) Des observations météorologiques , qui m'ont été communiquées par M. Boussingault, n'y signalent que quatre secousses pour cette année. Aucune n'est mentionnée comme ayant eu lieu à 8 h. du matin. 184G. Mars. — Le 28, vers 6 h. du soir (57 minutes avant le coucher du soleil), au Caire, violent tremblement en plusieurs secousses distinctes. Le plus fort mouvement a duré huit à dix secondes, la durée totale a été de 250 battements de pouls, éva- lués à environ trois minutes. ( Il ) Six minutes après, légère secousse qui a duré vingt secondes. La direction était E. cl 0. (Jomnrd, Bull, de la Soc. de géogr., 3e série, t. IX, p. 278.) Juin. — Le 15, heure non indiquée, au Caire, tremblement en deux secousses dont la durée a été d'environ quarante secondes. (Jomard, /. c.) Juillet. — Le 14, vers 10 h. (sic), dans la mer Rouge, la t. 15°7' N. et long. 42° 12' E. de Gr. (59°52' E. de Paris), éruption volcanique dans l'îlot Saddle, du groupe des Zabayer Islands; un éclair, accompagné de tonnerre, fut suivi de détonations pendant une demi-heure. On ressentit une forte odeur sulfureuse. Ces îles sont d'origine volcanique. La dernière éruption remonte, suivant les pilotes, à une cinquantaine d'années. (Ncnit. Mag., oct. 1846, p. 551.) On donne la date du 44 août, 10 h. du matin, dans le même recueil, June, 1847, p. 514, d'après le rapport du steamer Vic- toria. On y dit aussi que la petite ile voisine, Jibbel Teer (Hill of Smoke), a vomi de la fumée en 1832. Celle date du 14 août est aussi celle qui se trouve indiquée dans VAlhenœum du 28 novem- bre, d'après Y American Journal of science, 2e série, t. 111, p. 275, et dans le Bull, de la Soc. de géog., 5e série, t. VII, p. 151. « Cette île (de Jibbel Teer), dit M. Darondcau, est à 54 milles dans le N. 560,/a 0. de Jibbel-Zcbayer, par 15°52'50" lat. N. et 59°55'6" E. de Paris. Elle est de forme presque circulaire; sa hau- teur est de 1)00 pieds ou environ 274 mètres au-dessus du niveau de la mer; à partir de sa base, elle monte graduellement la dis- tance d'un demi-mille, puis là commence une chaîne de collines de 100 yards (91 mètres) d'élévation, qui se termine à la pointe S. de l'île par un morne formé de rochers abruptes. Du sommet de celte chaîne le terrain s'élève encore graduellement jusqu'aux pics, qui ont aussi 100 yards d élévation. Le plus grand pic est de couleur brune, et l'autre forme un beaucône quand on le voit du S. et de PO. Tous les deux paraissent d'origine volcanique, et l'on voit encore aujourd'hui la fumée s'échapper de quelques-uns des cratères cl de la base des pics. » (Ann. marit., 1847, l. I, p. 92.) ( 12 ) — (Sans date de jour, ni de mois.) — A Popayan, 7 h. du matin, une secousse. (Le P. Cornette.) — A Mexico, légères secousses, jusqu'en 1852. (/il.) 1847. — (Sans date mensuelle.) Dans la république de l'Equa- teur, éruption du Guila, mentionnée sans détails, par MM. Doilfus et de Montserrat. {Voyage cjèol. dans les répub. de Guatemala et de Salvador, p. 498.) — La même année, au Nicaragua, éruption d'un volcan dont ces voyageurs n'indiquent pas même le nom. (/bid. , p. 496.) 1 8i8. Janvier. — Le 13, à 3 h. '/s du soir, à Lima, tremble- ment léger et de dix secondes de durée. Quelques minutes plus tard, fort tremblement qui dura une minute. Le 21 , 2 b. '/â du matin, autre tremblement assez fort et d une minute de durée. (M. Paz Soldan.) Février. Le 1er, 2 b. '/2 du soir, à Lima, tremblement léger. Le 10, 2 h. */a du matin, autre médiocre. (M. Paz Soldan.) — La nuit du 10 (sic), vers 3 h. f/2 du malin, en mer, une forte secousse ressentie par le trois-mâts Stella del Mare, parti de Valparaiso, le 8, pour Taïli où il arriva le 12 mars suivant. « Presque tous ceux qui dormaient furent réveillés, écrit le com- mandant vicomte des Cars; la garde franche et le maître d'équi- page s'élancèrent effrayés sur le pont, croyant qu'on avait fait quelque abordage. Le temps élait magnifique et d'une sérénité admirable; on ne voyait rien à la surface de la mer qui pût nous expliquer ce que nous avions ressenti et qui pour moi est resté un mystère. » (Nouv. Ann. de la marine, t. IV, 1850, p. 160.) Juillet. — Le 31 , 9 et M h. du soir, à Lima, deux tremble- ments légers. En tout, sept dans l'année. (M. Paz Soldan.) Août. — Le 4, le capitaine Biroché, de la Xorna , de Nantes, mouilla à Anger, dans le détroit de la Sonde; pendant les dix jours qu'il passa à ce mouillage, il ressentit chaque jour des trem- blements de terre. Deux jours avant son départ, il aperçut un volcan qui venait de surgir sur la côte de Sumatra. D'après les relèvements qu'il prit du mouillage, il place ce volcan dans l'E. du pic le plus S. de Radja-Bassa et à un mille dans le SO. de la petite ile Logeh. — Ann. hydrogr. (Nouv. Ann. de la marine, t, II, 1849, p. 42.) ( 13 ) — Le 50 (?), G Ii. du matin , à Quito, une secousse verticale. Après une opposition des vents du SE. et du NO., durant un grand calme, et sous d'épais nuages (Paramos) amoncelés sur les mon- tagnes orientales, il y eut une légère secousse à Bogota, où elle fut suivie de pluies et de tempêtes. (Le P. Cornette.) — (Sans date mensuelle.) A Umatag, îles Marianncs , tremble- ment désastreux, mentionné sans détails, dans le Nautical Maga- zine, July 1865, p. 3GG. Ne s'agit-il pas des nombreuses secousses qui, du 26 janvier au 1 1 mars 1860, ont eu lieu aux Marianncs et dont j'ai publié le journal dans le supplément à mon catalogue de 1852? En 1848 ou 1 8i9, dans l'île de Tristan da Cunba (océan Atlan- tique), une secousse avec bruit. Les meubles furent mis en mou- vement et un rocher roula dans la mer. Le temps était beau et la mer calme; ce n'était pas dans le saison du tonnerre. C'était la seule qu'on y ait ressentie de 1817 à mars 1856. [Naut. May., 18:iG,pp. 407 et 410.) 1849. Janvier. — Le 22, heure non indiquée, tremblement à Calcutta. (Naut. Mag., sept. 1849, p. 483. ) — Le même jour, 8 h. et 8 h. '/4 du matin, dans l'Assam, secousses que j'ai déjà signalées. Février. — Le 26, à Lobatera, État de Tachira, dans la Nou- velle-Grenade, tremblement considérable dont les secousses se renouvelèrent pendant soixante jours. M. le Dr Aristides Rojas , de Caracas, après avoir rappelé ce fait à la suite des secousses éprouvées dans ces Étals, en février 18G9. ajoute : « Que pourrons-nous conclure de ces diverses secousses dans les Andes grenadines et dans une partie des Andes vénézué- liennes? 11 paraît exister une période de vingt ans dans les convul- sions séismiques qui agitent ces régions au sud du Venezuela. En 1828 et 1829, après divers tremblements de terre éprouvés au Pérou et au Chili, les Andes colombiennes se mirent en mouve- ment, et des secousses répétées se firent sentir dans le Tachira d'où elles s'étendirent avec assez d'intensité jusqu'à Maracaïbo. Il y eut, en même temps, des éruptions volcaniques dans l'Ecuador, la Colombie et l'Amérique centrale. (U) » En 1848 et 1849, les mêmes provinces de la Colombie, qui souffrent actuellement des tremblements de terre, furent forte- ment agitées. Les secousses s'étendirent jusque dans le Tachira et dans la province de Mérida où Lobatera et d'autres pueblos furent ruinés. Les ebocs se propagèrent jusqu'à Maracaïbo et aux Antilles. Il y eut, en même temps, des éruptions volcaniques dans la Colombie et dans le Centre-Amérique ou l'Amérique centrale. » En 1849, il y eut aussi un grand tremblement de terre au Chili. » Vingt ans plus tard, en 1868 et 1809, après la grande cata- strophe du Pérou et de l'Ecuador, les secousses recommencent dans les Andes colombiennes et la tempête séismique se propage et se continue dans celles du Venezuela, comme le montrent les notices que nous publions aujourd'hui. » En présence de ces faits, nous pouvons conjecturer qu'il y aura des tremblements de terre dans les provinces de Merida et de Maracaïbo, même dans celle de Caracas et aux Antilles. Toute- fois, l'intensité de ces nouvelles secousses suivra le rameau des Andes qui, se détachant de la Cordillère de Merida, se propage à l'ouest du lac de Maracaïbo jusqu'au cap Chichibacoa. » {La Opinion national, de Caracas, 17 mars 1809.) — Les Annales de la propagation de la foi, n° de février 1850, renferment plusieurs lettres dont une du P. Villien : « Dans un îlot, à peine distant d'une lieue de Rook, dit-il, se trouve un volcan en pleine activité. L'île Rook est située par lat. 5° 50' S. et long. 145° 30' E. dans le détroit de Dampier, ayant la Nouvelle-Bretagne à 4 lieues à l'est et la Nouvelle-Guinée à 7 lieues à l'ouest. Tout concourt à prouver qu'elle est volcanique. (Bull, de laSoc.de gêog., 5e sér., t. XIII, p. 252.) 1850. Mars et mai. — En mars, puis le 12 et le 15 mai, à San José et San Francisco (Californie), six faibles secousses pendant l'éruption du Mauna Loa, dans l'île Ilawaï. (Le P. Cornette, / c.) Juin. — La nuit du 12 au 15, le volcan de Tanna fut aperçu par la corvette YAlcmène. « Nous restâmes jusqu'au jour dans ces parages, dit un des officiers, et nous pûmes jouir du magnifique ( 13) spectacle des éruptions volcaniques de Tanna. Au milieu d'une obscurité profonde, on voyait se dessiner des gerbes de feu dont l'éclat réverbéré par la mer produisait un effet magique. Les laves que lance ce cratère sont tellement abondantes qu'on en trouve sur les plages de toutes les îles environnantes et jusqu'à l'île des Pins. » {Ânn. de la mar., t. XII, 2me sem. 4854, p. 48.) Août. — Le 25, 7 h. du matin, «à Quito, fort tremblement de quinze secondes de durée. (Le P. Cornette, /. c.) J en ai déjà décrit un pour ce jour-là au Cbili; se serait-il étendu jusqu à Quito? Octobre. — Le 1G, lat. 8°50/ N., long. 56° 0., par un temps clairet un léger vent du sud, bruit sourd semblable à celui d'une cascade, et accompagné d'un tide rip (espèce de ras de marée) des plus remarquables. Le capitaine du Vespasian était dans sa chambre; à ce bruit, il se précipita sur le pont, monta sur la pas- serelle, et de là, avec sa lunette, il vit, à la distance de trois milles, la surface de l'eau soulevée à trois ou quatre pieds au-dessus du niveau voisin et s 'avançant avec une vitesse de trois à quatre milles à l'heure. « En approchant du navire, dit-il, le phénomène était magnifique, les vagues s'élevaient au moins de quatre pieds au-dessus du niveau voisin, tombaient dessus comme l'eau sur une digue et brisaient en atteignant le bâtiment dont le pont fut inondé. Nous en éprouvâmes toute la violence pendant dix à quinze minutes, durant lesquelles ce tide rip passa au NE. Je pus l'observer encore distinctement pendant vingt minutes après qu'il eut passé. La surface, sur son passage, ressemblait à celle d'un Fishing Rip dans une grosse mer, et pourtant la mer était unie tout à l'entour. Nous en vîmes encore , mais à distance, deux autres dans le courant de la journée. J'ai vu plusieurs fois de ces tide ripe, mais jamais d'aussi grands et d'aussi beaux. » Ces tide rips , ajoute M. Maury, sont assez fréquents dans cette région. .Mais ils ne sont pas dus aux courants ni au vent. Quant à celui-ci, en particulier, il était évidemment le résultat de quelque perturbation séismique, provenant de là chaîne volcanique sous- marine dont l'existence ne saurait plus être mise en doute. (Naît t. Mag., july 1800, p. 540.) Voir plus loin au 50 octobre 1859. — Je lis dans le Bulletin de ht Société de géographie, au (16) compte rendu de la séance du 22 novembre : M. Jomard donne lecture d'une lettre de M. Berthelot, agent consulaire de France à S"'-Croix. a Cette lettre renferme une relation du dernier trem- blement de terre de Ténériffe. » (3""' sér. t. XIV, p. 555.) Décembre. — Dans le courant de ce mois, au Kilauea (Hawaï), la fumée et la vapeur augmentèrent beaucoup; ces manifestations et un tremblement de terre qu'on ressentit dans l'île prouvaient que l'activité souterraine n'avait pas cessé. (Brigham, /. c. p. 4 Mi.) 1851. Février. — Un matin (jour non indiqué), à Mexico, une secousse plus forte que celles qu'on y ressentait depuis 1845 et que les suivantes jusqu'en 1852. (Le P. Cornette.) Mars, avril et mai. — En mars, en avril, puis les 15, 17 et 28 mai, à San Francisco et à Salinas, faibles secousses avec inon- dation de la mer. Huit faibles secousses en Californie cette année. (Même source.) J'en ai déjà rapporté ailleurs, à ces dates, puis au 13 juin, aux 2 et 31 décembre. Mai. — Le 17, dans la matinée, Quezaltcnango fut ruiné par dix-sept violentes secousses verticales; elles furent faibles à Gua- temala. (Le P. Cornette.) Août. — Au mois daoût 1852, le capitaine Everard Home, commandant la Calliope, visita Tonga-Tabou (îles des Amis); il y apprit que douze mois auparavant on avait vu de la fumée sortir de la mer entre les îles Roa et Lette. Ses recherches sur ce volcan sous-marin restèrent vaines. (IVaut. Mag., aug. 1853, p. 452.) Octobre. — Le 18, 1 1 h. '/2 du malin , à Lima, deux secousses qui ébranlèrent quelques constructions. A midi et demi, 4 h. et G h. du soir, nouvelles secousses qui se répétèrent la nuit suivante dans laquelle il plut. Le 19, 7 h. '/s du matin , une nouvelle secousse. (M. Paz Solda n.) Novembre. — Le 11, 11 h. f/2 du S01V » a Lima, deux fortes secousses. Bruits souterrains toute la nuit suivante et le lende- main. Ces secousses et celles d'octobre sont les plus remarquables de l'année. (M. Paz Soldan.) Décembre. — Du 8 au 10, le volcan de Tanna (Xouv. Hé- brides) était dans son état habituel d'activité. 1852. Janvier. — Le 21), dans la chaîne d'îles et d'îlots qui ( 17 ) s'étend au sud du Japon , entre Van Diemen et l'archipel des Lieutchou (sic), le volcan de l'île Julie était en activité. «Je choisis le chenal au sud de Jakuno Xima, dit le capitaine Cazalis, commandant V Arche (V Alliance. Les sommets de cette île étaient couverts de neige. Nous passâmes devant l'île Julie dont le volcan lançait de larges tourhillons de fumée; nous entrâmes dans la mer Jaune. » (Ami. de la Mcu\, t. X, p. 18.) Cette île, dans le détroit de Diemen , est l'Yerahut Sima des Japonais. C'est la pre- mière fois que j'y trouve mentionné un volcan en activité. (Voir encore plus loin au l,r août 1800.) Juin. — Jour non indiqué, 7. h. du matin, à Kingston (Ja- maïque), fort tremblement. (Le P. Cornette.) Xovembre. — Le 26 , sur la côte de Californie, du 37e au 40e degré de latitude (500 milles), onze secousses, ressenties dans le Colorado cl jusqu'en Chine où elles se renouvelèrent jusqu'en février suivant. — Éruptions simultanées aux Moluques. (Le P. Cornette.) Décembre — Au Conscguina (Nicaragua), un nuage de fumée sortit du cratère, accompagné de sourds grondements; une pous- sière rouge impalpable tomba à Amapala dans l'île de Tigre et sur la cote de l'Honduras Le volcan n'était pas encore absolument éteint en 1854, d'après Wells. Aujourd'hui (en 1866), on ne voit au- cun phénomène s'y produire, on n'aperçoit pas la moindre fumée couronner la cime de la montagne. (Dollfus et de Montserrat, Voy. gèoL, p. 533.) (Sans date mensuelle). — Près des îles de la Californie, à 35 milles environ de l'île de Saint-Clément, par lat. 52°30'N. et long. 1 19°8'0.de Gr., le capitaine Cropper, commandant le Pacific, vit tout à coup s'élever en l'air à la hauteur d'une vingtaine de pieds, dans un endroit où la mer était parfaitement unie et ne brisait pas comme elle le fait ordinairement sur les écueils. Au bout d'un instant, la colonne retomba et la mer redevint calme comme auparavant. Ce phénomène se répéta ensuite plusieurs fois et ne laissa pas le moindre doute à tout l'équipage sur l'exis- tence d'un volcan sous-marin en cet endroit. [Naut. Mag. y)imc 4855, p. 355.) Tome XXII. 2 ( 18) 1853. Janvier. — Le 5, à Corte Ma de ira , une secousse. Dans le courant du mois, à San Luis Obispo (Californie), nou- velles secousses. On en compta treize depuis le 17 décembre pré- cédent et deux violentes à Mariposa et San Francisco. (Le P. Cor- nette.) Février. — Le 9, 2 h. 50 m. du malin, à Guatemala et à Truxillo, long et violent tremblement, à la fois horizontal et vertical. Des cloebesont sonné. (Le P. Cornette.) Juillet. — Le 12, à Saint-Joaquin (Californie), une secousse. (Même source.) Août. — Le 5, midi trois quarts, à Mexico, forte secousse de l'est à l'ouest. Le 26, à Guatemala et à Truxillo, fort tremblement avec re- titmbos. Quelques dégâts. (Ibid.) — Le 5 août et le \\ octobre suivant, à Mourzouk (Fezzan), plusieurs secousses, ressenties par le voyageur Edouard Vogel. Voici ce que je lis dans la notice que lui a consacrée M. Ch. Grad : « Il entra à Mourzouk le 5 août; la traversée du désert (depuis Tripoli) avait duré 50 jours Il y resta jusqu'au 11 octobre.. .. Plusieurs fois Vogel ressentit des tremblements de terre. » (Ilull. de la Soc. deGéog., 5e. sér., t. IV, p. 103. 1862.) Est-ce dans le désert ou à Mourzouk même que Vogel a ressenti des secousses? Les pbénomènes séismiques sont si rarement signalés en Afrique, surtout dans l'Afrique centrale, qu'il est bien à regretter qu'on n'ait pas ici indiqué le lieu et la date précise. Septembre. — Le 28, de nuit, à Guatemala , fort tremblement avec retumbos légers. (Le P. Cornette.) Octobre. — Le 8, minuit et demi (0 h. 30 m. du matin), à San José (Costa Rica), tremblement désastreux et d'une minute et demie de durée. La ville fut ruinée. (Ibid.) Xovembre. — Le 24, G h. du matin, à San Salvador et à San Vincente, une secousse très-violente. Le 25, même beure, une nouvelle secousse semblable. A Mexico, mêmes jours et mêmes beures, faibles secousses. (ibid.) — Dans le courant du mois, pendant que le capitaine Dcnliam ( «9 ) faisait le relevé hydrographique des Nouvelles Hébrides, au port d'Analom ou Ancileum (où il était arrivé le 7), tremblement qui n'eut aucune influence sur les chronomètres, quoiqu'il fut res- senti simultanément au large par le brick des missionnaires, le John Williams. L'auteur ajoute que de là il distinguait le volcan actif de Tanna, sur lequel il ne donne pas de renseignements. (Naut. Magaz.j july 1854, p. 500.) Décembre.' — Le 2, 9 h. 50 m. du matin, à Mexico, forte se- cousse; très-violente à Durango. (Le P. Cornette.) 4854. Janvier. — Le 13, 3 h. du soir, à Mexico, faible secousse; elle fut violente à Queretaro. (Le P. Cornette.) — Le 30, M. Titus Coan écrivait de Hilo (Hawaï) : « De l'agita- tion répétée de la mer autour de nos côtes, mouvements qui se sont encore renouvelés récemment, nous sommes portés à penser que des éruptions sous-marines ont eu lieu dans les parties sub- mergées de l'île ou dans les montagnes et les cônes recouverts par les eaux du Pacifique. (Brigham, /. c, p. 417.) Avril. — Le 10, 10 lï. du soir, à San Salvador, tremblement désastreux (on a reconstruit la ville ailleurs). 11 s'est étendu à travers tout le Guatemala, jusqu'à Tehuanlepec. (Le P. Cornette.) J'ai déjà dit ailleurs qu'au 57 on ressentit plus de cent secousses par jour. Le 10 encore, de nuit, à Mexico, une faible secousse. Le 20, à Santa Barbara (Californie), une secousse. (Le P. Cor- nette.) Mai, — Le 5, 9 h. 15 m. du matin, à Mexico, Oajaca et Vera Cruz, une très-faible secousse du sud au nord. Le 8, 4 h, du matin , à Cojutepcque et San Vicente (San Sal- vador), une secousse très-forte. A Guatemala, même jour et même heure, une faible secousse. (Ibùl.) Juin. — Le 1er, 2 h. du soir, à Mexico, faible secousse. A San Vicente, 11 h du soir, le volcan de Chiriqui était, disait-on, très- actif. Le H, à Durango, secousse très-forte; faible à Mexico. (Le P. Cornette.) Juillet. - Le 14, 7 h. 45 m du matin, à Guatemala, très-forte (20) secousse de Test à l'ouest. J'en ai déjà mentionné une à 9 h. du malin. Le 15, 1 I li. '/4 du soir, une autre secousse violente. Elles s'y sont renouvelées jusqu'au 51 . Les plus remarquables ont eu lieu : Le 16, 5 h. '/s du matin; Le 17, 6 h. et 11 h. du matin, 1 h. 45, 1 h. 46, 2 ii. 50, 4 h. 45, 4 h. 50 (très-violente), 0 h. 30, 0 h. 50 et 10 h. du soir; et beaucoup d autres; Le 18, 5 li. du malin, secousse désastreuse. Jusqu'au 51 , quatorze autres secousses dont le P. Cornette ne donne pas les dates. Octobre. — Le 18, 5 b. '/a du matin et le 20, I h. !/s du malin, à Lima, deux tremblements légers. (M. Paz Soldai).) Novembre. — Le fi , 2 h. du soir, à Lima, tremblement de l'est à l'ouest. (Même source.) 1855. Janvier. — Le 14, 10 h. du soir, en Californie, sur une longueur de 94 milles de côte, une forte secousse; des rochers tombèrent dans la mer. (Le P. Cornette). La veille, fi b. '/si du soir, il y avait eu à San Benito une secou-se que j'ai déjà men- tionnée. Février. — Le 1er, 9 h. 45 m. du soir, à Mexico, une première secousse sans dégâts, mais alarmante. A 10 h. 45 m., tremblement à la fois vertical du NE. au SO. et de 50 secondes de durée. Grandes ruines. Un pendule séismique de 3n,80 de longueur fit des oscilla- tions de 20 centimètres. Des pendules dont le balancier oscillait EO. s'arrêtèrent. On a ressenti la secousse en même temps et avec une égale force à Puebla, Jalapa, Vcra Cruz, Atlisco, Cordova, Eyo- tepec, Oajaca, Qucrctaro et ïulancingo. Chapaltepec à deux milles et Tepeyac à six milles au nord de Mexico n'ont pas été trou- blés. Le 15, I h. 51 m. du matin, à Mexico, une forte secousse suivie de deux autres légères. Le 28, 8 b. 55 m. du soir, fort tremblement à la fois giratoire, vertical, horizontal du NE. au SO. et de trente secondes de durée- le sol s'entr'ouvrit près du Carmel. Deux nouvelles secousses lé- gères à 9 h. 15 m. et à 9 h. 31 m. 40 secondes. (Le P. Cornette.) (21 ) Mars. — Le 15, G h. 50 m. du soir, à Mexico, une secousse de quarante secondes de durée. Le 31, 10 Ij. 58 m. du soir, une autre qui dura quatre secondes seulement. (Le P. Cornelte.) Avril. — Le 6, par lat. 0°56' S. et long. 22°28'32" 0. de Gi\, tremblement sous-marin. Le capitaine A. M'Clcllan, du Chrysolile qui tirait 10 V"2 pieds d'eau, crut avoir touché sur le sommet d'un écueil qu'il regarde comme étant celui que le Pacifique place par lat. 0°42' S., long. 22°47' 0., ou plutôt le Grown Reef des Améri- cains par lat. 0°57' S. et long. 25° 19' 0. (iVaut. Magaz.,]ùn. 1860, p. 50.) L'éditeur du Magazine ajoute : « Ce fait ressemble au tremble- ment sous-marin éprouvé au même endroit. Le capitaine Hutehin- son m'informe que, par lat. 0°25' S. et long. 20"9' 0. de Gr., son bâtiment a touché deux fois. L'eau n'offrait aucun changement de teinte, aucune apparence de brisants. Le capitaine Bosquet, qui passa à peu près à dix milles du même endroit, n'observa rien d'extraordinaire. — Skipping Gazette, 18 septembre. [French ship Aigle.) » — Le 10, 0 b. 25 m. du matin, à Mexico, une forte secousse du NE. au SO. Le pendule de 5m80 de longueur oscilla de 50 mil- limètres. Le II, 12 h. 5 m. (sic) du soir, une secousse de même force, de même direction et de quatre secondes de durée. Le 12, heure non indiquée, à Banza, une forte secousse, res- sentie faiblement à Mexico, où il y en eut, pendant ces trois mois, notamment le matin, beaucoup d'autres faibles dont on n'a pas noté les dates. Elles s'y renouvelèrent encore fréquemment, mais légèrement, dans la matinée, jusqu'en juillet. (Le P. Cornette.) Mai. — A Guatemala, quelques secousses légères dans le mois. (Le P. Cornette.) Juillet. — Le 15, 0 h. 25 m. du soir (sic), à Mexico, une légère secousse de l'ENE. à 1 OSO. et de deux secondes de durée. Le pen- dule oscilla de 50 millimètres. Les IG, 17 et 19, nouvelles secousses, nombreuses, mais légères. La direction semblait passer à TE; on a remarqué que durant cette ( 22) saison séismique, les retumbos devenaient moins forts. (Le P. Cor- nette.) — Le 25, 1 h. du soir, et le 2C>, 10 h. du matin, à Uetliberg (Suisse), deux tremblements (Schw. meteor. Beoh., 1857, p. 401.) Septembre. — Le 25, 10 h. 45 m. du malin, à Truxillo (Amer, centrale), une très-forte secousse verticale et horizontale de PESE. à 1 OXO et de quinze secondes de durée Le brig Simpronîan eu- trait dans le port, il fut soulevé et retomba comme une masse de plomb. Le même phénomène se renouvela plusieurs fois dans le jour et les jours suivants. La ville fut fort endommagée. A 11 h. 30 m. du matin, I h. 5, 3 h. 45, 4 h. 5, 5 h. 30 m. et 0 h. du soir, nouvelles secousses avec retumbos ; on en compta neuf dans la journée. Le 2G, cinq secousses avec retumbos , et cinq encore le 27. (Le P. Cornette.) Octobre. — Le 1er, 9 h. du soir, à Truxillo, une nouvelle se- cousse de trente secondes de durée. Un pendule séismique décri- vit une ellipse dont le grand axe était dirigé à PESE. Murs en brique lézardés. Les 4, 5, et 6, beaucoup de forts retumbos avec éclairs et vio- lents tonnerres, sans autres nuages au ciel que de légers cirri. Le 8, fortes secousses avec faibles retumbos. Le i), G h. et 6 h. 50 m. (sic), pendant le service divin qui se célébrait sur la place, deux secousses. Le vent passa au NO., il y eut de fortes pluies pendant trois jours et la saison séismique fut finie. (Le P. Cornette.) — Le 5, 7 h. 3/4 du soir, à San Francisco, une secousse. (Même source.) Novembre. — Le 11, 10 h, du malin, à l'Antigua Guatemala, une faible secousse, ressentie simultanément à la Nouvelle Guate- mala. Cette coïncidence a souvent été remarquée. (Ibid.) Décembre. — Le 21, 11 h. "20 m. du matin, à Humboldt Bay (Californie), une secousse. (Le P. Cornette.) 1856. Janvier. — Le 2, 10 h. du matin, à San Francisco (Cali- fornie), une faible secousse du sud au nord. On y en a compté douze légères dans l'année. (Le P. Cornette.) ( 23 ) — Le 9, éruption du volcan de Fuégo (Guatemala); les cendres furent transportées jusqu'à Tocoy, à près de 13 kilomètres au NE. Les cendres recueillies cou tiennent un dixième de fer magné- tique. Il y avait eu une éruption en 1855, il y eu eut une autre le 17 février 1857 (je l'ai rapportée au 16), et enfin le 17 août, il y eut encore nue petite tentative d'éruption. Mais, depuis cette époque, disent MM. Dollfus et de Montserrat, le volcan est resté relativement en repos, quoique sa cime soit toujours couronnée d'une colonne de fumée blanchâtre plus ou moins abondante. (Voyage géologique, p. 449.) Février. — (Sans indication de jour ni de lieu.) Aux États-Unis (à Knoxville?), tremblement. (Le P. Cornette.) Mars. — Le 21, 8 h. 37 m. du soir, à Guatemala, unesecousse du NE. au SO. et de deux secondes de durée. Un pendule séis- mique de 3m64 de longueur décrivit une ellipse dont le grand axe avait 18mm. (Ibid.) Mai. — Du 24 au 29 , le volcan d'isalco (Amer, centrale) était en pleine activité pendant une relâche du navire anglais Havana, à Acajutla. « 11 n'y a pas de phare, dit le cap. T. Harvcv, qui donne une meilleure lumière. » (Naut. Mag., july 1860, p. 559.) JiiHlef. — Le 26 , à 1 h. du soir, à Guatemala, une faible secousse de deux secondes de durée; elle fut forte au pied du Pacaya, qui, depuis des années, n'est plus qu'une source bouil- lante. (Le P. Cornette.) Août. — Le 4, 4 h. 47 m. du soir, à Guatemala, une faible secousse du NNE. au SSO. et de trente secondes de durée; elle fut terrible sur les côtes de l'Honduras d'Omoa à Beiise. Omoa fut ruiné; la mer, par un temps calme, s'éleva de cinq mètres au pied du fort. Des secousses légères s'y renouvelèrent jusqu'au 17. (Ibid.) — Le 17, G h. du soir, à Kingston (Jamaïque), tremblement très- for t. (Ibid.) Octobre. — Le 14, 3 h. 45 m. du matin et le 22, 5 h. du soir, à Guatemala, secousses légères. (Ibid.) Je les ai déjà mentionnées, mais avec des heures un peu différentes. Novembre. — Le 18, 9 h. du malin, de Guatemala aux mon- tagnes de Copan, forts relumbos sans secousses. (Ibid.) ( 24) Après les secousses des î) et 10 décembre que j'ai déjà signa- lées ailleurs, la terre resta calme, suivant le P. Cornette, jusqu'en juin 1857. 1857. Avril. — Le 00, 5 h. du soir, à l'île de Grenade (Antil- les), tremblement d'une violence extrême, mentionné sans aunes détails par le P. Cornette. Mai. — Le 10, 11 b. 58 m. du matin, à Kingston (Jamaïque), une secousse verticale, non ressentie au pic Sainte-Catherine (même source). Août. — Le 17, éruption du Fuégo (voir au i> janvier 185G). Octobre. — Le 8, 4 h. 19 m. du matin, à Saint-Louis, Mo., secousse médiocre de TESE. à TONO. et de quarante-trois sec ondes de durée. Le 14. 7 h. 20 m. du matin et 5 h. 30 m. du soir, deux nou- velles secousses légères. ^Le P. Cornette.) Décembre. — Le 15, le cône dAktonisovka (Crimée), de 85"'::() de hauteur au-dessus du liman de même nom, qui communique avec la mer d'Azof, était en activité par une ouverture de trois centimètres à environ trente centimètres au-dessous du sommet et latéralement. « L'impression qu'il m'a produite, dit M. Jules Guillemin, se retrouve dans un journal de notes, que je cite tex- tuellement : on dirait d'une bouteille de bière qui se vide en moussant. La température de l'eau n'était que de 1 1 degrés. « (Bull, de la Soc. degéog., 5*' sér, t. IX, p. 117; 1805.) — Le 18, le I)' G.-R. Playfair a visité Je volcan de Barrcn Island, dans le golfe de Bengale. La relation qu'il a publiée dans le Nautical Magazine, août I8G0, pp. 595-590, représente l'état d'activité comme faible et se bornant alors à une simple émission de fumée et de vapeurs. (Sans date mensuelle.) — A San Francisco (Californie), seize légères secousses en 1857 et huit en 1858. (Le P. Cornette.) 1858. Janvier. — Le 9, le commandant de la division navale d'Océanie a mentionné à ses capitaines la découverte faite par le brick des missionnaires, John IVesley, d\m volcan en pleine acti- vité situé par lat. 19°45' S. et long. 152°40' 0. sur une petite île entièrement volcanique, non loin des îles Lovait) qui, comme le ( 25 ) volcan Mathew et les Nouvelles Hébrides, sont, de constitution vol- canique. [Hall, de la Suc. de yéog., 4e série, t. XX, p. 13; 1800.) — Le 19, 9 h 14 ni. du matin, à Mexico, très-fort tremblement de l'est à l'ouest et du nord au sud. Durée, soixante-cinq secondes. Le sol ondulait nomme le roulis d'un bateau; murs lézardés, bas- sins d eau inclinés de 12 à I ï pouces du nord au sud. 11 s'est étendu de Pérote à Morelia. (Le P. Cornette.) Février. — Le Ier, à Kamsgatc, marée extraordinaire pendant laquelle le maître du port (K.-B. Martin, harbour master) croit avoir ressenti des secousses de tremblement de terre. ( JYaut. May., july 1858, p. 576.) Mars. — Le 4, à Ramsgate, phénomène semblable et même croyance que le 1er février. (Même source.) — Le 19, le docteur von Leibig (sic, Liebig?), a exploré Barren Island dont le volcan ne lançait alors que de la fumée et se mon- trait peu actif. La relation intéressante de cette exploration atten- tive se trouve dans le Nautical Magazine, août 1800, pp. 390- 40^2. Avril. — Le 2, à Guatemala, premier jour de tremblement signalé par le P. Cornette. — Le 20, à deux ou trois milles de la côte, le capitaine Black , da la Janetta et Bertha, dans sa traversée de Chanaral à Caldera (Chili), éprouva une violente secousse sous-marine après laquelle le bâtiment commença immédiatement à faire de Peau et dut être abandonné le jour même. {Naut. Mag., aug. 1858, p. 447.) Mai. — Le 3, à Coquimbo (Chili), une violente secousse qui causa des dégâts et fut ressentie en mer par le Gladiator et le Globe, à 100 et 200 milles de terre. (Naut. Mag.,* aug. 1858, p. 447.) — Le 5 encore, à Guatemala, deuxième jour de tremblement signalé par le P. Cornette. J'ai cependant signalé le premier à 5 h. 4 m. du soir, qu'il ne mentionne pas. — Le 19, à Ramsgale, marée extraordinaire pendant laquelle le maître du port a cru encore avoir ressenti un tremblement de terre. (Même source que pour le 1er février précédent.) Juin. — Le 1er, à Guatemala, troisième jour de tremblement signalé par le P. Cornette. ( 26 ) — Le 5 , i) h. ïb m. du matin, à Ramsgate , secousses parfaite- ment constatées par le maître du port, pendant une marée extraor- dinaire, comme en 1850. (Même source que pour le 1er février précédent.) Juillet . — Le 5, à Guatemala, quatrième jour de tremblement signalé par le P. Cornette. Septembre. — Le 2, à Guatemala, cinquième jour de tremble- ment signalé par le P. Cornette. J'y ai déjà rapporté une secousse pour ce jour-là dans la soirée. Décembre. — Le 1er, à Guatemala, sixième et dernier jour de tremblement signalé par le P. Cornette qui porte à 19 les secousses qu'on y a ressenties dans l'année. Je n'ai jusqu'à présent men- tionné que celle du 2 septembre. — Dans l'année 1858, à San Francisco, buit secousses. La der- nière l'orle et étendue est du 26 novembre. (Le P. Cornette.) Je l'ai déjà décrite ailleurs. 1859. Janvier. — Le 25, par bit. 0°55'N. et long. 29°28'0. , à dix mille de Saint-Paul Rock , violente secousse sous-marine, éprouvée par le navire anglais Florence Nightingale; elle com- mença avec un bruit sourd comme un tonnerre lointain et dura environ cinquante secondes. A bord on crut avoir touebé, mais le capitaine, familiarisé avec les tremblements de terre qu'il avait éprouvés sur les côtes d'Amérique, rassura son équipage tout en avouant qu'il n'en avait jamais ressenti d'aussi violents. Le ciel était clair le matin et complètement couvert au moment de la secousse, la chaleur était lourde et accablante. (Naut. May., 1800, pp. 278 et 545.) Mars. — Le 23 , dans la matinée, à Quito, très-fort tremble- ment, à la fois vertical et horizontal du sud au nord. L'église des Jésuites fut fortement lézardée. (Le P. Cornette.) Septembre. — Le 29, I h. '/- du soir, à Bâton Rouge (La. U. S.), y\nc faible secousse (Le P. Cornette.) Octobre. — Le 50, par lat. IG°20'N. et long. 54°50'O., une secousse ressentie par le Rambler, et, une demi-heure après, par le Millwood, lat. 25°50' N., long. 58° 0. « Ces vaisseaux, dit le lieu- tenant Maurv , se trouvaient ainsi à 520 milles l'un de l'autre; en ( 27 ) supposant qu'ils se soient trouves sur la ligne de propagation du mouvement séi suivi instantanément d'un changement dans l'atmosphère. {L. c.) — Le 20, 10 h. J/2 du soir, à Graechcn ( Suisse), une secousse. (Schw. meteor. Beobacht., 1867, p. 385.) — Le 23 (le 1 1 , v. st. ) , 2 h. 48 m. du soir, à Schémakha , assez fort tremblement de l'est à l'ouest, avec bruit souterrain. Dans plusieurs maisons, la vaisselle a été renversée. Pas d'autre acci- dent. Le même jour, même heure à peu près , à Biélo-Klutsch (Cau- case), tremblement excessivement faible. 11 s'est manifesté par (51 ) une oscillation du sud au nord, sans bruit, mais accompagné d'un certain craquement aux plafonds des chambres. D'après l'horloge de la station télégraphique, il a eu lieu à 1 h. 55 m. après-midi, temps de Sl-Pétersbourg, ce qui fait environ 2 h. 51 m. d'après notre temps. Le même jour encore , 2 h. 55 m. du soir , à Zaxatal , deuxième tremblement, de 15 à 20 secondes de durée, plus fort que celui du 19 mai précédent, sans occasionner cependant de dommages. Le 25 encore (le 1 1 ,v. st.), 3 h. 10 m. du soir, dans le défilé de Vanka, deux secousses. Pendant quelques secondes après les se- cousses, on pouvait ressentir distinctement la trépidation du sol et voir remuer différents objets. Ce tremblement a eu lieu après de grandes sécheresses qui ont duré plus d'un mois. (M. Oslen- Sacken. ) Août. — Le 10, 5 h. '/a du matin, à Melbourne (Australie), une légère secousse de l'est à l'ouest, avec bruit violent. A Queenseliff le phare a sensiblement oscillé. C'est à Goelong que le mouvement parait avoir été le plus fort. ( Galig. Mess., 17 oct. 1867.) — Le 1C, à Moquegua (Pérou), tremblement noté par M. Bobi- lier. (M. Paz Soldan.) — Nuit du 22 au 23, à Viège (Valais), traces de tremblement. Le 24, de 10 h.*/2 à 11 h. du soir, à Graechen, forte pluie et traces de tremblement. (M. Tscheinen, Schw. meteor. Beobacht., 1867, p. 438.) — Le 29 et les jours suivants, en Islande, éruption dans la partie ouest de l'île. (Ann. des voyages, mars, 1868, p. 552-554.) Septembre. — Le 2, à Moquegua (Pérou), tremblement noté par M. Bobilier. (M. Paz Soldan.) — Le 5, dans l'île d'Olosega, groupe Manua de l'archipel Samoa (des Navigateurs), secousses qui se répétèrent jusqu'à ce qu'une éruption volcanique éclatât en mer à une distance d'en- viron deux milles. C'est le 12 (heure non indiquée), que, de cette île , on vit d'épaisses masses de fumée s'élever d'un endroit où, en juillet précédent, on avait vu passer un vaisseau anglais qui y avait trouvé une grande profondeur d'eau. L'éruption a duré jusqu'au ( 32) milieu de novembre. (Times du 5 décembre, d'après un rapport du consul anglais dans cet archipel.) — Le 7, heures non indiquées, à Graechen (Valais), traces de tremblement. Le 1 5 , 2 h. et 4 m. du matin , à Sion, deux petits tremblements. Le 19, S hJ/g du soir, à Graechen, traces de tremblement. (Sclnv. meteor. Beobacht., 18G7, pp. 488 et 489.) — Le 11 , 9 h, 51 !/2 na. et 9 h. 33 m. du soir, à Santiago (Chili), deux fortes et assez longues secousses, avec bruit souterrain, fort et assez prolongé; au même moment s'éleva un fort vent du SO. accompagné d'une brume épaisse qui recouvrit tout le ciel en moins de 45 minutes. (An. de Chile , I. c.) — Le 19, 2 h. 3/4 du soir, éruption boueuse du Ghusi-Guran, situé dans la steppe déserte à quatre milles géographiques deBaku. « L'éruption ne dura pas plus de quatre heures. Pendant cinq minutes, le volcan fut transformé en fontaine jaillissante; pen- dant les cinq minutes suivantes, son cratère bouillonnait comme une chaudière en ébullition. Le lendemain matin, tout était re- plongé dans l'immobilité. J'aurais voulu déterminer le diamètre du cratère, mais cela m'a été impossible, car les matériaux ré- pandus tout autour en défendaient l'approche. Cependant, la température n'a pas dû être très-élevée pendant l'éruption, car on n'apercevait aucune évaporalion sur l'argile humide. On pré- tend, dans le pays, que lorsque le Ghusi-Guran travaille, il n'y a pas de tremblement de terre à craindre dans l'année. » ( Bull, de la Soc. de géog., juillet, 1868, p. 41.) — Le 20, 9 h. 30 m. du matin, à Tortona, une forte secousse ondulatoire. Un jour avant le dernier quartier de la lune. Le même jour, heure non indiquée, à Locorotondo (province de Bari ) , une secousse. Le 22, 6 h. 30 m. du soir, à Tortona, une deuxième secousse semblable à la première. (Mme C. Scarpellini.) Octobre. — Le 4, à Dupac (Philippines), cinq secousses dont trois assez fortes. Pas de dégâts. Le9, à Egana (même île), tremblement. (M. Rojas.) — Le 7, de 8 à 9 h. du soir, à Graechen (Valais), traces de tremblement. (B3 ) Le 11 , 4 h.f/2 du matin, une légère secousse. Dans le jour, léger et fréquent frémissement du soi. (Schw. meleor. Beobachl., 1867, p. 589.) — Le 11 , 7 h. du matin, à Santiago (Chili) , tremblement léger. (Loc cit.). — Le 19, à Porto-Rico (Antilles), commencement de secousses dont cette île parait avoir été le centre et qui se sont accrues dans les sept premiers jours de décembre. (Le P. Cornette). Il y a eu, en effet, de fréquentes secousses dans cette île, en novembre et en décembre. Mais M. Rojas en fait remonter le commencement beaucoup moins haut. — Le 22, M. James Orton a visité le cratère du Pichincha; il en évalue la profondeur à 2,500 pieds et à 1,508 le diamètre du fond; en haut la largeur serait de plus d'un demi-mille. Les parois sont très-escarpées et la descente en est très-dangereuse; M. Orton a mis deux heures à descendre et trois heures à remonter. Le fond est recouvert d'énormes blocs trachyliques et porphyriques. A l'ouest du centre s'élève un cône d'éruption, de 250 pieds de haut, duquel s'échappent de nombreuses fumerolles, produisant du souffre, de l'alun de plume, de la vapeur d'eau avec des gaz acides carbonique et sulfureux en très-petite quantité. La colonne de fumée ne s'élevait pas au-dessus du cratère. La température des fumerolles était de 184°F. L'eau bouillait à 189°2. (Amer. Jour, ofsc.j 2esér., t. XLVII, p. 245.) — Le 29 (le 17, v. st.), 6 h. du matin, dans les mines de Zyrianoff (non loin de Tomsk), deux secousses consécutives d'une durée totale de dix minutes (sic), précédées d'un bruit souterrain peu considérable. A 1 h. du soir, autre secousse, mais très-faible. « Le tremblement, ajout e-t-on , se dirigeait de l'ouest à l'est; il n'a causé aucun accident dans les mines. On l'a observé, à la même heure, dans les environs de l'embarcadère de Oust-Kame- nogorsk, qui se trouve à 17 verstes à l'ouest, sur la route des postes, et à 110 verstes en ligne directe. » (M. Osten-Sackcn , d'après la Poste du, Nord, qui cite une communication de Tomsk.) ( 54) — Le 29 encore, 7 h. du soir, à Humacao ( Porto -Rico), tremblement pendant le désastreux ouragan de ce jour, à l'heure même où le vent du NO. changea en passant au sud. (M. Rojas). — A la fin du mois, au sud du Chili, plusieurs secousses- (M. Rojas.) Novembre. — Le 11, 6 h. 10 m. du matin, à Santiago (Chili), tremblement léger. ( Loc. cit. ) — Nuit du 11 au 42 (du 50 au 51 oct., v. st.) , 1 h. du matin, à Khodjend et Ura-Tubé, tremblement qui a réveillé plusieurs personnes. C'est le second noté par M. Favitzky, commandant de la citadelle. (M. Osten-Sacken.) — Dans la nuit du 11 et la matinée du 12, à la Jamaïque, quatre secousses. (M. Rojas.) — Le 12, à Coriaco (est du Venezuela) et à l'île S'-Thomas, tremblements cités encore par M. Rojas. — Le 15, 9 h. 20 m. du soir, à Volterra (Italie), une secousse si légère qu'on ne put distinguer si elle fut ondulatoire ou verti- cale; on nota seulement que le bruit souterrain (rombo) fut rela- tivement très-sensible. ( Mme C. Scarpellini. ) C'est la seule secousse que je trouve mentionnée dans le résumé des observations mé- téorologiques faites cette année à Volterra. — Le 15 encore et le 20, à Sl-Christophe (Antilles), forts tremblements. Maisons renversées; plusieurs personnes tuées. (M. Rojas.) — Le 14, dans le Cerro de Rota, près du port de Coriato (Guatemala), éruption avec secousses de tremblement de terre. Quelques jours après, le volcan était encore en pleine activité. f Journaux américains. ) M. Rojas dit aussi que, le 14, le volcan de Rota (Amérique centrale) entra en éruption. Il s'agit de l'éruption que j'ai décrite dans ma note pour 1866 et 1867, d'après le rapport de M. Dic- kerson, consul des États-Unis. Elle a eu lieu dans la plaine de Léon, de Nicaragua , et a duré jusqu'au 50. Le 14 encore, près de l'île de Grenade (Antilles), éruption sous-marine dont souffrent les côtes voisines. (M. Rojas, /. c.) Elle fut, d'après des extraits de journaux qu'il m'a envoyés, (55 ) accompagnée de tremblements de terre plus ou moins forts. « Tout cela, ajoute le Tidende d'après la Chronicle de Grenade, eut lieu le 18 qui fut le jour de la catastrophe de S'-Thomas. » Enfin, d'après un autre extrait, il y eut dans 1 ile de Grenade, deux courtes secousses d'oscillation horizontale, le lundi à 9 h. du soir et le mardi à 1 h. du matin. Ces secousses sont, par consé- quent, du 18 et du 19. Toutefois, je dois ajouter que cette érup- tion sous-marine a été démentie. — Le 17, entre 2 et 5 h. du soir, à l'île S'-Thomas, une légère secousse avec bruit souterrain bien distinct. (New-York Herald du 14 décembre.) Quoique j'aie déjà décrit assez longuement le tremblement du 18 et les secousses qui l'ont suivi, je crois devoir donner encore quelques nouveaux détails. Le 18, heure non indiquée par le lieutenant gouverneur, sir Arthur Rumbold, à Tortola (îles Vierges), tremblement qui, dit-il dans son rapport officiel , « dura quinze minutes entières et fut suivi d'autres secousses moins fortes à des intervalles ne dépas- sant pas cinq minutes , pendant plus de douze heures. Jusqu'à ce jour, 25 novembre, les secousses se répètent encore et toutes paraissent venir du nord ou du nord-ouest, sauf la première qui vint du nord-est. » Immédiatement après que la première secousse eut cessé, la mer se retira ou plutôt baissa d'environ quatre pieds, et remonta aussitôt à quatre ou cinq pieds au-dessus de son premier niveau, inondant la partie basse de la ville et balayant tout sur son pas- sage. J'évalue à douze nœuds au moins la vitesse de l'eau dans ce mouvement » L'auteur signale ensuite des dégâts tant à Tortola que dans les iles voisines, comme Peter's Island et Sait Island où la mer s'éleva aussi au-dessus de son niveau ordinaire. Il dit aussi que la pre- mière secousse et quelques-unes des suivantes furent verticales, mais les dernières horizontales. (Proceed.ofthe meteor.Soc. t. IV, p. 89.) On trouve encore dans ces Proceedings, 1. c, quelques détails intéressants sur le mouvement des eaux à Bequia, à Saint- Vin- (86 ) cent, Saint-Christophe, à la Grenade et à Saint-Georges. On ne signale que deux secousses dans cette dernière localité, l'une le 18, à 9 h. du soir, et l'autre le 19, un peu avant 9 h. du matin. On n'en mentionne aucune pour les autres. Le 18 encore, 5 h. du soir, à Morovis (Porto-Rico), première secousse qui dura cent secondes. A 5 h. J/2> nouvelle secousse, suivie d'autres plus ou moins fortes le reste du jour et toute la nuit suivante. Le 19, au point du jour, une secousse très-forte. Nuit du 29 au 50, deux autres secousses assez fortes. * Voilà trois jours, écrit-on de Morovis le 30, que le sol est en mouvement. » « Depuis ma dernière lettre, en date du 23 novembre, écrit-on de 3ïayaguez (même île) le 8 décembre, il y a eu de petites se- cousses et beaucoup de bruits souterrains jusqu'au 29, 12 h. de la nuit, qu'a eu lieu une secousse assez forte. » Le 50, pendant tout le jour et la nuit suivante, petites se- cousses. » (La suite à décembre.) Suivant un journal de Cuba, on aurait compté, à Porto Rico, dans les neuf premiers jours, cent quartorze secousses, ainsi ré- parties : quarante-trois le premier jour, neuf le deuxième jour, treize le troisième jour, dix-sept le quatrième jour, dix le cin- quième jour, sept le sixième jour, quatre le septième jour, cinq le huitième jour et six le neuvième jour. Le 20, on écrivait de Sainte-Croix que les secousses diminuaient graduellement; au lieu de six ou huit, on n'en comptait plus que trois ou quatre par jour; elles étaient d'ailleurs plus faibles et plus courtes. (New-York Herald, 14 décembre f.) ' Les deux fails suivants sont évidemment du 18 et doivent être reportés à cette date : « Le lundi 25, 2 h. 50 m. du soir, à l'île Sainte-Croix, première secousse suivie de beaucoup d'autres plus ou moins fortes à divers intervalles.» (Observer de Antigoa du 29 novembre.) Je lis encore dans le même journal : « Le lundi 25, 5 h. 20 m. du soir, en vue du port de Grenade, eut lieu une terrible éruption volcanique. Après que la mer eut baissé comme on ne l'avait jamais vu , on entendit un grand bruit souterrain et l'on vit dans le Greenhole les eaux s'élever de plusieurs pieds en bouillonnant fortement; entre le Cano et la vieille maison de bains, la mer sem- blait en ébullition et exhalait en même temps une forte odeur de soufre. La (87 ) — Le 25 (le 15, v. st.), G h. du soir, à Zournabad (Caucasie), tremblement précédé d'un bruit souterrain. D'après la Gazette du Caucase, ce tremblement a duré une demi-minute, mais le bruit a duré plus longtemps. (M. Osten-Sacken.) — Le 2f>, l'île de Zapadilla, dans le golfe Dulce (Costa Rica), s'affaisse en partie et de fortes secousses agitent ces régions de l'Amérique centrale. A Isabal, violentes secousses. C'est ce jour là qu'un des volcans du Nicaragua est entré en éruption. Vers le 50, la tempête séismique embrasse toutes les Antilles, et les tremblements se succèdent sans interruption. (M. Rojas, Tem- pestad seismica, 1. c.) L'éruption au Nicaragua est du 14. — Le 50, vers 1 h. du soir, à Santiago de Cuba, une secousse médiocre, suivie à 7 h. d'une autre remarquée par quelques per- sonnes seulement. (Diario du 5 décembre.) Suivant un télégramme, il y aurait eu trois secousses ce jour-là. (Sans date de jour.) — Un mois environ avant le tremblement du 18 décembre, dans la partie sud du comté d'Onondaga (Etats- Unis), une secousse. (Syracusa Journal du 48 décembre.) — Entre les deux îles les plus orientales du groupe Samoa ou Archipel des Navigateurs, éruption précédée de nombreuses se- cousses. Elle consista en nombreux jets de boue et d'épaisses co- lonnes de sable volcanique, mêlé de fragments de roebers qui, avec un bruit terrible, s'élevaient à deux mille pieds de bauteur. Les matières projetées s'accumulèrent dans le fond de l'Océan sans que le nouvel évent élevât son cratère au-dessus du niveau de la surface de la mer. La tradition ne rappelle aucune éruption an- térieure dans cetarcbipel. (Supplément to the Lyttelton Times du 4 septembre 1868.) Il s'agit évidemment de l'éruption que j'ai mer s'éleva ensuite de quatre pieds et inonda les quais, le mule et les maisons. Six fois le volcan marin fit son éruption en laissant chaque fois Peau dans son étal naturel. La nuit étant arrivée, on ne put connaître les dégâts causés par le phénomène ; mais le lendemain au matin , on vit toute la plage couverte de débris et de matériaux qui, la veille encore , semblaient placés à l'abri des eaux. » Tout cela n'est que la description exagérée des grandes vagues séis- miques du 18 novembre. ( 38 ) rapportée au 12 septembre précédent et qui finit au milieu de novembre. Décembre. — Le 1er, \ h. du malin, à Santiago de Cuba, une secousse assez forte, suivie, une heure après, d'une autre légère, mais avec bruit pareil au tonnerre. (Diario du 5.) — Le 1er encore, 7 h. '/* du matin, à Mayaguez (Porto Rico), une forte et longue secousse qui a fini par un choc vertical. A 2 h. '/« du soir, autre secousse plus forte, après laquelle la terre est restée en mouvement jusqu'à 3 heures. Le même jour, on écrit de Morovis (à 8 lieues de Saint-Jean) : « J'ai ressenti à midi un des plus violents tremblements de terre. » Le même jour encore, 12 h. 19 m. du jour, à Saint-Jean (Porto- Rico), tremblement plus fort que celui du 48 novembre, mais plus court, puisqu'il n'a duré que trente à quarante secondes. Mouve- ment du sud au nord ou du SE. au NO., faible en commençant, il augmenta graduellement, parut diminuer deux fois, puis finit avec une violence terrible. Les 2,5,4 et 5 (heures non indiquées), à Mayaguez, nom- breuses secousses plus ou moins fortes. Du 5 jusqu'aujourd'hui, cinq ou six secousses seulement par jour. (Lettre en date du 8.) Le 10, on écrit de Porto-Rico : « Le 18 novembre, vers 5 h. du soir, eut lieu le premier tremblement qui fut désastreux, et, de- puis, les secousses se sont succédé avec plus ou moins de force, à de courts intervalles, de jour et de nuit, jusqu'à l'heure où j'écris. « On les a ressenties aux iles Rarlovento, mais non à Saint- Domingue, ni à Cuba.» (El Porvenir, de Caracas.) Le 10 encore, on écrit de Sainte-Croix : « Durant la dernière quinzaine, on a ressenti, presque chaque jour, de légères se- cousses. » Le 11, 10 h. du matin, à Ponce (Porto Rico), une secousse et une autre à 10 h. du soir. Le 12, 10 h. 7* du matin, 2 h. 3/* et 10 h. */â du soir, trois nou- velles secousses très-légères. Le 20, on écrit de Sainte-Croix : « Les secousses continuent à Saint-Thomas. Depuis un mois, il y en a quatre ou cinq par jour, ( 39 ) et quelques-unes vraiment fortes. On peut dire que le sol oseille sans cesse. » Le 26, on écrit de Saint-Jean (Porto-Rico) à M. le D' Rojas : « Depuis le tremblement du 1er de ce mois, il n'y a pas eu de se- cousse aussi forte; mais on en ressent toujours de légères, princi- palement la nuit. Il y a des nuits où l'on en compte jusqu'à onze, mais faibles et courtes. On entend aussi des bruits souterrains. Le 29, 9 h. du soir, à Saint-Thomas, une forte secousse qui dura quarante-cinq secondes et se répéta dix-sept fois dans la nuit, pendant laquelle le vent était fort. Le 50, 6 b. 45 m. du soir, à Saint-Jean (Porto-Rico), autre tem- blor de vingt secondes de durée. A 10 h. 10 m., une nouvelle se- cousse plus forte avec bruit et de cinquante secondes de durée. ( Lettre à M. Rojas , en date du 51.) — Le 8, vers 4 h. du matin, à Intcrlaken, deux courtes se- cousses consécutives avec bruits pareils au tonnerre. Le 44, 4 h. du soir, à Murbach, faible tremblement. Le 17,8 b. !/s du soir, à Graccben, traces de tremblement. (Schw. meteor. Beobacht., 1807, pp. 7, 21 et 29.) — Le 14, 11 h. 3/4du matin, au volcan du San Miguel (Salva- dor), éruption latérale au milieu du flanc du SO. Elle a commence par une émission de fumée très-épaisse et de lave; on entendit ensuite de grands bruits; mais tout se borna à une forte pluie de cendres. L'éruption continue. (Faro Salvadoreno du 50 décembre.) — Le 16, 4 h. 56 m. du malin , à Santiago (Chili) , fort et assez long tremblement, accompagné d'un bruit fort et prolongé, et suivi d'un changement dans l'atmosphère. Le 25, 10 h. 42 m. du soir, fort et long tremblement, accom- pagné d'un grand bruit. (Anales de la Univ., 1. c.) — Le 17, à la Guadeloupe, une forte secousse. (M. Rojas.) — Le 18, 5 h. du matin, à Ogdensburg (États-Unis), une pre- mière secousse, suivie de plusieurs autres légères et à des inter- valles réguliers; les uns en ont compté-trois, les autres cinq, d'au- tres sept et même plus. La dernière a eu lieu à 6 h. */2 du matin. (M. Rojas.) — Le même jour, 6 h. 52 m. du soir, à Urbino (Italie), une se (GO) cousse verticale et ondulatoire; un grand et fort choc vertical a été suivi d'un petit intervalle de repos auquel ont succédé des on- dulations pendant huit secondes environ. Le 51. 5 Ii. 40 m. du matin, une autre secousse bien sensible. (M'"c C. Scarpellini.) — Le 18 encore, dans le nord de l'île de Formose, tremblement qui m'est signalé par 31. Ami Boue, d'après Holt (H. T.), Quart. Journ. geol. Soc. 18G8, t. XXIV, p. 510. — Le 25, 5 h. et 7 h. 15 m. du matin, à Aosle, deux courtes secousses ondulatoires du S. au N. Dernier jour de la lune. Le 31, 5 h. 50 m. du matin, à Pérouse, une secousse ondulatoire, légère et très-courte. Sixième jour de la lune. (Mme Scarpellini.) — Le 27, à Moquegua (Pérou), tremblement noté par M. Bobi- lier. (M. Paz Soldan.) — Le 51, à Hewvelton, N. Y., et dans plusieurs villes voisines, à Macombe, Depeyster, Decalb, Lisbon, etc., une secousse, suivie de plusieurs autres dans les premiers jours de 1868. (D'après une lettre du 5 janvier.) — A la fin du mois, dans le Texas, plusieurs secousses que M. Rojas rapporte à l'axe volcanique du Mississipi. (Sans dates mensuelles). — Éruptions volcaniques dans l'île de Mauna, la principale de l'archipel Samoa ou des Navigateurs, et dans l'île de Ninafu, archipel Tonga ou des Amis. (M. de Hoch- stetter, Die Erdbebenfiulh im Pazifischen Océan am 15 bis 16 August 1868, p. 55.) — A Hankow (Chine), marée extraordinaire. Le Yang-tsc-Kiang a tout à coup baissé de quatre pieds six pouces et s'est relevé de cinq pieds et demi en quarante-huit heures. Les Chinois disent que dans la province de Chanse une colonne d'eau s'est subite- ment élevée de terre et a inondé une ville entière. [Neiv-Orleans Times du 21 décembre 1867.) M SECONDE PARTIE, TREMBLEMENTS DE TERRE EN 4808. Janvier. — Le 4er, le 5 et le 4 , au monte Baldo, près du lac de Garde, nouvelles et dernières secousses mentionnées dans la lettre que m'a écrite le Dr Gentilini. (Voir mon dernier relevé du mois d'avril 48G6.) — Le 1er et les jours suivants, à Hewvelton et dans d'autres villes de l'État de New- York, à Maçon, Depeyster, Decalb, Lisbon, etc., plusieurs secousses qu'une lettre datée de Troy, le 5 janvier, mentionne comme ayant suivi la secousse du 31 décembre 1867. (Voir ma dernière note à cette date.) — Le 5, 41 h. 50 m. du soir, à Lima, fort tremblement. Une seule secousse du sud au nord. (M. Paz Soldan.) — Le 4, vers G h. du matin, dans la vallée de Parrett, entre Langport et Stoke-sub-Hambdon (Somerset) , une secousse avec bruit souterrain et de quelques secondes de durée ; on l'a ressentie à Martock, Tintinhull, East-Lambrook, Seavington, Compton, Soutb-Petherton, Mucliclney et Kingsbury. Le 8, 4 li. 25 m. du matin, autre secousse que M. Sanford dé- crit comme ayant commencé par une ondulation distincte, suivie d'un bruit sourd avec frémissement du sol. — Le 8, 7 h. 25 m. du matin, àRemiïs (Suisse), deux secousses du NE. au SO. Le 48, entre 10 h. et 44 h. du soir, à Saint-Imier, léger trem- blement. (Schiv. meteor. Beobacht., 4 808, pp. 00 et 07.) ( 69) — Le 10, 9 11. T>0 m. du soir, à Merida (Venezuela), plusieurs fortes secousses. L'onde séismique, qui, jusqu'alors, dit M. Rojas (Tempestad seismica, I. e.), provenait des Andes, c'est-à-dire du sud et de l'ouest, est venue celte fois de l'est ou de l'Atlantique. Le 22, 4 h. du matin, et le 25, 8 h. du soir, au nord de Cara- cas, bruits séismiques. — Le 10, M. H. Regnault, fils du savant académicien, a fait au Vésuve une ascension dont le récit a été publié dans les Comptes rendus de V Académie (t. LXVI, pp. 1GG-167). L'éruption, com- mencée le 12 novembre précédent, durait encore. Le 20, M. Palmieri adressait à M. Ch. Sainte-Claire Deville une lettre dans laquelle il lui décrivait l'état et la nature des fume- rolles. Cette lettre et les remarques qu'elle a suggérées à M. Deville se trouvent dans le même volume, pp. 205-207. Enfin, on lit dans le Moniteur universel du 29 de ce mois: « Le professeur Palmieri mande du Vésuve que la pbase de moindre activité de l'éruption continue. Les laves sont moins abondantes. La force du cône d'éruption a diminué. Il y a bien encore quelques sourds mugissements et quelques projectiles sont lancés, mais le sol n'est plus aussi remué et les appareils de l'ob- servatoire sont moins agités. — Le 13, les secousses avaient momentanément cessé à Saint- Tbomas, suivant les nouvelles apportées par le Douro qui avait quitté cette île ce jour-là. Mais d'après d'autres nouvelles, en date du 1er février, de légères secousses continuaient encore à s'y faire sentir. — Le 14, dans les environs de New-York, commencement de secousses mentionnées par M. Rojas. « Depuis le 44, dit-il, de forts tremblements de terre conti- nuent à se faire sentir dans les villes voisines de New-York, ils viennent du sud et du SO. Dans l'Amérique anglaise, au lac Érié et dans une grande zone de l'Amérique du Nord, on ressent pour la première fois des secousses répétées. Ce qui prouve que l'axe volcanique des Petites Antilles est affecté jusque dans sa partie supérieure. » [Tempestad seismica, 1. c.) — Le 15 (le 5, v. st.), 10 h. 5 m. du soir, à Zanglinsk (Cau- ( 05 ) case), trois secousses du NO. au SE.; les deux premières, assez fortes, se sont prolongées chacune environ une minute; la dernière a été faible. Le 18 (le 6, v. st.), 8 h. 20 m. du soir, secousses plus faibles. Dans les deux cas, le temps a été beau, mais il y a eu des vents forts. Le 20 (le 8, v. st.), heure non indiquée, au village d'Altchaki, troisième station sur la route de Schachrud à Sebsewar (Perse orientale), léger tremblement ressenti par M. Davydof, agent de la Compagnie commerciale : Caucase et Mercure. (M. Osten- Sacken.) — Le 15, on mande de Hong-Kong, par voie télégraphique, qu'il y a eu à Formose un tremblement de terre qui a duré trente- deux minutes. — Le 17 et le 18, à 1 île Haïti, secousses. (M. W. Mallet.) « En janvier, dit M. le Dr Rojas , les tremblements de terre sont plus fréquents à Cuba et à Saint-Domingue, qui sont sous l'influence de l'axe volcanique de l'Amérique centrale. » De nouveaux tremblements de terre agitent les Petites An- tilles qui semblent se reposer depuis les secousses de novembre et décembre, et l'onde séismique, abandonnant les iles du groupe au sud des îles Vierges, prend sa direction vers le NO. » (L. c. , p. 47.) — Le 20, au Kilauea (Hawaï), activité extraordinaire qui con- tinue jusqu'au 27 mars suivant, jour de l'éruption du Mauna Loa. — Le 27, 10 h. '/2 du son\ à Laybach (Carniole), une secousse. (M. Boue.) (Sans dates de jour.) — Le 20 au soir, on télégraphie de Sou- thampton : « A Antigoa, on a ressenti des secousses de tremble- ment de terre. — Un tremblement de terre s'est fait sentir dans plusieurs îles. » (Débals du 28 janvier.) Février. — Le 1er, heure non indiquée, à Wellington (Nouv.- Zélande) , une secousse qui , quoique légère, est cependant la plus forte qu'on ait ressentie depuis douze ans; elle a été remarquée dans toute la colonie. — Le 2, 8 h. du matin, 10 h. 25 m. et H h. 50 m. du soir, à Caracas, trois petits tremblements. ( 64 ) Le 12, 40 h. 30 m. du soir, et le 28 , 5 h. du soir, deux nou- velles petites secousses verticales. (M. Rojas.) — Le 5, 0 h. 27 m. 1/'2 du matin , à Santiago (Chili), léger trem- blement accompagné d'un bruit souterrain prolongé. Le 28, 4 l h. 58 m. du soir, fort tremblement précédé d'un bruit souterrain. Le 29, 6 h. 58 m. du soir, deux légères secousses avec bruit souterrain. (Anales de la Univ. de Chile, t. XXXII, p. 4 52.) — Le 3 , 1 1 h. 7 m. du soir, à Tokay, une secousse de 4 */2 se- conde de durée, sans bruit. A minuit 55 m., trois nouvelles secousses avec bruit sourd pareil au tonnerre; durée, trois secondes, ciel nuageux, air calme. (M. Boue.) — Nuit du 4 au 5, à Naplcs, trois secousses. L'éruption du Vé- suve reprend de la force; le volcan a recommencé, le 5 au matin, à rejeter des cendres et de la lave. Le 21, M. Diego Franco a fait au Vésuve une excursion dont les principaux résultats ont été publiés dans les Comptes rendus de l'Académie, t. LXVI, pp. 1550-1555; séance du 27 juin 1808. « Depuis la rentrée en activité du volcan, dit-il, et surtout pen- dant le mois de février, on observa une sorte de périodicité dans sa force éruptive. Ainsi tous les deux ou trois jours il reprenait de l'activité, qui se manifestait par des détonations et des mugisse- ments accompagnés de projections et surtout par un bruit prolongé et continu, semblable à celui dune pluie dorage » Le Moniteur du 28 reproduit l'extrait suivant du Journal de Naples: « Il y a eu recrudescence de l'éruption du Vésuve: sourds mugissements, lave, feu, fumée, etc. » « Le professeur Palmieri mande que l'éruption du Vésuve con- tinue comme la veille. Le cône de l'éruption se ranime pendant quelques heures ; la lave se répand sur celle de 1858. (Journal de Naples , cité par le Moniteur, n° du 29.) » — Le 6, de 7 heures '/2 a 8 h. du soir, à Graechen (Suisse), traces de tremblement; petites et courtes secousses. Le 7, de 6 à 7 h. du malin , nouvelles traces de tremblement. Le même jour, 2 h. 10 m. (sic), à l'hospice du Saint-Bernard, une grande secousse. ( 05 ) Les 10, 15 et 40, à Graechen , nouvelles et fréquentes traces de tremblement dans la soirée. Le 17, 9 b. du soir, une forte secousse avec bruit pareil au ton- nerre. Beaucoup d'autres secousses légères la nuit suivante. Vers minuit, du 19 au 20, encore une faible secousse. Le 28, de 8 à 9 heures du soir, traces de tremblement. (Schw. meteor. Beobacht., pp. 152 et 133.) — Le 7, G h. 55 m. du soir, en Carniole , choc vertical assez fort, direction SO. (sic) et précédé d'un bruit souterrain; durée des oscillations, trois secondes. A 8 h. 5 m., à Laibach, deux secousses faibles. (M. Boue, d'après Heis, Wochen. of Astron., p. 101.) — Le 11, 7 h. */4 du soir, à La Union, capitale du Salvador, une petite secousse; un quart d'heure après, une secousse très-forte qui dura vingt-cinq secondes. Dix minutes plus tard, une troisième secousse de même durée, mais plus violente encore. On en compta ainsi seize dans la première heure, et, dans l'espace de deux jours, le 13, au départ du courrier, on en avait déjà compté cent cinquante plus ou moins fortes, quelques-unes d'une violence extraordinaire. (El Federalista , de Caracas, du 9 mars.) Ces tremblements étaient seulement le prélude d'une érup- tion du volcan de Conchagua, situé auprès du port de l'Union. Cette éruption a eu lieu le 25 du même mois à 7 h. du matin sans causer, du reste, aucun dommage. Suivant M. Ramon de la Sagra, l'éruption continuait encore au départ du courrier le 21 mars. (C. R., t. LXV1, p. 857.) — Le 1 G et le 17 (le 4 et le 5, v st.) , à Alexandropol (Caucasie), quelques faibles secousses. Le 18 (le G, v. st.), 8 h. du soir, à Alexandropol, une première secousse. s'est fait sentir. Un tremblement, plus faible, s'est réitéré ensuite pendant deux heures. Le même jour, à 9 heures précises du soir, à Télaf , tremble- ment ondulatoire de l'est à l'ouest et d'environ une seconde de durée. Le 19, (le 7, v. st.), 2 h. */2 du soir, à Alexandropol, une Tome XXII. 5 (Cf. ) nouvelle et assez forte secousse, suivie d'une seconde, puis d'une troisième. « Jusqu'à 9 h. du soir, ajoute un correspondant, il y a eu sept secousses, tantôt plus fortes, tantôt plus faibles. Depuis 1 1 h. du soir, il y a eu de nouveau des oscillations sensibles. Un autre correspondant indique encore pour ce jour : à 2 h. 3/4 du soir, une nouvelle secousse assez faible; cinq minutes plus tard, une autre plus forte. A 10 h. 55 m., une autre de môme direction et de trois secondes de durée. Quelques jours aupara- vant, baromètre très-bas. (M. Osten-Sacken.) Nuit du 21 au 22 (du 9 au 10 , v. st.) , vers minuit et demi, à Kbodjend, sur le Syr Daria, troisième tremblement; il a commence par une secousse légère, qui a duré de trois à cinq secondes; l'os- cillation a été du nord au sud. Elle a aussi été observée à Ura-Tubé, (Obscrv. de M. Favitzky ; commun, de M. Osten-Sacken.) Les deux premiers tremblements observés par M. Favitzky ont eu lieu en août 18GG et en novembre 18G7. (Voir plus liant.) Le 22 (le 10, v. st.), 5 h. 27 m. 50 s. du soir, à ïiflis, trois secousses du NO. au SE. avec bruit souterrain qui' a duré treize secondes ; les deux premières modérées et l'autre faible. (M. Oslcn- Sackcn , d'après V Invalide russe.) , D'après le Siècle du 28 mars, les oscillations du 18 auraient continué pendant deux heures à Alexandropol. Le même journal dit encore, d'après une autre correspondance de cette ville. « Le 18, à 8 h. du matin (sic), une forte secousse s'est fait sentir du du nord au sud et a duré plus de deux minutes » Les détails que donne ensuite le journal s'appliquent évidemment au tremble- ment du 19, 2 h. */2 du soir; du moins ils s'accordent avec ceux que j'ai rapportés à cette date. Enfin, suivant ce journal, les secousses y auraient duré jusqu'au 20. — Le 19, heure non indiquée, à Wadwan, Cattywar, une se- cousse. (Times oflndia, 21 mars, commun, de M. Ant. d'Abbadic.) — Nuit du 20 au 21, à Alexandrie (Egypte), une secousse, ressentie fortement au Caire. — Le 22, heure non indiquée, à Peshawur (Inde), une forte secousse. (Gai. Aless. du 51 mars, commun, de M. Ant. d'Abbadic.) — Lc2(i, heure non indiquée, à File Saint-Thomas, fort trem- blement. (M. Boue, d'après Ilcis, /. c.y p. 15G.) ( 07 ) D'après un télégramme de Southampton, en date du 1er mars, de légères secousses continuent dans celle île. On en a aussi res- senti à Porto -Rico. — Le 28, G h. du soir, à l'île d'Antigoa, une secousse, la plus violente qu'on y eût ressentie depuis le 8 février 4843. Mouve- ment du SO. au NE.; après une courte pause, l'oscillation recom- mença avec plus de violence. Durée totale, septante secondes. La mer ne s'est pas soulevée d'une manière sensible au moment de la secousse, mais un peu auparavant, on avait vu, dans le port, une multitude de bulles gazeuses s'élever à la surface de l'eau. Plusieurs autres îles ont ressenti la secousse et en ont égale ment souffert. — On écrit de Philadelphie, le 3 mars : « Des secousses ont été simultanément ressenties dans la Colombie Britannique et dans le Maine. » — Dans la baie de Santorin , continuation des phénomènes éruptifs dont les premières émissions ignées ont été aperçues dans la nuit du 30 au 31 janvier 18CG. M. le Dr de Cigalla, qui les observe depuis leur origine, constate que leur énergie est restée à peu près constante et que leurs caractères sont toujours à peu près les mêmes, de sorte que rien encore ne peut en faire prévoir la fin, ni même en pronostiquer la durée. Mars. — Le 3, au Vésuve, recrudescence d'activité. « A une distance de 50 milles, écrit-on, le Vésuve vu de la mer paraît comme un pbarc; mais avec une lunette, les langues de feu de- viennent visibles dans leurs formes irrégulières. A 25 milles, on reconnaît la couronne de flammes et de fumée. » Les 11 , 12 et 15, l'activité est plus grande encore. M. Palmieri écrit à M. Ch. Sainte-Claire Deville : « Quand je vous ai écrit ma seconde lettre, le 20 janvier dernier, il semblait que 1 éruption du Vésuve tirât à sa fin. Mais elle est entrée dans une ère de moindre activité, sans cesser un seul jour de verser des laves, en suivant une certaine période diurne dans laquelle se remar- quaient DEUX MAX1MÀ et DEUX MINIMA. » Les 11, 12 et 13 mars , l'activité du cône éruptif s'accrut j ( 68) car la vapeur en sortait avec plus de force; les fragments de laves étaient projetés en plus grande abondance et à une plus grande hauteur; enfin, les détonations devinrent presque continuelles et si violentes qu'on les entendait de Naples. Le séismographe et l'appareil de variation étaient fortement agités » (C. R., t. LXVI , p. 756.) L'auteur a de nouveau décrit ces phénomènes dans la Relation, que, depuis, il en a publiée et dont je traduis les pas- sages suivants où la périodicité signalée plus haut se retrouve plusieurs fois constatée. « Dès les premiers jours de l'éruption, diverses coulées de lave, après avoir fini de remplir le vieux cratère, commencèrent à s'épancher sur les flancs du cône vésuvien , tantôt dans une direction, tantôt dans une autre, de sorte que, à l'exception du côté compris entre le sud et l'ouest, tout le cône fut couvert de laves nouvelles. Quand les coulées étaient discontinues , la lave durcie s'arrêtait, et une autre se montrait au sommet, pour suivre la même direction ou une direction différente; si elles étaient continues, elles avaient, dans le cours d'une journée, des heures de sensible accroissement et de forte diminution. Non-seulement elles montraient une période diurne avec deux maxima et deux minima, mais encore, deux fois par jour , le cône d'éruption faisait plus de fracas et lançait des projectiles avec plus d'impé- tuosité, annonçant ainsi la sortie des laves nouvelles. » J'ai observé un certain retard, d'un jour à l'autre, dans le retour des maxima et des minima. Cette discontinuité périodique ou périodicité dans le cours des laves, jointe à leur peu de masse, les empêchait d'arriver à de grandes distances; en effet, la lave qui ne reçoit pas d'aliment continu de la source se durcit et s'ar- rête après un certain temps; et quand arrive la lave nouvelle, elle doit passer par-dessus ou prendre une autre direction. Les grandes laves sont aussi soumises à cette loi de périodicité; mais leur grande masse et la plus longue durée de leur cours les tiennent encore à l'état pâteux quand elles reçoivent leur accrois- sement de la nouvelle lave avec laquelle elles reprennent leur chemin. Voilà pourquoi on voit souvent, dans les grandes érup- tions, la lave ralentir son cours et presque s'arrêter; puis, ( 69 ) quelques heures plus tard, ees scories durcies se brisent sous l'effort de la nouvelle matière en fusion qui arrive par-dessous et les entraîne avec elle. En 1855, nous en avons eu plusieurs exemples » (SulV lncendio Vesuviano del 1867-1868 , p. 4.) « Outre cette période diurne, l'éruption actuelle a présenté, pendant sa longue durée, des phases d'accroissement et de dimi- nution, tant dans l'activité du cône que dans l'abondance des laves; j'ai toujours vu la force de l'incendie se ranimer à l'époque des syzygies et se ralentir aux quadratures » Le 24 mars, jour de la nouvelle lune, l'éruption qui semblait tirer à son terme se ranima, mais sur la fin du mois les laves disparurent tout à fait ; elles reparurent peu abondantes dans les journées des 6 et 7 avril suivant, pour se montrer de nouveau, après de nombreux mugissements, avec des projectiles et une fumée plus abondante, le jour de la nouvelle lune encore, le 22 du même mois. » (L. c, pp. 6 et 7.) Enfin, dans un appendice écrit le 50 mai, l'auteur ajoute : « Ainsi cette éruption qui , à la fin de mars, semblait presque ter- minée, est loin de l'être encore. Elle s'est ponctuellement ranimée aux syzygies avec décroissance aux quadratures. Si È puntual- MENTE RIANIMÀTO L'iNCENDIO ALLE S1ZIGIE SCEMAISDO ALLE QUADRA- TURE. » (L. c, p. 29.) Le 17 mars , M. Diego Franco a fait une excursion à la nouvelle bouche qui s'est ouverte à la base orientale du volcan. Il en avait déjà fait une au cratère supérieur, le 21 février précédent. On trouvera les résultats de ses observations dans les Comptes rendus de l' Académie des sciences, tomes LXVI et LXVII, séances des 29 juin et 6 juillet 1868, ainsi que des Réflexions de M.Ch. Sainte- Claire Deville au sujet de ces deux communications. Le 27, on télégraphie de Naples : « L'éruption du Vésuve con- tinue; un cône d'éruption s'est ouvert à la base de la montagne. » — Le 5, 5 h. du matin, à Lima, tremblement léger. Le 8, 8 h. 40 m. du matin, tremblement semblable. Le 12, G h. 45 m. du matin, fort bruit, mais pas de secousse. Le 30. 3 h. 45 m. du matin, tremblement de force et de durée moyennes. (M. Paz Soldan.) ( 70 ) — Le 6, 9 h. 50 m. du soir et minuit et demi (du G au 7), à Caracas, bruits souterrains à deux reprises. Le 7, 8 h. 5 m. du matin , une forte secousse ondulatoire du NE. au SO. et de quatre secondes de durée. A La Gayra , même heure, les eaux baissèrent subitement dans le port. A 10 h. du matin et à midi, bruits séismiques à Caracas. (M. Rojas.) Je lis encore dans el Federalista du 9, accompagnant la note manuscrite où sont mentionnés les faits précédents : « Le 7 (el Sabado), 4 h. 40 m. du soir, à Caracas, bruits sourds. » Le 8 (ayer Domingo) , 8 h. du matin, une petite secousse verticale avec bruits. » A la Guaira, dans la matinée du samedi, dix minutes après le grand tremblement de ce jour, la mer avait baissé. A 4 h., elle fut si agitée qu'il fut impossible de rien embarquer. L'agitation continuait encore hier, » dit le journal cité, qui attribue ces mou- vements de la mer à quelque violent tremblement de terre qui aurait eu lieu dans les Petites Antilles. Le 17, heure non indiquée, à Caracas, dernier tremblement du mois, noté par M. Rojas. — Le 13, 5 h. */a du soir, à Graechen (Valais), tremblement sensible. Le 14, de 6 à 7 h. du matin, et le 21, 7 h. 3/4 du soir, traces de tremblement. (Schw. meteor. Beobacht., 18C8, p. 185.) — Le 16, 5 h. et 7 h. du matin, à Moncalieri et à Pignerolcs, deux légères secousses, à la fois verticales et horizontales du nord au sud. (Mmc C. ScarpeUini.) — Au 16, les secousses continuent à File Saint-Thomas, mais elles sont plus faibles et moins fréquentes. Avaient-elles cessé à la fin du mois? (Voir plus loin.) Le 17, heure non indiquée, à Porto-Rico, une violente secousse. Les vaisseaux l'ont vivement ressentie dans le port. On mentionne plusieurs secousses dans le jour. Le 25, une autre secousse, mais légère. — Le 17, 1 h. du matin, à Corfou , tremblement assez fort, mais sans dégâts. A Céphalonic, même heure, la secouse a été plus intense. Les ( 71 ) secousses ont continué pendant toute la nuit. Les* bruits souter- rains ont recommencé à se faire entendre. A Sainte-Maure, tremblement assez fort, ondulatoire du SO. au NE. Pas de dégâts. A Ithaque, tremblement le même jour. Pas de détails. Le 20, 0 h; 50 m. du matin, à Corfou, une secousse. (M. Slé- phanos.) — Le 18 (le G, v. st.), à Tillis , une nouvelle et violente se- cousse. Le 28 (le 16, v. st.), 11 h. du soir, à Irkoutsk, une violente secousse de Test à l'ouest. Le 29 (le 17, v. st.), 11 h. du matin, à Tiflis, nouveau trem- blement. (M. Oslen-Sacken.) — Le 19, au Pichincha, détonations entendues jusqu'à Quito qui en est éloigné de cinq milles en ligne droite. Trois jours après, le tonnerre souterrain , plus intense encore, fut accompagné d'une immense colonne de fumée visible de Cliillo, situé à 12 milles à l'est du volcan. Tous ces phénomènes furent accompagnés de pluie. — Le 27, 5 h. 45 m. du matin, au Mauna Loa (Hawaï), érup- tion qui s'est manifestée par une simple colonne de fumée; mais, le jour même, a commencé une série de secousses innombrables qui se sont renouvelées sans intermittence et avec une force jus- qu'alors inconnue dans le pays, c'est là un phénomène d'autant plus remarquable que les éruptions du Mauna Loa sont ordinaire- ment très-calmes; le plus souvent elles ont lieu sans tremblement de terre, sans qu'on ressente la moindre secousse, non-seule- ment dans l'archipel, mais encore dans l'ilc Hawaï, même au pied de la montagne. Grâce à l'ancienne et constante amitié de M. Ant. d'Abbadie (de l'Institut), j'ai eu la bonne fortune d'être mis par lui en relation avec M. W. Martin, ministre du royaume hawaïen à Paris, qui m'a fourni de nombreux documents, parmi lesquels se trouve le journal des secousses, que le Révérend C.-G. Williamson a notées à Chrislcburt'b, district de Kona. Du 28 au 51, à Christchurch , cent et vingt-quatre secousses. ( 72) Pendant les cinq derniers jours du mois , on a encore noté d'autres secousses en diverses localités de l'île : Le 27, 9 h. du matin, à Kau, commencement des secousses qui deviennent très-fréquentes, surtout la nuit. Le même jour, au Kilauea, une première secousse. Le 28, 10 h. la ni. du matin, à Kona , une forte secousse; de 2 h. 50 m. du soir à 4 h., elles deviennent incessantes. A Kau, elles deviennent plus fortes après le lever du soleil. Vers 1 h. ou 2 h. du soir, fort tremblement d'une minute de durée; les secousses continuent le reste du jour, la nuit suivante et le lendemain; il yen a eu plus de trois cents en quarante-huit heures. A Kahuku , tremblement. Au Kilauea, secousses fréquentes; les lacs de lave montrent une grande activité. Du 28 au 51 , à Kealakeakua, côte 0. de l'île, secousses très- fréquentes. Dans le même temps, elles ont été d'une grande fré- quence aussi à Hilo, sur la côte orientale, en sorte qu'on peut dire qu'on en a ressenti dans l'île entière. En effet, en voici la preuve pour le sud : Du 28 mars au 2 avril, on a compté plus de mille secousses à Kopapala. Le 29, à Kau, secousses aussi fréquentes, mais plus faibles; elles continuent la nuit suivante. Au Kilauea, comme le 28. Du 29 au 10 avril suivant, à Waiohinu, plus de deux mille secousses. II y a eu certains jours où l'on en a compté de trois à quatre cents dans les vingt-quatre heures. Le 50, à Kau, secousses fréquentes et faibles comme la veille; elles continuent la nuit suivante. De même pour le 51 , sauf que deux ont été très-fortes, l'une à 10 h. du matin et l'autre à 5 h. du soir. La nuit suivante, secousses très fréquentes, plus fortes de 10 h. du soir à deux h. du matin. Les mêmes jours , à Ililo et au Kilauea, comme le 28 et le 29. — On mande de Plymouth, le 18 avril, après l'arrivée de la malle des Indes occidentales : « De légères secousses ont eu lieu à Guayaquil et à San Salvador, A Saint-Thomas, les tremblements de terre ont cessé. » ( /û ) — Dans le courant de mars, à Boola Khan' s Thanda, village voisin de Kobrce, dans la province de Kurrachcc, une secousse. Avril. — Du 1er au 21, à Chrislchurch, cent soixante et onze secousses, notées par M. Williarason , dont le journal sera publié ailleurs. Le 1er, au lever du soleil et à 5 h. du soir, à Kau, tremblements violents. Le même jour, à Hilo, secousses dont on n'indique pas les heures. La nuit suivante, à Kau, mouvements très-violents, avec bruit sourd provenant du sud. Le 2, 4 h. du soir, grande secousse ressentie dans tout l'ar- chipel; grands dégâts en plusieurs endroits. La grande vague séismique s'est propagée jusqu'en Californie dans l'espace de cinq heures, sur treize degrés de la côte. La nuit suivante, à Hilo, la terre trembla constamment. Du 2 au o, à Kopapala, mouvements incessants. Le 5, 0 h. 50 m. du matin, à Honolulu (île Oahu), une violente secousse. Vers i h., une deuxième secousse et deux autres encore avant 5 h. du matin. Ces secousses ont été ressenties à Kaneohe et probablement dans toute l'île. — Le même jour, le vieux Kilauea est de nouveau en feu; secousses très-violentes de ce côté. Le 5 encore, au bord de la forêt au-dessus de Kau, petite éruption de terre. Nuit du 3 (sic) , secousses à Kawaihae. Du 4 au 7, à Hilo et à Kau, secousses moins fréquentes et moins fortes, mais encore quotidiennes jour et nuit. Le 5, au Kilauea , à peine trace de feu dans le cratère, pas de secousses pendant plusieurs heures. Dans la nuit du 6 au 7, sur tout le district deWaiohinu , averse de sable fin et de petites pierres ponces d'une teinte jaunâtre. Le 7, dans la matinée, entre Hilea et Kahuku, une première éruption. A 6 h. du soir, ouverture d'un nouveau cratère, ou plutôt d'une longue fente d'où s'échappent des torrents de lave. L'éruption cessa complètement dans la nuit du i 1 au 12. On ne connaissait pas d event volcanique dans cette région. Le 7 encore, à Kapapala, secousses très-fortes et très-fré- quentes, surtout dans l'après-midi. ■( 74 ) De ce jour au 10, à Hilo et à Kau, secousses moins fréquentes et moins fortes. Le 10, à Hilo, elles se renouvellent encore par intervalles. Au 15 , elles n'y ont pas cessé. Le 18, absence totale de lave liquide dans le cratère du Ki- lauea; la nuit suivante, le cratère n'offre pas la moindre trace de feu ni de lumière. Dans celle du 19 au 20, entre minuit et 1 h. du matin, détonations et émanations avec lumière. Le 20, près de Puna, de grandes colonnes de fumée blanche s'échappent encore de la grande fissure, avec des exhalaisons d'une odeur franchement alcaline. Pas d'apparence de feu. Le 21, à Kapapala, vingt secousses dans les vingt-quatre heures. Elles y étaient encore assez fréquentes , mais très-légères à la fin du mois. Au 29, l'île entière, quoique les secousses aient diminué de force et de fréquence, est encore agitée de légères vibrations. Ce jour-là, dans le district de Kohala (au N. de l'île), une brusque secousse. On n'y en avait pas ressenti avant la grande du 2; mais depuis, le district avait été assez fréquemment, quoique légèrement, ébranlé. Le 29 encore, à Iïonolulu (île Oalm) , une légère vibration du sol. — Le 3, 3 h. 50 m. du matin, à Lima, fort tremblement. (M. Paz Soldan.) — Le 4, 1 h. 40 m. du matin, à Ploermel, à Mauron et dans les communes avoisinantes (Morbihan), tremblement assez fort. II a paru composé d'au moins quatre secousses qui ont eu lieu sans interruption dans l'espace de quelques secondes, avec bruit souterrain semblable à celui d'un chariot lourdement chargé sur le pavé. A Saint-Brieuc et dans le département des Côtes-du-Nord, le tremblement a eu lieu à peu près à la même heure ou, suivant d'autres, vers 5 h. du matin. A l'île de Jersey, entre 1 et 2 h. du matin, secousses qui se sont succédé rapidement. Le son et le mouvement étaient ana- logues à ceux qui résultent de l'ébranlement occasionné par un ( 75 ) objet très-lourd qu'on traîne sur le sol; l'ébranlement était di- rigé de l'ouest à l'est. Le 28, vers 7 b. 20 m. du matin, à Lorient, une secousse du nord au sud, remarquée par beaucoup de personnes. En ce mo- ment, j'écrivais une note séismique pour mon relevé de 48GG; je n'ai rien ressenti. Mais les personnes du deuxième et du troisième de la maison dont j'occupe le premier étage ont très-bien senti le mouvement. La même secousse s'est étendue assez loin, dit-on, dans le département du Finistère. — Le 4 (le 25 mars , v. st.), 2 h. 40 m. du matin, à Kbodjend (Turkestan russe), quatrième tremblement (le 5e est du 22 février précédent), très-fort et de longue durée. Il a commencé par une oscillation légère du nord au sud et d'environ cinq secondes de durée. Puis, il y a eu subitement une très-forte oscillation qui, pendant cinq à sept secondes, avait la même intensité; ensuite il y a eu, pendant dix à douze secondes, une oscillation pareille à la première ; elle a faibli graduellement. Le même jour (25 mars, v. st.), 2 h. 15 m. du matin , à Tascb- kent, tremblement violent qui a duré près d'une minute. Le phénomène a commencé par des secousses verticales, auxquelles ont succédé des oscillations analogues à celles des roulis et allant du SO. au NE. Treize minutes après qu'elles avaient cessé, une forte secousse verticale s'est encore produite. Le tremblement s'est fait sentir également à Tchemkent, à Khodjent, à ïcbinaz et à Turkestan. Chaque année, il y a des tremblements de terre à Tascbkcnt, mais on ne se rappelle pas en avoir ressenti d'aussi forts depuis quarante-cinq ans. Le 7 (26 mars, v. st.), 10 h. 20 m. du soir, un nouveau trem- blement. (M. Osten-Sacken.) Le Siècle du 21 mai donne les dates du 5,2 h. du matin, et du 8,10 h. du soir, pour Taschkent. Sauf ces variantes de jour et d'heure, il paraît avoir copié, en partie, l'article de Y Invalide russe que m'a envoyé M. Osten-Sacken. Puis, dans son numéro du 29 mai, il ajoute les nouveaux détails qui suivent : ( 76 ) « Deux baromètres suspendus dans ma chambre, dit le correspondant du journal russe, ont oscillé comme des pen- dules; en revanche, le pendule de l'horloge de M. Struve s'est arrêté subitement. »... Des bouteilles placées sur une table tombèrent toutes dans la direction du SO. En entendant le craquement des murs qui se fendaient, je sortis pour voir ce qui allait se passer. Je vis d'abord un thermomètre suspendu à une fenêtre en dehors, il se balançait régulièrement en oscillation, allant du NE. au SO., c'est- à-dire dans le sens même des secousses. Tous les murs de maisons, bâtis dans un sens perpendiculaire à la direction des secousses, chancelaient et s'écroulaient. Au contraire, les murs construits dans le sens même des oscillations restaient fermes et intacts. » — Le 9, 5 h. 4 2 m. du soir, à Graechen (Valais), bruit sourd semblable au tonnerre; il se renouvela trois fois à de courts intervalles, puis plusieurs fois encore jusque dans la nuit. M. le curé Tschcinen, qui signale ces bruits, ne parle pas d'indices séismiques comme il le fait ordinairement. Le même jour, heure non indiquée, à Glaris, tremblement. Le 50, 7 h. 15 m. du matin, à Sion, tremblement; le même probablement que le suivant. Le même jour, 7 h. '/a du matin, à Bex, une secousse. (Seine, meteor. Beob., 4868, pp. 221 , 255 et 257.) — Le 10, entre 8 et 9 h. du soir, à Caracas, bruit séismique prolongé. Le 24, 2 h. du soir, nouveau bruit prolongé, et à 9 h. 50 m. du soir, court tonnerre souterrain. (M. Rojas.) — Nuit du 11 au 12 (du 50 au 51 mars, v. st.), vers 2 h. ZU du matin (8 h. */4 à la turque), à Erzeroum, une très-forte secousse de 5 à 6 secondes de durée. Dix jours plus tard, dans la nuit du 22 au 25 (du 10 au 11, v. st.), vers minuit (à 5 h. 57 m. à la turque), une nouvelle secousse aussi forte et de 20 secondes de durée. Il y a eu cinq oscillations à de courts intervalles. La même nuit et à peu près à la même heure ( 5 h. lk à la turque), dans le Passen inférieur, fort tremblement qui a ren- ( 77 ) versé des villages entiers. (M. Yvanof , consul de Russie à Erze- roum; commun, de M. Osten-Sackcn.) D'après la Gazette du Caucase, que copie le Siècle du 5 juin, le tremblement du 22 au 23 a été aussi violent à Kars qu'à Erzeroum. — Le 1G, 9 h. du matin, à Alep, une seule secousse ondula- toire de l'ouest à l'est et de 30 à 52 secondes de durée. « Depuis un mois environ, m'écrit M. l'ingénieur E. Vidal Naquet, j'avais cru entendre, à diverses reprises, de sourds roulements souter- rains, comparables au bruit d'un tonnerre lointain, et j'avais prévenu plusieurs personnes de la probabilité d'un tremblement de terre. Ce qui donnait plus de force à mon opinion, c'est la perturbation de mes boussoles, au point de fausser toutes mes opérations, et cela depuis trois mois. Je suppose que le centre de soulèvement (de la secousse) se trouve dans l'archipel grec, un peu plus bas que Santorin où des phénomènes de ce genre se manifestent depuis plusieurs années. » M. Naquet ajoute quelques détails météorologiques auxquels lui-même n'accorde pas une grande confiance, parce que son baromètre s'est dérangé. Le temps était couvert et le vent soufïlait du SO. au moment de la secousse; le thermomètre marquait -+- 18°. — Le 19, à Bushire (Inde), plusieurs secousses dont deux violentes. — Le 20 et le 21, dans l'après-midi, à Metelin, nouvelles secousses. — Le 22, au Vésuve , recrudescence d'activité. On lit dans le Journal de Naples : « Le professeur Palmieri mande que, le 22, le cône d'éruption du Vésuve, qui conservait à peine un reste d'activité, a paru se raviver. 11 y a de fortes détonations et beau- coup de projectiles lancés, et par deux fissures qui se sont faites, il est sorti deux courants de lave. Le professeur Palmieri a passé une grande partie de la journée sur la cime du Vésuve, avec le géologue français, M. le professeur Gosselet, pour examiner les nouvelles laves et faire d'autres observations: » Le cône d'éruption, après la sortie de la lave, est demeuré silencieux; aussi a-t-on pu y monter sans danger. ...» ( 78 ) — Le 23, Ylsabella Brown a vu l'ilc de Vrics ou do Bnrneveld (Olio Sima, Japon) dont le volcan était en activité. (Naut. Magaz., febr. 1869, p. 72.) — Le 24 (?), dans le comté de Dorset, ras de marée? « Un phénomène curieux, dit le Galignanïs Messenger du 29, a eu lieu vendredi dans le Dorsetshire. Une vague énorme s'est élevée dans le port de Bridport et a inondé une extrémité de la ville; 40 acres de prairie et 8 acres d'orge ont été couvertes d'eau. Il ne faisait pas de vent. {Daily News. ) » — (Sans date mensuelle.) « Près de Chindwarra, dit le Times of India du 2 au 9 mai, il se passe, depuis plusieurs mois, le phénomène le plus extraordinaire. Le député de ce district, M. le capitaine Wood, a été informé que plusieurs secousses de trem- blement de terre ont été ressenties dans le voisinage d'un village nommé Raeewarra et situé à 16 milles environ au nord de Chind- warra ; chacune d'elles est précédée de fortes détonations sem- blables aux décharges simultanées de grosse artillerie. M. Mul- heran, du relevé topographique, ayant été depuis peu chargé d'opérations dans le voisinage, a informé M. le capitaine Wood qu'il avait entendu lui-même ces détonations et que, quand il en avait parlé aux habitants du village, ceux-ci s'étaient moqués de son ignorance en lui répondant qu'on les entendait depuis plu- sieurs mois. M. Wood a chargé M. Lloyd, Extra Assistant Corn- missionner, de se transporter dans ce village et de faire une enquête sur ce phénomène. Lorsque M. Lloyd approcha de Raee- warra, il entendit tout à coup un bruit sourd, semblable à celui d'un tambour enveloppé d'un voile, et éprouva immédiatement une espèce de vertige qui le fit chanceler. Il lui parut en même temps que le bruit passait sous ses pieds. Aux questions qu'il adressa il fut répondu que les secousses n'étaient ressenties que dans quelques villages voisins , de sorte que le pays ébranlé était limité à une certaine étendue. Lorsque le capitaine Wood a envoyé ces renseignements, il attendait un rapport détaillé de 31. Lloyd et se proposait d'ailleurs de saisir la première occasion favorable pour visiter lui-même cette localité. » Mai. — Le 5, à Kapapala , district de Kau (Hawaï), dix-huit { 79 ) secousses très - sensibles ; elles paraissaient venir de la même direction que la grande secousse du 2 avril. Le sol est toujours continuellement en mouvement, mais, en marchant, on ne s'en aperçoit pas. Le Kilauca n'est pas actif, mais la nuit on peut voir du feu en haut du cratère. Le 9, à Hilo, une vive secousse. « Les secousses, ajoutc-t-on, sont fréquentes sur toute l'île, mais ordinairement très-légères. » Le 27, au matin, à Kona , une forte secousse. A Kcalakekua , elle fut si violente que beaucoup de gens la trouvèrent égale à celle du 2 avril précédent. La suite du journal de M. Williamson me manque pour ce mois. — Le 4, 5 h. 29 m. du matin, à Naples, tremblement léger. Le 5 , M. de Verneuil a fait une seconde ascension au Vésuve. Il a publié les résultats des observations qu'il a faites dans celle exploration et dans celle du 29 avril précédent, par une lettre à M. d'Archiac, en date du 17 mai. (C. /?., t. LXVI . pp. 1020- 1024.) Le 6, 2 h. du matin, à l'observatoire du Vésuve, petites se- cousses. Le cours de l'éruption, plus animé, fait entendre souvent des détonations assez faibles. Le 19, recrudescence d'activité. « A la date du 22, M. Palmicri mande que, depuis le 19, le Vésuve n'a pas cessé de mugir et de lancer une grande quantité de sable noir qui a couvert les ter- rasses et envahi Résina. » Hier, la lave était plus abondante au NNE et arrivait à la base du cône. Les détonations sont profondes. » — Le 5 (?), 9 h. du soir, à Tarbes, une secousse dont on ne donne pas explicitement la date. Je lis dans le Courrier de Bayonne, du dimanche 10 mai : « Mardi, vers 9 h. du soir, une secousse de tremblement de terre s'est fait sentir dans notre ville; elle a duré trois à quatre secondes ; elle était accompagnée, comme toujours, d'un bruit souterrain, semblable au roulement d'une voiture chargée de futailles retentissantes. (Ère impériale de Tarbes.) » — Le G (?), « une formidable chute de montagne a eu lieu, mercredi dernier, dans le village dOberblitlcn, canton de Glaris; ( 80) les habitants ont tous quitté à temps leurs maisons, dont la plu- part sont couvertes de terre et d'innombrables blocs. L'éboule- ment continue accompagné de bruits semblables à des coups de canon. » (Moniteur du samedi 9 mai.) Le journal ne parle pas de tremblement de terre. — Le 7, 5 h. '/- du matin, à Palerme et à La Favorita , une secousse légère. (Mn,e Scarpellini.) — Le 8,11 h. 57 m. du soir, à Santiago (Chili), fort et long bruit souterrain, suivi d'un léger tremblement. [Anales, 1. c, p. 152.) — Le 10, II h. 55 m. du matin, et le 15, 7 h. 3/4 du matin, à Arequipa, deux forts et courts tremblements. (M. Paz Soldan.) — Le 10 encore, 5 h. 12 m. du soir, à Caracas, une légère se- cousse verticale. Le 25, 4 h. du matin, à Cua (prov. de Caracas), tremblement de l'est à l'ouest. (M. Rojas.) — Le 15, à Tile Saint-Thomas, de légères secousses conti- nuaient au départ du courrier (le Douro). — Le 18, à 300 milles à l'ouest de San Francisco, par lat. 44°7' N. et long. 1 59°7' 0. de Gr., le capitaine Corno, du brig Brewster, éprouva un tremblement sous-marin, qui renversa des hommes sur le pont et fut suivi d'une deuxième secousse quelques se- condes après. (Naut. Magaz., 18G8, p. 576.) Le fait se trouve reproduit à la p. G53 du môme recueil où l'on indique 120°35' de long. 0. — Le 21, 10 h. 40 m. du soir, à Vérone, une secousse en par- tie ondulatoire du NNE. au SSO. et en partie verticale. Durée très-courte. La veille de la nouvelle lune. Le 25, 5 h. 25 m. du matin, à Urbino, une légère secousse. (Mme Scarpellini.) — Le 22, 10 h. du soir, à Riva, sur le lac de Garde, une forte secousse du nord au sud, accompagnée d'un bruit tout à fait sem- blable à celui d'un train express lancé à toute vitesse. Les meu- bles ont été mis en mouvement. Les eaux se sont élevées en va- gues considérables sur la rive du lac. Les tremblements de terre sont rares à Riva. ( 81 ) — Le 24 ou le 2o, 9 h. du soir, à Saeramcnto (Californie), deux fortes secousses, non ressenties à San Francisco, ni le long de la côte au sud de cette ville, mais très-violentes dans l'Etat de Ne- vada où se trouve, dit-on, le foyer de ce phénomène. A Fort Chur- chill et à Virginia City, il y a eu quatre secousses qui ont causé quelques dommages. Les pompes se sont arrêtées dans les mines d'argent du Sauvage, ce qui a fait craindre quelque éboulement aux mineurs. {Washington Intelligencer du 5 juin, qui n'indique la date que par ces mots : ai nine o'clock on Friday night.) Le 20, à San Francisco, tremblement. (JYaut. Mag., 1808, p. 576.) — Le 20 (n.st.),à loues t de Bakou, le ciel se colora tout à coup d'une teinte rougeâtre au delà d'une petite élévation nommée Porte des loups, et tout l'horizon s'éclaira bientôt d'une vive lu- mière. On crut d'abord que c'était une de ces lueurs d'incendie qu'on aperçoit ordinairement lorsqu'une meule de foin est en feu; mais le tableau changea rapidement. La lumière augmentait et diminuait tour à tour à de courts intervalles, et ces transitions se faisaient très-régulièrement; tantôt tout l'horizon s'éclairait subi- tement, tantôt la lumière disparaissait de nouveau. Un nuage sombre et épais commença à s'élever derrière les montagnes et se dirigea vers le nord. Au même instant, on aperçut une colonne de feu qu'on put d'abord voir distinctement, mais qui sembla ensuite s'éteindre et disparut peu à peu. L'apparition a été visible pendant trois heures à l'horizon de Bakou. Jusqu'à présent nous ne savons pas positivement ce que c'est que ce phé- nomène. Ce côté de la ville n'étant point habité, il est impossible de supposer un incendie. Tout le monde est persuadé que c'est une de ces éruptions qui ont souvent lieu dans la région qui s'étend entre Bakou et Schéma kha; mais on ne connaît pas le point précis où le phénomène a pris naissance. (Le Siècle du 29 juin, d'après le journal le Caucase qui donne la date du 14, (v. st. probable- ment.) (Sans date de jour). — A Oporto, léger tremblement. (Courrier de Bayonne du 51 mai, d'après une lettre de Madrid en date du 28.) Tome XXIÏ. 6 (82) — A Mexico, trois légères secousses. (Galig. Mess, du 22 juin , d'après des nouvelles allant jusqu'au 1er.) Juin. — Le 2, à Paramatla (Australie), tremblement. (JVautical 31ag., 1868, p. 576.) Dans la nuit du 48 [sic), sur la côte de la Nouvelle-Galles du sud, une secousse qui, sans avoir été violente, a été remarquée par la plus grande partie de la population. — Le 8, 7 h. 35 m. du soir, et le 14, 1 h. 58 m. du soir, à Are- quipa, deux tremblements. (M. Paz Soldai).) — Le 8 encore, à la Jamaïque, une secousse sans dégâts. — Le 15, à Pcstli et dans d'autres parties de la Hongrie, mou- vement particulier du sol (a certain movement of the Eartli), qui depuis lors se renouvelle une ou deux fois et même deux ou trois fois par jour, et maintenant forme le plus souvent une véri- table onde séismique. De plus, quand l'atmosphère est calme, on entend un bruit sourd (rumbling) souterrain. ( Gai. Mess, et Mo- niteur, du 16 juillet.) Je lis encore dans le Siècle du 4 août : Depuis le 15 juin der- nier, où Ton a senti à Pesth et dans d'autres endroits de la Hongrie un tremblement de terre très-fort, les secousses se renou- vellent à Jaszbereny deux ou trois fois par jour ; elles ont une direction du nord au sud. » M. Je Dr Ami Boue m'informe qu'il a publié, en 1869, dans les Comptes rendus de l'Académie de Vienne, t. LIX, pp. 865-881 , une note sur de nombreux tremblements au milieu de la Hongrie en 4868. — Le 16, à l'ile S'-Thomas, une secousse de 40 secondes de durée, la dernière jusqu'au 24, date du départ du paquebot le Washington. Avant le 16, on avait déjà ressenti quelques légères secousses. {Siècle, du 11 juillet.) Suivant des nouvelles de la Havane, en date du 17, de violentes secousses avaient eu lieu à S'-Thomas. (Washington Intelligence)' du 19 juin.) — Le 17, 5 h. du matin, à Sienne, une secousse courte et ondulatoire de l'ouest à l'est. (Mme Scarpellini.) Le journal V Union dit que ce tremblement n'a pas été sensible aux environs de la ville; mais que, le même jour et à la. même ( 85) heure, on l'a ressenti à Altorf en Suisse. (Constitutionnel du «juillet.) M. Micliel-Étienne de Rossi écrit à M. Ch. Sainte-Claire Deville : « Castel-Gandolfo, 2 juillet 1808. J'ai lu dans la Gazetta di Ge- nova qu'un tremblement de terre avec mugissements souterrains s'était fait sentir, le 1 7 juin dernier, à Altorf, en Suisse, et à Sienne, en Italie.... Le rédacteur de ce journal remarquait avec raison qu'il était singulier que cette secousse n'eût pas été signalée en d'autres points voisins des deux précédents , ou intermédiaires. » Me trouvant à Castel-Gandolfo, près de Rome, occupé à des recherches géologiques, j'ai ressenti, le même jour et à la même heure, une légère et courte secousse de tremblement de terre, dont je puis affirmer la réalité, bien que j'en sois presque l'unique observateur. » {Nouvelles météorologiques, 1868, p. 205.) — Le 17 encore, 5 h. 55 m. du soir, à Girone (Espagne), une secousse de l'est à l'ouest et de quelques secondes de durée. Quel- ques dégâts. Chaleur étouffante, 55°R. à l'ombre. — Le 20 , 8 h. 24 m. 4 8 s. du matin , à Santiago ( Chili ), long tremblement précédé d'un fort bruit souterrain. (Anales, 1. e.) — Le 27, près des îles Curtis et Macaulay, groupe des Ker- madec, le navire Rose, à son retour d'Australie, a éprouvé une petite secousse sous-marine. (Lytlelton Times du 4 sept.) — A l'île Hawaï, les secousses continuent pendant ce mois dont je n'ai pas une seule date à citer. Juillet. — Le 6, on mande de la Havane : « D'après les der- nières nouvelles de S1 -Thomas, les tremblements de terre y deviennent très-fréquents et d'une grande violence. Quelques- unes des secousses n'y ont pas duré moins de trente minutes. (New-York Herald du 7 juillet.) Le 7, 5 h. Il m. du matin, à l'Ile de la Trinidad, fort tremble- ment, dirigé d'abord de l'est à l'ouest et ensuite du nord au sud. (M. Rojas.) — Le 7 encore , 7 h. du soir , à Laibaqh (lllyrie), une secousse. Pendant l'été , plusieurs secousses au pied du Kremberg près de Laibach. (M. Boue.) — Le 11 , 10 h. 50 m. du soir, à Lima, fort tremblement, de durée moyenne. (M. Paz Soldan.) ( 84 ) — Le 44, heure non indiquée, à Urbino, une secousse assez forte. (Mn,e Searpellini.) — Le 45 (le 5, v. st.), 8 h. 5/4 du matin, à Khodjend (Tur- kestan russe), tremblement qui a commencé par un fort bruit souterrain dans la direction du NE. au SO. et s'est prolongé en- viron 5 secondes; il a fini par un choc très-sensible qui a fait craquer les poutres au plafond. On l'a ressenti aussi à Ura-Tubé. (M. Ostcn-Sacken, d'après M. Favilzky.) — Le 16, 2 h. 12 m. du malin, à Santiago (Chili), deux se- cousses avec bruit fort et très-prolongé. Le 19, 5 h. 32 m. du soir, léger tremblement avec bruit sou- terrain très-fort. (Anales, 1. c. ) — Le 1G encore, G h. et 8 h. 50 m. du matin, à Kona (lïawaï), deux légères secousses. Le 21 , 40 h. 4 5 m. du soir, une forte. Le 27, 4 4 h. du matin, une modérée. Le 30, dans la nuit (sic) , une légère. Le 34, dans la nuit encore, une autre légère. (Journal du Hév. C.-G. Williamson.) Je lis encore dans la Gazelle hawaïenne du 5 août : « Dans le district de Kona, de fréquentes secousses se sont fait sentir pendant la semaine dernière. Une d'elles, qui arriva la nuit, fut excessivement prolongée. La grande activité du Ivi- lauea donne de bonnes raisons de croire que les feux volcani- ques dépenseront leur force dans ce cratère et que ces légers tremblements de terre, sur toute l'île, n'augmenteront pas de violence. » (Commun, de 31. W. Martin.) — Le 4 G encore, heure non indiquée, à Mariquita, province de Popayan, une secousse mentionnée par le journal de Caracas, cl Federalista, qui lavait d'abord rapportée au 4 G août. — Le 49, 2 h.s/4 et 3 h. ^4 du matin, à Cauterets et dans la chaîne thermale des Pyrénées, deux secousses. La première a été courte; il semblait qu'une lourde charrette, pesamment chargée de barres de fer, traversât la ville du nord au sud. La deuxième, plus forte, n'a pas duré moins de 15 à 20 secondes. Les maisons ont été fortement ébranlées; le bruit s'est produit de deux façons ( 88 ) bien distinctes. On eut cru entendre, d'un côte, le passage d'un train de chemin de fer lancé à toute vapeur à travers monts, de Pau à Barcelone, par une locomotive dix l'ois plus forte que nos locomotives ordinaires, et, d'un autre côté, celui d'un ouragan arrachant avec violence tous les arbres des montagnes environ- nantes. Pendant un violent orage qu'a précédé le phénomène, la chaleur de la Source de César, qui fournit à l'alimentation des bains de Jambes, avait augmenté de dix degrés au moins. A Pau, vers 3 h.1/^ du malin, une secousse. A Argèlcs, ô h.