ER Se : ER Pr PR re fe BUS CT ma mn 1 RU a 0 Al “ A À | ue À d a M fe NOUVEAUX MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. 7 + 2€ ce & NOUVEAUX MÉMOIRES L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. TOME Il. BRÜXELLES, P. J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE ET DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. "1822. RARARPRALAA AARRARA RP PAPA RAR ARR RAA TABLE RARARRAPARPRAPA MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. Réglement pour l'Académie... .... SOS TR OU 5... page 1. — S- Liste des Académiciens.”.........,.% 3.42." page I — 2. Journalidesiséances: at ele de eee eee: page i —Exxix. Rapport de l’état des travaux et de upérations de VAcadémie, par M P Décembre 1816. M. le Président a fait rapport à l'assemblée que la commission qui, à la séance du 18 novembre dernier, avait été chargée de porter aux pieds du trône l'expression de la reconnaissance de l’Académie sur son rétablis- sement, s'est acquittée de cette honorable mission, et que. M. avait ré- pondu qu’elle s'était fait un plaisir de rétablir un institut qui pouvait con- tribuer à faire fleurir les sciences et les lettres dans le royaume, et que dans toutes les occasions elle prendrait Ü Académie sous sa protection. Le Secrétaire a donné lecture du mémoire de M. Raepsaet sur la décou- verte de l’art de caquer le hareng. faite par Guillaume Beukels, de Biervliei en Flandre, lequel avait été remis sur le bureau à la séance précédente ; 2° d'une notice sur quelques illustres personnages qui, dans les 16° et 17° siècles, ont visité les fontaines de Spa, etc., pour servir de supplément à l’histoire de ce lieu célèbre, par M. le Baron de Villenfagne (x); 3° d'un dis- cours d'un Belge sur l'étude de l'histoire de la patrie, par M. le Baron de Stassart. M. le Président informe l'assemblée qu'il a recu de M. Noël, auteur d'une histoire générale des pêches anciennes et modernes, une lettre par la- quelle il dit qu'ayant appris par la voie des journaux que l’Académie de Bruxelles avait, dans une de ses séances, entendu la lecture d’un mémoire dans lequel l’auteur révendique en faveur des Hollandais l’art de saler le ha- reng, (il s’agit du mémoire de M. Raepsaet, présenté à la dernière séance , et lu dans celle-ci ), il prie l'Académie de vouloir lui en envoyer une copie, afin que, s'il s’est trompé, il puisse rectifier son erreur. Cette lettre est renvoyée à M. Raepsaet, auteur du mémoire. Séance du 16 décembre 1816. Mémoire sur l'équilibre des corps qui se balancent librement sur un fil flexible et sur celui des corps flottans, présenté par M. le Commandeur de Nieuport. oo, (x) La très-grande partie de cette notice a été insérée dans le deuxième volume des Re- cherches de l'auteur sur l’histoire de Liége , p. 364 et suiv. Le) x JOURNAL Notice sur le Feuillæa cordifolia, envoyée par M. Drapier, professeur d'histoire naturelle à Lille. Renvoyée à l'examen de MM. Burtin, Van Mons et Harbaur. Mémoire sur les homme célèbres de la Belgique qui ont visité l'Italie , et sur les monumens ou les souvenirs qu'ils y ont laisses, présenté par M. Les- broussart, au nom de M. Isidore Plaisant, étudiant en droit à Rome. Séance du 13 janvier 1817. M. Van Hulthem, qui a lu avec attention le mémoire de M. Plaisant, dont il vient d'être fait mention, a fait un rapport verbal sur cet ouvrage, L'auteur, dit M. Van Hulthem, commence par donner une idée des établissemens fondés en Italie par des Belges, tels que l’hospice de St.-Ju- lien des Flamands, à Rome ; Sta Maria dell anima; le collége de St.-Nor- bert, à Rome; le collége Jacobs, dit des Flamands, à Bologne; celui de Liège, à Rome; Sta Maria della pietà, à Rome, et l'église de S. Louis del Palazzo, à Naples. Il présente ensuite une notice des savans de la Belgique qui ont parcouru l'italie, qui y ont enseigné ou qui y ont publié des ouvrages. Les peintres, les sculpteurs, les graveurs et les architectes attirent successivement son attention; il fait mention des ouvrages et des monumens, dont ils ont dé- coré les temples et les palais d'Italie. Ce mémoire, en général, est très-intéressant, selon M. Van Hulthem ; il est le résultat de beaucoup de recherches et de connaissances ; il an- nonce un goût décidé pour lhistoire littéraire et celle des arts, et un sentiment de patriotisme qui honore son auteur. M. Van Hulthem observe cependant que tous les articles ne sont pas traités avec le même soin ; mais que malgré quelques légères imperfections, l'auteur mérite d'être encouragé. (1) Sur la proposition de M. le Commandeur de Nieuport, l'Académie à arrêté que les membres seront divisés en deux classes, celle des sciences, et celle de l’histoire nationale et de la littérature ancienne, et qu’il y aura un tiers de plus dans la classe des sciences que dans l'autre, de ma- (:) Depuis, M. Plaisant a redemandé son mémoire pour le revoir, le corriger et l’augmenter. DES SÉANCES, etc. x) nière que parmi les 48 acedémiciens ordinaires, il ÿ en aura 29 dans la première classe, et 19 dans la seconde. (1) M. le Président a remis sur le bureau le rapport de l'institut royal des Pays-Bas sur la dénomination à donner aux nouveaux poids et mesures , et a nommé une commission de quatre membres pour l’examiner. Séance du 30 janvier 1817. M. Thiry , au nom de la commission dont il vient d'être parlé, a donné lecture du rapport sur la nouvelle nomenclature francaise , des poids et me- sures proposée par l'institut. La Commission, après avoir démontré qu'il aurait beaucoup mieux valu adopter l’ancienne nomenclature usitée en France et en Belgique, propose différens changemens, et l'Académie adopte son rapport. M. De Geer informe l’Académie ques. E. le Ministre des affaires étran- gères a fait savoir à M. le Commissaire général de l'instruction publique , des arts et des sciences, que d’après les renseignemens donnés par le Mi- nistre des affaires étrangères de l'Autriche, les papiers appartenant à l’Aca- démie de Bruxelles, qui avaient été transportés à Vienne.en 1794, par les soins de M. l’abbé Mann, Secrétaire perpétuel, ne se touvent plus dans cette ville, et qu'ils ont fait probablement partie des archives remises par le gouvernement autrichien, soit à la république francaise en 1802, soit au gouvernement des Pays-Bas en 1815; que ces papiers sont con- tenus dans un grand nombre de caisses, déposeés à Bruxelles, et que M. le Commissaire-général donnerait ses ordres pour les faire déballer. Séance du 22 Février 1817. Cette séance ne présente point d'objet qui doive entrer dans ce journal. (x) Cette rédaction incohérente a été rectifiée à la Séance du premier avril 1822; où il a été réglé qu’il y aura 32 membres pour la première classe , et 16 pour la seconde. xij JOURNAL Séance du 8 Mars 1817. Le Secrétaire a rendu compte des mémoires qu’il a recus pour le con- cours de cette année, et M. le Président a nommé des commissaires pour les examiner. Les séances suivantes en donneront le résultat. Séance du 29 Mars 1817. M. Chévremont, ingénieur spécial et contrôleur aux houillères royales de Rolduc, a adressé à l’Académie un mémoire sur les alunières de La province de Liége. Renvoyé à l’examen d’une commission composée de MM. Van Mons, Sentelet et Thiry. La séance a été terminée par la lecture qu’a faite M. de Nieuport d'un mémoire de sa composition sur une propriété générale des ellipses et des hy- perboles semblables concentriques, ainsi que sur la propriete analogue dans Za parabole. Séance du 12 Avril 181n. M. Dekin, directeur du jardin botanique et du cabinet d'histoire na- turelle à Bruxelles, a fait hommage à l’Académie de sa Forula Bruxel. lensis, seu catalogus plantarum circa Bruxellas sponte nascentium. Bruxellis, 1814, et à cette occasion, il lui a fait part de la découverte de deux fos- siles accidentels , trouvés dans les environs de cette ville, savoir : d’une côte de baleine, qu'il a trouvée dans la sablonnière située hors de la porte de Halle à gauche de la chaussée qui conduit à Alsenberg, à 170 verges de cette porte, et 5o de la maison de la barrière, placée à l'embranche- ment des deux chaussées. Cette côte se trouvait renfermée dans un gros rognon de grès calcaire, si commun dans les sables de ces environs. Les ouvriers, en l'extrayant, l'ont par mal-adresse cassée en quatre pièces. Une partie de la côte s’y trouve encore, mais tout-à-fait pétrifiée ,et l'empreinte du reste est parfaite. L'autre pièce est une dent molaire d'éléphant, qu'il a également découverte il y a environ 18 mois dans l’une des carrières de pierres calcaires qui se trouvent dans la plaine entre les villages de Melsbroeck, Steenokerseel , Saventhem et Dieghem, à 2 lieues de Bruxelles. Ces deux fossiles sont déposés au cabinet d'histoire naturelle. DES SÉANCES, etc. xiij M. Van Hulthem a également fait part à l’Académie de la découverte récemment faite dans la province de Flandre d'un grand nombre d’an- ciennes monnaies d’or des 14° et 15€ siècles. Un paysan, en déracinant un arbre au mois de janvier dernier, dans un chanp à Oordeshem, village situé sur la grande route de Gand, entre cette ville et Alost, trouva un pot rempli de pièces d'or. Mr. Van Hulthem est parvenu à en avoir sept qu'il a fait voir aux membres de l’Académie, savoir : 1° deux Guillaumes , grandes pièces d'or de Guillaume V, de la maison de Bavière, comte de Hainaut , de Hollande et Zélande, frap- pées en Hollande vers 1356. - On voit d’un côté le Comte assis sur son trône, tenant le glaive de la droite, et de la gauche l’écu écartelé des armes de Bavière et de Hollande avec l'inscription : GYILLELM : DVX : COM : HOLAND : E : ZEL : Le revers représente une croix fleurdelisée avec l'épigraphe : XPC : VINCIT : XPC : REGNAT : XPC : IMPERAT : 20, Un demi Noble d’Angleterre d'Édouard III de 1360 extrêmement rare, même en Angleterre (1). Cette pièce représente le roi armé, debout au milieu d’un vaisseau, tenant de la droite l'épée levée , et de la gauche le bouclier , sur lequel on voit les armes écartelées d'Angleterre et de France, avec l'inscription : Edward. Dei. g. Rex. Angl. D. Hyi. z. Agt. On voit au revers une croix formée de trois lignes, celle du milieu très-épaisse, et les deux autres en forme de perles, les bouts terminés par une fleur de lys accompagné d'un ornement de chaque côté ; entre les pieds de la croix sont quatre lions surmontés d’une couronne, et au centre de la croix se trouve un E, monogramme d'Edouard, l'inscription porte : Domine ne in furore tuo arguas me. On a trouvé, il y a quatre ans, dans un champ près d’Alost, un Noble entier du même roi, supérieurement bien conservé, qui se trouve (1) Voyez Snelling ’s a view of the gold coin of England. Lond. 1763. in-fol. p. 3. XIV JOURNAL également dans le même cabinet par les soins de M. Sucré, horloger à Alost. Edouard III, n'est pas sans intérêt pour nos provinces; il fut l’allié de la Flandre et l'ami de Jacques d’Artevelde, dont il tint le fils sur les fonts de baptême, il avait épousé Philippine, fille du Comte de Hainaut. Un de ses fils, Lionnelle, est né à Anvers, et un autre est né à Gand, nommé par là Jean de Gand. X| fit longtemps la guerre à la France avec les Flamands et fut nommé Vicaire de l'empire par l'Empereur. C’est dans cette qualité qu'il fit battre un grand nombre de pièces d'or et d'argent à Anvers (1). 30, Un Salut que Henri VI, roi d'Angleterre et de France fit frapper d'or fin, à Paris, en 1422. 4°. L’écu d’or à la couronne, ou couronne d'or de France ; ayant deux fleurs de lys couronnés à côté de l’écu, frappé à Paris en 1436, sous Charles VIT, après que Paris fut réduit à l'obéissance du Roi, et shorsque Jacques Cœur était maître de la monnaie. Un florin d’or de la ville d'Hambourg, frappé sous l'Empereur Sigis- mond entre 1411 et 1437. Un Saint-Pierre d’or, de Philippe-le-Bon, Duc de Bourgogne, de Bra- bant et de Limbourg. S. E. le Commissaire-cénéral de l'instruction publique, des arts et des sciences, a transmis à l'Académie, conformément à l'intention et à l’au- torisation de $S.M., un rapport de M. le Colonel Behr, sur la découverte de plusieurs fossiles accidentels trouvés dans les fouilles faites au Kaaberg, près Maestricht, afin de les soumettre à un examen approfondi ; et MM. Burtin, Van Mons et Van Hulthem sont nommés à cet effet. (1) » Etlors par devant tous cealx qui là estoient, furent léves les lettres de l'Empereur, » par lesquelles le Roi d'Angleterre estoit constitué et étably son vicaire et son lieutenant pour » luy, et luy donnoït povoir de faire loy et droit à chascun an nom de luy, et commandoit » par ces lettres que tous cenlx de son empire et tous autres à luy subjectz obeïssent à son » dit vicaire comme à luy mème , et feissent feaulté et hommage au vicaire de l'empire. . CPC (NCAA . etfit faire monnoye d'or et d'argent en la ville d'Anvers à moult » grand foison ». Froissart, Paris , 1513, in-fol. ,tom. 1 , feuillet 25, vers la fin, et vid. fol. verso, vers la fin du chapitre, DES SÉANCES, etc. xv L'Académie a recu, de la part du même Commissaire, trois mémoires; l'un sur le moyen d'éclairer par le gaz tiré de la houille; l'autre sur un moulin horizontal, et le troisième sur une pompe. Le premier a été renvoyé à l'examen de MM. Burtin, Van Mons et Harbaur; le second et le troisième à celui de MM. de Nieuport, Van Mons et Sentelet. M. Burtin a donné lecture d’un rapport sur la notice présentée à la séance du 16 décembre 1816 par M. Drapier sur la Feuillæa cordifolia Lin., plante de la Guadeloupe, de la Jamaïque et des îles adjacentes, dont l’a- mande a la vertu de détruire l’effet des poisons délétères. La commission pense qu'on ne peut assez encourager l’auteur de cette notice à poursuivre et à multiplier les expériences dont il parle, jusqu'à ce qu’on ait acquis l'entière certitude des effets qu'il lui attribue. Séance du 26 avril 1817. Le Secrétaire a annoncé que les papiers, protocoles et mémoires de l’Aca- démie, transportés à Vienne par M. l'abbé Mann, dont il a été fait men- tion aux séances du 18 novembre et 30 janvier dernier, se sont retrouvés parmi les archives rétrocédées par la France dans le mois d'octobre 1815, et ont été remis au dépôt de l’Académie. Rapport de la commission chargée d’examiner les mémoires envoyés au concours sur la question relative aux places des 17 provinces des Pays-Bas et du Pays de Liège, qui, depuis le 7° siècle jusqu'au 12° pouvaient être const- dérées comme villes. Rapport fait par M. Burtin, au nom d'une commission, sur deux mémoires adressés à l'Académie, concernant. /es moyens d'éclairer par le gaz tiré du charbon de terre transmis au gouvernement. Séance du 3 Mai 1817. Élection de M. Kickx, pharmacien à Bruxelles, auteur de la #/ora Bruxel- lensis , comme membre ordinaire régnicole, à l'unanimité des suffrages, par la voie du scrutin. Le reste de la séance a été consacré à entendre les rapports des commis- saires nommés dans la séance du 8 mars dernier, sur les mémoires envoyés au concours de cette année. XYj JOURNAL Séances générales des 7 et 8 Mai 1817. M. le Président, en ouvrant la séance a prononcé le discours suivant: Messieurs, » Appelés aujourd'hui par nos réglemens à célébrer , pour la première fois, l'anniversaire de notre restauration, de quels sentimens ne devons nous pas être animés pour le gouvernement paternel, qui nous donne une nouvelle existence, quand nous voyons couvertes d’un voile funèbre tant de grandes, tant d’utiles institutions renversées par le vandalisme révolu- tionnaire, qui jamais ne se releveront de l'arrêt de mort, prononcé sur elles par les impénétrables décrets du ciel : et nous aussi, nous avions été frappés de la proscription de la transmutation générale : à peine osions- nous porter dans un avenir éloigné, les regards de l'espérance sur cette enceinte auguste, d’où était sortie notre institution premiére. » Que nous reste-t-il à faire, MM., pour nous rendre dignes d’un si grand bienfait ? redoubler de zèle pour regagner, s’il est possible, toute notre ancienne activité dans notre noble destination de cultiver, de pro- pager dans notre patrie les sciences et les belles-letires, seul moyen de nous replacer au rang que nous avons occupé parmi les sociétés savantes de l'Europe. Nous comptions alors parmi nous des collaborateurs distin- gués devenus pour nous des objets de larmes, des associés étrangers qui figuraient dans les académies du premier rang. Pardon, MM. , si pour la seconde fois, je vous invite à jeter des fleurs sur leur tombe, hélas !ils ont disparus, et nous avons vieillis pendant le long sommeil littéraire, auquel nous avions été condamnés par la force des circonstances de cette grande catastrophe d’un quart de siècle, à laquelle nous avons enfin heu- reusement échappé avec l'Europe, sous la main tutélaire des premières Puissances, qui ont placé Ja Politique, trop souvent ténébreuse, au rang des choses saintes. » Cependant, cette époque désastreuse sous tant de rapport, ne laisse pas sans quelque consolation les amis des sciences et des belles-lettres; les sources anciennes nous restent ouvertes, elles ont été enrichies de plusieurs fragmens précieux tirés du sein des ruines; la botanique, la chimie, la physique, l'art de s’entredétruire par de nouvelles méthodes, DES SÉANCES, etc. xvij qui font des héros, tout en faisant couler tant de pleurs. Toutes ces par- ties de la science ont fait de grands progrès, ce sont des champs ou- verts à nos MOIssOns. » Pour célébrer dignement les merveilles de notre siècle, étudions sans relâche les grands modèles de l’antiquité; invoquons l'assistance de tout ce qu'il y a de savans en Europe. De grandes destinées se présentent à nous dans l’histoire de cette année académique ; le trône de la Belgique s’est allié au puissant empire de toutes les Russies, par les mêmes liens qui ont donné le jour à l’auguste rejetton de la dynastie royale de Nassau- Orange, voyons y avec confiance, MM., la source de plusieurs siècles de gloire et de prospérité pour notre patrie. » Après avoir entendu le rapport de MM. Lesbroussart, Dewez et Van Hulthem , chargés de l'examen des mémoires sur la question relative aux places qui pouvaient être considérées comme villes du 7e au 12° siècle, l’Aca- démie a adjugé le prix au mémoire latin , ayant pour devise : Quot post excidium Trojæ sunt eruta castra ! et l’accessit à un autre mémoire latin, portant pour épigraphe : Quot pagos olim , claras nunc cernimus urbes! Mais les billets contenant les noms qui ont dû accompagner ces mémoires nese sont pas retrouvés. Après avoir également entendu le rapport de MM. Van Mons, Sentelet et Thiry, sur les mémoires relatifs aux applications qu'on peut faire de La vapeur d'eau employée comme moyen d'échauffement , l'Académie a décerné la palme à M. de Hemptinne, pharmacien, à Bruxelles, et l’accessit à M. Charles Delaveleye, entrepreneur des moulins à eau, à Tournai. Sur la question relative & l'extirpation de l’orobanche, onze mémoires étaient parvenus à l'Académie; et après une longue discussion, dans la- quelle les membres de la commission étaient partagés d'opinions , l’Aca- démie, se référant à l'avis de la majorité , décida qu'il ne serait accordé ni prix ni accessit à aucun de ces mémoires ; que seulement on accorde- rait une médaille d'argent à titre d'encouragement au mémoire no 5, dont l’auteur a été reconnu être M. Schaumans, ancien cultivateur , de- 3 XVII] JOURNAL meurant à Gand; et M. Cornélissen fut invité à faire une analyse des onze mémoires, qui pût servir à instruire le public sur la nature de cette plante et sur le résultat des expériences faites jusqu'à ce jour pour en empêcher la reproduction. La séance fut continuée au lendemain 8 , et l’Académie procéda à l’exa- men des questions à proposer pour le concours prochain. Le Secrétaire fut chargé d'en rédiger le programme. Séance du 13 Mai 1617. Le Secrétaire a fait lecture du programme annoncé dans la séance pré- cédente. CLASSE D'HISTOIRE. Les questions proposées pour le concours prochain, sont : 10, L'état des lettres et des sciences aux Pays-Bas depuis la dissolution de l'Académie jusqu'a sa restauration ; question qui déja avait été proposée l’année précédente (voyez la séance du 20 novembre 1816 \ , et sur laquelle il n’était parvenu aucune réponse. 20, Quel était l’état de la servitude aux Pays-Bas depuis les tems les plus recules jusques vers la Jin du 13e siècle ? Comment cet état fut-il succes- sivement abrogé, et quels sont les restes qui en ont subsiste jusqu'à l'intro- duction des nouvelles lois françaises ? 30. Quel a été l'état de la population, des fabriques , des manufactures et du commerce dans les Pays-Bas pendant les 15° et 16e siècles. CLASSE DES SCIENCES. 19. La question relative aux briques ( voyez la séance du 20 novembre 1816 ) a été proposée de nouveau. SECONDE QUESTION. » Peut-on, d’après des expériences suffisantes ou des motifs déduits de la doctrine des proportions déterminées, établir avec certitude que le radical DES SÉANCES, etc. xix de l'acide muriatique est un corps composé, ou y a-t-il plus de probabilité que ce radical soit un corps simple ? dans le cas de non-décision, quelle est, des deux manières d'envisager sa nature, la plus propre à simplifier la théorie des faits chimiques. TroISIÈME QUESTION. » Le papier à imprimer de France et les cartons fabriqués en Angleterre ayant une supériorité reconnue sur ceux des autres pays, l’on demande en quoi consiste cette supériorité, de quelles causes, soit de localité, de matériaux ou de manipulation, elle depend, et comment on pourrait l’atteindre dans ce royaume ? L'académie propose dès a présent, pour le concours de 1819 , cette question : déterminer dans un lieu donné et pendant un espace de tems indique, la de- pense d'eau d'une rivière , dont on connait la largeur, la profondeur et la pente. Déterminer au même point et pendant le même espace de tems, les va- riations qui s’opèrent dans cette dépense, lorsque l’on restretnt progressive- ment la largeur de cette rivière par des constructions quelconques. Lecture d’un mémoire de M. Domalius de Halloi sur l'étendue géogra- phique du terrain des environs de Paris , composé en 1813. Une commission de six membres, composée de MM. Burtin, Les- broussart , Van Hulthem, Sentelet, Dewez et Van Mons, a eté nommée pour prendre connaissance des mémoires destinés à former le 6° volume , et en faire rapport à l’Académie. Séance du 31 Mai 1817. - M. le Président a donné connaissance à l'assemblée, que S. M., par ré- _solution du 21 de ce mois a agréé le choix que l’Académie a fait dans sa séance du 26 avril dernier, de M. Kickx, comme membre ordinaire. En conséquence M. Kickx a été introduit, et a pris place parmi les académiciens. Comme les billets contenant les noms des auteurs des mémoires sur la question historique proposée pour le concours de 1794, ne s'étaient pas retrouvés ( voyez la séance du 7 mai dernier); les auteurs avaient été in- vités par la voie des feuilles publiques à se faire connaître. D'après cet 3. XX JOURNAL avis, M. Stals, ancien religieux de l’abbaye de Tongerloo , et Bollandiste, actuellement curé à Tilbourg, a adressé au Secrétaire une lettre par laquelle il se fait connaître comme auteur du mémoire sur les villes , ayant pour devise : Quot pagos olim, claras nunce cernimus urbes, auquel l’Académie a décerné l'accessit dans sa séance du 7 mai dernier. L’Académie a vaqué depuis la fin de ce mois jusqu’à la fin d'août. Séance du 4 septembre 1817. L'Académie avait précédemment adressé à S, E. le Ministre de l’intérieur un rapport sur les moyens d'encourager dans le royaume l'exploitation du salpétre. Le Ministre, par sa lettre du 25 juillet dernier, a annoncé qu'il a rendu compte au Roi de ce rapport , et que S. M. l'a vu avec satisfaction, qu'elle désire que l’Académie se charge de rédiger un précis clair et dé- taillé pour expliquer la manière la plus aisée et la plus avantageuse d’ex- traire le salpêtre dans ce royaume, d'établir avec succès des salpétrières artificielles ; de bien purifier le nitre et de donner à nos poudres la per- fection dont elles sont susceptibles. L'Académie nomme à cet effet une commission de trois membres, qui sont MM. Burtin, Van Mons et Kickx, afin qu'ils se chargent de cette rédaction. M. le Président a présenté au nom de M. le baron de Cellier, commis- saire impérial et royal à la députation d'amortissement à Vienne, un mémoire sur les diverses méthodes découvertes pour garantir les édifices de l'incendie, particulièrement par le moyen du papier. Renvoyé à l'examen de MM. le Commandeur de Nieuport, le Prince de Gavre et Kickx. M. le Commandeur de Nieuport a présenté deux mémoires, l'un pour la classe des sciences, contenant l'esquisse d’une méthode inverse des for- mules intégrales définies ; le second ;, pour la classe des belles-lettres, 2e Platonis opera et Ficinianam énterpretationem animadversiones. Deux individus qui avaient envoyé des mémoires au dernier concours, sans avoir remporté de prix, ayant redemandé leurs manuscrits , l'Aca- démie a décidé qu’il leur serait répondu qu'elle a adopté pour règle de DES SÉANCES, etc. xxi ne rendre autun des mémoires qui lui sont adressés pour le concours , et qu'ils doivent rester dans ses archives. Séance du 5 septembre 1817. M.le Baron de Villenfagne a adressé avec le premier volume de ses recher- ches sur l’histoire de la principauté de Liége, l'idee d’un ouvrage très-rare et très-singulier, compose par le R. P. Valentin Marcé, récollet du 17° siècle, attaché au couvent de Bolland, de Liège et de Verviers, et quelques remar- ques sur le vrai lieu de la naissance du célèbre peintre P. P. Rubens. Ren- voyées à l'examen de MM. Van Hulthem, Dewez et Lesbroussart (1). Séance du 3 octobre 1817. Rapport de MM. le Commandeur de Nieuport, le Prince de Gavre et Kickx , nommés dans la séance du 4 septembre dernier, pour examiner le mémoire de M. le baron de Cellier sur la méthode de préserver les maisons d’incendie. Ges commissaires pensent qu'avant de prendre une résolution, il conviendrait d'inviter l'auteur à transmettre à l’Académie une feuille de carton de sa composition avec un simple exposé de sa fa- brication bien détaillé, et une spécification en poids connus dans ce pays de chacun des ingrédiens qui y entrent. Cette proposition a été adoptée, et il a été résolu d'écrire à ce sujet à l’auteur. Rapport de M. Van Mons sur les mémoires qui pourraient faire partie du 6° volume, Voyez la séance du 13 mai 1817. Séance du 11 ociobre 1817 L'Académie , considérant que plusieurs de ses membres doivent se ren- dre à La Haye et à Louvain, à raison de leurs fonctions, arrête que les séances ordinaires seront suspendues jusqu'au retour de la plupart de ces membres; que si cependant l'assemblée des états-généraux n'avait pas ter- (x) Ces pièces ont été inserées dans le 2e volume des Recherches de l'auteur sur l'histoire de Liege, savoir, la première, p. 556, et la seconde, p. 584. Xxi] JOURNAL miné ses opérations avant la fin de janvier, il y aurait une séance au com- mencement de février pour procéder à la nomination des commissaires qui devront être chargés de l'examen des mémoires envoyés au concours. Séance du 2 février 1818. Le Secrétaire a donné connaissance des mémoires qui lui sont parvenus pour le concours de cette année, et M. le Président a nommé les com- missaires chargés de les examiner. Les séances suivantes en présenteront le résultat. M. de Hemptinne, pharmacien à Bruxelles, qui a obtenu un des prix au dernier concoutïs , avait redemandé son mémoire pour y faire quelques corrections et additions avant qu'il soit mis sous presse. L'Académie, con- formément à la règle adoptée ( voyez la séance du 4 septembre dernier), a décidé qu’elle ne pouvait accéder à sa demande; mais qu'il lui était libre de transmettre au Secrétaire les corrections qu'il voudrait y faire. Séance du 16 7nars 1818. Le Sr J. B. Mons, habitant de Bruxelles, avait présenté un procédé de sa composition pour rendre imperméable à l’eau toute espèce d’éroffes, draps , papiers, etc. Dans cette séance, MM. de Nieuport et Kickx, chargés de l'examen de ce procédé, ont fait un rapport trés-satisfaisant sur son effi- cacité , et ont présenté à l'appui de leur rapport plusieurs échantillons de toutes sortes de matières soumises à l'épreuve avec le plus grand succès. L'Académie a en conséquence résolu de transmettre ce rapport à S. E.’ le Commissaire-général de l'instruction publique, des arts et des sciences. Lecture d’une lettre de M. J. D. Meyer, avocat à Amsterdam, membre de l'Institut royal des Pays-Bas, et président de la seconde classe, membre des académies de Gættingue et du Gard à Nismes, par laquelle il témoigne le désir d'être nommé à une des places vacantes à l'Académie. Cette lettre était accompagnée de quatre ouvrages de sa composition. Cette demande fut appuyée par plusieurs membres. On fit cependant une observation : on demanda si ces ouvrages sont de la nature de ceux qui font l'objet des re- DES SÉANCES, etc. Xxii] cherches et des travaux de l’Académie. Le Secrétaire répondit que quoi- qu'ils eussent pour but principal les matières législatives, politiques et morales, l’auteur y a cependant traité avec beaucoup de soin et d’exactitude, des points d'histoire qui tiennent essentiellement à celle du pays, et qu'il s'occupe dans ce moment d'une histoire de la législation et des tribunaux anciens et modernes des Pays-Bas. M. le président, d’après cette discussion, a nommé une commission composée de MM. Lesbroussart, Dewez et Van Hulthem pour faire l'examen de ces ouvrages sous le rapport historique. Séance du 6 Avril 1818. Conformément à l’art. 15 du réglement les membres ordinaires sont in- vités à produire tous les ans un mémoire, dissertation ou autre ouvrage; et comme l’Académie doit rendre compte à S. E. le Commissaire-général de l'instruction publique, des sciences et desarts, des travaux de l'année , elle charge le Secrétaire d'écrire à tous les membres pour les prier de vouloir dire quels sont les ouvrages dont ils s'occupent pour être adressés à l'Aca- démie. Il a été arrêté dans cette séance d'écrire à S. E. M. Falck, nommé Ministre de l’instruction publique, de l’industrie nationale et des colonies, pour le prier de permettre que l'Académie le place au nombre de ses membres honoraires, Séance du 20 Avril 1818. M. le Prince de Gavre a présenté, au nom de M. Garnier, professeur de la faculté des sciences à l’université de Gand, plusieurs ouvrages de ce sa- vant, et a fait connaitre le désir qu'il aurait d’être nommé membre de l'Académie. MM. Lesbroussart, Dewez et Van Hulthem, nommés dans la séance du 16 mars dernier pour examiner les ouvrages présentés par M. Meyer d'Ams- terdam , ont fait leur rapport dans celle-ci, et il en résultait que les points historiques traités dans ces ouvrages, et surtout dans celui qui établit Za nécessité d'une haute-cour provisoire pour le royaume des Pays-Bas , don- nent une preuve suffisante des hautes connaissances de l’auteur dans l’his- toire nationale; et ils pensent qu'il mérite d'être appelé à l'Académie. En con- séquence il a été considéré comme présenté. Xxiv JOURNAL Le Secrétaire a donné lecture d'une lettre de M. Repelaer Van Driel, ci-devant Commissaire-général de l'instruction publique, des arts et des sciences, par laquelle il annonce qu'il vient de cesser ses fonctions, étant nommé Ministre d'état et qu'il remercie FAcadémie des secours qu’elle a bien voulu lui donner sur les demandes qu'il lui a adressées. Le Secrétaire a été chargé de répondre à M. Repelaer pour le remercier de tout l'intérêt qu'il a constamment porté à l'Académie, et le prier de permettre qu'elle le place au nombre de ses membres honoraires. M. Kickx a ensuite donné lecture d'un précis sur l’extraction et la puri- Jication du salpètre, sur l'établissement de salpétrières artificielles et les moyens de perfectionner nos poudres, rédigé conformément aux ordres deS M., transmis à l’Académie par la lettre de S.E. le Ministre de l’intérieur du 23 juillet 18:17, ( Voyez la séance du 4 septembre 1817). Ce précis a été adopté, et le Secrétaire chargé d'en transmettre une copie au Ministre. Séance du 4 Mai 1818. MM. Burtin, Van Hulthem, Dewez, Thiry et Harbaur, pour répon- dre à la circulaire qui leur a été adressée en exécution de la résolution prise à la séance du 6 avril dernier, ont donné connaissance à l'assemblée des différens ouvrages dont ils s'occupent. Séance générale du 7 mai 1818. Le Secrétaire, après avoir fait un rapport verbal des travaux de l’Aca- démie depuis le 18 novembre 1816, jour de la réinstallation , jusquà ce jour , a mis sur le tapis les mémoires parvenus à l'Académie sur les ques- tions proposées pour le concours de cette année. Après quoi, on a entendu les rapports de MM. Van Hulthem et Dewez sur les mémoires concernant la servitude. Ges memoires sont au nombre de deux. M. Lesbroussart n'a fait qu'un rapport verbal, et l'Académie; aprés une mûre discussion, ayant pris en considération que si le mémoire ayant pour devise : vidé servos in equis, et principes ambulantes super terram quasi servos, fruit de grandes recherches et d'une vaste érudition, laissait beaucoup à désirer du côté de la forme et de la rédaction, cependant le DES SÉANCES, etc. XxXV fond l'emportait sur la forme, a unanimement résolu que le prix lui serait décerné, et l’auteur a été reconnu être M. Adrien-Alexandre-Marie Ho- verlant de Beauwelaere, propriétaire et ex-législateur, demeurant à Tour- nai. Mais l'Académie a en même-temps arrêté que si elle se décide à faire imprimer ce mémoire , toutes les vaines déclamations qui le déparent , en seraient retranchées ; que si l’auteur ne voulait pas y consentir, ou qu'il fit imprimer lui-même son mémoire , tel qu'il a été envoyé au concours avec toutes ses réflexions, l’Académie se verrait dans ce cas obligée de faire insérer dans les journaux qu’en accordant le prix à ce mémoire, elle n'a entendu en aucune manière approuver toutes ces déclamations, et qu’elle fera imprimer un extrait des rapports des commissaires ; qu’elle engagera l’auteur à retoucher son mémoire, pour mettre plus d'ordre et de méthode dans les matériaux ; plus de correction dans le langage et sur- tout à faire disparaître les longueurs dont il est surchargé. Quant au second mémoire ayant pour devise : Dé meliora ! l'Académie à jugé qu'il ne remplissait aucunement l’objet de la question. Aucun mémoire n’est parvenu sur les deux autres questions d'histoire. Après avoir entendu le rapport de MM. Burtin, Sentelet et Kickx, sur les quatre mémoires parvenus à l'Académie, relatifs aux riques, première question des sciences, l'Académie a résolu qu'aucun de ces mémoires ne méritait le prix, et que la question serait retirée du concours. L'Académie a ensuite procédé par la voie du scrutin secret à la nomina- üon de MM. Meyer et Garnier ( Voyez les séances du 16 mars et du 20 avril derniers), l’un et l'autre ont été élus membres ordinaires. Elle a également choisi à l'unanimité comme membres honoraires LL.KE. MM. Falck, Ministre de l'instruction publique, de l’industrie nationale et des colonies, et Repelaer Van Driel, ancien Commissaire de l'instruction publique, des arts et des sciences, et actuellement Ministre d’état. M. le Commandeur de Nieuport a été continué dans ses fonctions de Directeur. 4 XXVI JOURNAL Séance du 8 Mai (continuation de la précédente). Un seul mémoire sur la seconde question des sciences relatif au radical de l'acide muriatique, était parvenu à l’Académie, et elle a jugé que le prix ne pouvait lui être décerné, et que les trois questions de cette classe , sa- voir, celle-ci et celles qui concernent les briques et Les papiers et cartons, ne seraient plus proposées. Les questions suivantes ont été proposées pour le concours de 1819, savoir : CLASSE D'HISTOIRE. La question relative à l’état des sciences et des lettres aux Pays-Bas, etc. ayant déjà été proposée deux fois (Voyez les séances du 20 novembre 1816 et du 13 mai 1817), a été abandonnée. 10 Quel a été l'état de la population, des fabriques et manufactures et du commerce pendant les 15€ et 16e siècles ? « Question proposée pour la seconde fois. 20 Quel était état des institutions et établissemens dans les provinces mé- ridionales des Pays-Bas avant l'invasion des armées francaises dans ce pays, et quels sont les changemens que la révolution francaise et la réunion de ces provinces à la France pendant près de vingt ans, ont opérés dans l'adminis- tration politique, civile et judiciaire , la législation, les institutions reli- gieuses, les établissemens ecclésiastiques , littéraires et ceux d'instruction pu- blie, l'état des citoyens , le commerce, les fabriques et manufactures, les richesses publiques et particulières, l'instruction, le langage, la culture des lettres, des arts et des sciences , les mœurs et le costume des peuples de ces provinces ? 30 Quel était l’état des écoles et autres établissemens d'instruction publique dans les Pays-Bas, depuis Charlemagne jusqu'à la fin du seizième siècle ? Quelles étaient les matières qu'on y enseignait, quels étaient les livres élèmen- taires dont on s'y servait P et quels sont les professeurs qui sy sont le plus distingués aux différentes époques ? DES SÉANCES, etc. xxVi) 4° Les Belges sont peut-être le peuple de l'Europe qui a éprouvé le plus de changement dans ses destinées politiques : ils ont été successivement soumis aux Romains, aux Francs; ils ont été morcelés et partagés en pro- vinces régies par des ducs, des comtes, etc. ; ils ont été de rechef réunis sous la maison de Bourgogne ; ils sont passés sous la domination de la mai- son d'Autriche, tant de la branche allemande qu'espagnole; ils ont été in- corporés au colosse de l'empire francais. Dans ces différentes formes de gouvernement, ils ont toujours été expo- sés à des bouleversemens politiques; réunis, ils ont souvent lutté contre leurs princes; séparés, ils ont combattu les uns contre les autres. Au milieu de tant de révolutions, quel caractère ont-ils déployé ? Ces luttes générales ont-elles dans les différentes provinces, apporté quelque altération ou quelque modification au caractère national? Ou, en d'autres termes, les Belges ont-ils dans ces différentes époques, déployé ur caractère dominant, inde- pendant des catastrophes politiques ? Ont-ils conservé dans les différentes pro- vinces un caractère commun indépendamment des intérêts domestiques ? La réponse à cette question sera comme le corollaire de toute la dis- sertation. POUR LE CONCOURS DE 1820. 10 Donner une notice historique et critique des auteurs qui ont le mieux ecrit sur l’histoire belgique depuis le commencement du quinzième, jusqu’à la fin du dix-septième siècle. On demande que les auteurs indiquent les sources où ces écrivains ont puise, et qu'ils fixent le degré d'autorité qu'on doit à chacun d'eux. 20 Les Pays-Bas ont produit un nombre considérable de poètes latins distingués, Janus Gruterus, sous le nom supposé de Ranutius Gerus, nous a donné un recueil curieux d’un choix de la plupart des ouvrages poéti- ques des Belges qui avaient vécu jusqu'à son temps sous le titre de Deliciæ poetarum Belgicorum. Francof., 1614, 4 vol. in-12. Valère André et Fop- pens, dans leur Bibliotheca Belgica ; Sweertius dans son Athenæ Belsiceæ ; Paquotdans ses mémoireslittéraires; Saxius dansson Onomasticon litterarium ; / 4. XXviij JOURNAL Baillet dans les Jugemens des savans ; M. Coupédans ses Sorrees littéraires ; les auteurs de la Biographie universelle, et béaucoup d'autres savans nous en font connaître une grande partie. À l'invitation d’une société savante de la Hollande, M. Jérôme de Vries, nous a donné, il y a dix ans, une histoire intéressante des poètes flamands et hollandais (1); mais il nous manque encore une notice complète et exacte de nos poètes latins. L'Académie désirant éclaircir successivement toutes les branches de l’histoire littéraire des Pays-Bas, si riche et malheu- reusement si peu connue, propose : a notice historique et littéraire par ordre chronologique, des potes latins des Pays-Bas, avec l'examen critique de leurs ouvrages poétiques. CLASSE DES SCIENCES. 19 Déterminer dans un lieu donné et pendant un espace de temps indiqué, la dépense d'eau d’une rivière, dont on connaît la largeur, la profondeur et la pente. Déterminer au même point et pendant le même espace de temps, les variations qui s'opèrent dans cette dépense, lorsqué l'on restreint progressive- ment la largeur de cette rivière par des constructions quelconques. Question deja proposée le 8 maï 1517. 20 Si a chacun des angles d’un plan immatériel parfaitement quarré, au centre de figure duquel est suspendu un poids quelconque P, par exemple 100 *, on attache une corde qui passe verticalement sur une poulie, et qu'on charge chacune de ces cordes d’un poids tel; 1° que la somme de quatre soit égale à 100 ; et 20 que les deux poids fixes à chacun des deux angles diagonale- ment opposées, soient égaux entreux ; par exemple deux d'entr'eux étant cha- cun de 49 “; et, Les deux autres, chacun d’une livre, et ainsi à l'infini, on sait par les règles ordinaires de la Statique que ce plan restera horizontale- ment en equilibre. D'un autre côté, si ces quatre cordes au lieu de porter ainsi un poids, en passant sur une poulie, sont fixées à un plancher immobile, on voit évidemment , mais uniquement par le principe métaphysique : que partout (x) Jeronimo De Vries. Proeve eener geschiedenis der Nederduitsche Dichtkunde. Amsterdam, 1810. 2. D.in gr. 8. DES SÉANCES, etc. XXIX . oki y a égalité parfaite de causes éfficientes, des effets sont aussi nécessai- rement égaux ; on voit , dis-je, que les portions du poids P que portera cha- cun de ces quatre points d’attache , seront aussi parfaitement égales entr’elles. Il s’agit donc d’assigner un principe vraiment physique ; c’est-ù-dire, fondé sur les seules propriétés de la matière, d’où résulte clairement , parmi ce nom- bre infini, mentionné ci-dessus, de rapports entre les quatre poids, tous èga- lement propres à établir l'équilibre dans la première hyposhèse, la préférence gu'obtient le rapport d’égalité dans la seconde ; c'est-u-dire , lorsque la distri- bution des efforts a soutenir dépend activement et uniquement du poids P, fixe au centre de figure du plan quarré. Dans le 18€ tome des mémoires de l'Aca- démie de Pétersbourg, Euler a traité ce sujet dans toute sa généralité , avec un art et une profondeur admirables ( de pressione ponderis in pla- num cui incumbit); mais au jugement de d’Alembert (Opusc. Mathem., tom. 8, pag. 40, $ 13) cette solution est encore incertaine et hypothé- tique. Et en effet, le principe sur lequel elle est fondée, semble plutôt être une hypothèse mathématique qu'un principe physique. On demande donc : 1° Qu'on discute ce principe à fond, et qu'on démontre d'une manière positive, qu’il est en effet, ou qu'il n'est point admissible, comme principe physique. 2° Dans le cas de la démonstration négative, qu’on examine, si en présentant ce principe sous un autre point de vue, on ne pourrait pas le consolider, et conserver par là la belle théorie qui en découle. 3° Enfin si ces deux essais n’offrent rien de satisfaisant , on demande qu'on assigne, pour le cas particulier énoncé ci-dessus, un principe qui soit à l'abri de toute objection. 30 Décrire les differentes espèces de minéraux qui appartiennent au sol du royaume dans leurs proprietés distinctives, avec indication des localités et des gissemens de chaque espèce, et donner la syÿnonymie des auteurs qui en ont déja traite. 4° S'il y a identité entre les forces qui produisent les phénomènes electriques et celles qui produisent les phénomènes galvaniques , d'ob vient qu’on ne trouve pas une concordance parfaite entre les premiers et les derniers ? LS LE OrE77 . 0 50 Plusieurs auteurs modernes croient à l'identité des forces chimiques et des forces galvaniques ; peut-on prouver la vérité ou la fausseté de cette opinion ? . JOURNAL La séance a été terminée par la lecture faite par M. Lesbroussart de la suite de la description du monument d'Igel, d’après l'original latin du P. Alexandre Wiltheim. Ë Séance du 12 Mai 1818. Lecture du programme pour le concours de 1810, unanimemeut adopté. Séance du 25 Mai 3818. Mémoire ou examen de la question st, par les progrès de l'esprit humain on peut demontrer le peu d’anciennete de l'espèce humaine, par M. Burtin. Séance du 29 Mai 1818. Le Secrétaire à donné lecture d'une lettre qui lui a été adressée par M. Falck, nommé membre honoraire de l'Académie à la séance du 7 de ce mois. Elle est ainsi coneue : Moxsreur, « Vous avez eù la bonté de me faire part de mon élection à la place de membre honoraire de l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres; veuillez aussi vous rendre l'interprète de ma vive reconnaissance auprès de Messieurs les académiciens dont les suffrages m'ont valu cette flatteuse distinction. Je les prie de croire que j'y attache un très- grand prix, et que j'y trouve un nouveau motif d'aimer et de cultiver avec un soin par- ticulier les rapports que je serai d’ailleurs dans le cas d’avoir avec une société aussi respectable. » « Le nouveau programme offre des questions fort intéressantes. Le Roi, qui en a pris connaissance, a été satisfait de voir que la plupart d'entre- elles sont relatives à l’histoire de la patrie, Il nous reste à désirer que beaucoup de savans s’appiiquent à les examiner et à les résoudre, et que les DES SÉANCES, etc. XXXI concours deviennent d'autant plus brillants que leur objet est plus noble et plus utile. » Vacances jusqu’à la fin du mois d'Août. Séance du 7 Septembre 1818. Il a été donné lecture, 19, D'une lettre de S.E. le Ministre de l'instruction publique, par laquelle il annonce que S. M., par sa résolution du 22 mai dernier, a approuvé la nomination des membres tant honoraires qu'ordinaires que l'Académie a faites dans la séance du 7 mai. 20. D'une lettre de S. E. le Ministre de l’intérieur, par laquelle il informe l'Académie, que le mémoire de M. Kickx sur les salpétrières artificielles , lu et approuvé à la séance du 20 avril dernier, remplit parfaitement son but, et qu'iltémoigne ses remercimens à M. Kikx pour ce travail, 30. D'une autre lettre de S. E. le Ministre de l'instruction publique, par laquelle il donne avis à l'Académie que S. M., par arrêté du 3r juillet dernier, a renvoyé à l'examen de la compagnie une nouvelle invention de M. Sarton, mécanicien à Liége, consistant en un moulin-à-vent d’une nou- velle construction. Une commission, composée de MM. le Commandeur de Nieuport, Kickx, le Duc d'Ursel et Garnier, est chargée de l'examen du modèle de ce moulin. On a également fait lecture d’une lettre de M. Repelaer van Driel, ancien Commissaire-général de l'instruction publique, nommé membre honoraire, par laquelle il témoigne qu'il est très-flatté du choix que l'Académie a fait de sa personne, et qu'il accepte ce titre avec beaucoup de reconnaissance. / Sur la demande de M. Hoverlant de Tournai, si l'Académie est d’inten- tion d'imprimer son mémoire sur la Servitude, qu'elle a couronné, il a été résolu de lui répondre que l’Académie ne s’y refusait pas, pourvu qu'il en fit pravenir un exemplaire qui fût mieux rédigé, quant au style et à la méthode; qu’elle pense cependant qu'il vaudrait mieux qu’il fit publier XXX] JOURNAL lui-même ce mémoire, à cause de sa longueur et du grand nombre de pièces justificatives qui l’accompagnent, et qui doivent être vérifiées sur les originaux ; que, dans ce cas, elle espère que, conformément à ce quelle a exigé de lui (voyez la séance du 7 mai dernier), il voudra bien re- trancher toutes les déclamations inutiles qui ne servent ni au développe- ment des faits ni à l'exactitude des preuves. M. Kickx a donné lecture d'une notice sur la découverte du gypse sélénite ou sulfate de chaux cristallise , et d'une argile plastique inconnue Jusqu'ici dans le voisinage de cette ville. Renvoyée au rapport de MM. Harbaur, Van Mons et Sentelet. Séance du 21 Septembre 1818. M. Garnier, nommé membre ordinaire à la séance du 7 mai dernier, a été introduit à l'assemblée et a pris séance, M. de Nieuport a donné lecture d’un mémoire sur un cas de la théorie des probabilités au jeu. Le secrétaire a donné communication d’une lettre de M. Raepsaet, par laquelle il annonce que si son âge ne lui permet plus guère de s’absenter, ce motif ne rallentira pas ses travaux, et que dans ce moment on imprime son Histoire de l’origine des Etats-Généraux et provinciaux , de leur organi- sation et de leurs attributions, et que cette histoire sera suivie d'une Ana- lyse ou précis de l’histoire politique et civile de la Belgique. Séance du 12 Octobre 1358. M. le Président a nommé une députation de cinq membres, savoir : MM. le Baron de Feltz, le Commandeur de Nieuport, van Hulthem, le Baron van Tuyll van Serooskerken van Zuylen et le Duc d'Ursel, pour pré- senter à S. M., à LL. AA. RR. le prince d'Orange et le prince Frédéric des Pays-Bas, et à S. E. le Ministre de l'instruction publique, un exemplaire, relié en maroquin, des mémoires qui ont remporté les prix et accessii en 1817. DES SÉANCES, etc. xxx ii} Le sieur Sarton, mécanicien à Liége, s'étant rendu, sur l'invitation de l'Académie, à cette séance, avec le modèle du moulin horizontal de son invention (voyez la séance du 7 septembre dernier), MM. les commissaires ont examiné ce modèle et adressé quelques observations à l’auteur, qui y a répondu. M. Lesbroussart, qui a revu les mémoires historiques qu'il avait lus aux séances de l'Académie en 1790 et 1793, et que déjà il avait été résolu d’in- sérer dans le 6° volume, a proposé d'y ajouter un autre mémoire concer- nant un passage de Lambert d'Afschaffenberg sur Guillaume-le-Frison, et un autre, qui avait obtenu l’accessit en 1785 sur la question : À quel titre le comte Herman, époux de la comtesse Richilde, fut-il comte de Haïnaut? était-ce de son chef, ou du chef de la comtesse, son épouse? Renvoyés à l'examen d’une commission composée de MM. le Prince de Gavre, Dewez et van Hulthem. Séance du 9 Novembre 18168. S: E. le Ministre de l'instruction publique avait fait parvenir au Secrétaire de l’Académie par dépêche du 30 octobre dernier, des observations de S. E. le Ministre de la marine et du sieur Pierre Vreede, domicilié à Anvers, sur la découverte du sieur S.B. Mons, habitant de Bruxelles, présentant un procédé pour rendre toute espèce d'étoffe imperméable à l’eau (voyez la séance du 16 mars dernier). Le gouvernement avait fait l'acquisition du secret du sieur Mons. Le Ministre de la marine avait ordonné d’en faire à Amsterdam l'essai, qui ne paraissait pas avoir procuré un résultat très- favorable, Le sieur Vreede de son côté, avait trouvé des inconvéniens insurmonta- bles dans l'application de cette méthode. Ces pièces furent communiquées à l'ancienne commission, qui, après avoir réitéré ses expériences, a fait, dans la séance de ce jour, par l'or- gane de M. Kickx, un nouveau rapport sur cette découverte, en indiquant les causes qui ont empêché le succès des essais faits à Amsterdam, et a persisté dans l'opinion qu’elle a émise dans son rapport Due fait le 16 mars. 5 XXXIV JOURNAL Organe de la commission nommée pour examiner le modèle du moulin horizontal du sieur Sarton (voyez les séances des 7 septembre et 12 octobre derniers), M. le Commandeur de Nieuport a fait le rapport concernant cet objet, et il a été résolu que ce rapport, ainsi que le précédent, seront transmis à S. E. le ministre de l'instruction publique. M..de Nieuport à présenté pour être recu comme membre des sciences M. S. M. C. van Utenhove, mathématicien et astronome, membre de l'In- stitut royal. des Pays-Bas, et de la seconde chambre des états-généraux, demeurant à Jutphaas, province d'Utrecht, qui a présenté à l’Académie un mémoire sur la Division de la Circonférence du Cercle en partie égales, qui paraîtra dans le 4° vol. de la première classe de l'Institut, et une édition des lettres cosmologiques sur l’organisation de l'univers, écrites en 1761 par S. H. Lambert. M. le baron de Geer fait un rapport sur un mémoire de M. le Comman- deur de Nieuport, présenté à la l’Académie et contenant des observations sur le texte de Platon et la version de Marcile, Ficin. « La première impres- » sion, dit-il, que la lecture du mémoire à faite sur-moi, est celle qu’elle » ne saurait manquer de faire sur tout lecteur qui à l'avantage de con- » naître l’auteur; c'est un sentiment d'étonnement et d’admiration pour » celui qui a su acquérir une connaissance de la langue grecque aussi » profonde dans un âge où chez les hommes ordinaires l'esprit est peu dis- » posé à commencer de nouvelles études. En effet les éclaircissemens » obtenus de plusieurs passages du Philosophe grec et les corrections » proposées. pour rétablir le texte dans sa pureté primitive, prouvent » que l’auteur a lu avec la plus grande attention et la plus grande exacti- » tude les volumineux ouvrages de Platon et qu'il en a étudié le style » et la diction avec le plus grand soin. » A l'appui de cette opinion, M. de Geer indique plusieurs passages dont ia correction lui paraît extrêmement heureuse, il pense néanmoins que la correction de plusieurs autres passages à déjà été proposée par Muretus, Reitz, Runkenius, Heindors et par les auteurs de la gazette universelle littéraire publiée à Vienne en allemand pour 1816. Il pense que l'auteur ferait bien de comparer avec ses conjectures et ses notes, celles faites par d'autres savans sur les mêmes passages, ou d'indiquer dans son introduc- DES SÉANCES, etc. XXXV tion l’époque à laquelle il a composé son mémoire, et de faire connaitre les commentateurs et éditeurs des ouvrages de Platon qu'il a consultés, pour qu'on ne soit pas surpris d'y trouver des corrections proposées par d’autres en Allemagne et ailleurs. Le rapporteur désirerait aussi que les passages à corriger fussent imprimés en entier à la tête de chaque obser- yation. , M. Lesbroussart a transmis à l'assemblée onze de ses mémoires présentés à l’Académie avant l'an 1794, et qu'il a relus et corrigés. Séance du 30 Novembre 1818. Il a été procédé à l'admission de M. van Utenhove, présenté à la séance précédente, et il a été élu par la voie du scrutin à l'unanimité. M. Kikx a ensuite donné lecture d’une suite qu'il a faite à son rapport sur les étoffes imperméables à l’eau, suivant le procédé du sieur Mons, appuyé de nouvelles épreuves, et il a été résolu qu'il en serait adressé une copie à S. E. le Ministre de l'instruction publique, de l'industrie nationale et des colonies. M. le Prince de Gavre a lu un rapport sur un mémoire de M. Lesbrous- sart, qui avait obtenu un accessit en 1785, sur la question : S& Herman fut comte de Hainaut de son chef ou de celui de son épouse (voyez la séance du 12 oct. dernier), et il a été d’avis que ce mémoire ne pouvait qu'être très- utile à la science historique. La séance a été terminée par la lecture qu'a faite M, Dewez, d’un article sur les Tongri, ancien peuple de la Belgique, faisant partie d'un ouvrage qu'il se propose de publier (r). (x) Cet article a été inséré dans son Dictionnaire géographique du royaume des Pays-Bas ; Bruxelles, chez Stapleaux, 1819. &r xXXV) JOURNAL Séance du 28 Décembre 1818. La séance, après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, a été ouverte par la lecture d'une lettre de S. E. le Ministre de l'instruction publique, par laquelle il annonce que S. M., par son arrêté du 15 de ce mois, a agréé la nomination de M. Van Utenhove, comme membreordinaire. Après quoi, M. Garnier a présenté pour membre ordinaire régnicole M. Cassel, professeur d'histoire naturelle et recteur magnifique de l’univer- sité de Gand, et a remis un ouvrage écrit en Allemand sur les familles des plantes. M. Van Hulthem a ensuite donné lecture d’un rapport sur le mémoire de feu M. Lesbroussart concernant /e comte de Hainaut Herman, dont il a été fait mention dans les séances du 12 octobre et 30 novembre derniers. Après avoir comparé ce mémoire avec celui de M. Smet, qui a été cou- ronné et imprimé , il est d'avis qu’il est inutile d'insérer dans le recueil de l'Académie celui de M. Lesbroussart, quoique savant et bien écrit. M. Dewez, membre de la même commission, est d'un avis contraie ; et après avoir rapporté les principaux points du mémoire, il trouve que, quel que soit le mérite de celui de M. Smet, celui-ci cependant présente une discussion si profonde, si claire et siméthodique, qu'après celui même de M Smet, il ne peut que contribuer à éclaircir ce point historique, qui offre tant de difficultés, et conséquemment figurer avec honneur dans le recueil de l'académie, M. le Prince de Gavre, ayant manifesté le même vœu à la dernière séance, l'Académie s’est réunie à la majorité de la commission, et a arrêté que le mémoire de M. Lesbroussart serait imprimé. M. de Nieuport, nommé à la séance du 12 avril 1817, membre de la commission chargée d'examiner les mémoires adressés à l'académie par S. E. le Commissaire général de l'instruction publique, sur un moulin hori- zontal et une pompe à incendie, (ces mémoires avaient été présentés par le sieur Desprets, mécanicien à Bruxelles), a fait un rapport sur ces deux objets. I résultait de ce rapport que le moulin du sieur Desprets est sujet DES SÉANCES, etc. XXX Vi) aux mêmes difficultés que celui du sieur Sarton, et que la pompe était moins pesante, el pouvait être transportée plus facilement aux étages su- périeurs des maisons; que d’ailleurs elle exigeait moins de frais que les pompes ordinaires, et il a été résolu d'envoyer copie de ce rapport au Ministre de l'instruction publique. Rapport de M. Garnier sur le mémoire présenté à l'Académie par M. le Commandeur de Nieuport, sur une propriété générale des ellipses et des hyper- boles, sur celle de l'angle plan et du cône. Le rapporteur est tout-à-fait d'avis que ce mémoire soit inséré dans le recueil de l'Académie. M. Van Lennep, d'Amsterdam, présent, à cette séance, a donné, a pro- pos de la question relative aux poëtes latins, proposée pour le concours de 1520, dans le programme pour celui de 1810, la lecture d’une pièce de vers latins adressés à l'Académie Ad socios Academiæ regiæ Bruxellensis. M. le Président a remercié l’auteur des sentimens exprimés dans ces vers, et l'Académie a arrêté qu'ils seraient imprimés à ses frais, et distribués à tous ses membres. Séance du 18 Janvier 1819. M. Van Utenhove, nommé membre ordinaire à la séance du 30 novembre dernier (nomination approuvée par arrêté royal du 15 décembre suivant), s’est présenté à la séance et y a pris sa place. Le Secrétaire a donné connaissance d'une réponse que M. Raepsaet lui a fait parvenir aux observations de M. Noël de la Morinière, inspecteur, des pêches maritimes pres le Ministre de l'intérieur de France, sur la note de M. Racpsaet, relative à l'invention de caquer le hareng, attribuée à Guillaume Beukels, pilote de Biervliet en Flandre, lue à la séance du 18 novembre 1816, et dont M. Noël avait demandé une copie. (Voyez la séance du 2 décembre suivant). Rapport de MM. Harbaur, Van Mons et Sentelet, nommés à la séance du 7 septembre 1818, pour éxaminer le mémoire de M. Kickx, sur la décou- verte du gypse sélenite ou sulfate de chaux cristalisé et d’une argile plas- fique, etc. , inconnue dans le voisinage de Bruxelles, Les rapporteurs pensent xxxvi} JOURNAL que cette notice mérite d’être insérée dans le premier volume des nouveaux mémoires, et que M. Kickx doit être invité à suivre les travaux que le pro- priétaire du terrain où cette découverte a été faite, se propose d’y faire, et à communiquer de nouveau le résultat de ses observations. Sur la proposition de M. de Nieuport, il a été arrêté que l’on commen- cera de suite à imprimer le premier volume des nouveaux mémoires. M. Cassel, professeur d'histoire naturelle à l’université de Gand, pré- senté par M. Garnier à la séance du 28 décembre dernier, a été élu membre oidinaire par la voie du scrutin à l'unanimité des suffrages. Séance du 1 février 1810. Le Secrétaire a rendu compte des mémoires qui lui ont été adressés pour le concours de ceite année, et M. le Président a nommé les commissaires chargés de les examiner. Le Secrétaire a été chargé de faire graver un jeton de présence avec le portrait du Roi et l'inscription ordinaire, pour la somme de mille francs. Ce jeton en argent sera de la valeur de deux florins y compris les frais du monn ayage. Séance du 22 février 1819. Quand on a entrepris la gravure de la médaille de l’Académie, on avait élevé la question s'il fallait écrire le nom du Roi Guilelmus ou Guilielmus, ce nom se trouvant écrit sur les médailles frappées depuis 250 ans, de dif. férentes manières, savoir, Guilelmus, Guillelmus, Wilhelnus, Wilielmus , Guilielmus, ete. L'Académie a observé que dans celles de Guillaume I, fondateur de la république des Provinces-Unies, ce rom se trouve cons- tammentécrit Guilelmus ; que les premières médailles de Guillaume IIT, stad- houder de Hollande et Roi d'Angleterre, portent toutes également Guilel- mus ; mais que dans les dernières années de son règne, on a écrit Guilielmus. L'Académie a cru que de toutes ces manières la plus exacte était Guilel- mus, etelle a en conséquence décidé que le nom du Roi serait ainsi gravé tant sur les médailles que sur les jetons. DES SÉANCES, etc. xxxix Séance du 22 mars 1819. L'Académie ayant considéré qu'il était très-urgent de frapper les mé- dailles qui doivent être distribuées à ceux à qui elles ont été décernées, et que cependant il n'y avait pas de crédit ouvert pour cet objet, avait, du consentement de MM. les Président et Directeur, résolu d’en faire les avances de la caisse de l'Académie. Le Secrétaire a en conséquence payé au sieur Brichaut, essayeur du bureau de garantie de Bruxelles, la somme nécessaire pour la confection de quatre médailles en or et de trois en argent, et l'Académie a approuvé cette gestion. M. Van Hulthem a donné lecture d’un passage remarquable sur la Hol- lande, la Frise et la Flandre, tiré d’un poëme italien peu connu, qui a paru dans la première partie du 14° siècle, et dont il n'existe que deux éditions , une de Vicence, 1474, in-fol., et une de Venise, 1501, in-4. L'auteur de ce poème est Fazio de gli Uberti, compatriote et contempo- rain du Dante, qui, exilé de sa patrie, employa une partie de sa vie à voya- ger en Europe, et en fit une description ën terza rima. Cet académicien a également donné connaissance d’une lettre autogra- phe très-intéressante de Charles-Philippe de Croy, marquis d'Havrée, à Joachim Hopperus, Conseiller d'état et Garde-sceau à Madrid, datée de Bruxelles, du 4 septembre 1576, jour auquel les états de Brabant s'étaient emparés du gouvernement et avaient fait arrêter les membres du conseil d'état. Gette lettre est accompagnée du lamentable rapport d’Hopperus et de la réponse de Philippe I. Ensuite M. le Commandeur de Nieuport a lu une pièce de vers latins en réponse à ceux dont M. Van Lennep avait fait lecture dans la séance du 28 décembre dernier. Séance du 19 avril 1819. M. Harbaur a fait un rapport sur un mémoire concernant la vue de la Taupe, par feu M. Du Rondeau, et pense qu'il pourra être imprimé dans le recueil de l'Académie. Adopté. x£ JOURNAL M. Van Hulthem, qui avait vu dans le supplément MSS. à la Bibliothéque belgique de Foppens, qu'il existait une vie inédite , écrite en latin, de l'il- lustre Rubens, par son intime ami Gaspar Gevartius, greffier de la ville d'Anvers , est enfin parvenu, après beaucoup de recherches, à en obtenir une copie, qu'il se propose de faire imprimer, et d'y ajouter quelques lettres autographes de ce grand peintre. Pour en donner une idée à l’Académie, M. Van Hulthem a donnélecture d'une lettre de Rubens à Gevartius, datée de Madrid, le 29 décembre 1628, qui prouve combien il était versé dans la langue latine , et qui donne la preuve de ses talens littéraires. Séance du 3 Maï 1819. Le Secrétaire a présenté un jeton, gravé par le sieur Braemt, qui a réuni les suffrages de l'assemblée. En conséquence, elle a résolu d'en faire frap- per un nombre suffisant pour être distribués aux membres. M. Hoverlant ayant annoncé dans le journal de la Belgique qu'il s'occupe de l'impression de son mémoire sur la Servitude, couronné en 1818, le Se- crétaire a été chargé de lui renouveler les observations qui ont déjà été faites sur cet ouvrage. (Voyez les séances des 7 mai et 7 septembre 1818). Séance générale du 6 Mai 1819. Aucun mémoire n’a été envoyé au concours sur les quatre questions d'histoire. Un seul mémoire est parvenu à l’Académie sur la première question des sciences ; et après avoir entendu les rapports des commissaires, dont il ré- sulte que ce mémoire ne mérite aucune attention, il a été résolu de réser- ver le prix et de retirer la question. Sur la seconde question il n'était également parvenu qu'un mémoire; et après avoir également entendu le rapport des commissaires, l'Académie a résolu d'accorder une médaille d'argent, à titre d'encouragement, à son auteur, M. le Colonel Huguenin, directeur de la fonderie des canons à Liége, DES SÉANCES, etc. xri L'Académie n’a recu qu'un mémoire sur la troisième question ; et vou- lant encourager les efforts de l’auteur, elle a résolu de lui accorder, comme au précédent, une médaille d'argent. L'auteur est M. J. F. D. Behr, com- mis d'état. Il n'a été envoyé aucun mémoire sur les quatrième et cinquième questions, Les questions suivantes ont été proposées pour le concours de 1820. CLASSE D'HISTOIRE. Les quatre questions proposées pour 1819, sont présentées de nouveau (la troisième a subi dans la rédaction un changement qui peut la rendre plus simple et plus claire), avec les deux questions proposées l’année der- nière pour 1820, (Voyez la séance du 8 mai 1818.) L’Académie a proposé dès-à-présent pour le concours de 1821, la ques- tion suivante : Quelles sont les nouvelles connaissances que Juste-Lipse a répandues dans ses nombreux ouvrages, et quelle a été l'influence de ces ouvrages sur la litté- rature, les sciences archéologiques, historiques et critiques, et sur les écrivains de son siècle ? CLASSE DES SCIENCES. Les deux premières questions qui avaient été proposées précédemment, ont été abandonnées, et les suivantes ont été proposées, 1° On suppose une plaque de figure donnée, appliquée sur une surface , soit au moyen de vis, dont on connaît le nombre, la position et la force, soit au moyen d'une matiere intermédiaire propre à les unir solidement l'une à l'autre, et dont on connaït également la ténacüté spécifique : si on vient à adapter à un point du pourtour de cette plaque un bras qui agisse dans le plan même de la surface, on demande de quelle résistance cette plaque sera capable contre une force appliquée à ce bras comime lévier, en considérant le matériel, tant de la plaque que du bras et de la surface, dans toute l'abstrac- tion mathématique ; c'est-a-dire comme parfaitement rigide ou non élastique, comme infrangible, ou ne pouvant se rompre, etc. 6 xLij JOURNAL 20 Un corps étant suspendu à l'extrémité d’une corde dont l’autre extre- mité est fixée au plancher supérieur d’une chambre , si on fait décrire à ce corps un arc de cercle quelconque autour de l'extrémité fixe , et qu'on luë im- prime en outre un mouvement de projection, on demande la nature de la courbe à double courbure que décrira ce corps dans l'hypothèse de la résistance de l'air en raison du carré de la vitesse. 