*/2 du matin, une secousse avec bruit sourd. ATarbes, 5 h.J/2du matin, une secousse de l'ouest à l'est, remarquée sur un grand nombre de points du département des Hautes-Pyrénées. A Luz-S'-Sauveur, elle a été forte et a duré 8 secondes. — Le 20, vers 10 h. du matin, à l'Ixtacibuatl (Mexique), grand bruit souterrain. Quelques moments après, on remarqua que la montagne tremblait et s'ouvrait à son sommet dans l'est, dans un endroit nommé el Caballete au-dessus de la Torrecilla. De l'ouverture s'échappa aussitôt un vent violent avec d'énormes fragments de roebers qui, se précipitant sur le flanc de la mon- tagne, déracinèrent les plus gros arbres. Du cratère s'élança en même temps un immense torrent d'eau d'odeur sulfureuse et de couleur noire. Il rompit la digue (prensa) du village de Nopo- poulco ainsi que l'aqueduc en un instant, et suivit son cours jus- qu'à la rivière Alcececa. Le 22, il avait cessé de couler. — Le 24, 4h.1/adu soir, le Momotombo (Nicaragua) lança un épais nuage de fumée blanche que le vent emporta vers le sud, en la dissolvant en poussière très- fine qui avait une odeur sulfu- reuse. Temps magnifique ; pas de secousses. — A la fin du mois, dans la province de Tunguragua (Equateur), fortes secousses. Dans la paroisse de Banos, il y en a eu cinq violentes en un seul jour. Durant la dernière partie du mois et jusqu'au 16 août suivant on en a ressenti sur divers points de la côte. Août. — Le 1er, 10 h. 50 m. du matin, à Lima, tremblement très-violent; deux secousses de 20 secondes de durée. (86 ) Vers minuit du 12 au 15 , à Arica, une secousse très-légère. Le 15 , entre 5 h. */2 et 4 h. du soir, à Bolivar, soulèvement des eaux de l'Orénoque à une vara ou un mètre environ de hauteur. A la même heure, un voyageur, passant sur le bord de l'Arauca , près de son confluent dans l'Orénoque, remarqua que tout à coup les eaux s'avancèrent sur les côtés de la rivière, et s'élevèrent jusqu'au ventre de son cheval. Le même jour et à la même heure, les eaux de l'Apure, à la longitude de San Fernando, grossirent tout a coup et s'élancèrent à une distance de six à huit mètres. Cette marée baissa à l'instant même, mais les eaux restèrent encore agitées pendant quelques minutes, après lesquelles elles reprirent leur calme ordinaire. Dans la même soirée , et encore entre 5 h. */a et 4 h., l'Océan laissa à sec une partie des côtes occidentales de l'île de Grenade, dans les Petites Antilles; les eaux revinrent avec violence et en- vahirent en un instant une partie du terrain qui, auparavant, se trouvait à sec. Le même soir et à la même heure, à Juan Griego, au nord de l'île de Margarita, en face de Cumana, les eaux de la mer s'élan- cèrent à six ou huit mètres de la plage et montèrent jusqu'aux portes des maisons. La vague baissa ensuite, se retira et disparut enfin. Le même phénomène s'est présenté dans le port de Rio Caribe, côte de Cumana. On dit que, dans la même soirée, les eaux du Yuruari éprou- vèrent une crue rapide; mais les détails manquent. Le docteur Aristides Rojas, auquel je dois ces détails, rapporte ces faits au fameux tremblement qui, quelques heures plus tard, dévasta le Pérou, et, à l'appui de sa manière d'envisager le phé- nomène, il ajoute : « Un fait nouveau vient corroborer mon explication. Dans la même soirée du 15 août, à dix heures, une forte secousse ébranla beaucoup de localités des Andes du Venezuela qui bornent les plaines de Barinas et la Portugucsa au nord du Rio Apure. Ce tremblement commença la série des secousses qui devaient, deux mois plus tard, agiter la partie des Andes de la Colombie et de Merida , bornées elles-mêmes par les plaines du continent. » ( 87 ) Depuis, il a encore publié , dans la Opinion national du 18 sep- tembre 1809, une lettre qui lui a été adressée par MM. N. Gucr- rero et San José de Cucuta, et dont voici un extrait : « Le 15 août de Tannée passée, aux environs de la ville de San Carlos de Zulia, qui est située sur le Rio Escalante, les eaux de cette rivière se portèrent dune rive à l'autre en augmentant de volume, sans qu'il y eût de crue antérieure. Pendant qu'un côté restait à sec, l'autre était inondé. Les embarcations purent à grand'pcine se maintenir sur leurs ancres et leurs amarres, au milieu de la ri- vière. Cet étrange phénomène se manifesta vers 5 h. du soir et dura une quinzaine de minutes. » M. Guerrero fait remarquer que le Rio Escalante coule du sud au nord, tandis que l"Orénoque, l'Apure, et les autres rivières où Ion a observé des mouvements semblables coulent de l'ouest à l'est. Voir encore une lettre que m'a adressée M. Rojas : Les échos d'une tempête séismique. (C. /?., t. LXIX, pp. 1084-1090.) Le même jour (le 15), entre 4 h. 5/4 et 5 h. 1/t du soir, au Pérou, tremblement désastreux qui s'est étendu de Guayaquil (Equateur) à Valdivia (Chili), sur un millier de lieues le long de la côte occidentale de l'Amérique du Sud. Les villes d'Arequipa, d'Arica, de Tacna et de Moquegua ont éprouvé les plus grands dommages, les autres ont moins souffert. Je n'ai pas pu me pro- curer le journal des secousses qui, sur divers points, ont été quo- tidiennes jusqu'à la fin du mois; néanmoins je tiens à reproduire les dates que j'ai accueillies, notamment pour Lima et pour Cara- veli, petite ville de la province de Camana. Le 13, 4 h. 40 m. du soir, à Lima, tremblement dont on a éva- lué la durée à trois minutes et même plus. A 5 h. 40 m., tremble- ment semblable, mais moins long. A 7 h. tremblement léger. A Aréquipa, 5 h. iU1 secousse soudaine avec bruit épouvantable. Au bout de trois minutes quarante secondes, les secousses étaient incessantes; on en a compté dix-neuf la nuit suivante. A Tacna, on en porte le nombre à cent quatre-vingts pour cette même nuit. A Arica, 5 h. 20, tremblement terrible, suivi, vers G heures, d'un autre qui ne dura pas moins de huit minutes; dans 1 inter- valle du premier à celui-ci, il y avait eu plusieurs secousses plus ( 88) ou inoins longues et accompagnées de bruits souterrains. Jusqu'au 19, elles s'y renouvelèrent à de courts intervalles. A Caraveli, secousses à 5 h. 15, 5 h. 40, G h. 5, C h. 11, G h. 15, G h. 25, 6 h. 29, G h. 40, G h. 45, 7 h. 25, 7 h. 50, 7 h. 57, 8 h. 12 et 8 h. 20 m. du soir; onze autres dans le reste de la nuit. On n'a noté que les plus fortes. Le même jour, 4 h. 45 m. du soir, le capitaine du Gober nador Pozzi a ressenti une secousse sous-marine par lat. 15°45'*S. et long. 75°44' 0. de Greenwich. Le Eransuto Sayre a aussi éprouvé une secousse à 50 milles de Pisco; l'heure n'est pas indiquée. Le 14, 2 h. du malin, à Lima, tremblement léger. A Callao, 4 h. ik du soir, une assez forte secousse suivie, à 9 h. */a, du mou- vement de la mer. A Caraveli, secousses à 6 h. 45, 6 h. 51, 7 h. 25, 8 h. 0, 9 h. 50, et 10 h. 25 m. du matin; puis 4 h. 41, 5 h. 10, G h. 5 et 6 h. 29 m. du soir; huit autres dans la nuit. Le 15, G h. 5, 7 h. 2, 8 h. 50 et 11 h. 12 m. du matin , à Cara- veli, nouvelles secousses ; on n'y en signale plus dans le reste du jour, mais il y en eut encore cinq la nuit suivante. Le même jour, 5 h. lh du soir, à Tulcan (Ecuador), une forte secousse. Le 16, vers 1 h. '/* du matin, à Quito, tremblement avec ruines et suivi de neuf autres secousses dans le jour; on indique seule- ment 2 h. 48, 5 h. 27, 9 h. 50 m. du matin et midi. Mais c'est dans la province d'Imbabura, traversée par l'Equateur, à une soixan- taine de milles au nord de Quito, que ce tremblement désastreux paraît avoir eu son centre. Les villes d'Otovala, de Catocachi, d'Atuntaqui et d'ibarra ont été anéanties. Du 15 au 1G, à Guaya- quil et sur d'autres points de la république de l'Equateur, plu- sieurs secousses. Le 16, 2 h. du matin, une secousse à Popayan; le Puracé a commencé à vomir de la fumée et des cendres. Le même jour, G, 7 et 8 h. du matin, à Tulcan, trois nouvelles secousses. Le 16 encore , 3 h. 55 m. du soir, à Caraveli, une secousse et trois autres clans la nuit. Le 17, 6 h. du matin, puis entre 4 et 5 h. du soir, à Quito, ( 89 ) nouvelles secousses. A Ibarra, elles se répètent encore d'heure en heure. Le même jour, 10 h. du matin et midi 15 m., à Caravcli, deux secousses; six autres la nuit suivante. Le J8, 1 h. 10 m. du soir, à Caravcli, une secousse. A Quito, 5 h. V-2 du soir, une secousse avec un orage. Le 19, 6 h. du matin, à Quito, encore une secousse. Le même jour, 1 h. du soir, à Gosapilla, secousses plus fortes que celles du 13. La nuit suivante, à Caravcli, dix secousses. On n'en signale pas dans le jour. Le 20, 2 h. 55, 5 h. 45 et 7 h. 10 in. du soir, à Caravcli, trois nouvelles secousses; cinq autres la nuit suivante. Le 21, 1 h. 46 et 5 b. 25 m. du soir, deux secousses et deux autres dans la nuit. Le 22, 5 h. et 5 h. */2 du matin, à Calpaqui (province d'Imba- bura), deux fortes et assez longues secousses. Le même jour, 6 h. 5 m. du soir, à Caravcli, une secousse et deux la nuit suivante. Le 25, dans la matinée, à Otavala, deux secousses violentes et assez longues. Elles sont encore quotidiennes dans la province d'Imbabura. Le même jour, 9 h. 8 m. du soir, à Caravcli, une secousse. On n'en indique pas pour le reste de la nuit, ni pour le lendemain. Le 25 encore, à Puno, une violente secousse accompagnée de détonations épouvantables. Elles y avaient été très-fortes et très- fréquentes du 15, 5 h. du soir, jusqu'au 1<3, 1 h. du malin; depuis, elles y avaient été fréquentes, mais légères jusqu'au 25. Le 24, 9 h. 45 m. du soir, à Lima, léger tremblement. Il est fort à Chorillos au sud de Lima et presque insensible à Huaco, au nord de Lima. A cette date, les secousses continuent à Yapiles, dans la pro- vince d'Imbabura. Le 25, G h. 15 m. du soir, à Caravcli , une secousse. Le 2(i, 8 h. 55 m. du malin, encore une secousse. C'est la der- nière mentionnée dans le journal que j'ai transcrit; mais on n'y a ( 90 ) signalé que les plus fortes. D'ailleurs, les secousses continuaient encore au 30, date de l'envoi de ce journal; seulement, elles étaient, dit l'observateur, moins fréquentes et moins longues. Le 27, à Arica, nouvelles secousses. Le 29, 4 h. 45 m. du matin , à Lima , tremblement léger, mais fort à Chorillos. Le même jour, 3 h. 35 m. 29 secondes du soir, à Arica , une violente secousse que l'on a comparée à celles du 13. Le 50, 4 ii. du matin, à Arica, encore une. Au 31, elles y sont encore quotidiennes, mais moins fortes ainsi qu'à Moquegua et dans toutes les parties centrales de ces deux désastreux tremblements. — Le 1er août, 9 lr. du soir; le 7, 7 h. 25 et 9 h. 55 m. du soir; le 14, de bonne heure; le 20, 3 h. 25 m. du soir; le 21, 1 h. 25 m. du soir et le 22, Il h. 20 m. dû soir, à Kona (Hawaï), légères secousses que j'ai déjà signalées, d'après M. Williamson, en dé- crivant les grandes vagues séismiques qui, du 14 au 16, ont suivi le grand tremblement du Pérou. Aux détails donnés plus haut j'ajouterai les suivants : Le 7, 9 h. 45 in. du soir, à Honolulu (Oahu), une légère se- cousse, ressentie aussi de l'autre côté de l'île. Activité du Kilauca. Continuation des secousses dans l'île Hawaï. (Gaz. hawaïenne du 12 août.) Dans son numéro du 19, la Gazette hawaïenne dit encore : « Nous avons des nouvelles de Kcalakcakua jusqu'au 15 courant et de Hilo jusqu'au 14. Aucune éruption ne s'est encore montrée dans le district de Kau, quoiqu'on ait vu une lueur, jeudi soir, au sommet du Mauna Loa; cette lueur a disparu vendredi. A Ka- papala et à Waiohinu, la terre paraît être continuellement en mouvement et l'on entend des bruits comme si la lave, en mouve- ment dans l'intérieur des coulées, venait frapper la croûte mince de la surface. Tous les phénomènes ressemblent à ceux qui pré- cédèrent l'éruption du 7 avril à Kahuku , et il est probable que la montagne va s'ouvrir de nouveau, cette fois peut-être dans le voisinage de Kapapala, et qu'une autre coulée de lave ira se jeter dans la mer. Ce qui le fait supposer, c'est que le feu a de nouveau ( 91 ) disparu dans le cratère de Kilauea. Le lac du sud, après s'être rempli, s'est refroidi au point qu'on peut le traverser à pied. A cette époque, le Rév. Titus Coan a fait une excursion de dix-huit jours dans les districts de Puna et de Kau. Parti de Hilo le 4, il a écrit, le 22, une lettre dont la Gazette hawaïenne du 2 septembre donne IeS extraits suivants : « Le rivage méridional de Hawaï s'est abaissé depuis Kapoho (cap est), dans le district de Puna, jusqu'à Kalac (cap sud), dans le district de Kau. L'affaissement est de trois à quatre pieds dans quelques endroits et de six à sept dans d autres. Il est prouvé par des arbres dont la base est maintenant dans la mer et par des îlots rocheux, entourés" naguère de cinq pieds d'eau et actuellement submergés. Ces marques sont si distinctes qu'il n'est nullement difficile d'obtenir une mesure exacte de l'affaissement » J'ai exploré le torrent de boue à Keaiwa. Ce n'est pas une éruption de boue, mais un énorme glissement de terrain déter- miné par la grande secousse du 2 avril. Il a trois mille de long, environ un mille de large à la tète et deux milles et demi au centre. J'ai trouvé, par des mesures précises à Punaluu et à Ho- noapo, que la grande vague du même jour avait eu vingt pieds de hauteur. » J'ai traversé les quatre branches latérales de l'éruption ignée de Kahuku à l'endroit où elles se terminent à Kaulikc, et j'ai suivi le bord de la grande coulée jusqu'à sa source dans les col- lines boisées. J'estime qu'elle a de neuf à dix milles de long sur un mille et demi dans sa plus grande largeur » Il y a beaucoup de fumée dans le Kilauea , mais on y voit peu de feu. » Dans les districts de Hilo, Puna et Kau, il y a, par jour , de une à cinq secousses pas très-fortes, mais suffisantes pour em- pêcher d'oublier les forces volcaniques et pour nous tenir en éveil » Malgré tout l'intérêt que, ajuste titre, on a attaché aux docu- ments fournis par M. Coan, je ne reproduirai pas la longue lettre qu'il a adressée de Hilo, le 1er septembre, à M. James D. Dana et dans laquelle il lui décrit toutes les observations qu'il a faites ( M ) pendant cette excursion. M. Dana l'a publiée dans son excellent journal, Amer. Jour, of se, 2e sér., t. XLV1I, pp. 89-98 , janvier 1869. — Le 2, 10 h. du soir, à Urbino , une légère secousse. Vers minuit du 5 au 4, à Subiaco, une secousse ondulatoire. Le 11,5 li. 4 m. du soir, à Tivoli, une'sccoussc du NO. au SE.; deux ondulations de deux secondes de durée. Le même jour, 5 h. 55 m. du soir, à Terni, une secousse de l'ESE. à l'ONO. et de quatre secondes de durée. (Mme Scarpellini.) — Le mardi i, 5 h. 10 m., 6 li. '/2 et 7 h. '/* du matin , au Puy (Haute-Loire), trois secousses de Lest à l'ouest et de quelques se- condes de durée, accompagnées d'un bruit ressemblant à celui qu'occasionnerait le mouvement précipité d'une grosse voiture de roulage. (Lettre de M. de Brives, en date du 8, insérée au Journal de l'Agriculture, numéro du 20 août, p. 561.) Quelques journaux, comme le Moniteur, le Siècle, le Salut public, etc., signalent le mercredi, le jeudi et même le ven- dredi 7; mais la lettre de M. de Brives, écrite du Puy, le 8, rapporte les trois secousses au mardi 4. Ainsi , je n'hésite pas à lui accorder pleine et entière confiance. — Je lis dans un journal de Dijon, Y Union bourguignonne du 11 : « Hier matin, vers 5 h. '/27 a Bcllevue, Meudon, etc., une secousse assez forte pour éveiller les personnes et les déplacer dans leurs lits. » Je n'en trouve pas de mention dans les journaux de Paris. — Le 11 , 1 b. 45 m. du matin, à Ahmedabad (Inde), une légère secousse. Du 9 au 15, pluie diluvienne; 44 pouces 60 cent, d'eau, c'est-à-dire plus du double de la quantité qu'il en lombe ordinairement dans cette saison. (Times of Lndia du 25 août au 1er septembre.) — Le 15, vers 5 b. du soir, à Coquimbo (Chili), une violente secousse du sud au nord, précédée d'un bruit pareil à celui d'une tempête lointaine et suivie d'une agitation de la mer. A Copiapo, 5 b. 50 m. du soir, une secousse très-faible et sans bruit. A Talcahuano, 9 b. du soir, trois secousses. ( 93 ) La nuit suivante, à Copiapo, encore une secousse. Le 14, 4 h. ll-2 du matin, une nouvelle secousse très-forte, avec un très -grand bruit. — Le 13 encore, 5 h. '/- du soir, à La Paz (Bolivie), lentes secousses ondulatoires qui produisirent des nausées comme le mal de mer. — Le 14, 10 h. 45 m. du matin et 5 h. 10 m. du soir, à Wel- lington (prov. de Cantorbury, Nouv.-Zélandc), faibles secousses. Le 15, vers 5 h. du matin, à Christchurcli , légère secousse du SO. au NE., accompagnée d'un faible roulement souterrain. Le 10,5. h. 15 m. et 11 h. du matin, à Wellington, nouvelles secousses. Le 17,9 h. 55 m. du matin (temps de Wellington), secousses beaucoup plus étendues que de coutume, de Napier au nord jus- qu'à Otago vers le sud. A Wellington, 9 b. 55, deux secousses, la première de l'E. à 10. et la seconde dans une direction trans- versale. A Napier, même heure, deux légères secousses du N. au S. A Waipukurau, 9 b. 55, une secousse très-forte. A Greytown , Fealherston et Bleinbeim, 9 b. 55, une forte secouses, ressentie aussi à Whitès-Bay, où il yen eut une seconde à 9 b.5C »/2 m. A Castle-Point, 9 b. 5G, secousse très-forte du S. auN., ou de TE. à l'O., suivant d'autres. A Cbristcburch, 9 5G !/a, forte secousse de l'E. à 10., ou , sui- vant d'autres, deux légères secousses du N. au S. et de deux à quatre secondes de durée. A Kalapoi et à Lyttelton , 9 h. 57, forte secousse du N. au S. A Nelson, même heure, deux secousses si violentes, qu'une per- sonne qui s'était sauvée dans la rue y compta encore cinq ou six ondulations distinctes de l'est à l'ouest. A Hokitika, 9 h. 58, violente secousse ressentie aussi à Grey- moutb. A Saltwatcr-Ocek , 10 h. du matin, légère secousse de deux à trois secondes de durée. Le 18 et le 19, à Wellington, autres secousses légères. ( 9* ) Le 48 encore, à Sydney (Australie) , une légère secousse. On en signale aussi de faibles pour cette époque à Duncdin et à Blueskin, mais sans en donner la date précise. — Le 4 G, vers 5 h. du matin, au Vésuve, recrudescence d'ac- tivité. « Le Vésuve devient menaçant, dit VItalia de Naplcs du 4 G. Depuis plusieurs jours déjà, des tentatives d'éruption se ma- nifestent au cône supérieur; de sourds mugissements sont suivis de jets de matières incandescentes, qui s'élèvent à de grandes hauteurs. Souvent la lave se montre au bord du cône, mais elle s'y arrête immédiatement. » Ce matin, vers 5 h., les colonnes de fumée très-épaisses s'élan- cent dans l'espace avec une rapidité prodigieuse, puis sont aus- sitôt suivies de jets lumineux formés de pierres embrasées. Après avoir brillé un moment, elles tombent et roulent encore enflam- mées sur le côté du cône qui fait face au Plan des Genêts. » Ce spectacle a duré toute la nuit. A l'aube, le feu paraissait pâle. La fumée était cependant épaisse et indiquait que, même après le lever du soleil, les phénomènes volcaniques continuaient. » — Le 47, 4 h. 45 m. du matin, à Santiago (Chili), fort bruit souterrain, accompagné d'un léger tremblement. A 8 h. 40 m. du soir, autre tremblement léger. J'ai déjà signalé plus haut, pour le 43 au soir, des secousses sur divers points de la côte. — Le même jour (le 5, v. st.), 8 h. 25 m. du matin, à Khod- jend (Turkestan russe), une secousse du sud au nord et de cinq secondes de durée. On l'a ressentie aussi à Ura-ïubé. (M. Osten- Sacken, d'après M. Faviszky.) — Le 4 7 encore, 8 h. */2 du matin, à Tenès (Algérie), une pre- mière secousse de l'est à l'ouest et d'environ dix secondes de durée. A 40 h., une deuxième secousse de l'est à l'ouest et de cinq se- condes de durée. A 5 h. du soir, une troisième secousse assez violente du sud au nord. Elle a été fortement ressentie dans la vallée du Chétif. A minuit, une quatrième, mais légère secousse. Le 48, 4 4 h. du matin, une nouvelle secousse. On n'a constaté à Tenès que des lézardes à l'hôpital et dans quelques maisons particulières. ( &5) — Le 19,2 h. avant le jour, au Port Blair (île Andaman, Inde), une très-forte secousse du SO. au NE. et de quinze à vingt se- condes de durée, accompagnée dune forte vague qui se précipita sur la plage. La mer était basse et pourtant la vague s'éleva bien au delà de la marque des plus hautes eaux. (Times of India du 20 septembre au 5 octobre.) — Le 20, 9 1). du soir, à Jaszbereny (Hongrie), une nouvelle secousse. « Des mouvements souterrains incessants, dit le Lloyd hongrois , se faisaient sentir depuis le 21 juin. Le soir du 20 août, à 9 h., il y eut une secousse qui dura six à sept secondes. La se- cousse ne se faisait pas sentir par une oscillation ondulatoire, mais par un ébranlement du sol dans une direction verticale. » Dans la nuit du 20 au 21 , on a senti encore des secousses. » Et le 21 , à 4 h. de l'après-midi, on a ressenti un dernier et léger tremblement. » (Le Siècle du 51.) — Le 22, dans la vallée de Mexico, légères secousses. On mande qu'on a découvert, près de Chaco, une ville ensevelie sous la lave, comme Pompéi et Herculanum près de Naples. — Minuit du 25 au 20 (25 agosto, allé ore 12 p. m), à l'Etna, grande^ colonnes d'où s'échappèrent des fragments de rochers lumineux. A minuit et demi (alla mezza, a. m.), à Acireale, deux fortes secousses. (M. Grassi.) — Le 27, à Guatemala , une forte secousse. (Sans date de jour.) — Dans le midi de l'Espagne, tremble- ment sur lequel je ne puis, à mon grand regret, donner des dé- tails satisfaisants. Suivant le Gulignanïs Messenger du 51 , la secousse fut plus forte à Algésiras qu'à Gibraltar. D'un autre côté, je lis dans le Siècle du 8 septembre : « Le journal anglais The Gibraltar Chronicle , en rendant compte du tremblement de terre qui s'est fait sentir en août sur plusieurs points de la péninsule, mais dont le centre d'action paraît avoir été dans le détroit même de Gibraltar, cite les faits suivants, d'ailleurs fort extraordinaires, qui semblent donner raison à cette théorie : « Pendant la durée du phénomène, quoique le vent soufflât de l'ouest, il y avait un tel courant venant de l'est, que les vaisseaux ( 9« ) à voile et même les bateaux à vapeur ne pouvaient le vaincre j et parfois même étaient obligés de reculer. » Enfin, le Galignani's Messenger, clans son numéro déjà cité du 31 août, contient un article du Daily News, intitule Earthquake ai Gibraltar, et commençant par ces mots : « La simultanéité de ce tremblement et du renouvellement d'activité au Vésuve est un fait digne de remarque. » Puis l'auteur de ce long article déve- loppe des considérations sur la volcanicilé du bassin méditerra- néen que, avec raison, il étend de la Syrie jusqu'aux Açores et aux Canaries , en y rattachant, avec non moins de justesse, la ré- gion séismique sud de la Péninsule ibérique. Mais il ne dit rien du tremblement de terre à Gibraltar; il n'en donne pas même la date. — Sous le titre Earthquake in a Mine, je lis dans le Galigna- nis's Messenger du 10 septembre : « Les journaux de Virginia City (Nevada), rendent compte d'un tremblement de terre qui a eu lieu le mois dernier (last month, sic). La première secousse a été forte et ressentie très-sensiblement au fond de la mine Bul- lion, qui est la plus profonde du pays et descend à douze cents pieds. Pendant que le chef était au fond, une deuxième secousse eutiieu, et, d'après le rapport qu'il en a fait, tout ce qui se trou- vait dans la mine fut violemment poussé de l'est à l'ouest. Mais dans cette mine et dans aucune autre on n'a constaté de dom- mages. » Ces secousses se rattacheraient-elles au grand tremble- ment du Pérou , dont les vagues séismiques se manifestèrent le 45 sur les côtes de la Californie? Il est bien regrettable qu'on \\en donne pas la date. Septembre. — Je commence encore le relevé de ce mois par le Pérou et la côte occidentale de l'Amérique du Sud où les secousses ont été sinon quotidiennes, au moins très-fréquentes. Le 1er, on écrit dArequipa que le cratère du Misti s'est ouvert et vomit de la fumée. Mais, dès les premiers jours du tremblement, on a parlé d'une éruption qui, comme celle-ci, n'a pas été con- firmée. Au 1er, ou du moins d'après des nouvelles de ce jour, les secousses auraient cessé à Quito; mais nous allons voir plus loin qu'elles continuaient encore au 14. Le 10, on écrit de Lima qu'à Arequipa, àTacna, à Moquegua et à (97) Arica, les secousses se renouvellent encore chaque jour , mais avec moins de force. Le 44, on mande encore de Lima qu'on y ressent chaque jour de légères secousses, mais que, plus fortes dans le sud, elles y ont causé de nouveaux dégâts. D'après un rapport officiel de Quito, en date du 44, il est dit que les secousses continuent. Le 22, on mande de Lima que les secousses continuent dans le sud, notamment àTacna et à Arica. «A Cuzcoct àPuno,ajoute-t-on, on a ressenti de nouvelles secousses, mais sans dommages sérieux. » Enfin, le 20, on écrit d'Arequipa : « Pendant un mois entier, du 13 août au 15 courant, le sol a été ici dans un mouvement con- tinuel. La semaine suivante a été assez tranquille. » Mais le 21 , il y a eu sept ou huit secousses dont trois fortes. )> On redoute toujours une éruption du Misti. » Dans plusieurs autres endroits, la terre continue à trembler. Nous n'avons pas de nouvelles de Cuzco, depuis assez longtemps, mais on dit que les secousses s'y renouvellent souvent. » A ces renseignements généraux s'ajoutent les faits suivants, signalés avec dates précises : Le 4, midi et demi précis , à Lima, tremblement de soixante- cinq secondes de durée , avec mouvement semblable à celui du 4 3 août. Vers 2 h. du soir, un second tremblement. Le même jour, midi et demi, à Canete, tremblement qui a duré une minute et demie ; pas de dégâts. Le 4 encore, 4 h. '/* et 4 h. "°\k du soir, à Callao, deux légères secousses. A 9 h. 27 m., une secousse, du sud au nord, et de qua- rante secondes de durée; pas de bruit. Au même moment, il s'éleva une brise fraîche du SSO., on aperçut au loin un nuage dense en forme de montagne, et, immédiatement après, une étoile brillante dans l'OSO., à une grande hauteur. Ces trois secousses ont été ressenties à Arequipa et dans les environs. " Le 44, 7 h. du soir, à Santiago (Chili), tremblement léger. Dans la nuit du 44 (sic), à Talcahuano, la marée a couvert la cote avec une grande violence; la mer était chaude. Tome XXII. 7 (98) Le 15, entre 7 h. et 7 h. lk du soir, à Mcdellin (État de Bogota), fort tremblement du SE. au NO. et de 5 à 4 secondes de durée; pas de dégât. (Prensa de Bogota du C octobre.) Un autre journal de Bogota, la Paz du 29 septembre , avait dit : « Une heure et demie avant que le courrier du 15 quittât Medellin, on y ressentit un fort tremblement. » Le 19, 1 h. 45 m. du matin, à Lima, léger tremblement. Nuit du 19 au 20, à Popayan, une secousse. On y en ressentait de temps en temps depuis le 10 août. Le 21, à Arequipa, 7 ou 8 secousses. (Voir plus haut.) Minuit du 21 au 22, à Popayan, encore une secousse. Le 25, 4 h. du soir, à Santiago, fort et long bruit souterrain. Le 24, 1 h. J/4 du matin, à Lima, tremblement léger. — Le 1er, 2 h. 55 m. du soir, à Sienne, une secousse légère. — Le même jour, à l'île Saint-Thomas , plusieurs secousses. — Minuit du 4 au 5, à Acireale, une secousse légère. Le 5, 2 h. du matin, après que le cratère de l'Etna eut vomi quelques globes et langues de feu, fort tremblement de plusieurs secondes de durée à Acireale, Santa Venerina, Zofferana Etnea, Macchio, Giarre, Aci-Catena, S.Antonio, Via-Grande, Trecas- tagni, etc. Léger à Catane, il ne s'étendit pas jusqu'à Messine, mais il agita fortement la mer à trois milles de l'îlot d'Aci-Trezza dit dei Ciclopi. A 8 h. du matin, une nouvelle et dernière secousse. (M. Grassi.) — Le G, 3 h. 40 m. du soir, à Waimea, une secousse légère, ressentie aussi à Kona. Le 12, 6 h. 55 m. du soir, à Hilo, une secousse. Le 15, 2 h. du soir, une nouvelle secousse et une autre dans la nuit. Le 15, à Kapapala, une dans la nuit (sic). Le 16 , 5 h. 5 m., 4 h. 45 et 7 h. 45 (sic), nouvelles secousses. Le 17, entre 4 et 5 h. du matin, une vive secousse. Le 28, 5 h. 40 m. du soir, à Kona , une secousse modérément forte. Le 29, 8 h. 45 m. du soir, une secousse semblable. Le 50, 5 h. 6 m. du soir, une forte secousse. (Fin du journal de M. Willinmson.) ( 99 ) M.Titus Coan signale aussi, le (>, une secousse violente; mais il n'indique ni l'heure ni le lieu. (Amer. J. of se, janv. I8G9, p. 98.) Le 22, à Hilo, l'atmosphère était chargée de fumée, et de fré- quentes, mais légères secousses ont été ressenties. Les journaux de San Francisco, du 17 septembre, parlent de la fumée qu'on y a observée. (Gaz. hawaïenne du 7 octobre.) — Le 15, 5 h. du matin, à Constantinople, tremblement. Le même jour, 6 h. du matin, à Rodosto, tremblement. Le 17, 10 h. 15 m. du matin, à Constantinople, une secousse du NO. au SE. et de deux secondes de durée. (M.Coumbarv, Nou- velles météor.y 1865, p. 289.) — Le 15 encore. M h. 8 m. du soir, à Agram (Croatie), assez fort tremblement ondulatoire du NE. au SO. et dune seconde seulement de durée. Air pesant et chaud; éclairs et pluie peu après. (M. Boue.) — Le 19, 1 h. 3/4 du soir, à Wien-Neustadt (Autriche infé- rieure), tremblement que M. Boue m'indique comme dirigé de S. à 0. (sic). — Le 24, 9 h. 45 m. du matin, à La Vallette (Malte), une forte secousse; pas de dommages. — Le 25, au matin, dans le canton de Laruns (Basses-Pyré- nées) , une secousse. — Le même jour, à San Salvador, une secousse violente. Octobre. — Le 1er, heure non indiquée, à Popayan, encore une secousse, mentionnée par un journal de Caracas, el Federalista , dont M. Rojas n'a pas marqué la date. Le 2, 5 h. du matin, à Lima, une secousse assez forte. A Arc- quipa, à Arica et sur d'autres points de la côte, nouveaux dégâts. « En connexion avec cette dernière secousse, ajoute el Federalista du 15 décembre, auquel j'emprunte ce fait, un phé- nomène particulier s'est manifesté à Talcahuano (Chili) : une source d'eau bouillante a paru, et l'eau du Rio Andalicn s'est rapidement échauffée. En même temps-, la mer a monté et baissé rapidement; des bruits aériens et souterrains étaient incessants; l'air était parfaitement calme. » Dans le relevé annuel qu'il m'a adressé, M. Paz Soldan, de Lima, ne cite que deux tremblements ( 100 ) pour cette ville en octobre; tous les deux ont eu lieu le 54. (Voir plus bas.) Le G, on écrit de Panama : « On a senti de nouvelles secousses au Pérou, à Chancay ainsi que dans les départements d'Arcquipa et de Moquegua. » {Moniteur des 2 et 5 novembre.) Le 15, 1 h. du matin, à la Serena, tremblement prolongé, mais sans danger. A Valparaiso, même heure, une légère secousse. ( La Republica de Santiago du 14 octobre. ) A Santiago, 4 h. 40 */2 m. du matin, tremblement léger. (Ana- les, 1. c.) A Copiapo, vers 1 h. {ji (1 h. 12 m. ou 4 h. 20 m. suivant dif- férents télégrammes), tremblement très-fort de deux et demie ou même quatre minutes de durée. A 4 h. du soir, les secousses et les bruits souterrains se succèdent environ toutes les dix minutes. La mer n'a manifesté aucun mouvement extraordinaire L'extré- mité du môle s'est un peu affaissée. (La Republica, numéro cité.) Le même jour, heures non indiquées, à Iquique, deux forts tremblements; le premier a duré trois minutes et le second quatre minutes. (Galig. Mess, du 2 décembre.) Le 4G, 5 h. du matin, à Santiago, une secousse que la Repu- blica de ce jour signale comme assez forte, courte et sans bruit. Le 1 G et le 17, à Valparaiso, mouvement de la mer comme au mois d'août; l'eau s'est élevée à la même hauteur. Ces mouve- ments se sont, croit-on, étendus dans les petits ports voisins. (M. Rojas.) Le 18, 1 h. du matin, à Santiago, tremblement léger, et le 29, 4 h. 58 m. du matin, deux légers tremblements avec bruit fort et prolongé. (M. Vergara , Anales, 1. c.) Le 51, 2 h. 59 m. du soir, à Lima, léger tremblement, et un second à 9 h. 44 m. (M. Paz Soldan.) « Sur les côtes du Pérou et du Chili, les secousses continuent. » (Charlotteville Chronicle du 17 novembre.) — Le 1er encore, heure non indiquée, à Kawaihae (Ilawaï), une forte secousse. Le même jour, 9 h. du soir, àKahaualoa, district de Puna, marée extraordinaire ou ras de marée. (Dernière communica- ( 101 ) tion de W. Martin, extraite de la Gazelle hawaïenne des 7 et 14 octobre.) — Le même jour encore, heure non indiquée, à Volo, trem- blement dont les secousses se sont répétées pendant une semaine. (M. Ritter. ) Du 5 au 10, en Thcssalie, secousses; maisons renversées à Volo. (M. Boue.) Le 19, 2 h. du soir, à Salonique et à Serès , petit tremblement avec bruit. (M. Ch. Ritter.) — Le 1er enfin, au Vésuve, recrudescence d'activité. Le séis- mographe de TObservatoire indiquait l'agitation du sol. (Lettre de M. Palmieri à M. Ch. Sainte-Claire Deville, en date du 12, et remarques de M. Deville à ce sujet. C. R., t. LXVII, pp. 802-804.) Le 11, on écrit de Naples : « Le Vésuve, après quatre mois de demi-sommeil, s'est réveillé tout d'un coup, et a démoli une partie du cône qui s'était formé au sommet de la montagne par l'accumu- lation des scories de la lave de la dernière éruption. Cela a eu lieu dans la nuit du 8 au 9. La brèche à peine ouverte dans le cône, la lave trouva une voie facile pour sortir de la grande conque du cra- tère dans lequel elle était en ébullition, et elle en profita aussitôt pour descendre lentement vers l'Atrio del Cavallo , qu'elle n'avait pas encore atteint hier au soir. L'éruption, cette fois, se présente avec des phénomènes tout particuliers. La fumée, par exemple, a une odeur différente de celle des précédentes éruptions, ce qui a été de suite remarqué par l'illustre professeur Palmieri. » Bien que jusqu'à ce moment la lave descende avec une vitesse modérée, elle a toutefois plus de phosphorescence que celle de l'hiver passé, principalement au point de sortie d'où elle jette, à une grande distance, une lumière très-vive , mêlée à une fumée noire teinte d'un rouge sombre et qui se dissipe rapidement dans l'espace, poussée par le vent assez fort à cette hauteur. On ne jouit complètement de ce spectacle que la nuit, car le jour on ne voit point la flamme qui couronne la creva&se du cône, et l'on ne peut distinguer le lieu occupé par la lave que par la fumée qui s'en élève à mesure qu'elle se refroidit. Il sort toujours du cratère une épaisse colonne de fumée, tantôt blanche, tantôt grise, et quel- ( 102) quefois aussi noire, selon la nature des matières dont elle est em- prégnée. » Dans la nuit du 8 et pendant toute la journée suivante, il sortit du fond du volcan des jets de sable fin et très-noir, de sorte qu'en peu de temps, les terrasses et les fenêtres de l'Observatoire en demeurèrent couvertes. Hier, le phénomène cessa et la fumée redevint blanche, bariolée, d'un moment à l'autre, de jaune pâle et de gris. » {Moniteur du 17 octobre.) On lisait déjà dans le même journal, numéro du 14, l'extrait suivant du Pungolo, de Naples, dont la date n'est pas donnée: « Depuis trois jours, le Vésuve fait entendre des mugissements, accompagnés de jets très-nourris de matières enflammées. Celles-ci sortent du cratère formé par la dernière éruption. « Dès le 1er, l'appareil de l'Observatoire avait prévenu de cette recrudescence. » Enfin, on lit dans le Moniteur du 25 : « L'éruption du Vésuve semble devoir ne pas se produire. Les laves sont éteintes. On ne voit plus sortir du cône qu'une fumée blanchâtre. » — Le 6, à Silver Mountain, État de San Francisco, trois se- cousses très-fortes. L'atmosphère a été, immédiatement après, obscurcie par une fumée épaisse. Le 21 , 7 h. 55 ou 54 m. du matin , à San Francisco et dans une grande partie de la Californie, tremblement désastreux, du nord au sud ou du NO. au SE. et de longue durée, 50 ou 40 secondes, 60 au plus ; dans plusieurs endroits de la ville il s'est formé des crevasses dans le sol et il s'en est échappé des espèces de jets d'eau qui ont jailli à une grande hauteur. Dans la baie, la mer était calme et on n'y a pas remarqué le moindre mouvement insolite au moment des secousses qui ont pourtant été ressenties à bord des vaisseaux, comme s'ils eussent touché sur une roche. A l'île d'Alcalras, dans le centre de la baie, la secousse fut très-forte; sui- vant d'autres, le mouvement de l'eau dans la baie fut considérable. A Oakland, San Leandro, San José et dans d'autres villes, le choc paraît avoir été aussi violent qu'à San Francisco. Toutes les horloges se sont arrêtées à l'heure indiquée plus haut. Alameda et tout le comté de ce nom ont le plus souffert, Brookly comme Oakland. ( 103 ) A Sacrarnento, à Stockton et dans les environs, deux sceousscs violentes. Peteluma, Healdsburg, Santa Rosa , Vallejo et Martinez ont aussi éprouvé toute la force du choc. A Grass Valley on ne signale qu'une secousse violente. A Marysville elle a été légère. Santa Cruz, Montcrcy et Watsonville, sur la côte du sud, ont très-peu souffert. Los Angeles et Visalia, à 250 ou 500 milles au SE. de San Francisco, n'ont éprouvé qu'une secousse légère. L'État de Nevada n'a presque rien ressenti. A Sonora, secousses légères, mais fréquentes pendant toute la journée. Le même jour, à San Francisco, nouvelles secousses : à 8 h. 42 {h m. du matin , une très-légère, mais avec fort bruit; à 10 h. 23 m., une très-forte; à 11 h. du matin, une très-faible, et à 7 h. du soir, encore une dont on n'indique pas la force. D'autres en portent le nombre à 12, mais sans en donner les heures. La nuit suivante, plusieurs secousses légères. Le 22, dans la matinée et dans la soirée, légères secousses. Le 25, 2 h. 15 m. du matin, une nouvelle et forte secousse. Deux autres plus légères la même nuit. Atmosphère épaisse, temps chaud et étouffant. A 7 h. lk du soir, une légère encore, la der- nière de ce jour. On ne signale rien pour le 24. Le 25, 8 h. 5 m. du matin, une forte secousse, très-longue; on en avait déjà remarqué plusieurs légères depuis minuit. Minuit du 26 au 27, une forte secousse. Suivant M. James D. Dana, il y en aurait encore eu le 27, et, d'après un télégramme du 6 novembre, rapporté par le Times du 25, on y en éprouvait chaque jour, daily , mais de très- légères. — Le 8, à Hiogo (Japon), une secousse violente. — Le 10, on écrit d'Agram : « La nuit dernière, on à ressenti un fort tremblement de terre dans toute la Dalmatie. Gazette de Cologne. » ( Moniteur du 17.) — Le 1 5 ( le 5 , v. st. ), 5 h. 1 9 m. 26 s. du soir, à Tiflis ( Cau- casie), secousses du INO. au SE. (M. Osten-Sacken.) — Le J 9, 0 h. 9 m. du matin, à Taranaki (Nouvelle-Zélande), ( 10'. ) une secousse violente, accompagnée d'un bruit qui dura trois minutes. Peu après, deux autres secousses moins fortes. A 1 h. 5 m., 2 h., 3 h. 45, 5 h. 20, 5 h. 50 et 4 h. du matin, nouvelles secousses, suivies d'autres plus faibles dans le jour et la nuit sui- vante. Qucsqucs-unes ont été dirigées de l'est à l'ouest et les autres du nord au sud. La même nuit, du 18 au 19, 0 h. 15 m. du matin , à Cantorbury, une violente secousse. On n'en signale pas d'autres. Minuit un quart, du 18 au 19, à Nelson, une forte secousse qui a semblé commencer par un elioc vertical, précédé d'un bruit souterrain et suivi d'ondulations borizontales du NNE. au SSO. pendant 55 à 40 secondes, et finir par un autre choc de bas en haut. Huit minutes après, à Oh. 25m., une deuxième secousse; puis une troisième à 0 h. 40 m., une quatrième à 1 h. 10 m. et trois vibrations rapides entre 5 h. 54 et 5 h. 58 m. du matin. Dans la matinée et l'après-midi, plusieurs secousses très-légères. A 9 h. 48 m. du soir, une légère secousse encore du NNE. au SSO. Le 20, 1 h. 40 m. et 5 h. 48 m. du matin, deux secousses dont une forte. (M. J. Haast.) — Le 19 encore, 0 h. 50 m. du matin (minuit et demi du 18 au 19), dans le bassin de Sallanches (Haute-Savoie), détonation suivie d'une secousse avec frémissement pendant un tiers de minute. La secousse et la détonation ont été ressenties à Sallan- ches, à Passy, aux Plagnes et, surtout, à Saint-Gervais. — La même nuit, 1 h. et 5 h. du matin, à la Hacienda de Corcobada (Mexique), deux secousses très-légères. A 5 h. 5 m. du matin, deux nouvelles secousses consécutives, très-fortes, de l'est à l'ouest ou du S. 75°E. au N. 75' 0. et de 10 secondes de durée, acompagnées de détonations souterraines semblables à des décharges simultanées de grosse artillerie. De- puis peu de temps, dit-on, les secousses sont assez fréquentes aux environs des anciens cratères connus sous les noms de Grand et de Petit Joglewas, situés à deux lieues à peu près de cette Ha- cienda, dans la direction même où l'on a entendu ces détonations. — Le 24 (le samedi), heure non indiquée, à Newton, à quel- ques milles de Mallow, comté de Cork (Irlande), une légère ( îos) secousse suivie d'un bruit sourd souterrain. On l'a constatée éga- lement dans d'autres localités entre Mallow et Kanturk; les meu- bles ont été mis en mouvement. Direction du nord au sud. On a nié la secousse, mais en avouant le bruit qu'on rapporte au ven- dredi (Galiy. Mess., des 28 et 29 octobre.) Le 26, dans le comté de Cork (Irlande), légères secousses. (New-York Herald, du 28.) Les autres journaux que j'ai vus ne signalent qu'une secousse sans en indiquer le jour; la date du Galignanïs Messenger me paraît seule digne de confiance. — Le 25 , de nuit (sic), à S'-Austine, (mot peut-être mal lu?) Andes de Venezuela, premier tremblement du mois signalé par M. Rojas qui me communique en même temps un fragment du journal el Federalista du 15 décembre, où je lis encore : « Le 25, de nuit (sic), a S'-Christophe (San Cristobal , État de Tacbira , Venezuela ), deux secousses à un court intervalle. » Le 50, M b. 45 m. du soir, à S'-Austine, second tremblement, fort et suivi d'un troisième peu après. (M. Rojas.) — Le 25 encore, dans le port de Cronstadt, la mer baissa de quatre pieds; une quantité de navires se trouvèrent engagés dans le sable; ce n'est qu'après vingt-quatre lieures que l'eau reprit son niveau normal. — Le 50, vers 10 b. 55 m. du soir, à Hereford, une secousse assez forte, moins violente que celle du 6 octobre 1865. A Wor- cester elle n'a pas été accompagnée de bruit, à CardifF elle l'a été d'un roulement sourd qui a fait craindre une explosion dans les mines. A Broseley (Shropsbire), deux secousses distinctes de six à sept secondes de durée cliacune. A Sherborne (Dorsetsbire) , une secousse verticale avec roule- ment souterrain du nord au sud. Dans le Lancastersliire et le Somersetshirc, la secousse a con- sisté en un mouvement ondulatoire peu intense. C'est dans le pays de Galles qu'elle a eu lieu avee la -plus grande violence. A Nottingbam et dans les environs, secousse légère, mais sen- sible, ainsi qu'à Sberwood, vers 10 b. Va du soir. A Marlborough, violente secousse qui a réveillé les personne:? endormies; elle a été moins forte à Rugby et a semblé diminuer 7. ( 106 ) d'intensité de Londres à Blackheath, par exemple. Elle ne paraît pas s'être étendue à Test de la capitale. A Leamington, 10 h. 3/4 du soir, trois secousses avec bruits souterrains. A Bristol, 10 h. 3o m. du soir, une secousse, ressentie aussi aux environs de la ville , à Clifton , Kingsdown , Rcdland , Cotham , Ashley-Hill, Stapleton-Road, Easton, Newtôwn, the Dings, Bed- minster, ainsi qu'à Keynsham, 5 ou G milles au SE. et à Chur- chill, environ 12 milles à l'ouest. A Exeter, une violente secousse de l'est à l'ouest; quelques personnes en ont constaté trois très-distinctes. A Worcester et dans tout le Worccstershire, une secousse plus ou moins forte suivant les lieux. A Toxteth Park , Liverpool, une légère secousse, avec bruit semblable à celui de voitures qui auraient passé au-dessus du toit des maisons. Dans le South Wales (sud du pays de Galles), entre 10 h. 30 et 10 h. 40 m. du soir, une secousse ressentie principalement dans les comtés de Glamorgan et de Newport jusqu'aux monta- gnes de Blaenavon. Dans son numéro du 5 novembre, le Galignani's Messenger donne le résumé suivant : « Des nombreuses lettres publiées par les journaux anglais, il résulte que le phénomène a eu lieu entre lOhJ/a et il h. du soir, probablement vers 10 h. 55 m., et que la direction générale du mouvement a été du nord au sud, quoique, en quelques endroits , on signale celle de l'est à l'ouest. On s'ac- corde à regarder cette secousse comme moins forte que celle du 6 octobre 1863. C'est dans le pays de Galles qu'elle a été le plus violente. Elle a ébranlé tous les comtés de l'ouest et même ceux du centre. » — J'ai déjà signalé, pour 1866 et 1867, des faits séismiques au Monte Baldo; je lis dans le Moniteur du 7 novembre 1868 : « Un fait géologique des plus curieux se produit en ce moment aux environs de Vérone. Le Monte Baldo, qui longe les bords du lac de Garde, menace de se changer en volcan. Des détonations souterraines se font fréquemment entendre; tous les habitants ont déserté leurs demeures. A Desenzano, de l'autre coté du lac, ( 107 ) une maison à trois étages s'est enfoncée dans le sol, mais incom- plètement, de manière que l'étage supérieur, qui se trouve main- tenant au rez-de-chaussée, est encore occupé. (Journaux italiens). » Novembre. — Le 1er, un peu après 4 h. 30 m. du matin, à Reykjawick et dans le sud de l'Islande, une première secousse. A partir de ce moment, jusqu'à 7 h. du matin, quatre ou cinq secousses nouvelles, mais de moindre intensité que la première. Le même jour, à 11 h. du soir, une violente secousse, suivie par d'autres moins intenses qui se succédèrent pendant toute la nuit. Le 2, ces commotions semblaient passer par leur maximum, quand, vers 1 1 h. du soir, on ressentit un choc très-violent, qui fut presque aussitôt suivi par un autre qui surpassait en violence tous les premiers. Quelques autres secousses plus faibles se suc- cédaient à de courts intervalles. On observa un certain nombre de ces secousses pendant la semaine suivante. Le mouvement de la terre était ondulatoire, les ondulations paraissaient aller d'ENE. à OSO. Des rapports que nous avons reçus de quelques autres points de File, il résulte qu'aucune secousse ne s'est fait sentir à l'E. du désert de Mijrdalssandur; mais à l'O. de cette région , et au N. de Reykjawick, sur les districts de Borgarfjarddrsijsla et de Mijra Sijsla, les commotions furent aussi violentes qu'ici. Des personnes, qui sont venues, depuis, de la région E. de l'île, affirment avoir observé à une grande distance une colonne de fumée, avec des flammes qui s'élevaient au ciel, apparemment à la même place où l'éruption volcanique avait eu lieu l'année dernière. (Lettre du Rév. S.O. Pallsen, K. D., en date de Reykja- wick, le 9 décembre 1868, Nouvelles météorologiques , t. II, p. 45, 1869.) — Le Ier encore, à Cobonrg, sur la rive nord de l'Ontario, les eaux du lac se sont retirées de 50 à 100 pieds au-dessous de leur niveau habituel et sont revenues rapidement avec un bruit sem- blable à celui de la marée sur les côtes. Ces flux et reflux se sont répétés plusieurs fois dans l'espace de trois quarts d'heure. — Le 2, 7 h. 53 m. du matin, à Santiago (Chili), léger trem- blement avec fort bruit. (108) Le 5, 0 h. 56 m. après minuit, bruit souterrain fort et pro- longé. Le 4, 4 h. 50 m. du matin , tremblement. Le 48, 6 h. 4 2 m. du soir , une secousse avec bruit fort et pro- longé. C'est le dernier tremblement signalé par M. Vergara dans les Anales , 1. c. Le même jour, 8 h. 1 m. du soir, à Lima, tremblement dou- teux , le dernier aussi que m'a communiqué M. Rouauld y Paz Soldai). Cependant les secousses n'ont pas cessé au Pérou. Les nouvelles arrivées le 25 de ce mois à Plyinouth , consta- tent que les secousses continuaient sur les côtes du Pérou et du Chili. Cobija aurait éprouvé de nouveaux désastres causés par une série de secousses très-distinctes. « A Arequipa, de légères secousses continuent. » {Washington Intelligencer du 14 décembre.) — Le 4, heures non indiquées, à Pichacos, dans le voisinage de San Luis de Potosi (Mexique), fortes secousses qui se répétè- rent toutes les dix minutes, jusque dans la matinée du 5, et le 6 encore. Le G, heure non indiquée, grand tremblement de San Luis de Potosi à Vera Cruz, par Orizaba, Puebla, Pichacos, Peotilles, Cocobada, Pozo, etc. A Pichacos, les secousses durèrent plusieurs minutes. Des rochers roulèrent des montagnes. On a ressenti le tremblement à Mexico. A Iturbide, secousses pendant trois jours. On craignait qu'il ne s'ouvrit un nouveau volcan. Le journal Washington Intelli- gencer du 8 décembre, qui rapporte une partie de ces faits, disait dans un alinéa précédent : « Tandis que Cortina était campé à 60 milles de San Luis de Potosi, la terre a tremblé plusieurs fois de %uite et la montagne voisine a fait éruption. Cortina s'est remis en marche en toute hâte. Les habitants de San Luis de Potosi crai- gnent qu'un nouveau volcan ne fasse éruption près de la ville. L'air est rempli de cendres et de fumée et la terre tremble avec un bruit souterrain. » Puis , dans son numéro du 49, il dit encore : « Une autre ville a aussi éprouvé plusieurs secousses dans l'es- pace de quelques heures. » Il n'indique ni le nom de cette ville, ni le jour des secousses. ( i.o» ) — Le a, 4 h. du soir, à San Francisco , une forte secousse. Le même jour, heure non indiquée, à Victoria (ile Vancouver), tremblement. Le 20, on télégraphie de New-York : « Nous recevons à l'in- stant de San Francisco un télégramme annonçant qu'on vient de ressentir de nouvelles secousses en Californie. » — Nuit du 7 au 8, à Senitza ou Zenitza (SO. de la Bosnie), quatre secousses. (M. Boue.) — Minuit du 8 au 9, en mer, par lai. 16°40' S. et long. 4° 0., le ciel se chargea tout à coup d'épais nuages noirs, et le capitaine Christie, de Y Euphrosine , entendit dans toutes les directions de fortes détonations comme celles d'une canonnade éloignée. La mer était très-grosse. La boussole oscillait très-fortement, elle était tout à fait affolée. L'action volcanique sous-marine continua ainsi jusqu'au lever du soleil. D'après la manière dont le vaisseau tremblait, Je capitaine Christie est convaincu qu'il a passé sur le foyer d'une éruption sous-marine. — Le 9, l'Etna émet beaucoup de fumée. Le 26, pendant que le Vésuve est en éruption , l'Etna ne lance qu'un peu de fumée. Le 27, à l'entrée de la nuit, explosion formidable dans le grand cratère de l'Etna, non précédée des tonnerres souterrains ordi- naires, mais accompagnée d'un bruit sourd et métallique. Une immense colonne s'élance à une hauteur extraordinaire et pro- jette des fragments incandescents qui retombent en pluie lumi- neuse. On en évalua la hauteur à deux mille mètres; elle est suivie de la formation d'un immense nuage, lumineux par inter- valles et par places, qui s'étend sur tout le volcan. L'éruption dure de 8 h.*/2 à 9 h.'/a dans tout son éclat, et diminue ensuite pour disparaître complètement au point du jour. Le 28, de la fumée s'échappe encore du cratère. (M. Grassi.) Suivant le Moniteur du 20 décembre, les cendres de l'érup- tion du 27 auraient été portées jusqu'à Messine et à Reggio; l'éruption n'aurait aussi duré que deux heures, mais de G à 8 au lieu de 8 «/a à 9 '/a. — Nuit du 11 au 12 (du 50 au 51 oct. v. st.), minuit trois quarts, dans les mines de charbon de terre de Kokiné-Sai, à ( 110 ) 40 verstcs au sud de Khodjend (Turkestan russe), une secousse égale et assez sensible, du nord au sud, et de trois à quatre se- condes de durée. On l'a ressentie en même temps à Khodjend et Ura-Tubé. (M.Oslen-Sacken, d'après M. Favitzky.) — Le 42, 9 h. 50 m. du matin, à Ancône, une secousse ondu- latoire du nord au sud. A Urbino, 9 h. 42 m. du matin, une secousse. (Mme Scarpellini.) Le même jour, 1 h. du soir, à Locarno, à Bignasco, dans la ValleMaggia, à Donglio, à Bellinzona, à Lugano, une secousse d'ouest à nord-ouest (sic) , et de trois à quatre secondes de durée. (M. Laudy, d'après les Débats du 19 novembre.) Le 14, 4 h. du matin, à Ancône, une deuxième secousse un peu plus forte que celle du 42, mais du NO au SE. (Mme Scar- pellini.) — La nuit du 12 (sic), à Lahore, Peshawur, Dcra Ismaïl Khan et au fort Attock, une secousse très-forte. Le 44 , entre 2 et 5 h. du matin, à Suka, dans le voisinage de Kurrachee (Inde), une secousse. Huit mois auparavant, il y en avait eu une à Boola Khan's Stranda, village voisin de Kolrcc dans la même province. Le 47, vers 5 h. du matin, à Jubbulpore, une secousse; quoique pas très-forte, elle a duré une minute. Bruit souterrain. ( Times of India du 24 au 28 novembre et du 12 au 4 9 décembre.) — Le 43, de 9 à 10 h. du matin , secousses dans le bassin infé- rieur du Danube. A Also-Rakos (Transylvanie), 8 h.3/4 du matin, fort tremble- ment de l'ouest à l'est, et de trois à quatre minutes de durée. (MM. Boue et Osten-Sacken. ) A Bucharest, 9 h. du matin, fort tremblement de quelques secondes de durée. (M. Boue.) Le Siècle du 16 indique 6 h. du matin , d'après un télégramme. A Roustchouk, 9 h. 45 m. du matin, secousses très-régulières du nord au sud et de 24 secondes de durée. A Kustendjé, 9 h. 20 m. du matin et à Tultcha, 9 h. 50 m. du matin, elles ont duré dix secondes. (M. Hitler.) A Novossclitzy, 9 h. 25 m. du matin (temps moyen de S'-Pé- tersbourg), deux secousses assez fortes dans un intervalle de ( 111 ) quinze secondes; une troisième secousse légère, cinq secondes après. (Nouvelles météorologiques , t. II, p. 241; 1869.) A Koubey, colonie allemande près de la frontière, 9 h. 50m. du matin , trois secousses assez fortes. (Ibid.) A Kischinew, 9 h. 55 m. du matin, deux secousses de deux à trois secondes de durée. La première a été à peine remarquée; la deuxième a renversé des objets légers dans plusieurs maisons. (M. Osten-Sacken.) Les Nouvelles météorologiques , I. c, ajou- tent : « A cette occasion on se souvient que les tremblements de terre qui avaient eu lieu au mois de novembre sont regardés comme les précurseurs du commencement de l'hiver. Le même jour, 15 novembre , à 4 heures du soir, il est tombé de la neige. » A Kronstadt, 9 h.5/4 du matin, tremblement ressenti à Roust- ebouk, à Odessa , à la colonie Kuley (sic) et aux îles d'Ackermann. (MM. Boue et Osten-Sacken.) A Odessa, 9 h. 45 m. du matin, deux légères secousses. (Nouv. mêtéor., 1. c.) A Rougine, petite ville du district de Squira du gouvernement de Kiew, 10 h. du matin, une personne a cru entendre un bruit extraordinaire; elle a senti quelques secousses. Les phénomènes observés ont duré deux à trois secondes. Un prêtre du même endroit racontait que, à 10 h. du matin, les fenêtres de sa maison résonnaient et que la porte de la maison s'était ouverte d'elle- même. (Nouv. mêtéor., 1. c.) ' Le 27, 10 h.1^ du soir, à Bucharest, autre fort tremblement. (M. Boue.) Le même jour, 10 h. 55 m. du soir, à Roustchouk et à Kus- tendjé, une petite secousse du sud au nord , et de trente secondes de durée. (M. Ritter.) A Odessa, 11 h. 5 m. du soir, une secousse assez forte (Nouv. mêtéor., 1. c). M. Osten-Sacken m'indique 9 h. 35 m. du soir, d'après un journal russe. Aurait-on ressenti deux secousses? — Le 15, 10 h. 15 m. du soir, dans la partie de New-Jersey, voisine de New-York, trois légères secousses à de courts inter- valles. — Le 16, au Vésuve, violente éruption accompagnée de flammes. Les instruments de l'Observatoire sont très-agités. Le 17, M. Palmieri écrit au Journal de Naples: « Les laves, ( 112 ) après avoir parcouru tout le fosse delà Vetrana, se sont jetées dans le fosse de Pharaon et suivent toujours la même direction que celles de 1855; elles suivent un courant latéral qui menace San Giorgio-a-Cremona. Leur rapidité a un peu diminué, car, dans les premières vingt-quatre heures, elles ont parcouru 2 kilomètres; dans les douze heures suivantes, elles ont fait environ 200 mètres. Les bouches alignées sur le cône lui-même lancent des scories avec des bruits peu intenses. Dans les premières heures de la soirée, le cône supérieur a montré un feu majestueux, accom- pagné de cendres, mais ensuite il s'est calmé. » Le 18, on télégraphie de Naples : « L'éruption prend des pro- portions de plus en plus considérables. » Le 19, nouveau télégramme : « L'éruption augmente. La lave s'avance sur une largeur de 120 mètres, dévastant la région entre le Vésuve et la mer, et menaçant le cimetière de Portici. » Le 20, Yltalia, de Naples, s'exprime ainsi : « Le Vésuve offrait, cette nuit, un des plus merveilleux spectacles qu'ait pré- sentés jusqu'ici la longue éruption a laquelle nous assistons depuis un an. Les masses incandescentes s'élançaient en si grande quan- tité près du cône supérieur, que le nouveau cratère, qui s'est ouvert la semaine dernière, ne leur laissait pas un passage suffi- sant. La lave s'est frayé une nouvelle issue au pied du grand cône, à l'Atrio del Cavallo. Cette nuit, il s'en est échappé un torrent de lave qui a couvert entièrement l'espace situé entre l'Atrio del Cavallo et l'Observatoire. » Ce matin, le torrent de lave s'est encore avancé davantage. Jusqu'à présent, il ne coule que sur des laves anciennes. Au point du jour, des colonnes de fumée s'élevaient de tous les cratères anciens et nouveaux; une grande partie du ciel en était obscurcie. La colonne qui s'échappait du cône a rarement atteint une pareille élévation. » Le 22, on écrit de Naples: « Tous les cônes vomissent de grandes quantités de matières incandescentes au milieu d'un affreux vacarme souterrain. Le courant de lave a maintenant 120 mètres de largeur sur 10 ou 12 de profondeur. Il embrase une foret du Josso Vetrana. » (115 ) Le 24, M. Palmieri donne les renseignements suivants : « C'est à peine s'il est sorti du cratère quelque peu de lave et très-peu de fumée. La fente du cône est bien indiquée par une ligne de fumerolles. Quiconque aurait regardé le Vésuve, hier dans l'après- midi, l'aurait cru de neige. Ce manteau blanc était produit par d'abondantes eftlorescences de chlorure de sodium, qui, sous l'in- fluence des rayons solaires, apparaissaient sur les cendres tombées les jours précédents, lesquelles en étaient très-chargées. Les laves, qui se sont déposées sur les campagnes des Novelles, sont presque généralement iodurées et couvertes de nombreuses fumerolles sur lesquelles, entre autres sublimations, se montre déjà le sel ammo- niac. » — Le 40 encore, et à la fin du mois, dans l'île Hawaii, nou- velles secousses. — Le 17, à 3 h. 50 m. du soir, à Caracas, tremblement de l'est à l'ouest, ressenti en même temps à la Guayra. (M. Rojas.) — Le même jour, 4 h. du soir, à Cologne et sur plusieurs points du voisinage, une secousse. — Le 22, 4 h. l/% du matin, à Waterloo, près de Liverpool, une secousse, suivie de deux autres plus légères. Elles ont duré moins longtemps que celles qu'on y avait ressenties quelques semaines auparavant. Décembre. — Le 1er, dans la matinée, à Colima (Mexique), tremblement terrible. Depuis plusieurs jours, le volcan situé à 50 milles de la ville manifestait des symptômes d'une grande agi- tation intérieure, vomissant de la vapeur et de la fumée, accom- pagnées de secousses et de tremblements souterrains. Dans la matinée du 20, nouvelles secousses; légères d'abord, elles augmentèrent graduellement d intensité dans la direction du NE. au SE. (sic) et durèrent trente secondes dans leur plus grande violence. Le mouvement s'est étendu très-loin; la terre s'est entr'ouverte, des arbres ont été déracinés, des collines nivelées, des cours d'eau changés. On dit même que le sol a éprouvé un soulève- ment général. A Morelia, la cathédrale et des maisons ont été renversées ainsi qu'à Manzanillo. (M. W. Mallet.) ( 114 ) — Le 5 (le 21 nov., v. st.), 5 h. du malin, à Khodjend et dans les mines de charbon de terre de Kokiné-Sai, à 40 verstes de cette forteresse, une secousse accompagnée d'un bruit souterrain et de cinq secondes de durée. Minuit du 9 au 10 (du 27 au 28 nov., v. st.), à Khodjend et à Kludow, deux secousses du nord au sud et de quinze à vingt secondes de durée. (M. Osten-Sacken, d'après M. Favitzki.) Fin du mois, à Tiflis, tremblement. (M. Boue.) — Le G, 4 h. ta m. du matin, à Zengg (Croatie), une première secousse, la plus forte et de cinq secondes de durée; cinq minutes plus tard, deux secousses de deux secondes chacune; une demi- heure après, trois nouvelles secousses de trois secondes de durée, les deux premières avec bruit souterrain semblable à un tonnerre éloigné. Direction du SO. au NE. Les deux nuits suivantes, secousses nouvelles, mais plus faibles. (M. Boue, d'après le docteur Zindler, Zeits. oest. Ges. f. Meteor. 18G9, t. IV, p. 25.) Un peu après minuit, du 25 au 2G, à Kreskemet (Hongrie), tremblement assez fort. (M. Boue.) La même nuit, dans la plaine de Jazygie, de nouvelles et fortes secousses, accompagnées de bruits souterrains semblables au gron- dement du tonnerre. (M. Laudy.) — Le G, à l'Etna, réapparition de fumée et détonations. Le 7, dans la matinée, bruits sourds et quelques mugissements. Le soir, détonations à diverses reprises; l'éruption reste concen- trée dans le cratère. Le 8, vers 6 h. 3/4 du soir, détonations épouvantables, suivies d'une éruption pareille à celle du 27 novembre, mais cette fois avec émission de lave. Éclairs incessants et accompagnés de rou- lements, de détonations et d'explosions. La largeur du volume des flammes qui s'échappent du grand cratère en dépasse le diamètre à l'orifice; on peut en évaluer la hauteur de 900 à 1,000 mètres. Un déluge de pierres embrasées et de matières en fusion s'échappe en même temps du cratère et se précipite aussi sur les flancs du grand cône qui ne cesse de se remplir. La lave incan- descente s'y reforme à mesure qu'elle s'en écoule. Au-dessus des ( 115 ) coulées s'élèvent en tourbillonnant d'immenses nuages noirs et blanchâtres, sillonnés d'éclairs qu'accompagnent d'borribles ton- nerres. Ces nuées versent sur Giarre et Riposto une quantité de pierres ponces (de la grosseur d'une noix) , mêlées à beaucoup de sable. Pendant cette conflagration, plusieurs secousses ébranlent, non-seulement les hautes régions, mais encore les bases de l'Etna. Les plus violentes, à 8 h. 18 m. du soir, ont été fortement ressen- ties dans les villages de Pantalazzo, de S. Alfio, de S. Giovanni, de Zofferana Etnea et de Dogola. Le phénomène se maintint dans toute sa force jusqu'à 10 heures, décrut ensuite et cessa vers 11 heures du soir. Le 23, G h. */4 du matin, dans les hautes régions de la mon- tagne, une secousse dont les vibrations s'étendirent à Milo, à Zofferana Etnea, à Dogola, à Santa Venerina Dans le cours de la journée, grondements et détonations au volcan. Le 24, dans l'après-midi, dernières détonations. (M. Grassi.) A ces détails, donnés par un témoin oculaire, j'ajouterai l'ex- trait suivant d'un journal : « Le 8, 8 h. du soir, explosion avec projection de pierres; le paroxysme a duré dans toute sa violence jusqu'à 5 h. du matin le lendemain , lançant à une grande hau- teur de la lave qui a roulé dans toutes les directions et des flammes qu'on apercevait de Malte. » Le 9, l'éruption était moins active, mais, à Malte, on enten- dait encore les détonations, et la fumée indiquait. le cours de la lave. » (Galig. 3£ess. du 12 décembre.) — Du 7 au 1 3 , dans les villages voisins de Caracas , bruits séis- miques. Le 7, midi (à las 12 P. M.), dans le village de Valle, bruit séis- mique. Le 8, calme. Le 9, midi trois quarts, à Caracas, petit tremblement de l'est à l'ouest. Le même jour, midi 50 (à las 12 ,.50' P. M.), à Valle, une secousse avec bruit. Le 10, 11 h. du matin, deux nouveaux bruits comme ceux du canon. A 3 h. du soir, trois autres bruits semblables. Tous ces bruits viennent de l'est. ( no ) Le 43, 1 h. du matin, chute d'un aérolitc avec une grande déto- nation. (El Federalista du 15 décembre; commun, de M. Rojas. ) — Le 8, 10 h. 50 m. du matin, à Gibraltar, une violente secousse avec bruit souterrain. (Galig. Mess, du 21.) Je lis dans le Washington Intelligencer du 19 : « Gibraltar. Décembre 18 (sic). — Une violente secousse de tremblement de terre a été ressentie ici aujourd'hui (hère to day). » Est-ce une nouvelle secousse? C'est peu probable. — Le 8 encore, vers midi et demi, à Bayonne, une secousse. — Le 15, de 6 à 8 h. du matin, à Portland (Angleterre), oura- gan et ras de marée. — Le 23, à File Saint-Thomas , une violente secousse. — Le 50, 11 li. '/* du matin, dans plusieurs villages aux en- virons de Socorro (Colombie), tremblement violent, suivi d'une vingtaine de secousses jusqu'au 8 janvier suivant, époque à la- quelle elles n'avaient pas encore cessé, suivant une lettre écrite de Socorro, le 8 janvier 1869 , à un journal de Bogota. Les villages qui ont le plus souffert sont ceux de la Robada, deSimacota, de Barichara et de Cabrera; maisons renversées. Socorro n'a pas éprouvé de dégâts. (Sans dates de jour.) — D'après des nouvelles de Callao, en date du 2G, les tremblements de terre continuaient dans le sud du Pérou. — A Test de l'île de la Trinidad, vague séismique (a tidal wave) ou ras de marée. (Galignanï 's Messenger du 14 janvier 18G9, d'après des nouvelles de Saint-Thomas, en date du 3 décembre précédent.) (Sans date mensuelle.) — A Manille (Philippines), une secousse, mentionnée sans détails par le Washington Intelligent er du 22 janvier 1869. FIN. (/) NOTES SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE EN 1869, AVEC SUPPLÉMENTS POUR LES ANNÉES ANTÉRIEURES de 1843 a 1868; . . PAR M. Alexis PERREY, PROFESSEUR HONORAIRE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE DIJON. (Présenté à la classe des sciences le 14 octobre J871.) Tome XXII. G) NOTES MJIl LES TREMBLEMENTS DE TERRE EN 48G9, AVEC SUPPLÉMENTS POUR LES ANNÉES ANTÉRIEURES de 1843 à 1SOS. Jusqu'au jour néfaste de la déclaration de cette guerre maudite , qui a plongé la France dans un abîme de douleurs et de ruines au milieu desquelles elle gémit encore, j'avais pu poursuivre mes études séismiques avec le zèle et le calme que j'y mettais depuis plus d'un quart de siècle. A partir de ce moment, mes relations scientifiques ont été forcément interrompues, et ce n'est pas sans peine, on le conçoit , que , dans de pareilles circonstances, je par- viens lentement à les rétablir. J'ai l'honneur de m'adresscr de nouveau à l'Académie royale de Belgique. Je viens lui demander de me continuer la bienveil- lance qu'elle m'a tant de fois témoignée. Je fais appel à l'amitié si longtemps éprouvée de M. Quetelet et à l'intérêt toujours si gra- cieux de M. Duprez , en les priant d'agréer personnellement et de faire agréer à l'Académie la nouvelle expression de mon inalté- rable gratitude. J'adresse aussi mes vifs remerciments à M. Antoine d'Abbadic et à M. Cli. Sainte-Claire-Deville, membres de l'Institut de France; à M. le Dr Laudy, agent des sociétés météorologique et géologique de France; à M. Ch. Ritter, ingénieur français à Cônstantinoplc; à M. James D. Dana, de New-Haven; à Mmc Caterina Scarpellini, de Home; à 31. Mariano Grassi, d'Acireale; à MM. Ami Boue et C. Je- linek, de Vienne; à M. Rouaud y Paz Soldai! , de Lima , et à M. le (4) Dr Ar. Rojas, de Caracas, qui, tous, m'ont continué leur affectueux et actif concours. De plus , j'ai reçu : De M. le Dr Savatier, médecin de la marine française à Yoko- hama (Japon), une copie de son journal séismique de 18GG à sep- tembre 1870; De M. Jelinek, un mémoire de M. Moritz, directeur de l'Ob- servatoire de ïiflis, sur les tremblements de terre en 1808, et un autre de M. Kicler, attaché au même observatoire, sur les trem- blements de terre au Caucase dans la même année. M. N. de Khanikof a eu la bonté de me traduire le premier, écrit en russe; De M, Klein, les feuilles de sou journal Gaea , contenant la relation des secousses ressenties à Gross-Gcrau en octobre et novembre 180!); De M. de Ilochstctter, son troisième mémoire sur les marées anormales observées en Australie, du 14 au 19 août 1868, et un mémoire de M. Griesbach sur les tremblements de terre en 1807 et 1808; De M. deTschudi, son mémoire sur les tremblements de terre et les vagues séismiques de la côte occidentale de l'Amérique du Sud en août 1808 ; De M. Buijs-liallot, communication du relevé des tremblements de terre ressentis dans l'Archipel indien pendant l'année 1807. Ce relevé, dressé par M. Bergsma, ne mentionne aucun phé- nomène volcanique; les secousses signalées sont d'ailleurs peu nombreuses, surtout à Java et à Tcrnatc. Il me semble incomplet; De M. l'ingénieur G. Santulli, de 3Iontelcone, le journal des se- cousses ressenties dans cette ville du 28 novembre à la fin de 1809; De M. le professeur O. Silvestri, de Catane, ses mémoires sur les éruptions du Vésuve en 1805 et dans les années précédentes; De i\l. le Dr Conti, de Coscnza, son mémoire sur les tremble- ments de terre dans les Calabres, en 1870, avec supplément pour les années antérieures. Loricnt (Morbihan), 15 août 1871. cO PREMIER!: PARTIE. SUPPLEMENTS DE 1845 A 1868. é Les années 1843, 1847, 1848, 1850 à 1854 cl 18;i0 ne m'ont pas présenté de faits nouveaux à signaler. 1844. Février et mars. — A S1 -Pierre (Martinique), un ras de marée (Rufz de Lavison, Chronologie des maladies à S'-Pierre de 1857 à 4850. Archives de Méd. navale, t. XI, pp. 343-370. 1809). L'auteur signale encore dans sa notice quelques tremblements que j'ai déjà cités. Mars. — Le 19, éruption du volcan de la Réunion. La lave coulait encore les 9, 10 et 11 mai, et descendait dans le Pays- Brûlé, quand M. Iticr y fit une excursion (J. Hier, Journal d'un voyage en Chine, en 1 845-40, 1. 1, pp. 149-1 U7. Paris, 18i8, 3 vol. in-8°). Avril. — Le 12, M. J. Itier fit l'ascension du Gedeh (Java); le cratère, dans lequel il était impossible de descendre, dégageait des vapeurs d'eau et d'acide sulfhydrique qui avaient acquis une recrudescence extraordinaire. « Je me bornai, dit-il, à examiner, non sans risque d'être asphyxié, le bouillonnement du soufre fondu et les masses de boue noire se boursouflant au fond du cratère pour laisser exhaler des vapeurs d'eau et sans doute d'acide carbonique, » (L. c, p. 230.) Août. — Le 10, à Caracas, quatre secousses pendant un violent orage qui dura de 6 à 10 h. du soir. (M. ttojas. La Opinion natio- nal de Caracas, 20 de julio de 1870.) (6) Décembre. — Le 23, M. J. Hier a visite le volcan de Taal, au fond duquel s'élevaient deux petits cônes, vomissant d'épaisses vapeurs d'eau et de soufre; celui de l'Ouest renfermait une marc de soufre eu chullition. (Op. cit., t. II, pp. 14G et suiv.) 1845. Octobre. — Le 51, l'île de Gibbel Teer (Mer Rouge) était en ignition; M. Jules Hier vit de la fumée blanche s'élever du sommet. (Voy. cité, t. III , p. 531.) Décembre. — Le 16 et le 17, à la Guadeloupe, quelques se- cousses (Revue coloniale, 2e sér., t. XX, p. 23. 1858). J'en ai si- gnalé seulement pour le 17 à 2 h. du matin. 18i(5. Avril. — Le 9, à Paterno (Sicile), après'de fréquentes se- cousses, le cône argileux de la Salinella s'affaissa et donna naissance à une source minérale gazeuse qui disparut ensuite. (Silvestri, / Fenomeni vulcanici présentât! dalV Etna nel 1863-65, p. 257.) 1849. Décembre. — Dernière éruption du Puracé. Elle fut ter- rible. La cime, arrondie en forme de dôme ou d'une moitié d'orange, s'écroula. Le volcan vomit beaucoup de matières boueuses. On en envoya des échantillons à M. Ehrenberg, qui y trouva des restes de nombreux infusoires, dans un état de demi- fusion. On crut pouvoir en conclure que l'inondation n'était pas . due à la fonte des neiges, mais aux eaux renfermées dans les en- trailles de la montagne. Cette éruption dura une année entière, pendant laquelle il se reforma un cratère de plus de cent mètres de diamètre, d'où s'élevait constamment une énorme colonne d'épaisse fumée. Au bout d'un an , le volcan se calma et, depuis lors , jusqu'au 4 octobre 1809, il est resté dans un état de demi-activité, émet- tant des vapeurs tantôt fort intenses, tantôt moins abondantes, et produisant des détonations toujours plus fréquentes et plus fortes aux équinoxes (M. Rojas). 1855. Octobre. — Le 10, par Iat. 14° N. et long. 34° 0., le capi- taine Higgins, de la Maria, a rencontré un remous de courant (tide rip), un de ces remous qui ressemblent à la lutte de deux marées et qui n'ont pas encore été expliqués d'une manière satis- faisante, mais que les navigateurs signalent dans leurs journaux. Voici ce qu'en dit le capitaine Higgins : (7) « A 5 h. du soir, a paru un t'tde rlp; au contre, température de l'air 80° F. (26°6 C); température de l'eau, 81° F. (27°2 C). Il s'est écoulé à peine cinq minutes depuis le moment où il a été aperçu au vent, jusqu'à celui où il a été hors de vue sous le vent. Je n'ai pu évaluer sa vitesse à moins de 60 milles par heure, comme celle de certaines barres de l'Inde. Quoique nous en ayons traversé plusieurs pendant la nuit, nous n'avons pas trouvé qu'il nous aient dérangés de notre route. Cela vient peut-être de ce qu'ils passent si vite qu'ils ne peuvent prendre d'action sur le navire; cependant ils frappent violemment contre ses flancs et l'agitent en tous sens. On les ressentait même en bas et ils réveil- laient ceux qui étaient endormis. » (Revue colon., 2e sér., t. XVIII, p. 28-2.) Novembre. — Dans ce mois, les officiers de la Pandora ont visité l'île Blanche (White-Island), dans la baie de l'Abondance (Nouvelle-Zélande). « Cette île volcanique doit son nom aux va- peurs qui s'en dégagent continuellement et qui sont plus ou moins abondantes suivant Tétat de l'atmosphère. N'offrant aucun abri , elle a rarement été visitée. Le temps étant très-beau et la mer calme, le commandant nous autorisa à descendre à terre à l'extré- mité orientale et nous laissa le temps d'explorer le cratère, qui nous parut avoir un demi-mille de long sur un quart de mille de large. C'est un vaste gouffre situé au centre de l'île et environné de hautes murailles de rochers abruptes qui l'entourent de tous côtés, sauf dans un seul endroit, par lequel nous pûmes pénétrer dans ce vaste amphithéâtre de désolation et de convulsion. Le fond du cratère est spacieux et recouvert d'une espèce de sable sur lequel nous nous avançâmes avec les précautions nécessaires. Des vapeurs sulfureuses s'en échappent par d'innombrables évents et, dans plusieurs endroits, ce sol perfide et calciné s'est éboulé dans de profondes cavernes, contenant de l'eau et de la vase en ébullition, d'où s'échappent des jets de vapeur avec un bruit sem- blable à celui d'une machine à haute pression. Sur les bords , on trouve des cristaux de soufre de diverses formes, et quelques-uns des petits évents sont entourés de pyramides creuses de soufre. » (JVautical May., Junei856. p. 291.) (8) — Dans le printemps de cette année, pendant la croisière de YAlceste, le Koselkoï, un des grands volcans qui dominent la ville de Petropowlosk (baie d'Awatcha , au Kamtschatkn), lança une immense colonne de fumée qui couvrit toute la partie nord du ciel en s'élevant à plus de 1000 pieds au-dessus du pic. (Arch. de M éd. nav., t. II, p. 480; 1864.) Sans date mensuelle. — En 1855, éruption du volcan Koma- nartaki, sur la côte 0. de Voleano-Bay, au Japon. La dernière était de 1796. (Bull, de la Soc. de gèog., 5e série, t. XII, p. 272; 1866.) 1857. Avril. — Les 4, 7 et 29, à Caracas, trois tremblements. Ce sont les trois premiers d'une liste que je trouve dans un jour- nal de Caracas, la Opinion nacional, du 11 avril 1870. Cette liste, dressée pour le mois d'avril seulement, signale trente trem- blements à Caracas pour les treize années de 1857 à 1869. Il n'y en a pas eu en avril 1865, mais on en a noté un à Maracaïbo. Je l'ai signalé dans un de mes précédents relevés annuels. Je rap- porterai les autres à leurs dates. Je remarquerai pourtant ici que, de ces trente tremblements, dix-huit ont eu lieu aux syzygies et douze aux quadratures, « ce qui, ajoute l'auteur, s'accorde avec les observations de M. Perrey. » Enfin, l'auteur va jusqu'à en prédire un pour les syzygies du mois d'avril, du 12 au 18, ou du 27 avril au 5 mai 1870. Et, en effet, nous verrons plus loin qu'il y en a eu un le 16 à 8 h. 25 m. du soir. Décembre. — Le 5, 5 h. 58 m. du soir, à Kwischct, une forte secousse. (Bull, de l^Acad. de St-Pétersbourg, t. VIII, p. 584. Voyez plus loin au 9 décembre 1868.) 1858. Avril. — Le 16, à Caracas, quatrième tremblement de la liste commencée au 4 avril précédent. Novembre. — Le volcan de Ternatc lança continuellement des colonnes de fumée, avec des bruits souterrains qui répandirent l'alarme dans la population. Décembre. — Le 15, à Ternate, tremblement ressenti en mer à vingt-cinq lieues au N. d'Halmaheira et à neuf lieues à 10. de Ternate. Depuis, jusqu'en juillet 1862, les secousses et les bruits souterrains, compagnons des éruptions de volcan, se sont fait ( 9) sentir. (Le Dr Van Leent, Arch. de Mèd. «av., mars 1870, p. 165.) 1859. Avril. — Le 15, à Caracas, cinquième tremblement de la liste d'avril 1857. 1860. Janvier. — Nuit du 22 au 25, au volcan de la Réunion, la lave est sortie du cratère, sans secousse ni bruit, et s'est arrêtée quelques heures après. Le 25, dans la matinée, on entendit deux détonations, sans lueur ni projection de laves. Le 27, détonations pendant toute la journée. Le soir, la lave déborde du cratère et arrive à la base du cône central. Février. — Les 1er, 5 et 4, débordements de plus en plus faibles. Le 7, une ouverture se fait au sommet des Grandes-Pentes; la lave en sort avec abondance et arrive presque au niveau (mais non au bord) de la mer, le 8 vers midi. Du 7 au 40, le cratère brûlant lance des fils vitreux que le vent porte jusqu'à Saint-Pierre. Le 14, la lave s'arrête à un kilomètre au-dessus de la route et se refroidit. Le cratère ne fournit plus de laves; mais il s'en échappe toujours des lueurs très-vives. Le 17, une dernière coulée très-abondante s'ouvre une issue près de la précédente, au sommet des Grandes-Pentes, et arrive à leur pied.' Le 19, elle va s'afFaiblissant. Mars. — Le 2, elle s'arrête. Le 1 1 , une troisième coulée s'y fait encore jour et s'arrête le 17. Sauf la masse de lave encore rouge la nuit et qui se trouve amassée au pied des Grandes-Pentes, il n'existe plus au volcan aucune trace lumineuse des coulées pré- cédentes. (Maillard, Notes sur Vile de la Réunion, p. 107. Paris, 1862, ïnS°.y Le 18, l'éruption recommence avec une recrudescence remar- quable. Je l'ai décrite, d'après M. Hugoulin, dans mon relevé de 4862. M. Maillard termine son chapitre des phénomènes volcaniques par la liste des éruptions depuis 1753. Je ne rappellerai que les dernières, qui rentrent dans le cadre de mes relevés annuels. ( io ) Le volcan a vomi des laves, tous les ans, de 1843 à 1848 inclu- sivement; en 1844 elles sont arrivées à la mer, ainsi qu'en oc- tobre 1851 et en novembre 1858. Avril. — Le 19, à Caracas, sixième tremblement de la liste com- mencée en avril 1857. 1861. Avril. — Le 10 et le 30, à Caracas, septième et huitième tremblements de la même liste. 1862. Avril. — Les 16, 18, 20 et 25, à Caracas, quatre trem- blements (liste citée). J'en ai déjà signalé un pour le 18, 4 h. 2 m. du soir, à La G navra. Juillet. — Le volcan de Ternate vomit des torrents de boue. Aucun choc n'ébranlait le sol , mais une colonne de fumée sortait du cratère longtemps après la fin de cette émission intense. (Le D' Van Leent, Arch. de Méd. nav., mars 1870.) 1865. Janvier. — A l'île Sainte-Marie de Madagascar, deux tremblements dont on n'indique pas les jours, non plus que du suivant. Février. — A Pile Sainte-Marie de Madagascar, lin tremble- ment accompagné de détonations et de grondements souterrains. Les oscillations de ces divers tremblements avaient des directions variables et une durée ne dépassant pas cinq secondes. (Arch. de Méd. nav., t. XIV, p. 09.) A vril. — Le 2 et le 7, à Caracas, treizième et quatorzième trem- blements de la liste citée. 1864. Avril. — Le 21 et le 25, à Caracas, deux tremblements, les quinzième et seizième delà liste citée au 4 avril 1857. Novembre. — Le 25, 5 h. 20 m. du matin, à l'île Sainte-Marie de Madagascar, quatrième et dernier des tremblements notés en cinq ans, de 1863 à 1867. « Cependant, dit le docteur A. Borius, les tremblements y sont assez fréquents. Je trouve dans un rap- port que, dans l'espace de vingt ans, un traitant de Sainte-Marie avait pu en observer onze ou douze. Jamais ils n'ont produit un dommage appréciable; iis se sont toujours bornés à des oscilla- tions ne durant que quelques secondes. » (Arch. de Méd. nav., t. XIV, p. 99. Août 1870.) 1865. Février. — Du 1er au 10, aux environs du Monte Fru- ( 11 ) mcnto, jusqu'à la Fossaccia, aux Monti Arsi, etc., les secousses furent si fréquentes que les habitants dos villages voisins passè- rent les nuits hors des maisons. « Après cette première période, dit M. Silvestri, quand la quantité de lave qui sortait des cratères (de la crevasse du Monte Frumcnto) eut beaucoup diminué, de légères secousses verticales commencèrent à se faire sentir et se répétèrent à des intervalles de dix à douze heures; leur duréeétait encore dune dizaine de secondes. Puis elles n'ébranlèrent plus que le sol du cratère lorsque l'éruption fut terminée. » (L. c, p. 03.) Juin. — « Le 28, pendant que je mesurais le contour de ces cratères, continue M. Silvestri, je ressentis, durant toute la journée, des chocs secs qui communiquaient une oscillation de quelques secondes de durée à toute la masse de l'appareil éruptif. » (/>. c.) Juillet. — Nuit, du 18 au 11), dans les environs de Giarre (Si- cile), tremblement que j'ai déjà décrit et auquel j'ajouterai les renseignements suivants ; Le 19, à 5 7-2 li- du soir, à Frondo di Macchia , une troisième et dernière secousse très-violente. Nuit du 25 au 24, encore une forte secousse ressentie aussi à Piedimonte et à Linguaglossa. Le 25, quatre autres plus ou moins légères. Le 26, deux très-fortes secousses verticales. Le 28, deux autres semblables. Nuit du 54 au Ier suivant, à S. Veherina, deux fortes secousses. Août. — Le % à 2 h. du matin, à Fondo di Macchia, deux fortes secousses. Jusqu'au 8, oscillations ondulatoires à de courts inter- valles. Le 9, î h. et 6 h. du matin, deux secousses ressenties aussi fortement à S. Vencrina, à Mangano et à S. Leonardillo. 11 y en cul encore une troisième dont l'heure n'est pas indiquée. Le 10, à i h. du matin, puis à 5 et à 10 h. du soir, trois foi les secousses. Le 19j i */2 h. du soir, à Acircale, une forte ondulation avec ca- ractère légèrement vertical. Jusqu'au 23 elles se renouvelèrent encore fréquemment. (Sil- vestri, Op. cit., pp. 212-216.) (42) 1866. Mars. — Le 16, 8 h. 45 m. du matin, à Valparaiso (Chili), une secousse assez forte et prolongée. Le 48, 8 h. 50 m. du matin, à Santiago, une forte secousse de quelques secondes de durée. (Independiente de Santiago, 19 mars 4806.) Avril. — Les 5, 41, 15, 22, 25 et 28, à Caracas, six tremble- ments (liste citée). Je les ai déjà mentionnés. Octobre. — Le 11 , à Nice, trépidations du sol constatées par M. Prost, dont je reproduis le journal interrompu pendant quelque temps. Le 12 et le 15, mouvement moins fort; cessé le 14; recommencé le 17, assez faible, ainsi que les 18, 49 et 20. Les 21, 22 et 23, très-faible; cessé le 24 et le 25. Repris les 26, 27 et 28, très-faible; cessé le 29. Novembre. — Le 1er, à Nice, fortes trépidations; cessent le 2. Le 7, fort mouvement; cessé le 8. Le 14 et le 15, faible. Le 16, fort. Le 17, très-fort; cessé le 18. Le 19 et le 20, faible. Le 21, fort. Les 25, 2-4 et 25, très-fort; le 26, fort; cessé le 27. Décembre. — Le 6, à Nice, les trépidations reprennent forte- ment et cessent le 7. Le 10, elles reprennent moins fortement et cessent le 1 1. Du 22 au 27, mouvement fort; cessé le 28. {Comptes rendus.) — Le 18,1 h. 11 m du soir, à Yokohama (Japon), un tremblement. Le 51 , 9 h. 54 m. du matin et 12 h. 15 m. {sic) du soir, deux autres. (M. Savatier.) 1867. Janvier. — Le 2, 10 h. du soir, à Serrata (Açores), deux secousses dont je n'avais pas indiqué l'heure. — Le 10, 9 h. 55 m. du matin, à Yokohama (Japon), tremble- ment. (M. Savatier.) — Le 12, à Nice, les trépidations reprennent faiblement et ces- sent le lendemain. Le 27, nouvelles trépidations faibles et cessant le 28. — Le 18, à Tondano (Minahassa, Célèbes), tremblement léger. Le 51, 5 h. 50 m. du matin, à Atapoepoe (Timor), une secousse du NE. au SO. et de cinq secondes de durée. (13 ) Février. — Le 6, 5 h. 2G m. du matin, à Bengkoelcn (Côte 0. de Sumatra), trois violentes secousses verticales. Le 9, à Romoon, Amoerang et Tonsawang (Minahassa), tremble- ment léger. Le 10, àPonosakan (Minahassa), tremblement léger. Le 1 3, 1 h. du matin , à Atapoepoe (Timor) , une secousse du NE. au SO. et d'une seconde de durée. Le 20, dans tout le Minahassa (Célèbes), assez fort tremblement horizontal du N. au S. Le 21 , 10 h. 50 m. du soir, à Gorontalo et dans tout le Mina- hassa , tremblement léger. Le 2G, à Gorontalo , nouveau tremblement. — Le 13, à Nice, fortes trépidations qui cessent le 14. Mars. — Le 10, 4 h. 2 m. du soir, à Yokohama, tremblement. (M. Savatier.) — Du 19 au 25, à Nice, fort mouvement de trépidation. Le 2G, très-fort; cessé le 27 ; repris le 28, faible; le 29, fort et le 50, très- fort. (Tremblement à Naples.) — Le 22, 2 h. du soir, à Ajer Bangies (côte 0. de Sumatra), se- cousses horizontales de l'O. à TE. Le même jour, 5 h. 30 m. du soir, à Gorontalo (Célèbes), quel- ques secousses. Le 24, 11 h. 50 m. du matin, à Telog Betong, district de Lam- pongs (côte 0. de Sumatra), une légère secousse verticale de deux secondes de durée. Le 2G, 5 h. 5 m. du soir, à Banda, tremblement d'environ trente secondes de durée. A 5 h. 10 m., une secousse verticale de quatre secondes de durée. A 4 */2 h., nouveau tremblement, le plus vio- lent depuis 1852; il dura trente secondes dans la direction du SE. au NO. A 4 h. 40 m. du soir, encore une secousse. Le 50, 0 h. 55 m. et M h. 50 m. du matin, à Banda, deux se- cousses légères. Le même jour, 9 h. du soir, à Gorontalo (Célèbes), quelques se- cousses. — Le 51 , 11 Va h- du soir, aux Saintes (Guadeloupe), deux oscillations de TE. à l'O. séparées par quelques secondes d'inter- ( 14} valle. Baromètre, 765m,n; thermomètre, 24°7. Calme. (Le D1 Pestre, Arch. de Méd. nav., t. IX, p. 511.) Avril. — Le 1er et le 2, à Nice, mouvement très-fort de trépi- dation; le 5, fort; le 4 et le 5, faible; les 0, 8 et 9, très-forl ; les 10 et 11, faible; le 12, fort; le 45, très-fort; les 14, 15 et 1G, fort; le 17, faible; cessé le 18. Repris les 19 et 20, faible; les 21 et 22, fort; les 24, 25 et 26, faible; le 27, fort; le 28, très-fort; le 29, fort. Cessé le 50. (M. Prost.) — Les 1er, 10, 20, 22 et 25, à Caracas, cinq tremblements si- gnalés dans la liste du 4 avril 1857. Je n'ai encore mentionné que celui du 1er. — Le 10, 8 h. du matin, à Banda, deux secousses légères, et à 10 h. du soir une courte secousse horizontale. Le 17,9 h. 50 m. du matin, à Priaman (côte O. de Sumatra), una légère secousse de TE. à l'O. et de cinq secondes de durée. Le 18, 11 h. 45 m. du matin, à Banda, tremblement horizontal de quatre secondes de durée. Le 19, 5 h. du matin, dans la division de Tondano (Minahassa), trois secousses consécutives de l'O. à l'E. Le 22, vers 2 h. du matin, à Koepang (Timor), tremblement vertical, assez fort, mais très-court. Le même jour, 5 h. 50 m. du matin, à Amocrang (Minahassa), tremblement léger. Le 22 encore, 10 h. du soir, à Gorontalo, quelques secousses horizontales de l'E. à l'O. Le 29, 8 h. du matin, à Larentoeka (Timor), tremblement du SO. au NE. et de dix secondes de durée. Le même jour, 9 h. 50 m. du soir, à Banda , une secousse ver- ticale de dix secondes de durée. — Le 12, à l'île Niua-Fu ou Good Hope-Island (île de Bonne- Espérance, Pacifique), éruption sans grands dégâts. En 1855, il y en avait eu une plus violente qui avait détruit un village. C'est une île volcanique à peu près circulaire de 5 J/a milles du N. au S. et de 5 milles de l'E. à l'O., haute de 500. à 600 pieds. Lat. 15°54' S., long. 175°40'40" 0. de Gr. Le centre est occupé par un cratère (18) rempli d'eau saumâtrc , avce sources chaudes et traces d'activité volcanique visibles sur plusieurs points. (JVautical Mag., août 1868, p. 449.) Mai. — Le 2; à Nice, les trépidations reprennent, fort mouyc- vement, cessé le 5. Repris le 42 et le 13, fort; les 44, 4 5 et 40, très-fort; le 47, faible; cessé le 48. Les 49 et 20, faible; les 24 et 22, fort; du 25 au 26, faible; cessé le 27. — Le 4, 9 h. 55 m. du matin, à Banda, tremblement vertical de deux secondes seulement de durée. . Le 42, 4 h. 45 m. du matin, à Banda, tremblement horizontal. Le même jour, 6 h. du soir, à Tondano, Amoerang et Belang, tremblement léger. Le 45, 5 h. 25 m. du soir, à Banda, une secousse horizontale de dix secondes de durée. Le 4 6, 8 h. du soir, à Tondano, Amoerang et Belang, nouveau tremblement léger. Le 47, o h. du soir, à Gorontalo, tremblement horizontal. Le 20, 0 h. 50 m. du matin, à Banda, une secousse verticale de quatre secondes de durée. Le 24, 9 h. 50 m. du soir, à Amboine, tremblement assez fort, suivi, quatre minutes plus tard, d'une forte secousse verticale de trois secondes de durée. Le même jour, heure non indiquée, à Banda, tremblement si- gnalé par M. Bergsma dans le tableau final des secousses et non décrit dans le texte de son relevé. Le 26, 41 h. 40 m. du soir, à Banda, une secousse verticale de six secondes de durée. Le 50, midi un quart, à Padang et à Painan , tremblement ver- tical, de vingt secondes de durée. — Le 25, de 2 l/i h. à 5 h. [sic), à Serrata (Açores), cinquante-sept secousses. De ce jour au 4cr juin , le sol y fut dans un mouvement continuel. On les ressentit à Porto-Judea , Villa de San Sebastiao , Fonte-Bastardo , Caba daPraia et Praia.-A Serrata et à Raminho, les plus fortes eurent lieu le 54. (M. Griesbach.) Juin. — Le 5, 5 h. 50 m. du matin, aux îles Batœ (cote O. de Sumatra), violent tremblement horizontal de l'E. à 10. ( 16) Même jour et même heure, à Padang, une forte secousse horizon- tale de l'O. à l'E. Le 9, 11 h. 50 m. du matin, à Painan (Résidence de Padang), fort tremblement horizontal de l'O. à l'E. et de quarante secondes de durée. Le 10, vers 4 4/4 ou 4 */2 h. du matin , dans toute l'iie de Java , notamment dans les Régences de Préanger, tremblement désas- treux . A Batavia, vers 4 h. 10 m. du matin, tremblement léger qui cependant lit arrêter les horloges et crevassa le sol en plusieurs endroits. A Buitenzorg, vers 4 h. 15 m. du matin, tremblement. A Bantam et dans la Résidence, vers 4 h. du matin, quelques secousses. A Chéribon et dans la Résidence, vers 4 '/a n- du matin, trem- blement assez fort. A Tegal, vers 4 J/2 h. du matin, tremblement de l'E. à l'O; quelques dommages. A Bandjar-djawa (sucrerie), le mouvement du S. auN. dura deux minutes, toutes les horloges s'arrêtèrent, les lustres oscillèrent et s'écartèrent d'un pied delà verticale. Sur divers points de la résidence de Banjœmas, vers 4 */4 h. du matin , tremblement violent, Dans la résidence de Bagelen, vers 4 h. 50 m. du soir (sic : namid- dags, de l'après-midi), tremblement violent Je crois qu'il faut lire voormiddags, avant midi. Résidence de Kadœ; 4 h. 50 m. du matin, tremblement violent. Résidence de Djokjokarta, vers 4 h. 20 m. du matin, tremblement violent qui causa de grand désastres. La grande route postale entre Bandjing et Badigang est, en plusieurs endroits, coupée de crevasses qui ont plus de cinq pieds de profondeur. Le sol s'est effondré en beaucoup de places, par exemple dans la Sawa de Tjandie-Sewœ, d'où l'on a vu s'élever une colonne de fumée; dans d'autres, comme dans la Sawa de Tawaran, il s'est formé de larges et profondes crevasses; il y a eu aussi beaucoup de glis- sements de terrain. Des sources ont disparu et il s'en est formé de nouvelles. ( 17 ) Dans la résidence de Sœrakarta, vers 4 h. du matin, le trem- blement ne paraît pas avoir été moins violent; on en a évalué diversement la durée, de quarante secondes à trois minutes. Dégâts considérables. A Sœrakarta, tous les bâtiments publics et parti- culiers sont détruits ou fortement lézardés. On ne cite pourtant pas de morts. Dans la régence de Kartasœra, grands dégâts. Trois cheminées renversées dans la sucrerie de Wonosari; ponts ruinés, crevasses dans le sol, avec projection de boue mêlée de sable noir. Dans la régence de Bojolali, dommages plus grands encore. Éboulement considérable au mont Merapi. Dans la régence d'Ampel, effets semblables, notamment à Sœka- bœmi et à Larang-Gedeh, où une eau saumâtre a jailli des crevasses du sol en bouillonnant. Le tremblement y a été accompagné d'un bruit souterrain pendant toute la durée du mouvement. Dans la régence de Klatten, dégâts pareils. En plusieurs endroits, notamment près de Djcojà, crevasses du sol, d'où il s'échappe une eau saumâtre avec odeur sulfureuse; dans certains endroits, de la lave a coulé, lava is gestroomd! Dans la régence de Stragen, dégâts du même genre, plus mar- qués dans le district de Larangan. Peu de temps après le trem- blement, de l'eau et de la lave sont sorties des crevasses du sol. Vers 7 h. du matin, nouvelles, mais légères secousses dans ce district, ainsi que dans la «sous-régence de Karang-Padan, qui a aussi beaucoup souffert. Dans la sous-régence de Wonogiri, effets semblables; en plu- sieurs endroits, des crevasses du sol ont vomi de l'eau chaude et de la lave. Éboulement de la montagne de Gading près de Slapœkan. Enfin, dans la sous-régence de Malang-djiwan, quoique violent, le tremblement n'a pas causé de graves dégâts. Dans la résidence de Samarang, vers 4 h. 50 m. du matin, deux secousses violentes, surtout la seconde, qu'ont ressentie les vais- seaux en rade. A Japara, vers 4 h. 30 m. du matin, deux assez fortes secousses de l'E. à l'O. Murs renversés, notamment à Joana et à Kœdœs. Tome XXII. 2 (18) A Rembang, même heure à peu près, tremblement signalé, sans détails. A Madiœn, 4 h. 30 m. du matin , tremblement assez fort, res- senti dans toute la résidence. A Kedirie et dans toute la résidence, même heure indiquée, tremblement violent. A Sœrabaia, 4 h. 55 m. du matin, asssez fortes secousses hori- zontales du N. au S. et d'environ trente secondes de durée. Chemi- nées et murs renversés. Dans la résidence de Pasœrcean, vers 4 */2 h. du matin , quel- ques secousses dont on ne signale pas les effets. Dans la résidence de Probolingo, 4 h. 50 m. du matin, plu- sieurs secousses assez fortes du S. au N. pendant deux minutes. Dans la résidence de Banjrewangie, vers 4 h. 40 m. du matin, quelques violentes secousses du N. au S. A Pamakasan, à Sœmcnap, à Sampang et dans la division de Madœra (régence de ce nom), 4 h. 50 m. du matin, tremblement du SE. au SO. (sic) et de trente secondes de durée. Le 12, 8 h. 50 m. du soir, aux îles Batœ, assez fort tremblement horizontal de l'E. à l'O. Le 20, 8 h. du soir, à Gorontalo (Célèbes), tremblement. — Les 8, 9 et 40, à Nice, reprise de faibles trépidations qui cessent le 11, reprennent fortement le 17 et cessent le 18. (M. Prost.) • — Le 23, vers 4 h. du matin, et le 25, 2 h. 5 m. du soir, à Yokohama (Japon), deux tremblements. (M. Savatier.) Juillet. — Le 2, à San Salvador, nouvelles secousses moins fortes que celles du 30 juin précédent. (M. Griesbach.) — Le 5, vers 11 h. du soir, à Padang, Siboga et Ajer Banjies (côte 0. de Sumatra), tremblement assez violent. Dans le même temps, à Pœlœ Tello (îles Batœ), mouvement vertical pendant une minute à peu près; bruit souterrain avant le tremblement. Le même soir, heure non indiquée, à Padang, assez fort trem- blement du SE. au NO. A Padang-Sidempœan, même soir, une légère secousse du SE. au NO. ( 19 ) A Penjabœngan, même soir encore, léger tremblement du SE. au NO. Enfin, dans la même soirée, à Natal, résidence de Tanapœlie (même île), tremblement assez fort et aussi du SE. au NO. Le 8, 5 h. du matin, à Sœmenap (île Madœra), tremblement faible. Le 14, à Grobogan (résidence de Samarang, île de Java), une faible secousse du SO.au NE. et d'une seconde seulement de durée. Le 15, 7 h. du matin, à Pœlœ Tcllo (îles Batœ), deux légères secousses horizontales de l'E. à l'O. Le 20, dans la soirée, à Banda, tremblement vertieal de quatre secondes de durée. Le 26, 7 h. du soir, à iWenado (Célèbes), tremblement léger. Le même jour, 8 h. du soir, à Gorontalo (même île), quelques légères secousses. — Le 8, à Nice, faible mouvement de trépidation; le 9, fort; cessé le 10. Repris le 4 4, fort; le 12, très-fort; le 4 5, fort; cessé le 44 et. repris le 16, faible. — A cette époque, M. Prost quitte Nice et ne reprend ses observations qu'à la fin de septembre. — Le 12, dans la nuit (sic), à Yokohama, tremblement. (M. Sa- vatier.) — Le 29, aux Saintes, très-fort ras de marée que le Dr Pestre considère comme dû à un violent coup de vent qui, le même jour, a ravagé l'île de Saint-Martin à GO lieues N. de la Guadeloupe. (L. c.) Août. — Le 2, à Poerworedjo, résidence de Bagelen, deux lé- gères secousses. Le 9, 5 h. du soir, à Probolingo, quelques légères secousses, du S. au N. Le même jour, 7 h. 55 m. du soir, à Scemedang (Java, régence de Preanger), deux secousses assez violentes du S. au N. Le mou- vement a duré près d'une minute. Le 9 encore, 8 h. 40 m. du soir, dans^outc la régence de Tegal, léger tremblement du SO. au NE. Le 40, à Poerworedjo, deux nouvelles secousses légères. M. Bergsma ne mentionne pas de secousses dans les autres parties (20) de l'archipel indien. Il ne rapporte aucun fait pour les mois de septembre et d'octobre. Je ne comprends pas la cause de ces la- cunes regrettables. — Nuit du 13 (sic), à l'île d'Iscbia et dans les environs deNaples, tremblement assez fort. (M. Gricsbach.) — Le 27, 4 h. 50 m. du soir, à Yokohama (Japon), tremblement. (M. Savatier.) Septembre. — Le 7, dans la matinée, à Rio Piedras (Porto-Rico), tremblement de courte durée (Boletin mercantil de Puerto-Rico, 9 septembre). — Le 11, 1 h. et quelques minutes du matin, à Rossano (Calabre citérieure), une forte secousse; quelques autres dans la nuit. Le 15, 11 h. du matin, à Cosenza, une secousse ondulatoire, légère d'abord , puis forte et de quelques secondes de durée. Le 20, 4 h. 50 m. du matin , à Cosenza, autre secousse oudula- toire de courte durée (M. le Dr Conti, d'après M. le chanoine Sca- glione). — Le 28, à Nice, fort mouvement de trépidation ; le 29 et le 7)0, mouvement très-fort. — Dans le commencement du mois, au mont Gambier (sud de l'Australie), fortes détonations et légères secousses. Une odeur sulfureuse provenant du cratère faisait craindre une éruption. (M. Griesbach.) Octobre. — Les 1er, 2 et 3, à Nice, trépidations, mouvement fort. Les 4, 5 et 6, faible; le 7 et le 8, fort; le 9 faible; cesse le 10. Le 11, au matin, mouvement très-fort; cesse le soir. Le 12, fort; le 15, faible; le 14, très-fort; le 15, fort; les 16, 17 et 18, faible; le 19, fort. Du 20 au 25, très-fort; du 24 au 26, faible; cessé du 27 au 29. Le 50 et le 51, fort. Novembre. — Le 1er, à Nice, très-fort mouvement de trépida- lion; le 2, faible; le 5, très-fort; le 4, faible; le 5, fort; le G, faible; cessé du 7 au 15. Le 14, faible; le 15 et le 16, fort; le 17 et le 18, très-fort; cessé du 19 au 24. Repris le 25 et le 26, fort; le 27 et le 28, faible; cessé les 29 et 50. — Le 5, 9 h. 20 m. du matin, à Ternate, fort tremblement du SO. au NE. et de dix à douze secondes de durée; de vieilles crevasses ( 21 ) recrépies ont reparu. Il a été aussi fort dans l'île de Tidore, mais il paraît avoir été moindre dans celle d'Halmaheira ou de Gilolo. A 9 h. du soir, à Ternate, encore plusieurs, mais légères se- cousses. Le 5, 11 h. 20 m. du soir, à Padang, assez fort tremblement vertical de dix secondes de durée, suivi, quatorze minutes après, de légères et courtes secousses du SE. au NO. Le 7, midi 48 m., à Ternate, léger tremblement de deux secondes de durée. Cette date et celle du 5 sont les seules signalées pour cette île, où les secousses ont été certainement plus fréquentes. Le relevé de M. Bergsma ne dit pas un seul mot du volcan. Celui de M. de Lange, pour 1866, reproduit dans les suppléments à mon catalogue de 4868, était muet sur cette île; il y a évidemment des lacunes dans les documents publiés par la Société d'histoire natu- relle de Batavia. — Le 18 , 4 h. du soir, aux Saintes (Guadeloupe), une secousse assez faible qui a précédé de quelques instants l'inondation. La mer baissa tout à coup; jamais on n'avait observé un niveau aussi bas; des roches couvertes de deux mètres d'eau en temps ordi- naire, apparurent à sec; quelques minutes après, sans qu'on en- tendît aucun bruit, sans que l'on observât aucune ride à la surface de la mer, une masse d'eau considérable se précipita sur la plage, enlevant tout ce quelle rencontrait sur son passage. En moins de cinq minutes, la mer s'éloignait et présentait un retrait peut-être plus considérable que le précédent. Trois fois ce phénomène se reproduisit en augmentant d'intensité. A 5 heures, la mer était rentrée dans son lit, présentant un abaissement égal à celui qu'on remarque dans les plus grandes marées. La mer s'est élevée à lm88 au-dessus de son niveau normal. Le baromètre n'a pas varié, il est resté fixe à 765n,m; le thermomètre marquait 30°2, l'ozonomètre 9. La journée avait été fort belle, mais très-chaude; calme plat; courants très-forts vers PO. C'est le contre-coup du tremblement de Saint-Thomas. Le 23, 2 h. 10 m. du matin, une secousse beaucoup plus forte, mais très -courte, suivie de deux ondulations successives de PE. à PO. (Le Dr Pcstrc, Le.) ( 22) — Le 23, 8 h. du s., dans la région de Soborsin (Hongrie), trem- blement qui dura plusieurs secondes. (M. Griesbaeh.) Décembre. — Le 5, à Nice, reprise des trépidations, mouvement faible; le 4 et le 5, fort; les 6,7 et 8, faible; cessé du 9 au 14. Repris le tS et 1(>, faible; les 17, 18 et 19, fort; les 20 et 21 , faible; le 22, fort; le 25 et le 24, très-fort. Cessé jusqu'au 2 jan- vier suivant. — Le G, 6 h. 17 m. du soir, et le 29, 7 h. 20 m. du matin, à Yokohama (Japon), deux tremblements. (M. Savatier.) -- Le 8, midi 8 m., à Raufcôte 0. de Sumatra), court; mais fort tremblement du S. au N. Le même jour, 9 h. 50 m. du soir, à Manondjaja (régence de Sœkapœra, Java), une assez forte secousse de l'E. à 10. Le 20, 10 h. 50 m. du matin, à Amboine, tremblement horizontal de quelques secondes de durée. C'est, avec celui du 21 mai, le seul qu'on y signale. Le 25 , heure non indiquée, à Kota-Nopan, Penjabœngan et Pa- dang Sidempœan (côte 0. de Sumatra), assez fort tremblement de l'E. à TO. et de trois secondes de durée. Le même jour, à Talœ (même résidence), tremblement ondu- latoire de six à sept secondes de durée. Le 29, 5 h. 1 5 m. du soir, à Siboga (même résidence), une courte, mais assez violente secousse, ressentie aussi à Natal, où l'on a noté la direction du S. au N., et à Baros. — Le 18, à Shangaï, une secousse qui, plus violente dans le N. de Formose, causa des ruines dans les ports de Tamsui et de Ti- long. Près de ce dernier, une forte colonne sortit de la mer, qui fut très-agitée. (Griesbaeh.) — Le 29, 8 h. 45 m. du soir, aux Saintes (Guadeloupe), une nouvelle secousse composée de trois oscillations , encore de l'E. à l'O. Baromètre, 765mm; thermomètre, 2(>°4. Outre les diverses secousses signalées par le Dr Pestre (/. c), il y en a eu plusieurs autres plus faibles dans l'année. — D'après des nouvelles de New-York, en date du 1 2, il y aurait eu des secousses dans le Honduras et le Venezuela. (Griesbaeh.) J'ai déjà cité ces nouvelles pour le Guatemala et le Venezuela. (25 ) 1868. Janvier. — Le 5, à Nice, trépidations du sol, mouvement très- fort; le 4, fort; cessé le 5 et le 6; le 7, très- fort; le 8, nul ; le 9, fort; et le 10, faible. Du 11 au 18, pas de mouvement. Le 19 et le 20, faible; le 21, fort; le 22, faible; et le 23, fort. Du 24 au 28, rien. Le 29 et le 50, très-fort; le 31, fort. — Le 4, 6 h. 30 m. du matin, à Cosenza, une secousse ondula- toire, précédée d'un fort rombo (bruit), après une pluie dilu- vienne. Le 5, M h. 15' m. (sic), autre secousse ondulatoire, précédée d'un fort vent, mais de courte durée, et suivie, dit- on, d'une deuxième secousse. Le 21, 6 h. du matin, encore une secousse ondulatoire, légère et accompagnée d'un fort rombo dans l'air. (M. Conti, d'après M. Scaglione.) — Le 7, entre 7 et 8 h. du soir, à Randers (Tyrol), tremble- ment qui renversa un enfant de son berceau. Le 11, 9 h. 50 m. du matin, à Rohricht, Kirchscblag, Gasau, Hell- monsœdt, Davidschlag et Ober-Neukirclien, dans le Mûblviertel (Autriche), tremblement avec bruit pareil au tonnerre. Toutes ces localités se trouvent à 2 ou 5 mille pieds d'altitude. (Griesbach.) — Le 7 encore, à la Jamaïque, plusieurs secousses. — Le même jour, à la Conception (Chili), secousses mention- nées sans détails par M. Griesbach. — Le 11, I h. 15 m. du matin , à Yokohama (Japon), tremble- ment. (M. Savatier.) — Le 15, 11 h. du soir, à Zurnabad (Caucasie), deux courtes secousses sans bruit (M. Kiefer). M. Moritz y indique trois se- cousses du NO. au SE., à 10 h. 5 m. du soir, comme à l'usine de Sagline. J'ai rapporté celles-ci dans mon dernier relevé. Le 16, 8 h. du soir, à Zurnabad, une courte secousse. Le 18, 8 h. du soir, une secousse de courte durée, précédée d'un bruit court (M. Kiefer). M. Moritz indique 8 h. 20 m. du soir et la direction du NO. au SE. comme à Sagline. — Le 15 encore, à Formose, tremblement terrible qui a duré vingt-cinq minutes! (M. Moritz.) Février. — Le 1er, à Nice, trépidations, mouvement très-fort; ( 24 ) le 2 et le 5, fort; le 4, très-fort; le 5, faible; le 6, très-fort. Du 7 au 9 et du 11 au 14, fort; rien le 10. Observations interrompues dans la seconde moitié du mois. — Le 8, 8 h. 5 m. du matin, en Carniole, une nouvelle secousse. (M. Moritz.) Dans mon dernier relevé, je l'ai portée au 7, 8 h. 5 m. du soir, d'après M. Boue. — Nuit du 44 au 15, à Céphalonie, encore un fort tremblement. (Griesbacb.) — Le 18, 8 h. 59 m. 21 s. du soir, à Tiflis, premier tremble- ment de moyenne intensité, du NNE. au SSO. et d'une minute en- tière de durée, avec bruits souterrains et craquements, qui, sans être interrompus, augmentèrent et diminuèrent trois fois de force. La nuit suivante et dans la matinée du 19, cinq ou six secousses nouvelles, mais très-faibles. Le 19, 5 h. 45 m. 55 s. du soir, puisa 11 h. 27 m. 20 s., deux dernières et faibles secousses. Le 18 encore, 8 h. 40 m. du soir, à Manglis, trois secousses dans l'espace d'une minute. Le même jour, 9 h. du soir, à Zurnabad, une secousse de l'E. à PO. A Rwirilsk et dans d'autres endroits du cercle de Schoropan, secousses presque quotidiennes et souvent plusieurs fois par jour à la même époque. Voici les principales : Le 18, 8 h. 50 m. du soir, première secousse, très-forte et de cinq à six secondes de durée. Le 19, 2 h. du matin, une secousse aussi forte, mais moins longue. Dans la soirée, deux secousses très-faibles. Le 20, de 7 à 10 h. du soir, quatre secousses. Le 21, 2 b. du matin, tremblement assez fort. Le 22, 4 h. du soir, tremblement semblable. Le 25, 5 h. du matin, une secousse assez forte; puis, entre 5 et 9 h. du soir, deux dernières secousses très-faibles. A Acbalkalaki, forteresse située entre Acbalzich et Alcxandropol, le tremblement a commencé le 18, à 8 '/i h- du soir, par une forte secousse qui, pendant sept jours et même plus, s'est renouvelée périodiquement toutes les quatre heures,h 4 h., 8 h. du matin, midi, ( 2S ) 4 li., 8 h. du soir et minuit; celles de midi et de minuit étaient plus i';ii!>les. Mais entre ces secousses, ressenties dans tout le cercle d'Achalkalaki, le sol était rarement en repos. Chaque forte se- cousse était d'ailleurs accompagnée de faibles oscillations, quel- quefois à peine sensibles. Les cinq premiers jours, la direction des secousses était du S. au N.; le sixième et le septième, elle était du N. au S. Les secousses ont été plus fortes par un violent vent du SE. et un ciel brumeux, que par le vent du NO. et un ciel serein. Une partie des anciennes murailles du fort et quelques maisons seulement ont été lézardées. Il est rare que les tremblements de terre causent des dégâts dans le pays. Dans mon dernier relevé, j'ai décrit les secousses ressenties à Alcxandropol. En voici les heures telles que le journal le Caucase les a rectifiées : Le 18, 8 h. du soir, forte secousse avec bruit et craquement comme ceux d'une construction en bois qui s'écroulerait. Direction du S, au N. ou du N. au S. La secousse s'est répétée deux fois en- core. Le 19,3 h. du matin, 3 »/4 h., 3 % h., 7 */4h., 1 1 »/s h. et il »/a h. du soir, secousses légères. Le 21 , 6 h. 40 m. du matin, une courte secousse. Le 22, 5 72 h. du soir, une secousse semblable. Le 23, 4 h. du matin et 7 */4 h. du soir, deux longues secousses. A 10 llz h. du soir, une courte secousse. Le 25, 5 3/4 h. du soir, une courte et dernière secousse. Toutes ces secousses ont eu la même direction , du S. au N. A Tschatach, mines de fer situées par 41°20' delat. et62°10' de long, près des sources de la Bolnis, dans les montagnes de Som- keti, à 45 verstes en ligne droite de Tiflis, secousses fréquentes dont les principales ont eu lieu : Le 18, à 8 !/s h. du soir. Le 49 , à 2 74 h- et 2 3/4 h. du matin, puis à 3 •/« h., 3 3/4 h., (î 3/4h. et 7 f/a h. du soir. Deux autres encore entre 11 li. et mi- nuit. Le 22 , à 3 5/4 h. du soir. On ne mentionne pas le 20, ni le 21 , ni le 25. (26) Le 24, à 4 h. et à 4 */* »• du matin, deux secousses, la dernière simple oscillation. A Kars (forteresse turque), dans la nuit du 18 au 19, de 5 */2 n- à 4 h. à la turque (le 18, entre 9 h. 10 m et 9 h. 40 m. du soir, à peu près), deux secousses, la première assez forte, la seconde plus faible. A Ardagan (Turquie d'Asie), dans la nuit du 19 au 20, 5 h. de la nuit à la turque, c'est-à-dire, le 19, vers 8 5/4 h. du soir, une forte secousse qui a lézardé des maisons et jeté l'épouvante dans la population. Le 22, 5 h. 27 m. 50 s. du soir, à Tiflis, tremblement que j'ai déjà signalé. IJ fut accompagné d'un bruit souterrain et composé de trois secousses du NO. au SE. et d'environ treize secondes de durée; les deux premières furent assez fortes et la troisième faible. Le 22 encore, 4 h. 45 m. du soir, une secousse très-légère. Le 25, 2 b. 10 m. du soir, à Erzeroum, une assez forte secousse, de cinq à six secondes de durée. « Le tremblement du 18 février, ajoute M. Riefcr, auquel j'em- prunte ces détails, n'a pas été remarqué à Schemacha, mais il a été léger à Gori, ainsi qu'à Surarn (dans une auberge, Duchan, seule- ment), à Borscliom sur la rive gauebe du Kura, et à Azcbur. Il a été assez fort à Achalzicb. Dans les stations de poste situées sur cette ligne, on ne s'est aperçu de rien jusqu'à Azcbur. A Borschom, on n'a pas remarqué la moindre secousse sur la rive droite du Kura, tandis que sur la rive gauebe on était épouvanté. Les sources de Borschom ont éprouvé, pendant et après le tremble- ment, un changement. » M. Kiefer n'en indique pas la nature. Ce tremblement a été très-fort sur le lac Toporawan. Mais à Erivan, à Schemacha et plus loin à Test, on n'a rien remarqué. H a donc été beaucoup moins étendu que celui du 18 mars suivant. (M. Kiefer.) Voici le résumé que M. Moritz donne de ce tremblement : Le 18, 8 h. 39 m. 21 s. du soir, à Tiflis, Zurnabad, Telaf , Scho- ropan, Ardagan et Kars, tremblement du NNE. au SSO. et d une minute de durée. ( 27 ) Nuit du 48 au 19, aux mêmes lieux, nouvelles secousses. Le 19, 5 h. 43 m. 53 s. et 1 1 h. 27 m. 20 s. du soir, à Tiflis , Tscliatach, Alexaudropol, Ardagan et Kwirilsk, nouveau tremble- ment. Le 20, 7 h. 10 m. du matin, à Kwirilsk, quatre secousses res- senties aussi à Achalkalaki. Le 21,2 h. du matin, à Kwirilsk; 6 h. 40 m. du matin, à Alexandropol et Achalkalaki , nouvelles secousses. Le 22, 3 h. 27 m. 50 s. du soir, à Tiflis, Tscliatach , Alexan- dropol et Achalkalaki, trois secousses du NO. au SE. A Telaf et Kwirilsk, 4 h. 49 m. du soir, autre secousse. Le 23 , 4 h. du matin , à Alexandropol et Achalkalaki; 5 h. du malin, à Kwirilsk; 7 h. 15 m. du soir, à Alexandropol et Achalka- laki, secousses qui se renouvelèrent à 10 '/2 »• Le 24, 4 h. et 4 h. 15 m. du matin, à Tchatach et Achalkalaki, nouvelles secousses. Le 25, 5 h. 45 m. du soir, à Alexandropol et Achalkalaki, der- nier tremblement signalé par M. Moritz. Le même jour, 4 h. du matin, aux mêmes lieux, trois secousses du NO. au SE. avec bruit. (M. N. de Khanikof.) — Nuit du 19 au 20, à Malte, une légère secousse. (Griesbach.) Mars. — Le 1er, à Augusta (Maine, U. S.), légères secousses de quelques secondes de durée. — Du 1er au 7, à Nice, fortes trépidations, surtout le 3 (cristaux en mouvement). Les 8, 10, 13, 14, 15 et 16, faibles Pas de mou- vement les 9, M , 12, 17 et 18; il ne reprend que le 19 au soir, fort; le 20, très-fort; le 21, fort; le 22, faible; le 23 et le 24, fort ; le 25, très-fort; le 26, faible; le 27, très-faible; les 28 ct29, fort ; le 30, très-fort et le 31, faible. — Le 18, 3 */a h. du soir, à Valona (Albanie), tremblement fort, mais de courte durée. (Jelinek.) — Le 18 encore, à 5 h. et quelques minutes du soir, dans le Cau- case, tremblement plus étendu que celui du 18 février précédent, dont l'action se manifesta principalement dans les cercles d'Achal- zich et d'Alexandropol, avec extension à Tiflis, Telaf et Surnabad, Celui-ci, au contraire, a eu son centre de plus grande énergie (28) dans la moitié orientale de la Transcaucasie, à Schuseha, à Sur- nabad, à Schemaka avec extension jusqu'à Tiflis et à Delischan. On n'a rien remarqué dans les Gouvernements d'Erivan et d'Alexan- dropol. En voici les détails empruntés au relevé de M. l'ingénieur II. Kiefer. A Tiflis, 5 1). 8 m. 58 s. du soir, une secousse de cinq secondes de durée, avec bruit. On remarqua qu'elle fut plus intense sur la rive droite du Kura que sur la rive gauche, et que la plus grande force vint du côté de l'angle SO.de la ville en se propageant au NE., en sorte qu'on put constater que la direction était plutôt de l'O. à l'E. que du N. au S. La grandeur de l'oscillation d'un pendule, de sept pieds russes ou anglais de longueur, fut d'une demi -ligne; cependant le mouvement ne fut pas ondulatoire, mais saccadé ou par soubresauts, c'est-à-dire que ce fut plutôt un choc vertical qu'un mouvement horizontal. A Delischan, 5 h. 4 m. du soir, tremblement de 15 secondes au plus de durée, mais non continu. Il fut faible pendant les cinq premières secondes, suivies de trois secondes de repos, après le- quel il reprit plus fortement pendant quatre secondes, suivies en- core de trois autres secondes de calme. A ce nouveau repos, suc- céda une violente secousse qui dura six secondes et ébranla tous les bâtiments, où tous les objets furent mis en mouvement. Direc- tion du S. au N. A Sakatali, 5 h. du soir, trois secousses consécutives dans l'es- pace de quinze secondes. La deuxième fut la plus forte et accom- pagnée d'un bruit souterrain. Direction du NE. au SO. A Schuseha, 5 h. 5 m. du soir, deux secousses à un intervalle d'une minute et demie l'une de l'autre. La première fut accompa- gnée d'un bruit pareil au tonnerre. Un poêle fut renversé et plu- sieurs maisons légèrement lézardées. A Sardob, G h. du soir, une forte secousse avec bruit sourd sou- terrain; elle dura deux minutes! Elle fut suivie, trois minutes après, d'un mouvement à peine sensible et sans bruit. Les mai- sons furent tellement ébranlées que les habitants en sortirent épouvantés. A Telaf, 4 h. 48 m. du soir, tremblement assez fort de l'E. à l'O. ( 5») et d'environ quatre secondes de durée. Il commença par trois chocs , suivis d'oscillations. Pas de bruit ni de dégâts. A Zarski-Kolodzy, heure non indiquée, tremblement qui dura environ deux minutes {sic). A Schemacha, 5 74 n- du soir, trois secousses avec bruit sou- terrain, la première légère, la deuxième plus forte et la troisième un peu plus faible que la seconde. Tout le monde s'enfuit des mai- sons et n'y rentra qu'une heure après. A Surnabad, S h. du soir, fort tremblement vertical, de plus d'une minute de durée, pendant laquelle il y eut des chocs de plus en plus rudes. Les fenêtres, les vases, les meubles, tout fut mis en mouvement. Deux cheminées furent renversées, des murs furent lézardés, des tuiles tombèrent des toits. Une heure plus lard (à 6 h. du soir), une courte secousse (fré- missement) avec bruit. Trois quarts d'heure après (6 3/4 h. du soir), une très-courte et faible secousse. Vers minuit, mouvement assez sensible, quoiqu'il n'ait duré qu'un instant. A Geogtschai (gouvernement de Bakou), 5 h. 37 m. du soir, fort tremblement du NE. au SO. en quatre secousses pendant six se- condes. Cinquante-cinq minutes plus tard (6 h. 52 minutes du soir), une secousse beaucoup plus faible. A Beljasuwar (limite sud de la Steppe des Mugans), 5 %j% h. du soir, une légère secousse, comme cela arrive fréquemment dans ces régions. Deux minutes après, fort tremblement du N. au S., avec bruit souterrain; il n'a pas duré plus dune seconde, mais les maisons les mieux construites ont été ébranlées et même lézardées; des plâtres sont tombéset tout le monde s'est sauvé en plein air. A Dschebraïl (gouvernement d'Elizabethpol), 5 h. 14 m. du soir, fort, mais court tremblement. Des plâtras sont tombés. A Tschatach (mines de fer), vers G h. du soir, une longue secousse. Le long de l'Araxe, heure non indiquée, tremblement qui s'est étendu jusque dans la province persique de Karadag. ( 50) Minuit du 18 au 49, à Irkutsk (Sibérie) , fort tremblement pré- cédé d'un bruit souterrain. Le 21, 5 h. 22 m. du soir, au fort Grosnoje, une courte secousse du SO. au NE. Vers 9 h. du soir, une deuxième secousse remarquée par quel- ques personnes seulement. Le môme jour, heure non indiquée, à Goriatschewodsk, fort tremblement; murs lézardés et même renversés. Le 25, heure non indiquée, dans le gouvernement du Turkes- tan, tremblement très-fort. A Taschkent, presque toutes les mai- sons ont été endommagées, quinze personnes ont péri. On évalue les dégâts à 9,000 roubles pour les bâtiments et à 5,000 pour les troupeaux. Les villes de Tschemkent, Chodschen, Tschinas, ont aussi beaucoup souffert. On dit que, dans les hautes montagnes au S. et à l'E. de Taschkent, il s'est écroulé d'énormes masses de terre et de rochers sous lesquels ont péri beaucoup de Kirgis. Le 25, 1 h. du matin, à Tschatach, trois nouvelles secousses. Le 29, 10 h. 55 m. 22 s. du matin, à Tiflis, tremblement du N. au S. et de vingt secondes environ de durée. Il fut assez fort sur la rive droite du Kura. A l'Observatoire (sur la rive gauche), le pendule séismique de 7 pieds de longueur oscilla d'environ deux lignes. A 1 h. 5 m. 24 s. du soir, une courte et très -faible secousse sans bruit; puis à 5 h. 27 m. 26 s., une assez forte secousse du N. au S. avec bruit. L'oscillation du pendule séismique fut d'un seizième de ligne seulement. Le même jour, 10 h. 46 m. du matin, à Delischan, tremblement qui dura dix secondes sans interruption. A Kwirilsk, 11 h. 45 m. du matin, assez fort tremblement de dix secondes de durée. On se sauva des maisons. A 1 h. 2 m. de l'après-midi, tremblcmcntjéger. Le 29 encore, 10 h. 5G m. du matin, à Alexandroj.ol, assez fort tremblement d'une minute de durée; la première secousse, assez forte, fut de l'E. à l'O., et la seconde, notablement plus légère, du SE. au NO. (Plus fort que celui du 18 février.) Entre 11 h. du matin et 1 h. du soir, il y eut encore deux se- (51 ) pousses, mais si faibles qu'on ne s'en aperçut qu'aux oscillations des lampes suspendues. A Tschatach, 4 4 h. du matin, fort tremblement. Au fort cTAchalkalnki , heure non indiquée exactement, mais avant midi, tremblement assez sensible et assez long, par un ciel pur. Le 54, vers 2 3/4 h. du matin (8 '/* h. à la turque), à Erzeroum, une assez forte secousse de cinq à six secondes de durée. (M. Kiefer.) M. Moritz donne la notice suivante de ces secousses : Le 48, 5 b. 8 m. 58 s. du soir, à Tiflis, tremblement ressenti aussi à Telaf, Tschatach, Delischan, sur l'Araxe et à Karaban. Le 21, 5 h. 22 m. du soir, à Grosnoje et à Gorialschewodsk, une secousse du SO. au NE. Le 25, à Taschkent et dans toute la province du Turkestan, tremblement très-fort. Le 25, 1 h. du matin, à Tschatach , trois secousses. Le 29, 40 h. 55 m. 22 s. du matin, à Tiflis, Kwirilsk, Delischan, Alexandropol , Achalkalaki et Tschatach, assez fort tremblement duN.au S. Aux mêmes lieux ,4 h. 5 m. 24 s. et 5 h. 27 m. 26 s. du soir, faibles secousses. Le 51, 2 h. 45 m. du matin, à Erzeroum, une secousse assez forte. Avril. — Le 4er, à Nice, trépidations, mouvement très-fort; le 2 et le 5, fort; le 4 et le 5 au matin, faible; à 1 1 h., très-fort; le 0, faible. Les 7, 8, 9, 40 et 44, très-fort (cristaux agités comme le 4 er); cessé le 4 2 et le 4 5. Du 4 4 au 4 7, faible ; du 4 8 au 20, repos. Le 24 , mouvement très-fort; le 22, très-faible; le 25, fort, Les 24, 25 et 26, faible; les 27 et 28, fort; le 29, très-fort; et le 50, faible. — Le 5 et surtout le 6, 41 h. du matin et 5 h. du soir, à Tiflis, secousses pendant une violente tempête. Quoique signalées par plusieurs personnes , M. Kiefer les regarde comme très-douteuses, parce qu'elles n'ont pas été indiquées .par le pendule séismique de l'Observatoire. M. Moritz ne les mentionne pas dans son relevé de 4868. Nuit du 40 au 44, vers minuit 40 m. (5 h. 57 m. à la turque), à (32 ) Erzeroum, assez fort tremblement; dans l'espace de vingt secon- des, il y eut cinq séries d'oscillations, séparées par trois courts in- tervalles de repos: Bâtiments ébranlés. (J'ai déjà, dans mon der- nier relevé, signalé une secousse pour le 12, 2 3/4 h. du matin; M. Kiefer ne la mentionne pas.) La même nuit du 10 au 1 1 et à peu près à la même heure (5 h. 40 m. à la turque), à Kars, une forte secousse. Un Kurde, habitant Nischny-Pasen, a mandé à Erzeroum que, dans la nuit du 10 au 11, vers 5 J/2 h- (à la turque), il y avait eu un fort tremblement de terre. Le 19, 9 h. 44 m. 16 s. du soir, à Tiflis, faible tremblement de TE. à 0. Le 25, G h. 18 m. 55 s. du matin, à Tiflis, tremblement si faible qu'on n'a pu en déterminer ni la direction ni la force. Le 26, 6 h. du soir, à Bakou, on a remarqué une élévation et un abaissement d'un pied et un quart dans le niveau de la mer. On attribue cette variation à un tremblement de terre lointain et, en effet, des bateaux ont vu que la roche brûlée n'existe plus entre Lenkoran et Bakou, et que l'endroit où elle s'élevait auparavant à six ou sept pieds au-dessus de la surface de la mer, est mainte- nant recouvert de deux pieds d'eau. Elle s'est donc affaissée par suite d'une action volcanique dont l'effet s'est étendu jusqu'à Ba- kou , qui en est à une distance de 55 milles. Le 27, 4 h. du matin, à Achalkalaki, tremblement par un ciel couvert. (M. Kiefer.) A ces détails j'ajouterai les suivants, donnés par M. Moritz : Le 17, 2 h. du matin, à Taschkent, très-fort tremblement du SO. au NE. et d'une minute de durée. Treize minutes après, une forte secousse verticale. Le 19, 9 h. 44 m. 16 s. du soir, à Tiflis, faible tremblement de TE. à l'O. Le môme jour, à Bouchir (Perse), plusieurs fortes secousses. Le 20, 10 h. du soir, à Taschkent, tremblement faible. Le 25, 6 h. 18 m. 55 s. du matin , une faible secousse. Le même jour, heure non indiquée, à Erzeroum et à Kars, trem- blement très-fort. ( 33 ) Le 26, G h. du soir, à Bakou, pendant un calme, une forte vague, s'étant formée en mer, est venue inonder la terre, avec os- cillation de la Caspienne de 1 lk pied anglais. L'ile Pogorélaia Plita, ayant jusqu'alors 7 pieds d'élévation au-dessus du niveau de la mer, s'est affaissée à 2 pieds au-dessous de ce niveau. Le 27, 4 h. du matin , à Achalkalaki, tremblement. — Le 5 encore, à Arles, une secousse assez forte pour faire sor- tir les habitants des maisons. Elle fut faible à Avignon. (Gries- bach.) — Le 8 et les jours suivants , au Guatemala, fort tremblement signalé sans détails par M. Griesbach. — Le 10 et le 24, à Caracas, tremblements signalés dans la liste commencée au 4 avril 1857. Je les ai déjà mentionnés. — Le 45, 6 h. 55 m. du matin, à Yokohama (Japon), tremble- ment. (M. Savatier.) — Le 24, 6 h. 45 m. du matin , à Leoben, une secousse avec bruit sourd. (Griesbach.) Mai. — Le 1er, 2 et 5, à Nice, trépidations, mouvement faible; les 4 et 5, fort; les 6 et 7, faible; du 8 au 4 0, nul ; le 41, très-fort; le 12, fort; le 45, très-faible tout le jour et très-fort à 11 h. du soir; le 14, fort; le 15 et le 46, faible. Du 47 au 22, nul. Le 25, très-fort; les 24 et 25, fort; le 20, faible; le 27, fort; le 28 et le 29, très-fort; cessé le 50 et le 54 . — Le 4, 4 h. du matin, à Achalkalaki, tremblement par un ciel couvert, comme le 27 avril. Le 12, à 9 h. du soir, nouveau tremblement par un ciel demi- couvert. On ajoute que cela a été fréquent depuis le 29 mars; presque toujours tremblement, quelquefois une secousse sourde, parfois les maisons ont visiblement oscillé. Le 12 encore, 8 h. du soir, à ïschatach, assez fortes secousses du S. au N., pendant une dizaine de secondes. Le 27, dans la soirée, à Bakou , on vit une éruption volcanique à l'O. On remarqua d'abord de la fumée, puis une clarté qui va- riait rapidement à de courts intervalles, devenant tantôt plus grande, tantôt plus faible, jusqu'à disparaître presque complète- ment. La fumée en s'élevant s'avançait vers le N. Tout à coup il Tome XXII. 5 ( ô4) s'éleva une colonne de feu qui devint de plus en plus pâle et finit enfin par se confondre avec les lueurs de lhorizon.Ce phénomène dura environ trois heures. On a su depuis que cette éruption avait eu lieu à 12 verstes dans le SO. de Bakou, près de Marasi, village russe situé sur le plateau de Kabristan, dans la région que les Ta r tares désignent sous le nom de Schich. Ces phénomènes y sont si fréquents qu'on y prête peu d'attention; c'est pourquoi la durée de cette éruption n'a pas été notée exactement. (M. Kiefer.) M. Moritz n'ajoute rien de nouveau à ces faits, sinon qu'à Ma- rasi il y a encore eu un faible tremblement à la fin du mois. — Le 22, 10 h. G m. du soir, à Roveredo, tremblement du SO. au NE. avec bruit souterrain. (M. Moritz.) — Le 29, 1 1 h. 25 m. du matin, et le 50, 4 h. du matin, à Yoko- hama, deux tremblements. (M. Savatier.) Juin. — Le 2, à Nice, trépidations, mouvement fort; le 5, très- fort; les 4, 7 et 8, faible. Observations interrompues le 9 et reprises seulement le 24 octobre suivant. — Le 15 , 4 1 I). 47 in. 54 s. du matin et le 25, 1 h. 59 m. 5i s. du matin, à Tillis, deux secousses si faibles qu'on n'a pu en déter- miner la durée ni la direction. Le 50, 41 h. du soir, à Zogonoï, village du cercle d'Arguns, trem- blement local avec bruit souterrain; douze maisons renversées ou fortement endommagées. Il ne s'est pas étendu à plus de 1000 pas. Dans les villages voisins et dans le fort de Schatoi on n'a rien re- marqué. (M. Kiefer.) M. Moritz écrit de Tzogonoï (district d'Arghoun au Daghestan) : il dit que le tremblement fut terrible et ressenti seulement sur une surface très-limitée de 1 verste carrée. Il in- dique 14 h. 4G m. 54 s. du matin pour la secousse du 45. — Le 17, 5 h. 55 m. du soir, à Girone, une secousse de TE. à 10. ( M. Moritz.) J'ai indiqué 5 h. 55 m. dans mon dernier relevé. — Le 21, G h. du matin, à Ofen, une forte secousse. (M. Mo- ritz.) Le munie jour, G h. 55 m. du malin, à Jaszbereny (Hongrie), fort tremblement, précédé d'un bruit sourd semblable au ton- nerre. Les secousses du NE. au SO. durèrent huit à dix secondes; ( 35 ) maisons lézardées, cheminées renversées. A 7 h. 48 m. dn matin, une deuxième secousse, faible, et de 8 h. 48 m. à 8 li. 54 m., deux autres qui, comme la précédente, ne durèrent pas plus de deux secondes et demie. Il y en eut encore beaucoup d'autres, mais plus faibles, dont on n'indique pas les heures. La première fut assez forte à Pest-Ofen où elle eut lieu à 6 h. 10 m. 15 s. du matin et ne dura que quatre secondes. M. Griesbach, auquel j'emprunte ces détails, exprime l'espoir que l'Académie des sciences de Hon- grie publiera une monographie complète de ces secousses. — Dans le milieu du mois, à Essen, mouvement extraordinaire du sol ; plusieurs maisons de la ville se sont lézardées; une longue crevasse s'est produite dans une rue. M. Griesbach, qui rapporte ces faits, ne parle pas de tremblement de terre. Juillet. — Les 10, li et 42, en Carniole, plusieurs secousses dont le centre paraît avoir assez bien coïncidé avec le principal sommet du Krimberg. Les plus fortes eurent lieu dans la région de Moraut. (M. Griesbach.) — Le 51, 8 h. 25 m. du soir, à Cosenza, une secousse verticale de deux secondes de durée, plus forte à Paola, Arnantea et Longo- bardi. (M. Conti, d'après M. Scaglione.) Août. — Le 1er, 5 h. du soir, à Arequipa (Pérou), tremblement terrible. (M. Moritz.) D'après celte date, jour et heure, on pourrait supposer qu'il s'agit du 4 3. Mais j'ai moi-même, dans mon dernier relevé, signalé pour le 1er, 40 */a h. du malin, un tremblement de terre à Lima d'après M. Rouaud y Paz Soldan. Du 9 au 42, sur plusieurs points du Pérou, notamment à Tacna, chef-lieu du département de Moquegua, nouvelles secousses très- nombreuses. Le 11, 8 h. 30 m. du soir, et le 42, 4 h. 45 m. du matin , à Tacna, deux secousses assez fortes. (M. Griesbach.) La même nuit du 4 4 au 12, sur divers points de la côte du Pérou, secousses plus fortes que celles qu'on y avait ressenties depuis le 1er de ce mois. (M. de Tschudi.) Le 4 3, vers 5 */4 h. du soir, tremblement désastreux, déjà dé- crit. Voici quelques faits supprimés par les nombreuses coupures faites dans mon dernier relevé. ( 50) Ce tremblement a été ressenti légèrement à La Paz (Bolivie), où de légères secousses se sont renouvelées la nuit suivante. A Arequipa , de 5 h. 20 m. à 8 h. du soir, on n'a pas compté moins de soixante-six secousses plus ou moins fortes. A Tacna, elles se renouvelèrent d'abord toutes les dix minutes, puis tous les quarts d'heure, puis à des intervalles de vingt à vingt- cinq minutes jusqu'au lendemain 5 h. du matin, de sorte qu'en douze heures on avait pu compter de cinquante à soixante se- cousses. La même nuit, à Islay, on en compta quarante, mais légères. Le 17, la terre y était encore en mouvement. Le 21, 5 h. 15 m. du soir, à Tacna, une secousse, la plus forte des quatre qu'on y éprouva ce jour-là. Le nombre quotidien était encore de trois ou quatre. Le 24, 5 h. 50 m. du matin, encore une secousse, la plus violente depuis la première du 15. Au 29, on y en avait déjà compté au moins deux cent cin- quante; mais dans les derniers temps, elles étaient moins fré- quentes, deux ou trois seulement par jour. — Le 14, 7 h. du matin, à Valona (Albanie), très-fort tremble- ment du N. au S. Le 26, minuit 20 m., tremblement léger, mais de longue durée. (M. Jelinek.) — Le 18, entre 5 et G h. du soir, à Gibraltar, à San Rocque et sur d'autres points du sud de l'Espagne, deux secousses de l'E. à l'O. (M. Griesbach.) Septembre. — Le 6, 9 h. 28 m. 54 s. du matin, à Tiflis, une secousse si faible qu'on n'a pu en déterminer la durée, la force, ni la direction. (MM. Kiefer et Moritz.) — Le 9, 4 h. du matin, puis 10 h. et 11 h. du soir, à Jaszbe- reny, nouvelles secousses. Le 15, 11 h. 11 m. du soir, à Agram, une secousse du NE. au SO. Le 17, G h. du soir, à Jaszbercny, une secousse avec fort bruit souterrain. A 6 */2 h-, une nouvelle secousse (Griesbach). J'ai indiqué 11 h. 8 m. du soir pour celle du 15 à Agram. ( 37 ) — Le 12, 7 h. 20 ni. du soir, à Yokohama, tremblement. (M. Savaticr.) — Le 16, 4 h. 45 m. du matin, à Lésina (Dalmatie?), une secousse avec bruit. (M. Moritz.) — Le 19, 8 h. 51 m. du soir, à Aix-la-Chapelle, une assez forte secousse, ressentie aussi à Dûrbis , St. Jôris, Neussen et dans plusieurs autres endroits. (Griesbach.) Octobre. — Le 1er, à Cotacachi (Equateur), grand tremblement qui a fait de nouvelles victimes à Ibabarra et dans les environs. Quelques légères et courtes secousses encore les jours suivants. (Lettre de Quito, en date du 7 octobre.) Le 8, à Cosapilia (Pérou), les secousses ont recommencé. « Elles se renouvellent, écrit-on le 14, plus fortement que dans le mois précédent et sont accompagnées de détonations plus fortes que celles des premiers jours. « Le 12, à 9 h. du soir, il y en a eu une des plus violentes. » Le 13, dans la soirée, à Guayaquil, une secousse signalée dans un fragment de journal américain que m'a envoyé M. Rojas. Le 14, 2 h. du matin (ou peut-être le 12? à las dos de esta manana, dit la lettre que je viens de citer), à Cruceros, trois secousses consécutives, accompagnées de bruits épouvantables. « Ces secousses suivent la direction des monts de los Pachatas, et je suppose, ajoute l'auteur de la lettre, que cela finira par une éruption, car hier, à midi, on a vu jaillir du cerro del Pacha la , qui menace de s'écrouler (que sa va hundiendo) , un jet de feu suivi, pendant à peu près un quart d'heure, d'une colonne de fumée. » Le 47, à Tacna, violente secousse qui acheva de renverser ce qui restait debout à Moqucgua. (El progreso de Tacna, 28 octo- bre et 2 novembre.) — Du G au 9, à Athènes, plusieurs secousses. (Griesbach.) — Le 7, M h. 55 m. du matin, à Laybach (Illyrie), tremblement médiocre. (M. Moritz.) Le 10, 2 h. 40 m. du matin, dans toute la Dalmatie, tremble- ment très-fort. (Moritz.) Le 15, 4 h. 50 m. du soir, à Ragusc (Dalmatie), une secousse ( 58) verticale, de deux secondes de durée, la seule que m'y signale M. Jelincck pour 1868. Le 16, dans l'après-midi, à Lésina, une secousse verticale. (Moritz.) Le 25, I li. 5 m. du matin, à Laybach, une secousse avec bruit sourd; elle dura trois secondes. (Griesbach.) — Le 10, entre I et 2 li. du matin, à Koly (comilat de Bibar), une forte secousse. (Griesbach.) — Le 15, 7 h. 55 m. du matin, Yokohama, tremblement. Le 27, 4 h. 12 m. du soir, autre très-violent. Le 29, vers 4 h. du matin, un troisième. (M. Savatier.) — Le 19, 5 h. 20 m. 55 s. du matin, à ïiflis, fort bruit comme celui d'un tremblement de terre et vibration des fenêtres. Le pen- dule séismique, destiné à mesurer la force des secousses, oscilla d'un quart de ligne et la balle du séismomèlre à niveau indiqua une secousse de l'E. à l'O. Ces instruments sont placés dans la tour centrale à la partie supérieure qui domine l'établissement et qui a pu ainsi se trouver peut-être sous l'influence d'un mouve- ment atmosphérique qui l'aurait agitée. L'observateur alors de service n'a pas remarqué le moindre mouvement du sol, il n'a ressenti aucune secousse et le grand séismomètre, établi sur le roc, à l'abri des influences atmosphériques, n'a pas manifesté la moindre agitation. MM. Kiefer et Moritz signalent une première secousse, pour le 15 , 5 h. 19 m. 26 s. du soir, faible et sans bruit. Je l'ai rapportée dans mon dernier relevé. — Le 21, vers 7 h. 55 m. du matin, en Californie, tremble- ment sur lequel j'ajouterai quelques détails empruntés à M. Gries- bach. A San Francisco, outre les secousses déjà signalées, on en indique encore à 5 h., 9 h., 10 h. du soir et 12 h. 35m.de la nuit. A Oakland , 7 h. 25 m. du matin, première secousse, très- violente et de 40 secondes de durée; à 8 h. 26 m., une très- légère; à 8 h. 40 m., une légère; à 8 h. 44 m., une forte; à 8 h. 47 m. , une légère ; à 9 h. 1 1 m. , nombreuses ondulations ; à 10 h. 25 m., une secousse très-forte et à 11 h. 40 m. une très-faible. A Haywards et dans les environs, 7 h. 50 m., première (59) secousse, du SO. au NE. Plusieurs autres dans le jour, notamment à 10 b. du matin et à 7 h. du soir. A Sacramento, 7 h. 59 m., secousse du SE. au NO. A 10 h. 30'm. et 11 h. 45 m. du matin, nouvelles secousses légères. A San José, 7 h. 50 m. ou 8 h. 2 m. (?) , première secousse. A 10 h. 30 m. et 1 1 h. 5 m. du matin, deux autres légères. A minuit suivant, une violente. A Napa, 7 h. 50 m., première secousse, du SO. au NE. et de 30 secondes de durée, avec bruit sourd. A 10 h. 20 et 10 li. 55 m. du matin, nouvelles secousses. Encore une la nuit suivante. A Marysvillc, 7 h. 55 m. et 8 h. ! m. 25 s. du matin, secousse du N. au S. D'autres dans le jour, à des intervalles réguliers. A Santa Clara, 7 h. 56 ou 57 m., violente secousse de NE. au SO. Une deuxième, mais légère, à 10 h. 40 m. du matin. A Santa Cruz, 7 h. 55 m., violente secousse de l'E. à l'O. et de quinze secondes de durée, avec bruit souterrain. Plusieurs autres légères dans le jour. A San Rafaël, 7 h. 55 m. , une secousse du SE. au NO. et d'une minute entière (?) de durée. Dans la journée, huit secousses encore dont on n'indique pas les heures. Dans le comté de Sonoma, même heure, les ondulations de la première secousse, d'abord de l'O. à l'E. , changèrent tout à coup et devinrent du S. au N.; durée totale, environ une minute. A (J h. 55 m. et 11 h. 30 m., deux nouvelles secousses. A Hcaldsburg, on n'en signale qu'une, du N. au S. et de dix secondes de durée, vers 8 h. du matin. A Tuolumne City, 8 h. 10 m., une première (?) secousse du SO. au NE. et de trois secondes de durée. A Monterey, 8 h. 20 m., secousse du N. au S. A Petaluma, 8 h., une secousse du N. au S. et de dix secondes de durée; elle fut extraordinairement violente. Peu après, une secousse faible. A Martinez, 8 h., une secousse très-forte. De même à Pachceo. A San Juan, 7 h. 55 m., violent tremblement d'environ trente secondes de durée. A Redwood City, 7 h. 55 m., une première secousse du SE. au ( 40) NE. (sic), et de trente secondes de durée, suivie d'une série à peine interrompue de légères secousses dans le jour. A San Matteo, 7 h. 57 m. 50 s., une secousse venant du N. et de quinze secondes de durée. A Woodland, Yolo County, 8 h. 20 m., première secousse du SE. au NO. et de trente secondes de durée. A 9 h., une deuxième très-faible. A Sonora, 8 h. 5 m., une légère secousse. A Vallejo, 7 h. 50 m., une série de secousses dans l'espace de quelques secondes. Quelques autres encore avant midi. A Mountain View, 7 h. 55 m., première secousse du NE. au SO. Jusqu'à midi, il y en eut encore trois autres, tandis qu'à deux milles de là, on en compte dix-neuf dans la même matinée. A Grass Valley, 8 h., une forte secousse, suivie d'une autre légère cinq minutes après. Le 22, 12 li. 50 m. du matin, à Redwood City, une secousse assez forte. Le même jour, 11 h. 54 m. du soir, à San Leandro, deux secousses consécutives d'une demi-seconde de durée; elles furent nombreuses jusque dans la matinée du 25; plusieurs y firent des dégâts. Le 25, 2 h. du matin, à Santa Clara, une secousse. Le même jour, 9 h. du matin, à ïïaywards, on avait déjà compté quarante-cinq secousses distinctes. Le 26, 11 h. 51 m. (sic), à Oakland, une secousse violente. — Les 24 et 25, à Nice, trépidations, mouvement très-fort; les 26 et 27, fort. Du 28 au 51 , faible. -- Le 50, vers 10 b. 55 m. du soir, dans le SO. de l'Angleterre, tremblement déjà décrit. J'ajouterai les faits qui suivent : A Mertyr, 10 b. 50 m., une première secousse assez forte, du S. au N. et de trois à quatre secondes de durée. On n'indique pas l'heure des autres, ni leur nombre. A Swansca (South Walcs), 10 b. 42 m., une légère secousse avec bruit; durée cinq à huit secondes. A Melton-Lodge (Grcat Mnlvcrn), 10 b. 55 m., une légère secousse du NO. au SE. et de neuf à dix secondes de durée. ( « ) A Bath, 10 h. 30 m., une secousse sensible. À Sower Broughton, 10 h. 55 m., seeousse de 10. à l'E. ou du NO. au SE. Le 51, 10 '/i h* du soir, à Leamington, plusieurs secousses avec bruit. Quoique annoncées par un télégramme, le 1er novem- bre, elles paraissent être les mêmes que celles du 30. C'est à tort aussi que M. Moritz rapporte au 51 toutes celles qui précédent. Novembre. — Les 1er et 2, à Nice, trépidations, mouvement faible ; le 5 , fort; le 4 , très-fort; le 5 , fort ; le 6, faible ; le 7, fort ; le 8 , très-fort; les 9, 10 et 1 1 , fort; cessé le 12. Repris les 20 et 21 , faible. Cessé de nouveau du 22 au 27. Le 28, fort; le 21), faible; le 50, nul. — Le 4, 8 h. du soir, à San Luis de Potosi (Mexique) , une forte secousse de quatre secondes de durée; pas de dégâts. Le 6 , 9 h. du soir, sur les côtes, faibles secousses du SSO. au NNE. Plus forte à Mexico, la première, du S. au N., dura douze secondes. Les autres furent de l'E. à l'O. Je n'avais pas indiqué d'heures, dans mon dernier relevé. — Le 7, quelques minutes avant minuit, dans le Geislinger Alp (Alpes de Souabe), deux secousses précédées d'un roulement sourd. (Griesbach.) — Le 9, 8 h. 42 m. du matin, à San Salvador, lente oscillation du sol de trois secondes de durée. (El Constitucional de San Sal- vador^ 12 novembre.) — Le 12, midi 5o m., à Bignasco, dans le val Mappia et à Locarno, assez fort tremblement ondulatoire du SE. au NO. et de quatre minutes de durée. (Griesbach.) — Le 15, 9 h. 22 m. du matin, à Bucharest, Mourfatlar, Tzer- novod et Medjidi (provinces danubiennes), très-fortes secousses de 10. à TE. et d'une minute (!) de durée, suivies de deux autres à des heures non indiquées. On les a ressenties à Kustendjé, dans la partie haute de la ville, et non dans la partie basse. A Kubea, Odessa, Roustchouk et Kronstadt (Transylvanie), 1) h. î S m. du matin , trois secousses assez fortes. Le 27, 1 1 h. 10 m. du soir, à Odessa, encore un tremblement assez fort. (M. Moritz.) J'ai déjà publié ces faits avec quelques variantes. ( 42) — Le 14, 8 h. 47 ni. du soir, à Tobelbad (Styric), une secousse de l'E. à l'O. et de deux secondes et demie de durée. (Griesbach.) — Le 17, 5 h. 15 m. du soir, sur de nombreux points des pro- vinces rhénanes, à Cologne, Aix-la-Chapelle, Bcrgheim, Graven- broich ...., deux secousses consécutives de trois secondes de durée. A Gerrcsgeim, près Dusseldorf, on a noté trois secousses horizon- tales dont on n'indique pas la direction; à Bedburg, une seule, assez forte et verticale (Griesbach.) — Le 20, 8 h. 10 m. du soir; le 22, 6 h. du soir, et le 24, 10 h. 35 m. du malin, à Yokohama (Japon), trois tremblements. (M. Sa- vatier.) Décembre. — Le Ier et le 2, à Nice, trépidations, mouvement faible ; le 5, fort ; les 4, 5, 7 et 8, faible ; le 9, fort ; le 10, très-fort ; le 11, fort; du 12 au 15, faible, ainsi que du 18 au 20 et du 30 au 51. — Le 5, 1 1 h. 15, 11 h. 20, et il h. 50 m. du soir, à Zengg, trois secousses du SE. au NO. avec bruit. (M. Moritz.) J'en ai pu- blié d'autres pour le 6. — Le 9, à Duschet et dans plusieurs autres endroits situés le long de la route impériale qui passe près de la cime principale du Caucase, tremblement violent avec bruit souterrain épouvantable. Dans un de ces villages, à Kwischct, on a compté dix secousses dans le jour; elles ont eu lieu à 10 h. 0 m. du matin, 3 h. 30, G h. 40, 7 lï. précises, 7 h. 30, 7 h. 40 , 8 h. 25 , 8 h. 27 et 10 II. 5 m. du soir. Le 10, 1 li. 5 lk m. du matin, il y eut encore une secousse. Ou n'y en avait plus éprouvé depuis celle du 5 décembre 1857, à 5 h. 58 m. du soir; aussi les habitants ont-ils été fort épouvantes; cependant il n*y a pas eu de dégâts. A Gudomakar, le 9, 7 h. {sic, on ne dit pas si c'est le matin ou le soir), une première secousse, suivie de deux autres à 7 '/a "• (une demi-heure après) et d'une quatrième, vers 7 h. 40 rn. (dix minutes après la troisième). Direction de l'E. à l'O. Chacune a duré de dix à quinze secondes, avec bruit souterrain, pareil à celui d'une charrette sur un sol gelé. Les secousses ont été si (bries, sur- tout la première et la troisième, que des maisons ont été lézardées. ( 45 ) A Passanaur, à 1 verste de Gudomakar, sur la grande roule ' [grusinisebe Heerstrasse), entre Kwischct et Duschet, on a aussi ressenti ces quatre secousses, et de plus deux autres, dont une cinq minutes après la quatrième et l'autre cinq minutes après cette cin- quième. Ces deux dernières, assez légères, auraient donc eu lieu probablement à 7 h. 45 et 7 b. 50 m. du soir. Sur le flanc nord de la chaîne, à Kobi, on a aussi ressenti ce tremblement. On y a noté quatre secousses dans l'après-midi. Elles sont indiquées comme ayant eu lieu à 2 h. 45, G h. 45, 7 h. 37 m. et 1 1 h. du soir. Le 10, 5 h. 52 m. du matin, par conséquent 4 */2 h. environ après Ja dernière secousse notée à Kwischct, on a ressenti à Kuba deux assez fortes secousses du SO. au NE. et d'environ douze se- condes de durée, avec bruit souterrain. L'épouvante a fait sortir les habitants des maisons. Vers minuit du 8. au 9, on y avait aperçu un bolide, de la gran- deur apparente de la lune et se mouvant du SO. au NE. 11 n'avait duré que deux secondes; il avait éclairé tout l'horizon et laissé une longue traînée lumineuse. Les habitants, qu'il avait fait fuir de leurs maisons, disent qu'après ils ont entendu un bruit souterrain. Le 10 encore, 5 h. 48 m. du matin, à Kussary (1 1 verstes au NO. de Kuba), tremblement assez fort de dix secondes de durée, avec bruit sourd souterrain. Le mouvement fut ondulatoire; il eut lieu d abord du SE. au NO., puis en sens contraire. Toutes les maisons, qui sont en bois, craquèrent fortement et les meubles furent dé- rangés de leurs places. La nuit précédente (sic), on y avait, comme à Kuba, observé un grand globe de feu, blanc et brillant, avec une longue queue. Il avait apparu à l'O. et se mouvait du S. au N. Quelques secondes après qu'il eut disparu, on entendit une détonation du côté du nord; on a pensé que c'était un aérolithe. (M. Kiefer.) Kwichet (sic), Passanaour et Kobi se trouvent sur la grande route qui, à travers la chaîne centrale du Caucase, conduit de Tiflis en Russie par Wladikowakay. H y a eu, le 9, six secousses à Passanaour et quatre à Kobi, dirigées de TE. à l'O. avec bruit sou- terrain. Les deux du JO, 5 h. 32 m. du matin, à Kouba et Koussaii, étaient dirigées du SO. au NE. (M. Moritz.) ( U ) — Le 15, 11 h. du matin, à Jasz-Michalylek (Jazygie, Hongrie), une forte secousse de FE. à FO. avec bruit souterrain. Elle se re- nouvela à 11 */2 h. Beaucoup de maisons lézardées. Le 46, 11 h. 45 m. du matin, une nouvelle secousse, de FO. à FE., avec bruit sourd. Le 17, 1 h. 43 m. du soir, encore une secousse. De ce jour au 25, dans la plaine de la Jazygie, diverses se- cousses avec bruits souterrains. Le 26, 3 h. 5 m. du matin, deux fortes secousses avec bruit pa- reil au tonnerre. Entre 4 et 5 h., nouvelles secousses. Tout le monde se sauva des maisons et passa le reste de la nuit en plein air. J'ai déjà signalé pour cette nuit, à Kelskemet, une secousse qu'indique aussi ÎM. Griesbacb, auquel j'emprunte ces nouveaux détails. — Le 20, à Golima et Manzanillo (Mexique), tremblement dé- sastreux, signalé dans un télégramme de New- York, en date du 10 janvier 1869. (Griesbach.) — Le 24, M b. du soir, à Inspruck (Tyrol), une secousse. (Gricsbach.) w) • DEUXIEME PARTIE. TREMBLEMENTS DE TERRE EN 1869. 1869. Janvier. — Le 1er et le 2, à Nice, trépidations, mouve- ment faible, cessé du 5 au 8. Le 9 et le 10, faible; le 1 1 et le 12, fort; le 15, faible; les 14, 15 et 16, fort; le 17 et le 18, faible; cessé du 19 au 27. Le 28, fort; le 29, très-fort; le 50, fort et le 51, faible. — Le 2, 9 h. du soir, à Lima , une forte et courte secousse. Le 6, 9 h. 5 m. du matin, tremblement fort et long; deux se- cousses. Le 9, 4 h. 52 m. du soir, tremblement léger. Le 10, 6 h. 50 m. du soir, tremblement léger. Le 24, 6 h. 55 m. du soir, tremblement léger. Le 28, 12 h. 48 m. du jour (midi 48 m.), une seule secousse, forte et courte. Le 31, 9 h. 45 m. du matin, une courte secousse (Paz Sol- dan) i. — Le 2 encore, à Laybach, deux secousses, la première de trois secondes et la deuxième de deux secondes de durée. 1 Des nouvelles de Valparaiso, en date du 16, disaient que les secousses continuaient au Pérou et que la ville de Tapay (?), dans la province de Cailoma, était complètement détruite. (Journaux anglais et français.) ( 40 ) — Le 3 (n. st.). ^ h. du matin, à Tauris (Perse), tremblement désastreux, du X. au S. — Le i. dans la matinée, de bonne heure, à Weston-super- Mare (Angleterre), trois secousses (Gah'gnani's Messenger du 8 janvier.) El dans le n° du 18. je lis encore : « Une légère secousse de tremblement de terre a été ressentie, il y a quelques jours, dans les comtés de Norfolk et de Suffolk. » — Le 7, à la Robada (province de Bogota), encore une secousse: c'était la vingt-troisième depuis celle du 50 décembre précédent, vers 1 1 h. du matin. Dans un village voisin, à Barichara ou Bavi- chara, sur la Cordillère del Opon, on en a compté vingt dans te même temps; les habitants campaient en plein air. suivant une lettre écrite le 8 janvier. Le 30, 11 '/i h- du matin, dans l'État de Santander, Bogota, tremblement qui a causé de grands dommages à Socorro, San Jil. Barichara et dans d'autres villes. On craignait pour toute la Cor- dillère, d'où se sont détachées d'énormes masses de rochers. Les secousses continuaient au 14 février. (Voir à cette date.) — Le 9. I h. 1:2 m. du soir; le 24, I h. 50 m. du matin et le •27. dans la nuit, à Yokohama (Japon), tremblements. — Le i). 10 h. du soir, à Duschet (Caucasie), fortes secousses. — Le 9 et le 10. à Mazatlan (Mexique), fortes secousses qui ont causé plus d'alarme que de dégâts. — Le 10, o h. ô m. du matin, et le 12. 1 h. 10 m. du malin, à Lisbonne, deux petites secousses. — Le 10, 1 h. du soir, dans l'Àssam, le Cachai', le Darjeeling et le Bengale, tremblement très-étendu et accompagné de désas- tres plus ou moins considérables suivant les lieux. Cependant le nombre des morts ne parait pas avoir été très-grand. Le centre du mouvement semble s'être trouvé à Cachar, situé sur la chaîne volcanique s'étendairi de l'E. des monts Himalaya jusqu'à la côte de Burmah, où sont plusieurs volcans éteints. A Silchar. dégâts aussi importants. * Le sol. écrivait-on de cette ville le lendemain . se soulevait en vagues de vingt pieds de haut; ( « ) la rivière, d'où l'eau était lancée en jets de cinquante pieds en l'air, a cliangé son cours; la terre s'est ouverte en beaucoup d'en- droits. Des maisons se sont enfoncées de vingt pieds dans le sol... Les secousses s'y sont renouvelées toute la nuit.... » A Moran, Chungoori , Madoora, Gowhatty, Nowgong, Sliillong, Tçspore, Naziri, Chinsurah, Bekrar, etc., maisons renversées ou endommagées. A Chittagong, ehoc très-fort, plus violent encore à Kursoong, près Darjecling, où il a duré deux minutes. A Gowalparah, deux fortes secousses à cinq minutes d'inter- valle. Une seule maison renversée. A Sihirat, toutes les constructions en brique ont été détruites. Victimes nombreuses. A Calcutta , peu de dommages. On n'en signale pas à Purneah , ni à Bbaugulpore. Le 14, 2 b. du soir, date des dernières nouvelles de Cachai*, les secousses étaient encore fréquentes. « Jusqu'au 21 , écrit-on d'Asaloo le 26, il y a encore eu, cliafjtie jour, deux ou trois secousses, dont une ou deux, verticales, ont été d'une violence extrême. Le centre du mouvement s'est bien réel- lement trouvé dans notre voisinage. Tout est renversé à douze milles à l'O. d'ici, comme à Silchar. » — Le 10 encore, 8b. du soir, à Roustchoufc, une faible secousse. A Kronstadt, 8 h. 50 m. du soir, une secousse légère. A Odessa, 8 h. 55 m. soir, nouvelles secousses plus fortes que celles du 15 novembre précédent; dans quelques maisons, des portes se sont ouvertes, des sonnettes ont tinté, des pendants de lustres se sont entre-choqués. La commotion a duré près d'une demi-minute. A Rustendjé, 8 h. 58 m. du soir, une secousse assez forte. — Le 12, à Darmstadt, tremblement signalé seulement par M. Falb, qui ne mentionne pas les suivants. Le 14, 0 h. 21 m. du matin, à Darmstadt, une première secousse, soudaine, sans bruit précurseur. Dans les environs, il y eut trois secousses du S. au N. et de six à dix secondes de durée. Le pays ébranlé s'étend à l'O. jusqu'au Rhin, au N. vers ( 48 ) Francfort, à l'E. dans le Mnmbugthal et au S. jusqu'à Hcidelberg. A 7 li. du matin, une nouvelle secousse dont les oscillations, encore du S. au N. , durèrent quatre secondes avec fort tonnerre souterrain , comme dans la nuit (sic). M. Griesbach. Le 20 , nouvelles secousses. (Moniteur du 26 janvier et Cosmos du 30, p. H9.) Le 21 , dans le duché de Hesse-Darmstadt, plusieurs secousses. La plus forte, accompagnée d'un bruit souterrain qui a paru se propager du S. au N., a duré douze minutes [sic). En beaucoup d'endroits , des sonnettes ont tinté et des plâtras sont tombés des murs. (Galignanïs Messenger du 27.) Ces secousses ne sont-elles pas du 14 y , — Nuit du 15 (sic), vers 3 h. du matin, à S'-Plais et dans les communes voisines (Basses-Pyrénées) , une assez forte secousse. — Le 19 , à Kaalaea (île Oahau), une secousse non remarquée dans l'île Hawaï. Le 25, une demi-heure avant le lever du soleil, on vit de Kona et de Kau, plusieurs jets de lave rouge s'élancer du cratère terminal, le Mokuaweoweo , sur le Mauna Loa; ils se continuèrent jusqu'au jour; la fumée couvrit alors le sommet de la montagne. Légères secousses durant la semaine à l'île Hawaï. D'après des nouvelles d'Honolulu, en date du 16, de fréquentes secousses avaient déjà été ressenties dans l'île Hawaï, et le Mauna Loa était enveloppé d'une épaisse fumée. — Le 20, 7 h. du matin, à Valona (Albanie), une secousse ondulatoire. Le 26 , entre 5 et 4 h. du matin, à Jailza (NO. de la Bosnie), tremblement. — Le 26, dans la matinée, à Athènes, tremblement. — Le 28 et le 29, à San Francisco, légères secousses (Galigna- nïs Messenger du 16 février). Le Washington InleUigencer du 1er février donne la date des 29 et 30. — Je lis dans le Galignani 's Messenger du 14 : « Une falaise célèbre au Danemark, le Siège de la Reine, vient de s'abîmer tout entière dans la Baltique, près de File de Moen, à la suite d'un tremblement de terre. Les habitants des villages voisins ont ( 49 ) été épouvantés par le fracas horrible qui s'est fait entendre pen- dant plusieurs secondes. » Suivant le Bien 'public de Dijon , du 48, le bruit a duré plusieurs minutes. — D'après des nouvelles de Panama , en date du 22 janvier, « de fréquentes secousses avaient continué à Amatitlan (Guate- mala) et causé une grande consternation. » On télégraphie de Plymouth, le 11 février suivant : « Un tremblement de terre s'est fait sentir dans le Guatemala. » Ce fait ne me semble pas différer du précédent. * Février. — Le 4 , à Nice, trépidations, mouvement faible; le 2 et le 5, fort; les 4, 5 et G, faible; le 7, fort; le 8, très-fort; les 9 et 40, fort; les 4 4 et 4 2, très -fort; le 45, fort; le 44, faible, et le 45, nul. Le 46, faible; les 47, 18 et 49, fort; les 20 et 24, faible; les 22 et 25, nul. Le 24, faible; et du 25 au 28, fort. — Le 2, à San Salvador (Amer, centrale), une secousse. — Le 6, dans la matinée, à San Cristobal (S'-Christophe, dans l'État de Tachira, Nouvelle-Grenade) , une secousse assez sensible. Le 7, 4 h. du matin, à Socorro (État de Santander, Colombie), une secousse plus forte et plus longue que celle du 50 décembre précédent; plus violente encore dans les départements de Vêlez et de Garcia Rivera; elle a renversé deux maisons dans un village de ce dernier. La secousse du 6 est la première que mentionne une lettre écrite de San Cristobal le 24, et qui en signale la série suivante jusqu'à cette date : Le 45, 8 h. du soir, très-forte secousse verticale. Le 46,7 */2 h. du matin , secousse légère. Le 4 7, 5 d/4 h- du matin, secousse bien sensible. A 4 h., secousse horizontale (de oscilacion), très-forte et de longue durée. A midi, une troisième, faible à S'-Christophe, mais très-forte à Lo bâtera. A 7 h. du soir, encore une secousse assez forte à San Cristobal. Le 48 , bruits sourds et prolongés. Le 4 9, 5 !/4 h. du matin (al amanecèr, 5 */4 a. m.), une forte secousse et, à 7 lj%K, une autre de même force. A 2 et à 5 h. du soir, deux autres assez sensibles. Tome XXII. 4 ( 50 ) Le 20, 9 h. du matin, une très-faible. Le 21,5 h. du matin, une forte secousse accompagnée de grands bruits. « Nous sommes ici, ajoute le correspondant, en pleine année 4869, au point de vue des tremblements. Voici dix à douze jours que la terre ne cesse pas de trembler. La plupart des habitants disent avoir ressenti beaucoup d'autres secousses que je n'ai pas notées. » À ces détails, j'ajouterai les suivants que contiennent deux autres lettres adressées aussi de San Cristobal au même journal, la Opinion National de Caracas. La première est du 44 : Pour ^a secousse du 15, que l'on signale comme dirigée du N. au S. Plus haut, je l'ai rapportée comme verticale et ayant eu lieu à 8 h. du soir. — On mentionne encore les secousses suivantes : Le 47, 5 h. 40 du m. , une deuxième secousse plus forte et diri- gée de l'E. à l'O. Le 4 9, 4 h. 45 m. du matin, une troisième secousse de même force et de même direction que la précédente, et à G h. 55 m. du matin, une forte secousse verticale. « Les bruits souterrains se succèdent fréquemment; beaucoup de personnes disent avoir remarqué d'autres secousses à différentes heures. Celles que nous mentionnons ont été ressenties dans divers villages de l'Etat, à ( si ) Cucuta, à Pamplona et dans diverses localités de l'Etat de San- ta n de r. n Dans une deuxième lettre, en date du 7 mars, le premier corres- pondant de la Opinion National ajoute : « Une chose remar- quable, c'est que toutes ces secousses sont très-peu sensibles au village de Cucuta, à peine éloigné de huit lieues, tandis que, à Lobatera comme ici, elles ont causé des dégâts assez importants aux édifices. Voici la suite des secousses, que je note avec soin. Depuis le 21 , date de ma première lettre : a Le 22, 40 h. du matin, mouvement léger. » Le 24, i h. 8 m. du matin, puis 9 7a h- du so*r> mouve- ments semblables. » Le 25, 5 '/2 h- du matin, mouvement assez fort. » Le 26, 9 h. du matin et 40 h. du soir, mouvements légers » (La suite au mois de mars.) — Le 7, 4 h. 45 m., 5 h. 15 m. et 5 h. 45 m. du matin, à Arczzo, trois secousses ondulatoires. A Pérouse, 5 h. 56 m. du matin, une légère secousse. A Sienne, 5 3/4 h. du matin, une violente secousse verticale d'une durée peu commune. Sept minutes après, une deuxième secousse, plus forte encore, mais moins longue. A 6 h. (après un nouvel intervalle de huit minutes), une troisième secousse plus violente que les deux précédentes, mais ne causant pas de dégâts. Le reste du jour et la nuit suivante furent tranquilles. A Florence, à 6 h. ou 6 */4 h. du matin, deux légères secousses du N.au S. Forte perturbation magnétique, qui dura jusqu'au 10. Le 8, 6 7a h- du matin, à Sienne, une nouvelle , mais légère secousse, remarquée seulement par un petit nombre de per- sonnes. Le 1 5 , 4 h. du soir, à Ancône , une très-forte secousse verticale. — Le 7 encore, dans la haute Autriche, une secousse. . — Le 8, vers 5 h. du matin , et le 4 5 , 40 h. 55 m. du soir, à Yokohama (Japon), deux tremblements. — Le 40, à San José (Californie), une secousse considérable- tempête désastreuse. ■ Le 13, 4 h. 50 m. du matin, à San Francisco, une secousse ( »2 ) légère. Le marégraphe établi à Fort Hornet indique des trem- blements sur divers points inconnus. — Le 45, 5 b. du matin, à Revel (Russie), tremblement, Un bateau à vapeur a été jeté sur la glace dans la mer. — Le 15, 4 h. 45 m. du matin, à Lima, tremblement léger. Deux secousses. Le 16, on écrit de Valparaiso que les secousses se renou- velaient avec une fréquence alarmante à Santiago ; il se passait à peine un jour sans qu'on y en ressentît une ou plusieurs. Le 27, on mande de Callao que les tremblements de terre con- tinuent dans l'intérieur. — Le 15 encore, G h. 50 m. du matin, à Serejcro (Bosnie), tremblement de cinq à six secondes de durée. — On lit dans le Journal de Nazies du 25 : « Le Vésuve n'est pas encore revenu au calme complet , comme cela arrive ordinai- rement après les grandes éruptions. Du grand cratère s'élève une colonne de fumée blanche; les petites fissures elles-mêmes, des- quelles il est sorti une grande quantité de lave dans la dernière éruption, donnent des signes d'agitation interne. La lave se main- tient toujours tiède, bien qu'il n'y ait pas eu de nouvelle émission depuis plus d'un mois. Le séismographe de l'observatoire signale de temps en temps de petites secousses. M. Palmicri croit que le tremblement observé ces jours derniers dans la Basilicate est en relation avec le phénomène que présente le Vésuve. » — On lit dans les Comptes rendus, séance du 1er mars 4869 : « M. De Cigalla adresse de Santorin quelques détails relatifs au volcan des îles Cammènes, qui commence sa troisième année d'existence : le volcan émet toujours des flammes; il continue à lancer, avec détonations, des cendres, des pierres incandes- centes : il émet une énorme quantité de vapeur aqueuse et de gaz sulfhydrique et chlorhydrique.Les variations de niveau du terrain continuent également à se produire : les huit îlots formés entre Aphroessa et Palaea-Cammène se sont réduits à trois, les autres ne forment plus que des récifs. » Mars. — Le 4 er, 40 h. 5 m. du matin, et le 22, 9 h. du matin, à Lima, deux tremblements, le premier très-violent et court, le second léger. ' ( 33 ) — Le 1er, midi J/4> à San Cristobal (État de Tachira), et sur- tout à Lobatcra, tremblement très-fort. A 11 h. du soir, autre mouvement bien fort (bien fuerte). Le 5, 5 J/2 h. du soir, mouvement léger (suave). Le 4, 1 b. du matin, mouvement assez fort. Le 6, 6 d/i h- du matin, mouvement léger. A 6 J/2 b., mouve- ment oscillatoire très-fort et surtout de longue durée. (La Opinion National du 51 mars). On ne dit rien du 7, date de la dernière lettre citée en février. Le 6 encore, 6 h. du matin, à Carora (Venezuela) , une secousse assez forte. A Maracaïbo, 0 h. 26 m. du matin, tremblement très-fort de l'O. à TE. et de quarante-cinq secondes de durée, avec bruit de médiocre intensité. Le temps étant, en général, marqué d'une ma- nière assez peu exacte, la Opinion National du 19 considère ces secousses comme simultanées dans les Andes vénézuéliennes; elle en conclut que le mouvement a du être sensible dans les provin- ces de Merida et de Tacbira, et qu'il s'est propagé, à l'O., par la Cordillère d'Itotos, jusqu'à Maracaïbo, et au N. par la chaîne principale, jusqu'à Carora. A Merida, au point du jour, tremblement léger, mais beaucoup plus fort à Carache dans l'État de Truxillo. Le même jour, 0 h. du matin, et le 11, 9 5/4 h. du soir, à Bogota, deux secousses. « D'autres, écrit-on le 15, assurent en avoir ressenti cinq depuis une quinzaine de jours. On redoute les fortes secousses causées par le Tolima, le Ruiz, le Herveo et les autres volcans de nos Cordillères. » * Le tremblement du 6, remarque la Opinion National du 15 avril, a parcouru toute l'immense distance depuis le S. de Bogota jusqu'aux côtes de Venezuela. Il a pris son origine dans la Cordillère orientale de la Colombie et l'a suivie dans ses deux grandes ramifications qui forment les Andes vénézuéliennes à l'O. et à TE. du lac de Maracaïbo. » Le même journal, n° du 19 mai, ajoute: « Le tremblement du 6 mars, dont nous avons déjà indi- qué la marche, a été très-remarquable dans toute la vallée de la Magdalcna (Colombie). » ( 34 ) Un journal de Bogota, et Nuevo Monda du 15 avril, dit à ce sujet qu'à Banco il a eu lieu à la même heure qu'à Carthagènc cl à Marangue, et il cite la lettre suivante, datée de Banco le 8 mars : « Mon cher frère, quatre mots seulement pour t'annoncer que le 6 courant, à G h. du matin, nous avons failli éprouver una catas- trophe égale à celle qui a détruit une partie de l'Ecuador. » Le 6, à 6 h. du matin, nous avons ressenti trois secousses aussi fortes que celles de 1854, les plus violentes qu'on ait éprou- vées ici. Toutes les maisons ont plus ou moins souffert : on n'en cite que deux qui ne soient pas endommagées. L'eau de la rivière a tout à coup baissé de six mètres et s'est ensuite élevée de six mètres au-dessus de son niveau primitif. Un endroit, à trois ou quatre mètres au-dessus des eaux, a été complètement submergé et il s'y est formé des lagunes. La terre s'est entr'ouverte en plu- sieurs places. » A Marangue, même heure, les maisons n'ont pas moins souf- fert, mais personne n'a péri. D'après dc% nouvelles de Monpos, trois paysans ont perdu la vie. » Le 1 9, 9 h. et 1 1 4/a h. du matin, à Caracas, bruits souterrains. Le -25, 10 '/2 h- du soir, léger tremblement avec bruit sourd. — Le 1er encore, à Bushire (Inde), une violente secousse. — Le 1er et le 2, à Nice, trépidations, mouvement fort; le 3 et le 4, faible. Observations suspendues jusqu'au 15. Les 16 et 17, mouvement faible; les 18 et 19, nul; les 20 et 21 , faible; les 22 et 25, nul; les 24 et 25, faible; les 26 et 27, nul. Les 28, 29 et 50, fort. Le 51 n'est pas mentionné dans la liste de M. Prost. — Le 9, 8 h. du soir, au Fort. William (Lochaber, Ecosse) , une violente secousse, précédée d'un sourd bruit souterrain, qu'à Strone, distant de 7 milles, on a comparé à un roulement de canon, ainsi qu'à Munessie, distant de 20 milles. La mer, qui était parfaitement calme, se souleva tout à coup et parut très- agitée; les embarcations vibrèrent comme si elles eussent touché , et les vibrations furent suivies d'un bruit sourd moins fort que le tonnerre. Ce bruit, dont on ne peut dire s'il venait d'en haut ou d'en bas, dura une quarantaine de secondes. ( 55 ) Le 15, vers 6 h. 5 m. du soir, dans l'E. du Lancashire et l'O. de l'Yorkshire , une secousse du NE. au SO. et de sept à huit secondes de durée; elle fut violente à Accringlon, Ilaslingden, Bosegrayc et Waterloot, et plus ou moins sensible à Blackburn, Bury, Midd- leton (durée, quinze secondes), Todmorden et Sowerby-bridgc. Dans le centre du district de Manchester, ce ne fut qu'un frémis- sement instantané. Dans quelques villes voisines, comme à Pend- leton et à Chcetwood, on a constaté la direction de TE. à l'O. A Newchurch une cheminée a, dit-on, été renversée et une mu- raille lézardée à la station de Haslingden. A Durnley, une pendule s*est arrêtée. A Rawtenstall, des cloches ont sonné, des machines ont stoppé; on s'est enfui dans les rues. Le 17, 5 h. du soir, à Multon (East Yorkshire) , une très-légère secousse du SO. au NE. avec bruit sourd. Il paraîtrait qu'il y en a encore eu quelques autres à peine sensibles dans le courant de la journée. Le 25, 8 h. 20 ou 50 m. du soir, dans le Lancashire, une secousse. A Chatham Hill, 8 h. 20 m., légère et de quelques secondes de durée; à Pendleton, 8 h. 30 m., avec bruit; à Oldham, 8 h. 20 m. ou 8 f/2 h., durée de huit à dix secondes avec bruit. On l'a ressentie encore le soir, heure non indiquée, à Broughton, Stand, Hope , Smedley et Bury. A Manchester, on l'a signalée comme forte, de LE. à l'O. et sans bruit. Cependant le Manchester Examiner l'a niée. — Le 13, 2 h. 45 m. du soir, à Sienne, une courte secousse ondulatoire. Temps pluvieux. Nouvelle lune. (Mmc Scarpellini.) — Le 17, 10 '/4 h- (10 h. 75 m. sic) du soir, à la Petite-Saba, près de Sl-Thomas (îles Vierges), une première secousse. Le 18, dans la matinée, bruits souterrains. Le 21 , 1 h. 55 m. du matin, une forte , mais courte secousse. Le 29, 9 h. 15 m. du matin, une courte secousse. — Le 18, 8 h. du soir, à Cosenza, une violente et courte secousse, en manière de tremblement aérien (aeromolo) très- violent, et fort coup de vent qui tombe insensiblement. — Le 24, vers 2 h. du matin , à Athènes, tremblement pendant une tempête, durant laquelle il est tombé une poussière jaunâtre. ( o6 ) — Le 2b (le 15, vieux style), 5 '/a h. du matin , à Khoiljcnd, sur le Syr Daria (Turkestan russe), « tremblement dont j'ai pu, dit M. Favitzky, commandant de la forteresse, constater la direction et l'intensité de l'oscillation, grâce au fil à plomb que j'ai établi dans ce but. La direction a été du NE. au SO. et l'intensité de 1 !/4 verschok sur une archine (sic, la longueur du fil est-elle d'une arebine?)» Le tremblement a commencé par un bruit fort et d'environ dix secondes ; ensuite est survenue l'oscillation , dont deux ebocs, notamment le second, ont été surtout sensibles. Le mouvement a duré environ vingt secondes ; après le second choc, le tremblement a commencé à faiblir. C'est le plus fort et le plus long depuis celui du 25 mars 1868. » (M. Osten-Sacken.) — Le 25 encore, à Lahore, tremblement ressenti à peu près en même temps sur divers points du NO. de l'Inde. — Le 26, à l'Etna, grondements sourds et fracas. (M. Grassi.) — Le 50, 10 h. 55 m. du matin, à Zengg (Croatie), tremble- ment. (M.» Boue.) — Au Japon , tremblement signalé par le Moniteur du 1 h avril, d'après des nouvelles du 10 mars. Avril. — Le 1er, 5 h. 45 m. du soir, à San Francisco (Californie), une secousse, la plus forte depuis le tremblement d'octobre 1868. On ne signale pourtant pas de dommages considérables. Elle a eu la même violence, sans plus de dégâts, à San José, Stockton et Petaluma. — Les 1er et 2, à Nice, trépidations, mouvement fort; les 3, 4 et 5, très-fort; le 6, faible; les 7, 8 et 9, très-fort; le 10 et le 11 , faible; les 12, 15 et 14, fort; les 15 et 16, très- fort; les 17 et 18, fort; le 19, faible; le 20, fort; du 21 au 25, très-fort; le 26 au matin, très-faible, et le soir très-fort ; les 28 et 29, fort, et le 50, très-fort. — Le 4, à Malika (île Hawaï) , tremblement violent; peu de dommages. — Le 8, 6 h. 7 m. du matin, à Lima, tremblement très-fort et court. Le 10, à Quito, deux fortes secousses. Le 18, 5 h. 50 m. du malin, à Lima, mouvement et peu de bruit. ( 57 ) Le 50 , 5 h. 59 m. du matin , tremblement léger, peu de mouve- ment et peu de bruit. Le Journal de la Meurthe du 25 mai dit, d'après des nouvelles de New-York, dont il ne donne pas la date : « Une forte secousse de tremblement de terre a été ressentie à Quito, dans l'Equateur et à Callao. » — Le 8, 5 h. du soir, à Cosenza , une secousse d'une seconde de durée. — Le 9, entre 8 et 9 h. du matin, à Vienna (Ontario), une légère secousse du N. au S. et de vingt secondes de durée. — Le 9 et le 10, à Zengg (Croatie), neuf nouvelles secousses; les plus fortes ont eu lieu à 10 f/a h. du soir et à 1 h. 5 m. du matin. (M. Boue.) — Le 10, 10 h. 15 m. du soir, à Pbilippeville et Collo (Algérie), une légère et courte secousse de l'O. à l'E. — Le 11 , à Caracas, tremblement, le dernier de la liste com- mencée plus haut, au 4 avril 1857. Le 15, entre 8 et 9 h. du soir, à San Cristobal (Venezuela), une forte secousse. Le 17, 10 h. et M */4 h. du soir, deux nouvelles et fortes secousses, surtout la dernière, qui fut accompagnée d'un grand bruit. — Le 11 et le 12, à San Salvador, nouvelles secousses. — Le 12 , on mande delà Pointe-de-Galles qu'un tremblement de terre a eu lieu au Japon. — Minuit du 15 au 14, à Sienne, une longue secousse ondula- toire, précédée du rombo ou bruit ordinaire. Le 17, 2 h. 45 m. et 5 h. 50 m. du matin, à Civita-Vecchia, deux secousses ondulatoires du NNO. au SSE. et à 4 h. du matin, une secousse verticale. Toutes trois ont été ressenties à Carneto et à Montai to. M. Alessandrini ne signale que la dernière dans son journal météorologique du mois". (Mme Scarpcllini, d'après M. le professeur Pinelli.) — Le 18, 5 3/4 h. du matin, à Smyrne, une secousse qui, dit-on, n'a été que le contre-coup du tremblement qui a failli détruire de fond en comble Symi et Nyccros, et dont le centre ( 58 ) était cette dernière île. A Symi, maisons renversées. Au départ du courrier, de fortes secousses continuaient d'heure en heure. (Journal officiel de l 'Empire, du 10 mai, d'après Vîfhparlial de Sniyrne du 28 avril.) Des lettres de Symi, l'une des Sporades, signalent la destruc- tion de cette île par un tremblement de terre. A peine y rcste-t-il une maison debout. Les secousses continuent. (Galignani's Mes- senger du 25 mai, d'après le Levant Times , dont il ne donne pas la date). On écrit de Rhodes, Je 25 : « Déjà, quelques jours auparavant, nous avions ressenti une légère secousse qui avait assez fortement remué Symi. » Mais le 1 8 , le phénomène présenta beaucoup plus de gravité : à 5 h. 55 m. du matin, notre île fut violemment secouée, ce qui jeta Ja consternation parmi les habitants, car nous approchions d'une période néfaste et d'un anniversaire douloureux. Personne ici n'a perdu la mémoire de la catastrophe qui, le 22 avril 1865, avait bouleversé Rhodes. » Malheureusement, il n'en a pas été de même à Symi, qui semble avoir été, avec Nyccros, le foyer du fléau. A la même heure que nous nous sentions nous-mêmes secoués, Symi était ébranlée jusque dans ses fondements; plusieurs maisons furent renversées, la plupart des habitations gravement endommagées. Pas une seule maison n'est restée intacte. Il y a plus : des pans de montagnes se détachaient de leur base et de leurs sommets, et l'on voyait avec effroi rouler dans la plaine d'immenses blocs de rochers. Toutes les citernes ont été crevassées et il n'existe pas de source sur cet îlot aride. » A propos d'anniversaire de tremblement de terre, voici une coïncidence vraiment étonnante. » Le 22 avril 1869, tout le monde avait vivant dans la mémoire le souvenir de la catastrophe qui eut lieu le 22 avril 1865 , à 10 h. 20 m. du soir. Eh bien, le croiriez-vous? A la même heure, à la même minute, nous fûmes également ébranlés; nous n'avons point souffert de dégâts, il est vrai. » Depuis le 18 jusqu'à ce jour, nous ressentons de temps à ! 59 ) autre de légères secousses.... Sur la côte qui nous avoisine, à Tatza et à Betza surtout, il y a eu également des dégâts. » (La Turquie, 8 mai.) . Dans sa séance du 10 juin, l'Académie des sciences de Vienne a reçu, de M. Barissich, vice-consul impérial à Rhodes, un rapport dont je n'ai pu me procurer une copie. Voici l'analyse qu'en donne le journal Y Institut du 1er septembre : « La commotion, venant du NNO., a duré assez longtemps. Les maisons qui avaient déjà souffert de la commotion du 22 avril 1803, ainsi que des murs isolés, ont été endommagés; personne n'a péri. L'île de Symi, h proximité de Rhodes, a souffert bien davantage. Des mille maisons qu'elle contenait, soixante-quinze, dont une petite église, ont été détruites, et toutes les autres sont devenues inbabitables. On dit que plusieurs villages situés sur la côte, ainsi que l'île de Kalymnos, ont aussi beaucoup souffert. » Les commotions se répètent tant à Rhodes qu'à Symi, chaque jour et parfois plusieurs fois par jour, sans cependant causer des dommages. * Dans ce résumé , évidemment incomplet, on ne donne pas les dates de ces nouvelles; on n'indique pas même celle du rapport! Le 18 encore, à Constantinople, une légère secousse dont l'heure n'est pas indiquée. Mai. — Les 4er, 2 et 5, à Nice , trépidations, mouvement très- fort; le 4 et le 5, faible. Observations interrompues jusqu'en novembre. — Le 2 , 1 h. 25 m. du matin, à Raguse (Dalmatic), une forte secousse de bas en haut; deux autres plus légères. Le 5, 5 h. 30 m. du soir, une forte secousse, encore de bas en haut. A 6 h. 45 m., une autre plus légère. De ce jour au 14, dix-huit secousses légères, principalement le matin et le soir. Le 14, 7 h. du matin, une forte secousse de bas en haut. On en a compté cinq jusqu'au matin suivant. (IJfl. Jelinek.) Le 29, vers 2 h. du soir, encore une forte secousse. « Je suis pour le moment à Raguse, écrit M. Guillaume Lejcan. Je ne sais si les journaux vous ont parlé des tremblements de terre qui désolent (GO) Raguse depuis un mois. Samedi 29 mai, il y a encore eu deux secousses, la plus forte après 2 h. du soir. Comme la ville a été détruite, en 1G67, par un phénomène de ce genre, les indigènes ont grand'peur. » (Bull, de la Soc. de Gèog., 5e sér., t. XVIII , p. 66; juillet 1869.) — Le fi, en mer, au S. du golfe de Yeddo, éruption sous- marine aperçue par le capitaine Nicherson , du trois-mâts le National Eagle. Voici ce qu'il en dit : « Aujourd'hui, le 6, à 4 '/a h. du soir, comme nous venions de border Smith Island , qui fait partie du groupe situé au S. du golfe de Yeddo, par 51° delat. et 159° de long., nous aperçûmes distinctement une grande colonne de fumée s'élevant au-dessus de l'eau à environ un demi-quart 0. de l'île. En nous approchant, nous découvrîmes que cette fumée provenait d'un volcan faisant partie d'une île composée d'une masse de rochers de cinquante pieds de hauteur et qui semblait sortir du fond de la mer. » Cette île naissante était entourée d'eaux bourbeuses dans un rayon de plusieurs lieues et se trouvait à cinq milles de Smith Island. Quand nous nous trouvâmes à la hauteur du volcan, nous l'entendîmes gronder sourdement en laissant échapper une masse épaisse de fumée et de vapeur qui atteignait en apparence une hauteur de mille pieds. Les rochers devaient être brûlants, car dès que le ressac de la mer les couvrait momentanément, il en sortait une colonne de vapeur accompagnée de sifflements effrayants. » Nous en vîmes également sortir d'un récif isolé à environ un quart de mille au NO. de l'île de nouvelle formation. Si nous ne nous étions pas trouvés aussi près de Smith Island, dont la posi- tion est parfaitement indiquée sur la carte, nous aurions envoyé une embarcation pour faire des sondages. » — Le 12, 4 h. du soir, à Lima, tremblement léger, le seul noté dans ce mois par M. Rouaud y Paz Soldan. — Le 15, 1 h. 20 m. du matin, à Chioggia, deux secousses précédées du rombo ou bruit souterrain. (M,nc Scarpellini.) — Le 19, 5 h. du soir, à Giarre, Pisano, Santa Vcnerina et Dogala, fort tremblement, suivi d'un autre plus violent encore à 5 '/a h. Ils sont à peine sensibles à Acircale. ( fil ) — Le 25 , vers 1 h. 52 ou 53 m. du matin , à Angers, une assez forte secousse de l'E. à l'O. , précédée d'un roulement comparable à celui de chariots pesamment chargés et marchant rapidement sur un terrain sonore. « A cet instant, m'écrit en date du 25, un de mes anciens élèves, M. Delalandcje fus réveillé en sursaut par un mouvement violent, qui, au premier abord, me produisit l'impression d'un animal pesant sautant sur mon lit; mais aussitôt, le cliquetis de vases placés sur une commode de ma chambre ne me laissa plus de doute sur la nature du phénomène. C'était bien un tremblement de terre, et autant que j'ai pu l'apprécier, il se produisait avec plus de violence que celui que nous ressentions ici il y a dix-huit mois environ (celui du 14 septembre 1807). » Je restai quelque temps éveillé, attentif à observer si une nouvelle secousse ne se produirait pas; mais tout resta dans le calme. » A raison de l'heure où ce tremblement s'est produit, il a passé inaperçu pour beaucoup de personnes.... Il m'a donc été impossible de réunir des renseignements bien précis. Toutefois, une personne qui se trouvait éveillée avant la secousse m'affirme qu'elle a été précédée d'un roulement qu'elle compare à celui de chariots pesamment chargés, marchant sur un terrain sonore. La même personne pense, mais sans avoir à cet égard des idées bien arrêtées, que la secousse a dû se produire dans la direction de l'E. à l'O. » — Le 25 encore, 5 h. 25 m. du matin, à Caracas et dans les pueblos voisins, premier tremblement, après une averse de pluie qui, la veille vers 0 */2 h. du soir, avait donné 9 mill. d'eau. Le 25, à Chirique (Colombie), une légère secousse; peu de dégâts. Le 27, 10 h. du soir, à Caracas, second tremblement après une pluie tropicale (aguacero) qui, de 4 à 8 h., avait donné 26 mill. d'eau. En signalant ces faits et un autre analogue du 6 juin suivant à la Société des sciences naturelles de Caracas , M. le docteur Rojas lui rappelle qu'on n'a pas éprouvé une seule secousse à Caracas pendant toute la durée de la longue sécheresse qui , dans le prin- temps , a été si nuisible à l'agriculture , et il croit pouvoir en con- ( 62 ) dure que les pluies (aguaceros) , après lesquelles ces secousses ont eu lieu, ne sont pas sans influence sur les tremblements de terre. Il invoque encore à l'appui de celte thèse , l'opinion de M. Andres Pocy qui, dit-il, a démontré que les grands cyclones des Antilles agissent mécaniquement sur le sol et sont presque tous accompagnés de tremblements de terre. — Le 24, 8 h. du matin, à Cavalla, tremblement. Le 51 , 4 h. 25 m. du soir, à Constanlinople, une légère secousse avec bruit sourd. A Rodosto, 4 h. 55 m. du soir, une secousse assez forte. A Gallipoli, 5 h. du soir, une secousse. A Valona, 9 h. 10 m. du soir, une secousse. — {Sans date de mois, ni de jour). — ■ On écrit de Constanti- nople qu'aux îles Sporades un tremblement de terre désastreux a coûté la vie à des milliers de personnes. (Corr. gèn, autrichienne du 20 mai, reprod. par le CUladino d'Acireale; comm. de M. Grassi). Il s'agit probablement du tremblement du 18 avril précédent. Juin. — Le 1er, 2 h. 50 m. du matin, à Lima, léger tremblement. Le 5, dans la soirée, à Guayaquil (Ecuador), tremblement fort, mais de courte durée. Le 9, dans la matinée, autre fort tremblement. Le 16, 10 h. 29 m. du matin, à Lima, une courte secousse sans bruit, au moment de l'éruption du volcan îzalco qui se trouve dans l'Amérique centrale. Le 19, 1 1 h. 14 m. du soir, à Lima, secousse courte et forte sans bruit. Éruption du volcan Colima au Mexique. Le 25, 8 h. 45 m. du soir et le 28, minuit, 12 h. de la nuit (sic), à Lima, deux autres tremblements légers. — Le 5, entre 4 et 5 h. du matin, à Christchurch (province de Canterbury, sur la côte orientale de la Nouvelle-Zélande), sourd bruit souterrain de plus d'une minute de durée, pendant lequel il y a eu une petite secousse. A 8 h. 0 m. 50 s. suivant M. Haast, ou 8 h. 0 m. 5 s. du matin, suivant le Lyltleton Times, une violente secousse du S. au N. et de trois à quatre secondes de durée. « C'est la plus considérable, (63) ajoute M. Haast, que j'aie ressentie dans la province de Canter- hury; après un intervalle de deux à trois secondes de repos, elle a été suivie d'une légère et très-courte vibration de LE. à l'O. Je n'ai pas entendu de bruit souterrain; mais d'autres per- sonnes en ont remarqué un très-distinct. » D'après le journal cité, la secousse a duré, sans interruption, une vingtaine de secondes; des cheminées sont tombées, des murs ont été lézardés, mais personne n'a péri. Il y a encore eu plusieurs secousses légères dans le jour, notam- ment à midi et demi, puis à 7 h. 9 m. du soir (7 h. 16 m. suivant M. Haast). A Lyttleton , 8 h. du matin, bruit sourd, pareil à celui d'un lourd convoi de chemin de fer, immédiatement suivi d'une vio- lente secousse du S. au N. et de trente secondes de durée. Dégâts peu importants. A 7 h. 4 4 m. du soir, une autre secousse légère. A Kaiapoi, 8 h. du matin, une secousse, la pins forte qu'on y ait ressentie, au dire des plus anciens habitants. A Ohinitahi, 8 h. 6 m. du matin, une secousse, de TE. à l'O. et de plusieurs secondes de durée. A Halswell, 7 h. 47 m. du matin, une forte secousse du SE. au NO. A Akaroa , vers 8 h. du matin , deux secousses distinctes et très- sensibles dans l'espace de quelques secondes. Dans la nuit du 5 au G, à Featherston, près de Wellington, une secousse légère. Le 6, 7 h. 12 m. du matin , à Wellington , une légère secousse. Le 8, 2 h. 16 m. du soir, à Lyttleton, une troisième secousse de cinq secondes de durée. Le même jour, 2 h. 20 m. du soir, à Christchurch , encore une forte secousse. — Le 6, 10 h. 15 ou 25 m. du soir, à Caracas, tremblement fort, mais de courte durée. Le bruit a été plus remarquable que la secousse elle-même. II avait plu entre 5 et 5 */a h. du soir. — Le 6 encore, à Singapore, une légère secousse. — Le 7, 2 h. 55 m. du soir, à Yokohama (Japon), tremblement très-violent. (M. Savatier.) ( 64) Le 1G, on mande de Yokohama qu'on y a éprouvé un tremble- ment qui a causé peu de dommages. (Galig. Mess, du 19 juillet.) — Le 14, à 7 h. 50 m. du soir, l'Etna, après un fort grondement, a projeté un vaste tourbillon He fumée et de cendres qui a pris la forme d'un pin immense. Depuis plusieurs jours, de légères fumées s'échappaient du cratère. Le 29, 9 h. 20 m. du soir, à l'Etna, une secousse qui s'étendit jusqu'à Acirealc; elle fut accompagnée d'une détonation et suivie de trois projections de flamme et de fumée qui s'échappèrent du cratère. Le 30, midi et 2 h. 50 m. du soir, deux nouvelles secousses. — Dans la nuit du 17 (sic), éruption du volcan d'Izalco à San Salvador. Un des jours suivants (hier, dit la notice non datée que je résume), entre 9 et 10 h. du matin, forte explosion, sem- blable à celle d'une pièce de grosse artillerie et suivie d'un immense nuage de poussière qui s'éleva du volcan , et en peu d'instants le couvrit tout entier. Vers 11 h. (environ une heure plus tard, dit la Notice) , pluie de poussière ou de cendres, qui, dans l'espace de deux minutes, recouvrit les rues et les toits à San Salvador et obscurcit le soleil. Heureusement, cette nuée fut rapidement emportée du côté du port d'Acajutla et voila tout l'horizon vers le S. Peu d'instants après, elle tourna à PO.; sa route a été partout marquée par la chute d'un sable fin qui, en somme, a causé peu de dégâts. L'éruption de poussière dura tout le jour. Des personnes qui , au moment où elle a commencé , se trouvaient sur un plateau très-rapproché du volcan , rapportent que l'explosion fut suivie de plusieurs éclairs (relampagos) s'échappant du cratère et que, à chacun de ces éclairs, succédait un coup de foudre (rayo), se précipitant sur le bord à PO. Elles ajoutent que la lave s'en est échappée suivant trois directions, à l'E., au N. et notamment à PO. C'est de ce dernier côté que la foudre a produit des éboulements. Durant la nuit, ces coulées et les divers phénomènes ignés de cette éruption se distinguent à la distance de quatre lieues. (Dia- rio oficial de Bogota, du 21 août, d'après les nouvelles de San Salvador en date du 5 juillet.) ('6b ) — Le 19, vers 11 lfo h. du soir, au Mexique, éruption du volcan Colima, signalée plus haut par M. Paz Soldan. — Le 24, 9 h. 10 m. du matin, à Raguse (Dalrnatic), une forte secousse de bas en haut. (M. Jelinek.) Le 27, vers 2 h. du matin , à Séravéjo (Bosnie) , plusieurs secousses. « Ce phénomène, écrit M. Pricot de Sle-Marie, a été précédé par une sorte de ronflement, immédiatement suivi d'os- cillations de l'E. à 10. pendant la durée de quelques secondes. Aucun dégât à déplorer. » Deux jours auparavant, une secousse avait, dit-on , été res- sentie à Constantinople, puis à Àndrinople. Le lendemain, le télégraphe nous apportait la nouvelle que le tremblement avait été ressenti à Raguse à la même heure qu'à Séravéjo. » Peut-on en conclure que le phénomène a suivi les Balkans jusqu'à la hauteur de Prisrend et que de là il est entré en Bosnie par les Alpes Dinariques-Illyriennes et a suivi un rameau secon- daire pour atteindre Raguse? » (Lettre à M. d'Avezac, en date de Séravéjo, le 28 juin. Bull, de la Soc. de Géog., 5e sér., t. XVIII, p. 170; août 1869.) Le 28, 10 h. 55 m. du soir, à Raguse, une légère secousse horizontale. (M. Jelinek.) — Le 24 encore , vers 5 h. du soir, à Arezzo, une secousse ondu- latoire très-légère. Le 25, 2 h. 55 m. du soir, à Florence, une secousse précédée d'une forte perturbation magnétique. A Vicence, 2 h. 57m. du soir, une forte secousse de NE. au SO. A Bologne , 2 h. 58 m. 55 s. , une très-forte secousse ondula- toire du NNE. au SSO. légèrement verticale, de dix secondes de durée et précédée d'un bruit souterrain. A Bra, même heure, une légère secousse. A Urbino, vers 5 h. du soir, deux secousses qu'on dit avoir été verticales. (Mme Scarpellini.) Le 26, à Florence, une forte secousse du S. au N. et de quatre secondes de durée (Galignani's Messètiger du 50 juin). N'est-ce pas celle du 25 ? On lit dans le Journal de Naples du 50 : « Les instruments de Tome XXII. 5 ( 66 ) l'Observatoire du Vésuve signalent, depuis quelques jours, de fréquentes secousses dans l'intérieur de la montagne. On croit qu'elles sont en relation avec les tremblements de terre qui se sont produits dans l'Italie centrale et spécialement dans les Romagnes. » — Le 24 ou le 25, à Constanlinople et à Andrinople, tremble- ment signalé dans la lettre de M. Pricot. (Vide suprà.) — Le 29, vers 8 h. du soir, à Rurukan, pointe NE. des Célèbes, tremblement. Juillet. — Le 1er, 9 h. du soir, à Huntsville (Alabama), deux secousses. Le 2, 2 h. du matin, à Cairo (Illinois), trois secousses distinctes, la première et la dernière très-légères , mais la seconde assez forte pour rappeler celles de 481 J. Direction du NO. au SE. Durée totale de trente à quatre-vingt-dix secondes. A Saint-Louis (Missouri), 2 h. 9 m. du matin, une secousse du N. au S. suivant les uns, ou de l'E. à l'O. suivant les autres, et de cinq secondes de durée, précédée d'un bruit sourd. On écrit qu'on l'a ressentie aussi dans l'Illinois, le Kentucky, le Mississipi, le Tennessee et l'Arkansas. A Mempbis (Tennessee), un peu après 2 h. du matin, deux fortes secousses d'environ une minute de durée. Le mouvement, d'abord du N. au S., a paru ensuite venir de l'E. et s'est montré, pendant une demi-minute, plus violent que les secousses. A Edgefield (Tenn.), 2 h. 30 m. du matin, tremblement pen- dant plusieurs minutes, avec bruit. On avait déjà, dans ces con- trées, ressenti une secousse quelques jours auparavant. Dans l'Alabama, notamment à Huntsville, 2 b. 50 m. du matin, une nouvelle secousse. Les meubles ont tremblé pendant un quart de minute. Ce tremblement a été ressenti à Corinthe, Helena et Madison (Arkansas), et dans l'O. de Louisville à Clarksville; on a entendu un bruit sourd , comme à Brownsville, Humboldt et Paris. Quelques journaux ont signalé, pour le 16, un tremblement de terre dans le Missouri , l'Alabama et le Tennessee. II y avait déjà eu une légère secousse quelques jours auparavant. Ne s'agit-il pas du 2? ( 67 ) — Le i2 encore, G h. 20 m. du soir, à l'Etna , émission d'une grande pyramide de fumée qui dura peu. Le 18, à la nuit, l'Etna projette avec explosion une quantité de pierres ponces qui rendent presque impraticable le sentier qui conduit au cratère , à travers les laves de la dernière éruption. Le 26, l'Etna vomit de la fumée. — Le 5, de 11 h. du matin à 3 h. du soir, à Durazzo, trem- blement de terre. Pluie et tonnerre le matin; la pluie continue dans la journée. — Le 4,àNassick (Inde), une légère secousse. Le 5 , à Dhoolia , une violente secousse. La même nuit (sic), à Bombay, une secousse. — Le 7, 8 h. 42 m. du matin, à Lima, courte et violente secousse sans bruit. A 2 h. du soir, une autre secousse. Le 16, 7 h. du soir, court tremblement. « A cette époque, ajoute M. Paz Soldan, avait lieu le Terremoto de Pasto, dans la Nouvelle-Grenade. » Le 20, 7 h. 25 m. du soir, à Lima, secousse courte et sans bruit. Le 21 , à 8 b. du soir et à minuit 24 minutes (sic, 0 h. 24 m. du malin , le 22) , une secousse longue et sans bruit. Le 21 encore, 7 ou 8 3/4 h. du soir, à Guayaquil, fort tremble- ment qui dura plus d'une minute. Le même jour, 9 h. du soir, à Payla, une secousse. Minuit du 21 au 22, à Callao, une secousse. N'est-elle pas de 42 h. 24 m. comme celle de Lima ? Le 25 et le 24, à Guayaquil, pluie de cendre attribuée au Picbincha. Le Cotopaxi est aussi en éruption. La panique con- tinue; les prédictions de M. Falb l'augmentent encore. Le 26, au Cotopaxi, renouvellement subit d'activité, qui cessa tout à coup le 4 août suivant (voir plus loin au 12 sep- tembre). Le 29, 8 b. du matin, à Lima, tremblement léger et sans bruit. Je lis encore dans une lettre écrite de Lima, le 10 septembre : « Depuis le 28 juillet, à Callao, jusque dans les premiers jours de septembre, à Puno, Arequipa, et enfin dans toute la contrée ( «3 ) méridionale du Pérou, la terre ne eessc de trembler » (La suite en août). Et dans le Galignani'* Messenger, du 16 août : « A Iquique et Arequipa, les secousses continuent. » — Le 7 encore (?), 5 h. du soir et les nuits suivantes, à Comrie (Ecosse), et dans les villages, secousses dont la date n'est pas expli- citement donnée. On lit dans le Seotman : « Mercredi , vers 5 h. du soir, on a ressenti dans le village de Comrie et dans les localités voisines une secousse assez vive de tremblement de terre. L'ébran- lement du sol était cependant peu sensible, et, comme d'habitude, la secousse paraissait se propager du SO. au NE. Depuis mercredi on a ressenti, durant la nuit, plusieurs secousses légères, dont chacune était accompagnée d'un bruit analogue à celui d'un convoi de chemin de fer en marche, ou d'un tonnerre lointain. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que depuis toute une série d'an- nées, on ressent des secousses pendant le mois de 'juillet, liais cet étrange phénomène se présente fréquemment aussi dans d'au- tre^ saisons. » — Le 15, on mande d'Alger : « A Au maie, tremblement de dix secondes de durée; fortes secousses, r — Le 19, on mande de Xaples: « L'action volcanique continue; les instruments de l'Observatoire vésuvien indiquent encore des secousses. a La semaine dernière, une a été sensible jusqu'à Naples; elle était du NE. au SO. » Le 30, 2 h. 15 m. du matin, à Catanzaro, une forte et très-courte secousse ondulatoire du S. au X. — Le 25, sur la côte de Puna (île Hawaï), marée extraordi- naire. «La mer, dit M. Titus Coan, passa par-dessus les rochers qu'elle renversa, en entraînant dans les terres des masses angu- leuses qui pesaient d'une à trois tonnes. L'eau s'éleva à une tren- taine de pieds de hauteur verticale ou une dizaine de pieds de plus que la dernière grande vague séismique de 1868. Presque tout fut détruit sur les hautes falaises de Kahanalea, et les dé- licieux bains situés dans la fissure de Punaluu ont doublé de profondeur. Cependant, tous les changements produits par les ( 60 ) agents volcaniques ne sont pas encore complets. A Kalapana, la mer gagne de plus en plus sur la terre; deux canaux se sont ouverts à travers la baie; les marées recouvrent maintenant de leurs flots une grande partie de la plaine cultivée autour de ce vil- lage, et passent par-dessus la vieille église en pierres, profondé- ment ensevelie sous le sable et les roches qu'elles ont entraînées avec elles. De Kamaïli à Kapoho les falaises sont entamées et montrent partout l'action dévorante des vagues. Entre les villages de Pohoiki et d'Opihikaa tout est balayé et rasé sur une étendue d'un mille le long de la route parallèle à la côte, dans un endroit que n'avait jamais atteint la mer. Sans la pente rapide que pré- sentent nos côtes, ces vagues, dont le foyer nous est encore in- connu , auraient pénétré beaucoup plus loin » L'auteur ne dit pas si cette vague a été accompagnée de tremblement de terre. La lettre n'est pas datée. (Amer. Jourti. of Se, March, 1870, p. 270.) Aoitt. — Le 5, vers midi, l'atmosphère étant très-chargée d'électricité, on vit tout à coup descendre du volcan d'Ahnachapan (Salvador) un tourbillon de poussière sèche qui se dirigeait vers Sisiniapa, petite ville située au SO. du volcan. Ce tourbillon finit par sétendre sur un rayon de 30 mètres (30 yards, sic); il formait une colonne ayant 200 yards de hauteur; il est resté un quart d'heure environ sur diverses parties du pays, arrachant des bran- ches, des arbres, soulevant de la terre. Une vapeur de fumée épaisse l'accompagnait et l'on entendait par intervalles des déto- nations comme dans un gros orage. Ce phénomène étrange, qui a rempli de frayeur tous les habitants, a duré deux heures et demie; puis la colonne a disparu du côté d'Ataca. Une pluie abondante qui est tombée n'a pas permis de la suivre des yeux. (Rapport du gouverneur d'Apaneca, en date du 7 août). — Le 3 encore, 1 h. 51 m. du soir, à l'Observatoire du Vésuve, le séismographe a signalé une secousse de l'E. à 10. Le 4, 3 h. 40 m. du matin, il a signalé une nouvelle secousse semblable. (Constitiftionnel du 11 août.) Le 15, on écrit de Naples : « Le Vésuve nous annonce son existence avec une grande régularité par des secousses répétées. ( 70 ) » Le 18 courant (sic), on a ressenti deux secousses dans la di- rection habituelle du NE. au SO. » La nuit suivante, deux autres, l'une verticale et l'autre hori- zontale. » Depuis lors, elles se sont répétées à de courts intervalles jus- qu'à ce jour; et comme, dans de telles conditions, elles sont en général les indications de quelque tremblement de terre lointain, nos observateurs s'attendent à la nouvelle de quelque désastre du côté de S. Nicaro (S. Nicandro?). Rien cependant n'a encore trans- piré. » (Athenaeum , n° 2185, du 28 août, p. 274. Comm.de M. Ant. d'Abbadie.) Une des deux dates de cet article est évidem- ment fausse. Faut-il lire 'le 25 au lieu du 15? Ou plutôt le 8 au lieu du 18? A ces détails j'ajouterai les suivants que j'ai reçus de Naples : « Du 5 au 25, à l'Observatoire du Vésuve, secousses continuelles (continue). M. Palmieri les considère comme ayant été le présage des tremblements de terre qui ont eu lieu le 23 en Calabre et le 26 dans la Basilicatc, et dont le dernier s'est fait ressentir jusqu'à Naples. « Après le 20, le séismographe de l'Observatoire resta calme jusqu'au 15 septembre. » (Comm. de M. Guiscardi.) Le tremblement du 23 m'est inconnu. Le 25, au Vésuve, quatre secousses, et le 26, une autre. Le 26 encore, à Potenza et à Melfi (Basilicate), tremblement ondulatoire assez sensible. (Constitutionnel du 28.) Enfin on écrit de Naples, le 50 : « Jeudi dernier, le 26, peu après midi, nous avons encore éprouvé une secousse qui s'est étendue le long de la côte où clic a jeté la panique, notamment à S. Agncllo près de Sorrento. On l'a ressentie à Potenza, capitale de la Basilicate, et à Melfi. » Le professeur Palmieri nous dit que la veille, le mercredi 25, son séismographe a enregistré quatre secousses et que celle de jeudi a été si sensible qu'il ne croit pas nécessaire de la si- gnaler. » Quelle relation ces secousses ont-elles avec le Vésuve? Où s'en trouve le centre? C'est ce qu'il est difficile de dire. Mais, ( 71 ) , Cozzolino, le principal guide du Vésuve, me rapporte qu'il y a beaucoup de fumée dans les trous au sommet de la montagne, qu'ils sont remplis de feu (lave liquide incandescente) qui est vi- sible la nuit. Tous les symptômes indiquent, je crois, une érup- tion assez prochaine. » (Galignanïs Messenger, du 8 septembre.) — Le 6, 5 */2 h. du matin, à Lima, tremblement léger et sans bruit. Le 10, 40 h. 4 m. du soir, bruit sourd et prolongé, peu de mouvement; direction N.-S. Le 18, 8 h. du soir, bruit sourd et comme s'il était lointain. A minuit, un second tremblement. Le 26, 5 h. 50 m. du matin, encore un. Dans ce mois, les secousses sont fréquentes le long de toute la côte. Le 7 et le 8, à Coquimbo (La Serena, Chili), bruits souterrains. « Une série de bruits souterrains, dit une lettre en date du 10, se sont répétés depuis trois jours. » Hier, le 9, à 4 h. 50 m. du matin et le soir, deux fortes, mais . courtes secousses se sont fait sentir. La marée s'est élevée d'en- viron trois mètres au-dessus de son niveau ordinaire. » Le 42, le vapeur Limena arriva à Caldera et il y apprit que, les jours précédents, on avait éprouvé à Copia po des secousses très-violentes. Le 45, 40 */2 h. du soir, à ïocapilla, une violente secousse. Le 14, 41 !/2 h. du soir, à Iquique, fort roulement souterrain pendant plusieurs secondes, sans mouvement sensible du sol. Le 15, 5 h. du matin, il y eut une violente secousse. Le 45, 7 h. du matin, à Janique (Pérou, sic), une secousse si forte que tout le monde se leva et courut vers les Pampas. Ne faut-il pas lire Iquique, malgré la différence des heures indiquées? Le 10, à 4 V2 h. du matin, le Limena ressentit une violente se- cousse en mer; on eût dit que le bateau avait touché. En arrivant, le soir, à Arica, il apprit qu'elle y avait été terrible. A 5 h. et à 9 h. du matin, il y en eut encore deux, mais moins fortes. La même panique régnait dans la ville. Le même jour, heures non indiquées, à Iquique, nouvelles secousses. ( 72 ) Pour le 17, je ne trouve rien à mentionner. Le 18, un peu avant midi, à Copiapo (Chili), une légère secousse qui n'a pas duré moins de trois secondes avec l'accompagnement obligé (quasi indispensable) du bruit souterrain. Il y avait plu- sieurs jours qu'on n'en avait pas senti. Le 49, au milieu du calme de la nuit (sic), à Arequipa, une secousse terrible qui a ébranlé toute la ville et duré de soixante et dix à quatre-vingts secondes. Il n'y en avait pas eu depuis une dizaine de jours. Mais de ce moment jusqu'au 8 de ce mois, dit la lettre du 10 septembre citée au 28 juillet précédent, les secousses ont été fréquentes; dans une seule nuit, on en a compté jusqu'à huit, Le 19 encore, à Arica, plus de quarante secousses plus ou moins fortes dans le jour. On en a aussi ressenti à Tacna. Là , comme à Arica et à Arequipa, on avait de grandes craintes pour le 30 sep- tembre et le 1er octobre, annoncés comme jours néfastes. Le même jour, à Anca (Ica ?), fortes secousses. La population, dans la crainte d'une inondation de la mer, avait abandonné la place. Dans la même crainte, celle d'Arica s'était retirée à Tacna. Le 20, i */4 h. du matin, à Arequipa , une légère secousse, et après 4 h. du matin, une autre peu sensible. Le 21, il h. du matin, une autre très-courte. Le même jour, 1 h. 5 m. du soir, à Copiapo, une légère secousse de quatre secondes de durée; pas de bruit. Le 24, 1 h. 10 m. du soir, à Tacna, une très-forte secousse d'une minute de durée; le sol oscillait visiblement du N. au S.; à peine pouvait-on se tenir debout; des pendules se sont arrêtées. « C'est certainement la plus forte que nous ayons ressentie depuis celle du 15 août de l'an passé, » dit une lettre en date du 25, et elle ajoute : « jusqu'à ce moment, il est 1 h. 25 m., voilà cinq se- cousses que je compte dans l'espace de quinze minutes. » A 2 h. 24 m. et 2 h. 58 m. , deux nouvelles secousses légères. Le même jour, un peu avant i f/a h. du soir, à Arequipa, la plus forte secousse qu'on y ait ressentie depuis plusieurs mois; les on- dulations ont duré au moins une minute et demie. Elle était, dit- on, prédite dans le livre de M. Falb. ( 73) A Tarapaca, elle aurait eu lieu vers midi trois quarts. Le 24 encore, 1 h. 2;> m. du soir, en mer, par lat. 19°17' S. et long. 70*21' 0., à 5 milles de la terre ferme, à 49 milles dans le S. d'Arica et par 7j brasses d'eau, le vapeur le Payta a éprouvé une violente secousse de cinquante secondes de durée. « Panique générale, dit le rapport du commandant, parmi tous les passagers, dont aucun n'avait jamais rien éprouvé de semblable. On ressentit encore une vingtaine de secousses jusqu'à 5 h. 40 m., heure à laquelle eut lieu la dernière. Mais nous pouvons dire que depuis la première, la terre n'a presque pas cessé de trembler pendant sept à huit minutes, avec des intervalles de repos de quelques secondes seulement. » La direction de ce tremblement doit avoir été du N. au S., puisqu'il n'a eu lieu à Iquique qu'à 1 h. 40 m., c'est-à-dire quinze minutes plus tard, et qu'il y a été beaucoup moins fort, quoique ce port ne soit qu'à 57 milles de l'endroit où nous l'avons ressenti. A Cobija, 144 milles au S. d'Arcquipa, on nous a assuré qu'on n'avait rien éprouvé. » Pendant le mouvement, on avait peine à se tenir debout; des personnes ont été renversées à bord; des objets d'un poids consi- dérable, amarrés sur le pont, furent soulevés de plusieurs pouces. La mer paraissait en ébullition tout autour du bâtiment; aussi loin que la vue pouvait s'étendre, les bouillonnements s'élevaient d'un pied et demi à deux pieds avec un bruit pareil à celui que produit une forte pluie sur la mer. En même temps des bruits souterrains et sourds se faisaient entendre. La côte, qui est élevée de 1800 à 2000 pieds et qu'on pouvait apercevoir au loin, sem- blait trembler sur sa base et resta couverte de nuages de poussière évidemment soulevée par. le tremblement, qui détacha des som- mets de grandes masses de rochers. » La plupart des personnes à bord éprouvèrent ensuite un malaise indéfinissable, non identique pour toutes. » Le poids brut du vapeur était de 2,071 tonnes au moment du tremblement. » « Nous avions quitté Ariea, écrit un passager du Payta, et, vers 1 h. 20 m. du soir, le bateau commença à trembler si fortement ( 74 ) qu'il était impossible de se tenir debout. La convulsion dura qua- rante à quarante-cinq secondes; la mer semblait en ébullition autour et il s'en élançait des espèces de petits jets d'eau de 8 à 10 pouces de hauteur. L'aspect de la côte, qui s'élève à 2,500 pieds, était effrayant: elle semblait éprouver un mouvement visible; il s'en détachait d'énormes masses de terre qui roulaient dans la mer et produisaient d'énormes nuages de poussière, par lesquels la côte se trouva voilée dans le N. aussi loin que la vue pouvait s'étendre. Les boussoles et les agrès furent dérangés, les thermo- mètres cassés, mais la machine n'éprouva aucune avarie. Tout le monde à bord fut convaincu que le Pmjta s'était trouvé immédia- tement au-dessus d'un foyer volcanique en éruption. » A 4 */2 h- du soir, le bâtiment éprouve une nouvelle série de légères secousses à quelques secondes d'intervalle. » Le même jour, vers 2 h. du soir, à Iquique , où nous relâ- châmes la nuit suivante, deux violentes secousses; tous les habi- tants cherchèrent un refuge sur les collines voisines; leur terreur n'était pas calmée à notre arrivée. » Le lendemain, à 2 h. de l'après-midi, nous relâchâmes à Cobija. On n'y avait rien ressenti la veille; mais en sera-il de même d'Arica et des provinces N. du Pérou? Je n'ose l'espérer. Partout les prédictions de l'abbé Falb ont répandu la terreur dans les populations. » Nuit du 24 au 25, à Arcquipa, deux nouvelles secousses. Le 25, de 1 h. 10 m. à 1 h. 25 m. du soir, à Tacna, cinq secousses encore. Suivant une lettre de Valparaiso, en date du 25, un voyageur, arrivé la veille, assurait que quelques jours auparavant on avait éprouvé une forte secousse dans le Ccrro de Maipo qu'il venait de traverser : la population effrayée prétendait avoir remarqué les signes avant-coureurs des éruptions volcaniques, des colonnes de fumée et de vapeur s'élevant à une grande hauteur dans les airs, avec une forte odeur d'acide sulfureux ou de soufre brûlé s'éten- dant à une grande distance. « Cependant, ajoute cette lettre, il est bien étrange qu'un tremblement si fort ne se soit pas fait sentir jusqu'à nous, qui nous trouvons si rapprochés du Maipo. » f 75 ) » Plusieurs volcans, entre autres celui d'islonga, sont, dit-on, en éruption, et la nuit on voit des flammes s'en échapper sans intermittence. » (Lettre de Lima, en date du 40 septembre.) D'après des nouvelles de Valparaiso, en date du 2 septembre, on avait éprouvé des secousses au Chili, mais bien moins vio- lentes que celles qu'on ressentait presque chaque jour dans le sud du Pérou. La Opinion National de Caracas rapporte, dans son numéro du 4 4 octobre, l'extrait suivant du Correo de Panama du 22 sep- tembre : « Le vapeur Payta nous a apporté la nouvelle de nou- veaux tremblements de terre éprouvés au Pérou. Ces secousses ont été fortes et répétées dans tout le Sud. Un télégramme pu- blié par le National de Lima, dit qu'à Pisagua la mer a baissé de seize pieds et remonté ensuite de six pieds au-dessus de son niveau ordinaire, et que tous les bâtiments, dans la crainte de chasser sur leurs ancres, s'étaient préparés à prendre le large. » Au Chili, on a remarqué le même phénomène, mais plus faible qu'au Pérou. La Palria, el Independienie et le Ferro-carril parlent d'un fort tremblement de terre éprouvé à Maipo; toutes les montagnes voisines ont été violemment agitées. » El Correo de la Serena parle aussi d'une série de bruits sou- terrains qui auraient précédé deux fortes secousses, de courte durée, qu'on y a ressenties. Déjà alarmée par les prédictions de l'astronome Falb, la population a éprouvé une panique générale. » J'ai traduit textuellement; on le voit, pas une seule date n'est indiquée. Je lis encore dans plusieurs journaux français, notamment dans le Peuple français du 29 octobre, de longs extraits d'une corres- pondance de Lima, suivant laquelle de nombreuses et fortes se- cousses auraient été ressenties, du 20 au 24 septembre (sic), h Lima et sur toute la côte occidentale de l'Amérique du Sud. M. Rouaud y Paz Soldan , qui habite Lima et fait avec le plus grand soin des observations astronomiques , météorologiques et séismiques, ne me signale aucune secousse à Lima du 20 au 24 pour le mois d'août, ni pour septembre. Le fait cité par le Peuple français me semble inexact. ( 76 ) « Sur In côte même, continue le journal cité, le phénomène a été plus terrible; il s'est compliqué d'an ras de marée presque aussi fatal que celui de l'année dernière. A ïquique et à Arica, la mer a reculé brusquement vers le large, entraînant navires et ba- teaux, puis elle est revenue, sous la forme d'une énorme vague, jusqu'à (> pieds au delà de son niveau ordinaire. Cinq fois cette vague a reculé pour s'abattre ensuite sur le rivage avec une force inouïe... Les affaires sont totalement suspendues. A Arica, les mai- sons sont désertes. La situation est à peu près la même à ïquique et à Pisagua. » Pendant quatre jours, le pays situé au nord d'ïquique , jus- qu'à une distance de trois cents milles, a été fortement secoué; mais les plus fortes secousses ont eu lieu le 24. On les a observées à Cuzco, à Tacna,à Arequipa... et en pleine mer... » Suit la des- cription du tremblement éprouvé par le vapeur le Payta. Malgré la date mensuelle de septembre, donnée par le journal cité et par d'autres, tous les faits relatés dans la correspondance de Lima se rapportent évidemment au mois d'août. — Le 6, de 1 1 h. du matin à 1 h. du soir, à Saint-Vincent (Cap Vert), marée extraordinaire. L'eau se retira si subitement de plu- sieurs pieds au-dessous de son niveau ordinaire, qu'elle laissa beau- coup de poissons au milieu des rochers. Ces marées anormales se répétèrent quinze fois dans l'espace de deux heures. La journée précédente avait été extraordinaircment chaude. Dans le résumé des nouvelles apportées par le City of Rio de Janeiro, quia relâché le 8 à Saint-Vincent, -il n'est pas fait mention de tremblement de terre. — Le 11 , dans la nuit, et le 12, G h. 55 m. du soir, à Yoko- hama (japon), tremblements. (M. Savatier.) — Le 12, vers l'aube, à l'Etna, détonations et grandes émissions de fumée. Le 13, au soir, on aperçoit au-dessus du cratère des flammes qui durent peu. Dans la nuit du 16 au 17, plusieurs détonations. (M. Grassi.) — Le 17, 8 h. 46 m. du soir, à Abbadia, près Hendayes (Basses- Pyrénées), brusques et faibles secousses , constatées au moyen de ( 77) sa lunette nadiralc par M. Ant. d'Abbadie, membre de l'Institut de France. « Hier au soir, m'écrit-il le 18, en voulant mesurer l'azimut exact des fils fixes dont j'observe les images dans le mercure, j'ai vu, à 8 h. 40 m., plusieurs secousses subites, suivies de repos, et larges de trois secondes environ. Ni moi, ni mon aide qui a passé tout l'hiver ici, n'avons rien vu de pareil. Est-ce un faible tremble- ment de terre? La mer était en même temps subitement houleuse. » J'ai aujourd'hui dix mois d'observations continues (sauf du 17 au 25 février) de la verticale dans un bassin de mercure à 40,14 mètres en contre-bas. Sur soixante-cinq observations com- parées aux hautes et basses mers, j'en ai cinquante-huit où la haute mer semble attirer le mercure. 31. Radau trouve que l'at- traction égale 0",06 pour 2 mètres de hauteur. Or, j'ai une moyenne de 2ni8 et une déviation de 0"298. En ajoutant aux (TOC les 0"054 causées par l'attraction directe de la lune, on a un ré- sidu de 0"2 que j'attribue à l'élasticité du sol qui se déprime par le poids du flot. L'an prochain, D. V.,je ferai une expérience di- recte. » « Puisque, mon cher ami, m'écrit-il de nouveau le 7 septembre, vous avez pris intérêt à mon observation du 17 août, je vous donne celle du 18 : » J'observais le nadir à midi 55 m. de la pendule. A midi 56, je vis une oscillation tout à fait neuve pour moi et qui me rappela la courbe obtenue à Alger et publiée dans les Comptes rendus, en 1867, je crois. Je n'ai encore vu rien de pareil, et sans mon microscope je n'aurais pas vu cette courbe si petite, qui prouve que bien de petits tremblements de terre passent inaperçus. C'était comme si un bassin de mercure avait été levé subitement du côté de l'est, puis au nord, car l'oscillation microscopique avait deux sens à la fois. » — Le 19, 5 h. 10 m. du matin, à Taehira (Colombie) et à San Cristobal, une légère secousse oscillatoire. Le 20, bruits souterrains. Le 24, entre 8 et 9 h. du soir, une secousse presque insensible, accompagnée d'un bruit souterrain. ( 78 ) — Vers minuit, du 27 au 28, à Ancône, une forte secousse on- dulatoire. — Entre le 22 et le 29, la semaine dernière, écrit-on de Mexico, le dimanche 29, à Guadalajara, une secousse. Septembre. — Le 1er, 8 h. 15 m. du soir, à Batna (Algérie), tremblement « par lequel, dit un observateur, M. le Dr Ollivier, on a été violemment soulevé à deux reprises , au premier étage d'une maison en pierre qu'il habite. La secousse, accompagnée de bruit et dirigée du NO. au SE., a imprimé au sol, pendant trois ou quatre secondes, un mouvement ondulatoire très-sec avec tré- pidation. De divers petits objets placés sur une étagère, les uns ont été projetés en avant, les autres couchés en arrière de leur base... » (Comptes rendus, t. LXIX, p. 650). Suivant le Constitutionnel du 10, il y aurait eu trois secousses verticales dans la journée; il les signale comme les plus violentes qu'on y ait éprouvées depuis 1865, et remarque qu'elles ont été suivies d'éclairs et de tonnerre. Le 20, à Chébli (Algérie), une légère secousse, suivie d'une autre assez violente paraissant venir du SO., et de trois secondes de durée. Ciel pur, temps calme. Ce tremblement a été ressenti à Alger à la même heure. Il a affecté les mêmes localités que celui du 2 janvier 1867, mais avec moins d'intensité. (Cosmos du 16 octobre, p. 416.) Je lis encore dans le Constitutionnel du 50 septembre : « Une secousse de tremblement de terre, ressentie dernièrement à Alger, l'a été également à Blidah, à Médéah et dans les villages au pied de l'Atlas. A Mouzaïaville, la Chiffa et el Affroun, quelques maisons lézardées. » — ■ Le 2 (le 21 août, vieux style?), 5 h. 8 m. du soir, à Schcmacha (Caucasie) et dans les environs, notamment à Sundi,à 15 verstes de distance, une secousse alarmante de quinze secondes de durée sui- vant les uns et de vingt-deux selon les autres. Les ondulations suivirent des directions différentes, se croisè'rent entre elles et furent mêlées de chocs verticaux. L'eau des sources était devenue boueuse et l'air s'était rempli d'une odeur dail-avant la secousse, qui fut immédiatement précédée d'un tonnerre souterrain et ac- ( 71) ) compagnéc de colonnes de poussière courant rapidement de l'est à l'ouest. Les aimants perdirent leur force attractive. La plupart des maisons s'écroulèrent en un instant! Le centre du mouvement était dans une des chaînes voisines de Schemacha. — Le 5, 2 h. du matin, à Lima, une faible secousse. A 8 h. 40 m. du matin, courte et violente secousse sans bruit. Le 7 , 10 h. 59 m. du matin, tremblement léger. Le 15, 5 h. 54 m. du soir, secousse de force moyenne et de quel- ques secondes de durée. (M. Paz Soldan.) Des nouvelles de Callao, en date du 14, portent que Lima était dans la consternation. Des secousses d'une violence désastreuse avaient encore désolé les provinces méridionales; le dernier jour elles étaient effroyables. Alquique et à Arica, la mer s'était retirée plusieurs fois avec une vitesse effrayante et s'était, au retour, élevée de six pieds au-dessus de son niveau ordinaire... Ces nou- velles sont, sans nul doute, relatives aux secousses que j'ai rappor- tées au mois d'août. Le 16, 9 h. 40 m. du matin, à Tacna, tremblement. Le 17, 5 h. 21 m. du soir, à Lima , une légère secousse. (M. Paz Soldan.) Le 18, à Imbabura (Ecuador), fort tremblement, signalé par ces seuls mots dans une lettre de Quito, en date du 22, laquelle ajoute qu'on a aussi ressenti à Quito quelques secousses, mais de peu d'importance, dont elle ne donne pas même les dates. Quand je les réclame de mes correspondants, ils me répondent que, dans le pays, on ne les note pas, à moins que les désastres ne soient considérables. Et cependant ici, il est dit que le 21 , à 7 h. de la nuit, au moment où la pluie venait de cesser, on a vu un bel arc- en-ciel lunaire qui s'étendait de Tejar à la Magdalena. On n'en distinguait pas les couleurs, mais il a duré sept à huit minutes. Pourquoi ne décrit-on pas ainsi les secousses de tremblement de terre? Le 19, 2 h. 25 m. du matin, à Taena, deux nouvelles secousses. Le 20, 6 h. 18 m. du soir, autre tremblement très-fort. (M. Paz Soldan.) Les 20, 21 et 24, au Chili et dans le sud du Pérou, violentes se- (80) cousscs. On parle de ruines immenses à Iquique et à Arica, et de mouvements extraordinaires des eaux de la mer. (Télégramme transmis de Londres, le 15 octobre, au Galignaras Messenger, qui l'a publié dans son n° du 4 6). Ces faits sont encore évidem- ment du mois d'août. Le 25, on écrit de Guayaquil : « Les tremblements équinoxiaux ont disparu; le 25 s'est passé sans la moindre secousse. Mais la panique causée par les prédictions de M. Falb n'a pas cessé. On tremble toujours pour la date néfaste du 5 octobre. » Ici encore on ne donne pas les dates de ces tremblements équinoxiaux. Le 26, à Guayaquil, trois fortes secousses. Nouvelles alarmes dans l'Ecuador. Le 27, 4 b. 1 2 m. du soir, à Lima, une secousse de dix secondes de durée. Le 28, au départ de la malle de Callao, les secousses continuent sur la côte du Pérou jusqu'à Guayaquil. — Le 5 , à Arizona (Californie), tremblement. Le 12, en diverses parties delà Californie, une légère secousse. Le 13, sur la côte du Pacifique, une légère secousse, signalée par le Richmont Enquirer du 15, qui, dans son numéro du jeudi 10, ajoute : « En Californie, plusieurs secousses. Une forte à San Luis Obispo et une faible à Sacramenta, lundi. » Ne s'agit-il pas encore du lundi 15? — Le 9 (nouveau style), à iEdypsos (Grèce), trente-deux se- cousses successives dans l'espace de 24 heures; les eaux ther- males se sont sensiblement accrues dans cette localité, et la mer était fort agitée pendant ce temps-là. Quatre jours après, au milieu de la nuit, à Lamia, une secousse qui a beaucoup effrayé les habitants. (La Turquie,n° du 4 octobre.) Je lis dans le Courrier d'Orient du 17 septembre : « Dans Tîle de Symi,on continue à sentir des secousses de tremblement de terre. « Le même phénomène se produit en Thessalie. » — Le 11, 5 !