30 Décrire les différentes espèces de minéraux qui appartiennent au sol du royaume dans leurs propriétés distinctives, avec indication des localités et des gissemens de chaque espèce, et donner la synonymie des auteurs qui en ont déjà traite. Cette description sera précédée d'un apercu sur la constitution géo- logique des Pays-Bas. 4° S'il y a identité entre les forces qui produisent les phénomènes électri- ques et celles qui produisent les phénomènes galvaniques , d'où vient qu’on ne trouve pas une concordance parfaite entre les premiers et les derniers ? 5o Plusieurs auteurs modernes croient à l'identité des forces chimiques et des forces galvaniques ; peut-on prouver la vérité ou la fausseté de cette opinion ? 6° Quelle est la véritable composition chimique des sulfures, tant oxides qu'hydrogénés faits d'apres les divers procédés, et quels sont leurs usages dans des arts ? La réponse devra être appuyée autant que possible, sur des faits nou- veaux et sur des expériences faciles à répéter. 7° Quel était autrefois dans ce pays l’état des vignobles ? Quelles sont les causes qui ont fait abandonner cette culture? Ces causes sont-elles phy- siques et de nature à éloigner tout moyen de la rétablir avec succès ? La séance a été remise au lendemain. Séance du 7 Mai 1819. On a procédé par la voie du scrutin à la nomination d'un nouveau Direc- teur, et M. le Commandeur de Nieuport est réélu à l'unanimité. DES SÉANCES, etc. xuiij M. Raepsaet a donné lecture d'un premier mémoire sur la législation des Gaules, depuis la période gauloise-sgermanique jusqu'au 15e siècle. MM. Van Hulthem, Dewez et Cornelissen sont chargés de l’examiner. Par l’article 11 du réglement, les vacances de . Académie avaient été fixées depuis le 1° juin jusqu’à la fin d'août. Mais :omme celles des trois universités nouvellement établies, sont fixées plus tard, immédiatement aprés celles de l’Académie , il en résultait un grand inconvénient; c’est que les pro- fesseurs, qui sont membres de l’Académie, ne pouvaient assister à ses séances pendant près de six mois. Pour obvier à cet inconvénient, l’Aca- démie a demandé, et S. E. le Ministre de l'instruction publique a consenti, que provisoirement les vacances de l’Académie commenceront dorénavant le rer août et finiront le 15 octobre. Séance du 13 Mai 1810. Lecture du programme pour le concours de 1820, unanimement adopté, Séance du 7 Juin 1819. Le Secréraire a rendu compte d’une conférence qn'il a eue avec M. Mi- chaux, graveur du Roi, qui lui a proposé de faire pour l’Académie un sceau en cuivre jaune, conforme au petit sceau du royaume. L'Académie a pensé que son sceau ne devait pas être le même que celui du royaume, et a en- gagé le Secrétaire à lui présenter un autre projet à la séance prochaine. Séance du 5 Juillet 1810. Conformément à l'invitation qui lui en a été faite à la séance précé- dente, le Secrétaire a présenté un projet pour le sceau de l’Académie, qui présenterait les armes du royaume, entourées de deux branches de lau- rier avec l'inscription dans la banderolle : je maintiendrai, et dans la lé- gende : Sigillum regiæ scientiarum et literarum Academiæ Bruxellensis. Ce projet a été adopté, et le Secrétaire chargé de faire graver d’après ce projet le sceau de l’Académie en acier par le sieur Braemt, XLIV JOURNAL Séance du 2 Août 1819. M. d'Omalius, qui avait été chargé avec MM. Kickx et le duc d'Ursel, d'examiner un mémoire de M. de Chevremont, ingénieur spécial, sur les alunières de la province de Liège, a fait un rapport verbal sur ce mémoire, et en a porté le même jugement que M. Kickx. En conséquence, l'Acadé- mie s'est bornée à charger le Secrétaire d'écrire simplement à M. de Che- vremont pour le remercier d'avoir bien voulu communiquer ce mémoire à la compagnie. Séance du 11 Octobre 1810. Rapport de MM. Cornelissen, Dewez et Van Hulthem, nommés, à la séance du 7 mai dernier, commissaires pour examiner le mémoire de M. Raepsaët, sur la législation des Gaules, ete, lu à la même séance. Ils ont été unanimement d’avis que ce mémoire mérite d’être inséré dans le recueil à imprimer. Arrêté, M. de Nieuport a remis deux mémoires sur le bureau, l'un sur la pres- sion qu'un même corps exerce sur plusieurs appuis à la fois ; autre ayant pour titre: Réflexions sur les notions fondamentales en mathématiques, et les a repris pour les envoyer à M. Garnier, comme rapporteur. Séance du 8 Novembre 1819. Le Secrétaire a annoncé que le jour même de la dernière séance , au soir, il a recu de M. Hœufft, de Breda, membre de l’Institut royal des Pays-Bas, une lettre du 9 octobre, par laquelle il demandait à l'Académie la permission de lui dédier un ouvrage qu'on imprimait dans ce moment sous le titre de Parnassus Latino-Belgicus, sive plerique e poetis Belgii La- ‘inis epigrammate atque adnotatione illustrati a Jacobo-Henrico Hæufft; et qu'en ayant donné connaissance à M. le Commandeur de Nieuport, Direc- teur, celui-ci avait pensé qu'on pouvait accepter cette dédicace, sans qu'il fût nécessaire d’assembler l'Académie pour cet objet; qu’en conséquence le Secrétaire avait écrit le 13 de ce mois à M. Hœufft que l’Académie accep- terait avec reconnaissance cette dédicace. DES SÉANCES, etc. XLV Rapport de M. Garnier sur le mémoire de M. de Nieuport, ayant pour titre : Réflexions sur les notions fondamentales et mathématiques. Il pense que ce mémoire mérite à tous égards de figurer dans la collection acadé- mique. Adopté. Le Secrétaire a observé qu'il lui paraît qu'on apporte un trop grand em- pressement à la publication du premier volume des nouveaux mémoires ; que plusieurs membres travaillaient à des mémoires qu'il croyait conve- nable d'insérer dans ce volume; que quant à lui, il en avait quatre dont les matériaux étaient rassemblés, mais qu'il lui fallait encore quelque temps pour faire des recherches ultérieures, et s'occuper de la rédaction; que si l’Académie voulait lui accorder huit mois, il promettait de les achever et de les lui présenter; que le discours préliminaire et les notices biogra- phiques demandaient aussi un grand travail, pour lequel il avait rassemblé les principaux matériaux ; mais qu'il devait encore recueillir des notions qui lui manquaient; qu'enfin pour achever cette besogne, il demandait six mois. Sans approuver les motifs allégués par le Secrétaire, l'Académie luiaccorde ces six mois, c'est-à-dire jusqu'à la fin d'avril prochain; et l’on observe quant aux mémoires dont il s'occupe, qu'ils pourront être insérés dans le volume suivant ; qu'enfin il n’y a pas de raison suffisante pour rétarder la publication du premier volume des nouveaux mémoires. D'après cette réso- lution, le Secrétaire promit d'achever le travail des préliminaires pour le mois d'avril prochain. Séance du 6 Décembre 1819. M. le Commandeur de Nieuport a présenté au nom de M. Quetelet, pro- fesseur de mathématiques à l’athénée de Bruxelles, un mémoire sur quel- ques nouvelles propriétés de la focale et sur quelques autres courbes. Ce mémoire faisait suite à un autre sur la même courbe focale. En terminant ses premières recherches, l’auteur s'était proposé d'examiner, en particulier, les six courbes que Newton à rangées dans la même classe, sous le nom d'hyperboles défectueuses qui n’ont qu'un diamètre : il reconnu: bientôt que ces courbes jouissent de propriétés communes, Il est parvenu XLY] JOURNAL à décrire plusieurs d'entr’elles, en prenant le cercle pour bases , comme il l'a fait dans la génération de la Focale : il a découvert quelques propriétés de cette dernière courbe, qu’il a d’ailleurs rapprochée d’autres courbes con- nues, et enfin il a terminé son travail par la quadrature de la focale consi- dérée sur le cylindre. L'Académie avait chargé M. Quetelet de réfondre ses deux mémoires en un seul; mais l’auteur ayant appris que M. Dandelin s'occupait d'un écrit sur le même sujet à cru devoir renoncer à son travail, d'autant plus que celui de son ami ne laissait rien à désirer sur ce point. Renvoyé à l'examen de MM. de Nieuport, Garnier et Thiry. Séance du 3 janvier 1820. Le Secrétaire a donné lecture du rapport de M. Garnier sur le mémoire de M. Quetelet, présenté à la dernière séance. M. de Nieuport a également lu un rapport sur le même mémoire, qui a été transmis à M. Thiry. Ensuite M. de Nieuport présente M. Quetelet pour membre de l’Acadé- mie, et rend le témoignage le plus favorable du savoir et des bonnes qua- lités du candidat. Après quoi, ie Secrétaire a présenté, au nom de M. Hœufft, l'ouvrage intitulé : Parnassus Latino - Belgicus etc., dont il a fait mention à la séance du 8 novembre dernier, que l’auteur a fait imprimer et a dédié à l'Acadé- mie , qui a chargé le Secrétaire d’écrire à M. Hœufft pour le remercier de cette attention, et le prier de recevoir comme une marque de se reconnais- sance la grande médaille d'argent et le jeton de présence. Séance du 1°7 Février 1820. Le Secrétaire a rendu compte des mémoires qu’il a recus pour le concours de cette année, et M. le président a nommé les commissaires chargés de les examiner. - Le Secrétaire a informé l'assemblée que M. Thiry ne pouvant s'y rendre à raison d’une indisposition, lui a envoyé son rapport sur le mémoire de M. Quetelet; et M. Thiry partageant entièrement l'opinion des deux autres DES SÉANCES, etc. xXLVI; rapporteurs , M. Quetelet a été élu membre de l’Académie par la voie du scrutin à l'unanimité des voix. Séance du 6 Mars 1820. Le Secrétaire a donné lecture d’une lettre du Ministre de l'instruction publique par laquelle il fait part à l'Académie que S. M. a approuvé la no- mination de M. Quetelet, qui en conséquence a été introduit a l'assemblée et y a pris séance. Séance du 1° avril 1820. Cette séance a été employée à régler les arrangemens ordinaires pour la séance générale, Séance du 1°7 Mai 1820. Les Commissaires nommés pour examiner les mémoires envoyés au con- cours ont lu leurs rapports, qui seront relus à la séance générale, et le Secrétaire a commencé la lecture de différentes questions d'histoire. La séance a été remise au lendemain. Séance du 2 Mai 1820. On a continué l'examen des questions, Les propositions seront repro- duites à l'assemblée générale. Séance générale du 8 Mai 1820, continuée le 9. Sur la première question d'histoire, un seul mémoire était parvenu; et après avoir entendu le rapport des Commissaires, il a été unanimement arrêté que le prix serait décerné à son auteur, qui a été reconnu être M. Frédéric Baron de Reiffenberg, professeur à l'Athénée de Bruxelles. Il n'était également parvenu qu'un mémoire sur la seconde question : les Commissaires ont été entendus, et après une discussion préalable, l’assem- blée à jugé que ce mémoire était trop superficiel et trop incomplet pour pouvoir lui adjuger la palme ou lui accorder une médaille d'encouragement. XLVii] JOURNAL Aucun mémoire n'était parvenu sur les 3e, 4 et de questions. Sur la 6e, il n'en a été envoyé qu’un. Les Commissaires ont été d'accord que ce mémoire mérite à tous égards le prix; et l'assemblée s'étant unani- mement rangée à cet avis, lui a décerné la médaille d'or. L'auteur est M. Hoffman Peerlkamp, Recteur de l'école latine de Harlem. Quant aux mémoires relatifs aux sciences, un seul mémoire est parvenu sur la première question; mais par une erreur inconcevable, il avait été envoyé au Secrétaire de la Societé des Beaux-Arts de Gand , dans le terme prescrit par le réglement et le programme de l'Académie de Bruxelles ; de sorte cependant qu'il n'a été remis à M. le président qu'après ce terme. L'Académie ayant délibéré sur cette difficulté accidentelle, a considéré que ce retard n’est que l'effet d'une erreur, et non de la négligence de l’au- teur, et que d'ailleurs aucun autre mémoire ne lui étant adressé sur cette question, on ne préjudiciait au droit de personne en l’admettant, et d’après ces motifs elle a résolu qu'il ne devait point être exclus du concours; et surle rapport très- favorable des Commissaires, d’où il résultait qu'il règne, dans ce mémoire une heureuse précision, qui, sans nuire à la clarté de l’ensemble, présente l'état du problème sous le jour le plus lumineux et le résout de la manière la plus facile, en offrant une analyse à la fois simple et élégante, l'assemblée se réunissant à l’avis de la commission , a décerné le prix à son auteur, qui a été reconnu être M. Vène, officier du Génie, à Givet. Il n’est également parvenu qu'un mémoire sur la seconde question, dont M. Garnier, l'un des Commissaires, a développé tout le mérite dansun rap- port très-détaillé, auquel les deux autres, MM. de Nieuport et Thiry ont entièrement adhéré , et l'Académie, partageant cette opinion, si bien rai- sonnée et si bien appuyée, a adjugé le prix à ce mémoire, dont l’auteur est M. J. P. Pirard, ingénieur du Waterstaat, à Namur. Pas de mémoires sur les 3e, 4e, 5e et 6° questions. Un seul a concouru pour la 7° question, relative & l’ancien état des vigno- bles dans ce pays. Les Commissaires nommés pour l'examen de ce mémoire, ayantété divisés d'opinion sur son mérite, l'Académie, après en avoir délibéré, a pris en considération que la partie qui regarde les causes physiques, avait DES SÉANCES, etc. xLix été trop négligée par l’auteur, qui s’est contenté de simples assertions, tan- dis qu'il convenait de faire voir, par l'inspection de la nature des terrains, de la situation des monticules, sur lesquels on cultivait autrefois la vigne, s’il est possible d’en rétablir la culture, et en conséquence elle a jugé à la pluralité des voix qu'elle devait se borner à offrir à l’auteur une médaille d'encouragement. Cetautenr est M. Audoor, greffier en chef de la cour su- périeure de justice à Bruxelles. L'assemblée a ensuite procédé au choix des questions à proposer pour le concours de 1821, et a adopté les suivantes : CLASSE D'HISTOIRE. 19 Quel a éte l’état de la population, des fabriques et manufactures et du commerce dans nos provinces, depuis le commencement du dix-septième siècle Jusqu’à l'érection du royaume des Pays-Bas ? 20 Quel était l'état de la législation et des tribunaux ou Cours de justice dans les provinces méridionales des Pays-Bas, avant l'invasion des armées francaises dans ce pays, et quels sont les changemens que la révolution fran- caise et La réunion de ces provinces à la France, pendant près de vingt ans, ont opéres dans la législation et l'administration de la justice civile et cri- minelle P L'Académie avait compris cette question dans la seconde de celles qu’elle avait proposées pour le concours de 1819 et 1820 (Voyez les séances du 8 mai 1818 et 16 mai 1819); mais elle a considéré que cette seconde ques- tion était trop étendue, et elle a cru devoir la simplifier, en la divisant, c'est-à-dire, en la proposant successivement par parties. 39 Quel est, d’après l’histoire; le caractère des peuples qui habitent les pro- vinces méridionales du royaume des Pays-Bas ? Ce caractère est-il constam- ment resté le même , ou a-t-il éprouvé des changemens ou des modifications sous les différens gouvernemens auxquels ces peuples ont été soumis ? 4° Quel était l’état des écoles et autres établissemens d'instruction publique dans les Pays-Bas, depuis Charlemagne jusqu’à la fin du seizième siècle ? Quelles étaient les matières qu'on y enseignaït , quels étaient les livres élémen- 7 L JOURNAL taires dont on s'y servait, et quels sont Les professeurs qui s'y sont le plus dis- ringues aux differentes époques ? 59 Donner une notice historique et critique des auteurs qui ont le mieux écrit sur l’histoire belgique, pendant les quinzième et seizième siècles. On de- mande que les auteurs indiquent les sources où ces écrivains ont puise, et qu'ils fixent le degré d'autorité qu'on doit à chacun. On avait demandé pour le dernier concours une notice historique et critique des auteurs qui ont écrit sur l’histoire belgique, depuis le com- mencement du 15€ jusqu’à la fin du 19€ siècle. Mais l'Académie a cru de- voir restreindre la question au 15° et au 16€, se réservant le 19° pour un des concours suivans, si elle obtient une réponse à cette question-ci : 6° Quelles sont les nouvelles connaissances que Juste-Lipse a répandues dans ses nombreux ouvrages, et quelle a été l'influence de ces ouvrages sur la litté- rature, les sciences archéologiques, historiques et critiques , et sur les écrivains de son siècle P Cette question avait déjà été proposée l’année dernière pour le concours de 1821. L'Académie a proposé dès-à-présent, pour 1822, les deux questions suivantes : 19 Quels sont les services rendus à la‘langue et à la littérature grecque, par les hellénistes des Pays-Bas, soit par la composition d'ouvrages didacti- ques , soit par la publication , la révision , la critique et la traduction des au- teurs grecs P 29 Faire connaître Les rapports littéraires d’Erasme avec les habitans des Pays-Bas. DES SÉANCES, etc. 1] CLASSE DES SCIENCES. MÉcaANIQUE. 1° Faire l'historique de la découverte du principe des vitesses virtuelles, depuis Galilée jusqu’à nos jours. 29 Comparer et résumer les démonstrations de ce principe, trouvées récemment par les géomètres, par exemple, celles de MM. Carnot, Poisson, La Place, Fourrier, Prony, Poinsot, Fossombront, Ampère, La Grange. 3° Assigner les cas dans lesquels ce principe est encore vrai pour les vitesses virtuelles finies. ANALYSE. 2° Sur l'élimination entre deux équations à deux inconnues. Lorsque quelques-unes des racines de l'équation finale sont incommensu- rables , comme on ne peut en avoir que des valeurs approchées , la substitu- tion de chacune d'elles dans les deux proposées, ordonnées suivant l’autre in- connue, en altère les coëfficiens d’une manière qu'on ne peut apprécier, en sorte que chaque substitution dénature, ou peut dénaturer Les valeurs de la se- conde inconnue, c'est-a-dire, peut donner pour celle-ci une valeur tres-éloi- gnée de la veritable. On propose de déterminer, sans résoudre les équations, x° les limites ex- trémes des valeurs de chacune des inconnues ; 29 une limite au-dessous de laquelle ne puisse tomber la difference entre deux valeurs de chacune de ces mêmes inconnues ; ce qui rentre dans la méthode de La Grange, pour la recherche des racines incommensurables des équations à une inconnue. 3° Décrire la constitution géologique de la province du Hainaut, les espèces mi- nérales et les fossiles accidentels que les divers terrains renferment, avec l'indi- cation des localités et la synonymie des auteurs qui en ont déjà traïté. L'Académie avait déjà proposé l’année dernière (Voyez la séance du 6 mai 1819), sur ce sujet en général, une question beaucoup plus étendue, puisqu'elle embrassait tout le royaume; mais elle à cru devoir la simpli- fier en la resireignant à une province. 1ij JOURNAL 4° La définition du nectaire, donnée par Linnée, convient-elle à tous les or- ganes, désignés jusqu’à ce temps sous ce nom? En cas de réponse négative, on demande une classification physiologique de ces mêmes organes. 50 Prouver ou réfuter par des expériences et le raisonnement la théorie de Dalton, qui dit que dans l'atmosphère les différens fluides aériformes ne sont pas chimiquement unis, mais seulement mêlés mécaniquement, et de manière que l’un n’agit pas sur l’autre , c’est-u-dire, que, par exemple, les molecules d'azote ne repoussent pas les molécules d’oxigène, mais exclusivement celles d'azote. 6° Quelle est la véritable composition chimique des sulfures , tant oxides qu'hydrogénés, faits d'après les divers procedes ; et quels sont leurs usages dans les arts ? 7° Quelle est la vraie composition du bleu de Prusse, en indiquant l'ordre de distribution de ses élémens, et peut-on, d'une connaissance plus intime de ce composé, déduire une méthode plus sûre et plus économique pour le fa- briquer ? Après quoi, M. de Nieuport, Directeur de l’Académie, a demandé à M. Van Hulthem, Secrétaire perpétuel, s'il a achevé tous les travaux pré- liminaires qui doivent précéder l'impression du premier volume des nou- veaux mémoires, c'est-à-dire, le discours préliminaire, le journal et les notices biographiques des académiciens morts, pour lesquels l'Académie, dans sa séance du 8 novembre dernier, lui avait accordé jusqu’à la fin d'avril de la présente année. M. Van Hulthem, pour satisfaire à cette interpellation, a donné lecture d’une lettre, dans laquelle il expose qu'après avoir obtenu cette prolonga- tion, il n’avait pas tardé à s’apercevoir que ce travail demandait plus de recherches et plus de temps qu’il n’avait cru d’abord ; que d’ailleurs d’au- tres occupations l’ont absolument empêché d'accomplir la promesse qu'il avait faite à cet égard, et il finit par prier ses confrères d'accepter la démis- sion de sa place de Secrétaire. On lui fait observer que c'est au Roi qu'il doit l’adresser , que d'un autre côté, puisqu'on ne peut retarder davantage la publication de ce premier DES SÉANCES, etc. Li} volume, il suffira de le faire précéder d'une courte introduction, dans laquelle on ferait connaître la suvpression de l'Académie au mois de juin 1794, et son rétablissement par le Roi, et qu'on peut placer dans le volume suivant le journal des séances et les notices biographiques. On a terminé la séance par la nomination d'un nouveau Directeur; et M. le Commandeur de Nieuport, réélu à l'unanimité des suffrages, n'ayant pas accepté, on a procédé à un nouveau scrutin, qui donne pour résultat la nomination de M. le Prince de Gavre. Séance du 15 Mai 1820. Lecture du programme pour le concours de 1821, lequel a étéunanimement approuvé. Séance des 5 Juin, 4 et 15 Juillet 1820. Ces séance ont été employées à des objets particuliers relatifs à l’'adminis- tration interne de l’Académie. Vacances jusqu'au r4 octobre. Séance du 14 Octobre 1820. M. le Prince de Gavre a donné lecture de deux lettres qui lui ontété adres- sées de Paris sous la date du 20 septembre dernier, par MM. L. Séb. Le Normand, professeur de technologie et des sciences physicochimiques appli- quées aux arts, etS. G. V. De Moléon, ingénieur des domaines et forêts de la couronne, ancien élève de l'école polytechnique, par l’une desquelles ils proposent à l'Académie de souscrire à l'ouvrage qu'ils publient périodi- quement, ayant pour titre : Annales de l’industrie nationale et étrangère, renfermant la description du musée des produits de l’industrie francaise, exposée au Louvre en 18193 et par l’autre, ils manifestent le désir d'obtenir le titre, de correspondans de l'Académie royale de Bruxelles. Après avoir entendu le témoignage favorable de M. le Prince de Gavre, l'Académie a arrêté 1° que le Secrétaire souscrira au nom de l'Académie pour l’ouvrage annoncé ; 29 qu'il sera écrit à S. E. le Ministre de l’instrue- LIV JOURNAL tion publique pour présenter à l'approbation de S. M. la nomination de MM. Le Normand et De Moléon comme membres correspondans, si S. E. n’y trouve pas d'obstacle, attendu que le réglement ne parle pas de membres de cette catégorie. Le Secrétaire a ensuite communiqué une lettre de MM. les Bourgmestre et Echevins de la ville de Bruxelles, du 26 août dernier, par laquelle la Ré- gence demande l'avis de l'Académie sur deux sujets de chronogramme pour être placé sur la Porte Guillaume , que l'on constrait en ce moment; et M. le Prince de Gavre a également donné lecture d’une autre lettre du 30 septembre, par laquelle la Régence transmet un autre projet d'inscription. L'Académie, après en avoir mûrement délibéré, pense qu'un chrono- gramme ne peut en aucune manière être adopté pour cet usage, et elle pro- pose l'inscription suivante : Guizrezmo. I. Beccarum. ReGr. PRINCIPI. OPTIMO. S. P. Q. B. M. D. CCC. XX. Le Secrétaire a été chargé de la transmettre à la Régence. Après quoi, M. le Commandeur de Nieuport a donné lecture d’un mémoire sur la métaphysique du principe de la differentiation. Renvoyé à l'examen de MM. Garnier, Van Utenhove et Quetelet. M. Quetelet donne également lecture d'un mémoire sur la mesure des aires des polygones formés sur une sphère par des ares de petits cercles. Ren- voyé à l'examen de MM. Van Utenhove, Garnier et de Nieuport. M. Kickx a annoncé que M. le Conseiller Burtin, fils de feu M. Burtin, a trouvé parmi ses papiers un mémoire que son père avait autrefois lu dans une séance académique sur le Trou de Han, dans la province de Luxem- bourg. MM. Dewez et le Prince de Gavre sont invités à vouloir l'exa- miner de concert avec M. Kickx. DES SÉANCES, etc. MCE M. Kickx a donné ensuite lecture de quelques remarques sur un passage de histoire des Pays-Bas Autrichiens, pur feu M. Desroches. Ces remarques ont pour objet la situation du fameux camp de Q. Cicéron, connu dans l'histoire ancienne sous le nom de Castra Ciceronis. « Le fait sur lequel je me hasarderai de faire quelques réflexions , dit M. Kickx, est de peu d’importance par lui-même; mais dans les téné- bres qui environnent les premiers temps de l’histoire, un faible trait de lumière conduit quelquefois à la découverte d’un point qui mérite de fixer plus particulièrement l'attention. « Après qu'Ambiorix, à la tête des Éburons, eut exterminé dans la vallée d’Atuatica les légions romaines commandées par Cotta et Sabi- nus, les Nerviens et leurs alliés prirent les armes pour se délivrer de Cicéron hivernant sur leur territoire; 1e camp de ce Général situé selon toutes les probabilités près du village actuel d’Assche, fut bientôt investi par ces peuples qui, ne connaissant de l’art de la guerre que ce qu'ils avaient appris de leur ennemi, construisirent cependant en très-peu de jours des ouvrages que César ne put voir sans étonnement. » « Cicéron accablé par le nombre fut exposé aux plus grands dangers ; malgré la valeur et la discipline romaine un sort pareil à celui de Coita et Sabinus lui était inévitablement réservé, s’il n’avait réussi à instruire César de sa situation. César vint à son secours et annonça son approche par l'incendie des villages nerviens qu'il trouva sur sa route, » « Les Belges levèrent le siége du camp de Cicéron et allèrent au-devant de César : M. Desroches pense que les deux armées se rencontrèrent près du village de Wambeek, et que César campa sur la colline à gauche du grand chemin par lequel il marcha sur Assche. Là, dit M. Desroches(t), il avait devant lui le vallon qu’il n’osa traverser, de là il pouvait aper- cevoir le ruisseau de Belle qui le termine; à gauche du vallon la forêt de Liedekerke et du même côté se trouvaient les terres marécageuses (1) Histoire ancienne des Pays-Bas autrichiens. Livre 2, chap. 5, p: 379. Lv) JOURNAL » formées certainement par les inondations de la Dendre, rivière qui ser- pente derrière cette même forêt. » « Soit qu'on ait visité ces lieux ou que l’on jeite simplement les yeux sur la carte, on doute que les choses se soient passées ainsi; César par- venu sur les hauteurs de Wambeek n'avait plus de Vallon à traverser ; il avait à dos et non à gauche le ruisseau de Belle, la forêt de Liedekerke et le terrain marécageux de la Dendre. Ce Général dont le but principal était de dégager Cicéron, n'aurait pas perdu un temps dont il connaissait tout le prix, ni compromis le sort de deux armées en s’exposant aux chances d’une bataille. Wambeek n'étant qu’à une lieue et demie d'Assche, un pe- tit mouvement par sa gauche l'aurait mis en communication avec Cicéron, et cette jonction faite, il avait tout le temps de revenir sur l'armée belge, dont la destruction n'aurait été que plus certaine. » « En suivant ceite armée dans sa marche vers César, on arrive à 4 lieues au sud par est d'Assche au village de Castre ; non-seulement son nom rap- pelle quelque campement ou position militaire, mais sa situation répond beaucoup mieux que celle de Wambeek au passage du 5me livre des Com- mentaires. César venait du pays des Ambiens et en dernier lieu de Ba- vay, centre de toutes les communications romaines, par la grande route dirigée en ligne droite sur Assche : à Castre, cette route est traversée par la Molebeek, ruisseau dont les trois branches serpentent ainsi que la Resbeek qui s'y réunit, dans deux tourbières et prairies marécageuses pendant la majeure partie de l’année; derrière elles s'élèvent en amphi- théâtre plusieurs collines boisées , au-dessus desquelles dominent le pla- teau de Castre, couvert à gauche par le vallon de la Molebeek et à draite par le bois de Leerbeek. » « Une telle position garnie de nombreux corps ennemis, devait ralentir la marche du Général romain; et si les Belges au lieu de l’attaque témé- raire et inconsidérée, qu'ils effectuèrent sur le camp de César, s'étaient borné à défendre le terrain et n'avaient hasardé que quelques actions partielles, ils auraient forcé l'ennemi à consumer plusieurs jours en pré- paratifs d'attaque, pendant lesquels Cicéron déjà réduit à l'extrémité aurait vraisemblablement succombé ; tournant ensuite leurs forces contre DES SÉANCES, etc. Lvij César, ils auraient pu espérer de recouvrer cette liberté si chère vers laquelle tendaient tous leurs efforts, » « Il semble donc que c'est à Castre et non à Wambeek que doit avoir eu lieu l'action dont parle M. Desroches à l'endroit cité de son histoire an- cienne : une colline à gauche du chemin que suivait César, séparée du centre du village par un vallon marécageux, au fond duquel coule une branche de la Molebeek, est probablement le lieu où il établit son camp. La circonstance de la délivrance de Cicéron le même jour, n’est point un argument contre l’opinion que j’avance, puisque le combat d'après les Commentaires doit avoir eu lieu avant ou vers midi; et la distance qui restait à parcourir ne pouvait être un obstacle pour une armée romaine, dont la journée de marche était ordinairement de six de nos grandes lieues. » « Notre savant confrère, M. Dewez, ne partage pas le sentiment de M. Desroches, sur la situation du camp de Cicéron :il le place à Mons ou aux environs (r), et croit que le ruisseau et le vallon que César n'osa traverser, était l’Escaut et le bas-fond dans lequel est le bassin de cette rivière. Sans méconnaître l'autorité que M. Dewez fait à si juste titre en histoire, il me semble douteux que César qui dans la conjoncture dont il s'agit a dû passer le fleuve à Cambrai, Valenciennes ou au Pons-Scaldis, ait pu le prendre pour un ruisseau, lui qui ne se méprend jamais sur les noms des rivières qu'il rencontre dans la Belgique ou ailleurs. Le Cas- trorum locus indiqué pour l'emplacement du camp de Cicéron, annonce sans doute un séjour de gens de guerre, mais le génitif pluriel castrorum paraît exprimer un lieu d'étape destiné aux camps de passage plutôt que le lieu d’un camp à demeure qui ait été nommé Castri locus ou locus castri. Enfin la distance marquée dans les Commentaires entre Cicéron et Labiénus aux environs de Sédan d’un côté, et Fabius à Boulogne de l’autre, paraît décider la question en faveur d'Assche. » « L’envie de critiquer, dit M. Kickx en finissant, ne me porte pas à faire ces remarques : personne ne révère plus que moi un confrère fait (1) Abrégé de l’histoire belgique, pag. 37 et note a. Lviij JOURNAL » pour l'être, et la mémoire de M. Desroches. Ces hommes célèbres ont » pu se tromper un moment dans la matière difficile qu'ils ont eu à trai- » ter. Si d’ailleurs je me trompais moi-même, je n'hésiterais pas à faire le » sacrifice de mon opinion. » Ces remarques ont été remises à M. Dewez, qui , de son côté, a annoncé qu'il s’était occupé à rechercher quelle peut être la situation des différens endroits de l’ancienne Belgique devenus célèbres dans les commentaires de César par les évéènemens mémorables qui s’y sont passes, et qu’il vient d'a- chever un mémoire sur ces points d'histoire, divisé par sections, qu'il se propose de lire successivement, et il a, dans cette séance, donné lecture des dissertations particulières qui ont pour objet les questions suivantes : 10. Où faut-il placer le champ de bataille contre les Nerviens, défaits par César sur la Sambre dans sa première campagne ? 2°. Où était situé le camp de Q. Cicéron au pays des Nerviens? C'est cette deuxième question qui fait le sujet des remarques de M. Kickx, lues à cette séance. Renvoyé à l'examen de MM. Cornélissen, De Bast et le duc d'Ursel. Séance du 4 Novembre 1820. MM. le Prince de Gavre, Dewez et Kickx ont successivement donné lecture de leur rapport sur le mémoire de feu M. Burtin relatif à la grotte, dite le Trou de Han, et ils pensent qu’il pourrait être inséré dans la collection académique, et qu’il conviendrait de recueillir de nouveaux renseignemens sur cette grotte , ainsi que sur deux autres qui se trouvent dans le voisinage ; qu’à cet effet quelques membres pourraient se rendre sur les lieux. M. Cornélissen a également remis son rapport sur la partie du mémoire de M. Dewez lu à la dernière séance, relative au champ de la bataille contre les Nerviens , et il pense qu’elle mérite d’être imprimée. S. E. le Ministre de l'instruction publique se trouvait à cette séance ; et ayant été consultée sur la question qui s'était élevée à la séance du 14 octobre, à l’occasion de la demande de MM. Le Normand et De Moléon, savoir , st l’Académie , vu Le silence du réglement à cet égard, pouvait nom. DES SÉANCES, etc. Lix mer des membres correspondans, $. E. a déclaré qu'elle n'y voyait pas d’in- convénient. Séance du 25 Novembre 1820. M. Garnier a fait lecture d’une partie d'un mémoire ayant pour titre : Démonstration du principe des vitesses virtuelles , et application de ce prin- cipe, et l’a repris pour en achever la rédaction. M. Cornélissen a lu le rapport sur la partie du mémoire présenté par M. Dewez à la séance du 14 octobre dernier, relative au camp de Cicéron , et il pense que cette partie peut, comme la précédente, être imprimée. M. le Duc d'Ursel, qui en a également pris lecture, est entièrement du même avis. M. De Bast s’est excusé d’en prendre connaissance pour cause d’incommodité. Séance du 23 Décembre 1820. » M. Van Hulthem, Secrétaire perpétuel, qui, depuis plusieurs mois, avait manifesté le désir d'obtenir sa démission, s'était adressé à ce sujet à S.M., et la séance de ce jour avait été fixée pour procéder à l'élection d'un nou- veau Secrétaire; mais à l'ouverture de la séance, une lettre de $. E. le Ministre de l'instruction publique a annoncé à l'assemblée que le Roi n'a pas encore disposé sur la demande de M. Van Hulthem. En conséquence, comme il ne paraissait pas (c’était du moins l’opinion d'une partie des membres) qu’on put procéder à un nouveau choix avant que S. M. eût accepté la démission de M. Van Hulthem, M. le président a proposé de remettre cette élection à la séance prochaine, et cette proposition a été adoptée par l'assemblée. M. de Beunie, ancien membre de l’Académie, avait laissé un mémoire ayant pour titre : des Précipitations des Métaux , et MM. Quetelet, Kickx et Kesteloot, qni avaient été chargés de l'examen de ce mémoire , ont donné successivement lecture de leurs rapports. Ils ont été tout-à-fait d'accord que, d'après les grands progrès qu’ont faits les sciences chimiques depuis le temps où M. de Beunie a rédigé son mémoire , il ne peut, tel qu'il est, figurer avec avantage dans le recueil de l’Académie, et qu'il suffira d'en présenter une analyse dans le journal des séances. 8. LX JOURNAL M. Quetelet a donné ensuite lecture tant du rapport de M. Garnier que du sien, sur le mémoire de M. de Nieuport ayant pour objet /4 Métaphysi- que du principe de la Différentiation, lu à la séance du 4 octobre dernier, et tous deux pensent que ce mémoire mérite d'être imprimé. Après quoi, M. Quetelet a présenté un mémoire sur une nouvelle théorie des sections coniques , considérées dans le solide. Renvoyé à l'examen de MM. Garnier, Van Utenhove et de Nieuport. Séance du 13 Janvier 1821. Lecture 1° d’un arrêté royal du 3r décembre dernier, par lequel S. M. nomme M. le Prince de Gavre président de l’Académie en remplacement de M. le Baron de Feltz, décédé; 20, D’un autre arrêté du même jour, par lequel S. M. accepte la démis- sion de M. Van Hulthem de la place de Secrétaire perpétuel; 3°. D'une lettre deS. E. le Ministre de l'instruction publique qui accom- pagnait cet arrêté; 4°. D'un arrêté royal du même jour, 31 décembre, par lequel S. M. fait connaître que son intention est qu'à commencer du 1°" janvier 1821, les médailles d'or données par l'Académie aux auteurs des mémoire couron- nés, ainsi que le traitement du Secrétraire perpétuel, ne seront plus payés, par la caisse de l’état, mais que ces dépenses seront supportées par la caisse de l'Académie sur la dotation annuelle que le Roi lui accorde. Après la lecture de ces pièces, l'Académie a procédé par la voie du scrutin secret à l'élection d'un autre Secrétaire. L'assemblée était composée de seize membres, et M. Dewez ayant réuni douze voix, a été nommé Secré- taire perpétuel. En conséquence, il a été résolu d'en informer S$, E. le Ministre de l'instruction publique, en le priant de présenter cette nomi- nation à la sanction de S. M. M. le Commandeur de Nieuport a donné ensuite lecture d'une réponse à une observation de M. Garnier, relative au mémoire sur la métaphysique du principe de la différentiation. DES SÉANCES, etc. Lx) Séance du 3 février 1821. M. Dewez a donné lecture d’une lettre que lui a adressée S. E. le Mi- nistre de l'instruction publique, sous la date du 23 janvier dernier, par laquelle elle lui transmet une ampliation de l'arrêté royal du 19 du même mois, qui approuve la nomination de cet académicien à la place de Secré- taire perpétuel. Ensuite MM. Van Hulthem et Dewez remettent les mémoires qui leur sont parvenus pour le concours de cette année, et M. le Président a nommé les commissaires chargés de les examiner. Après quoi, il a été présenté deux mémoires de M. Garnier, l’un sur les vitesses virtuelles, renvoyé à l'examen de MM. Quetelet, de Nieuport et Van Utenhove; l'autre, sur les momens, les projections des aires et les cou- ples , renvoyé à celui de MM. de Nieuport, Van Utenhove et Thiry. Séance du 24 Février 1621. Deux nouveaux mémoires arrivés le 22 février à l'adresse de M. Van Hul- them, ont été mis sous les yeux de l'assemblée ; l’un sur la première ques- tion, relative aux vitesses virtuelles, et l’autre sur la seconde, relative à l'élimination entre deux équations à deux inconnues ; et comme le programme annonce que les mémoires qui concourront aux prix, devront, conformé- ment à l'article 29 du réglement du 3 juillet 18:16, être envoyés avant le 1er de février, il a été mis en question si les deux nouveaux mémoires, n'étant pas parvenus dans le terme prescrit, pourraient encore être admis. L'Académie en ayant délibéré, et M. le Président ayant mis la question aux voix, il a été résolu, quant au premier mémoire, que, comme aucun mémoire n'avait concouru pour cette question, il serait admis, sans que cette espèce d'indulgence puisse tirer à conséquence, l'Académie, en se relàächant pour cette fois de la rigueur de la disposition réglementaire, n'entendant pas y déroger pour la suite, et M. le Président a en consé- quence nommé pour examiner ce mémoire MM. Garnier, Quetelet et Thiry. Quant au second, l'Académie prenant en considération qu'un autre mémoire sur la même question a été envoyé au concours dans le délai fixé, Lxi] JOURNAL et que conséquemment celui qui vient de paraître, pourrait nuire à l’au- teur du mémoire précédemment et régulièrement envoyé , elle a résolu qu'il ne serait point admis au concours; que cependant il serait examiné, et que s'il était jugé avoir satisfait à la question, il serait accordé à l’auteur une médaille d'encouragement. En conséquence, il sera remis aux commissaires nommés pour l'examen de celui qui a été envoyé dans le terme, savoir : MM. Garnier, de Nieuport et Van Utenhove. : M. Van Utenhove a ensuite donné lecture d’un rapport de M. Garnier sur un mémoire de M. Quetelet, ayant pour titre : nouvelle théorie des sections coniques considérées dans le solide, et ce mémoire, d’après l'avis des com- missaires qui sont avec M. Garnier, MM. Van Utenhove et de Nieuport, a été jugé digne d'être imprimé dans le recueil de l’Académie, après toute- fois que l’auteur y aura fait quelques petits changemens indiqués dans le rapport de Mr Garnier. En conséquence, ce mémoire a été remis à M. Que- telet avec les rapports. M. Quetelet a également donné lecture d’un rapport sur un mémoire de M. Garnier sur les vitesses virtuelles, et MM. Van Utenhove et de Nieuport, ayantentièrement partagé l'opinion etappuyéles observations de M.Quetelet, ont, comme lui, voté l’impression de ce mémoire; mais l’Académie a pensé qu'il convenait qu’il fut renvoyé à M. Garnier pour l’inviter à désigner et à citer, soit en marge, soit en notes, les auteurs qu’il a consultés pour la rédaction de ce mémoire, et le Secrétaire a été chargé de le lui renvoyer en l'infermant de la résolution de l’Académie. Séance du 10 mars 1821. M. le Commandeur de Nieuport a donné lecture d’une lettre de M. Gar- nier, par laquelle il renvoie au Président le mémoire sur le principe des vi- tesses virtuelles, avec les changemens que l'Académie a désiré. M. Quetelet a donné lecture du rapport de M. de Nieuport sur le mé- moire de M. Garnier sur les momens, les projections des aires et les couples, rapport auquel ont adhéré les deux autres commissaires, MM. Van Utenhove et Quetelet, et l'Académie a pensé, comme ces commissaires, que ce mé- moire, très-bien rédigé, présente cependant un ensemble de théories. déjà DES SÉANCES, etc. Lxii} ‘ connues, plutôt que le résultat de nouvelles découvertes. Envisagé sous ce rapport, ce mémoire serait donc plus propre à être publié comme un ouvrage d'instruction, que comme un mémoire académique. Mais comme la connaissance des théories, savamment et méthodiquement présentées dans cet ouvrage, est peu répandue dans ce royaume, et qu'il importe de les y propager; que d'ailleurs, par la manière dont l'auteur a traité la ma- tière, il se l’est en quelque sorte appropriée, et en a ainsi facilité l'étude à ceux à qui elles ne sont pas familières, l’Académie a jugé que ce mémoire pouvait être imprimé; mais que comme il est peut-être plus élémentaire qu'académique, il convenait d’en faire précéder l’impression d’une note ou avis qui, en faisant connaître cette résolution, expliquât et le but de l’au- teur et l’intention de l’Académie, et le Secrétaire a été chargé d'en donner connaissance à M. Garnier. Séance du 24 Mars 1821. Dans la dernière séance, après la lecture des rapports de MM. de Nieuport, Van Utenhove et Quetelet sur le mémoire de M. Garnier relatif aux mo- mens, projections des aïres et couples, l'Académie avait trouvé convenir de lui donner connaissance de sa résolution. Par une lettre de la même date que cette séance, c'est-à-dire, du 10 mars, M. Garnier à fait part à l’Aca- démie qn'ayant réfléchi que ce mémoire, ainsi que celui qui a pour objet les vitesses virtuelles, étaient plus propres à faire deux chapitres d’un traité de mécanique, que d'un mémoire académique, il retirait l’un et l’autre. M. Quetelet a donné lecture du rapport de M. Garnier sur le mémoire qui a concouru au prix pour la première question des sciences, ayant éga- lement pour objet les vitesses virtuelles , et qui n’est parvenu à l’Académie que le 22. L'Académie a également entendu les rapports de MM. Quetelet et Thiry; et sans prendre de résolution définitive, elle a pensé que quoique dans sa séance du 24 février, elle eût admis ce mémoire au concours, cette détermination n'avait cependant été fondée que sur une circonstance fortuite , c’est qu'il était seul sur cette question ; mais qu'elle n'était pas moins subordonnée tacitement à une condition essentielle, c’est que l'ouvrage, pour mériter cette exception, doit être, sous tous les rapports, digne de l'approbation de l’Académie, avec d'autant plus de raison, que, précisément parce qu'il est seul, il devrait réunir les qualités requises dans LXIV JOURNAL un degré assez éminent pour qu'on put présumer avec fondement que l'au- teur aurait remporté la palme sur ses concurrens, s'il s’en était présenté. Or le mémoire dont il s’agit n’offre ni quant au fond, ni quant à la rédaction, un mérite assez élevé pour qu’on puisse se relâcher de la disposition réglemnen- taire, à laquelle, d’ailleurs, si l’Académie a dérogé dans le cas qui se pré- sentait, c'était, comme elle l’a déclaré, sans tirer à conséquence, et elle s'est réservée de soumettre toute la question à la décision définitive de l'assemblée générale , qui sera appelée à prononcer sur les mémoires envoyés au concours. Séance du 14 Avril 1827. M. Dewez a donné lecture d'une nouvelle dissertation faisant partie de son mémoire sur les points d'histoire Belgique, qui se trouvent dans César, et dont il a lu les deux premières parties à la séance du 14 octobre 1820. Cette dissertation, traite de l'endroit où était située la place que César dé- signe sous le nom d'oppidum Atuaticorum. Renvoyé à l'examen de MM. le Duc d'Ursel, le Baron de Villenfagne et le Prince de Gavre. Le reste de la séance a été employé à entendre la lecture des rapports des commissaires sur les mémoires envoyés au concours. Séance du 28 Avril 1821. Continuation de la lecture des rapports. Différens membres présens ont proposé des questions pour le concours prochain, et le Secrétaire a donné connaissance de celles qui lui ont été adressées par les membres absens. Toutes ces questions, ainsi que celles qui, dans l'intervalle, pourraient être adressées ou apportées à l'Académie, se- ront examinées et discutées à la séance générale. Séance générale du 7 Mai 1821. Le Secrétaire a mis sur le tapis les différens mémoires envoyés au con- cours, et il a représenté d’abord, avec celui qui a traité la première ques- DES SÉANCES, etc. UXV tion, relative au commerce, à l'industrie et à la population , depuis le com- mencement du 17° siècle, les rapports de MM. Falck, Van Hulthem et Dewer. L'avis conforme de ces trois membres est que ce mémoire étant d'un côté trop inexact et trop incomplet, et de l’autre trop surchargé de divagations déplacées, de comparaisons intempestives, de détails étrangers au sujet, de paradoxes, d'anachronismes même, l'Académie ne peut lui décerner le prix, et qu'il convient de remettre la question au concours. L'assemblée a adopté l'avis des Commissaires. L'Académie n’a également recu qu'un mémoire sur la seconde question, relative à l’état de la législation et des tribunaux avant l'invasion des armées francaises dans ce pays, et les Commissaires chargés de l'examen de ce mémoire ont donné lecture de leurs rapports. L'un est d'avis qu’il mérite le prix; l’autre le prix ou du moins la médaille d'argent, et le troisième , la médaille d'argent seulement. Après cette lecture, la matière a été amplement discutée de vive voix par les rapporteurs, et après ces différentes explications, M. le Président a mis la chose aux voix, et il a été décidé à la pluralité qu'il serait offert une médaille d'encouragement à l’auteur qui a été reconnu être M. Pycke, avo- cat et bourgmestre de Courtrai. Aucun mémoire n'est parvenu sur les 3e, 4e et 5€ questions. Il n’en est parvenu qu’un sur la 6° question, relative à Juste - Lipse. Les Commissaires ont donné lecture de leurs rapports, et ont ensuite discuté de vive voix les points sur lesquels ils n'étaient pas bien d’accord, et comme les membres de l'assemblée étaient également partagés d'opinion, M.le Pré- sident ayant recueilli les voix, la pluralité a voté pour le prix, et il a été reconnu que l’auteur était M. Frédéric - Auguste Baron de Reiïffenberg, Professeur à l’Athénée de Bruxelles. Après quoi, l'assemblée s’est occupée de la discussion sur les mémoires relatifs aux sciences. Sur la première question, ayant pour objet les vétesses virtuelles, un seul mémoire a été envoyé au concours, et il n’est parvenu à l'Académie que le 22 février. MM. Garnier, Quetelet et Thiry ont lu leurs rapports sur cet ouvrage; mais comme aux termes de l'article 29 du réglement du 3 juillet 1816, les 9 LXV) JOURNAL mémoires qui concourent aux prix, doivent être envoyés avant le 1°t de février, l’Académie, dans la séance du 24 mars dernier, s'était réservé de laisser à l'assemblée générale du 7 mai, le soin de décider si l’on admettrait ce mémoire, ou si, s'én tenant rigoureusement à la lettre du réglement, elle le rejeterait, l'assemblée a pensé que ce ne se serait qu'en forçant et en dénaturant le sens de cette disposition , qu'on voudrait trouver dans son esprit une interprétation qui pût autoriser ou justifier l'indulgence qu'on pourrait être porté à exercer à l'égard des auteurs; et croyant en conséquence devoir respecter et mäintenir un principe exprimé en termes trop formels pour qu'on puisse par aucun motif y apporter quelque déro- gation ou exception, elle s'est abstenue de délibérer sur le mérite de ce mémoire, et a décidé qu'il ne pouvait être admis. Deux mémoires sur la seconde question, relative à l'emination entre deux équations à deux inconnues, ont été envoyés au concours. MM. Gar- nier, Quetelet et Van Utenhove étaient rapporteurs. Leurs conclusions à l'égard du premier, ayant pour épigraphe : 8 minus valeat, rapidis addi- cite flammis, ont été uniformes : ils ont jugé que l’auteur n’avait qu'effleuré son sujet, et que quoiqu'il ne paraisse pas étranger à l'analyse, il n'avait que très-imparfaitement répondu à la demande de l’Académie. Elle a done regardé ce mémoire comme trop superficiel pour mériter le prix ou la médaille d'encouragement. Le second mémoire, ayant pour devise : la volonté générale est toujours droite et tend toujours à l'utilité publique, n'est arrivé que le 22 février. MM. Garnier et Quetelet ont lu leurs rapports, et M. Van Utenhove y à accédé. Mais l'assemblée sans délibérer sur le mérite de l'ouvrage, et guidée par le principe sur lequel elle a fondé sa décision à l'égard du mémoire sur les vitesses virtuelles, a également rejeté celui-ci du concours, et a ré- solu de reproduire la question pour le concours prochain. La troisième question avait pour objet /a constitution géologique du Haï- naut. Un seul mémoire a été envoyé au concours. Les deux premiers rap- porteurs étaient d'avis qu'il méritait la palme; mais le troisième était d’un avis contraire. Après une discussion qui s’est établie entre plusieurs membres, M. le Président a demandé individuellement les opinions, età la majorité des voix, DES SÉANCES, etc. vxvij il a été résolu que le prix serait adjugé. L'ouverture du billet cacheté à présenté le nom de M. Drapier, demeurant à Bruxelles. Sur la quatrième question relative au nectaire, pas de mémoires. Sur la cinquième, concernant {a théorie de Dalton, un seul mémoire. Les trois rapporteurs ont été d'avis que ce mémoire ne méritait pas le prix, et que l’Académie pourrait proposer la question une seconde fois. L'assemblée, partageant unanimement leur avis, a résolu de représenter la question. Deux mémoires ont été envoyés au concours pour la sixième question, sur la véritable composition chimique des sulfures, Yun en français, l'autre en hollandais. Les rapporteurs ont été d'avis que le premier n’a aucunement répondu a la question; mais que le second a atteint le but de l’Académie, et l’assemblée a décerné le prix à l’auteur de ce mémoire, qui a été reconnu être M. Marée, pharmacien admis par le jury médical de Bruxelles, actuel: lement à Louvain. Le dernier mémoire 2 examiner était celui qui a traité la question rela- tive au bleu de Prusse. C'est le seul qui soit parvenu. Les rapporteurs ont été d'avis que l’Académie pourrait décerner à l’auteur une médaille d’en- couragement. Cet avis a été unanimement adopté, et le billet cacheté, ayant été ouvert, a fait connaître le nom de M. Coulier, fabricant de bleu de Prusse, à Paris. La séance est remise à demain pour la discussion des questions à pro- poser pour le concours de 1822. Séance du 8 Mai 1821, continuation de la précédente. Des six questions d'histoire, proposées pour le concours de 1827, il a été résolu de retenir la première, la seconde, la quatrième et la cinquième (Voyez la séance des 8 et © mai 1820). Deux avaient été proposées dans la même séance, pour le concours de 1822, l’une sur les services rendus à la langue et à la littérature grecque, l'autre sur Erasme. Une nouvelle question a été ajoutée aux six précédentes. Elle est ainsi conçue : 9: Lxviij JOURNAL En quels temps les corporations connues sous le nom de métiers (neeringen en de ambachten ) se sont-elles établies dans les provinces des Pays-Bas ? Quels étaient les droits, privilèges et attributions de ces corporations, et par quels moyens parvenait-on à y être recu et à en devenir membre effectif ? Des six questions des sciences, la seconde, qui est la question d'analyse, la quatrième qui concerne le nectaire , et la cinquième sur la théorie de Dal- ton, ont été continuées. La première et la troisième de ces questions ont subi quelques chan- gemens ou extensions. À ces trois questions on a joint les suivantes : 4° Décrire la constitution géologique de la province de Namur, les espèces mi- nérales et les fossiles accidentels que les divers terrains renferment , avec l'in- dication des localités et la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. Puaysico-MATRÉMATIQUE. 