/4 h. du matin, à Bigorre, Bagnères, Baréges, Luz, Saint-Sauveur etïarbes, une forte secousse du N. au S. avec bruit sourd comme un tonnerre lointain. A Saint-Sauveur, elle a été ( 81 ) accompagnée d'un bruit qu'on a comparé à celui d'une diligence. — Le H encore, au départ du paquebot YAt/tenian, les mon- tagnes des Camerons étaient en éruption. On dit qu'il s'est écoulé plusieurs siècles depuis l'apparition d'un semblable phénomène. (Journal officiel du 18 octobre, d'après le 7ïmes.)Mais il y existe encore des solfatares, comme je l'ai prouvé dans ma notice sur le ©eaw Qxifiuz, publiée dans les Annales des Voyages, numéro de juillet 1865. — Le 12,6 h. 10 m. du malin, à Catanzaro, une légère secousse ondulatoire de l'E. à i'O. (Mme Scarpellini.) Le 17, 10 h. 2 m. du matin, à l'Observatoire du Vésuve, une secousse ondulatoire. A midi 7 m., une autre secousse verticale. « Le Vésuve, écrit M. Palmieri à la date du 18, a conservé un reste d'activité éruptive , démontrée non-seulement par la fumée qui est abondante à certaines heures, mais aussi par les nom- breuses sublimations qui s'observent du côté septentrional du petit cône, où se trouve l'origine de la fissure de la dernière érup- tion, et où les crevasses des laves émettent encore beaucoup de lumière pendant la nuit. » « Depuis, écrit- il le 27, les secousses se sont renouvelées. » (Vide infrù.) Le 19, 5 h. du soir, à Locorotondo (Terre de Bari), une secousse ondulatoire, la veille de la pleine lune. (Mme Scarpellini.) « Les 20, 22 et 23, dit M. Palmieri, nouvelles secousses pendant l'éruption de l'Etna. » Le 22, pendant que je décrivais le séismographe à M. le doc- leur Joseph Szabo, professeur à l'université de Pesth, et à M. Sigis- mond Vilmos, ingénieur des mines, l'appareil enregistra devant eux une secousse ondulatoire du N. au S. et de trois secondes de durée. » (Comm. de M. Guiscardi.) Le 24, à San Germignano, Sienne, Colle, Casteifiorentino, Vol- terca, Certaldo, Poggibonsi, tremblement. (Cosmos du 18 octobre, p. 417.) Le 26, vers 9 h. du soir, à Sienne, Poggibonsi , Colle d'Eisa et San Germignano, fortes secousses ondulatoires qui se répétèrent fréquemment la nuit suivante. Tome XXII. 6 (82) A Florence, avant 10 h. du soir, une légère secousse ondula- toire. La même nuit, à Naples, plusieurs secousses ondulatoires dont quelques-unes très-longues. (M,nc Scarpellini.) Le même jour on télégraphie de Florence : « On mande de Catane qu'une éruption vient de se manifester sur le versant de l'Etna. Deux torrents de lave se précipitent dans la vallée. Aucun danger n'est signalé. » [Constitutionnel du 28.) Le 26 encore, sur les hauteurs de l'Etna et dans les villages voisins, une secousse produite par l'ouverture d'une nouvelle éruption. (Galignanis Messenger du 28 septembre.) Le mardi 28, on écrit de San Germignano : « Une secousse très- violente s'est produite dimanche à 9 3/4 h. (sic). Elle a été sus- sultoire (verticale) et accompagnée d'un grand bruit. Elle a plus ou moins endommagé la plupart des maisons, particulièrement celles qui sont situées au NO., dont deux se sont écroulées. Entre cette secousse et la première, qui s'était fait sentir à G 5/4h. (sic, du soir probablement), il y en a eu quatre autres légères et remar- quées par peu de personnes; mais celle de 9 5/4 h. a obligé tous les habitants du bourg de prendre précipitamment la fuite... » Les secousses se succèdent presque sans interruption, avec plus ou moins de force, mais toujours accompagnées d'un grand bruit. On croirait parfois entendre une forte canonnade. » A Sienne, à Colle, à Castelfiorentino et à Vol terra, les secousses sont plus légères. Certaldo , Poggibonsi et S. Germignano sont les localités les plus éprouvées. » Depuis quatre jours, nous ne voyons pas le plus petit nuage. Cependant, le soleil n'est pas très-brillant et nous subissons une atmosphère étouffante, insupportable. » P. S. — 29 septembre, midi. — Les secousses ont été géné- ralement plus faibles. Cinq se sont produites successivement vers 2 h. du matin. A 10 h. nous en avons ressenti une forte, toujours avec le même bruit. » (Journal officiel du soir, 5 octobre.) — Le 12, le gouverneur de la Province de Léon (Ecuador) a adressé au Ministre d'État le rapport suivant, daté de Latacunga : « M. le Ministre, convaincu qu'il est de mon devoir de vous ( «3 ) communiquer tous les faits qui peuvent contribuer à nous mettre en garde contre une catastrophe probable et à nous la faire éviter, j'ai l'honneur de vous informer que l'eau des puits des maisons de cette ville a beaucoup monté, qu'elle y est aujourd'hui à un niveau beaucoup plus élevé qu'à l'ordinaire et que même, en deux points distincts de la ville, elle s'est montrée en grande quantité à fleur de terre, sans excavations antérieures, sur un terrain jusqu'alors aride et sec » Ce n'est pas tout : en plusieurs endroits, de nouvelles eftîo- rescences de nitrate de potasse et de sesqui-carbonate de soude ont apparu; elles sont considérables ; les anciennes ont aussi beaucoup augmenté , ce qui démontre un grand accroissement d'humidité dans le sol; ces deux phénomènes se confirment l'un l'autre. » Comme la sécheresse de l'atmosphère est complète et qu'il n'a pas plu depuis longtemps, l'augmentation des eaux souter- raines et l'état hygrométrique du sol me font supposer que les enveloppes imperméables des cours d'eaux intérieures éprouvent une pression de bas en haut, laquelle produit à la fois la crue des courants souterrains et l'humidité plus grande à la surface du sol, dont elle accroît l'action capillaire. » Cette pression me semble d'autant plus à craindre, que l'acti- vité du Cotopaxi s'est manifestée subitement le 26 juillet dernier et a cessé brusquement le 4 août. j> Déjà, avant la catastrophe du mois d'août 1868, j'avais remarqué, dès le mois de février précédent, des phénomènes qui, expliqués d'après le même principe que je viens d'énoncer, me firent pressentir le tremblement de terre. Comme d'un autre côté, il est de tradition à Latacunga, que, toujours (dans tous les temps passés), l'augmentation des eaux des puits a précédé les grands tremblements de terre, j'ai cru devoir vous signaler les faits qui précèdent pour que le gouvernement puisse en juger et agir en conséquence. » Dieu vous garde. » Signé : Feliz Sarrote. » Sans admettre complètement la théorie de l'auteur, j'ai cru ( 84) devoir traduire son rapport en entier. Comme lui, je suis con- vaincu qu'il est bon de faire connaître les faits qu'il décrit. — Le 15, on mande d'Honolulu (iles Sandwich) qu'on y avait éprouvé plusieurs secousses. — Le 1 5 et le 16, à St. Thomas (îles Vierges), quinze secousses dont une seule violente. (Comm. de M. Rojas. qui ne parle pas des suivantes.) Le 17, 2 h. 48 ou 50 m. du soir, trois secousses violentes qui ont fortement ébranlé plusieurs maisons. Jusqu'à 11 h., neuf secousses encore, mais moins violentes. Ce sont les plus fortes depuis celles de 1867, auxquelles on les com- pare. La journée avait été très-chaude, le thermomètre avait marqué 90° F. (55° 56 C.) sans la moindre brise. Du 14 au 15, ouragan terrible dont la malle royale Tasmanian a beaucoup souffert et nest, par suite, arrivée à St. Thomas que le 17, à 7 h. du soir. Vers la fin du mois, plusieurs secousses encore. Quelques maisons renversées. — Le 28, 1 1 h. 35 m. du matin , à Caracas , une petite secousse, suivie d'un bruit prolongé semblable à un roulement sourd de tonnerre. A La Guayra, 11 h. 50 m. du matin, une secousse à peine sen- sible, mais bruit de longue durée. — Le 29, entre 6 et 10 h. du matin , à Pcnzance (Cornouailles), marée extraordinaire. La mer se retira et revint environ toutes les vingt minutes avec une différence de niveau qui fut de cinq pieds à chaque fois. A Newlin et aux iles Scilly, phénomène sem- blable. A Truro, il eut lieu une heure avant la mer montante; il s'y renouvela vers 1 1 h. ou une demi-heure après la pleine mer, mais la vague la plus remarquable fut celle de 6 h. du matin. Ce ras de marée a été observé sur toute la côte S. du Cornouailles. Peu sensible à Plymouth, il n'a été signalé sur aucun point du Dcvonshire. — On lit dans le Times de St. Thomas du 25 septembre : « On a reconnu que la roche sur laquelle ont fait naufrage les vapeurs Germania et Cleopatra, non loin de la côte de Terre- (88) Neuve, avait été soulevée par nu effet volcanique. Le Gouverne- ment anglais doit envoyer une expédition pour reconnaître tous les dangers et les marquer par des bouées. » En 1846, on a annoncé, comme probable, sinon comme certain, l'exhaussement graduel de l'île de Terre-Neuve. (Arch. des Se. phys. et mit., t. III, p. 286, et Ann. des Voyages, t. II, p. 107). Le fait cité ne viendrait-il pas à l'appui de cette opinion? Octobre. — Le lep, Il */- n- du malin, à Manille (Lueon), une très-violente secousse du SSE. au NNO. et de cinquante secon- des de durée, précédée d'un rapide et léger frémissement du sol qui avait duré cinq secondes. Quelques instants après, deux nou- velles secousses de plusieurs secondes de durée. Si le mouvement eût continué quelque temps encore dans toute sa violence, c'en était fait de Manille. Beaucoup de maisons lézardées, plusieurs renversées. A Cavité et dans les provinces ^voisines, désastres plus considérables. Le 2 et le 3, à (> et à 8 h. du soir (sic), deux nouvelles et fortes secousses, sans nouveaux dégâts. — Le 2, minuit a m. (sic) , à Lima, une légère secousse. Le 18, 5 h. 20 m. du soir, tremblement léger. Le 30, minuit un quart (sic), bruit sourd et au loin. Ce sont les trois seuls faits mentionnés pour Lima; mais on signale encore les suivants pour le Pérou: Le 13, i) h. 20 m. du soir, à Arequipa, une longue secousse. Le 14, 3 h. 40 m. du matin, une autre seeousse semblable. Ce sont les deux plus notables de la semaine. Vers cette époque, ou peut-être vers la fin du mois, le volcan d'Ubinas a lancé, pendant trois jours, beaucoup de fumée et de sable volcanique qui a recouvert les régions voisines. Le 19, 2 h. la m. du soir, à Cobija , fort tremblement, accom- pagné d'un bruit plus fort que de coutume. Le 26, 2 h. 40 m. du matin, tremblement ondulatoire qui a causé des dégâts. A 6 h. 12 m. du matin, autre tremblement, long et avec fort bruit. Dans le jour, cinq autres secousses. Le 31 , 4 h. 15 m. du soir, une forte secousse sans bruit. — Le 2, 7 h. du soir, à Udine, une légère secousse ondulatoire ( 86) — Le 2 encore, vers 14 h. 40 m. du soir, à Liège, une petite secousse double qui s'est manifestée très-sensiblement, par l'os- cillation des meubles de la chambre où se trouvait M. de Koninck, membre de l'Académie des sciences de Belgique. — La même nuit du 2 au 5 , le long du Rhin , à Bonn , Coblence , Ncuwied, une assez forte secousse; elle a été légère à Cologne et à Boppard. A Rcmagen, elle a été du NO. au SE. et d'environ deux secondes de durée. Je ne trouve plus à mentionner en ce mois , pour les provinces rhénanes, que les faits suivants, extraits d'une notice publiée dans la Gaea, Heft X, 1869 , par le Dr 0. Buchner : Nuit du 26 au 27, à Gross Gerau (Hesse), une première et légère secousse qui fut à peine remarquée, et qui ne paraît pas avoir été ressentie dans les localités voisines. Dans la nuit et le lendemain, autres secousses, aussi légères, auxquelles on ne prêta pas plus d'attention. Aucune de ces secous- ses ne s'étendit jusqu'à Mayence,Darmstadt et Francfort, qui for- ment , à l'embouchure du Mein, les sommets d'un triangle ébranlé plus tard dans toute son étendue. Le 28 , à 4 h. du soir, il y en eut une plus forte qui parait s'être étendue jusque dans la partie occidentale de Darmstadt, où elle fut légère. C'est la seule qu'on y remarqua, mais non pas la seule que, ce jour-là, on observa à Gross Gerau. Le 29, nouvelles secousses qui ne se renouvelèrent plus isolé- ment et à des intervalles plus ou moins longs. Dans la soirée, elles se succédèrent par groupes avec de courts intervalles de repos. Il y eut cinq de ces groupes de secousses jusque dans la soirée du 50. Malgré les vibrations et les craquements qu'elles causaient, les habitants n'en éprouvaient aucune inquiétude. Le 50, 4 h. 25 m. du soir, une secousse qui s'étendit jusqu'à Darmstadt, où elle fut faible et dura deux ou trois secondes. A 8 h., une forte secousse, avec une détonation comme celle d'un coup de canon, ébranla non-seulement toutes les maisons de Gross Gerau et des localités voisines , mais elle fut aussi ressentie à Darmstadt et à Langcn. A Pfungstadt (au sud de Darmstadt) et dans la plaine du Rhin située entre ces deux villes, notamment à Obcrstock, ( 87 ) à Schloss Schonbcrg, à Rcichelsheim, à Odcnwald, etc., elle parut très-violente et fut accompagnée d'un bruit souterrain semblable à celui du tonnerre lointain. On ne la signale pas comme s'étant étendue jusqu'à Mayence et à Francfort, quoique ces deux villes soient moins éloignées de Gross Gcrau que Darmstadt. La direc- tion du mouvement ne paraît pas avoir été la même partout : ainsi, à Pfungstadt on a noté celle de l'O. à l'E. , à Rcicbelsbeim celle du SE. au NO. , à Schonbcrg celle du INNE, au SSO. , à Ensheim et à Rheinhessen celle de ESE. à ONO. Vers M */2 h., à Gross Gerau, une secousse semblable, qui ne paraît pas avoir été remarquée à Darmstadt, mais qui le fut dans les villages d'Eberstadt et de Schonbcrg, situés au sud; elle est même signalée comme ayant été accompagnée d'un fort bruit dans cette dernière localité. Le 51 , 1 h. du matin, à Gross Gerau, une secousse à laquelle s'applique la description précédente. Elle fut suivie d'une série de nombreuses et légères secousses , accompagnées de roulements et de bruits souterrains, qui se renouvelèrent jusqu'au point du jour, et furent ressentis seulement dans le centre du triangle signalé précédemment. A 7 h., 9 h. et quelques minutes, M f/2 h. du matin, midi et demi et 5 {h h. du soir, secousses plus fortes, cheminées et poêles renversés à Gerau , ainsi que les vases sacrés dans l'église. Les localités voisines, Dornheim, Gricsheira, Gernsheim, Sec- heim, Vorfelden , Wolfskeler et Weiterstadt ont éprouvé les mêmes effets. On n'en ressentit qu'une, la dernière, à Darmstadt; encore y fut-elle faible; mais à Langen (au nord de cette ville), elle fut beaucoup plus forte; elle y fut accompagnée d'un bruit sem- blable à celui du tonnerre lointain et dura dix à douze secondes. A Pfungstadt et à Reichelsheim, elle futc très-courte, mais.très- sensible. On n'a rien remarqué à Francfort. A 5 h. 20 m. du soir, à Gross Gerau et dans tous les environs, une secousse si violente que tous les habitants, déjà effrayés par les secousses précédentes, s'enfuirent épouvantés dans les rues. Cependant aucune maison ne s'écroula, mais beaucoup de chemi- nées lurent renversées, des plafonds tombèrent, les lustres et ( 88) les cadres appcndus aux murs lurent agités fortement et l'eau contenue dans les vases non renversés s'épancha par-dessus les bords. Les ondulations d'une secousse si violente ne pouvaient man- quer de se propager à de grandes distances. A Darmstadt, le mou- vement fut violent, ondulatoire du S. au N. et composé de trois secousses distinctes, d'une durée totale de dix secondes; la neige qui couvrait beaucoup de toits glissa à terre. A Fiïrth (5/4 de mille au SO.), la secousse fut encore violente. Cette secousse paraît avoir été plus intense dans les parties granitiques que dans les terrains sédimentaircs de la plaine hes- sienne du Rhin. Cependant, on l'a ressentie assez fortement, à Hcidelberg et à l'ouest du fleuve, par exemple à Sprindlingeu et à Oppenheim, où des plâtras se sont détachés, des murs ; elle fut accompagnée de bruit dans cette dernière localité. Elle fut plus faible à Francfort, à Mayence, dans les environs d'Offenbach , dans une grande partie du Taunus de Nassau , et dans la région moyenne du Rhin et delà Lahn, où l'on cite Haltersheim, Epstein, Wiesbadeo, Sehierstein, Boppard, Dictz, Limburg, Nunkel et Giessen. A Giessen , 6 h. du soir, une secousse de l'E. à l'O. A Wiesbadcn, 6 h. 28 m. du soir, encore une secousse assez forte et de deux secondes de durée. On ne signale pas les secousses précédentes comme ayant été notées à Gross Gerau; mais elles y furent probablement ressen- ties, car, pendant toute la nuit, le sol y fut dans un mouvement ou frémissement presque continu, interrompu seulement par des chocs plus ou moins forts, et accompagné d'un bruit sourd ou tonnerre souterrain a peu près incessant.. Quelques-uns des chocs étaient du N. au S., mais la plupart de l'O. à FE. Enfin, à Francfort, 11 5/4 h. du soir, tremblement pendant dix minutes (!), suivant quelques journaux. (La suite au mois suivant.) — Le 4, vers 2 5/4 h. du malin, éruption du Puracé; elle commença par des explosions qui furent entendues jusqu'à Popayan, à 27 myriamètres de distance. Le jour même, le prési- ( 89 ) dent de l'État (de Cauca) chargea une commission d'aller étudier le phénomène et de lui en faire un rapport. J'ai eu la bonne for- tune d'obtenir une copie de ce rapport officiel, auquel j'emprunte les détails suivants : « Au reçu de l'arrêté du président de l'État, je me suis mis en route, le jour même, pour remplir la mission qui m'était confiée... Mais j'ai eu le désagrément de perdre les deux jours de beau temps qui ont suivi l'explosion; forcé d'attendre un moment favo- rable pour faire l'ascension du volcan, je me suis établi sous un abri temporaire que j'ai fait construire à l'entrée des Cenizales, à l'altitude de 4,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, ou de 600 mètres au-dessous de la cime du Puracé. C'est de ce point que, pendant quatre jours, j'ai joui du spectacle grandiose que m'of- fraient le cratère et tout le versant du volcan où naissent l'Anam- bïo et le rio Vinagre, affluents du Cauca. » Avant d'exposer les résultats de mes observations person- nelles , je rapporterai ce qui, au dire des habitants, s'était passé avant mon arrivée. » A 2 h. 45 m. du matin, le Puracé a fait une forte explosion , immédiatement suivie d'une épaisse colonne de fumée noire, que de tous les districts environnants on a vue s'élancer du cratère, et qui a été entraînée en forme de cendres, par le vent d'est, sur les districts de Dolores, Quilcacé, el ïambo , Timbio , Popayan , Coco- nuco, Puracé etTunia. Au moment où ce nuage s'est élevé et ensuite pendant une demi-heure, le volcan a lancé des bombes de feu qui semblaient éclater en l'air; toute la nuée de cendre et de vapeur était illuminée par des éclairs d'un aspect à la fois magnifique et terrible. » Vers 5 h., une forte crue s'est manifestée dans le rio Anambio, et une demi-heure plus tard dans le San Francisco, affluent du rio Vinagre. Ces deux crues réunies, en se jetant dans le Cauca, ont changé celui-ci en un torrent dévastateur; ce n'était plus seule- ment de l'eau, mais des pierres et de- la vase qu'il roulait. Les dégâts ont été considérables sur .ses rives. Il n'est pas resté un seul pont sur les rios Anambio et Vinagre, dont les bords, à plusieurs mètres de hauteur, sont ravagés et couverts dune boue infecte. (00 ) » Après la grande explosion, le volcan continua à lancer une immense colonne de vapeur épaisse, qui augmentait encore plutôt qu'elle ne diminuait quand j'arrivai à mon poste d'observation. » Dès le 5, les crues si fortes et si subites, notamment celle de l'Anambio, commençaient à baisser. Les quatre jours que j'ai passés près de leurs sources et consacrés à mes observations m'ont con- vaincu que ces crues étaient ducs à la fonte des neiges qui tom- baient sur les parties supérieures du volcan, et que le feu intérieur empêchait de s'accumuler sur les flancs de la montagne. Les jours où il ne tombait pas de neige sur le volcan, les rios ne croissaient pas, mais presque aussitôt qu'il neigeait, le torrent descendait avec une impétuosité si soudaine, que plusieurs fois j'ai failli être surpris et entraîné.... » De ces observations, l'auteur conclut que les crues subites de l'Anambio et du San Francisco sont dues, sans le moindre doute, à la fonte des neiges dont étaient couverts les flancs nord et sud- ouest du volcan avant le jour de l'éruption. Quant à l'éruption elle-même, il l'attribue à un éboulement considérable qui se serait fait dans le cratère et cela sans le moin- dre tremblement de terre. Une masse énorme, d'au moins deux millions et demi de mètres cubes, se serait détachée du bord occi- dental , sur une longueur de 400 mètres , et serait tombée dans le cratère du volcan, dont la hauteur aurait été ainsi diminuée d'une soixantaine de mètres; de plus, cette masse aurait obstrué, sous ses décombres, l'orifice par lequel se dégageaient les gaz qui, soumis à cette forte pression, auraient fait explosion. « Et cependant, dit-il, le volcan n'était pas en activité; il s'exhalait alors à peine un peu de vapeur d'une petite lagune qui se trouvait au fond du cratère. » L'auteur parle ensuite longuement des prédictions de M. Falb, que, du reste, je trouve rappelées à l'occasion de presque toutes les secousses mentionnées par les journaux de l'Amérique du Sud. « Quant à la nature des substances rejetées par le volcan, j'ai rencontré, poursuit-il, des fragments de laves décomposées, de scories vitrifiées et de trachytes décomposés, transformés par l'ac- tion de l'acide sulfurique et de la chaleur. j Dans le voisinage immédiat du volcan et sur toute la ligne ( 01 ) suivie par le centre de la colonne de cendre qu'a projetée la grande explosion, non-seulement la cendre est formée d'une poussière à gros grains, mais elle est mélangée de pierres de toutes grosseurs, depuis celle du sable et du gravier jusqu'à celle des bombes les plus considérables. La cendre et le gravier sont extrêmement acides et probablement saturés par l'acide sulfurique qui, lavé par les aguaccros (pluies tropicales) tombés depuis, ne causera pas aux cultures les dommages qu'on en pouvait redouter. » Les pentes N., SO. et S. du volcan n'ont pas souffert. Quant à la partie orientale qui prolonge une Cordillère continue, je n'ai pas pu l'examiner; mais il est probable qu'il n'y a pas eu de dé- gâts, puisque les rivières qui en descendent à Palelara et se jet- tent dans le Cauca , n'ont pas eu de crues comme celles du San Francisco et de l'Anambio... » On remarque une crevasse d'une centaine de mètres sur le flanc de l'Ocbacayo ; il s'en exhale de la vapeur , mais il ne paraît pas qu'il y ait d'éboulement. » A chaque fois qu'il tombe de la neige sur la cime du volcan, les crues augmentent, en entraînant d'énormes quantités de boue et de pierres. » J'ai voulu voir le sommet du cône et en examiner le cratère. J'en ai fait l'ascension par la Cuchilla de la Horqneia. Jusque-là, je n'ai pas rencontré de difficultés. J'ai remarqué l'activité des Azu fraies del Bolqueron (solfatares) et beaucoup d'autres éventé qui se sont ouverts sur le flanc de la montagne et. dans lesquels j'ai vu de l'eau bouillonner. Mais, à partir de la Horqucta , j'ai été enveloppé dans un nuage de vapeur qui sortait du cratère et que le vent faisait tourbillonner avec impétuosité autour de nous. Dans les deux derniers cents mètres , j'ai rencontré des fentes et des crevasses d'où s'échappait de la chaleur. » La vapeur du volcan était extrêmement acide; elle brûlait la peau et produisait une si vive douleur aux yeux qu'il me fallait, à chaque instant, les fermer et tourner la tête en arrière pour respirer. A l'approche du cratère, la suffocation était preque in- supportable et je craignais d'être forcé à redescendre. Cependant je pus enfin arriver jusqu'au bord. ( 92) b Los dégagements de gaz et de vapeurs étaient si forts, par moments, que je fus obligé de prendre un appui pour ne pas tomber. Néanmoins, je pus distinguer l'intérieur qui, comme auparavant, avait la forme d'un entonnoir, mais très-défiguré par réboulemcnt d'une partie des rochers qui en composent les parois. » La fumée et la vapeur s'élançaient du centre de cet abîme qui, d'après les mesures antérieures du docteur Reiss, n'a pas moins de 200 mètres de profondeur et 250 de diamètre. Le bruit que produisaient les dégagements gazeux ressemblait au bruisse- ment des cheminées d'un millier de machines à vapeur dont on aurait déchargé simultanément toutes les chaudières. Les colonnes qui s'en échappaient en spirales plus ou moins irrégulières et fan- tastiques s'élevaient à une hauteur d'au moins 3,000 mètres au- dessus des bords du cratère. » La scène était sublime, mais dangereuse; les deux indigènes qui m'accompagnaient se trouvèrent mal, et il me fallut m'occuper d'eux pour éviter de plus funestes conséquences. J'aurais bien désiré faire quelques observations de température et recueillir les gaz; mais, dans un pareil moment, c'était de toute impossibilité; nul autre à ma place n'eût pu le faire. » L'auteur entre ensuite dans une assez longue discussion sur les forces qui ont produit les effets observés par lui. Il évalue à 101,1(32,000 kilogrammes (au minimum) le poids de la cendre projetée sur un espace de cinquante lieues carrées, et son volume à quatre millions et demi de pieds cubes. Évaluant ensuite à 150,000 mètres cubes le volume de la neige qui a été fondue, il en conclut la force thermodynamique em- ployée et la porte à 1)04,890 millions d'unités Joule, ou 27,420,908 chevaux-vapeur. Je ne le suivrai pas dans ses calculs. Le rap- port est daté de Popayan,lc 15 octobre 1869, et signé Robert B. White. D'après M. Jorjc Quyano, de Popayan (ville située, comme je l'ai dit, à 27 uiyriamètrcs du Puracé), la crue du Cauca s'y mani- festa à 5 b. du matin. Le rio roulait non-seulement de la \ase, mais encore beaucoup de pierres et une grande quantité de lave, vomies par le volcan. ( 93 ) Suivant d'autres, les bramidos (tonnerres souterrains à l'inté- rieur du volcan) auraient commencé à 2 '/a h. du matin et duré dix minutes sans interruption. Puis, le bruit n'ayant pas encore cessé, on vit apparaître, au sommet du volcan, une énorme colonne de feu qui ne dura que quelques minutes et fut remplacée par une autre d'une fumée dense qui s'éleva à une hauteur considérable. Ce fut au moment où disparut la colonne de feu que se manifesta la crue de l'Anambio. Ce ne fut que vers 5 heures, ou un peu moins, qu'eut lieu celle de San Francisco, qui se réunit à Rio Vi- nagre en face du village de Puracé. La crue du Rio Vinagre fut moindre et à peine égale au quart de celle de l'Anambio. De 5 h. à 5 J/4 h., on entendit de fortes détonations au sommet du volcan, d'où l'on voyait s'échapper des jets irréguliers d'une lumière in- tense et des bombes incandescentes. A 5 */4 n commença à tom- ber une pluie de cendre et de sable fin qui causa beaucoup de dé- gâts jusqu'à deux lieues'du volcan. (Revista de la Colombia.) 11 est remarquable que, parmi les fragments de journaux con- sacrés à cette éruption, pas un seul ne signale la moindre secousse de tremblement de terre. — Le 4 encore, au mont Passaconaway, glissement considéra- ble de terrain. On donne le nom de Passaconaway à la partie de la montagne qui s'étend, dans le comté de Graston (New-IIamps- hire) , à vingt milles au NE. de Plvmouth et à la même distance à peu près au SO. du mont Washington. Ce glissement a eu lieu pendant de grandes pluies et ne paraît pas avoir eu de cause séis- mique; du moins M. Perkins, dans la description qu'il en donne, ne parle pas de tremblement de terre. (Amer. J. of Se, 2e sér., t. XLIX, p. 158-161. March 1870.) — Le 5, à La Guayra (Venezuela), tremblement. Le 7, avant l'aube du jour, à Capaya, commencement de se- -cousscs, dont plusieurs assez fortes, et de bruits aériens qui, les uns et les autres, se continuent fréquemment jusqu'au lendemain, date de la lettre qui les mentionne. La journée du 7, ajoute-t-on, avait été marquée à midi par de fortes bourrasques accompagnées de violentes décharges élec- triques. ( ?4 ) Le 7 encore, G h. du soir, à RioChico (Venezuela), une forte se- cousse, précédée d'un bruit sourd prolongé. — Le 11 (n. st.), 1 h. 20 m. du soir, à Théodosie (Crimée), une forte secousse avec bruit sourd. Maisons lézardées. A Soudaque, entre Théodosie et Jalta, on a dû fermer l'église et la laisser hors de service parce que les murs avaient été endommagés par ce tremblement. A Jalta, une légère secousse à la même heure. (M. Lapchine, prof, à Odessa.) Le 24 (n. st.), 2 h. du soir, à Sébastopol, léger tremblement de quelques secondes de durée. Le 51, 11 h. 23 m. du soir, à Smyrne, une forte et bruyante se- cousse du N. au S. — Le 12, au lever du soleil (al sortire del sole), à San Gio- vanni, Zafferana-Etnea, Trecastagni, Pedara, Pisana, Santa Vene- rina, une violente secousse. Le 15, au coucher du soleil , dans les mêmes localités, une se- cousse à peu près semblable. Le 14, G h. du soir, et le 15, 1 ^ h. du matin, deux nouvelles secousses. — Le 22, vers 5 h. du matin, aux États-Unis, de Boston à St.-John (New-Brunswick), tremblement très-étendu. A Springfield, Mass., 5 h. du matin, une légère secousse de deux secondes de durée selon les uns, et de vingt suivant les autres. A Worcester, même heure, une secousse de l'E. à PO. et de trois secondes de durée. Une deuxième plus faible deux secondes après. A Hartfort, Conn.,5h. encore, une secousse ressentie à Windsor et en divers autres endroits de l'Etat. A Boston et dans les environs, 5 h. 20 m. ou 5 h. 25 m. du ma- tin, une secousse très-sensible. A Eastport, Me., 5 !/s h., une des plus fortes secousses qu'on y ait éprouvées. Dans le même Etat, on l'a notée aussi à Portland; elle s'est étendue jusqu'à St.-John vers l'E., à Kondallsville vers le N. et à Paris vers le S. A Gantbridg {sic, sans indication d'Étal), 5 '/2 h., une secousse; ( M ) quatre vibrations horizontales du N. au S., immédiatement sui- vies de quatre verticales. Durée totale, seize secondes. Vers 5 ljt h., à Portland (Etat non indiqué), à Rockland et Au- gusta, une secousse qui, dit-on, aurait duré plus d'une minute (?) dans cette dernière ville. A Concord, NH., o 7*n-' unc secousse ressentie aussi à White River, Littleton, et dans d'autres endroits du New-Hampshire, notamment à Wells River. Parmi les nombreuses lettres publiées par les journaux amé- ricains sur ce phénomène, on rencontre des variantes. Ainsi je lis encore : Dans le New-Brunswick, ce tremblement eut lieu un peu avant 6 h. du matin ; il fut considérable et dura une demi-minute : il fut précédé d'un roulement pareil au bruit d'un millier de wag- gons. Le mouvement n'était pas ondulatoire, mais vibratoire, brusque et saccadé; les vibrations se répétaient deux fois par se- conde. Beaucoup de cheminées renversées à Frédéricton et dans plusieurs autres endroits. A bord des steamers, on crut avoir touché ; cependant l'eau de la rivière ne fut pas visiblement af- fectée. Dans la Nouvelle-Ecosse, 6 h. du matin, à Halifax, Annapolis et Kentville, la secousse fut moins forte. Au S., j'ai déjà cité Hartfort dans le Connccticut. On y men- tionne encore New-Haven, où le tremblement fut léger à 6 h. du malin. Enfin à Newburyport, près de Boston, 6 */* du matin, deux se- cousses de l'E. à l'O. Novembre. — Le 1er, 4 h. du matin, à Gross Gerau, une se- cousse qui, plus longue que toutes les précédentes, augmente en- core la panique. A Darmstadt, elle dura quarante secondes; cer- taines personnes comptèrent quarante pulsations du pouls avant qu'elle eût cessé; elle y fut accompagnée d'un bruit souterrain et suivie de six ou sept autres secousses^ les unes plus fortes, les autres plus faibles. Elle fut si forte aux environs de Mayence, qu'à Bischoffsheim beaucoup de personnes s'enfuirent des maisons. On l'a ressentie aussi à Hochheim au nord de Mayence. A Russcls- ( 90) heim et à Schwanheira, des cheminées sont tombées. C'est d'ail- leurs la plus forte qu'on ait éprouvée à Francfort, où l'on indique "y h. 40 m. du matin et huit à dix secondes de durée. La plaine du Mein (Offenbach, A'schaffenbourg) et la Kinzigthal jusqu'à Gclnhausen, furent pareillement secouées; les poêles et tous les meubles, mis en mouvement, vibrèrent comme les mu- railles pendant plusieurs secondes. Des phénomènes semblables se manifestèrent dans l'Odenwald, mais d'une manière plus frap- pante encore dans le diluvium et dans les alluvions des vallées. On écrit de Reichenbach que les maisons oscillèrent comme des bateaux sur la mer. A Furth et à Erbach, la secousse fut beaucoup plus faible, tandis que, au contraire, à Grossbieberau les poêles et les fenêtres mêlèrent, en vibrant, leur cliquetis au bruit souter- rain. A Philippseich, au sud de Francfort, la secousse dura une demi-minute et tous les meubles éprouvèrent un mouvement con- sidérable, tandis qu'à Giessen les oiseaux en ca'ge en parurent seuls effrayés. Quoique plus faible sur les bords du Rhin, la se- cousse se propagea à travers les diverses formations qui bordent le fleuve jusqu'à Bonn, dans la province du Bas-Rhin. A Boppart, à peu près au tiers de la distance entre Mayence et Bonn , tous les objets mobiles furent encore agités dans les maisons; pourtant la secousse y fut plus faible que celles éprouvées, au commencement (V octobre, dans les régions de l'Eifel et du Bas-Rhin. Que le mouvement se soit propagé plus loin encore vers le N., à travers les remparts que lui opposaient le Taunus et le Wester- wald, c'est ce dont on ne saurait douter, puisque dans la vallée delà Sicg, à Hennet,la secousse ou plutôt les secousses durèrent neuf secondes. Vers le S., le tremblement fut constaté à Heiîbron et à Stutt- gart. Le point signalé comme le plus éloigné au SO. est Saarbruc- ken où la secousse fut, dit-on, deux fois plus forte que celles du commencement d'octobre, et dura de huit à dix secondes. Ainsi donc cette secousse s'est fait sentir sur un espace de trente milles allemands dans le sens du méridien ou du bassin du Rhin, et trans- versalement de dix-huit milles de l'E. à l'O. Dans le courant de la journée, notamment dans l'après-midi, ( 97 ) les secousses devinrent plus faibles et plus rares à Gross-Gerau; on commençait même à penser que ce terrible phénomène avait cessé, quand tout à coup, à M 5/i h. du soir, une forte et longue secousse ébranla toutes les maisons et en lit fuir les habitants. Le cercle d'ébranlement parait encore s'être étendu, car cette secousse s'est propagée plus fortement et plus loin vers le nord Marbourg, qui n'avait encore rien ressenti, a cette fois été rudement secoué, et si le liane nord du Vogelsberg n'a rien éprouvé, son flanc sud et le Wetterau tout entier ont été agités; il en a été de même de Giessen, de la vallée delà Lahn , du Taunus et du Wester- wald. Naturellement Mayence , Darmstadt, Francfort (où l'on a noté il h. 55 m. du soir), Wicsbaden et Saarbrucken n'ont pas été à l'abri de celte commotion qui, traversant toute la plaine du Rhin, s'est propagée jusqu'à Heidclberg et à Mannheim. Quoi- qu'elle ne paraisse pas avoir eu la même intensité dans les diverses formations géologiques de ces contrées, elle a été sensible sur toute la rive droite du Rhin jusqu'au pied du Donnersberg, On a remarqué que la secousse a été légère ou même faible dans le Rheingau, et que c'est à l'entrée de cette vallée, à Gerns- heim seulement, que les bateaux chargés ont été secoués sur le Rhin. À cette remarque j'ajouterai qu'on ne signale pas d'autres localités de la rive gauche que les villes que j'ai citées et qui se trouvent sur le fleuve même. Dans le reste de la nuit, à Gross-Gerau, les bruits souterrains ne cessèrent pas, mais on n'y signale plus aucune autre secousse avant la suivante. Le 2, 4 h. 45 m. du matin, une forte secousse, suivie d'une sé- rie non interrompue d'oscillations jusqu'à 6 h. du matin. Cette secousse abattit encore des cheminées, produisit de nouvelles lé- zardes et agrandit les anciennes, mais seulement à Gross-Gerau et dans son voisinage immédiat. Le mouvement ne sortit pas du triangle d'ébranlement signalé plus haut. Pendant toute la journée les tonnerres souterrains continuèrent à des intervalles de deux à trois minutes. Vers 9 !/2 h. du matin, à Cologne, une légère secousse dont les faibles oscillations durèrent huit secondes. A Wicsbaden, elle fut Tome XXII. . 7 ( 98 ) accompagnée d'une détonation semblable à un coup de canon. On ne la signale pas comme ayant été ressentie à Gross-Gerau. A 9 h. 26 m. du soir, à Gross-Gerau, une nouvelle secousse qui, quoique plus violente que toutes les précédentes, ne produisit que des effets du même genre, parmi lesquels on cite encore des murs lézardés mais non renversés. A Klein-Gerau (Gerau-le-Petit), toute la population s'enfuit dans les rues. Cette secousse s'étendit plus loin que celle du malin. A Franc- fort elle dura, dit-on, quarante secondes. Ce fut aussi la plus forte qu'on y eût ressentie jusqu'alors; des tuiles tombèrent des toits. A Saalbau , où l'on était au théâtre, la panique fut générale en voyant s'agiter les stalles et les banquettes. Il en fut de même à Mayence, à Darmstadt et à Gicssen. A Marbourg, la secousse fut plus forte que celle de la nuit précédente. Elle fut aussi res- sentie à Bonn, mais non à Cologne, où, comme je viens de le dire, oii en avait noté une vers 9 '/* h. du matin. La nuit du 2 au 5 fut passée en plein air par les habitants de Gross-Gerau. La journée du 3 y fut remplie encore par de fréquentes se- cousses qui furent légères et dont on n'indique pas les heures. Dans la nuit du 5 au 4, quelques nouvelles secousses, dont trois plus remarquables a M 11. du soir, 1 h. et 2 h. du matin, et six à de courts intervalles dont l'heure n'est pas donnée. Toutes fu- rent légères et les bruits souterrains moins effrayants. Dans les environs de Gross-Gerau, on ressentit aussi des se- cousses à différentes heures que je ne trouve pas indiquées. Le phénomène semblait décroître, mais il n'était pas fini. Le 4, le nombre des secousses diminua encore. Mais le 5, il augmenta; entre 4 et 7 h. du soir, il y en eut de trois à six par heure, et, de 7 a 8 h., on compta vingt secousses et roulements ou tonnerres souterrains. Dans la nuit du 5 au 6, huit secousses et nombreux bruits sou- terrains. Le G, heures non indiquées, nouvelles secousses et nouveaux bruits. Mais leur caractère paraît avoir changé; les secousses sont plus centrales; la plupart ne sont plus accompagnées que ( »9) d'une explosion instantanée, et les plus fortes sont suivies d'un court et faible tonnerre souterrain. Le Dr Buchner ne dit rien du 7, ni du 8. Dans la nuit du 8 au 9, il y eut pourtant quinze secousses en- core. Il n'indique plus ni secousses, ni bruits, pour les quatre jours suivants. Le 15, heures non indiquées, dernières secousses mentionnées par le docteur Buchner; quelques-unes s'étendirent jusqu'à Darmstadt. Depuis le 20 octobre jusqu'à ce jour, le nombre total des se- cousses s'est élevé au moins à cinq cents; quant aux dégâts les phis notables, ils se bornent à soixante ou soixante-dix chemi- nées renversées à Gross-Gerau, petite ville où l'on compte 541 maisons. Le docteur Buchner en fixe ainsi les limites : Cologne (Bonn), Wiehl (cercle de Gummersbach), Hennef sur la Sieg, Marbourg, Kirchheim, Amoneburg, Ebsdorfer-Grund, Niedermoos, Hinzen- heim, SGhotten, Lauterbach, Landenhausen, Steinau, Gelnhausen, Schwarzenfels, Aschaffenbourg, Tauberbisthofsheim , Heilbronn, Hohenasperg, Stuttgart, Carlsruhe, Neustadt a. H. Rheinhessen, Rreuznach, Saarbrùcken, Mayen (Eifel) , Cologne. Ici s'arrête la notice que je viens de résumer, mais les secous- ses n'avaient pas encore cessé. Avant d'en donner la suite, je re- produirai la lettre suivante, dont la date n'est pas explicitement indiquée, mais qui me parait être du samedi 15 novembre. « Une lettre de Gross-Gerau en date de samedi dernier dans la Gazette de Cologne rapporte, dit le Galignanïs Messenger du jeudi 18, que les secousses y ont recommencé. » Depuis mardi, on a joui d'un repos relatif. » Mercredi, on a entendu vingt-cinq fois un faible roulement souterrain, mais sans aucune secousse. » Jeudi encore vingt-trois roulements et une secousse vers minuit. » Vendredi, six secousses violentes, semblables à celles du 50 octobre dernier. » La nuit suivante, jusqu'à 7 h. du matin, neuf secousses, ac- compagnées d'un tonnerre fréquent. ( 100 ) d Samedi, dans la matinée, calme nouveau, mais dans l'après- midi deux violentes secousses dont la dernière, très-brusque, a eu lieu à 4 h. 52 m. Ces secousses ont entièrement changé de ca- ractère depuis les premières; elles sont accompagnées d'une déto- nation semblable à celle d'un coup de canon tiré à quelques milles de distance, mais beaucoup plus forte. Au lieu d'être horizontale comme auparavant, leur direction est verticale. « Le nombre des secousses constatées à Gross-Gerau, depuis trois semaines, est compris entre sept et huit cents. La plupart des horloges se sont arrêtées; les maisons, même celles en pierre, sont plus ou moins endommagées. On compte déjà soixante et une cheminées renversées. » D'après la fin de cette lettre, qui fait remonter le phénomène à trois semaines, on ne peut guère conserver de doute; elle doit avoir été écrite le samedi 13, et par conséquent les secousses qu'elle constate ont eu lieu du mardi 9 au samedi suivant. Voici maintenant la suite des secousses que je trouve encore indiquées pour ce mois par le Galignanïs Messenger. Nuit du 14 au la, dans un espace de quatre heures et demie, à Gross-Gerau, vingt-quatre détonations souterraines, dont sept accompagnées de secousses très-sensibles qui ont réveillé la popu- lation. Dans la nuit du 16 au 17, le tonnerre souterrain s'est répété soixante fois en trois heures. Le 17, entre 1 et 2 h. du matin, une forte secousse qui a fait craquer les murailles. Depuis, il y a eu de fréquentes alternatives de repos et de mou- vement, lesquelles n'ont duré que quelques heures chacune. Le 19, G */a n- du soir, une secousse assez forte. Suivant le Rheiniseher Courrier, dit le Galignani's Messenger du 27, des officiers du génie auraient constaté que le sol de la petite ville de Gross-Gerau se serait affaissé de 2 ou 5 pouces depuis le com- mencement des secousses. Cependant, pas une maison n'est renversée, mais beaucoup sont lézardées et de quarante à cin- quante cheminées sont tombées. Une lettre de Darmstadt, en date du 22 (de lundi dernier, dit ( 101 ) le Gai. Mess, dans le n° cité), annonce que les secousses augmen- tent encore de fréquence et d'intensité à Gross-Gerau. Les jours suivants, les secousses continuent, fréquentes, mais légères. Le 27, elles sont plus rares. Le 28, 10 h. 19 m. du soir, sans aucun pronostic, trois secousses consécutives, plus violentes que toutes celles qu'on avait ressen- ties depuis le 22 et dune durée totale de 7 à 8 secondes. Il y en a eu, le même jour, une autre dont on n'indique pas l'heure. La nuit suivante a été tranquille; on n'a rien ressenti. — Le 1er encore, heure non indiquée, à Baden-Baden, les sources thermales éprouvèrent tout à coup un accroissement assez considérable pour faire croire à une convulsion souterraine. En même temps, il y eut un léger tremblement de terre. Ce fait n'aurait-il pas quelque relation avec les secousses éprouvées à Gross-Gerau le même jour? — Le 1er, à Nice, trépidations, mouvement faible; le 2 et le 5, fort; les 4, 5 et G, faible; le 7, fort; les 8 et 9, nul. Le 10, faible; le il, fort; le 12, faible et le 15, nul. Le 14, fort; le 15, très-fort; le 16 et le 17, fort; le 18 et le 19, faible; du 20 au 24, nul. Le 2a et le 20, fort; du 27 au 50, très-fort. Le 14, 3 h. 50 m. du matin, à Gènes, une secousse assez sen- sible. Le même jour, 5 h. 50 m. du matin, à Parme, une secousse. A Vérone, même heure, deux secousses assez prononcées, sépa- rées par fin intervalle d'environ deux secondes. Cependant, à 10 h. du matin, le mouvement du pendule Foucault, installé au lycée, était encore assez sensible et l'on observa qu'il avait lieu de JE. à 1"0. — Le 4, on mande de Popayan que l'activité du Puracé con- tinue; le volcan présente toujours un spectacle magnifique; il est couvert de neige et toujours couronné de son superbe panache de fumée dont les colonnes s'élèvent jusqu'aux cieux. Les eaux du Rio Cauca sont chargées et puantes d'une odeur qui se sent à une portée de fusil. — Le 5, 10 h. o m. du soir, à Lima, tremblement léger. Le 17, 1 h. du soir, à Tarapaca (Pérou), tremblement. ( 102 ) Le 29, 1 li. S m. du matin, à Lima, tremblement de trois secousses et de dix secondes de durée. — Le 9,9 h. 50 m. du soir, à San Salvador, une légère secousse. Le 16, 10 h. 40 m. du soir, une nouvelle secousse, forte et rapide. — Le 12, on télégraphie de Mexico qu'une petite secousse a eu lieu à Cordova. On télégraphie de nouveau le 1er décembre que de légères secousses ont eu lieu sur divers points de la république. — Nuit du 12 au 15, 12 h. 2 m., à Grenoble (Isère), tremble- ment que M. Philippe Breton, ingénieur en chef, décrit ainsi : « Les sept ou huit secousses ont fait résonner les vitres de ma fenêtre donnant au N. Puis a commencé une série continue d'oscillations dirigées horizontalement du N. au S., et dune durée d'un cinquième ou d'un quart de seconde pour chaque balance- ment; les secousses sont allées en s'affaiblissant peu à peu. Le tout a duré une minute environ. 11 semblait que ce fut une suite d'ondulations transmises à une grande distance d'un centre d'ébranlement inconnu, déjà régularisées et adoucies par cette transmission lointaine. » La nuit suivante, minuit 51 m., plusieurs oscillations sem- blables à celles de la veille. » — Le 16, midi trois quarts, à Biskra (Algérie du Sud), une secousse verticale de sept secondes de durée. On voit en même temps le sol se soulever dans la direction approximative du NE. au SO. Un sourd roulement accompagne la trépidation. Le Peuple français du 26 indique midi oO m., la direction du SO. au NE. Il ajoute que les établissements militaires sont lézardés, que plu- sieurs maisons se sont écroulées au vieux Biskra, ainsi qu'à Sidi Okba, et que Seriana a été bouleversée; mais la population a eu le temps de se sauver. A Gurta, un tiers des maisons renversées. A Tbouda et à Droh, maisons fortement endommagées: plusieurs se sont écroulées. A Sétif, midi o m. (sic), une secousse légère, sans dégâts. A Batna (126 kilomètres au N. de Biskra), 1 h. 20 m. du soir, une forte secousse verticale et sèche. ( ™-> ) A Biskra, 5 h. du soir, une nouvelle secousse violente. A Batna, 8 h. du soir, une deuxième secousse, verticale et sèche comme la première, mais quatre ou cinq fois moins forte. A ces détails empruntés aux journaux, j'ajouterai la lettre sui- vante, écrite le 20 de Biskra, par M. Iules Depardieu, capitaine du génie : « Le sol saharien est rarement agité par les tremble- ments de terre; aussi la terreur fut-elle à son comble en présence d'un phénomène à la fois si terrible et si grandiose. Voici les dif- férentes phases par lesquelles nous venons de passer toute cette semaine. « Mardi, 16 novembre, le temps était couvert, légèrement ora- geux, nous jouissions à midi de l'agréable température de 20°. Après mon déjeuner, je venais de rentrer chez moi et je me pro- menais dans l'allée de mon jardin. Tout à coup, à midi io minutes, je m'arrêtai saisi d'un sentiment indéfinissable. Je me trouvais, dans un instant, dans le plus épouvantable chaos; je croyais faire un mauvais rêve. La terre de mon jardin bondissait sous mes pieds, au milieu d'un bruit sourd auquel se mêlait le vacarme de toutes les cloches en branle. Je vois ma maison se soulever, puis retomber sur le sol brusquement; les arbres également sautaient avec frénésie. Je compris que j'assistais à un terrible tremble- ment de terre. Pour n'être pas jeté à terre, je me cramponnai à un arbre. Les secousses étaient si intenses que je me demandais si le sol n'allait pas s'entr'ouvrir. Sous mes yeux je vois mon pau- vre pavillon se fissurer, se disloquer. Enfin, au bout de sept secondes affreuses, la dernière secousse se fit sentir; un bruit sourd souterrain, semblable à celui d'une mer en courroux, se prolongea quelque temps, enfin s'éteignit pour laisser entendre les clameurs de la foule affolée. » Quand je fus certain que les vibrations étaient éteintes, au moins pour un moment, je pris vite ma course pour me jeter sur la place qui est devant mon pavillon. » On n'osait plus rentrer dans les maisons qui étaient dislo- quées. Je parcourus sur-le-champ tous les établissements; aucun d'eux n'était tombé, mais trois ont perdu leur liaison. Qu'une secousse aussi longue et aussi violente se produise plus tard, et si Tome XXII. 8 ( 404 ) les travaux que je propose pour remédier au mal ne sont pas achevés, tout sera à terre. » Heureusement que les secousses furent plutôt verticales qu'horizontales, sans quoi tout était démoli. Dans mon jardin je constatai parfaitement que le sol se soulevait, accompagné de tré- pidations; ce soulèvement était lent comme celui d'une poitrine qui respire, puis il y avait affaissement hrusque. » Nous crûmes un instant, à certains indices, qu'un volcan ve- nait de s'ouvrir près de Biskra. Le poste m'appela pour me montrer, à environ 50 kilomètres, trois grandes colonnes ressemblant à de la fumée. Sur-le-champ je montai à cheval avec un docteur, pour nous rendre compte de ce qui se passait. Ces trois colonnes se montraient derrière une montagne escarpée. Nous courions au galop dans cette direction ; mais lorsque nous arrivâmes au sommet de la montagne, nous n'aperçûmes plus de trace de ces gerbes. Depuis, d'après les renseignements que j'ai pris près des Arabes, je suis porté à croire que ces gerbes n'étaient autre chose que des colonnes de poussière soulevées par une chute de mon- tagne à pic du coté de la route de Méchannels. » A 5 heures du soir, au moment où je rentrais à Biskra, une seconde secousse, mais unique, se fit sentir. » A 7 heures, nouvelle secousse horizontale, mais faible. » A Batna, 8 heures du soir, une deuxième secousse, verticale et sèche comme la première, mais quatre ou cinq fois moins forte* « A 9 heures, continue M. Depardieu v violente secousse ver- ticale. Sur le rapport que je fis de létat des bâtiments, on décida que la garnison camperait sous la tente. » Le 17, rien ne se fit sentir. » Le 18, à 4 heures du matin, étant encore couché, je sentis mon lit se soulever en tremblant et retomber brusquement. Mon pavillon fit entendre de sinistres craquements; un bruit sourd se prolongea quelque temps. » On signale encore, pour le 18, Une nouvelle secousse ressentie dans les environs de Biskra, à Branis, Djemorah, Beni-Souk et Beni-Ferah; mais on indique 4 h. 30 m. du soir. Le 19, 5 heures du matin, à Biskra, forts roulements (sic). ( 103 ) A 7 h. 15 m. du matin, une nouvelle secousse. On l'a ressentie plus ou moins fortement dans les autres oasis, telles que Seriana, Sidi Okba, Gurta,Thouda, Droh, Mechonnech, Branis, Djemorah, Beni-Souk et Beni-Ferah. A El Hebbab, plusieurs maisons sont tombées et les escarpe- ments situés au-dessus de ce village se sont éboulés en partie. A fiatna, 7 b. 25 m. du matin, deux nouvelles secousses à deux secondes d'intervalle, plus fortes que les précédentes; la première a duré deux secondes , et la deuxième quatre secondes. Quelques lézardes légères. « Le 49, dit M. Depardieu, je me levai à 6 heures, et vers 7 heures, me promenant sur ma terrasse, j'assistai de haut à l'ensemble d'une nouvelle, forte et double secousse. Je vis par deux fois la terre osciller; l'église sembla un moment danser sur sa base au bruit du carillon le plus disgracieux. » Rien dans tout le reste de la journée. » Aujourd'hui (le 20), je dormais dans mon lit, lorsque, à 1 h. du matin, je fus réveillé par une secousse horizontale; comme les secousses étaient éloignées les unes des autres, je pris confiance et je me rendormis après avoir pris l'heure à ma montre. » A4 heures, nouvelle secousse qui, pour le coup, me fit lever. » Le 28, il écrit de nouveau à sa famille : « Depuis ma dernière lettre, des secousses très-faibles, et que nous ne comptons plus, nous ont ébranlés. Aucun bâtiment n'est tombé, mais aucun n'est en sûreté. Les troupes continuent à camper. » Biskra n'a eu que des dislocations , mais il n'en est pas de môme dans les oasis des environs. Dans un rayon de 50 kilomètres, on compte près de deux cents maisons à terre, trente tués et un grand nombre de blessés. » Enfin, dans une troisième lettre, en date du 4 décembre suivant, M. Depardieu ne parle plus de tremblement que comme d'un fait passé; il ne mentionne aucune secousse nouvelle. Voir encore, sur ces secousses, une lettre de M. E. Ollivier, insérée aux Comptes rendus de l'Académie, t. LXX , pp. 48-51. ( 106 ) — Le 19, on télégraphie de Naples que le Vésuve est de nou- veau à la veille d'une éruption. Depuis quelques jours, le séismo- graphe de l'Observatoire vésuvien a signalé plusieurs secousses. Du cratère sort une épaisse fumée. Le 29 et le 50, l'intérieur du volcan continue à être agité; il lance une abondante fumée blanche, mêlée d'une petite quantité de cendres. — Le 21, 1 V2 h. de la nuit, à Cosenza , une secousse d'abord verticale, puis ondulatoire, et de deux secondes de durée. — Le 25, à Little Namaqualand (côte SE. d'Afrique), une violente secousse. Pas de dommages. — Le 25, 5 5/4 h. du matin, à Inspruck (Tyrol), une très-faible secousse, accompagnée d'un bruit souterrain et suivie immédiate- ment d'une très-forte secousse qui a duré plusieurs secondes. Depuis quarante-huit heures, il régnait une forte tourmente. — Le 26, à Altorf (canton d'Uri) et dans d'autres localités voi- sines, deux violentes secousses qui se sont succédé rapidement; elles étaient accompagnées de fortes détonations. — Le 26, en Calabre, premières secousses. Elles me sont signa- lées par M. Guiscardi , membre de l'Académie des sciences de Naples. M. Santulli, ingénieur à Monteleone, n'en parle pas dans la notice qu'il a eu la bonté de m'adresser et que je vais résumer. Le 28 , 6 J/2 h. du soir, à Monteleone, une violente secousse du N. au S. et de sept secondes seulement de durée. Celle du 5 fé- vrier 1 785 avait, dit-on , duré cent et vingt secondes ; mais d'après ce que les vieillards en ont entendu raconter, elle ne fut pas plus terrible que celle-ci. Comme phénomènes précurseurs, on a cette fois remarqué les aboiements plaintifs des chiens, le chant des coqs, etc. Il y a eu des maisons renversées, mais elles étaient mal construites; personne n'a péri; l'horloge de la station électrique s'est arrêtée. Cette secousse a été très-forte aussi à Mileto, Nicotera, Soriano, Arcna, Monterossa, Pizzo, et, en général, dans tout le voisinage de Monteleone, aux environs de Nicastro jusqu'à Tiriolo du côté de Catanzaro. A peine remarquée à Reggio, elle a été légère dans toute la province, ainsi qu'a Cosenza, et très-légère à Castrovillari. ( 107 ) Le centre du mouvement parait s'être trouvé sur le versant Tir- rhénien entre les rivières de Mes i ma et de Lamato. D'après Mmc Scarpellini, ce tremblement s'est fait sentir aussi à Laurcana, Polislena, Oppido et Serrata. Mais là, quoique beaucoup de maisons aient souffert, personne n'a péri. Il a été très-fort dans le commandement de Chiaravalle, mais moins dans le voi- sinage de Colrone. Celte secousse, continue M. Santulii, fut accompagnée d'un bruit terrible, à la fois aérien et souterrain, qui se fit entendre aussi, mais beaucoup moins intense, avec les secousses légères qui suivirent; les plus faibles n'en furent pas accompagnées. Cepen- dant un rombo souterrain très-léger se fit entendre pendant tout le temps que durèrent les secousses. A Messine, 7 h. du soir, une secousse encore plus forte. A Monteleone, 8 h. 55 m. du soir, autre secousse beaucoup moindre que la première. Le 29, 1 h. du soir, nouvelle secousse semblable à la précé- dente. La nuit suivante, trois secousses assez sensibles, mais très- courtes. Du reste, le sol était dans un faible mouvement d'oscilla- tion presque continuelle. Le 50, pas de secousses proprement dites, mais l'oscillation ter- restre continue, comme le prouvent les perturbations de l'aiguille magnétique. Décembre. — Le 1er, 1 h. 5 m. du matin, à Saloniquc, tremble- ment, et le même jour, 4 h. du soir, à Rodonto, assez forte secousse de l'E. à 10. (M. Coumbary.) Le même jour encore, 7 b. 55 m. du soir, à Smyrne, une vio- lente secousse du SSE. au NNO. Des meubles ont été renversés, des réservoirs ont débordé; des fontaines ont changé de cours, d'autres sources ont jailli ou cessé de couler. A la même heure, cinq minutes en moins {sic). Aïdin était remué, secoué dans tous les sens. Cependant la secousse y était moins forte. Le foyer du phénomène est Mcntéché, en face des Sporades et de Symi qui semble être, ou, pour mieux dire, qui n'a pas cessé ( 108) d'être, depuis les catastrophes de Cépbalonie et de Mételin,le véritable foyer de ces tempêtes séismiques de notre globe orien- tal... Une bourgade du nom d'Oulah a disparu ; une ville, Marma- ritza, a été fortement éprouvée; crevasses du sol, maisons la plu- part lézardées... Une autre ville, Moula ou Mogbla, semble avoir été jetée hors de ses assises, ensuite replacée, comme si une main puissante l'avait soulevée, puis de nouveau fait asseoir. (Lettre de Smyrne, en date du 5, dans la Turquie du 8.) Le 15, 4 h. 45 m. du matin, à Smyrne, autre tremblement. Le 23, 5 h. 5 m. du soir, à Cavalla, tremblement. (M. Coum- bary.) A Santorin, les phénomènes volcaniques ont continué, sans va- riations notables, pendant toute l'année. Dans son histoire médi- cale de la campagne de la frégate la Thémis (1808-1870), M. le docteur Béguin s'exprime ainsi : « Le volcan de Santorin est en- core en pleine activité. De la place où nous étions, nous pouvions, toutes les cinq minutes, être témoins de ces manifestations impo- santes. {Arch. de médecine navale , t. XIII, p. 406). Cette activité m'est confirmée par M. le docteur De Cigala; il m'a fait l'honneur de m'écrire, en août 1870, que le volcan continuait toujours ré- gulièrement son action. — Le Ier et le 2, à Nice, trépidations, mouvement fort; le 5 et Je 4, faible; le S et le^6, fort; le 7, faible. Du 8 au 14, très-fort; les 15, 16 et 17, fort; le 'l 8 et le 19, faible. Du 20 au 22, nul. Le 25 et le 24, faible; le 25 et le 26, fort; le 27, faible; le 28, fort; le 29, très-fort; le 50, fort; et le 51 , faible. — Dans le même mois, le séismographe du Vésuve a été plus ou moins agité (inquieto) les 1Pr, 6, 11, d 3, 16, 18, 21 et 28. Mou- vements plus forts les 5, 12, 15, 14, 17, 22 et 27. — Le 5, 7 3/4 h. du soir, à Maria (État d'Anliochia, Colombie), une violente secousse ondulatoire du SE. au NO. et d'environ quatre secondes de durée, pendant laquelle on eut de la peine à se tenir debout. Il tombait une forte pluie. Le 4, 1 3/4 h. du matin, bruits sourds ou tonnerres souterrains, peu intenses et se dirigeant vers le N. ( 409 ) — Nuit du 5 au 4, à Montclcone ctPizzo, nouvelles secousses très-sensibles, qui me sont signalées par Mn,e Scarpcllini et par M. Grassi. Dans son journal, M. Santulli ne mentionne que les suivantes : Le 4, 5 h. 40 m. du matin , à Monteleone, une secousse légère. A 8 h. 45 m. du matin, une secousse plus forte. Le même jour, il apprend par un télégramme de M. Palmicri que le séismographe du Vésuve accuse de faibles secousses. M. Santulli me signale, pour le 1er, un vent violent de l'ESE. qui, le 2, passe à l'ouragan, mais il ne signale pas de secousses pour les trois premiers jours de ce mois. Le 5, à 5 h. 45 m. du soir, on reçoit à Montclcone un nouveau télégramme deM.Palmieri, annonçant que les mouvements de son séismographe sont très-modérés. M. Santulli ne mentionne aucune secousse pour ce jour-là; il dit seulement que le Stromboli me- nace de faire éruption, que ce volcan lance fréquemment de la fumée, mais très-peu de lave, quoique à des intervalles très-rap- prochés. Le G, 0 h. 44 m. du matin (après minuit), à Monteleone, une secousse légère. Le 7, 5 h. 55 m. et 5 h. 15 m. du matin, deux secousses lé- gères. Le même jour, détonations à l'Etna; on a craint une éruption qui n'a pas eu lieu. Nuit du 7 au 8, à Monteleone, plusieurs secousses faibles. Le 8, 1 h. 13 m. du soir, une forte secousse, et à 2 h. 49 m., une autre légère. La nuit suivante, secousses très-légères. Le 9, dans l'après-midi, 1 h. 45 m. et 2 h. 45 m. du soir, deux secousses très-légères. Deux- télégrammes de M. Palmicri; le pre- mier, envoyé à midi, est ainsi conçu : « Séismographe moins agité; moindres secousses probables dans quelque endroit des Calabres. » Le second, de 5 h. du soir, porte : « Séismographe moins inquiet. Probablement le sol de la Calabre est moins agité. » (M. Santulli.) Ccjour-là, on écrit de Monteleone que les secousses se renou- velaient encore avec une fréquence extraordinaire dans les Ca- ( HO ) labres, mais que les environs de la ville étaient le plus travaillés. (Mmc Scarpellini et M. Grassi.) Le 10, 4 h. 51 m. du matin et 9 h. 11 m. du soir, à Monteleonc, deux secousses légères, mais toutes deux accompagnées du rombo souterrain, comme il arrive quand elles ont une certaine intensité. (M. Santulli.) Du 10 au 15, le séismographe du Vésuve fut très -agité; le maximum des perturbations eut lieu le 12. L'appareil avait été très-troublé avant et pendant les secousses des Calabres, puis il était revenu à un calme presque absolu. (M,11c Scarpellini.) Les 11, 12 et 15, pas de secousses notées à Monleleone. Le 14, 7 11. 40 m. du soir, une secousse très -légère. Le 15, 5 h. 10 m. du matin, une secousse semblable; puis à l h. moins G m. de l'après-midi, ou 0 h. 54 m. du soir, une secousse légère, après laquelle l'oscillation continua encore pendant vingt minutes. (M. Santulli.) Le même jour, à Reggio, une assez forte secousse ondulatoire. « Le tremblement de terre, dit le Nuovo Periodo di Catanzaro , se fait encore sentir dans l'arrondissement de Monteleonc et dans une partie de la province de Reggio; dans cette dernière ville on a senti, le 15 décembre, une secousse ondulatoire assez forte; tou- tefois elle n'a produit aucun dégât. A Monleleone, Pizzo et dans d'autres pays voisins, on éprouve continuellement de légères se- cousses. » Dans la nuit du 15 au 16, à Monteleonc, des secousses très-lé- gères se renouvellent encore de temps en temps. Du 10 au 25, M. Santulli signale des bruits (rombi) et des déto- nations souterraines au cratère de l'Etna, ainsi que de la fumée au cône du Stromboli, mais pas de secousses à Monteleonc. Le 18, en Calabre, nouvelles secousses mentionnées par Mmc Scarpellini, qui n'indique aucune localité. Le 25, 9 h. 40 m. du soir, à Monteleonc, une secousse très- légère. Le 2G, 5 h. 4 m. du soir, encore une légère secousse. Pluie et tonnerre la nuit suivante; au reste, la pluie est fréquemment si- gnalée dnns le journal de M. Santulli, qui indique les phénomènes ( H») météorologiques de chaque jour. La crainte d'allonger indéfini- ment ce relevé m'a seule empêché de les reproduire. Le 27, pluie encore; neige sur les Apennins. Le 28, 4 h. 55 m. du matin, une légère secousse, la dernière mentionnée par l'auteur. Depuis, il y en a encore eu de très-légères qu'il n'a pas indiquées parce que, à partir de ce jour, il a regardé le phénomène comme fini pour Montcleone. « Ce n'était plus alors, dit- il, que le frémissement que manifestent les diverses pièces d'une machine après qu'on en a arrêté le mouvement. Le centre des secousses avait changé; il était transporté à Sainte-Maure, dans les îles Ioniennes. » — Léo, minuit un quart (sic), à Lima, tremblement moyen de dix secondes de durée. Le 10, minuit trois quarts [sic) , une faible secousse. Le 15,5 h. 58 m. du soir, une seule secousse de cinq secondes. Le 25 , 6 h. 57 m. du matin , une seule secousse forte et courte, cinq secondes de durée. A ces détails, que je dois à M. Paz Soldan , j'ajoute : Les 7, 10, 17, 18, 19, 27 et 28, au Pérou, secousses signalées par M. Gauldrée-Boileau à M. le Ministre des Affaires Étrangères, dans une lettre datée de Lima, le 12 janvier 1870. « Si je n'ai pas, depuis longtemps, suivi dans ma correspondance consulaire la question des phénomènes souterrains que j'ai entrepris d'étu- dier, c'est que nous n'avons eu à Lima que des secousses insigni- fiantes. Les deux plus fortes ont eu lieu le mois dernier, l'une et l'autre au milieu de la nuit. La première a excité quelques appréhensions; quant à la seconde, le 10 décembre, elle était à peine sensible. » Les tremblements de terre avaient aussi presque entièrement cessé dans le sud du Pérou; mais, depuis six semaines, on en signale de nouveaux. Il y en a eu trois à Tacna , le 7 décembre, à 7 h. du matin et à 7 h. 15 m. du soir. » La ville d'Arequipa a ressenti également, dans la nuit du 17 décembre, une succession de secousses qui ont vivement effrayé la population; elles étaient accompagnées de bruits sou- terrains et se sont prolongées jusqu'au 19 du mois dernier. ( H2 ) D'autres oscillations se sont produites les 27 et 28 décembre. » (C. R.,t LXX,p. 502.) Le 12, 1 h. 24 m. du matin, à Quito, fort tremblement qui épouvanta la population. Sept minutes plus tard, un autre presque aussi intense, mais plus court, suivi, quelques instants après, d'un troisième très-court et léger. A 4 h. du matin, autres secousses ressenties par plusieurs personnes. Al h., 3 et 4 h. du soir, puis à l'entrée de la nuit (poco cuites de anochecer), quatre nouvelles secousses. A 7 h. 30 m. du soir, tremblement plus violent que les deux plus forts du malin. On en a évalué la durée à une minute et même plus. Enfin, à 10 f/2 h. du soir, une secousse très-légère. « Les trois plus forts de ces divers tremblements, dit le journal Los Andes du 15, nous ont rappelé celui du 16 août de l'année précédente, quoiqu'ils nous aient paru moindres. Aussi, ce n'est pas sans raison qu'on redoute une catastrophe sur quelques points de la république. Tous nous ont paru d'oscillation et du N. au S., excepté le second et le dernier, qui nous ont semblé dirigés de l'E. à l'O. » Le 15, 5 h. du soir, encore une faible secousse, affirmée par plusieurs personnes et niée par d'autres. Les nouvelles de Guayaquil, en date du 25, ne mentionnent pas de désastres. — Le 12, vers 2 h. du matin , à Hildesheim , une secousse. Le 10, 2 '/a h- du soir, à Darmstadt, plusieurs fortes secousses. Minuit du 10 au 17, une nouvelle et violente secousse. — Le 15, 5 b. 40 m. du matin, à Padoue, deux secousses. A Parme, 5 h. 45 m. du matin, une assez forte secousse ondulatoire de 1ESE. à l'ONO. et de quelques secondes de durée, suivie d'une deuxième secousse très-légère, dont on n'indique pas l'heure. A Ferrare, 5 h. 45 m. du matin , une secousse ondulatoire. A Bologne, 3 h. 50 m. du malin et 2 b. 50 m. du soir, deux secousses ondulatoires du INNE, au SSO. ( "3 ) A Modène, 5 h. 52 m. du matin, tremblement très-fort. Les premières secousses furent verticales et accompagnées de fortes détonations; il y en eut ensuite plusieurs ondulatoires, accom- pagnées d'une espèce de rugissement très-sensible. On a remarqué que vers le Colle les secousses furent plus sensibles qu'ailleurs et que dans certains puits, notamment dans le Sassuolese, l'eau augmenta d'environ deux mètres. C'est ce qui a déjà été observé plusieurs fois dans le pays : par exemple , pendant, le tremblement du 5 juin 1501. A Gênes, vers 4 h. du soir, une secousse ondulatoire. A Urbino, 4 h. (sic) , une légère secousse. Le même jour, beure non indiquée, à Cosenza et dans les environs, une secousse ondulatoire. « Les indications fournies par l'Observatoire du Vésuve, dit M. Palmieri dans une note dont on ne donne pas la date, et publiée le 17 courant (décembre), correspondent à des secousses ressenties la nuit suivante à San Angelo de' Lombardi. Pendant les deux derniers jours, le séismograpbe a encore été en mouve- ment; la période des secousses qui durent depuis quelque temps ne paraît donc pas toucher à sa fin. » Le 27, dans la matinée, le séismograpbe de Bologne manifeste de légères perturbations. Le même jour, celui du Vésuve éprouve des agitations conti- nuelles. Le 28, l h. du matin, à Bologne, une forte secousse verticale. — Le 15, à San Luis Obispo (Californie), fort tremblement dont je n'ai trouvé que la mention sans aucuns détails. Le 11) au soir et le 20 dans la matinée, à Mariposa, diverses secousses, ressenties dans les mines (télégramme de Virginia City, en date du 20). Le 20, 8 h. du soir, à Grass Valley, Alta, etc., une forte secousse, ressentie moins vivement à Sacramento. Le 26, 5 '/^ h. du soir, à Marysville, trois secousses; la seconde fut la plus forte. A Lowe Hill, 5 h. 50 m. du soir, trois secousses consécutives, les plus fortes qu'on y ait jamais ressenties. ( m ) A Stockton, 5 h. 52 m. du soir, deux violentes secousses du NO. au SE. A Trukee, 5 h. 57 m. du soir, deux secousses violentes de l'E. à PO. A Sacramento, le même soir, heure non indiquée, on a aussi ressenti deux secousses, la première légère et de quelques secon- des seulement de durée, mais la deuxième violente et de huit secondes de durée; c'est la plus forte qu'on y ait ressentie depuis longtemps. A 9 h. du soir, une nouvelle secousse. Le même soir, à Grass Valley, Nevada et Chico, secousses dont je ne connais aucun détail. La nuit suivante, au moulin de Mariposa, près de Virginia, on a compté ving-six secousses distinctes, à chacune desquelles la vapeur augmentait (la perception del vapor aumentaba en cada saciidimiento). A Cole, Tuncl Mining Company, l'eau augmenta de trois pouces; à Sleamboat Springs, elle fut lancée de dessous terre à 25 pieds de hauteur. A Virginia, d'où l'on télégraphie ces détails le 27, on a ressenti la secousse à 6 h. de la nuit {ne). S'agit-il de 6 h. du soir du 26? C'est probable, car la dépêche ajoute : « La majorité des habitants redoutent de nouvelles se- cousses pour cette nuit. » Le 27, 2 h. du matin, à Marysville , une nouvelle secousse plus violente encore. A Sacramento , 2 h. 10 m. du matin, une nouvelle secousse; les horloges se sont arrêtées et le crépi des murs est tombé dans beaucoup de maisons. Suivant quelques personnes, il y en eut encore une autre vers 5 h. de la même nuit. Le 28, on télégraphie de Virginia : a Cette nuit, à 6 h. 5 m. (sic), nous avons ressenti un fort tremblement, suivi, à de courts intervalles jusqu'à 9 '/a h* s de légères secousses qui se terminè- rent par une détonation semblable à celle d'une pièce d'artillerie. » Ce matin , nons avons encore éprouvé trois secousses assez fortes. Les mines n'ont pas souffert. » Le même jour, on télégraphie de Washington : a Un violent tremblement a eu lieu dans la Californie orientale et le Nevada. Les secousses étaient du N. au S.; on les a ressenties au fond des ( 115 ) mines les plus profondes. » Il s'agit très-probablement ici des secousses du 26. Le 50, à 12 h. 50 m. A. M. (sic , minuit et demi), on télégraphie encore de Virginia : « A 10 h. 45 m. du soir, une nouvelle secousse très-sensible de quinze secondes de durée. Une heure plus tard (par conséquent à 11 3/4 h.), une très-forte oscillation qui a fait vibrer toutes les maisons. Deux minutes après minuit, une nouvelle secousse a porté la panique à son comble. On en craint d'autres. Cependant il n'y a pas eu de dégâts. Nous n'avons pas de nouvelles des mines. 11 est probable qu'elles n'ont pas souffert. » Le 51 enfin, on télégraphie de San Francisco : « Nouvelles secousses dans le Nevada. Les habitants de Virginia en ont été fort effrayés. » — Le 18, 1 1 h. du malin, à l'Etna, détonations avec secousses dans les environs. Le 28, 5 l/*b« du matin, une secousse verticale en trois chocs. — Le 18, dans la nuit, à Yokohama (Japon), tremblement. — Le 19, 6 h. du matin, à Schemacha (Caucasie), tremblement violent; pas de dommages. (Journal officiel du 51). Il n'est pas dit si la date est de l'ancien ou du nouveau style. — Le 21, Il h. 40 m. du soir, à Gôrz (Illyrie), une forte secousse. Immédiatement après commença à souffler un violent sirocco qui ébranla les maisons et les arbres. Le 22, 4 h. du matin, une nouvelle secousse avec un bruit sourd, pareil à un tonnerre lontain, qui se renouvela et ne finit qu'à 5 1/3 h. du matin. — Le 28, 0 h. du matin, à Sainte-Maure (îles Ioniennes), trem- blement désastreux; plus de la moitié de la ville détruite. Les secousses s'y sont répétées pendant tout le jour. A Corfou, 5 */a h. du matin, trois secousses consécutives et du NO. au SE. La première fut la plus forte. Je ne trouve rien à citer sur les autres îles du petit Archipel, où je n'ai plus de corres- pondants. Toutes mes lettres sont restées sans réponse. Le même jour, 5 h. 10 m. du matin, à Valona (Albanie), trois secousses sans dommages. ( 446 ) A Prcvcsa, en même temps, dit-on, qu'à Sainte-Maure, grands dégâts: et à Otrante, sur la côte opposée, pas de dégâts notables. D'après le Journal de la Meurthe, du 1er février 4870, on avait démoli beaucoup de maisons à Sainte-Maure à cause des secousses qui n'avaient pas cessé. Le 29, dans les environs du Gargano (nelle regioni del Gar- qano), m'écrit M. Grassi d'Acireale, secousses sensibles, les plus fortes qu'on ait ressenties dans ce pays. — Je lis dans le Richmond Enquirer du Ier janvier 4870 : « Il y a un jour ou deux, à St-Paul Bay, 40 milles au-dessous de Québec (Canada), une secousse violente. » — Dans le mois de décembre, lord Charles Hervex et un savant prussien, le docteur Hans Berug, ont fait une ascension au Mauna-Loa; ils n'ont pas vu de feu dans le Mokuaweowco (cratère du sommet), mais il y avait beaucoup de fumée. Les secousses sont encore fréquentes dans l'île Ilavvaï; on yen ressent quelquefois deux ou trois dans la même journée. (Lettre d uRév. Titus Coan, en date du 24 janvier 4870,/! mer.J., May, 1870). Sous le titre : The Volcano Kilauea and great Earthquake Waves, M. Dana a publié une lettre antérieure de M. Coan. Mal- heureusement la date n'en est point indiquée; mais l'époque de sa publication (mars 4870) me fait penser que les faits cités par l'au- teur sont de la fin de l'année 1869. « Je viens d'explorer de nouveau, dit M. Coan, le cratère actif du Kilauea et le district volcanique de Puna. Au Kilauea, l'activité était faible. L'aire centrale de cet immense cratère reste toujours une profonde cavité, déprimée maintenant d'environ 400 pieds au-dessous d'une nouvelle lisière ou bande de lave (blackledge) , qui s'étend tout à l'entour. » ... Pour rentrer à Hilo, j'ai suivi la route qui longe la côte; j'y ai ressenti plusieurs secousses de tremblementde terre dont quelques-unes assez fortes. Elles s'y renouvellent encore par intervalles. » (Amer, J. of .se, 2e série, t. XL1X, pp. 269-274, Mardi, 4870). OJ SUR L'APPLICATION DE LA TRANSFORMATION ARGUESIENNE A LA GENERATION DES COURBES ET SURFACES GÉOMÉTRIQUES LOUIS SALTEL. Les transformations sont le propre de l'Algèbre; on » ronçnil donc combien des procédés analogues en » géométrie doivent apporter de puissance et de » facilite. » — Cbaslf.s. — Discours d'inauguration ihi eutti'x île iji'omèti i<- supvrieure. (Présenté à la classe des sciences le lo décembre 1870. Tome XXII. £*) (n APERÇU HISTORIQUE. (a) On a lieu d'être surpris que la fécondité du principe de la transformation des figures (*), qui a conduit à de si admirables résultats (**), n'ait pas suggéré l'idée de l'appliquer à la détermi- nation d'une courbe géométrique, déterminée par un nombre suffisant de points. Il est cependant évident, à priori, que ce ré- sultat peut être atteint par certains modes de transformation. Supposons en effet qu'à une courbe A, d'ordre a, corresponde une courbe B d'ordre 6(a<6). On sait que : a (a -h 3) 1° La courbe A est déterminée par conditions ; b (b -+- 3) 2° La courbe B est déterminée par conditions; (*) Ce principe consiste à substituer à une courbe A une autre courbe B obtenue comme il suit : - « Imaginons que deux points, ou un point et une droite , ou deux droites » soient liés par une loi invariable , qui permet de trouver Tune de ces quan- » tités quand l'autre est donnée; supposons en outre que le point ou la droite n décrive ou enveloppe une courbe A : la courbe B que décrit ou enveloppe » le point ou la droite correspondante est dite la transformée de la » courbe A. » (**) Traité des propriétés projectives. — Transformation par polaires réciproques.— Aperçu historique de M. Chasles sur les méthodes en géomé- trie,l.Xl des Mémoires couronnés par l'Académie de Bruxelles. — Mémoires de MM. Liouville, Moutard, Mannheim, Darboux, Paul Serret, Hirst, sur la transformation parraijons vecteurs réciproques. — Mémoire de M. Catalan, sur une transformation géométrique et sur la surface des oncles, Mémoires de l'Académie royale de Belgique, t. XXXVIII. (4) mais par hypothèse s B étant déterminée lorsqu'on connaît A, elle l'est donc également par — ±± conditions , résultat paradoxal qui montre que le mode de transformation employé a astreint la courbe B à satisfaire à ~±^. — -f- p^- conditions ; si donc il arrive que ces conditions se traduisent par cette circonstance que B passe par h,h^ — rlS!L±3 points fixes, non liés entre eux, on aura une méthode pour construire B, connaissant — j— points (*). (b) Nous nous proposons, dans la première partie de ce mémoire, d'exposer un tel mode de transformation (**). Il nous conduira à la détermination, par la règle et le compas, d'une infinité de sys- tèmes de courbes déterminées par un nombre suffisant de points. Avant de l'aborder, nous allons faire connaître les résultats connus jusqu'ici sur cette grande question de la génération des courbes. M. Chasles, dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, t. XLV, les résume comme il suit : (c) « La description d'une courbe géométrique déterminée par (*) On voit par ce raisonnement qu'à tout mode «le transformation em- ployé, correspondra la détermination d'une certaine courbe, assujettie à un nombre minimum de conditions. (*Y) Sur les observations suivantes que je dois à l'obligeance de M. Catalan , je donnerai à cette transformation, que j'avais d'abord appelée Desargue- sienne,\e nom de transformation Arguesienne. « Ne croyez-vous pas convenable de changer ce long et désagréable mot : >• Desarguesienne? On ne dit pas : la géométrie Descartesienne. Je songeais n à cela cette nuit, et je me demandais si Desargues n'est pas une conlrac- « lion de Des Argues, comme Descartes en est une de Des Caries. C'est jus- » tement ce qui arrive : Argue est un vieux mot français qui signifie une petite » filière. Vous pouvez donc, ce me semble, modifier votre première dénomi- » nation et dire : transformation arguesienne, géométrie arguesienne, etc. b ( Liège, 9 janvier 187:2). Je me suis prêté volontiers à ce changement, non-seulement parce qu'il m'était proposé par un esprit mathématique éminent, mais encore parce que c'est en quelque sorte pour me montrer digne de ses encouragements que j'ai imaginé cette transformation; qu'il me soit donc permis de le remercier ici de ses bienveillants conseils. (3) » certaines conditions, même dans le cas le plus simple où la » courbe n'est assujettie qu'à passer par des points donnés, est » un des problèmes les plus difïiciles de la géométrie. Cette ques- » tion a été introduite par Newton, qui, après avoir donné un » mode de description organique des sections coniques, a clierché » à étendre la solution à quelques courbes du troisième et du » quatrième ordre (*). » Bientôt après, ce premier essai a donné lieu à la géométrie » organique de Mac-Laurin, dans laquelle l'auteur s'est proposé » d'appliquer des procédés semblables à celui de Newton à la des- » cription des courbes géométriques de tous les ordres, notamment » des courbes du troisième et du quatrième ordre. C'est parl'in- » tersection des côtés de divers angles mobiles suivant certaines » conditions, mais toujours de grandeur constante, que Mac- » Laurin a cherché à engendrer les courbes géométriques. Cette » invariabilité des angles permettait d'opérer avec des inslru- » ments de forme constante; et c'est par cette raison que Newton » a appelé ce procédé organique, et que Mac-Laurin a conservé ce » mot dans le titre de son ouvrage (**). Ce procédé, où tout se fait » par des intersections de lignes droites, n'a conduit, comme on » sait, les deux illustres géomètres anglais qu'à quelques cas par- » ticuliers de la question, même pour les courbes du troisième » ordre. Et quoiqu'il fut permis de penser que la description » d'une courbe déterminée par un nombre de points suffisants » pût être classée parmi les questions susceptibles d'être résolues » par les moyens les plus simples, comme la ligne droite et le (*) A la suite de son livre intitulé Enumeratio linearum tertii ordinis , vient ce chapitre : Description organique des courbes, où il énonce trois théorèmes, desquels il conclut une manière de décrire , par le mouvement continu de deux angles de grandeur constante, tournant autour de leurs sommets qui restent fixes,laconiquedéterminee par cinq points; puis la courbe du troisième ordre déterminée par sept points, dont un doit être un point double, et la courbe du quatrième ordre déterminée par trois points doubles et cinq autres points. (**) Geometrica organica : sive descriptio linearum curvarum universalii . Londini, 1720 , in-i°. ( G) » cercle, parce qu'elles n'admettent qu'une solution et qu'elles » dépendent en analyse d'équations du premier degré, cependant » on a été conduit à reconnaître la nécessité de ne plus s'en tenir » à des intersections de telles lignes et de recourir à l'emploi des » courbes (*). » ((/) Nous voyons ainsi que non-seulement le problème de Newton n'a pas été résolu par la règle et le compas (**), mais qu'on a cru devoir l'abandonner et substituer à la droite et au cercle des courbes d'ordre quelconque. Hâtons- nous d'ajouter que nous ne prétendons pas l'avoir résolu entièrement, à beaucoup près; mais peut-être les raison- nements du § (a) .conduiront- ils à sa solution complète, et, quoi qu'il en soit, on ne saurait nier déjà qu'ils ne soient la source de méthodes fécondes, puisqu'une première transformation nous montre que : Étant donnée une courbe géométrique d'ordre m définie par m("V^5) points et susceptible d'être construite géométriquement, elle permet d'en engendrer, par la règle et le compas, une infinité d'autres, définies aussi par le nombre minimum de points néces- saires pour les déterminer {l'ordre de ces dernières peut d'ailleurs dépasser tout nombre donné). A raison de la grande généralité de ce résultat et de ses nom- breuses applications, nous avons cru pouvoir le désigner sous le O On peut consulter sur cette application : 1° La troisième section du t. II du Traité des propriétés projectives ; Poncelet fait voir que lorsqu'une ligne géométrique, d'un degré quelconque, est.déterminée par un nombre suffisant de systèmes d'intersections avec des droites, on peut décrire la courbe en cherchant des intersections de droites avec des courbes auxiliaires déjà tracées. 2° Le très-beau mémoire de M. E. de Jonquières, Essai sur la géné- ration des courbes géométriques, qui a mérité d'être inséré dans les Mé- moires présentés par les divers savants à l'Académie des sciences de Paris. t. XVI. (**) A l'avenir, nous désignerons, sous le nom de construction géométrique, toute construction qui n'exigera que l'emploi de la règle et du compas. ( 7 ) litre de principe, en attachant à ce mot le sens indiqué par M. Chasles dans les Comptes rendus de V Académie (*), à l'occasion de son merveilleux principe de correspondance. [e) La solution du problème de Newton a une grande impor- tance au point de vue théorique; car un moyen simple de con- struire un nouveau point quelconque d'une courbe déterminée par un nombre de points suffisants, exprimera une propriété gé- nérale , véritable équation géométrique de la courbe, qui devra se prêter, avec plus ou moins de facilité, au développement de toutes les autres propriétés. C'est ainsi que les propositions relatives à six points d'une conique, telles que le théorème de Pappus ad quatuor lineas, le théorème de l'involution de Desargues, celui de l'hexagone de Pascal et le théorème fondé sur l'égalité des rap- ports anharmoniques des deux faisceaux de quatre droites, me- nées de deux points de la courbe à quatre autres points, con- stituent, sous des formes différentes, autant d'équations de la courbe, et sont les éléments les plus utiles et les plus féconds de cette vaste théorie. Nous nous sommes appliqué à développer quelques-unes des conséquences théoriques de notre principe; il nous a conduit à des résultats qu'il est souvent difficile de faire entrer dans ces questions géométriques. Ainsi, de même que la méthode de M. Chasles pour la courbe du troisième ordre déterminée par neuf points, il nous a permis de supposer que plusieurs des points donnés sont imaginaires par (*) On a rarement lieu d'employer des principes en géométrie; car si l'on rencontre, dans l'analyse et dans la mécanique, de ces propositions générales qui ramènent à une même question des questions fort diverses ou d'un genre déterminé, et auxquelles on a donné pour cette raison le nom de principe ou de loi, ces propositions abstraites et d'une grande portée manquent à la géo- métrie, dont les spéculations ont presque toujours le caractère concret, si l'on excepte, toutefois, quelques méthodes de transformation et surtout celte grande loi de dualité, mise en évidence par la belle méthode des polaires réciproques de M. Poncelet, et qui a été si utile au progrès de la géométrie moderne. (8) couples; ou que plusieurs points sont infiniment voisins dans tics directions données , ce qui implique des conditions de contact même d'ordres supérieurs. Par exemple, on peut demander que la courbe soit tangente à "une ou plusieurs droites en des points donnés ; qu'elle ait des points multiples, réels ou imaginaires, et que ses tangentes en ces points multiples soient données, ou qu'elle ait des contacts du deuxième, du troisième, du quatrième et même du cinquième ordre, en des points donnés avec une section conique donnée. Ce principe, se prête en outre à diverses autres questions. Par exemple, on construit simplement, en un quelconque des points donnés de la courbe et indépendamment de son tracé, la tangente, le cercle oscillateur, la parabole osculatrice, la conique suroscula- trice(*). On détermine à priori le genre auquel appartiennent les points multiples, et Ton obtinet un moyen de trouver les tangentes en ces points. Dans le quatrième ordre, on trouve immédiatement (\vu\ coniques qui, par leur intersection, donnent l'intersection de la courbe par une droite quelconque; dans le cas général on ré- sout des problèmes analogues. (/') L'extension naturelle du problème de Newton conduit à proposer de construire une surface déterminée par un nombre suffisant de points. La surface du second ordre est la seule, croyons-nous, pour laquelle on ait obtenu une solution (**); elle a été donnée par M. Cbasles dans les Comptes rendus de V Académie des sciences, t. LXV. Au surplus, à l'examen de la méthode suivie par l'illustre géomètre dans le plus simple des cas particuliers, on reconnaît, ce nous semble, que le choix de procédés analogues appliqués efficacement aux surfaces plus compliquées, ne saurait appartenir 0 Dans la troisième section du t. H du Traité des propriétés proj ce tires , Poncelet fait connaître des moyens généraux pour construire les tangentes aux courbes géométriques, ainsi que les coniques osculatrices; mais ses mé- thodes supposent essentiellement que la courbe soit déjà décrite. (**) Cette question a été proposée par l'Académie de Belgique; voir Aperçu historique de M. Chastes, p. 245. qu'à ceux que guide l 'instinct du génie. On ne s'étonnera donc pas si, tout en étant plongé dans la profonde douleur que nous font éprouver les désastres de notre malheureuse patrie, nous goûtons néanmoins une jouissance indicible à faire connaître un procédé accessible à l'esprit le moins géométrique et qui cependant con- duit à ce résultat inespéré (*) : Étant donnée irtie surface géométrique d'ordre m, susceptible d'être construite géométriquement; elle permet d'en engendrer une infinité : l'ordre de ces surfaces peut d'ailleurs dépasser tout nombre donné. (g) Nous avons consacré la deuxième section de la première partie de ce mémoire à l'exposition de ce nouveau principe; la méthode suivie n'est autre que l'extension naturelle de celle que nous avons développée dans la première section (•**;, Nous ne {*) Ceci a été écrit dans les premiers jours du mois de janvier 1871. C*) Nous sommes en possession d'un nouveau mode de transformation qui, non-seulement comme ce dernier, fait connaître un moyen général de con- struire une infinité de systèmes de surfaces, mais encore enseigne à construire une infinité de courbes gauches. Nous nous proposons d'y consacrer plus tard un nouveau mémoire; quant à présent, nous nous bornerons à énoncer les deux théorèmes fondamentaux. Afin de les définir avec plus de netteté, nous ferons les conventions suivantes, qui d'ailleurs nous seront utiles dans la suile. 1" Les notations : (A - GDa*) , (AB - CD*2) représenteront les faisceaux de droites ou de plans en involution qui ont pour sommets ou arêtes A ou AB et qui sont déterminés par les deux droites homologues AC, AD et par le rayon double \x ou par les plans homologues ABC, ABD et par le plan double ABj;. Théorème I. — Soient ABC un triangle quelconque et trois droites issues des sommets A, B, C, aboutissant en un même point et déterminant sur les cotés opposés les points a, 13, y. Considérons les trois faisceaux des droites en involution : (A - BGî:») , (B — AC32J , ' . (C — ABy *-). Joignons un point m, pris à volonté dans le plan ABD, aux sommets du triangle ; les droites homologues aux droites Àjtf, Bas Cy. ( 10) nous sommes pas appliqué à en rechercher longuement des con- séquences théoriques; nous ne pensons pas cependant qu'elle manque de fécondité. (h) Tels sont les résultats contenus dans la première partie de ce mémoire. Dans la deuxième, nous étudions les systèmes de courbes géométriques suivants : 1° Conique définie par cinq points; 2° Courbe du troisième ordre à point double, déterminée par ce point double et six autres points; 5° Courbe d'ordre m, affectée d'un point multiple d'ordre m— 1 et déterminée par ce point multiple et 2 m autres points. Nous n'entrerons pas dans des développements historiques qui, pour les coniques, nous entraîneraient trop loin ; quant aux courbes du troisième et du mme ordre, nous avons suffisamment indiqué dans le courant du mémoire les auteurs qui s'en sont occupés. dans les faisceaux de droites en involution précédents, se coupent en un même point M. Nota. — Dans le cas particulier ou a, j3, y sont les pieds des bissectrices, les points m et M sont les foyers d'une conique inscrite au triangle ABC. Théorème II. — Soient ABCD un tétraèdre quelconque , et six plans issus des arêtes, aboutissant en un même point et déterminant, sur les arêtes oppo- sées , les points (06), (6c), (cd), (do), (ac), (M). Considérons les six faisceaux de plans en involution . [AB — CD(a6)*], [BC - AD (6c)*] , [CD - AB (cd)*] , [DA , BC (da)*] [AC - BD (ac)*] , [BD - AC (M)*]. Joignons un point v-, pris à volonté dans l'espace , aux arêtes; les plans ho- mologues aux plans ABpi, BC//., CD//., DA//, ACfx, BDjx. dans les faisceaux en involution précédents , se coupent en un même point M. Nota. — Dans le cas particulier où {ab), (6c), (cd) , (da) , (ac) , (bd), sont les rencontres des plans bissecteurs , les points M et M sont les foyers d'une surface de révolution du second ordre inscrite au tétraèdre ABCD. {111 SUR L'APPLICATION DE LA TRANSFORMATION ARGUESIENNE A LA GENERATION DES COURBES ET SURFACES GÉOMÉTRIQUES, PREMIÈRE PARTIE. Nous diviserons cette première partie en deux sections, la pre- mière comprendra les courbes planes, la deuxième, les surfaces. PREMIÈRE SECTION. I. - ARGUESIENNE DUNE COURBE DONNÉE. I. Définition. — Soient pris à volonté, dans le plan d'une courbe géométrique z d'ordre m : i° Deux coniques St , S2 ; 2° Un point P. Par le point P, menons une sécante quelconque qui rencontre la courbe z en un point et les coniques Si9 S2 en des points ( 12 ) Le lieu géométrique I), du point homologue au point •w, dans l'involution définie par les quatre points {ce, oc'), (0,(3'), est Varguesienne de la courbe S, par rapport aux deux coniques S,, S2, dites de référence, et au point P appelé pôle. Remarque. — Nous désignerons constamment par A, 15, C, Dles quatre points communs aux deux coniques S0 S2, et par P le pôle de la transformation. II. - ORDRE ET AFFECTIONS DE L'ÀRGUESIENNE DUNE COURBE, 2. Nous allons d'abord nous proposer ce problème préliminaire : Trouver l'ordre et les affections de Varguesienne D' dune ligne droite l'. 3. Oiidre de D'. — Sur chaque sécante issue du point P, la définition du lieu ne donne qu'un seul point (d'ailleurs différent généralement du point P), donc Vordre de D' est égal à l'ordre' de multiplicité du point P, plus un. 4. Ordre de multiplicité du point P. — Il est marqué par le nombre des transversales auxquelles répond le point P, pour point correspondant du lieu; ces transversales sont évidemment déterminées par le point P, associé à l'un des points communs des deux lieux géométriques suivants : 1° La droite l' ; 2° Le lieu du point homologue au point [\dans la série des invo- lutions déterminées par les quatre points de rencontre d'une tra?isvcrsale arbitraire issue du point P, avec les coniques de référence. Mais, d'après le théorème de Desargues, le second lieu n'est autre que la conique W déterminée par les cinq points A, B,C, D, P; donc les transversales cherchées sont au nombre de deux. Ainsi le point P est un point double et la courbe est du troisième ordre. (15) o. Points remarquables de I)'. — La construction du lieu montre que les quatre points communs aux deux coniques l'ont partie du lieu. 6. Cas ou D' se décompose. — D'après le théorème de Ikzout, un lieu du troisième ordre se décompose s'il a quatre points en ligne droite; il résulte de là que D' se décompose : 1° Si le point P est sur l'une des sécantes communes aux coniques S„ S2; 2° Si la droite 2' passe par l'un des points communs aux co- niques S|, Sa; ô° Si la droite 2' passe par le point P (*). 7. Résumé. — En résumé, nous voyons que : 1° Si le point P n'est pas sur l'une des sécantes communes aux deux coniques, l'arguesienne d'une droite est, en général, une courbe proprement dite, du troisième ordre, ayant le point P pour point double et passant par A, B, C, D. 2° Si le point P est sur l'une des sécantes communes aux deux coniques, l'arguesienne dune droite est, en général, une conique proprement dite, passant par le pôle et par les deux autres points communs aux deux coniques qui ne sont pas en ligne droite avec le point P, mais ne passant généralement pas par ces derniers. De là ces deux théorèmes fondamentaux : 8. Premier théorème fondamental. — Si le point P n'est pas sur l'une des sécantes communes aux deux coniques de référence, l'arguesienne d'une courbe 2 d'ordre m, qui a : 4° Les quatre points A, B, C, D respectivement multiples d'ordre a , b , c , ; 3° Les points multiples r, '» points homologues à r, «y i et respectivement multiples d'ordre r,, <*f a,. *.). Second théorème fondamental. — Si le point P est sur- ru ne des sécantes communes aux deux coniques de référence, sur la droite CD, par exemple, l'arguesicnne d'une courbe 2, d'ordre m qui n : ( 13 ) 1° Les trois points A, B, P respectivement multiples d'ordre a, b, p; 2° Les points multiples y, * *, situés en dehors de A, B, P, et respectivement multiples d'ordre Yt* s* *iï est une courbe Dj d'ordre 2m - (a + 6 + p) = m' quia ; 4° Les trois points A, B, P respectivement multiples d'ordre l (A) m — {a-\-p)=. a', | (B) m — (b-hP) = l/, ( (P) m - (a -4- b) = p'; 2° Les points multiples y\ r y points homologues à r, s x et respectivement multiples d'ordre n, >i i,(*). 40. Remarque. — Si, dans les deux théorèmes précédents, on change t?i en m', a, b, c, d, p en a', 6', c', d\ p', y, S x en y' S' A' on obtient ces deux théorèmes réciproques: (*) Si les points A, B sont les points circulaires à l'infini, c'est-à-dire si les coniques St, Sa sont deux cercles, et que l'on effectue la construction d'un point homologue à un point donné, on retombe sur la construction de la transformation par rayons vecteurs réciproques. ( io ) M. Si le point P n'est pas sur l'une des séeanles communes aux deux coniques de référence, Farguesienne d'une courbe D d'ordre 5m - {a -+- b -+- c -+- d -h 2p) qui a : 1° Les quatre points A, B, C, 1) respectivement multiples d'ordre : / (A) m - (a -+- p i, \ (B) m-(b+p), ) (C) m - {c -+- p), \ (D) m - (d -+-;>); 2° Le point P multiple d'ordre : 2m — (a -+- b -+- c -+- d -+- p) ; 3° Les points multiples y', S' a' situés en dehors de A, D, C, 0 et respectivement multiples d'ordre est une courbe S a ordre 5 (3m — a — h - c — d — 2p) ' — (8m — "a — ôb — 3c — ."W — ftp) = m qui a : 1° Les quatre points A, B, C, I) respectivement multiples d'ordre (A) 3m — a — b — c — d — 2p — (3m — - 2a — b — c — d — 2/)) = a, (B) 3m — a — b — c — d — 2/? — (3m — a — 26 — c— r/ — 2/j) = 6 , (C) 5m — a — b — c — d — 2// — (3m — a — b — te — d — 2/>; = c , \ (D) 5m — a — 6 — c — d - 2p — (3m — a — b — c — ~2d — 2/;) = d ; 2° Le point P multiple d'ordre Cm — 2a — îb — 2c — 2d - 4p - ,(Sm — 2a — 26 — 2c — • 2d — 5/>) = p; ( 17 ) 5° Les points multiples r, * points homologues à et respectivement multiples d'ordre tti 2i Al- la. Si le point P est sur l'une des sécantes communes aux deux coniques de référence, sur la droite CD par exemple, l'argue- siennc d'une courbe Dt d'ordre 2m — (a -f- 6 -+■ p) qui a : 1° Les trois points A, B, P respectivement multiples d'ordre ( (A) m — (a -h p) , l (B) m-(6-t-p), ( (P) m — (a-f- 6); 2° Les points multiples y', S' y situés en dehors de A, B, P et respectivement multiples d'ordre ri, ^i V; est une courbe it d'ordre 4m — 2a — 26 — 2p — (5m -+- 2a -+- 26 -+- 2p) = m qui a : 1° Les trois points A, B, P respectivement multiples d'ordre / (A) 2m — a — b— p — (2m — 2a— 6— p) = a, 5 (B) 2m — a — b — p— (2m— a — 26 — p) = b, [ (P) 2m — a — 6 — p — (2m — a — 6 — 2p) = p; Tome XXII. 2 ( w ) 2° Les points multiples y, s .. .. ;. points homologues à r\ «r >' et respectivement multiples d'ordre n, Ji **• I". CONSÉQUENCES CAPITALES DES DEUX RÉCIPROQUES PRÉCÉDENTES. — De ces réciproques résultent ces conséquences capitales : 1° La construction de l'une des courbes ZetD, ou ï{ et D,, se ramène à la construction de Vautre (*). 2° // faut associer le même nombre de points simples aux points A, B, C, D, P pour achever la détermination de deux coupes homologues. Pour mieux fixer les idées, nous allons considérer deux exem- ples; supposons, par exemple, que l'on prenne, d'après le théo- rème (8), l'arguesienne d'une conique qui ne passe par aucun des points A, B, C, D, P. Ce théorème montre que l'arguesienne est une courbe du sixième ordre, affectée des quatre points A, B, C, D pour points doubles et du point P pour point quadruple. Mais ce même théorème montre que, réciproquement (1 1), l'ar- guesienne d'une courbe du sixième ordre, affectée des quatre points A, B, C, D pour points doubles et du point P pour point quadruple, est une conique qui ne passe par aucun des points A, B, C, D, P; donc, une conique étant déterminée par cinq (*) Cette conséquence pourrait sembler détournée, car elle serait évidente d'après la construction si nous voulions nous borner à dire par là que si à une certaine courbe 2 correspond la courbe D, réciproquement à cette courbe D correspond la courbe 2; or il n'en est rien ; nous voulons dire, ce qui était loin d'être évident et ce qui est capital et utile, qu'elle prouve qu'en dispo- sant convenablement dans la transformation des cinq points A , B , C , D, P, la construction de toute courbe arbitraire du genre de D se ramène à la con- struction d'une certaine courbe du genre de 2. (Nous désignons, sous le no m de courbe du même genre ou de même forme, celles qui possèdent le même nombre de points multiples). ( 10 ) points, il s'ensuit que cinq points simples, ajoutés aux cinq points A, B, C, D, P, sont nécessaires et suffisants pour déter- miner une telle courbe du sixième ordre (*). De là, la génération suivante de la courbe du sixième ordre, affectée de quatre points doubles A, B, C, D, d'un point quadru- ple P, et déterminée par ces points multiples et cinq autres points 1,2, 3, 4, 5. Par les quatre points doubles , faites passer deux coniques quel- conques (évidemment deux systèmes de droites si ces points doubles sont réels). Joignez le point P aux cinq points d, 2, 3, 4, 5. Ces droites déterminent sur les deux coniques cinq involutions; prenez respectivement les points 1', 2', 5', 4', 5' homologues à d, 2, 3, 4, 5, et faites-y passer une conique: la courbe proposée est l'arguesienne de cette conique. Supposons en second lieu que l'on prenne, d'après le théorème (9), l'arguesienne d'une conique qui ne passe par aucun des points A,B,P. Ce théorème montre que l'arguesienne est une courbe du qua- trième ordre, affectée des trois points A, B, P pour points dou- bles. Mais ce même théorème montre que, réciproquement (12), l'ar- guesienne d'une courbe du quatrième ordre, affectée des trois points A, B, P pour points doubles, est une conique qui ne passe par aucun de ces points; donc il s'ensuit que cinq points simples, ajoutés aux trois points A, B, P, sont nécessaires et suffisants pour déterminer une telle courbe du quatrième ordre (**). Delà, la génération suivante de la courbe du quatrième ordre affectée de trois points doubles A , B, P, et déterminée par ces points multiples et cinq autres points 1, 2, 3, 4, 5. O On est ainsi conduit à vérifier que, dans une courbe du sixième ordre , quatre points doubles et un point quadruple équivalent à vingt-deux points simples , puisqu'il faut vingt-sept points simples pour déterminer une telle courbe. (¥¥) On vérifie ainsi que, dans une courbe du quatrième ordre, trois points doubles équivalent à neuf points simples, puisqu'il faut quatorze points sim- ples pour déterminer une telle courbe. ♦ (20 ) Prenez deux points quelconques C, D en ligne droite avec le point P, et par ces deux points et les points A, B faites passer deux coniques quelconques (évidemment encore deux systèmes de droites si les deux points doubles A, B sont réels). Joignez le point P aux cinq points 1 , 2, 5, 4, y. Ces droites déterminent sur les deux coniques cinq involu lions; prenez respectivement les points 1', 2', 5', 4', 5' homologues a 1 , 2, 5, 4, 5, et faites-y passer une conique: la courbe proposée estl'arguesienne de cette conique. 14. Ces digressions posées, arrivons à la démonstration des deux théorèmes fondamentaux; la démonstration pour l'un d'eux suffira, l'autre lui étant identique. Nous démontrerons le premier. la. Ordre de l'arguesienne D. — Pour l'obtenir, coupons-la par une sécante quelconque ï' et cherchons le nombre de points de rencontre. Ces points sont évidemment les points homologues aux points d'intersection des deux lieux géométriques suivants : 1" La courbe I; 2° La courbe du troisième ordre D' arguesienne de la sé- cante z'. Or, ces deux courbes se coupent, d'après le théorème de Be- zout, en 3m points; l'arguesienne D est donc de l'ordre 3m; mais D' passant par les quatre points A, B, C, D et ayant pour point double le point P, il s'ensuit que parmi ces 5m points il y en a a-4-6H-c-t-d-+-2p qui sont fixes , et auxquels correspondent respectivement les points d'intersection de la sécante s' avec les quatre droites P A, PB, PC, P D et avec la conique déterminée par les cinq points A,B, C,D,P;donc les quatre droites PA, PB, PC, PD et la conique A, B, C, D, P font partie de la courbe et cela un nombre de fois marqué respectivement par les nombres «, 6, c, (/, p, ce qui fait que l'ordre de D est à proprement parler 3m — (a •+- b + c -4- d 4- 2p). C. Q. F. D. ( 21 ) 10. Ordre de multiplicité des points A, B, C, D. — Propo- sons-nous de déterminer, par exemple, l'ordre de multiplicité du point A; pour cela, supposons que la sécante i' passe par ce point; dans ce cas l'arguesienne IV est une conique passant par B, C, I), P, mais qui ne passe généralement pas par le point A; donc toute droite passant par le point A, rencontre la courbe D en dehors de ce point, un nombre de fois marqué par 2m — (6 -f- c ■+- d ■+• p) ; donc les points confondus en A sont au nombre de cm — a — b— c — d — 2p — 2m-t-6-t-c-f-d-»-p = m — (an-/)). C.Q. F. D. 17. Ordre de multiplicité du point P. — D'après la défini- tion du lieu, chaque sécante issue de ce point rencontre D en m — /; points (différents d'ailleurs généralement du point P); donc la courbe étant d'ordre 3m — (œ -+- b ■+■ c + d -t- 2p) l'ordre de multiplicité du point P est : 2m-(a + 6-t-c-*-d-*-p). C.Q.F.D. 18. Points multiples situés en dehors de A, B, C, D, P." — Il est facile de se rendre compte que l'arguesienne D doit pos- séder et ne peut posséder des points multiples en dehors des points A, B, C, D, P, que les points homologues aux points mul- tiples de 2; d'ailleurs, l'ordre de multiplicité de ces points étant égal respectivement à celui de leur correspondant. Supposons en effet que la sécante 2' passe par un point y homo- logue au point rdans la courbe 2 et multiple d'ordre y{ ; la courbe du troisième ordre J)' ne rencontre généralement en ce dernier point la courbe 2 que y{ fois; donc la sécante 1' ne rencontre gé- néralement D' en y' que y{ fois. C. Q. F. D. (22) III. - DÉTERMINATION DE LA TANGENTE A L'AUGUESIEflNE EN UN POINT DONNÉ. 19. Rappelons d'abord comment on obtient un point de la courbe : Joignez un point quelconque p de 2 au point P; soient (a, a'), (|3, p') les points d'intersection de cette droite avec les coniques de référence. Par les segments (a, a'), (p, (3') et un point arbi- traire >, faites passer deux cercles, tracez leur axe radical, menez ensuite un cercle passant par le point p. et ayant même axe radical que les précédents : le second point de rencontre M de ce cercle avec P/tc est un point du lieu. 20. Tangente en un point simple. — Soient ^ un point simple de 2, ^t sa tangente; cherchons la tangente au point correspon- dant M de D. A cet effet, imaginons la conique Ct tangente en [>. à lit et qui passe par les trois points A, B, P : la tangente cher- chée n'est autre que la tangente au point M à la conique argue- sienne de la conique Ct (8). 21. Tangentes aux points multiples situés en dehors de A, B, C, D, P. — Nous avons vu que de pareils points sont les points homologues des points multiples de 2, situés en dehors de A, B, C, D, P. Soient donc \i' un point de 2 multiple d'ordre v. Ima- ginons les v coniques passant par ce point, tangentes à ses v tan- gentes et passant respectivement par A, B, P. 11 est encore évident que les tangentes cherchées sont les tangentes en M' aux v coniques arguesiennes de ces dernières. Remarque. — Non-seulement l'ordre de multiplicité d'un point l>. ' se transmet en M', mais encore les affections au point de vue de la réalité ou de l'imaginante. 22. Tangentes aux points A, B, C, D. — Considérons le point A par exemple. La construction de la courbe montre que les m— (a -v- p) branches qui se coupent en ce point, résultent des points voisins aux m — (a -+- p) rencontres de 2 avec PA; cette remarque conduit aux deux constructions suivantes : 1° Soient /x " un point de rencontre de 2 avec PA, et /u. " t sa ( 33 ) tangente. Imaginons la conique tangente en ri" a #" t qui passe, en outre, par les trois points B, C, P; il est évident que la tan- gente correspondante au point À, n'est autre que la tangente en ce point, à la conique arguesienne de cette dernière. — 2° Soient y, y les points de rencontre de PA avec S,, S2. Con- sidérez les deux cercles tangents respectivement au point A à ces deux coniques et passant par y, y'. La tangente au point A, au cercle qui passe par le point tu" et qui a même axe radical que les deux précédents, est la droite demandée (*). Remarque. — L'étude des affections du poinl A est ramenée à .l'étude de linterseetion de PA avec 2. 25. Tangentes du point P. — Les tangentes en P, sont évi- demment les sécantes issues de ce point, et auxquelles répond dans la génération, le point P pour un point correspondant du lieu; ces transversales sont déterminées par le point P, associé à l'un des points communs des deux lieux géométriques suivants: i° La courbe 2; 2° Lieu du point homologue au point P, dans la série des invo- lutions définies par les systèmes de quatre points, déterminés par une transversale arbitraire issue de P sur les deux coniques de référence. Mais d'après le théorème de Desargues, le second lieu est la conique co passant par le point P et les quatre points A, B> C, D; donc les transversales cherchées sont au nombre de 2w diminué de nombre de points confondus avec le point P, qui à eux seuls ne sauraient déterminer une transversale, et des points confondus en A, B, C, D qui donnent pour tangentes les droites PA, PB, (") Cette seconde construction peut se légitimer comme il suit : Imaginons que dans la génération de la courbe, au lieu de prendre X arbi- traire, on fasse passer tous les cercles par ce point; le point ^ se rapprochant de ,u", le cercle et la branche correspondante de la courbe tendront à avoir deux points communs confondus au point A, donc à la limite, ils y ont même tangente : pour l'obtenir, il suliit de substituer le cercle à la branche. ( 24 ) PC, PD, que l'on sait faire partie de la courbe un nombre de fois marqué par les nombres respectifs rt, 0, c, d. Ainsi, l'ordre de multiplicité du point P est :2m — {a -\~ b -\- c -\- d -\- p) ; ce que l'on savait déjà , et l'étude de ses affections est ramené à l'étude de l'intersection de S et w. IV. - DETERMINATION DES CONIQUES OSCULATRICES EN UN POINT DONNÉ. 24. Détermination du cercle osculateur. — Soient u- un point de 2,-//0 le cercle osculateur en ce point; cherclions le cercle osculateur au point correspondant 31 de D. A cet effet, imaginons la conique passant par P, A et osculatrice en p au cercle p.O; il est évident que le cercle cherché est le cercle oscillateur au point M à la courbe du troisième ordre à point double, arguesienne de cette dernière conique (8). Remarque. — Nous verrons, dans la deuxième partie de ce mémoire, comment on obtient le cercle osculateur, la parabole osculatrice, la conique surosculalrice en un point quelconque de la courbe du troisième ordre à point double. 25. Détermination de la pararole osculatrice. — Soient /u. un point de 2 , p L la parabole osculatrice en ce point ; cherchons la parabole osculatrice au point correspondant M de D. A cette effet, imaginons la courbe du troisième ordre qui a pour parabole oscu- latrice, au points, la parabole pL, et pour laquelle le point P est un point double et deux des points A, B, C, D sont des points simples; la parabole cherchée est la parabole osculatrice au point 31 à la courbe du troisième ordre à point double, arguesienne de cette dernière courbe (8). Remarque. — Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous montrerons comment on peut construire une courbe du troisième ordre ayant un point double donné, passant par deux autres ( 28 ) points donnés et qui ait pour parabole osculatrice, en un point donné, une parabole donnée. 20. Détermination de la conique surôsculatrice. — Soient u un point de 1,/u.S la conique surôsculatrice en ce point; cherchons la conique surôsculatrice au point correspondant M de D. A cet effet, imaginons la courbe du troisième ordre qui a pour conique surôsculatrice au point /x la conique /uS et pour laquelle le point P est un point double et l'un des points A, B, C, D un point simple; la conique cherchée est la conique surôsculatrice au point M à la courbe du quatrième ordre à point triple, arguesienne de cette dernière courbe (8). Remarque. — Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous donnerons : 1° La construction dune courbe du troisième ordre affectée d'un point double donné, passant par un autre point donné et ayant pour conique surôsculatrice en un point donné une conique nonnée; i2° La construction de la conique surôsculatrice en un point quelconque d'une courbe du quatrième ordre qui a un point triple. V. - INTERSECTION DE DEUX COURBES. "21. Les théories algébriques apprennent à substituer à la recherche de l'intersection de deux courbes, deux autres courbes qui, parfois, sont plus simples. 11 est aisé de voir que la transfor- mation arguesienne peut permettre de résoudre un problème correspondant. Supposons en effet deux courbes Tt, T2; soient ti, T't leurs arguesiennes par rapport aux mêmes cinq points A, B, C, I), P; il est évident que l'intersection des deux courbes T4, T2 est ramenée à l'intersection des deux courbes T,, Ta; or il a pu arriver, que par le choix convenable de cinq points A, B, C, D, P, les deux courbes Ti, T2 soient plus simples que les deux courbes Tl5 T2, conséquemment, etc. Remarque. — Nous renverrons pour de plus longs détails à la deuxième partie. ( 26 ) VI. — PRINCIPE DE GENERATION. 28. Nous allons faire voir comment les théorèmes (8), (il) ou (9), (12) conduisent au principe suivant : Etant donnée une courbe géométrique d'ordre m, définie par "[^~ ' points et susceptible d'être construite géométriquement ; elle permet d'en engendrer, par la règle et le compas, une infinité d'autres, définies aussi elles-mêmes par le nombre minimum de points nécessaires pour les déterminer (l'ordre de ces dernières peut d'ailleurs dépasser tout nombre donné) (*). Supposons en effet qu'on sache construire une courbe 1 d'ordre ni, à points simples ou multiples. Si l'on prend son arguesienne d'après le théorème (8), par rapport à cinq points quelconques A, B, C, D, P, on obtiendra une courbe d'ordre 5»?, qui possède au inoins cinq points multi- ples, à savoir : les quatre points A, B, C, D comme points multi- ples d'ordre m, et le point P multiple d'ordre 2m. Mais réciproquement, d'après (11), toute courbe de cette forme peut être ramenée à la construction d'une courbe de la forme l; donc on sait ainsi construire une nouvelle courbe. Au lieu de prendre arbitrairement les cinq points A , B, C, D, P, supposons que l'un d'eux, A par exemple, soit un point simple de S; cela conduira a à une forme de courbe d'ordre 3m — 1 que l'on saura encore construire. Mais, au lieu de supposer qu'un seul des cinq points A,B, C,D, P, soit un point simple de 1, nous pouvons supposer qu'un second point, qu'un troisième, qu'un quatrième, qu'un cinquième le soient; puis enfin, si 2 a des points multiples, on peut les com- biner entre eux avec les points simples ou les points nuls (**), de façon à les prendre encore pour points A , B , C , D , P ; chaque (*) Ce principe ne semble-t-il pas constituer une classification des courbes géométriques? (**) Si la courbe I , ne passe pas par l'un des points A , U, C, D, P, ce point est dit un point nul de la courbe. ( 27 ) combinaison donnera la construction d'une nouvelle courbe d'or- dre supérieur à 2 pourvu que l'on ait : a + & + c + d + 2p<2 m. Ainsi, nous voyons déjà que chaque courbe donne immédia- tement la construction d'un certain nombre de courbes d'ordre supérieur au sien. Mais si, à leur tour, on transforme ces dernières, il correspon- dra encore, à chacune délies, un certain nombre de nouvelles et d'ordre supérieur; en continuant ainsi de proche en proche, on en conclura bien que, par ce procédé, on a découvert un mode de con- struction d'une infinité de courbes d'ordre aussi élevé que l'onveut. Nota. — Ce raisonnement s'applique évidemment aussi aux théorèmes (9), (12). VII. - APPLICATION DU PRINCIPE DE GÉNÉRATION A LA LIGNE DROITE. 29. Argljesienne d'une droite. — Construire une conique dont on connaît cinq points A, B, P, 1, 2. Prenez deux points quelconques G, D, en ligne droite avec le point P, et par ces deux points et les points A, B, faites passer deux systèmes de deux droites. Joignez le point P aux points J , 2. Ces droites déterminent, sur les deux systèmes de droites, deux involutions; prenez respectivement les points 4', 2' homolo- gues ai, 2, considérez la droite qui les joint; la conique proposée est l'arguesienne de cette droite, par rapport au pôle P et aux deux systèmes de deux droites. 30. Construire la courbe du troisième ordre, affectée d'un point double et définie par le point double P et six autres points A, B,C,D,1,2. Par les quatre points A, B, C, D, faites passer deux systèmes de droites. Joignez le point P aux points 1 , 2. Ces droites déterminent sur les deux systèmes de droites deux involutions; prenez respec- tivement les points 1', 2' homologues à 1,2; considérez la droite qui les joint; la courbe proposée est l'arguesienne de celte droite- ( 28 ) 31. Construire lu courbe du troisième ordre, affectée d'un point double et défi nie par ce point double P et six autres points A, B, 1,2,5,4. Prenez deux points quelconques C, 1), en ligne droite avec le point P par ces deux points et les points A, B faites passer deux systèmes de droites. Joignez le point P aux points 1, 2, 3, 4. Ces droites déterminent, sur les deux systèmes de droites, quatre involutions; prenez respectivement les points I', 2', 5', 4' homo- logues à I, 2, 5, 4; considérez la conique 2 qui passe par les cinq points P, 1', 2', 5', 4': la courbe proposée est l'arguesienne de cette conique. 52. Construire la courbe du troisième ordre , .affectée d\in point double et définie par ce point double P et six autres points B,C,D,1,2,3. Par un point A pris à volonté et les trois points B, C, D, faites passer deux systèmes de droites. Joignez le point P aux points I, 2, 3. Ces droites déterminent, sur les deux systèmes de droites, trois involutions; prenez respectivement les points V , 2', 5' ho- mologues à 1, 2, 5; considérez la conique 1 qui passe par les cinq points P, A , 1', 2', 3' : la courbe proposée est l'arguesienne de cette conique. 52'. Contraire la courbe du quatrième ordre, affectée de trois points doubles C , D , P et déterminée par ces points multiples et cinq autres points A, B, 1, 2, 5. Par les quatre points A, B, C, D, faites passer deux systèmes de droites. Joignez le point P aux points 1,2, 5. Ces droites déter- minent, sur les deux systèmes de droites, trois involutions; prenez respectivement les points l', 2', 3' homologues à 1, 2, 5; consi- dérez la conique qui passe par les cinq points A, B, 4', 2', 5' : la courbe proposée est rarguesienne de cette conique. 52". Construire la courbe du quatrième ordre, affectée d'un point triple P et définie par ce point triple et huit autres points A, B,C, D, 1,2, 3,4. Par les quatre points A , B, C, D, faites passer deux systèmes de droites. Joignez le point P aux points 1, 2, 3, 4. Ces droites déterminent, sur les deux systèmes de droites, quatre involu- ( 29 ) lions; prenez respectivement les points I', 2', 5', 4' homologues à 1,2, 5, 4; considérez la conique qui passe par les cinq points P, i\ 2', 5', 4'; la courbe proposée est l'arguesienne de cette conique. 32"'. Construire la courbe du cinquième ordre, affectée d'un point triple P, de trois points doubles B, C, D et définie par ces points multiples et par cinq autres points A, 1, 2, 5, 4. Par les quatre points A, B, C, D, faites passer deux systèmes de droites. Joignez le point P aux points 1, 2, 5, 4. Ces droites dé- terminent sur les deux systèmes de droites quatre involutions ; prenez respectivement les points 1', 2', 5', 4' homologues à 1, 2, 5, 4; considérez la conique qui passe par les cinq points A, Y, 2', 5', 4'; la courbe proposée est l'arguesienne de cette conique. 52,v. Construire la courbe du sixième ordre, affectée de quatre points doubles A, B, C, D, d'un point quadruple P, et déter- minée par ces points multiples et par cinq autres points i, 2, 5, 4, 5. — (Voir n° 1 5). 55. Si Ton transforme à leur tour ces dernières courbes, on en obtient immédiatement de nouvelles, parmi lesquelles nous citerons : Courbe du sixième ordre affectée de trois points triples et d'un point double. Courbe du cinquième ordre affectée de six points doubles. Courbe du sixième ordre affectée de deux points triples et de quatre points doubles. Courbe du septième ordre affectée d'un point quadruple, deux points triples et trois points doubles. Courbe du huitième ordre affecté de trois points quadruples et de trois points doubles. Courbe du cinquième ordre affectée d'un point quadruple. Courbe du sixième ordre affectée de trois points doubles et trois triples. Courbe du septième ordre affectée d'un point quadruple et trois triples. Courbe du huitième ordre affectée de trois points quadruples et d'un triple. ( 50 ) Courbe du sixième ordre affectée d'un point quadruple et quatre doubles. Courbe du sixième ordre affectée de trois points triples et d'un double. Courbe du septième ordre affectée d'un point quintuple et de cinq points doubles. Courbe du septième ordre affectée de quatre points triples et de trois points doubles. Courbe du huitième ordre affectée d'un point quintuple, de trois points triples et trois doubles. Courbe du huitième ordre affectée de deux points quadruples, deux triples, trois doubles. Courbe du neuvième ordre affectée d'un point quintuple, deux quadruples, un triple, trois doubles. Courbe du dixième ordre affectée de trois points quintuples, un triple, trois doubles. Nota. — Nous croyons avoir suffisamment indiqué, par ces quelques exemples, la marche a suivre pour obtenir toutes les courbes que permet de construire la ligne droite. VIII - APPLICATION DU PRINCIPE DE GÉNÉRATION A LA COURBE DU TROISIÈME ORDRE DÉPOURVUE DE POINT DOUBLE (*). 54. Arguesienne de la ligne du troisième ORDRE DÉPOURVUE DE point dourle. — Construire la courbe du quatrième ordre a/fec- (*) Notre intention est de faire paraître bientôt sur cette courbe un mé- moire, si le temps nous le permet, ou , dans tous les cas, une note où nous ferons voir : 1" Qu'il est possible de simplifier l'une des générations de cette courbe données par M. Chastes, de façon à la rendre aussi rapide que celle d'une conique; 2° Que, de la possibilité de trouver simplement les deux autres points d'in- tersection de la courbe, et d'une conique qui passe par quatre points déjà conuus, résulte, comme pour la courbe à point double du même ordre, un mode uniforme pour déterminer les coniques osculatrices en ses divers points. ( -r\ ) tée de deux points doubles P, D et définie par ces points mul- tiples et par huit autres points A , B , C, 1 , 2 , 3 , 4 , 5. Par les quatre points A, B, C, D faites passer deux systèmes de droites. Joignez le point P aux points i, 2, 3, 4, 5. Ces droites dé- terminent, sur les deux systèmes de droites, cinq involutions; prenez respectivement les points 4', 2', 5', 4', 5' homologues à 1, 2, 5, 4, d; considérez la courbe du troisième ordre définie par les neuf points P, A, B, C, 1', 2', 3', 4', 5' : la courbe proposée est l'arguesienne de cette dernière courbe. Nota. — Sans entrer dans tous les détails précédents , nous allons nous borner à énumérer les premières courbes que la courbe du troisième ordre, dépourvue de point double, permet immédiatement de construire. Courbe du cinquième ordre affectée de deux points doubles et d'un triple. Courbe du cinquième ordre affectée de cinq points doubles. Courbe du sixième ordre affectée d'un point quadruple et de trois doubles. Courbe du sixième ordre affectée de deux points triples et de trois doubles. Courbe du septième ordre affectée d'un point quintuple et de quatre doubles. . Courbe du septième ordre affectée d'un point quadruple, d'un triple et trois doubles. Courbe du huitième ordre affectée d'un pointquintuple, un triple, trois doubles. Courbe du neuvième ordre affectée d'un point sextuple et de quatre triples. 35. Si l'on transforme à leur tour ces dernières courbes, on en obtient immédiatement de nouvelles, parmi lesquelles nous citerons: Courbe du septième ordre effectée d'un point quadruple, deux triples et deux doubles. Courbe du huitième ordre affectée de trois points quadruples et deux doubles. ( 52 ) Courbe du sixième ordre, affectée d'un point triple et de trois doubles. Courbe du septième ordre, affectée d'un point quadruple, deux triples et un double. Courbe du septième ordre, affectée de quatre points triples etde deux doubles. Courbe du huitième ordre, affectée d'un point quintuple, trois triples et un double. Courbe du huitième ordre, affectée de deux points quadruples, deux triples et deux doubles. Courbe du neuvième ordre, affectée d'un point quintuple, deux quadruples, un triple et deux doubles. Courbe du dixième ordre, affectée de trois points quintuples, un triple et deux doubles. Courbe du neuvième ordre, affectée de trois points quadruples et trois triples. Courbe du dixième ordre, affectée de deux points quintuples, un quadruple et trois triples.. Courbe du onzième ordre, affectée d'un point sextuple, deux quintuples et trois triples! Courbe du douzième ordre, affectée de trois points sextuples et de trois triples. Nota. — Nous croyons avoir suffisamment indiqué par ces quelques exemples, la marche à suivre pour obtenir toutes les courbes que permet de construire la courbe du troisième ordre dépourvue de point double. IX. - OBSERVATION GÉNÉRALE SUR LES COURBES PRÉCÉDENTES. 36. Toutes les courbes précédentes, en nombre infini, étant des arguesiennes successives d'une ligne droite ou d'une courbe du troisième ordre, dépourvue du point double , si l'on se reporte aux §§ III, IV, VIII, et à la deuxième partie de ce mémoire, on en conclura : (53 ) i° Que, dans la détermination de ces courbes il est permis de supposer que plusieurs des points donnés sont imaginaires par couples; ou bien que plusieurs points sont infiniment voisins dans des directions données, ce qui implique des conditions de contact, môme d'ordre supérieur. Par exemple, on peut demander que la courbe soit tangente à une ou plusieurs droites en des points donnés; qu'elle ait des points multiples réels ou imaginaires et que ses tangentes en ces points soient données, ou qu'elle ait des contacts du deuxième, du troisième, du quatrième et même du cinquième ordre, avec une section conique en des points donnés. 2° Que, pour toutes ces courbes, on saura construire par la règle et le compas, et indépendamment de leur tracé, la tangente en un point quelconque, le cercle oscillateur, la parabole oscula- trice, la conique surosculatrice; on saura déterminer à priori les genres auxquels appartiennent les points multiples et trouver les tangentes en ces points. X. - APPLICATION DU PRINCIPE DE GÉNÉRATION A LA COURBE DU QUATRIÈME ORDRE DÉPOURVUE DE POINT MULTIPLE. 57. Il a bien été donné pour la courbe du quatrième ordre, déterminée par quatorze points, une construction qui ne néces- site que l'emploi de la règle et du compas (*); mais comme elle est sans continuité, il serait peut-être à désirer d'en posséder une nouvelle qui remplit toutes les conditions d'une bonne construc- tion. Quoi qu'il en soit, voici les nouvelles courbes, qu'en somme on peut affirmer savoir construire par la règle et le compas. Courbe du cinquième ordre, affectée de trois points doubles (**). (*) Voir Mémoire de M. E. de Jonquière, p. 197. (**) Cette courbe pouvant être construite à l'aide de la courbe du quatrième ordre dépourvue de point multiple, et réciproquement de sa construction résultant celle de la courbe du quatrième ordre, il se trouve démontré une fois de plus la vérité de ce pressentiment de Newton, que les générations des courbes à points multiples devaient offrir de moins grandes difficultés que celles des courbes qui en étaient dépourvues ; mais il est aussi démontré que Tome XXII. 5 ( 34 ) Courbe du sixième ordre, affectée de deux points triples et d'un double. Courbe du septième ordre, affectée d'un point quadruple et de deux points triples. Courbe du huitième ordre, affectée de trois points quadruples. Courbe du sixième ordre, affectée d'un point triple et de quatre points doubles. Courbe du septième ordre, affectée d'un point quadruple, un triple, trois doubles. Courbe du huitième ordre, affectée d'un point quadruple et de quatre triples. Courbe du neuvième ordre, affectée d'un point quintuple, un quadruple, trois triples. Courbe du dixième ordre, affectée d'un point sextuple, deux quadruples, deux triples. Courbe du onzième ordre, affectée d'un point du septième ordre, de trois quadruples et d'un triple. Courbe du douzième ordre, affectée d'un point du huitième ordre et de quatre points quadruples. XI. - APPLICATIONS DES THEORIES PRECEDENTES AUX COURRES DÉTERMINÉES PAR DES TANGENTES. 58. Tous les résultats précédents se transforment naturelle- ment et sans difficulté par le principe de dualité. On obtient immé- diatement ainsi un ensemble de résultats corrélatifs se rapportant à la génération des courbes déterminées par des tangentes. Nous n'énumérerons sous leur nouvelle forme que les théorèmes cor- respondant aux théorèmes fondamentaux [(8), (11)], [(9), (12)]. le degré variant la difficulté pour une courbe à point multiple peut-être égale et supérieure à celle d'une courbe dedegréinférieur qui en est dépourvue. Nota. — Celte remarque peut évidemment s'appliquer à une courbe d'ordre quelconque, dépourvue de point multiple. ( 5'i ) Au reste, tous ces nouveaux résultats sont susceptibles d'être dé- montrés dune manière directe avec autant de facilité que leurs corrélatifs. Cela posé, définissons d'abord ce que nous désignerons sous le nom d'arguesienne tangentielle d'une courbe donnée. Définition. — Soient pris à volonté dans le plan d'une courbe géométrique 2 de classe m : { 1° Deux coniques St, S2 ; / 2° Une droite P. Sur la droite P prenons un point quelconque / et par ce point menons : 1° A la courbe 2 une tangente l/x\ 2° Aux deux coniques S, , S2 les deux tangentes (/a, /a'), /{3, lp') ; L'enveloppe D de la droite homologue à /M, dans le faisceau en involution défini par les quatres droites (Ixja), (13,13') est l'arguesienne tangentielle de la courbe 2 par rapport aux deux coniques S,, S2 dites de référence et à la droite P appelée axe. Remarque. — Nous désignerons constamment par A, B, C, D, les tangentes communes aux coniques S,, S2, et par P l'axe de la transformation. 59. Premier théorème fondamental. — Si la droite P ne passe pas par l'un des points d'intersection de deux tangentes communes aux deux coniques de référence, l'arguesienne d'une courbe 2 de classe m qui a : 1° Les quatre droites respectivement multiples d'ordre 2° La droite ( 30 ) multiple d'ordre 5° Les tangentes multiples r, s y» non coïncidant avec A, B, C, D, P, mais respectivement multiples d'ordre r,, ^ Atî est une courbe D de classe 5m — (a -+■ b + c -+- d -4- 2p) = m' qui a : 1° Les quatre droites A, B, C, D, respectivement multiples d'ordre i (A) m — (a-i- p) = a', )(B) m—(b+p) = b', j (C) m — (c -+- p) = c', ( (D) m — (d ■+- p) = c/'; 2° La droite P multiple d'ordre 2m — (a ■+- b -f- c ■+- d -+■ p) ==p' ; 5° Les droites multiples r', J' y, droites homologues à r, J a, et respectivement multiples d'ordre rit c?! V 40. Second théorème fondamental. — Si la droite P passe par l'un des points d'intersection de deux tangentes communes aux deux coniques de référence, par le point d'intersection des deux droites C et D, par exemple, rarguesienne tangcntirllc d'une courbe 2 de classe m qui a : ( 37 ) 1° Les trois droites A, B, P, respectivement multiples d'ordre a, b, p; 2° Les tangentes multiples y* à a; non coïncidantes avec A, B, P, et respectivement multiples d'ordre : Yi> Ji >iî est une courbe D de classe 2m — {a •+- b -f- p) = m' qui a : 1° Les trois droites A, B, P, respectivement multiples d'ordre (A) m — (a -+- p) == a', (B) m-(b+p) = b', (P) m — (rt-f- 6) = /)'; 2° Les tangentes multiples r', r a', droites homologues à r, * a et respectivement multiples d'ordre yt, droites homologues à r', / x' et respectivement multiples d'ordre n, cft a,. 42. Réciproquement. — Si la droite P passe par l'un des points d intersection de deux tangentes communes aux deux coniques de référence, par le point commun aux deux droites C et D, ( 59 ) par exemple, l'arguesienne tangentielle d'une courbe I) de classe 2m — (a -+- b •+■ p) qui a : 1° Les trois droites A, B, P, respectivement multiples d'ordre / (A) m — (a -*-/>), ) (B) m-(b-hp), ( (P) m- (a -f- b); 2° Les droites multiples r', s x' non coïncidantes avec A, B, Pet respectivement multiples d'ordre r,, & ii est une courbe 2 de-classe im — 2a — 26 — 2p — (5m -f- 2a -+- 26 -+- 2p) = m qui a : 1° Les trois droites A, B, P, respectivement multiples d'ordre (A) 2m — a — b — p — (2m — 2a — 6 — p) = a , (B) 2m — a — 6 — p — (2m — a — 26 — p) = b , \ (P) 2m — a — 6 — p - (2m— a— 6 — 2p)=p; 2° Les droites multiples r, J ;. droites homologues h y, â' >' et respectivement multiples d'ordre rt» A >i- ( *o ) SECONDE SECTION. I. - ARGUESIENNE D'UNE SURFACE DONNEE. 45. Définition. — Soient pris à volonté dans l'espace : 1° Une surface géométrique 2 d'ordre m; 2° Deux surfaces du second ordre Slt S2; 5° Un point P. Parle point P menons une sécante quelconque, qui rencontre la surface s en un point M, et les surfaces Sl5 S2 en des points (ce, a'), ((3,P); Le lieu géométrique D du point homologue au point M, dans l'involution définie par les quatre points («,«'), (i3,p') est Targuesienne de la surface Z, par rapport aux deux surfaces S,, S2 dites de référence et au point P appelé pôle. Remarque. — Nous désignerons constamment par I la courbe à double courbure, intersection des surfaces S„ S2, et par P le pôle de transformation. II. - ORDRE ET AFFECTION DE L' ARGUESIENNE D D'UNE SURFACE 2. 44. Ces deux questions sont comprises dans les théorèmes sui- vants, que l'on démontrera sans peine en coupant la surface D par des plans passant par le pôle, et en ayant égard à ce qui a été dit dans la première section. ( il ) Avant de les énoncer nous conviendrons de désigner par : I , l'intersection de S, , S^ si cette intersection ne se décompo-e pas. Id, \g, l'intersection de S1} S2 si elle se compose d'une droite et d'un cubique gauche. Iic. 1^ , l'intersection si elle se compose de deux coniques. Iitf> Iwj Iw, lirf? l'intersection si elle se compose de quatre droites. 45. Premier théorème fondamental. — L'arguesienne D d'une surface 2, d'ordre. m qui a : ' La ligne à double courbure I multiple d'ordre i; 2° Le point P multiple d'ordre 5° Les points multiples 7, i > situés en dehors de I et de P et respectivement multiples d'ordre y%t * a,, est une surface D d'ordre ôm — [Ai -t- 2p) = m' qui a : 1° La li^ne à double courbure multiple d'ordre m -(i'+pi= ?"; 2° Le point P multiple d'ordre 2m — (4i -4- p) = p'; ( 42 ) 3° Les points multiples j', rj'...'/, points homologues h r, , et respectivement multiples d'ordre rt, & V 46. Deuxième théorème fondamental. — L'arguesienne d'une surface 2 d'ordre m qui a : 1° La ligne droite lrf multiple d'ordre iâi 2° La cubique gauche lg multiple d'ordre 5° Le point P multiple d'ordre 4° Les points multiples r, J a situés en dehors de 1 et de P et respectivement multiples d'ordre r,, ât A, est une surface d'ordre om — (?rf -h ùig -+- 2p) = m' qui a : 1° La ligne droite \cl multiple d'ordre m — (irf -+- p) = t'd ; 2° La cubique \g multiple d'ordre m — (ig+p) = ïg; 5° Le point P multiple d'ordre 2m — (id -+- 3«9 H- p) = p' ; ( 45 ) 4° Les points multiples Y, à' >' points homologues à r» et respeetivement multiples d'ordre ru st >i- 47. Troisième théorème fondamental. — L'arguesiennc d'une surface 2 d'ordre m qui a : i° Les coniques Ilc, L2c multiples d'ordre iic , «2c ; 2° Le point P extérieur aux plans Ilc, I2c et multiple d'ordre p; 3° Les points multiples r> J a situés en dehors de I et de P et respectivement multiples d'ordre n> êt At'î est une surface D d'ordre 3m — (2ilc -+- 2t* -+- 2p) = m' qui a : 1° Les coniques Ilc, \îc multiples d'ordre Ue m — (*ic-t-p) = *'lc, lac m — («a -i- p) = i'2c ; 2° Le point P multiple d'ordre 2m — (2«'lc -h 2e'2c -4- p) = p' ; 5° Les points multiples y, â' y, points homologues à r» ef > et respectivement multiples d'ordre ( 44 ) 48. Quatrième théorème fondamental. — L'arguesienne d'une surface I d'ordre m qui a : 1° Le point P sur le plan de la conique Ilc et qui est multiple d'ordre p; 2° La conique I2c multiple d'ordre 5° Les points multiples r. * l situés en dehors de I2c et de P et respectivement multiples d'ordre est une surface d'ordre 2m — (2ï*2C -h p) = w? qui a : 1° Le point P multiple d'ordre m — 2t& = p' ; 2° La conique I2e multiple d'ordre m — («se ■+■ p) = i'ïc ; 5° Les points multiples r\ s* , , . ' i' points homologues à r, > et respectivement multiples d'ordre r» *i K H- (*) Si la conique Ï2C est le cercle de l'infini , c'est-à-dire si les surfaces St, S2 sont deux sphères, el que Pou effectue la construction d'un point homo- logue à un point donné, on retombe sur la construction de la transformation par rayons vecteurs réciproques. ( *s ) 49. Cinquième théorème fondamental. — L'arguesienne d'une surface S d'ordre m qui a : i° Le point P extérieur à l'un des plans formés par deux des côtés du quadrilatère gauche l|(/j Ud, lûrf , Ud\ et qui est multiple d'ordre 2° Les droites l1d, \u, hd, hd, respectivement multiples d'ordre îid, hd, lad, hd, 5° Les points multiples r, à > situés en dehors de 1 et de P et respectivement multiples d'ordre yx, ât iti est une surface D d'ordre 3/n — (iid -+- hd -h z&i -+■ ùd -*- 2p) = m' qui a : 4° Le point P multiple d'ordre 2m — (Ad -+- tM -+- isd •+- hd -+- p) = p' ; 2° Les côtés du quadrilatère gauche Ilrf, L,,, \Mf \idy respecti- vement multiples d'ordre i (hd)m — (hd-t~p)=ïu, ) (Ï2d)WÏ — (fM-f-|>) = î'srf, 5° Les points multiples {hd) m - {izd -+- p) = ïôd , (Iw) m — {hd •+■ p) = i'u ; y, y /' points homologues à r, J a et respectivement multiples d'ordre r«, ^ *i- ( *e ) 50. Sixième théorème fondamental. — L'arguesienne d'une sur- face 2 d'ordre m qui a : 1° Le point P situé sur l'un des plans formés par deux des cotés du quadrilatère gauche IM, l2d, \-odJ Iw sur le plan \ul IM, par exemple, et qui est multiple d'ordre P\ 2° Les droites ÏM, \id , respectivement multiples d'ordre 3° Les points multiples r, situés en dehors de P et de 1M, \M et respectivement multiples d'ordre n, *. A, est une surface 0 d'ordre Zm — (tsd -+- ïm*-+- p) = m' qui a : 1° Le point P multiple d'ordre m — {iu ■+* ità) = p'; 2° Les droites lu, lu y respectivement multiples d'ordre ( (lôrf) m — (îm -4- p) = i'zd , ) (l4d) m — [iu ■+■ p) = *'«d ; 5° Les points multiples r', rf' i' points homologues à r, à \ et respectivement multiples d'ordre n. a Ai- 'il. Si dans les théorèmes précédents on change m en m', i en »', P en p', y, (? A en >', J' /', on remarque que les réciproques de ces théorèmes sont vraies. ( *7 ) 52. CONSÉQUENCES CAPITALES DE CES RÉCIPROQUES. — De CCS SIX théorèmes réciproques résultent ces deux conséquences capi- tales : 1° Dans les six cas, la construction de l'une des surfaces 2 ou 1) se ramène à la construction de l'autre. 2° Il leur faut, en dehors de l'intersection I, qui est générale- ment déterminée par huit points, et du point P, le même nombre de points nécessaires pour le déterminer. Pour mieux fixer les idées, nous allons considérer six exem- ples : Premier exemple. — Supposons que l'on prenne, d'après le théorème (45), l'arguesienne d'un plan 2 qui ne passe pas par le point P. Ce théorème montre que l'arguesienne est une surface du troi- sième ordre, affectée de la courbe à double courbure I pour ligne simple et du point P pour point double. Mais la réciproque de ce théorème montre que l'arguesienne d'une surface du troisième ordre, affectée dune courbe à double courbure I, du quatrième ordre, et d'un point double P, est un plan qui ne passe pas par le point P; donc, un plan étant déter- miné par trois points, il s'ensuit que : trois points simples, ajoutés à la ligne I et au point P , sont nécessaires et suffisants pour déterminer une telle surface du troisième ordre (*). (*) Ce raisonnement va nous faire découvrir une infinité de théorèmes , sur lesquels nous appelons l'attention ; nous n'en citerons qu'un seul : on obtiendra tous les autres d'une façon semblable. « Donner une courbe 1 d'une surface du troisième ordre, c'est donner treize » conditions, car si on cherche l'équation aux coordonnées des points d'inter- » section de la surface de celte ligne , elle est du douzième degré et doit être » identique. » D'un autre côté, donner un point double P et trois points simples 1, 2, 5, * c'est donner sept conditions. Or, une surface du troisième ordre est déler- « minée par dix-neuf conditions, donc : Théorème, les vingt équations de » conditions précédentes se réduisent à dix-neuf. « Nota. — Ce théorème nous rappelle ce que nous faisait si judicieusement observer notre éminent professeur, M. Vazeille, dans ses remarquables con- férences, à l'institution Harant, à l'occasion de résultats obtenus d'abord par (48 ) De là , la génération suivante de la surface du troisième ordre, affectée d'une courbe à double courbure 1 du quatrième ordre, d'un ]>oint double P et déterminée par ces éléments et par trois points simples 1,2,5 (*). Par la ligne I faites passer deux surfaces quelconques du second ordre S„ S*. Joignez le point P au trois points 1,2, 5 ; ces droites déterminent sur les deux surfaces S,, S2 trois involutions; prenez respectivement les points i', 2', 5' homologues à I, 2, 3; consi- dérez le plan déterminé par ces trois nouveaux points; la surface proposée est l'arguesienne de ce plan. Deuxième exemple. — Supposons que l'on prenne, d'après le théorème (46), l'arguesienne d'un plan 2 qui ne passe pas par le point P et qui ne contient pas la droite \d. Ce théorème montre que cette arguesienne est une surface du troisième ordre affectée de la droite ld pour droite simple et de la cubique \g également pour ligne simple; d'ailleurs le point P est toujours un point double. Mais la réciproque de ce théorème montre que Targuesienne d'une surface du troisième ordre affectée d'une courbe à double courbure du quatrième ordre Irf, ]„ et d'un point double P, est un plan qui ne passe pas par le point P; donc, un plan étant déter- les méthodes géométriques de Poneelet et M. Chasles, et dont il nous donnait la traduction analytique: (Il se trouve ainsi prouvé une fois de plus, disait-il, que les principes des deux plus illustres propagateurs de la géométrie pure, ont conduit et conduisent encore souvent à leur manière à faire de l'algèbre; la forme ne fait rien à l'affaire; d'ailleurs, ajoutait-il, la possibilité de repro- duire leurs conséquences sous des formes algébriquement élégantes et simples est un moyen aussi de les propager et de montrer la haute valeur scientifique de ces deux célèbres géomètres qui font la gloire de la France, sans rien em- prunter aux étrangers. (") On pourrait peut-être objecter que cette surface, comme toutes celles que donne le principe , ne sont pas, à proprement parler, définies par des points; celle objection ne serait qu'apparente, puisque l'on sait déterminer la courbe I lorsqu'on en donne huit points. Nota. — Cette circonstance ne se présente pas dans le second mode de transformation dont nous avons parlé dans l'Introduction; elle conduit à des surfaces essentiellement déterminées par des points simples et multiples. (49) miné par trois points, il s'ensuit que trois points, ajoutés aux lignes \d, \g et au point P, sont nécessaires et suffisants pour dé- terminer une telle surface du troisième ordre. De là, la génération suivante de la surface du troisième ordre, affectée d'une courbe à double courbure du quatrième ordre qui se décompose en une droite I(, et une cubique gauche Ig, et d'un point double P, et déterminée par ces éléments et par les trois points simples \ , 2, 3. Par la ligne I faites passer deux surfaces quelconques du second ordre S^ S2 ; joignez le point P aux trois points 1,2, 3; ces droites déterminent sur les deux surfaces S,, S2 trois involutions; prenez respectivement les points l',2', 5' homologues à 1, 2, 3; considérez le plan déterminé par ces trois points; la surface proposée est l'ar- guesienne de ce plan. Le même théorème fondamental conduit à la construction sui- vante de la surface du second ordre déterminée par une cubique gauche L et par deux points P, 1 . Soient a, b, c, d, e, /", les six points qui déterminent la euhique gauche; joignez deux d'entre eux, a elb par exemple; soit \d la droite ainsi obtenue; considérez les deux cônes du second ordre St, S8 qui ont pour sommets aetb et qui passent respectivement par les points (6, c, d, e, /'), (a, c, d, e, /); Joignez le point P au point î ; cette dernière droite dé- termine sur les deux cônes S1? S2 une involution, prenez le point 1' homologue à 1; considérez le plan déterminé par la droite \d et par le point 1'; la surface du second ordre proposée est l'argue- sienne de ce plan. Troisième exemple. — L'application du théorème (47) au plan conduit à la construction de la surface suivante : Construire la surface du troisième ordre qui contient deux coniques données, affectée dun point double donné et déterminée par ces éléments et par trois points simples. Quatrième exemple: — L'application du théorème (48) au plan, conduit à la construction de la surface du second ordre déter- minée par une conique donnée et par qulilre points donnés. L'application de ce même théorème à la surface du second ordre conduit à la construction des deux surfaces suivantes : Tome XXII. 4 ( 50 ) Surface du troisième ordre affectée d'un point double, d'une conique, et déterminée par ces éléments et par huit points simples. Surface du quatrième ordre affectée d'un point double, d'une conique double et déterminée par ces éléments et par neuf points. Cinquième exemple. — L'application du théorème (49) au plan conduit à Ja construction de la surface suivante : Construire la surface du troisième ordre, qui contient quatre droites formant un quadrilatère gauche donnée, affectée d'un point double donné , et déterminée par ces éléments et par iïois points simples (*). Sixième exemple. — L'application du théorème (50) à la surface du second ordre, conduit à la construction de la surface du qua- trième ordre, affectée d'un point double, de deux droites doubles qui se coupent, et déterminée par ces éléments et par neuf points simples. III. — PRINCIPE DE GÉNÉRATION. 53. Un raisonnement identique à celui qui a été fait dans le n° 20 montre que chacun des six théorèmes fondamentaux précédents conduit à ce principe : Étant donnée une surface géométrique d'ordre m, susceptible d'être construite géométriquement; elle permet d'en engendrer une infinité d'autres (l'ordre de ces dernières peut d'ailleurs dépasser tout nombre donné). Nota. — Nous croyons inutile d'en énumérer de nouvelles applications. IV. — APPLICATION DES THÉORIES PRÉCÉDENTES AUX SURFACES DÉTERMINÉES PAR DES PLANS TANGENTS. 54. Tous les résultats précédents se transforment naturelle- ment et sans difficulté, par le principe de dualité. On obtient O II esl bien entendu que lorsque la courbe I se composera d'un quadri- latère gauche A, 13, C, D, on devra prendre pour surfaces de référence , les l'acte du tétraèdre déterminé par les quatre sommets A, B, C, D. ( 31 ) immédiatement ainsi un ensemble de résultats corrélatifs se rap- portant à la génération des surfaces déterminées par des plans tangents. Nous n'énumércrons sous leur nouvelle forme que !<• théorème correspondant au premier théorème fondamental. Au reste, il est à observer que tous ces nouveaux résultats sont sus- ceptibles d'être démontrés d'une manière directe avec autant de facilité que leurs corrélatifs. Cela posé, définissons d'abord ce que nous désignerons sous le nom largue sienne tangentielle d'une surface donnée. Définition. — Soient pris à volonté dans l'espace : 1° Une surface géométrique s de classe m; 2° Deux surfaces de second ordre Sl5 S2. Un plan P. Dans le plan P traçons une droite quelconque L, et par cette droite menons : 1° Un plan tangent L/u à 2; 2° Les plans tangents (La, L J A en y', è' X, le théorème précédent montre que.: * ( M ) L'argucsiennc 1 d'une surface D de classe 5 m — (Ar -y- 2p) qui a : 1° L'arête de rebroussement R multiple d'ordre m — (r -+- p) ; 2° Le plan P multiple d'ordre 2m — {Ar ■+■ p) ; 3° Les plans mulliples y', f y, non coïncidants avec P et non tangents à R, multiples d'ordre Yi> i- V) HET GESLACHT ARTEVELDEN IN DE VEERTIENDE EEUW DE NALATENSCHAP VAN PHILIP VAN ARTEVELDE. FRANS DE POTTER (Voorgedragen in de zitting van 8sten Juli 1872. Tome XXII. I (3) HET GESLACHT ARTEVELDEN IN DE VEERTIENDE EEUW. Veel is er reeds over de Artevelden geschreven. Sedert ecne halve eeûw licbben de verdienstelijkste onzer navorscbers op historisch gebied bet zich ter take gesteld , de onzekerheden, omtrent den oorsprong en den maatschappelijken toestand van genocmd geslacht bestaande, op te belderen, en dank aan de ont- dekking van onloocbenbare oorkonden zijn dan ook verscheidene vroeger in 't midden gebracbte gissingen of bewaarheid of ver- worpen kunnen worden. Gcdurende te langen tijd was de gescbie- denis van den Wijzen Man van Gent in den mond des volks en in de pen der chroniekscbrijvers weinig meer dan eene sage geweest, aan welke iedere eeuvv eene wijziging toebracht, zoodat de grootsche figuur tcn laatste ganscb onkennelijk was geworden. De ridder Diericx {Mémoires sur la ville de Gand) was in de negentiende eeuw de eerste, die de Artevelde-sage te niet deed, en den held der gemeente aan de grsMiiedenis terruggaf; hem volgden Lentz (Nouvelles archives historiques, littéraires et phi- losophiques , later opgevolgd door Jacques van Artevelde , con- sidéré comme homme politique); Vain Hoorebeke (in den Messager de G and en in eene onuitgegevene notice); Voisin en Bernard (4 ) (Examen critique des historiens de Jacques van Artevelde); De YVinter (Jacques van Artevelde); Kervyn de Lettekhove (Histoire de Flandre en Jacques d' Artevelde); C.-P. Serrure (Vaderlandsch Muséum), benevens eenige andcrc gewetensvolle geschiedschrij- vers. De opgaven dezer gelecrden stemden evenwel niet altijd met elkander overecn, en dit sproot hieruit voort, dat niet aile door echte oorkonden waren gestaafd; men had, ongelukkiglijk , in het stadsarchief van Gent niet met die zorg en dat geduld gezocht, aïs znlk belangrijk onderwerp eischte, en bovendien ontbrak lict aan den schier onmisbaren leiddraad : eene onde,goede stam- tafel, uit de fa mi lie herkomstig, en welker aanduidingen door onloochenbare akten kon bewaarheid worden. Zulke geslachtboom bestond evenwel, docb het toeval had dien niet onder 't oog des geschiedschrijvers gebracht. Gednrende verscheidene eeuwen verborgen in 't arcbief van een machtig klooster, was hij laatstelijk in de handen van eenen eenvoudigen glazenmaker te Erpe, in 't voormalige land van Aalst. In der waarheid — wie zon een familieblad der Artevclden daar gaan zoeken? Het archief der voormalige abdij van Affligem, waar bedoelde oorkonde heeft berust, werd geraadpleegd door de beroemdste geschiedschrijvers van Nederland, die er bouwstoffen verzamelden voor hunne nog alleszins geachte werken. Hoe komt het, vraagt men allicht,dat noch Sanderus, noch de Benediktijners Marte.ne en Durand, noch Van Ghestel, noch Desroches, noch Kluyt, noch welke andere geleerden, die er 't stof van de oude perka- menten hebben afgeschud, acht hebben geslagen op een hand- schril't, welks eerste bladzijde eenen man vermeldde, die zulke uitnemend groote plaats vervult in de Europeesche geschiedenis der vcertiende eeuw? Hicrin ligt evenwel niets wondcrlijks. De oorkonde, die wij bcdoclen , was geschreven op het eerste blad van een Rent- en Cijnsbock, welks titel immers niets aanlokkends bevat voor hen, wier navorschingen hoofdzakelijk charters, privilegiën en keuren van gemeenten en kerkgenootschappen ten doel hadden, en welks (5) inhoud enkel belang heeft onder topogrnphisch opzicht, soms ook, door latcre bijvoegingcn, voor de familiën, aan wie de inge- schrevene rent of cijns toebehoorde. En wie, overigens, dacht er in de zeventiende en achttiende eeuw aan, de Artevelde-sage te verbeteren, den grooten « beleeder » van Gent in zijne eer te herstellen, laat staan de onzekerheden nopens zijne afkomst, maag- of nakomelingschap te doen ophouden? Bedoeld HS. kon dus door genoemde gelecrden zeer wel ter zijde gelaten zijn , indien bet dan ook al ('t geen wij niet wetcn), van dien tijd af te Affligem was, of aldaar in de boek- of archievenzaal op eene plaats stond, waar het oog van den zoeker het licbtelijk kon ont- dekken. Hoe het zij, het HS. blcef in de Benediktijnerabdij tôt op bet einde der achttiende eeuw, bepaaldelijk tôt het tijdstip, waarop de Fransehe republikeinsche légers ons vaderland overweldig- den. Daar de bibliolheek van Affligem eene der rijkste van geheel België was, moest zij de hebzucht des plunderzieken vreemde- lings bijzonderlijk opwekken,en eene eerste bende Franschen drong het gesticht binnen den M Juli 1794. Men beweert, dat zij zich eerst niet onheusch gedroeg, doch in de maand Augustus daaropvolgende werden de beste kunststukken der abdij aange- slagen en weggevoerd. De volksvertegenwoordiger Laurent be- zocht de bibliotheek der abdij, en vond er zooveel merkwaar- digs, dat hij er niet min dan elf uren doorbracht, waarna hij ook de handschriften en zeldzame boeken deed wegvoeren '. Werd nu een deel der geroofde stukken , opnieuw overzien , voor de Franschman van weinig waarde geacht, en onder deze ook ons register — of bleef dit toevallig hier? Men zegt het niet, doch zooveel is zeker, dat de glazenmaker Roos , van Erpe, er in onze eeuw in 't bezit van kwam. Dcze man , eerst niet gansch onbemiddeld, naar 't schijnt, was in geheel het land van Aalst als een ervaren lezer van de oude schriften bekend , en werd uit dien hoofde weleens verzocht, de glazenkas in den hoek te zetten om in de familiepapiercn of 1 Alpb. Wauters, Histoire des environs de Bruxelles. ( fi ) gemcentearchievcn opzockingen te doen , ten eindc opgeroepene of vcrmocdelijkc erfgenamen de titels aan de hand te geven, waarmede bij don notaris een fortuintje te halen was.Het schijnt dat Roos niet geheel onbekend was met de belangrijkheid van zijn bock, althans bij drukte meermaals 't voornemen uit, bet eenen boekbinder van Brussel te koop te zullen bieden. Hij zou bet hebben afgestaan voor 10 fr. Heeft de glazenmaker-genealogist zijn voornemen inderdaad ten uitvoer gebracht, of werd bij door den dood daarin verbinderd? In i 8 i 7 (op welk tijdstip bet nog in zijn bezit was) telde de man reeds raeer dan 80 jaren. Een Gentenaar, mede een geslacbt- opzoeker, zag destijds bet bandsebrift (in parkament, en gc- bonden in bruin ledcr), en bemerkte, dat bet eersle blad geene betrekking bad met renten en cijnzen, maar den geslacbtboom der eigenaars bevatte. Nu, deze rent- of cijnsbeffer was niemand dan een lid der familie van Artevelde, de broeder of de zoon van Jacob , den Wijzen Man ! Dit wordt ons verklaard in den titel, wrelke luidt als volgt : « Handboeck toebehoorende 3/her Willem van Àrtevelde van allen den renten ende cheinzen , an hem toebehoorende , ghele- ghen binnen Sente Ur s marins Baesrode ende Ste Amands. » Wie was deze Willem? de geslacbtlijst noemt slecbts twee leden, dezen doopnaam dragende. Wij houden bet er voor, dat de eigenaar der rent de zoon van Jacob is geweest, die lang genoeg kan geleefd bebben om den stamboom op te maken , welke de namen zijner kleinkinderen vermeldt. Het was, bij dezen ons medegedeelden vond (de Gentsche ge- nealogist bad kopie van bedoeld blad bekomen) onze plieht, te onderzoeken tôt hoeverre de genealogische lafel (ongetwijfeld door den griflier van Willem van Arteveldes rentheerlijkheid, en naardiens aanduidingen,opgesteld),overeen te brengen was met de wettelijke akten,die in de registers der Schepenen van Keure en Gedeele der stad Gent voorkomen , en wij deelen den uitslag onzes onderzoeks verder mede. Geven wij vooreerst de geslacht- lijst, doch merken wij op, dat de leemten , welke men er zal op aantreffen (de buwelijksverbintenis van versebeidene leden der (7 ) familie is niet aangeduid), voortkomen uit de omstandigheid, dat het eerste blad des registers op sommige plaatscn gevlekt en daarbij over 't algeraeen slecht geschreven was. Noch Roos noch de Gentsche genealogist konden al 't geschrevene klaar trekken, en zij hadden liever niet, dan slecht te schrijven. Dit is zekor loffelijk, doeh niettemin sseer te betreuren, dat het IIS. niet in de hand is gevallen van iemand, voor wien het geene geheimen zou gehad hebben. — Uit dien hoofde zal men ons toelatcn de kopic (welke wij niet met het oorspronkelijke vergelijken kunnen), over te brengen in hedendaagsche spelling, gelijk zij ook gedeel- telijk gemaakt vveid : (8) J3 2 wi£ . . e « a < "S »2 a O d « « 5J e S B J « £c/3 S O G ftfc'S ri §s >T3 T3 -^ « s2 «g . j_ o - s-, C î; o ^«2 '£2 S 4 s , gehuwd arinavan land, en Odilavan ijn, gebo- Holland. c > 4) a « —s > c «-c S « S c e_3 >55 Jii (9 ) Dcze geslaehiboom bewarigt eensdeels, en doet, anderdeels, te nict, wat onze geschiedschrijvers tôt heden over de van Arte- velden in 't nridden brachten. Laten wij dit betoogen. L'Espinov verzekert, dat de moeder van Jacob van Artevelde de dochter was van Zeger van Kortrijk, béer van Drongen, en van de vrouwe van Zeevergem. Lentz boudt staan, dat Jacob van Artevelde trouwde met de weduwc van eenen brouwer, en dat hij zelf gedurende eenigen lijd dit bcdrijf uitoefende. Oorspronkelijke bescbceden geeft Lentz hierovcr niet, maar bij grondt zieb op De Meyere en de meeste Fransche elironiekscbrijvers. — Onze geslacbtboom noemt de neringen niet, tôt welke de versehillige leden der familic van Artevelde beboorden , en wij bebben ook geene enkele oorkondc aangetroffen, welke laat onderstellen, dat Jacob het bedrijf van brouwer zou hebben uitgeoefend. Het dient evenwel gezegd , dat de familie niet geheel vreemd aan genoemde nering scbijnt ge- wcest le zijn : het Rent- en Cijnsboek bevat eene bladzijde (zoo verzekert ons de Gentsche genealogist), waarop eene brouwers- rekcning is geschreven. Lentz ontkent, dat er tusscben Jacor en Zeger van Kortrijk, het slachtoffer van de willekeur des graven van Vlaanderen , eenige maagschap bestond. — Volgens onze stamlafel was Jacob de kleinzoon van Zeger, langs moederlijke zijde. Jacob de Meyere (Ann. Flandr.) en de kanunnik J.-J. de Smet, (Biographie nationale) wijzeri eene jonkvrouw uit het geslaeht van Halewijn als eehtgenoote van Philip van Abtevelde aan. Dit is eene dwaling : de vrouw van den aanlcider der Gentenaren in 1582 was Yolende van den Broucke, geboren te Oudenaarde ', en de bedoelde verbintenis werd aangegaan àoovJan, Philips broeder. Volgens Kervyn van Lettenhove had Jacob eene zuster in 't 1 De schepenenboeken van Gent zeer dikwijls den naam van Van den Ciouekc vermeldencJe, zoo hebben wij in 't archieF der stad Oudenaarde opzoekingen gedaan , ten einde te welen, of ook aldaar eene faillie met dien naam in de veertiende eeuw beslond. Ziehier den uitslag onzes onderzoeks : ( 10) begijnhof, eene andere in een klooster te Dendermonde, en eene derde in de Bijloke te Gent. — Op onze geslachtlijst zijn cnkel twcc zusters genoemd, doch zonder aanduiding van maatschappe- lijkc betrekking. Dezelfdc schrijver geeft op, dat Jacobs zoon, Jan, priester was, en een andere, Philip, het mys.tische leven van eenen lollard leiddc. — Wij ook vinden tvvee zonen van Jacob met het pries- terschap bekleed, doch hunne namen zijn Willem en Jacob; Philip, de hoofdman in 1582, bebouwde den polder van Bardonk. Voorts zegt de geleerde schrijver van de Histoire de Flandre , dat Jan, vader van Jacob, waarschijnlijk tôt broeders had Willem, Lieven en Hendrik van Artevelde. De twee eersten vinden wij, inderdaad, benevens andere, op onze lijst; de derde niet. Ook wordt hier niet bcvestigd, dat Jacobs moeder Livina de Grootc zou hebben geheelen, zooals,op grond eener geslachtlijst der familiën De Groote en Damman, is opgegeven. Is Jan van Arte- velde, Jacobs vader, inderdaad tweemaal getrouwd geweest, dan bleef deze eerste echt waarschijnlijk zonder kinderen. Bij Kervyn van Lettenhove leest men, dat Gillis Damman gehuvvd was met Maria van Artevelde. — De akte van verdeeling der goederen, door Jacob 's weduwe achtergelaten, en eene an- dere, noemen Jan en Simoen Damman als bloedverwantcn op. Genoemde schrijver zegt, dat de weduwe van Jacob, na dezes Het oudste Poortersboek vau Oudenaarde, begonnen in de xuie, en loopende tôt in de xvie eeuvv, vermeldt op de zestiende bladzijde : « Zegre vanden Broucke, van Oelighem, cochte sijn poerterscep int jaer MGCG drie, svrindaghes naer S. Jannes dach in somere. » En op de twee-en-vijfligste bladzijde : « OetUjhem (personen te Ootegem vvonende, die te Oudenaarde het poor- terschap kochten) : Gheerard van den Broucke , Jan van den Broucke, ziin broeder, ende Celle, ziin zustre, Gillis kindre van den Broucke, versocht haer porlersceip int jaer ons Heeren MGCGLXUII, den eersten dach van Hoymaend. » Het eerste Poortersboek van Pamele, baronnie in Oudenaarde, begonnen in 1519, noemt ook Van den Brouckes, die zeer bemiddeld waren. ( il ) dood, een tweedc huwelijk aanging met Zeger de Baronaige of Bornage. — De stamtafel maakt gcene melding van dit feit, misschien omdat ze gesehreven werd vôor de voltrekking van dit huwelijk , ten ware nogtans dat de afschrijver van 't IIS. den naam des tweeden eehtgenoots niet had kunnen lezen, en bij gevolg onverlet had gelaten. Doch het feit is bevesligd door de akte van verdeeling der goedercn, nagelaten door Jacobs weduwc. Een ander punt van gewicht schijnt ons door Kervyn van Lettenhove opgelost le zijn. Hij houdt vol, in strijd met Lentz, De Winter en anderen, dat de Arlevelden van adel waren. Houdt onze geslachtboom het bewijs dier stelling niet in (de tegen- sprekers brachten ook slcchts gissingen in ?t midden), het zou, dunkt ons, nog al wonderlijk zijn, dat al de op onze lijsl bekende Artevelden een huwelijk zouden aangegaan hebben « boven hun- nen staat, » zoo men 't heet, vermits de familiën van Kortrijk , Halewijn, Bornage, Beveland , Sehotelaere, van den Broueke , Damman, enz., tôt den adel behoorden, en zeker niet de minst aanzienlijke plaats in dien stand beklcedden. Het wapen , door Serrure in 't Yaderlandsch Muséum medegedeeld : half Kortrijk, lialf Artevelde, moet hier, onzes eraehtens, afdoende zijn. Lentz, om te betoogen dat de Artevelden niet van adel, ja verre waren van rijk te zijn, grondt zich vooreerst op de eenvoudige aandui- ding van den naam der Artevelden in de stadsrekeningen van Gent, zonder bijvoeging van mher of ser, gelijk voor edelen placht gedaan te worden. Lentz heeft er mogelijk niet op gelet , dat gemelde titel niet altijd werd gegeven, zoodat de Bbrluuts, Rijn- visschen, Sersanders en andere aanzienlijke geslachten weleens zonder mher of sergenoemd worden, terwijl, van eenen anderen kant, het Jaarregister van 1547 bepaaldelijk en herhaaldelijk zegt : « Willem van Artevelde, ser Jans sone. » Het komt ons voor, dat de bewering, als zouden de Arlevelden niet lot den adelstand behoord hebben , van geenre groote gehoort, gelijk Jan de Klerk getuigt, even weinig te verrechtvaardigen is ( 12 ) als die andere regel uit diens pijmchroiiiek , die onmiddellijk den evengemelde voorgaat : Een knape, niet rike van haven Hiertegen komen op, inderdaad, de aklen van verkoop en ver- deeling der goederen, door Jacob en zijne kinderen achtergelaten, alsmcde het bestaan van ons Rent- en Cijnsboek van Baasrode. De Artevelden, en meer bepaald Jacob, niet rijk! Maar dan zouden al de schepenenboeken van Gent, van de tweede belft der veertiende eeuw, moeten volgesehreven zijn met valsche akten; en wie beweert dit? Jacob liet achter, als met de weduwe samen in bezitgehad bebbende: 12 bunder land te Bornem, eenen meerscb te Deinze, 8 bunder land te Leerne, 44 bunder poldergrond te Bardonk, 4 huizen in 't beste deel der stad Gent, enz. '. Door- bladert men de schepenenboeken met aandacht, en vergelijkt men de opgave der goederen, aan de Artevelden toebehoorende, dan, ja! komt men weldra tôt de overtuiging, dat zij zich, onder 't opzicht van bezit, met de beststellenden der gemeente meten mochten. Zien wij nu, in hoeverre onze stamtafel overeenstemt met de oorkonden, welke wij uit de schepenenboeken der stad hebben overgeschreven. Dit onderzoek zal het betoog moeten leveren, dat de opgaven van ons US. echt zijn. Nemen wij vooreerst deakte van verdeeling dergoederen, achter- gelaten door Geeraard Bornage en zijne echtgenoote Elizabcth van Drongen, moei van Jacob van Artevelde, volgens den stamboom : « Kenlic sij etc. dat eene effeninghe ende deelinghe es ghemaect tusschen mer Janne Bornagen, an deen side, ende mer Zegheren sijnen broeder, an dander side, aise vanden goede, dat hemlieden verslorven mochle wesen van Gheraerde Bornugen , Iiaerlieder 1 Een Genlsch bunder staat gelijk met 1 hectare 53 aren 68 eenliaren; dus hadden Jacobs grondgoederen eene uitgestrektheid van nagenoeg 80 tôt 90 hectaren. ( 13) vader, ende joncfrouwe Liesbette?i van Dronghine, hacrliedcr moeder, inder manieren voermen hier na volghende, dats te wetene. Int eerste, dat mer Zeghere sal hcbbcn achte bunre ende zesse ondert roeden lands , lettel min ofle meer, liggliende in de Hoghe Contre upte Monde. Item ter Meere , uplen Brunel bi Mouilen, vijf buunre ende drie ondert roeden lands, ende up al dit voerseide land so blijft meer Janne ende sijnen boyre eeuwe- like ende eervelike naer dlijf van mer Zeghere te effene jaerlix xn lib. parisis tsiaers. Item salhebben ende behouden mer Zeghere voers. twintech mndde eevenen eervelike tsiaers, te effene vp tgoed te Heersiaens, daer af dat hij de tsartren te hemwaerds heeft, ende hier up scalt quite mer Zegher voers. mer Janne sijnen broeder ende sijn hoyr van al den goede, dat hem bleven es van vader ende van moeder, dats te wetene, tgoed ter Mouden ende tgoed te Dronghine, dat men cet ter Mcersch , ghelegen binnen Dronghine, ende ute deser effeninghen ende hoerzatinghen so es sculdeeh ende moet mer Zeghere af legghen een buunre lands vanden sijnen, ten hoverhuus streckende naest mer ser Jans lande voers., ende mids desen scalt quite mer Zeghere an deen side ende mher Jan an dander side, deen den andren, van al den goede, dat sij mallinc anderen eesschen mochten, daer vader ende moeder ute verstorven waren, waest gheleghen, in leenen, ecrven, eyghi- nen ende catheylen, ofte hoe dat ghenaemt mochte wesen ende so hoe dal ele besittende es upten dach van heeden, ende kenden hem ele van andren nyets meer. ute ghesteken no meer ghezondert dan van den goede, dat bliven sal aehter mer joncfrouwen vanden overhuus haerlieder moye ten hoverhuus te Arlebeke ende elre, so waer dat gheleghen es, ende sal sijn, dat daer of ele jeghen andren ter doot van hare blive staende up sijn recht van allen andren goede, daer vader ende moeder ute verstorven. Ende van al dat ele besittende es upten dach van heeden, wel verdeelt, vereffent, ghehoerzaet, ghemoet ende ghenouch ghedaen, ende dit heeft gheloeft mijnheere Jan over hem ende over sijn hoyr an deen side, ende mijnheer Zeghere over hem ende sijn hoyr an dander side, wel te houdene aile dese voers. eeffeninghen, hoer- zatinghen ende quytsceldinglien, ghelijc dat sij voerscreven staen, ( 14) uptc peyne van CCC lib. paris, te verbuerne den ghenen, diere jeghen ghinghe ofte dade, ende die te gane bi also dat zoe verbuert worde also mon binnen Ghend useert. Voert heeft eelc andren glieloeft de voers. quytsceldinghe te bekenne ende hem quytscel- dinghe te doene inder manieren dat voerscreven staet, te so wat hove ende te so wat steden ende te so wat tijde dats eenech van andren begherende sal wesen op egbens cost dies begberen sal, ende so wic diere of in ghebreke ware, dat hij verbuerde de zelve peyne up hem ende up al tsijne, nochtans soude dese voers. dee- linghe, effeninghe ende hoerzaetinge bliven goed, vast,seker ende ghestade, te eeuweliken daghen, in aider manieren dat zoe voer- screven staet, ende de quytsceldinge, diere up es ghedaen. Dit was ghedaen endebekent voer seepenen int scependom etc. Actum den Xslcn dach in Octobre i. » Onze geslachtlijst komt ook nagenoeg overeen met de akte van verdeeling der goederen, achtergelaten door de weduwe van Jacob van Artevelde, die, hertrouwd met Zeger Bornage, in 4360 overlecd. Wij vinden in dat stuk opgenoemd: Jan, Jacob, Philip en Catharina van Artevelde : « Kenlic. sij etc. dat een effeninghe, deelinghe ende hoer- zalinghe es ghemaccl bij gemeenen maghen ende vrienden van beeden partijen, tusschen mer Zegheren Bornagen, riddre, in deen zide, ende Jaune van Aertevelde over hem zelven, Jacoppe zinen broeder, dien hij vervact in dese zake, metgaders Janne den Amman, ser Ghelloets sone, ende Jan vors., aise vooght van Lippine ende Kallen, zijn broeder ende zustre an dander zide, aise van al den goede, daer vrouwe Katelitie, haerlieder moeder, mer scr Zcghers wijf was, ute verstaerf, ende soe ende mer Zcgher le gader houdende waren doe zoe quam van liven 1er doet, in der manieren ende voormen hier nacr volghcnde : Int eerste, dat mer Segher vors. zal hebben ende behouden over zijn proper erve ende goed, fgoed te Eestert, met allen den ghelagben in erven, in husen ende catheylen der toe behorendc, alsoot ■ Staten van goed, 1361-1362, W. 17. ( is ) gheleghen es cnde ghestaen, ende ment houdt van Gheeraerde van Eestert, sonder Janne van Aerlevelde ende zinen broederen ende zusteren eenich reeht der an te hebl)ene. Item aise vanden goede te Bornent zullen Jan van Aerlevelde ende zinen broederen ende zustren hebben ende der in behouden den poire van Ber- donc *, die men houdt van miere vrouwen vanden Baren, met XII cappoenen tsiaers der ute gaende, over baer vrij proper goed, altoes behouden mer Zeghere vors. van desen poire deen vierendeel in bilevinghen met den vicrendeelen vanden commère van dikagen , ende andre, diere ulegaen, sonder meer lasts ende commers te draegbene, ende vander hoffsteden van desen vors. goede sal mer Segber vors. hebben deen heelft aise zijn proper erve, ende Jan van Aertevelde ende zijn broeder ende zuster dander heelft, behouden mer Zegher vors. sijn bilevinghe der inné, mids dat bise ende vrouwe Kateline te gader cochten met ghemeenen goede. Ende aise vanden hnsinghen, diere up sijn, zal mer Zegher vors. behouden van den tumeleeren vander poest (?) ende van cenre bouder scurc, deen heelft tsinen propren goede, ende Jan ende zijn broeder ende zuster dander heelft, ende aile dander husinghen, diere meer up sijn, behoren mer Zegheren alleene toe. Item zo sullenJan van Aertevelde ende zijn broederc ende zustre hebben ende behouden over baer proper erve ende goed de vier buse gheel met der erven, daer zij up staen in den Paddenhouc, met allen den ghelaghen, diere toe behoren, van voren tote achter, in so wat manieren , dat zoe gheleghen es, ende zij ghestaen 2. Voort zal mer Zeghere vors. gheven cnde betalen Janne van Aertevelde ende sinen broederen ende zustre v Mb. xix s. groten Torn., onthier ende sente Bavcndach ecrst 1 Ber — , Bar — , Bareldonk. * Volgens deze verdeelingsakte werden dé huizen in de Paddenhoek aan vier kinderen toegewezen. Zeven jaren laier schijnen die evenwet 't uitslur- telijk eigendom gevveest te zijn van Jacob, gelijk hel volgende uittreksel uit eenen staat van goed laat vermoeden: « nu huusen, staende ende lig- » ghende naest Jac. van Jrtevelde, de u huutcomende len voorhoofdeni) den B Kalanderbergh, ende dander twee in den Paddenhouc. r — Regisler van 1360-t370, M. 5V. ( io ) cominende. Ende mits desen hebben Jan van Aertevelde over hem zclven ende over Jacoppe, sinen broeder, dien hij vervaet, met- gaders Janne den Amman vors. in deze zake, ende aise vooght van Lippine ende Callen voorscrcven, an deen zide, ende mer Zegheren vors. an dander zide, quite ghescolden mallinc andren van al den goede, dat deen den andren hecsschen mochte, daer vrouwe Rateline voorn. ute verstaerf, ofte in so wat manieren dat hijt ende soe doe bezittende waren, ende kenden hem deen van den andren van al tal wel vereffent, verdeelt, verhoerzaet, ghemoedt ende genouch ghedaen, altoes elken staende up sijn rccht van allen onverzicnen baten ende onverzicnen commère, daer in elken draghende ende effende zijn groete ende zijn last. Actum de xxe dach van Wedemaend l. » Wij zegden zooeven, dat onze lijst « nagenoeg » met de boven- staandc aktc overeenkomt. En inderdaad, wij missen in dit stuk sleehts éenen naam : Willem van Artevelde, die op de stamtafel voorkomt ; wij missen dien ook in de akte van verkoop eeniger gronden, te Leerne, door Jan van Artevelde namens de reeds- genoemde broeders en zusters gedaan 2. Maar hier kan de vraag worden gesteld of bedoelde Willem, als de oudstc (hij staat immers vooraan genoemd), zijn deel in de ouderlijke bezitting niet vroeger, « uut warmer liant, » ontving? Het oudste Weezenboek van Gent sleehts van 4550 dagleekenende, knnnen wij daarom- « Staten van goed, 1360-1361 , bl. 64v. 2 « Kenlijc sij etc. dat uten consente ende vervanghe dat Jan van Artevelde dede aise vocht van Lippijne ende Kallekine, sijn zuster ende broeder, ende over Jacobe, sijnen broeder, die hij vervinc in dese zake, ende ulenredenen , die hire loe loechde, metgaders den maghen ende den vrienden vanden kin- deren, scepenen consenteerden ende willecorden aise overvochden vanden vveesen in den coep, die Boudijn de Beere gecocht heefl jeghen Janne van Artevelde, aise vocht vors., ende den vervanghe bi hem ghedaen, aise van al den rechte, dat den kinderen adden inde huse, staende ende liggende up tgoed, dat voertijds was Boudijns sBeeren vader, in de prochie van Lederne, omnie meerre baten ende profijts wille vanden vors. kinderen. Actum xi die Aprilis. » [Staten van goed, 1560-1-561, bl. 56) (M ) trent geen onderzoek zijn. Een Willem van Arlevelde komt voor als blocdverwant bij de verdëeliog der goederen, nagelaten door den bekenden Simocn van Mirabcllo '. Hoc het zij, de Willem van A rtevelde, die tweejaren later genoemd wordt in de akte van goedc- renverdeeling tussclien Jacob, Philip en Catharina van Artevelde, scbijnt ons toe niet de broeder van deze, maar liun oom te zijn : « Kenlic sij etc. dat dit es de cffeninghe ende deellingben, gliemaect bij Jaune van Artevelde, als vocht van Philip, sinen broeder, ende joncfr. Kateline, sier zuster, Jhannc den Amman, Symoen, sinen broeder, Willemme van Arlevelde ende Gode- vaerde den Rooden, gbemeene maghe ende vriende, tussclien Jacob van Artevelde an deen sijde, ende Philip ende joncfr. Kateline, broeder ende zuster an dander sijde, inder manieren dat hier naer volght : Int eerste, dat Jacob sal ebbcn ende behou- den xn bunrelants, ende es erve, ligghende te Bornent, dat men eet ten Bosche. Item een bunre mcrsche, ligghende onder Doinze, al dit te sinen propren erve ende goede. Item sullen Philip ende joncfr. Kateline voors. behouden ende ebben de drie vierendeel van den poire in Bardonch, ende tfierde virendeel ter dood van merZegheren Barnagen, toeborende den vors. ni kinderen, ende deze poire es groot omtrent in ailes xliiii bunren. Item sullen Philip ende joncfr. Kateline ebben ende behouden vin bunre lants, ligghende te Lederne, ende un ghemeten mours ligghende te Zelsate, metten gronde. Item boert den vors. in kinderen toe, ghemeenne, thnus staende up den Kalanderberch, daer Jacob harliedcr vader huut verstaerf, 2 met den ghelaghen van voren tôt achter in den Paddenhouc, ende i huus daernaest inden Pad- denhouc. Item ende al dierghelike ebben de m kindren oec ghemeenne u huuze daer naest, inden Paddenhouc, de welcke ghegheven sijn in erveliken seinze x s. u d. gr. Torn siaers. Upt 1 Staten van goed, 1369-1370, bl. 73v. 2 Het hais, door Jacob van Artevelde bevvoond, stond dus niet in den Padden/wek , gelijk sommigeschrijvorsbeweei'd hebbeu, maar op den Kalan- derberg. Het kwam al achler in den Paddenhoek uit. Tome XXII. 2 ( 18 ) welcke Jan van Artevelde , als vocht over de kindre, ende Jacob van Artevelde over hem selven, scolden quite mallinc andren van al dal sij deen den andren ccschcn mochten vanden versterften, die hemlieden ende elken sonderlinghe verstorfven ende verscenen niochten wesen vander dool van haerlieder vader ende moedre vors. Ende kcnden hem deen vanden andren mits de hoyrzatinghc vors. wel vermoed, verlioyrzaet, vereffent ende al ghenouch ghe- daen. Actuin xvm die scptembr. '. » Willem van Artevelde (broeder van Jacob?) stierf omtrent 1582, in welk jaar zijn zoon Gillis de vereffening van de vaderlijke erfenis doet te boek stellen : « Kenlic zij, etc. dat Gillis van Artevelde es coinmen vor scepcnen, quitende Leenen Stulpaerts vander versterften van Willem van Artevelde, sinen vader was, ende kende hem etc., bchouden dien dat thuus blijft staende onverdeelt.... un Marlii -. De geslachtboom geeft Jan de Schotelaere tôt echtgenoot van Calherina van Artevelde, Jacobs doehter. Wij zicn ook dezeopgave door eene wettelijke oorkonde bewezen: « Kenlic sij dat Jan de Schotelere ende. Joncvr. Kateline van Artevelde, zijn wettelic wijf, zijn commen vor scepenen vander cuere in Ghend, in scepenen carnere, in den ghemeenen hoep, de welke kenden ende verlijeden dat zij vercocht hebben wel ende redenlic Jurdane Sersanders, xxi bunren i ghemet ende lxviii roeden lands, lettel min of meer, gheleghen in Baerdonc , binnen der prochien van Sente Marien Baesroden 3, de welke jonckvr. Katelinen vorseit verstaerf van haren vadere ende van harer moeder, ende twelke Jacop van Abtevelde, hare vadere, dedc bcdikenen... Vort so hebben Jan ende joncvr. Kateline zijn 1 Staten van goed , 1362-1565, bl. V. - Stalen van goed, 1582-1585, bl. 47. 3 Nu Mariakerke , provincie Anlwerpen. ( 19 ) wijfvors verkent endè verlijt dat zij sculdecfa zijn Jurdanc Ser- sanders vorn. ccxl ponde grote torn., bij goede rckeningbc van aire scult, gberekent tote den daghe van beden, te gbeldcne ende te betalene binnen xxjaren, elkes jacrs xn pond grolcn, vallcndc telken Kcrstavonde Ende dese vors. scult bebben Jan ende jonevr. Katelinen zijn wijf vorseit bekent ende verzekert up aile de huusinghcn ende bervacbetede, die zij bebben staende ende licgbende binnen Ghend, dats te wetene up den Vos, staende up den Calandcrbercb , ende up den ffert, daernaest over langs de zide ten Belfroyte waert, met allen den ghelaghen diere toe behoren ende metten tween buusen acbter in de Bennestegbe utecommende, metten berven diere toebeboren,metdrien ponden paris, siaers commers, gaende te cbeinze uten Vos ende uten Hert vors., den helegen Geest van sente Jans in Ghend, ende elleve ende eenen alven penninc par. siaers te cheinze gaende uten tween huusen in de Bennestegbe, sonder meer commers. Item up thuus. staende an den Calanderberch, daer Jacop van Arte- velde ute verstaerf, up de herve toebehoerende min jonevr. sGell. A mm ans wedewe over de maerct, met drien ponden par. siaers, der ute gaende le landcheinse, sonder meer commers Ende vort up tetwee huusen bachten staende in den Paddenbouc. 15 Ougste 1575 *. » Als ecbtgenoote van Philip van Aktevelde, hoofdman der Gen- tenaren in 1582, vinden wij op de stamtafel Lente (Yolende) van den Broucke. — Dit wordt ons bevestigd in den volgenden staat van goed, door Philip achtergelaten, en den 28 Juni 1584 overgclegd, alsmede door de akte van verdeeling, welke wij op eene andere plaats zullen bekend maken: « Aise ter kennessen van scepenen joffr. Lente van den llrouke, Philips weduwe van Ârlevelde seker ende borcbtocht ghedaen heeft met den lier Livine van der Bile, Simoene Jacobs sone, ende 1 Jaarregister 1372-1373, bl. 37. — Gebrekkig medegedeeld door Diericx, Mémoires sur la ville de G and. (20 ) elken over al, omme al suie goid Icn rechten ghedeele te bringhen in baten ende in comere, also daer PhiL vors. utc verstaerf, ende omme elken der an te bebben al tgheend datter ele in sculdicli es te bebben metten rccbtc, so eist dat commen sijn in ghedeele ende bebben belooft rechts te pleghcnc vanden ghedeele omme bâte te effene ende commer ende last te elpen draghenc naer cos- tume ende usage van der selver verslerften Pieter van Platvout ', aise voelid, Jacob ffeymans, aise loezienre van Loenkine, Anne- kine, Jlians Scoleleeren kinderen, die hij adde bij jofFr. Kateline van Artevelde, Philips suster was vors., aise over i gheelen slake vanden drien van der selver versterften ende over dheelt van i alven stake over hemlieden, ende over aile anderen, die hemlieden toeboren moghen, dien sij in dit stic ende beloven voren te verantwoirdene, en hier af sijn borghen over de kindren ende ele over al aise van den kindren redite de voochd ende toezienre vornom. Item Martijn van Erpe, aise oyr ende deelnemere van i alven stake vanden drien der selver versterften toeborende over hem ende over aile andre, die sinen alve voers. toeb. mueghen, die hij vervaet in dit stic ende beloofter voren te verantwoirdene, ende hier af sijn sinen borghen en ele over al aise van sinen alven stake vrouwe Marie van Erpe , lier Florens wcduwe vander Maelsteden , Jhati van Erpe ende Lievijn de Moir. Item omme d'redenen wille, date de houderighe vanden goide vors. heeft gheheescht in kennesse van scepenen met een gheelen ghedeel te ontstane en met een paiemente te lidene naer de wet van der poirt ende de stede van Ghend overghegheven heeft Martins van Erpe vors., over sine schult al tgheend ende al trecht, dats te verstane tweder deel van Jhans Scholeleeren kinderen vornomd, dewelké van der vornomde versterfte versehenen moehte wesen up Jlians oyr van Artevelde, diere buten sijn, alsoet blijet bij den accorde, so eist dat scepenen wijsen naerheesch ende naer antwoirde, vol- ghende der costumen ende usagen vanden hove van ghedeele ende naer de wet vander poirt der hauderighen vanden goede vors. met desen ghedeele tontstane ende daer mede overleden 4 In do verder volgende akte van 1384: Pieter van Platvoirde. ( 21 ) sijnde van allen ghedeelc, ende waerk dat naemaels eneghe quamen vanden oyre Jlians van Artevelde vomomd, hem redits verme- tende boven desen ghedeele an de selve versterfte, en der weduwe vors. daer af vexatie ofte moihenesse doen wilde, ofte Iiecsch anleghen wilden, so wijsen scepenen de houderighe vanden goede vors. der af ontsleghen van anlwoirde, en dies te volghen up de stede van Ghend ofte up Martine vornomd, mits dat Martin van Erpe over de stede bij den virtute vanden brieven ende consente van de stede gheanvert hecft, en mils desen wisen scepenen partien vors. te procederene cnde voirt te gane in haer ghedecl naer de wet vander poirt. xxviij Juny (1584) '. » Ongeveer twee jaren na den dood van Philip van Artevelde ging zijnc weduwe een ander huwelijk aan met Pieter Diedericx. — Die stelling wordt eveneens bewaarlieid door de volgende akte van goederenverdeeling: « Kenlic sij, etc., dat aise vander versterften vanden goede, daer Philips van Artevelde ute verstorven es, daer joffr. Lente, Philips wijf was vors., mitsgaders Pietren Diedericx, nu haren wetteliken man ende vochd, staet van goede der af overbrocht heeft, ende daer bij bij haren eede bleven es in kennessen van ons heeren scepenen, als partie in deen zijde, .Martine van fferpe ende Pietren van Plalvoirde aise vochde, ende Jacop Heymans aise toezienre van Jhans Scoteleeren kinderen, ende Martine vors. over hem selven, alzo oyr cnde deelnemers van den vornomden goede, ende daeraf zeker ghedaen hebben rechts van ghedeele te pleghene in alsulker condicien als ter kennessen van ons heeren scepenen van ghedeele commen es, alzo partie an dander zijde , den welken oyre ghewijst was werbrieven te makene up den vors. slaet, up dat sij wilden uten welken so verre ghesproken wart tusschen partien vornomd, dat sij an beeden siden afghegaen sijn van eeneghen werbrieven te makene, ende sijn an beeden zijden bleven in vriendeliken vinderen ende effeneeren van allen hee- 1 Staten van goed, 1583-1384, bl. 78v. ( 22 schen ende gheschille, sprutende uter vcrsterften vors , dats te wetene Jhan vanWclterc cnde Andrics van Hermclghem,vinderen over joffp. Lcntcn ende Pietren vornomd, Jacop vanden Pilte cnde Lauwereyns de Maech, vinderen over thoyr vorn. ende in manieren, waert so, dat eenieh point inden deelbrief verclaert stonde, daer eenieh vanden partien vornomd yet der toe gheliefde te segghen, dat sij daerloe segghen ende antwoirdeu moghen bij inonde, ofte aso de vornomde vindren gbelieven sal, ende wies de vorn. viere vinderen, hier of eens sijnde, termineren ende wijsen sullen naer heesch, naer antwoirde ende naer al dats vor hemlieden coramen sal wesen. . Actum vu die July l. » Tôt zoo verre de acten, welke met de opgaven dezes geslacht- booms in betrekking zijn. Men vergunne ons, hier cenige andere toi heden onuitgegevene stukken nopens de familie Van Artevelde mede te deelen, van aard om den staat der fortuin en levensbij- zonderheden van enkele harer leden te doen kennen. Zeger van Kortrijk, oom van Jacob van Artevelde, was in den echt getreden met Maria van Landegem, die in eene schuldbeken- tenis van 1350, ten voordeele der erfgenamen van Godevaard Kcldermans, is aangeduid als de heerlijkheid van Melle bezit- tende : « Kenlic si dat mijn vrouwe van Melle, mijns heeren Zeghcrs sCortresiens wettelike wijf was, commen es voer scepenen van der Kuere in Ghend, enz. 2. » Jan, de zoon van Jacob van Artevelde, trouwde met Chris tin a van Drongen : « Allen den gbenen etc. Scepenen cnde raed van der stede van Ghend, saliuit in onsen hère. Met kennessen de waerheit weten aile, dat de ghcloften, vorwaerden ende ordinanchen ghedaen, 1 Staten van goed, 1383-1384, bl. 75. 2 Jaarregister van Gent, 1549-1350, bl. 80. ( 23 ) gheloft endc ghcordinert waren inde prcscntie van Gillis Rijn- vissche ende sinen ghezellen, scepenen va'ndcr Kuere in de stede van Ghend, in al der vormen ende manieren,dat de tsaertre ende de bezeghelde letteren inné houden ende verclaren, dewelke hier naer volghen van worde te wordc : Wij, Jan vanden Cimckc, de jonghe, baillu ende wettelic maenre mire vrouwcn der graefne- dinne van Bar, vrouwe van Cassele, binncn Doinse, ende binnen den tennemcnten van Doinse, ende dat dacr toebehort, Jan vanden Cnocke, de boude, Jan vanden Dale, Jan vanden Stcene ende Jan de Cainerlinc, maenre mire vrouwen vorn. ten tennementen van Doinse toebehorende, ten tijden dat dese dingben waren ghe- daen, maken cont ende kenlic allen den ghenen, die dese lettren zullen zien of horen lesen , dat vor ons quame in propren per- soenen als vore den baillu endc vore de manne mire vrouwen vorn., Jan van Artevelde ende joncvr. Kerste , joncvr. van Dron- ghine, zijn wettelic wijf, met Jaune van Artevelde vors., baren wettcliken man, baren ghcgbeven teenen wettelikcn vogbt in dese zake tharer beghertcn, kcnden ende verlijden dat zij bebben ver- cocht wcl ende redenlic Gill. de Tolneere, te zuster Jueten, sire docbter bouf, nonne te sente Claren bi Ghend , een pond gr. torn. renten siaers ter vors. zuster Jueten live, omme eene zekere somme van penninghen, dewelke Jan van Artevelde ende joncvr. Kerste, joncvr. van Dronghine vors. met haren wctteliken vogbt, kenden datse hemlieden Gill. de Tolneere vors. wel betaelt beeft ende al vergoldcn.... Ende dese vors. renten te zuster Jueten live vors. hebben Jan van Artevelde ende joncvr. Kerste joncvr. van Dronghine vors. met baren wetteliken vogbt vorn. ende bi consente van mi, baillu vors., als macbtig der toe dese saken te consenterne ende te doene van mire vrouwen wege de graefne- dinne van Bar, vrouwe vau Cassele vors., beset, verzekert, gheas- signert ende bewijst wel ende wettelic up al de renten, die sij bebben licgbende in de prochie van Dronghine ende daerom- trent, twelck draeght twee ende dertich pond parisis siaers lettel min ofte mecr, ende up dammansceep ende up de praterie van Dronghine, ende up al dat dacr toebehort, twelke beset al leen es, ende dat joncvr. Kerste joncvr. van Dronghine vors. met ( 24 ) haren wetteliken man ende vocht houdcnde es (in) leene, met- gaders andren goede, te haren leene bcliorende van mire vrouwe der graefnedinne van Bar, vrouwe van Casseïe vorn.... Endc Iiet es te wetene, dat Jan de Tolneerc, Gill. de Tolneere bastaerde sone, heeft oec een pond groten Torn. siaers te sincn live up de vors. rente, ammansceep ende praterie van Dronghine, ende dat daer toebehort.... Ende omme te beter ende meerre kennesse, vas- tenesse ende verzekerthede van allen desen vors. dinghen bebben wij, Jaune van Artevehle ende jonevr. Kerste, jonevr. van Dron- ghine, sijn wettelik wijf , onse zeghele an desen tsaertre ghehan- ghen, te gader met sbaillus ende der mannen zeghelen boven- ghenoumt. Dit was ghedaen ende al vuldaen int jaer ons Heeren , doe men schreef dusentich dric hondert ende vichtich, up den drie ende twintichsten dach van der maend van Meyc. — Ende wij scepenen ende raed vander stede van Ghend bovenghenoumd, want ons al dese vors. dinghen kenlic ziin, dat zij in deser manieren ghedaen ende beloft waren , ende wij de bezeghelde lelteren zonder rasure ofte fraude wel bezeghelt gezien bebben in al der manieren, dat vorseid es, so hebben wij dese lettren doen setten in scepenen boue, in 't scependom vors., ende daertoe bezeghelt metten groten zeghele der stede van Ghend utehan- ghende, up den dach vanden heleghen sacramente int jaer ons Hcren dusentich drie honderd ende viftich ]. » Onder al de schrijvers, die over de Artevelden opzoekingen deden, blijkt Kervyn van Lettenhove dichtst bij de waarhcid 1 Jaarrecjister, 1349, bl. 68\ Omtrent dezen tijd leefde nog een andere Jan van Artevehle, gehuwd met zekere Elizabeth: « Kenlic sij, etc. dal Lijsbette, Jans weduvve van Artevehle, an deea side, ende Philips van Artevehle, Jans broeder was vors., de wijncrihiere, an dander side, siin commen voer scepenen ende hebben mallinc andren quite gescolden van al dat sij mallinc andren eeseben mochten van der versterften van Jaune van Artevehle vors. ende vander versterften van sierer moeder, Ende kenden béni van mallinc andren van den vors. al wel vereffent, verdeelt, ghemoet ende ghenonch ghedaen. Àctum den xxislen dach in Octobre. » (Staten vangoed, 135:2-1555, bl. 15.) ( 25) geweest te zijn. De stamtafel, wclkc hij in zijnc notice, getiteld : Jacques d3 Artevelde (Brugge, 1847) ineèdeclde, komt nagenoeg, gelijk wij reeds hcbben kunnen oj)merkcn, met die van ons HS. overeen. Genocmde gelcerde geeft daarin op, dat Frans, broeder van Jacob van Artevelde, eene dochtcr naliet, met nnmeElizabeth, die naar 't altaar werd gelcid door Gijzclbrecbt van den Briele, en eene dochtcr had , Margareta genaanid. Deze laatste steiling zijn wij in staat door eene onloochenbare oorkonde te bevestigen : « Kenlic sij etc. dat dit es tgoed, toebehorende Merkine vanden Brielle, Ghiselbrcchts dochter, hem verstorven van jonefr. Lijs- belte van Artevelde, hare moeder was, twclcke upbrinct Pieter van der Couteren,aIs voclit skints vors. Int eerstexim bnnre lants, dat men heet ten Wilde, ligghende in de procliie van Dronghine, ele bunre gheldende xx gro. siaers, huute den welken gaen te cheinze xlvi gro siaers. Item in de selve prochic ce ende v roeden meersche, daer ute gaet te cheinze xm d. paris, siaers, ende ghelden siaers in pachte xx gr. Item in Blader meersch mi ghe- meten meersche, lettel min ofte meer, ende ghelden siaers in pachte xvi s. gr. Torn., ende daer huute gaen x gr. siaers te cheinze. Item in de prochie van Zomerghem xv grot. erveliker renten siaers. Item een selvere scale, in sclvere lepelle. Ende in al tforseide land ende meersche zoo hout de vader deelft in bile- vinghe, ende met de cateillen, die bleven , ende i alven huus, dat vercocht es bi consente van scepenen als overvochde, es betaelt de scult ende de commer vander huutfert van der moeder vor- screven. Actum ut supra vi May '. » Wij hebben verscheidene oorkonden over Willem van Arte- velde, volgens den stamboom , Jacobs broeder. Deze had ten jare 1359 met Hendrik vanden Putte en Gillis van Scmmerzake, opzichtens eenen meersch te Semmerzake, een geschil, dat door vier vinders werd geslccht 2. Datzclfde jaar , alsook in 1549, bracht hij andere geschillen ter vereffening vôor de schepencn of 1 Statenvan goed, 1365-1364, bl. 35. 8 Jaarregister van 1339, bl. I, (bijgevoegd blad.) ( 26) vindcrs, en deed verscheidene geldleeningen. Nog in 1549 beze- gclde hij twce schuldbekentenissen , de eerste ten voordeele van Willem Bette en Nicolaas Daens : « Kenlic sij , etc. dat Willem van Artevelde, ser Jans sone, commeo es voor seepenen van der Kuere in Ghend, der Gill. Rijnvissche, der Frans. Zoetaerde, der Jan dcn Pape, ende andren van sinen ghesellen, dewelke kende ende verlijde dat hij seuldich es wel ende redenlic der Willem Betten , ser Asscher. sone, ende der Clais Daens, clken van hembceden, dertich pond grotenTorn., die sij hem in gereeden peeninghen telivrert (?) ende betaelt heb- bcn, welke somme van ghelde de vors. Willem beset ende verse- kert heeft up sticke van mersehe, dat men houd van den herc van Poucke, ende van Willem Wieric, lieghende bachlen Asstine bi Doinze, streckende te Oedonc waerl. Vort heift de vors. Willem van Artevelde verkent, dat hij seuldich es elken van de voorn. personen zeventien pond groten Torn., die hij hemlieden bewijst ende versekert heeft up eene andere sticke van merssche, die men houd vanden huuse van Nevele. Ende al dese vors. mersch, dacr dese vors. goede up bezct ende versekert es, die es groel tusschen den ellef buunre ende den tienen, lcttel min of meer.... Actum ix die Decembris '. » De tweede schuld is aangegaan wegens Jan Caroen : » « van 1349-1350, bl. 82'. ( 27) De getuigenis van L'Espinoy, dat de Artevclden met het geslacht der Van Haies of van Mirabello vermaagsehapt waren, blijkt gegrond te zijn uit de akte van verdeelingder goedercn, nagelaten door Simoen van Mirabello, oudruwaard van Vlaanderen, en waarin Willem van Artevelde naast Ivvein van Vaernewijk, rid- der, Hugo vander Most, kanunnik van S,e-Pharaïlde, te Gent, en Nieolaas vander Zickelen, als bloedverwant wordt opgenoemd '. In 15G!2 vraagde de voogd van Philip en Catharinavan Arte- velde, Jacobs kinderen, om zekere gronden te verkoopen, gelegen in de beerlijkheid van Nevele: 0 Scepenen van ghedeelle ende payserers etc., maken cont ende kenlic allen den gbenen, die dese lettren sien zullen oftc boren lesen, ende specialic onsen lieven ende gheminden vrienden baillu en scepenen sheercn van Nevele, ende aile anderemeyberen, manne ende late ende wetten, so wies heeren sij sijn, dacr an da(s te doenne zal wesen, dat wij ebben gheconsentert ende con- senteren als overvochde van Philipze ende joncfr. Kateline, Jacobs kindren van Artevelde waren, over dat meeste profijt ende orbore van hemlieden, al suie regbt te vercoepene, aise sij hebben in de ervachtecbeden onder hu heeren gheleghen, ende elcken sonderlinghe. Ende gaven vulle macht Jhanne van Artevelde, vocht van den vors. kindren, hemlieden tontervene ende te ont- goedene vanden vors. ervacbtechede , ende al te doenne in den name der kindren, dat hire toe sculdech es te doenne, naer cos- tume ende usage, daert goed gheleghen es. In kennessen etc. Actum xxviii Aprilis 2. » Jacob van Artevelde, Jacobs zoon, verkocht ten jare 1350 twee gemeten moer in 't ambacht van Assenede : « Kenlijc sij, dat Jacob van Artevelde, Jacobs sone was van Artevelde, quam voer scepenen van der keure in de slede van 1 Staten van goed, van 1369-1370, bl. 73. 2 « » « van 1362-1563, bl. 29. ( 28 ) Gend, her Gillis Rijnvissche, Boudin van Swinarden, Symoen den Necker, Willemme vanden Hecke cnde Jan Buke, kende ende verlijde dat hi vercocht hadde Willemme vandcr Beke ende der hJanne, sinen sone, priester, twee ghemete mours, in al der vormen ende manieren dat de tsartre inhoudt, die hier na volgt van woerde te woerdc... : Wy Pieter Prijsbier, Jaeob Boudins sone ende Mathijs de Pape, scepenen in Assenede ambocht, ende Lanrcins de Barlmakcre, aise scoutheete int selve ambocht in dien tiden. doen te wetene allen lieden dat voer ons quam in propren persone Jacob van Artevelde, poertre inGhend,mct Piètre Snouke, dien hi coes tenen wetteliken vogt in dese sake, kende ende ver- lijde dat hi hadde vercocht wel ende wettelic Willemme vander Beke ende den hJanne, sinen sone, priester, poerter in Gend, ii ghemete mours, metten gronde, liggcnde in u buenre mours onverdeelt met Jacobs kinderen van Artevelde, de welke n buenre sijn gheleghen in de prochie van Assenede, up de Niewe Kiste, tusschen Jan Rime, deenside, ende Willem Betten, dander side, Rombout Mond ten enen ende, ende Jan Rime ten andren, ende omme ene sekere somme van ghelde, vanden welcken Jacob met Pietren sinen wetleliken vogt vors. hem hilt wel ghepait, ende verlijde dat her Willem ende der Jan siin sone vors., hadde wel ende wettelic al belaelt in goeden ghereeden ghelde.... Ende omme dat sij sullen bliven goet, vast, seker, ghestade ende euwelike wel ghehouden, so hebben wij scepenen ende scoutheete boven- ghenoemt bi beden ende versoucke van beeden den vors. partien desen tsartre gheseghelt ele van onslieden met sinen propren segle utehanghende. In orconscepe ende in kennessen der waerheiden dit was ghedaen intjaer ons Heeren alsemen screef xmc ende l1. » Zou dit dczelfde Jacob niet geweest zijn, die ten jare 1540 den manslag plecgde op Volkerd Utenrosen, welken manslag men lang ten laste heeft gelegd van den wijzen Man? Ontvluchtte hij de stad Gent, en werd hij te Geeraardsbergen aangehouden, of was 't voor een ander feit, dat, hij aldaar kennis maaktc met den * Jaarregister, 15i0-1350, bl. 75T. ( 29) amman? Hij moet er nog al eenigen tijd verbleven hebben, aan- gczien hij, bij gcmeldcn bediende achtcr 't slol zittcndc, cène nog al aanzienlijke somme gelds leendc : « Kenlijc si, etc. dat Jan van Artevelde ende Willem van Ar- tevelde, ser Jans sone, quamen voer scepenen van der kuere in de stede van Glicnd; Jan Speliarde, Fransois Soetardc ende Jan Buke, kenden ende verlijden dat si waren sculdech over elc van hemlieden over al, Janne den amman van Gheeroutsberghe, of den bringher van desen lettren , ix '/^ liber groie, van costen, die Coppin, Jans brocder van Artevelde, dede in sammans vocrs.,ende van gheleendcn ghelde, dal damman den vors. Coppine leendc.... Aclum xv die mcnsisJunij anno Dom. mcccl1. » Jan, Jacobs brocder, werd mede in de vervolging betrokken, en beidcn door de schepenen van Gent lot eene boet veroordeeld : « Van Janne van Artevelde ontfaen xlix lib. xm s. gr., in min- deringh.e van l lib. groten,die hi der stede sculdech was over de zoene van mijn heer Volkeren Ulenrosen. « Item, van Jacoppe van Artevelde vanden selven x lib. 2. » Wij eindigen. Hct gelai oorkonden betrekkelijk de familic van Artevelde hadden wij nog grooter kunnen maken, door de akten mede te deelen, die men ons in 't stadsarchief van Brugge onlangs hecft aangeduid. Wij meencn dit nie t te mogen doen, omdat een ander schrijver, die gedu rende vêle jaren opzoekingen over het beroemd geslacht heeft gedaan, zich voorstelt de vrucht zijner studiën binnen kort aan het licht te brengen. Wat het HS. betreft, dat tôt de samenstelling dezer verhan- deling heeft gediend, meenen wij te moeten herhalen, dat wij i Jaarregisler van 1349-1350, bl. 80. 2 Stadsrekem'ngen van Cent, 1549. ( 50 ) zelven niet in de gelegenheid gewecst zijn, te zien, tôt hoeverre de afschrij ver heeft gemist, door, mogelijk, al de namen niet op de redite plaats te stellen, en hoeveel en wat hij bij 't copiëeren onverlet moest laten. Van 't eersle hebben wij de zekerheid, daar al zijne opgaven niet door bewijzen te staven zijn; het laatste, \ve zegden bet bij 't begin, heeft hij volmondig erkend. Tôt heden is bedoeld document, hetwelk wellicht meer bij- zonderheden over de familie des Wijzen Mans inhoudt, aan onze opzoekingen ontsnapt. Geene poging om op het spoor er van te komen hebben wij onbeproefd gelaten. Nietalleen zijn wij zelven le Erpe en in de omstreken op zoek gewecst, maar een zeer invloedhebbend, achtenswaardig ingezetene dier gemeente heeft onze navorschingen wel gclieven voort te zetten. Den 25 Augustus 1871 schreef hij ons, dat de glazenmaker Roos te Erpe ten jare 1851, ami en verlaten, overleden was, en dat ook zijn huisje , familie en boeken verdwenen waren. Toch is de herinnering van dien man niet geheel uitgestorven : de tcgenwoordige pastoor van Erpe heeft hem in zijne laatste levcnsuren bijgestaan, en weet nog van hem te vertellen, tcrwijl de oude stadhuisbedienden van Aalst en Dendermondc, in welke plaatsen Roos somwijlen opzoekingen ging doen, zich insgelijks den glazenmaker-genealogist moeten herinneren. Wij wenschen vurig, dat het Rent- en Cijnsboek van Raasrode mochthervonden worden. {31) DE NALATENSCHAP VAN PHILIP VAN ARTEVELDE. Ongekende bijzonderhedcn betrekkelijk de mannen, die eene gewichtige roi in de staatkundige gebeurtenissen onzes lands hebben vervuld, kunnen den beoefenaren van de geschiedenis, en in 't algemeen denzulkcn, die den roem Iiuns gcboortegronds lief hebben , niet onwelkom zijn. Philip van Artevelde, gelijk men weet, vervulde zulke grootc roi in den opstand zijner geboortestad tegen Lodewijk van Maie* Hoe luttel tijds hij ook op het woelige tooneel van den krijg mocht blijven, is niet ailes, wat daarmede in verband staat, gekend, evenmin als men bepaald te zeggen weet, hoe de zoon des Wijzen Mans aan zijn einde kwam. — Uit dien hoofde is eene wettelijkc akte van het jaar 1585, welke wij in 'tstedelijk archief van Gent hebben aangetroffen, niet onbelangrijk le achten, daar zij ovcr de werking van Philip van Artevelde eenig nieuw licht ver- spreidt, en ons met zijne nalatenschap, dus, tôt een zeker punt, met den maatschappelijken toestanddes beroemden mans, bekend maakt. Wij meenen ook dit stuk te moeten aan het licht brengen. Dat Philip van Artevelde, vooraleer op het verzoek zijner stadsgenooten den wapenrok aan te trekken, het leven van eenen lollaard leidde, zooals Olivier van Dixmude zegt, wordt door de bedoolde oorkondc gelogenstraft; althans liij was gehuwd, en ( 32 ) bebouwde, onder andere te Bardonk, eene zoo aanzienlijke uit- geslrektheid lands, dat hij genoeg koorn in de schuur had om er zijncn vrienden van te kunnen in leen geven. Hel is, zoo men weet, |daags vôor S^Pauwelsfeest 1582, dat Philip van Artevelde het bestuur over de Gentsche heirmacht in handen nam !. Reeds waren de vijandlijkheden begonnen, toen hij, bcnevens Jacob de Rijckc, een onder zijne bevelen staande lioofdman, werd uitgenoodigd om met de scbepenen van keure en gedeele en de dekens der poorters en wevers uitspraak te doen in cène zoending over den dood van Jan van Axel, gevallen als slacbtoffer van Picter van den Bossche, den mcest bekenden strijdgezel van Philip 2. 1 « Item Philips van Artevelde, van sinen wedden die begonsden svrindaghs up S1 Pauwels avent. » — (Stadsrekeningen van Cent, 1381-1382, bl. 234v.) 2 « Up tcompromis ende tupnemen ghekeert ten seghene van scepenen van beede den bancken ende te Philipse waert van Artevelde ende Jacobe den Rike ende m1 Jhanne aise van der doid ende wanconst van Jhanne van Axele ende van al datter ancleeft, so es dit naer volghende tseghen van scepenen van beeden den bancken, van Philipse van Artevelde ende van beeden den dekencn vors. in der manieren na volghende. — Eerst es tsegghen, dat men sal gheven over de doid ende wanconst van Jhanne van Axele vors. xx lib. gr , te belalenebinnen i jare eerstcommende, naer costume ende usage vander stede van Ghend, waeraf de montsoene toebehort Wauteren van Axele, den vveiken versoend Pieter van den Bossche, over hem selven ende over aile de ghene, dien mens wancomnen mochte. — Item sal men gheven boven der somme vors. xxxvi lib. parisis omme daer mede zielmessen te doen doene, bij rade van scepenen over den vors. doide, ende die bringhen onder scepenen binnen xnn nachten eerstcommende. — Item sal men gheven Jhanne vander Doirent over sine ruietse ende smerte xn lib. paris., te betalene de i heelt tsente Martijns messe eerst commende, ende dander heelt le Vaslelavonde daernaest volghende, dwelke vors. soendincwasupghenomen ende verspraken in vorme van compro- misse up i redelike schult ende verbuerte van m lib. parisis, omme die schult te gane up dat so verbuerl worde naer de wet van der poirt , nochtan saude tsoen- dinc ende tseghen vors. bliven goid ende van weerden, al waert datdese schult verbuert worde, omme dwelke zoendinc te vulcommene sijn borghen over den lier Pietren vanden Bossche vors. ende elc over al Boudin vanden Bossche, sijn vader, ende Gill. vander Slraten. Ende omme tsoendinc wel le houdene sijn borghen over Woutren van Axele vors. ende elc over al Pietren Heinrix, Jh. Heinrix, J h. de Grave (?) ende Olivier van den Leene. Ende et sijn borghen ( 53 ) Ook zien wij Philip van Artevelde, te zamen met de schepenen, optreden als bemiddelaar tusschen de vrije schippersnering en de onvrije schippers in de Lieve ', tervvijl ook in 't kamp te Ede- laar, bij Oudenaarde, aan hem en zijne wapengezellen Simoen Cockermoes en Matthijs Bonds de taak werd opgedragen, eene verzoening te bewerken tnsseben de nagelatene betrekkingen van eenen verslagene en den piéger van den moord. De uitspraak draagtde dagteekening van 18 October 2. Na den dood van Philip, die geene kinderen achterliet, ging zijne weduwe een tweede huwelijk aan met Pieter Diedericx, doch er ontstond omtrent de erfenis tusschen haar en de kinderen van Jan de Schotelaere en van Daneel van Halewijn een geschil, welks beslechting aan vinderen werd opgedragen. Het is de uitspraak van deze, overgeschreven in het Weezenboek van 4 585. en waarin wij de bij 't begin dezer verhandeling bedoelde bijzon- derheden over den veldtocht der Gentenaren te dien tijde,alsmede de opsomming der door den veldheer nagelaten goederen, aan- treffen, die wij willen mededeelen. Spreken wij eerst over Philips nalatenschap. Deze was groot, en doet den man kennen van weelde en smaak. Behalve een groot getal paarden met het noodige getuig, waren er in 't sterfhuis, onder andere, veertien stuks vergulde potten en kannen, zeven en twintig schalen, dertien sehotels, twee bekers, drie kandelaren, enz., ailes in zilver, of verguld; voorts twee kelken, vier ampullen en een stuk goudlaken, benevens een « helichdom » (reliquie- kasse), met zilver beslagen, en rustende op eenen zilveren voet. Naar de meeste waarschijnlijkheid waren vêle van deze koste- lijke stukken het aandeel van Philip in den krijgsbuit, die door de Gentenaren na den slag van Beverhout en de daarop gevolgde inneming van Brugge, uit die stad naar Gent werd overgebraeht. over Jacobe van der Doirent vors. Pietren van der Doirent ende Gill. de Groile Ende hiermede kennen scepenen wettelike zoendinc tusschen partien vors. ende hem allen, die mens wancommen mochte. Aclum vigilia Assumptionis. — {Zoendincboek, 1381-1382. bl. 5.) 