50 Un fil flexible et uniformément pesant, étant suspendu par l'une de ses ex- trémités à un point fixe, et soulevé par son autre extrémité à une hauteur et une distance quelconque, si l'on vient à lâcher cette seconde extrémité, et à abandonner ainsi ce fil à l'action libre de la pesanteur , on demande les cir- constances de son mouvement dans l’espace supposé vide. Paysique, 6° On sait que les arbres qui croissent dans un fond entouré d’autres ar- bres, s'élèvent aux dépens de leurs grosseurs à des hauteurs au-dessus de leurs portées ordinaires, ou même que dans certaines circonstances ils se courbent, de manière à placer leurs têtes dans un espace libre. On sait de même que dans les serres les plantes semblent se porter vers le jour. On demande donc si ces phénomènes et un grand nombre d’autres de même nature peuvent s’expli- quer par des causes physiques, étrangères à l'essence de ces arbres et de ces plantes, ou s’il faut les attribuer à des sensations inhérentes à leur nature, et admettre dans le règne végétal, comme dans le règne animal, ur sentiment de son existence, un moi, et conséquemment un effort intentionnel vers son dien-étre. DÉS SÉANCES, etc. LxXIX #> On demande une topographie médicale de la ville de Bruxelles, ou des- cription de Bruxelles, sous le rapport statistique, physique et moral relative- ment à la salubrité publique. Pour le concours de 1823, on a proposé la question suivante : On:sait que les lignes spiriques sont les courbes produites par l'intersection d'un plan ou d’un corps engendré par la rotation d’un cercle autour d’un axe donné de position. On demande l'équation générale de ces courbes et une dis- cussion complète de cette équation. Finalement, on a procédé par la voie du scrutin secret à la nommina- tion d'un Directeur, et M. le Commandeur de Nieuport, ayant réuni la totalité des voix, moins une, a été continué dans cette fonction. Séance du 19 Mai 1821. Le Secrétaire a donné lecture du programme pour le concours de 1822, qui a été approuvé et arrêté. Séance du 26 Mai 1821. Le Secrétaire a mis sous les yeux de l'Académie la liste des sociétés ou corps savans auxquels les nouveaux mémoires de l’Académie, et le recueil de ceux qui ont remporté le prix en 1817, ont été envoyés. Les sociétés ou corps du pays auquel cet envoi a été fait, sont : L'Institut royal des Pays-Bas; La société hollandaise des Beaux-Arts et des Sciences, à Amsterdam ; La société hollandaise des Sciences, à Harlem ; La société provinciale des Sciences, à Utrecht ; La société zélandaise des Sciences, à Middelbourg ; La société de Littérature, à Leyde ; La société pour l’encouragement de l’industrie nationale, à Harlem ; La société royale des Beaux-Arts et de Littérature de Gand ; La société royale d'Agriculture et de Botanique de Gand ; La société royale de Rhétorique de Gand ; La société d'Emulation de Ziége ; LXX JOURNAL Les Universités de Leyde, Utrecht, Groningue, Gand, Louvain et Liése; Les Athénées d'Amsterdam, Franeker et Deventer ; Les bibliothéques publiques de Bruxelles, Bruges et Anvers. Les soctetés étrangères sont : L'Institut de France; L'Académie impériale des Sciences de Petersbourg ; La société royale de Londres ; La société royale des Sciences de Turin; L'Académie royale des Sciences de Berlin ; L'Académie royale des Sciences de Stockholm ; L'Académie royale des Sciences de Lisbonne ; L’Académie royale des Sciences de Bavière, à Munich ; La société des Sciences de Philadelphie ; La société des Sciences de Boston. Et il a été résolu que dans la suite on continuerait à envoyer ces mé- moires aux mêmes sociétés, corps ou établissemens. Le Secrétaire ayant recu, sous la date du 29 janvier dernier, une lettre de M. Raepsaet, membre de cette Académie, par laquelle il manifestait le désir de voir publier la précieuse collection des manuscrits relatifs à l'his- toire du pays, recueillis par feu M. de Nélis, évêque d'Anvers, et dont M. Van Hulthem a fait en grande partie l’acquisition, en a dans le temps informé et entretenu l’Académie, et en a conféré avec M. Van Hulthem. Il a aujourd'hui rappelé cet objet à l'attention de l'assemblée, et M. Van Hulthem, ayant donné sur la nature, le nombre, le contenu et l’état de ces manuscrits, les détails les plus amples, il a été résolu de charger une commission prise dans le sein de l'Académie de faire un rapport sur les moyens d'exécuter ce projet, en indiquant la forme qui paraîtrait la plus convenable à donner à ce recueil, et les ressources ou moyens par lesquels on pourrait subvenir aux frais de cette vaste entreprise. En conséquence, M. le Président a nommé, pour former cette commission, MM. Van Hul- them, de Geer et Dewez. DES SÉANCES, etc. xx) Séance du 16 Juin 1821. M. Van Hulthem, au nom de la commission chargée de présenter à l’A- cadémie un rapport sur les moyens d'exécuter le projet de publication des manuscrits historiques, a donné lecture de ce rapport, qui a donné lieu à une discussion, dans laquelle on a balancé les grands avantages qui résul- teraient de ce projet, avec les difficultés que présente son exécution; et après cette discussion, on en est revenu à la question préalable, savoir : s'il serait donné suite à ce projet , et M. le Président, l'ayant mise aux voix, il a été résolu à la très-grande majorité que le projet serait pris en consi- dération. En conséquence, le Secrétaire a été chargé d'informer M. Raepsaet de cette résolution, et de lui adresser le rapport, en l’invitant à présenter ses observations sur le tout. Après quoi, M. Dewez a donné lecture d’une dissertation faisant partie de son mémoire sur les endroits de la Belgique , renommés dans les Com- mentaires de César. Ce morceau a pour objet l'endroit appelé dans plu- sieurs éditions A/uatuca, au 6° livre. Séance du 7 Juillet 1827. M. le Commandeur de Nieuport fait une proposition relative à l’usage établi de renvoyer à l'examen de trois Commissaires, les mémoires lus en séance par les Académiciens. Il observe qu'en principe, l’Académie n'étant sujette à aucune solidarité ou responsabilité à l'égard des opinions de ses membres en matière de science ou de littérature, ne doit juger les mé- moires qui sont lus que sous deux rapports; en premier lieu, sous celui des convenances générales, qui (ce qu'on ne doit cependant pas présumer) pourraient être blessées par des opinions contraires aux lois, au bon ordre, aux principes du gouvernement ou aux intérêts de la société; et en second lieu, sous celui des règles littéraires, qui pourraient être enfreintes par des vices essentiels contre la langue ou contre le style, et propres à déparer un recueil académique. Ce ne serait que pour l'une ou l’autre de ces causes que l’Académie pourrait s'opposer à l'impression d’un mémoire, et non pour les opinions des auteurs sur les points de science ou d'histoire qu'ils auraient traités : ils sont entièrement libres à cet égard , et ils ne peuvent être subordonnés à celles de leurs confrères. C’est le publie seul qui est LXXI] JOURNAL leur juge. Il paraît donc inutile, selon M. de Nieuport, de renvoyer, comme cela s’est fait jusqu’à présent, ces sortes de mémoires à l'examen des Com- missaires pris dans le sein de la compagnie, et il suffit qu'ils aient été lus dans une séance publique, où chacun a le droit de faire ses observations, et où par conséquent les ouvrages peuvent être librement discutés. C’est ainsi d’ailleurs que cela se pratique dans la plupart des Académies. M. le Commandeur ajoute que, d'un autre côté, cette marche entraîne des lenteurs et apporte des entraves à la publication des mémoires par les renvois et les circuits qu'ils doivent faire pour passer d'une main à l'autre, et les Commissaires nommés pour cet examen, n'ayant pas toujours le temps de s'en occuper dans le moment où ils les reçoivent, sont obligés de les retenir quelquefois assez long-temps. Cette proposition a été appuyée par tous les membres présens. Cependant l'assemblée à pensé qu'il serait bon de la reproduire à une des séances prochaines, afin que chacun ayant eu le temps de la murir, puisse présenter les observations qu’un examen plus réfléchi aurait pu lui suggérer, ou afin que les membres absens de cette séance , et qui pour- raient intervenir à une des suivantes, puissent également donner leur opi- nion à ce sujet. En conséquence, M. le Président, ayant mis aux voix la question de savoir si l'on donnerait suite à la FrAPSAUSn elle a été réso- lue affirmativement à l'unanimité, Après quoi, le Secrétaire a donné lecture de la lettre qui lui a été adressée par M. Raepsaet, contenant ses observations détaillées sur le rapport de la commission composée de MM. Van Hulthem, de Geer et Dewez, au sujet de la publication des manuscrits historiques. Après cette lecture, M. le Commandeur de Nieuport explique son opinion sur ce projet: il est d'avis que l’Académie s'offre à diriger la publication d’un assez grand nom- bre de manuscrits inédits sur l’histoire belgique, faisant partie de la riche collection de M. Van Hulthem, pourvu que le nombre des souscripteurs, avec les secours qu'elle pourrait obtenir du gouvernement, suffise pour en couvrir les frais. Cette publication commencerait par le manuscrit de Pierre à Thymo. Cet ouvrage serait précédé d'une notice préliminaire sur son au- teur et sur son contenu, et accompagné de notes, et la première souscrip- DES SÉANCES, etc. Lxxii tion se bornerait à ce premier essai. De là on passerait successivement aux autres, pour lesquels les mêmes souscripteurs auraient la liberté de s’in- scrire également , si, comme on n'en doute pas, cette première livraison ob- tenait leurs suffrages. L'Académie, sans prendre encore aucune détermination sur cet objet, a résolu de renvoyer la lettre de M. Raepsaet et la note de M. de Nieuport, transcrite ci-dessus, à la commission, afin qu’elle fasse un rapport sur le tout. Le Secrétaire a ensuite remis de la part de M. Raepsaet, son second me- moire sur la législation des Gaules, intitulé : Lex Ecclesiastica. Renvoyé à l'examen de MM. Cornélissen, Van Hulthem et Dewez. La séance a été terminée par la lecture que M. Dewez a faite d'une courte dissertation sur le texte de César, liv. 6, ch. 33, où il est dit que l'Escaut se rend dans la Meuse. Cette dissertation termine le mémoire de l’auteur sur les différens endroits de l'ancienne Belgique dont parle César, et M. le Président l'a renvoyée , ainsi que la précédente sur l’endroit appelé Atua- tuca , à l'examen de MM. ie Duc d’Ursel, Cornélissen et lui-même. Séance du 4 août 1821. L'assemblée s'est ensuite occupée de la proposition faite à la dernière séance par M. de Nieuport, relativement à l'usage établi de renvoyer à l'examen de trois Commissaires, les mémoires lus en séance par les mem- bres de l’Académie ; et comme, après une première discussion, il avait été résolu qu’il serait donné suite à cette proposition, on en a établi une nou- velle, à l'effet de prendre une résolution définitive. M. le Printe de Gavre, Président, a observé qu'il pourrait d'abord être fait une lecture, et que, si l'assemblée ne croyait avoir ni observation ni objection à faire sur l'ou- vrage, il pourrait, sans autre formalité, être inséré dans le recueil des mé- moires imprimés ; que dans le cas où elle désirerait un examen plus ap- profondi de l’ouvrage, on pourrait exiger une seconde lecture ; que, dans tous les cas, il serait libre à l’un ou l’autre des membres d'en demander communication; qu'au reste, l’auteur, qui croit nécessaire de s’aider des lumières et des avis de ses confrères, serait toujours libre, avant de com- muniquer son mémoire à l'assemblée, de consulter ceux qu'il trouverait TO LXXIV JOURNAL convenir. L'Académie, ayant trouvé que ces précautions étaient propres à tout concilier, a adopté la proposition de M. le Commandeur de Nieuport avec l’amendement de M. le Prince de Gavre. Comme M. Van Hulthem, l’un des membres de la commission, chargée de chercher et de proposer les moyens de publier les manuscrits histori- ques, n’était pas présent à la derniére séance, où il a été fait lecture de la lettre adressée au Secrétaire par M. Raepsaet à ce sujet, il en a été donné dans cette séance communication à M. Van Hulthem, qui, ayant en géné- ral trouvé de bonnes vues dans ce projet, a insisté sur son exécution en grande partie. L'Académie a en conséquence chargé la commission de lui faire un nouveau rapport, qui présenterait un projet de Prospectus, pour être communiqué à Son Excellence le Ministre de l'instruction publique, à l'effet de savoir, si d'après le plan qu'on proposerait, on pourrait espé- rer sur la coopération du Roi, pour donner à ce projet l'exécution dési- rable, Le Secrétaire a finalement donné lecture d’une lettre de M. Garonne, avocat à Paris, du 1°* juin dernier, par laquelle il le prie de remettre à la personne qu'il indique, le mémoire qu'il a envoyé au concours de 182r, sur la population, le commerce et l’industrie des Pays-Bas, etc., ayant pour devise : /e commerce est le lien des nations et le mobile le plus puissant de leur prospérité , afin qu'il puisse le revoir et le corriger. Il a été observé à cet égard que l'usage constant de l'Académie s'oppose à ce qu'on puisse ac- céder à la demande de M. Garonne, l’Académie croyant devoir retenir l'expédition qui lui est adressée, comme étant la pièce justificative sur la- quelle elle base son jugement, et le Secrétaire a été chargé de répondre dans ce sens à M. Garonne. Vacances jusqu'au mois d'octobre. Séance du 6 octobre 1821. Le Secrétaire a donné lecture de la lettre de M. Garonne, du 19 août dernier, en réponse à celle qui lui a été écrite le 13, conformément à la résolution prise dans la séance du 4, pour l’informer que l'Académie ne pouvait lui rendre son mémoire comme il l'avait demandé. Dans cette lettre, M. Garonne insiste vivement sur la remise de ce mémoire, préten- DES SÉANCES, etc. LXXV ‘ o. dant que le programme de l'Académie n'ayant pas énoncé que les mémoires qui avaient coucouru aux prix, ne seraient pas rendus aux auteurs, il ne pouvait être lié par une condition qui n'était pas exprimée; et déclarant que sison mémoire n’est pas remis à M. Palmaert, à Bruxelles, à qui il en a envoyé le récépissé, il se pourvoirait contre l'Académie par tous les moyens qui sont en son pouvoir. L'Académie, après avoir délibéré de nouveau sur l'objet de cette lettre, a résolu de persister dans sa résolution précédente, appuyée sur l'usage constant de cette compagnie, comme de tant d'autres, de l'Institut de France même. M. Van Hulthem a rappelé à ce sujet qu'en 1818, un auteur, qui ne s'é- tait pas fait connaître, avait demandé qu'on lui rendit son manuscrit après le jugement de l’Académie, et que celle-ci fit connaître à l’auteur, par l'organe de son Secrétaire et par la voie des feuilles publiques, que l'usage constant de l'Académie s’opposait à ce qu’elle accédât à cette demande; que dès que les mémoires avaient été soumis au jugement de la commis- sion nommée à cet effet, ils restaient déposés aux archives; qu’ainsi, si l'auteur persistait dans sa demande, il était prié de faire reprendre son mé- moire avant le 15 février, en le prévenant qu'elle attendrait jusqu'a ce jour pour l'envoyer à l’examen de la commission; qu'un avis concu dans ces termes fut inséré entr'autres dans l'Oracle, n° 36, du jeudi 5 février 1818. L'auteur n'a plus réclamé, et le mémoire a été examiné et remis aux archi- ves, comme tous ceux qui, depuis l'institution de l’Académie, ont subi l’examen. L’Académie, considérant donc que, par ce moyen, qui d’ailleurs s’est représenté plus d’uue fois, le public était suffisamment informé de cet usage, a chargé le Secrétaire d'écrire dans ce sens à M. Garonne, et de le prévenir, du reste, qu'il peut faire prendre ici copie de son mémoire, faculté que l'Académie accorde à tous les auteurs. Le Secrétaire a également donné lecture d’une lettre de M. Vène, capi- taine du génie, du 7 août dernier, par laquelle, après avoir accusé la récep- tion de la médaille qui lui a été adressée, il annonce: 1° qu'il est l’auteur du mémoire sur les vitesses virtuelles, qui n’est parvenu à l'Académie qu'a- près le terme fixé pour la remise des ouvrages envoyés au concours; qu'il désire faire hommage de ce mémoire à l'Académie, et demande en con- séquence qu'on lui en adresse une copie, si elle consent à agréer cet hom- Image ; 20 qu'ignorant les conditions imposées aux auteurs des ouvrages 10. LXXV) JOURNAL couronnés, son mémoire sur la mécanique, qui a été couronné au con cours de 1820, a été inséré dans les travaux de l’Académie d'Arras, dont il est membre. L'Académie, bien convaincue que ce n’est pas sciemment qu'il a enfreint les conditions du programme, et ayant jugé l'ouvrage de M. Vène, sur la mécanique, très-digne de son approbation, a pensé qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à ce qu'il fût inséré dans son recueil. Quant au mémoire sur les vitesses virtuelles. Elle a considéré que ne faisant pu- blier que deux espèces de recueils, l’un des mémoires de ses membres, l’autre des mémoires couronnés , elle n’en a point où elle pourrait insérer celui de M. Vène ; et le Secrétaire a été chargé de lui répondre dans ce sens sur ces deux points de sa lettre, et de le remercier de la déférence qu'il témoigne à l'Académie, en lui offrant cet hommage, qu'elle regrette de ne pouvoir agréer. Séance du 22 Octobre 1821. Le Secrétaire a donné lecture de la réponse qu'il a adréssée à M. Garonne, dans le sens de la résolution prise dans la séance du 6 de ce mois. Le reste de la séance a été employé a entendre la lecture du second mé- moire de M. Raepsaet, sur Za législation des Gaules , comprenant la lex eccle- siastica, et l'assemblée a été unanimement d’avis que ce mémoire fût im- primé. Séance du 3 Novembre 1821. Le Secrétaire a donné communication de la dépèche de Son Excellence le Ministre de l'instruction publique, du 23 octobre dernier, par laquelle elle l'informe que S. Majesté, par son rescrit du 18 du même mois,n°78,a approuvé la nomination de MM. Ze Normand et de Moléon , de Paris, comme membres correspondans de l'Académie; nomination faite dans la séance du 14 octobre 1820. I] s'était alors élevé une difficulté sur ce point. Comme depuis son insti- tution, l’Académie n'avait pas nommé de correspondans , et que le régle- ment d’ailleurs n’en parle pas, l'assemblée avait douté si elle avait le droit d'en nommer, et c’est d'après cela que le Secrétaire avait été chargé de s'adresser au Ministre pour le prier, s’il n'y trouvait pas d’obstacle, de pré- senter à l'approbation de Sa Majesté, la nomination de MM. de Moléon et le Normand, DES SÉANCES, etc. xx Vi) Comme cette résolution {n’avait pas été exécutée, le Secrétaire actuel a rempli cette obligation, et a obtenu la décision dont il vient de donner connaissance à l'assemblée. Cette disposition prise pour ce cas particulier, consacre un principe général. Ainsi, ce point, sur lequel l'Académie avait formé des doutes, est maintenant fixé, c'est-à-dire, qu’elle a le droit de nommer des membres correspondans, et cette dernière disposition doit, dès maintenant, être considérée comme un point organique, et conséquem- ment comme un article amplificatif du réglement du 3 juillet 1816. Après quoi, M. Dewez a donné lecture d’une dissertation sur cette ques- tion : À quelle epoque les comtes et les ducs sont-ils devenus héréditaires dans la Belgique? Et l’assemblée a été d'avis qu’elle pouvait être insérée dans la collection académique. Séance du 3 Décembre 1821. M. Dewez a lu un mémoire de sa composition sur cette question: 4 quel titre Baudouin, surnommé Bras-de-Fer, premier comte de Flandre, a-t-il gouverne cette province ? Est-ce comme prince héréditaire, ou comme uSUrpa- teur? Et l'assemblée a pensé qu'il pouvait être imprimé comme le pré- cédent. Après quoi, M. de Nieuport a rappelé à l'assemblée que l’Académie ayant adopté l'usage de donner aux membres dont les mémoires auraient été lus en séance et insérés dans la collection imprimée, douze exemplaires de leurs propres mémoires, il lui paraît qu’il serait juste d'étendre ce privi- lége aux auteurs des mémoires couronnés, et il en a fait la proposition, qui, ayant été discutée et débattue, a été mise aux voix, et adoptée à la pluralité, Séance du 7 Janvier 1822. Le Secrétaire a communiqué une lettre de M. Jullien, de Paris, l’un des rédacteurs de la Revue encyclopédique, datée de Paris, le 30 novembre 18217, par laquelle il fait hommage à l’Académie d’un ouvrage intitulé : Æssar général d’éducation physique, morale et intellectuelle, etc., dont il est l’au- teur, ainsi que de deux brochures, l’une ayant pour titre : Esquisse d'un plan de lectures historiques , etc., et l'autre : Coup-d’œil sur la revue ency- ciopédique, etc., et demande d’être admis au nombre des membres corres- pondans de l'Académie. LXXVI) JOURNAL L'assemblée a agréé le don de M. Jullien; mais quant à sa demande, ayant pris en considération que les ouvrages présentés par cet écrivain, esti- mables d’ailleurs, tant par leur mérite littéraire que par leur but moral, sont cependant étrangers aux objets dont l'Académie s'occupe, elle a résolu qu’elle ne pouvait l’admettre sans violer les principes constitutifs de la so- ciété, et elle a chargé le Secrétaire de répondre à M. Jullien, d'abord, pour le remercier de l'envoi de ses ouvrages, et ensuite pour l’informer qu’elle ne pouvait déférer à sa demande, en lui témoignant ses regrets. Après quoi, le Secrétaire a donné lecture d’une dissertation envoyée par M. le Baron de Villenfagne, intitulée : Recherches sur la decouverte du char- bon de terre dans la ci-devané principauté de Liège, vers quel temps, et par qui elle fut faite. M. Kickx a également fait lecture d’une dissertation sur les traps strati- formes. L'assemblée à été d’avis que ces deux dissertations pouvaient être insé- rées dans la collection qui est sous presse. Séance du 4 février 1822. Le Secrétaire a rendu compte des mémoires qui lui sont parvenus pour le concours de cette année, et M. le Président a nommé les Commissaires chargés de les examiner. M. Kickx a ensuite donné lecture d’un extrait de ses observations meéteo- rologiques , faites à Bruxelles, pendant les mois de novembre et décembre 1821, et vu l'intérêt qu'elles présentent, l’assemblée a résolu qu’elles se- raient insérées dans le second volume des mémoires de l’Académie , en invitant au surplus M: Kickx, de continuer à faire part à l'Académie de ses observations ultérieures. F Après quoi, le Secrétaire a rappelé à l'assemblée que le discours préli- minaire, qui devait être placé à la tête du premier volume des nouveaux mémoires, n'ayant pas été fait, il serait inconvenant qu'il parût à la tête du second; que cependant, d'un autre côté, il est indispensablement néces- saire qu'il existe dans les actes de l'Académie une pièce, quelle que soit sa DES SÉANCES, etc. EXXIX dénomination, qui rappelle le temps et présente les causes de la cessation des travaux de cette compagnie, l’époque et les circonstances de sa restau- ration, l'état des sciences dans ces provinces d’une époque à l’autre, etc., et il a proposé de remplir cette tâche par un rapport qu'il serait chargé de présenter à l'Académie, et qui traiterait les objets qu'auraient dû faire la matière du discours préliminaire. Ce rapport, a ajouté le Secrétaire, attein- drait le même but, etprésenterait en même temps plusieurs autres avantages que ne comporterait pas la forme d’un discours préliminaire. D'abord, un rapport peut être placé indifféremment dans un volume ou dans l’autre, et même mieux dans Île second, parce qu’on pourrait y faire entrer l’histoire des travaux de l’Académie depuis son rétablissement. Comme, d'ailleurs, les notices des académiciens morts n’ont pas été faites, et qu'il ne serait guère possible, vu le long espace de temps qui s'est écoulé depuis l'institu- tion de l'Académie, de se procurer maintenant les documens ou rensei- gnemens nécessaires pour rédiger ces notices, dans tous leurs détails, on pourrait insérer dans ce rapport les notices, sinon biographiques, dans le strict sens du mot, du moins littéraires, des membres qui se sont signalés par leurs travaux académiques, sauf à rejetter dans des notes les détails qui ne pourraient être convenablement assortis à la forme que doit avoir un rap- port de ce genre. Enfin, comme il est temps de présenter le journal des séances, depuis la restauration de l’Académie, on pourrait très-bien placer ce journal au commencement du second volume, et le terminer par la séance de ce jour. Le rapport suivrait immédiatement le journal, de sorte que l’un serait la suite et le complément de l’autre, et présenterait ainsi l'état des travaux et des opérations de l'Académie à la date de ce jour. Ge rapport aurait, au moyen de ce plan, l'avantage d’être parfaitement à sa place, tandis que le discours préliminaire serait tout-à-fait déplacé. Cette proposition ayant été discutée et mise aux voix, a été unanimement adoptée, et le Secrétaire reste en conséquence chargé de la rédaction de ce rapport dans le sens et dans la forme qu'il a proposés. FIN. À ie) ANA #04. AN i aies | ; f | fs L è tubes 8 Fe Ë | À ’ à ! \ > ù > = # \ { Ë Fat E 14 # : 1 FRA = Û - # V7 (l Hd \ UE ÿ a 4 | $ à si à » 1h 1: ; + Ë RAPPORT DE L'ÉTAT DES TRAVAUX ET DES OPÉRATIONS DE L'ACADÉMIE, 1°. Depuis son institution en 1769 sous la dénomination de SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE, et celle d'ACADÉMIE en 1772, Jusqu'à sa dissolution en 1794; 20. Depuis sa restauration en 1816, jusqu’en 1822; Précédé d’une introduction présentant les progrès des sciences et des lettres dans la Belgique avant le 18° siècle ; Par M. DEWEZ, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL. LU DANS LES SÉANCES DU 29 OCTOBRE ET DU II NOVEMBRE 1922. Tome II. I SARA ARRIVA D LAID RU VE LR LL LR RL RL LR RL LE LD LD UT LR AA An INTRODUCTION. Nes sciences et les lettres, entièrement négligées dans la Belgique, comme dans toute l'Europe, pendant les siècles d’ignorance, ne sortirent de ce chaos qu’au 14€ siècle (x). C’est à cette époque que s'établirent dans les provinces flamandes ces sociétés généralement connues sous le nom de Rhétoriques , où l'on donnait des représentations théâtrales, où l’on pronon- . cait des harangues et des panégyriques, où l'on distribuait des prix. Alost en avait deux ; celle qui porte le titre de Ste-Catherine, paraît être la plus ancienne qui soit connue. Celle de Diest existait dès l'an 1302 (2). Dixmude en comptait trois en 1394. Elles se multiplièrent beaucoup dans le siècle suivant : Bruxelles en comptait cinq; Louvain et Courtrai, trois ; Lierre et Termonde, deux : Ninove, Hérentals et Nieuport en fondèrent également une dans le même temps. Les grandes villes, Anvers, Gand, Bruges, Ma- lines, s’empressèrent d’en établir sur le même modèle; mais le temps pré- cis de leur création est inconnu. Les premiers essais qui en sont sortis, ne sont pas sans doute des chefs-d'œuvre de goût. Dans l'enfance des arts, tous les essais sont informes. Mais enfin c'était un premier pas, et quelque gros- siéres que soient les premières productions de nos Rheétoriques , que les Français ont peut-être trop ridiculisées (qu'il nous soit du moins permis de prendre notre revanche), ne valent-elles pas les Mystères de la Passion et les Martyres des Saints, qu'on jouait avec magnificence et qu'on applau- dissait avec enthousiasme sur les théâtres de France, où une troupe d’his- trions ridicules jouait les Saints, la Vierge et Dieu par piété (3). (1) Le Discours préliminaire, qui est à la tête du premier volume des anciens mé- moires, donne déjà une idée générale de l’état des sciences et des lettres dans les quinzième et seizième siècles. Je n’ai d'autre intention et d'autre prétention que d’y donner plus de développement. (2) C’est du moins à cette année que Gramaye fixe son origine. (3) Boïleau, Art poët., chant 3. iv RAPPORT SUR LÉTAT C'est à la brillante époque où la maison de Bourgogne réunit sous sa puissance toutes les provinces belgiques, que les sciences et les lettres, soutenues par la protection éclairée de Philippe-le-PBon, prirent un si vif essor, qu'il ne put être rallenti par les longues calamités qui affligèrent ces provinces sous la triste domination de PhïippeIl; et le beau règne d’Albert et d'Isabelle donna à la littérature et aux arts ce lustre et cet éclat qui ont fait de ce règne une des plus glorieuses époques de notre histoire. C’est en effet à la protection dont ces augustes princes honorèrent les savans, que la Belgique est redevable de cette gloire. Juste-Lipse, qui est regardé comme le restaurateur des bonnes études dans la Belgique, remplis- sait alors l'Europe de l'éclat de son nom. Albert et Isabelle ne crurent pas compromettre leur dignité en assistant à sa lecon. Il ne s'attendait pas à cet honneur , et il tira le parti le plus heureux de cette circonstance inopinée. Le traité de Sénèque sur la clémence était ouvert devant lui, et il fit de cet intéressant sujet le thême d'un discours improvisé qu’il adressa à ses illustres auditeurs; et déguisant adroitement l'austérité d'une lecon sous la forme d'un éloge délicat , il trouva le moyen de rappeler à ces princes la plus noble prérogative des rois, celle par laquelle, comme dit Cicéron, ils approchent le plus de la divinité (1). La Belgique, si dignement encouragée par ses souverains, imita bientôt l'essor qu'avait pris l'Italie, et la noble émulation qui s’empara des esprits, enfanta dans le climat de la Flandre et du Brabant, qu'on croyait si froid, des poètes qui écrivirent avec autant de pureté que de grâce dans la langue de Virgile et d’Horace. Hosschius, dans ses élégies (2), réunit si éminem- ment les qualités qui caractérisent le vrai poète, élévation dans les pensées, richesse dans les images, grâces dans le style, qu'au jugement même de Baillet, on le croirait né aux temps les plus heureux de Rome florissante. Bécan (3), dans ses idylles, a su prendre ce ton doux, simple, naïf, qui (1) Homines ad Deos nullä re propius accedunt quäm salutem hominibus dando. Pro Ligar. n. 39. (2) Hossch (Sidronius), Jésuite, né à Merckhem, village voisin de Dixmude, en 1596; mort à Tongres en 1653. (3) Bécan (Guillaume); Jésuite, né à Ypres, en 1608; mort à Louvain le 12 dé- cembre 168% DES TRAVAUX DE L’'ACADEÉMIE. y constitue le véritable caractère de la poésie pastorale. Wallius (1), dans ses odes et ses élégies , attache autant par la noblesse et la délicatesse des pensées, qu'il plaît par la pureté et l'élégance des expressions. Dans le siècle précédent, où la triste Belgique venait de sortir des ténè- bres de l'ignorance, des savans avaient commencé à débrouiller le chaos de l’histoire. Avant ce temps, à la vérité, Sigebert de Gembloux avait donné sa fameuse chronique, qu'Anselme continua. Ce sont des recueils précieux qui servent du moins à classer les faits, à préciser les époques et à dissiper la nuit dont l'histoire de ces siècles ténébreux est enveloppée. Il fàut en dire autant des autres chroniques particulières, telles que celles” de Metz, de Fulde, d’Afflighem, d'Anchin, de Réginon, de Frodoard, etc. Ce ne sont que des annales sèches, ou pour mieux dire, des squelettes chronologiques, qui présentent les faits avec une briéveté désespérante, surcharsés de circonstances puériles et défigurées par des contes absurdes. La Chronique de Froissart, qui n’a pas ces défauts , présente dans les plus grands détails, mais avec plus d'intérêt, les événemens les plus mémo- rables du quatorzième siècle. C’est en général un très-bon garant. Mons- trelet, continuateur de Froissart, a surpassé son modèle. Sa Chronique est écrite avec un ton de naïveté, un caractère d’impartialité et (ce qui est bien étranger à son siécle) un esprit de critique, par lesquels il plaît, inté- resse et instruit tout à la fois. Les Mémoires de Philippe de Commines, qui commencent à peu près où Monstrelet finit, réunissent également, je dirai même dans un degré supérieur , le double mérite de l'intérêt et de l’agré- ment, soit qu'on le considère du côté des faits, soit sous celui des ré- flexions, ou sous celui du langage même, qui, malgré sa vétusté, plaît par sa naïveté et sa précision. Ces trois histoires réunies présentent à peu près celle de deux siècles, rédigées, pour ainsi dire, par des témoins qui déposent sur les faits qu'ils ont vus, et dans lesquels ils sont quelquefois intervenus (2). —— — (:) Wallius (Guillaume), jésuite, né à Courtrai, en 1599; mort vers l’an 1680. (2) La Chronique de Froissart s’étend depuis 1326 jusqu’en 1400; celle de Mons- trelet, depuis 1400 jusqu’en 1467, et les Mémoires de Commines, depuis 1464 jusqu’en 1498. vj RAPPORT SUR L'ÉTAT Dynter avait déjà ausi publié sa Chronique des ducs de Bourgogne et de Brabant, renfermant un espace de plus d'onze cents ans; chronique inté- ressante pour les particularités relatives à l’histoire de la maison de Bour- gogne sous les règnes d'Antoine, de Jean IV, de Philippe I et de Philippe- le-Bon, ei que l’auteur, qui avait été secrétaire de ces princes, rapporte également comme témoin oculaire. Le Hainaut possédait une Chronique composée par un de ses princes, Baudouin d'Avesnes , frère du comte Jean, qui vivait vers l'an 1289 (x). Jacques de Guyse avait aussi donné une Histoire de cette province, qui finit à peu près à l'époque où vivait Baudouin d’Avesnes ; et Gislebert, chancelier de Baudouin-le-Courageux, avait rédigé une chronique depuis Herman et Richilde jusqu'à la mort de Baudouin, c'est-à-dire ; pendant l'espace du près d'un siècle : ouvrage d'autant plus précieux, dit le mar- quis du Chasteler , qui a siégé avec tant d'honneur dans cette compagnie, et qui a donné en 1753 une édition de cette chronique, ouvrage d’autant plus précieux que l'auteur a non-seulement été témoin de la plus grande partie des faits qu'il décrit, mais qu’il a souvent été l'agent des négociations qu’il transmet à la postérité. Mais ce n’est qu'au seizième siècle que le champ aride de l'histoire com- menca à être défriché. Les historiens particuliers des différentes provinces, qui, dit le savant Paquot, n’ont guère que la forme d’annales ou de chroni- ques, sans critique et sans style, offrent à la vérité plus de ressources que tous les vieux chroniqueurs dont je viens de parler; mais ne présentent guère plus d'intérêt. Ces historiens , sans être très-agréables pour la forme, parce qu'ils n'ont pas le mérite et les agrémens du style, sont du moins pour le fond très-utiles à celui qui a le courage et la patience de compulser ces informes recueils. Barland avait donné la chronique des ducs de Bra- bant, et Molanus (2), l'histoire de leurs expéditions saintes. Divæus (3), annaliste pesant, mais érudit, avait publié une histoire générale du Bra- {1) Elle a été imprimée.en 1693 parles soins de Jacques Le Roi, qui y a ajouté des notes historiques. (2) Son véritable nom est Jean Vermeulen. (3) Son véritable nom est Pierre Van Dieve. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. vij bant et une histoire particulière de la ville de Louvain. Ils avaient ainsi préparé les voies à leurs successeurs , qui, animés par l'influence vivifiante de la noble protection d'Albert et d'Isabelle, marchèrent sur les traces de leurs dévanciers. Haræus, compilateur froid, mais fidèle, les suivit et souvent les copia. Ses Annales ne sont pas sans doute une histoire; ce n’est qu’une chronologie exacte, qui présente de très-bons matériaux. Butkens (1) et Vaddere (2) ont éclairci et développé une infinité de faits obscurs ou contestés, en s'appuyant sur des documens authentiques qui établissent la verité de ces faits. Leurs ouvrages ne sont pas non plus une histoire; ce sont de savantes recherches, de profondes discussions, qui constituent ce qu'on peut appeler la science de l'histoire. Meyer et Oudegherst, dans le seizième siècle, donnèrent, sous le titre d’Annales, l'un en latin, l’autre en français, une histoire complète de la Flandre. Le premier, plus exact et plus judicieux, a d’ailleurs le style plus pur, plus aisé, plus coulant, que les écrivains de son siècle. Le second, dans un français assez barbare ( c'était celui du temps où il écrivait), a donné cependant une véritable histoire, écrite sur de bons mémoires, et dans laquelle il a osé s’écarter de la route tracée par ses prédécesseurs, dont il n’a ni la sécheresse ni la confusion (3). Après ceux-ci, Sanderus, écrivain très-laborieux, a répandu beaucoup de jour sur l’histoire de la même province : il a laissé entr'autres un grand ouvrage sous le titre de Fandria illustrata (4), justement estimé et sou- vent cité, (1) Trophées du Brabant. (2) Traité de l’origine des ducs et duché de Brabant. (3) Feu M. Lesbroussart , membre de l’Académie de Bruxelles, en a publié une édition, enrichie d’excellentes notes; Gand, 1789, 2 vol. in-8. (4) La première édition en 2 vol. in-fol., 1641—1644, imprimée à Amsterdam, chez Blaeu , a été consumée dans l’incendie où ce célèbre imprimeur perdit tout son fonds de librairie le 25 février 1672. Van Lom en a donné une seconde édi- tion en 1735, 3 vol. in-fol. , et l’a augmentée de différens morceaux qui avaient été imprimés séparément. vi RAPPORT SUR L'ÉTAT C'est dans ce temps à peu près que Vinchant a donné en francais une histoire complète du Hainaut, depuis l’origine jusqu’à l’abdication de Char- les-Quint, sous le titre d'Annales de la province èt comté de Hainaut. Cet ouvrage augmenté et achevé par Ruteau, est puisé dans les bonnes sources, et il a un mérite assez rare dans ce temps : il ne manque pas de critique. La province de Namur a eu aussi dans ce temps son historien; c’est Gramaye. Mais cette histoire manque absolument d’exactitude. Celle des premiers temps ne présente qu'un roman ridicule, dans lequel il fait re- monter les souverains du comté de Namur au temps de Salomon. Le Luxembourg était la province dont l’histoire était la moins connue. Bertel , abbé d'Epternach , en débrouilla le chaos et en recueillit les événe- mens avec assez de méthode et même d'intérêt. Ces deux écrivains ont d'ailleurs l’avantage d'être entrés les premiers dans la carrière, et ils ont enhardi les autres à s'y élancer. Les jésuites de Marne et Bertholet, en suivant ces deux guides, ont mieux atteint le but. L'un nous a donné une très-bonne histoire de Namur, la seule peut-être qui, parmi celles des provinces belgiques, mérite ce nom. L'autre en a laissé une très-insipide et très-prolixe du duché de Luxembourg, dans la- quelle il a entassé sans goût comme sans méthode, tous les miracles des vieilles légendes; mais elle n’en est pas moins estimable pour les vastes re- cherches qu'il a faites et les utiles documens qu'il a recueillis. Pontus Heuterus, de Delft, Swertius et Gramaye, d'Anvers, on em- brassé un plus grand espace. Heuterus a traité l’histoire belgique dans une des périodes les plus intéressantes de nos annales, c’est-à-dire, sous la do- mination de la maison d'Autriche, à dater de son alliance avec celle de Bourgogne, en 1477, jusqu'en 1594. François Swert, ou Swertius, selon l’usage de ce temps, donna entr'au- tres ouvrages estimés, une description très- détaillée des dix-sept pro- vinces belgiques, fruits de ses longues veilles et de ses immenses recher- ches (1). (1) Belgit iotéus, sive XVIL provinciarum Germaniæ inferioris descriptio; 1603. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. ix Gramaye a également compris toutes les provinces, dans ses Antiquités belsiques , ouvrage qui présente souvent les détails les plus curieux, mais dont il faut cependant se défier; car il aimait le merveilleux, et il se plaisait surtout à en jeter sur toutes les origines. Mais un des écrivains les plus laborieux de ce temps est sans contredit Aubert Le Mire (Mirœus). Sans parler de sa Chronique et de ses Annales belgiques, quel service n'a-t-il pas rendu à l'histoire nationale en rassem- blant dans son grand recueil diplomatique, commenté et augmenté par Foppens, tous les anciens documens qui peuvent servir de fondement à l'histoire ecclésiastique et civile du pays? La littérature ancienne fut, dans toute cette époque, cultivée avec le plus grand succès. Despautère, Clénard et Van der Campen (1), par leurs grammaires latine, grecque et hébraïque, préparèrent les voies à l'étude de ces langues, et Daniel Heïnsius, de Gand, par ses traductions et ses édi- tions des meilleurs écrivains grecs et latins, en a propagé la littérature. La Belgique eut aussi dans ce temps son histoire littéraire. Miræus pu- blia en 1609 les éloges historiques des écrivains de la Belgique (2), et San- derus, en 1624, ceux des écrivains de la Flandre en particulier (3). Valère André et François Swertius donnèrent après ceux-ci, l’un sa Bibliothéque belgique (4), et l’autre, sous le titre d’Athenæ belgicæ , sa nomenclature des écrivains belges (5). Foppens réunit tous ces ouvrages, et en forma (x) Je compte cet écrivain parmi ceux de la Belgique, quoique né dans l’Over- Yssel, parce qu’il a été pendant plusieurs années professeur de langue hébraïque à Louvain, et que c’est dans cette ville qu'il a publié sa grammaire. (2) Ælogia illustrium Belgii scriptorum ; Antverpiæ, 1609, in-4. (3) De scriptoribus Flandriæ, librè III ; Antverpiæ, 1624, in-4. (4) Bibliotheca belgica de Belgis vita scriptisque claris ; Lovaniüi, 1643, in-4. C'est une nouvelle édition. Valère André accuse Swertius d’avoir pris la plus grande partie de son ouvrage intitulé 4thenæ beleicæ, dans la Bibliotheca bel- gica, publiée cinq ans avant l'ouvrage de Swertius, qui avait paru à Anvers en 1628. (5) Athenæ belsicæ; Antverpiæ, 1628, in-fol. Tome II. 2 x RAPPORT SUR L'ÉTAT une nouvelle histoire littéraire, sous le même titre que celle de Valère André (1), qu’il donna au public en 1739. Si les sciences ne firent pas d'aussi grands progrès, ce serait manquer à la vérité que de dire qu'elles furent absolument négligées dans la Belgique. Au reste, étaient-elles plus cultivées dans le reste de l'Europe ? La physique était entièrement inconnue; et qu'étaient les mathématiques? Cette science était si peu connue en France même, que Gerbert, qui en avait ouvert une école à Reims, où il en enseigna les premiers élémens, fut regardé comme sorcier. Il n’en eut pas moins la gloire d'introduire en France l'arithmétique, qu'il y avait apportée d'Espagne, comme Léon de Pise y introduisit l'algèbre, qu'il avait été chercher en Arabie. Les mathématiques commencèrent enfin à être cultivées avec quelque succès, quand Arnoud de Lens, né à Belœil, près d’Ath, en eut inspiré le goût à sa patrie. C’est lui qui déterra, pour ainsi dire, Euclide, et il denna une introduction aux Élémens de ce philosophe (2). Ce premier pas pro- mettait de grands succès; mais une mort malheureuse l'arrêta au müieu de sa carrière. Adrien Vlacq, de Gouda (3), y fit de grands progrès. Sa Tri- gonométrie et ses Logarithmes , qui ont été traduits en francais, ont servi de fondement à ceux d'Ozanam. Dans le même temps, un jésuite célèbre, Grégoire de St.-Vincent, né à Bruges (4), qui s'était appliqué avec ardeur à l'étude des mathématiques, (1) Bibliotheca belgica, sive virorum ir Belsio vita scriptisque tllustrium catalo- gus librorumque nomenclatura; Bruxellis, 1739, 2 vol. in-4. Valère André avait publié sa Bibliothéque en 1643 ; elle comprenait à peu près 2350 articles : Foppens y en ajouta 660 , et la continua jusqu’à l’an 1680. (2) Lens (Arnould de), ou Lensel, né à Belœil, près d’Ath. Il périt à Moscou dans l'incendie de cette ville par les Tartares, en 1375. (3) Plusieurs écrivains ont écrit ce nom avec l’U au lieu du V ; c’est une erreur; et confondant Garda avec Goude , l'ont fait de Gand, tandis qu'il est réellement de Gouda. (4) Grégoire de St.-Vincent naquit à Bruges en 1584. Il entra dans la société des jésuites à Rome à l’âge de 20 ans, et mourut à Gand le 27 janvier 1667. Il a laissé trois savans ouvrages de mathématiques : I. Opus geometricum quadra- turæ circuli et sectionum cont, decem libris comprehensum; Anvers, 1647 , 2 vol. in-fol. II. Theoremata mathematica; Louvain, 1624, in-4. III. Opus geometricum posthumum; Gand, 1668 , in-fol. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xj sous la direction du savant jésuite Clavius (1), les professa avec une grande réputation à Louvain. Aidé d'une imagination vive et d’un es- prit pénétrant (l'étude des mathématiques exige plus qu'on ne le pense généralement, ces deux qualités) , il est parvenu à résoudre le plus grand nombre de problèmes qui avaient fait le désespoir des anciens géo- mètres. Îl avait voulu comme tant d’autres prouver la quadrature du cercle, et il n’y a pas plus réussi qu'eux ; mais il n'est pas moins vrai de dire que l'ouvrage qui traite de ce problème, regardé maintenant comme in- soluble, contient un grand nombre de vérités et de découvertes importantes. Le fameux père Castel (2) disait que quand on possédait bien les ouvrages de Grégoire de St.- Vincent, on savait tout Newton, etque le géomètre anglais s'était enrichi des dépouilles du géomètre flamand. Outre ses ouvrages im- primés, ce savant géomètre a laissé un manuscrit autographe en plusieurs volumes ; c’est la bibliothéque de Bruxelles qui le conserve. Simon Stevin, né comme le précédent à Bruges, précepteur de mathé- matiques du prince Maurice de Nassau, et intendant des digues de Hol- lande, florissait à peu près dans le même temps (3). On a de lui un Traité de statique, en flamand, curieux et estimé. Il a aussi donné un Traité sur les ports de mer, également en flamand; et ce qui suffirait pour donner une haute idée de son mérite , c'est que l’illustre Grotius croyant que cet ouvrage étant écrit dans une langue trop peu répandue, ne serait pas assez connu, se chargea de le traduire en latin (4), L'optique, dans laquelle les anciens avaient fait quelques progrès, avait été enveloppée dans la proscription générale des sciences, triste résultat de l'invasion des barbares, et il était difficile de la relever. Le succès de cette science dépend d'une saine physique, qui était alors défigurée par les rêveries des pesans commentateurs d’Aristote; rêveries, dit un écrivain (x) Christophe Clavius, de Bamberg, jésuite, était, pour son temps , aussi pro- fond géomètre qu'habile astronome. Il mourut en 1612, âgé de 75 ans. (2) Louis-Bertrand Castel, de Montpellier, jésuite, mathématicien, connu par son Clavecin oculaire. (3) Il mourut en 1635. (4) Il est ainsi intitulé : De portuum investisandorum ratione, 1599. On a donné une édition des ouvrages de Stevin, en flamand; Leyde, 1605, 2 vol. in-fol. 2, xij RAPPORT SUR L'ÉTAT dégagé de prévention, aussi éloignées du véritable sens de l’illustre phi- losophe, que de l'ordre réel de la nature. Cependant un autre jésuite, nommé Francois d’Aiguillon, né à Bruxelles, publia en 1614 un Traité d'optique, qui, avant Newton, était très-estimé (c'était sans doute une espèce de prodige pour le temps), et qui, depuis les sublimes découvertes du philosophe anglais, est entièrement oublié. Les premiers essais en astronomie n'étaient que ridicuies. Stadius, né au village de Loenhout, près d'Anvers, et Taisnier, né à Ath, qui s’en occu- pèrent les premiers, ont laissé plusieurs ouvrages plutôt fondés sur les ab- surdes chimères de l'astrologie judiciaire, que sur les véritables principes de l'astronomie. Taisnier a donné même ( ce qui est bien plus absurde encore) dans la chiromancie, et il a rédigé, qui plus est, un traité sur cette prétendue science; car je croirais prostituer ce nom, si je l'appli- quais à ces extravagantes imaginations, quon peut regarder comme les délires de l'esprit humain. ‘Corneille Gemma, né à Louvain, fils du célèbre Gemma, dit le Frison, de Dokkum, cultiva l'astronomie comme son père. Ses ouvrages sur cette science ont le mérite, peu commun en ce temps-là, d’être écrit en un latin pur et en un style élégant. S'ils contiennent encore à la vérité (ce qui n'est pas étonnant) des erreurs physiques et peut-être des opinions ridicules , il ne faut les attribuer qu'aux préjugés de son siècle. Mais Phi- lippe Landsberghe, de Gand, développa savamment la théorie du mouve- ment des astres et de la terre, et il a eu le courage (car il en fallait pour cela dans ces temps où la superstition exercait encore tant d'empire sur. les esprits) de se déclarer ouvertement dans son Commentaire sur le mou- vement de la terre, pour le système de Copernic (1). Godefroid Wendelin, né à Herck, au comté de Looz, passa peu de temps après pour le plus habile mathématicien de son temps (2). Il professa la philosophie à Digne, en Provence, où il eut l'honneur de contribuer à former Gassendi. Ses Tables sur le mouvement du soleil sont encore estimées. Le jésuite Jacques (1) Tous les ouvrages de Landsberghe ont été réunis et publiés à Middelbourg, 1663, in-fol. {2) 1 naquit en 1580, ét mourut en 1660. DES TRAVAUX DF L'ACADÉMIE. xii} Tacquet d'Anvers, publiait dans le même temps (1) de bons ouvrages de mathématiques. Son Traité d'astronomie a conservé une réputatiou juste- ment méritée. Je regrette que mon plan, borné comme il doit l'être, aux provinces belgiques, ne me permette pas de parler de tant d'autres savans qu'ont produits les Provinces-Unies et le pays de Liége, qui étant étrangers aux provinces autrichiennes quand l’Académie de Bruxelles fut établie, ne doivent pas entrer dans mon sujet. Je m’abstiens donc de m'étendre sur cet Albert Girard, qui développa tant de vérités mathématiques, et qui-en entrevit tant d'autres, qu'il était réservé à Descartes de faire connaître ; sur ce fameux Huyghens, à qui l'on doit tant de belles découvertes et tant d'admirables inventions ; sur ce Sluse, de Visé, qui, pour en donner une haute idée en un mot, comme géomètre, fut honoré de l'estime et des éloges de Pascal. La géographie avait fait des progrès assez rapides. Les efforts des har- dis navigateurs, qui, depuis l'invention de la boussole, étaient parvenus à pénétrer dans tous les pays, avaient favorisé et facilité les études des géographes. Les pilotes avaient été souvent égarés sur des plages incon- nues par des cartes défectueuses. Ce fut Gérard Mercator, de Rupel- monde (2) qui, le premier, en apercut les défauts, et concut le projet de les corriger. Il rassembla dans son Atlas des tables ou descriptions géographiques de toute ia terre, et corrigea celles de Ptolomée, dont il donna une nouvelle édition (3). Mercator joignait à la sagacité de l'esprit la dextérité de la main; car c'était lui-même qui gravait et enluminait ses cartes (4). Abraham Ortélius d'Anvers, contemporain de Mercator, a embrassé toute la géographie dans son excellent traité, intitulé : Thea- (1) Il mourut la même année que Wandelin. Ses œuvres ont été recueillies et imprimées en un vol. in-fol.; Anvers, 1669 et 1707. (2) Et non de Ruremonde, comme l'ont avancé et répété les ‘biographes francais. (3) Elle est de 1589, in-fol. (4) Valère André dit en effet qu’il possédait à un degré éminent le talent de peindre, de graver et d'écrire. Fuit singularis in eo pingerdi, cælandi scriben- dique peritia. xiv RAPPORT SUR L'ÉTAT trum orbis terrarum. 11 fut surnommé le Ptolomée de son siècle. Son Z&- néraire dans la Gaule belgique est très-utite pour la connaissance de la géo- graphie du pays; c’est un guide sûr. La botanique était entièrement négligée. Le Malinois Dodoens (Dodonee), médecin des empereurs Maximilien IL et Rodolphe IT,sy appliqua le premier : il donna même une Histoire des plantes en latin (x). Dans le même temps, Charles de l'Écluse (Clusius), d'Arras, honoré, comme Dodoens, de la confiance de ces deux monarques, qui le chargè- rent de la direction de leur jardin des simples, et Mathias Lobel, de Lille, médecin de Guillaume, prince d'Orange et de Jacques I, roi d’An- gleterre, hâtèrent les progrès de cette science par leurs nombreux ouvrages, résultat de leurs propres recherches; ouvrages devenus presque classiques, surtout ceux de l'Écluse (2). La chimie était, pour ainsi dire, ignorée. Le Suisse Paracelse n'avait encore imaginé que des rêveries, que Jean-Baptiste Van Helmont, de Bruxelles (3), adopta trop avidement et trop légèrement. Il finit cepen- dant par rectifier les erreurs de son maître. De tous ses ouvrages (4), celui qui fit le plus de réputation et de mal à son auteur, est un traité in- tüitulé : De magnetica vulnerum curatione. La faculté de théologie de Lou- vain ayant jugé que cet ouvrage était manifestement hérétique, fit enfer- mer l’auteur dans les prisons de l'archevêque de Malines, et Van Helmont fit, pour en sortir, ce que l'amour de la liberté fit faire à tant de savans (1) Anvers, 1644, in-fol. L'Écluse ou Clusius en a donné une traduction fran- aise. (2) Les ouvrages de l’Écluse, plus connu sous le nom de Clusius, ont été recueil- lis en 3 vol. in-fol. ; Anvers, 1601, 160 et 1611, avec fig. — Lobel a publié en- t’autres une Histoire des plantes, en latin, in-fol ; Anvers, 1576. (3) 11 ne faut pas le confondre avec Francçois-Mercure Van Helmont, son fils. (4) Ils ont été recueillis et publiés à Leyde, 1669, et à Francfort, 1707. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xv persécutés : il se retracta et déclara qu'il abjurait des erreurs, dont, dans le fond de son cœur, il ne convenait peut-être pas (1). L’anatomie était une science ignorée. La médecine n'était guère qu'une affaire de mémoire, qu'un objet de curiosité. On ne connais- sait la nature des maladies que par les définitions, et l’on ne se doutait pas que la partie essentielle de l’art du médecin consiste à connaître le ca- ractère d'une maladie, à en pénétrer la cause, à en saisir et à en distin- guer les symptômes, à en suivre les degrés, les progrès, les variations. La médecine ne commenca à devenir une science que quand on com- prit que ce n'est point par de vains systèmes qu’on apprend à connaître, à suivre et à aider la nature, et que pour parvenir à guérir le corps humain, il faut commencer par le connaître. André Vésal, de Bruxelles, se livra à cette importante étude avec une sagacité et une ardeur, qui, dès les pre- imiers pas, lui valurent les plus grands succès. Il a consigné le fruit de ses travaux dans son Cours d'anatomie (2), enrichi de belles planches par Île Titien, et de notes savantes par Boerhave. Charles-Quint et Philippe IL l’honorèrent du titre de leur médecin. Je pourrais m’étendre ici sur l’état florissant des lettres sous le beau rè- gne de Charles-Quint. Deux grandes princesses, Marguerite et Marie d’Au- (1) Comme j'ai entendu contester l'existence de ce fait, je crois devoir ici le prouver, et j’ai pour garant une autorité bien grave : c’est l'archevêque de Malines même, Jacques Boonen. Voici comme il s’exprime dans son décret du 23 octobre 1646 : « Dicimus quod quamvis liber Helmontii inscriplus : Désputatio de magne- » tica vulnerum curatione, Parisiis impressus, et pleraque scripta manu ejus pro- » prià conscripta inter schedas ipsius reperta , postquäm mandato nostro appre - » kensus et custodiæ mandatus fuerit ob graves errores et plerasque assertiones > judicio gravissimorum facultatis Lovaniensis theologorum, partim apertè hære- » ticas, partim hæresim non parum redolentes, quæ dicto libro et schedis conii- » nentur eum nobis de hæresi et prava religione vehementer reddiderint suspec- » tum, etc. » Ce décret qui est inséré mot à mot dans Foppens, à l’article Joannes Baptista Van Helmont, tome 1, pag. 570, a été rendu sur la demande de la veuve Van Helmont, Marguerite Van Ranst, et l'archevêque y déclare que Van Hel- mont, après avoir reconnu et abjuré ses erreurs, est mort en bon catholique. (2) Il porte le titre de Corporis humani fabrica, dont la meilleure édition est celle de Leyde, 1525, 2 vol. in-fol., augmentée et corrigée par Boerhave. xv) RAPPORT SUR L'ÉTAT triche, l'une tante, l’autre sœur de Charles-Quint, contribuèrent infini- ment à leur donner cet éclat par leur protection éclairée. Mais je ne pourrais que répéter ce qui en a été dit dans le Discours préliminaire. L'amour des lettres et la culture des sciences s'étaient soutenues, chose étonnante ! au milieu du tumulte des armes et du fracas des révolutions sanglantes qui signalèrent le déplorable règne de Philippe IL. Comment se fait-il donc que ce soit précisément à l'époque de la paix, en 1643, qu'elles commencent à tomber en décadence ? Lorsqu'on a suivi avec tant d'inté- rêt et de plaisir les progrès de l'esprit humain, dans les siècles que nous venons de parcourir, on se sent affecté d'un sentiment bien pénible, quand on tombe tout à coup dans ces temps de ténèbres où les esprits paraissent frappés d’un engourdissement léthargique, triste image de la mort. Ainsi un voyageur, æprès avoir contemplé avec une joie pure les riches plaines et les riantes prairies que le PÔ arrose de ses eaux vivifiantes, voit avec effroi les déserts arides et les précipices affreux des Alpes, dont les uns présentent l'image de la nature morte, et les autres donnent la triste idée du vide. À quoi faut-il donc attribuer ce changement si subit, qui hâta dans nos provinces la chute des sciences et des lettres ? On ne peut le dissimuler. C'est à l'indifférence , ou pour mieux dire à l’indolence du gouvernement, dirigé par des ministres inhabiles dont les mains faibles laissaient flotter les rènes de l’état. La littérature se ressentit nécessaire- ment de l'inertie dans laquelle étaient tombées toutes les branches de l'administration, et cette décadence si prompte fut l'effet naturel de la lan- gueur mortelle dont le gouvernement était frappé. SARA RAA LAS AV LAS LR LV RAR LR VU LA LA LA LA AV LR AL LV RAR LL LAVAL ARR PREMIÈRE PARTIE, COMPRENANT LES OPÉRATIONS DE L’ACADÉMIE Depuis son institution en 1769 , sous la dénomination de SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE, ef sous celle d'ACADÉMIE en 1772, Jus- qu'à sa dissolution en 1794. Lx traité d'Utrecht avait amené une heureuse révolution dans la Belgique, qui, sous de nouveaux maîtres, prit, en quelque sorte, une nouvelle exis- tence. L'agriculture, le commerce, la population, éprouvérent une amélio- ration et une augmentation sensibles. Mais, il faut le dire, les lettres, peu protégées, restèrent dans un état de langueur qui menacait la Belgique de retomber dans les siècles d’ignorance. Il était réservé à une grande prin- cesse de la relever cet état d'abaissement. Après avoir, par son habileté et son admirable courage, triomphé de ses ennemis conjurés pour la dépouiiler de son héritage, Marie-Thérèse, dont les Belges ne prononceront jamais le nom sans attendrissement, employa les beaux jours qui suivirent la paix d'Aix-la-Chapelle, à fermer les plaies de l’état. Cette auguste princesse, dont on aura d’un seul mot tracé l’histoire pour ce qui regarde nos pro- vinces, en disant : {es Belges furent heureux, porta ses regards sur les lettres et les arts, les protégea, les encouragea, récompensa et honora les savans. Un ministre éclairé, dont le nom a laissé un si beau souvenir dans lesprit des Belges, le comte de Cobenzl, seconda de tous ses efforts et de tous ses moyens les nobles intentions de sa souveraine. C’est alors, en 1769, qu’une réunion d'amis des lettres forma sous la protection de cet habile ministre une compagnie sous le nom de Société litteraire. Les membres en furent Tome IT. 3 xviij RAPPORT SUR L'ÉTAT nommés par l’impératrice même (r), qui autorisa cette Société à décerner deux prix, l'un d'histoire et l’autre de physique. Elle s’occupa d’abord à débrouiller le chaos de l'histoire ancienne du pays, en proposant des ques- tions qui tendaient à ce but. On se forma un plan. On s’attacha d'abord à une époque : on remonta aux premiers siècles de l'ère vulgaire, et l’on s'arrêta au 9€ siècle. On considéra l’histoire du pays sous les trois rapports les plus intéressans, géographique, politique et moral, et l'on procéda par ordre. On demanda donc pour le concours de 1769 : Quels étaient les en- droits compris dans l’étendue des contrées composant les dix-sept pro- vinces des pays-Bas et le pays de Liège, qui pouvaient passer pour villes avant le septième siècle ? pour celui de 1790 : Quelles ont été depuis le com- mencement du septième siecle jusqu'au neuvieme exclusivement, les bornes des différentes contrées, cantons , pays, comtés et états renfermés dans l'éten- due qui compose les dix-sept provinces des Pays-Bas et la principauté de Liége? Voilà l'objet, pour ainsi dire, purement matériel, c'est-à-dire, en- visagé seulement sous le rapport géographique. On demanda pour le concours de 1771 : Quel a été l’état civil et eccté- stastique des Pays-Bas, pendant les cinquième et sixième siècles? Voilà l'objet politique. M. Desroches, qui remporta les trois prix sur ces importantes questions, apporta dans la discussion de la matière, une si vaste érudi- ion, une critique si judicieuse, que ces grands points historiques furent entièrement débrouillés." C’est à cette occasion que la Société résolut d'ex- clure du concours tout auteur qui, après avoir remporté trois prix d’his- toire ou de physique, écrirait dans la suite sur des sujets tirés de la même science (2). (x) C’étaient M. l'abbé Tuberville Needham (*}; M. Van der Vynckt, conseil- ler au conseil de Flandre (**); M. Van Rossum, docteur en médecine à l’uni- versité de Louvain : M. Paquot, conseiller historiographe; M. de Nélis, cha- noine de la cathédrale de Tournay; M. Gérard, secrétaire perpétuel de cette société; M. Verdussen, échevin de la ville d'Anvers; M. Vounck, professeur &e chimie à l’université de Louvain, et M. Seumoy, physicien, demeurant à Bruxelles. (2) Cette résolution est devenue une disposition du règlement de l’Académie, émané de S. M. l’impératrice Marie-Thérèse, le 16 décembre 1772: C'est un des (*) Sa notice historique est insérée au jonrnal des séances, tome 4, p. XXXIIT. {**) Sa notice est également insérée an même journal, tome 3, p. XKXIXK. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. ie Pour le concours de 1772, on demanda : Quel était l'habillement, le langage, l’état de l'agriculture, du commerce, des lettres et des arts chez les peuples de la Belgique, avant le septième siecle ? Voilà enfin l'objet considéré sous le point de vue moral, et l’on peut ajouter, sous la forme statistique. La Société, en s’occupant de. physique, ne s’attacha point à des questions d'une théorie stérile : elle préféra ce qui pouvait être réellement utile dans la pratique. Le comté de Namur est riche en mines : c’est cet objet qui fixa d’abord son attention. Elle demanda: Quelles étaient les mines princi- pales de cette province, leur qualite, leur valeur, leur profondeur, le nom- bre, la qualité, la profondeur des couches , etc. ? et elle vit avec regret que ses vœux n'avaient point été remplis. La question proposée trois fois n'eut point de réponse satisfaisante, et elle fut remplacée par trois autres questions d'une utilité générale, l’une sur les plantes les plus utiles du pays et leur usage dans la medecine et dans les arts ; la seconde sur la meilleure méthode et la moins dispendieuse de teindre en noir le fil de lin et d'autre matière végétale, etc., et la troisième sur la qualité, la nature, la valeur ou le rapport de la mine de Védrin, dans le comté de Namur, ete. M. le médecin de Beunie traita les deux premières d’une manière qui correspondit à l'intention de la Société, et il remporta les deux prix. La troisième dut encore être abandonnée, et fut remplacée par une question fort impor- tante relativement à l'économie rurale. On demanda : Que! était le moyen le plus efficace et le plus prompt de faire tomber et perir les chenilles, etc. ? et l’on proposa une seconde question sur les plantes de ce pays gui ont quel- ques mauvaises qualités ou qui sont vénéneuses , etc. Ces deux sujets furent très-bien traités par plusieurs concurrens. M. Caels surtout donna au se- cond tout le développement dont il est susceptible. ——— points de l’art. 31 de ce règlement, et cette disposition a été également renou- velée par l’art. 30 de celui du 3 juillet 1816, arrété par $. M. le Roi des Pays- Bas. Dans la séance du 8 mai 1822, M. le commandeur de Nieuport a exposé à l'Académie que cette disposition n’était propre qu’à arrêter l’essor du talent; et la compagnie, considérant qu’en effet c'était apporter une entrave nuisible aux progrès des sciences, et qu’en faisant cesser cet obstacle, on pourrait espérer d’ob- tenir toujours des ouvrages plus parfaits, a résolu de porter cet objet à la con- naissance de S. M., qui, Par son arrêté du 8 juin 1822, a rapporté la disposition insérée dans l’art. 30 susmentionné. 3. xx RAPPORT SUR L'ÉTAT Les progrès de la Société, soutenus par trois ans d'expérience et de süc- cès, répondirent d’une manière si satisfaisante aux vues du gouver- nement , que le ministre qui succéda au comte de Coblenzl, le prince de Starhemberg, animé du même esprit que son prédécesseur, engagea l’impératrice à ériger la Société en Académie. L’auguste souveraine y con- sentit, et lui donna le titre d’Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres (x). La Société, qui n’était que de neuf membres, s'était adjoint deux mem- bres régnicoles, MM. Caussin et de Hesdin (2). Elle tint sa première séance sous le titre d'Académie, le 13 avril 1993, et elle se hâta d'admettre dans son sein des hommes que leurs talens y appelaient. M. Desroches, qui avait été couronné trois fois; M. du Rondeau, qui venait de remporter la palme pour l’intéressante question relative à l'habillement, au langage, etc. ; des Belges avant le septième siècle; MM. de Marci (3), d'Everlange de Witri et de Beunie (4), y prirent séance et y justifièrent par leur utile coo- pération la confiance de la Compagnie. Fidèle au plan suivi par la Société, l’Académie proposa des questions qui tendaient au même but tant pour l'histoire que pour la physique, c'est- à-dire, des questions qui n’eussent pas uniquement pour objet de satisfaire une vaine curiosité, mais qui, dans les sujets historiques, aboutissent à donner des connaissances politiques et morales, et à présenter dans la phy- sique (du moins pour ce qui concerne la médecine et l'agriculture) des résultats d’une utilité générale et d’une pratique usuelle. C’est d'après cette intention que la Compagnie se dirigea pour la suite dans le choix des ques- tions qu'elle proposa annuellement. Pour la classe d'histoire, elle s'était arrêtée au neuvième siècle. Elle reprit les mêmes objets pour les temps postérieurs. L'usage du droit 22 (x) Les lettres patentes d’érection de l’Académie portent la date dn 16 décem- bre 1772. À ces lettres est attaché un règlement portant la même date, et com- prenant 33 articles. Ces lettres accordent en outre à l’Académie un sceau parti- culier. (2) M. de Hesdin est mort le 29 juin 1792. (3) M. de Marci est mort le 15 septembre 1791. (4) M. de Beunie est mort le 25 février 1793. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xx) écrit, l'introduction du droit romain, l'entrée des ecclésiastiques et du tiers-état aux états de Brabant, l’état des manufactures, des lettres, des mœurs, de la prospérité publique ; le titre de l'or et de l'argent, le poids et l'évaluation des monnaies; l’histoire des principales émigrations ou ex- péditions des Belges, et l'influence de ces expéditions sur les mœurs : tels sont les principaux objets qui ont fourni dans les différentes années la matière de la plupart des questions qui ont été proposées, et qui ont donné lieu aux discussions savantes des hommes instruits qui ont apporté dans l'examen de ces diverses questions autant de sagacité que de pro- fondeur et d'érudition, et sont ainsi parvenus à dissiper en partie les té- nèbres qui enveloppaient les premiers temps de notre histoire. Les questions de physique , ou, pour parler plus juste, d'économie animale et rurale, embrassent des objets qui, sous un autre rapport, n'offrent pas moins d'intérêt. Ce sont les moyens de fertiliser les terres nouvelle- ment défrichées, de cultiver les terres humides et marécageuses, de per- fectionner la laine des moutons; c'est la température des saisons et leur influence sur l’économie animale et végétale ; c'est l'éducation des abeilles et le moyen d’en tirer le plus grand avantage ; ce sont les arbres et les plantes étrangères qu'on pourrait naturaliser dans ces provinces, les végé- taux indigènes qu'on pourrait y substituer aux végétaux exotiques. Si l'examen de ces questions n'exige pas comme l'histoire cette érudition qui est le fruit de l'étude et des recherches scientifiques, il faut du moins apporter, pour les traiter avec succès, non une science empruntée c'est-à-dire, prise uniquement dans les livres, mais puisée dans la natures et qui soit le fruit de l'observation et de l'expérience. A L'Académie n'avait pas tardé à prendre une consistance, je dirai même un essor, qui fit présager les plus grands succès, par les travaux particu- liers de ses membres. L'origine de l’ancienne province du Brabant et l’éty- mologie de son nom fournirent à M de Nélis la matière d’un mémoire dans lequel il place les premiers peuples nommés depuis Brabancons entre la Haine et l’Escaut, dans le canton habité par les peuples appelés Propontii, nom d’où il fait dériver celui de Brabantit, en expliquant comment le pre- mier de ces noms a subi cette altération. Cette opinion, à la vérité, n’était pas nouvelle. Philippe de Harveng, abbé de Bonne-Espérance, contem- porain et ami de St.-Bernard, et auteur d’une vie de St.-Amand, avait déjà xxij RAPPORT SUR L'ÉTAT avancé positivement cette opinion. Le père Henschénius dit même qu'à la marge d’un manuscrit de cette vie dont il était possesseur, on avait ajouté que les Propontit sont les Brabançons (1). Le système de M. de Nélis sur ce point historique ne présentait donc pas une idée qui lui appartint; mais il l'a rendue, par le développement qu’il lui a donnée, au moins aussi sou- tenable que l'opinion de ceux qui, comme Pontus Heuterus et Valère An- dré, tirent l’étymologie du nom de Brabant de la ville de Bratuspantium, capitale des anciens Bellovaques, ou de ceux, qui, comme Lindanus et Meyer, la tirent de Brakele, village de Fiandre, dans le voisinage de l'Escaut. Ce mémoire n'avait à la vérité qu’un intérêt borné; du moins, il n'avait pour objet qu'un point d'histoire particulière. Mais les Vues du même auteur sur différens points de l'histoire belgique, objet d'un mémoire plus étendu (2), sont aussi d'un intérêt plus général. Il comprend deux grandes divisions , le défrichement des terres et l'établissement des constitutions municipales. Il examine d’abord dans quel esprit il faut écrire l'histoire. « S'il y a, dit-il , quelque chose de véritablement ins- » tructif et intéressant dans l’histoire d’un peuple, c'est de savoir » depuis quand et de quelle manière le pays a commencé à être cul- » tivé; comment et par quels degrés le peuple s’y est civilisé; d'où lui » viennent ses usages, ses lois, ses institutions sociales, etc. » Ce sont là sans doute de grandes vues, et c’est ainsi que l’histoire devient, non une insipide série de faits, mais une école vivante de morale et de politique. C'est dans cet esprit que le sage académicien examine les deux grands points qu'il s'est proposé de traiter. Il remonte à l’origine, et il examine le ca- ractère et les mœurs des Belges au temps des premières conquêtes des Romains ; les établissemens de ces conquérans dans la partie méridionale des provinces belgiques, et c'est à ce temps qu'il fixe pour ce pays la pre- mière époque du défrichement des terres et de l'agriculture, dont les pro- grès ont été arrêtés par l'invasion des Francs. C'est de cette grande époque que datent le partage des terres et l'établissement des fiefs, et l’auteur y (x) Menapios esse Tornacenses, Propontios Bracbatenses , Nervios Hainovienses. Act. ss. Belg. tom. 1, p. 199 et 212. (2) Mémoires de l’Académie, tome 2, p. 587 et suiv. DES TRAVAUX DE L’ACADÉMIE. XXI) rapporte la seconde époque des défrichemens. Il observe (ce qui en eftet se vérifie ascez généralement) que les révolutions se succèdent presque toujours après deux siècles d'intervalle. C’est donc deux siècles aprés la conquête des Francs que survint un grand changement dans l'ordre des choses et l'état des personnes par l'établissement des grandes abbayes au septième siècle, et il fait voir les avantages que l’agriculture et les mœurs en ont tirés. C’est deux siècles après ces heureux changemens que commen- cent les terribles incursions des Normands. Les terres furent tellement dé- vastées, et, ce qui dans un sens était encore plus désastreux, les courages étaient tellement abattus, qu’on ne put réparer toutes les pertes que ces hordes barbares avaient causées. Ce fut donc encore environ deux siècles après que l’agriculture se ranima, surtout dans l’Artois, la Flandre et le Brabant, et c'est là ce que l’auteur appelle la troisième époque des défri- chemens, qu’il considère comme la principale. « La marche de l'agricul- » ture ne saurait être mieux marquée ; et cette connaissance, qui est le » premier pas qu'on doit faire dans l’histoire d'un peuple nouvellement » civilisé, nous montre en partie les grandes causes du bonheur ou du » malheur public (1). » L'auteur (2) traite avec la même sagacité et le même intérêt le second point de son mémoire, qui a pour objet l'établissement des constitutions municipales. « Quand on lit et qu'on étudie, dit-il, l’histoire de la ma- » nière qu'il convient, on ne saurait s'empêcher de regarder comme une des » plus importantes révolutions que les fastes de l'histoire nous offrent, celle » qui s’est faite dans l'esprit, dans les mœurs et dans l’état politique de la » plupart des peuples de l’Europe dans le douzième et le treizième siè- » cles. » Les constitutions municipales, établies sur les débris de la servi- * (x) C’est dans ce sens que Virgile appelle Cérès la mère des lois, quand il'parle des sacrifices que les anciens offraient à cette déesse, legiferæ Cereri. Æneïd. 