1 JaarregislervanGenl, 1382-1383, bl. 9\ 2 Zoendincboek van 1382, bijgevoegd blad. Tomf XXII. ^ ( 54) De kelken, ampullen en het goudlaken waren door Philip, vôor zijne heirvaart, bij uiterste wilbeschikking bestemd voor de kerk van Ste-Maria-Baasrode; wat bet a beiligdom » betreft, en de daarbij behoorende brieven of bullen, beslisten de vinderen dat die zouden terug gegeven worden aan de eigenarcs, namelijk de kerk van Elzegem. Hoc kwam Philip in 't bezit van voorwerpen , die der kerke loebeboorden? Stellig bad bij den oorlog niet gevoerd tegen gods- dienstige beginselen, aan welke hij en al de leden zijner familic gelrouw bleven. Wij meenen de beantwoording dezer vraag te mogen zoeken in het feit, dat lijdens het beleg der stad Otiden- aarde, en aleer naar Rozebeke te trekken (een incident van dit beleg) , er nu en dan van weerskanten uitvallen plaats hadden , bij welke plundering en roof aan de zijde des vijands de boofdrol speelden. Natuurlijk hadden de Gentenaren geene redenen om de kerk cens dorps te berooven van hetgeen zij kostelijkst en kuns- tigst bezat, en bestaat er dus grond om aan te nemen, dat bel beiligdom der kerk van Elzegem eerst door de graafsgezinden gcroofd, en door Philip zal heroverd geweest zijn. Wat de kelken en ampullen betreft, welker herkomst niet in de akle is aangeduid, deze zouden, als zij niet het voile eigendom van Philip waren, ten dienste van eenen huiskapelaan !,kunnen voortgekomen zijn uit bet Prinsenhof te Brugge, dat, zoo de cbro- niekschrijvers getuigen, door de Gentenaren geplunderd werd. Wat wonder dat in zulk geval de hoofman zich de kostbaarsle slukken der kapel zal aangematigd hebben, ten einde die (egen bciligscbendende handen te vrijwaren? Inderdaad, bij de bemacbtiging der stad Brugge werden meer voorwerpen van godsdienstigen aard huit gemaakt; ditwordt Dus 1 Philip beminde zeer de uiterlijke praal, en goede sier. Op den veldtocbt vergezelden hem nietalleen zijne gewone dienstlieden , maer ook een kok : a Item Goesin Mulaert, van dat bij gaf Philips meiseniede van Artevelde lEdHaer up den bercb, ni lib. vin s. x d. » — (Stadsrek. van 1382-1383). » Item Pieterkin, Philips koc van Artevelde, van i zvverde, n vr. « Hem doe lii doere af sneet (?!) xn gre-ten. « — {Idem, bl. 249v.) ( 53) duidelijk bewezen door de sladsrckeningcn van Gent, 1381-82, waar men op bladzijde 25' lecst : « Item dcn scutteren Frans van Waes, Heinric do Mey cndc » haren ghezellen, vanden juweelen ai reliquien, die zij van » Brugghe brochten , X lib, gr. '. » Yolende van den Broucke had na 't ovcrlijdcn haars echtge- noots ongemeen veel moeilijkhcden te onderstaan uit lioofde van Philips aandeel in den oorlogsbuit, dien menigeen baar scbijnt benijd te hebben. De paarden, onder andere, lokten de begeer- lijkheid van verseheidene wapengezellen des hoofdmans aan , tôt zoo verre zelfs, dat de weduwe in hare woning niet langer vrij en rustig werd gelaten, ja tegen groeten overlast ende nploepe te kampen had! Zij zag zich genoodzaakt er verseheidene van te verkoopen , ten einde van de lastige en vermetele aanzoekers ont- slagen te zijn. Hetgetal teBrugge en elders buitgemaakte kleppers moet niet gering geweesl zijn; inderdaad, behalve die, welke Yolende van den Broucke te gelde maakte, en een prachtpaard, dat zij haren broeder schonk, maakt de akte nog gewag van twee rossen, door Lodewijk van Artevelde (vermoedelijk een neef van Philip), te Brugge achtergelaten, en van vijf andere, waar de schepenen van Gent de hand aan sloegen. — Ook de juweelen van den hoofdman wekten vêler begeerlijkheid op, terwijl de erfgc- namen, van hunnen kant, omtrent de verdeeling niet te accoord geraakten. De schepenen deden de kostbaarheden uit het sterfhuis halen en op het raadhuis bewaken 2. Eenige chroniekschrijvers, van de nalatenschap reppende, voegen er bij, dat Philip zich tenkoste zijner medeburgers verrijkt had. Dit is voorwaar niet gcweest met het geld, dat hem de * Te Diksmuide hadden de Gentenaren, op bunne beurt, een misboek en eenen zilveren vergulden kelk verloren, uitwijzens de stadsrekeningen van gemeld jaar. 2 « Item Willem de Blake, dat bi hem andre waecble up de rekencamere omme de juweelen, die te Philips van A'rtevelde vonden waren, van coslen, die zij daden, m s. ni d. » — {Stadsrek. van 1380-1381 , bl. 230.) ( 50 ) gemcente als hoofdman had toegekcnd (46 pond); en zoo het al waar is, dat hij zijn deel eischte in den buit, op den graaf en zijnc aanhangers, de edelen en rijke poorters van Brugge, bemachtigd, is dit feit enkel een krijgsgebruik te achten, waarvan elke partij zich bedient. Of zou men van den veldheer der veertiende eenw mcer bescbaafd- en zachtbeid eiscben dan van den overwinnaar in de zoo verlichte negentiende eeuw? De vinderen3 met de verdeeling onder de erfgenamen gelast, beschouwden altbans niets, van wat ten huizevan Philip gevonden werd, als onrecbtvaardig goed; integendeel, wij zien hun de bestemming, door den hoofdman aan verseheidene vorwerpen der nalatenschap gegeven, bekrachligen , en het dient gezegd, dat de voornaamste wapenmakers van Philip, zij, wien ook eenbevelheb- bcrschap was opgedragen: Everaard de Wielmaker, Geeraard van den Bossche en Gillis Bruusch, ook, uitwijzens de stradsreke- ningen, een deel van den buit verkregen. De akte maakt eveneens melding van het gezantschap, door de stad Genten Artevelde naar Engeland afgevaardigd om te trachten koning Richard II tôt bondgenoot te hebben. De gemeente gaf haren gezanten : drie scbepenen , eenen hoofdman en vier andere personen , boven een kleed, nauwelijks de som van 5 pond groolc ter bestrijding var de reiskosten *, terwijl Philips echtgenootc aan Marten van Erpe, haren bloedverwant, die deel maakte van 't gezantschap, niet min dan 12 pond groote gaf. Men mag het bejammcren, dat de oorkonde niets meldt nopens de plaats des overlijdens en der ter aardebestelling van Philip, de gevoelens der chronickschrijvers daaromlrent, gelijk men wect, i « Item scepenen Michiel Bone, Jan van Waes, Willem van den Puite, van den hooflmannen Rase van den Vorde ende met hemlieden meester Willem van Coudenberghe, der Gillis van Wijnvelde, Martin van Erpe ende Pieter van Beerevelt voeren svrindaghes xvn dagh in Octobre te Inghelant waert, m lib. gr. » Item i bode die ghesent was tlnghelant, m lib. gr. » Item Segliers wijf van Nevele, van i strijpte lakine, dat de ghediputeerde adden, die lest trokken tlngelant waert, vi lib. xvn s. vin d. » — {Sladsreke- ning van 1381-1382, bl. 246-247 v.) ( 57 ) verschillig zijnde. Ook is het niet zeer duidelijk, wat de akte bcdoelt met het woord : herberg, waar zieh de wijn bcvond, toen de bevelhebber der Gentenaren bezweck. Doov herberg toch verslond men in de middeleeuwen niet alleen eene drinkplaats, niaar tevens de woning van een aanzienlijk nian, of de steedsehe refuge van een ten platten lande staande klooster. — Mogelijk zullen latere ontdekkingen meer licht over dit ailes verspreiden mogen. Ziehier nu de akte: « Kenlijc zij, etc. dat van allen heesselien, gheschille cnde ghedinghe, dat gheweest heeft tusschen jouffr. Lenten vanden Brouke, mitsgaders Pieter Diederix, haren wetteliken man ende vochd, aise houderigghe vanden goede, daer Philips van Aerte- velde, haeren wetteliken man was, ute verstaerf, als partie in deen zijde, Martine van Erpe, ende Pieter van Platvoerdc, aise vochde, ende Jacop Heymans, aise loezienre van Jhans Scoteleeren kinderen, ende Martine vors. over hem selven, ende voert van also verren als hij in den name van lier Daneels kinderen van Aelwine gheaenvert heeft bij der mogentheden ende consente van ons heeren scepenen ende den beleede, in den name vander stede, ghelijc ende bij de redenen, die de stede te Martine waert ghe- houden was, also dbeseghelte, dat Martijn vander stede d'of heeft, inhoutende verclaert, also hoyr ende deelnemers van den vornom- den goede, als partie an dander zijde, bleven in vriendelike vin- deren ende effeneeren, dats te wetene, lier Jhan van Wettreende lier Lieven vander Bile, vindrcn over jouffr. Lenten , ende lier Pietere vornomt, Jacop vanden Pitte, ende Lauwereins de Maegh, vinderen over thoyr vornomt, den welken vinderen elc van partien vornt. hebben gheloeft ende verzekert haerlieder segghcn wel te houdene ende te volcommene, ghelijc cnde inder maniercn dat de copie, ute ons heeren scepenen bouke van ghedeele daerof ghemaecht, inhout ende verclaert, up dwelke de vornomde vin- deren hebben ghehoert,heesschcnde antwoerde van partien vor- nomt, ende al dat partien in beeclen zijden.ghehoert wilden hebben also daertoe behoerde, so bij den welken de vornomde vinderen eendrachtelike lermineren ende wijsen naer al dats voer hem ( 38 ) conimen es, gel i je dat hier naer van pointe te pointe verclacrt staet endc vôlghet: fut eerste aise van den juweelen. inhaven ende catheilen, wijsen de vornomde vinderen partien vornomt daer of wel vereffent ende verdeelt,naerdekennesse, die partien vornomt voer hemlicden daer of ghedaen hebben. Item aise vanden gronde, eist leen, erve ofte eyghijn, van Philips zijde vors. toecommende, ligghende inde prochie van Burnem ende van Baesroden, also de deelbrieven daer of verclaren, so wijsen de vornomde vinderen dien grond te gane ten hoyre waert voirt daeromme dat hij commen es, met al datten gronde sculdich es te volghene, ende jouff. Lente vors. daer of deen heelt te houdcne thare bilevinghen, ende de catheilen, die men daerup bevinden mach, die sculdich sijn ghedeelich te sine, daer of de houderighen endc den hoyre die te deelne, also sij sculdich sijn te deelne naer te wet vander pocrt. Ende eist so, datter eenich leen in bevonden wert, daer of elken van partien int versouc vanden leene te gheldene, dat hij sculdech es te gheldene metten rechte. Item als vanden goede, dat jouff. Lenten vors. ghegheven was te huwelike, eist leen, erve, cyghin ofte in erveliker renten, wijsen de vorn. vinderen dat jouff. Lente vors. datgoed sal behoudenals haer proper goed, met al datten gronde sculdich es te volghene ende toe te behoerne, ende cvenverre datter lijfrente es, so wijsen de vorn. vinderen die ghedeelich ende dierghelike ghedeelich, eist so dat up den grond, van jouff. Lenten zijde vors. toecommende, eeneghe ghe- deeleghe catheilen vonden werden,endc evenverre datter eeneghe achterstellen van renten van desen vorn. goede bevonden werden, dat men tachter was ten tijd dat Philips vors. voir van live ter doid, eist in baten ofte in commeren,daer of de houderighe vors. te hebbene ende te gheldene deen heelt ende den hoyre vornomt dander heelt. » Item als van den tween huusen, staende over de maercht, bij dcr Minnemersch, metten ghelaghen, dieretoe behoren, wijsen de vorn. vinderen die ghedeelich, endc den lantseins, diere ute gaet, diere ghelike. Item aise vanden xu guldcnen pennenghen. Item vanden xxxv s. x d. gr. Item vanden xxi sooberen diverse seleverine pennenghen, also de deelbrieven verclaren, wijsen de ( 3'.» ) vorn. vinderen partien vornomt hier af wel vereffent, verdeeltendc veraccordeert sijnde naei' de kennesse, die partie vornomt dcr af ghedaen liebben. Item als van den n lib.groten, die jouffr. Lente vors. om zielmessen ute ghegheven heeft, ende aise vanden vi lib. xvi s. vi d. gr., die so jouffr. Mergrietc, Andries Mijs wive, betaelt heeft van sculde, also soe in haer deelbrieven verelaert heeft, waer af de vorn. vinderen wijsen , dateven verre dat jouffr. Lente vors. betoeghen ean, datse dese partcheele betaelt ende ute ghegeven heeft, dat haer datte scade doe, bij also datte thoyr betoeeh daer af begheeren. Item aise van den u keelclen ende viere ampidlen, ende vanden slkke guldijns lakijns, in de deelbrieven verelaert, wijsen de vorn. vinderen den eenen keelct ende u am- pullen ende stic guldijns lakijns van desen partcheele vornt., dat men die gheven sal der kerken tsenle M arien Baesrode, ghelijc dat Philips .vors. jouffr. Lenten vors. laste, also de deelbrieven daer of verclaren, ende dese ghifte ghegheven in quitinghen van partien vornomt, ende over haerlieder ziele. Item aise van den helichdomme, in selveren besleghen, met eenen selverinnen voete, in de deelbrieven verelaert, wijsen de vorn. vinderen, dat men dat gheven zal der kerken, daer jou'ff. Lente vors. weet, dat toe- behoert, der kerken lllelsighcm, ende de brieven, die daer loebe- hoeren, ende dit in quitinghen van Philips ziele vors., ende van hem allen, diere aneeleven moghen. Item aise van den juwcelen, inhaven ende catheilen, die der Everaerde den Wielmakere, meester Gillise Bruussche ende Gheeraerde vanden Bossche in haren handen ghestelt worden, ut haerlieder vervolghc ende harenmedevolghers van der plaetsen, ende andersins bij vonnessc van ons heeren scepenen vanden cuere, ende uten laste, die jouffr. .Lente vors. ghedaen was, so wijsen de vornomde vinderen partien vornomt daer af te stane deen ghelijc den anderen in baten ende in commeren, diere af commen mach, mits dat ghedaen was bij mogentheden, also de deelbrieven d'of verclaren. Item aise vanden xli hamen ouden wijn ende maelvezeie, die bleven in de her- berghe, doe Philips voer van live ter doid, waer af de xxm hammen ghelaten waren onder jouffr. Lente vors., over haren deel ende Martijns deel van Erpe van der wet, ute dien dat de ( 40 ) wet seide, dat so haer goed niet verbuert en adde, ende dander xviii hamen de wet doe aneverde als verbuert, over de deele van dienvanHaelwine ende denkinderenScoteleeren vers torvenwaren, so over mits den redenen vorscreven , die vorn. vinderen wijsen, dat jouff. Lente vors. Martine van Erpe vermoeden sal als van also verren aise de quantetheyt van sinen deele daer af ghedraecht, dats te wetene vu lib. gr., ende haer ontsleghen ende onghehouden vanden hoyre voirder te verantwoerdene vanden wine ende mael- vezeyen vornt. dan van Martijns deele also vors. es. Ende eist so , dat dien van Aelwine ofte der kinderen Seoteleercn ofte hem allen ofte yement in den name van hemlieden ghelieft als van haerlieder deele, die de wet gheaenvert hebben, also vors. es te volghene up de wet, wijsen de vornomde vinderen hemlieden hier af te stane up haer recht, omme te volghene also haerlieder raet ghedraghen sal, sonder last ofte commer van jouffr. Lente vors. a Item als van allen partcheele van provanchen perdcn ende andre partcheelen vereocht, also de deelbrieven der af meinsioen maken ende verelaren, wijsen de vorn. vinderen jouffr. Lenten vors. daer of onbegrcpen te stane , ende haer daer af rekeninghc ende bewijs te doene den hoyre, ter goedcr trouwen, ghelijc datse ghepresenteert heeft in haer deelbrieven, ende evenverre dat de coepers, daer of gheweest, daer of tachter sijn, dat de houderighe ende thoyr vornomt daer af bliven staende in haren redite, deen metten andren, omme die te innene, also haerlieder raet ghe- draghen sal, ende evenverre dat jouffr. Lente vors. van desen vercochten goede ontfaen verghelt betoeghen can,also soe scul- dich es te doene ter goeder trouwen , dat soet in den ghemeenen commer ende proffijt ghegheven heeft, dat haer dat scade doe, mits dat soet dede ter goeder trouwen, omme tghemeene proffijts wille, uten groeten overlaste ende uploepe, die haer ghedaen was, also claerlike ter kennessen vanden vinderen commen es. Item aise vanden perde, dat jouffr. Lente vors. haren broeder sende in verghelde vanden costen ende houdenesse, dat sij Philipse ende hare ghedaen hebben, ende dvvclke pert jouffr. Lente vors. gheestimeert heeft weert sijnde m lib. gr., also de deelbriven ver- elaren, waer up thoyr verantwoerden, dat vors. pert vêle beter (« ) was dant jouff. Lente vors. gheestimeert heeft, metmeer woerdenr wijsen de vorn. vinderen* aensiende dat peert te dieu tijden niet also boghe ghestelt moclite wesen, weer.t sijnde alst was ter tijt van Philipse in sicre muegentheden ende naer den beslotenen tijt, die doe was doe.soc tpeert sende, ende naer al dats voer hemlieden commen es, dat jouffr. Lente vors. daer af den e-yre overlegghe ende betale deelt van v lib. gr., mits den redenen, dat jouffr. Lente vors. dat peert sende ute hacr selven, sonder eeneghen overlast van dien coramer, haer gbedaen sijnde, ende eist so, dat jouffr. Lenten broederen vornomt, als goede liede, bij trouwen ende bij eede, seggben willen ende verclaren, hoe vêle dat sij Philipse hier af ghebeescht souden bebben, dat thoyr hier of instaen sullen jouffr. Lenten broederen vornomt als van d'heelt te vermoedene. Item aise van den p' mten (paiement en?) die der Everaerd den Wielmakere hilt vin maend,ende daer of ghebeescht heeft m gr. sdachs, also de deelbrieven daer of verclaren, wijsen de vorn. vinderen beede den partien vornomt dien coramer te weerne ghemeene, len besten dat sij sullen moghen; ende aise vanden m gr., die jouffr. Lente ghebeescht heeft van den p' menten te houdene, die soe van der Everacrde ontfinc, ende vanden vin gr., die thoyr heesseben van perdehuere vanden selven p' menten , so wijsen de vorn. vinderen beede dese heesseben vorn. van gheenre weerden sijnde, ende dat de p' mte vors. ghalt gbedeelich te sine. Item aise vanden u perden, die Lodekijn van Artevelde liet te Clais Boudijns, te Brugghe, doe hij van den wighe van Roesbeke quam, ende van den v perden, die de wet dede balen ute harer mogentbeden; voert van den c lib. gr., eist me.erof min, ghehaelt in den wissel, wijsen de vorn. vinderen elken van partien vornomt daer of te stane in haren redite, omme te volghene up de ghene, diet ghehaelt bebben, also der houderighen ende thoyrs raed ghedraghen sal, ende te deelne, datter of commen mach , also sij sculdich sijn de doen. Item aise van den u crucifixen, tivee scrinen vid goeds , xim sticken ouden kannen ende potten verghult, eene groete verghulde plateele , eenen fonieinpoi , \\ zoutvaten , m cun- deleeren, xxvn selverine scalen , xm scotelscalen , u bekers,een pladijnbeker dobbel ghedect, un pladine nappen ghedect , vi pla- ( « ) dijn nappe onverdecl , ende aile andere, die de wet, beleederen ofte eeneghe andere ute mogentheden ghehaell hebben , daer of dut de deelbrieven menctioen maken, wijsen de vorn. vinderen elkcn van partien vornomt daer af te stanein baren redite, omme te volghene up deghene, diet ghehaelt hebben, also d' houde- rigghen ende thoyrs raed ghedraglien sal. Item aise van den pape- ghaye metten muten, ende vanden i huer cloche n, die jouffr. Lente vors. Ieende Jhannc den Jonghen, wijsen de vorn. vinderen der houderighen ende den hoyre hier af staende in baren reehte, evenverre dat ziere af gbecrighen moghen, elken te hebbene dat sij sculdich sijn te hebbene, ende daer of te volghene up de weduwe ende thoyr van Jhanne vors. ende jouffr. Lente vors. daerof onbegrepen. Item aise vanden partcheelen van juweelen, die jouffr. Lente vors. in hoefscheden ghegheven heeft also wel ten behoude van hem allen, die den ghedeele toebehort, aise van liare, also de deelbrieven daerof verclaeren, wijsen de vorn. vin- deren jouff. Lente vors. daer of vanden hoyre te stane onbegrepen, ende den hoyre daerin ghehouden sijnde, ghelijc hare, mits den redenen dat soet dede ter goeder trouwen, omme tgoed te behou- dene ten ghemeenen proffite, ende men wel also vêle in anderen pointen over jouffr. Lente vors. ghegaen es. Item aise vanden partcheelen van sculden, die jouffr. Lente vors. up brocht heeft, die men heesschende was ter tijt dat Philips vors. voer van live ter doid, also de deelbrieven verclaren, wijsen de vorn. vinderen partien vors. hier af te stane in baren rechten, ende die ghedee- liehte sine, evenverre dat mense gheinnen ende gbecrighen mach. Item aise vanden m lib. gr., die jouffr. Lente vors. naer de doid van Philipse vors. Ieende eenen haren vriend, also soe in hacr deelbrieven verclaert ende ghekent heeft, wijsen de vorn. vinderen dat jouffr. Lente vors. vernoughe den vors. hoyre vander heelt vanden m lib. gros, vors., mits de presentatiën, die jouffr. Lente vors. in haren deelbrieven daer of ghedaen heeft, ende soet dede naer de doid van Philipse, sonder consent vanden hoyre. Item aise vanden xu lib.gr., die Martine van Erpe in Ingheland ghesend waren, ende vanden thcerghelde, den bode daer of ghelrivelcerl, ende vanden u vranken , der Jhanne Piken, priesler, ghetriveleert (45) te Martijns bouf vors., hier of de vorn. vinderen wijsen Martine vors. verghelt sijnde de vu lib. gr., die Martine vors. toebehoiren van sinen deele vanden wijne ende maelvezeyen, ende voert van al den anderen sourpluse draghende vi lib. mi s. m d. gr., daer of sal Martine vors. verghelt sijn n lib. x s. gr. als vander houderighc heelft, ende de coste, pine ende moynesse, die hij over tghe- meene proffijt in Ingheland gheadt ende ghedaen heeft. Ende Martine vors. staende in sinen rechte als up sine medeghedeelen als van also verren als zij hem sculdich sijn in te stane naer tha- venant, dat hem van den houderighen ghetaxheert es, also vors. es. Ende mits desen so blijft Martijn tachter jouffr. Lente vors. m lib. xiiii s. m d. gr., daer of dat hij jouffr. Lenten vors. ver- moeden sal, mits dat hem te sinen proffijte ghesend was. Item aise van den n s. gr. gheleend Lonise den Scoteleerc, ende vanden un s. gr., gheleend Jhanne den Scoteleere, wijsen de vorn. vinderen Lonise ende Jhanne vornomt daer af in te stane der houderighen ende den medeghedeelen elken van sinen avenante. Ende aise van Haelbrechte vanden Coerne ende van x s. gr., die hij adde, wijsen de vornomde vinderen jouffr. Lenten vors. dat scade te doene, ghelijc anderen verghelde van ute ghevene. Ende vanden pauewen ende paeuwinnen elken te hebbene dat hij sculdich es te hebbene ende evenverre dat mer bâte of ghecrighen sal moghen. Item aise vanden partcheelen van coerne, gheleend also de deel- brieven daer of verclaren, wijsen de vorn. vinderen partien hier af te stane in haren rechte, omme up de persoene, diet gheleent es, te volghene ende innighe te ghecrighene, ten besten dat sij sullen moghen, aise haer lieder raet ghedraghen sal. Item aise vander partcheelen vanden sculden , die jouffr. Lente vors. up bracht heeft, die men hemlieden heesschende es, also de deel- brieven daer of verclaren , wijsen de vorn. vinderen der houde- rigghen ende den hoyre hier af te stane in commer ende laste, diere af commen mach, evenverre dat mense ghelden moet ter goeder trouwen, die jouffr. Lente vors. claerlike weet sculdich sijnde, ende die men redeliken betoeghen mach. Ende evenverre dat jouffr. Lente vors. hier of betaclt heeft, ende daer af verghell toeghen mach, dat hare dat scade doe, ende evenverre datter ( M ) eencghc partcheele van heesscben van commère ende sculden sijn, daer jouffr. Lente vorn. geene kennesse af en heeft, dat de houderighc ende thoyr hemlieden daer af verweeren sullen, eist naer de wet vander poert, ofte naer dat haerlieder raet ghedraghen sal. Item aise van allen den onversiene costen, daer jouffr. Lente vors. in haer deelbrieven mentioen af ghemaect heeft, wijsen de vorn. vindercn der houderigghen ende den hoyre die te gheldene ghemeene, ute ghedaen vanden dienste van Jhanne van Brecht ende van Jhanne den Wulslaghere, wijsen de vorn. vinderen als van Jhans dienste van Brecht der houderighen te gheldene de twee deel ende den hoyre tcrdendeel. Ende van Jhans Wulslaghers dienste, dat jouffr. Lente vors. dat ghelden soude shoyrs cost vors. Item aise vander huutfeerde, testamente, restoere, ghiften ende aelmoesenen wijsen de vornomde vinderen jouffr. Lente vors. daer af onghehouden te sine, ute ghedaen esser restoyr oftcghifte, sprutende ute dienste, vorwaerde ofte sculden, daer af jouffr. Lente vors. ghelijc den hoyre ghehouden te sine. Actum xiu Mai]. » Item als van dat jouffr, Lente vors. gheheescht heeft onvcrlet te stane, vonde rnen namaels eenich goed meer in baten ofte in commer, wijsen de vorn. vinderen dat jouffr. Lente vors. niet verder onverlet no onhegrepen staen sal dan de tax van haren ecdeghedraecht, naer de wet vander poert, van al sulken goede, als so niet opbrocht heeft, daer so haren eedt up ghedaen heeft, ende so wiste ende sculdich was te wetene ende sindert vernemen can ende bevinden, ende so daer of gheen ghedeel en biedt also soe sculdich es te doene, omme den hoyre daeraf te stane in sinon redite te volghene verloechenden goede, naar de wet vander poert, ende van allen andren goede te stane onbegrepen ter goeder trouwen. Item aise vander houderighen costen, die so gheheescht heeft bij al den redenen int point van haren deel- brieven, ende welke coste thoyr gheweert hebben met sulken redenen, als sij in haer weerbrieven toe gheseit hebben, wijsdcn de vorn. vinderen der houderighe vors. te hebbene uten ghe- meenen goede over hare theere ende coste xii gr. sdaehe deersle jacr lanc duerencle, ende niet voirder. Item aise vanden deelbrie- ven te scrivene ende le ordenecrene wijsen de vorn. vinderen de ( 48) houderighen hier af te gbcldene deene heelt ende den hovre dander heelt, ende voort elken sijn weerbrieven te gbcldene up sinen cost, de welke saken commen sijn ter kennesse van sce- penen ende gheseit in kennessen van scepencn vander (cuere) ende vanden vinderen, ende in presentien van partien ende ter begberten van den mannen ende partien, ghestelt in scepenen bouc omme de meerre vastenessc, so waest dat partie voir ele anderen quiten van aile saken, die sy deen den anderen heeschen mochte, sprutende ofte toecommende uten occoysoene vander vorn. versterfte. Ende kenden hem onderlinghc van al lai wel vereffent ende versebeeden. Aclum xvi Maij. » Voirt es te wetene dat partien onderlinghc ele anderen vcrghclt ende betalinghe gbedaen bebben van eeneghe pointen, int vors. seghen verelaert, ende die gheab.... nert (gheubandon- neert?) ende ghedoid bebben deen iegben dander, gelijc dat een cedule verclarde, die sij overgaven, also de pointe hienacr volghen van woirde te woirde, dats te wetene, aise vanden p' de, dat de houderighe sende haren broederen, daer of tboyr vernoucht sijn. Item vanden m lib. gr. die de houderighe leende een haren vriend, also de deelbrieven verclaren, dats te verstane miere vrouwen vander Maelsteden, de houderighe ende tboyr d'af sijnde onder rekent ende vereffent. Item aise vanden vu lib. gr., die Martine anegbewijst sijn over sinen deel vanden wine ende malevezeyen van den xu lib. gr., die de houderighe Martine sende in Ingheland , ende van den theergelde den bode ghetriveleert, ende van den n vranken, d'Jhanen Piken, priester, ghetriveleert le Martijns bouf vors. Ende van den n lib. x s. gr., die Martine angbewyst sijn over dat hij over tghemeene proffijt in Ingheland gbedaen heeft, van al desen pointen vornt. kennen hem partien vornomt d'af deen den anderen van al onderrekent ende gbenoucb ghedaen. Ende van den houderighen theere dicregbelike veraeordeert sijnde, dats te verstane de houderighe an deen zijde ende tboyr an dan- der zijde. Actum xiiii die Maij l. » 1 Staienvangoed, 1380-1383, bl. 54v-55v. w L'ART DANS LA SOCIÉTÉ ET DANS L'ÉTAT; % PAU Edouard FETIS, MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. (Mémoire présenté a l'Académie 1<- 6 octobre 1870.) Tome XXII. (3) L'ART DANS LA SOCIÉTÉ ET DANS L'ÉTAT. i. Origine de l'art. — Ses premiers monuments. — L'homme artiste avant tout. — Les beaux-arts n'ont pas de berceau. — L'art et la civilisation. — Le but de l'art. — Sa puissance comme moyen de répandre les idées morales. — 11 apprend à connaître et à aimer la nature. — Il est la source de l'histoire. Lorsqu'on parle des beaux-arts, les questions qu'on s'abstient d'examiner sont précisément celles qui doivent être considérées comme fondamentales et sur lesquelles il est indispensable de fixer, avant tout, son attention. Ne faut-il pas, dans l'ordre na- turel des choses, établir les principes, avant de s'attacher aux conséquences qui en dérivent? Cestce que je me propose de faire, en recherchant quelle est l'origine de l'art, quel est son but, quelle est son influence sur le caractère des nations, aussi bien que sur leurs plus précieux intérêts moraux et matériels, enfin quelle est la mission que les artistes sont appelés à remplir dans la société. L'art tire son origine des instincts mêmes de l'homme, du double penchant qui le porte à assurer sa conservation, d'une part, et à travailler incessamment, de l'autre, à l'amélioration de sa condition morale. C'est surtout à l'influence de ce dernier (*) sentiment que les beaux-arts ont dû leur naissanee et leurs déve- loppements, et si je fais mention du premier, c'est pour ne pas rompre complètement avec la tradition. On attribue l'origine de l'architecture à la prévoyance qui poussa l'homme à chercher un abri. Le palais ne serait que l'extension de la cabane qui aurait elle-même emprunté l'idée première de sa configuration aux voûtes de feuillage sous lesquelles les premiers habitants de la terre se réfugièrent pour éviter les feux du jour ou les intem- péries du ciel. L'art était-il pour quelque chose dans la recherche des moyens de satisfaire ce besoin de conservation? En partant de ce principe, l'animal qui construit son gîte, l'oiseau qui se fait un nid, l'abeille qui pétrit les alvéoles de la ruche seraient aussi des artistes. L'erreur de cette prétendue origine de l'architecture est manifeste. Winckelman s'est trompé comme tant d'autres , quelle que fût, d'ailleurs, l'élévation de ses vues, lorsqu'il a dit : « Les arts qui tiennent au dessin doivent leur origine au besoin. » L'art com- mence précisément là où finit le besoin. Tant que le besoin com- mande, l'homme ne fait qu'obéir à des instincts aveugles. Il ne devient artiste que lorsqu'il échappe à cette loi qui régit en lui la matière, lorsqu'il donne, dans la mesure du développement de ses forces intellectuelles, un libre cours à ses facultés morales. Toute autre explication de l'origine des beaux-arts est fausse et contraire à la dignité humaine. L'homme ne s'élève pas au-dessus du reste des êtres organisés, lorsqu'il pourvoit aux besoins qui ont pour but la conservation de l'individu et de l'espèce. Il entre seulement en possession des attributs de son organisation supérieure, lorsqu'il manifeste ses tendances pour les choses qui n'ont point de rapports avec les besoins physiques. On a voulu aussi que l'origine des beaux-arts fût le produit du hasard. Tout le monde connaît la fable de la fille de Dibutade dessinant, à la lueur dune lampe, la silhouette de son amant. Il existe une autre tradition, moins poétique, qui attribue l'invention du dessin à un certain Saurius, lequel traça sur la terre l'ombre de son cheval. Je ne parle pas de ces fables pour les démentir, on (5) ne dément pas les fables, mais pour établir que l'idée sur laquelle elles reposent est erronée. Le hasard n'a été pour rien dans la découverte du principe des arts du dessin. Cette découverte devait être forcément le résultat des investigations de l'esprit humain. L'homme devait chercher ce principe et le trouver. 11 le devait en vertu de la loi suprême de sa destinée, de cette loi qui lui fait dérober à la nature tous ses secrets pour les employer au perfectionnement de sa con- dition. Si la découverte du principe des arts du dessin avait été le produit d'un accident, l'application de ce principe serait de- meurée longtemps le privilège d'une partie du monde, tandis qu'on a retrouvé des traces de la manifestation du sentiment artiste, contemporaines des plus anciennes époques, dans toutes les contrées du globe, chez des peuples entre lesquels il n'y avait pas eu de relations. Ce qu'on a longtemps ignoré, ce que les récentes découvertes géologiques ont révélé, c'est que l'art fut cultivé dès les premiers âges du monde, dès les temps antérieurs à toute tradition histo- rique. On a trouvé, parmi les ustensiles à l'usage des hommes de la race primitive, des figures de mammouth et de renne sculptés ou gravés sur des plaques de schiste, de silex, d'ardoise ou d'ivoire. Le plus souvent ce sont des représentations isolées d'ani- maux; mais on a découvert, parmi ces curieux monuments, une composition ayant pour sujet un combat de rennes où apparaît un certain sentiment de la forme et du mouvement. II existe aussi, du même temps, des essais de représentation de la figure humaine. Beaucoup d'ustensiles sont ornés de dessins en relief ou gravés dont les motifs n'accusent assurément ni une grande richesse d'imagination, ni une grande habileté d'imitation, mais qui n'en sont pas moins pour nous un témoignage important, un précieux symptôme. Ces reliques d'un passé que son éloignement rend presque fabuleux , sont généralement regardées comme des objets de pure curiosité. Elles ont, au contraire, une haute valeur anthropologique et philosophique, car elles fournissent un argu- ment sans réplique à l'appui de cette opinion que l'art n'est pas, ( 6 ) ainsi que quelques-uns le prétendent, une superfluité, mais qu'il répond à un besoin réel de l'homme. On a dit mille fois que le développement du sentiment artiste était le résultat d'une civili- sation avancée. Mille fois on est tombé dans une erreur évidente. Ce sentiment est tellement inné, qu'il se manifeste antérieure- ment à toute civilisation. L'art est le premier bégayement de l'homme; il dessine avant décrire; c'est le moyen qu'il emploie préférablcment à tout autre, pour donner une forme à sa pensée. Ses premières impressions lui viennent du dehors; la nature les lui fournit; il éprouve le besoin d'en fixer le souvenir. L'art ne lui sert pas d'abord à exprimer des idées, mais à reproduire les images qui l'ont frappé. Il voit, il imite. Ceux qui, de nos jours , prétendent interdire les conceptions aux peintres et les réduire au rôle d'imitateurs de la nature, veulent donc ramener l'homme à son enfance, au point de départ de la civilisation. Comme je viens de le dire, l'art est la première manifestation de l'esprit humain; il est aussi l'expression la plus avancée de la civilisation : c'est le besoin, à des degrés divers, des primitifs et des raffinés ; c'est le besoin de tous les temps, de tous les hommes, de toutes les sociétés; c'est le besoin universel. De prétendus philosophes s'efforcent de prouver (étrange am- bition!) que l'organisation de l'homme est semblable à celle des animaux et qu'il ne diffère de ceux-ci que par des sens plus sub- tils. La meilleure réponse qu'on puisse faire à ces tristes théories matérialistes, trop manifestement absurdes d'ailleurs pour être dangereuses, c'est de mettre sous les yeux de ceux qui voudraient les propager ces curieux spécimens d'un art presque aussi ancien que le monde. Ils témoignent assez de l'existence chez l'homme d'un principe d'organisation qui lui est particulier, et qui lui as- signe un rang à part dans la création. L'homme primitif ne se contente pas du nécessaire; il se donne le superflu, ou plutôt ce qu'on appelle le superflu est également pour lui le nécessaire, un second nécessaire. Lorsqu'il est encore, pour ainsi dire, en lutte avec la nature, lorsqu'il ne parvient à vivre qu'à force de rudes travaux et de combats, au milieu de luttes continuelles contre les éléments et contre les animaux dan- (7 ) gereux qui pullulent, le goût de l'art naît et se développe en lui. Il faut que ce soit un besoin bien impérieux, puisqu'il dérobe aux né- cessités de la vie le temps indispensable pour le saiisfaire.il i;e suf- fisait pas à l'homme primitif de vivre physiquement; il fallait aussi qu'il vécût intellectuellement. Les économistes qui se préoccupent uniquement du bien-être matériel des populations et qui ont la prétention d'agir en cela sous l'impulsion d'une idée de progrès, nous ramèneraient donc, si on les laissait faire , à la première en- fance de l'humanité, au temps qui précéda l'âge de pierre, contem- porain des monuments que nous ont fait connaître les récentes découvertes géologiques. J'insiste sur les conséquences qui dé- coulent de l'existence aujourd'hui constatée de ces monuments, parce qu'elles sont capitales relalivcmcnt à l'objet qui nous occupe. Entre un besoin instinctif et un besoin développé par de certaines conventions de l'état social, la différence est grande. Ce ne sera pas inutilement qu'on aura prouvé que le goût pour l'art est inné chez l'homme, que c'est le besoin de l'esprit comme l'appétit est le besoin du corps. Quand il sera admis que le sentiment artiste est la manifestation la plus libre, la plus spontanée de l'intel- ligence, que ce sentiment est antérieur à toute science, à tout raisonnement, et que l'homme qui en est privé ne s'élève pas au-dessus de la brute, on sera bien obligé de reconnaître que l'art n'est pas une superfluité. Ce ne sont pas seulement les monuments tirés des entrailles de la terre où ils étaient enfouis depuis des milliers d'années, ce ne sont pas seulement ces monuments qui montrent que le goût pour l'art n'est pas le produit d'une de ces conventions auxquelles donne naissance une civilisation raffinée, mais bien l'exercice de l'une, des facultés naturelles de l'homme. Entre les objets de tout genre retrouvés dans les habitations lacustres et qui appartiennent à des temps antérieurs à la tradition historique, il en est beaucoup dont la forme ou les ornements attestent la notion instinctive du principe élémentaire de l'art. Parmi les peuplades sauvages n'ayant jamais eu de contact avec les habitants de pays civilisés, aucune n'a été trouvée complètement étrangère à ce principe. Toutes avaient des armes, des étoffes, des ustensiles domestiques (8) pourvus d'une ornementation plus ou moins compliquée, suivant la portée de leurs facultés intellectuelles, car la nature n'a pas doté toutes les races de la même délicatesse d'organes, mais toujours suffisante pour confirmer la théorie de l'existence du sentiment artiste inné chez l'homme et de son développement, jusqu'à un certain degré, indépendamment de tout état de civi- lisation. Partant de cette fausse idée que les arts du dessin avaient été inventés , tandis qu'ils sont nés d'eux-mêmes, nés providentiel- lement sur tous les points habités du globe, on a cherché quel avait été leur berceau et quelle route ils avaient suivie pour se répandre dans le monde. Que de discussions, que d'affirmations contradictoires, de systèmes opposés l'un à l'autre, de théories élevées sur la base fragile des hypothèses ! Est-ce dans l'Inde ou en Egypte, ou dans quelque autre contrée, que les beaux-arts furent inventés? Chaque patrie qu'on leur assignait eut des dé- fenseurs également savants, également affirmatifs, également passionnés. On avait saisi des témoignages irrécusables de leur origine; on dressait, en quelque sorte, leur état civil et l'on traçait leur itinéraire, comme si on les avait suivis à la piste. Par malheur pour les savants en question , on a trouvé çà et là des preuves de la fausseté de leurs systèmes, en constatant, par l'inspection de monuments inconnus de leur temps, que les beaux-arts furent portés simultanément au même degré de per- fection chez des peuples entre lesquels il n'y eut pas de rapports. L'art n'est pas une invention, une découverte, l'idée d'un seul que d'autres ont acceptée, propagée; c'est l'idée de tous, c'est le sentiment universel. L homme naît artiste et lorsqu'il produit des œuvres d'art simples ou complexes, selon que le permet le degré d'avancement de son éducation, il ne fait que remplir une fonc- tion dépendante de son organisation. L'art est le premier symptôme de la civilisation; il en est aussi le dernier. 11 est le plus sûr indice de la santé morale des peuples. Les beaux-arts sont dans un état prospère chez les peuples arrivés à la plénitude de leur développement, là où règne un harmonieux accord des facultés individuelles et des institutions sociales. S'ils (9) sont en souffrance , c'est qu'il existe quelque obstacle à la libre expansion des forces vitales de la nation. Art naïf, mœurs simples d'un peuple organisé pour le progrès. Art perfectionné , civilisa- tion robuste. Art corrompu , société en décomposition. Ces signes sont infaillibles. Quand on veut savoir ce qua été un peuple et quel rang il con- vient de lui assigner dans l'histoire des nations civilisées, on ne demande pas s'il a eu des grands seigneurs, des diplomates, des financiers, des économistes, des industriels; on demande s'il a eu des artistes. A l'aide d'une statue, d'un bas-relief, dune mo- saïque, d'une peinture, on reconstruit une nation, comme Cuvier reconstruisait, au moyen d'un seul fragment fossile, un animal des temps antérieurs aux révolutions du globe. Chantez et je saurai quelles sont vos mœurs, disait un philo- sophe athénien aux habitants de je ne sais quelle ville de la Grèce. Les arts du dessin donnent également une indication cer- taine de la situation intellectuelle d'un peuple. « Montrez vos monuments, vos statues, vos tableaux et l'on vous dira ce que vous êtes, ce que vous valez moralement; si vous êtes libres ou esclaves; si vos mœurs sont pures ou corrompues; si c'est l'esprit ou la matière qui domine en vous. Enée, débarquant en Afrique, craint de ne pas trouver un accueil favorable chez des peuples dont il ignore la langue et dont le caractère ne lui est pas connu. Cette pensée lui inspire de la défiance; mais dès qu'il aperçoit les tableaux qui ornent leurs temples, il se rassure et s'écrie : Sunt lacrimœ rerum, etc. Un peuple qui cultive les arts ne peut qu'être accessible aux bons sentiments. Posera-t-on cette question souvent débattue : quel est le but de l'art? On y a, en quelque sorte, répondu dans ce qui pré- cède; on y a répondu en donnant la preuve de l'existence pro- videntielle de l'art, en le considérant comme l'exercice de l'une des principales facultés humaines. Le but de l'art est de fournir à cette faculté des occasions de recevoir son application, et de procurer aux hommes les jouissances que donne la culture intellectuelle. L'art a son objet en lui-même; il répond à un be- soin instinctif. C'est le jeu naturel d'une partie de nos organes, ( io ) de ceux auxquels se rapportent : la manifestation de la sensibi- lité, la faculté de conception, le penchant à limitation, l'art de combiner. L'art existe sans but déterminé; mais l'homme civilisé l'em- ploie, comme les dons qu'il tjent de la nature, en vue d'une destination utile. L'art peut être une récréation ou un ensei- gnement. Même lorsqu'il n'est qu'objet de récréation, il remplit sa mission d'utilité. Il faut à l'homme des impressions ou physi- ques ou morales. Celles-là sont le plus souvent nuisibles; celles-ci sont toujours salutaires. Ne servît -il qu'à détourner l'homme des jouissances matérielles qui l'abrutissent et le démoralisent, l'art rendrait un grand service à la société. Si l'on dressait une statistique comparative des délits et des crimes chez un peuple qui cherche ses plaisirs dans la culture des beaux-arts et chez celui qui attend toutes ses jouissances de la satisfaction des appé- tits physiques, on obtiendrait des résultats dont s'étonneraient fort ceux qui ne voient dans l'art que de simples questions de dilettantisme. L'art peut être, il est souvent un enseignement. C'est un moyen de répandre des idées morales, en même temps que des notions historiques. Il réussit d'autant mieux à propager ces sortes d'idées, qu'il s'adresse à l'imagination, qu'il l'excite et lui donne un rôle à remplir. Tel homme, dont l'esprit est peu cultivé, ne lira pas un chapitre de morale ou un récit dont la conclusion est une leçon; et s'il lit de tels morceaux, il ne les comprendra pas ou il les trouvera ennuyeux. Ce même homme s'intéressera à la représentation picturale ou plastique d'une action d'où se déga- gera l'idée morale. Cette idée, présentée sous la forme attrayante de l'image, ne lui est pas imposée; il faut qu'il la conçoive comme une conséquence tirée du sujet, de la composition, de l'expres- sion des personnages, et c'est dans ce sens que nous parlons du rôle attribué à l'imagination du spectateur. Les efforts qu'il aura faits pour se rendre compte de la signification du tableau et la satisfaction de l'avoir comprise, fixeront dans son esprit l'idée qu'un autre mode de communication n'y eût pas fait pénétrer. L'art ouvre d'immenses sphères d'impressions et d'observa- ( 11 ) tion. L'homme qui reste perpétuellement en présence des petits faits et des menues particularités de la vie réelle, est manifeste- ment inférieur à celui dont l'esprit se met en contact avec les idées que font naître l'examen et l'analyse des œuvres d'art. On a, de notre temps, voulu pallier cette infériorité, la colorer, en faire même un titre de gloire. L'homme pratique est loué comme tel; il voit les faits, les enregistre, taxe leur valeur en chiffres; c'est un personnage utile, que les gens qui se piquent d'être de leur temps mettent hien au-dessus des penseurs, race maudite dont on ne peut rien tirer pour le bonheur d'une société avide de bien-être matériel. On ne connaît la nature, on ne la comprend, on ne raiinc que lorsqu'on a fixé son attention sur la manière dont elle est rendue dans les œuvres d'art. Obligé de l'étudier pour comparer l'imita- tion avec la réalité, on aperçoit une foule de détails, de particula- rités qui font sa richesse et que ne soupçonnent ni les hommes pratiques, ni leurs admirateurs. Pour juger de la façon dont le sujet a été traité par l'artiste, il faut réfléchir à la manière dont il doit être envisagé, sans quoi, comment pourrait-on approuver ou critiquer? Les facultés de conception et d'analyse se développent, la sphère des observa- tions et des idées s'élargit. La nature entière formant le domaine de l'art, l'homme artiste est amené à exercer son esprit sur d'in- nombrables sujets; il acquiert infailliblement une grande supé- riorité intellectuelle sur l'homme pratique qui ne voit que le fait et ses résultats mathématiques. Nous venons d'énumérer quelques-unes des propriétés de l'art; nous venons de dire à quelle destination élevée il tend et de quelles manières diverses il répond à cette destination. Nous l'avons vu procurant à l'homme les jouissances les plus nobles et les plus pures, l'instruisant, élargissant le cercle de ses idées, le faisant pénétrer dans un monde d'impressions, de sentiments, d'observations et de pensées qui reste fermé aux adorateurs du fait. Ce ne sont pas là les seuls services qu'il rende à l'humanité. Il est, pour l'histoire, la source la plus abondante et la plus sûre; il est comme un miroir où se reflète la physionomie des généra- ( 12 ) tions éteintes. L'art seul rattache le présent au passé. Or l'homme a hesoin de vivre dans le passé par la mémoire, comme il a be- soin de vivre dans l'avenir par l'imagination. Il aime à se sou- venir et à prévoir. C'est l'art qui caractérise les époques histo- riques, qui leur donne une forme et les fixe dans la pensée. Quand on entend les mots : antiquité, époque byzantine, moyen âge, renaissance, aussitôt le style des monuments d'art de cha- cune de ces grandes phases historiques se présente a l'esprit. Sans l'art, ce ne seraient que des fantômes; par lui, ce sont des figures vivantes. L'art nous donne la connaissance des mœurs des peuples. Cest au moyen de ses monuments qu'on fait revivre les nations mortes et qu'on les oblige, en quelque sorte, à raconter leur histoire. Que saurait-on de l'Egypte, sans les monuments qui ont permis de la reconstituer comme on fait d'un édifice dont on a relevé les fragments épars? Semblable au sphynx, son énigmatique personnification, cette contrée mystérieuse fût de- meurée éternellement impénétrable. Nous ne parlons pas des inscriptions hiéroglyphiques au moyen desquelles on a établi la succession des dynasties; mais n'est-ce point par les peintures des hypogées qu'on a pu acquérir la notion complète des usages des Égyptiens et préciser jusqu'aux plus petits détails de leurs mœurs? Grâce aux monuments de l'art, on s'est formé une certaine idée de peuples qui n'avaient dans l'histoire qu'une existence douteuse et qui semblaient tenir au moins autant de la fiction que de la réalité. Avant les découvertes archéologiques de Ninive, le nom d'Assyrien n'éveillait dans l'esprit l'idée d'nucune forme particulière de civilisation. Les monuments dont MM. Botta et Flandin, ainsi que M. Layard, ont enrichi les musées de Paris et de Londres, ont fait passer dans le domaine de la réalité un peuple qui, jusqu'alors, n'était guère sorti de celui de la fable. En étudiant ces monuments, en recueillant avec sagacité les indications qu'ils fournissaient, on a pu tracer un portrait exact de cette nation assyrienne exhumée tout entière avec les ruines de ses temples et de ses palais, décrire ses usages religieux et civils, la montrer au milieu de ses occupations, détailler avec précision toutes les particularités de sa vie intime. ( 13 ) Pour écrire son curieux et excellent ouvrage des grandes mo- narchies ( The Five great monarchies ofancient eastern world), M. Rawlinson s'est servi exclusivement de monuments des arts à l'aide desquels il a donné une restitution complète de la Chal- dée, de l'Assyrie, de la Babylonie, de la Médie et de la Perse, sans omettre aucun des traits de la physionomie, du caractère et des usages de ces nations dont le souvenir ne se détachait que vaguement du fond brumeux des traditions chronologiques. Les textes littéraires fournissaient plus de renseignements pour l'histoire de l'antiquité grecque et romaine; mais il n'en est pas moins vrai qu'on ne connaît bien cette histoire que lorsqu'on a complété l'étude des historiens, des philosophes et des poètes par celle des monuments. C'est à cette dernière source qu'il faut puiser, pour pénétrer dans le vif des mœurs de la Grèce et de Rome. Quelques visites à Pompéi et au Museo Borbonico font mieux apprécier la société romaine, que les récits des historiens les plus exacts et les plus précis. C'est là qu'elle nous apparaît dans sa réalité. Et le moyen âge, où est sa véritable histoire? Est-ce dans les nar- rations des chroniqueurs ou dans les compilations des annalistes? En aucune façon; c'est dans les œuvres des artistes. Elle est sculptée sur les murs des cathédrales et des hôtels de ville; elle est peinte dans les miniatures des manuscrits, dans les mosaïques et dans les verrières; tissée dans les tapisseries; émaillée, ciselée, incrustée dans les innombrables objets du mobilier religieux et civil sur lesquels s'est exercée l'habileté de ces admirables artistes qui ont su animer la matière et la faire parlante. Nul ne peut se flatter de connaître le moyen âge, s'il n'a examiné avec soin les monuments de tous les arts qui ont reçu et gardé l'empreinte de sa physionomie, dans lesquels se reflète son image. Nous en dirons autant des époques plus rapprochées de nous. C'est aussi dans les monuments de la peinture qu'il faut étudier le seizième siècle, le dix-septième et même le dix-huitième. Les mœurs des Vénitiens ont-elles jamais été" décrites d'une manière plus vraie, plus frappante que dans les pages brillantes du Giorgione, du Titien, de Paul Véronèse? Quel livre fait mieux ( 14 ) ressortir le caractère de la nation allemande, son esprit, son génie que les œuvres des maîtres de Nuremberg, que les sculp- tures d'Adam Kraft, de Veit Stofs et de Pierre Vischer, que les peintures et les gravures de Burgmaicr, de Wolgemuth et de Durer? Si vous supprimez Fontainebleau, vous ne connaîtrez qu'imparfaitement l'époque de François Ier et de Henri II; si Versailles n'existait pas, on n'aurait qu'une idée incomplète du règne de Louis XIV. Boucher, Walteau , Lancret, Moreau , Eisen sont les plus fidèles historiographes du dix-huitième siècle en France. La Hollande du dix -septième siècle est personnifiée dans les œuvres de Rembrandt, de Van der Helst, de Melsu, de Mieris, des Van de Velde, des Van Ostade, de Wouwerman, de Jean Steen. Ses mœurs publiques sont représentées ad vivum dans la Ronde de nuit et dans le Banquet des arquebusiers; ses mœurs privées se reflètent avec une merveilleuse fidélité dans les com- positions où des personnages, empruntés à toutes les classes de la population , apparaissent comme surpris au milieu de leurs occupations et de leurs divertissements. Quelle plume a jamais mieux fait connaître les Flamands du dix-septième siècle, que les pinceaux de Teniers, d'Adrien Brouwer, de Craesbeek, de Ryc- kaert, de Sallacrt? L'Espagne aristocratique et populaire n'a-t-elle pas sa plus parfaite expression dans les peintures deVelazquez et deMurillo? l'Espagne monastique n'est-elle pas dévoilée dans celles de Zur- baran ? L'art, cet objet de luxe, comme le qualifient de certaines per- sonnes, est la principale source de l'histoire; c'est la base fonda- mentale de la connaissance des hommes et des choses. L'histoire écrite raconte les événements; elle ne fait pas connaître les mœurs. Elle fixe les dates, établit la succession des faits, décrit les batailles, rappelle les combinaisons diplomatiques, met au jour les petits dé- tails des intrigues de cour; elle ne s'occupe guère de ce qui se passe dans les régions moyennes et inférieures de la société; elle laisse dédaigneusement dans l'ombre ce qui se rapporte aux usages de la bourgeoisie et du peuple. Les bourgeois et les manants sont de trop petits personnages pour le théâtre où elle met en scène ( ts ) ses drames politiques. L'art seul nous renseigne sur les particu- larités de la vie ordinaire des peuples de toutes les époques. On se passerait plutôt des textes écrits que des monuments de Part, pour faire l'histoire de l'humanité. Les textes ne nous font con- naître que les faits accidentels, tandis que l'art nous donne l'en- chaînement des idées et nous initie au mouvement de l'esprit hu- main. Nous compléterons notre pensée en disant que les livres où il est presque uniquement parlé de combats, de tueries d'hommes, de l'ambition des princes et des luttes du pouvoir contre le droit. font l'histoire de la barbarie, au lieu que les œuvres d'art fournis- sent tous les éléments de l'histoire de la civilisation. Chaque idée qui a germé, qui a grandi et s'est propagée dans le monde, a laissé une trace dans le domaine de l'art; tout ce que les générations éteintes ont pensé, tout ce qu'elles ont éprouvé, tout ce qu'elles ont souffert et espéré, est exprimé là en traits saisissants, ineffa- çables. L'historien qui ne consulte pas les monuments des beaux arts, qui n'apprend pas à lire dans ces pages sculptées et peintes, manque de ce qui lui est le plus nécessaire pour bien remplir sa tâche. Ceux qui font des beaux-arts l'objet de leurs études, savent quel intérêt on trouve à observer la filiation de certaines formes architecturales, plastiques ou picturales, à voir par quels liens elles se rattachent au développement de la civilisation de diffé- rents peuples. Dans cet ordre d'idées et de faits, les beaux-arts rendent les plus grands services à l'histoire. En l'absence d'autres témoignages, ils ont souvent permis de préciser d'une manière certaine la marche suivie par les peuples dans leurs migrations. Des monuments offrant des caractères identiques sont comme des jalons qu'ils ont placés sur leur route et qui, après plusieurs milliers d'années, désignent clairement leur trace aux annalistes. Résumons-nous sur ce point et disons : L'art, c'est à la fois l'idée et la forme sensible ; c'est l'homme dans toutes ses mani- festations; c'est sa pensée et son ouvrage; c'est le témoignage palpable de son passage sur la terre. Les .générations éteintes re- naissent pour nous dans les monuments de l'art, comme nous re- naîtrons dans les nôtres pour les générations futures. L'art est la ( 16) chaîne sans fin qui relie entre elles toutes les phases de l'histoire de l'humanité. Quand l'idée a revêtu la forme de l'art, elle s'est animée; elle est devenue vivante. Et voilà ce dont on fait bon marché au nom du positivisme et de l'utilitairianisme (deux vilains mots et deux vilaines choses); voilà ce qu'on prétend nous faire considérer comme un superflu dont il serait sage d apprendre à se passer, plus superflu que le tabac qui a du moins l'avantage d'être une source de revenus pour les gouvernements. (')) II. L'opinion des peuples et celle des économistes sur l'art. — Hymne éternel en l'honneur du Créateur. — L'art multiplie les sensations de l'homme. — Moyen de communica- tion universel. — Langue hiératique, historique et démotique. — Les monuments de l'art sont les témoignages du passage des hommes sur la terre. — Souvenirs attachés aux monuments. — Art et nationalité. Dans tous les temps et partout, sauf de rares exceptions qui ne font que confirmer la règle, l'importance des beaux-arts a été re- connue soit par intuition, soit par raisonnement. Cet accord du sentiment chez des peuples ayant différé par les mœurs,] par les habitudes, par le degré de civilisation, cet accord est significatif. On ne se rencontre ainsi que sur la vérité. Il n'y a guère qu'en notre temps de progrès, qu'on ait imaginé de traiter l'art cavaliè- rement, de déterminer la part qu'il doit avoir dans l'organisation sociale et de la mesurer avec parcimonie. Cette idée appartient aux économistes qui ont la prétention de tout régler et qui, au nom d'une science douteuse, veulent réduire à peu de chose, à la moindre chose possible, l'objet le plus nécessaire* à la vie intel- lectuelle. Chez tous les peuples l'art fut le principal mode de manifesta- tion du sentiment religieux , l'hommage regardé comme le plus digne de la divinité. Partout, aux époques de foi vive et sincère, quels que fussent la croyance, la religion, le culte, les hommes se sont efforcés de construire de beaux temples, de les orner, d'y réunir les spécimens les plus parfaits des produits de leur génie, de leur industrie. Rien ne leur a coûté pour embellir les lieux Tome XXII. 2 ( 18 ) consacrés à la prière. L'art lui-même était une prière permanente, la langue universelle employée pour louer le Créateur, c'est-à-dire pour accomplir l'acte intellectuel le plus important, selon la pensée des croyants de toutes les religions. L'homme a cru devoir mettre en œuvre toutes les forces de son génie, pour s'élever jusqu'à la divinité, et c'est l'art seul qu'il a jugé propre à lui en fournir les moyens. Les idées religieuses n'ont plus aussi généralement cours qu'autrefois; mais il y a toujours un culte. Beaucoup de gens pra- tiquent aujourd'hui le culte de l'homme, le culte d'eux-mêmes et c'est encore l'art qui sert à sa célébration. Après avoir été divin héroïque, l'art s'est fait humain. La nouvelle mission qui lui est assignée, c'est de représenter l'homme avec ses passions, ses sentiments, ses joies, ses souffrances, ses plaisirs ou ses occu- pations. Les propagateurs des nouveaux principes assurent que l'homme ne peut s'intéresser qu'à l'homme et aux choses qui le concernent directement. Nous n'examinons pas maintenant si cette théorie est fondée sur un sentiment louable ou sur un affli- geant égoïsme; nous admettons, non le principe, mais le fait, et nous disons que l'art est le grand moyen employé pour exprimer, pour répandre les idées qui rentrent dans ce système dautoado- ration. Tout ce que l'homme affectionne , il a recours à l'art pour le louer, pour le célébrer, pour en retracer limage : lui-même d'abord, c'est convenu ; puis la nature comme étant le milieu dans lequel il vit; les animaux dont il tire des services; les campagnes qui le nourrissent; les bois dont il recherche les frais ombrages; les fleurs qui récréent sa vue et flattent son odorat; la lumière qui le réchauffe et colore toutes choses. Ce n'est pas seulement un hommage rendu à ce bel empire de la nature dont il est le souverain; c'est encore une manière de multiplier ses sensations. Après avoir joui par les sens de la réalité, il jouit de l'image par la pensée. Les impressions qu'il a éprouvées en présence de la nature, il les retrouve en partie devant l'œuvre d art. Qui n'a été ému par la représentation d'une action dont le côté dramatique avait été bien saisi et bien exprimé par l'artiste; qui ne s'est senti rafraîchi à l'aspect d'un beau paysage; qui n'est devenu rêveur ( 19) en s'absorbant dans la contemplation d'une marine où une main de maître a su créer le prestige de l'immensité de l'Océan? Toutes les impressions morales et physiques qui sont données à l'homme par la nature, l'art les lui fait éprouver et, par là, double son existence. La littérature tend au même but; mais ses effets sont moins saisissants. Quelle différence, pour la vivacité des impressions, entre la description littéraire et la représenta- tion picturale ou plastique! L'une intéresse l'esprit et excite l'ima- gination de manière à faire concevoir l'idée de la chose; l'autre place le spectateur devant une quasi-réalité. Pour que la descrip- tion produise tout son effet, il faut le concours de deux imagi- nations presque aussi actives, presque aussi puissantes lune que l'autre : celle de l'écrivain qui choisit et groupe les éléments du tableau et celle du spectateur qui donne à ce tableau le mouve- ment de la vie. L'œuvre d'art s'adresse à tout le monde. Elle peut avoir des beautés délicates, des finesses de conception et d'exé- cution qui échapperont à la masse; mais la signification en sera comprise de tous en son ensemble, tandis que l'œuvre littéraire n'est véritablement accessible qu'aux esprits cultivés. Ne peut-on pas conclure de là que l'art est le mode d'expression de l'idée le plus populaire. Et, s'il en est ainsi, que faut-il penser de ceux qui prétendent que l'art sort, pour ainsi dire, de sa sphère, en visant à exprimer des idées; de ceux qui ne voient dans la peinture qu'une mise en œuvre des procédés d'exécution, qu'une occasion de déployer le prestige du coloris et de la lumière? Outre la supériorité que lui donne cette faculté de se faire aisé- ment comprendre, l'image a encore sur la description les avan- tages de la simultanéité et de la permanence. Les impressions produites par celle-ci sont nécessairement fugitives; elle ne pré- sente que successivement à l'esprit du lecteur les détails qui doi- vent concourir à l'ensemble du tableau , en sorte que l'effet des premiers épisodes s'est déjà affaibli, quand arrivent les der- niers. Les sensations éprouvées pendant la lecture persistent plus ou moins longtemps; mais elles finissent par s'effacer, ou du moins par ne laisser qu'un vague souvenir. L'image, peinte ou sculptée, se montre tout entière au même moment; elle frappe ( 20 ) plus vivement, et, de plus, elle est permanente. On peut la con- templer longuement et se bien pénétrer des pensées que fait naître son examen; on y peut revenir plusieurs fois, souvent si l'on en a la tentation. On a également la faculté de relire une description; mais use-t-on de cette faculté? Ce qui fait qu'on ne se lasse pas de voir un bon tableau, c'est qu'il attire et retient par des mérites qui appartiennent à des ordres d'idées diffé- rents et qui sont pour le spectateur une source d'observations va- riées. La conception du sujet, l'invention des épisodes et le style sont des qualités communes au morceau littéraire et au tableau. Celui-ci a, de plus, l'attrait de la beauté des figures, l'énergie ou la grâce des mouvements, l'expression, le coloris, la lumière, la vie. Un autre avantage de l'art sur les autres moyens de commu- nication de la pensée humaine, c'est son universalité. Les textes écrits ne sont intelligibles que dans une contrée plus ou moins étendue, et parfois resserrée dans d'assez étroites limites; ils ne sont compris que d'un petit nombre d'hommes. Les langues changent, se transforment; elles cessent d'être usitées et tombent dans l'oubli. Les idées qui ont revêtu la forme littéraire ne se répandent qu'à l'aide de traductions qui les altèrent plus ou moins. Les productions de l'esprit qui se présentent sous cette forme ne s'adressent donc qu'à un nombre restreint d'intelligences. L'écri- vain, qui aurait l'ambition de penser pour l'humanité entière, n'est compris, en réalité, que de fort peu de ses semblables; sa voix reste étouffée entre des frontières plus ou moins resserrées. S'il en est ainsi pour les langues vivantes, qu'est-ce lorsqu'il s'agit des idiomes enterrés sous les ruines de la civilisation? Rien n'échappe à la pénétration humaine. Des philologues érudits et patients ont pu refaire la grammaire et le dictionnaire de ces langues mortes, à l'aide d'inscriptions à demi effacées; mais quelle dépense de temps, d'application et de sagacité, pour arriver à un résultat dont l'importance n'est appréciée que de quelques sa- vants! Les œuvres de la statuaire et de la peinture, s'adressent à tous, sont comprises de tous : anciennes ou modernes, leurs beautés se dévoilent à tous les yeux, à tous les esprits. C'est une ( 21 ) grande satisfaction pour l'artiste qui crée une œuvre dans laquelle il met son âme et sa science, de pouvoir se dire qu'il travaille pour le monde entier, que sa pensée arrivera directement, sans intermédiaire, sans interprétation, à quiconque possède la faculté de voir et celle de réfléchir. On a souvent parlé d'une langue uni- verselle comme d'une utopie, comme d'un rêve. Elle existe cepen- dant cette langue. Les peintres et les sculpteurs la parlent et se font comprendre en tout lieu. Les peuples se servent de mots différents; mais ils ont tous les mêmes passions, les mêmes sen- timents et la même manière d'exprimer ce qu'ils éprouvent, par les mouvements de la physionomie et par les gestes. Us ont, par conséquent, une égale aptitude à saisir le sens d'une œuvre pic- turale ou plastique reproduisant des actions humaines. L'art est donc la langue universelle. Il est à la fois la langue hiératique, puisqu'il a été, dans tous les temps, employé comme mode d'expression des sentiments religieux; la langue historique, attendu que ses monuments sont comme les pages d'un livre où se lisent les annales de l'humanité; enfin la langue démotique, car il se fait entendre des individus les plus étrangers à toute cul- ture intellectuelle et leur communique les seules impressions morales qu'ils soient en état de ressentir. C'est à l'art qu'on a recours pour fixer le souvenir des hommes et des choses. Lorsqu'un citoyen a rendu de grands services à l'État, le plus bel honneur qu'on puisse lui faire, le plus éclatant témoignage de reconnaissance qu'il soit possible de donner à sa mémoire, c'est de lui élever une statue. S'agit-il de signaler à l'attention des générations futures un événement regardé comme glorieux? on décide l'érection d'un monument commémoratif. H ne suffit pas que le personnage ou le fait soit sauvé de l'oubli, car bien d'autres moyens auraient le même effet : par exemple une inscription gravée sur un bloc de marbre. On veut que le monu- ment soit beau, on sent que le mérite de l'homme et l'importance du fait historique s'accroîtront en proportion de l'estime qui sera faite de l'œuvre d'art. Celle-ci est comme, une auréole dont l'éclat attirera les regards de la postérité, et prolongera à travers les siècles un souvenir rendu impérissable par son prestige. ( 22) Un monument n'est pas une chose abstraite; on ne se borne pas à l'admirer pour ses beautés techniques; on veut savoir quelles sont les mains qui l'ont élevé , à quel temps il se rapporte, quels souvenirs il évoque, quelles idées il exprime. C'est une chose vivante et parlante; c'est l'éternel témoin des événements d'une époque, l'éternel interprète des sentiments dune généra- tion. Nous avons dit que les monuments étaient les véritables preuves de l'histoire et que leur étude avait permis de reconsti- tuer toute l'organisation religieuse, politique et civile de certaines nations éteintes. Ils ont la même éloquence pour les peuples exis- tants qui aiment à les interroger sur un passé auquel ils ne sau- raient être indifférents, sans renier en quelque sorte la sainteté des liens de famille. Lorsqu'en parcourant nos vieilles cités nous nous arrêtons devant les monuments que nous ont légués les générations dont nous descendons, nous voyons autre chose que des formes archi- tectoniques riches et harmonieuses, autre chose que des lignes bien combinées et des sculptures d'un beau travail; nous voyons tout un peuple, nous vivons avec lui; les événements auxquels il a participé nous apparaissent comme reflétés dans un miroir magique. Cette puissance de s'imprégner des idées du passé et*de les transmettre est une des causes qui influent le plus vivement sur les impressions que nous ressentons instinctivement à la vue des monuments. La même cause n'existant pas, dans les villes nouvelles ou rebâties, l'intérêt excité par les productions de l'art architectural est beaucoup moins vif. On peut s'en convaincre en visitant certaines villes de l'Allemagne rhénane brûlées pendant les guerres du Palatinat et reconstruites tout d'une pièce. On les traverse avec indifférence, tandis que dans de vieilles cités voi- sines où chaque pierre, pour ainsi dire, réveille un souvenir et parle à l'imagination, on s'arrête avec intérêt, avec émotion. Le roi Louis de Bavière, cédant à de généreux instincts, a voulu doter son pays de ce qu'il appelait une nouvelle Athènes. On admire la force de volonté qu'il a fallu pour créer, en quelques années, une Munich moderne à côté de l'ancienne; mais ces mo- numents d'hier ne causent encore qu'une partie de l'impression ( 23 ) qu'ils produiront plus tard. Il faut qu'ils aient reçu la consécra- tion du temps, et qu'aux beautés intrinsèques qu'ils peuvent avoir, se soit joint le charme des traditions historiques, pour qu'ils attirent et captivent comme le font les édifices recouverts de la patine séculaire. Les nouveaux quartiers de Paris sont magnifi- ques, si on les considère au point de vue de la largeur des rues et de la richesse des édifices, alignés trop méthodiquement toute- fois; mais pour la génération actuelle qui les a vus s'élever, ils sont loin d'offrir le même attrait, le même intérêt que ce qui exis- tait avant l'invasion des démolisseurs. Rien n'y parle à l'esprit, rien n'y touche la fibre nationale. Les Parisiens sont dans ces somptueux quartiers comme dans une ville étrangère. Ce n'est pas là qu'ont vécu leurs pères, qu'ils ont pensé, qu'ils ont agi, qu'ils ont lutté pour telle idée, souffert pour telle cause, ou fait triom- pher tel principe. Cette identification, si l'on peut s'exprimer ainsi, des senti- ments d'un peuple avec ses anciens monuments est une vérité partout; mais plus incontestable en Belgique qu'ailleurs peut- être. L'histoire de nos communes flamandes, de l'esprit qui les animait, de leur amour de l'indépendance , des efforts énergiques qu'elles ont su faire en faveur de leurs privilèges, se lie intime- ment à celle d'un grand nombre d'édifices, objets de l'affection po- pulaire. Ces hôtels de ville si intéressants par les événements qu'ils rappellent, en même temps que si remarquables par leur archi- tecture; ces beffrois qui donnaient le signal des réunions populai- res; ces halles d'où partaient les produits des fabriques flamandes pour se répandre dans le monde entier; ces maisons où siégeaient les gildes et les corporations dont la participation à la vie com- munale était si active, sont des pages éloquentes de nos annales. Chaque pays puise à pareille source le sentiment de la natio- nalité, de l'attachement à la patrie. Ce qui caractérise l'Italie, ce n'est pas seulement le climat ou la langue, c'est aussi, c'est sur- tout l'art qui a imprimé un cachet particulier sur les innombra- bles monuments répandus dans cette heureuse contrée. Supposez la destruction de ces monuments, l'Italie ne sera plus elle-même; elle aura perdu les principaux traits de sa physionomie. Les Italiens (24) ne se sentiront plus un peuple à part; ils n'auront plus l'orgueil du passé et l'ambition de l'avenir, ces deux sentiments qui font faire de si grandes choses. Nous en dirons autant de l'Allemagne. L'art allemand est, de l'autre côté du Rhin, l'objet d'un culte qui, plus que toute autre cause, influe sur la vivacité de l'ardeur pa- triotique. Les signes de la nationalité allemande existent, avant tout, dans les monuments de l'architecture, de la statuaire et de la peinture que les artistes du moyen âge ont marqués d'une em- preinte si originale. L'unité allemande, dont la réalisation dans l'ordre politique excite en ce moment l'émotion de l'Europe, a en grande partie son principe dans la sphère des idées dont nous cherchons, en ce moment, à déterminer les caractères et l'in- fluence. Elle avait été préparée, elle est expliquée par l'unité de l'art germanique. S'il y avait en Allemagne des arts diversement caractérisés, il y aurait des populations différant par le tempéra- ment, par le génie, par les idées, par les mœurs. Ces populations n'auraient pas de tendance à se rapprocher; elles formeraient au- tant de groupes naturellement divisés, qu'il y aurait de formes techniques particulières. Les peuples qui n'ont point le même art ne sont pas destinés à vivre ensemble. Us n'ont pas le même es- prit, les mêmes besoins de manifestation intellectuelle. Si, au con- traire, ils se rencontrent dans la plus libre de ces manifestations, c'est-à-dire dans l'art, il existe entre eux une attraction sympa- thique qui doit les réunir à un moment donné. On a souvent cherché à fonder sur des considérations géographiques ou topo- graphiques la théorie de la séparation des Etats; on a mis en avant le système des frontières naturelles, lesquelles seraient un fleuve ou une chaîne de montagnes. Ce sont là de fausses idées. L'art donne des indications bien plus précises, bien plus rationnelles, pour former ces divisions territoriales. Toute nation qui a un art à elle est destinée à vivre de sa vie propre. La force brutale peut la détourner momentanément de sa destination; mais une force plus puissante, celle de la justice et de la vérité, remet tôt ou tard les choses dans leur ordre naturel. Ce que nous avons dit de la Belgique, de l'Italie, de l'Allemagne, nous pouvons le dire également des autres nations. L'esprit fran- ( 25) çais est tout entier dans l'art français. L'art espagnol a aussi des caractères particuliers qui tiennent au tempérament et aux mœurs des habitants du pays. Louis XIV a eu beau dire qu'il n'y avait plus de Pyrénées, lors même que cette chaîne de montagnes se fût aplanie en réalité, comme il plaisait à celui qu'on appelle le grand roi de la supprimer dans un langage figuré, deux peuples dont les arts diffèrent si essentiellement n'auraient pas pu s'unir. Quand la France se prolongeait jusqu'au Rhin, l'art flamand et l'art ger- manique protestaient contre une alliance qui ne pouvait pas être durable. La Prusse se fût emparée du Danemark par la force des armes, que l'art Scandinave, snns affinité avec l'art germa- nique, eût suffi pour témoigner de l'antipathie des deux races pour ce mariage forcé. Disons-le donc hardiment, partout où il y a un art distinct, il y a une nationalité. C'est une grande et belle et puis- sante manifestation de l'esprit humain, que celle dans laquelle on voit se personnifier le génie des peuples et leur caractère, que celle où se résume leur existence intellectuelle. Plaignons ceux qui mé- connaissent cette grandeur, cette beauté, cette puissance. Nous n'acceptons pas les démentis qu'on voudrait, au nom de l'histoire, donner aux idées que nous exprimons ici. Sans doute les instincts, les croyances, les penchants naturels des populations n'ont pas toujours été respectés; mais qu'est-ce que cela prouve, si ce n'est que la justice doit parfois céder à la violence? « Rien n'est entêté comme un fait» disent les hommes positifs, et tout le monde de répéter cet axiome réputé infaillible. Il y a cependant quelque chose de plus entêté que le fait, c'est la raison. Le fait n'est sou- vent qu'un accident, tandis que la raison détermine les lois gé- nérales qui régissent la nature et l'humanité. La vérité n'est pas dans ce qui est, mais dans ce qui doit être. Quand la domination s'est longtemps prolongée, le peuple conquis a pu emprunter à ses dominateurs les principes d'art apportés par ceux-ci; mais il ne s'est pas borné à cet emprunt, il a subi en toutes choses l'influence de leurs idées, de leurs mœurs, en sorte qu'on n'a pas le spectacle du désaccord entre l'art dune nation et les autres symptômes de sa civilisation. Les Arabes ont introduit dans une partie de l'Espagne l'art oriental ( 26) qui s'y est acclimaté; mais la splendeur de leurs monuments d'architecture n'est pas la seule trace qu'ils aient laissée à Cor- doue et à Grenade de leur domination de huit siècles. Dans les lieux quils occupèrent durant un laps de temps si long, les abo- rigènes se transformèrent; ils se façonnèrent à la vie orientale et prirent l'empreinte de la civilisation arabe qu'ils n'ont pas en- tièrement perdue, bien que quatre cents ans se soient écoulés depuis leur délivrance. Si l'art espagnol manque d'unité, c'est que ses deux formes essentielles appartiennent à des ordres d'idées différents et représentent des civilisations distinctes. Cet exemple n'infirme donc pas les règles que nous avons posées. Ce ne sont pas toujours les conquérants qui ont imposé aux peuples conquis leurs mœurs et leurs arts. L'influence s'est sou- vent exercée dans un ordre opposé. Vainqueurs par la force des armes, les Barbares ont été vaincus par la puissance des idées. Les vrais triomphateurs sont alors ceux que l'histoire présente comme-humiliés par la défaite. Voyez les Romains, après la con- quête de la Grèce, obligés de reconnaître la supériorité de leurs nouveaux tributaires, appeler leurs philosophes, leurs écrivains, leurs architectes, leurs sculpteurs, leurs mosaïstes, leurs peintres pour fonder à Rome une civilisation qui devait les transformer; voyez-les empressés à se faire Grecs autant qu'ils peuvent, et dites quels sont les véritables vainqueurs dans cette lutte de la force brutale contre l'intelligence? Un jour viendra où l'on com- prendra que les seules conquêtes, objet d'un légitime orgueil, sont celles de l'esprit. Ce jour-là on refera l'histoire, et les héros de la force physique seront remis à leur place; ce jour-là on ne pro- fanera plus le mot art, en l'employant pour désigner une cer- taine façon méthodique de pratiquer l'homicide, car on recon- naîtra qu'il est insensé d'appeler du même nom ce qui crée et ce qui détruit. « Heureux les peuples qui n'ont pas d'histoire, » a-t-on dit. Cette proposition ne peut être admise que relativement à l'histoire telle qu'on l'a écrite jusqu'à ce jour, à cette histoire qui ne traite que de batailles, de sièges, de tueries en grand, de ces actions d'éclat qui seraient des crimes pour des particuliers, et qui font .( 27 ) la gloire des héros. Nous disons, nous : heureux les peuples qui ont une histoire, l'histoire du progrès moral, des conquêtes de l'esprit civilisateur sur la barbarie, de la vérité sur les préjugés, du droit sur l'iniquité; l'histoire des idées et des mœurs; l'histoire du mouvement de l'esprit humain, parfois de ses progrès, plus souvent de ses transformations. Cette histoire , elle est écrite dans les monuments de tous les arts. Heureuses les nations qui ont de telles annales. Il y a un peuple qui n'a pas ce bonheur ; un peuple nombreux , riche, puissant, actif, intelligent pour les choses matérielles : le peuple américain. Avec sa hardiesse de conception, son esprit d'initiative, sa fermeté de résolution; avec la faculté qu'il a de créer des ressources pour les grandes entreprises, il s'est donné- toutes les facilités de la vie, tout ce qui peut satisfaire les appétits physiques; le confort personnel et le luxe, public. Il s'est donné des moyens de communications terrestres et maritimes comme il n'en existe pas ailleurs , une industrie et un commerce qui défient la rivalité du continent européen; des armées et des flottes re- doutables; des engins de destruction terribles. Ce qu'il n'a pas pu se donner, c'est un art. Il n'y a pas d'art américain. L'art n'est pas une chose qui se forme un beau jour tout d'une pièce. Il naît, grandit et ne parvient au dernier terme de sa crois- sance qu'après avoir passé par toutes les phases d'un développe- ment progressif. Sa marche est celle de la société même dont il est, nous l'avons déjà dit, la fidèle image. La lenteur de son épa- nouissement est la condition de sa force. C'est bien de lui qu'on peut dire Vires acquirit etindo. Tel est l'homme, telle est la société, tel est l'art. Une croissance trop rapide est une cause de faiblesse pour tous trois. Ce parallélisme du développement de l'art avec celui de la nation dont il partage les destinées forme entre elle et lui un lien puissant, indestructible. Nous aimons les productions de l'enfance de l'art non-seulement malgré leurs défauts, mais à cause de ces défauts, parce qu'elles nous repré- sentent le premier état de civilisation ^de nos pères. Les monu- ments de chacune des périodes de son développement nous offrent le même genre d'intérêt. Rien de semblable n'existe en Amérique. ( 28) Dans cette contrée singulière, il n'y a eu d'enfance ni pour la société, ni pour l'art. La civilisation n'a pas eu de marche progres- sive. Elle s'est trouvée formée du jour au lendemain, pour ainsi dire. L'art n'a point participé à cette croissance instantanée; le mouvement américain s'est exclusivement concentré dans la sphère des idées positives, des applications matérielles. Ce sont les monuments des beaux-arts qui nous attachent au lieu natal. Témoins des incidents qui ont marqué les phases de l'existence de nos pères, confidents de leurs peines et de leurs plaisirs, ils sont pour nous comme un foyer d'affection. Ce sen- timent, qu'on peut appeler l'amour du clocher, les Américains ne l'éprouvent pas. Ils sont orgueilleux de leur patrie, parce que l'orgueil s'allie à toutes les conditions d'existence de l'homme, à toutes les situations, à tous les états; mais l'attachement à l'endroit natal, le culte des souvenirs ne sont pour eux que des préjugés. Ils sont également bien en tout lieu de leur vaste con- tinent. Les Américains ont élevé de grands monuments. Pour cela comme pour toute autre chose, ils ne reculent pas devant la dépense. Ces monuments, ils les estiment pour ce qu'ils ont coûté; mais leur imagination n'en reçoit aucune impression. Ce sont, pour eux, des pierres froides et muettes; la matière n'est pas animée par lame du passé. Ils deviendront par la suite quelque chose de plus; ils apprendront à parler, ils auront aussi leur éloquence; mais, actuellement, ils n'existent que pour les yeux, n étant rien ni pour l'esprit, ni pour le cœur. Les hommes du nouveau monde ont compris qu'une nation qui ne possède pas d'objets d'art donne, au milieu de ses ri- chesses, le spectacle de l'indigence intellectuelle. Ils viennent acheter en Europe des tableaux, des œuvres de sculpture, des estampes, etc.; mais ces productions des artistes européens n'ont pas pour eux la même signification que pour nous; ils ne leur rappellent rien d'un passé auquel ils ne s'intéressent pas; ils n'ont rien qui les touche, qui les émeuve; ce sont de purs objets d'ameublement. On accuse les Américains d'égoïsme. C'est l'ab- sence des traditions, que l'art représente et consacre, qui les fait ( 29) ce qu'ils sont. Ne se repliant jamais sur eux-mêmes, ne portant jamais leurs regards vers les temps antérieurs, uniquement occupés du présent et d'eux-mêmes, ils arrivent forcément à ce développement excessif de la personnalité. La même raison fait qu'ils s'appliquent exclusivement au perfectionnement physique et à la recherche des jouissances matérielles. 11 y a, dans cette situation particulière de l'Amérique, une singulière complication de causes et d'effets. L'art n'existe pas dans ce vaste pays parce que les esprits y sont absorbés par les intérêts positifs, et c'est précisément faute de trouver un aliment pour l'activité intellec- tuelle dans cet art absent, que les populations concentrent uni- quement leurs efforts sur le soin des intérêts positifs. Se présen- tera-t-il une issue pour sortir de ce cercle vicieux? L'art veut être aimé; il ne vient pas là où il n'inspire qu'indifférence. L'argent ne suffît pas pour l'attirer; il cède bien plutôt à une attraction sympathique. A ce compte, il faudra que le caractère et les mœurs des Américains se modifient profondément, pour que l'art s'acclimate dans leur patrie. La confirmation d'un grand nombre des idées exposées dans cet écrit sur l'art, sur sa mission et sur son influence, nous semble être donnée par la comparaison du nouveau monde avec l'ancien. En voyant tout ce qui existe d'un côté et tout ce qui manque de l'autre pour la vie intellectuelle, on ne peut pas méconnaître la puissance de cet instrument de civilisation morale dont les hommes positifs de notre siècle voudraient nous faire révoquer en doute l'utilité. (36) (Jl) III. Les arts sont-ils une chose sérieuse ou frivole, un objet de luxe ou d'utilité? — La gloire des artistes et celle des conquérants. — Phidias est plus grand qu'Alexandre. — Les princes amis des arts. — Personnages illustrés par le goût des beaux-arts. — La gloire des petits États. — Le luxe de l'éducation. — Les arts, orgueil des nations. — Trophées de victoires. — Les destructeurs de monuments. — L'art dans les ventes publiques. Par quelle singularité les beaux-arts, qui tiennent une si grande place dans l'existence des nations, qui procurent aux hommes leurs jouissances les plus pures et les plus vives, sont-ils traités par de certaines personnes comme de vaines frivolités? Dans l'opinion de ces personnes, dont le nombre est plus considérable qu'on ne croit, les artistes sont gens assez agréables, mais peu utiles au fond et jouant, s'il est permis de s'exprimer ainsi, le vaudeville de la vie. Elles se trompent : c'est la haute comédie que jouent les artistes sur le grand théâtre de 1 humanité. 11 n'y a rien de plus sérieux que les choses qualifiées de fri- voles par les hommes politiques et par les économistes. A quoi reconnaît-on qu'une chose est frivole? C'est, lorsqu'elle n'a qu'une durée passagère, lorsqu'elle est éphémère. Or tout n'est-il point passager, éphémère en politique, en économie sociale? N'a-t-on pas vu mille fois la vérité dujour devenir un mensonge le len- demain? Seules les vérités de l'art sont éternelles. Quelle trace reste-t-il, après quelques années, des discussions longues et pas- sionnées auxquelles ont donné lieu les mesures politiques les plus importantes; qui s'en souvient et qui s'y intéresse? Ne sonl-ce pas ( 52) là des choses essentiellement éphémères? La plupart du temps elles ne laisseront pas même une trace dans l'histoire. Les grands événements de la politique du moment deviennent des infiniment petits pour les annalistes qui souvent les passent sous silence, comme ne méritant pas l'honneur d'une mention. Ce sont pour- tant là les choses sérieuses qu'on oppose aux arts, lesquels sont déclarés n'être dignes d'occuper l'attention que d'une manière secondaire , à titre de passe-temps. On ne peut pas nier, car trop de preuves l'attestent, que tout passe, si ce n'est l'art. Qu'est-ce qu'une vieille idée politique ou économique, une vieille loi, une vieille combinaison diplomatique? Ces choses qui ont agité le monde, pour lesquelles on a discuté, combattu, qu'on a admirées et proclamées éternelles, nul ne s'en soucie. Elles sont tombées dans l'oubli, ou si l'on daigne s'en souvenir, c'est pour les ranger au nombre des erreurs humaines. L'impression qu'elles causent est à peu près celle des habits taillés à l'ancienne mode. Tel n'est pas la destinée de l'art; l'âge ajoute à son prestige; ses moindres débris deviennent précieux. Certes il est bien loin de notre pensée de vouloir diminuer le mérite des hommes politiques, de méconnaître les services qu'ils rendent à la société. Il est heureux que des citoyens consentent à consacrer leur intelligence et leur temps aux soins que réclame le ménage de la nation. Ils ont d'autant plus de droits à notre recon- naissance, que la tâche qu'ils remplissent est aussi ingrate qu'elle est utile. Elle est ingrate, parce que rien de ce qu'ils font n'est destiné à vivre, parce qu'ils bâtissent sur le terrain mouvant des transformations sociales, et que les œuvres qui leur ont coûté le plus d'efforts sont destinées à subir la loi fatale de l'oubli. Nous avons voulu seulement, remettant chaque chose à sa place, et faisant justice de vains préjugés, prouver que l'art est ce qu'il y a de plus sérieux, de plus réel, de plus positif; que lui seul défie le temps et semble échapper à la destruction qui atteint toutes les choses humaines. Que sont devenus les grands empires fondés par les conqué- rants au prix des désastres de la guerre? Le temps n'a pas plus épargné l'œuvre de ces ambitieux qu'il ne les a épargnés eux- ( 33 ) mêmes. Qu'ont-ils laissé après eux? De la gloire, dit-on; gloire éphémère, qui ne s'appuie sur rien de visible, se dissipe comme une vaine fumée et finit par devenir un arcane entre les érudits. Phidias est plus grand qu'Alexandre. La renommée de celui-ci a été disculée; les uns ont dit que la fortune avait tout fait pour lui, les autres qu'il avait tout fait pour sa fortune. De quel côté est l'erreur? Phidias, du moins, est bien l'auteur de ses œuvres; nul ne conteste son génie. Alexandre mort, son empire s'écroule. Que reste-t-il de lui? D'abord des souvenirs douloureux, les souffrances des populations qu'il a opprimées, le massacre des Brachmanes, le meurtre de.CIitus, l'assassinat de Parménion, le supplice de Callisthènes, puis une célébrité de tradition qui va toujours s'affaiblissant. De Phidias il nous reste les sculptures du Parthénon, et le cachet de son génie imprimé sur les œuvres des statuaires de son temps soumis à l'influence de l'école qu'il avait fondée; nous voyons que c'est un homme qui a vécu, qui a pensé; son souvenir nous est présent, il nous est cher. Voilà pourquoi Phidias est plus grand qu'Alexandre, en dépit de la qualification qui est restée attachée au nom de ce dernier. N'oublions pas que les artistes travaillent pour le bonheur de rhumanité, tandis que les conquérants travaillent pour leur seul orgueil et pour le malheur des populations. Celles-ci savent bien ce quelles font, lorsqu'elles gardent aux premiers leur recon- naissance et leurs sympathiques souvenirs. Il est des princes qui se sont rendus célèbres par leurs con- quêtes, par les malheurs dont ils ont affligé l'humanité; mais les peuples qui ont la simplicité de souscrire à cette gloire, dont le sang de leurs pères a été le prix, mettent à un rang supérieur les souverains illustrés parla protection qu'ils ont accordée aux arts, ou, pour mieux dire, par l'impulsion qu'ils ont donnée aux choses de l'intelligence, car ce mot de protection place les arts et les ar- tistes dans une sorte d'infériorité qu'on ne saurait accepter pour eux. Les beaux-arts n'ont pas besoin de prolecteurs; ils ont be- soin de gens qui les comprennent, qui les aiment, qui les culti- vent; ce malencontreux mot de protection semble indiquer un fort et un faible. La faiblesse serait du côté des beaux-arts protégés; Tome XXII. o ( 34) or ils sont plus forts , plus puissants que quelque prince que ce soit. Ils sont éternels; ils sont une émanation du génie. Qu'est-ce que la puissance matérielle et passagère, auprès de celte puissance morale éternelle! Les hommes vraiment grands dans l'histoire; les hommes qui ont donné leur nom au siècle où ils ont vécu, sont ceux qui ont organisé autour d'eux le mouvement intellectuel avec l'aide des écrivains et des artistes dont un heureux concours de circon- stances les avait fait contemporains. D'autres, sans s'élever aussi haut, ont dû à leur goût pour les arts une certaine notoriété qu'aucun autre genre de mérite ne leur eût fait obtenir. D'autres enfin ont, grâce à ce même goût, trouvé la postérité indulgente pour leur médiocrité ou pour leurs fautes. Les exemples ne nous manquent pas; citons-en quelques-uns, en les prenant à toutes les époques et chez différents peuples. Pourquoi Ramsès a-t-il été qualifié de grand? Ce ne fut pas pour ses conquêtes, car il n'en fit pas et se borna à affermir celles de Sethos, son père : c'est par les monuments qu'il fit élever pour illustrer son règne, par le merveilleux temple de Karnak, par le grand palais de Thèbes, par les magnifiques sculptures du temple d'ibsamboul. Chez les Grecs, Périclès (un quasi-prince dans une république) est le seul qui ait donné son nom à son siècle, et ce fut une ré- compense pour le service qu'il rendit à la masse des citoyens, en imprimant un grand mouvement aux travaux des artistes. On ne dit pas le siècle de Solon, le siècle de Socrale, le siècle de Platon. Les arts étaient mis par les anciens au-dessus de tout, au-dessus de la législation et de la philosophie, comme répondant à des as- pirations plus générales, comme étant des sources d'impressions plus fécondes. On ne dit pas le siècle de César, on dit le siècle d'Auguste. Ce- lui-là est moins grand par la conquête de la Gaule et de la Ger- manie, que celui-ci par Horace, par Virgile, par Ovide. Quelles sont les causes de la célébrité, de la popularité de Fran- çois Ier? Ce ne sont pas ses hauts faits militaires: il fut presque toujours vaincu par Charles-Quint. C'est la protection , puisque ( 33) protection il y a., qu'il accorda aux lettres et aux arts. Les rayon- nements de lecole de Fontainebleau ont fait l'éclat de son règne. Charles-Quint a eu bien des causes d'illustration. Y a-t-il de l'exagération à dire que l'une de ses gloires est d'avoir été peint par le Titien , davoir apprécié le génie de ce maître, d'avoir com- pris que, si puissant que fut un empereur, il y avait une autre puis- sance, celle du génie d'un peintre, qui pouvait le faire plus grand encore aux yeux de la postérité. En effet, lorsqu'on voit un des nombreux et admirables portraits de Charles-Quint par le Titien, n'éprouve-t-on pas une impression bien au-dessus de celle que fait naître la lecture des pages les plus adulatrices de Sandoval? L'éclat du règne de Louis XIVT a été tout intellectuel. Ce sont les grands écrivains et les excellents artistes qui l'ont fait ce qu'il fut. C'est aussi la splendeur d'une cour qui empruntait aux beaux-arts les éléments de sa mise en scène. Perrault, Mansart, Le Brun, Vander Meulen ont été les instruments de la grandeur de Louis XIV. Quel est le pape qui a donné son nom à son siècle? Ce n'est pas celui sous le règne duquel ont été accomplis les événements les plus importants pour 1 Église; c'est celui qui a procuré à de vail- lants artistes les occasions de déployer les forces de leur génie. Continuant les traditions de Jules II, Léon X dote la ville de Rome des chefs-d'œuvre de Raphaël et de Michel-Ange qui lui font une gloire impérissable. Les grandes actions de Juîes II et de Léon X ont été les Stances, les Loges et la Sixtine. Il y a eu un pape d'une piété austère, dévoué aux intérêts de la religion et de l'Eglise. C'était Adrien VI : son peuple l'avait en aversion, parce qu'il man- quait de l'instinct des beaux-arts et ne commanda ni tableaux, ni statues. Le jour de sa mort, on suspendit à la porte du médecin qui l'avait traité des couronnes de fleurs avec celte inscription : au libérateur de Vllalie. Si l'on peut opposer quelque lumière aux ténèbres du règne de Philippe II, ce ne peut être qu'en rappelant la fondation de l'Es- curial et l'acquisition d'une partie des chefs-d'œuvre qu'on admire au musée de Madrid. Philippe IV n'est pas, comme le fils de Charles -Quint, un ( 30 ) monstre couronné; mais que serail-ii dans l'histoire d'Espagne, sans son goût prononcé pour les arts, sans Velazquez qu il affec- tionnait et dont un grand nombre d'oeuvres rappellent son sou- venir? Il n'y a que de tristes pages dans l'histoire de Charles 1er d'An- gleterre, sauf celles où sont marqués les témoignages de sa prédi- lection pour les œuvres d'art dont il forma des collections restées célèbres. Par les beaux-arts les Médicis se sont élevés au-dessus des princes de second ordre; ils se sont placés au rang des souve- rains des grands Étals. Et le roi René n'est-il pas, grâce à ses ta- lents d'artiste, plus connu, plus populaire que bien des conquérants par leurs victoires? Qui ne voudrait avoir été ce pauvre prince dépossédé de ses Elats, plutôt que son persécuteur, le perfide et cruel Louis XI dans l'âme duquel, si tant est qu'il eût une âme, le goût des arts, toujours associé à des sentiments élevés, ne pou- vait pas prendre place. C'est l'impulsion donnée aux travaux des artistes, c'est le vif éclat jeté par l'école de Bruges, ce sont les miniatures, les ta- bleaux, les sculptures et les produits des arts secondaires exé- cutés sous le règne de Philippe le Bon, qui ont consacré la renommée de ce prince. Les meilleurs souvenirs qu'ait laissés en Belgique Marguerite d'Autriche, sont ceux qui se rattachent à la culture intellectuelle qu'elle favorisait de tout son pouvoir, aux instincts délicats qui la portaient à s'entourer d'artistes dans sa résidence de Malines où l'on voyait des peintres tels que Van Orley, des sculpteurs tels que Conrad iMeyt, des musiciens tels que Pierre de la Rue. A ceux qui attaquent le gouvernement d'Albert et Isabelle comme ayant exercé sur la Belgique une in- fluence énervante, les apologistes des archiducs opposent les pré- venances qu'ils n'ont cessé de prodiguer à Rubens. On ne dira jamais le siècle d'Albert et Isabelle; mais on serait bien tenté de dire le siècle de Rubens. On pourrait citer encore bien des exemples semblables; mais à quoi bon? Ce qui précède suffit pour prouver que de toutes les renommées, celle qui est fondée sur les encouragements donnés ( 37) aux beaux-arts et aux lettres est, pour les souverains, la plus durable. Les conquêtes de l'esprit humain dues à leur initiative sont celles qui leur fout le plus d'honneur, non-seulement parce qu'elles ne coûtent ni sang, ni larmes aux populations, mais parce qu'elles seules sont permanentes. Les frontières avancent et reculent selon les circonstances, selon que celui qui était le plus fort hier se trouve être le plus faible aujourd'hui. Les monu- ments et les œuvres d'art restent acquis aux peuples qui en ont été dotés. Ce ne sont pas seulement les princes qui ont été redevables aux beaux-arts d'une notoriété durable. D'autres personnages, moins hauts dignitaires, mais appartenant aux classes élevées de la société, sont dans le même cas. Il y a eu un grand nombre de ministres bons administrateurs, financiers habiles et même fins diplomates, qui n'ont guère laissé de trace dans l'histoire, bien qu'ils aient été célèbres en leur temps et qu'ils aient pu se flatter d'aller à la postérité. Ceux dont on sait encore les noms ont été préservés de l'oubli en faveur de ce qu'ils ont fait pour les lettres et pour les arts. Les hommes d'Etat qui, comme Richelieu, Mazarin, d'Olivarès, ont joué un assez grand rôle politique pour être assurés de survivre à leur époque, ont tenu à se faire, par un zèle naturel ou affecté pour les choses de l'intelligence, un renom que, même au faîte de la puissance, ils jugeaient digne de leur ambition. Colbert, qui a cumulé tant de charges pu- bliques, qui eut dans ses vastes attributions toutes les parties de l'administration de la France, était surtout fier d'avoir préparé l'avènement d'une ère florissante des beaux-arts. Il tirait plus de vanité de l'organisation de l'Académie de peinture, du concours ouvert entre les architectes pour créer un style français, de la colonnade du Louvre dont il avait approuvé le plan, des magni- ficences monumentales de Paris et de Versailles réalisées sous son patronage, que de ses réformes dans les finances, dans la légis- lation, dans presque toutes les parties du service de l'Etat. Le président Hénault a dit que : « ce n'était point par sentiment que Colbert aimait les artistes et les savants; c'était comme homme d'Etal qu'il les protégeait, puisqu'il avait reconnu que les beaux- ( 58) arts sont seuls capables de former et d'immortaliser les grands empires.» Cette remarque, fût-elle fondée, n'enlèverait rien au mérite du ministre de Louis XIV. Elle nous semble, au contraire, être tout à son avantage. Elle prouverait que Colbert ne se croyait pas libre de suivre uniquement l'impulsion de son senti- ment et de songer à satisfaire ses goûts personnels, en adminis- trant la France. Comme particulier, il n'aurait pas eu de fantai- sies d'artiste; mais comme ministre, il sentait que ces mêmes fantaisies étaient le luxe nécessaire de la nation et la gloire du prince. Bel exemple de discernement et de tact à proposer aux ministres de tous les temps et de tous les pays. Si de tels senti- ments pouvaient se répandre; si de tels principes pouvaient devenir dune application générale, les beaux-arts ne seraient plus exposés à de fâcheuses vicissitudes, tantôt favorisés, tantôt négligés, selon qu'ils plaisent ou déplaisent au dépositaire de l'autorité. Celui-ci saurait qu'il ne s'agit pas de son goût, mais du goût et de l'honneur de la nation, et les soins à prendre pour le maintien des arts dans une situation florissante seraient mis au même rang que ceux qui sont réclamés par les services publics les plus importants. Il est un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord avec le président Hénault, c'est lorsqu'il dit, d'après l'opinion supposée de Colbert, que les beaux-arts sont seuls capables de former et d'immortaliser les grands empires. Pourquoi ne parler que des grands empires? Les petits Etats n'ont pas moins besoin de cette parure intellectuelle. Disons même qu'elle leur est encore plus nécessaire. Les grands empires s illustrent par bien des côtés di- vers : par leur prépondérance politique; par les fières allures que donnent l'étendue du territoire et l'élévation du chiffre de la po- pulation; par la force des armées de terre et de mer, puisqu'il faut compter avec le préjugé de la gloire militaire tant qu'il existe ; par le privilège qu'on leur concède d'imprimer l'impulsion au mouvement général de la civilisation. Rien de tout cela n'est donné aux petits Etals. Leur politique extérieure est nulle; leur politique intérieure n'est qu'une affaire de ménage; les lauriers cueillis sur les champs de bataille leur sont heureusement interdits. La seule ( 39) supériorité à laquelle ils puissent prétendre, c'est celle que don- nent un état avancé de culture intellectuelle et la prospérité des arts se développant sous l'influence vivifiante d'institutions qui assurent à la nation l'indépendance et aux citoyens la liberté. Athènes n'était pas un puissant empire : rien n'a cependant man- qué à sa gloire dont l'art a seul fait les frais. Par le génie de ses architectes, de ses sculpteurs et de ses peintres, le peuple athé- nien, si petit numériquement, s'est placé au-dessus de puissants États. La Flandre n'était pas non plus un puissant empire lorsque, à l'époque des ducs de Bourgogne, elle précédait la France dans la voie de la civilisation et partageait avec l'Italie la suprématie dans les arts. De simples villes comme Sienne, Pise, Nuremberg, Bruges ont dû à leurs artistes un renom dont plusieurs siècles n'ont pas effacé l'éclat. Ce ne sont donc pas les grands empires qui seuls s'immortalisent par les beaux-arts. Après les princes et leurs ministres, nous voyons une foule de grands seigneurs protecteurs des artistes, sauvés de l'oubli par leurs protégés. Ni l'ancienneté de leur race, ni la splendeur de leur blason ne les eussent empêchés de tomber dans l'obscurité, sans le goût qui les a portés à se former des collections d'objets d'art auxquelles ils ont donné leur nom. C'est ici qu'il faut s'abs- tenir de citer des exemples, tant ils abondent en Italie, en France, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, au midi comme au centre et dans le nord de l'Europe. La possession des œuvres d'art est, pour l'aristocratie anglaise, un sujet d'orgueil. C'est le complément indispensable des privilèges de la noblesse. Tel lord qui consacre chaque année une partie de ses revenus à l'achat de tableaux ou de morceaux précieux appartenant à toutes les catégories de ce qu'on appelle la curiosité, pour en faire éta- lage dans son château , n'agit pas sous l'impulsion d'un goût personnel; il n'est pas juge de la valeur intrinsèque de ces choses et ne sait que ce qu'elles lui coûtent en argent; mais il fait ce que doit faire un homme de son rang. C'est encore un signe de la puissance de l'art, que cette obligation de lui rendre hommage, imposée à ceux que ni leur instinct ni leur éducation n'ont pré- parés à goûter les jouissances dont les sources inépuisables s'of- frent aux initiés. ( 40) Dans l'opinion de beaucoup de gens, la richesse tient lieu de tout; la seule possession d'une grande fortune constitue un bon- heur parfait et lorsqu'un homme a de l'argent, on ne s'informe pas s'il a du mérite. Il y a heureusement beaucoup d'exagération dans cette toute-puissance attribuée aux écus. Voyez les nouveaux enrichis, les parvenus? A peine ont-ils entre les mains ces grands biens auxquels le vulgaire attribue la vertu de procurer une féli- cité complète, qu'ils portent plus haut leurs désirs, leur ambi- tion. Ils sentent qu il leur manque quelque chose. Être riches, n'être que cela, ne leur sulïit pas; leur opulence les humilie presque. Ils ne songent plus qu'à se donner une valeur person- nelle, afin de n'en être pas réduits à ne représenter qu'un capital. Ce n'est pas toujours chose aisée. On gagne plus facilement des millions dans d heureuses spéculations, qu'on n'acquiert un mé- rite quelconque. L'art est, en pareil cas, la ressource des enrichis. Ne pouvant pas se pourvoir à prix d'or de la plus minime dose de génie, ils achètent celui des autres et s'en font une parure. Le financier se forme une galerie de tableaux. S'y connaître n'est point une nécessité. On choisit pour lui; il n'a qu'à payer, ce qui lui est facile. Une fois en possession d'une collection d'oeuvres des grands maîtres, le financier n'est plus seulement un homme d'argent; il est un amateur; sa valeur ne se détermine pas uni- quement par un chiffre. En même temps qu'il se rapproche de l'aristocratie en partageant avec elle un goût qu'elle place parmi ses obligations de position, il s'allie à une autre noblesse, celle de 1 intelligence. Ainsi ont fait les financiers du dix-huitième siècle; ainsi font également ceux de notre temps. Le procédé est bon, car il réussit infailliblement. Tout le monde prête involon- tairement les mains à son succès. Un certain prestige entoure l'homme qui possède de beaux tableaux; on le suppose intelligent, instruit; on lui prête des instincts distingués, du goût. Il sort de la classe des vulgaires millionnaires et l'on trouve qu'en venant à lui, la fortune n'a pas été tout à fait aveugle. L'art ennoblit tous ceux qui l'approchent. Les premiers digni- taires de cette aristocratie sont les artistes naturellement; vien- nent ensuite les connaisseurs, puis les amateurs. Il se glissé bien, [H ) de temps à autre, des intrus dans cette dernière classe, gens qui feignent d'aimer ce qu'ils ne comprennent pas; mais n'y a-t-il pas des faux dévots dans toutes les religions? Sincère ou simulé, le goût des beaux-arts devient pour ceux qui ont pu le satisfaire, à l'aide d'une grande fortune, une cause de célébrité. Us appar- tiennent à l'histoire. A chaque instant nous rencontrons, dans les annales de la peinture, de ces noms, devenus familiers, de pos- sesseurs de grandes collections où ont passé successivement des œuvres de maîtres dont nous aimons à suivre la trace. On ne cite pas un tableau capital, sans ajouter qu'il a fait partie de telle galerie renommée. Quel était le possesseur de cette galerie? Par- fois un connaisseur, un homme de goût; plus souvent un grand seigneur fort ordinaire, ou le premier financier venu, que per- sonne ne connaîtrait plus, s'il ne s'était avisé de se faire une notoriété par Tunique moyen qui pût la lui procurer. Ainsi donc, il y a deux manières de s'illustrer dans le domaine des arts : l'une, c'est de faire des chefs-d'œuvre, l'autre, c'est de les acheter. Les résultats ne sont pas tout à fait les mêmes, selon qu'on em- ploie l'une des deux; l'auteur l'emporte sur le collectionneur; mais ce n'en est pas moins un des privilèges de l'art, de créer de ces célébrités de seconde main, de faire passer à la postérité des gens qui ne se distinguaient par aucun mérite personnel. Ni la politique, ni la finance, ni l'industrie n'ont ce pouvoir. Partout où l'art se montre, il prend forcément la première place, ou plutôt un sentiment unanime la lui concède. Nous ve- nons de voir qif il efface l'éclat de la puissance souveraine et celui de la richesse, semblable à ces grands corps célestes dont la vive lumière fait pâlir les rayonnements plus faibles des astres de moyenne grandeur. Il n'est pas jusqu'au sentiment religieux, si exclusif pourtant aux époques de foi, sur lequel l'art n'ait empiété. L'Église a emprunté son secours pour répandre, par de frappantes images, les idées qu'elles voulait vulgariser, pour parler à limagi- nation des populations et les attirer à elle. Tant qu'il fut dans l'enfaitce, l'art se borna à remplir fidèlement, modestement cette mission; mais lorsqu'il eut atteint son entier développement, lorsqu'il se sentit en possession de toutes ses forces, il se résigna ( 42) difficilement au rôle secondaire qui lui avait été assigné et empiéta sur le terrain de la puissance qui l'avait pris pour auxiliaire. C'était sans nul mauvais dessein; mais il est envahisseur de sa nature. L idée cessa d'être dominante; la forme prit le dessus et dans 1 image peinte ou modelée, ce fut principalement l'œuvre d'art qu'on vit et qu'on admira. Le danger avait été aperçu par des théologiens, dès les premiers symptômes de cette émancipa- tion de l'art, et la question de la rupture de l'Eglise avec un allié trop peu soumis avait été sérieusement discutée. Ce moyen vio- lent ne fut pas admis et l'art continua d être employé à la décora- tion des temples, tout en gardant, relativement à la forme, l'individualité qu'il avait conquise. L importance de la forme ne cessa pas de grandir; elle s'insinua dans tous les esprits. Les monastères les plus célèbres ne sont pas ceux où l'on a le plus prié, mais ceux où l'on a exécuté et possédé le plus d'objets d'art. La piété de Fra Angelico da Fiesole a été, elle-même, trompée. Merveilleux artiste, il ne faisait nul cas de son habileté technique ; il n'aspirait qu'à produire des œuvres empreintes d'un profond sentiment religieux, pour exciter chez les autres la ferveur dont il était animé. Cependant ce qui saisit et ce qui charme dans ses peintures, outre les qualités esthétiques qui appartiennent à l'art, c'estqu'elles sont comme un reflet de sa propre nature, comme une émanation de lui-même, de son esprit. 