4. v. 56. Les anciens en effet, qui sont les créateurs des belles et grandes idées, pensaient qu’il n’y a point de vraie société politique sans agriculture. Le soc agriculteur Fat des premiers états l'antique fondateur. Génie de l’homme, ch. 4, v. 15. (2) Mémoires de l’Académie, tome 2, p. 663 et suiv. xxiv RAPPORT SUR L'ÉTAT tude et de la tyrannie féodale; les lois et les formes légales introduites à la place de l'anarchie et de l'arbitraire ; l’état et les propriétés des person- nes établies en droits fixes ; les villes et les bourgades constituées en corps politiques, gouvernés par leurs propres lois ; les citoyens traités par justice et sentence conformément aux droits de liberté et de sureté individuelles, et taxés dans les impôts suivant l'égalité proportionnelle; voilà les princi- paux effets de cette grande révolution. C’est de ce nouvel état de choses que M. de Nélis donne une idée si belle par les détails intéressans, je dirais presque touchans qu'on trouve dans son mémoire. Animé du même amour de la science , pénétré des mêmes sentimens de patriotisme, M. le marquis du Chasteler, qui, au concours de 1778, avait remporté le prix sur la question relative aux expéditions ou émigra- tions des Belges dans les pays lointains, et que l’année suivante l'Académie avait admis dans son sein, présenta pour sa réception un mémoire intitulé : Réflexions sommaires sur le plan à former pour une histoire générale des Pays-Bas Autrichiens (1) : il y examine à quelle époque on doit fixer le commencement de cette histoire; si l’on doit écrire une histoire particu- lière de chaque province, ou faire un seul ouvrage qui offre au lecteur l’histoire générale du pays ; s’il convient de traiter séparément ce qui con- cerne la canstitution , les mœurs, les usages et la religion, ou si l’on doit s'occuper de ces objets à mesure que le récit des faits en fournit l’occasion; quels sont les dépôts qui peuvent fournir les documens nécessaires à l'exé- cution de son plan. Après avoir discuté et balancé les avantages et les inconvéniens des deux méthodes qu'il propose, ou d’embrasser le sujet dans son ensemble, ou de le suivre dans ses détails, c'est-à-dire, de faire une histoire générale du pays ou une histoire particulière des différentes provinces, il imagine un plan si méthodique et si simple tout à la fois, que par l'ordre et l'arrangement qu'il prescrit, il parvint (ce qui d'abord paraît presqu'impossible dans une histoire) à réduire tout le sujet à cette belle unité, qui est le vrai point de perfection des grandes conipositions littéraires. Cette idée était bien propre à diriger l'écrivain patriote qui au- rait le talent nécessaire pour exécuter cette vaste entreprise. C'est le vœu (tr) Mém. de l'Acad., tome 3, p. 343. L'auteur a lu ces Réflexions le jour de son entrée à l'Académie, 11 novembre 1779. Il est mort à Liége le 11 octobre 1789. DES TRAVAUX DE L'ACADEMIE. XXV que formait M. du Chasteler. Il est fâcheux qu’il se soit borné à ce vœu. L'homme qui s'était fait une idée si juste de la chose, était peut-être le plus capable de l'exécuter. Un autre s'en est emparé; et quel autre était plus propre que le savant et laborieux Desroches à trairer ce sujet comme il convenait. Mais une mort prématurée, l'ayant enlevé au milieu de cetimpor- tant travail (1), a privé la patrie et les lettres d’un ouvrage qui serait devenu sans doute un des plus beaux monumens de la littérature nationale et de l'amour patriotique. Mais si le temps lui a manqué pour exécuter cette belle entreprise, qu'il n’a pu, pour ainsi dire, qu'entamer, de combien d’excellens morceaux n’a-t-il pas enrichi le recueil académique ? La religion des peuples de l’ancienne Belgique, ainsi que leur langue, devinrent l’objet de ses recherches, et il en présenta le résultat dans trois mémoires fort lumineux (2). Mais il ne les a pas bornées à l’origine, à la nature de cette langue et à l’analogie qu’elle peut avoir avec d'autres idiomes : il les a étendues à la poésie des anciens Belges, et l’on sent que cette matière a de quoi piquer la curiosité, surtout par la manière dont l’auteur a développé ses idées (3). L'origine de l'imprimerie a également fixé son attention (4). Il prétend que la première idée en est due aux Brabancons. Je sais que cette matière (1) Desroches est mort le 20 mai 1787. Sa notice historique est insérée au tome 5 des mém., p. LXI. (2) Mém. sur la religion des peuples de l'ancienne Belgique , tome 3 des Mém. acad., p. 415, 430 , 447. Examen de la question si la langue des Étrusques a eu des rapports avec celle des peuples belgiques , tome 1, p. 489. Il avait aussi lu à l’Académie une dissertation sur la langue belsique ancienne et du moyen âge. Mais elle n’a pas été retrouvée après sa mort, (3) Explication d’une lettre, etc., avec des réflexions sur l'ancienne poésie des peuples belgiques , tome 1, p. 497. (4) Nouvelles recherches sur l'origine de l'imprimerie , etc. , tome 1, p. b13. Tome IT. 4 XXV) RAPPORT SUR L'ÉTAT est vivement controversée ; mais enfin son opinion n'est pas moins dévelop= pée avec le plus grand intérêt dans cet ouvrage. L'histoire des comtes de Louvain était un des points les plus obscurs de notre histoire, Il sut débrouiller le chaos dans lequel il était comme enveloppé (x). L'état militaire dans le moyen âge ne pouvait être connu que très- confusément en saisissant et en recueillant comme par hasard quelques traits épars dans les vieilles chroniques. M. Desroches a rassemblé dans une dissertation très-curieuse, tous ceux qui ont rapport à cet objet sous le gouvernement des ducs et des comtes depuis le commencement du douzième siècle jusqu'à la fin du seizième. Un point non moins intéressant que l'état militaire est l’histoire mo- nétaire. Le savant abbé Ghesquière (2), publia sur ce sujet un mémoire comprenant trois points de cette histoire, qu'il lut successivement à l’Aca- démie(3); et M. Gérard fit dans le même temps part à la Compagnie de ses Recherches sur les monnaies frappées dans les Pays-Bas, au nom et aux armes des ducs de la maison de Bourgogne, comtes de Flandre (4). Ges deux ouvrages jettent un grand jour sur cette partie assez obscure de notre histoire. D'autres objets, également importans, ont fait la matière des recherches des membres de la même classe. C’est à M. Heylen, doyen de l'église de Lierre, qu'on doit deux très-savantes et très-curieuses dissertations latines, l’une sur les anciens monumens des Romains dans nos provinces (5), l’au- tre sur les découvertes et les inventions que l'on doit aux Belges (6). Ces (x) Dissertation sur les comtes de Louvain, tome 2 , p. 60or. (2) I fut élu dans la séance du 12 octobre 1780. (3) Cet ouvrage n’a pas été inséré dans les Mémoires de l’Académie. Il. a été im- primé aux frais de l’auteur en 1786, in-8. (4) Mém. de l’Acad., tome 3, p. 161. ï (B) Dissertatio de antiquis Romanorum monumentis, etc., tome 4 des mém. acad. p. 40. (6) Dissertatio de inventis Belgarum ; tom. 5, p. 74. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xxvij deux ouvrages, auxquels on voit que l’auteur a apporté le plus grand soin tant pour toutes les recherches qu'ils lui ont coutées , que pour l'ordre et la méthode qu’il a su y mettre, offrent dans le plus grand détail, à re- monter à l’origine, province par province et objets par objets, tout ce qu'il paraît possible de recueillir et de rapporter de plus important sur ces deux beaux sujets. Mais un mémoire qui mérite une distinction particulière, c'est la dissertation latine de M. l'abbé Ghesquière, sur les peuples qui habi- taient les pays qui correspondent aux provinces belgiques modernes (r). L'étude réfléchie de l'histoire, étude si importante et si difficile, dit quel- que part d’Alembert, consiste à combiner de la manière la plus parfaite les matériaux défectueux. C’est ce qu'a fait ici surtout, l’auteur de ce sa- vant mémoire avec une égale profondeur d’érudition et une égale saga- cité de jugement. Une autre dissertation, qui peut être considérée comme faisant la suite de celle dont je viens de parler, est celle de D. Anselme Berthod (2), contenant ses Observations sur la notice des Gaules, publiée par le père Sirmond (3). Cette notice, comme on sàit, présente un dénombrement exact des provinces et des cités comprises dans les Gaules au temps où elle fut rédigée, et peut être regardée comme un des ouvrages propres à servir de base à l’histoire ancienne de la Belgique. Les critiques convien- nent assez généralement qu'elle a été faite sous l'empire d'Honorius, dont le règne s’étend depuis l’an 395 jusqu'à 423. Mais quelle en est la date précise? C’est ce qu'il importe de savoir, non par un simple sentiment de curiosité, mais afin de pouvoir s'assurer de l’état de ces provinces, c'est-à-dire, de connaître celles qui faisaient encore à cette époque par- tie de l'empire romain, et d'en conclure que celles dont les noms n'y seraient pas insérés, étaient envahies par les barbares et que leurs mé- ee ce ee ne AE EE A PS RG Et (x) Déssertatio geographico-historica de majoribus populis ante Augusti zmpertum Belgii hodierni ircolis. Mém. de l’Acad., tome 5, part. hist., p. 1. (2) Dom Berthod fut élu le 14 octobre 1776. Sa notice historique est insérée au tome 5 des Mém., p. LXXII. (3) Tome 5 des Mém., part. hist., p. 30. xxviij RAPPORT SUR L'ÉTAT tropoles étaient ensevelies sous leurs ruines, on que réduites à la con- dition des lieux ordinaires, elles n'avaient plus ni le nom ni les préro- gatives des anciennes cités. C’est le premier point que le respectable auteur discute avec autant de discernement que d’érudition. L'opinion générale est que cette notice ne regardait que le gouverne- ment civil. Mais appartenait-elle cependant tellement à l’ordre politique, qu'elle ne püût être que d’une faible ressource pour donner une idée de la police ecclésiastique qui y était observée ? C'est le second objet que l'auteur examine avec la même rectitude de jugement. A-t-elle, dans la suite des temps, souffert des altérations ou des inter- polations ? C’est une troisième question qu'il se proposait de traiter dans un second mémoire. Il avait rédigé une suite à ses observations d’après un manuscrit de cette notice qu'il avait trouvé à la bibliothéque de l'abbaye de St.-Bertin. L'abbé Ghesquière s'était chargé de mettre en ordre tout ce qui se trouvait dans les papiers de dom Berthod, rela- tif à ce manuscrit, et de revoir le tout, afin d'en faire un ouvrage qui püt être publié. C'est ce qu'il fit; il y mit tout l’ordre et toute la préci- sion désirables ; il y ajouta quelques remarques, et il présenta son travail à l'Académie sous le titre d'Observations bibliographiques et historiques sur une notice des Gaules, laquelle se trouve dans un manuscrit de l’ab- baye de St.- Bertin (x). Ainsi il fit des différentes observations de dom Berthod un ensemble qui forma un des meilleurs mémoires historiques qui soient dans le recueil, et il a eu soin de joindre à la fin du mémoire la notice telle qu’elle existait dans le manuscrit de St.-Bertin, et d'indi- quer les variantes ou les omissious qui se trouvent dans l'édition de Sirmond; car c'est sur ces différences que l'auteur avait fondé la plupart de ses observations et de ses raisonnemens. Tous ces mémoires ont un rapport plus ou moins direct avec l'histoire générale. Mais ceux qui traitent d'objets particuliers, sans être susceptibles d’un intérêt aussi étendu, sont cependant souvent très-propres à éclaircir la science de l'histoire. Les observations auxquellesils donnent lieu font nai- tre des conjectures, qui, de probabilités en probabilités, d'inductions en (1) Mém. de l’Acad., tome 5, p. 48. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xxix inductions, conduisent à des résultats sur lesquels on peut enfin établir le fondement de quelques vérités historiques. C'est ce que l'on peut dire des Réflexions de M. de Nélis sur la pierre Brunehaut (x), et du Mémoire de M. du Chasteler sur la déesse Nehallennia (2). Un règne quelquefois contient des faits qui méritent ou une discussion plus approfondie ou une attention plus particulière. C'est ainsi que M. de Hesdin , dans deux mémoires, l'un pour servir à l’histoire de Zuentibolche, roi de Lotharingie ou de Lorraine (3), l’autre à celle de Herman de Saxe, époux de Richilde, comtesse de Hainaut (4), a donné des développemens et des éclaircissemens très-satisfaisans sur ces deux points de notre his- toire. Tels sont les principaux travaux des membres régnicoles. Un savant hollandais, M. Te Water, historiographe de Zélande et secrétaire de l'A- cadémie zélandaise, qui avait rendu de grands services à l’histoire de son pays par des recherches savantes, fut admis à l’Académie comme membre étranger (5). Une dissertation sur la nécessité de faire usage de la géo- graphie, particulièrement dans l'histoire belgique (6), fut le titre de son admission à l’Académie. Dans le nombre des savans étrangers, on distingue encore M. Van Wyn, membre de l’Académie de Zélande et pensionnaire de La Briele, qui, sur sa demande et sur la présentation de quelques ouvrages imprimés, (1) Mém., tome tr, p.471. (2) Ibid., tome 5, p. 70. (3) Ibid., tome 3, p. 258. (4) Ibid., tome b, p. 123, part. hist. L'Académie avait proposé en 1783 pour la question d'histoire : 4 quel titre le comte Herman, époux de la comtesse Richilde, fut-il comte de Huinaut ? Était-ce de son chef, ou du chef de la comtesse , son épouse ? D’onze mémoires qui furent envoyés au concours, trois furent distingués. Le prix fut adjugé à M. l’abbé Smet, et les accessits accordés à MM. Baert et Lesbroussart. M. de Hesdin a supplée très-savamment à ce qui manquait dans le mémoire couronné, sur l'extraction ou l’origine du comte Herman. (5) Il fut élu le 26 octobre 1754. (6) De énsigri usu studii geographict in kistoria præsertim belzica. xxx RAPPORT SUR L'ÉTAT avait été élu comme membre étranger (1). Il avait entr'autres présenté une dissertation en langue hollandaise, dans laquelle il entreprit de débrouiller la confusion causée dans l’histoire par la ressemblance des noms Borne, Horne, Voorne et Veurne (2). Ce sujet était ingrat et épineux; mais il im- portait de l’éclaircir, et l'Académie le jugea si bien traité, qu’on en donna une analyse très-détaillée en français dans le journal des séances du 4 dé- cembre 1776 (3), et on y a joint au bas des pages les pièces justificatives au nombre de cinq. Ce savant écrivain donna en 1777, une dissertation sur l’ancienne ville de Witla, à l'embouchure de la Meuse, brûlée par les Normands, pendant les ravages du neuvième siècle (4). Je crois avoir donné une idée suffisante des travaux de l’Académie pour la partie historique. Si je m'y appesantissais davantage, je craindrais de devenir trop minutieux. Je passe donc aux sciences, C'est l'histoire naturelle qui, dans le principe, a le plus occupé les membres de la classe des sciences. Trois écrivains se présentent d’abord dans la lice; ce sont MM. de Limbourg (5), d'Everlange de Witry (6) et De Launay (7). Le premier présenta dans un mémoire détaillé (8), ses recherches sur l'histoire naturelle de la Belgique, qui comprend les pays de Limbourg, (x) Il avait été élu le 14 octobre 1774. (2) Il y a en effet un endroit nommé Borne , sur la lisière de l'Overissel, près de Deventer; il y en a un autre dans la haute Gueldre. Il y a un comté de Horre dans le pays de Liége. Il y a Voorne, seigneurie en Hollande; il y a Voorre, dans le pays de Daelhem. Il y a Feurre, Vorne et Voorne, qui est la ville de Furnes, en Flandre. (3) Journal des séances, tome 2, p. IX. (4) Il en envoya la première partie à l’Académie. Voyez le journal des séances, tome 2, p. LVI. i (b) Il fut élu comme membre étranger, le 26 avril 1770. (6) Élu le 13 avril 1773. (7) Élu le 14 octobre 1776. (8) Mémotre sur l'histoire naturelle d'une partie de la Belgique, tome 1, p. 193. DES TRAVAUX DE L’AGADÉMIE. xxx) de Luxembourg, Liége et Stavelot, et il les compare avec celles qu'il a également faites dans les pays étrangers. C'est à l’histoire naturelle de la terre qu'il s'attache surtout dans ce mémoire, et dans le supplément qu'il y a donné (r), il traite de la forme extérieure de la terre. L'histoire naturelle des fossiles des Pays-Bas est le sujet d’un autre mé- moire du même académicien (2). M. de Witry s'attacha particulièrement à l’histoire naturelle du Tour- paisis, et produisit un mémoire qu’il intitula : Æsquisse sur les fossiles de cette province et les pétrifications en général (3). Pour suivre la tâche qu'il s'était imposée , il fit part dans un mémoire servant de suite au précé- dent (4) de ses nouvelles recherches sur les fossiles naturels. En s’occu- pant de cette étude, l'estimable académicien avait pour but, comme il le dit lui-même en finissant, de chercher à débrouiller l'histoire naturelle et à la débarrasser de quantité de fables plus propres à amuser qu'à ins- truire. Aprés avoir traité des fossiles, il s’occupa des eaux minérales, et consigna dans un autre mémoire ses Recherches hydrauliques et minéralo- giques dans le Tournaisis et le Hainaut autrichien (5). Les sciences natu- relles ont fait depuis ce temps-là de si étonnans progrès, qu'on ne regar- dera peut-être les observations et les recherches de ce modeste écrivain qu'avec une sorte d'indifférence. Mais en se reportant au temps où il écri- vait, en 1777 et 17985, on conviendra, si l'on veut être juste, que dans l'état où était alors la science, il a beaucoup fait pour en donner le goût et en hâter les progrès. Cette observation , que je crois assez juste, peut, je pense, recevoir une application générale au grand nombre de mémoires ou de traités sur les sciences exactes ou naturelles. M. de Launay, avant d’être agrégé à l'Académie, s'était occupé de recherches sur les pétrifications, et les avait bornées au Brabant. Mais (1) Supplément au mémoire précédent, tome 1, p.221. (2) Mém., tome 1, p. 160. (3) Ibid., tome 3, p. 13. (4) Ibid., tome 5, p. 84. (5) Ibid., tome 3, p. 139. xxxij RAPPORT SUR L'ÉTAT ayant toujours étendu ses travaux, il entreprit une tâche plus vaste, et dans un mémoire précédé d’un discours sur la théorie de la terre, il traita de l’origine des fossiles accidentels des provinces belgiques (x). 11 donna également une théorie générale des fossiles connus sous la dénomination vulgaire de cailloux, qui, n'offrant aux yeux du commun des hommes qu'une production méprisable de la nature, fournit une ample matière de recherches au physicien sur leur origine, leur arrondissement, leurs con- tours toujours combinés, les angles émoussés et abattus qui terminent toujours leurs surfaces ; tels sont les objets qui occupent l’auteur de ce mémoire, et auxquels on ne s'était peut-être pas encore attaché autant que la matière le comportait (2). Dans un ouvrage plus étendu, qu'on pourrait plutôt même considérer comme un traité que comme un simple mémoire, il donna une Déstri- bution systématique des productions du règne minéral (3) ; ouvrage rédigé d’après les observations et les découvertes les plus récentes. On conçoit qu'il faut entendre cette expression relativement au temps où il écrivait, c'était en 1778. La science, je dois le répéter, a sans doute beaucoup étendu son domaine depuis ce temps. Un savant, déjà connu depuis long-temps par ses connaissances et ses recherches utiles dans les sciences naturelles, et qui, en 1783, avait rem- porté le prix sur la question relative aux végétaux indigènes, M. Burtin, qui venait de publier l'Oryctographie de Bruxelles (4), ouvrage qui lui assi- gna un rang distingué parmi les minéralogues , fut admis au nombre des membres de l'Académie (5). Encouragé par l'accueil que cet ouvrage reçut du public, il continua la route qu'il s'était tracée dans cette carrière, et c'est dans ce dessein qu'il entreprit un Voyage minéralogique de Bruxelles (1) Mém., tome 2, p. 5og. (2) Ibid., journal des séances, p. XXIX. (3) Ibid., tome 5, p. 317. (4) Bruxelles, 1784, format grand in-fol. , avec 33 planches enluminées. (5) Il fut élu le 26 octobre 1784. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xxxii) à Wavre, par Cour-St.-Étienne, dont il fit le rapport à la séance du 1°" dé- cembre 1784 (1). Le règne animal a aussi occupé la elasse des sciences. Virgile, en com- mençant à chanter les abeïlles, dit : 2 tenut labor. Mais l'importance d’un objet qui fait partie de l'histoire naturelle, doit être apprécié par les avantages qu'il procure, dit M. de Needham, en présentant dans un mé- moire très-détaillé, ses Recherches sur la nature et l’économie des mouches à miel, suivies de quelques instructions propres à perfectionner cette partie de l’économie rurale (2). Le spectacle des plus petits objets de la nature excite l’admiration du philosophe (3). Un insecte, dont l’industrie, du moins si l'on en croit l'opinion commune, égale celle de l'abeille, la fourmi, a aussi attiré l'at- tention de M. de Needham. On sait qu'on a beaucoup exalté ce petit ani- mal pour son travail et sa prévoyante économie. Salomon (4) la proposait aux paresseux et aux hommes dissipés eomme un exemple de diligence et de sagesse. Depuis on leur a contesté les qualités dont on avait toujours pensé que ces petits êtres étaient pourvus, et le Pline français lui-même dit que l’idée de la prévoyance des fourmis n’est qu'un préjugé. Les uns leur avaient accordé, comme Cicéron, non-seulement le sentiment, mais (1) Mém. de l’Académie, tome 5, p. 123. Un ouvrage postérieur à ceux-ci, mais étranger à l’Académie, et qui contribua infiniment à donner un nouvel éclat à la réputation de M. Burtin, est un Mémoire sur les révolutions et l’âge du globe terrestre, couronné et imprimé in-4, avec la traduction hollandaise et des planches, par la société de Teyler à Haarlem, en 1770. (2) Ibid., tome 2, p. 325. (3) Admiranda tibi levium spectacula rerum. Virg. Dans les petits objets Dieu montre sa grandeur. Eminet ir minimis maximus ipse Deus. (4) Vade ad formicam, 6 piger, et considera vias ejus, et disce sapientiam : quæ cum non habeat ducem, nec præceptorem, nec principem, parat in æstate cibum sibi, et congregat in messe quod comedat. Proverb. cap. 6, v. 6, 7 et8. Tome II. 5 LXXIV RAPPORT SUR L'ÉTAT l'intelligence, la raison, la mémoire (1); les autres, parmi lesquels ou compte des naturalistes renommés, ne se sont pas contentés de lui contester ces qualités; ils lui ont même refusé l’instinct le plus commun. Ainsi, une fois dominés par la manie des systèmes, les hommes passent presque tou- jours d’un excès à l’autre. M. de Needham tâche de saisir ici le juste milieu. Sans vouloir, comme les anciens, donner à la fourmi une raison presque divine, comme ils disaient, il relève quelques méprises de certains auteurs modernes, et venge ainsi cet étonnantinsecte de l'injustice de ceux qui l'ont privé de toute espèce d’intelligence et de prévoyance, et ne leur laissent qu'une habitude mécanique, un principe matériel, sans but, sans action finale; et comme Gallien, contemplant avec un humble respect dans les opéra- tions anatomiques, l’admirable structure du corps humain, faisait un hymne de louange et de reconnaissance, de même M. de Needham, suivant les fourmis dans leurs allures, leurs démarches et leurs travaux, reconnaît là, comme ailleurs, la sagesse infinie des opérations de l’auteur de la nature, aussi admirable dans les petits objets que dans les grands. Le ciron qui se dérobe à la vue par sa petitesse, comme les grandes planètes qui s'y soustraient par leur prodigieuse distance, étonnent égale- ment l'imagination du philosophe. Confondu par l’idée de l'infini, il se prosterne, s’humilie et s’anéantit devant le grand Être. Dans l'étude de la nature, il ne faut rien dédaigner ni rien négliger. « C’est en multipliant la connaissance des faits, dit le comte de Fraula, (1) Jr formica non modà sensus , sed etiam mens, ratio, memoria. De nat. Deor., Hb. 3, cap. 9. Parvula, nam exemplo est, magni formica laboris Ore trahit quodcumque potest, atque addit acervo Quenm struit, haud ignara ac non incauta uturi. Horar., sat. 1, lib. 1. La fourmi tous les ans, traversant Îles guérets, Grossit ses magasins des trésors de Cérës; Et dès que l’aquilon, ramenant la froidure, Vient de ses noirs frimas attrister la nature, Cet animal , tapi dans son obscurité , Jouit l'hiver des biens conquis durant l'été. PBorrrau, sat. 8. DES ‘FRAVAUX DE L'ACADÉMIE. LXXV » que l’on augmente véritablement la masse des connaissances humaines, » et Ce n'est que par la connaissance de tous ces faits que l'on saisira la » science du système de la nature.» C'est à propos d’un grillon d’une espèce particulière, que cet académicien parle ainsi. La génération singu- lière de cet insecte, qu’il avait soigneusement observé, lui avait fait dé- couvrir un fait nouveau qui prouve de plus en plus l’analogie existante entre les règnes animal et végétal {r). La chimie, cette science qui est devenne comme la clef de la nature, se bornait à peu près autrefois aux opérations pharmaceutiques. M. de Beu- nie (2), qui l'avait, pour le temps où il travaillait, cultivée avec un succès marqué , appliqua cette science à la culture de la terre (3) et aux précipita- tions des métaux (4), dans deux mémoires ou essais; c’est le titre qu’il leur donna. On peut dire peut-être, et je crois, s'il m'est permis d'en juger, qu’il traite plutôt ces matières en économiste qu’en physicien. Sans doute, aujourd'hui que les sciences chimiques ont fait de si grands progrès (elles paraissent avoir franchi des siècles), ces mémoires ne peuvent plus qu'offrir un médiocre intérêt; mais si l’on considère qu’il y a trente-neuf ans qu’il traitait le premier de ces sujets, et quarante-huit ans, le second, on lui rendra sans doute la justice qui est due à ses connaissances pour ce temps, et surtout à ses intentions. « Je n'aspire, dit-il, en finissant, qu'à la gloire » d'être un citoyen utile, titre que je regarde comme la récompense la » plus précieuse de mes travaux. » J'abandonne ici le domaine de la terre, et pour suivre nos prédéces- seurs dans leurs travaux, je dois en quelque sorte les suivre dans les vastes champs des cieux. L’astronomie ( c'est de cette science que je dois maintenant parler ) paraîtrait impénétrable à la faiblesse de l'homme, si (1) Mém. tome 3, p. 219. M. de Fraula a été élu le 14 octobre 1776. Sa notice se trouve au tome 5, journ. des séances, p. LXVI. (2) Élu le 13 avril 1973. Mort le 25 février 1793. (3) Essai chimique des terres pour servir de principes fondamentaux relativement & la culture des bruyères. Mém., tome 2, p. 390. (4) Æssai sur quelques précipitations des métaux et demi-métaux. Tome 5, p. 167. F5 de XXXV) RAPPORT SUR L'ÉTAT quelque chose Était, inaccessible à son audace (1). Le ciel même est, pour ainsi dire, ouvert à ses yeux. L'abbé Chevalier (2), parmi les membres régnicoles, et MM. Pigottet Messier, parmi les membres étrangers, ontcon- signé leurs différentes observations dans le recueil des mémoires (3). Le passage de Mercure sur le disque du soleil eut lieu le 3 mai 1786. M. Pigott observa ce phénomène à Louvain. et communiqua le résultat de ses observations à l'Académie (4). Dans l’année 1773, on avait fait à Pékin diverses observations astrono- miques. M. l'abbé Chevalier les compara avec d’autres faites en Europe, et en donna les résultats, qui établissent la différence des méridiens entre Pékin et Paris (5). (x) Nul mortalibus arduum est. Horat. (2) Élu le 13 avril 1773. (3) Observations astronomiques faites aux Pays-Bas autrichiens en 1772 et 1773, par M. Pigott, Mém., tome 1, p. 1. Observations astronomiques faites au refuge de Vrouw-Perk à Louvain, par le même. Ibid., tome 3, p. 171. Observations des quatre satellites de Jupiter, faites à l'observatoire de Paris, en 1999, par M. Messier. Ibid., tome 3, p. 182. Observation de l'éclipse . soleil, du 2h juir 1975, par M. l'abbé Chevalier. Ibid., tome 3, p. 177. Mémoire sur léclipse totale de lune, observée à Bruxelles, le 18 mars 1783, par le même, Ibid., tome 4, p. 323. Observation de léclipse totale de lune du 10 septembre 1783, faite à Bruxelles, par le même. Ibid., tome b, p. 13. (4) Mém., tome 5, p. 16. On annonce le retour de ce phénomène pour le 4 no- vembre de cette année 1822. (>) La note présentant ces résultats se trouve insérée au 5e vol. des mémoires, journ. des séances, p. LVIII. ‘C’est à M. Chevalier qu’on doit aussi le plus grand nombre d'observations mé- téorologiques, insérées dans les différens volumes des Mémoires. Le 3° volume, p. 4or, renferme les résultats des observations météorologiques : DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. KXX Vi) À remonter à la plus haute antiquité, on ne connaissait qué six planètes. Au mois de mars 1581, Frédéric-Guillaume Herschel, de Hanovre, en découvrit une septième, à laquelle il donna le nom de Georgium sidus, de celui du roi d'Angleterre alors régnant. Les savans, par analogie avec les autres planètes, lui donnèrent celui d'Uranus, et le siècle par recon- naissance, celui de Herschel, qui lui est resté. M. de Zach, astronome du duc de Saxe-Gotha (1), adressa à l'Académie le 20 mai 1785, un mé- moire sur cette nouvelle planète (2), et communiqua dans une lettre particulière à M. l'abbé Mann, plusieurs observations qui peuvent servir de suite à son mémoire, C'est pourquoi elle a été insérée dans le jour- nal des séances (3). Les phénomènes de l'électricité avaient déjà occupé l'attention de plus d'un savant. M. de Witry, voulant les examiner dans leurs rapports avec l'utilité publique, et tirer ainsi cette science (ce sont ses expressions) de la classe des choses dangereuses ou inutiles, s’attacha a la considérer re/ative- nent à sa qualité de fluide moteur dans les végétaux et le corps humain (4). C'est dans la même vue qu’il présenta à l’Académie un résumé général des observations qu'il avait faites sur l'électricité médicale, depuis 1784 jusqu'a 1788, par le moyen de la machine électrique simplifiée à l'usage de la mé- decine. faites en 1778 à Franeker, en Frise, par M. le professeur Van Swinden, élu membre étranger de cette Académie le 14 octobre 1779. On doit également plusieurs de ces observations à MM. de Poederlé, Du Rondeau, de Witry et de Fraula. L'abbé Mann, qui, en 1783, avait été chargé de correspondre avec l’Académie de Manbeim, pour faire des observations météorologiques harmoniques et corres- pondantes dans les différens pays de l'Europe, donna l’histoire météorologique des années 1784, 1785, 1786 et 1787. Mém., tome 5, P: 437% (1) Élu membre étranger le 21 octobre 1765. {2) Mém., tome 5, p. 22, part. des sciences. (3) Tome 5, journ. des séances, p. XLIX. (4) Ibid., tome 1, p. 181. Son résumé ou précis est inséré au tome b, journ. des séances, p. LXX VIII. xxxviij RAPPORT SUR L'ÉTAT Francklin et Nollet avaient expliqué d’une manière différente le phéro- mène de la commotion électrique. Le docteur Godart (1) examina les deux explications et rechercha d'après ses propres observations les causes de la ctommotion et la vertu des contacts électriques. Il en fit l’objet d’un mé- moire dont il donna lecture à l’Académie le jour de sa réception (2). Un académicien, aussi estimable qu'infatigable, l’abbé Mann (3), em- brassa, pour ainsi dire, dans ses vastes travaux, ce qu'on appelait les qua-. tre élémens. Il avait entrepris l'histoire naturelle des Pays-Bas maritimes. Avant d’être admis à l'Académie, il lui avait adressé un mémoire, très- étendu (4), divisé en deux parties. Après-avoir donné une théorie géné- rale de la terre, il fait l'application des principes qu'il a établis, à l’ancien état de la Flandre et à ses changemens successifs. Pour donner plus d'évi- dence à ‘son système, il examine et rassemble ce que les auteurs anciens et modernes ont dit de plus vraisemblable sur la nation des Cimbres et le déluge cimbrique, ainsi que sur les inondations postérieures à cette grande catastrophe. : La seconde partie contient les considérations de l’auteur sur le climat et le sol de la Flandre maritime, sur les phénomènes des marées sur cette côte , les marées extraordinaires, etc. Dans un autre mémoire, qui est le développement et la suite du précé- dent (5), il traite du sol et des produits de la Flandre maritime ; du génie. des mœurs, dés coutumes de ses habitans; de la nature de l'atmosphère, de son influence sur la santé des habitans. Dans le premier mémoire, l'auteur n'avait fait qu'indiquer très-suc- cintement ses idées sur le sol de la Flandre et les moyens d'y perfection- 220 (1) Élu membre étranger le 25 mai 1773. (2) L'analyse de ce mémoire est consigné dans le journal des séances, tome 1, p. LXVIL (3) Élu le 4 février 1774. (4) Mém., tome 1, p. 61. (5) Ibid., tome 4 ,p. 121. Il est intitulé: Hémotre contenant le précis de l'histoire naturelle des Pays-Bas maritimes. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xxxix ner là culture. Dans un mémoire particulier, qui est comme une seconde suite du premier, il donne un grand développement à cette partie de son sujet (1). Dans un troisième mémoire, il entreprend l’histoire naturelle de la mer du nord ;ilen détermineles bornes, la forme, le climat, la profondeur, les marées, les courans, les bancs, les productions végétales et animales, et il termine ce mémoire, ou plutôt ce traité, par l'examen de l’état où était alors la pêche dans cette mer, des causes de la diminution de cette pêche et des moyens de l'améliorer (2). Pour donner une juste idée de tout ce travail, je dirai que chacun de ces mémoires peut être considéré comme faisant un traité particulier sur une branche distincte du sujet général. Ainsi , pris séparément, ce sont des ouvrages complets ; et d’un autre côté, par la liaison naturelle des matie- res, ils peuvent si bien se rattacher l’un à l’autre, que, réunis, ils forment un tout. L'auteur voulait épuiser la matière. Dans le premier mémoire, il avait parlé du déluge cimbrique et des autres inondations. Mais il consacra une dissertation particulière à rechercher l'histoire des divers déluges dont les anciens ont fait mention, où plutôt à recueillir les traditions qui nous en sont parvenues (3). On en compte six ou sept. Il termine cette dissertation, qui est très-curieuse, par des Considérations physiques et mathématiques sur les causes de ces terribles catastrophes. Les longues recherches qu'il avait faites sur les marées, lui ont fourni la matière d'une Dissertation sur les syrtes et les marées de la mer méditerranée, dans laquelle il tâche d'éclaircir les obcurités et les difficultés qu’on ren- contre dans les auteurs anciens et modernes sur cet objet (4). (1) Mém., tome 4, p. 161. Mémoire sur les moyens d'augmenter la population et de perfectionner la culture dans les Pays-Bas Autrichiens. (2) Tbid., tome 2, p. 157. Mémoire sur l’histoire naturelle du nord et sur la péche qu’il s’y fait. (3) Ibid., tome 5, p. 49. (4) Ibid., p.61. xÉ RAPPORT SÛR L'ÉTAT L'examen des causes, des phénomènes et des variations des marées de l'océan ont servi de base et de fondement au laborieux auteur pour en déduire ce qui règle les marées de l'atmosphère terrestre, lesquelles, selon lui, provienneut des mêmes causes que celles de l’océan. C'est la matière d'un mémoire particulier sur ce qu'il appelle les marces aériennes (1), dans lequel il examine l'effet produit dans l'atmosphère terrestre par l’action du solerl et de la lune. L'abbé Mann ne regardait pas l’étude de la nature comme un objet de simple curiosité ou de pur amusement : il cherchait toujours à la rappor- ter au bien général de l'humanité. C'est vers ce but qu'il voulait qu'on dirigeät les observations météorologiques, afin d'en obtenir des résultats qui conduisissent peu à peu à une théorie générale des causes et des effets de ces phénomènes, et c’est dans cette intention qu'il rédigea un Mé- moire sur les moyens de parvenir à une théorie météorologique complete (2). Le monde philosophique, au temps où l'abbé Mann écrivait, en 1774, était encore incertain et partagé sur la nature du feu , et l'on n'avait encore osé former une théorie sur ce sujet. Il ne craignit pas de le traiter. Dans son Mémoire sur le feu élémentaire (3), il le considère comme le principe de la lumière, de la chaleur et du fluide électrique : il l'examine ensuite, sous ce dernier rapport, dans les grands phénomènes de la nature, en premier lieu, dans les corps terrestres, et en second lieu, dans les espaces et grands phénomènes célestes. Ses opinions ou ses assertions trouveraient sans doute aujourd'hui bien des contradicteurs. Mais, je le dis encore, pour être juste, qu’on se reporte au temps où il écrivait (4). (zx) Ibid., tome 4, p. 8. (2) Ibid., tome 1, p. 265. (3) Ibid., tome 2, p. 1. (4) Auguste-Théodore Mann, né en Angleterre en 1734, et élevé dans la reli- gion anglicane, quitta fort jeune sa patrie, vint en France et passa en Espagne, où il embrassa la religion catholique. S'étant rendu aux Pays-Bas, il entra dans l’ordre des chartreux, et devint prieur de la chartreuse de Nieuport. Ses infirmités (il était surtout tourmenté des douleurs de la goutte) l’obligèrent à demander sa séculari- sation qu'il obtint : le gouvernement des Pays-Bas, lui conféra un canonicat de Courtrai. Élu membre de l’Académie de Bruxelles en 1774, il en fut nommé se- crétaire perpétuel le 23 mai 1787, et en 1792, membre de la commission royale des études. À l’entrée des troupes francaises dans la Belgique, il se retira en Allemagne et se fixa à Prague, DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. ns - Depuis son institution , l'Académie avait, dans la classe des sciences, borné à peu près ses travaux à l’histoire naturelle dans ses PENETAE DE ties. Les sciences exactes l'avaient peu occupée. Ce n’est qu'en 1777 qu'on commença à les cultiver. M. Bournons (1) lut à la séance du 8 janvier de cette année un Mémoire contenant la formation d'une formule générale pour l'intégralité, dont la Compagnie ordonna l'impression dans son re- cueil (2). Mais c’est l'entrée de M. le commandeur de Nieuport (3) à l'Académie qui est comme l’époque où les mathématiques ont commencé à être cul- tivées avec succès. Les deux mémoires qu’il avait présentés avant d'être élu académicien, l’un sur les courbes que décrit un corps qui s'approche ou s'éloigne en raison donnée d’un point qui parcourt une ligne droite (4); l'autre sur la maniere de trouver le facteur qui rendra une équation différentielle com- plète, lorsque ce facteur doit être le produit de deux fonctions qui con- tiennent chacune une seule variable (5), enrichirent le recueil académique. Ces deux ouvrages furent bientôt suivis de son Essai analytique sur la mécanique des voûtes (6). Ses mémoires sur les codéveloppées des courbes (7); sur la propriété prétendue des voûtes en chainettes (8); sur une nouvelle ma- chine propre à élever des fardeaux considérables {9), dont il présenta le modèle et montra l'usage aux yeux, parurent deux ans après et tinrent une place distinguée dans le recueil. M. Van Swinden, professeur distingué de l’Université de Franeker, qui avait présenté à l'Académie un mémoire météorologique, contenant les (2) Élu le 14 octobre 1776. (2) Mém., tome 1, p. 323. Il lut dans la suite quelques autres mémoires qui étaient également destinés à entrer dans le recueil; mais après sa mort on n’a pu les retrouver. Sa notice est insérée au tome 5, p. LXXVI. (3) Élu le 14 octobre 1777. (4) Mém., tome 2, p. 141. (5) Ibid., p. 152. (6) Ibid., p. 41. (7) Ibid., tome 4, p. 3. (8) Ibid., p. 19. (9) Ibid., p. 30. Le journal des séances du 11 mars 1779, p. XLI, tome 5, loire l'explication de cette machine. Tome II. 6 xLij RAPPORT SUR L'ÉTAT résultats des observations qu'il avait faites en 1978 à Franeker, fut admis dans ce temps comme membre étranger (1). Ce savant était déjà hono- rablement connu par les ouvrages qu'il avait publiés sur la philosophie en général (2) et sur la philosophie neutonienne en particulier (3), et son excellent mémoire intitulé : Recherches sur Les aiguilles aimantées et sur leurs variations regulières, avait partagé le prix proposé pour l’an 1999 par l’Académie des sciences de Paris. Les différens mémoires des membres, tant de la classe des sciences que de celle d'histoire, avaient, à la date du 18 juillet 1788, fourni cinq vo- lümes imprimés à Bruxelles, : Les mémoires couronnés ont évalement été publiés jusqu'à cette épo- que. Les circonstances malheureuses dans lesquelles le pays s'est alors trouvé, ont empêché l’Académie de publier les uns et les autres; mais elle n'a pas moins continué ses travaux, sinon avec la même activité, parce que ces circonstances y mettaient un obstacle, du moins dans le même espril, C’est dans ce temps (4) que fut élu M. Lesbroussart, connu très-avanta- geusement, non-seulement par ses importans services dans l'instruction publique, mais encore par ses ouvrages relatifs à l'histoire du pays. Il venait de publier son excellent commentaire sur les annales d'Oude- gherst (5), dans lequel, réunissant une critique éclairée à une profonde érudition, il a rectiñé d’une manière lumineuse les inexactitudes et les erreurs de l'historien, et a suppléé les lacunes qui s’y rencontrent, par des notes historiques très- étendues. Ce commentaire a encore un autre mérite; c'est que l'estimable et savant auteur a su, quand la matière l'exi- geait, élever son style à la majesté de l'histoire. (x) I fut élu le 14 octobre 1779. {2) Cogitationes de variis philosophiæ capitibus ; Franeker, 1767, in-4. Oratio de causis errorum in philosophia ; Vraneker, 1767, in-fol. (3) Oratio de philosophia neutoniana ; Franeker, 17979, in-4. Son mémoire rétéorologique est inséré au tome 3 du recueil de l’Académie, p. Aor. (4) Il fut élu le 14 mai 1790, et confirmé le 27 janvier 1791. (>) Voyez p. VIF, note 3. DES TRAVAUX DE L’ACADÉMIE. xuii] : La Compagnie continua à proposer des questions de science et d'histoire pour les prix à distribuer au concours de chaque année, et elle procéda dans ses différentes séances à l'examen et au triage des mémoires, qui, y ayant été lus, étaient destinés à former le sixième volume. Mais les mêmes obstacles en empêchèrent la publication, de même que celle des mémoires couronnés. Dans le nombre de ceux-ci, il en était cependant quelques-uns qui méritaient bien cette distinction, et la Compagnie l'avait même ainsi résolu. Je citerai entr'autres trois mémoires de notre respec- table confrère M. Thys, le premier sur Les différens que Marguerite, com- tesse de Flandre et de Hainaut , eut avec ses fils Jean et Baudouin (1); l'autre, sur l’état de la Lotharingie ou Lorraine au temps du duc Gislebert ; le troi- sième, sur Régnier 1, comte de Hainaut (2). Je rappellerai encore les trois mémoires qui ont remporté les prix et les deux accessits sur la question pro- posée pour le concours de 1792 : Quels étaient les cantons de l’ancienne Flandre dont Baudouin, surnommé Bras-de- Fer, fut comte ? Combien d'années l'a-t-il été? et quel était son gouvernement ? Le prix fut adjugé à M. Van Dyck, bollandiste, religieux de Tongerloo ; le premier accessit, à M. Van Hulthem, noire confrère actuel, et le second à M. Thys, que je viens de nommer, déjà si avantageusement connu par les prix qu'il avait remportés. S'il s'agissait de mémoires en matière de sciences, on pourrait dire qu'après les immenses progrès qu'elles ont faits depuis ce temps, la publication de ces ouvrages serait à peu près superflue. Mais ces ques- tions ayant rapport à des points d'histoire du moyen-âge, peuvent aussi bien être traitées en 1822 qu’en 1792. Pourquoi donc ces mémoires ne seraient-ils pas publiés ? C’est, ce me semble, une lacune à remplir; c'est même peut-être une espèce de devoir; car comme nous avons adopté pour le premier volume des nouveaux mémoires ceux que nos prédéces- (1) M. Amand, sous-principal du collége d’Ath, qui obtint l’accessit, fit impri- mer son mémoire à ses frais. (2) L'Académie, dans sa séance du 8 novembre 1791, avait proposé pour le con- cours de 1793 et pour sujet d’un prix extraordinaire, la meilleure dissertation sur un point quelconque de l’histoire belgique. La matière était donc laissée au choix des concurrens, et M: Thys traita les deux sujets que je rapporte dans le texte, l’un sur l’état de la Lorraine, etc., l’autre sur le comte Régnier, et il se trouva qu’il obtint le prix sur le premier , et l’accessit sur le second. 6. xriv RAPPORT SUR L'ÉTAT DES TRAVAUX DE L'ACADEMIE. seurs avaient destinés à faire partie du sixième, qui n'a pu être publié, ne devrions-nous pas, pour être conséquens, faire le même honneur aux mémoires couronnés qui en ont été jugés dignes ? Ge n'est au reste qu’une observation que j'ai l'honneur de soumettre à la Sie ae et je finis ici cette partie de mon rapport, L'Académie avait tenu sa dernière séance le 21 mai 1794, et le nouvel ordre des choses amena sa dissolution. AAA AA AV VAR AV LAS SAV RAR AS LR LA LR LV LR RE LD LS VV RS LED VUE SECONDE PARTIE, COMPRENANT LE TABLEAU DES OPÉRATIONS DE L’'ACADÉMIE , Depuis sa restauration en 1816 jusqu’en 1822. Les travaux de l'Académie avaient cessé. Ses membres dispersés, fuyant les agitations révolutionnaires, ou s'étaient réfugiés dans les pays étran- gers, espérant y trouver un asyle plus sûr, ou s'étaient retirés dans leurs foyers, y attendant un temps plus tranquille. Mais ils durent, au milieu du fracas des bouleversemens politiques, renoncer à leurs études chéries, et cette époque fut fatale à la science : les esprits troublés par la suc- cession rapide des événemens et des catastrophes dont la France et la Belgique étaient devenues le théâtre, avaient perdu ce calme et cette tranquillité , si nécessaires à la culture des sciences et des lettres. M. le commandeur de Nieuport ne cessa pas cependant, au milieu de la tourmente révolutionnaire, de se livrer à ses profondes méditations. C’est alors que se renfermant, pour ainsi dire, en lui-même, il publia ses Mé- Zlanges mathématiques, en deux recueils, et le Supplément, ou Mémoire sur l'intégralité médiate des équations différentielles d’un ordre quelconque, et entre un nombre quelconque de variables (x). Entraîné par son goût dominant pour la géométrie, il avait concu le projet d'examiner jusqu’à quel point on peut appliquer aux sciences en général la méthode géométrique. C’est alors que s'occupant de la logique de Condillac, et n'ayant d'abord que le dessein d'accompagner ce traité de (1) Le premier recueil parut en 1794; le second, en 1799, et le supplément, en 1802. EN) RAPPORT SUR L'ÉTAT notes, il vit insensiblement la matière se développer sous sa plume, et se détermina enfin à rédiger un Æssaë sur la théorie du raisonnement. C'est sous ce titre modeste qu'il publia un ouvrage qu'on peut regarder (je ne craindrai pas de l'avancer) comme peut-être le traité le plus profond et le plus méthodique à la fois sur cette matière. Il le fit précéder de la logi- que de Condillac avec des observations. Ce n'est point ici un ouvrage fait, comme tant d’autres, sur le modèle de semblables livres. Le judicieux auteur n’a pas, comme on le voit trop souvent, suivi péniblement et ser- vilement l’ornière tracée par ceux qui l'avaient précédé dans la carrière. Il n'a interrogé que lui-même, et c'est de son propre fonds qu'il a tiré cet ouvrage ; c'est absolument le résultat de ses réflexions (r). Deux mémoires, l’un contenant la solution d'un problème de mécanique ; q propose par d’ Alembert, Yautre sur l'équation générale des polygones réguliers et la division d'un arc quelconque en parties égales , présentés à l'Institut de France et lus dans ses séances, ont été insérés dans le premier tome des Mémoires présentés à l'Institut des sciences, lettres et arts, par divers savans et lus dans ses assemblées (2), Au milieu de ces graves occupations, M. de Nieuport, mettant à profit tout son temps, confiait au papier ses pensées et ses réflexions sur diffé- rens objets de philosophie et de littérature, fruit de ses continuelles mé- ditations (3), et il les fit successivement insérer dans l'Esprit des Journaux depuis 1807 jusqu'à 1816. Depuis, il les réunit en un volume, qu'il donna au public, comme un petit souvenir, dit-il, qu'il voulut laisser à ses amis (4). Je rappelle encore ici avec plaisir le nom de M. Van Swinden. Sans parler des différens ouvrages qu'il a publiés séparément dans cet inter- valle ; qu'il a insérés dans les journaux ou adressés aux sociétés savantes, (1) Bruxelles, 180b. (2) Paris, 1606. (3) Ile velut fidis arcana sodalibus olim Credebat libris. HorarT., sat. 1, lib. 1. (4) Ce recueil parut à Bruxelles en 1818, sous le titre : Un peu de tout, ou Amu- sermens d'un sexagénaire, depuis 1607 jusqu’en 1816. DES TRAVAUX DE L’ACADÉMIE. xLVij je distinguerai surtout 1° le Recueil de memoëres sur l'analogie de l'électri- cité et du magnétisme, couronnes et publiés par l'Académie de Bavière, tra- duits du latin et de l'allemand, et enrichis de notes et de dissertations nouvelles {1); 2° le Rapport fait à l'Institut de France le29 prairial an VIE, au nom de la classe des sciences mathématiques et physiques sur la mesure de la meridienne de France et les resultats qui en ont été déduits pour déterminer les bases du nouveau système métrique; 30 le Précis des opérations qui on£ fait déterminer les bases du nouveau système métrique, à la séance publique de l’Institut de France, classe des sciences physiques et mathematiques, le 15 messidor an VII. D'autres savans, étrangers à l’Académie, s’occupèrent également dans l'intervalle où elle fut fermée, d'ouvrages importans relatifs à l'objet de leurs études. M. Van Mons, qui était déjà connu parmi les savans par son Essai sur les préncipes de la chimie antiphlogistique (2), a publié dans ces années orageuses des ouvrages sur les sciences chimiques et physiques, dont la réputation s’est étendue sur l'Europe savante, la Pharmacopée ma- nuelle (3); la Synonymie des nomenclaiures chimiques modernes, ouvrage traduit de l'italien de Brugnatelii (4); les Principes de l'électricité (5); la Théorie de la combustion (6). Guidé par un penchant irrésistible vers l'étude des sciences naturelles, M. d'Omalius de Halloï, s’appliqua spécialement à l’étude de la minéra- logie. Le pays où il est né (la province de Namur) lui en fournit d’abord les moyens, et il s’y livra avec d'autant plus d’ardeur, que cette branche d'histoire naturelle était trop négligée dans cette province, où cependant la nature en a déposé tous les élémens. L'amour de la sciénce lui inspira (1) La Haye, 1784, 3 vol. in-8. La Dissertation sur les mouvemens irréguliers de l'aiguille remplit le 3e volume. (2) Bruxelles, 1785. (3) Bruxelles, an IX. (4) 1802. (5) An XI. (6) An X. Il a de plus donné pendant ces années plusieurs articles trés-intéressans au /oxr- ral de chimie et de physique, dont il ‘était un des collaborateurs. rs RAPPORT SUR L'ÉTAT le dessein d'étendre ses connaissances par des excursions scientifiques : il employa dans cette vue les années 1806 et 1807 à parcourir les con- trées situées entre le Rhin et la mer du nord, et il publia le résultat de ses observations dans le Journal des Mines (1). Get heureux essai (car c’est aussi le titre modeste que l'auteur donna à son ouvrage) fut accueilli avec distinction par d’estimables savans, qui engagèrent l’auteur à entreprendre un travail analogue pour la vaste réunion de pays qui forma l'empire francais. Il y consacra donc tous ses momens, et dans l'intervalle de 1809 à 1814, il rassembla une grande quantité de matériaux, dont il n'a publié que quelques notes isolées qui se rattachent à des faits sur lesquels l’at- tention des savans se trouvait plus particulièrement fixée pendant cette époque. Telle a été entr'autres la Votice sur le gisement du calcaire d’eau douce dans différens départemens, inséré dans le Journal des Mines (2). Tel est encore le mémoire sur l'étude géographique du terrain des environs de Paris, composé en 1813, et dont depuis l’auteur a fait hommage à l'Académie. M. d'Omalius se disposait à réunir tous les élémens de son travail pour en former un ensemble et en fixer la publication, quand appelé à servir son pays dans la magistrature administrative (3), il dut renoncer à ce pro- jet pour se livrer tout entier à ses fonctions. On ne peut s'empêcher de regretter que si son temps est utilement et honorablementi employé pour les affaires publiques , il soit perdu pour les sciences. Des hommes également amis de leur pays et de l'histoire nationale (car quand on aime sa patrie, on en aime l'histoire, ou si l’on veut, l'étude de l'histoire nationale fortifie l'amour de la patrie), des hommes de lettres citoyens, comme les qualifie un académicien célèbre (4), se sont particu- lièrement attachés à l'étude de l'histoire dans ces années. M. Raepsaet (1) Année 1808, n° 140 et suivans. Cet ouvrage a été imprimé séparément sous ce titre: Æssar sur la géologte du nord de la France. Paris, 1809. (2) Cette notice a également été insérée dans le même journal, année 1812, n° 197, et imprimée séparément, M. d'Omalius a encore donné une rote sur l'exis- tence du calcaire d’eau douce dans les départemens de Rome et de l'Ombrone. (3) M. d'Omalius est actuellement gouverneur de la province de Namur. (4) Thomas, Discours de réception à l'Académie francaise. Li DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. xLix s'occupa de la recherche de différentes origines qui se perdent dans la nuit des temps, et qu'on ne peut retrouver qu'en les saisissant dans les vieux monumens historiques où on neles rencontre qu’au moyen de l'étude la plus pénible et la plus opiniâtre. Telles sont ses Recherches sur l’origine des dimes et des paroisses (x), sur celle des Belges (2), des inaugurations (3). Tous ces sujets particuliers présentent un grand intérêt. Mais M. Raepsaet a donné à ses études un plan bien plus étendu. L'Origine et les progrès des droits civils et politiques des Belges a été l'objet de ses immenses recherches et de ses profondes méditations (4). Le respectable chanoine de Bast, de Gand, s'attacha à une partie d'au- tant plus intéressante de notre histoire ancienne, qu’elle est extrêmement propre à dissiper les ténèbres qui l'enveloppent : ce sont les Antiquités ro- maines et gauloises, dont il a donné deux recueils, suivi de deux supplé- mens. Il ne borna pas ses recherches aux antiquités proprement dites, comme médailles et autres monumens; il les étendit aux langues, et il publia ses savantes Recherches historiques et littéraires sur la langne celtique, gauloise et tudesque (5). M. Cornelissen, ami zélé des sciences, des lettres et des arts, et dont le ncin se trouve honorabiement lié soit à la direction, soit à la fondation des institutions qui leur sont consacrées à Gand, s'est occupé dans plusieurs écrits particuliers à éclaircir, à développer ou à rectifier des faits histori- ques ou négligés ou défigurés par les historiens nationaux et étrangers. (x) Gand, 1806. (2) Gand, 1811. (3) Bruxelles, 1814. (4) Ce grand ouvrage est encore en porte-feuille. M. Raepsaet m'a informé qu'il se propose de donner une Analyse raisonnée de cet ouvrage , précédée du précis to- pographique de l'ancienne Belgique, et suivie d’ur mémoire spécial sur l’origine et les progrès des communes. Cet ouvrage formera 2 volumes in-8. Ce précieux porte- feuille renferme encore des mémoires manuscrits sur plusieurs points importans de notre histoire. (5) Le premier recueil d’antiquités parut en 1804, in-8. Il fut suivi d’une nou- velle édition augmentée de deux tiers, etc., in-4. Les supplémens parurent succes- sivement. Les Recherches sur la langue comprennent 2 vol. in-4. Tome IL. 7 x RAPPORT SUR L'ÉTAT Telles sont les époques des deux Artevelde et de Jean van Hembyse. Dans un mémoire assez étendu avec des notes, il s’est chargé de venger la mémoire ‘de Jacques Artevelde, que la plupart des écrivains, d'après Froissart , avaient peint sous de fausses couleurs. Je m'en étais moi-même ainsi formé une fausse idée, et c'est le mémoire de M. Cornelissen qui a redressé mes erreurs sur ce point historique. C'est là qu’il a entrepris de prouver que la plupart de nos institutions politiques et civiles, littéraires et scientifiques, ont été transmises à nos ancêtres par les communications fréquentes que le commerce avait ouvertes entres les Flamands et les villes d'Italie. M. le baron de Geer, jeune encore, avait donné une haute idée de son érudition et de ses talens littéraires par une dissertation aussi profondé- ment pensée, que méthodiquement divisée et élégamment écrite (r) sur la doctrine de Platon concernant la philosophie ou l'enseignement de la morale, et la politique ou le gouvernement des états, La philosophie, selon Platon, était corrompue par les opinions erronnées des sophistes de son temps, comme la politique par la téméraire licence des démagogues. C’est l'objet d'un premier chapitre divisé en deux sections , subdivisées en au- tant de paragraphes que la matière le comporte. Dans le second chapitre, l’auteur développe les principes fondamentaux de la doctrine de Piaton sur ces deux grands objets, et il le partage également en deux sections, dans lesquels il examine point par point les principes et les moyens par lesquels ce philosophe tâche de poser les bases de la vraie philosophie et de la saine politique. Afin de donner à ce beau sujet tout le développe- ment dont il est susceptible, M. de Geer consacre un troisième chapitre à l'examen de quelques idées paradoxales de Platon sur les chefs des na- tions, la communauté des biens et la condition des femmes. On comprend sans doute d’après cet apercu l’importance du sujet. C'était déjà beaucoup d'en avoir concu l’idée; qu'est-ce donc de lavoir si bien exécutée ? Ce n’est pas seulement à ces matières graves que M. de Geer a consacré ses talens ; il s'est livré avec le même succès à l’agréable étude de la bota- nique , et il a publié en 1814 une nouvelle Flore des provinces septentrio- (2) Cui lecta potenter erit res Nec facundia deseret hunc , nec lucidus ordos Horar. DES TRAVAUX DE L’'ACADÉMIE. 1] nales (1). La charmante épître dédicatoire qui se trouve à la tête de cet ouvrage présente une description de ses excursions botaniques, écrite dans un style si plein de grâces, qu'après l'avoir lue, ox se sent comme entrainé par un attrait irrésistible à l'amour et au goût d'une science dont il parle avec cet intérêt qui n’est inspiré que par la conviction. M. Kesteloot publia en 1809 à Amsterdam, les discours sur les progrès des sciences, lettres et arts, depuis 1789 jusqu'en 1808, rédigés par les présidens et secrétaires perpétuels des quatre classes de l’Institut de France, avec des notes sur les savans cités dans ces rapports, et la notice raisonnée de leurs travaux. Ces notes ont surtout pour objet de développer lés propo- sitions susceptibles d'exécution où d'explication par l'indication d’un ou de plusieurs bons ouvrages, et il en prend l’occasion de faire ainsi connaître ceux qui ont été publiés sur les mêmes matières en Hollande dans le même inter- valle. Il s’est surtout étendu sur les nouvelles découvertes dans les sciences exactes. Ainsi il a rendu commun aux autres pays un ouvrage qui concer- nait exclusivement la France, et il a atteint son but, qui était d'indiquer les bonnes sources (j'emprunte ici les expressions de l'auteur) et de contribuer à rendre publics les secrets de l’art de savoir. M. Kesteloot acquit en 1813 un nouveau titre à sa réputation littéraire par l'éloge historique de Boerhave, écrit en hollandais, et qui lui a valu le prix d’éloquence dans une des sociétés littéraires les plus distinguées des provinces séptentrionales (2). L'histoire du pays de Liége fut long-temps l’objet des recherches et des études de M. le baron de Villenfagne. Déjà, en 1958, il avait publié ses Mélanges de littérature et d'histoire. L'Histoire de Spa, qui a paru en 1803, - contient des détails très-curieux sur toutes les sources minérales du pays de Liége. Ses Essais critiques sur différens points d'histoire civile et littéraire de la principaute de Liège, publiés en 1808, sont bien plutôt des discussions très- profondes sur plusieurs points obscurs de l'histoire de Liége, que l’auteur a débrouillés et éclaircis avec autant d’érudition que de sagacité. L'auteur (x) Plartarum Belgii confæderaté indigenarum spicilegium alterum, quo GorTERt Flora VII provinciarum amplificatur et illustratur, elc.; Trajecti, ap. Johannem Altheer, 1814. (2) Hollandsche maatschappij van fraaye kunsten en wetenschappen. 7. Li RAPPORT SUR L'ÉTAT a pris pour épigraphe ce passage de Pasquier : Encore que Le fruit soit petit de cette recherche, si est-ce que le labeur n’en est pas moindre. Le fruit de ces recherches ne paraîtra petit qu’à ces esprits frivoles qui ne cherchent que la distraction et l'amusement dans la lecture, qu'ils ne regardent que comme un passe-temps ; mais les hommes solides.en retireront des fruits très-sub- stantiels ; et tous conviennent que le /abeur , pour me servir du mot du vieux Pasquier, a certainement exigé une grande assiduité et une infatiga- ble persévérance; c'est bien le /abor improbus. Je me fais un devoir de dire que pour ma part j'ai beaucoup profité des recherches de M. de Villenfagne. Les Mélanges pour servir à l’histoire civile, politique et littéraire du pays de Liege , imprimés en 1810, peuvent être considérés comn - * suite de ses premiers mélanges. : Après des noms si distingués, oserais-je dire un mot de moi ? Car, et moi aussi, j’ai osé écrire. L'amour de mon pays m'avait inspiré dès ma première jeunesse le désir d’en étudier l'histoire ; et consultant bien plutôt mon zèle que mes faibles moyens, j'ai entrepris de l'écrire. Cette histoire manquait ; si mon entreprise a été téméraire, parce qu’elle excédait mes forces, j'oserai dire du moins que si je n'ai pas fait preuve de talent comme écrivain, j'ai, comme citoyen, fait preuve de zèle patriotique; et si je suis loin d'avoir atteint le but, j'ai peut-être l'honneur d'avoir montré la route qui y con- duit. Au reste, je me crois bien amplement dédommagé et bien honora- blement récompensé de mes longs et pénibles travaux par l'inappréciable avantage d'être associé aux hommes distingués qui composent cette respec- table Compagnie, à laquelle la main régénératrice de l’augeste monarque qui nous gouverne a rendu l'existence. C’est à Guillaume Ie" que cette gloire était réservée. Il ne restait après un si long intervalle qu’un petit nombre des anciens membres (1): il les rappela, et leur commit le soin de choisir les hommes qu’ils croiraient dignes de leur être associés : le prince les admit à cet honneur, et il choisit dans les deux parties du royaume des hommes de lettres connus par leurs ouvrages ou leur science, des professeurs recommandables par leurs services, et des membres de l'Insti- tut royal et des Académies des provinces septentrionales du royaume distin- gués par leurs travaux scientifiques et littéraires. Il recréa ainsi l’Acadé- (1) C’étaient MM. Caels, Burtin, Lesbroussart, le baron de Feltz, Te Water, moris depuis; M. De Nieuport, MM. Van Wyn:et Van Swinden. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. Li} mie (1), en nomma les membres et le président (2), et lui donna un ré- glement qui la rétablit sur les mêmes bases que l'ancienne avec les seuls changemens que les circonstances exigeaient : il fixa le nombre des mem- bres à 6o, dont 12 honoraires et 48 ordinaires (3). La Compagnie tint sa première séance le 18 novembre 1816 (4), et re- prit ses travaux au point où l'ancienne Académie les avait laissés. Il faut donc se reporter un moment en 1794. Elle avait cette année proposé pour le prix d'histoire de déterminer les endroits des x7 provinces des Pays-Bas et du pays de Liège qui, du 7° au 12° siècle, pouvaïent être considérés comme villes. C'était la suite de celle qui avait été proposée en 1769, ayant pour objet d'indiquer les endroits qui pouvaient passer pour villes avant le 5° siecle. Elle avait également proposé pour question de la classe des sciences de faire connattre les défauts qu’on reproche à plusieurs espèces de nos bri- ques, etc. Deux mémoires sur Ja première question, et quatre sur la seconde avaient dans le temps été envoyés au concours. Il fut arrêté dans cette première séance que la question d'histoire serait proposée de nouveau, et que les deux mémoires déjà envoyés concourraient avec ceux qui pourraient lui être adressés. Des deux mémoires anciens, l’un obtint le prix, et l'autre l'accessit. La question relative aux briques fut réservée pour le concours de 1818 (5). L'Académie, adoptant le plan anciennement suivi, choisit pour ies ques- tions d’histoire, des sujets propres à éclaircir de plus en plus les points relatifs à l'ordre moral ou politique. L'état de la servitude aux Pays-Bas (1) L'Académie a été rétablie par l'arrêté royal du 7 mai 1816. (2) Les membres et le président, qui fut M. le baron De Feltz, ancien membre, ent été nommés par celui du 3 juin suivant. ‘ (3) Le réglement a été approuvé par celui du 3 juillet. (4) Voyez le journal des séances, p. 1 et suiv. (5) Aucun des mémoires sur cette question , qui, d’ailleurs, paraissait plutôt ap- partenir strictement à la science économique, qu’à la science proprement dite, n’a mérité le prix nila mention honorable, et elle a été abandonnée, Liv RAPPORT SUR L'ÉTAT depuis les temps les plus recules jusqu’à la fin du 13° siecle (x); l’état de la population, des fabriques et des manufactures pendant les 15° et 16€ sie- cles (2), et depuis le commencement du 17° siècle jusqu'à l'érection du royaume des Pays-Bas (3); l’état de la législation et des tribunaux dans les provinces méridionales de ce royaume, avant l'invasion des armées francaises , ete. (4). Conformément à son institution, l'Académie étendit ses questions à l’his- toire littéraire du pays. Elle proposa en 1818 pour le concours de 1820, la notice historique et littéraire par ordre chronologique des poètes latins des Pays-Bas, avec l'examen critique de leurs ouvrages. L'Académie a eu la satis- faction de décerner le prix à un mémoire plein d'intérêt, et qui annonce dans l’auteur ( ce qui ne se trouve pas toujours réuni) autant d'érudition que de goût. Cet auteur est M. Hofman Peerlkamp, recteur de l'école latine de Harlem (5). La réputation de Juste-Lipse, et l'espèce de révolution qu'il a opérée dans la littérature, ont inspiré à l'Académie l’idée de proposer une ques- tion sur le mérite littéraire de cet homme célèbre. L'Académie l'a adoptée pour le concours de 1821. On demanda qu'on fit connaître dans une revue littéraire de ses productions, leurs qualités et leurs défauts, et surtout quelle à été l'influence de ces ouvrages sur la littérature et les sciences (1) Concours de 1818. Le prix a été adjugé à M. Hoverlant, de Tournai. Voyez le Journal des séances, p. XXIV et XXV. (2) Cette question a été proposée trois fois, savoir : en 1817, 1818 et 1819. Le prix a été remporté au concours de 1820, par M. le baron de Reïffenberg, profes- seur à l’Athénée de Bruxelles. (3) Cette question est proposée pour la troisième fois. (4) L'Académie, en 1819, avait proposé une question d’une beaucoup plus grande étendue; elle embrassait toutes les institutions politiques, civiles, judiciaires, la législation, les institutions religieuses, les établissemens d'instruction publique, le commerce, les fabriques, la culture dés lettres, les mœurs, le costume, etc. L'Aca- démie a senti que cette question exigeait des connaissances trop variées pour être traitée par un même homme, et elle a résolu de la simplifier en la proposant par parties. Elle l’a donc bornée à la législation et aux tribunaux; et au concours de 1822, M. Pycke, avocat à Courtrai, a remporté la palme. (b) M. Hofman Peerlkamp est maintenant professeur à l’Université de Leyde. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. Lv critiques, archéologiques, historiques et littéraires. C'est ce dernier point qui faisait le grand intérêt de cette question. Ce n'est point une simple notice littéraire quon voulait; c'est un jugement raisonné dans lequel l’auteur, s’élevant à des considérations philosophiques, étencit ses observa- tions non-seulement au caractère des ouvrages du célèbre professeur, mais surtout à l'influence qu’il a exercée sur la littérature. C'était là, si l’on peut dire ainsi, comme la partie morale de la question. M. le baron de Reiffenberg, déjà couronné en 1820, a rempli l'intention de l'Académie dans un mémoire latin très-détaillé, qui lui a valu une nouvelle palme. C'est dans le même esprit que l'Académie a proposé pour le concours de 1827, une question sur un homme, bien autrement célèbre que Juste- Lipse : c'est cet Érasme de Rotterdam, aussi spirituel que savant, à qui la saine critique dut sa renaissance. On a donc proposé pour le concours de 1822, de faire connaïtre les rapports littéraires d'Érasme avec les habitans des Pays-Bas (x). Dans les questions de sciences, on s’attacha d’abord à des objets qui pus- sent réunir le double avantage d'être utiles en théorie et en pratique. On proposa pour le concours de 1817, deux questions, l’une sur es applica- tions qu’on pouvait fuire dans nos fabriques et dans l'économie domestique de la vapeur d'eau, employée comme moyen d'échauffement ; VYautre sur Les moyens de detruire la plante parasite qu'on appelle orobanche ; et l’Acadé- mie a eu la satisfaction de couronner un des mémoires qui lui ont été adressés sur la première (2). Mais l’orabanche, vigoureusement attaquée par onze concurrens, ne fut cependant pas encore extirpée. Aucun des mémoires n’a complètement rempli les vues de l'Académie. Elle en a ependant distingué un, auquel elle a accordé une médaille d’encoura- gement. Les différentes espèces de minéraux qui appartiennent au sol du (1) Un seul mémoire a concouru pour cette question. L'Académie n’a cru pou- voir lui accorder qu'une médaille d’encouragement, et a proposé le sujet de nou- veau pour le concours de 1823. (2) L'auteur de ce mémoire est M. de Hemptinne, pharmacien, à Bruxelles. EY) RAPPORT SUR L'ÉTAT royaume (1), la composition chimique des sulfures (2), l’état ancien des vignobles dans ce pays (3), la vraie composition du bleu de Prusse (4), ont fourni le sujet d'autant de questions. Dans le nombre des réponses que l'Académie a recues, un des mémoires qui ont traité le sujet relatif aux sulfures, a atteint le but, et la palme a été décernée à son auteur, M. M2- rée, pharmacien à Louvain. Si les mémoires sur les deux questions sui- vantes n'ont pas également rempli les intentions de l'Académie, les efforts et le travail que ces ouvrages supposent nécessairement, la science même qu'ils anonncent, lui ont cependant paru dignes d'encouragement, et elle a décerné la médaille d'argent à leurs auteurs. Depuis vingt ans que l’Académie était dissoute, les sciences naturelles, comme les seiences exactes, avaient fait d'immenses progrès : aussi dès le principe de sa restauration, l’Académie proposa sur la chimie, la botanique, la géologie et la géométrie, des questions d'une haute spéculation, et elle a eu la satisfaction de couronner quelques mémoires qui, à la profondeur de la science, réunissent la clarté dans l'analyse, la précision et la méthode dans la rédaction. Tels sont le mémoire de M. Vène, officier du génie en France (5); tel est celui de M. Pirard, ingénieur du Waterstaat, à Na- mur (6); tel est encore celui de M. Drapiez, sur la question relative à la constitution géologique du Hainaut (7), qui ont valu la palme à leurs auteurs. (x) Concours de 1819. La médaille d'encouragement à été accordée à M. Behr, commis d'état, La méme question a été proposée pour 1820. Mais l’Académie, ju- geant qu’elle était trop étendue, a résolu de la simplifier et de la restreindre d'abord à la province de Hainaut. (2) Concours de 1820 et 1821. (3) Concours de 1820. (4) Concours de 1821. Les concurrens qui ont obtenu les médailles d’encoura- gement, sont M. Audoor, greffier de la Cour supérieure de justice à Bruxelles, sur les Vignobles, et M. Coulier, fabricant de bleu de Prusse à Paris, surle Bleu de Prusse. Ë (5) Concours de 1820. Journ. des séances, classe des sciences, première ques- tion, p. XLI. (6) Concours de 1820. Journ. des séances, même classe, deuxième question, p. XLIT. (7) Concours de 1827. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE, avi; L'Académie avait également distingué un mémoire de M. le colonel Huguenin, directeur de la fonderie de canons, à Liége; mémoire dans lequel, si l’auteur n'a pas complètement satisfait à la question (1), l'Aca- démie a cependant reconnu un savant géomètre, et lui a offert la mé- daille d'argent, Les mathématiques prirent un nouvel essor. M. le commandeur de Nieuport, qui, déjà sous l’ancienne Académie, avait été presque le seul qui les eût cultivées, s'y attacha avec une nouvelle ardeur après la res- tauration de la Compagnie. Dans un mémoire présenté à l’Institut de France, et imprimé parmi ceux des savans étrangers(2),il avait résolu le pro- blème proposé par d’Alembert, savoir : Assigner la loi d'équilibre d’un corps fixe, soutenu sur un fil lâche, qui le traversant par une rainure quelconque de Jigure régulière ou irrégulière, est fixé par chacune de ses extrémités à un point d'attache. Sa solution est à la vérité fondée sur le principe connu que dans tout système de corps en équilibre, et uniquement soumis à la force de la pesanteur, le centre de gravité est placé le plus bas qu’il est possible. Mais il termina ce mémoire par en donner une démonstration très-simple de pur raisonnement, la rendant ainsi propre à être enseignée dans les livres élémentaires, où ce point important de mécanique n’a jamais été abordé. Il à fait depuis une nouvelle application de ce principe à un cas plus compliqué, et c'est l’objet de son mémoire sur l'équilibre des corps qur se balancent librement sur un fil flexible et sur celui des corps flottans (3). Ce mémoire est précédé de deux autres, dont le premier présente l'Æs- quisse d’une méthode inverse des formules intégrales définies (4). L'auteur se borne à faire l'application de cette méthode à des exemples, ou déjà con- nus, ou dont la solution pouvait facilement se prévoir, afin de montrer évidemment, par chacun des rétultats, combien sa marche est assurée. Quant au second, il présente une propriété générale des ellipses et des hy- (x) Concours de 1821. (2) Tome 1, an 1806, p.649. (3) Tome 1er des nouveaux Mémoires de l’Académie, p. 65. (4) Ibid. p. 3. Tome IL. ÿ ivii) : RAPPORT SUR L'ÉTAT perboles semblables, ainsi que sur la propriete analogue des paraboles et sur celle de l'angle plan et du cone (x). Ces trois mémoires sont suivis d'un quatrième, intitulé : Sur un cas de la théorie des probabilités en général. Dans celui-ci l'auteur s'est attaché à redresser et à compléter la solution qu'il avait donnée de la même ques- tion, dans un ouvrage précédent (2). Tous ces mémoires sontimprimés dans le premier volume, qui estterminé par un dernier mémoire du même auteur, inséré par forme d'addition aux mémoires des sciences, et dont le but est de démontrer d'une ma- nière évidente que la méthode usitée des quadratures n'exige aucunement la supposition de quantités tellement petites qu'on puisse sans erreur les négliger; principe qui serait peu en harmonie avec la rigueur des sciences exactes, et qui est tout à fait inutile, parce qu'en effet on ne néglige rien (3). La littérature ancienne, qui, dans le réglement royal, est désignée comme un des objets des recherches et des travaux de l'Académie, a aussi occupé M. de Nieuport. C'est à la littérature grecque surtout qu'il s'est appiiqué, et l'étude approfondie qu'il a faite de Platon, lui suggéra l'idée de rassembler dans un mémoire toutes les observations que la lecture assi- due du philosophe grec lui avait fait naître, et d'en rétablir dans sa pureté primitive le texte original, corrompu dans plusieurs endroits par la né- gligence ou l'ignorance des copistes, afin d'éclaircir ainsi les passages que ces altérations avaient rendus plus ou moins obscurs. C’est ce qu'il a entrepris et exécuté avec le plus grand succès dans un mémoire latin, in- séré dans le premier volume des nouveaux mémoires (4). À la tête du second volume paraît un mémoire sur la pression qu'un méme corps exerce sur plusieurs appuis à la fois, par le mème auteur. Le but qu'il se propose ici est de prouver que la théorie d'Euler, consignée (1) Tome itr, des nouveaux Mémoires de l’Académie, p. 39. (2) Un peu de tout, ou les Amusemens d'un sexagénaire. (3) Réflexions sur les notions fondamentales en géométrie, tant élémentaires que transcendantes. (1) In Platonis opera et ficinianam interpretationem antmadversiones, p. 141. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. Lix dans le tome 18 des mémoires de l'Académie de Pétersbourg, sur cette importante matière, quelqu'ingénieuse, quelque digne qu’elle soit d’un aussi rare génie, ne peut cependant être regardée que comme arbitraire et hypothétique, et peu en harmonie avec l'observation. C'était aussi le sentiment de d'Alembert. L'auteur, après avoir essayé de répandre quel- que jour sur ce point épineux de la mécanique, finit par montrer que jusqu'ici la difficulté reste en son entier. Ce premier mémoire est immédiatement suivi d’un second sur la méta- physique du principe de la differentiation. C’est une généralisation du prin- cipe énoncé dans un des mémoires précédens qu'on applique à la dif- férentiation de toute équation, de quelque ordre de différentiation qu'elle soit, et quel que soit le nombre des variables qu'elle contient. Un plus long détail serait inutile : les géomètres n’en n'ont pas besoin, et il serait inintelligible pour les autres. Des savans, déjà distingués par leurs écrits, viennent siéger à côté de M. de Nono et donnent un nouveau lustre à cette ee M. Gar- nier, ancien professeur aux écoles polytechnique et militaire de France, et Pop. actuel à l'Université de Gand (r); M. Van Utenhove, mem- bre de l'Institut des Pays-Bas (2); M. Quetelet, professeur de mathémati- (1) M. Garnier est auteur des ouvrages suivans : 19 Traité d’Arithmétique. 20 Géométrie comprenant les deux trigonométries, les élémens de la géométrie descriptive et les réciproques de la géométrie. 3° Algèbre en deux sections. 4° Traité de la géométrie analytique. 59 Lecons de calcul différentiel. 6° Lecons de statique, etc. 7° Analyse algébrique, faisant suite à la première section de l’algèbre; Paris, 1814. 8° Lecons de calcul intégral. Des notes avec La Grange sur l’algèbre d'Euler; sur celle de Clairaut; sur la mécanique de Bezout; sur la trisection de l’angle. (2) M. Van Utenhove a présenté à l’Académie un mémoire sur La division de la circonférence du cercle en parties épales, et une édition des Lettres cosmologiques sur l'organisation de l'univers, écrites en 1761, par S. H. Lambert. 8. Lx RAPPORT SUR L'ÉTAT ques à l’Athénée de Bruxelles (1), successivement admis à l’Académie, se sont de concert avec M. Thiry, livrés avec autant de zèle que de succès aux travaux de la classe, soit dans les rapports sur les objets dont l'examen leur a été confié, soit dans les mémoires de leur composition. M. Garnier a rassemblé dans un mémoire sur les machines les matériaux épars dans les différens ouvrages qui traitent de cette matière, et il a cherché à fondre et à coordonner en corps de doctrine ceux de ces ma- tériaux qu'il a jugés dignes d’être recueillis, en les accompagnant de ses réflexions (2). M. Quetelet a traité deux sujets également intéressans, dent l’un est une formule générale pour déterminer l'air d'un polygone forme à la surface d'une sphère par des arcs de grands ou de petits cercles, disposés entre eux d'une manière quelconque ; l'autre, une nouvelle théorie des sections cont- ques, considérées dans le solide, et il en a fait l'objet de deux mémoires, que la Compagnie a jugés très-digne de figurer dans son recueil im- primé (3). La mème classe a fait une acquisition importante dans la personne de M. Kickx, auteur de la Flore de Bruxelles et du Tentamen mineralogi- cum, etc., également versé dans la botanique, la géologie et la chimie. C'est lui qui, conformément aux désirs de S. M., s'est chargé de la rédac- tion du précis sur l'extraction et la prrification du salpêtre, sur l’établésse- ment de salpétrières artificielles et les moyens de perfectionner nos poudres. Ce travail a été non-seulement adopté par la Compagnie, mais accueilli par le gouvernement comme remplissant parfaitement le but qu'on s'est. proposé. Sa dissertation sur les traps stratiformes , ainsi que ses Observations météorologiques, ont, au jugement de l’Académie, présenté un intérêt qui les rend dignes des honneurs de l'impression. (1) Il a présenté un mémoire sur quelques nouvelles propriétés de la focale et sur quelques autres courbes. Ce mémoire faisait suite à un autre sur la même courbe focale. Voyez le journ. des séances, p. XLV. (2) Tome 1 des nouveaux Mém., p. 103. (3) Ils sont l’un et l’autre insérés au tome 2, le premier, p. 103, et le se- cond, p.121. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. ux) Un savant naturaliste, connu par un ouvrage sur les familles des plantes, M. Cassel, professeur à l'Université de Gand, unanimement élu membre de l’Académie, fut enlevé trop tôt aux sciences, emportant l'estime et les regrets du public et de ses confrères. Pour l’histoire, la Compagnie avait admis un homme déjà avantageuse- ment connu par plusieurs ouvrages très-estimables, qui, sans être propre- ment et spécialement historiques, annoncent cepentlant des connaissances très-étendues dans l'histoire nationale. C’est M. Meyer, avocat à Amsterdam, membre de l’Institut, qui a depuis amplement justifié par la publication de son histoire des institutions judiciaires anciennes et modernes des prin- cipaux pays de l’Europe, la haute opinion que l’Académie avait conçue de son mérite. Les élémens étaient préparés pour former le premier volume des nou- veaux mémoires. M. de Nieuport et M. Garnier fournirent d'amples et so- lides matériaux pour la classe des sciences, Pour celle d'histoire, les mémoires de M. Lesbroussart, qui avaient été destinés par l'ancienne Académie à entrer dans le 6€ volume, ont été in- sérés dans le nouveau recueil, et ont, avec une savante dissertation de M. Raepsaet sur la législation des Gaules, formé la partie historique; Ce savant académicien, continuant ses utiles et profondes recherches sur le même objet, présenta un second mémoire sur cette importante partie de l’histoire. Ce mémoire est intitulé Lex ecclesiastica, parce que c’est la législation en matière ecclésiastique qui en fait l'objet. Je me suis, de mon côté, occupé d’un point historique, qui, s'il était traité par une main plus habile, offrirait un véritable intérêt. Je désirais découvrir quelle peut être la situation des principaux endroits de l’an- cienne Belgique devenus célèbres dans les commentaires de César par les évé- nemens mémorables qui s'y sont passés, et c'est dans cette intention que j'ai entrepris un mémoire divisé par sections sur ces différens emplace- mens, comme le champ de la bataille contre les Nerviens , la situation du camp de Cicéron (1), la place que César désigne sous la dénomination (1) M. Kickx a judicieusement traité ce point dans une dissertation qui se trouve 2 xi) RAPPORT SUR L'ÉTAT d’Opidum Atuaticorum , Yendroit indiqué dans la plupart des éditions des Commentaires sous celle d'Ætuatuca. J'ai aussi présenté deux autres dissertations, l’une sur l’époque où les comtes et les ducs sont devenus héréditaires dans la Belgique, Vautre sur Baudouin, surnomme Bras-de-Fer, premier comte de Flandre , dans laquelle examine à quel titre il a gouverné cette province. Les différens morceaux que M. le baron de Villenfagne avait adressés à la Compagnie, sur l’histoire de Liége, ont été refondues dans ses Àe- cherches, qu'il a publiées en deux volumes. Ge laborieux écrivain a depuis envoyé une dissertation, qui, si l'on ne jugeait ces sortes d'ouvrage que par le volume, paraîtrait peu importante, mais qui, si on l'apprécie , comme on le doit, par la nature de l'objet, traite un point historique propre à piquer la curiosité de ceux qui aiment à connaître l'origine des découvertes utiles; ce sont ses Recherches sur la découverte du charbon de terre dans la principauté de Liège, vers quel temps et par qui elle fut faite. Tous ces ouvrages sont destinés à l'impression, et formeront avec les mémoires de MM. de Nieuport, Quetelet, Kickx et ceux qui pourraient encore être adoptés, le second volume des nouveaux mémoires. Les membres de l'Académie n'ont pas borné leurs travaux aux points particuliers de sciences ou d'histoire nationale dont ils ont fait la matière des mémoires présentés à l'Académie : il en est plusieurs qui, dans les derniers temps, ont donné au public, les uns, des ouvrages scientifiques qui forment des traités complets ; les autres, des compositions histori- ques qui embrassent des périodes entières. Ainsi, dans la classe des sciences, M. Garnier a donné une seconde édition de ses Æ/emens de géomé- trie contenant les trigonométries rectilignes et sphériques, les élémens de géomc- insérée au journ. des séances, p. LV. Je ne suis pas de l’opinion de mon hono- rable confrère ; mais je suis loin de dire ou de croire que c’est moi qui ai raison. Au reste, nous n'avons eu d'autre intention l’un et l’autre que de chercher ta vérité, et nous pouvons dire avec Cicéron: Neque désputationes nostræ quidquam eliud agunt, nisi ut in utramque partem dicendo et audiendo eliciant et tamquam exprimant aliquid quod aut verum sit, aut ad id quäm proximé accedat. DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. Lxii] trie descriptive et les réciproques ou inverse de la géometrie (1); M. K esteloot son édition de Quarin, enrichie de notes et de l'éloge historique de ce médecin célèbre (2); M. Kickx, son Traité de minéralogie (3); M. Van Hulthem, son beau Déscours sur l’état ancien et moderne de l’agriculture et de la botanique dans les Pays-Bas (4). Cet ouvrage n’est point, comme tant d’autres, un discours de pure cérémonie ou de simple apparat. C'est un vaste tableau enrichi de notes non moins intéressantes que savantes ; c'est un des plus utiles traités qui ait été écrit sur l’introduction de la culture des plantes dans la Belgique, sur les progrès continuels et l'état actuel de la science; c'est enfin, j'oserai le dire, l'histoire de l’agriculture et de la botanique dans ce pays. Dans la classe d'histoire , M. le baron de Villenfagne a donné ses Recher- ches sur l’histoire de Liege (5); M. Raepsaet, son Histoire de l’origine, de l’organisation et des pouvoirs des états généraux et provinciaux des Gaules, particulièrement des Pays-Bas, depuis les Germains jusqu'aux 16° siècle (6) ; M. Meyer, son grand ouvrage sur l’Esprit, l’origine et les progres des institu- tions judiciaires des principaux pays de l’Europe (7); ouvrage qui a obtenu (je crois pouvoir le dire sans exagération) une réputation presque eu- ropéenne. (1) Gand, 1818, in-8. (2) Josephi L. B. de Quarir animadversiones practicæ in diversos morbos, edrtio Viennensis auctior et emendatior. Curavit præfationemque adjecit J. L. Kesteloot ; Gandavi, typis de Goesin-Verhaeghe, 1820, ën-fol. M. Kesteloot, qui déjà s'était fait un nom dans la littérature par ses ouvrages précédens, est maintenant professeur de médecine à l’Université de Gand. (3) Tentamen mineralogicum , seu mineralium nova distributio én classes, ordi- nes, genera, species, cum vartetatibus et synonyimis auclorum ; Bruxellis ; typis Delemer , 1820 , in-8. (4) Ce discours a été prononcé le 29 juin 1817, jour de la distribution des prix, à la salle ordinaire des séances de la Socicté, et imprimé à Gand, en 1807. (b) Liége 1817, 2 vol. in-8. (6) Gand, 1819, in-8. (7) Cet ouvrage a successivement paru en 5 volumes, depuis 1818 jusqu’en 1820. zxiv RAPPORT SUR L'ÉTAT DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE. J'ai aussi dans le même intervalle publié mon Æbrégé de l’histoire Bel - gique (1); mon Histoire particulière des provinces belgiques sous le gouver- nement des ducs et des comtes (2), et mon Dictionnaire géographique du royaume des Pays-Bas (3). D'autres membres ont annoncé dans le temps, qu'ils s'occupaient de différens ouvrages qu'ils se proposaient ou de présenter à l'Académie ou de donner au public. (1) Bruxelles, 1819, seconde édition; chez Ad. Stapleaux. (2) Bruxelles, 1816; chez le même. (3) Bruxelles, 1819; chez le méme. MEMOIRE SUR LA PRESSION QU'UN MÈME CORPS EXERCE SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. PAR LE COMMANDEUR C. F. DE NIEUPORT, PRÉSENTÉ A LA SÉANCE DU 11 OCTOBRE :18r9. MÉMOIRE SUR LA PRESSION QU'UN MÈME CORPS EXERCE SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. © 1 D'Acrmerr, dans le 8°me tome de ses opuscules ma- thématiques, page 36, Paris 1780, se propose de déter- miner la pression qu'un corps de figure quelconque, sou- tenu par trois points d'appui placés en ligne droite, exerce sur chacun d’eux. Après avoir montré toute la difficulté de ce problème, il termine ses recherches infructueuses par conclure que la théorie connue jusqu'ict est insuffisante pour résoudre ce probléme (page 38, $ 7). Il cite ensuite une solution de ce même problème, digne, ajoute-t-il, d’exer- cer les géomètres, donnée par Euler dans le tome XVIII des Mém. de Pétersbours : Solution quil trouve encore incertaine et hypothétique, et sur laqueiie ie vais revenir assez au long. Il termine enfin son travail sur cette ques- tion d’une manière qui prouve de nouveau combien il la jugeait importante et difficile : ce serait beaucoup, dit-il ($ 14), que d'avoir une solution satisfaisante du cas où les trois ap- puis sont en ligne droite : peut-étre viendrait-on alors à bout de résoudre les autres cas plus compliqués. 2. J'en viens maintenant au mémoire d’Æuler : voici ce qu'en dit Possut dans sa Mécanique à la fin de la sect. 5 ï, A SUR LA PRESSION QU'UN MÈME CORPS EXERCE du chap. 3 de la 1e mart., page 206 : Euler pour le ( ce problème) rendre déterminé en général, regarde le plan sur lequel portent les appuis, comme formé de terre glaise, et suppose que les pressions des appuis sont proportionnelles aux quantités dont les pieds du corps s’enfoncent dans la glaise. C’est en effet à peu-près ainsi que cet illustre géomètre con- sidère les circonstances de la pression; sinon qu'au lieu de glaise , il suppose (voyez son mém.S 4): Planum sive solum cui pondus incumbit, non aded esse durum ut nullam planè impressionem recipere possit, sed quasi panno esse obductum, cui pedes illi aliquantillum se immergere queant. En toute autre matiere il pourrait paraître téméraire, à moi d'oser être d’un avis contraire à celui d’un homme comme Æuler. Mais en mathématiques rien ne doit paraître tel, dès qu'on motive son opinion, et un aussi grand nom est un avertissement suffisant de ne rien hasarder qu'avec la plus grande réserve, et après le plus sévère examen. 3. C'est dans ce même art. 4 qu'Euler consigne le prin- cipe de sa solution en ces termes, immédiatement à la suite du passage que je viens de citer : ubi quidem tutd assu- mere licet impressionem cujusque pedis proportionalem esse vi qu& solo innititur; atque hoc principio concesso totum hoc negotium facilè expediri poterit. Neminem autem pannus ille pressiont cedens offendat; etsi enim illi mollitiem quam- dam tribuimus, eam tamen quousquè libuerit, diminuere licebit ; ità ut tandem indolem sol illius cui pondus re- verà insistit , adipiscatur. La grande, ou plutôt la seule dif- ficulté tombe en effet ici sur la concession à faire de ce SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. 5 principe, et je remarque en passant que cette maniere de s'exprimer de la part d’un homme, aussi grand physicien que profond mathématicien, semble prouver suffisamment qu'il n'a jamais regardé lui-même ce principe comme une hypothèse réellement physique, mais seulement comme une de ces hypothèses purement mathématiques, sur lesquelles les géomètres se permettent quelquefois d'établir une théorie, dans laquelle ils se plaisent à développer toute la fécondité de leur génie, laissant à leurs successeurs le soin d'en dis- cuter la validité. Et certes ce mémoire, quel que soit le sort du principe sur lequel il est fondé, sera toujours un monument digne de son auteur : passons maintenant à l'examen de ce principe. %. Voici donc comme Euler considère la pression d’un corps sur un plan solide, soit qu’elle se fasse sur des points distincts, soit qu'elle provienne d'une surface plane con- tinue; mais pour plus de clarté, bornons-nous à la pre- miere de ces deux hypothèses, et supposons, par exemple, une table portant par ses quatre pieds sur un plan solide; la table elle-même et les pieds n'ayant aucune pesanteur, mais la première étant chargée d’un poids en un point quel- conque, il s'agit de déterminer la pression qu’exerce chacun de ces pieds. Pour cela, Æuler imagine que l'extrême superficie supé- rieure du plan pressé devient subitement perméable ; et ayant fait observer qu'il en résultera un enfoncement infi- niment petit des quatre pieds, dont le système s’inclinera simultanément autour d’un axe déterminé par la situation du poids sur la table, il établit pour principe, que le pe- (9 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE tit enfoncement de chacun de ces pieds est exactement pro: portionnel à la pression antérieure qu'il exerçait individuel- lement sur le plan solide et imperméable. De plus, comme ces quatre pieds, partant perpendiculairement d’un même plan , sont aussi d’une même longueur, il s'ensuit que quel- que direction que prenne leur inclinaison simultanée , le lieu des extrémités inférieures de ces quatre pieds ne peut manquer d’être toujours un plan. De là il tire cette couclu- sion générale, qu'en nomment x et y les deux co-abscisses du plan pressé, et z l’ordonnée qui représente la pression en ce point; et #, 6, y, étant des constantes à déterminer par les conditions du problème , la valeur z de cette pres- sion sera toujours donnée par une équation du 1°" degré z—a+6x+yy (voyez le mém. en question $ 8); et en partant de cette théorie, il résout les cas les plus compli- qués avec un adresse merveilleuse. 5. Pour bien comprendre l'usage de ce principe il suffira de suivre le procédé entier de l’auteur, lequel est déve- loppé dans les articles 9 et 10. On y voit que des trois principes qu'il emploie, deux sont les principes ordinaires de statique ; savoir, 1° l'égalité de la somme des pressions particulières au poids total ; et 2° celle de la somme des mo. mens particuliers de chaque pression prise relativement à deux axes qui s’entre-coupent sous un angle quelconque, au moment du poids total pris aussi par rapport à ces deux mèmes axes. Ces conditions suffisent, comme on sait, pour résoudre le cas de trois appuis placés d'une manière quel- conque , autre qu’en ligne droite. Mais lorsque le nom- bre des appuis est plus considérable, les données manquent jusqu'ici pour rendre le problème déterminé. SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 7 Au reste la raison pour laquelle, dans le cas que nous ve- nons de citer, le problème l’est complètement, tandis que dans tous les autres il cesse de l'être, est facile à saisir. Elle consiste en ce que ces deux principes ne spécifient aucune- ment si les forces dont il s’agit, sont actives ou seulement réactives ; et que dans le cas de trois appuis, cette particula- rité est parfaitement indifférente, parce qu’alors le problème n’admet qu’une seule solution, qui est la même pour l’hypo- thèse des forces actives et réactives. Il n’en est pas de même lorsque le nombre, soit des appuis, soit des poids suspendus qui soutiennent le poids total en équilibre au moyen de pou- lies de renvoi, est plus considérable. En effet, lorsque ce sont des poids suspendus, et conséquemment des forces actives, il est clair que le problème présente une infinité de solutions, toutes également possibles; c’est-à-dire, qu’on peut diviser le ù pee e ie poids total d’une infinité de manières différentes telles, que dans chacune l’ensemble des parties le maintienne en équi. libre. Mais dans le cas des appuis, et conséquemment des for- ces simplement reéactives, il n'existe qu’une manière dont la distribution des différentes pressions doit s’opérer. Car s’il en existait plusieurs également possibles, il est évident qu'aucune n'aurait lieu de préférence aux autres, et qu’ainsi l'équilibre ne pourrait s'établir. Il s’agit donc alors de régler, par quel- que nouveau principe général cette distribution; et c'est là en eflet l’objet du problème qui nous occupe. C'est aussi dans la vue d'atteindre à ce but, qu'Euler a adopté celui en question, qui fournit en effet précisément le nombre d'équations nécessaires pour déterminer la pres- sion qu'exerce chaque appui ; et qui en dernière analyse, se réduit à supposer que les pressions sont toujours entre Figure. I. 8 SUR LA PRESSION QU'UN MÈME CORPS EXERCE elles comme les ordonnées au plan ou à la ligne droite : supposition qui jusqu'ici pourra paraître très-arbitraire. 6. Il ne s'agit donc plus que de savoir jusqu'à quel point ce troisième principe est conforme aux lois de la nature; et pour cela, nous commencerons par en faire l'application au cas le plus simple, à celui d’une barre sans pesanteur char- gée d’un poids en un point quelconque et portant sur trois appuis. Soit donc une ligne non pesante et parfaitement rigide BE, reposant sur les trois appuis B, C, E, et chargée en D d'un poids G; et nommons BC—a, BE—b, BD—1. Dans cette hypothèse la formule d'£uler se réduit évidem- ment à z—u+6x,x appartenant indistinctement aux trois. points B, GC, E Or z désignant successivement la pres- sion particulière relative à chacun de ces points, lorsqu'on substitue dans sa valeur l'expression de x convenable à ce point, on verra qu'au point B, x—o; en C,x—a; et en- fin en E, x—4. On aura donc en chacun de ces points, et dans le même ordre; savoir, en B, z—%; en C, z—=4+6a; et en E, z—+66. La somme de ces trois pressions don- nera donc 34+6a+6b—G, 1° équation; et on en aura une 2de au moyen du 24 principe ; savoir, celui de l’éga- lité des momens particuliers de chaque pression, au moment du poids total, ce qui donne a(a+6a)+b(a+6b)—31G, puisque le moment de la pression en B—o. Et de ces deux équations résultent les valeurs de « et de 6; savoir, nes bbas are ( GG NR à NES 0 a à °— p(b&+æ—ba) ?" p(b+a—ba) SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. 9 Ainsi au point B la pression sera, bP+a—(b+a)r G: 2(b+a —ba) ” =t—= au point C elle sera ie pin bP—ab+oai—b bo SUD ae va)s À et enfin on aura pour celle au point E, res æ+2b1\—ab—a) : te 2 (b° + a —ba) Quant à la distance BA du centre À autour duquel doit être censé tourner le levier BE dans notre cas particulier, distance qu'EÆuler désigne par la lettre f, ( mém. $ 7), on trouvera (par l’article subséquent 8), f=" __b(b—1)+a(a—à) D CO 7. Le but de l'exemple tres -simple auquel je viens de faire l’application de la solution générale d’Euler, étant uni- quement de nous mettre à même d'examiner si dans le petit nombre de cas particuliers de ce même exemple, sur lesquels la statique ordinaire jette quelque lumière, les résultats seront conformes à ceux que donne cette derniere, je me servirai, afin de rendre cet examen plus facile, d’une autre question parfaitement analogue, dont les résultats se- Tom. II. 2 Figure, II, 10 SUR LA PRESSION :QUIUN MÊME CORPS EXERCE ront, à la verité, exactement les mêmes; mais comme ils se- ront représentés graphiquement par des lignes, ils seront plus faciles à saisir : ‘voici done le nouveau problème que je me propose. 8. Étant donnée une ligne BE avec les deux points C, D, déterminer la longueur BA telle que la somme des per- pendiculaires Bb, Ce, Ee, élevées sur les trois points B, C,E, et qui sont toujours entr'elles comme AB : AC : AE, soit égale à la ligne donnée ST — G ; et que de plus, la somme des aires des deux triangles BCc, BEe, soit égale à l'aire du triangle BDR, DR, étant —ST—G—Bb+Cc+Ee. On voit tout de suite qu'ici la ligne ST—G remplace le poids G ($ 6); que les trois lignes Bb, Ce, Ee, rem- placent de même les pressions sur les points B,G, D; et enfin que la somme des aires des deux triangles BCc, BEe, (puisque :le ‘troisième qui devrait se former sur Bb, se ré- duit à zéro) d'un côté, et l'aire du triangle BDR de l’au- tre, représentent également le rapport d'égalité entre la somme des momens BC(:+6a)+BE(:+60) et le mo- ment total xG. Ayant donc fait BC—a, BE—0, BD—), BA—/, d’où CD—1—a, CE—b—a, DE—b—7; et de plus, nommant Bb—s, Cc—+#, Ee—u, on aura par les conditions du problème, les quatre équations suivantes, 10, ss tu = Gr; 20. at + bu —1G, SOC d) Su 4°. (f+ 0) s=fu. On tire des deux #eres, n5(1—m)t+(1—0)u—o; et en SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. II combinant celle-ci avec les deux dernières, on conclut après réduction, b(b—1)+a(a—x) DErVPSru"SS = 3 et cette détermination fait aussitôt connaître s, € et w; et on a enfin les quatre équations parfaitement conformes à celles que. nous à: fournies la: formule d'Æuler ci-dessus; savoir, na b(b—)i)+a(a—1) _ 2(bb+aa—ab) Aie B(b—a)—1(b—2a) 7 2(bb +aa—ab) A2b—a)—a(b— a ) G 2. ( bb'+ a a —«b) ° G(b—x)+a(a— x) 0 ed 2h G; ? (A) 9. Examinon$ maintenant les divers cas, malheureuse- ment en très-petit nombre, sur lesquels la théorie , con- nue peut nous éclairer. Pour cela, nous ferons mouvoir le point D le long de la ligne BE. Soit donc d’abord risurestetn. BD—)—a—"b, ce qui se rapporte au cas où le poids porte sur l'appui en C lui-même, placé au milieu de BE. On trouve dans cette hypothèse s—{—u—:;G, et f—c; c'est- à-dire que les trois points d'appui éprouvent la même pres. Figure 1. sion, égale chacune au tiers du poids G ; ou: que la ligne Âe est parallele à celle AE, chacune des ordonnées: Bb, rigure 11. Cc, Ee étant —:DR—: ST. Figure I. Figare I. 12 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE Quant au problème qui se rapporte à cette seconde figure, il est exactement résolu par ces valeurs ; mais en dirons- nous autant du problème de statique? Est-il conforme à ses lois que les trois appuis B, C, E, éprouvent dans notre hypothèse une même pression, tandis qu’elle nous apprend (ci-apres $ 20) que si on vient à supprimer l’un des deux appuis extrêmes, par exemple celui B, la pression sur ce- lui E sera nulle? Et on ne peut pas dire ici que cette pres- sion antérieure qu'éprouvait l'appui E avant cette suppres- sion, était occasionnée par une action quelconque de celui en B lorsqu'il existait encore. Car il n’y aurait même eu alors aucune action en ce point, qui donnât au levier la moindre propension à tourner autour de l'appui du milieu G comme kypomochlion ; puisque la réaction qui seule aurait pu agir dans ce sens, devait nécessairement être aussitôt entièrement détruite par l’action contraire et égale de la pression qui l'aurait provoquée. Voilà donc un premier cas où la formule d'Euler paraît être fautive. 10. Soit maintenant 1—0 et b—ma, on trouve I+n m'—m Im JS ———— |, CG; ————— GUu—= ———— 0; 2(1—m + nv) 2(1—m +7) 2(1—m+m) I+7 1 +7 étonne Ne TR, I+7mn m + mr ou en faisant, afin de particulariser l'exemple, m—2, on aura s—iG,t—};:G;u——?:G, et f—— +0. Il arrive donc ici que la ligne DR se trouve au point B ; le point C au mi- lieu de BE, Ee conservant sa place; et la figure 2 prend alors la forme de la figure 3. ? SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. 15 Cette solution satisfait encore pleinement au problème relatif à cette figure, puisque l'aire du triangle BDR—0o, aussi bien que la somme des deux aires BCc+BEe— LaG—=aG;et que Bb+Cc+Ee—(i+i—;)G—=@G =DR. Mais si nous considérons ces résultats par rapport au problème statique, ils sont tout-à-fait inadmissibles. En effet, il est évident que le poids ne portant que sur l'appui B, il est impossible que celui en C éprouve une pression po- sitive —{G, et de plus celui en E une négative —;G; c'est-à-dire, que la pression qui agit uniquement en B, en occasionne une sur C, qui tende à faire remonter le point E autour du point À où il n’y a point d'appui. Voilà un se- cond exemple qui me paraît encore plus évidemment dé- poser contre le principe en question. 11. Soit encore \——+a,b—2a; on trouve par les for- mules À ci-dessus ($ 8) s—G, t—iG, u——:6G, f——2a; et ce problème considéré comme géométrique, se rapporte à la figure 4, et satisfait parfaitement à toutes les conditions; puisque s+4+u—G+1G—:G—G—DR, et que le triangle BDR——*{aG (à cause de BD—)1— —!a)—=BCc+BEe—iaG—iaG. Mais si nous adoptions ces mêmes résultats sous le point de vue statique, nous nous trouverions obligés d'admettre comme vérité, qu'un poids G suspendu en D, occasionne sur l'appui placé en B une pression exprimée aussi par G, et en même-temps une autre pression sur l'appui C—:G, et enfin en E une pression négative ——:G; de manière que le levier tende à tourner autour du point A où il n’y Figure IV. Figures Let If, 14 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS ÉXERCE a pas d'appui, en vertu des deux pressions Bb, Cc,.et conséquemment en vertu du poids G agissant à l'extrémité D au-delà de tous les appuis; comme s’il n'était point évi- dent qu'une force appliquée en cet endroit ne peut que produire un mouvement général de rotation dans ce levier autour de l'appui le plus voisin B. Au reste, je ne mets ici cet exemple, que pour y revenir plus tard, et montrer la véritable source de l’absurdité de son résultat. 12. Nous prendrons encore un dernier exemple qui nous conduira à quelques réflexions importantes : c’est celui où la distance BC s'annulant, le point C se confond avec celui B; c'est-à-dire que a—0; et où BD est égale à la moitié de BE, d'où 1 — : à. Dans cette nouvelle hypothèse on trouve s—;G,t—;:G,u—}:G,f—=b; cest-a-dire qu'il ne reste que deux appuis effectifs, l'un en B, et l'autre en E, au milieu. desquels se trouve suspendu le poids G ; mais de manière que le premier réunissant en lui seul les deux appuis B et C, il éprouvera une pression composée des deux pressions qui appartiennent à ces appuis; d'où il résulte que chacun des appuis B et E supporte réellement une pression —=°G, ce qui est parfaitement d'accord avec les lois ordinaires de la stati- que, lorsqu'un poids porte librement sur deux appuis égale- ment éloignés de lui. Ainsi ce dernier exemple satisfait com- plètement, tant sous le point de vue de la géométrie, que sous celui de la statique. Car, AB—/ étant —, on a 10. Bb : Cc (—Bb):Ee:: AB:AB:AE; 20. Bb+Cc+Ee ou 2Bb+Ee—G ; et enfin 30. Triang. BDR —triange. BCe+ triang. BEe; c'est-à-dire 5 bG—0o +:8G. SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 15 13. Ce dernier exemple vient enfin de nous donner un résultat de la théorie d’£uler conforme aux lois de la stati- que ordinaire. Il en donne lui-même un second dans son mémoire ($ 13), où il examine de cas de trois appuis pla- cés d’une manière quelconque, mais autre qu’en ligne droite. Et enfin on trouve une troisième classe très -nombreuse de pareils exemples dans ceux où les appuis éprouvent tous une même pression : tels sont ceux où ils sont placés aux angles d’un polygone régulier quelconque, la circon- férence du cercle y comprise (mém. $ 26), le poids étant au centre. On peut encore y ajouter les parallélogrammes rectangles, la théorie de Téquilibre dans toute cette troi- sième classe, n'étant cependant fondée que sur le principe évident : que partout où il y a parfaite égalité de causes efficientes , les effets sont aussi nécessairement égaux. L'exemple du parallélogramme est un de ceux qu'£uler examine (mém. $ 15); mais il ne le restreint pas au cas unique du rectangulisme : : la solution est générale ; la figure _est comme ici la figure 5, et les quatre pressions 5 sont expri- ligure V. mées de la manière suivante : Pression en À — :G (et pe — 1), DA 2AP , 2CS a B=:G(%S + ri), en C—=;: : DS 2DR HOT DC 4 $ 2CR 2AQ De: CES AD 1). figure VI. 16 SUR LA PRESSION QU'UX MÊME CORPS EXERCE D'où il suit que si le point O, où est placé le poids tombe sur celui d'intersection des deux diagonales ; c’est- a-dire , si 2BP—BA, et 2DQ—DA, ces quatre pressions seront chacune —:G. Or, il paraît difficile d'admettre une pareille égalité entre la pression qu'éprouvent les appuis en À et C, et celle qui se fait sur ceux en B et D; dif- férence qui n'existe plus lorsque le parallélogramme est rectangle, mais qui devient de plus en plus sensible à me- sure que l'inclinaison augmente. 14. Supposons, par exemple, que ce parallélogramme soit d'abord un quarré ADCB, le point O étant au cen- tre. Dans cet état de choses, les pressions seront nécessai- rement égales entr’elles. Maintenant puisque selon Æuler linclinaison des côtés AD, BC, sur celui AB n'est point un des élémens qui entrent dans la composition des va- leurs des quatre pressions, il s'ensuit qu’en inclinant de plus en plus ces deux côtés, ces pressions doivent rester égales entr’elles, lors même que les quatre appuis tombe- ront sur une même ligne droite AM. Dans cette dernière supposition, l'appui À conserve sa place, ainsi que celui B auquel vient s'unir celui D en D'; et enfin celui C arrive en C. Quant au poids G, il passe de O en B où il pose sur l'appui placé au point O', le même que celui B ou D’. Il résulte de là que ce poids ainsi posé au milieu de la ligne, imprimera aux deux appuis confondus en B et D' une pression —:G, et à chacun de ceux A, C, celle :G; ce qui rentre absolument dans l'exemple de l'art. 9 ci- dessus, puisque d’une part comme de l’autre, on voit le poids G reposant sur l'appui mitoyen en B, à égale dis- tance des deux appuis extrêmes en A et C. Or, dans ce SUR PLUSIEURS APPUIS À TA FOIS. 17 même exemple {$ 9) le calcul nous a donné + G pour cha- cune des trois pressions, tandis qu'il nous donne ici, dans un cas parfaitement semblable, 2 G ou : G pour la pres- sion sur l'appui du milieu, et = G pour celle sur chacun des deux appuis extrêmes. L'un ou l’autre de ces deux ré- sultats est donc fautif; ou pour mieux dire, ils le sont tous deux, comme on verra plus bas ($ 24). Mais revenons aux cas où les résultats de la théorie d’£uler sont parfai- tement d'accord avec ceux que fournit la statique ordinaire, et aux réflexions que j'ai annoncées ci-dessus ($ 12). 19. Ces réflexions portent sur ce que, de ces cas parti- culiers, où les résultats sont justes, on ne peut rien con- clure pour le cas général dont ils dérivent. Car on a voulu faire valoir ce motif pour étayer la théorie d'Euler. Ces cas se bornent, comme on vient de voir, à celui de deux ap- puis seulement, ou de trois placés en triangle, ou enfin à la classe des cas où la pression sur tous les points d'appui est la même. Or, dans le premier, quelles que soient les deux pressions, si on exprime leur rapport par des ordon- nées perpendiculaires, on pourra toujours évidemment faire passer une ligne droite par leurs extrémités ; comme dans le second, on peut toujours faire passer un plan par celles des trois pressions également représentées par des perpen- diculaires aux points d'appui; et enfin dans le troisième, toutes les pressions étant égales entr’elles, il passera néces- sairement un plan, parallèle à celui qui sert de base, par leurs extrémités. Ainsi tous ces cas rentrent manifestement dans l'hypothèse d'£uler : que le lieu des extrémités des Pressions est la ligne droite ou le plan. Mais ce serait s’ex- poser à tomber souvent dans l'erreur, que de prétendre Tome II- 18 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE conclure ainsi, de la justesse d’un principe dans quelques applications particulières, à celle du même principe dans le cas général; tandis au contraire, qu’un seul résultat par- se : ; pans ticulier qui se trouve être absurde, est un motif suffisant de rejet du principe général dont il dérive, considéré comme tel. Pour en donner une preuve bien palpable, je vais tirer une pareille conclusion, d’un principe notoirement faux. Je mets donc en avant la proposition suivante : /& super- Jficie du cône en général, soit régulier, soit scalène, est égale au produit fait de la cireonférence du cercle de sa base par le quart de la somme de deux lignes obliques opposées, menées du sommet à cette méme base; savoir, dans le second cas, la plus grande et la plus petite. La fausseté de cette proposition générale n’est pas dou- teuse , et cependant si on la met en équation, fausse comme elle est dans sa généralité, elle deviendra vraie étant limi- tée au cas du cône régulier. Voilà l’image de ce qui arrive ici par rapport à la formule d’Euler, également fausse dans sa généralité elle devient vraie dans les cas particuliers men- tionnés ci-dessus. 16. Mais il y a encore d’autres raisons non moins fortes à opposer à ce principe. Il est certain, d'après le principe fondamental de statique ($ 5); savoir, l'égalité de la som- me des momens particuliers de chaque pression prise re- lativement à deux axes qui s’entrecoupent sous un angle quelconque , au moment du poids total, censé réuni au centre de gravité, pris aussi par rapport à ces deux mêmes axes ; il est certain, dis-je, que lorsqu'un corps quelconque SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. Lee) pose tout entier sur un plan solide, la résultante de toutes les pressions qu'éprouve ce plan, passe par le centre de gra- vité de ce corps, aussi bien que celle des réactions qu’elles provoquent, et qui nécessairement leur sont directement op- posées et égales chacune à chacune. D'où naïîtrait donc alors cette tendance à un mouve- ment angulaire autour d’un point ou d'un axe quelcon- que? Maintenant si le plan devient perméable , il arrive de deux choses l’une ; ou 1° il sera tel sans opposer la moindre résistance à l’enfoncement des pieds, et dans ce cas le corps ne fera que se placer un peu plus bas, dans son premier état de pression, sans s’incliner aucune- ment, comme si le plan avait baissé d'autant parallélement à lui-même; ou 2° ce pannus permeabilis ($ 2) offrira en chaque point une certaine résistance uniforme, et dans le premier instant la résultante de l’ensemble de ces résistan- ces ne passant plus par le centre de gravité du corps, ce- lui-ci dans son enfoncement , prendra aussi-tôt un petit mouvement gyratoire autour d'un certain axe. Mais il est clair que dès-lors une force étrangère; savoir, l'effet de cette résistance , s'est jointe aux pressions antérieures, pour pro- duire cette diversité d’enfoncemens ; et que conséquemment ces mêmes enfoncemens ne sont pas proportionnels à ces mêmes pressions. 17. D'après toutes les raisons exposées ci-dessus, je crois pouvoir conclure, en me résumant, que le principe d'Euler, énoncé ($ 4); savoir que la valeur de z ou de la pression en chaque point, peut toujours être exprimée par l’'équa- üon z—4+6x+7y7; où en d'autres termes, ce qui re- vient au même, que le lieu de toutes ces pressions est une 3. Figare VIT. 29 SUR LA PRESSION QU'UN MÈME CORPS EXERCE ligne droite ou un plan, que ce principe, dis-je, n'a été adopté, ainsi que je l'ai insinué au commencement de ce mémoire, par cet homme éminent, que comme une hypo- these mathématique, sur laquelle il s’est plu à développer, avec une élégance remarquable , toute l'étendue de son rare génie. 18. Mais après avoir détruit, il faut essayer de recons- truire, du moins en partie, et c'est à quoi je vais travailler avec toute la circonspection que commandent, tant la dif- ficulté du sujet que les noms des deux grands mathémati- ciens que j'ai cités ci-dessus comme n'ayant pas réussi dans cette recherche. Maïs je préviens le lecteur qu’il ne doit pas s'attendre à me voir attaquer, comme a pu faire un Euler, ce problème dans toute sa généralité. Une pareille entre- prise est trop au-dessus de mes forces, et je me borne au cas le plus simple; à celui seul que d’//embert lui-même a osé se proposer, le trouvant déjà assez difficile ; à celui enfin de trois appuis en ligne droite. L’unique considération sur laquelle la statique ordinaire nous éclaire complètement, est celle de deux appuis seu- lement. C’est delà que nous partirons pour tâcher de par- venir à des cas plus compliqués. Soit donc un levier sans pesanteur et parfaitement rigide AF, chargé en C d’un poids P, et portant sur les deux appuis B,D. Soit BC—x, BD; nous aurons, comme on sait, — ù a—x ; æ pression en B———— P; pression en D—-—P, a a dans toute l'étendue de l'intervalle BD. SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 27 19. Nous placerons ici, en passant, une réflexion que je me suis engagé ($ 11) à faire sur le résultat du problème qui fait le sujet de cet article : la voici; c'est que si on vient à excéder ici les limites B ou D, en faisant, soit æ——BH——0, soit x—BG—a+b, on trouvera, dans le premier cas, b b Tite P; pression en Det pression en B— a et dans le second, ab pression en B—— —P; pression en D — P: a résultats évidemment absurdes, comme celui que nous a donné l'exemple de l’art. 11, que je viens de citer. Et on peut en conclure que, là comme ici, la véritable source de cette absurdité est la supposition qu'on y a maintenue, des deux conditions qui établissent l'équilibre; supposition abso- lument incompatible avec la position du poids hors des li- mites des appuis extrêmes, tant qu'on ne regardera pas le levier comme fixé par une charnière au point d'appui le plus éloigné du poids, et ne pouvant s’en séparer. 20. Je reviens aux cas où l'équilibre peut réellement avoir lieu. Nous remarquerons particulièrement ici ceux de æ—0,et de x—a, dont le résultat est le même; savoir, que la pression totale s'exerce sur celui des appuis qui est chargé du poids, l’autre n’en éprouvant aucune. Ce dernier résultat joint à celui de l’art. 18, nous ap- 22 SUR LA PRESSION QU'UN MÈME CORPS EXERCE prend qu'il ne se fait de pression sur les deux appuis B, D, qu'autant que le poids P, considéré comme réuni en un seul point, se trouve dans l'impossibilité de se maintenir dans sa position actuelle, si on vient à supprimer l’un ou l'autre des deux appuis; et que dans le cas contraire, qui est celui du présent article, l'effort du poids est uniquement concentré sur son appui. 21. Maintenant avant de passer à l'examen du cas de trois appuis en ligne droite, commencons par établir le principe fondamental : que si un mobile a un mouvement quelconque, il ne peut en prendre un en sens contraire, sans passer par l’état intermédiaire de non-mouvement. C'est là un axiôme reconnu par tous les physiciens : nel fit in natur& per saltum; et il est évident qu'il en est de même de la simple ten- dance au mouvement. Il faut donc considérer le mouvement, le zon-mouvement , et le mouvement rétrograde, comme rem- plissant , dans le même ordre, l’espace de trois instans consécutifs distincts. Donc si à un certain instant, un corps va commencer à se mouvoir dans un certain sens, il n’a pu l'instant immédiatement précédent, avoir un mouvement en sens contraire : il n’a pu être que dans l’état de non- mouvement. Donc tout mobile qui, dès le premier instant, ne peut se mouvoir que dans une certaine direction, n’a pu l'instant précédent, avoir même une tendance au mou- vement en sens contraire. Or une tendance au mouvement est précisément ce qui occasionne la pression sur l'obstacle qui Soppose au développement de cette tendance. Donc tout mobile qui dès le, premier instant ne peut se mouvoir que dans une certaine direction, n’a pu l'instant précédent exercer mème une pression en sens contraire. SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. 23 22. Cela posé considérons le levier AF toujours sans pe- santeur, couché sur les deux appuis D, E, et soutenu au point B par le poids R qui pose sur le plan horizontal LM; et imaginons qu'un autre poids P agit au point C. Il est DB.R CDR il soulevera aussitôt celui R en abaïssant l'extrémité À du levier, tandis que celle F, par la raison contraire , s’élevera autour du point D; et personne , je pense, ne prétendra qu’il en résulte la moindre pression contre l'appui E; puisque dès le premier instant de son mouvement, la portion DF ne pouvant agir que de bas en haut, il est impossible, ainsi que je viens de le démontrer, que dans le dernier instant qui précède ce mouvement, ni conséquemment ici dans aucun autre instant antérieur, elle ait exercé une pression en sens contraire. évident que si ce second poids est plus grand que 23. Maintenant si le poids P diminue jusqu’à devenir égal, B.R CD puisque le poids R, étant posé sur un plan horizontal, n'a qu'une action de résistance) imaginera-t-on que dans cette seconde hypothèse il se fasse la moindre pression . sur E? Mais je le répète : une pression est l'effet d’un mou- vement détruit par l'obstacle pressé. Or il n’existe plus évi- demment ici aucune cause de mouvement, ni vers le haut, comme dans la première hypothèse, ni vers le bas (S 9). Donc il n'y a ici lieu à aucune pression sur l'appui E. AA AAA rt es : À ou même inférieur à (ce qui est la même chose, 2/4. Mais allons plus loin, et faisons parcourir au poids P la longueur du levier AF. Quelque près qu'il arrive du Figure VIIE Tigure IX 24 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS ÉXERCE point D, tant qu'il restera en deçà de ce point la pression s’exercera toujours exclusivement sur l'appui D et sur ce- lui du même côté en B, ou son remplacant le poids R. Si au contraire il vient à dépasser ce même point D, dès-lors, par la même raison, ce seront uniquement les deux ap- puis D et E qui le supporteront. Donc si ce même poids P s'arrête précisément sur l'appui D, le-levier sans pesan- teur AF restera parfaitement en équilibre sur ce seul ap- pui; et les deux autres en B et E n’éprouveront aucune pression. Nous conclurons donc en général de là, que lors- qu'un levier sans pesanteur portant sur trois appuis, ou même sur un plus grand nombre, est chargé d’un poids P placé directement sur l’un de ces appuis, c’est sur lui seul que s'exerce toute la pression. ( ’oyez $ 14 à la fin). 25. Je viens de prouver qu'il n’y a aucune pression sur l'appui E résultante d’une tendance au mouvement autour de l'appui D. Mais, dira-t-on peut être, cette pression pro- vient, au contraire, d’une tendance au mouvement autour de l'appui le plus éloigné B : examinons donc ce nou- veau cas. Considérons, pour cela, le levier AF; et imaginons que le poids parcourt successivement tous les points C compris dans l'intervalle BD. Il est clair que plus il s’éloignera de B, et moins cet appui devra se trouver chargé, le fort de l'action se portant alors vers les deux autres dont il se rapproche; de sorte que s’il existe réellement de ce chef une pression sur le point E, elle doit aller de plus en plus en croissant. Mais d’un autre côté, il n’est pas moins évi- dent, par ce que nous avons dit ci-dessus, que lorsque le SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS, 25 point Ctombera sur les deux points d'appui B et D, cette même pression sera nécessairement nulle. Ainsi sa valeur, quelle qu'elle soit, ne pourra être exprimée en général que par lordonnée correspondante au point C d’une des courbes concaves BQD, qui passent par les deux points B, D; et ayant conséquemment, en quelque point Q un maximum. Voilà donc deux choses contradictoires qu'il faut concilier ; savoir, une valeur qui augmente toujours, en certaine rai- son, depuis B jusqu'à D; et de plus, cette même valeur qui se trouverait avoir un maximum placé entre ces deux points B et D. Or le seul moyen d'y réussir est d'établir que cette courbe BQD se réduit ici à la ligne horizontale mème BD, qui donne zéro pour valeur constante de la pression sur l'appui extérieur E, en quelque point que se trouve le poids P. Et cette solution satisfait pleinement aux deux conditions mentionnées ; puisque 1° zéro est aussi bien exprimé par 72 x O, que par o sans facteur ; et 2° que le caractère distinctif du point de maximum étant d’avoir la tangente parallele à l'axe des abscisses , cette condition est également remplie par la ligne droite horizontale AD, dont toutes les tangentes ont cette même propriété. Ainsi, puisqu'il ne se fait sur l'appui E aucune pression provenant d’une tendance au mouvement, soit autour de l'appui D, soit autour de celui C, nous pourrons conclure définitivement que ce troisième appui E, situé au-delà des deux appuis entre lesquels est placé le poids P, n’éprouve aucune pression de la part de ce poids. 26. Ceci s'applique évidemment de même au cas d’un nombre quelconque d’appuis en ligne droite. Et en effet Tome IT. l Figure X. 536 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE les deux appuis les plus voisins du poids P ne font que ténir lieu de l'appui unique qui serait placé sous ce même ‘poids; supposition dans laquelle nous avons vu ($ 24) que la pression totale se concentrerait entièrement sur cet uni- que appui : et il suffit d'imaginer que les deux appuis B, D, se rapprochent de plus en plus, pour voir le second cas retomber dans le premier. Mais ne perdons pas de vue que le levier AF ne repré- sente point ici, comme dans le passage cité de d’4/em- bert ($ tr), un corps de figure quelconque réduit à son centre de gravité. Nous considérons ici un véritable levier matériel, mais sans pesanteur, auquel on imprime une force quelconque ; ce qui revient à supposer que ce levier est placé sur un plan horizontal ; et que d’une part il reçoit cette impression parallèlement à ce plan, tandis que de l'autre il rencontre les appuis dans des directions opposées. Nous établirons donc, comme un principe général, qu’un pareil levier posé sur un nombre quelconque d'appui, tant qu'on ne lui applique des forces, ou qu'on n’y suspend des poids, que dans un seul des intervalles compris en- tre deux points d'appui B,D, n'agira que sur ces deux mêmes appuis, et qu'il les pressera de la mème manière que lorsqu'il n’y en a en effet que deux. 27. Ce que je viens de dire des deux appuis B,D, s’ap- plique évidemment à deux autres quelconques D, E, si on suppose que dans cet intervalle on suspend un second poids Q. Donc en général, quel que soit le nombre des ap- puis, on doit estimer la charge de chacun d’eux de la même manière que si chaque poids étoit supporté par une por- SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 27 üon du levier qui posât seulement sur les deux appuis les plus voisins. Il est même facile de montrer, que dans le cas où les lois ordinaires de la statique peuvent atteindre ce problème, savoir, celui où les appuis étant au nombre de trois seu- lement B,D,E, les deux poids P et Q sont placés de ma- nière à se faire équilibre autour de l'appui mitoyen D, le résultat se trouvera parfaitement conforme à celui que donne cette derniere théorie. En effet, dans cette hypothèse, si les deux autres appuis n’existaient pas, les momens de P et de Q, étant opposés, se détruiraient mutuellement eux- mêmes autour de celui D. Mais ici ces deux appuis laté- raux absorbent subitement chacun une partie de l'action que la pesanteur communique au poids qui est du même côté que lui; et cela par la raison que cette absorption devance la lutte qui à défaut de ces deux appuis, s’établi- rait entre ces deux momens. L'action imprimée à l'appui B BD + Et comme la réaction qui sera donc à l'ordinaire exprimée par : et celle im- ? . primée à celui E, par ee résulte de ces deux actions, doit se communiquer, au même instant, au point D qui est leur centre de gravité, la pres- sion P+Q qu'il aurait éprouvée dans la première hypothèse, se trouvera maintenant diminuée de la somme de ces deux réactions. Elle deviendra donc P+ D RS P DC Door BC.P EG.Q a “DE BD Dé qui est RE à valeur à laquelle on parviendrait par ma méthode. 