11 a eu beau vouloir s'ef- facer, sa personnalité perce dans ses œuvres, et c'est une des causes de l'intérêt sympathique qu'elles inspirent. Lorsqu'on est en présence des Stances et des Loges du Vatican, du Jugement dernier, des Prophètes et des Sybiles de la chapelle Sixtine, c'est au génie de Raphaël et à celui de Michel-Ange que l'on songe. Quelque imposants que soient les sujets, l'art qui a conçu la forme sous laquelle ils sont représentés est ce qui captive par-dessus tout l'attention. Il y a trois choses dans une œuvre de peinture ou de sculpture : le sujet, la manière dont il est rendu, l'exécution proprement dite où se manifeste l'individualité de l'artiste. A l'origine de l'art chrétien, on n'avait d'attention que pour fa pre- mière. C'est aux deux dernières qu'on s'attache aujourd'hui, sinon exclusivement , du moins principalement. (43) Tout le monde n'a pas le moyen, ni l'occasion de s'illustrer par la possession d'une collection de tableaux, de statues ou de curio- sités archéologiques; mais chacun peut s'appliquer à développer en soi la faculté de jouir des impressions produites par la vue et par l'analyse des œuvres d'art. L'exercice de cette faculté décèle l'homme distingué. Ceux qui ne la possèdent pas et qui ne veulent pas faire d'efforts pour l'acquérir disent que c'est le luxe de l'édu- cation. Nous le voulons bien ; mais cest précisément pour cela qu'elle est en grande estime; c'est parce qu'on la considère comme ajoutant au nécessaire de l'éducation un élégant superflu. On ne sait pas gré à un homme d'avoir les connaissances dont il ne peut point se passer pour remplir sa profession; on ne sait pas gré au médecin de connaître l'anatomie, à l'avocat de connaître la juris- prudence, au financier, à l'industriel d'avoir la pratique des choses commerciales; mais on leur sait gré d'avoir acquis des connais- sances inutiles, de s'être orné l'esprit de ce luxe intellectuel contre lequel il n'a jamais été fait de lois somptuaires. Aussi nul n'avoue-t-il être étranger à toute notion d'art. On aime mieux parler avec assurance de choses qu'on ignore. On juge mal ; mais on juge. Les nations comme les individus ont des prétentions au senti- ment artiste. Elles consentent à n'occuper que le second rang dans telle ou telle science; mais elles ont l'ambition d'exceller dans les arts. Aucune ne confesserait son infériorité sur ce point. Dans les expositions universelles qu'on organise de nos jours, c'est sur le terrain des beaux-arts que se livrent les luttes les plus vives. On prendrait son parti de ne pas briller dans la mé- canique, dans le tissage des étoffes, dans les produits chimi- ques etc. ; mais si l'on était battu en peinture, en statuaire et dans les industries qui relèvent de l'art, on se trouverait humilié. Malheureusement, si l'on a la vanité du succès, on n'est pas tou- jours disposé à faire ce qui est nécessaire pour s'en procurer l'avantage. La Belgique entière a été fière de l'excellent effet qu'a produit, en 1862, à Londres, l'exposition des œuvres de ses artistes. Tout le monde reconnut que les peintres et les sculp- teurs de notre pays avaient dignement soutenu l'honneur na- ( *» ) tional dans cette exhibition où son industrie ne joua qu'un rôle secondaire. Dans les régions officielles comme dans le public on chanta leurs louanges; mais on ne se demanda pas s'il ne serait point opportun et sage de favoriser ce beau mouvement, de pro- curer à ces artistes fêlés de tous, des occasions de produire des œuvres dignes d'eux et de la nation, en se dégageant des influences fâcheuses exercées souvent sur leur talent par les caprices des amateurs. Pour les peuples comme pour les particuliers, la possession des œuvres d'art est un sujet d'orgueil. C'est là le patrimoine na- tional. Les monuments, les musées, voilà ce que les habitants des grandes villes sont fiers de posséder et de montrer aux étrangers. Ceux-là mêmes qui n'en usent point personnellement en tirent vanité. Lorsqu'il s'agit d'enrichir les collections de l'Etat, on regarde bien à la dépense; mais cela n'empêche pas qu'on tienne à ces collections plus qu'à toute autre chose. Il n'est pas un peuple, quelque pauvre qu'il fût, qui consentit à vendre ses musées, les tableaux de ses églises, les manuscrits, les médailles, les estampes, les livres de ses dépôts publics. Il y a des gouver- nements endettés qui rétabliraient leurs finances à l'aide de ces ressources, au prix où sont actuellement les choses d'art; mais ils ne l'oseraient pas. Ce serait une tache dont ils ne se laveraient jamais et il n'est pas certain que les populations ne se soulève- raient point pour empêcher l'accomplissement d'un tel scandale. Us pourraient aliéner tous les autres biens de l'État; ils pourraient frustrer leurs créanciers, mais non pas disperser les collections d'objets d'art qui constituent plus qu'une richesse, qui sont comme un dépôt sacré confié par chaque génération à celle qui lui succède. Si les objets d'art sont ce que les peuples tiennent le plus à conserver, ils sont aussi ce qu'ils s'envient le plus les uns aux autres et ce dont ils s'emparent en premier lieu, lorsqu'ils le peuvent faire et qu'ils ne sont pas retenus par des sentiments de justice et de morale. Ces sentiments n'avaient pas cours autrefois; naguère encore ils étaient relégués au rang des préjugés. Les objets d'art étaient les plus beaux trophées de la victoire; les armées des peuples qui se disaient civilisés revenaient chargées ( « ) de ces dépouilles opimes, et personne ne s'avisait de les accuser de barbarie, personne dans leur pays, bien entendu. L'usage remonte assez haut. Quand les Romains firent la conquête de la Grèce, ils dépouillèrent les temples de loutce qu'ils renfermaient de tableaux et de précieux morceaux de sculpture. Rome se remplit des merveilles d un art accompli; elle doubla sa popu- lation par le nombre de personnages de marbre quelle fit émi- grer dans ses murs : autant de citoyens, autant de statues. Au moyen âge, il fut également donné des exemples de ces prélèvements de trésors d art opérés à titre de contributions forcées sur les peuples vaincus. La prise de Constanlinople, en 1204, valut aux Vénitiens, pour leur part de butin, les colonnes de ces marbres précieux dont on ferait aujourd'hui des bijoux, les bas-reliefs, les bronzes, les matériaux de tout genre qu'ils employèrent à bâtir et à orner Saint- Marc. Dans les temps modernes, l'enlèvement des objets d'art des pays conquis a été largement pratiqué parles armées françaises de la République et de lEmpire. On sait tout ce qui est venu à Paris en tableaux, en statues, en objets d'antiquité d'Italie, d'Allemagne, de Rclgique et d'Espagne, ou plutôt on ne le sait pas, car on ne pense qu'à ce qui a été au Louvre. On oublie les musées de province formés des somptueux restes de la masse énorme de productions de toutes les écoles parmi lesquelles la capitale avait fait son choix. On ignore enfin tout ce qui a été détourné, tout ce qui a péri d'oeuvres magnifiques brisées ou déchirées dans le transport. Toutes les galeries, toutes les églises avaient été dépouillées par les vainqueurs; partout on déplorait les vides faits dans les collections nationales, presque aussi amè- rement que ceux qu'avait faits la guerre dans les rangs des citoyens. En opérant tous ces enlèvements, les Français mon- traient qu'ils sentaient le prix des belles choses; mais le fait qu'ils aient pu croire qu'ils usaient d'un droit légitime donne une idée peu favorable des principes qu'on avait alors, ou plutôt qu'on n'avait pas, en fait de morale publique. Il y eut une circonstance où, de part et d autre, du côté des dépouillants comme de celui des dépouillés, on donna un éclatant témoignage de l'importance ( 46 ) qu'on attachait à la possession des objets d'art. C'est à Parme, en 1798, que la chose se passait. Les commissaires français avaient fait main basse sur un des chefs-d'œuvre du Corrége, un Saint- Jérôme dans lequel le génie du maître s'était élevé à sa plus grande hauteur. Le duc de Parme tenait à ce morceau plus qu'à tout le reste de ce qu'on lui prenait. Il offrit un million pour la rançon du Saint-Jérôme. Les commissaires ne consentirent pas à ce marché et le chef-d'œuvre prit la route de Paris.v Les millions ne couraient pas alors les rues comme aujourd'hui. Pour qu'on ait offert d'une part et refusé de l'autre une somme aussi énorme, il fallait que le sentiment artiste parlât très-haut. L'enlèvement des célèbres chevaux de bronze de Saint-Marc de Venise à la même époque (1797) est encore un des épisodes pi- quants de la razzia faite en Italie par les commissaires français. Les Vénitiens se récrièrent contre ce rapt auquel ils étaient par- ticulièrement sensibles. Ils oubliaient qu'eux-mêmes avaient pris à Conslantiriople le fameux groupe. Il est vrai qu'il y avait six cents ans de cela, qu'il était permis de ne pas se rappeler un évé- nement d'aussi ancienne date, et que, dans tous les cas, une si longue possession pouvait bien passer pour avoir la force d'un titre légal. On est heureusement revenu sur cette fausse idée que les œu- vres d'art sont soumises aux ehances de la guerre et deviennent le prix de la victoire. On aura reconnu qu'ils appartiennent aux peuples et qu'il est souverainement injuste d'extorquer à ceux-ci des biens pour lesquels ils ont un pieux attachement, parce qu'il a plu aux princes de se battre par les mains de leurs sujets. C'est bien assez de les tuer, ces pauvres sujets, sans leur prendre ce qu'ils ont de plus cher. Et quand ce seraient les peuples qui au- raient décidé la guerre, les objets d'art ne devraient pas encore faire partie du butin attribué au vainqueur. Les œuvres du génie sont, philosophiquement et moralement, insaisissables comme le génie lui-même. Cette propriété, la propriété intellectuelle, est la plus sacrée de toutes. Heureusement les conditions de la guerre ont changé. On n'a pas renoncé à s'entre-tuer, loin de là; l'Europe est un vaste arsenal; l'esprit des inventeurs est tourné vers la re- ( 47 ) cherche des instruments de destruction les plus perfectionnés, les plus terribles; celui qui a imaginé un de ces instruments est l'objet de toutes sortes d'attentions et de faveurs; il est enrichi, décoré, traité comme ne le fut jamais bienfaiteur de l'humanité. Ce n'est pas là précisément un symptôme de civilisation; mais il y a de certaines traditions de barbarie auxquels on a renoncé. De même qu'à la prise d'une ville, on ne passerait plusses habitants au fil de l'épée, de même on ne pillerait plus ses musées et ses églises. Le vainqueur qui commettrait de tels excès s'exposerait à la réprobation universelle. Non-seulement on ne vole plus les objets d'art, mais encore on évite de les endommager. Lors du siège de Rome, en 1849, le général français fit prendre les plus grandes précautions pour que les monuments fussent épargnés par l'artillerie. Si les œuvres d'art sont l'objet d'un culte public; si l'on tient h leur possession plus qu'à celle de tout autre bien, s'il a suffi de les aimer pour acquérir une sorte de célébrité, on comprend que ceux qui les ont volontairement détruits aient été voués à l'exécration. Le fanatisme qu'on a invoqué comme une excuse pour bien des fautes, pour bien des crimes, comme si un tort en justifiait un autre, le fanatisme n'a pas fait absoudre les iconoclastes. Les massacreurs d'hommes ont été nombreux; ils sont oubliés; quelques-uns ont même de la renommée. Les massacreurs d'objets d'art ont con- servé une odieuse notoriété : les iconoclastes ! On a créé un mot exprès pour flétrir ceux qui , sans être poussés par le fanatisme religieux, profanent et détruisent les monuments des beaux-arts : ce sont des vandales. On applique ce nom d'un ancien.peuple bar- bare : « à ceux qui détruisent les monuments des arts et voudraient ramener les temps de barbarie. » Telle est la définition du dic- tionnaire de l'Académie française. Les beaux-arts sont donc le symbole de la civilisation. Il n'y a pas de doute à cet égard; c'est le sentiment universel contre lequel protestent vainement quel- ques hommes entichés de positivisme. II y eut un Grec qui avait- un désir de célébrité poussé jusqu'à la monomanie. Il voulait absolument devenir un personnage il- lustre et avoir l'assurance que son nom passerait à la postérité. ( 48) Ne pouvant se distinguer ni dans les lettres, ni dans les sciences, ni dans la philosophie, ni dans les arts, il conçut le projet de fonder sa renommée sur un crime. Il aimait mieux être voué à l'exécration que de tomber dans l'oubli. Ce n'était pas un crime ordinaire qui pouvait lui faire obtenir la réalisation de son vœu; il fallait un grand crime, le plus grand de tous, un crime dont l'énormité frappât l'imagination des hommes et ne pût pas être oublié: il brûla le temple d'Éphèse, un chef-d'œuvre de l'art ar- chitectural, renfermant des chefs-d'œuvre des autres arts. On pourrait se dispenser de rappeler le nom de ce Grec. Qui ne con- naît lîérostratc. Les Éphésiens voulurent cependant tromper son espoir. Après lavoir condamné à mort et dûment exécuté, ils dé- fendirent, sous des peines sévères, de prononcer son nom. L'idée était bonne; mais elle n'eut pas les effets qu'on en avait espérés. Il était impossible qu'on ne s'informât pas, dans toute la Grèce, du nom de l'homme qui avait brûlé le temple d'Éphèse. On ne pro- nonçait ce nom qu'avec horreur; mais enfin on le prononçait et de bouche en bouche il est parvenu jusqu'à nous qui le transmet- trons aux générations futures. Quel autre crime aurait pu procurer à lîérostratc cette célébrité? Que d'auteurs d'attentats contre les personnes et même contre des personnes du plus haut rang sont inconnus, tandis que l'incendiaire du temple d'Éphèse devait avoir le genre d'immortalité sur lequel il avait compté. La même cause produirait encore un effet semblable. L'insensé qui détruirait la Transfiguration de Raphaël , ou la Descente de croix de Rubens, ou la Ronde de nuit de Rembrandt serait cer- tain de n'être jamais oublié. Ne devons-nous pas citer un dernier exemple de l'attachement des peuples pour les choses d'art, de la place qu'ils leur font dans leur existence? Ce sont les grandes ventes publiques de Paris qui nous les fourniront. Nous ne parlons pas des convoitises particu- lières, des luttes de vanité, des folies faites par les amateurs. Ce ne sont pas là des preuves à l'appui de notre thèse Les dilettantes ont des caprices, surtout lorsqu'ils ?ont millionnaires : c'est dans les masses qu'il faut chercher les sentiments vrais. Dans les ventes dont nous parlons, lorsqu'après une vigoureuse poussée d'en- (49) chères, une œuvre vraiment belle et intéressante est adjugée à un musée, le résultat est presque toujours accueilli par des applau- dissements des assistants. Les marques d'approbation sont plus vives, cela est naturel, si l'heureux adjudicataire est le musée du Louvre, attendu que Pamour-propre national est flatté de sa victoire; mais il y a aussi des applaudissements quand c'est une galerie étrangère qui l'emporte sur un amateur, parce que le pu- blic parisien, intelligent et juste, comprend que l'intérêt général doit passer avant la fantaisie privée et que l'affection qu'il porte à ses collections d'objets d'art lui fait supposer et approuver le même sentiment chez les autres nations. Si le musée de Bruxelles avait acquis à l'hôtel Drouot, fût-ce pour 150,000 francs, la Ker- messe de Tenicrs dont il s'est enrichi dernièrement, on l'aurait applaudi pour avoir fait rentrer en Belgique une œuvre capitale d'un des principaux maîtres de l'école flamande. Ce succès lui aurait, sans doute, fait trouver grâce devant des Belges économes qui ont été d'avis que 425,000 francs étaient un prix exorbitant, bien qu'à vrai dire ce soit encore peu de chose en comparaison de ce que coûtent les engins de guerre. S'il se fût agi d'un nouveau modèle de mitrailleuse, la somme eût paru modeste; mais pour un tableau, c'était une folie. Les personnes qui ne se servent pas de mitrailleuses, en Belgique, et qui aiment à voir une belle pein- ture, ne seront pas de cet avis. Tome XXll. (*0 (CT) IV. Un peuple peut-il se passer d'arts? — Nécessité du jeu des fonctions intellectuelles. - Le nécessaire et le superflu. — L'art et l'industrie. - Les millions créés par Rubens. — Erreurs des économistes. - Le bien que fait l'art et le mal que 'fait l'industrie. - Les artisans d'autrefois et les machines d'aujourd'hui. Il y a des personnes qui disent que les beaux-arts ne sont pas indispensables et qu'on peut s'en passera la rigueur. Assurément on peut s'en passer pour vivre, si l'on se contente de vivre. On peut se passer aussi de littérature et de sciences spéculatives. On peut se passer de philosopbie, de liberté, de tout ce qui relève la dignité de l'homme. Les esclaves vivent, quelquefois même matériellement plus heureux que bien des hommes libres, si la pâture du corps leur suffît. On ne peut pas se passer des beaux- arts, si l'on aspire à quelque chose de plus que de vivre. Et d'abord ce n'est pas vivre que de réduire la satisfaction de ses besoins à l'alimentation du corps; c'est tout au plus ne pas mourir. Vivre, c'est sentir; or c'est de lart qu'on tire les im- pressions les plus variées et les plus profondes. Dans sa réponse au discours de réception de M. Jules Favre à l'Académie fran- çaise, M. De Rémusat s'exprimait ainsi : « Ne s'est-il pas trouvé des publicistes pour ériger en maxime de sagesse politique l'aveu naïf de Chrysale : Je vis de bonne soupe et non de beau langage. Et pourtant une nation de Chrysales ferait une médiocre figure dans le monde. » Des hommes , pleins de bonnes intentions et qui croient de la ( 52) meilleure foi du monde travailler au bonheur de l'humanité , font tout ce qu'ils peuvent pour qu'il y ait de ces nations-là. Écoutez- les : « l'art étant une chose de luxe, une fantaisie, un caprice, il n'y a pas lieu de le comprendre parmi les objets qui se rattachent au grand problème de l'organisation sociale. Il suffit de s'occuper de l'alimentation publique, du logement, de l'habillement, des choses essentielles à la vie, en un mot. » La partie de l'économie politique qui concerne les subsistances et les divers objets né- cessaires à la satisfaction des besoins matériels de l'homme a une importance que nous ne méconnaissons pas; c'est pour la société comme le soin du ménage pour l'individu. Que dirait-on cependant de l'homme qui ne s'occuperait que d'approvisionner son garde- manger, et qui, son estomac satisfait, n'aurait plus de désirs, plus d'aspirations? Manger est un besoin commun à l'homme et aux animaux. Penser est l'acte par lequel il s'élève au-dessus de ceux- ci. l'acte par lequel se révèle sa nature supérieure. Les écono- mistes ont beau dire, les arts, comme les lettres et les sciences, répondent à l'un des besoins les plus réels de l'homme; les arts surtout qui sont à la portée d'un plus grand nombre, parce qu'ils s'adressent au sentiment, lequel existe, dans une certaine me- sure, à tous les degrés d'éducation; parce qu'ils procurent des impressions, des jouissances aux hommes qui n'ont eu ni l'occa- sion, ni le temps, ni les moyens de s'instruire. L'art n'est donc pas un objet de luxe, mais de nécessité, de deuxième nécessité, si Ton part de cette idée qu'avant de penser, il faut vivre; mais de première nécessité si l'on admet, ce qui est incontestable, que l'homme ne se manifeste dans la plénitude de son organisation que par l'exercice des facultés intellectuelles. II y a des individus pour lesquels les jouissances de l'esprit sont du luxe. L'ambition de ceux qui se donnent la mission de réformer la société devrait être d'en diminuer le nombre. L'homme est né pour agir et pour penser; s'il supprime une de ces deux fonctions, non-seulement il manque à sa destination, mais encore il est exposé aux troubles physiologiques qui ré- sultent de l'absence de régularité, d'harmonie dans le jeu des organes. Le penseur qui renonce à toute vie active, qui se con- (53) damne à l'immobilité pour s'absorber dans ses méditations, dans ses travaux, manque à une des conditions de l'existence humaine; il s'étiole, sa santé s'altère, il tombe malade, il meurt avant l'âge. L'homme d'action qui n'exerce que ses forces physiques, qui laisse ses facultés intellectuelles dans un état d'inertie, s'abrutit, perd l'énergie que l'esprit communique à tout l'organisme et s'éteint prématurément aussi. L'esprit renouvelle les forces du corps comme le corps renouvelle les forces de l'esprit. Il est de la plus haute importance, pour la santé des peuples aussi bien que pour celle des individus, que la gymnastique intellectuelle marche de pair avec la gymnastique matérielle. L'harmonie des fonctions physiques et morales doit être soigneusement main- tenue, si l'on veut éviter le dépérissement des êtres et la déca- dence des nations. Ce ne sont pas des hypothèses, de vaines théories; ce sont des vérités physiologiques incontestables. Les conclusions qu'on est obligé d'en tirer, c'est que les arts, comme moyens d'impressions morales, comme aliments intellectuels, sont de première utilité; c'est qu'on ne vit pas moins par la tète que par l'estomac, et qu'on est fondé à réclamer des utilitaires, au nom de l'utilité même, l'introduction dans leur programme de ces objets de l'affection des hommes éclairés, traités par eux de frivolités. L'utile , voilà l'idée fixe de beaucoup de théoriciens de la nou- velle science sociale, lesquels font infiniment plus de cas des arts mécaniques que des arts libéraux, parce qu'ils tendent à aug- menter la somme du bien-être physique des populations. Aux yeux de ces théoriciens, les peuples n'ont à s'occuper que de pourvoir à la satisfaction des besoins matériels, et pour l'utilité, qui les préoccupe exclusivement, un peintre en bâtiments rend plus de services à la société que l'artiste dont les œuvres, quelque talent qu'il ait, ne sont que de brillantes superfluités. Nous aimons à leur rappeler ces paroles de Cicéron : « Il était plus intéressant pour les Athéniens que les combles de leurs maisons fussent bien solides, que de posséder la superbe statue d'ivoire de Minerve. J'aimerais cependant mieux être Phidias que le meilleur char- pentier, parce que ce n'est point par l'utilité du talent d'un ( 54) homme, mais par le mérite du talent en lui-même qu'on doit en faire cas. En effet, il est donné à peu d'hommes d'être bons sta- tuaires et bons peintres, au lieu que d'artisans et de mécaniques, on n'en peut jamais manquer. » Nous voici sur le terrain mitoyen de l'art et de l'industrie. Nous aurons à nous y arrêter quelque temps, car dans le nombre con- sidérable de questions qui dépendent de notre sujet, il en est plusieurs où ces deux éléments de civilisation, bien différents dans leurs effets, interviennent soit pour s'unir, soit pour se combattre. L'art a donné naissance à l'industrie qui lui emprunte tous ses tvpes, tous ses modèles, toutes ses formes et qui ne peut absolu- ment rien sans son secours. Tous les jours on prêche la nécessité d'une intime union de l'art et de l'industrie. Cette nécessité n'existe que pour l'industrie, attendu qu'elle ne peut absolu- ment rien pour l'art et ne lui rend aucun service. L'art existe par lui-même; tous ses moyens, toutes ses ressources sont en lui. Il prête, il donne et n'emprunte rien, parce qu'il n'a besoin de rien. Ses bons offices sont mal récompensés. Celle qui lui doit l'existence l'a détrôné. Jadis l'art exerçait une souveraineté universelle; aujourd'hui l'industrie se proclame la reine du monde, et cette fois encore les adorateurs du soleil levant n'ont pas manqué. Cette souveraineté ne peut-elle donc pas se par- tager? vont demander les personnes douées de l'esprit de conci- liation. A cette question nous répondons négativement, sans hé- siter. L'art et l'industrie ne peuvent pas régner simultanément, d'un commun accord, par la raison qu'ils représentent des prin- cipes différents. Admettrait-on la possibilité d'une forme de gou- vernement réunissant le despotisme et la liberté? L'industrie porte le drapeau des intérêts matériels, du positivisme, s'il est permis d'employer ce mot qui a fait invasion dans la langue, comme la chose a fait invasion dans le monde; elle vise à propager les idées les plus antipathiques et les plus contraires aux beaux- arts. Les économistes, qui ont, la parole en ce temps-ci, et qui en usent, s'évertuent à proclamer la supériorité de l'industrie sur ( 5») l'art. Tandis que celui-ci est un pur objet d'agrément dont il est permis de s'occuper quand on n'a rien de mieux à faire, celle-là rend toutes sortes de services à la société. Elle fournit du travail et du pain aux populations; elle contribue à la fortune publique et à la prospérité des nations. Elle est utile du moins, tandis qiup l'art!.... Pour les économistes, les artistes sont des parasites assis au banquet social; les amateurs sont des maniaques. 11 n'y aurait pas grand mal à ce qu'on ebassât les uns et à ce qu'on enfermât les autres. Cette théorie des économistes n'a pas encore, il faut nous en réjouir, obtenu tout le succès qu'ils auraient souhaité. 11 reste des artistes, et la race des amateurs ne semble pas prés de disparaître. Toutefois il n'est pas inutile de réduire le système des économistes à sa juste valeur et de démontrer que l'art rend à la société au moins autant de services que l'industrie; qu'il contribue puissamment à la fortune publique; qu'il crée des richesses immenses et durables; enfin qu'il n'y a pas de revers à sa médaille comme à celle de sa rivale préférée. C'est ce que nous allons essayer de faire. Certes nous n'avons pas l'intention de diminuer de parti pris l'importance de l'industrie et de lui prêter des torts imaginaires, pour la plus grande gloire de l'art qui n'a pas besoin d'être défendu par de tels moyens, qui est de force à se défendre lui- même et ne le fait qu'en versant, lui aussi, des torrents de lumière sur ses obscurs blasphémateurs. 11 ne s'agit que de réta- blir les faits dénaturés par les flatteurs de l'industrie, car en sa qualité de reine elle a des flatteurs. Voyons quelle est la situation de l'industrie, quel est son rôle dans la société moderne; comment elle opère et quels sont les résultats de son activité, puis nous examinerons comment l'art se comporte de son côté. Chez les nations civilisées, l'industrie produit de grandes richesses, et comme cette production est incessante, la première idée qu'on se forme, c'est que la fortune publique en reçoit une augmentation incessante aussi. Un peu de réflexion ne tarde pas à faire reconnaître qu'il n'y a rien de moins fondé qu'une telle supposition. Les produits de l'industrie ne s'accumulent pas; ils (56) sont destinés à être consommés, à s'anéantir, à disparaître au fur et à mesure de la production. Plus ils disparaissent promptement, et plus l'industrie atteint son double but qui est de satisfaire aux besoins des consommateurs et de faire la fortune des industriels. Le travail de l'industrie, c'est le travail des Danaïdes; elle n'ajoute rien à ce qui existait; elle ne crée que des fantômes de richesses qui doivent s'évanouir. Les productions des beaux-arts sont durables, au contraire. Celles qui naissent chaque année s'ajoutent aux précédentes, et cette accumulation forme, à la longue, une richesse immense, colossale, dont l'évaluation échappe à toute faculté de calcul. Que serait-ce, si la folie des hommes n'avait, à différentes reprises, détruit un nombre énorme de ces objets précieux? Essayons cependant de donner une idée de ce que le génie d'un seul artiste a pu créer de ces richesses qui se perpétuent à travers les siècles et qui , capital productif, donnent, comme nous le prouverons, des intérêts qu'on a généralement le tort de ne pas faire entrer en ligne de compte. Le musée du Louvre possède quarante-trois tableaux de Rubens. De ces quarante-trois tableaux, vingt et un formant la galerie dite de Mèdicis, plus les portraits de François, duc de Toscane, de Jeanne d'Autriche et de Marie de Médicis en Bellone, en tout vingt-quatre toiles, ont été évaluées par les experts du musée à la somme de onze millions, chiffre officiel, et cette estimation ne paraîtra pas exagérée, si l'on songe aux prix auxquels sont poussées les œuvres des grands maîtres dans les ventes publiques, si l'on se souvient des six cent quinze mille francs payés pour la Concep- tion de la sainte Vierge de Murillo par la direction des musées de France. L'Angleterre serait toute prête à donner ces onze millions, pour entrer en possession des tableaux de la Galerie Mèdicis, malgré la dépréciation qu'ont pu leur faire subir récem- ment des restaurations brutales. Onze millions pour vingt-quatre toiles! Et le catalogue de Rubens comprend environ douze cents tableaux plus ou moins importants. Élevez, si vous le pouvez, votre pensée jusqu'au chiffre fabuleux du capital que représente cet amas de richesses. ( 57 ) Il y a bien des principautés, bien des duchés, si ce n'est des royaumes, qu'on payerait avec la valeur marchande de l'œuvre de Rubens. Quel est l'industriel, quel est le prince de la banque, le roi de la finance qui, en mettant le monde entier à contribu- tion, et en se livrant à des spéculations toujours légales, d'accord, mais toujours morales, cela est douteux , ait approché de la for- tune créée, on peut le dire, par un noble et lovai pinceau? Croit-on, après avoir estimé ce que peuvent valoir les douze cents tableaux de Rubens, en prenant pour base les onze mil- lions de la Galerie Mêdicis, croit- on être arrivé au terme de l'évaluation des richesses enfantées par l'immortel artiste? Ce serait une erreur. Il faut penser à ses dessins qui sont en nombre immense et qui représentent aussi des millions. Il ne faut pas oublier les gravures exécutées d'après ses tableaux, soit de son vivant et sous sa direction , soit après lui : ce sont d'autres millions. Laurent de Médicis disait un jour au Graflione qu'il voulait faire orner de stucs et de mosaïques les voussoirs d'une chapelle en voie de construction. Le Graflione lui fit remarquer qu'il n'y avait pas, pour le moment, d'artistes qu'on pût charger de ces travaux. « Bah! s'écria Laurent, avec des écus nous ferons des artistes. » — « Vous vous trompez, répliqua le Graflione; ce ne sont pas les écus qui font les artistes, mais bien les artistes qui font les écus. » Le Graflione avait raison. Les artistes font les écus î A quoi pensent donc les économistes, lorsqu'ils prétendent que ce sont des hommes inutiles? S'ils ne faisaient que des chefs-d'œuvre, s'ils se bornaient à nous pro- curer les plus pures jouissances de l'esprit, on pourrait dire qu'ils ne servent à rien; mais ils font des écus; ils méritent donc quelque considération. Les économistes ont, entre autres arguments, celui-ci qu'ils font valoir contre les beaux-arts, en faveur de l'industrie. Cette dernière, disent-ils, fait vivre ceux qu'elle emploie, tandis que l'artiste ne travaille que pour sa gloire- et pour la récréation de quelques privilégiés. Ils se trompent. Jamais industriel n'a occupé autant de bras que Rubens, n'a contribué directement ou indirec- ( 58 ) tcment au bien-être matériel d'un aussi grand nombre de ses sem- blables. La ville d'Anvers est visitée chaque année par une foule d étrangers qui ne croient pas pouvoir traverser la Belgique sans faire cette excursion. Quel est l'objet qui les y attire? Serait-ce le port? nous ne le pensons pas. Il est très- beau assurément; mais on voit de beaux ports et même de plus remarquables en d'autres pays. Ce qu'on ne voit pas ailleurs, ce qui attire les étrangers à Anvers, ce sont les Rubens de la cathédrale, de Saint-Jacques et du musée. C'est aussi l'ensemble de cette dernière collection; mais avant tout, on pense à Rubens. Qui se chargera de calculer ce que, depuis deux siècles, ces voyages ont rapporté à la ville d'An- vers, aux hôteliers, aux voilures publiques, etc Nous serions cu- rieux de savoir aussi quelle a été la somme produite par la taxe prélevée sur la curiosité ou sur le véritable amour de l'art qui con- duit tant de touristes devant la Descente de croix, car on n'ignore pas que ce chef-d'œuvre se cache sous un rideau jaloux qui ne se lève que moyennant finance. Ce que Rubens a fait pour Anvers, Van Eyck l'a fait pour Gand , Memling l'a fait pour Bruges. L' Agneau mystique et la Châsse de sainte Ursule ont été, pour ces deux villes, d'abondantes sources de revenu. Nous parlons au passé; mais elles existent encore ces sources bienfaisantes; elles existeront tant que Bruges et Gand conserveront les précieux mo- numents de l'art flamand signalés à l'admiration du monde entier. Que la possession des beaux objets d'art soit une cause d'hon- neur et de profit pour les nations qui ont su les produire, les conserver ou les acquérir, c'est une vérité depuis longtemps et presque généralement reconnue. Nous aurions voulu n'être pas obligé d'ajouter ce presque restrictif; nous aurions voulu pouvoir nous dispenser de discuter une question dont la solution est indi- quée d'avance; mais il y a encore, malheureusement, des per- sonnes qui donnent le nom de sacrifices aux dépenses que font les gouvernements dans l'intérêt des beaux-arts, tandis qu'en réalité il n'existe pas de meilleur placement. Ces mêmes personnes qua- lifieraient volontiers d'aumônes ce qu'on accorde aux artistes en échange de travaux qui font la fortune du pays en même temps que sa gloire. (89) Depuis que l'admirable musée de Dresde a été installé dans le nouveau palais où rayonnent ses splendeurs , il a été publié une notice explicative des tableaux, faite avec soin et précédée d'un historique de la formation de cette galerie justement célèbre. L'auteur, après avoir rappelé tout ce qu'elle doit au goût et à la libéralité d'Auguste III, ajoute : « Nous ne saurions nous empê- cher de remarquer ici que des dépenses qui, autrefois, ont peut- être été taxées de prodigalité par cela même quelles n'avaient pour but que de satisfaire le goût si noble et si élevé du roi, devin- rent avec le temps une mesure de finance très-heureuse, car les sommes considérables qui furent dépensées pour l'acquisition de ces chefs-d'œuvre de l'art, outre que le capital s'en trouve dé- cuplé, portent encore aujourd'hui les-plus gros intérêts, si l'on considère les avantages pécuniaires résultant pour le pays de l'alfluencc d'étrangers qu'y attire chaque année notre galerie. » C'est uniquement à son musée, en effet, que Dresde est rede- vable de sa prospérité, et toute la Saxe profite des avantages qui naissent du grand concours d'étrangers attirés par le désir d'ad- mirer les trésors d'art dont Auguste III a enrichi sa capitale. Que deviendrait la Bavière, si Munich et Nuremberg étaient tout à coup dépossédés des monuments des beaux-arts dont la renommée est la seule cause de leur fortune? La solitude et le silence régneraient dans cette contrée si parcourue aujourd'hui. Est-il nécessaire de rappeler que l'Italie prélève chaque année un tribut énorme sur les étrangers attirés par la célébrité de ses monuments et de ses collections. C'est là sa principale ressource. Le gouvernement romain le sait si bien, qu'il interdit la sortie des objets d'art et qu'on voit de grandes familles déchues conserver, faute d'être autorisées à s'en dessaisir, des chefs-d'œuvre dont la vente leur rendrait l'opulence. On ne va plus guère à Rome chercher des indulgences; mais on va, on ira toujours y admirer Saint-Pierre, les fresques de Raphaël et de Michel-Ange, et les précieux restes de l'art antique épars sur le sol de la ville éter- nelle. Paris aurait- il tant d'attrait, s'y rendrait-on de toutes parts avec tant d'empressement , s'il n'avait à offrir que ses boulevards, ( 60) ses restaurants, ses cafés, ses magasins où s'étalent les produits dune industrie raffinée, ses bals publics et ses fractions de vertus féminines ? Combien le séjour de ceux qui vont le visiter ne se- rait-il pas abrégé, s'il ne les retenait par ses collections de tout genre et par ses théâtres qui sont comme les musées de l'art dramatique et de l'art musical? Quand vous voyez les Anglais donner leurs soins à une chose, soyez certains qu'elle est utile. Ce ne sont pas des rêveurs; ils ont l'esprit pratique , comme on dit, et ne gaspillent ni leur temps, ni leur argent. Si aucune dépense ne les arrête pour former de splendides collections d'objets d'art, c'est que ce ne sont pas, sui- vant eux, des inutilités, des frivolités. Certes on ne dira pas qu'ils négligent 1 industrie ; mais comprenant que l'art doit avoir une large part dans l'existence des peuples civilisés, ils ont fait le British Muséum et la National Galery ce que nous les voyons, sans compter Hampton- Court et Windsor remplis de chefs- d'œuvre. Parmi les visiteurs de la Hollande, en est-il beaucoup, croit- on, dont le but ne soit pas de voir les musées d'Amsterdam et de La Haye? Sans la Ronde de nuit, la Leçon d'anatomie et les Syn- dics des drapiers, sans le Banquet des arquebusiers , sans l'ex- cellente compagnie où se trouvent ces productions capitales de 1 école hollandaise, nos voisins du Nord verraient infiniment moins de voyageurs. Rembrandt, Vander Helst, Paul Potter, les Vandc Velde, Metsu, Steen, etc., etc., ont battu, battent et bat- tront éternellement monnaie au profit de leurs compatriotes. On va voir les œuvres des peintres hollandais. On va voir aussi la Hollande, mais c'est surtout pour la comparer aux portraits qu'en ont tracés les maîtres du dix-septième siècle, et pour s'assurer de ce que les originaux peuvent avoir conservé de leur ancienne physionomie. Les économistes ont beau faire, ils ne détourneront pas l'atten- tion publique de l'art dont l'attrait est irrésistible. On se sert de l'industrie; c'est l'art qu'on aime, qu'on recherche. Convaincus de cette vérité, Ja plupart des gouvernements font de grands efforts et de grandes dépenses pour former des collections ca- ( ci ) pables d'attirer les voyageurs et de les retenir. Quand ce n'est point par goût, par tradition , c'est par calcul. Il est moins permis à la Belgique qu'à aucune autre nation de rester en dehors de ce mouvement. Bruxelles a l'avantage de se trouver sur la roule de bien des voyageurs; mais pour que cet avantage soit réel, il faut que les touristes ne se bornent pas à la traverser. Ce ne sont pas les institutions politiques dont nous sommes justement fiers d'ail- leurs; ce n'est pas notre état militaire pour lequel tant de mil- lions sont dépensés annuellement, ce n'est pas notre industrie qui les retiendront et les obligeront à laisser chez nous leur ar- gent. D'autres objets ont le privilège d'exciter la curiosité pu- blique; et avant tout ce sont les monuments et les collections d'objets d'art. Le touriste, en débarquant, consulte son guide imprimé; il s'informe de ce que la ville offre de remarquable en ce genre. Si les renseignements sont favorables, il restera; dans le cas contraire, il ne fera que passer, emportant ses écus pour aller les dépenser là où il y a de belles choses à voir; de ces choses qui laissent une trace dans le souvenir et dont on puisse parler au retour. Si nous traitions la question uniquement à notre point de vue et si nous pouvions nous borner à présenter les arguments qui nous viennent les premiers à la pensée, nous dirions : La Belgique a été un des principaux centres de production artistique de l'Eu- rope; elle a été le siège d'une des écoles de peinture les plus flo- rissantes et les plus renommées; c'est là sa principale gloire. Le malheur a voulu que par sa position géographique qui la plaçait sur le chemin des armées; par les événements politiques qui la soumirent à plusieurs dominations étrangères; par le peu de soin qu'ont pris nos pères de conserver le dépôt dont ils étaient les gar- diens, le malheur a voulu que les trésors d'art qu'elle possédait lui aient été en grande partie enlevés. Il faut ressaisir les précieux débris partout où il sera possible de les rencontrer, et consacrer à cette mission nationale les sommes que réclamera son accomplis- sement. La dépense ne sera pas de peu d'importance : tant mieux. Cela prouve que les productions de l'art flamand sont estimées. Aimerait-on mieux qu'elles se vendissent à vil prix? Quand nous ( 62 ) aurons rassemblé ces richesses intellectuelles qu'on nous a enle- vées, ou que nous avons perdues par notre faute; quand on sera forcé de venir étudier la peinture flamande dans nos provinces, comme on est obligé d'aller étudier la peinture hollandaise en Hollande, la peinture vénitienne à Venise; quand nous aurons reconstitué une Belgique artiste digne de son passé, ce sera une grande et belle tâche que nous aurons remplie. Ce langage est celui qu'il nous plairait de pouvoir tenir; mais comme en ce moment nous nous adressons aux économistes, nous devons leur exposer des raisons qui les touchent davantage et qui leur semblent plus concluantes. Voilà pourquoi nous par- lons de l'intérêt matériel qu'a la capitale à retenir les touristes, en leur présentant des objets capables de piquer leur curiosité; de s'imposer à leur attention sera mieux dit, car c'est un senti- ment supérieur à la curiosité, que celui qui porte les hommes in- telligents à rechercher la vue des œuvres d'art. La dépense qu'il y aurait à faire pour réaliser le plan que nous venons d'exposer ne serait pas ce que les gens positifs appellent un sacrifice; ce se- rait un placement avantageux, ainsi que le prouve l'expérience ac- quise par d'autres nations. Nous ne parlons ici que de retrouver, de rassembler et de conserver les productions de l'art ancien; mais il s'agit encore de produire, de créer, d'ajouter de nouvelles richesses aux anciennes, car le culte exclusif du passé serait un signe de l'impuissance du présent. C'est une autre question que nous examinerons tout à l'heure. L'influence des beaux-arts sur la richesse des nations et sur les fortunes privées a été indiquée d'une manière très-originale, il y a cent cinquante ans, par Richardson. Il envisage la ques- tion au point de vue de l'Angleterre, mais parmi les idées qu'il exprime, il en est beaucoup qui sont d'une application gé- nérale. Richardson s'attache à démontrer combien il serait avantageux pour les gens de qualité de son pays, et pour le pays lui-même, que le goût des beaux-arts se généralisât parmi eux et qu'ils de- vinssent connaisseurs en peinture. « Si les gens de qualité étaient amateurs et connaisseurs en ( 65 ) peinture, dit -il, de grandes sommes d'argent, dépensées pour un luxe frivole, seraient employées à l'acquisition de tableaux, de dessins et d'antiquités, et l'on se meublerait ainsi d'une façon plus productive que coûteuse. En effet, comme il est impossible que le temps et les autres accidents ne détruisent pas un grand nombre de ces objets d'art et n'en diminuent pas notablement la quantité, comme il n'y a pas à espérer, d'une autre part, qu'on y puisse suppléer par de nouveaux morceaux qui égalent en beauté ceux que nous avons, il faut que la valeur de ceux que l'on conserve s'augmente tous les jours. Il y a apparence que l'argent qu'on y emploierait avec jugement et avec prudence profiterait plus que de toute autre manière qu'on s'en servît. » Tout cela n'est pas moins vrai aujourd'hui que du temps de Richardson. Les conseils qu'il adresse à ses contemporains se- raient bons à donner aux nôtres. Il est certain qu'une partie des sommes considérables que Ion consacre au luxe des habitations, à des objets d'ameublement dont la valeur change avec les ca- prices de la mode, pourrait être fructueusement employée à l'ac- quisition de tableaux et d'autres objets d'art dont le prix ne subit pas d'arbitraires fluctuations. C'est une vérité incontestable, que le plus avantageux des placements est celui qui consiste à faire l'acquisition d'œuvres d'anciens maîtres qui deviennent de jour en jour plus rares, plus recherchées et plus chèrement payées. Les personnes qui ont acheté des tableaux, il y a vingt-cinq ans, et qui les revendent aujourd'hui s'en aperçoivent. Richardson a seu- lement un tort, c'est de ne recommander que l'acquisition des productions des anciennes écoles, c'est de trop insister sur la con- sidération de leur augmentation de valeur. Les œuvres des ar- tistes contemporains ne doivent pas être dédaignées, comme nous le démontrerons plus loin dans un chapitre consacré aux encou- ragements à donner aux beaux-arts. L'achat des tableaux, des des- sins, des statues ne doit pas être seulement une affaire financière, mais aussi et principalement une affaire de goût et de sentiment. Richardson, suivant les idées de son temps et de son pays, ne s'adresse qu'aux gens de qualité. Dautres pourront profiler de ses avis. Quiconque aime les arts et est assez riche pour satisfaire ( 64) ce noble penchant est de la qualité qu'il faut pour prendre rang parmi les personnes que la chose concerne. a On sait, dit encore Richardson, quels avantages résultent pour l'Italie de ce qu'elle possède tant de beaux tableaux, tant de belles statues et tant d'autres curiosités de l'art. Si notre île se rend fameuse par là, comme elle le peut facilement au moyen de ses richesses, nous partagerons avec l'Italie les profits qui lui re- viennent du concours des étrangers voyageant pour se donner le plaisir de voir et de considérer ces raretés et en même temps pour s'en instruire. » Ces observations sont conformes à celles que nous venons de présenter nous -même relativement à l'influence qu'exercent les collections d'objets d'art sur la fortune publique ; il est donc inu- tile de dire que nous les trouvons fondées. Malgré tout ce qui démontre que l'art est presque aussi utile (dans le sens matériel) qu'il est beau, les économistes sont fort mal disposés à son égard; ils gardent leurs prédilections exclu- sives pour l'industrie qui, seule, disent-ils, rend des services réels aux populations et à l'État. Cependant si Fart, dépouillé de sa royauté au profit de l'industrie, voulait chercher querelle à l'usurpatrice, que de dures vérités il aurait le droit de lui dire ! On ne parle que du bien que fait l'industrie en contribuant à l'accroissement de la fortune publique. Cependant, pour être juste, il ne faudrait point passer sous silence les maux qu'elle produit, ou, si Ton veut, dont elle est la cause involontaire. Ces maux sont plus grands qu'on ne suppose, et les remèdes par lesquels ils pourront être guéris, lorsqu'on se décidera à les em- ployer, c'est l'art qui les fournira. L'industrie moderne, on ne peut le contester, abrutit l'homme en le réduisant au rôle de machine, en supprimant chez lui toute initiative de l'esprit. Pour combattre cette funeste influence, il est indispensable d'améliorer la condition intellectuelle des masses. Si l'on ne prend pas ce parti, les merveilles de l'industrie abou- tiront à la dégradation physique et morale des populations em- ployées dans les fabriques. Le travail agricole n'a pas les mêmes effets désastreux. Les hommes de la campagne sont en contact ( Go ) avec la nature qu'ils aiment, qu'ils comprennent jusqu'à un cer- tain point, et qui parle à leur imagination. On a vu des bergers, devenir peintres. Jamais il ne sortira un artiste des rangs des ouvriers parqués dans les ateliers de la grande industrie. La vie champêtre a un côté contemplatif qui favorise le développement des individus heureusement organisés. Les beautés sereines de la nature exercent leur influence sur tous les hommes, même sur ceux dont l'esprit n'est pas cultivé. Or la nature n'existe pas pour les hommes confinés dans les fabriques; jamais ses fraîches impres- sions ne retrempent leur corps débilité et leur âme corrompue. L'illusion, l'utopie des économistes qui prônent les bienfaits d'un grand développement de l'industrie, c'est la richesse, la prospérité, le bien-être répandus dans les contrées qu'elle choisit comme sièges d'exploitation; c'est le sort des populations rendu plus heureux. Lorsqu'on a visité les districts manufacturiers de l'Angleterre, cette capitale du royaume de l'industrie, lorsqu'on a vu de près les ateliers et les populations ouvrières des grandes villes du continent, on sait que ce n'est là qu'une fiction. La misère, l'ignorance, la démoralisation, voilà la réalité que masque cette fiction. Bien des personnes, tout en reconnaissant que l'industrie a cette fâcheuse influence sur la condition des ouvriers, assurent que c'est un mal inévitable. Si l'industrie cause ce préjudice aux populations qu'elle emploie, elle contribue, dit-on, à la richesse de la nation; elle sert lintérèt général auquel les intérêts par- ticuliers doivent être sacrifiés. Nous ne saurions souscrire à ce raisonnement. La société n'a pas le droit d'exercer cette espèce d'expropriation morale pour cause d'utilité publique; elle ne peut pas se prétendre fondée à faire des martyrs, pour se procurer de certains avantages. Lorsqu'un mal existe, il ne faut pas se borner à le constater; c'est un devoir de chercher un remède qui lui soit applicable. Pour les maladies du corps social, comme pour les affec- tions du corps humain, il n'y a que deux dénoùracnts possibles : la guérison ou la mort. N'imitons pas le fatalisme oriental qui se ré- signe au mal, sans faire d'efforts pour le combattre. L'antidote du poison versé par l'industrie aux classes laborieuses, nous le trou- Tome XXII. 5 (66) vons dans la création d'un art public dont il sera parlé plus loin. Pour le moment nous nous bornerons à établir un parallèle entre l'art et l'industrie, afin de montrer combien est grande l'erreur des gens qui prétendent assigner un rang supérieur à celle-ci. L'industrie travaille pour l'utilité des hommes et pour leur avantage matériel; elle pourvoit à leurs besoins physiques qu'elle multiplie afin de placer ses produits. L'art travaille pour leur per- fectionnement moral, développe leur intelligence, leur procure des jouissances que ne suit jamais la satiété. La prospérité de l'industrie s'édifie sur la misère, sur les souf- frances et sur la démoralisation des classes laborieuses. Il n'en est pas de même de la prospérité des beaux-arts. Loin de se payer d'un tel prix, elle est directement ou indirectement une cause de bien-être et de satisfaction. Contrairement à toute raison, à toute vérité, tandis que l'industrie, cette bienfaitrice de l'humanité, tue les hommes, physiquement et moralement, dans une foule de métiers, elle proclame inutile l'art qui ne produit que des effets salutaires. Cependant les préjugés l'emportent; c'est un principe établi qu'à l'époque où nous vivons , l'industrie a le pas sur l'art. Mille exemples prouvent que, dans le monde officiel, un riche indus- triel est un personnage plus considérable qu'un excellent artiste. Certes, il est bien de fonder, de diriger une grande industrie, de faire vivre (misérablement, à la vérité,) de nombreux ouvriers, de faire circuler de grands capitaux, même lorsqu'on en retient une forte partie à titre de bénéfice; mais il est mieux de créer des œuvres qui restent, que la consommation n'anéantit pas; de fournir l'aliment intellectuel à des populations autrement nom- breuses que celles qu'a nourries, tant bien que mal, le salaire de la fabrique. Tout cela est bel et bon; mais l'industrie est la reine du monde et les industriels, ses ministres, sont des personnages auprès des- quels les peintres, les sculpteurs, les musiciens font une très-pe- tite figure. C'est un fait, et le fait a toujours raison, dit-on. Il y a pour les artistes une pensée consolante, c'est qu'il suffit d'avoir produit une œuvre distinguée en peinture, en sculpture, en mu- (67 ) sique, pour vivre dans l'avenir, tandis que tout meurt avec l'in- dustriel millionnaire. Les artistes auraient tort de se plaindre. Tous les avantages ne peuvent pas être d'un même côté. Les in- dustriels n'ayant que le présent, il est juste qu'ils en profitent. Encore une supériorité de l'art sur l'industrie, c'est que celle-ci se borne à tirer parti de ce qui existe, à mettre en œuvre les élé- ments qui lui sont fournis par la nature, tandis que l'art fait sortir quelque chose de rien. Sans les matières premières sur lesquelles elle opère et qu'elle transforme, l'industrie serait réduite à l'im- puissance. Elle ajoute seulement la valeur de la main-d'œuvre à celle des matériaux, au lieu que l'artiste crée la valeur entière de l'œuvre qu'il produit. Avec un morceau de toile clouée sur un châssis, avec un panneau, des couleurs et des pinceaux, le tout re- présentant une mise de fonds de quelques écus, il exécute un tableau de trente à quarante mille francs. Sans parler des pro- ductions des anciens maîtres qui doivent au temps un accroisse- ment de valeur, nous demanderons ce qu'a pu représenter pour M. Meissonnier l'achat des matériaux qu'il a employés , propor- tionnellement aux sommes que lui a rapportées son talent? Les frais sont si insignifiants, relativement aux bénéfices, pour parler la langue des industriels, qu'on peut les regarder comme n'exis- tant pas. L'artiste tire du néant un objet précieux. Il fait mieux que changer le plomb en or ; le plomb est économisé ; l'or naît spontanément sous ses mains. Les industriels sont trop bons cal- culateurs, pour méconnaître cette supériorité des beaux-arts. L'industrie si fière, si hautaine; l'industrie qui traite les beaux- arts du haut de la grandeur de ses capitaux, est obligée de re- connaître qu'elle ne peut rien sans l'aide des artistes. Les indus- triels ont de vastes ateliers, des machines puissantes, de nombreux ouvriers; leurs magasins sont remplis de matières premières em- pruntées aux différents règnes de la nature et amenées de toutes les parties du monde. Ces moyens d'exécution, réunis à grands frais , ne produiraient aucun résultat, si les artistes ne donnaient des dessins et des modèles pour les tissus de tout genre , pour les dentelles, pour les meubles, les tapisseries, les porcelaines, les bronzes, etc. Les procédés de fabrication sont partout a peu près (68) les mêmes; ce qui fait que l'industrie est plus avancée dans tel pays que dans tel autre, c'est que les beaux-arts y sont cultivés avec plus de succès. Il faudrait que les personnes qui s'occupent officieusement ou officiellement d'une régénération de l'industrie, se pénétrassent de cette vérité. Elles ne se méprendraient plus, comme elles le font, sur le choix des moyens propres à favoriser la réalisation d'une louable pensée. On ne parle que de propa- ger les notions du dessin industriel; on organise un enseignement ad hoc; on établit des expositions et des concours en vue de vul- gariser les principes de ce même dessin industriel et de récom- penser ceux qui se distinguent dans leur application. On oublie une chose, c'est qu'il n'y a pas de dessin industriel. Il y a un art général du dessin qui a des règles communes à tous les genres, qui renferme toutes les variétés de formes graphiques et plas- tiques. Dans les écoles où l'on enseigne cet art générateur, on ne s'occupe pas de former des artistes ayant un talent spécial pour la peinture de genre, pour le paysage, pour la marine; ou des sculpteurs habiles à modeler une pendule , un vase, un candé- labre. On enseigne l'art de reproduire la figure humaine soit en créant l'illusion du relief au moyen des lignes, des lumières et des ombres, soit en tirant d'une masse d'argile la réalité du relief. Cet art résume tous les autres; quiconque le possède imitera facilement toutes les formes de la nature animée et inanimée. La généralisation de renseignement existe également pour la littéra- ture et pour la musique. On n'apprend pas à faire un roman, une comédie, un article de revue. On apprend à écrire et lorsqu'on a la connaissance complète de la langue , on écrit tout ce qu'on veut, ou tout ce qu'on peut. Il ne s'agit plus que d'avoir des idées. On n'apprend pas à composer une romance, une contre- danse, un pas redoublé. Lorsqu'on a étudié les règles de la com- position musicale, on peut faire un opéra, une symphonie, une messe, une cantate, un solo de chant ou d'instrument. Le choix du genre, l'aptitude à le traiter ne sont que des affaires d'orga- nisation, de tempérament. On naît pour les grandes choses ou pour les petites. En général on réussit d'autant mieux dans les petites , qu'on a fait plus d'efforts pour se mettre en état d'aborder les grandes. ( 69 ) Il n'y a donc pas de dessin industriel; il y a une application des principes généraux du dessin à l'exécution des modèles sans les- quels l'industrie ne saurait opérer. S'est-on jamais élevé à un haut degré de perfection dans la conception de ces modèles, là où l'étude du grand art était négligée? La réponse à cette question ne peut être que négative. Chez les Grecs, à l'époque byzantine, au moyen âge, au temps de la Renaissance, la prospérité des arts dits industriels a toujours coïncidé avec une culture avancée de la peinture et de la statuaire; elle en a été la conséquence. Les orfèvres et les ciseleurs florentins, dont nous admirons les œuvres, n'étaient pas de simples artisans; c'étaient des maîtres qui excel- laient dans le dessin, à l'égal des plus excellents peintres et des meilleurs sculpteurs. Leurs ateliers ont fourni à l'école florentine un grand nombre de vaillants artistes. Si les fabriques de la Flandre étaient renommées aux treizième, quatorzième et quin- zième siècles, par leurs tissus où l'or se mêlait à la soie pour former des dessins dont le goût égalait la richesse; si les tapis- series flamandes historiées étaient recherchées dans le monde entier, si les ouvriers flamands excellaient dans la sculpture en bois et en ivoire, dans le travail des métaux , dans certains pro- duits de la céramique, dans tout ce qui tenait à l'ornementation des objets du mobilier religieux et civil, c'est au vif éclat jeté par les écoles de peinture de Bruges, de Tournai, d'Anvers, de Lou- vain, de Bruxelles qu'il faut l'attribuer. Les grands artistes for- maient les bons ouvriers; le goût se répandait du haut vers le bas. La tète, enfin, dirigeait la main : c'est Tordre naturel des choses. La prospérité des industries qui réclament le concours des arts graphiques et plastiques se prolongea en Belgique tant que ce pays donna naissance à de grands peintres et à d'habiles statuaires. Quand des circonstances, qu'il est inutile dénumérer ici, ame- nèrent la décadence de l'école flamande, l'industrie suivit, à son tour, une marche rétrograde. Sa chute ne fut pas instantanée; mais peu à peu les bonnes traditions s'affaiblirent, le goût dis- parut, les ouvriers perdirent jusqu'à l'habileté manuelle, et un jour vint où les dernières traces d'une splendeur qui avait duré ( 70 ) plusieurs siècles furent complètement effacées. Il y eut, on le sait, en Belgique, une longue période de marasme pour les beaux-arts et pour l'industrie. Quand vint le moment du réveil, est-ce l'industrie qui donna, la première, signe de vie? Non, vraiment. Elle sommeillait encore, alors que depuis longtemps on avait salué la renaissance de la peinture et de la statuaire. Il fallut que ces deux sœurs, ses aînées, lui montrassent le chemin du progrès, et même elle ne se pressa pas trop de les suivre. Ses efforts, pour remonter au rang d'où elle était déchue, ne datent que d'un petit nombre d'années. Lorsqu'on forme un projet quelconque, il est important de bien fixer d'avance le but qu'on se propose d'atteindre. On examine ensuite s'il est possible d'y parvenir, et par quelle voie on peut y être le plus sûrement conduit. Peut-être n'est-ce pas ce qu'on a fait, lorsqu'on a commencé à s'occuper de l'enseignement du dessin mis en rapport avec les besoins des arts industriels. C'est la marche que nous allons suivre. La question peut être posée de deux manières : ou bien l'on veut donner aux artisans des notions de dessin suffisantes pour qu'ils soient en état de reproduire avec exactitude, en observant l'harmonie des proportions, soit dans la réduction, soit, au con- traire, dans l'amplification des formes, le modèle qui leur est confié; ou bien on a l'espoir de voir sortir des classes spéciales, dont la création est un des objets à l'ordre du jour, des dessi- nateurs capables, non -seulement d'exécuter d'après les idées d'autrui, mais encore d'inventer. Si nous nous arrêtons à la pre- mière hypothèse, nous dirons qu'on se propose une chose utile, praticable, et dont l'industrie recueillera plus tard d'excellents fruits. Si nous allons jusqu'à la seconde, nous serons forcé d'ex- primer des doutes sur la possibilité de sa réalisation. Populariser la connaissance des principes du dessin est une mesure excellente et digne de la sollicitude du gouvernement. Il est incontestable que les artisans qui auront reçu cette instruction technique, développée dans le sens du parti qu'ils en peuvent tirer pour leur profession, s'acquitteront mieux de leur besogne que ceux dont la main n'a jamais manié le crayon. Toutefois, il ( 71 ) est bon d'ajouter que les ouvriers employés à des travaux déli- cats, les chefs d'ateliers et les ajusteurs, ont seuls besoin d'ac- quérir des notions de dessin , parce que seuls ils ont des occasions de les appliquer. Quant à ceux dont les fonctions se bornent à imiter, sans y rien changer, un type donné, il leur suffît d'avoir l'adresse manuelle. La science du dessin est aujourd'hui beaucoup moins utile aux hommes de métier qu'elle ne l'était jadis. La raison fondamentale de cette proposition est une conséquence forcée du principe sur lequel repose l'organisation de l'industrie moderne. Nous voulons parler de la division du travail, portée jusqu'à ses limites extrê- mes. Autrefois la confection d'un meuble, d'un objet d'orfèvrerie, d'une arme, était remise aux mains d'un seul artisan qui en éta- blissait le plan et qui en exécutait les détails. Avant d'être admis dans la corporation des maîtres de son métier, il devait faire ce qu'on appelait son chef-d'œuvre. Certaines de ces pièces dans lesquelles se signalait l'habileté des récipiendaires, exigeraient maintenant le concours d'ouvriers de plusieurs professions. S'il s'agissait d'un meuble, par exemple, l'aspirant à la maîtrise se montrait à la fois menuisier, ébéniste, tourneur et sculpteur. Il ajoutait encore, au besoin, le travail des incrustations. Le même objet, dans les ateliers modernes, passerait en dix mains diffé- rentes, sans compter ce qui sérail fait au moyen des machines. On signale comme un mal que l'industrie belge vive d'emprunts faits à 1 étranger pour tout ce qui tient à l'application des arts graphiques et plastiques. On déplore que les formes des objets servant à la décoration et aux usages de la vie domestique, ainsi que les dessins des tissus, soient invariablement des reproductions de ce qui nous vient de France, d'Angleterre, d'Allemagne. C'est un fait très-regrettable; mais quand nos ateliers se peupleraient d'artisans dessinateurs, rien ne serait changé à cet état de choses. Pour que les arts industriels prissent en Belgique un cachet ori- ginal, il faudrait que les chefs de fabriques se décidassent à atta- cher à leurs établissements des dessinateurs capables, soit d'in- % enter des formes nouvelles, soit de remettre en lumière les ornements caractéristiques de l'ancienne école nationale. Ce n'est ( 72) pas, on le comprend, à de simples ouvriers ayant reçu dans les écoles spéciales des notions de dessin, qu'ils auraient à s'adresser pour opérer une pareille reforme; c'est à de vrais artistes ayant fait un cours complet d'études picturales ou plastiques, et joignant à une pratique habile le goût naturel, la faculté de la conception et une certaine teinture d'archéologie. Dira-t-on que des artistes possédant cet ensemble de connais- sances aspireraient à une position plus élevée que celles d'obscurs dessinateurs de modèles pour les fabriques ? Nous répondrons à celte objection par des faits : c'est dans cette classe d'hommes spéciaux que les grands industriels de Paris et de Londres cher- chent leurs auxiliaires. Parmi les jeunes gens qui entreprennent l'étude de la peinture et de la statuaire , il en est qui , bien qu'heu- reusement doués, ne parviennent pas au but objet de leur ambi- tion. Ou bien ils manquent de certaines aptitudes nécessaires pour réussir dans la carrière qu'ils se proposaient d'embrasser, ou bien ils n'ont pas le temps d'attendre que la fortune sourie à une célé- brité lente à acquérir et sont obligés d'employer des moyens plus expéditifs pour se faire ce qu'on appelle une position. Us exécutent, pour les fabriques, des dessins ou des modèles, et lorsqu'ils sont habiles, ils tirent de leurs travaux un produit supérieur au revenu de bien des artistes dont les œuvres sont remarquées aux expo- sitions. Les neuf dixièmes au moins de ces travailleurs, si utiles à l'industrie, ont commencé par faire des tableaux et des statues. Après avoir rêvé la gloire, ils se contentent de la fortune. Si nos industriels veulent s'affranchir de l'influence du goût étranger; si, pour les formes et pour les dessins des objets confec- tionnés dans leurs ateliers, ils veulent acquérir des types origi- naux, ils doivent s'y prendre de la même manière que les fabri- cants français et anglais. Tous les jeunes gens qui ont étudié sérieusement l'art dans les académies de Bruxelles et d'Anvers, ne sont pas destinés à suivre, fût-ce de très-loin, les traces de Rubens ou de Du Quesnoy. Ils mettraient volontiers leurs talents au service de l'industrie, pour peu qu'elle les rétribuât convena- blement. Mais c'est là que git la difficulté. Nos fabricants trouvent plus simple et plus économique d imiter les dessins des tissus ( 73 ) anglais et français, de copier les formes des meubles ou celles des produits céramiques apportés de l'étranger, de surmouler des bronzes tombes dans le domaine public, que de payer à des artistes belges un droit d'invention. Quand on voudra sérieuse- ment que les arts industriels prennent, en Belgique, un caractère national, on devra commencer par décerner, dans les expositions, des récompenses toutes spéciales aux fabricants qui auront con- fectionné leurs produits sur des modèles originaux. Jusqu'à ce qu'on ait pris des mesures de ce genre, il sera inutile de pousser les jeunes artistes dans une voie sans issue. Ce ne sont pas les dessinateurs qui manquent à l'industrie, c'est l'industrie qui manque aux dessinateurs. On se tromperait si l'on attribuait d'une manière absolue aux artisans par lesquels furent exécutés les beaux ouvrages d'orfè- vrerie, de ciselure, d'ébénisterie , de serrurerie des seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, l'honneur d avoir inventé les motifs d'ornementation dont la richesse et l'élégance causent notre admiration. Il ne faut pas oublier que d'excellents artistes, des maîtres parfois, publiaient à l'usage des orfèvres, des serru- riers, des ciseleurs, des damasquineurs , des menuisiers, des recueils de modèles de tout genre. Il existe de nombreuses suites de ces cahiers que les amateurs d'estampes recherchent beaucoup aujourd'hui et dont la Bibliothèque royale de Bruxelles possède de curieux spécimens. Pour donner une idée de la variété d'objets qui s'y trouvent représentés, nous citerons : d'Albert Altdorfer des vases, des aiguières, des gobelets; de Daniel Hopfer des dessins pour le damasquineur des lames d'épées, des modèles de meubles, de fontaines, de candélabres, de gaines; de Virgile Solis de nombreuses pièces d'orfèvrerie, plats, aiguières, gaines de poignards, couteaux, fourchettes, des pendeloques, des sifflets de chasse; d'Aldegrever des dessins d'agrafes, de poignées, de lames et de fourreaux d'épées; de Pierre Floctner une suite de soixante-dix-huit estampes à l'usage des menuisiers, des orfèvres, des arquebusiers, des damasquineurs; -de Christophe Jamnitzer des dessins de jouets d'enfants; de Wenceslas Ho lia r un calice d'après Andréa Mantegna et un poignard d'après Holbein; de ( 74 ) Théodore de Bry, graveur liégeois, des ornements de bijouterie, des manches de couteaux , des coupes, des agrafes, des bracelets, des garnitures de fourreaux dépées; de Hafner des cuvettes de montres et des dessins de boîtes; de Morisson des bagues, des étuis, des broches, des pendants d'oreilles; de Rosine-Hélène Fustin des planches de broderie à l'aiguille ; de Federico de Vin- ciolo des modèles pour ouvrages de dentelles et de lingerie; d'Abraham Aubry plus de cent estampes contenant des dessins de bahuts, de tables, de lits et de chaises; de Vredeman de Vrics des objets du même genre. Il ne tiendrait qu'à nous de grossir énormément la liste de ces recueils spéciaux; mais à quoi bon? Ceux que nous avons cités au hasard suffisent pour prouver que les ouvriers appliqués à ce que nous appelons les arts industriels, trouvaient en grande partie les éléments de leur travail dans les modèles créés par d'habiles artistes. Voilà le secret du goût qui distingue les produits des diverses industries du moyen âge et de la Renaissance. Ce n'est pas en apprenant aux ouvriers à dessiner, qu'on par- viendra à rendre aux arts industriels le caractère national qu'ils ont perdu. Si la réalisation de cette excellente pensée est obtenue, ce sera par d'autres moyens. Il faudra faire exécuter des recueils d'ornements tirés des anciens monuments de Fart flamand et ap- plicables à la fabrication des objets actuellement en usage, puis faire en sorte que les chefs d'ateliers les adoptent de préférence aux modèles de France, d'Angleterre et d'Allemagne. La solution du problème de la renaissance de l'industrie belge est là et per- sonne n'y songe. On fonde des ateliers de dessin où Ton fait co- pier des dessins publiés à l'étranger. A quoi bon? Aura-t-on rendu service à l'industrie, quand on aura appris aux dessinateurs de fabrique à imiter les modèles français, anglais ou allemands? Si l'on reproduit en Belgique ce qui se fait à Paris, à Londres et à Vienne, où nos industriels placeront-ils leurs produits? Les origi- naux seront toujours préférés aux copies. Veut-on rendre l'indus- trie belge prospère? C'est par lui donner un cachei national qu'il faut commencer. L'art flamand peut marquer ses produits d'une empreinte originale qui les distinguera de ceux des autres nations ( 75 ) et les fera rechercher. Nos monuments, nos musées, nos collec- tions archéologiques offrent tous les éléments de cette ornementa- tion belge qui seule attribuera une valeur particulière aux objets confectionnés dans nos fabriques. 11 ne s'agit que de les choisir et, de les mettre en œuvre avec discernement; mais croit-on que cette tâche puisse être remplie par les ouvriers dessinateurs formés dans les écoles qu'on a fondées cl dont on s'efforce d'activer le développement? Pour la bien remplir, celte tâche, il faut des artistes instruits, joignant à l'habileté de la main la connaissance des monuments, le goût que développe l'habitude de voir, d'ana- lyser et de comparer, qualités que l'enseignement supérieur des arts du dessin fait seul acquérir. Parmi les mesures qu'on a prises pour relever les arts indus- triels en Belgique et dans l'efficacité desquelles on parait avoir pleine confiance, on a donc oublié la plus essentielle : la réforme des modèles. On s'est dit que ce qu'on avait de mieux à faire, c'était d'imiter les Anglais et d'établir des écoles Kensington en miniature. Il est incontestable que de grands progrès ont été faits par l'industrie anglaise depuis que, profitant des leçons qu'elle avait reçues de sa rivale française à l'Exposition universelle de 1851, elle a mis de eôté tous ses vieux modèles pour adopter des formes et des dessins d'un meilleur goût. Cependant elle aura beau faire, ses produits n'égaleront jamais ceux des ate- liers parisiens. L industrie anglaise est éclectique; s'aidant des riches collections du musée de Kensington , elle s'approprie tous les styles. Ses imitations sont parfaites; mais ce ne sont que des imitations. Elle fait de l'égyptien, du grec, du byzantin, de la renaissance italienne, du Louis XIV, du Pompadour. Il y a un style qu'elle ne traite pas, c'est le style anglais, par la bonne raison qu'il n'existe point. On a bien un peu, en France actuelle- ment, la manie des réminiscences; mais ce qu'on fait a un cachet, le cachet fiançais, auquel il est impossible de se méprendre. L'industrie française conservera sa supériorité, parce qu'il y a un art français fortement constitué, tandis qu'il n*y a pas d'art anglais à proprement parler. C'est de l'étranger que l'Angleterre a reçu les différents styles qui ont fleuri chez elle. Il y a un art ( 70) flamand; voilà pourquoi nous ne voulons pas qu'on forme des dessinateurs uniquement d'après les modèles empruntés aux pays voisins, voilà pourquoi nous croyons que l'industrie belge ne re- deviendra prospère qu'en reprenant les traditions nationales. Le sujet de l'application de l'art à l'industrie est loin d'être épuisé par ce qui vient d'être dit; mais nous ne nous proposions pas de le traiter dans tous ses détails. Il nous suffisait de déve- lopper certaines considérations générales desquelles il résulte que l'art est, de toute façon, supérieur à l'industrie à laquelle on assi- gne cependant aujourd'hui le premier rang. Nous nous proposions surtout de démontrer qu'on est dans une erreur profonde, lors- qu'on prétend créer un dessin industriel, un modelage industriel indépendants du grand art. Nous voulions ne pas laisser de doute sur ce point que c'est renseignement supérieur des arts du dessin qui fait les bons dessinateurs de fabriques, et que c'est en appre- nant à peindre et à sculpter, qu'on devient apte à exécuter des modèles pour toutes les industries. Si l'on tombait d'accord sur ces vérités dont l'évidence doit être reconnue par tout homme de bon sens et loyal, les économistes ne demanderaient plus à quoi servent les beaux-arts; ils cesseraient de réclamer contre les dé- penses faites pour enrichir les musées .et pour favoriser une forte organisation de l'enseignement. Ne quittons pas l'industrie sans lui dire encore quelques vérités. L'industrie moderne fait autant de mal aux beaux-arts qu'elle reçoit d'eux de bons offices. Jadis chaque ouvrier était un artiste. Avant l'époque où furent publiés les recueils de modèles dont nous parlions il n'y a qu'un instant, il créait son œuvre tout entière , et plus tard les modèles en question lui fournissaient seulement de certaines données de forme et d'ornementation qu'il modifiait dans l'exécution. Il était rare qu'il les copiât servile- ment. Chacun faisait son travail et le faisait à sa manière, en y mettant son sentiment, son eeprit. Ce qui le prouve, c'est la variété infinie qu'on observe dans les objets d'une même espèce. Il n'y en a pas un qui soit exactement semblable à un autre. Aujourd'hui la mécanique fait, par économie, tous les objets identiques. Les productions de l'art industriel exécutées de main ( 77 ) d'homme étaient vivantes. Celles qui sont fabriquées par des moyens mécaniques sont froides et mortes. L'ouvrier ne pense plus ; il n'est guère moins une machine que l'instrument qu il est chargé de faire fonctionner. On dit que les mécaniques ont cela de bon quelles ménagent les forces de l'homme. En revanche elles ont cela de mauvais qu'elles nuisent au développement de son intelligence dont elles le dispensent de se servir. Comparez les objets d'art des collections archéologiques avec ceux des magasins où sont réunis les produits de l'industrie mo- derne. Voyez comme les objets sortis des mains des ouvriers artistes du moyen âge et de la Renaissance sont variés, intéres- sants, animés. Ils plaisent par la perfection d'un travail admiré comme étant le témoignage d'un mérite individuel, et souvent aussi par de certaines négligences où se trahit un côté de la na- ture humaine. Ils portent l'empreinte de la pensée de l'exécutant, en même temps que celle de son adresse manuelle et parfois de ses défaillances. Observez, au contraire, l'uniformité, la roideur, la sécheresse des objets fabriqués mécaniquement. La froide pré- cision du travail laisse le spectateur indifférent. Sait -on gré à la machine d'avoir bien fait ce qu'elle ne pouvait pas faire autre- ment? On collectionne les anciens spécimens des arts industriels, parce que chacun de ceux qu'on acquiert a son cachet, qui était celui du génie et de l'adresse de son auteur; mais personne ne for- mera de collections de ces produits de l'invention moderne tirés à des milliers, à des millions d'exemplaires identiques. Il n'y a nulle satisfaction à posséder ce qui se trouve en une multitude d'autres mains. On a fait des essais plus ou moins réussis d'un mode d impression à l'aide de couleurs à l'huile simulant la pein- ture. En supposant qu'on atteignît la perfection dans ce genre, quel prix payerait-on le centième exemplaire d'un tableau dont l'original vaut aujourd'hui trente mille francs? Pas un amateur ne daignerait l'admettre dans sa collection. L'orgueilleuse prépondérance de l'industrie est un signe des temps. Jadis c'était à l'idée qu'appartenait la souveraineté du ( 78 ) monde, à l'idée qui se formule dans l'œuvre d'art. Aujourd'hui c'est le fait qui règne et qui est tout-puissant lorsqu'il est repré- senté par un chiffre. Cet état de choses ne peut être que provi- soire; il est impossible que l'esprit abdique à tout jamais au profit de la matière. Le positivisme moderne aura beau faire, il n'aura pas le pouvoir de changer le critérium de la civilisation : ce sera toujours l'art et non l'industrie. Les Américains eux-mêmes, nous l'avons déjà dit, quoique essentiellement pratiques et industriels, commencent à s'incliner devant l'art. Ils ne l'apprécient pas, ils ne le sentent pas encore ; mais ils l'achètent ; c'est déjà quelque chose. Auraient-ils, suivant une marche inverse de celle des sociétés eu- ropéennes, commencé par la civilisation matérielle, pour finir par la civilisation intellectuelle? Si l'industrie perfectionnée suffisait au bonheur de l'humanité, pourquoi les Américains qui ont, plus qu'aucun autre peuple, poussé à son développement, viendraient- ils chercher l'art en Europe et s'efforceraient-ils de l'acclimater chez eux? Ils ont donc reconnu qu'il ne suffit pas, pour être heu- reux, de pourvoir ingénieusement et largement à tous les besoins ph vsiques ? V. L'art seul est inépuisable. — L'inutilité des choses intellectuelles. — Tout luxe dérive de l'art. — Les méprises des économistes. — Pas de grand art sans le patronage de l'État. — Révolution en Angleterre. — Les devoirs de l'État envers les artistes. — Du meilleur mode d'encouragement des beaux-arts. — Les influences parlemen- taires. — Traditions administratives. — Les commandes et les acquisitions d'oeuvres d'art. — Quand l'artiste est- il libre? — Le despotisme des amateurs et des mar- chands. — Musées provinciaux. — Contrôle des actes de l'administration. L'art seul est infini. Les sciences ont une fin. On peut prévoir l'instant où elles auront dit leur dernier mot, où les derniers faits d'observation auront été recueillis et coordonnés, où la perspi- cacité de rhomme aura pénétré tous les mystères de la nature accessibles à son intelligence; mais quant à l'heure où les dernières combinaisons de l'art auraient été réalisées, elle ne sonnera pas. L'art est inépuisable dans ses ressources, autant que la nature lest dans ses créations. Sous ce rapport il peut être considéré comme le refuge suprême de l'esprit humain, ennuyé du repos où le contraindrait l'absence d'application, si toutes les études scientifiques qu'il poursuit étaient achevées, si tous les problèmes qui excitent sa curiosité étaient résolus, s'il avait, enfin, épuisé les derniers éléments d'activité qui lui sont offerts. II lui resterait encore la peinture, la statuaire, tous les arts qui ont le dessin pour principe, et la musique et la poésie. L'imagination de l'homme, combinée avec l'observation de la nature^ est douée d'une puis- sance créatrice sans limites. Et cependant on a osé dire que l'art est une frivolité. Plaignons ceux qui ont cette opinion. C'est bien ( 80 ) à eux que s'appliquent ces paroles : « Ils ont des oreilles et n'en- tendent pas; ils ont des yeux et ne voient point. » Les hommes qui ont la triste prétention d être positifs, c'est-à- dire de se préoccuper uniquement des intérêts matériels, croient ruiner le crédit dont jouissent encore les beaux-arts auprès des esprits arriérés, en disant qu'ils sont inutiles. Nous avons assez prouvé que, même au point de vue de ces intérêts dont ils se font les défenseurs, ils sont dans une erreur profonde; mais si nous admettions un instant que les beaux-arts fussent inutiles, comme ils l'entendent, nous dirions que c'est précisément cette inutilité qui fait leur grandeur. L'homme, lorsqu'il s'applique aux sciences utiles, reste dans le domaine de la matière. Sa nature intellec- tuelle ne prend vraiment le dessus, que lorsqu'il s'occupe des choses matériellement inutiles, des beaux-arts, par exemple. De- puis quand l'inutilité est-elle un signe d'infériorité? Est-ce que les vertus inutiles ne sont pas celles qu'on admire le plus? La géné- rosité, le dévouement, l'abnégation ne sont-ils pas des sentiments supérieurs à ceux qui ont pour objets de procurer de certains avantages à la personne qui les éprouve ? Nous avons dit que l'art répondait à un besoin de l'esprit hu- main. II satisfait également des besoins qui naissent de l'état social et qui croissent parallèlement avec la civilisation. L'homme qui fait profession de matérialisme, l'épicurien qui ne demande qu'à jouir physiquement, ne se contente pas de peu. S il est riche, et vraiment il n'a le droit d'être épicurien qu'à cette condition, il aime à s'entourer de luxe. Or, toute espèce de luxe dérive des beaux-arts. Les matériaux les plus précieux ne peuvent consti- tuer ce qu'on appelle le luxe. Il faut qu'ils soient mis en œuvre suivant des règles que l'art a fixées, d'après des modèles inventés par des artistes. A quoi serviraient ces matériaux que fournissent les trois règnes de la nature, si l'art n'en tirait point parti? Les marbres, les métaux qu'on extrait des entrailles de la terre, les bois richement colorés qui croissent dans les forêts des contrées méridionales, la soie, la laine, le lin seraient pour le luxe des élé- ments stériles, si les beaux-arts ne leur donnaient point les formes ou les dessins qui en font des objets d'ornement. Le goût qui a (81 ) présidé à la conception de ces formes et de ces dessins sera plus ou moins pur; suivant les caprices du moment, ce sera le style antique qui dominera, ou le byzantin ou' le rococo; mais l'art sera toujours appliqué sous une forme quelconque. Indépendam- ment des jouissances intellectuelles qu il procure, l'art est donc, dans les sociétés civilisées, un objet de première nécessité. Seule- ment beaucoup de gens en jouissent à tout instant sans le savoir, comme de l'air qu'ils respirent, et seraient fort étonnés d'ap- prendre qu'ils font une grande consommation de la chose pro- clamée par eux inutile. Les beaux-arts n'ont pas besoin d'encouragements, disent les économistes dont le principe : « Laissez faire, laissez passer » est inflexible et n'admet de composition dans aucun cas. « Pas d'en- traves, mais pas de protection, s'écrient-ils : que l'art soit payé par ses consommateurs. » Les économistes raisonnent des beaux- arts comme ils raisonnent de l'industrie et du commerce; ils leur appliquent les mêmes règles. On s'expose à se tromper, lorsqu'on parle de choses qu'on ne connaît pas et lorsqu'on s'ob -tine à rap- porter aux lois d'une même théorie, des objets sans analogie de nature et de destination. C'est ce qu'ont fait les économistes, lors- qu'ils se sont occupés des beaux-arts. Nous ne les imiterons pas, en nous arrogeant le droit de résoudre des questions sur les- quelles nous ne sommes point compétents. Acceptons leurs idées sur l'industrie et sur le commerce, ou du moins, si nous ne les faisons pas nôtres, consentons à les regarder comme fondées. Us voudront bien remarquer cependant que les croire sur parole est une grande courtoisie, attendu que leur science a été sujette à de singulières variations de principes et que depuis que l'économie politique existe, on a vu, deux ou trois fois par siècle, les écono- mistes de la nouvelle école faire table rase de tout ce qu'avaient édifié leurs prédécesseurs et déclarer qu'on n'avait dit que des sottises avant eux. II y a donc, nous le répétons, beaucoup de courtoisie à supposer que toutes les opinions des économistes de l'époque actuelle seront adoptées par leurs successeurs, car on serait sans doute plus près de la vérité, en prévoyant les démentis qu'ils recevront, à leur tour, au nom du progrès. Dans tous les Tome XXII. G ( 82 ) cas, ce serait pousser trop loin la politesse, que de ne pas relever les hérésies des économistes en matière de beaux-arts. Il est d'au- tant plus nécessaire de redresser leurs erreurs, qu'ils écrivent et parlent beaucoup, tandis que les artistes se bornant à protester tout bas contre les fausses doctrines dont la propagation leur est préjudiciable, l'opinion publique pourrait facilement s'égarer et prendre pour la vérité ce qui en est tout l'opposé. « Pas d'entraves, mais pas de protection », s'écrient les écono- mistes à l'occasion des beaux-arts, tout comme à propos des den- rées alimentaires, des produits manufacturés, etc. Pas d'entra- ves! la belle concession! On n'interdira pas aux peintres, aux sculpteurs, aux musiciens, de faire des tableaux, des statues, des partitions Ils doivent être fort reconnaissants qu'on leur laisse pareille liberté. Pas de protection? La société souffrira plus que les artistes eux- mêmes de la mise en pratique de ce système; or les économistes qui prétendent régler les intérêts des peuples, ne devraient pas faire aussi bon marché de ceux dont nous prenons ici la défense. Dites-leur que les beaux-arts ne peuvent pas exister sans protec- tion, ils répondront : an- (96) nales nationales et destinée à orner un édifice public, le choix du sujet leur est abandonné et rien, dans la manière de le traiter, ne vient gêner leur inspiration. Us ne sont pas obligés de se renfermer dans de certaines limites de dimension, parce que leur tableau doit remplir dans un saJon tel espace mesuré d'avance, ou servir de pendant à un autre morceau. Ils n'ont pas à se préoccuper des conditions particulières de coloris et de lumière commandées par le luxe de l'ameublement ou par l'éclat des tentures de l'apparte- ment dont leur peinture doit compléter la décoration. L'amateur n'aime pas les sujets tristes ni les gammes sombres; il veut n'être entouré que de choses riantes. L'artiste qui, par tempérament, in- clinerait vers les idées mélancoliques et vers un mode d'exécution approprié à ces idées, doit faire violence à ses instincts; il doit s'efforcer de voir en rose et de peindre idem. Le gouvernement n'a pas de ces exigences; il laisse aux artistes leur caractère, leurs inspirations et leur style. Nous avons connu des peintres dont le despotisme des marchands a complètement faussé le talent, en les contraignant à produire des œuvres d'un certain genre connu de ceux-ci pour être du goût de leurs clients. Nous en savons aux- quels on reproche de se répéter et qui n'ont ce défaut que parce que le spéculateur avec lequel ils font des affaires leur commande sans cesse le même tableau dont il sait que le placement est avan- tageux. Vous pensez peut-être que la variété des conceptions et de l'exécution doit être pour l'artiste une cause de succès. Détrom- pez-vous. Les amateurs vulgaires, et ce sont les plus nombreux, lorsqu'ils voient un tableau qui leur plaît, ou dont on fait l'éloge, en désirent un semblable. Un autre, fût-il meilleur, ne les satis- ferait pas. Le marchand connaît son monde et fait ses commandes en conséquence. Un peintre, dont nous citerions le nom, si ce n'était une indiscrétion, bien organisé, doué d'une facilité remar- quable, fait de petits tableaux assez séduisants d'aspect, mais d'un dessin maniéré et d'un coloris tout conventionnel; il ne fait que cela. Demandez-lui pourquoi il s'écarte aussi manifestement de la nature, il vous répondra que ses toiles ont un grand débit en Angleterre et en Amérique, et que son marchand lui a expressé- ment recommandé de ne pas changer de manière. Il ne travaille (97 ) que pour l'exportation. Et l'on dit que les artistes sont libres, lors- qu'ils n'ont pas à exécuter des œuvres commandées par le gou- vernement! Il se commet parfois des méprises dans la protection gouver- nementale. On a vu commander des fresques à des peintres de genre, des batailles à des peintres de sujets religieux, des tableaux d'histoire à des peintres de scènes populaires; mais quelques er- reurs d'application ne doivent pas faire condamner un principe. Le plus souvent, l'artiste qui reçoit une commande du gouverne- ment conserve toute liberté de conception et d'exécution. Si le gouvernement renonçait à faire des commandes aux ar- tistes, d'après le conseil de ceux qui prétendent qu'il aurait plus de chances d'acquérir des œuvres remarquables en choisissant parmi celles qu'exécutent les artistes de leur propre mouvement et qu'ils s'efforcent de rendre excellentes pour tenter les acheteurs, il se priverait, en quelque sorte, de la possibilité d'enrichir les col- lections de l'Etat des productions d'artistes en renom, car ceux-ci ont toujours leurs ouvrages retenus d'avance, ou bien il n'obtien- drait que celles qu'auraient dédaignées les amateurs. Exiger que le gouvernement fit ses choix dans les expositions, ce serait le condamner à ne pouvoir se procurer que des morceaux d'un mé- rite secondaire. Tout le monde sait que la plupart des œuvres dis- tinguées qui figurent dans les Salons de peinture sont vendues d'avance à des particuliers. Ouvrez le premier catalogue venu d'une exhibition moderne et vous verrez, à la suite de la descrip- tion de presque tous les tableaux qui attireront votre attention, ces mots : appartient à J/..., quelquefois le nom en toutes lettres, souvent de simples initiales. Cela est si général, que les artistes ayant une certaine réputation inventent un anonyme auquel leur œuvre est censée appartenir, plutôt que de paraître avoir manqué d'acheteur avant l'ouverture du Salon. Pour que le gouvernement pût choisir dans les expositions avec faculté d'élever ses préten- tions jusqu'aux ouvrages des meilleurs artistes, il faudrait qu'il décrétât que sa volonté d'acquérir annule tous les marchés anté- rieurs; mais il faut reconnaître qu'un tel abus d'autorité aurait peu de chances d'être admis. En vain dirait-on que ce n'est qu'une Tome XXII. 7 (98) espèce d'expropriation pour cause d'utilité publique; jamais une telle mesure n'obtiendrait la sanction législative dans les pays constitutionnels, et les gouvernements despotiques n'oseraient pas, eux-mêmes, l'introduire dans leur code. C'est encore là une preuve de l'importance attachée à la possession des œuvres d'art. On admet l'expropriation appliquée à une maison, à une terre; mais on ne supporterait pas de se voir dépossédé d'un tableau , d'une statue. Instinctivement le sentiment public élève les pro- ductions de l'esprit au-dessus de tous les biens matériels. Un artiste inconnu, un débutant peut exposer une œuvre re- marquable dont le gouvernement fera l'acquisition, et ce sera là , en vérité, la meilleure manière de favoriser le développement d'un talent naissant. Dans cette occasion la récompense vaut mieux que l'encouragement. Telle devrait être, sauf de rares exceptions, la règle adoptée par la direction des beaux-arts. Lorsqu'un jeune artiste demande un subside, il faut lui répondre que les distribu- tions d'aumônes se font ailleurs; mais que s'il expose au prochain Salon une œuvre recommandable, elle sera acquise pour le compte de l'État. Les exhibitions publiques sont assez fréquentes en Bel- gique pour que le jeune artiste n'ait pas longtemps à attendre. Mais s'il est sans ressources? va-t-on dire. Le gouvernement n'est pas chargé de fournir des ressources à tous les citoyens besoi- gneux. Mais si l'artiste est dans l'impossibilité de faire l'avance des frais d'exécution de l'œuvre qu'on exige qu'il produise? On ne lui demande pas une grande composition, un tableau d histoire, un groupe colossal. Une seule figure suffît pour révéler une voca- tion réelle; les frais ne seront donc pas un obstacle. Si l'adminis- tration adoptait un pareil système et ne s'en départait pas, elle s'épargnerait bien des ennuis, bien des embarras et bien des cri- tiques fondées. Est-il nécessaire, demandera-t-on , que les ou- vrages achetés par le gouvernement aux jeunes artistes aient figuré dans une exposition? Nous pensons que c'est une règle qui doit être observée, à moins qu'il ne soit fait chaque année une exhibi- tion particulière des morceaux de peinture ou de sculpture ac- quis par l'Etat sur les fonds destinés aux encouragements. L'ad- ministration doit vouloir elle-même que ses actes soient contrôlés ( 99 ) par le public. C'est pour elle le seul moyen d'éviter les sollicita- tions indiscrètes et d'échapper au danger des complaisances que les personnages influents sont trop portés «à exiger d'elle. On lui demande des services clandestins; mais on ne pourrait pas vou- loir qu'elle se compromit ouvertement de gaieté de cœur. Que faire de ces œuvres dans lesquelles il n'y a que le germe d'un talent futur et dont l'achat, à titre d'encouragement, rem- placerait l'humiliante concession de charités déguisées sous le nom de subsides? Faudrait-il les déposer dans le musée national? Dieu nous garde de donner ce conseil. Il n'y a, au musée moderne du Palais ducal, que trop de choses médiocres que les amis des arts en voudraient voir éliminer. Les essais plus ou moins réussis des débutants serviraient à fonder des musées de province. On for- merait, jusque dans les plus petites villes, des collections où vien- draient tout naturellement trouver place, d'abord, les œuvres des artistes originaires de la localité, ainsi que celles dont les sujets, tirés de l'histoire, auraient un intérêt provincial ou communal. Avec le temps ces collections acquerraient plus de valeur qu'on ne suppose. Nous examinerons bientôt quelle serait leur influence sur le goût public. Les adversaires déclarés du système des commandes ont sou- tenu que le gouvernement ferait toujours des marchés plus avantageux, s'il se rendait acquéreur des œuvres exécutées libre- ment par les artistes. Nous venons de prouver que nous n'avons pas une confiance absolue dans les résultats de la commande offi- cielle comme moyen d'encouragement des beaux-arts; mais nous sommes très-loin de partager l'illusion des personnes qui croient qu'il suffit d'interdire au gouvernement la faculté de traiter avec les artistes de l'acquisition d'oeuvres projetées, pour être certain que les fonds destinés à l'accroissement du musée moderne seront bien employés. Les artistes qui reçoivent des commandes du gouvernement remplissent, assure-t-on, leur tache avec beau- coup de négligence, certains d'être payés quand même, tandis qu'ils mettent tous leurs soins à l'exécution des œuvres dont il faut que la qualité tente les amateurs. N'est-ce point une calom- nie? Peut-on supposer que les artistes qui ont lhonneur de tra- ( 100 ) vailler pour la nation et qui doivent avoir l'ambition de voir leurs productions les plus parfaites figurer dans les collections publiques, manquent de conscience et de respect d'eux-mêmes à ce point? Il en est auxquels de pareils calculs répugneraient; mais on est malheureusement obligé de reconnaître qu'il s'en trouve de moins scrupuleux qui ne mettent pas assez de délicatesse et de loyauté dans leurs rapports avec le gouvernement. Préviendrait-on tout abus de ce genre par la suppression des commandes? En aucune façon. On citerait mainte circonstance où l'Etat n'a pas été mieux partagé en acquérant des œuvres exécutées en dehors de toute initiative officielle. Lorsqu'un artiste renommé offre au gouver- nement de lui céder un morceau de sa main, on doit croire que c'est parce qu'il le considère comme particulièrement bien réussi et comme digne d'être placé au musée national. C'est parfois, nous n'osons pas dire souvent, parce que ce morceau n'a pas trouvé d'acheteur. Les amateurs n'en ont pas voulu; le gouver- nement sera moins difficile. Plutôt que de conserver des non- valeurs dans son atelier, on s'en défait au profit de 1 Etat. Voilà de tristes vérités; mais à quoi servirait-il de les cacher? Et d'abord pourrait-on les cacher, lorsqu'elles éclatent au grand jour dans les galeries publiques? On demandera si l'État doit être toujours dupe dans les marchés qu'il fait et s'il ne vaudrait pas mieux qu'il s'abstint. Encore une fois, lorsqu'un principe est bon, ce n'est point parce que des abus se glissent dans son appli- cation qu'il faut l'abandonner. Il s'agit seulement de le dégager des obstacles qui s'opposent à ce qu'il produise le bien qu'on en peut attendre. Pour que des rapports loyaux et sincères s'établis- sent entre le gouvernement et les artistes, il est indispensable que ceux-ci aient la conviction que le favoritisme ne dicte plus à l'administration ses décisions, et que la seule pensée qui l'anime est un noble désir d'élever les beaux-arts au rang qui doit leur être assigné chez les peuples dont le culte des intérêts matériels n'a pas étouffé l'intelligence et perverti le cœur. Lorsqu'ils pen- sent que l'on s'occupe médiocrement de l'emploi des subsides alloués pour l'encouragement des arts et que toute la question se réduit, pour l'administration, dans l'équilibre à établir entre les ( loi ) recettes et les dépenses, ils ne se font pas scrupule de prendre la plus grande part possible d'un gâteau offert en pâture à tous les appétits. S'ils savent que les faveurs du gouvernement échoient non aux plus recommandés, aux plus importuns, mais aux plus capables, et qu'une stricte équité préside à toutes les acquisi- tions comme à toutes les commandes, ils tiendront à honneur de répondre loyalement à la confiance qu'on aura mise en eux. C'est à faire entrer plus sûrement dans cette voie l'adminis- tration et les artistes, et à les y maintenir, que servirait l'expo- sition annuelle des œuvres d'art acquises par le gouvernement ou reçues en exécution d'une commande. Celte exposition, dont nous avons dit un mot tout à l'heure, serait le contrôle le plus efficace, le seul possible des actes de la direction des beaux-arts, en même temps qu'elle offrirait à celle-ci de sérieuses garanties vis-à-vis des artistes. Bien des tableaux ont été acquis pour le compte de l'Etat, que les peintres auraient rougi de vendre et que l'administration n'eût ni acceptés, ni choisis, si les opérations de cette nature avaient été soumises au jugement du public. L'exposition serait à la fois un frein, un stimulant, une récom- pense. Le public, les membres des assemblées législatives, l'ad- ministration elle-même se rendraient compte, en les visitant, des résultats obtenus dans le courant de l'année au moyen des sub- sides votés par les Chambres pour ce qu'on appelle l'encoura- gement des beaux-arts. Avec une telle institution, on éviterait l'éparpillement stérile des fonds qui, faute d'attention et de con- trôle, sont détournés de leur véritable destination; les collections publiques s'enrichiraient et l'on ne se servirait plus du mot de sacrifices en parlant de dépenses faites par la nation pour ac- croître son patrimoine artistique. Relativement à la liberté de l'artiste au nom de laquelle de certaines personnes s'élèvent contre l'initiative officielle, on ne peut pas méconnaître qu'il y ait parfois, dans l'action gouverne- mentale, des inconvénients qui sont la réglementation et l'esprit administratif. C'est un point sur lequel nous aurons à revenir. Ilot) OJ VI. Nécessité de créer un art public. — Influence de cet art sur la condition morale des peuples. — L'imagerie populaire. — Les formes et les dessins des objets usuels. — Ancienne et nouvelle organisation sociale. — Ce qu'ont fait pour les arts les com- munes et les corporations. — L'art public : ce qu'il peut et ce qu'il doit être. Jamais les gouvernements, agissant au nom et dans lïntérêt des sociétés, n'ont eu, autant qu'aujourd'hui, pour devoir de pousser au développement du goût des beaux-arts et à la propa- gation des idées morales que ce goût fait naitre infailliblement. Partout prédominent les idées positives, dans les classes ouvrières comme chez les riches. La recherche des jouissances matérielles est l'objet des préoccupations universelles. C'est un grand péril. Si l'on accoutume les masses à penser quil n'y a rien au-dessus de la satisfaction des besoins physiques, et que c'est là le but vers lequel doivent tendre tous les efforts de l'homme, il est bien difficile que le bouleversement de l'édifice social ne soit pas le résultat final de telles idées. Dans les classes riches la poursuite de la jouissance matérielle, comme but de la vie, étouffe tout sentiment dhumanité, de fra- ternité, de sympathie pour les souffrances des classes pauvres. L'égoïsme se développe jusqu'à ses plus extrêmes limites. Dans les classes pauvres ces mêmes idées engendrent l'envie, la con- voitise. S'il n'y a pas d'autres plaisirs que ceux qu'on trouve dans les impressions physiques, on veut les goûter; on porte envie aux riches; au besoin on fera des efforts, même violents, même ( 104 ) coupables, pour leur ôter le privilège de la jouissance des biens de ce monde. De cette convoitise au rêve du partage des richesses, la distance est courte et sera bientôt franchie. Devant les plaisirs intellectuels, toutes les classes sont égales; il n'y a pas de privilège. Si pauvre que je sois, quand je suis devant un beau tableau, devant une belle statue, ou devant tout autre objet d'art, ou bien quand j'entends de bonne musique, je suis l'égal du millionnaire qui a les mêmes goûts et qui éprouve les mêmes impressions; je suis supérieur à celui qui n'apprécie pas les beautés dont je pénètre le sens. Les jouissances morales, qui sont les plus vives lorsqu'on a appris à les ressentir, sont les seules vis-à-vis desquelles les hommes soient sur le pied d'une parfaite égalité. La seule inégalité est celle qui résulte de la diffé- rence des organisations, et celle-là, jamais on ne la fera dispa- raître. Si les distinctions sociales étaient supprimées, il resterait encore, dans ce monde, des esprits éveillés et des intelligences obtuses. Il faut créer un art public. On cherche à résoudre le problème de l'économie sociale, le problème de la vie à bon marché et d'un bien-être relatif pour le peuple. C'est fort bien, sans doute; mais il ne faut pas croire que tout serait fait, si l'on avait résolu ce problème. II ne suffît pas d'assurer au peuple le boire et le manger; il faut lui procurer l'alimentation intellectuelle. Il ne suffit pas de le faire vivre, il faut le faire penser, développer en lui les facul- tés de l'esprit et celles du sentiment. C'est encore un grand pro- blème à résoudre que celui-ci : faire participer les classes pauvres à la vie intellectuelle. L'instruction élémentaire qu'on donne au peuple doit être un acheminement aux impressions que produi- sent les beaux-arts. Intéresser les masses aux choses de l'esprit et du sentiment , c'est employer les meilleurs moyens pour com- battre l'invasion du matérialisme et les effets des mauvaises pas- sions qui germent sous l'influence de la civilisation moderne. C'est au sentiment artiste qu'il appartient de neutraliser les ré- sultats pernicieux du développement de l'industrie, relative- ment à la condition morale des populations ouvrières. On parle du droit des classes laborieuses au bien-être matériel , mais on ne ( loti ) s'occupe pas de leur droit aux jouissances intellectuelles. Il y a cependant aussi, de ce côté, de légitimes besoins à satisfaire. De ces déshérités de Tordre social on fait des brutes : il faut en faire des hommes. Ceux-là seulement méritent le nom d'hommes, qui pensent et qui font leur récréation des communications d'idées qu'ils reçoivent de leurs semblables. Si l'on ne s'occupe pas de la solution de cet important pro- blème du perfectionnement intellectuel des masses, est-ce indiffé- rence ou crainte? Que ce soit l'un ou l'autre, on a grandement tort. Si c'est indifférence, si c'est parce que l'on croit que les classes riches doivent seules dégager leur esprit des entraves de la matière, on commet une erreur et une faute. Si c'est parce que l'on craint que les classes pauvres, plus éclairées, ne devien- nent plus exigeantes, l'erreur et la faute sont encore plus graves. A part l'iniquité de ce calcul égoïste, il est certain qu'il y a plus de danger à laisser croire au peuple qu'il n'a que des besoins physiques à satisfaire et des jouissances matérielles à envier. Cette idée ne réprime pas les mauvaises passions, elle les développe, au contraire. La culture intellectuelle est la source de toute pensée morale , de tout contentement de lame, de tout sentiment géné- reux. Quelle est l'existence des individus appartenant aux classes que l'on qualifie d'inférieures, qui sont telles, en effet, sous le rapport intellectuel et qu'on maintient injustement dans cette infériorité? Ils travaillent pour vivre et vivent pour travailler. Un labeur incessant ne constitue pas pour l'homme une situa- tion régulière, normale. S'il doit travailler, car c'est pour lui une nécessité naturelle et sociale, il doit jouir aussi, non dans le sens épicurien du mot, mais dans celui d'une application de ses fa- cultés sensitives. Il faut une diversion à ses occupations manuelles et le plus souvent machinales; et ce sont les impressions morales qui seules peuvent la lui donner. Nous ne parlons pas des impres- sions raffinées que recherchent les esprits cultivés , mais de celles qui sont simples et faciles à percevoir, car il y en a pour toutes les intelligences et pour toutes les éducations. C'est surtout aux populations ouvrières que cette diversion est nécessaire. Nous ( 106 ) avons déjà dit que les populations agricoles trouvent dans la nature avec laquelle elles sont en communication constante des impressions calmes et saines qui les empêchent de tomber, comme les ouvriers des fabriques, dans la démoralisation et dans l'abrutissement. La question que nous traitons ici et dont les auteurs de théo- ries sociales ont dédaigné de s'occuper , il faudra bien qu'on l'exa- mine sérieusement un jour, et l'on regrettera alors d'avoir laissé empirer le mal auquel il est déjà urgent de porter remède. L'en- tassement des ouvriers dans les manufactures, l'excès du travail manuel, la suppression de la vie intellectuelle constituent un état qui ne peut être que transitoire : sa continuité amènerait le dépé- rissement de l'espèce. Si l'on ne trouvait pas un contre-poids à cette influence pernicieuse de l'industrie, il faudrait considérer la puissance devant laquelle tout s'incline aujourd'hui , comme la plus affreuse calamité qui ait affligé l'humanité. L'art est le seul moyen d'ouvrir l'esprit des classes populaires aux impressions morales. Elles n'ont pas le temps d'étudier, de s'instruire. C'est le sentiment qu'il faut s'attacher à éveiller en elles. Les œuvres de l'architecture, de la peinture, de la sculp- ture fournissent, avec les productions de l'art musical, le levier au moyen duquel on détermine le jeu de ce puissant ressort de l'organisme. Les facultés de l'esprit se développent par une culture qui exige une application soutenue, tandis que les im- pressions du sentiment naissent facilement et presque sans pré- paration. Le sentiment est un instrument dont les cordes sont toujours prêtes à vibrer. Un souffle, celui qui émane de l'union du beau et du vrai , suffit pour en tirer d'harmonieuses sonorités. L'art a des impressions pour toutes les classes, pour tous les degrés de culture intellectuelle. S'il est des beautés de détails que les initiés peuvent seuls apprécier par l'analyse, il y a des mé- rites d'ensemble que les profanes sentent instinctivement. On a su intéresser les masses à la musique; elles écoutent avec plaisir des œuvres qu'on aurait cru n'être à la portée que des seuls dilettantes. Pourquoi n'obtiendrait -on pas les mêmes résultats en ce qui concerne les productions des arts du dessin? 11 ne s'agit que d'essayer pour réussir , nous en avons la conviction. ( 107 ) 11 y a vingt ans on eut, en Belgique, une idée qui pouvait favo- riser singulièrement la propagation du sentiment artiste dans les masses. Nous voulons parler de la création d'une imagerie popu- laire destinée à répandre dans la classe ouvrière, parmi les ha- bitants des campagnes, et chez les enfants à tous les degrés de l'ordre social, un certain goût de la forme que ne peuvent pas inspirer les planches enluminées sortant des ateliers d Épinal et de Turnhout. C'était une idée féconde qui aurait produit les meil- leurs résultats, si on lui avait donné tous les développements dont elle est susceptible. Malheureusement on ne sut pas faire les sacrifices nécessaires pour assurer une large et complète exécu- tion de la mesure. Malheureusement encore, l'entreprise fondée sous le patronage du gouvernement, pour l'exploitation matérielle de l'idée, tomba dans des mains inhabiles, et la publication des images populaires fut abandonnée après la mise au jour d'une soixantaine de planches dont les modèles avaient été fournis par d'excellents artistes. L'auteur du projet d'une réforme de l'imagerie populaire , au point de vue de l'amélioration du goût , n'eut qu'un tort. Ce fut de devancer son temps. La même idée, mise en avant aujourd'hui, serait accueillie avec une grande faveur, et l'on peut affirmer que son application ne rencontrerait plus d'obstacles. En 1848, nul ne songeait à la nécessité de populariser les notions du beau, de favoriser l'étude du dessin dans toutes les classes de la popula- tion et d'inscrire, à cette fin, le maniement du crayon dans le programme de l'enseignement primaire. C'est de 1852 seulement que date le mouvement des esprits dans le sens d'un progrès dont la réalisation est devenue l'objet d'actifs efforts. Ne nous faisons pas illusion sur le sentiment qui fut le mobile de ces efforts. La pensée d'améliorer la condition intellectuelle des masses n'y eut point de part. On ne songea pas à élever leur esprit, à faire naître et à développer en elles le sentiment artiste. C'est uniquement à l'industrie qu'on pensa, à l'industrie belge dont la première expo- sition universelle de Londres avait fourni l'occasion de constater l'infériorité, et qu'on jugea, avec raison, ne pouvoir se relever que grâce à l'appui des beaux-arts. C'est donc encore cette fois la ( 108 ) voix des intérêts matériels qui a parlé et qui a été entendue; mais si les intérêts moraux doivent être servis par une plus large orga- nisation de l'enseignement du dessin, ne nous plaignons pas. Acceptons le bien, de quelque part qu'il vienne; faisons-lui bon accueil, même quand il arrive accidentellement. 