4 Figure XI. 28 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE Quant au cas où les deux poids P et Q ne seraient pas en équilibre, et où il y aurait un excédant du côté du poids P, par exemple, on voit par la même raison, que cet excédant n’agissant que sur les deux appuis B et D, tout se passerait à cet égard, selon les lois ordinaires de la sta- tique des corps posés sur deux appuis. 28. La même chose aurait encore lieu, si à ces appuis inébranlables on substituait des forces, dont chacune füt supérieure à l'effort que son appui correspondant a à sup- porter; comme si, par exemple, le levier AF était suspendu par les points B, D,E, à trois cordes qui passant chacune sur une poulie de renvoi, fussent fixées aux trois poids M,N,R, posés sur un plan horizontal GH. Mais si le poids voisin N était trop faible pour résister à la pression totale, que P exerce sur le point D, l’excédant s’en transmettrait nécessairement au point suivant E, et ainsi de suite; c’est- à-dire, que le poids P porterait alors sur les deux points B,E, mais qu'il faudrait retrancher de la pression qu'il exerce, l'effort contraire qu'il éprouve au point D. Soit par.exemple (1), BC—2?,CD—3?, DE—3?; le poids P—3, N—1t, M et R étant nécessairement assez forts, puisque nous supposons que le levier se main- tient dans sa position horizontale. On aura ici la pression i en D = =° ; donc le poids N— 1% sera surmonté par cette pression, dont l’excédant se transmettra au point suivant E. Je dirai donc alors : la pression en (x) Ici et dans toute la suite de ce mémoire, les signes p et à, indi- quent, l'un une unité de mesure, et l’autre une unité de poids quel- conques. SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. 29 BCP BDN es Bb 18 en BE 8.) 8.7 et celle sur le point p—ECP—EDN 10 — 3108 1 BE DANS J'ous Aïnsi, la totalité du poids supporté par les points TOUS I Bb B, D,E, est a. 1) — 3 — P. 29. Cette nouvelle réflexion va nous servir à donner un dernier degré de généralité à notre solution précédente ($ 27), en y comprenant les cas où au-delà des deux ap- puis extrèmes, on suspendrait, de chaque côté, des poids M, N. En effet, il s'agit alors de connaître le changement rigure x. que chacun des momens de ces deux poids extérieurs ainsi suspendus , opère sur les poids intérieurs. Or, il suit de ce que nous venons de dire, que l'effet ne s’en transmet que jusqu'à celui inclusivement, qui avec les précédens suffit à faire équilibre à ce moment. Supposons, par exemple, ES, BC— ie GD=5P, DO: GES? Fl= ie M=S%,P—4,Q—1%,N—/%. Nous aurons EJ.N—4,EG.Q—3; donc Q ne suffit pas pour absorber le moment du poids extérieur N; ainsi son effort se transmettra jusqu’en C. Là son effet pour diminuer le poids P sera LVERN EG O 4-5 re 1 EC Front ro 3o SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE dont ce poids se trouvera diminué, celui Q n’entrant plus en considération ; et l'équilibre se trouvant établi autour du point d'appui E, qui devient le centre de ï gravité de l’ensemble des poids N + Q +— + Nous pou- vons donc désormais regarder ce levier comme suppor- tant, au lieu des deux poids Q, N, un seul poids placé au AR 1 re à point E lui-même, et =N+Q+— —5—. Mais nous 10 [0 avons encore le poids M, dont le moment MxHB—6, tandis que celui de 1 À 9 © P—— =3— , est 39,139 10 10 10 seulement. Donc son effet influera aussi sur le poids que nous avons supposé en E. Or, il faut à ce point, pour éta- blir l'équilibre avec le moment de M, un poids, i # MHB— ( —<) BC (6-32) +2) — ps PONT 5e BE “ee II IL io dont conséquemment le poids en E se trouvera diminué. Ainsi ce mème point d'appui E portera un poids et celui B portera ni ie Bb + MoiD er (54352 +2) = RUE 10 110 1 SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 31 dont la somme fait 12, qui est précisément =M+P+Q+N=S+4+1+4. Quant à l'appui D, on voit évidemment qu'il ne doit rien porter. 30. On sent que tout cela serait également vrai si à chacun de ces poids M,P,Q, N, on substituait un système quel- conque d’autres poids tels que le point C, par exemple, füt le centre de gravité du système contenu dans la por- tion BD , et que P füt la somme de tous les poids qui le composent, etc. Et comme rien ne limite le nombre ni la petitesse de ces poids, on peut, sans affaiblir en rien la solidité de nos raisonnemens, regarder le levier A F comme un corps quelconque pesant, placé sur un nombre aussi quelconque d’appuis; par exemple, comme une poutre par- faitement rigide ou inflexible, posée à plat sur les arrêtes d’un certain nombre de prismes triangulaires, placés paral- lèlement entr'eux, et perpendiculairement à la longueur de cette poutre. - Quant à la restriction que j'ai mise, que ces différens corps doivent être parfaitement rigides, elle est le principal fonde- ment de cette théorie, qui sans elle exigerait des considéra- tions particulières pour chaque espèce de corps, et chaque di- verse combinaison des appuis ; tant à cause de la différente élasticité des premiers, qu'à cause de la courbure, tantôt concave, tantôt convexe, qu'affecterait, par exemple, une poutre, en raison de la situation et de la distance des appuis. Figure XIT. 32 SUR LA PRESSION QU'UN MÈME CORPS EXERCE 3r. Voilà donc la solution complète du cas spécialement désigné par d’Ælembert ; savoir, celui où les trois appuis sont en ligne droite. Et on voit qu'il ne suffirait pas d’a- voir égard, comme a fait cet illustre géomètre , au centre de gravité du corps entier seulement, mais qu'il faut con- sidérer séparément ceux de chacune des diverses portions, soit contenues entre deux points d'appui immédiatement voi- sins , soit extérieures aux points d'appui extrèmes. Mais faisons passer ces résultats au creuset du calcul, en l’appliquant à un autre exemple, dont la statique ordi- naire nous donne la solution complète. Le plan de la plan- che étant considéré comme horizontal, supposons les trois appuis À,E,B, que nous joindrons entr'eux par les lignes idéales AE, EB, AB. Soit en C suspendu le poids P, au moyen des trois bras sans pesanteur CA, CB, CE; et nom- mons AE—a,EB—b, l'angle BEH=—,,AG—7nxAE—ma, m étant un nombre quelconque fractionnaire ou entier; et que le point C soit déterminé par la rencontre de la per- pendiculaire GF au point quelconque G, avec la ligne AD dont l'extrémité D parcourt librement toute la longueur de la ligne EB, ED étant —nb, et 7 une fraction quel- conque. On voit que de cette manière le poids P peut occu- per successivement toute la’ capacité du triangle ABE. D'après les dénominations précédentes , nous aurons ici BM—bsin. y; EM—6 cos. ;; OD— nb sin. 7; EO —n6 cos. +. Soit de plus la pression qui se fait en A —x, celle en B— 7, et celle en E—z. Les conditions de l'équilibre sont, comme on sait,...... (D) SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 33 GGRE MB ” 2, AMy+AE.z—=AG.P; et enfin 30, x+z+7y—P. 50, MB.y=CG.P, d'où y— OD.A in. CCE G __ mnab Sin. que AO a+ nb cos. m n a P à Y= ————; et substituant cette valeur dans la seconde a+nb cos. m(i—n)aP équation, z— ; et enfin en vertu de la troi- a+nbcos.- ((1—m)a+nbcos.)P sième, 4 — a + nbcos.7 Maintenant il est clair que si on suppose que l'angle ; vient à diminuer de plus en plus, la ligne BE tombera en- fin sur celle EH; ainsi que celle AD sur AE, puisque son extrémité D occupe nécessairement un des points com- pris entre E et B. Les trois appuis A, E, B, seront donc sur une mème ligne avec le poids P qui se trouvera en G. Or, on a alors sin. ÿ—0o, cos. ÿ—1. Donc ((1—m)a+nb)P : mnal. m(i1—n)aP ral a+nb nan OS 2 nb 32. Nous avons donc ici une solution complète pour l'hypothèse des trois appuis en ligne droite. Mais il faut observer que les seules positions du poids P qui soient communes à ce cas particulier et au cas général, sont celles Tom. II. 34 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE sur les deux lignes AE, EB. Ainsi quand ce poids se trou- vera entre À et E, 72 étant <1, on fera 7 —0; mais quand on le supposera placé au-delà du point E, m« deviendra —AE+ED—a+nb, nb étant alors la distance du poids au point E dans la direction EH. Parcourons maintenant les différentes hypotheses dans les- quelles nous avons pris une conclusion générale définitive. Ce sont celles 1° du levier portant sur trois appuis, et chargé d’un seul poids placé entre deux d’entr'eux. Nous avons dit ($ 25 à la fin) que dans ce éas ces deux appuis étaient les seuls sur lesquels il se fit une pression; 2° du poids placé sur un seul des trois appuis ; et dans celle-là nous avons établi ($ 24) que cet appui éprouve alors lui seul toute la pression. Examinons donc si ces assertions sont confirmées par le calcul. 33. Soit, 1° le poids placé en G, entre l'appui A et celui E : nous avons alors ($ 32) 2 —o, et m<1. Donc æ—(i1—m)P,y—=o,z—mP; ce qui prouve que la pres- sion en H; savoir, celle y, est nulle; et que x :z—1—7n: m—(i—ma:ma—GE:AG ; ce qui désigne l'état d'équilibre lorsqu'il n’y a que les deux appuis A, E. Que le point G passe maintenant au-delà du point E, par exemple en ©. En faisant ($ 32) pour cette supposi- tion, ma—a+nb,.on obtient les trois nouvelles équations æ—=0,y=n?P,z—(1—n)P; ce qui est également confor- ime à ce qu'enseigne pour le cas de deux seuls appuis E, H, la statique ordinaire. SUR PLUSIEURS APPUIS À LA FOIS. 35 Soit 2° le poids placé sur un seul des trois appuis. Si c’est sur celui À, on a AG—ma—o, et n—0o, donc æ=P, y=0,2—0o; si c'est sur celui E,m—1,7—0o, d'où M0) yo, z—P)) entn siCest surlcelui H,/on a ma—=at+b,n—=1,doncx—=0, y—=P,z—0o. 34. Ces divers résultats sont donc parfaitement d'accord avec la théorie établie ci-dessus ; et cette conformité sem- ble très-propre à la confirmer. Au reste, il n’était pas dif- ficile de prévoir qu’elle aurait nécessairement lieu, puis- que dans quelque position qu'on suppose l'appui B, dès que le poids P, suspendu au point C, se trouve transporté sur la ligne AE, l'appui B ne peut évidemment éprouver aucune pression; et que si ce même point C est situé sur la ligne EB, par la même raison le point À n’en éprou- vera aucune. En effet les expressions 577. y, cos. 7, ne pa- raissant dans les équations D ci-dessus ($ 31) qu'accom- pagnées du facteur », elles disparaissent indépendamment \ ; ; ED de la valeur de l'angle +, dès qu'on fait 7— ————o, pour le premier cas; et dans le second, lorsque le point C se trouve, par exemple, en D, EO étant — 20 cos. +, quel que soit cet angle +, on a ma—AE+EO — a +nb cos.+, où (1—m)a+nbcos. y—0o ($ 31 vers la fin). Tout doit donc encore rester dans le même état, lorsque cet angle devient nul. On pourra faire des raisonnemens analogues pour le cas où le poids porte sur un seul des trois appuis. Quant à l'argument de d’Ælembert (tome 8, page 38,8), il ne peut Se ue ici. Car ce grand géomètre ne con- 5. 35 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE sidère pas, comme je fais ici, un véritable levier sans pe- santeur, chargé d’un véritable poids; mais un corps quel- conque dont tout le poids est concentré dans son centre de gravité. Or, il est certain, ainsi que je lai dit ci-dessus ($ 28), que si la partie EH représente celle d'un corps pesant, le point H supportera nécessairement une portion de ce poids, quoique son centre de gravité se trouve en G. 35. Le véritable fondement de cette théorie relativement à un nombre quelconque d’appuis en ligne droite , est Figare XIII. ($$ 21, 22) la considération que, dans la supposition que le poids P vint à obéir subitement à la pesanteur , tout point, du levier sur lequel il repose, lequel par l'introduc- tion de cette nouvelle circonstance, prendrait dans le même instant un mouvement en sens inverse de sa direction, ne peut l'instant immédiatement précédent, avoir exercé la moindre pression sur son appui. Cette considération a éga- lement lieu dans le cas d’un nombre quelconque d'appuis dans une position aussi quelconque. Supposons, par exemple , le plan de la planche étant horizontal, les quatre appuis A, B, D,E, et le poids P agissant verticalement en C. Il est clair que chacun des leviers posera librement sur son appui, et y exercera une certaine pression. Mais si nous imaginons que les trois le- viers ou les trois bras CB, CD, CE, sont unis insépara- blement ensemble par la barre aussi sans pesanteur BD, on sent que cette nouvelle circonstance ne pourra pas man- quer d’influer sur cette répartition; et que, comme dans le cas des trois appuis en ligne droite, l'effort du poids P SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 37 me se transmettra point au-delà de cette barre; de sorte que l'appui E n’éprouvera plus aucune pression. En effet, pour peu que le poids placé en C obéisse à la pesanteur, il est évident qu'alors toute la portion FE du bras CE décrira, de bas en haut, de petits arcs de cercle, qui au- ront leur centre dans la barre BD. L’appui E cesse donc dans cette hypothèse d’éprouver aucune pression. Mais comme au lieu de la barre BD, on pourrait également imaginer celle AE qui, unissant les trois bras CD, CE, CA, neutralise au contraire entierement l'appui D, et rétablit celui E dans toute son activité primitive, on voit combien, à mesure que le nombre des appuis augmentera, celui de ces différentes barres qu'on peut imaginer, se multipliera. Et vu que chacune de ces suppositions diversifie la divi- sion et la distribution de la pression totale qu'exerce le poids P, on peut juger combien cette seule considération est propre à rendre ce problème indéterminé. Que sera-ce donc, lorsqu’au lieu de ces bras de levier isolés, on sup- posera un plan sans pesanteur chargé de mème du poids P au point C, et portant sur un nombre quelconque d’ap- puis ? Car alors on n'a plus la liberté d'imaginer, ou de ne point imaginer ces diverses barres : elles existent toutes nécessairement, et il faudrait avoir également égard à cha- cune d'elles, Il semblerait même assez naturel de penser que ce sont précisément ces différentes conditions accessoires qu'il fau- drait exprimer afin de compléter, dans chaque cas, la dé- termination du problème. Nous voyons du moins qu’elle est complète dans celui de trois appuis seulement, parce qu'il n'existe aucune hypothèse qui puisse y gêner ainsi le mou 33 SUR LA PRESSION QU'UN MÊME CORPS EXERCE vement des bras de levier ; mais c’est aussi le seul. Celui de quatre nous présente déjà trois manières de l'entraver; savoir, la barre BD seule ; celle AE seule; et enfin les deux ensemble. Et il est aisé de prévoir avec quelle rapi- dité ce nombre croîtra, en observant que lorsque celui des appuis sera plus considérable, il faudra combiner ces barres deux à deux, trois à trois, etc. Car chacune de ces com- binaisons constitue réellement un problème différent, dont la condition caractéristique doit être exprimée dans le cal- cul, pour le rendre complètement déterminé. Mais dans le cas mentionné un peu plus haut, du plan continu, toutes ces barres existant nécessairement, il faudrait en embrasser tout l’ensemble ; ce qui est impraticable. Une nouvelle considération qui vient à l'appui de cette conjecture ; c’est que dans la supposition d’un plan sans pesanteur chargé d’un poids et portant sur un nombre quelconque d’appuis formant un polygone régulier , cette même régularité dans les effets produits, n’est nullement altérée par l'existence supposée de toutes les barres qu'on peut mener d'un point d'appui à l’autre, lorsque le poids se trouve au centre, comme il est facile de s’en assurer. Et cette considération suffit à rendre raison de l'exception qui a lieu dans cette classe particulière de dispositions des appuis, relativement à l'égalité invariable des pressions qui s’exercent sur chacun des appuis. 36. Nous conviendrons donc franchement que tout ce qui précède ne peut aucunement nous mener à la solution du cas général des appuis en nombre quelconque et dans une. position quelconque. Cette solution tient, comme l'a SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 39 dit d_Ælembert , à un principe encore inconnu en mécani- que. Et ce principe est vraisemblablement, de même que dans presque toutes les opérations de la nature , un maximum où un runimum de quelque fonction des dif- férens élémens qui constituent les données de ce problème. Une distribution de forces, dirigée mécaniquement par un seul et même moteur, tend nécessairement vers un but constant, toujours déterminé par la plus sage économie dans l'emploi des moyens, et par la plus entière plénitude des effets qui en résultent. 37. D'ailleurs un pareil principe s’adapterait parfaitement à tous les cas possibles. En effet, il doit d’abord se trou- ver réalisé de lui-même dans la solution du cas général des trois appuis, qui donnant trois équations entre trois inconnues z, æ, y, est complètement déterminé. Dans le cas de quatre inconnues z, x, y, u; le principe en question nous fournirait une équation différentielle de la forme Mdz+Ndx+Pdy+Qdu—o, dont les quatre différen- tielles dz, dx, dy, du, se réduiraient à une seule au moyen des trois équations fondamentales de l'équilibre. Il ne fau- drait donc plus qu'égaler à zéro le coéfficient de cette der- nière , pour avoir la valeur de la quatrième inconnue ou de la quatrième variable & ; puisqu'au moyen des trois équa- tions fondamentales de l’équilibre, on a déjà pu ($ 31) obtenir les valeurs linéaires des trois premières +, y, 2, exprimées en fonctions linéaires de la quatrième inconnue et de constantes connues. Si le nombre des appuis était cinq, l'équation du maximum ou du m#ünimum contiendrait cinq différentielles; et on n’en Figure XV. ño SUR LA PRESSION QU'UN MÉME CORPS EXERCÉ pourrait éliminer que trois. Il en resterait donc deux; ce qui en égalant à zéro chacun de ces deux coéfficiens, puis- que les différentielles elles-mêmes doivent toujours rester quelconques , et sans aucun rapport déterminé entr’elles, donnerait deux équations, qui conjointement avec les trois équations fondamentales, détermineront complétement les cinq inconnues ; et ainsi de suite, quel que soit le nombre des appuis. L'inspection de la figure 14 suffit pour jeter sur cet aperçu toute la clarté nécessaire , les appuis étant indiqués par les lettres æ, y, z, u, t, etc., qui représen- tent en même-temps les pressions respectives, et la situa- tion du poids P l’étant par celle C. Quant aux lignes, AK FH, elles désignent les deux axes pris à volonté, d’où s’es- üment les momens, tant des différentes pressions, que du poids total P. 38. Dans ce qui précède ($$ 36, 37) je n'ai considéré que le cas d’un nombre fini d'appuis isolés entr'eux. S'il s'agissait d'examiner sous le même point de vue, ceux où la base par laquelle le corps repose sur un plan, est elle- mème un plan continu terminé par une courbe quelcon- que donnée , cette considération exigerait des recherches assez compliquées, dont on ne retirerait d'utilité que dans la supposition qu’on füt d'avance en possession du prin- cipe en question. Nous abandonnerons donc, en attendant, le problème général, pour nous attacher uniquement à dé- duire du cas particulier des appuis en ligne droite, les conséquences qu'il nous présente. Nous en conclurons d’a- bord, comme nous l'avons déjà insinué ci-dessus ($ 30) que quelle que soit l'aire ABGH qui repose sur la base continue AB, chaque élément CD de ce plan sera pressé SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. Ur par le petit parallélogramme CDFE, comme si ce paral- lélogramme était isolé. En effet, le nombre et la proximité mutuelle des appuis ne changeant rien à notre principe général ($ 27), et le point physique CD (1), si petit qu'on le suppose, étant toujours composé de trois parties indispensables et réelle- ment existantes, savoir, les deux extrémités et le milieu, on peut toujours considérer l'élément de l'aire, comme por- tant sur l’ensemble de ces trois parties, qui est précisément le moindre petit accroissement CD, que puisse recevoir la base regardée comme abscisse de cette aire ; c’est-à-dire qu'il est le véritable élément dx de cette base. On peut donc, dans toute la rigueur géométrique, considérer chacun de ces élémens de la base, comme chargé isolément de l'élément de l'aire qui lui correspond. 39. Au reste, la difficulté qui se présente ici, se réduit à savoir si, en supposant cette aire réellement partagée en une infinité de petits parallélogrammes élémentaires, la pres- sion sur la base totale serait constamment la même qu’a- vant ce partage; ou, en d’autres termes, si dans le cas où un axe sans pesanteur viendrait subitement à les traverser tous perpendiculairement à leurs plans de division, et à les unir ainsi indissolublement, la pression resterait encore la même. Or, l'affirmative me paraît ici seule admissible ; puisqu'elle est parfaitement d'accord avec les lois connues de la mécanique. (x) Voyez dans le 1°* vol. des nouveaux mémoires de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles : Réflexions sur Les notions fon- damentales en Géométrie, etc. $ 4. Tome IT. G Figure XVI. 42 SUR LA PRESSION QU'UN MÉME CORPS EXERCE En effet, en supposant que P est le centre de gravité de cette aire, et prolongeant la base AB jusqu’au point M, où elle se joint au bras de levier MN chargé du poids Q, dont le moment équivaut à celui de l'aire, pour former une espèce de peson autour de ce même point, on sait que cette aire ainsi placée doit contrebalancer ce poids, de la même manière que si elle était suspendue au point R ; ce qui a nécessairement et uniquement lieu, lorsqu'il se fait à chaque point du plan pressé une pression en raison de l'élément qu'il supporte; puisque la résultante de tou- tes ces pressions passe évidemment alors par le centre de gravité de l'aire. 4o. Si une partie de cette aire, sur un des côtés, ou sur tous deux, ne portait pas sur la base, comme il arriverait dans le premier cas, si la figure en question était un qua- drilatère quelconque à diagonale perpendiculaire , il est clair, d'après ce que nous avons vu ($ 29) qu'il faudrait déterminer le point M tel que DBN M fit équilibre à DBC autour du point D. Et alors la partie DM de la base ne porterait rien ; mais celle AM supporterait à l'ordinaire l'aire AMN. On conclura aisément de là ce qui aurait lieu si les deux angles à la base étaient obtus. Tout ce que nous venons de dire de l'aire continuerait encore évidemment d'être vrai, si par un mouvement dans une direction constamment perpendiculaire à leurs propres plans, ces aires toujours parallèles à elles-mêmes, venaient à former des solides. Et en général cela s'applique à tout solide reposant sur un plan par une base qui est elle-même un plan continu. SUR PLUSIEURS APPUIS A LA FOIS. 45 RE COROLLAIRE RÉCAPITULATIF. CG9—————— Dans le commencement de ce mémoire je me suis atta- ché à établir qu'un homme aussi éminent que Z. Euler n'a jamais regardé comme réellement physique , le principe sur lequel est fondée sa solution du problème de la pres- sion qu'un même corps exerce sur plusieurs appuis à la fois : et je crois l'avoir prouvé assez clairement. De là j'ai passé à examen du cas particulier de ce problème, le seul que d’Alembert ait osé aborder, celui des trois appuis en li- gne droite. Mais tel que je l'ai résolu, satisfait-il adéqua- tement à tout son enoncé? Il me semble, au contraire, qu'il n’y satisfait aucunement ; et ce mémoire servira du moins à indiquer le véritable point de vue sous lequel il faudrait le considérer. Cet énoncé est : un levier sans pe- santeur, portant sur trois appuis, et étant charge d’un poids unique placé entre deux d'entr'eux, déterminer la pression qu'en éprouve chacun de ces appuis. Un pareil énoncé suppose, avant tout, que ces trois ap- puis peuvent en effet en supporter chacun une certaine portion. Or, il arrive que ma solution r'atteint que les cas où je démontre que le troisième appui; savoir, celui qui est extérieur à l'intervalle dans lequel est placé le poids unique , est nécessairement étranger à son action. Ainsi cette solution tombe précisément et uniquement sur les cas qui ne sont pas compris dans cet énoncé. Le vérita- ble point de vue sous lequel il faudrait considérer ce pro- blème , est celui que présente la figure 17, où l'on voit rigure xvir. 6. %4 SUR LA PRESSION QU'UN MËME CORPS ÉXERCE, etc. qu’en effet les trois appuis À, E, B, supportent chacun une portion du poids total unique P, et cela parce que dans le cas où le point C viendrait à fléchir un peu en vertu de l'action de ce poids, chacun des bras de levier CA, CE, CB, s'inclinerait librement dans toute sa longueur, sans se gêner mutuellement les uns les autres. Voila donc le problème qui reste à résoudre, présenté sous son point de vue le plus complet et en même-temps le plus simple; et dont la solution me semble exiger ce prin- cipe de maximum ou de minimum mentionné ci-dessus (SS 36, 37). FIN. Pas. 44. MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION, PAR LE COMMANDEUR C. F. DE NIEUPORT, PRÉSENTÉ À LA SÉANCE DU :4 OCTOBRE 1820. RARLALLLLULEUTELLELLE LE ULELLELLLÈTLALL LB ELLLALLLLELLVLE LEE VAR VUE VLLALE VE LITLUVB VUS LUE MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE DU PRINCIPE DÉ LA DIFFÉRENTIATION. 1. Duaxs un mémoire qui a précédé celui-ci, et qui fait partie du premier volume des nouveaux Mémoires de l’Aca- démie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, page 435 (1), je me suis attaché à démontrer que la mé- thode usitée pour la quadrature des courbes est entière- ment conforme aux règles de la plus stricte logique; et cela, d’après le principe que la formule intégrale qui en est le résultat, contient réellement et formellement en elle, non-seulement le petit triangle élémentaire qu'on sem- ble négliger, mais encore, tous les petits incrémens suc- cessifs à l'infini, que présente le développement du théorème (1) Mémoire contenant quelques réflexions sur des notions fonda- mentales en géométrie, tant élémentaire que transcendante, 48 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE de Taylor, lorsqu'on veut donner une aussi grande exten- sion à cette considération, de sorte qu'il y a pleine com- pensation de cette omission apparente. 2. On pourrait cependant en toute rigueur la borner à celle du seule petit triangle, puisque j'ai également dé- montré dans ce même mémoire, que ce qu'on nomme le point de contact d’une courbe avec sa tangente est non un point mathématique, mais une véritable ligne droite, quelque petite qu'on veuille l'imaginer; et conséquemment que l'élément de toute courbe n’est qu'une pareille ligne. Et en effet, le cercle a toujours été considéré et ne peut l'être autrement, que comme la limite dans laquelle vien- nent se confondre le polygone régulier circonscrit, et le polygone régulier inscrit, ayant entr'eux leurs côtés homo- logues réciproquement parallèles. Or, puisque par la bis- section continuelle le premier de ces polygones ne peut jamais pénétrer dans l’intérieur du cercle, ni le second le dépasser, n'est-il pas évident que leur fusion mutuelle ne peut s’opérer que dans la circonférence même? Et de plus, deux lignes droites qui viennent ainsi se confondre en une seule et s'identifier , ne pouvant jamais changer de nature, ni cesser d'être des lignes droites, il s'ensuit con- séquemment qu’elles resteront telles, même au terme le plus avancé de leur décroissement; à ce terme où l’imagi- nation seule parvient à les apercevoir déja confondues et identifiées dans et avec le cercle qui leur servait de limite. | 3. Lorsqu'on embrasse toute l'étendue du théorème de Taylor, il est certain que l’incrément de labscisse qu'on DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 49 considère en cet instant, quelque petit qu'on le suppose, est loin d'être le plus petit possible, puisqu'on sait que ce développement, en prenant successivement ses deux pre- miers termes, puis les trois, puis quatre, puis, etc. dési- gne à chaque fois une nouvelle parabole d’un ordre de plus en plus élevé ; et conséquemment toujours un pett arc réel de courbe, dont l’osculation avec la courbe en question devient de plus en plus intime; c’est-à-dire, un petit arc dont les trois premiers points ne peuvent jamais être en ligne droite. Ainsi, si de l'extrémité de la petite ligne formée par les deux premiers de ces trois points dans l'étendue de l’osculation, ou du sommet de l'angle que doivent toujours être censés former deux élémens consé- cutifs de courbe, on abaisse une perpendiculaire sur l’é- lément dæ qui correspond à cet arc, on en retranchera vers l’origine une petite partie ou un nouveau dx encore plus petit, qui répondra au véritable premier élément de la courbe; c’est-à-dire , à celui qui forme son premier incrément , lequel est précisément celui qui se confond avec la tangente menée à l’origine même de cet arc, et qui avec ce dernier incrément dx de l’abcisse et celui cor- respondant dy de l’ordonnée, constitue le petit triangle rectangle dont on semble négliger l'aire ? dydx. Il suffi- rait donc, en toute rigueur, comme je l'ai dit ci-dessus, d'appliquer aux deux premiers termes y dx + :dydæx de la série M (mém. cité, page 449) les mêmes raisonnemens dont nous nous sommes servis pour la série entière, afin d'avoir de la méthode des quadratures une démonstration aussi complète qu'on puisse l’exiger. Après ces reflexions, dont quelques-unes nous seront utiles plus tard, je passe Tom. IT. 7 bo MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE à une difficulté non moins importante, et qui a également besoin d’être éclaircie. 4. Je veux parler de celle qu'on rencontre lorsqu'on entreprend de démontrer les règles de la différentiation : difficulté qui consiste en ce que l’on demande une raison bien satisfaisante, qui justifie la suppression qu'elles pres- crivent des différentielles élevées à des degrés supérieurs. Ainsi dans l'équation au cercle y*—2ax— xx, lorsqu'on substitue x + dx et y +dy à x et y, on trouve y°+2ydy+dy'=2ax+oadx—x—2xdx—dx", ou réduisant en vertu de l'équation primitive... (A) 2y7dy +dy'=2adx—2xdx— dx. Or la règle prescrit de supprimer les deux termes dy: et dx: : il s’agit donc de donner un motif de cette suppres- sion, qui soit à l'abri de toute objection, et qui ne soit pas seulement fondé sur la considération de quantités moin- dres que toute quantité assignable. Car un argument qui peut paraître sans réplique, c'est que, ou ces quantités qu'on néglige sont en effet absolument nulles, ou les solutions que donne le calcul infinitésimal, ne sont qu’approxima- tives. L'objet de ce mémoire est donc de prouver qu’on doit considérer ces quantités comme réellement existantes, et conséquemment, comme ayant une certaine longueur , dont on ne peut mieux se former une idée bien juste, qu’en la comparant à celle de l'élément de contact, c'est- à-dire, de l'élément qui dans le contact, est commun à la courbe et à sa tangente : c'est sur Ces premières notions que jusqu'ici les géomètres sont fort loin d’être d'accord. DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 5 quoique tous soient bien convaincus de la bonté de la regle en elle-même. 5. Commençons par considérer deux lignes droites mathé- matiques AB, AD, (1), qui se coupent au point A; ce point sera un point également mathématique; c'est-à-dire, la nullité ou le zéro d’étendue en tout sens. Nommons la longueur constante AB=—&, celle BD— 2, l’abscisse varia- ble AM—x, son ordonnée MN—7Y, et l'équation à la . 5 à b : ligne droite AD; savoir, ay —bx, ou T=— = exXprimera, pour chacun des points M, le rapport de l'ordonnée à l'abscisse. Ainsi quelque longueur qu’on donne à l’abscisse : so À PANANES b AM , soit positive, soit négative, ce rapport = restera constamment et invariablement celui de MN à AM, ou de — mn à — Am. Et conséquemment aussi à l’origine ou point d'intersection A, où l’abscisse et l’ordonnée devien- SI A . , : (e] nent en même-temps —0o, on continuera d’avoir 5 = je reviendrai plus bas sur cette conclusion. 6. Il résulte de là que si on connaît une fois le rapport b K 4 Q] Lé x On aura dès-lors également celui des coordonnées à tous les points de la ligne droite AD, et même à l'origine A où elles se réduisent toutes deux à zéro; et que récipro- quement , si on connaît, par quelque considération que ce « O DC ° soit, la valeur = en ce point, on pourra en conclure im- (1) Voyez le mém. cité art. 1er ci-dessus. 6 Figare Ï, Figure IT. ba MÉMOIRE SUR LA METAPHYSIQUE médiatement le rapport des coordonnées dans toute l'éten- due de cette même ligne. 7. Pour montrer l'utilité qu'on peut tirer de cette obser- vation, qui au premier aspect paraîtra peut-être peu impor- tante, nous en ferons l'application à l'exemple du cercle déjà employé ci-dessus. L’équation A résultante de la substi- tution de æ + dx et y+dy à x et y, après la suppression des termes qui se détruisent en vertu de l'équation même du cercle, était, comme on a vu ($ 4), 27dy+dy=2adx—2xdx— dx, Ver dy Es 2a—2x—dx dx 27+dy cond membre ne peut jamais exprimer le rapport de l’or- donnée à l’abscisse d’une ligne droite (car dans le petit triangle EHG que nous avons à considérer cette ordon- née est dy, et l’abscisse est dx) puisque ce rapport, qui doit rester invariablement le même dans toute l'étendue de cette ligne, se trouve au contraire varier ici à chaque point, d’après la variation de EG—dx, et de GH—dy, qui compliquent tant le numérateur que le dénominateur. - Or il est évident que ce se- 8. Il est même facile de voir que dans son état actuel, l'équation À ($ 4) au lieu d'être à la ligne droite, est ‘ restée une équation au cercle, mais prise de la nouvelle origine E, AD étant —x et DE—7. Mais ne perdons pas de vue que ces deux variables indiquent pour ce moment des grandeurs déterminées : nous nommerons la nouvelle abscisse EG—3z et son ordonnée GH—%. Nous aurons donc AF—x+2 et FH—7+u; et substituant ces valeurs dans l'équation du cercle ci-dessus, elle se change en..(B) DU PRINCIPÉ DE LA DIFFÉRENTIATION. 53 PHIUYEU —=I2AX+I207—L —22%— 2. - Mais comme l'équation au cercle y —2ax—xx ne cesse point d'avoir lieu, quoique pour ce moment nous regar- dions æ et y comme déterminées, nous réduirons par son moyen celle B à 2uy+u—2az—22:x—7:, qui est l'é- quation même au cercle, prise de l’origine E, le nouvel axe des abscisse étant EL. Or 3 est ici —EG—dx, w est GH—dy; donc cette équation se changera en 2ydy+dy*=2adx—2xdx—dx qui est précisément la même que celle À ci-dessus ($ 4) et d'où nous conclurons également... (C) dy 2a—2x—dx, dæ 27 +dy Mais jusqu'ici tant que EG ne se détermine pas par quelque condition accessoire, dx et dy restent variables, et peuvent s'approprier à tous les points de l'arc EML. 9. Il s’agit donc d'opérer dans cette expression du rap- dy . à : : port ES un certain changement, qui la circonscrive et la borne à représenter, non plus l'arc entier EHL, ou une portion quelconque de cet arc comprise entre les deux points E et L, mais uniquement le premier petit incrément EH de l'arc au point E; ou cet incrément même qui se con- fond exactement et s’identifie avec le premier élément de la tangente EK ; c’est-à-dire qu'il faut réduire cette même fraction à l’état de constante dans toute l'étendue EG—dx; ce qui est le caractère distinctif de l'équation à la ligne droite, Or, il est évident que pour cela il suffira de pren- Figure I. 54 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE dy dx puisque par-là on aura celle qui convient au point E, qui est en même temps le point d'intersection de la courbe avec axe EL, et de la tangente EK avec le même axe; d’où il suit que la valeur qu'on obtiendra, conviendra égale- ment à la courbe et à la tangente. De plus, nous avons vu que la valeur constante, que donne la considération du point d’intersection de cette dernière, convient également à chacun des points du petit élément rectiligne qui lui est com- mun avec la courbe. Or par-là notre équation C se change dre la valeur de dans la supposition de dy et dæ =; O 2:92 2 ad 2 DE a > NOUS | DOUVONS donc en toute o 27 S a : ir dy GH a — x sûreté conclure que généralement = — = — ———— ; dæ EG 2 A e û CS ’ 57 . comme le donne la règle ordinaire; d’où résulte l'équation différentielle connue ydy —(aæ—x)dx, lorsqu'on fixe l'origine des abscisses du cercle à une des extrémités À du diamètre. o Hot ; 10. Le symbole = dont nous venons de faire usage, dé- signe à la vérité réellement une valeur indéterminée; et il est facile d’en assigner la raison, puisqu'il doit se plier à représenter toutes les variations que peut éprouver l'angle bis ; à BAD, ou le rapport —, si l’on fait tourner la ligne AD a autour du point A. Mais dès l'instant que ce rapport est fixé, cette indétermination cesse d’avoir lieu; et dans tous les cas, quel qu'il soit, la connaissance de la valeur que « Oo : prend la fraction —; c’est-à-dire, celle 7 au sommet même 5 DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 55 de l'angle, suffit à établir celle que cette même fraction aura à tous les autres points de la ligne AB. Voila pour- uoi dans notre exemple du cercle, ayant la formule C ci-dessus ($ 8), qui appartient en général à tout l'arc EHL, pour la restreindre au petit élément du mème arc, qui se confond avec la tangente en E, nous avons dit : au point E sommet de l'angle KEG, on a dx et dy —0; à d k o : donc alors la fraction — devient — a Mais comme en même-temps dx et dy deviennent également zéro dans l'expression de sa valeur générale, qui se réduit par-là à 2(a—x) __a—x 2) reste nécessairement la même dans toute l'étendue de la petite abscisse dx, il en résulte que la valeur de la frac- é d tion 7° est en effet d x ; et que nous savons que cette valeur d y PO dE D ° 17 O On peut donc considérer ce symbole — comme le type O préexistant de la valeur future que prendra le rapport des coordonnées dans leur développement, lorsque le point A s'avancera le long de l'abscisse AB. Quant à son expres- Œ — c HA 7 Ve . sion , elle est évidemment constante, quoique ren- fermant les deux variables x et y; puisque ces variables cessent d'être telles dans toute l'étendue du petit élément EH (S 8). 11. Nous venons de démontrer par l'exemple de l’équa- üon au cercle; et l'application de cette démonstration à tous les cas possibles est trop évidente pour nous y arrêter, Figure IT. Figure 1. 56 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE nous venons, dis-je, de démontrer que la valeur du rap- d à D x è port _ ne peut jamais être qu’une fonction de x et y et de constantes, sans aucun mélange des différentielles dy ou dx. Il suit clairement de là que toute équation différen- tielle du premier ordre et du premier degré à deux varia- bles se réduit à la forme Ædy+Bdx—o, ou faisant dy=pdx, à celle Zp+ B=o, 4 et B ne contenant que æ, y, et des constantes. Nous allons maintenant examiner comment de ce pre- mier ordre on passe au second. Mais nous commencerons par établir ici une vérité qui, toute simple qu'elle est, nous sera d’une grande utilité dans ce qui suit; savoir, que lorsqu'une grandeur quelconque croît ou décroit selon une loi quelconque, la variation qu'elle a éprouvée pendant le premier instant a nécessairement été opérée par une marche uniforme. En effet, dans le cas contraire, il existerait une certaine inégalité entre deux parties consécutives de cette variation. Or une pareille inégalité n'aurait pu sy introduire que successivement , puisque l'existence d’une partie inégale suppose toujours la préexistence d’une partie antérieure à elle, dont elle vient à différer, soit en plus, soit en moëns. Ainsi l'introduction de la moindre inégalité exige au moins deux instans consécutifs ; et elle ne peut conséquemment avoir lieu dans l'hypothèse d’un premier instant unique. Mais afin de faire bien saisir le sens de ce principe, je crois devoir ajouter ici quelques réflexions ultérieures. Il est certain que quelque petits qu'on suppose un snstant, DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 57 une ligne, un espace, ou enfin une grandeur quelconque, on pourra toujours les subdiviser de nouveau, et recom- mencer la même opération sur chacune de ces subdivisions à l'infini. Que faut-il donc entendre ici par ce que je nom- me un 2nstant, un élément, etc.? rien de plus ni de moins que cette dernière subdivision, qu'on ne peut ni atteindre, ni même assigner; mais que l'esprit seul entrevoit à l’ex- trême horizon de la possibilité; et dont le géomètre voit clairement que l'usage subsidiaire ne peut aucunement in- firmer ici la validité de nos conclusions. Au reste, nous reviendrons plus bas ($$ 33 et 34) sur ce même principe, et nous ferons voir qu'il n’est que celui des articles 5, 6, etc. présenté sous un point de vue plus général. Cela posé nous allons passer à l'examen de la formation des équations dif- férentielles du second ordre. 12. Soit celle du premier ordre...(D) dp—£y—7y —=0 où P—= _ - En mettant dans cette équation pP+dp, Yy+d”, et T + Li pour p, y et æ, nous aurons &(p+rdp)—(y+dy)(x+dx)—{(y7+dy}=0; ou effectuant les opérations indiquées, réduisant en vertu de l'équation D, mettant partout . pour dy, et pre- nant la valeur qui en résulte pour FL …(E) ip _22xy+pa +3py + ydx +2pædzx + 3p°ydæ + pdx +p°da* d'atte & : Remarquons maintenant dans cette équation E; 19. Que x et y sont toujours les coordonnées primitives Tom. 11. 8 Figure TT. 58 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE \ LEAQ Lé Q 4 PA, AE, à la vérité quelconques, mais supposées pour le moment déterminées comme constantes; dy Fi ; 2°. Que p est le rapport + — = également déter- miné et constant; 30. Que dp = d a désigne l’incrément indéterminé dire ; ; SE que prend ce rapport Page incréement qui est 1C1 fi- ! GL qe 7 pe enr è L 6 ; guré par Je dis l'incrément indéterminé, puisque rien jusqu'ici ne limite l'extension qu'il peut prendre le long du nouvel axe des abscisses FK dont il suit les progrès. Donc puisque, 1°. nous voulons la borner à la durée d’un premier instant unique, et que par notre principe ci-des- sus ($ 11), un pareil incrément a nécessairement dû être uniforme dans sa marche, aussi bien que celui de la pe- üte abscisse correspondante dx, d’où il suit évidemment que le rapport _. est un rapport constant; 2°. que de plus, le lieu d'une grandeur quelconque qui croît ainsi unifor- mément est toujours une ligne droite, ou du moins, qu'une pareille grandeur peut toujours se rapporter à une pareille ligne, formant avec ses deux coordonnées un pe- tit triangle rectangle, dont l'équation reste constamment , dans toute son étendue, la même qu'au point où les deux coordonnées se réduisent en même temps à zéro ($ 6), il s'ensuit qu'en ramenant cette équation E à l’origine F des coordonnéees de ce petit triangle, où dp, et dx =—FK sont en même-temps —0o, puisque ce n’est qu'au-delà de ce point que commence leur existence commune, il s’en- suit, dis-je, qu'on pourra en conclure la véritable valeur de DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 5g Ô 2 æ+3py À D once _— + Or — sera IE; on aura donc es pat an LPT + Spy détie æ d'où adp—(2xy+ px + 3py°)dx—o, qui est con- forme au résultat ordinaire 13. C'est en suivant la même marche que nous passerons maintenant à la formation des équations différentielles du troisieme ordre, apr es avoir fait remarquer qu'il suit évi- demment de ce qui précède, que toute équation du second ordre est de la forme Zdp + Bdx—o, ou en faisant de plus dp — gdx, de celle Zqg + B—o, A et B ne pouvant contenir que æ, y et p. Nous prendrons pour exemple l’'é- quation (F) pgy+px—x—a—o; et en y substituant z+dzx, y+dy,p+dp, et g+dg,àx,;y, p et q, nous aurons (p+dp}(g+dq)(y+dy)+(p+dp)(x +dx)—(x+dæ)—a—0, qui en faisant les opérations indiquées, réduisant par la considération de l'équation F, mettant par-tout pdx pour dy, et gdx pour dp, et prenant enfin la valeur du rap- d port _. se change en. (G) dg __1—p—gr—pq—2pgy—gydæ—»2p'gdæ—gdx—gpdé dæ PJ +Ppdz+2pqyda+gyde + 2pqdæ + pgda 14. Nous dirons donc ici de nouveau, 1°. que dans l’é- quation G, x et y sont toujours les mêmes coordonnées primitives PA, AE, que pour ce moment il faut traiter 8. 60 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE comme constantes ; 29. que P est le rapport ee — e également déterminé et constant ; 3°. que gq est celui GL dp __FK dæ FK comme tel, puisque sa valeur est entièrement exprimée dans l'équation F, par les grandeurs æ, y, p, que nous venons de voir être elles-mêmes déterminées et constantes ; » qu'il faut aussi pour le moment regarder dp 7 >. / ° 2 et enfin 4°. que dg —d 2 désigne l’incrément indéter- miné que prend le rapport ne — q, au-delà du point G, ANGEL) incrément qui est ici figuré par q sure p GM Nous conclurons done de nouveau, par les motifs allé- gués ci-dessus ($ 12), qu'en ramenant cette équation G à l'origine G des coordonnées de son petit triangle rectan- gle respectif, on pourra, de lexpression qu'en faisant dg et dæ —o on obtiendra pour le rapport —, savoir 3 PRG Pig 2PIT PT : ; d'OS tion est également la valeur du rapport re d’où résulte enfin l'équation différentielle du troisième ordre, conforme à celle que fournit la méthode ordinaire; savoir, » conclure que cette même frac- p'ydg+(2pq Y+pq+qgx+p—1)jdx—=o. Ce qui précède, quoique seulement appliqué à des exem- ples particuliers, suffit pour prouver que le même raison- DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. Gt nement s'étendra avec le même succès à tout ordre quel- conque d'équations différentielles à deux variables seulement; et me parait propre à dissiper ce qui restait encore de nébuleux dans l'exposition du principe de la différentiation, quelque convaincus que fussent tous les géomètres de l’in- füllibilité de cette méthode en elle-même. 15. Avant de quitter cette matière, je présenterai ici quelques réflexions sur ce qu'il faut entendre en géomé- trie par le mot petit. Rien n'est grand ni petit dans le sens absolu, mais seulement dans le sens relatif; c'est-à- dire qu'une chose n'est jamais ni grande ni petite, mais seulement plus grande ou plus petite qu'une autre chose. Cet absolu que, dans le langage ordinaire, nous nous per- mettons d'attribuer à ces deux termes, est lui-même 7e- latif à l'étendue de nos facultés physiques; et tel objet qui par cette espèce de petitesse, échappe pour ainsi dire à notre vue, paraîtra peut-être comme nous parait un éléphant, à cet insecte presqu'imperceptible, qui dans les nuits d'été se promène avec une rapidité étonnante sur le papier qu'éclaire une lampe ou une bougie. Et cependant ce petit être a des membres très-agiles, plus agiles que les animaux les plus légers à la course; dans ces membres, qu'on peut à peine distinguer , circule un fluide vivifiant, actif; et peut-être dans l'instant où je fais ces réflexions, ce mème petit insecte en aperçoit-il un autre, qui échappe entièrement à ma vue, et auquel il pourrait appliquer le même raisonnement , que je viens de faire sur lui. 16. Mais un examen approfondi de l'essence des lignes courbes va nous présenter des détails bien plus merveil- 62 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE leux. Considérons d’abord la ligne droite mathématique rap- portée comme une autre courbe à des coordonnées rectan- gulaires. Tous ses points sont dans une même direction; c'est-à-dire, que deux élémens consécutifs y forment en- tr'eux un angle exactement de 180 degrés; ou plutôt en d'autres termes, qu'il n'existe plus entr’eux le moindre ves- tige d'un angle : aussi toutes ses tangentes se confondent- elles et s'identifient-elles dans elle-même et avec elle-même. Si de cetté considération nous passons à celle d’une courbe quelconque aussi mathématique , ou seulement à celle du cercle qui nous suffit ici, nous remarquerons que dans toute sa circonférence il n’y a pas un seul point sur le- quel on ne puisse mener un rayon, et auquel conséquem- ment on ne puisse appliquer une tangente ; qu'il paraît résulter de là qu'il n'existe aucun point dans toute cette circonférence qu'on doive regarder , plutôt qu'un autre, comme le sommet d'un angle, quelque grand, quelqu’ap- prochant de deux droits qu’on veuille l’imaginer ; que ce- pendant nous avons vu ($ 2) que le cercle n’est que la limite où le polygone régulier circonscrit vient se confon- dre avec le polygone régulier inscrit; que chacun de ces polygones dans l'instant même de leur entière identifica- tion est un composé d’angles et de petits côtés adjacens. Comment après cela se refuser à croire que la courbe elle-même est un pareil composé, mais où les angles sont si grands , si près. de former deux angles droits; c'est-à- dire, de ne plus former d’angles, et en même-temps les côtés si petits, qu'il est impossible, dans la courbe même mathématique ; cest-àh-dire , n'ayant aucune épaisseur , d'assigner la moindre différence d'un point à un autre. DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 63 17. Au reste on pourrait demander où est .la démons- tration, où même est la nécessité : je dis plus, où est la possibilité que tous ces points soient si parfaitement, si mathématiquement de même nature ? Certes à l'extrémité du contact, la courbe se détache de la tangente; son élé- ment contigu y forme donc un angle avec cette même tangente ; et conséquemment aussi avec l'élément précédent qui n’est qu'un avec celui de celle-ci formant le contact. Je prends pour exemple la formule générale 2x de la sous-tangente de la parabole concave, dont l'équation est y°= px. Sans doute, quelque valeur que j'attribue à +, je trouverai une valeur réelle correspondante 2x pour la sous- tangente en ce point de la courbe. Voilà donc une preu- ve, me dira-t-on, que tous les points de cette courbe sont propres à former un point de contact. Je conviens qu'il paraît d’abord difficile de se refuser à cette preuve, et encore plus de la réfuter, tant elle est spécieuse. Mais ne craignons pas de la sonder profondément, et nous ver- rons bientôt qu’elle n’est que cela. En effet, tant que cette courbe n’est donnée que par son équation, nous sommes loin de la connaître indivi- duellement : nous savons seulement à quelle famille elle appartient. Ainsi si nous en décrivons une quelconque , par exemple celle ACE et que nous joignions les deux points À, E, par la ligne AE, cette même équation dési- gnera également toutes celles AFD à l'infini qu'on peut décrire de la même origine A. Et comme toutes les para- boles sont semblables entr'elles, il sera vrai de dire que les différens ares ACE, AFD, qui se terminent à la li- Figure IV. 64 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE gne AE, ne différent entreux que par la grandeur de l'échelle qui leur sert de mesure, et dont le module n’est autre que le paramètre, qu'il est imposible de déterminer d'une maniere précise, autrement qu’en le traçant lui-même, ou en l’assimilant à quelque longueur déjà connue. Mais, dites-vous, je lui donne une valeur déterminée : ce sera cinq centimètres : soit. Nous décrirons donc cette parabole déterminée qui soit ici celle ACE. Mais cette détermination ne particularise aucunement son équation, ni même, lorsqu'on n’emploie que le seul raisonnement, l'énoncé de ses propriétés. Vous pourriez indistinctement substituer au mot centimètre , toute autre mesure connue. Votre détermination n’a d'effet que sur la parabole même décrite, Mais quelle qu’elle soit, vous trouverez toujours, tant par l'algèbre que par le raisonnement , qu'à chaque abscisse AB répond un point dont la sous-tangente est dou- ble d'elle. Mais ce point sera aussi-bien celui F, ou ce- lui, etc. à l'infini, que celui C. Et comme les arcs AC, AF,etc. ne sont pas semblables entreux, comme l’étaient ceux ACE, A FD, etc., il s'ensuit que cette abscisse pourra répondre dans l’une de ces courbes à un sommet d'angle, et dans l’autre au milieu ou à l'extrémité du petit côté ad- jacent qui concourt à le former. Mais si on veut réfléchir à la différence que j'ai établie dans tous le cours du petit mémoire cité au commence- ment de celui-ci, entre la ligne et le point physiques, qui sont ceux qui existent réellement par eux-mêmes, et la ligne et le point mathématiques dont l’existence ne peut être conçue isolément de celle de premiers, mais qui co-exis- DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 65 tent toujours essentiellement avec eux, on verra que tout cela est parfaitement en harmonie avec le principe : que chaque petit côté élémentaire d’une courbe est réellement un point physique (méme mém. $ 13) ayant autant d’étendue qu'il en faut strictement, pour étre terminé par deux points mathématiques, séparés l'un de l'autre de manière seule- ment à ne pas étre un seul et méme point; et que cela ne préjudicie en rien à la théorie généralement admise par tous les géomètres. En effet, que la tangente parte d’un sommet d'angle; ou du milieu, ou de l'extrémité d’un des petits côtés adjacens, il est certain que, puisque pour être réellement fangente, elle doit nécessairement suivre la di- rection de ce petit côté, (car il est évident qu'une tan- gente qui n'aurait de commun avec la courbe qu'un seul point mathématique, comme est celui du sommet de l’an- gle, n'aurait aucune direction déterminée) elle conservera également dans les trois cas, cette même direction. 18. Mais allons plus loin, et suivons la formation du cercle dès sa naissance : c'est en effet la courbe qui, par la facilité qu'on a à la décrire, se prête le mieux à cette dernière observation. Imaginons donc un compas terminé par deux pointes les plus aiguës, et se rapprochant le plus qu'il est possible du point mathématique lui-même. Ayant posé ces deux pointes sur un plan, chacune y marquera un point, puis faisant faire à l’une des jambes un petit mouvement élémentaire autour de l'autre, la pointe mo- bile aura décrit une petite ligne droite. Car je suppose que le second point auquel sera parvenue cette pointe, est précisément le premier auquel elle ait pu parvenir en quittant sa place antérieure ; c'est-à-dire, que si par ces Tome II. 0 66 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE deux points on mène une petite ligne élémentaire, il ne s'en trouvera aucun intermédiaire, ni au-dessus, ni au- dessous d’elle ; car dans le cas contraire, ce serait ce même point intermédiaire qui devrait terminer notre premiere li- gne élémentaire, et ainsi de suite. Maintenant si de ce second point, on fait faire à la même pointe un second mouvement parfaitement semblable au premier , il est clair que la seconde petite ligne élémen- taire, qui joindra le second et le troisieme point, formera un angle avec la première. Sans cela il arriverait que ce petit arc de cercle aurait trois points communs avec une ligne droite ; ce qu'on sait être contraire à la nature de cette courbe. Voila ce qu'en géométrie on peut appeler un élément de courbe : et ce n’est qu’en franchissant ainsi les bornes qui circonscrivent les idées ordinaires, qu'on peut estimer combien, vu la grandeur de pareils angles existans dans la circonférence même d'une courbe, ces angles doivent se multiplier, et conséquemment les côtés adjacens être petits, pour produire sur la moindre portion de l'axe des abscis- ses, une pareille déviation de la ligne droite. Concluons donc finalement que le cercle n’est strictement que la limite réelle, dans laquelle viennent se confondre le polygone circonscrit et le polygone inscrit; limite qui con- serve essentiellement sa nature de polygone , mais telle- ment atténuée par la grandeur et la multiplicité des an- gles, et par la petitesse et le nombre des côtés, qu'elle semble entièrement effacée. Et ajoutons {$ 17) que cet DU PRINCIPE DE LA DIFFERENTIATION. 67 état de choses n’infirme en rien la doctrine recue, tant sur cette courbe, que sur toutes les autres, qui, comme on sait, peuvent être considérées comme composées d’arcs de cercles variables, décrits chacun de son rayon de développée respectif. 19. Nous passerons maintenant à l'examen de la différen- tation des équations à plus de deux variables. Car si notre principe ne résout pas la difficulté dans tous les cas, il perd dès-lors tout son mérite. Nous commencerons par les équations finies ou primitives à trois variables, d’abord parce qu’elles sont les plus simples après celles qui n’en contiennent que deux; et sur-tout parce que représentant des surfaces courbes, on peut toujours facilement se figu- rer en idée les diverses transformations que leur différen- tation y opère. Prenons pour exemple l'équation de ja sphère, prise depuis l'extrémité d’un quelconque de ses diamètres qui soit —27. Nommons x les abscisses mesu- rées sur ce diamètre et y leurs co-abscisses qui leur sont perpendiculaires , toutes deux décrites sur le plan horizon- tal qui passe par le centre de cette sphère ; ét soit l’or- donnée verticale correspondante à ces deux ce-abscisses — z. Par-là notre équation sera... {H) z:+ ÿ°—9rx — xx. Supposons maintenant que z, æ, et y prennent respecti- vement leurs accroissemens dz,dx, et dy; cette équation se changera en (z+dz)}+(y+dy}—=2r(z+dr) (xt dx); qui en vertu de l'équation primitive H, se réduit à (J) 2zd2+dz3+9ydy+dy =2rdx—2ædx— da a. +, 68 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE 20. Remarquons maintenant que dans l'équation H, on peut considérer l’une ou l’autre des trois variables comme étant fonction des deux autres : nous choisirons ici pour cela l’ordonnée verticale z. Ainsi z est fonction des deux autres variables x et y; ou en d’autres termes , elle est une variable dépendante des deux autres, que je nommerai indépendantes ou /onctionnantes. Je puis donc imaginer que ces deux dernières ne varient que successivement. En effet, par cette supposition on établit seulement que le déplacement, ou la variation de l’ordonnée z, se fait sans quitter le plan des z et de la variable qui varie actuelle- ment ; déplacement qui mène évidemment à un point qui se trouve également sur la même surface, et pour lequel l'équation primitive H, aussi bien que l'équation dérivée J continuent conséquemment d'avoir lieu. Ainsi lorsque la seule variable æ variera, il faudra dans l'équation J supprimer l’incrément de l’autre variable y, ou faire dy —0; ce qui la réduira à 22dz + dz —=2rdx— 2xdzx — dax, où on se souviendra que par cette opération, l'ordonnée z n’a varié que par l’une x de ses variables fonctionnantes ; c'est-à-dire, qu’elle n’a varié que dans le sens de cette va- riable, et conséquemment que l’incrément de z qui en ré- sulte n’est que partiel. Or nous trouverons par ce résultat partiel, équation qui étant ramenée, selon notre principe, à l’ori- DU PRINCIPE DE LA DIFFERENTIATION. 69 gine de dæ et dz, comme dans les équations à deux va- riables seulement ($ 11), nous donnera une valeur cons- tante pour toute l'étendue de dx. Ainsi en y faisant tant DIRE 2N O0 LG NE D Oo . dæ que dz—o, nous aurons — = —— — et (e) 2Z 4 À dz LAN -cette même valeur sera celle du rapport {x ? 2ppropriée à l'hypothèse d'un premier instant unique. Si nous faisons ensuite la même opération sur z relativement à la seconde variable fonctionnante y, en annulant dans l'équation J l’'in- crément dx, il nous restera d'abord 2zdz+d2 +2ydy+dy—o, où z n'a varié que relativement à cette seconde variable ; c’est-à-dire, dans le sens de cette variable. Il résultera de à, par les mêmes raisonnemens que ci-dessus, Re pen ie te dut oz Tin 21. Nous connaissons donc les rapports de chacun des deux incrémens partiels, dont l’ensemble constitue lin- crément total de z, à son abscisse respective ; savoir d z T— x d z — à nd mon EL — ——: Or ces rapports sont pré- dx z dy z cisément les coëéfficiens différentiels de z du premier ordre. Multipliant donc le premier par dx et le second par dy, nous aurons les deux différentielles partielles d z ANRT ES x dz d x d more dy d ri — —— dy; ces deux ù dz dz me ; expressions —— dx et —— dy ne désignant autre chose; dx dy 0 70 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE la première, que la variation partielle de z par x; et la seconde celle par y; comme si on était convenu d'attribuer à la variation par x le signe d, et à celle par y celui À Donc la différentielle totale; c’est-à-dire, la variation totale de z, pendant un premier instant unique, sera l'agrégat de ces deux variations partielles; savoir d z dz ee a d'où z2dz—=(r—x)dx—7dy, et enfin zdz—(r—x)dæ+ydy=o, comme par la méthode ordinaire. 22. Tous les raisonnemens dont nous nous sommes. ser- vis dans cet exemple bien: Simple, pouvant évidemment s'appliquer à toute pareille équation finie, nous en conclu- rons que notre même principe nous a également conduits ici avec sureté et facilité à la démonstration du théorème général : que la différentielle première d’une équation finie à trois variables. z, x et. Y ne peut étre que de la. forme Adz + Bdx+ Cdy—o; où en d’autres termes qui don- neront une idée parfaitement claire de ce mot dyfferentielle : que la différence survenue, dans une. équation à trois va- riables z, x et. Y, par l'addition faite à chacune d'elles respectivement des quantités dz, dx et dy, entre son nou- vel état et son état précédent, lorsqu'on a exprimé en toute rigueur dans celui-là, que ces dz, dx et dy sont des va- riations opérées dans un premier instant unique, que cette différence, dis-je, ne peut étre rendue que par une équation de la forme ci-dessus, où dz, dx et dy ne sont jamars DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. TI qu'au premier degré, les coëfficiens À, B et C étant d’ail- leurs liés entr'eux par l'équation de condition connue. 23. Quant à la différentiation des équations entre un plus grand nombre quelconque #2 de variables, quoiqu’on ne puisse plus, comme dans celles à trois seulement, tra- cer dans l’espace les variations simultanées qu'éprouve cha- cune d'elles, il n’en est pas moins évident qu’on a toujours la liberté de considérer m — 1 de ces variables comme indépendantes , et l'une quelconque d'elles comme dépen- dante ou comme une fonction implicite des m — 1 pre- + mières; et conséquemment aussi, de ne calculer que suc- cessivement la relation de la variation de la variable prin- cipale ou dépendante, à celle de chacune des variables in- dépendantes qui la fonctionnent. Or l'expression de cette relation devant toujours être modifiée par la restriction de l’instantanéité de l'opération, d’où résultent les diverses variations de chacune de ces dernières variables., et la va- riation totale de la variable dépendante n'étant que l'agré- gat des variations partielles qu’elle éprouve relativement à chacune des variables indépendantes, on voit clairement que notre principe s'appliquera avec le même succès à la première difiérentiation de toute équation finie, quel que soit le nombre » des variables qui la compliquent. 24. Il ne nous reste plus qu'à faire passer notre prin- cipe par l'épreuve des différentiations ultérieures des équa- tions différentielles d’un ordre quelconque entre un nom- bre quelconque de variables : c'est de quoi nous allons nous occuper dans le plus grand détail; afin de jeter sur cette matiere toute la lumiere qu'exige son importance : e 7 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE commençons par une observation générale. I est certain que quelle que soit une équation, soit finie, soit diffé- rentielle , pourvu que dans ce dernier cas elle satisfasse aux équations de condition qui conviennent à son ordre, et quel que soit le nombre des variables qui la compli- quent, cette équation est toujours le lieu, sinon d'un état de choses continu, cohérent, régulier, et qui nous est apercevable, soit en réalité, soit seulement en idée, comme le sont les lignes et les surfaces courbes, du moins d’un certain systeme, dont les parties sont liées entr'elles par un rapport déterminé ; rapport dont l'existence ne tient aucunement à la grandeur actuelle de ces variables; mais qui dans leurs variations subséquentes règle constamment leurs situations et leurs attitudes réciproques. Aïnsi lorsque dans une pareille équation toutes les va- riables ou quelques-unes seulement d’entr’elles viennent à croître ou à décroître, ce changement dans la grandeur de ces variables ne trouble aucunement le rapport antérieur qui existait entr'elles : le point de son action seul à chan- gé; et cette opération n’a fait que le transposer dans l’es- pace, soit physique, soit purement intellectuel, auquel ce système appartient. Il suit de là que quelqu'équation que l'on ait à traiter, elle continuera d’avoir lieu, quand même chacune, ou seulement quelques-unes des variables vien- draient à éprouver un accroissement ou un décroissement quelconque. 