11 faudra revenir à l'idée d'une publication d'images popu- laires; il le faudra, d'abord pour fournir des modèles aux écoles, puis pour répondre aux nouveaux besoins des masses , dont le goût, formé sous l'influence de l'enseignement des principes élé- mentaires du dessin, répugnera aux pitoyables gravures qu'on met actuellement entre les mains des enfants pour leur amu- sement et qui s'introduisent à titre d'ornements ( quels orne- ments !) dans les demeures de l'ouvrier, du paysan, du petit bourgeois. On n'aurait obtenu aucun résultat des mesures prises pour populariser l'enseignement du dessin, si ces affreuses ima- ges, où tout offense le sentiment du beau et celui du vrai, continuaient de répandre le mauvais goût dans les classes chez lesquelles elles trouvent actuellement de nombreux consom- mateurs. Il faut arriver à ce que ceux-ci, plus éclairés, repous- sent d'eux-mêmes ce qu'ils recherchaient; mais cela ne pourra être que lorsqu'on aura mis à leur disposition- des produits d'un art moins barbare, lorsqu'ils se seront instruits par la compa- raison. Le goût de limage est universel. Chacun l'éprouve et le salis- fait dans la mesure du degré de son éducation et de ses ressources financières. L'ouvrier, qui ne peut pas acheter des tableaux, pas même ceux que dédaignent les dilettantes en peinture, se con- tente d'estampes coloriées. C'est pour lui un besoin d'orner sa chambre, d'animer par des images, telles qu'il peut s'en procu- rer, les murs dont la froide nudité attriste ses regards. A défaut de bonnes, il en prend de mauvaises ; il s'y accoutume et n'en aperçoit pas les défauts; mais faites qu'il en voie de meilleures avec lesquelles il puisse les comparer, et il exigera davantage de ceux qui ont l'entreprise de son luxe économique. Aussi, quand nous disons que le gouvernement doit favoriser la création d'une bonne imagerie populaire, n'entendons-nous pas imposera l'État ( 109 ) de perpétuels sacrifices et substituer définitivement l'action offi- cielle à celle de l'initiative privée. Lorsqu'on aura formé le goût du peuple, il agira de lui-même; il jugera, appréciera les choses, et, sans être guidé, inclinera naturellement vers les images d'une exécution correcte. Pour développer dans les masses le sentiment artiste, il ne suffit pas d'améliorer l'imagerie populaire, il faut encore faire en sorte que les productions des arts plastiques ayant la même destination , se distinguent par un certain mérite de forme. Les statuettes en plâtre* ou en porcelaine, les vases dont les artisans et les campagnards décorent leurs cheminées sont gé- néralement d'un dessin grossier. Le gouvernement devrait faire exécuter, pour ces différents objets, de bons modèles par des ar- tistes et les fournir à bas prix aux fabricants qui livrent leurs produits en nombre immense aux colporteurs et aux marchands forains. Au besoin, on établirait des primes en faveur des indus- triels qui adopteraient ces modèles. Ce n'est pas tout : les objets usuels , les ustensiles en terre, en faïence, en porcelaine ou en métal à l'usage du peuple, sont géné- ralement d'un goût détestable. Il n'en coûterait pas plus, ni pour la matière première, ni pour la main-d'œuvre, de les faire d'après des modèles où une certaine élégance de forme s'associerait à la simplicité. Les anciens nous ont prouvé que c'est chose possible. De ce côté encore, l'action du gouvernement peut se faire utile- ment sentir'. C'est lui qui devrait populariser l'emploi de bons modèles pour la fabrication de tous ces objets usuels. On s'occupe activement de perfectionner, au point de vue du goût, les industries de luxe; mais il n'a rien été fait, jusqu'à ce jour, pour obtenir des résultats semblables dans la fabrication des ustensiles de ménage à l'usage des classes populaires. C'est là cependant une réforme de la plus haute importance. Le goût ne doit pas rester le privilège de l'aristocratie et de la riche bour- geoisie. Il importe de le faire pénétrer dans les masses, par l'habi- tude d'avoir sous les yeux des formes correctes, élégantes. Le goût doit être la qualité, non d'une certaine caste, mais de toute la nation. Il n'y a de perfectionnement réel, durable que celui dont les racines plongent jusque dans les dernières couches de l'ordre ( 110 ) social. Lorsqu'on aura appris aux fabricants d'objets mobiliers et d'ustensiles de tout genre à bon marché, à mettre du discerne- ment dans le choix de leurs modèles; lorsqu'on aura appris aux consommateurs à exercer leur jugement sur la qualité de la forme, on aura réalisé un grand progrès. Il a été fait des exposi- tions d'objets destinés à l'approvisionnement des ménages d'ou- vriers. Lorsqu'il s'est agi de décerner des récompenses aux expo- sants, on a fait entrer en ligne de compte les conditions de prix et de solidité. On devrait organiser des exhibitions semblables, en annonçant d'avance qu'il serait accordé des prix spéciaux pour le bon goût des modèles. Nous voudrions que les tissus confectionnés pour l'habillement des femmes fussent au nombre des objets compris dans ces expositions. On fabrique exprès des étoffes à dessins de mauvais goût , parce qu'il y a, dit-on , des gens qui les préfèrent. Il faudrait réformer cet abus, car c'en est un, et en arri- ver à ce que les meilleures dispositions de lignes et de couleurs plussent à tout le monde. L'éducation des yeux se fait comme celle de l'esprit. Les idées fausses se rectifient en matière de goût aussi bien qu'en matière de morale. Après avoir développé le sentiment artiste dans les masses par les moyens que nous venons d'indiquer, il reste bien des choses à faire : il reste à prendre des mesures pour fournir à ce senti- ment des occasions de se satisfaire. La création d'un art public est le complément nécessaire de l'initiation des classes populaires aux impressions intellectuelles. Cet art a existé jadis dans nos pro- vinces : nous n'avons donc qu'à renouer la chaîne de la tradition. Jusqu'à la fin du siècle dernier, dans tous les lieux fréquentés par la bourgeoisie et par le peuple, à léglise, à la maison commu- nale, dans les salles de réunion des corporations, il y avait des objets d'art qui parlaient à l'imagination et formaient le goût. Ces instruments de civilisation ont été détruits et qua-t-on fait pour les remplacer? Les églises ont été dépouillées du plus grand nombre des œuvres d'art que les siècles y avaient accumulés. Leur a-ton donné des ornements nouveaux qui, à un titre quelconque, puissent être considérés comme l'équivalent de ce qu'elles ont perdu? (411.) Nos hôtels de ville, si riche autrefois en productions de tous les arts ayant, comme mode d'expression , le relief ou la couleur, nos hôtels de ville ont été privés également de cette belle parure, et la plupart attendent encore qu'on recouvre d'une décoration la triste nudité de leurs murs/ Nos anciens magistrats prouvèrent que la notion de l'influence morale des beaux-arts leur était fami- lière, lorsqu'ils commandèrent aux plus excellents maîtres de leur temps des tableaux destinés à être placés dans les salles où ils tenaient leurs assemblées, et dont les sujets étaient de nature à inspirer le sentiment et le respect de la justice. C'est ainsi que Vander Weyden peignit pour l'hôtel de ville de Bruxelles Trajan arrêtant ses troupes en marche pour rendre justice à une veuve, et la tradition légendaire d'Herckinbald tuant de sa main son neveu pour le punir d'un crime commis sur une jeune fille du peuple. C'est ainsi encore que Thierry Stuerbout (Bouts) exécuta pour les magistrats de Louvain les deux tableaux (aujourd'hui au musée de Bruxelles) où l'on voit l'empereur Othon faisant déca- piter un officier de sa maison, injustement accusé par l'impéra- trice, et ordonnant le supplice de celle-ci, après avoir reconnu qu'elle lui avait fait rendre une sentence inique. C'est ainsi, enfin, que Pierre Pourbus l'Ancien fit, pour la grande salle du Franc de Bruges, un Jugement dernier, comme l'exemple symbolique de la justice divine offert à la justice humaine. On parle aujour- d'hui de l'influence des arts sur les mœurs; jadis on ne parlait pas, mais on agissait. Les magistrats communaux de l'ancien temps, bonnes gens dont la simplicité est parfois tournée en ridi- cule, avaient des idées qu'on trouverait profondes, si elles ve- naient à leurs successeurs. Après avoir été faire leurs dévotions à l'église et leurs affaires à la commune, les négociants et les hommes de métier se retrou- vaient dans des salles affectées à leurs réunions, et là encore ils avaient des objets d'art sous les yeux. Toutes les corporations, et elles étaient nombreuses, commandaient aux meilleurs artistes des tableaux, des dessins de tapisseries, des morceaux de sculpture, des pièces d'orfèvrerie, etc., pour en orner le siège de leurs assem- blées et de leurs fêtes. Les exemples des effets de leurs libéralités ( H2 ) intelligentes, dans toutes les villes de la Belgique qui furent des foyers de production artistique, sont trop nombreux pour qu'on en puisse faire rénumération. Nos collections publiques et privées se sont enrichies des dépouilles des anciens métiers. La belle Pêche miraculeuse de Crayer et la curieuse Fontaine de Gripello que possède le musée de Bruxelles ne proviennent-elles pas de la maison des Poissonniers de cette ville? Outre les tableaux dont elles ornaient leurs salles d'assemblées, les corporations en com- mandaient pour en décorer les autels de leurs patrons dans leur église paroissiale. Combien de chefs-d'œuvre ont cette origine. Nous n'en citerons que deux : Y Ensevelissement du Christ de Quentin Metsys fait pour la corporation des menuisiers d'Anvers et la Descente de croix de Rubens commandée par la confrérie des arquebusiers de la même ville. Ce n'est pas seulement en Belgique que l'influence des corpo- rations sur le mouvement des beaux-arts s'est fait sentir. Il en a été de même en Hollande. C'est aux corporations qu'on est rede- vable de la Ronde de nuit, de la Leçon cVanatomie et des Syndics des drapiers de Rembrandt; du Banquet des arquebusiers et des Syndics de la confrérie de Saint-Sébastien de Van der Helst. A Lon- dres les hôtels des corporations sont encore remplis d'objets d'arts transmis de génération en génération depuis plusieurs siècles. Dans le local de la confrérie des chirurgiens-barbiers, se trouve le tableau commandé à Holbein en 1541, pour perpétuer le sou- venir des privilèges accordés par Henri VIII à la communauté. La suppression des corporations, si elle eut des avantages poli- tiques que nous sommes loin de contester, fut préjudiciable aux arts, non-seulement parce qu'elle rendit plus rares les occasions qu'avaient les peintres et les sculpteurs de produire des œuvres considérables, mais encore et surtout parce qu'elle eut pour con- séquence d'affaiblir le sentiment artiste dans les masses. L'esprit d'association n'est pas mort en Belgique. Nous avons de nombreuses et riches sociétés, des cercles, des clubs fréquentés par toutes les classes de la population : aristocratie, grande et petite bourgeoisie. Ces sociétés occupent de vastes et somptueux locaux et se donnent des divertissements appropriés à leurs goûts. ( H3 ) Dans certains cercles on ne connaît que le plaisir du jeu. Chaque soir il s'y perd, il s'y gagne, disons mieux il s'y gaspille des sommes considérables. D'autres dépensent leurs revenus en concerts, en bals, en spectacles. Aucune de ces sociétés ne fait exécuter des tableaux, des statues, des groupes, des coupes et des vases d'or- fèvrerie comme on en voyait sur les opulents dressoirs des an- ciennes corporations. Nous parlons de leurs somptueux locaux : cela ne doit s'entendre que de la richesse des ameublements et des tentures; de la profusion des glaces et des lustres en zinc verni simulant le bronze doré; de l'éclat des lumières. Quant au véri- table luxe dont les beaux-arts peuvent seuls faire les frais, il leur est inconnu. Si l'on compare ce qui fut à ce qui est; si l'on examine combien la part faite aux beaux-arts dans la vie commune était plus consi- dérable au temps passé que de nos jours, on conviendra que nous nous sommes plutôt éloignés que rapprochés de la solution du problème si important de l'existence d'un art public. Comment créer un art public; comment amener le peuple à s'intéresser aux manifestations du génie sous les différentes formes picturales ou plastiques? Comment communiquer aux masses l'aptitude à goûter, dans une certaine mesure, les jouis- sances intellectuelles? Comment mettre les beaux-arts à leur portée, et, après une initiation préalable, approprier à leur tem- pérament, à leurs habitudes le régime bienfaisant des impressions qu'il procure? Comment parvenir à satisfaire le besoin, après l'avoir fait naître? Telles sont les questions qui se présentent, lorsqu'il s'agit de pourvoir à l'existence de cet art public que nous regar- dons comme une nécessité sociale. Qu'il y ait de certaines diffi- cultés à organiser un système de participation des masses aux impressions morales dont le principe se trouve dans les beaux- arts, nous en convenons volontiers; mais ces difficultés peuvent être levées. Il ne faudrait reculer que devant l'impossibilité, et elle n'existe pas ici. Notre siècle se vante d'avoir accompli des pro- diges. La suppression des distances par les chemins de fer; la transmission instantanée de la pensée par le télégraphe élec- trique; le percement des Alpes; la communication établie entre Tome XXII. 8 ( 114 ) la Méditerranée et la mer Rouge par l'isthme de Suez; la produc- tion spontanée des images par la photographie; des problèmes étonnants résolus dans le domaine des sciences physiques et chi- miques sont cités complaisamment comme des titres de notre époque à l'admiration des générations futures. Nous bornerons- nous donc à mériter cette admiration par notre sagacité dans la pénétration des secrets de la nature physique? Il est pourtant des questions qui intéressent le perfectionnement moral de l'huma- nité et dont la solution a bien de quoi tenter notre ambition. Telle est celle dont nous nous occupons ici. A ceux qui penseraient que nous caressons une idée chimé- rique, nous répondrons que nous trouvons dans ce qui a été la preuve de ce qui peut être. Est-ce qu'il n'y avait pas un art public chez les Grecs; est-ce qu'à Athènes tous les citoyens ne se pas- sionnaient pas pour les œuvres de la peinture et de la statuaire et ne couraient pas, comme aux spectacles les plus attrayants, voir les productions que les artistes exposaient sous les portiques pour les soumettre au jugement, non d'une classe spéciale d'ap- préciateurs, mais du peuple entier qui s'y connaissait. L'universa- lité du goût et de la compétence de ce peuple en matière d'art n'a plus besoin d'être prouvée. C'est un fait dont la notoriété est suf- fisamment établie. Le mot d'Apelle, qui a donné lieu au proverbe bien connu : « Ne sutor supra crepidam, » est lui-même un té- . moignageen faveur de l'existence du sentiment artiste chez tous les citoyens. En voulant exercer son jugement sur la forme de la jambe, après avoir critiqué la chaussure, le cordonnier prouvait qu'il ne renfermait pas son esprit dans le cercle étroit des choses de sa profession. Aujourd'hui le cordonnier ne verrait que la chaussure. On dira que ce qui existait chez les Grecs ne saurait avoir d'équivalent en notre temps et dans notre pays. On alléguera la différence du climat, celle des mœurs, les nouvelles conditions d'existence des populations, une organisation sociale sans analogie avec celle des anciens, etc., etc. Nous ne prétendons pas qu'il n'y ait point d'obstacles à la réalisation de nos idées; ce que nous n'admettons pas, c'est qu'il soit impossible d'en triompher. Mais ( 113 ) d'abord est-ce seulement chez les Grecs qu'on a pu constater la généralisation du goût des beaux-arts et un état avancé de l'édu- cation des masses dans le sens d'une appréciation des œuvres pic- turales et plastiques? Le moyen âge ne fournit-il pas des exemples de ce genre? Florence ne le cédait point à Athènes. Les moyens étaient différents, mais le résultat était le même. 11 y avait lutte entre le gouvernement, les magistrats, le clergé et les particuliers pour faire exécuter des productions de tous les arts. Embellir la cité, illustrer la patrie et procurer au peuple des impressions aux- quelles il était sensible, telles étaient les causes de cette émula- tion. Ce n'est pas là qu'on voyait entre l'industrie et les beaux- arts un antagonisme prenant sa source dans les prétentions de celle qu'on appelle aujourd'hui la reine du monde. La royauté appartenait à l'art, du consentement de tous. Les hommes d'af- faires étaient les premiers à lui rendre hommage. Ce fut la cor- poration des commerçants qui fit à Ghiberti la commande des célèbres portes du Baptistère. Le peuple de Florence était fier de ses artistes et de leurs chefs-d'œuvre; ce n'était pas, comme chez certaines nations modernes, une pure affaire de vanité, la satis- faction d'ur e gloire collective dont chacun croit pouvoir réclamer sa part; c'était le résultat d'un jugement sain, réfléchi, porté sur le mérite des hommes et des choses. Inaugurait-on un monument, découvrait-on de nouvelles peintures dans une église, exposait-on un groupe ou une statue, la foule courait et se passionnait, criti- quait quelquefois, admirait plus souvent, car c'était le temps des choses admirables. Les noms de Brunelleschi , de Fra Angelico, de Ghirlandaio, de Donatello, de Ghiberti étaient dans tous les esprits et dans toutes les bouches. Un jour le roi Charles d'Anjou arrive à Florence. Les magistrats veulent lui faire bon accueil et se consultent pour savoir ce qui peut lui être le plus agréable. Aujourdhui ce serait bientôt trouvé. Lorsqu'un prince voyageur arrive dans une cour étran- gère, on ordonne une revue en son honneur, on lui fait visiter des casernes. Ce n'est pas ainsi que les magistrats de Florence vou- lurent fêter leur hôte. Ils le conduisirent voir une madone que terminait Cimabue dans une maison de campagne, aux portes de la ville, et dont la beauté faisait rumeur parmi les artistes. ( H6 ) Nous ne sommes plus au quinzième siècle; nous ne sommes pas à Florence, dira-t-on. C'est une vérité incontestable; mais nous qui parlons tant de progrès, pouvons-nous consentir à rester, sous quelque rapport que ce soit et principalement sous le rap- port de l'application des facultés intellectuelles, inférieurs aux hommes de n'importe quel temps et quel pays? Le progrès con- sisterait-il, suivant nous, à perfectionner et à multiplier les moyens de pourvoir au bien-être matériel? Ce n'est pas seule- ment au quinzième siècle , à Florence que nous trouvons des exemples d'un goût prononcé des classes populaires pour les choses d'art; il nous suffit de remonter le cours de notre propre histoire, pour constater l'existence d'un sentiment semblable parmi les populations des provinces belges. Dès les temps re- culés du moyen âge et jusqu'au siècle dernier, tant que la Bel- gique conserva des mœurs nationales, l'art jouait un rôle dans toutes les cérémonies publiques et dans toutes les fêtes locales. Il n'y avait pas de réjouissance populaire qui ne fût l'occasion d'un déploiement d'appareil décoratif. Les arcs de triomphe ornés de peintures et de sculptures élevés en des circonstances^solennelles, telles que l'entrée d'un souverain; les processions où défilaient des chars portant des groupes allégoriques, des personnages bi- zarrement ajustés, les corps de métiers précédés des attributs de leur profession et les figures de leurs patrons peintes sur des bannières ou sculptées en bois; ces cortèges pittoresques qui ca- ractérisaient les fêtes religieuses et civiles de la Belgique, les ker- messes aussi bien que les jubilés, ont, comme témoignage du pen- chant de nos populations pour tout ce qui pouvait revêtir le cachet artiste, une importance incontestable. Nos ancêtres ne se conten- taient pas d'aimer les tableaux; ils en composaient eux-mêmes, car les Ommeganck, dont la tradition s'est si longtemps conservée, étaient de véritables tableaux animés. Ils étaient grands amateurs d'images, nos pères; c'était le goût de l'homme du peuple comme celui du grand seigneur. Tandis que l'un faisait illustrer des ma- nuscrits sur vélin par d'habiles miniaturistes, l'autre achetait à bas prix les images gravées en tailles de bois et naïvement enlu- minées dont la fabrication est une industrie d'art originaire de la ( H7 ) Belgique. Populariser le goût des arts, c'est donc simplement, pour nous, revenir à d'anciennes habitudes, c'est réveiller dans nos po- pulations un instinct qui n'est qu'assoupi et auquel il ne manque, nous en sommes convaincus, que les occasions de se manifester. Nous avons reconnu que la participation des masses aux jouis- sances que procure la culture des beaux-arts, à tous les degrés d'initiation et de dilettantisme, était un problème dont la solution présentait des difficultés; mais nous avons dit que ces difficul- tés ne devaient pas arrêter les bons esprits qui entreprendraient une tâche digne de généreux efforts. 11 est hors de doute qu'il se fait un travail de transformation sociale. Le côté moral de cette grande question est l'un des plus importants; il peut aider à faire surmonter les obstacles que présentent les autres. Rendu plus instruit et plus intelligent, le peuple se prêtera mieux à de paci- fiques réformes. C'est donc par là qu'il importe de commencer. Que faudra-t-il faire pour obtenir un résultat qui doit être dans les vœux de tous? Il faudra : exiger moins de travail matériel des ouvriers et s'arranger de manière à leur laisser quelques loi- sirs pour la culture intellectuelle. Diminuer le nombre des heures de travail! va-t-on s'écrier : et la concurrence? Le prix de revient des produits fabriqués s'éle- vant, il sera indispensable d'augmenter proportionnellement le prix de vente; le chiffre des affaires s'abaissera. La concurrence est un principe qui devra être modifié comme bien d'autres. Si toutes les nations s'entendent, et elles en viendront là, pour amé- liorer la condition morale de la classe ouvrière, la concurrence ces- sera d'imposer aux fabricants les exigences qu'ils sont forcés de subir dans l'état actuel des choses. 11 faut qu'il y ait une concur- rence pour faire des ouvriers autre chose que des machines. Nul ne se plaindra de ses effets, ne redoutera ses excès. La concurrence peut se déplacer. Elle existe aujourd'hui pour multiplier les béné- fices des industriels; elle pourrait s'exercer dans le sens du perfec- tionnement moral des populations. Nous venons de parler de l'influence des beaux-arts sur les masses; il y a quelque chose à dire de l'influence des masses sur les beaux-arts. C'est une autre manière d'envisager la question; ( ils ) mais elle ne nous fournit pas des arguments moins concluants à l'appui de cette proposition qu'il importe de créer un art popu- laire. C'est dans cet art simple, naturel, sain et vigoureux, que doit se retremper l'art aristocratique qui, livré à lui-même, tend inévi- tablement à s'abâtardir. L'art populaire est un frein, un contre- poids à l'art marchandise; il protège le sentiment sincère contre les conseils pernicieux de la spéculation. Par l'action que lui donne sa constitution robuste, l'art populaire empêche l'art bourgeois, l'art financier, l'art aristocratique de tomber dans le fade et dans le faux. Il oppose une solide barrière aux envahissements de la mode, aux abus de la manière, aux calculs mesquins de l'intérêt privé. S'il y avait un art populaire, on ne verrait pas, dans nos expositions, tant d'oeuvres marquées d'un honteux cachet d'im- moralité. C'est d'en haut que vient toujours la corruption; c'est pour les classes élevées qu'on fait les mauvais livres, les mauvais tableaux, les mauvaises productions d'art de toutes sortes. Il est vrai que d'en haut viennent également les fines nuances du goût et les délicatesses du sentiment qui se développent sous l'influence d'une civilisation raffinée. Aussi ne demandons-nous pas l'anéantissement de l'art aristocratique qui répond aux be- soins de certaines organisations et de certaines éducations. C'est afin de le préserver de la décadence et de la ruine, que nous vou- lons qu'il ait l'art populaire pour tempérament et pour frein. Les deux arts sont nécessaires. L'un puise dans un contact habituel avec l'autre la force de résister à ses propres excès. L'art aristo- cratique empêche l'art populaire de pousser l'énergie jusqu'à la rudesse, jusqu'à la grossièreté. L'art populaire retient l'art aristo- cratique sur la pente qui conduit à l'énervement, à la corruption. Le résultat de cette influence réciproque répond aux idées ad- mises sur l'efficacité du croisement des races. Tout ce qui précède semble me dispenser de définir ce que j'appelle l'art populaire. Cependant on a tant abusé de ce mot, il est devenu l'origine, le point de départ de si singulières, de si déplorables erreurs, qu'au risque de faire une chose jugée inutile par beaucoup de mes lecteurs, je dirai en quoi consiste l'art populaire, de quels éléments il sera formé et quel devra ( H9 ) être son caractère, pour répondre à la destination que je lui suppose. Ce ne sera pas cet art grossier dont nous avons vu pa- raître de tristes échantillons dans les expositions et qu'ont ima- giné des peintres à prétendues idées démocratiques. On a rappelé que certains théoriciens modernes proscrivent les sujets mytholo- giques, les sujets héroïques et les sujets religieux, en disant que de notre temps l'homme ne veut s'intéresser qu'à l'homme et que l'art, par conséquent, doit être exclusivement humain. Les pein- tres à principes démocratiques vont plus loin. Ils prétendent que le peuple ne peut s'intéresser qu'au peuple. Si cela était vrai , il faudrait admettre que chaque classe de la société ne s'intéressât qu'à elle-même. Il y aurait autant d'arts différents que de condi- tions sociales : l'art aristocratique, l'art financier, l'art bourgeois, l'art populaire. Qui sait si l'on n'en viendrait pas à subdiviser ces divisions et à créer autant de catégories d'arts distinctes qu'il y a de professions? Il en faudrait pour les militaires, pour les magis- trats, pour les médecins, pour les commerçants, etc. Voilà où Ton arrive en poursuivant dans toutes ses conséquences le développe- ment de ce principe que : le peuple ne peut s'intéresser qu'au peuple. Heureusement le principe est faux; il pèche par la base et s'écroule au premier souffle du raisonnement. Suivant les peintres qui se disent démocrates, le peuple ne s'in- téresse qu'à la représentation des sujets populaires; les seules actions qui le captivent sont eelles auxquelles prennent part des personnages appartenant à la classe des ouvriers ou à celle des prolétaires. Ils sont dans une profonde erreur. C'est précisément le contraire qui est dans la nature humaine. Qif a-t-on besoin de montrer au paysan des hommes de la campagne? il en voit tous les jours; il se voit lui-même. Si l'on met son imagination enjeu, il faut que ce soit pour quelque chose d'autre que ce qui frappe ses regards et occupe son esprit dans la vie réelle. Ce n'est pas dans la sphère des idées et des impressions où l'homme vit habi- tuellement, qu'il cherche ses délassements. Le militaire, l'ouvrier, le marchand vont, pour se divertir, ailleurs qu'à la caserne, à l'atelier ou derrière un comptoir. L'homme aime la variété, les contrastes; si l'art ne donne point à ce goût naturel la satisfac- ( 120 ) tion qu'il cherche, il trouvera que ce n'est pas la peine de quitter la réalité pour entrer dans la fiction et n'aura que de l'indiffé- rence pour les œuvres auxquelles on prétend l'intéresser. Laissez un campagnard choisir, dans une galerie de tableaux, ceux qui lui plaisent et dont il voudrait orner sa demeure. Il prendra, te- nez-le pour certain , les peintures reproduisant des sujets em- pruntés aux mœurs d'une autre classe que la sienne, et de préfé- rence celles où les personnages auront de riches ajustements. Ce sont les citadins, les personnes privilégiées du côté delà fortune, qui choisiront les paysanneries, toujours en vertu de la loi des contrastes. Ce n'est pas seulement pour changer d'impressions, pour échapper, par moments, aux habitudes et aux obligations de la vie réelle, que les ouvriers et les campagnards se plaisent à voir des peintures où apparaissent des personnages occupant une po- sition supérieure à celle qui leur a été assignée par le sort; c'est aussi par suite de cette tendance naturelle de l'homme à s'élever, à rechercher les moyens d'améliorer sa condition, tendance si prononcée, que lorsqu'elle ne trouve pas à se satisfaire dans la réalité, elle se réfugie dans la fiction. Quel est l'homme qui ne rêve pas, de temps à autre, à de certaines faveurs qu'il voudrait recevoir de la fortune, qui ne se donne pas, comme on dit, des châteaux en Espagne. Ces rêves, ces fictions, se présentent sponta- nément dans les tableaux en présence desquels on se sent trans- porté au milieu du monde imaginaire créé par la fantaisie du peintre. Tout cela n'est pas, chez l'homme du peuple, affaire de théorie philosophique, de raisonnement, mais d'instinct et de sen- timent. Aussi se trompent-ils étrangement, ceux qui pensent tra- vailler au bonheur de l'humanité, en s'efforçant de concevoir et de faire adopter un plan d'organisation de la société ayant pour base l'égalité absolue des conditions. S'il était possible de faire passer cette utopie dans la pratique, le mouvement ascendant de la civilisation s'arrêterait infailliblement ; le malheur universel serait la conséquence de^e prétendu perfectionnement. Le désir et l'espoir sont des sentiments placés providentiellement dans le cœur de l'homme pour le garantir des effets funestes de la satiété ( 121 ) et de l'ennui, et pour l'obliger à faire les efforts qui aboutissent au progrès en toute chose. Supprimez le désir et l'espoir, l'homme perdra tout ressort, toute faculté d'initiative; la société tombera dans le marasme. Tel est le résultat inévitable de l'égalité absolue des conditions. L'art populaire ne sera donc pas la chose banale et vulgaire que de certains peintres prétendent substituer à celui qui, depuis des siècles, a été compris de toutes les classes. 11 embrassera les or- dres d'idées et les sujets les plus variés. Aucune catégorie d'ac- tions ou de personnages n'en sera exclue ; il ne sera exclusivement ni aristocratique, ni démocratique, car l'égalité doit régner de- vant l'art comme devant la loi. La moralité des conceptions et la simplicité de la forme sont les seules conditions qui lui seront imposées et qu'il devra remplir. ()U) cm) VIL Influence des mœurs actuelles sur l'état des beaux-arts. — Le luxe. — Les agitations de la vie. — La curiosité banale. — La vie politique. — L'éducation des artistes, — Les ateliers. — L'artiste homme du monde. — Les marchands. Il nous reste un sujet important à traiter; nous allons rechercher les causes de la décadence des beaux-arts. Ces causes sont nom- breuses ; elles tiennent à la politique , aux mœurs , aux idées géné- rales de la société, aux obligations que le monde a imposées aux artistes, ainsi qu'aux habitudes qu'ils ont contractées. Lors même qu'on n'aurait aucun espoir de trouver un remède au mal ou de le faire accepter si on l'avait découvert, il serait encore bon de dire sous quelles influences il se manifeste , ce mal, quels sont ses symptômes, quelle est sa marche. C'est ainsi qu'on procède sou- vent en médecine. Le moyen curatif étant ignoré, on juge utile néanmoins de faire le diagnostic de la maladie. Toutes les idées, toutes les habitudes, tous les besoins de la société actuelle s'opposent à un développement régulier, normal du sentiment artiste. Nous avons déjà dit que l'obligation de satis- faire le goût effréné du luxe qui caractérise les hommes de notre temps avait jeté les artistes dans une mauvaise voie. S'il en est qui savent résister à cette tyrannie de la richesse, ils sont en bien petit nombre. Ceux qui ne se laisseraient pas entraîner par l'appât de la fortune, ceux qui auraient le courage de demeurer simples au milieu d'une société dominée par la soif de l'or et des jouis- sances matérielles, cèdent aux suggestions de l'amour-propre. Ils ( 124 ) ne veulent pas produire des œuvres délaissées; abandonner tous les succès à des concurrents moins scrupuleux ; demeurer obscurs, ignorés, pendant que d'autres, auxquels ils se sentent supérieurs, jouissent des avantages de la considération et de la renommée. Le penchant aux distractions frivoles conspire avec l'amour du luxe pour fausser le goût public. L'appréciation du beau, dans les arts, demande de la réflexion, de la méditation, choses dont on s'abstient soigneusement dans la société actuelle. Penser est une fatigue qu'on ne s'impose qu'à la dernière extrémité. On veut des plaisirs faciles , que l'on puisse goûter sans qu'il en coûte aucun effort de l'esprit. Voilà, en partie, la cause de la prédominance qu'a prise l'art musical. Les impressions qu'il procure naissent, pour ainsi dire, spontanément. On écoute un opéra, un concert avec distraction , tandis qu'il faut voir un tableau , le considérer avec une certaine attention. On se laisse amuser par la musique, au lieu qu'il faut s'amuser soi-même d'une œuvre de peinture et de sculpture. La rapidité des nouveaux moyens de communication et de transmission n'est pas sans influence sur ce penchant à la frivo- lité qui forme un des traits caractéristiques de la physionomie de notre société, et que nous signalons comme une des causes de l'affaiblissement du sentiment artiste. La vitesse est devenue la loi générale, la condition essentielle de toute chose. Tout se règle sur la marche de la locomotive et du télégraphe électrique. En proie à une sorte d'agitation nerveuse permanente, les hommes de l'époque actuelle ont une mobilité d'actions et d'idées qui les empêche de rien parfaire et de rien approfondir. On aperçoit, on entrevoit; on n'examine plus. Les qualités superficielles sont les seules qu'on ait le temps de voir et d'apprécier dans les œu- vres d'art. Ce sont les seules aussi que les peintres et les sculp- teurs s'attachent à donner à leurs productions, jugeant inutile de faire de grands efforts pour déployer un genre de mérite dont on ne leur tiendrait pas compte. Pour toutes les classes de la société, dans notre état de civili- sation, la vie est agitée, fiévreuse; elle est tout extérieure. Le temps suffit à peine aux obligations du monde, aux plaisirs qu'il ( 123 ) faut prendre en courant; qu'il faut, disons-nous, car on n'est pas libre; on est forcé de les prendre, ces plaisirs, sous peine de dé- considération. Il est indispensable qu'on ait été vu ici à tel moment de la journée, là à tel autre. Les heures, les minutes sont comp- tées. Additionnez les instants employés à remplir toutes ces obli- gations de la vie d'homme et de femme du monde, et voyez ce qui peut rester pour la réflexion, pour la méditation, sans les- quelles on ne saurait pénétrer dans les sphères élevées de l'art. La bourgeoisie est aussi très-affairée. Son activité tend à une fin plus utile; mais elle est également fiévreuse, également absor- bante. Le temps qu'elle ne consacre pas à l'exercice des profes- sions, elle le donne aux plaisirs, en choisissant de préférence ceux que l'on goûte machinalement, et que Ion va chercher au dehors. Le calme de la vie domestique n'existe plus pour personne. Non-seulement on ne le recherche plus, mais on le fuit comme une chose ennuyeuse et fade. Jadis on embellissait sa demeure, en l'ornant d'objets d'art, pour s'y plaire davantage. Aujourd'hui on la décore richement, pour se donner une satisfaction de va- nité. D'ailleurs, on y reste le moins possible; on court de fête en fête; la moindre distraction banale est préférée à une solitude où l'on serait forcé de se suffire à soi-même. Les esprits sont plus éveillés qu'autrefois, peut-être; les intelligences sont plus promptes et plus subtiles; mais l'attention se porte uniquement sur les objets extérieurs, et la recherche des impressions super- ficielles fait négliger les profondes jouissances que procure l'exa- men réfléchi des œuvres d'art. Pour comprendre l'art, pour l'aimer, pour sentir ses beautés, il faut élever son esprit jusqu'aux manifestations les plus sublimes du génie humain; or, toutes les circonstances de la vie sociale actuelle tendent à l'abaisser. Le principal objet des occupations et des préoccupations des hommes de notre époque, c'est l'intérêt matériel. Tout le monde fait des affaires ; tout le monde spécule, tout le monde a des fonds placés dans les emprunts des États et des villes, dans les entre- prises industrielles. Se tenir au courant des fluctuations de ces valeurs est, pour une infinité de personnes, un soin de chaque ( I2C ) jour. On lit attentivement le cours de la bourse. Ce qu'on recherche ensuite, dans les journaux, c'est la petite nouvelle, l'anecdote, le cancan, la relation de l'événement scandaleux. Ces menus faits défraient le plus grand nombre des conversations; on les com- mente, on les discute. Cela fait passer le temps, sans fatiguer l'imagination et l'esprit. Les causeries du club et du café où les jeunes gens ont l'habitude de se rencontrer, où ils passent la plus grande partie de leurs soirées, ne roulent pas sur d'autres sujets. La vraie conversation, celle d'autrefois, où l'on échangeait des idées, n'existe plus. Il en est des fruits de l'intelligence comme de ceux de la terre; ils ne naissent pas spontanément : il faut les cultiver. La culture intellectuelle n'est pas à l'ordre du jour. Plutôt que de faire quelques efforts pour avoir des idées à soi, on prend celles que les organes de la publicité mettent chaque matin en circulation. La facilité et la rapidité des communications font affluer journellement, de tous les points du globe, des nou- velles qui suffisent pour défrayer pendant vingt-quatre heures la curiosité publique. L'habitude de disserter sur ces banalités, de se contenter des aliments qu'elles fournissent à la conversa- tion, en se dispensant de tout effort pour tirer quelque chose de soi-même, doit produire, à la longue, un affaiblissement des facultés et un abaissement du niveau intellectuel. Les questions philosophiques, historiques, scientifiques et littéraires sont aussi rarement abordées que les questions relatives aux beaux-arts. Un observateur, qui ouvre l'oreille aux discours tenus dans les réu- nions privées et publiques , est frappé de l'insignifiance des sujets qu'on y traite et de la profonde nullité personnelle dont la plu- part des interlocuteurs font preuve. Les hommes de notre temps ne sont pas plus mal doués par la nature que ceux des époques antérieures; mais les forces de leur esprit, n'étant point exercées, ne se développent pas. Voués aux choses terrestres, banales, vul- gaires, ils ne sauraient atteindre aux sphères élevées où planent les beaux-arts. Ce qu'on appelle la vie politique est encore un sérieux obstacle au développement du sentiment artiste. Il est bon, incontesta- blement, que les peuples ne se désintéressent pas des affaires ( 127 ) publiques, qu'ils ne soient pas indifférents à la manière dont l'État est gouverné ; mais si nous admettons pour tout citoyen l'obligation morale de faire usage des droits que lui confère le code politique de son pays , nous contestons que l'exercice de ces droits doive constituer pour lui une occupation permanente, comme le prétendent les personnes qui prônent les avantages de la vie politique. Si la vje politique consistait à s'enquérir du carac- tère et du mérite des hommes qu'il s'agit d'appeler à remplir les fonctions de membres des assemblées législatives, à prendre part aux élections, à exprimer sur les lois importantes projetées des opinions dont la presse puisse se rendre l'organe, nous dirions qu'elle répond à l'une des nécessités de l'organisation sociale; mais lorsqu'elle absorbe tous les esprits et s'empare exclusive- ment de l'attention publique, nous la regardons comme devant avoir pour effet inévitable la décadence morale des populations. Les grandes questions politiques, celles qui touchent aux prin- cipes élevés de la philosophie et du droit naturel, sont les seules qui méritent qu'on s'en occupe et qu'on les discute. Elles se pré- sentent rarement. Quant aux petits incidents, aux petites parti- cularités qui surviennent chaque jour dans le monde politique et dont on grossit outre mesure l'importance, on leur fait infiniment trop d'honneur en se détournant pour elles d'occupations plus sérieuses et plus dignes. Avec quelle chaleur, avec quelle passion ne disserte-t-on pas sur ces graves frivolités qui ne laisseront au- cune trace dans l'histoire, et qui, dès demain, seront complètement oubliées! L'avantage de ces sujets de conversation, c'est de n'exi- ger aucune instruction, aucune réflexion. On se tire d'affaire avec des banalités. L'inconvénient, c'est de rapetisser les esprits, de diminuer la valeur intellectuelle des hommes. Lorsqu'on dis- cute des questions de philosophie, de morale, de littérature et d'art, on sort nécessairement du domaine des idées vulgaires; on s'élève par les efforts qu'on est obligé de faire pour trouver des arguments dignes de la cause que l'on défend, quelque opi- nion qu'on s'attache à soutenir. Les causeries sur les accidents de la vie familière ou de la politique courante laissent, au con- traire, limagination et le raisonnement dans une sorte d'inertie. ( 128 ) On répète machinalement ce qu'on a entendu dire ou ce qu'on a dit soi-même à propos de choses semblables. C'est à ce triste ré- sultat de la diminution des facultés par défaut d'un exercice sé- rieux, qu'aboutissent la recherche des délassements frivoles et les occupations gravement inutiles de la vie politique. Nous ne venons pas ici nous poser en moraliste, en réfor- mateur de la société; mais puisque nous recherchions les causes de l'affaiblissement du sentiment artiste, il ne nous était pas pos- sible de passer sous silence celles qui tiennent aux mœurs pu- bliques et que nous venons d'indiquer, en leur attribuant une influence funeste sur les arts. Ce n'est pas ce que nous aurons pu dire qui fera changer cet état de choses. Une force mystérieuse pousse les hommes dans les voies où ils marchent fatalement vers un but qu'ils connaissent quelquefois et que souvent ils ignorent. En devions-nous moins exprimer nos idées sur ce point? Nous ne le pensons pas. Tous les jours on constate, les uns sèchement comme un fait acquis à la statistique, les autres avec douleur comme un malheur public, l'infériorité des productions des beaux-arts de notre temps, comparativement à celles que nous ont laissées les siècles passés. On s'en prend uniquement aux artistes de cette décadence, comme si elle n'était imputable qu'à eux seuls. Leur impuissance est prise pour la cause du mal, tandis qu'elle est un effet, l'effet de l'organisation actuelle de la société, de ses mœurs, de ses habitudes, de la direction qu'elle donne à son activité. A d'autres époques, au seizième siècle, par exemple, l'Europe a été livrée à de grandes agitations politiques puais quelle diffé- rence avec ce qui se passe aujourd'hui! L'agitation sur un même point, dans une même localité était momentanée. Le calme renais- sait ensuite. Un instant troublée, la vie reprenait son cours régu- lier. Chacun retournait à ses occupations, à ses travaux. La diffi- culté des communications ne permettait pas qu'on reçût des nouvelles de ce qui se passait dans les pays voisins, et à vrai dire on ne s'en inquiétait pas. Un long temps s'écoulait parfois avant qu'on eût connaissance des événements survenus dans des con- trées situées à une certaine distance; on n'avait plus à s'en émou- ( 120 ) voir lorsqu'elles arrivaient, et l'on se bornait à les enregistrer parmi des faits accomplis. Actuellement, le moindre tressaille- ment non-seulement de l'Europe, mais du monde politique, est ressenti partout à la fois. La tranquillité ne saurait être générale, et il suffît qu'elle soit troublée quelque part, pour que l'agitation règne en tous lieux. Il n'y a pas de jour où il n'arrive, d'un côté ou d'un autre, quelque nouvelle à sensation dont tout le monde s'occupe, qui est pendant vingt-quatre heures l'objet de l'atten- tion publique, que l'on commente et que l'on discute. Au lieu de recevoir en une fois l'annonce d'un événement et de ses consé- quences, on en a les détails un à un, et la moindre particularité transmise isolément, produit autant d'impression que le récit complet d'une action fertile en. incidents. A force de travailler sur des infiniment petits, l'esprit perd la faculté de s'appliquer aux grandes eboses, de s'y intéresser, de les comprendre. Les découvertes ayant pour effet de multiplier les communi- cations entre les différents pays et de fournir, comme nous ve- nons de le dire, des aliments à la curiosité banale, doivent-elles avoir pour dernière conséquence la perte des beaux-arts? Tel n'est pas notre avis. Elles ont créé un état social transitoire. Toutes les choses nouvelles ont une vogue dont la durée est plus ou moins longue. On ne se borne pas à en user; on en abuse et l'excès amène la satiété. On s'est passionné pour l'invention justement qualifiée de merveilleuse qui établissait entre les points les plus éloignés du globe une communication instantanée. Les moindres informations qui arrivaient par celte voie furent et sont encore accueillies avec un vif empressement. Cependant une chose dont on ressent ebaque jour les effets, doit perdre nécessairement de son prestige. On ne s'en étonne plus; on ne l'admire plus; on finit par être blasé sur les impressions qu'elle procure. Un temps viendra où l'on sera indifférent aux petites nouvelles qu'on re- eberche actuellement avec tant d'avidité. Fatigués de celte nour- riture insipide, nos successeurs éprouveront le besoin de donner à leur intelligence une alimentation plus substantielle, plus re- levée, et c'est aux arts qu'ils la demanderont. II y a des pessi- mistes qui prétendent qu'il ne sera plus temps, que l'indifférence Tome XXÏI. 9 ( 130 ) et le mauvais goût auront tué la peinture et la statuaire : ne les croyez pas. L'art ne meurt point; il survit à tout en ce monde. L'histoire nous prouve qu'après avoir traversé des périodes de langueur, de souffrance, il retrouve des jours de prospérité et de grandeur. Les naturalistes modernes ont signalé l'existence d'un être organisé qui. soustrait à l'action de l'humidité, semble abso- lument inanimé. Il est desséché et ne présente plus que l'aspect d'une matière inerte; mais une seule goutte d'eau suffît pour lui rendre le mouvement et la vie. Il y a aussi des moments où Part parait mort, où l'on désespère de le voir ressusciter. Vienne une circonstance favorable, il sort tout à coup de sa léthargie; la vie, qui n'était que suspendue en lui, reprend une nouvelle acti- vité. Nous venons de dire quelles étaient les causes dépendantes de l'organisation sociale auxquelles il faut attribuer, en partie, le déclin des beaux-arts. Il en est d'autres qui tiennent à l'éducation des artistes, à leur manière de vivre, à la façon dont ils tirent parti de leur talent. Nous allons les passer en revue. Parlons d'abord de l'éducation des artistes, de ce qu'elle fut et de ce qu'elle est. II y a des conclusions importantes à tirer de ce rapprochement. Le comité du congrès tenu à Bruxelles, il y a quelques années, par l'Association pour le progrès des sciences sociales, avait porté au programme de ses travaux cette question : « Quels sont les avantages et les inconvénients de l'enseignement privé (ateliers) et de l'enseignement public (académies) dans le domaine des beaux-arts? » Cette question était pleine d'intérêt et d'utilité. Elle n'a pas été traitée : peut-être ne pouvait-elle pas l'être. Dans ces nombreuses assemblées qu'on décore pompeuse- ment du nom de congrès, les sujets dont on s'occupe volontiers sont ceux auxquels on reconnaît le pouvoir de passionner les esprits dans le sens des idées ou des préjugés à l'ordre du jour. Il fut un temps où l'on se passionnait pour la science, pour la littérature et pour les beaux-arts; on se passionne aujourd'hui pour la politique, pour les intérêts sociaux, humanitaires, on se passionne pour de grands mots qui, souvent, représentent de pe- tites idées. II serait plus juste de dire qu'on s'efforce de passionner ( 151 ) les autres. On cherche les discussions retentissantes pour faire du bruit, moins autour des questions qu'on agite, qu'autour de soi. Ce n'est pas en parlant des beaux-arts qu'on peut espérer de sa- tisfaire l'ambition de popularité qui est un des travers de notre époque. La comparaison de l'enseignement privé et de l'enseignement public aboutirait infailliblement à faire constater la supériorité de celui-là; mais elle aurait, en même temps, pour résultat de démontrer qu'il n'est plus praticable et que, faute de mieux, il faut se contenter de l'enseignement public. On ne peut se refuser à reconnaître que l'enseignement privé, tel qu'il était organisé aux siècles passés, favorisait les progrès des élèves et l'avance- ment de l'art même. Une fois admis chez le maître, l'élève faisait, en quelque sorte, partie de la famille de celui-ei. Il vivait dans sa maison, dans son atelier, le voyait travailler, s'appropriait ses procédés, surprenait ses secrets, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Le maître guidait véritablement le jeune homme dont il s'engageait à former le talent; il donnait à son éducation des soins presque continus et l'associait à ses travaux, lorsqu'il était par- venu à un certain degré d'habileté. On comprend combien cet enseignement de chaque jour, de chaque heure devait exercer une influence salutaire sur le développement des facultés de l'élève ayant le don naturel de la vocation. A l'époque où les choses se passaient ainsi, la vie était tout autrement organisée qu'aujourd'hui. C'était le temps des mœurs patriarcales, des existences paisibles, de la vie de famille. L'artiste ne sortait guère de son atelier; c'était là son monde, la sphère de ses pensées et de ses actions. Rien ne troublait les rapports du maître et des élèves qui ne cessaient pas d'être sous sa surveil- lance, de recevoir ses conseils, d'avoir son exemple sous les yeux. De nos jours l'artiste est homme du monde avant tout, souvent même avant d'être artiste. Il a des devoirs de société à remplir, et à ces devoirs il consacre une bonne partie du temps que lui prendrait l'enseignement attendu par ses élèves, s'il en acceptait. Son atelier est devenu un salon; il faut qu'il puisse y recevoir les amateurs et les désœuvrés, au besoin même le ministre dont il a ( 132 ) sollicité la visite, dans l'espoir que son dernier ouvrage lui vau- dra une faveur pécuniaire ou une distinction honorifique. Com- ment voudrait-on qu'il y eût des élèves dans cet atelier transformé en salle de réception? Et puis le maître voyage; il va aux eaux, car il faut faire comme tout le monde. Que deviendraient ses dis- ciples, pendant qu'il lutte de désœuvrement et d'ennui avec ceux qu'on appelle les heureux de la terre? L'atelier d'autrefois ne peut plus exister; renseignement privé est incompatible avec les idées , les usages et les préjugés de notre temps. Il faut donc accepter l'enseignement public, lors même qu'on ne le choisirait pas, attendu qu'il n'y en a pas d'autre possible. Seulement on doit tâcher de le bien organiser. Dans les écoles qui ne sont ouvertes que six mois de l'année et qui n'ont que des cours du soir, l'enseignement est insuffisant. Il y en a pourtant beaucoup de ce genre, et dans les plus grandes villes. Les élèves y reçoivent une instruction technique dont nous ne méconnaissons pas la valeur; mais ils y passent trop peu de temps. Ce mode d'éducation ne les lire point assez du milieu banal et vulgaire où la plupart d'entre eux ont été élevés et qui exerce sur leur intelligence une influence funeste. Ils ne vivent pas dans une atmosphère d'art et c'est là un grand mal. La peinture, la sta- tuaire, l'architecture ne sont pas choses qu'on puisse prendre et laisser alternativement. 11 faut s'en occuper sans cesse. Ces belles personnes sont exigeantes et jalouses; elles ne se livrent qu'à ceux qui n'ont d'attention que pour elles et qui leur prodiguent des soins continuels. En quittant l'atelier du maître, l'artiste était un maître lui- même. En sortant des écoles actuelles, il n'est encore qu'un élève. Il connaît les règles; il a la notion des procédés techniques; mais l'art est encore pour lui plein de mystères. Parmi les pein- tres et les sculpteurs qui ont été couronnés dans les concours, il n'y en a pas un qui puisse faire un tableau, un groupe ou un bas-relief. Pour rendre l'éducation publique aussi fertile en bons résultats que l'enseignement privé, tel que le pratiquaient les anciens maîtres, il faudrait changer radicalement l'organisation des académies; les élèves y devraient passer, non quelques heures, ( «53 ) mais les journées entières, et ce ne serait pas trop de six à huit années (durée moyenne des études) ainsi employées, pour leur faire acquérir l'ensemble des connaissances théoriques et pra- tiques, générales et spéciales, que doit posséder un véritable artiste. Laissons l'artiste compléter lui-même, au sortir de l'école, son éducation ébauchée et reprenons-le en plein exercice de sa pro- fession. C'est lui surtout qui ressenties pernicieux effets des nou- velles mœurs, dont nous déplorions tout à l'heure l'influence sur le goût public. Son talent l'a fait arriver à la réputation et à la fortune. Ce peut être sa satisfaction comme homme : c'est son malheur comme artiste. Le voici possédé de la soif du luxe et des jouissances matérielles; la contagion ne l'a point épargné. 11 faut qu'il ait un train de maison, de somptueux ameublements, des équipages. Les toilettes de sa femme doivent éclipser celles des plus grandes dames du monde aristocratique et du monde finan- cier. L'art n'est plus pour lui une manifestation spontanée du sen- timent, un mode d'expression de la pensée; c'est un moyen de se procurer Targent nécessaire pour payer ses prodigalités. Le ta- bleau que voici sur son chevalet, il ne l'exécute pas pour réaliser une idée conçue dans un accès de fièvre artiste ou méditée avec recueillement, mais parce qu'il sera échangé, à date fixe, contre une somme dont il a besoin pour faire face à un engagement. Le temps de l'artiste est partagé entre les obligations de la vie d'homme du monde dont il a la faiblesse de s'imposer les tracas, les préoccupations que lui donne la nécessité de mettre ses re- cettes en rapport avec ses dépenses, et, en dernier lieu, ses tra- vaux auxquels il ne lui reste à donner qu'une attention distraite. N'est-ce pas folie aux artistes de lutter avec les riches désœuvrés? Ils veulent, disent-ils, avoir leur part des biens de ce monde et ne voient pas pourquoi la fortune les traiterait moins bien qu'une foule de gens auxquels ils se sentent supérieurs. C'est précisé- ment à cause de cette supériorité qu'il n'est pas nécessaire, ni juste, qu'ils reçoivent de la fortune les. mêmes faveurs que le premier venu. La Providence règle avec une admirable équité la répartition des avantages qui écheoient aux hommes. Lors- ( 134 ) qu'elle donne aux uns le génie ou le talent, aux autres la richesse, elle se montre prévoyante et sage. Du reste, tout artiste est mil- lionnaire de fait. Pourquoi ambitionnerait-il la possession d'un coin de terre, quand la nature entière lui appartient? Elle lui appartient, car il jouit de tous ses trésors dont le riche, indigent dans son opulence, ne soupçonne pas même l'existence, lui qui passe distrait devant ses plus sublimes spectacles. Et ne possède- t-il pas ainsi les chefs-d'œuvre des maîtres? Il les possède, car il en jouit comme des beautés de la nature. A quoi sert-il de pouvoir dire: cette toile, ce tableau m'appartiennent. N'est-il pas vrai- ment possesseur de ces choses , l'homme qui les comprend, qui les admire, à qui se révèle la pensée par laquelle la matière est vivifiée? Les jouissances matérielles laissent après elles la satiété. On se blase sur le plaisir de se faire traîner en carrosse , de porter un bel habit , de promener son ennui dans des appartements luxueux; à la longue les bons repas cessent d'exciter l'appétit. Jamais on ne se lasse des jouissances intellectuelles. Elles sont inépuisables comme les ressources de l'art et de la poésie. C'est la vanité, dit-on, qui pousse les artistes à étaler un luxe de parve- nus. Singulière vanité que celle d'aspirer à des avantages que se donne le premier riche venu, lorsqu'on a le mérite personnel, les plaisirs raffinés de l'esprit et une gloire durable en perspec- tive ! V.oilà pourtant à quelles faiblesses, à quelles erreurs, les artistes sacrifient des intérêts plus précieux que la richesse. Enfants pro- digues, ils dépensent follement le capital intellectuel qui leur a été départi. Propriétaires imprévoyants, ils épuisent leur bien par une culture forcée, sans songer qu'on doit rendre à l'esprit comme à la terre les sucs qu'on lui enlève. Il faut produire beau- coup, afin de multiplier les recettes. Il faut produire vite, pour re- gagner le temps que l'on perd à remplir ses devoirs d'homme du monde. On n'a plus de loisirs à donner à l'étude, à la réflexion si nécessaires pour entretenir les forces du talent, pour réparer ses perles de chaque jour, pour prévenir le danger d'un épuise- ment prématuré. En admirant la quantité et la qualité des œuvres laissées par ( loi ) les anciens maîtres, nous nous demandons comment ils ont pu suffire à tant et à de si beaux travaux. Comment? Le voici : ils se consacraient exclusivement à leur art et n'avaient pas d'autre ambition que de réaliser leurs idées sous la meilleure forme pos- sible; ils ne vivaient pas dans ce qu'on appelle le monde, ne connaissaient pas les obligations de société, ne perdaient pas leur temps en visites, en soirées, en festins. Ils ne fréquentaient pas les lieux de divertissements publics, ne s'occupaient pas de poli- tique d'une manière active; ils n'avaient ni les cercles, ni les clubs, où Ton va respirer un mauvais air en prenant part aux cancans du jour. S'ils voyageaient quelquefois pour leur instruc- tion, ils ne se croyaient pas forcés d'aller chaque été faire parade d'oisiveté dans les villes d'eaux, comme s'ils avaient aussi peu de chose dans la tête et autant d'argent dans la poche que maint financier. Telle était l'existence des -artistes d'autrefois : bien diffé- rente est celle des artistes d'aujourd'hui; bien différentes aussi sont leurs œuvres. La multiplicité des expositions est une des causes de l'infério- rité de l'art moderne, une de celles dont l'influence est la plus directe et la plus dangereuse. L'idée première des expositions était excellente. Il s'agissait de mettre, à de certaines époques dont le retour périodique n'était pas trop rapproché, les œuvres des pein- tres et des statuaires sous les yeux du public, afin de lui per- mettre de constater la situation de l'art, ses tendances, la direc- tion qui lui était imprimée. C'était aussi un moyen de se faire connaître donné aux jeunes artistes dont le talent peut rester longtemps ignoré, s'il n'a pas des occasions de se manifester pu- bliquement. Tel était originairement le but des expositions qui avaient lieu de loin en loin, et seulement dans quelques grandes cités considérées comme des centres de mouvement intellectuel. Peu à peu, l'objet principal de l'exposition fut perdu de vue : une destination nouvelle lui fut assignée, laquelle ne répondait plus à la pensée de ses fondateurs. Les expositions devinrent des bazars de peinture, ouverts sous le patronage des gouvernements et des autorités municipales ou communales. Elles ne sont plus autre chose. La plupart des peintres croient de très-bonne foi ( 13G ) quelles sont uniquement établies à cette fin de leur procurer des occasions de vendre leurs tableaux. Il y a aujourd'hui des expositions dans les petites villes comme dans les grandes. Se tenir au courant des époques d'ouverture et de clôture de ces foires de peinture, est une grande affaire pour l'artiste auquel un mérite supérieur ou le goût capricieux des amateurs n'ont pas valu le privilège d'une notoriété qui le dispense daller au-devant de l'acheteur. Diriger son œuvre vers telle localité, de manière à ce qu'elle y arrive à jour fixe; la faire revenir, si elle n'a point été vendue, pour l'expédier ailleurs; entretenir une correspon- dance active, soit pour annoncer ses envois aux comités des expo- sitions, soit pour discuter les prix des objets pour lesquels il reçoit des propositions d'achat, sont des soins qui prennent à l'ar- tiste une partie de son temps et qui l'assimilent au négociant occupé de ses approvisionnements et du placement de ses den- rées. Le peintre s'aperçoit de certains défauts qui déparent une œuvre dont le plan a été conçu avec précipitation et qui a été trop lestement exécutée. Il voudrait la corriger, effacer et refaire les parties manquées; mais elle est destinée à une exposition dont l'ouverture est prochaine, et il reste juste le temps nécessaire pour la mettre en état d'être expédiée. Elle partira avec ses dé- fauts, lesquels, à tout prendre, ne l'empêcheront pas d'être ache- tée, car ils ne frapperont que les connaisseurs, qui sont en petit nombre. Si elle se place à un bon prix, cela suffit. Pourquoi se serait-on mis en peine de la rendre plus parfaite? Ce n'est pas seulement l'obligation qu'il s'impose d'expédier de ses œuvres au plus grand nombre d'expositions possible, afin d'augmenter ses chances de vente et d'élever le chiffre de son revenu, ce n'est pas seulement cette obligation qui influe défavo- rablement sur le talent de l'artiste; c'est aussi la préoccupation de l'effet que ses œuvres doivent produire au Salon. Il s'agit de se faire remarquer, et il y est toujours à craindre qu'un tableau, fût-il de la meilleure qualité, n'arrête pas les regards de la foule dans la confusion des milliers de toiles qui encombrent les expo- sitions actuelles. Les tableaux qui attirent l'attention ne sont pas ceux qui réunissent le plus de beautés intrinsèques, soit sous le ( 137 ) rapport de la conception , soit sous celui de la forme, mais ceux qui ont une originalité naturelle ou factice. Le peintre qui veut qu'on remarque ses œuvres, qu'on en parle et qu'on les achète, tache d'être original, ou de paraître tel, s'il est de force à soutenir le rôle qu'il se donne. Celui qui n'a que des facultés médiocres et qui ne parvient pas à se créer une apparence d'individualité, s'ap- proprie celle d'autrui. 11 imite la manière caractéristique qui a piqué la curiosité, il l'exagère et, ne pouvant pas se distinguer par un mérite quelconque, il s'efforce d'avoir des défauts très- apparents. Ces défauts font parler de lui, c'est surtout ce qu'il demande Son ambition est d'être discuté, car la discussion est un moyen de publicité. Sans publicité, pas d'affaires, pas de débit pour la marchandise. Les plus dures critiques sont moins préju- diciables que le silence. Comment s'y prend tel peintre qu'on pourrait nommer, pour faire en sorte qu'il ne soit pas possible aux visiteurs de l'exposition de passer auprès de ses œuvres sans les remarquer? Il représente des figures d'un dessin de fantaisie, posées d'une façon burlesque et d'une facture étrange. Plus il s'écarte de la nature et plus il doit réussir. L'aspect de ses ta- bleaux, si tableaux il y a, est si drôle, qu'on doit forcément les voir. On les regarde en riant; on demande quel est l'auteur de cette plaisanterie : c'est Monsieur un tel. Le peintre est nommé; son but est atteint. S'il n'y avait que des rieurs , la spéculation n'aurait qu'à demi réussi; mais il se trouve toujours des gens prêts à prendre parti pour les choses nouvelles, sans examiner ce qu'elles valent, uniquement parce qu'elles sont nouvelles. Les uns ont l'esprit naturellement paradoxal; les autres craignent de paraàtre ne pas comprendre ce qui appartient aux idées avancées et adoptent tout ce qui se présente sous une forme inusitée. Il n'ont jamais vu de figures humaines semblables à celles qui vien- nent de les arrêter par leur bizarrerie; mais c'est peut-être un trait de génie de les avoir imaginées, et rendre hommage au génie méconnu, c'est presque s'associera sa gloire future. Voilà un des résultats des expositions et des luttes d'intérêt quelles suscitent. Il en est d'autres plus fâcheux encore peut-être, parce qu'ils donnent le triste spectacle d'artistes de talent en- (.138 ) traînés hors de la voie qui aboutit au vrai et qu'ils eussent glo- rieusement parcourue, s'ils n'eussent écouté que leur instinct. Il n'y a ni sentiment ni conscience qui tiennent, lorsqu'on expose; il s'agit de captiver, de séduire l'amateur, d'obtenir son suffrage et son argent. Tout doit plier devant le caprice de l'amateur. C'est pour lui qu'on travaille; toutes les conditions de dimension , de sujet et d'aspect qu'impose sa fantaisie, sont scrupuleusement observées. Le peintre capable de grandes choses se condamne à n'en faire que de petites , pour contenter le public des expositions qui n'en comprend, n'en aime et n'en achète pas d'autres. Idées et formes, il réduit tout à de mesquines proportions, pour se mettre au niveau de l'intelligence et du goût de la foule qui visite les expositions. Il y aurait une longue liste à dresser des artistes dont les aptitudes naturelles ont été faussées sous l'influence des préoccupations que leur donnait la nécessité de produire pour les Salons de peinture des œuvres ayant tel caractère déterminé, telles qualités, ou même tels défauts, sous peine de ne pas exciter cette curiosité banale de la foule, moins flatteuse assurément que l'ap- probation des connaisseurs , mais plus matériellement utile à ceux qui recherchent les avantages procurés par la notoriété. Les expositions de province, si nombreuses aujourd'hui, ont un côté utile que leurs graves inconvénients ne doivent pas nous faire méconnaître. Elles introduisent le goût des arts dans des localités où l'on ne connaissait guère que les jouissances maté- rielles. Des gens 'qui ne songeaient qu'à faire de bons repas, ont fini par trouver qu on peut prendre un certain plaisir à voir des œuvres de peinture et de sculpture. Seulement le goût des arts n'est pas une chose absolue; il y a le bon goût et le mauvais; or, la plupart des productions fabriquées en vue de l'appro- visionnement des petites expositions, doivent avoir pour effet de propager ce dernier. On arriverait plus sûrement à faire aimer et comprendre les beaux-arts, en favorisant l'établissement et le développement des musées de province, ainsi que nous l'avons dit précédemment. Nous n'ignorons pas que la multiplicité des expositions serties intérêts des peintres médiocres, de ceux aux- quels on ne vient pas demander leurs œuvres et qui sont obligés ( 159 ) de les offrir, sous peine de ne pas les vendre; mais nous le répé- tons, nous ne nous occupons pas des affaires des artistes. La question commerciale n'est pas de notre compétence. Nous ne tenons pas à ce que les peintres sans talent trouvent à se défaire de leurs tristes productions. Nous aimons infiniment mieux qu'ils les gardent,, car leur vue ne pourrait que fausser le goût de ceux qui les auraient sous les yeux. Ce sont les expositions qui favorisent l'exercice du pouvoir des- potique de la mode. Un tableau a-t-il du succès, se distingue-t-il par son mérite ou par son originalité, on est certain d'en voir paraître, au Salon suivant, des imitations plus ou moins exactes. Les artistes privés d'imagination sont à l'affût des idées d'autrui. De tout temps il y a eu des imitateurs, des copistes, des pla- giaires. Le nombre s'en est considérablement accru, depuis que les expositions ont donné de grandes facilités à ceux qui ont du penchant pour ce commerce frauduleux, en mettant des modèles à leur disposition, en leur indiquant ce qui plaît à la foule et ce qui a chance de placement. Signalons encore le danger des relations entre les peintres et les marchands. Il n'est peut-être pas de plus sérieux obstacle à la libre manifestation des qualités de l'artiste, à la spontanéité de ses conceptions. Le peintre que d'habituels rapports d intérêt lient avec le marchand , enchaîne sa liberté. Le premier soin du mar- chand est de se tenir au courant des variations du goût. C'est l'homme de l'actualité. Il sait quels sont les sujets en vogue et fait à l'artiste ses commandes en conséquence. On ne peut pas le blâmer d'agir ainsi; son métier est de vendre; il est tout naturel qu il approvisionne son magasin d objets dont il puisse se défaire aisément, à des prix avantageux. Connaissant les préférences de ses pratiques, il dit au peintre : faites ceci de telle manière, et le peintre, qui a loué ou vendu son talent, se conforme aux instruc- tions qu'il reçoit. La dignité de l'artiste souffre d'avoir à se soumettre ainsi aux ordres du marchand; mais 1 intérêt lui conseille d'imposer silence à un sentiment qui ne rapporte rien. Il fait donc ce qu'on exige de lui. Tant que le marchand vend à un bon prix des œuvres ( 140 ) d'un certain genre, il en commande de semblables à l'artiste qui est contraint de se répéter. Il nous serait facile de citer des pein- tres dont le talent s'est fort mal trouvé de ce régime. Livrés à leurs inspirations, ils seraient entrés, à un moment donné, dans un nouvel ordre d'idées ou bien ils auraient modifié leur style, tandis que le marchand les tenait asservis à une même nature de sujet, à une même forme, à une même gamme, car le despotisme de la mode va jusque-là. L'artiste exploité par un mareband n'est même pas libre de corriger un défaut, si son amour-propre lui a permis de s'en reconnaître un. Ce défaut est comme sa signature; s'il ne l'avait plus, on ne le reconnaîtrait pas. Une veine étant ouverte , il faut l'exploiter jusqu'à épuisement. Le mot n'est que trop vrai. L'épuisement prématuré est souvent la conséquence de cet asservissement de l'artiste à une tâcbe insipide. Pour entre- tenir les forces de l'esprit, il faut la diversité des applications, il faut la liberté des mouvements de l'imagination. On croit généra- lement que l'artiste qui recommence perpétuellement une même chose la fait de mieux en mieux et atteint ainsi la perfection. C'est une erreur. Arrivé à un certain degré, il s'arrête, puis il rétro- grade. Fatigué, blasé, dégoûté de son travail, il finit par ne plus produire que des œuvres sans caractère , sans esprit ; des œuvres mortes. Quelle est la conclusion de tout cela? C'est que l'habitude de traiter avec des marchands, de se lier par des contrats d'une certaine durée est devenue, pour beaucoup d'artistes, une cause du déclin de leur talent; c'est qu ils doivent se garder de signer de ces engagements qui ne leur procurent des avantages momen- tanés qu'en ruinant leur avenir. oo VIII. L'esprit administratif. — La liberté dans l'art. — La compétence des artistes mé- connue. — Condition morale des artistes chez les Grecs, au moyen âge et dans les temps modernes. - L'art pur et l'art marchandise. — Du rapport qu'il y a entre l'argent et le génie. — Autres temps , autres idées. — Avènement d'un principe nou- veau pour l'humanité et pour l'art. Une des choses de notre temps les plus redoutables ,pour les arts, c'est l'influence de l'esprit administratif, esprit absolument moderne, inconnu à nos ancêtres, qui en avaient d autres; esprit envahissant de sa nature et dont la prépondérance nuisible de- vient chaque jour plus grande. L'esprit administratif ne se ren- ferme pas dans les généralités; il prétend entrer, dans les détails et décider souverainement des choses qui exigent une compétence particulière. Nous. avons reconnu l'utilité, la nécessité de l'action gouverne- mentale sans laquelle l'art public, le grand art n'existerait pas; mais si elle dépasse les limites dans lesquelles elle doit s'exercer, elle devient plus nuisible qu'utile. Qu'elle s'appelle administration ou direction, l'autorité qui a les beaux-arts dans ses attributions prend trop son titre au pied de la lettre. Elle veut administrer, diriger l'architecture, la peinture, la statuaire, la musique, tandis qu'elle ne doit administrer que les fonds du budget affectés au service spécial dont la surveillance lui est confiée. Cette fonction lui paraît trop modeste. Elle suffirait cependant à une ambition légitime, et, pour être convenablement remplie, elle exige autant de tact que de discernement. Il faut que le gouvernement donne ( 142) une impulsion et n'aille pas au delà. Il ne doit pas substituer sa pensée à celle des artistes, dire à chacun ce qu'il doit sentir, aimer, concevoir et exécuter. S'il agissait ainsi, son influence s'exercerait comme celle du marchand , dans un autre ordre d'idées peut-être, mais elle aurait le même résultat. Elle tendrait également à porter atteinte à la liberté de l'artiste. L'art est comme ces coursiers fiers et ardents qui se cabrent sous une main trop peu légère. Le rôle de l'administration, c'est de distinguer les artistes capables d'exécuter les grands travaux pour lesquels la protection du gouvernement est nécessaire, et de fournir à leurs aptitudes spéciales des occasions de se manifester. C'est aussi d'acquérir, comme moyen d'encouragement, les œuvres distinguées déjeunes artistes qui n'ont pas encore reçu le baptême de la célébrité; d'enrichir les collections de l'État de productions dont puisse s'honorer l'école nationale; de pourvoir à tous les besoins d'un bon enseignement. Ce n'est jamais de dire aux artistes ce qu'ils ont à faire, de leur tracer un programme, de prendre parti pour tel ou tel système, d'imprimer à l'art sa direction. L'administra- tion ne peut pas avoir la prétention d imposer au pays la forme architecturale, picturale ou plastique qu'elle affectionne. (Ju'elle soit classique ou romantique, idéaliste ou réaliste, qu'elle s'efforce de diriger le mouvement dans un sens conforme à ses prédilec- tions, c'est ce qu il est impossible d'admettre. Si elle étend jusque- là ses prérogatives, elle empiète sur les attributions et sur les droits des artistes. Il ne lui appartient ni d'imposer à ceux-ci un style, ni de forcer le goût du publie dans un sens ou dans l'autre. Si l'autorité comprend autrement sa mission, elle peut être animée des meilleures intentions; elle peut avoir la conviction qu'elle remplit une tâche utile; mais, quelque louable que soit son zèle, il n'en aboutit pas moins à de fâcheux résultats. Il faut que l'artiste se sente libre; la seule pensée qu'il subit un contrôle officiel refroidit son imagination, arrête l'essor de son génie. Dans le temps où le pouvoir était fort avec excès, fort jusqu'à la tyrannie, les artistes jouissaient, pour leurs travaux, d'une indé- pendance absolue. S'il y avait eu anciennement des commissions consultatives, des obligations de programmes, des nécessités ( 1*3 ) d'approbation de plans, la plupart des monuments et des œuvres d'art que nous admirons n'existeraient pas. Les excès de l'esprit administratif ont provoqué les exagéra- tions du système qui tend à repousser formellement toute inter- vention du gouvernement, système qui ne s'établirait, nous croyons l'avoir démontré, qu'en supprimant ce qui s'élève nu- dessus du niveau que ne dépassent ni la spéculation, ni les fan- taisies d'amateurs. Qui consulte-t-on lorsqu'il s'agit des choses d'art? Un peu tout le monde, à l'exception des artistes. Dans les assemblées législa- tives et communales on disserte sur les beaux-arts et sur les mesures qu'il y a lieu de prendre en leur faveur, sans qu'il vienne jamais à l'esprit de personne qu'il serait bon de demander l'avis des artistes. On rirait bien si ceux-ci s'avisaient de se réunir pour prendre des résolutions en matière de politique, de finance , etc.; on leur dirait charitablement qu'ils s'occupent de choses aux- quelles ils ne s'entendent pas, tandis que le premier venu se croit compétent pour décider de ce qui a rapport aux beaux-arts. Les avocats, les industriels, les banquiers sont appelés à faire partie des grands* corps politiques de l'Etat; de hautes positions sont données aux fonctionnaires supérieurs de l'armée. Les artistes, comme les savants et les littérateurs, sont tenus à l'écart. Nous ne le regrettons pas pour eux, car les obligations de la vie pu- blique les détourneraient de leurs travaux, et nous sommes d'avis qu'ils rendent à la société plus de services réels par leurs actions, qu'une foule d'autres par leurs discours. Pour résoudre bien des questions qui sont agitées au sein des conseils communaux et provinciaux, on aurait besoin de leurs lumières; mais on n'a point égard aux aptitudes lorsqu'on choisit les membres appelés à com- poser ces assemblées; on ne s'enquiert que des opinions poli- tiques des candidats, lesquelles n'ont pas l'occasion de s'accuser publiquement chez les artistes. Beaucoup de personnes pensent qu'aucune époque ne fut plus favorable aux artistes que la nôtre, par cette raison qu'on paye très-cher leurs œuvres, et que ceux qui ont du talent, ou seu- lement de l'habileté, font aisément fortune. Nous croyons cepen- ( 144 ) tlant qu'il fut pour eux des temps meilleurs, ceux où l'on prenait un vif intérêt à leurs travaux , et où leur profession était hau- tement honorée. Que d'exemples on pourrait citer de marques d'affection et de profonde estime données jadis aux grands artistes par les peuples et par les princes ! On sait comment les Grecs en usaient avec les statuaires et avec les peintres dont les œuvres contribuaient à la gloire de la patrie. L'artiste vainqueur dans un concours public était aussi honoré, aussi récompensé que l'est actuellement le général qui a fait réussir une expédition militaire. On proclamait son nom dans les assemblées du peuple; on plaçait son portrait dans les temples; la nation lui décernait des couronnes; on lui élevait des statues sur les places publiques; il était pourvu gratuitement à l'existence de ses enfants et de ses descendants. Ayant peint, à Delphes, un tableau de la prise de Troie, Polygnote reçut les remercîments solennels des amphyctions qui lui conférèrent, en outre, le droit de nourriture dans tous les prytanées de la Grèce. Parrhasius , qui avait moins de modestie que de talent, s'attribuait comme peintre une sorte de royauté; il sortait vêtu d'un manteau de pourpre et la tète ceinte d'une couronne d'or. Il ne s'éleva pas de réclama- tions contre ce déploiement de vanité, assez ridicule cependant, tant était grand le prestige du mérite et de la renommée de l'artiste. Dans des temps plus rapprochés de nous, à Florence, les grands artistes n'étaient pas moins noblement traités. L'apparition d'un heau tableau, d'une statue remarquable, était un événement, l'occasion de réjouissances publiques; l'auteur prenait tout à coup le premier rang dans l'État, ce qui ne se voit assurément pas à notre époque, où il y a toujours des personnages politiques, des gens titrés ou riches occupant officiellement des positions supé- rieures à la sienne. Cimabue venait de terminer une madone que tout Florence allait voir et admirer; rentbousiasme qu'elle excitait était général : par une de ces inspirations heureuses qui lui sont familières, le peuple se rend un jour à 1 atelier de l'artiste, s'em- pare de son œuvre et la porte en triomphe, au bruit des cris de joie et aux sons des instruments, jusqu'à léglise de Santa-Maria ( 145 ) Novellà, à laquelle elle était destinée. Quand Ghiberti eut achevé les merveilleuses portes du Baptistère, on ne se borna pas à le payer largement et à lui faire présent d'une terre, on lui conféra la charge de gonfalonier, c'est-à-dire de premier magistrat de la république. Qui songerait à récompenser ainsi aujourd'hui le gé- nie d'un artiste? On n'en finirait pas, s il fallait rappeler toutes les circonstances dans lesquelles les Florentins donnèrent à leurs maîtres fameux de ces témoignages qui les élevaient au-dessus des citoyens les plus considérables. Est-il besoin de rappeler comment Raphaël et Michel-Ange fu- rent traités par Jules II et Léon X? Les princes de l'église eux- mêmes obtenaient moins d'honneurs et ne s'en plaignaient pas, tant les droits du génie artiste étaient généralement reconnus. Plus tard, Guido Reni étant parti de Rome à la suite de démêlés avec le trésorier pontifical, un légat fut envoyé à Bologne pour négocier le retour de l'artiste. Cette négociation ayant abouti, le jour de l'arrivée de Guido à Rome, les cardinaux envoyèrent leur carrosse à sa rencontre, hors des murs de la ville, comme ils avaient l'habitude de le faire pour les ambassadeurs; les officiers du pape allèrent le complimenter et peu s'en fallut, disent les historiens du temps, que Paul V ne se rendit en personne au- devant de lui. Nous devons»avouer que de tels honneurs dépas- saient de beaucoup ce qui était dû au mérite de Guido; mais le peintre de V Aurore était le premier de son temps et c'est à sa supériorité relative que s'adressaient les hommages publics dans lesquels nous voyons encore une preuve de la prépondérance ac- cordée aux artistes par nos pères. A Venise, Giovanni Bellini fut autorisé, en récompense des beaux travaux qu il avait exécutés pour le service de la sérénis- sime république, à porter, comme marque honorifique, la robe de sénateur. Ce fut un autre genre d hommage que reçut le Ti- tien. Un jour, pendant qu il peignait un portrait de Charles-Quint, il laissa tomber un de ses pinceaux que 1 empereur ramassa pour le lui remettre, et comme des gentilshommes présents à cette scène en témoignaient leur surprise, le vainqueur de Pa\ie leur dit que le Titien était bien digne d être servi par César. Les Césars de Tome XXII. 10 ( M6 ) noire temps, qui ne sont pas des Charles-Quint, ne serviraient plus un Titien , s'il en restait encore. L'histoire d'Albert Durer nous offre un pendant à cet épisode. Le maître de Nuremberg était monté sur une échelle pour tracer sur le mur, en présence de Maximilien, un plan qu'il voulait, soumettre à celui-ci. L'empe- reur pria un seigneur de sa suite de tenir l'échelle, craignant qu'elle ne glissât et qu'il n'arrivât malheur au grand artiste. Le gentilhomme prit cette invitation pour une offense et argua de sa noblesse pour être dispensé d'obéir, ce à quoi Maximilien ré- pondit : qu'il ferait plus facilement cent nobles qu'un excellent peintre. C'est à la suite de cette aventure que Maximilien con- féra à Durer des lettres de noblesse. Faveur, si c'en est une, faveur bien inutile ! Qui se souvient du blason d'Albert Durer en voyant ses œuvres? Rubens était si grand par son génie, qu'on oublie de combien de prévenances il fut l'objet de la part des souverains d'Espagne et d'Angleterre; mais il est douteux que s'il y avait, de nos jours, un peintre comparable à l'auteur de la Descente de croix, les mo- narques modernes lui confiassent le soin de conduire leurs négo- ciations diplomatiques. Ils aiment mieux employer des grands seigneurs capables ou non. En dépit du progrès des idées, on n'admettrait plus le cumul des deux fonctions de peintre et d'am- bassadeur. Un roi oserait-il encore faire d'un artiste son ami, ainsi que Philippe IV fit de Vélazquez? Le monde des cours en mur- murerait. Il est vrai" qu'il a des raisons pour ne pas admettre la concurrence des hommes de génie. Voilà assez d'exemples de la noble façon dont on en usait jadis à l'égard des artistes. Nous voulons cependant citer comme un modèle de délicatesse et de sentiments généreux, en même temps que de bonhomie, la réception qui fut faite à Poussin lorsqu'il fut rappelé de Rome pour exécuter les travaux qu'on avait pris la ré- solution de lui confier en France d'où l'avaient éloigné longtemps les intrigues de ses rivaux. Disons d'abord que ce n'est pas un ad- ministrateur, un fonctionnaire d'un grade plus ou moins élevé qui écrit à Poussin pour le presser de rentrer dans son pays. Ce n'est pas même un ministre : c'est le roi Louis XIII lui-même. ( I" ) Laissons maintenant parler le maître qui, arrivé à Paris, rend compte au commandeur Del Pozzo des particularités de l'accueil qu'il reçoit : « J'ai fait en bonne santé le voyage de Rome à Fontainebleau, où je fus reçu très-honorablement dans le palais par un gentil- homme commandé exprès par M. Desnoyers, et de là on me con- duisit à Paris dans le carrosse du ministre. A peine arrivé, ce sei- gneur vint au-devant de moi; il m'embrassa très-amicalement, en me témoignant une vive joie de me voir en France. Le soir je fus conduit par son ordre dans le lieu qu'il avait destiné pour mon logement. C'est un petit palais (car on peut l'appeler ainsi) qui est au milieu du jardin des Tuileries, contenant neuf chambres en trois étages. 11 y a de plus un grand et beau jardin planté d'ar- hres fruitiers, des légumes de toute espèce et un joli parterre de fleurs; trois petites fontaines, un puits, une forte belle cour et une écurie. J'ai la vue la plus étendue et je crois que Pelé cet asile est un vrai paradis. J'ai trouvé l'appartement du milieu meublé noblement; toutes les provisions nécessaires, jusqu'au bois et un tonneau de vin vieux. L'espace de trois jours je fus traité aux dépens du roi avec mes amis. » Quelques jours après, Nicolas Poussin fut présenté au cardinal de Richelieu qui lui prit les mains et l'embrassa. Le roi, dont il eut ensuite une audience, l'accueillit avec une grande affabilité, le questionna sur son séjour en Italie, sur ses travaux, et finit par lui faire la commande de peintures pour Fontainebleau et Saint-Germain. A l'issue de l'au- dience royale, on lui apporta « dans une belle bourse de velours bleu deux mille écus en or nouvellement frappés, mille écus pour ses gages et mille écus pour son voyage, non compris toutes ses dépenses. » Nous n'avons rien voulu retrancher de ces détails dont la naï- veté est caractéristique et significative. Pareilles choses se passe- raient-elles aujourd'hui, sauf les différences qui tiennent aux mœurs? Verrait-on prodiguer à un artiste, de si grand talent et de si grande renommée qu'il fût, autanttît d'aussi délicates atten- tions? Les princes payent les artistes, quand ils les payent, et se croient quittes envers eux. Il est vrai que le payement est pour ( 148 ) ceux-ci l'objet essentiel. Voilà ce que nous voudrions voir changer. L'art doit être une religion; il faut qu'il ait ses apôtres et ses croyants; il faut l'aimer pour lui-même et ne pas souffrir qu'on l'abaisse jusqu'à n'être qu'un moyen de spéculation. N'épargnons pas ceux dont la cupidité lui assigne ce pitoyable rôle; chassons les vendeurs du temple. C'est le seul moyen de faire rentrer dans la sphère supérieure qui lui appartient cette sublime émanation de l'esprit humain. Notre conclusion, après avoir rappelé des particularités aux- quelles les biographes ont peut-être attribué une importance exa- gérée, notre conclusion n'est pas que les distinctions honorifiques accordées aux artistes par des princes aient ajouté quelque chose à la valeur intrinsèque des hommes qui avaient le génie en par- tage. Nous avons voulu constater seulement que dans des temps où l'on croit que le mérite était primé par la force, les artistes étaient, en réalité, mieux appréciés qu'aujourd hui. Nous disons mieux appréciés et non pas mieux payés. Des écrivains qui jugent des choses d'autrefois au point de vue des idées actuelles, s'indi- gnent du bas prix que de grands peintres obtenaient de leurs œuvres ou du chiffre des émoluments dérisoires qu'ils recevaient soit des villes, soit des princes. Il est certain que les artistes des anciens temps n'auraient pas eu lieu de se féliciter de leur sort, si l'élévation des bénéfices pécuniaires avait été l'objet de leur am- bition ; mais nous avons dit précédemment que c'était la dernière chose à laquelle ils songeassent. Il faut tenir compte des idées ou , si l'on veut, des préjugés de chaque époque. De ce que l'argent est aujourd'hui la mesure universelle des hommes et de leurs œuvres; de ce que les productions de l'esprit sont tarifées comme des denrées et comme des marchandises, il ne résulte pas qu'il ait dû en être ainsi dans tous les temps. Les vieux maîtres, dont certaines personnes trouvent que le talent fut méconnu, parce qu'il était médiocrement rémunéré, auraient été fort surpris, si on leur avait dit qu'un jour viendrait où un tableau serait estimé dans la pro- portion du prix qu'on l'aurait payé. Ces bonnes gens tiraient de la vente de leurs œuvres un produit nécessaire à leur existence; mais ils ne songeaient pas à faire de la pratique de leur art un moyen de fortune. ( 149 ) Pour louer un artiste, aujourd'hui, on dit qu'il vend ses ta- bleaux à tel prix: une pareille base d'estimation était inconnue jadis. Beaucoup de gens considèrent comme un progrès l'élévation de la valeur vénale des œuvres d'art. Si c'est le seul qui ait été accompli en notre siècle, nous n'avons guère à nous féliciter. On poursuit avec une sorte d'acharnement la réalisation de ce même progrès dans le domaine de la musique. Que le compositeur doive vivre du produit de son travail, c'est une nécessité sociale incon- testable; mais que l'exploitation de ses œuvres soit son unique préoccupation, voilà ce qu'on ne saurait admettre. La perception des droits d'auteur est devenue l'affaire principale du musicien qui tient infiniment moins à avoir de belles inspirations, qu'à tirer grand profit des moindres choses. On se félicite de ce que les compositeurs dont la condition était jadis médiocre en France, en Italie, en Allemagne, ont aujourd'hui des revenus considéra- bles. On prétend que la profession du musicien en a été relevée; c'est abaissée qu'il faudrait dire. Lorsqu'on le voyait indifférent au gain, lartiste était considéré comme étant d'une nature supé- rieure. Le prestige s'est évanoui, à dater du moment où il s'est manifesté comme spéculateur. Il est l'égal de tous ceux qui ont les mêmes revenus que lui; mais il n'est rien de plus. Si autrefois les peuples payaient peu les artistes en argent, ils leur prodiguaient, en revanche, admiration, gloire et reconnaissance. Ils ont cessé de se croire les débiteurs de ceux qui taxaient eux-mêmes leurs services. Leur ayant soldé le tribut pécuniaire âprement exigé, ils estiment ne leur plus rien devoir. Il y a donc amoindrissement de la position des artistes, et cette diminution de force morale influe d'une manière fâcheuse sur leur talent. L'histoire des arts tout entière proteste contre la théorie des écrivains qui prétendent établir un rapport entre la valeur in- trinsèque des œuvres d'art et le taux de la rémunération obtenue par leurs auteurs. Elle proteste aussi contre la vanité des artistes qui sont tentés de se croire supérieurs à leurs devanciers, parce qu'ils sont mieux payés. Ne parlons pas> des maîtres du moyeu âge, simples et modestes, aimant l'art pour lui-même, et ne sup- posant pas qu'on pût en faire un moyen de fortune. On nous dirait ( 150 ) qu'à cette époque les mœurs étaient trop différentes de ce qu'elles sont de nos jours, pour qu'on puisse prendre, en quoi que ce soit, modèle sur ce qui s'y faisait. Le monde était naïf alors; il n'avait pas idée de grandehose. Que de progrès la marche de la civilisation n'a-t-elle pas fait faire en tout! Laissons donc le moyen âge et voyons ce qui se passe plus lard, au seizième siècle, en Italie où l'on ne contestera pas que la civilisation fût assez avancée. En Italie choisissons Venise, la riche et magnifique cité où tout respirait le luxe et le plaisir. Là pas plus qu'ailleurs les artistes ne se confondent avec les spéculateurs. Ils laissent les marchands faire du commerce, se contentant de faire de l'archi- tecture, de la peinture, de la mosaïque, de la sculpture, etc. La splendeur de la ville est leur ouvrage : créateurs du vrai, du grand luxe, ils n'ont que faire du bien-être bourgeois dont la possession est l'idéal des artistes de notre époque. Ce n'est point par de grosses sommes d'argent que Ton tente leur ambition; c'est par des témoignages de la reconnaissance nationale. Les pro- curateurs de Saint-Marc, ayant résolu de faire exécuter des pein- tures dans la bibliothèque du Palais, ouvrirent un concours en annonçant que l'auteur du meilleur projet recevrait une distinction honorifique. De nos jours ces sortes de concours ne réussiraient guère; les artistes en renom s'abstiendraient d'y prendre part, ne voulant pas s'exposer à un insuccès compromettant pour leur amour-propre, et. d'un autre côté, n'ayant pas toujours une très- grande foi dans la compétence des juges qu'on leur donnerait. En Italie, les premiers maîtres ne dédaignaient pas de descendre dans la lice, estimant qu'il n'y a jamais grand honneur à déserter le combat. Ils savaient, d'ailleurs, qu'ils seraient jugés par des gens qui s'y connaissaient, car c'était à des artistes et non, comme chez nous, à des fonctionnaires qu'était remis le soin d'apprécier les œuvres des concurrents. Titien et Sansovino avaient été char- gés par les procurateurs de Saint-Marc de décerner le prix du concours ouvert pour les peintures de la Bibliothèque. Quel ar- tiste ne se serait pas soumis au jugement de tels hommes? Paul Véronèse fut un de ceux qui prirent part à la lutte ; il fut proclamé vainqueur et reçut une chaîne d'or comme prix de sa victoire. ( «5* ) Une telle distinction, décernée au nom des magistrats, par les mains de Titien et de Sansovino, lui fut plus précieuse que ne l'eût été une récompense pécuniaire. Le sujet de l'une des com- positions de Paul Véronèse était l'Honneur, représenté sous la forme d'un personnage allégorique , recevant les hommages des historiens, des poètes et des artistes. Peut-être aurait-on, de notre temps, trouvé plus opportun de faire rendre ces hommages à la Fortune. Dans une autre circonstance, qui mérite d être rap- portée, l'auteur des Noces de Cana prouva son désintéressement. Les pères dominicains de Saints-Jean et Paul désiraient de Paul Véronèse une grande composition pour orner leur réfectoire. Ils n'étaient pas riches; mais cela ne les empêcha pas de faire une démarche auprès du maître auquel ils offrirent, non ce qu'ils auraient voulu, mais ce qu'ils pouvaient, c'est-à-dire une petite somme provenant d'aumônes et de pénitences imposées aux fidèles dans la confession, avec addition de quelques tonneaux de vin. Paul Véronèse accepta, pour avoir une occasion de plus d'exécuter une œuvre considérable et pour répondre noblement à une de- mande dictée par l'amour de l'art. Il peignit dans le réfectoire des pères dominicains le Repas chez Lèvi qu'on voit aujourd'hui au musée de l'Académie de Venise. Un écrivain français, M. Ch. Blanc, a dit du Corrége : « Il ne demandait rien à ses contemporains que des toiles pour y faire naître ses madones, ses saints, ses martyrs, ses gracieux enfants, ses Vénus et ses Léda ; des murs pour les couvrir de fresques, etc. » C'est la vérité. Bien peu d'artistes, aujourd'hui, se contenteraient de si peu. Le Corrége reçut pour les peintures de l'église Saint- Jean, de Parme, environ 5000 francs et il employa cinq années à leur exécution. Le moindre intérieur de boudoir, par un des maîtres du genre, est payé, par nos amateurs, le double de celte somme. La merveilleuse coupole de la cathédrale de Parme rap- porta au Corrége 4:200 scudi. Rembrandt est mort pauvre, insolvable. Qu'est-ce que cela fait pour l'art? S'il n'a pas joui des avantages- de la fortune, du bien- être, son génie n'en a été ni troublé, ni diminué. Pour ce qui lui a manqué du côté de la jouissance des biens de ce monde, il ( 182 ) a la célébrité, l'admiration universelle. N'est-ce pas une com- pensation? Si l'on tient compte de l'ambition des hommes de sur- vivre au temps, de ne pas tout emporter avec eux dans la tombe, de laisser une trace de leur passage sur la terre, on devra recon- naître que Rembrandt, dans sa pauvreté, fut plus heureux que nombre de riches hollandais , lesquels le regardaient du haut de leurs tonnes d'or et sont, à l'heure présente, aussi oubliés que s'ils n'avaient jamais existé, tandis qu'il est, lui, plus vivant que jamais, tandis qu'il regarde leur néant du haut de son immor- talité. Des critiques français ont reproché à Rubens d'avoir trop songé à sa fortune. Le maître, il est vrai, n'avait pas la simplicité, le désintéressement des artistes du moyen âge. Il s'était fait une somptueuse existence que ne connurent pas les Van Eyck, les Memling , les Vander Weyden, les Metsys; mais c'est l'abondance de son génie et sa prodigieuse facilité qui étaient les sources de ses revenus, assurément considérables pour le temps. S il avait taxé à cent florins le produit de son travail de chaque jour, en revanche sa promptitude d'exécution était telle, que les prix payés pour ses chefs-d'œuvre seraient repoussés comme dérisoires par les plus mauvais peintres de ce temps-ci. Quand on songe que la Com- munion de saint François, l'un des ornements du musée d'An- vers, a été payée 900 florins, on ne sait ce que l'on doit le plus admirer, ou de la modération des exigences de Rubens, ou de la puissance du génie auquel il suffisait de neuf journées pour pro- duire une pareille œuvre. C'est parce qu'ils n ont pas tenu compte des mœurs d'autrefois, c'est parce qu'ils ont jugé des choses du seizième siècle au point de vue des idées du dix-neuvième, que certains écrivains ont accusé nos pères d'avoir fait à Albert Durer un accueil inhospi- talier. Le maître de Nuremberg avait entrepris le voyage aux Pays -Ras dont il a laissé une relation circonstanciée, en vue d'y exercer fructueusement son talent de peintre et d'y placer des exemplaires de ses nombreuses et admirables gravures. C'était une excursion de spéculateur qu'il venait faire dans les provinces flamandes. Sous ce rapport, comme sous celui du talent, il avait ( 133 ) devancé son siècle. Dans toutes celles de nos villes qu'il visita, il fut cordialement reçu par les artistes et par les personnes de la bourgeoisie avec lesquelles il fut en relation. Les sociétés d'artistes d'Anvers, deGand, de Bruges, deMalines, de Bruxelles donnèrent des fêtes et des banquets en son honneur. A chaque page de son journal il constate les prévenances dont il fut l'objet. Cependant sa spéculation n'avait pas réussi; il n'avait point placé autant d'exemplaires de ses estampes qu'il l'avait espéré. En quittant la Belgique, il consigna, dans quelques lignes remplies d'amertume, les réflexions que lui suggérait son désappointement. Ce passage a été commenté par des critiques français de l'époque actuelle, qui, avec plus d'emportement que de justice, se sont répandus en in- vectives contre les Belges du seizième siècle, pour avoir méconnu ce qu'ils devaient au maître qui fut la personnification complète, l'incarnation de l'art germanique. Les artistes flamands ont rendu hommage au génie d'Albert Durer; ils l'ont traité en frère, et si le résultat financier de son voyage n'a pas été plus brillant, c'est que le côté commercial de l'art était complètement négligé par nos pères. En résumé, il y a trois mobiles pour l'artiste : la foi dans sa mission , l'amour de la gloire et l'appât des richesses. De ces trois mobiles, le premier est le plus noble, le dernier est le plus vul- gaire. C'est celui qui, malheureusement, domine aujourd'hui. 11 est naturel que le but étant moins élevé, le niveau du style des œuvres s'abaisse : la conséquence est inévitable. L'habileté des artistes est hors de doute; les qualités d'exécution se rencontrent très-communément; on a regagné, sous ce rapport, une grande partie du terrain qu'on avait perdu pendant plus d'un siècle et demi. De l'adresse, on en a beaucoup; on en a trop peut-être. Ce qui manque, c'est l'élévation delà pensée; c'est le caractère, dans les productions des beaux-arts comme chez les hommes de la génération actuelle. La décadence est un effet des causes géné- rales et particulières qui viennent d'être énumérées. Ces causes peuvent -elles venir à cesser d'exercer Teur action dissolvante? Nous croyons que non-seulement elles peuvent, mais qu'elles doi- vent disparaître. Le mouvement social a toujours lieu sous l'in- Tome XXII. il ( 154 ) fluence d'une idée dominante; la civilisation marche toujours vers un but, soit qu'elle avance, soit qu'elle rétrograde. L'idée domi- nante de notre époque, le but vers lequel tendent actuellement tous les efforts, c'est l'amélioration de la condition matérielle, c'est l'accroissement de la somme des jouissances physiques. Lors- qu'un mode d'organisation est parvenu à son entier développe- ment, il est remplacé par un autre. La société ne peut pas vivre éternellement sur la même idée. A chacune de ses phases histori- ques correspond un principe dont l'épuisement annonce l'avéne- ment d'une phase nouvelle. Peut-être nous faisons-nous illusion; mais il nous semble que le principe de la jouissance matérielle, du développement du luxe, de l'étouffement de tous les senti- ments sous les excès de la richesse, est bien près d'être épuisé. En allant au delà du point où elle est parvenue dans la voie de l'épicurisme, la société tomberait en décomposition. Généralement, en vertu de la loi des contrastes, qui préside aux destinées de l'homme comme elle préside à l'organisation et aux transformations de toutes choses, un principe épuisé n'est pas remplacé par un principe analogue, mais par un principe contraire. La grandeur morale reprendra le dessus; elle rede- viendra la cause du mouvement, le mobile et le but des actions humaines. Si cette réforme n'est pas aussi prochaine que nous nous plaisons à l'espérer, elle viendra certainement; elle arrivera à son heure; la société se reconstituera sur la base des sentiments moraux et de l'exercice des facultés intellectuelles. Ce ne sera pas la dernière étape de sa marche providentielle, car la supposition d'un perfectionnement suprême, dans lequel le monde s'immo- biliserait, est une hypothèse en contradiction avec la loi du mou- vement sans trêve qui régit le monde et l'humanité; mais ce sera une évolution heureuse d'où naîtra une ère de grande prospérité pour les beaux-arts. Heureux seront ceux qui jouiront des bien- faits de cet état social. U& ) TABLE DES MATIERES. i. Origine de l'art. — Ses premiers monuments. — L'homme artiste avant tout. — Les beaux-arts n'ont pas de berceau. — L'art et la civilisation. — Le but do l'art. — Sa puissance comme moyen de répandre les idées morales. — 11 ap prend à connaître et à aimer la nature. — Il est la source de l'histoire . . . II. L'opinion des peuples et celle des économistes sur l'art. — Hymne éternel en l'honneur du Créateur. — L'art multiplie les sensations de l'homme. — Moyen de communication universel. — Langue hiératique , historique et démotique. — Les monuments de l'art sont les témoignages du passage des hommes sur la terre. — Souvenirs attachés aux monuments. — Art et nationalité. . . . III. Les arts sont-ils une chose sérieuse ou frivole , un objet de luxe ou d'utilité ? — La gloire des artistes et celle des conquérants. — Phidias est plus grand qu'Alexandre. — Les princes amis des arts. — Personnages illustrés par le goût des beaux-arts. — La gloire des petits États. — Le luxe de l'éducation. — Les arts, orgueil des nations. — Trophées de victoires. — Les destructeurs de monuments. — L'art dans les ventes publiques 31 IV. Un peuple peut-il se passer d'arts? — Nécessité du jeu des fonctions intellec- tuelles. — Le nécessaire et le superflu. — L'art et l'industrie. — Les millions créés par Rubens. — Erreurs des économistes. — Le bien que fait l'art et le mal que fait l'industrie. — Les artisans d'autrefois et les machines d'aujour- d'hui 5! 450 ) V. Pages. L'art seul est inépuisable. — L'inutilité des choses intellectuelles. — Tout luxe dérive de l'art. — Les méprises des économistes. — Pas de grand art sans le patronage de l'État. — Révolution en Angleterre. — Les devoirs de l'État en- vers les artistes. — Du meilleur mode d'encouragement des beaux-arts. — Les influences parlementaires. — Traditions administratives. — Les commandes et les acquisitions d'œuvres d'art. — Quand l'artiste est-il libre? — Le despo- tisme des amateurs et des marchands. — Musées provinciaux. — Contrôle des actes de l'administration 79 VI. Nécessité de créer un art public. — Influence de cet art sur la condition morale des peuples. — L'imagerie populaire. — Les formes et les dessins des objets usuels. — Ancienne et nouvelle organisation sociale. — Ce qu'ont fait pour les arts les communes et les corporations. — L'art public : ce qu'il peut et ce qu'il doit être 1 03 VII. Influence des mœurs actuelles sur l'état des beaux-arts. — Le luxe. — Les agi- tations de la vie. — La curiosité banale. — La vie politique. — L'éducation des artistes. — Les ateliers. — L'artiste homme du monde. — Les marchands. . 123 VIII. L'esprit administratif. — La liberté dans l'art. — La compétence des artistes méconnue. — Condition morale des artistes chez les Grecs, au moyen âge et dans les temps modernes. — L'art pur et l'art marchandise. — Du rapport qu'il y a entre l'argent et le génie. — Autres temps , autres idées. — Avènement d'un principe nouveau pour l'humanité et pour l'art 141 FIN. TABLE MEMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XXII SCIENCES. I . Note sur la première méthode de Brisson pour l'intégration des équations linéaires aux différences finies ou infiniment petites; par P. Mansion. ^ 2. Études sur le frottement. (Première partie.) — Note relative au frotte- ment de glissement sur les surfaces héliçoïdes réglées; par J.-M. De Tilly. 3. Note sur les tremblements de terre en 1868, avec suppléments pour les années antérieures, de 1843 à 1807 (xxvie relevé annuel); par M. Alexis Perrey. 4. Notes sur les tremblements de terre en 1869, avec suppléments pour les années antérieures, de 1845 à 1868; par M. Alexis Perrey. ^ 5. Sur l'application de la transformation arguesienne à la génération des courbes et des surfaces géométriques; par Louis Saltel. LETTRES. y Het geslacht der Artevelden in de veertiende eeuw en de Nalalenschap van Philip Van Artevelde; door Frans De Potter. BEAUX-ARTS. U L'art dans la société et dans l'État; par M. Edouard Fétis. PUBLICATIONS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. Nouveaux Mémoires, tomes I-X1X (1820-1845); in-4°. — mémoires, tomes XX-XXXIX (1846-187-2); in-4°. — Prix: 8 fr. par vol. à partir du tome X. Mémoires couronnés, tomes 1-XV (1817-1842); in-4°. — Mémoires couronnés et Mémoires des savants étrangers, tomes XVI-XXXVl (1845-1871) ;in-4°. — Prix : 8 fr. par vol. à partir du tome XII. Mémoires couronnés , in-8°, tomes I-XXII. — Prix : 4 fr. par vol. Tables des Mémoires (1816-1857). In-18. Annuaire, lre à 58me année, 1855-1872; in-18. Fr. 1,50. Bulletins, lre série, tomes I-XXIII;— 2me série, tomes I-XXX1II ; jn_8°. _ Annexes aux Bulletins de 1854, in-8°. — Prix : 4 fr. par vol. Bibliographie arntléniiquc. 1854; 1 vol. in-18. Tables générales des Bulletins : tomes I-XXIll, W série (1852-1856). 1858, in-8». — 2™ série, tomes I-XX (1857-1366). 1867; in-8°. Catalogue de la bibliothèque de l'Académie. 1850; in-8°. Catalogue de la bibliothèque de M. le baron de Stassart. 1865 ; in-8°. Centième anniversaire de fondation (1772-1872), tome 1er. 1872; in-8. Commission pour la publication des monuments de la littérature flamande. OFuvrcs de Van Macrlaut : Der naturen bloeme, tome Ier, publié par M. Bormans, 1857; 1 vol. in-8°; — Rymbybel, avec Glossaire, publié par M. J. David, 1858-1860; 4 vol. in-80;— Alexander Geesten, publié par M. Snellaert, 1860-1862; 2 vol. in-8°. — Nederlandsche gedichten, etc., publiées par M. Snellaert, 1869 ; 1 vol. in-8°. — Parthonopeus van Bloys, publié par M. Bormans, 1871 ; 1 vol. in-8°. Commission pour la publication d'une collection des œuvres des grands écrivains du pays. OEuvres de Chastellaîn, publiées par M. Kervyn de Lettenhove , 1865-1865, 8 vol. in-8°. — I>e 1er livre des Chroniques de Froissart, publié par le même. 1865, 2 vol. in-8°. — Chroniques de .Jehan le Bel , publiées par M. Polain. 1865, 2 vol. in-8°. — Li Konmans de Cléomadès , publiée par M. Van Hasselt, 1866, 2 vol. in-8°. — Bits et contes de Jean et Baudouin de Condé, publiés par M. Auguste Scheler. 1866, 5 vol. in-8°. — u ars d'amour, etc., publié par M. J. Petit. 1866-1872, 2 vol. in-8°. — Chroniques de Froissart, publées par M. Kervyn de Lettenhove. 1867- 1872, 14 vol. in-8°. — Lettres de Commiucs, publiées par le même. 1867 ; 2 vol, in-8°. — Bits de Watriquet de Couvin , publiées par M. A. Scheler. 1868, 1 vol. in-8°. — Poésies de Froissart, publiées par le même. 1870- 1872; 5 vol. in-8. Commission royale d'histoire. Collection de Chroniques belges inédites , publiée par ordre du Gouvernement; 55 volumes in-4°. Compte rendu des séances, lre série, avec table (1857-1849), 17 vol. in-8°. — 2me série, avec table (1850-1859), 15 vol. in-8°. — 5me série, tomes I-XIII (1860-1872). ^ Annexes aux Bulletins, 15 volumes in-8°. Commission pour la publication d'une Biographie nationale. Biographie nationale, tome I, 11,111 (1rc partie) et IV (lre partie). Bruxelles, 1866-1872; 6 cah. gr. in-8».