25. Cela posé, soit l'équation à différentier ultérieure- ment celle du premier ordre à trois variables (KR): (33 tazx)dz+(aztm)dxetarydy—0, DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 73 forme que nous avons vu ci-dessus ($ 22) être toujours celle d'une pareille équation. Nous continuerons de re- garder ici z comme la variable principale qui ($ 20) est fonction des deux autres, et en conséquence nous ferons dz—pdx + qdy. Substituant donc cette nouvelle expres- sion dans la proposée K, elle se changera en (K') Gr Par) (pdr Eody) Paz y )drr2rydy= 0), qui à cause de l'indépendance mutuelle des deux variables æety,se partage manifestement en deux équations partiel- les; savoir, (ID) Se (3z:+ax)p+az+y —0o, et CM) ERee (37 +ax)g+2xÿy—=o; où il faut observer que p, g et z, sont des fonctions im- plicites des deux variables indépendantes x et y. Et c'est conformément à cette observation, que nous allons les faire varier successivement chacune, d’abord par la première et puis par la seconde de ces deux variables indépendantes ; c'est-à-dire que nous changerons d’abord dans celle L, p, z et x en p + SP dx, z +pdx, et x + dx; et puis p, z, et y en p+-E dy, z+qdy, et y+ dy; ensuite nous changerons également dans celle M en premier lieu, 9, z, et x en g+ dx, z+pdx, et x+dx; et en second lieu ,g, z; et y en g+ d' P + etc. Ce même raisonnement peut également s'appliquer avec le même succès, à la méthode des rec- tfications. Car V(dy’+ dæ’)—= ds n'est par la même rai- son que le terme correspondant à dr; c'est-à-dire, au pre mier terme du développement que donne le même théoré- me pour l'incrément de +; c'est-à-dire ici de s, lorsqu'on y substitue x + dx à x. Il faut donc également ici ne com- parer ce premier incrément qu'avec le terme de la série M qui lui est analogue; savoir, le premier terme d P. Il peut de même s'étendre encore à la cubature des volumes, ainsi qu'à la complanation des surfaces ; c’est-à-dire à la quadra- ture de leurs aires. Dans ce 24 mémoire, j'entreprends de généraliser cette théorie en l’appliquant à une équation quelconque Q—o, entre un nombre quelconque de variables, et d’un ordre de différentiation aussi quelconque. Il s’agit donc de prou- ver que dans une pareille équation, lorsqu'on substitue zEdz, Ed, + dyvetch az. , etc. (ce quisdoit aussi s'entendre, non-seulement des autres variables finies, ; : dz dz ; mais aussi des rapports p — dd. 49 étCS ND — dp ,; — d9 se ml pie dg nt ENS 4 mo Eu etc.), ce qu'on nomme la différentielle de cette équation; c’est-à-dire, ce qui répond au 1°" terme du développement ou de la sé- rie de Taylor, ou à ce terme qui seul est strictement l'’zn- crément dû à un 1°* instant unique, ne peut comprendre DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 95 aucun terme dans lequel la somme des exposans, tant ex- posans de degré qu'exposans d'ordre de différentiation , soit plus grande que l’exposant le plus élevé » d'ordre de différentiation de la variable qu’on regarde comme fonction de toutes les autres. D'où il résulte que tous les termes où le contraire aurait lieu, doivent être négligés, non qu'on les considère comme des zéros, ou comme des quantités qu'on peut omettre à cause de leur petitesse infinie; mais parce que réellement ils ne font pas partie de ce r°r terme dr (mém. cité $ 23), qui seul doit entrer en considéra- tion ; puisque de là seule supposition dr=o, il s'ensuit 2 Ë ; I Ë I nécessairement que toute la formule d x + = d'r + NE dr + etc. est également — 0. En effet, en supposant que par les substitutions précédentes la fonction + devienne *', on conclut d’abord évidemment de r—0, x — 0; et conséquem- ment rx —r—=d7r + = dr + ne d’x + etc. —0o. Comparant donc cette valeur de r'—7+ à une série déduite du même théorème de Zaylor, dont chaque terme soit — 0, comme serait en effet celle qu’on trouve pour la quantité cons- tante a x° (mém. cité $ 24), on verrait clairement, par les raisons alléguées (meme mém. $ 25) que la formule mo- nome dr—o équivaut complétement à la formule entière I dr += dr + etc. —=0 +0 + etc. Lé Prenons un exemple : soit r—0 l'équation ÿ° + xy°— axy—b—0o, d'où r—(y+dy)+(x+dx)(y+dy)—a(x+dx)(y+dy)—b=0o. 96 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE Nous avons donc ici dr—53y dy+2xydy—axdy+ydxæ—aydæx; = d’r—=3ydy +xdy°+2ydædy—adxdy; T dr—=dy + dxd7; SAUT ES 4 73 et il faudrait à la rigueur faire individuellement chacun de ces trois termes égal à son terme correspondant — o. Mais comme chaque subséquent dérive d’une même ma- nière uniforme de son précédent, tant dans la série dx + I . È d'r+etc., que dans sa valeur o+o+ etc. Il est clair qu'en parcourant ainsi la suite de toutes ces équations suc. cessives, on ne ferait que répéter la même vérité en di- verses expressions (mém. cité $ 25), à la différence près que la ire équation dr —0o est toujours la mieux déter- minée, parce qu'il ne peut au plus en être disparu qu’une constante, comme il est arrivé à celle b° dans notre exem- ple, où à la 3eme équation d’r—o, la 2de constante a a également disparu. Donc la formule dr —0o suffit, et tous les termes qu'on semble avoir négligés, appartiennent ex- clusivement aux termes subséquens de la série; et ceux- ci, quoiqu'invisibles, n’en coopéreront cependant pas moins à la formation de l'intégrale Q de la différentielle d Q; c'est-à-dire dans notre exemple, de l'intégrale y°+ x 7° — a xy— bi. En effet cette fonction © n’est en toute rigueur que l'intégrale, non du simple terme dQ, mais de toute la série qui résulte du théorème de Zaylor ; puisque cette DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 95 série n’est elle-même que le développement de cette même intégrale Q, conformément à ce même théorème. Ainsi on voit clairement que dans toutes les opérations du calcul intégral, rien n'est omis, et on ne doit plus être surpris de la constante conformité de ses solutions avec celles que donne cette Géométrie purement discursive, qui toujours éclairée du flambeau de l'évidence, marche continuellement à découvert. Encore moins faudra-t-il désor- mais attendre que cette derniere vienne à l'appui des ré- sultats que fournit le calcul intégral, pour y avoir une entière confiance. NOTE ADDITIONNELLE. Un savant dont je respecte les lumières, m'ayant com- muniqué quelques observations au sujet des deux princi- pes fondamentaux qui sont la base de cette théorie, j'ai cru qu'il serait utile, mais en même-temps suffisant de les discuter ici dans une note additionnelle placée à la fin de cet écrit, afin de prévenir de pareils doutes qui pourraient r 2/ ? 4 ? également s'élever dans l'esprit d’autres lecteurs. Le 1er de ces principes est celui que j'ai développé très au long dans le mémoire cité ci-dessus ($ 1); savoir, que ce qu'on nomme le point de contact entre une courbe et Tome IL. 13 Figure V- 98 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE : sa tangente est, non un point, mais une petite ligne réel- le, quelque petite qu'on puisse, je ne dis pas se la repré- senter, mais seulement l’imaginer possible, au-delà même de ce que nos sens nous permettent de regarder comme tel. Pour confirmer ce principe, j'ai remarqué ($ 17 à la Jin), qu'il est évident qu’une tangente qui n'aurait de com- mun avec la courbe qu'un seul point mathématique, comme est celui du sommet de l'angle, n'aurait aucune direction déterminée ; sur quoi ce géomètre me demande si, sauf les cas de points singuliers, sur lesquels il appelle aussi mon attention , en supposant qu'une ligne touche une courbe en un seul point, de manière que cette dernière reste toute entière d’un même côté de la ligne, cette ligne lui sera tangente ou non? Je réponds à cela qu’elle la touche en effet, si par là on entend simplement qu’elle y adhère, qu'elle y est fixée, comme elle le serait en traversant dans une direction quel- conque l'extrémité d’un rebroussement qui se termine né- cessairement par un pareil point mathématique, mais qu'elle n'en est point une fangente. Soit en effet la courbe donnée ABE convexe vers l'axe, et le point supposé unique de contact en B; point qu'il faut nécessairement, pour que cette supposition ait lieu, se représenter comme le sommet d’un angle, presque de 1800 si l’on veut, mais néanmoins toujours angle vérita- ble. Maintenant quelle que soit la direction dans laquelle on place cette ligne BQ, il est certain que si BG et GC représentent les petits incrémens dx et dy des coordon- nées MN, NB, à cette courbe, jamais quelque petit qu'on DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. 99 suppose celui BG, celui GD de l’ordonnée à la ligne droite RQ ne sera égal à celui GC de la courbe, sans quoi la courbe et la ligne droite auraient deux points communs B et C ou D; ce qui est contraire à l'hypothèse qui n’en admet qu'un. Or lorsqu'on veut déterminer une sous-tan- gente NO; c'est-à-dire la position d’une tangente ou l’an- gle qu’elle forme avec l'axe des abscisses, c’est au moyen de la proportion CG : BG —BN : sous-tang. Mais pour que RQ fût elle-même tangente en ce même point B, il faudrait évidemment qu'on eût aussi DG : BG—BN: sous-tang. ; puisque; deux tangentes différentes ne pouvant point appartenir à un seul et même point simple de COUr- be, les deux triangles DBG, BON, seraient alors nécessai- Rent semblables. Ainsi CG serait aussi nécessairement égal : a DG. Donc réciproquement , tant que cette égalité n'a pas lieu; ou ce qui est la même chose, tant que la ligne ne Rene la courbe qu'en un seul point, ou qu’elle n'aurait qu’un seul point commun avec elle, elle ne serait point tangente de cette courbe ($ 17, dernier alinea); et on pourra dire de cette ligne : tangit quidem, sed non more tangentis. Au reste ce principe est conforme à la doctrine de Cramer, comme on peut voir dans son excellent ou- vrage intitulé : /ntroduction à l'analyse des lignes courbes algébriques, chap. X, $ 162, page 4or, ligne 20, parce qu’en effet, dit ce célèbre géomètre, couper en deux points réunis, (remarquez qu'il ne dit pas confondus, mais seule- ment réunis) c’est toucher en un seul point. Quant aux points singuliers des courbes, et on entend par-là, comme on sait, les points multiples, ceux de re- broussemens , d'inflexions , de serpentemens visibles ou in- 2 19. 100 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE visibles, etc., de diverses espèces et divers ordres, et en- fin les points ésolés ou conjugués, je ne vois pas qu'ils puissent ici donner lieu au moindre doute. Ils ne présen- tent après tout que des réunions et des concours de tan- gentes, soit qu’elles s'y croisent, soit quelles s’y confon- dent, soit enfin que comme dans les points de serpente- mens , elles s'adaptent bout-à-bout sur une même petite ligne; ée qui ne change en rien l'application qu'on peut faire à chacune d'elles du principe ci-dessus , comme si elles étaient séparées. Mais sil s'agit de points #so/és où conjugués, auquel cas les tangentes en ces points sont #a- SURUTES ; puisque les branches de courbes qui devraient s'y rencontrer le sont également, il ne peut même y avoir lieu à s'en occuper. Je passe maintenant au 24 principe : c’est celui que j'ai développé ($ 11), et sur lequel je suis revenu ($ 34). On m'a observé qu'il serait préférable de refondre en un seul ces deux articles , parce que la démonstration, ou plutôt l'explication contenue dans le 1°* est trop subtile, et méme de nature à pouvoir étre contestée. Je conviens qu'elle est subtile, si on entend par là seulement qu’elle ne porte sur aucune considération dépendante de nos idées primaires ; c'est-à-dire, des idées telles que nous les per- cevons directement par nos organes, comme sont les li- gnes , les plans, et les volumes, qu'il est toujours facile de se figurer dans l’espace; ce qui cesse d’être possible lorsqu'on aborde des questions où le nombre des dimen- sions surpasse trois; c’est-à-dire, des questions entre un nombre de variables supérieur à trois. Mais quant à pou- voir étre contestée, je ne puis me le persuader. DU PRINCIPE DE LA DIFFÉRENTIATION. or En effet lorsqu'une grandeur quelconque susceptible d'accroissement vient à prendre subitement un incrément quelconque , soit que cet accroissement doive avoir lieu d'une manière uniforme, soit que ce soit d’une manière variable , il est certain que dans le tout premier instant, en cet instant tel que je l'ai défini dans ce même arti- cle 11, le premier pas vers l'accroissement sera commun aux deux accroissemens. Ce n'est qu’au second instant qu'il se décidera si le second pas sera pareil au premier, ou sil en sera différent ; c'està-dire , si l'accroissement aura lieu d'une manière uniforme ou non. Or ce n’est que le résultat de ce premier instant qu'on considère das 16 calcul différentiel ; il est donc impossible de contester la vérité du principe en question; savoir, que l'ncrément di au premier instant a nécessairement élé opéré par une mar- che uniforme. C'est d’après ces réflexions, que je me suis borné à terminer cet article 11 par avertir le lecteur, que je reviendrais plus bas sur ce même principe ($ 34). Au reste il est des vérités qui, lorsqu'on les examine sérieusement dans son intérieur , pénètrent mieux de ce sentiment irrésistible de conviction, que ne pourraient faire toutes les explications : de ce nombre sont les axiômes, et cela parce qu'il suffit d’analiser en soi-même le vrai sens des mots principaux qui les expriment. Quand on dit, par exemple, le tout est plus grand que sa partie ; analisez en vous-même les deux mots fout et partie, et à l'instant la conviction s'empare de vous. Il en sera de même du principe en question, si on analise avec le même soin les mots uniforme et variable relativement à des in- crémens naissans : il sera impossible de ne point aper- 102 MÉMOIRE SUR LA MÉTAPHYSIQUE, etc. cevoir aussi-tôt jusqu'à l'évidence, que tout incrément, à l'instant indivisible de sa naissance, ne peut s’opérer que par une marche uniforme, si cependant on peut appeler marche une opération qui ne consiste qu'en un seul pas. FIN. ERRATA dans les deux Mémoires précédens. Page. Ligne. 40 10, les caractères italiques x, ÿ, z, u, t, sont représentés dans la planche 3, fig. 14, par les caractères romains correspondans. YA 25, tous, Æsez tout. ÿ a ï: \ NAES. PRES Tr rent Dai HS CRETE LL PUCES TES brlyrstipeieeee A l d 0 3 Î À af À É: ' : , “ \ \ ; Fi of } d ) h ; ; fs : WA d S y en] + ra ar \ u l L HUM Rue D OLT F : 5 à. d : s U MEMOIRE SUR UNE FORMULE GÉNÉRALE, POUR DÉTERMINER LA SURFACE D'UN POLYGONE, FORMÉ SUR UNE SPHÈRE PAR DES ARCS DE GRANDS OU PETITS CERCLES DISPOSÉS ENTRE EUX D’UNE MANIÈRE QUELCONQUE, Pa À. QUETELET. PRÉSENTÉ A LA SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1820. CR T DUEE AE AURA EREE TÉSCR ê& 0 SE SP SSI SP I SP I SO I I AI I I I I I ST I A AT I TT MÉMOIRE SUR UNE FORMULE GÉNÉRALE, POUR DÉTERMINER LA SURFACE D'UN POLYGONE, FORMÉ SUR UNE SPHÈRE PAR DES ARCS DE GRANDS OU PETITS CERCLES DISPOSÉS ENTRE EUX D’UNE MANIÈRE QUELCONQUE. ES fs [. D'Arenverr , dans les mémoires de Turin, a examiné le premier l'aire d'un triangle -sphérique, qui a pour côtés des arcs de petits cercles : mais, sans offrir aucune for- mule générale, ce grand géomètre ne fait qu'indiquer les opérations nécessaires pour mettre sur la voie ceux qui désireraient achever le calcul; sa marche d’ailleurs est en- tièrement analytique; et, comme il l’observe fort bien, en général il est souvent plus simple d'employer la méthode synthétique : et cette observation, poursuit-il, a lieu dans la plupart des problèmes où il y a des angles à chercher, parce qu'on ne peut exprimer analytiquement les angles que par leurs sinus, et. que l'expression de ces sinus Tome IL. 14 Figure I. 106 SUR LA MESURE DES AIRES enferme souvent des radicaux dont la valeur est équivoque, à cause du double signe qui les affecte. Bossut, dans son traité du calcul intégral, s'est occupé du même sujet après d’Alembert; mais plutôt dans la vue de faire connaître quelques artifices de calcul, que de tra- cer une méthode plus simple. Il revient cependant ensuite à la synthèse, mais la méthode, qu'il propose, sans être générale, a l'inconvénient d'être un peu longue. Je pense donc que les recherches, qui font l'objet de ce mémoire, peuvent encore être considérées comme neuves, d'autant plus que je me suis proposé en me resserrant dans les limites de la géométrie purement élémentaire, de présenter la formule dans toute la généralité dont elle est susceptible , c’est-a-dire , de l'étendre aux polygones sphériques, formés par des arcs -de grands ou petits cer-. cles, disposés entre eux d'une manière quelconque. 2. Si l'on coupe une sphère PDBD' par un plan AAC, et si l'on prend pour unité de surface le triangle trirec- tangle qui est le huitième de l'aire de la sphère, la sur- face de la moitié de la sphère vaudra 4, et la surface de la calotte sphérique PAA'C vaudra 4(1—4), en faisant la hauteur de la calotte Pd—1—4, c'est-à-dire, en pre- nant pour unité le rayon de la sphère et en représentant par d la distance du centre de la sphère à la section AAC. 3. L’aire de la portion PA’mA, comprise entre l'arc A'm À et les deux grands cercles qui passent par son pôle P, s'obtiendra par la proportion suivante : DES POLYGONES SPHÉRIQUES. 107 airc. AAC =4 : A’mA — P :: aire de la calotte PAA'C — A(:— d): aire PAmA—P(I1—d) L'angle droit est pris pour unité, et l'arc A’mA, repré- senté par la lettre P, a pour mesure l'angle, formé au point P par deux tangentes aux ares PA et PA’. Nous nom- merons désormais ce dernier angle angle au pôle. 4. Concevons maintenant par les points À et A l'arc de grand cercle A'nA; il formera avec les deux arcs PA et PA un triangle sphérique dont la surface vaudra , comme on le démontre en géométrie, ses trois angles moins deux droits; c’est-à-dire, P+2p—2, en désignant par 2p les deux angles dièdres égaux, compris entre le plan A'’7 AO et les deux grands cercles PA'O et PAO qui passent par le pôle P. Ces angles seront nommés par la suite angles opposés au pôle. Ainsi dans le tétraèdre OPAA', qui a pour base le trian- gle sphérique PAA', l'angle dièdre, qui a pour arête PO, sera représenté par la lettre P et recevra le nom d'angle au pôle; chacun des deux autres angles, qui sont égaux entre eux, sera représenté par la lettre correspondante p et sera désigné sous le nom d'angle opposé au pôle. Les lettres À et A’ nous serviront à un autre usage. 5. Si de l'aire du triangle sphérique PA’ A, on retran- che l'aire du triangle sphérique PA'7 A, il restera l'aire de l'onglet, compris entre l'arc du grand cercle A'rA et l'arc du petit cercle A’mA, que je représenterai par la suite par les deux lettres extrêmes A et A’. Ainsi l'aire de cet onglet 14. Figure II. 108 SUR LA MESURE DES AIRES sera, d’après ce qui vient d'être dit, AA—92—9p—Pd. (1) Donc l'aire d'un onglet vaut l'excès de deux droits sur les deux angles opposés au pôle, diminué du produit de l’angle au pôle par la distance de la section au centre de la sphère. 6. Remarquons que les angles opposés au pôle sont droits, quand le plan coupant est un grand cercle, et que dans le même cas, la distance au centre devenant nulle, l'onglet n'existe plus. 7. Passons maintenant à la résolution du problème que nous nous sommes proposé, et cherchons quelle est l'aire ? fe Yé d'un polygone sphérique , formé par des arcs de grands ou petits cercles. Commençons par le triangle, qui offre le cas le plus simple, et supposons d’abord les trois arcs convexes. Soient trois plans A'ZA, A d'A", A'd'A", qui ne passent point par le centre de la sphère : ils forment par leur in- tersection avec cette sphère trois petits cercles, dont les arcs en se coupant déterminent un triangle sphérique : nous représentons son aire par la lettre X. Or ce triangle sera intérieur au triangle sphérique, formé par trois arcs de grands cercles passant par les mêmes sommets A, A’ et A”. Nous nommerons angles aux sommets les angles À, A'et A", qui sont formés dans le tétraèdre OA A’A” par l'intersection des grands cercles, et qui ont pour arêtes les rayons AO, DES POLYGONES SPHÉRIQUES. 109 A'O, A'O. d’après cela, en nommant T l'aire de ce der- nier triangle, on aurait par un théorème connu, T = A + A'+ A" — 0 : Nous avons vu d'ailleurs, par le paragraphe 5, que les aires des trois onglets, qui sont l'excès de T sur X, ont pour valeur; AA —2—02p —P.d A A"=92—0p — P'd' A'A'—2—2p— P'd": ainsi X, l'aire du triangle que nous voulons déterminer , vaudra l'excès de T sur les aires des trois onglets, ou bien X—A+A'+A"+92p+2p+92p"—8+P.d+P.d'+P'd". (2) 8. Cherchons maintenant à donner à ce résultat une forme plus simple et plus commode pour le calcul; re- présentons d’abord par « l'angle PAOP', que nous nom- merons angle entre les pôles, parce qu'il est compris en- tre les deux grands cercles PAO et P'AO, qui passent par les pôles des arcs AA’ et AA”; remarquons de plus qu'autour de la même arète nous avons encore l'angle au sommet À et les deux angles opposés aux pôles p et p'. Or la somme des angles, formés par des plans qui se cou- pent autour d'une même droite, vaut toujours quatre droits, donc 4—a= A +p+p': par la même raison en nommant # et 4’ les angles entre 110 SUR LA MESURE DES AIRES les pôles P' et P”, P" et P, nous aurons, CT ST EN 2 4— x = A"+p'+p: donc, 19—ag—x@—x — À + À'+ A+ 9p+op +2p'; et en substituant dans l'équation (2), nous obtiendrons enfin : =4—a—ax—x+Pd+P'd' + P'd". (3) C'est-à-dire que l'aire d'un triangle formé sur une sphère par des arcs convexes de petits cercles, vaut l'excès de quatre droits sur les trois angles entre les pôles, plus la somme des angles aux pôles multipliés chacun par la distance de la section correspondante au centre de la sphère. g. J'ai commencé par prendre un exemple particulier, afin de bien indiquer sur la sphère la position des an- gles, que je nomme angles aux sommets, angles opposés aux pôles, etc. il sera facile maintenant, en adoptant cette notation, d'exprimer généralement la valeur de l'aire d’un polygone sphérique quelconque. Pour plus de simplicité nous supposerons successivement le polygone formé, 1° par des arcs convexes seulement, 2° par des arcs concaves seu- lement, 3° par des arcs convexes et des arcs concaves en même-temps. Les arcs de grands cercles y seront évidem- ment compris, puisqu'on peut les considérer à la fois comme convexes ou concaves. DES POLYGONES SPHÉRIQUES. : fi ro. Soit donc sur une sphère un polygone formé par des arcs convexes seulement : représentons sa surface par la lettre X, et concevons par chacun des sommets A, A, A", etc. de ce polygone des arcs de grands cercles; nous formerons un nouveau polygone dont l'aire, représentée par la lettre V, étant diminuée de la somme des aires des onglets AA, A'A", etc. vaudra X l'aire du ie intérieur, qu'il sas de déterminer. Or, la Géométrie élémentaire nous donne pour valeur de l'aire d’un polygone, formé par des arcs de grands cercles en nombre », Y=A+A+A"+ A"+ etc. — 92n +4; et nous aurons successivement pour valeur de chaque on- glet ($ 5) AA—2—92p—P.d A'A'— 2 — 2p — P'd' A'A"—= 2 — op — P'd' etc. S, la somme des aires de ces onglets en nombre 7, sera conséquemment , S—on—2p—2p—2p"—etc.— P.d—P'd —P.'d'— etc d’où l’on obtient pour la valeur de l’aire du polygone, qu'il fallait déterminer, X=4—4n+A+A+A"+ etc. + 2p + 2p'+ 2p'+ etc. + P.d + P'd'+ P'd' + etc. (4) 112 SUR LA MESURE DES AIRES 11. Simplifions maintenant ce résultat; et pour cela re- marquons que fn — À — À — A" — etc. — 2p — 2p' — 2p" — etc. = a+ a —+a + etc. les lettres «, a’, «’ etc. représentent les angles entre les pôles correspondans aux angles aux sommets A, A’, A”, etc. mais, comme nous l'avons déjà remarqué dans le paragra- phe précédent, autour de chaque rayon qui passe par un des sommets du polygone, nous avons quatre angles, sa- voir un angle au sommet À, par exemple, avec les deux angles opposés aux pôles p et p', et l'angle « entre les pôles lesquels valent en somme 4 droits. D’après ces considéra- tions, il est aisé de voir qu'autour des 7 sommets du po- lygone on aura fn — À — À — A" — etc. — 2p — 2p'— 2p" — etc. — aid inst Ctc. ce qui nous donne, après la substitution dans la formule (4), la formule générale X=4—a—x — x" —x"—etc.+P.d+P'd'+P'd"+ etc. (5) qu'on pourra énoncer de la manière suivante : L'aire d'un polygone, formé sur une sphère par des arcs convexes seulement , vaut l'excès de quatre droits sur la somme des angles entre les pôles, plus la somme des an- gles aux pôles, multipliés chacun par la distance respec- tive de la section au centre de la sphère. DES POLYGONES SPHÉRIQUES. 113 Les signes dans cette formule sont invariables; si l’on pouvait douter un moment de la nature des angles entre les pôles , il suffirait de remarquer qu'on doit toujours avoir 4 > A +p+p', puique les angles opposés aux pôles ne peuvent être plus grands qu'un droit et que l'angle au sommet ne peut surpasser deux droits : ainsi l'angle entre les pôles, qui est l’excès de 4 droits sur ces trois angles, ne peut varier par rapport au signe. 12. Examinons maintenant un polygone sphérique, formé d'arcs concaves seulement, je dis qu’on aura : X=4+at+ta + a + etc —P.d—P'd'—P'd"— etc. Pour le démontrer, concevons encore par les sommets de ce polygone des arcs de grands cercles, nous formerons un nouveau polygone dont l'aire Y, que nous savons évaluer , étant augmentée de la somme S des aires des onglets, vaudra l'aire du polygone, qu'il s’agit de déter- miner. Or, Ÿ et S nous sont connus par le paragraphe précédent; ainsi, X —=4+ A + A+ A+ etc. — 2p — 2p°— 2p" — etc. — P.d— P'd'— P'd"— eic. (6). Il nous resterait à prouver, en nommant «, «#, «’, etc. les angles entre les pôles, qu'on a A+ A'+ A"+ etc. — 2p—2p — 2p"— etc. —a+ a+ «"+ etc. Or, cest ce qu'on reconnaîtra sans peine, en observant qu'on aurait successivement autour des sommets À, A’, A", etc. Tome II. 15 Figure IT, 114 SUR LA MESURE DES AIRES no À — p' —p'— Œ A'— Pp'— p'—= a’, etc. Parce que les deux angles opposés aux pôles sont construits ici dans l'intérieur même de l'angle au sommet; il faut bien remarquer cependant que l'angle entre les pôles peut varier de signe et devenir négatif dans la formule, quand l'angle au sommet est moindre que la somme des deux angles opposés aux pôles; par exemple, dans le polygone - AA'A"A", les angles x, &, «’ seront positifs, mais l'angle 74 entre les pôles «” sera négatif, parce qu'on a AA"A"< AVAr D + ATANES So bien AC p +p". Ainsi nous poserons généralement : | X—=4 +ata+e +etc.—P.d—P'd'—P'd"— etc. (7). C'est-à-dire que l'aire d'un polygone, formé sur une sphère par des arcs concaves seulement, vaut quatre ‘droits, plus la somme des angles entre les pôles, moins la somme des angles aux pôles, multipliés chacun par la distance respective de la section au centre de la sphère. 13. Il nous reste à chercher quelle est la valeur de l'aire d’un polygone sphérique, formé par des arcs con- vexes et par des arcs concaves en même-temps. Or, il suffira d'examiner pour cela le changement qu'introduit dans les deux formules (5) et (7), trouvées précédem- ment, un arc qui deviendrait concave tandis que tous les autres seraient convexes, ou réciproquement. Car ces DES POLYGONES SPHÉRIQUES. 115 formules ne peuvent varier que par la valeur des angles, qui varient en même-temps que l'arc change la position de sa courbure : ce qui devient évident en supposant la décomposition du polygone en triangles. 14. Soit donc AA'A’A" un polygone, formé par des arcs convexes; son aire aura pour valeur ($ 11): Mau a «+ E.d + DE EDP AM (S y Mais si l'arc AmA", dont le pôle est P, change sur la sphère le sens de sa courbure, de manière à prendre la position de A:m'A", son pôle étant en 7; l'aire du polygone se trouvera évidemment augmentée de l'aire du double onglet AmA"m, qui a pour valeur ($ 5): 2AA"— 4 — Gp — 2Pd: il faudra donc ajouter cette dernière quantité à la valeur de X; et, par cette addition, trois termes varieront seu- lement dans. la valeur de X; c'est l'angle au pôle P avec les deux angles entre les pôles « et «”, qui ont subi un changement , en même-temps que l'arc Am A" changeait le sens de sa courbe. Or, 2 — 2p — x — 2 — PAr— PAP'—— 4, c’est-à-dire, le supplément de P'Ar, qui est l’an- gle entre les pôles : cet angle & sera négatif, comme on peut le voir, quand l’angle P'Az, qui renferme l'arc convexe, sera plus petit que deux droits, et positif dans le cas contrai- re : c’est-à-dire, lorsque & serait l'excès de l'angle entre les pôles sur deux angles droits. Par la même raison 2— 2p — x"—=— a", qui est le supplément de l'angle entre les pô- 19: Figure IV. Figure Ve “ré . SUR LA MESURE DES AIRES les rA”"P"; et & est pris ici négativement, parce que l'angle + A"P", qui renferme l'arc convexe, est plus petit que deux droits; ainsi 4— 4p—2P.d—u—x" =—a—a"—2P.d = l'aire du polygone AA'A'A" vaudra donc, en supposant que l'arc Am A" ait changé sur la sphère le sens de sa courbure, 4 ae 4 ai eP.d PP" + P'4". (0). 15. Si le polygone sphérique A A'A"A" était composé d'arcs concaves, la valeur de son aire serait 12 L X=/4+ato+a +" —Pd—P'd'—P'd'—P'd", et en supposant que l'arc AmA" vint à changer sur la sphère le sens de sa courbure, pour prendre la position AmA", son pôle serait en + : pour avoir l'aire du nou- veau polygone, de X il faudrait retrancher l'aire du dou- ble onglet AmA"m', qui est 2A A"= 4 —/p—2Pd : or, en nommant a et a” les supplémens des angles entre les pôles P'Ar et P"A"7 qui renferment l’arc convexe Am A", et en remarquant que ces supplémens seront né- gatifs, parce que les angles P'Ar et P"A"7 sont plus petits que deux droits, on aura; — 4+4p+at+o"+9oP.d=—-a—a"+92Pd : DES POLYGONES SPHÉRIQUES. 117 et, en substituant, l'aire du polygone aurait pour valeur : X=4—a+a+aé—a"+P.d—BP'd'—P'd'—P''d".. (9). .16. De ce que nous venons de voir, nous pouvons conclure que l’existence d’un arc concave dans un po- lygone sphérique , formé d’arcs convexes seulement, n’in- troduit d’autre changement dans la formule (5) que de rendre négatif le signe du terme P.d, qui exprime la valeur de l'angle au pôle multipliée par la distance de la section respective au centre de la sphère; ou bien au con- _traire de rendre dans la formule (7) ce produit positif, st c’est un arc convexe que l'on introduit dans un polygo- ne, formé d'arcs concaves seulement : de plus, dans les deux formules en méme-temps, l'on doit prendre au lieu de l'angle entre les pôles, où la variation de courbure a lieu, le supplément de ce méme angle, qui renferme l'arc convexe, et son signe doit étre négatif; ou bien, si l'angle entre les pôles vaut plus que 2 droits, il faudra prendre cet excès positivement. D'après ces considérations et en supposant, comme nous l'avons déjà dit, la décomposition d’un polygone sphéri- que en triangles au moyen d’arcs de grands cercles, nous voyons que, quand les arcs qui se coupent sont de même nature, il faut prendre l'angle entre les pôles, et que dans le cas contraire il faut prendre le supplé- ment de ce même angle. Quant aux signes, on doit avoir égard à ce qui a été dit dans les paragraphes pré- cédens. 17. Nous pouvons maintenant écrire sous la forme 110 SUR LA MESURE DES AIRES suivante, les formules que nous avons obtenues successi- vement : NN Earara tete ep EP diEEterc (ro) «,«, a, etc. sont les angles entre les pôles, quand les arcs sont de méme nature, c’est-à-dire, tous deux con- vexes ou concaves, dans le premier cas ils sont toujours négatifs, dans le second ils peuvent devenir négatifs : mais st les arcs sont de nature différente; «, «', «', etc., sont les supplémens des angles entre les pôles et seront ou post- tifs ou négatifs (16). Quant aux termes P.d, P'd', P'd", etc. üls sont positifs st les arcs sont convexes, négatifs dans le cas contraire, et nuls pour des arcs de grands cercles. Les angles P, P', P" etc. sont mesurés par les arcs, qui font partie du polygone, dont on évalue la surface ; et ces arcs peuvent être plus grands qu’une demi-circonférence. 18. Si les arcs, qui forment le polygone , étaient des ares de grands cercles, les distances au centre seraient nul- les, et l’on aurait : X=/4—a—xu—x@—x"—etc. (11) l'aire d’un polygone sphérique , formé par des arcs de grands cercles , vaut l'excès de 4 droits sur les angles entre les pôles. De plus l'aire du polygone devant être une quantité positive, la somme des angles entre les pôles doit être moindre que 4 droits. Mais dans le même cas chaque angle entre les pôles étant le supplément de l'angle au sommet qui lui est op- DES POLYGONES SPHÉRIQUES, etc. 119 posé, la somme des angles aux sommets, ou bien la somme des angles diedres d’un polyèdre surpasse toujours deux fois autant d’angles droits qu'il y a d’angles moins deux. Ces deux dernieres propositions, démontrées aussi dans la Géométrie élémentaire, sont analogues à celles que l’on démontre pour les angles intérieurs et extérieurs d’un po- lygone rectiligne , lequel pourrait être considéré comme SHC EE 19 formé sur une sphère de rayon infiniment grand : la for- mule (11) d’ailleurs, reproduit, lorsqu'on remplace «, «, x", etc. par leurs valeurs, comme on peut le voir sans peine, la formule que donnent les ouvrages élémentaires. FIN. ne = + pin = ru me) nr CNRS ï CR Varia DE TS MÉMOIRE SUR UNE NOUVELLE THÉORIE DES SECTIONS CONIQUES CONSIDÉRÉES DANS LE SOLIDE. Par À. QUETELET. PRÉSENTÉ A LA SÉANCE DU 23 DÉCEMBRE 1 820. Tome II. 16 PE 0 7 7 0 ee + eo eo ee à eo 2° n° à eo à. à 2 À MEMOIRE SUR UNE NOUVELLE THÉORIE DES SECTIONS CONIQUES CONSIDÉRÉES DANS LE SOLIDE. 1. Ovuaxo on considère une section conique quelconque, il existe entre les diamètres, les rayons vecteurs, etc., des relations déterminées, telles qu'il suffit de connaître quel- ques-unes de ces quantités, pour déterminer toutes les autres. Mais quand on considère cette même section sur le cône droit, alors le nombre des choses auxquelles il faut avoir égard, se trouve augmenté; c'est-à-dire qu'on doit encore avoir égard aux rayons vecteurs, menés du sommet du cône aux différens points de la section, ainsi qu'a l'angle au centre du cône, que forment les deux génératrices opposées, suivant lesquelles un plan mené par l'axe couperait la surface conique. Dans les ouvrages 16. Figure Ï. 12/4 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE élémentaires on donne à la vérité l'équation générale des sections coniques en fonction de ces mêmes quantités, mais la relation n’est pas suffisamment établie ; et d’ail- leurs je doute qu’on ait jamais remarqué la relation qui existe dans les sections coniques entre la distance des deux foyers et les distances du sommet du cône aux deux extrémités du grand axe. On aurait vu que /a différence de ces dernières distances égale toujours la distance des deux foyers dans l'ellipse; et que leur somme égale la dis- tance des deux foyers dans l’hyperbole. Ce qui me porte à croire que la liaison, que j'établis ici entre ces quanti- tés, est entierement nouvelle, c'est la nouveauté des résul- tats, auxquels je parviens par des raisonnemens fort sim- ples : ce qui devait arriver nécessairement , car c’est multiplier les ressources d’une science, comme lobserve Montucla, que de réduire plusieurs problèmes, jusqu'alors regardés comme isolés, à un nombre moins grand. Pour ne rien compliquer, j'examinerai successivement l’ellipse, la parabole et l’hyperbole, et j'assignerai les rapports très- étroits qui existent entre ces séctions et le cône auquel elles servent de base. 2. Soit A'SB' un cône droit à base circulaire; et sup- posons que par un même point À, pris sur sa surface, on fasse passer un plan sous différentes inclinaisons, de ma- nière cependant à rester toujours perpendiculaire au plan A'SB', qui passe par l'axe; on pourra déterminer succes- sivement toutes les sections connues, et le lieu des cen- tres de toutes ces sections sera une ligne droite OOo”, parallèle à SB', et passant par le milieu de SA; car tout grand axe d'ellipse ou d’hyperbole, ‘tel que AB’ ou A’, DES SECTIONS CONIQUES. 125 sera évidemment coupé par cette droite en deux parties égales. 3. La droite OO” peut être considérée encore comme le grand axe d'une parabole, dont l’origine serait au point O : de plus toutes les ordonnées de cette parabole se- raient successivement les petites axes des ellipses, dont une extrémité du grand axe serait en A. Par exemple, le petit axe de l’ellipse AzB serait l’ordonnée au point O” de la parabole , et sa valeur b s’obtiendrait, d’après les pro- priétés de la parabole, par la proportion suivante ; En observant que l’ordonnée de la parabole au point O égale le rayon AO’ àu cercle. Mais à cause de OO” : OO: SB' : SB — SA, on a encore Pour plus de simplicité, je représenterai désormais le demi- premier axe d'une section conique par &, le demi-second axe par D, l'excentricité par e, les deux côtés opposés du cône SA et SB' par cet c', et enfin les rayons AO’, AG par r et 7; d'après cette notation, la formule précédente sera Quand l'angle A’SB' au centre du cône est droit, on obtient 27° — c’; et conséquemment, 126 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE 4. Nous venons de voir que pour valeur du petit axe de ë : C ë ; l'ellipse on obtient & = r:. j» Mais On a aussi, à cause des triangles semblables SGB' et SO'A, la proportion c': c :: r':r, donc Ainsi le demi-petit axe d'une ellipse est moyen proportion- nel entre les rayons de deux cercles, qui passent par les extré mités du grand axe. 5. On démontre en Géométrie que lorsqu'un quadrilatère peut être inscrit, le produit des diagonales vaut la somme des produits des côtés opposés deux à deux ; le quadrilatère B'B À A' étant susceptible d’être inscrit, on obtiendra BA — AB. AB + BB: Mais, par le paragraphe précédent, on a ÂB. À B—r.r —/b"; et en observant d’ailleurs que B’A est le grand axe de l’el- lipse, on obtient par la substitution ka = 4 + BB... (3). donc BB = 2Va — 60: — 0e. D'où nous pouvons conclure ce principe important que BB' est la double excentricité de l’ellipse et que O"O' est l'excentricité même. Ainsi la distance des foyers dans une ellipse égale la dif. DES SECTIONS CONIQUES. 197 Jérence des deux rayons vecteurs, menés du sommet du cône aux extrémités du grand axe de l’ellipse. Pour avoir les deux foyers F et F, il suffirait donc de décrire du point O” avec un rayon égal à O" O' une circonfé- rence et ses deux points d’intersection avec le plan de l’ellipse seraient les foyers. J'ai démontré que le lieu des foyers de toutes les sections, qui ont leur origine en À, est une courbe du troi- sième degré, que j'ai nommée pour cette raison courbe Focale: elle jouit de plusieurs propriétés remarquables (1). 6. Menons maintenant dans l’ellipse A 2 B'un diamètre nr’; et les ordonnées 2 X et 7’ X’ : puis du sommet du cône me- nons aux points z et 7 les rayons vecteurs Sz etSn' : le rayon vecteur Sn sera égal à SE, si l'on conçoit par le point 7 un cercle dont le plan parallèle à celui du cercle AB contient le point E; de même, par une semblable construction, le rayon vecteur S 7 serait égal à SE’, et alors la somme des rayons vecteurs Sn + Sx =SE+SE —SB + SB', parce que EB — E'B', à cause des triangles semblables B'E'X', BEX, B'BA et de BX'— X A, ce qui résulte de la nature du dia- mètre nn’. Ainsi Sn + Sn —=c+c —=92c + 2e. La somme de deux rayons vecteurs menés du sommet du cône aux extrémités d'un méme diamètre de l’ellipse est donc constante, et vaut deux fois le plus petit rayon vecteur mené du sommet du cône à l’ellipse plus la double excentricité. Les deux rayons vecteurs, menés du sommet du cône aux extrémités du petit axe, vaudraient aussi 2 (c + e); de plus (1) Voyez: Dissertatio de quibusdam locis geomet. nec non de Curvä focali. Gandavi, 1819. 198 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE ils sont nécessairement égaux ,et l’un d'eux, que je représen- terai désormais par la lettre d, aurait pour valeur c + e; de sorte qu’en représentant par X et X' deux rayons vecteurs, partant du sommet du cône et venant aboutir aux extrémi- tés d’un même diamètre de l’ellipse, on aurait constamment XX ado (4 Cette propriété est analogue à celle des rayons vecteurs, menés dans le plan de l’ellipse, des deux foyers à un même point de la courbe. 7. Nous venons de remarquer une analogie entre les rayons vecteurs , menés du sommet du cône et ceux menés des foyers de lellipse; mais nous ne l'avons pas suffisamment établie, c'est pourquoi nous y revenons. Soitencore Sr —SE — +, et continuons à représenter par d le rayon vecteur SH, mené à l'extrémité du petit axe de l'ellipse, nous aurons n—œd—HE—-d—0 : Mais, par la similitude des triangles O"rX, et O'O'A, on a DA: 00 : OX:07— 09 0X..EP O'A @ La quantité e, comme je l'ai dit plus haut, est l’excentricité de l’ellipse, & le demi-grand axe et x l'abscisse O’X, de sorte que Mais d’après les propriétés de l’ellipse, le rayon vecteur mené du foyer le plus proche au même oint », serait DES SECTIONS CONIQUES. 120 Résultat remarquable, d’où nous concluons que s l'on joint un méme point d'une ellipse au foyer de cette ellipse et au sommet du cône, la différence des rayons vecteurs est constante, et vaut la distance du sommet du cône à l’extré- mité du petit axe de l'ellipse, moins le demi-grand axe de cette méme ellipse. 8. Nous venons d'établir une relation entre les rayons vecteurs menés du sommet du cône et les différentes gran- deurs, que l’on considère ordinairement dans l’ellipse ; nous chercherons maintenant à en établir une entre les mêmes grandeurs et l'angle B au centre du cône. Nous avons d’une part l'égalité, (3) bp = rC : C et d'une autre part, du triangle rectangle AO'S on déduit r2 = Ssin'= £. c’'; en substituant à 7° sa valeur, on obtient = Cac. Sin Bi. (7). Nous aurons bientôt occasion d'employer avec succès cette nouvelle relation, que nous venons d'établir. 9. Ce qui précède mérite quelques éclaircissemens , parce que je ferai voir que toutes les propriétés des foyers , qui nous sont connues, ne forment que des cas fort particuliers Tome IT. 17 Fig. IetIl. 130 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE de ce qui arrive quand au lieu du foyer on considère le sommet du cône. Concevons que le plan du cercle B'A’se meuve vers le sommet S du cône , en demeurant toujours parallele à lui- même et en conservant son centre sur l’axe SG ; concevons aussi que les petits élémens triangulaires de la surface du cône se désunissent en même temps et suivent le mouvement du cercle, en glissant chacun constamment le long des mêmes points de la circonférence : quand le centre du cercle sera en S, alors les élémens triangulaires de la surface du cône seront également distribués sur la surface d’un cercle A'I B' dont le rayon serait S A’, c'est-à-dire, la hauteur d’un desélé- mens triangulaires (1). Mais l'aire de ce cercle A'IB'est à l'aire du cône S A'B, ou bien à la somme des aires des élémens triangulaires du cône, tels que A'S P, g Sr, etc., qui sont éga- lement distribués sur sa surface comme S À’ : AG, ou bien comme 1 : sin:$; et ce rapport a lieu sur toute la surface développée de cette manière, vers le centre S du cercle comme vers la circonférence , parce que le rapport 1 : sin 28 est indépendant de la grandeur du rayon SA’ Ilfauthbienremarquer que les élémens de surface du cône tels que ASP, qSr, etc. sont de petits triangles isocèeles, qui par leur union forment la surface du cône, et qui d’ailleurs peuvent être supposés désunis et distribués également sur un plan, de manière que deux élémens consécutifs laissent partout entre eux un même espace plus ou moins grand, dépendant de leur nom- bre ou bien de l’angle au centre du cône. Ainsi l'aire plane S serait à l'aire applanie S' comme $S A’: A'G, ou bien, (x) Les parties de la seconde figure sont relativement moins grandes que celles de la première. DES SECTIONS CONIQUES. 191 SL Su: SOS Sin Biens (8). 10. Mais, après avoir aplani la surface du cône, comme nous venons de le faire, on a dans le même plan la surface SAnB du cône tronqué qui est aussi aplanie, ou bien épanouie , et je dis que ses élémens sont également distri- bués sur une ellipse A 2B', dont un des foyers est en S, dont le grand axe AB — AS+SB = c + c —92d, et dont l'excentricité égale O'O" ou bien e, excentricité de l’ellipse, qui sert de base à la portion du cône S A 2 B'. En effet, nous avons vu (7) qu'un rayon vecteur mené du sommet du cône a pour valeur , L'abscisse x est alors évaluéesur le diamètre B'A=—2 a; mais quand la surface du cône tend à s'aplanir, ce diametre s’alonge également dans toutes ses parties, et croît dans le même rapport que l’abscisse ; et enfin quand A B' se trouve dans un même plan avec la surface du cône aplanie, ce diamètre est égal 2d4=SA + SB', l’abscisse x devient x, et les accrois- Ü à LS semens étant proportionnels, on a — — PL a en substituant, on obtient Ce qui est l'équation d’une ellinse. Æinsi la surface apla- nie du cône à base elliptique est une ellipse, qui & méme excentricité que sa base, et qui a un grand axe égal à la somme des rayons vecteurs, menés du sommet du cône aux extrémités du grand axe de l’ellipse qui sert de base. 17: Fig. Ï et LT. Fig. I. Figure I. Figure IT. 132 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE Cette propriété singulière du cône droit, considéré de cette maniere, donne lieu à plusieurs conséquences remarquables, que nous développerons bientôt. Dans le mouvement de la surface du cône, qui tend à s’aplanir, le point & demeure constamment sur l'axe du cône et devient enfin le foyer S de l’ellipse , sur laquelle sont distribués également les élémens de la surface du cône. A cause de l'égalité des angles ASt et #SB, les segmens fA, tB' s'alongent proportionnellement de manière à avoir tou- jours #A : SA :: 4B°: SB jusqu'à ce qu'enfin chaque an- técédent devienne égal à son conséquent. Quant à 40", au terme de sa croissance , il devient égal à l’excentricité. 11. Nous pouvons maintenant déterminer la surface d’un cône à base elliptique d’une manière bien simple. Soit , par exemple, à évaluer la surface SA7B'; cette surface pour- rait être aplanie et ses élémens couvriraient l’ellipse AB qui a pour premier axe 2d — AS + S B', pour excentricité e— O'O',et pour second axe V4 —e— V(d+e)(d—e)= Ve.c; mais S représentant la surface de cette ellipse, et + étant la la demi-circonférence dont le rayon est l'unité, on aurait S = 7; d. ARE et conséquemment la somme des élémens distribués sur sa surface ou bien l'aire du cône SA7B vaudra, d'apres ce qui a été dit au paragraphe 9, et par la formule 8; SAnB — 7. d. sin =£ Vc.c'; mais, par la formule (7), nous avons à = c. c’. sin‘ £, donc SAND Tr bd (10). DES SECTIONS CONIQUES. 133 L'aire d'un cône droit tronqué à base elliptique vaut donc l'aire d'une ellipse, qui aurait son grand axe égal à la somme des rayons vecteurs, menés du sommet du cône aux extrémi- tés du grand axe de l'ellipse qui sert de base, et pour peut axe le petit axe de cette méme ellipse. 12. Comparons maintenant l'aire du cône SA 7 B' à l'aire de l’ellipse Az2B', qui lui sert de base, et dont la valeur est x. d. a, en nommant toujours a et b ses deux axes, nous aurons SAAB: A7B : de a: u:ASIE SP : AB: (zx). L'aire d’un cône droit tronqué, qui à pour base une ellipse, est donc à l'aire de cette ellipse, comme la somme des rayons vecteurs, menés du sommet aux extrémités du grand axe de l'ellipse est à ce méme grand axe. Pour exposer ce résultat avec plus de simplicité, et afin d'éviter la longueur et l'embarras des calculs, j'ai préféré employer une méthode qui se rapproche de celle de Ca- valleri : mon raisonnement est fondé sur les principes de la Géométrie; il serait facile de le vérifier par l'analyse. 13. J'aurais pu développer la surface du cône à base ellipti- que d’une autre manière et découper, comme on le faitordinai- rement, la surface le long SA, pour l'aplanir ensuite, sans désunir les élémens. On obtient alors une courbe «Ba, comprise entre deux rayons vecteurs Sa et Sa’ égaux à SA: nous allons chercher son équation polaire. La surface de cette courbe se compose de la somme des élémens triangulaires , qui sont également distribués sur l'ellipse AB, et entre lesquels on rétablit la contiguité qui Figure L Figure Il. 134 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE existait d'abord : en sorte que les triangles ASP, 9Sr,etc., viennent par là se placer en A"SP', g'Sr', etc., et les angles tels que P'Sg', qui existaient entre eux primitivement, dis- paraissent. Or, nous avons pour équation polaire de l’ellipse, comme on peut le voir dans les ouvrages élémentaires, en nom- mant à l'angle entre le rayon vecteur et l'axe, et g le rapport de l'excentricité au demi-grand axe; L md Lg); 7 1+gcos ” Ft comme d’ailleurs dans ce nouveau mouvement les va- leurs de d et de qg ne changent pas, il ne faudra modifier la formule précédente, que dans la valeur de l'angle d'; et en effet l'angle à compris entre l'axe et un rayon vecteur dans l'ellipse A 7 P', serait à l'angle 5, compris entre ce même rayon vecteur et Sa dans le développement S a'B'a, comme la cir- conférence À a Ba A : aBa'; ou bien au lieu de ce rapport, on peut mettre celui du côté du cône au rayon du cercle qui sert de base SA : AO'; eten nommant 7 ce rapport, on met- tra au lieu de sa valeur n 3 : ce qui réduira l'équation de la courbe &'B a à la forme suivante, Du d ( ère qg) (12) Ur g cos.nd L'équation (12) ne représente pas seulement la branche de courbe a'B'a, mais plusieurs autres encore qui lui sont égales , et qui, se développant autour du point S à la suite de «'B'a vers g et z', forment une espèce d'étoile, dont le nombre des rayons dépend du rapport 7. Ce nombre est fini ou bien infini selon la nature de ce rapport; si, par exemple, » —3 ; c'est-à-dire, si l'on asur le cône SA —3 AO, l'équation du développement S AzB' sera DES SECTIONS CONIQUES. 139 = di) ( DBun g) : 1 +g.cos. "à Cette équation représente non seulement la branche a’ Ba, mais encore deux autres parfaitement égales qui se dévelop- pent à la suite selon agbAD'a', et la courbe se ferme au point a’; comme si l’on déroulait trois enveloppes successi- ves qui couvriraient le cône. En général , quand 7 sera un nombre entier, il y aura autant de branches que d'unités Je dans 2; mais si 2 est une fraction de la pes alors la courbe ne se ferme pas au point 4 après une seule révo- lution, et continue à se développer dans le même ordre : elle fait autant de fois le tour de la circonférence qu'il y a d'unités dans 9, et offre autant de branches qu'il y en a dans p; mais si l’une de ces quantités p ou g est incommensura- ble, la courbe ne se ferme plus (x). La courbe la plus simple que représente l'équation (12), après l’ellipse, est celle qu’on obtient en faisant » — 2, ce qui revient à considérer la section elliptique faite sur un cône dont l'angle au centre est le + d’un angle droit. Le développement de la surface du cône offre une courbe du quatrième degré, dont l'équation est, & étant le demi-axe de l’ellipse qui sert de base, et e l’excentricité de cette même ellipse : (1) On m'a montré depuis peu un travail de Mr. Smith sur la recher- che de cette même équation; tout en rendant justice à l’habileté de ce géomètre, je ne puis m'empêcher de dire que ses calculs sont ex- cessivement longs, et qu'il n’en a pu rien conclure sinon la forme des développemens de ces surfaces ; cela tient uniquement , comme le calcul le prouve d’ailleurs, à ce que M. Smith ne paraît pas avoir eu con- naissance du principe démontré au paragraphe 5. Figure III. 136 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE (a—e)x+(at+e)Y=(a —e) Vi +y. La valeur de la surface de ces courbes s'obtient sans peine, par ce qui a été dit précédemment, et la courbe rectifiée vaudrait le contour de l’ellipse, dont elle est le développement. En découpant la surface S A 7 B'partout ailleurs que le long du rayon vecteur SA, on aurait encore l'équation polaire, DIS GR 19090) nas Cet D (13). L’angle « mesurant l'angle entre la nouvelle origine et l'ancienne. Monge, l’un des plus beaux gémies de ce siècle , s’est beau- coup occupé dans sa Géométrie descriptive de la construc- tion par points du développement de la surface d’un cône ; mais il ne parle en aucun endroit de son ouvrage des pro- priétés que j'ai démontrées plus haut, et qu'il aurait pu néanmoins employer avec succès. 14. L'inspection seule du cylindre droit , fait voir que la distance BB’ égale la distance des foyers dans l’ellipse : car dans le triangle rectangle BAB', l'hypothénuse est le grand axe de l’ellipse, BA vaut le petit axe, et conséquemment le troisieme côté BB’ doit valoir la double excentricité. Sur le cylindre, les rayons vecteurs deviennent parallèles, puisqu'on peut le considérer comme un cône dont le som- met est infiniment éloigné de sa base. Mais on pourra prendre alors les distances parallèles à l'axe du cône, com- prises entre l’ellipse et le cercle, qui passe par le centre de OOrr € cos. d. AO ES Pot est l'excentricité, 2 le petit axe de l’ellipse qui vaut lerayon cette ellipse. Par exemple, 27 = rO'— DES SECTIONS CONIQUES. 137 AO ,et 5 est l'angle AOm — aO'n. Ainsi, dans la valeur de nn',il n’y a de variable que cos.à. Si l’on voulait avoir le développement de AnB', il faudrait tracer une droite BOA égale en longueur à la demi-circonférence BmzA(1), la rig. mie. partager en deux parties égales en O, et décrire de ce point une circonférence bma —Bm A, élever ensuite en B et O les deux perpendiculaires BB — 2e et Os —e : si l'on décrit alors la demi-circonference Ors, et si l’on mène le rayon Orm. ainsi que la corde sr, on aura, à cause de la similitude des triangles OmP et Ors, la proportion is En prenant donc sn'— arc sm, l'ordonnée 2» de la courbe B's À sera égale à la corde sr. Lorsque Os — Os, ou bien quand dans l'ellipse l'excen- tricité égale le demi-petit axe, on a cos. à pour valeur de l'ordonnée , c’est-à-dire, que notre développement devient alors la courbe, que les géomètres ont nommée compagne de la cycloide ou bien encore sinusoïde. On peut consulter l’histoire des mathématiques pour ce qui concerne ses pro- priétés, que l’on pourrait démontrer d’une manière fort sim- ple, en considérant cette courbe comme le développement de la surface d’un cylindre coupé par un plan elliptique. (1) La rectification approchée de la circonférence étant d'une grande utilité dans les arts, j'en proposerai une remarquable par sa simplicité. Soit une circonférence AB et deux tangentes parallèles F A et BC Figure VII. aux extrémités du diamètre AB = 27; faisant FA — :r, BD —6ret BC = 7r, menons ensuite FC, et du point d’intersection z menons la droite 7 D : la valeur de Dr —3,1418, en prenant le diamètre pour unité, Tome 11. 18 138 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE Ainsi, quand dans l'équation (12) devient infini, c'est- à-dire, quand le cône devient un cylindre, la courbe qui d'abord était algébrique devient transcendente. Ce passage d’un état à un autre est fort remarquable; on peut faire les mêmes observations par rapport à la circonférence, car soit a — Va le côté du quarré inscrit, le rayon étant pris pour unité, on voit évidemment que sa valeur dépend d'une équation du second degré : d’après les formules connues aurait pour valeur du côté de l’octogone régulier VA v’2;et cette valeur dépendrait d’une équation du 4e. degré : pour le côté du polygone régulier de 16 côtés, on aurait V2— VV; et sa valeur serait racine d’une équation du huitième degré ; en continuant les mêmes raisonnemens, on verrait, sans peine, que, pour le polygone de x côtés, la AA Er . . . ». n ° valeur du côté serait racine d’une équation du degré -; mais 2 en continuant à multiplier les côtés , les contours des polygo- nes s’approchent de plus en plus de la circonférence ; et on a, pour dernière limite, la circonférence même , en supposant les côtés infiniment multipliés : la circonférence alors est une courbe, qui n'appartient plus à la classe des polygones, car le nombre de ses parties élémentaires étant infiniment grand, en le divisant successivement par deux, on ne pourra ja- mais revenir à un polygone d’un nombre de côtés fini : la valeur de la circonférence dépend donc d'un produit dont un des facteurs est racine d’une équation qui peut être considérée comme n'étant plus algébrique, c’est une incommensurable d’un autre ordre; ce qui revient à ce que dit M. Legendre dans les excellentes Notes de sa Géomé- trie. Comme dans le cercle on ne peut construire aucune DES SECTIONS CONIQUES. 13 droite de cette nature , il en résulte qu'on n'en péut pas employer à la mesure de la longueur de la circonférence; et c'est à quoi tient, sans doute, l’impossibilité jusqu’à présent reconnue de trouver la quadrature du cercle. 15. Dans la parabole le petit axe disparaît, puisque le cen- tre est à une distance infinie, de sorte que les propriétés énoncées plus haut seront modifiées. D'abord la propriété des rayons vecteurs (6)ne peut plus avoir lieu, mais chaque rayon, tel que S2, mené du sommet du cône , égale Sx' — SA + Am, c'est-à-dire, une constante plus labscisse A m; propriété analogue à celle de la parabole , où le rayon vecteur, mené du foyer au même point », vaut cette abscisse Am plus le quart du paramètre : on a donc d’une part, Et de l’autre pour la parabole, FA étant le quart du paramètre, A ge = FA + x D'où l’on déduit: RES g’ — SA ET FA. Ainsi quand on joint un méme point d'une parabole au foyer de cette parabole et au sommet du cône, la difference des rayons vecteurs est constante, et vaut la différence des distances de l'origine de la parabole au sommet du cône et a son foyer. 16. Cherchons la position du foyer F; pour déterminer les foyers dans l’ellipse, il suffisait, de O” comme centre et avec O"O’ pour rayon, de décrire une circonférence, et les deux points d’intersection avec le plan étaient les foyers (ñ). Pour la parabole, le rayon O"O' étant infini, l'arc sera la 15. Tigure LV. Figare I. 140 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE droite O'F, abaissée du centre du cercle BA, perpendicu- lairement au grand axe AB" de la parabole, et le point F sera le foyer; quant à la valeur A F du quart du parametre, les triangles SO'A et AOF étant semblables, on a Be er PRO A : AO :: AO':AF — A0. Tati AO! sin:8....(15), et en faisant 2AF — pet2AO'— 39, on P = q. sin=$. Mais le rapport de p à qg est constant; on voit donc que si l’origine de la parabole reste sur la droite SA', le foyer doit rester sur la droite SF/; et par suite, si la droite SZ tourne autour de l’axe SO’ sous un même angle, elle engen- drera un nouveau cône, tel que toute parabole construite sur le cône S A’B' ne peut avoir son foyer que sur sa surface. Ainsi le lieu des foyers de toutes les paraboles qu'on peut cons- truire sur un cône droit est la surface d'un autre cône droit. 17. Supposons maintenant que la surface du cône ait été aplanie par le procédé, que nous avons déjà suivi; tous les rayons vecteurs tels que Sz, menés du sommet du cône à la parabole laisseront entre eux un intervalle égal et se trou- veront distribués sur une surface plane , que je dis être une parabole. En effet les abscisses , telles que Am, n'auront pas varié dans ce mouvement général, puisque A B" est parallèle à SB. Le point À sera encore l’origine, le point £, se pla- çant en S, sera le foyer ; et enfin l'équation demeurera p—=SA + zx c.+ x ce est la quart du paramètre; l'équation en coordonnées rec- tangulaires serait DES SECTIONS CONIQUES. 141 Di UNo a NEC 0). Ainsi la surface aplanie du cône, qui a pour base une parabole, est également une parabole. 18. Passons à la quadrature de l’espace SAnCig , déter- miné sur le cône par une parabole AC et une hyperbole geiC, parallèle à l'axe du cône. En aplanissant le cône, tous les points de l’hyperbole g7C seraient dans un même plan et en ligne droite ; c’est ce qu'on peut remarquer sans peine, en observant que le plan g:C demeure toujours parallèle à l'axe du cône. Mais on démontre que l'aire comprise entre l'arc d’une parabole et ses deux coordonnées rectangulaires corres- pondantes vaut les + du rectangle construit sur ces coordon- nées. Il résulte de là que l'aire comprise sur le cône entre les 2 plans AnC et Cig, vaudrait, étantaplanie,les ? AB”, multiplié par la nouvelle ordonnée qui répond à B’C dans ce cône aplani, et dont la valeur est y = VAc. x (16) : et de plus, en vertu de ce qui a été démontré (9), il faudrait multiplier cette expression par sin:6, $ étant l’angle au centre du cô- ne, donc ne SAnCig —:x.sin$ VAc. x, ; et, en réduisant, on obtient SAnCig = 2x. V gi, sr Ha pis, C parce que = Le = 2ÂF — 2p (paragr.16, form.15). La portion de parabole An CB aurait aussi pour expres- sion de son aire £ x V2p. x. Ainsi, 142 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE SAn Cig —AnCB'...… (17). 7; ° à . A Ë 19 \ 7 aire comprise sur un cône entre un plan parallele à l'axe et un plan parallèle à l’un de ses côtés, vaut l'aire de la REGTNP Ù portion de parabole, qui lui correspond sur ce dernier plan. Il résulte encore de là que l'aire comprise entre deux plans parallèles au plan giC, serait équivalente à l'aire qui lui correspond sur le plan inférieur AnC; et comme on peut + ’ P 5] 2 .. - prendre ces plans où l'on veut, on démontrerait sans peine que la même propriété a lieu pour toute la surface du cône; de là nous pourrons déduire le théorème suivant : St l’on dessine sur la surface d'un cône une figure quel- conque, son aire X vaudra l'aire, déterminée sur un plan parallèle à l'un des côtés du cône, par la droite qu'on fe- rait glisser le long du contour de la première figure et paral- element a l'axe de ce cône. 19. Mais il est démontré que si l’on a une figure quel- conque, tracée sur un plan incliné, et qu’on la projette sur le plan horizontal par des perpendiculaires abaissées de tous les points de son contour sur ce plan, laire de la projec- tion sera à celle de la figure proposée, comme le cosinus de l'angle des deux plans est au rayon (1). Donc l'aire X, dessinée sur le plan parabolique , et qui forme la valeur de l'aire correspondante sur le cône, sera à l'aire de leur pro- jection commune comme 1 : sin + $; en prenant pour rayon l'unité, et en remarquant que le cosinus de l'angle entre les plans égale ici le sinus de la moitié de l’angle au centre du (1) Lacroix, complém. de Géométrie; et Garnier, recueil de problèmes. DES SECTIONS CONIQUES. 143 cône. Nous pourrons donc poser en dernier lieu que si l’on a une figure quelconque , tracée sur la surface d'un cône , et si on la projette sur le plan horizontal par des perpendi- culaires , abaissees de tous les points de son contour sur ce plan, l'aire de la projection sera à celle de la figure propo- sée, comme le sinus de la moitié de l'angle au centre du cône esl au rayon. . D'où il suit, comme M. Lacroix l’observe dans son grand Traité du calcul différentiel et intégral, que rien n’est plus facile que d'obtenir sur un cône droit des aires quarra- bles ; il suffit pour cela de prendre dans le plan du cercle qui sert de base au cône des courbes quarrables, les cylin- dres élevés sur les courbes parallèlement à l'axe, retrancheront du cône des portions, qui seront pareillement quarrables. 20. L'équation polaire de la parabole, comme l’on sait , est en faisant p égal au demi-paramètre et à égal à l’angle entre l'axe et un rayon vecteur , quand on compte cet angle à partir du sommet de la courbe : RP SRE 1 + cos à L’équation polaire de la parabole, qu’on obtient en apla- \ “ 5 Figure IV, nissant la surface du cône, serait donc (17) 2C FuST I + cos à, Et en rapprochant les élémens triangulaires, pour avoir le développement de la surface du cône, découpée selon SA, comme nous l'avons fait dans l’ellipse, on aurait pour son équation 144 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE 2 F1 + cos. nd (8). n est encore, comme au paragraphe 13, le rapport de SA : AO’. En découpant selonle côté du cône SB’, on aurait 2c Re Rene C0 Quand dans l’une de ces équations on fait z —2, on a une courbe du quatrième degré. Au reste, le degré de l’é- quation dépend encore du rapport 7. 21. Quand on passe à l’hyperbole, il se présente d'abord une difficulté, qui tient à ce que le second axe devient ima- ginaire. On dira peut-être qu'il est tout aussi réel que celui de l’ellipse, puisqu'il n’est que le coefficient d'une imagi- naire : cela est vrai quand l'hyperbole est donnée par son équation , mais la difficulté subsiste lorsqu'on considère l’hy- perbole immédiatement sur le cône. Il faudra donc com- mencer par examiner les relations, qui existent entre les ellipses et les hyperboles sur un même cône. Afin de pou- voir construire géométriquement ce second axe, et détermi- ner par-là la propriété des foyers. De la nature de l'équation des sections coniques il résulte que si l’on considère une ellipse et une hyperbole dont les axes sont les mêmes, et qu'on superpose les axes, l’el- lipse se trouvera comprise dans les limites entre lesquelles l’hyperbole devient imaginaire (1), et réciproquement l'hyper- (1) Biot, Essais de Géométrie analytique, par. 186. DES SECTIONS CONIQUES. 145 bole aura ses coordonnées réelles pour toutes les abscisses auxquelles l’ellipse ne s'étend pas. Si l’on coupe, par exemple, ie cône A'SB', par un plan AP, de manière à produire une hyperbole, les valeurs réelles des ordonnées, déduites de son équation, conviendront à tous les points de l’hyperbole qui se trouvent sur la nappe A'SB', et sur la nappe oppo- sée : les valeurs imaginaires conviendront à une ellipse, qui aurait les mêmes axes que l'hyperbole ; en sorte que toutes ces ellipses imaginaires pourraient être considérées comme formées sur un cône supplémentaire, qui aurait pour axe Sg, perpendiculaire à l'axe SG, et pour côtés SA’ et SL’: ce cône serait évidemment droit; nous allons voir qu'il au- rait pour base une ellipse dont les axes seraient dans le même rapport que les côtés de l'angle droit SO'A. Soit SAB' — x, ASB — $ et AS — c : l'équation générale de toutes les sections, faites sur le cône, sera (1) sin a. Sin(a + 6) c sin 6 al .): D VUE MÉCS ne cos’ < Gene al 2 La nature de la section dépendra de l'angle x + 8— 2000 — SB'A. Comparons l'équation précédente à l'équation connue b: Vi ENS air E:), a è ; c. sin La valeur du demi-grand axe étant a —.£© 50 6. nous aurons 2.8in (a+ £)? Sin &. sin (æ + &) pour valeur du petit axe D’ — cos’ = f -&, ou bien PR (1) Francœur, Mathém. pures, 1er. vol. Tome II. 19 Figure I. LA 146 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE po sin a. sin («a +£ Caisinaip #6 cos’ = 6 4 sin (« +6)" Mai i ss in’ - btient par réducti 1 7 =sin }f6,on obti é als puisque Z cos :f sin’ >; P uction ce. sin’ = £.sin & sin & on MR 9 sin(x+f) sin («+f) Car on a ©. sin = 6 — 7° (parag. 8); r est le rayon AO". D'une autre part, les sinus des angles étant entre eux comme les côtés du triangle respectivement opposés, on aura, quand la section est une ellipse, (#2 œ c’ = P— ; Dre à à S À c Ce que nous savions déjà (paragr.3, form. 1) .Quand la sec- tion doit être une hyperbole ,en remarquant que c* sin g—r est constant, que « — 200°—SA b'et a + f—200° + S'A,ona sin & S à! nICS P= ra = RTE = — 7 — (10) sin (« + 8) S A C Ainsi les seconds axes des hyperboles, abstraction faite de leur signe , sont aussi les ordonnées d’une parabole qui a A r° ! x . pour paramètre — Cette parabole est égale à celle qui donne les ordonnées des ellipses, mais elle est dans une position opposée. Son origine est aussi au point O, son axe est la droite Oo’. L'hyperbole , dont le plan A 6 est perpen- diculaire à l'axe Sg, aurait donc pour axes A et AO'—So': mais, quelle que soit la position du pomt À , la relation de- meurant toujours la même , nous pouvons conclure que /e DES SECTIONS CONIQUES. F4 cône supplementaire serait à base elliptique, et que ses axes seraient dans le méme rapport que les côtés de l'angle droit So'A. 22. Représentons encore dans l’hyperbole les axes par 2& et 20, et l’excentricité par la lettre e, nous aurons = @ + b'; (4 . ° € : Mais nous venons de voir que & — r: “5 Et le quadrila- tère, dont Ab = 2a est la diagonale, pouvant être inscrit, on a 4 a — bD° + 4R R; 2R et 2 R' étant les droites me- nées par à et ?' perpendiculairement Sg : mais on obtien- drait par la similitude des triangles 2R = = — =. si l’on substitue ces valeursde L’et a’ dans la première équation, il vient 4e —00° + AR" € 4: ARC" (c'— ch +4 cc": C Û Car bb = c'—c,et R + r° = bo® + So — SE = c : comme d’ailleurs le second membre de l'équation renferme un quarré parfait, il reste en dernier lieu, DONC CS (20). Ainsi la double excentricité dans l'hyperbole, vaut la somme des deux rayons vecteurs menés du sommet du cône aux extrémités du premier axe. L’excentricité pour l’hyperbole Ab est égale à o"O"', c'est: à-dire, à la distance de son centre 0” au centre du cercle qui passe par À. 23. On voit sans peine maintenant d’après l'analogie, qui existe entre l’ellipse et l'hyperbole, que les propriétés, qui ont été démontrées pour la première de ces courbes, doivent 19. Figure I. 148 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE convenir avec quelques modifications à la seconde. Comme d’ailleurs le raisonnement serait le même, je me contenterai de les énoncer. La différence des deux rayons vecteurs, menés du sommet du cône aux extrémités d'un méme diamètre de l'hyperbole est constante, et vaut la double excentricité de cette hyperbole, moins deux fois le plus petit rayon vecteur, mené du sommet du cône au premier axe de l'hyperbole. 24. L’équation polaire de l'hyperbole Az1, en prenant le foyer pour pôle, et en comptant les abscisses à partir du cen- tre 0”, est quand on représente par ?’ le rayon vecteur F», un eine g 7 D La valeur du rayon vecteur $ — Sn, mené du sommet du'cône au même point x de l'hyperbole, serait , en faisant 0" 0° — Chic A En À 2 e.x p—= = — d.… (21). a D'où l’on tire p— p — a — d.....(22). Si l’on joint un méme point d'une hyperbole au foyer de cette hyperbole et au sommet du cône, la différence des rayons vecteurs est encore constante, et vaut le demi-premier axe de cette hyperbole moins la demi-différence des deux distances du sommet du cône aux extrémités de ce premier axe. x EE 25. Quand on aplanit la surface du cône, c'est-à-dire , quand les élémens triangulaires de cette surface viennent se ranger dans un même plan, en laissant partout entre eux DES SECTIONS CONIQUES, 1/49 des intervalles égaux ; je dis qu’ils sont répandus sur la surface d’une hyperbole, dont le point S,sommet du cône,est un des foyers : les points A et L' seront les extrémités du premier axe de cette nouvelle hyperbole. Mais quand les deux nappes du cône seront aplanies, SA et SÈ' n’auront pas changé de gran- deur et se confondront; le point À sera en D , et bb’ — 24 sera le premier axe. Quant à la nouvelle abscisse x, elle sera encore à l’ancienne dans le rapport des deux axes suite æ œ d et a, ainsi en remplaçant — par sa valeur — dans l’é- a d quation (21), on aura pour équation de la nouvelle hyperbole, ex ? —= 7 —Æ d. Il est remarquable que les deux portions de la surface du cône, qui en s'aplanissant doivent former la nouvelle hyperbole , sont placées sur le cône des deux côtés du plan coupant. La surface aplanie du cône dont la base est une hyperbole, est donc également une hyperbole, qui a méme excentricité que sa base et dont le premier axe est égal à la différence des rayons vecteurs menés du sommet du cône aux extrémités du grand axe de l'hyperbole qui sert de base. 26. Quant à la quadrature, sans reprendre les mêmes raisonnemens que ceux qui ont été faits pour l'ellipse , remarquons que si par l’ordonnée nf de l'hyperbole AI on fait passer un plan vertical, l'aire du secteur hyperbo- lique Anf et l'aire X de la surface du cône, qui est au- dessus, auront même projection dans le plan de la base A'IB': ces deux aires seront donc entre elles (19) en raison inverse des TFigare I. 150 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE deux quantités cos A/ A" — coso l'A — sin o'Ao" et sin: 8 — sin o'o"—sin 0"o'A ; mais dans le triangle 0”o'A ,on a sino'Ao": sin 0"0 À — 0'0" : Ao" :: d:a; on doit donc avoir aussi Ain: Nr Grue Ainsi l'aire comprise dans l'hyperbole entre un arc et deux coordonnées rectangulaires est à l'aire correspondante sur le A Û « \ cône comme le demi-premier axe de cette hyperbole est à la demi-différence des deux rayons vecteurs menés du sommet du cône aux extrémités de cet axe. 27. L'équation polaire de l’hyperbole aplanie serait d (==) IÈSE g.cos à”. S' est l'angle formé par le rayon vecteur et le prolonge- ment du grand axe, en s’éloignant du sommet de la courbe, g est encore le rapport de l'excentricité au demi-premier axe. Le cosinus de l'angle asymptotique vaudrait le demi. 1 0 [ he ie j 0 o premier axe divisé par l’excentricité, c'est-à-dire, O7: o tandis que dans l’hyperbole correspondante An, le cosinus (44 de l'angle asymptotique vaut O0 Dans l'équation précédente les signes supérieurs ont rap- port à la branche qui enveloppe les rayons vecteurs , et les signes inférieurs à la branche qui les laisse extérieurs. 28. Si l'on rapproche les élemens triangulaires de la sur- face du cône, pour reproduire le développement de cette DES SECTIONS CONIQUES. 1DI surface, en faisant encore le rapport de SA : AO’ égal à n, on aura pour son équation polaire te 41) 17 g.Ccosnd La surface est alors découpée selon les côtés AS et SZ’. Je ne m'arrêterai pas à la discussion de ces courbes, formées par le développement de la surface du cône , parce que je me propose d'y revenir dans un autre travail, qui a rap- port à l'intégration. 29. En terminant ce Mémoire, je placerai ici quelques remarques, qui peuvent être déduites de ce qui précède. Soit une ellipse B'S"B, et concevons par le grand axe B'B un plan perpendiculaire , qui contienne une hyperbole AS, A'S' dont le premier axe À A’ soit la distance des foyers de l’ellipse, et dont la distance des foyers BB’ soit réci- proquement le premier axe de l’ellipse ; je dis que tout cône droit, auquel appartient l’ellipse BS'B', doit avoir son sommet sur l’hyperbole AS, A’S'; et réciproquement tout cône au- quel appartient l’hyperbole, doit avoir son sommet sur l'el lipse. Cette proposition est une conséquence des proposi-. tions 5 et 22. Le demi-angle asymptotique rOA sera égal à l'angle OAm, formé par le rayon vecteur Am, mené du foyer de l’ellipse à l'extrémité du petit axe : de sorte que pour le cône dont le sommet serait en m, les asymptotes de l’hyperbole ne sont que les deux côtés d'un angle égal à l'angle que for- merait sur la surface du cône A’ma«a" une section, faite par Figure Ÿ. Figure VI. Figure V 152 SUR UNE NOUVELLE THÉORIE un plan passant par l'axe parallèlement au plan par lequel est formé l'hyperbole AS, A'S. Cette proposition, qui se déduit d’une manière si simple de ce qui précède , a déjà été démontrée dans un Mémoire fort curieux de Mr. le Commandeur de Nieuport (1). Quand le sommet S du cône va se placer à une distance infinie sur l’hyperbole , BS et B'S deviennent parallèles à l'asymptote Or, et le cône devient un cylindre. Chaque asymptote devient axe d'un cylindre, auquel appartient l'ellipse. On peut conclure de là que toute ellipse peut étre considérée comme une section cylindrique. Le marquis de l'Hôpital, dans son Traité des sections coniques, emploie une longue démonstration pour prouver ce théorême. Soit maintenant une parabole BS', et concevons par le grand axe BA# un plan perpendiculaire, qui contienne une parabole AS, dont l’origine soit au foyer de la première et réciproquement dont le foyer soit à l’origine de la première; je dis que tout cône droit auquel appartient la première parabole a son sommet sur la seconde, et réciproquement. Cette proposition est également une conséquence de ce qui a été démontré pour la parabole. Il est: remarquable que dans toutes les constructions pré- cédentes l'axe du cône est une tangente au point de la courbe sur lequel repose le sommet de ce cône. On peut encore remarquer comment les propriétés de l'ellipse se mélent continuellement à celles de l'hyperbole : par exemple, prenons un point S sur l’hyperbole, on sait (1) Voyez le 1er, vol. des nouveaux Mémoires de l’Acad. de Bruxelles, DES SECTIONS CONIQUES. 13 que la différence des rayons SB' et SB égale l'axe A A, c'est la propriété de l’hyperbole; mais si l'on construit l'ellipse B'rB, il existe entre le point S et les points de cette ellipse une relation d'une autre espèce, la somme des rayons vec- teurs SB'et SB vaut la somme des deux rayons vecteurs, me- ués du même point aux extrémités de tout autre diamètre, c'est la propriété de l’ellipse. L’inverse a lieu par rapport à cette dernière courbe. 30. D’après tout ce que nous venons de voir, ce qui se passe dans les sections coniques, ne doit être considéré que comme un cas particulier de ce qui arrive sur le cône cor- respondant , puisque ces sections sont ce que devient le cône, lorsque son sommet, supposé mobile, vient se placer dans leur plan. L’analogie, qui existe d’une autre part entre les valeurs des surfaces des sections coniques et celles des surfaces des cônes , qui s'appuyent sur elles, mérite égale- ment de fixer l'attention; et l'on pourrait peut-être en par- ler avec succès dans les ouvrages élémentaires, d’où ces con- sidérations ont été bannies trop exclusivement. J'aurais pu faire encore de nombreux rapprochemens entre les surfaces des cônes et les sections, sur lesquelles elles s'appuyent, mais on pourra les déduire sans peine de ce qui a été dit. Je crois d’ailleurs avoir montré suffisamment l'importance du principe sur lequel est fondé ce Mémoire , et je ne doute pas qu'il ne puisse donner lieu à de nouvelles observations ; car, comme je l'ai rappelé au commencement de ce Mémoire , quand on établit une nouvelle relation entre des quantités, que l’on considérait toujours isolément, il faut nécessairement qu'il en découle des vérités nouvelles. FIN. 20 154 ERRATUM. Corrigez dans les Mémoires précédens. HN—GL Page 60, ligne 9, ee lisez —- DUMAS EVE Re rer denis nr DISSERTATION SUR LES TRAPS STRATIFORMES. LUE A LA SÉANCE DU 7 JANVIER 1822. Par J. KICKX. BRUXELLES, P. J, DE MAT, IMPRIMEUR-LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE BRUXELLES ET DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN. 1822. ‘i A RU GADAU HO MARABALESAUEMTANE AC ATROUAVEA OM TE C 4 K 4 . 4 « > 3 Er 5 É À x Fee HN Ê AE AN LA) A F a F' à à _ Ÿ (l k : F ' . n ï] ë % = ’ Fi b ï Ÿ . F z ? : 4 è ÿ “ à È x F w, “ me _ L" F n = N . 4 . Le ‘ à 3 - , ÿ / RAR RARARARARA RAA DISSERTATION SUR LES TRAPS STRATIFORMES, + A L mot trap introduit en minéralogie par les mineurs sué- dois, n’avait aucune détermination fixe avant que #”erner (1) l'eût réservé à des formations de roches caractérisées prin- cipalement par l’amphibole. Ce grand géologue établit trois genres de trap, 1° les traps primitifs, 2° les traps de transi- tion, 3° les traps stratiformes. Ce dernier genre qui fera la matiere de cette dissertation, compte pour espèces , la wakke, le basalte, l’amvygdalite à laquelle se joint le poudingue basaltique, le schiste porphyrique, le grurnutoin, la graustein. Ces deux derniers, traduits littéralement, signifient la roche verte et la roche grise. La wakke est la plus ancienne espèce de trap stratiforme, elle constitue des couches particulières au-dessous ou au mi- lieu du basalte, ou des filons qui traversent des mines métal- liques ; sa contexture est d'ordinaire terreuse, remplie de ca- vités bulleuses, sa couleur d’un gris - verdâtre, tire plus ou moins au noir:elle exhale par l'expiration de l’haleine une odeur (1) Werner, Traité de géognosie, 158 DISSERTATION argileuse, renferme souvent des cristaux d'amphibole, du mica noir, des boïs pétrifiés et autres débris de corps organisés. Le basalte recouvre communément la wakke; cette roche est plus compacte, plus dure que la précédente, elle résonne sous le marteau et n’a que rarement l'odeur argileuse, sa cou- leur est noire, grisätre ou bleuâtre , souvent brune à la surface, sa structure est plus ou moins porphyrique par un mélange de grains ou cristaux d’olivine, d’augite, d’amphibole, quel- quefois de leucite, de feldspath, de quartz, de mica, etc. L’amydalite a pour masse principale un. composé moyen entre la wakke et le basalte, dont le mélange est si intime qu'il paraît homogène; des tubercules ou noyaux de couleur et de nature différente sont implantés dans sa pâte, ces noyaux, soit en se décomposant, soit en quittant la masse par une autre cause, y laissent des cavités qui se remplissent de zéo- lithe, de stéatite, de spath calcaire, et dont quelques-unes con:- tiennent même de l’eau. Le poudingue basaltique se rapproche de l’amygdalite ct I surmonte quelquefois, il est composé d’un amas de fragmens de basalte, d’olivine et d’autres miné- raux, souvent méêlés avec des restes de végétaux, agglutinés par un tuf boueux de la nature de la wakke. Le schiste porphyrique est d'ordinaire en recouvrement sur les roches précédentes, il diffère du basalte avec lequel il a de grands rapports, par une composition plus intime, par une dureté plus grande, par le son plus clair et plus décidé qu'il rend par la percussion, qualité qui est l’origine du nom de kZngstein ou pierre sonnante, que les géologues allemands lui donnent. Il est plus fragile que le basalte, ses cavités bul- leuses sont petites et tapissées de très-petits cristaux, sa con- SUR LES TRAPS STRATIFORMES. 159 texture est feutlletée avec une apparence de porphyre par les grains de feldspath ou d’amphibole dont il est parsemé. Cette roche renferme quelquefois des restes de corps organisés. Le grunstein ou roche verte stratiforme, paraît composé comme le grunstein primitif d'amphibole et de feldspath, mais dans celui-ci les grains sont de nature moins cristalline ; ils sont plus intimement unis et comme fondus les uns dans les autres, de sorte qu'il en résulte une combinaison plus sèche, plus rude au toucher que n’est le grunstein primitif. Le graustein ou roche grise est aussi composé d’amphibole et de feldspath, mais ce dernier est ici la partie dominante et imprime à la pierre une couleur d’un gris de cendre, dans laquelle le vert de l’amphibole disparaît presqu’entièrement. Cette roche est superposée à toutes les autres et constitue la dernière espèce de la formation trapeënne. Werner nous a sans doute beaucoup appris en spécifiant ce qu'il fallait entendre par trap en général ; mais, relativement au trap stratiforme, il se présente un nouveau genre de diffi- culté que Bergman paraît le premier avoir fait naître; il s’agit de savoir si ce trap est d’origine volcanique ou s’il a été formé comme les autres roches stratiformes, par les eaux qui ont inondé le globe. Le basalte qui est l'espèce la plus répandue de ce trap , celle qui paraît être le type de toutes les autres, a été le principal objet de la diversité des opinions. Bergman (1) ayant analysé un trap de la montagne d’Hen- neberg, en Westrogothie, comparativement avec un basalte (1) Bergman, de productis vulcaniis. 160 DISSERTATION de l'ile de Staffa, en Écosse, ne püt croire que deux corps dans les qualités physiques et chimiques desquels il ne trouva aucune différence, dussent leur origine, l’un à un dépôt opéré par les eaux, l’autre à une déjection volcanique, et il con- clut que le basalte qu'il avait regardé avec les naturalistes de son temps comme une lave, était ainsi que les autres roches stratiformes, un produit des eaux. L'école wernérienne partagea l'opinion de Bergman et ajouta aux faits reconnus par ce chimiste, des observations géologi- ques, qui constatèrent qu'en Bohême, près de Leutmerits , dans la Hesse, pres de Cassel et dans le Vicentin, il existe des cou- ches de basalte alternant avec des couches de grez, de sables, de pierre calcaire et d’autres terrains stratiformes, évidem- ment déposés par les eaux, preuve que ce basalte est con- temporain de ces roches et doit son origine au même élé- ment qui les a formées ; qu’en outre une masse de basalte épaisse d'environ sept cents pieds, répose près de Cassel, sur un immense dépôt d’houille et en aurait opéré la combustion, si ce basalte eut été une production volcanique; enfin, que les roches de trap ne portent aucune marque de fusion et renferment trèes-souvent des corps trop fusibles pour résister à la chaleur d’une lave, mème des débris des corps organisés qui auraient également dû être détruits. Faujas (1), Desmarest (2), Dolomieu (3) et autres partisans de l’origine volcanique des traps stratiformes, s'appuyent sur (1) Faujas, Minéral. des volcans. {2) Desmares, Lettres, etc. (3) Dolomieu, Mém. sur les îles ponce, journ. de Phys. SUR LES TRAPS STRATIFORMES. 161 ce qu'il est de fait que les volcans brülans de nos jours ont _produit des basaltes et d’autres roches entièrement semblables aux roches de trap et qui néanmoins ne portent aucun carac- tère de fusion; que l’on retrouve dans les laves modernes, presque tous les minéraux dissiminés dans les montagnes de trap ; que les argiles de ces montagnes ont une analogie par- faite avec les éruptions boueuses des volcans existans ; que le tuf volcanique et le poudingue basaltique sont parfaitement semblables; enfin, que les traps stratiformes sont générale- ment superposés à toutes les roches de cette formation, si ce nest dans un très-petit nombre d’endroits ou des circons- tances locales peuvent avoir troublé cet arrangement. Ces argumens fondés de part et d'autre sur des données positives, se rencontrent cependant sur un point, c'est que les traps stratiformes sont contemporains des autres roches de cette formation, ou du moins qu’ils ont dû être formés im- médiatement après et longtemps avant les terrains d’Alluvion. Or, en ce temps la terre aujourd’hui habitable était envahie par les eaux de la mer, à l'exception des grandes chaînes pri- mitives qui devaient être des îles; cette mer récélait des co- quillages, des poissons : des quadrupes et une végétation propres à les alimenter, existaient sur la terre avant l'irrup- tion de la mer, les restes de ces êtres ensevelis sous d’énor- mes bancs de pierres formés par les eaux, déposent incon- testablement de la catastrophe qui a mis fin à leur existence. Toutes les parties des continens et beaucoup d’iles renfer- maient à ces époques, des volcans dont plusieurs ont conservé des vestiges encore reconnaissables de nos jours ; la mer cou- vrait et remplissait ces foyers , leur chaleur tempérée par sa présence ne pouvait effectuer de véritable fonte, de calcina- 27 162 DISSERTATION tion, ni de vitrification, elle aura seulement fait subir aux matières renfermées dans ces volcans, une cuisson ou ramo- lissement aqueux, capable d’en opérer le mélange et de les faire couler mais incapable de les alterer sensiblement dans leur composition intime, et ces matières refroidies et dessé- chées ont dù reprendre à-peu-près l’état pierreux dans le- quel elles étaient avant leur liquéfaction. Patrin (1) pensait aussi que les volcans qui ont produit les traps basaltiques ou stratiformes, étaient sous marins et son opinion n’a été combattue par aucun argument plausible; il nous semble même que ces traps réunissent en eux-mêmes des preuves qui la confirment; la wakke qui est la plus an- cienne de ces roches ou du moins celle que l’on trouve Or- dinairement sous les autres et qui conséquemment a dû for- mer la couche supérieure des matériaux volcaniques est moins dure, moins cuite que les roches subséquentes, elle ressem- ble à de l'argile ferrugineuse fortement desséchée, ses cavi- tés bulleuses plus ou moins abondantes, indiquent qu’elle a éprouvé une coction assez forte pour dilater et expulser les fluides qu’elles contenait, ses filons qui traversent sou- vent des basaltes ou d’autres roches et même des filons à mines, sans contenir jamais aucun métal exploitable, nous disent qu’elle est venue postérieurement remplir les fentes que les commotions, excitées par le volcan, avaient produit dans ces roches. Le basalte nous présente en grande partie les caractères de la wakke, mais il paraît avoir éprouvé une fluidité plus voi- (x) Nouv. Dict. d’hist. nat. SUR LES TRAPS STRATIFORMES. 165 sine de la fusion ignée; aussi est-il plus dur, plus com- pacte que la wakke, différence due sans doute à la compres- sion que celle-ci a exercé sur lui, qui a dù l’exposer à une chaleur plus forte et réunir plus étroitement ses parties. Le phénomène de la houille qu'il couvre au Meisner, près de Cas- sel et qu’il n'a pas enflammée, ne prouve rien contre son ori- gine volcanique; cette houille était submergée, une couche de wakke dont elle est immédiatement couverte, a du la de- fendre de la chaleur du basalte, qui lui-même a du être pro- duit couche par couche, par des éruptions alternatives et garantir ainsi la houille par ses couches inférieures déjà re- froidies, de la chaleur des coulées suivantes. Le gravier, le grez, la pierre calcaire qui alternent avec lui dans le pays de Hesse, en Bohême et dans le Vicentin, attestent que les vol- çans qui l’ont produit, étaient sous-marins et qu'il y a eu entre leurs éruptions des intervalles pendant lesquels la mer a couvert leurs laves par les mêmes dépôts qu'elle a formés ailleurs. L’amydalite des traps stratiformes a tous les caractères d’une lave boursouflée, elle ressemble plus à la wakke qu'au ba- salte, quoiqu'elle soit d'ordinaire superposée à ce dernier; il est vraisemblable que ce trap résulte des portions de la wakke les plus rapprochées du basalte et qu’elle a éprouvée une cuisson moyenne entre celle de ces deux substances : les noyaux qu'elle enchatonne tous arrondis et sans angles, paraissent être des corps échappés à la destruction des roches qui ont concouru à la formation de la lave : l’'enduit terreux et les cristallisations qui tapissent les bulles, sont des dépôts pos- térieurs à sa formation. Le poudingue basaltique qui repose souvent sur l’amygdalite ne peut être que le résultat de la GA Co 164 DISSERTATION destruction du basalte, arrivée peu après sa production; ce poudingue est aux volcans anciens ce qu'est le tuf scoriforme aux volcans modernes. Le schiste porphyrique n’est au fond qu’un basalte qui pa- raît devoir son origine à une déjection volcanique moins ter- reuse, moins mélangée, plus fusible que celle qui a produit le basalte ; on peut inférer de cette différence que les portions inférieures du basalte comprimées par la masse qui les sur- montait, ont éprouvé un degré de chaleur plus fort et une liquéfaction plus complète dans toutes leurs parties constituan- tes; l’eau et les fluides élastiques renfermés dans le gouffre ont dû contribuer aussi à l’écartement des parties de la matière et les amener à un état voisin de la dissolution. Le grunstein et le graustein qui constituent les couches les plus superficielles des traps stratiformes, considérés attentive- ment, semblent être des aggrégés de sables volcaniques; ces sables suspendus dans l’eau qui couvrait le volcan ont déposé d’abord leurs grains les plus grossiers, de l’agglutation des- quels est résulté le grunstein : les grains les plus fins se dépo- sant ensuite, ont produit le graustein. La ressemblance de composition des traps stratiformes avec les traps primitifs et de transition, n’a rien qui contrarie leur origine volcanique ; les foyers de tous les volcans sont dansles terrains primitifs, les quartiers qu’en rejettent à chaque érup- tion ceux qui existent encore, en sont des preuves incontes- tables. Les roches amphiboliques feldspathiques et pétrosili- ceuses étant les plus fusibles et presque les seules fusibles des roches primitives, elles ont dù fournir de tout temps les prin- cipaux ingrédiens de laves : et si les grains ou cristaux d’am- SUR LES TRAPS STRATIFORMES. 165 phibole, de feldspath, de mica, d’actinote, de quartz, etc., prouvent l'identité de leur composition, les bulles que pré- sentent les traps stratiformes, leur sécheresse et leur rudesse au tact, leur contexture plus où moins compacte, contrastent singulièrement avec l’onctuosité et le tissu lamelleux des au- tres traps et démontrent assez qu’un autre élément a dû les produire. Les minéraux fusibles que les traps basaltiques renferment ne contredisent point leur origine volcanique : Dolomieu qui s'est approché de la lave au moment ou elle venait d’être vomie par le Vésuve, assure que sa chaleur est beaucoup moins intense qu’on ne le croit communément et il a vu que des minéraux que nous parvenons à fondre pouvaient sy maintenir intacts. Les fossiles qu’on prétend avoir trouvé dans la wakke, dans le poudingue basaltique, dans le schiste por- phyrique, présentent d’abord quelque chose de plus spécieux, mais ils n'infirment cependant pas que ces traps ne soient des laves; les coquillages et assemens, seuls restes d'animaux qu'on ait pu y rencontrer, peuvent supporter une chaleur presque rouge sans se déformer, et certes, une lave formée dans l’eau et coulant dans l’eau n’a pu avoir ou du moins conserver une température semblable; il n’est d’ailleurs pas impossible que ces corps, de même que le bois et roseaux qu'on y voit également, n'étaient déja couverts d’un enduit pierreux tel que cette mer ancienne en a déposé sur d’autres corps organisés qui nous parviennent journellement. L'absence de matières vitrifiées parmi les roches basalti- ques que l’on a invoquée en faveur de leur origine aqueuse, west pas difficile à concevoir; des volcans agissans sous les 4 165 DISSERTATION (e eaux ne pouvaient réduire leurs laves au degré de sécheresse et de chaleur nécessaire pour opérer une vitrification; rien d’ailleurs n’assure que ces volcans n'aient produit des laves vitriformes , lorsque leurs cratères avaient atteint, ou dépassé le niveau des eaux et qu’elles n’aient été détruites pendant les cinq ou six milliers de siècles qui nous séparent du temps où ces foyers étaient en action; l’obsidienne, la porcellarite , la pierre perlée que l’on trouve dans les îles de l’Ascension, de Ste.-Hélène, de la Société, de la nouvelle Zélande, en France, en Hongrie et dans d’autres lieux qui ne présentent plus de traces de volcans, ne permettent guères de douter que ces anciens foyers ne produisaient les mêmes phénomènes que ceux brülans de nos jours. Si leurs laves vitrifiées ne nous sont parvenues qu’en petite quantité, c'est que ces matières sont généralement moins abondantes que les autres déjections volcaniques, qu’elles sont beaucoup plus fragiles, plus des- tructibles et qu’elles n’ont pu résister aux efforts du temps comme les laves qui constituent les traps stratiformes. Les gissemens de ces traps, comparés à ceux des autres ro- ches stratiformes, fournissent une nouvelle preuve que des causes différentes ont dù les produire, ils sont très-communs dans certains pays, tandis qu'il ne s'en trouve pas du tout dans beaucoup d’autres et quoi qu'il soit rare de voir réunies dans une même localité toutes les espèces citées plus haut, toujours est-il certain que celle ou celles que l’on rencontre, affectent d'ordinaire une situation perpendiculaire ou oblique à l'horizon et que quelles que soient leurs masses, elles se ren- ferment constamment dans un cercle isolé et circonscrit qui annonce les limites d’une action créatrice partielle. Les roches stratiformes au contraire constituent des bancs complètement SUR LES TRAPS STRATIFORMES. 167 horizontaux, toujours inférieurs aux traps, sauf dans deux ou trois endroits sur le globe entier, elles couvrent d'immenses étendues de pays, traversent des bras de mer et des grands fleuves, se retrouvent en couches correspondantes sur tous les continens et déposent ainsi de la cause générale à laquelle elles doivent leur existence. IT semble donc que tout tend à nous convaincre que les traps stratiformes sont des laves d'anciens volcans sous-ma- rins; si l'idée d'un embrasement sous les eaux présente quelque chose de paradoxal au vulgaire, ceux qui s’occu- pent de cosmogonie se rappelleront que la plupart des îles de l’Archipel grec, de l'Océan austral, les Acores et plusieurs autres, sont des produits plus ou moins récens des volcans qui existent encore sous ces mers; que l’on connaît les dates certaines de l'apparition de quelques-unes de ces îles et de plusieurs éruptions de ces volcans. Ce n’est pas ici le lieu de rechercher par quels moyens la nature a pu allumer et entretenir à de si grandes profon- deurs ces violens foyers, ni quelle a été l'influence des vol- cans anciens sur l’état actuel du globe; bornant notre travail aux traps stratiformes, nous le terminerons par la remarque que si ces traps sont reconnus d'origine volcanique, ils doi- vent désormais constituer le premier ordre des roches de cette formation et servir ainsi de point de liaison entre les produc- tions des deux grands agens de la nature, l’eau et le feu. Ils devront aussi quitter la dénomination de #raps, afin de n'être pas confondus avec des roches du même nom qui figu- rent dans d’autres classes ; ces changemens nécessaires et con- formes aux règles établies dans la distribution des corps na- 163 DISSERTATION SUR LES TRAPS STRATIFORMES. turels nous portent à proposer en remplacement du nom de trap, celui de laves hydrolithoïdes, c'est-à-dire laves qui ont l'aspect de pierres formées par les eaux, et par opposition on pourrait nommer pyrolthoïdes les laves qui ressemblent à des pierres, mais qui portent des signes évidens qu’elles ont éprouvé la fluidité ignée, telles sont les laves graniti- ques, pétrosiliceuses, etc., qui existent dans les îles de Lipari, en Sicile, aux environs de Rome, en Toscane, dans le Pa- douan, en Auvergne, près d'Andernach sur le Rhin, etc. a LED ff nn — MÉMOIRE QUELQUES PROPRIÉTÉS REMARQUABLES DE LA FOCALE PARABOLIQUE, Par M° G. DANDELIN, OFFICIER DU GÉNIE, AU SERVICE DE S. M. LE ROI DES PAYS-BAS. LU A LA SÉANCE DU Ie AVRIL 182, MÉMOIRE QUELQUES PROPRIÉTÉS REMARQUABLES DE LA FOCALE PARABOLIQUE. I. Détermination des Foyers dans une Section Conique. 1. Pan l'axe du cône supposé droit, menons un plan per- is: r- pendiculaire à celui de la section; il le coupera suivant une droite AD et le cône suivant deux arêtes SA et SE. Imaginons maintenant une sphère qui se meut dans l’intérieur du cône, en lui demeurant toujours tangente : Il y aura généralement deux positions de cette sphère dans lesquelles elle touchera le plan de la section, et les points de contact F et D seront sur la droite AD, en vertu de la symétrie du cône, de la section et de la sphère par rapport au plan ASE. C3 22. 172 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS Soient maintenant RDK , Fcd les traces de la sphère dans ces deux positions, et désignons par T'un point quelconque de la section conique dont la projection sur le plan SAE soit T. l’arête du cône, qui passe par T, touchera les sphères en deux points Met N', dont les projections M et N se trouve- ront sur les traces cd et RK des plans des deux cercles de contact des sphères et du cône. Or à présent si l’on suppose deux rayons FT" et DT, menés des points F et D au point T' de la section conique, on voit que le premier est égal à N'T', puisque ce sont deux tangentes menées du point T' à la sphère, et que par une semblable raison D'T'=—M'T". Donc FT +DT—MT+NT— MN —Kd; mais cette dernière quantité est constante, puis- qu'elle dépend seulement de l'angle au centre du cône et de la position des deux sphères, et que ces trois élémens sont indépendans de la position du point T' sur le contour de la section; donc on peut en conclure que la somme des rayons vecteurs, menés des points F et D à un point quelconque de cette section, est constante. Cette propriété, qui appartient exclusivement aux sections coniques, démontre que les points F et D sont les foyers de la courbe que nous considérons et qui est ici une ellipse. 2. En appliquant à l’hyperbole et à la parabole un rai- sonnement exactement semblable, on conclura généralement l'énoncé du théorème suivant : Si l'on fait mouvoir dans un cône droit une sphère et que dans une position quelconque de cette dernière, sup- DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 173 posée tangente au cône, ou lui mène un plan tangent, l'intersection de ce plan et du cône aura pour foyer le point de contact de la sphere et du plan. \ 3. Si ce plan est assujetti à passer par un point constant situé sur le cône et à être perpendiculaire au plan de ce point et de l’axe du cône, pour chaque position de la sphère on n'aura plus qu’une position du plan tangent qui puisse donner une section, et d’après ce que nous avons vu, les foyers de ces diverses sections seront tous sur le plan de l'axe et du point fixe : ainsi dans cette hypothèse, la série des foyers fournira une courbe plane continue : c’est cette courbe que Mr Ad. Quetelet à nommée focale, et dont je vais exposer quelques propriétés tres remarquables. IL. Des diverses Générations de la focale, de sa forme et de quelques-unes de ses propriétés. 4. ASE étant la trace du cône sur le plan de la focale et A le point fixe, la première manière de décrire la focale qui se présente, c'est de faire mouvoir un cercle dans l'angle ASE, et dans chaque position de lui mener une tangente : les points de contact F, D, etc. obtenus de cette manière sont sur la focale. Cette construction, qui résulte immédiatement de ce que nous venons de dire, est tres propre à indiquer la forme de la courbe. On voit d'abord qu'elle est comprise tout entière dans les 174 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS deux portions P'SQ' et PSQ de son plan, puisque le cercle mobile et par conséquent le point de contact n'en sortent point. Lorsque le rayon du cercle est nul, le cercle se confond avec son centre qui est alors en S. Le point de contact coïncide par conséquent avec $ et la courbe passe par ce dernier point. Elle passe aussi en A; mais là, pour conserver sa loi de continuité , elle doit être tangente à l’arête AS, sans quoi elle sortirait de l'angle ASE, ce qui estimpossible. 5. D'un autre côté il est évident que la courbe a deux branches infinies, l’une dans l'angle PSQ, l’autre dans l'angle PSQ'; et l’on voit, en examinant attentivement les diverses positions du cercle mobile par rapport au point À , que ces deux branches, pour venir se rejoindre en A, doivent se croiser quelque part en B, et former ainsi une feuille ou nœud. 6. On voit aussi directement par cette construction que les branches de la courbe ont pour asymptote l’arête SQ; car soit E le point d’intersection de cette arèête et de la tan- gente AE, on aura dans l'angle PAQ : AS—SR—RA—SK—AD—(SE+EK)—(AE—DE) d’où 2 DE—AS +AE—SE. Et dans l'angle P'AQ' 2 DE—AS+SE—AE; DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 17 or plus le point E s'éloigne du sommet du cône, plus SE approche d’être égale à AE, donc il est clair que dans l'un et l’autre angle plus on éloignera le point E et plus DE appro- AS : c > pe : chera de qu'il ne peut atteindre qu’à l'infini. Maintenant soit + le rayon du cercle RDK, et nommons y la ligne DQ", perpendiculaire sur SQ, nous aurons dans les deux angles DE’. = 7 p— DE. comme DE a une limite, et que , n’en a d'autre que l'infini, il est évident qu’on peut rendre : assez grand, pour que y soit plus petit que toute quantité possible donnée : ainsi donc passé une certaine valeur de +, la courbe approche autant que possible de l’arête SQ , mais sans jamais la joindre, puisque y ne de- vient nul que quand : est infini, ce qui suppose ainsi le centre O à l'infini. La droite SQ est donc asymptote des deux branches de la courbe. 7. Dela résulte encore la découverte d’un nouveau point singulier ; car on voit que la courbe, coupant son asymptote en S (4), ne peut chercher à la rejoindre en Q', sans lui présenter sa concavité; et qu'ensuite elle ne peut éviter de la rencontrer, qu'en se contournant de nouveau de manière à lui présenter sa convexité. Le passage d’un de ces états à l'autre démontre l’existence d’un point d’inflexion au moins. Nous le déterminerons plus tard et nous passerons pour le présent aux diverses générations de la courbe. 176 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS D'abord par le point À menons une droite AB, per- pendiculaire à l’axe du cône, puis par le milieu B de cette à! droite, menons BV parallele à l’arête SQ, nous aurons : 2 BV—QE-QK—EK—AR—EK=AD—DE—AV-+VD—(VE—VD). et comme AV—VE, on en déduit 2 BV —2 DV, ou BV —DV. 8. Si donc du point À on mène la droite AË quelcon- que , et qu'à partir du point V, on prenne des deux côtés une longueur égale à BV, les deux points ainsi construits seront à la focale. Cette construction, la plus simple et la plus élégante de toutes à été employée la première par Mr Quetelet, qui l’a tirée à priori de l’état de la section considérée dans le cône. Elle conduit directement à celle-ci : 9. Menez un cercle tangent en B à la droite BV, et par le point À conduisez lui une tangente À D. Le point de contact D est à la focale, puisque l’on a évidemment BV — D V, ce qui rentre dans la construction précédente. 10. Pour abréger nous appellerons désormais la ligne BV la directrice de la focale et le point À son sommet. En reprenant la construction (8), que nous avons donnée pour la focale, on observera que si du point B on mène deux droites BD et BF aux points Det F, l'angle DBF est droit quelque soit la position de la droite AE. Or à mesure que l'on diminue l'angle BAE, les droites BD et BF deviennent de plus en plus courtes. D'un autre côté , le point B appartient à la courbe, comme on le voiten construisant les points de la focale DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 177 qui se trouvent sur À B, par la méthode indiquée n° 8; les droites BD, BF sont donc des cordes : plus elles deviennent courtes entre leurs points extrêmes et plus elles se rapprochent de l'état de tangente à la courbe, et enfin elles le deviennent tout-à-fait et en même-temps, lorsque l'angle BAD est nul, ou infiniment petit : mais nous venons d'observer que quel- que soit cet angle, l'angle DBF est toujours droit, donc il doit l'être encore à la limite des variations de BAD, ce qui prouve : 1° Que la courbe a dans ce point deux tangentes distinctes, et par conséquent que ses deux branches s’y croi- sent (5), 2° que ces deux tangentes sont perpendiculaires l’une à l’autre : ce qui peut servir à les construire toutes deux, quand on en connait une. 11. Nous nommerons désormais ce point le nœud de la courbe. 12. En corrélant les diverses parties de la figure 2, on voit que le nœud , le sommet et la directrice d’une focale étant donnés, la construction du cône générateur et des di- vers autres élémens de la formation de la courbe est facile à faire et résulte directement de ce que nous avons démontré. La réciproque a aussi manifestement lieu. 13. Sur le milieu de AB menons IH perpendiculaire à AB, et soit H son point de rencontre avec la focale; menons aussi AHV,le triangle HVB sera isoscèle (8), ainsi que le triangle ABH. D'après cela nous avons : BHV — HBV — °HAB, mais ABV — ADBH + HBV; donc ABV — 3 HAB : ainsi l'angle HAB vaudra le tiers de ABV ou de «; mais 23 CCE 178 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS ABV—BSQ + un angl. droit ; donc puisque BSQ est le demi-angle au centre du cône ou + ASQ, il vient : 2 ang. droits —ASQ,. 2 3 HAB — 14. Ceci fournit le moyen de diviser un angle quelconque en trois parties egales ; car si cet angle est «, on n'a qua construire la figure précédente de manière à ce que l’on ait 2 ang. droits — ASQ. EE fe 2 D'où l’on tire ASQ — 2 ang. droits — 24., alors l'angle HAB donnera le tiers de «, puisque l'équation finale du n° 13 devient alors 3 HAB — . 15. Maintenant soit S le sommet, N le nœud, et NX la directrice d’une focale : prenons sur la courbe un point A et menons le rayon AS, qui coupe en C la directrice. Il est évident qu’en vertu de légalité des lignes AC et CN,la droite CD perpendiculaire sur la droite AN passe par le milieu de cette dernière et coupe en deux parties égales l'angle ACN et son égal SCX’. D'où il suit que cette droite est tangente à une parabole dont le foyer serait S et la directrice N X. Comme cette tangente figurera souvent dans le cours de ce mémoire, nous l’appellerons tangente corrélative du point À, ou sim- plement corrélative de À, et le point & de son contact avec la parabole, sera le point corrélatif ou simplement le corrélatif de A. 16. Aïnsi nous en conclurons déjà que tout cercle, qui passe par un point de la focale et son nœud, a son centre DE LA FOCALE PARABOLIQE. 179 sur la corrélative de ce point, et réciproquement tout cercle dont le centre est sur la corrélative d’un point et qui passe par ce point, passe aussi par le nœud. 17. Nous pouvons déduire de là une nouvelle construction de la focale : sur une tangente quelconque Da, à la parabole, menons du point N une perpendiculaire ND à cette tangente, et prenons AD—DN, le point A sera sur la focale. Il est fa- cile de voir en même-temps que la série des points D construits de cette manière est aussi une focale. 18. Soit B un second point de la focale, sa corrélative F3 coupera quelque part en V celle du point À, et il est clair que le cercle dont le centre est à l'intersection des deux corrélatives et qui passe par le nœud de la courbe, passe aussi par les deux points A et B. Pour abréger encore, nous appelle- rons ce point V sommet ou centre corrélatif des deux points A,B, tandis que nous donnerons à l'arc du cercle, compris entre les deux points, le nom de corde corrélative de ces deux points ; il est naturel que le reste du cercle s'appelle prolonge- ment de cette corde. On voudra bien excuser ces dénomi- nations , sans lesquelles il serait difficile de présenter d’une manière claire plusieurs théorèmes intéressans de la focale et entre autres le suivant : 19. Soient pris sur la courbe six points désignés par A,.B, C, D,E,F. fesons passer par ces points, pris deux à deux, les six cordes corrélatives AB, BC, CD, DE, EF, FA, dont les centres seront 23. Sans Fig. 180 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS a; db, ©, dre > J ces six centres seront les sommets d’un hexagone circonscrit à la parabole, et d’après un théorème connu des sections coniques, les trois diagonales a d, be, cf, se couperont en un seul point que j'appelle M'; cela posé : Les deux cordes corrélatives AB et DE ont leurs centres a et d sur la diagonale ad. Elles se coupent d’abord en N d’après leur définition (18), elles ont encore un autre point commun , lequel doit être tellement placé, que sa distance à un point quelconque pris sur ad, doit être égale à la dis- tance de ce point au point N. Or, le point M' se trouve sur la droite ad, donc en désignant par N°’ l'intersection des cordes corrélatives AB et DE, on aura MN —M'N. si N” est aussi l'intersection des cordes BC et EF, et que N” soit celle des cordes CD et FA, on aura aussi MN'—MN,et MN'—MN; d’où il suit que si on décrit du point M’ comme centre, un cercle dont le rayon soit M'N, il passera par les trois points N',N'et N”, ou en d’autres termes : 19. Si lon inscrit dans la focale un hexagone composé de cordes corrélatives, et que l’on suppose ces cordes prolongées suffisamment pour que celles qui forment les côtés opposés de l'hexagone se coupent deux à deux, on aura trois points d’intersection, lesquels avec le nœud de la focale se trouve- ront sur la même circonférence. 20. Ce théorème est curieux par la singulière ressemblance DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 151 de son énoncé avec celui de l'hexagone mystique de Pascal. Nous ferons plus tard usage de cette analogie, pour le mo- ment nous suivrons les générations de la courbe. 21. Si l’on suppose que le point B soit rendu variable sur la focale, et qu'il se rapproche du point A, on verra que dans ce mouvement l'arc ba de la parabole , ainsi que la longueur des droites aV et DV iront toujours en diminuant et enfin lorsque le point B se confondra avec À, les points V,aet bd n'en feront qu'un. Or, on voit que dans le cours de ces variations le point V ne cesse pas d’être le centre de la corde corrélative AB ; lorsqu’enfin l'arc BA de la courbe devient infiniment petit, la corde corrélative se con- fond avec lui, et comme alors son centre est en &, on voit que le cercle, dont cette corde n’est qu’un élément, esttangent à la focale en À, et a son centre en a sur la corrélative du point À, donc : Le cercle tangent en un point quelconque de la courbe et qui passe par le nœud, a pour centre le corrélatif du point de contact. Il résulte de là aussi que si l’on fait mouvoir un cercle dont le centre soit toujours sur une parabole, et dont la circonférence soit assujettie à passer par un des points de la directrice de cette parabole, l'enveloppe des mouvemens de ce cercle sera une focale. Ce théorème commun à quelques autres courbes offre, outre une nouvelle génération de la focale, le moyen d’en tra- cer les tangentes et les normales d’une manière générale. Fig. 5. Fig NU 182 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS 22. En effet, si par un point À quelconque on veut mener une tangente à la courbe, on observera d’abord que le pro- blèême est résolu en trouvant la normale; 2° que cette nor- male (21) passe par le point corrélatif &; 3° que ce point corrélatif (15) se trouve sur la droite Da, menée perpendi- culairement sur le milieu de AN, et 4° que cette droite étant tangente à la parabole, le point de contact ou corrélatif cherché se trouve sur la perpendiculaire Sa menée par le foyer de la parabole sur Le rayon SC, d’après une propriété connue de la parabole. 25. Si l’on voulait, d’après ce procédé, construire les tan- gentes ou les normales à la courbe au point N, il faudrait observer que la droite AN se confond pour ce point avec l'élément de la courbe, que par conséquent la corrélative aD s'y confond avec la normale, ou en d’autres termes que cette normale est tangente à la parabole. Comme cette tangente a deux positions Nz, Ny',il y a deux normales à la courbe en N, ce que nous savions déjà : d'un autre côté, l'angle 2 Nr’ étant droit, puisque le point N est sur la directrice de la parabole, il en résulte que ces deux normales sont rectangulaires entr'elles, et parconséquent ? SE Q \ , que chacune d'elles est à la fois normale à l’une des bran- ches de la courbe et tangente à l’autre. 24. Les théorèmes des n°5 20, 22 et 23 peuvent encore être déduits comme corollaires de la solution du problème suivant. Construire les points d'intersection de la focale et d'un cercle abN quelconque, mais assujetti à passer par le nœud N. _ DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 133 Soient a et à les points cherchés, menonsles droites aS et bS au sommet de la courbe. Nous aurons d’abord, puisque a et à sont sur la focale, ar —N7 et bP—NP; d'où il suit immédiatement que le cercle décrit de O pour centre, et qui serait tangent à la directrice le serait aussi aux deux droites Sa, Sb; car menons par exemple aN et le rayon Or, en vertu de l'égalité des triangles rON et Oar, on aura ang. OrN—ang. Ora, d'où suit l'égalité des deux perpendicu- laires Oc et Oc:. Ainsi il sera bien facile de construire ces points & et D; on mènera au cercle cc'O les deux tangentes du sommet de la focale et on aura quatre points aux extrémités de ces droites, considérées comme cordes du cercle donné : deux de ces quatre points seulement appartiennent à la focale. On distin- guera facilement ceux-ci des autres à la seule inspection de la figure qu’on aura construite. Il résulte de là que tout cercle, qui passe par le nœud de la focale, la coupe généralement en deux points; mais la position du cercle cc'e introduit quelques modifications dans les valeurs des ordonnées de ces points. Les voici : I. Tant que le point $S est hors du cercle cc'e, les deux points sont réels. IT. Quand S est dans le cercle, il n’y a plus de tangente et le cercle proposé ne coupe plus la courbe qu’en N. IIT. Quand S est sur la circonférence du cercle cc'e, comme fig 4 ni. pour NA, il n’y a plus qu’une tangente et partant les deux points d'intersection se réunissant en un seul, le cercle pri- “io. 6 ; 184 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS mitif ou donné est tangent à la courbe dans ce point A.. Dans ce cas, en voit que le centre O’ de ce cercle tangent est sur la parabole dont le foyer est S et la directrice XN. La seule vue de la figure fera conclure de suite tout ce que nous avons démontré à ce sujet. IV. Quand outre cette dernière condition, le cercle cc'Q est encore tangent en S à la droite SN, le cercle donné ne coupe plus la focale ailleurs qu’en N; et il lui est évidem- ment tangent dans cet endroit, puisque tous ses points d’in- tersection avec la focale s’y réunissent. On voit d’ailleurs qu'il y a dans ce cas deux positions de cercle tangent, et que les deux lignes NO, N O'sonttangentes aux deux points O et O'de la parabole, puisque SO — OC, et que SO'—O'P, tandis que les angles SON et NOC sont égaux, ainsi que SON, NO'P. Ce qui confirme tout ce que nous avons dit (23). Il résulte encore de ce que nous venons de voir que les cercles Scc',SPQ sont les seuls des cercles tangens à la focale, qui ne la coupent qu’en N, puisqu'il est évident, d’après la solution que nous avons donnée du problème précédent, que cela ne peut arriver qu’autant qu’un cercle donné soit tel que son cercle auxiliaire cc'O comprenne le point S (11), et dans ce cas il n’est pas tangent à la courbe; ou que ce cercle cc'O soit tangent en S à la droite SN, ce qui rentre dans le cas que nous venons d'examiner. 25. En revenant sur la propriété (17) que nous avons re- connue à la focale, nous aurions pu donner une autre solution du problème précédent, la voici : Par le centre C du cercle donné, menons deux tangentes à la parabole CC' et CC”, puis par le nœud abaissons deux DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 180 perpendiculaires sur ces deux tangentes. Ces perpendiculaires NN'et NN” couperont le cercle en deux points qui seront à la focale, puisqu’en effet les cordes sont coupées en deux parties égales par les rayons ou tangentes CC' et CC’, ce qui rentre dans la construction du n° 17. Si nous menons maintenant les droites N'C' et CN, ainsi que les rayons CN et CN’, la droite N'C' étant normale à la focale et la droite CN’ l’étant au cercle, l'angle CN'C' de ces deux lignes est égal à celui suivant lequel le cercle coupe la focale; or cet angle CN'C'—CNC', donc ce dernier est la mesure de l'angle d’intersection de la focale et du cercle. Le même raisonnement s'applique aux points C' et N”: donc le cercle corrélatif de deux points de la focale coupe cette courbe suivant deux angles, dont chacun a respectivement pour mesure l'angle dont le sommet serait en N, dont un des côtés passerait par le centre du cercle, et l’autre côté par le corrélatif de celui des points de la focale qu’on considère. 26. Si l’on voulait que ces deux angles d’intersection fussent égaux, il faudrait que les angles CNC', CNC' fussent égaux, ce qui exige que les points C' et C”, ainsi que N soient sur une même droite. 27. Si l'on voulait en outre que le cercle proposé fut orthogonal à la focale, il faudrait que l’angle C'NC fut droit: cette condition suffit pour déterminer le point C, en la com- binant avec la précédente. Nous pourrions le faire dès à présent; mais comme nous devons revenir plus tard sur ce cercle, nous nous bornerons à observer que la droite CC devant passer par N, le point C doit se trouver sur la droite 24 186 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS CS perpendiculaire à SN , et passant par 7 et #', deux con- ditions qui n’en font qu’une seule, et dont la démonstration se trouve dans tous les traités des courbes du 2° degré. 28: En se rappellant ce que nous avons dit (22), on voit de suite que l'angle BÈF, formé par la normale à la focale en B et la tangente corrélative de ce point ou l'élément & de la parabole, est égal à l'angle F2N formé par cet élément avec la droite FN. Il en résulte donc que si on suppose la parabole réfléchissante et le rayon &8N un rayon lumineux incident venant de N, le rayon réfléchi se relèvera suivant la direction 8B, d'où il suit que la série des rayons réfléchis de cette manière sur toute l'étendue de la parabole, représen- tera la série entiere des normales à la focale, ou en d’autres termes, que la développante de cette dernière courbe n’est autre que la caustique par réflexion de la parabole bann' supposée réfléchissante, le point N étant le point lumineux, ou le centre de départ des rayons de lumiere. On verra dans la suite le parti qu'on peut tirer de cette propriété pour ré- soudre le problème des cercles osculateurs à la focale. ( Voyez les notes placées à la fin de ce mémoire). IIL. Analogies et relations entre la focale et l'hyperbole. Tous les théorèmes, que je vais exposer, supposent la con- naissance de la théorie des projections stéréographiques, et comme M" Hachette, dans son supplément à la géométrie descriptive de Monge, s’en est amplement occupé, je ren- verrai à cet ouvrage pour tous les principes que j'en ai tirés DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 187 et que je puis avoir employés pour la démonstration des théorèmes que je vais exposer. 29. Soit dans l’espace une sphere quelconque , projetons stéréographiquement sur cette sphère la focale NSN AB, et désignons par K et K' les deux cercles tangens à la focale en N, et dont les centres sont en x et ». La focale ainsi projetée formera sur la sphère une courbe, que nous appellerons sphéri- focale, et qui aura comme l’autre nn nœud que nous nomme- rons 2’; les propriétés de cette sphéri-focale auront beaucoup de rapport avec celles de la focale. 30. D'abord tous les cercles, passant par N et tangens à la focale, se projetteront sur la sphère suivant des cercles passant par n"ettangens à la sphéri-focale. Les cercles K et K' jouissent de cette propriété comme les autres, mais en outre on remar- . quera que ces deux cercles divisent la sphère en quatre régions, dont deux seulement renferment des points de la spheri-focale : en effet, d’après tout ce que nous avons dit de ces cercles, on voit que chacun d'eux enveloppe entierement la feuille NSN et la sépare entièrement du reste de la courbe; ainsi il en sera de même de leurs projections.sur la sphère : d'apres cela, soient R et r les deux régions marquées sur la sphère par le cercle K , et R'et 7’ celles marquées sur la sphère par K'; supposons que R et R' soient les régions qui contiennent la feuille de la sphéri-focale, on voit que la portion sphérique commune à ces deux régions contient entièrement ce nœud. De même la portion de sphère, commune aux deux régions retz', contient entièrement le reste de la courbe; ainsi il reste deux régions, savoir, celle commune à R et r et celle com- mune à R' et r entierement vides, et celles-là comme les 24. Sans Figure. 188 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS autres sont opposées par le sommet : toute cette remarque est importante. 30. Le théorème (19) transcrit littéralement convient à la sphéri-focale comme à la focale. Ceci n’a pas besoin de démons- tration ; mais il est important de le faire observer, puisque c’est ce théorème qui va être employé. 31. Prenons le nœud »” pour sommet d’un nouveau système de projections stéréographiques et projetons la sphéri-focale sur le plan correspondant à ce nouveau sommet, tous les cercles qui passent par 7" se projetteront évidemment suivant des droites, et par conséquent les quatre régions R, R',7,7'se projetteront suivant des angles. Soient maintenant K et K°' les cercles qui forment ces quatre régions, ces cercles étant tan- gens à la sphéri-focale en »", seront projetés suivant des tangentes à la projection de la ,sphéri-focale; mais le point de contact 7" des cercles avec la sphéri-focale se projette évidemment à l'infini, donc les deux projections de ces cercles ne touchent la projection de la courbe qu'à l'infini ; ainsi 1° cette projection a deux asymptotes rectilignes. 39. Si l’on inscrit à la sphéri-focale un hexagone, composé d'arcs de cercles passant par le nœud x", les côtés de cet hexagone se couperont deux à deux en trois points, qui seront avec le nœud 7° sur une même circonférence (30 et 19). Observant que les six cercles se projettent suivant six droites, ainsi que le système qui contient leurs intersections, nous en conclurons que dans la projection de la sphéri - focale , l'hexagone rectiligne inscrit jouit de cette propriété : que ses côtés opposés se coupent deux à deux suivant trois points, lesquels sont en ligne droite : donc cette nouvelle projection DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 189 est une courbe du 2€ degré; et puisqu'elle a des asymptotes, c'est une hyperbole. Construisons les foyers, le grand axe et le cercle décrit sur le grand axe dans cette hyperbole; en pro- jetant ces élémens sur la sphère, nous aurons deux points qui seront les foyers de la sphéri-focale, et deux cercles dont l’un passera par le nœud de la courbe et représentera le grand axe. Ce sera le cercle diamètre de la sphéri-focale, et il contien- dra les foyers ; l’autre sera tangent à la courbe et coupera le cercle diamètre perpendiculairement dans les points, où celui-ci coupe la courbe aussi à angles droits. 33. Si maintenant on remonte au premier système de pro- jection, nous pourrons projeter ces deux points et ces deux cercles sur le plan de la focale, et nous aurons deux points auxquels nous donnerons aussi le nom de foyers et deux cercles, auxquels les observations et les noms, que nous avons appliqués aux précédens, sont également convenables. 34. Ainsi en passant des propriétés de l’hyperbole à celles de la sphéri-focale , et en revenant de cette derniere courbe à la focale par le moyen de nos deux systèmes de projections stéréographiques, nous pourrons former le tableau suivant, dans lequel l'énoncé seul des théorèmes porte avec lui sa démonstration. Nous nommerons auparavant dans la focale et la sphéri-focale du nom de cercle directeur, le cercle qui dans chacune de ces courbes correspond à celui décrit sur le grand axe de l’hyperbole. 190 90: SUR QUELQUES PROPRIÉTES TABLÉAU COMPARATIF. De quelques propriétés corrélatives de l'hyperbole, de le sphéri-focale et de la focale. HYPERBOLE: L’hexagone inscrit y jouit de cette propriété, que les côtés opposés s’y coupent en trois points situés sur une mème droite. 2. Les trois diagonales del’hexagone circonscrit se croisent dans un même pointe 3, Une corde passant toujours par un point fixe, les tangentes menées à ses extrémités se coupent tou- jours sur une même droite. 4. Si par les foyers de l’hyperbole on mène des perpendiculaires aux tan- gentes, les points d’intersec- SPHÉRI - FOCALE, Dans l'hexagone inscrit, FOCALE, Même énoncé que pour composé d’arcs de cercles | la sphéri- focale. qui passent par le nœud, les côtés opposés se coupent en trois points qui avec le nœud sont sur une même circonférence. 2. Dansun‘hexagone, cir- 2. Même énoncé quepour conscrit à la sphéri-focale | la sphéri-focale. et composé d’arcs decercle, passant par le nœud, si on joint les sommets opposés par des arcs de cercles assu- jettis aussi à passer par le nœud, ces trois arcs se cou- peront dans un seul point. 3. Un cercle passant par le nœud et un point fixe, coupe la focale en deux points, par lesquels si on mène deux cercles tangens à la courbe et passant par le nœud, l'intersection de ces deux cercles sera tou- jours sur la même circonfé- rence. ‘ A. Si par les foyers de la sphéri-focale on mène des cercles qui passent par le nœud et soient perpendicu- 3.Mème énoncé quepour la sphéri-focale. 4, Mème énoncé. DE LA FOCALE PARABOLIQUE. tion seront sur un cercle qui a pour diamètre le grand axe del’hyperbole. 5. Les rayons vecteurs, partant des foyers et se réu- nissant en un même point de lhyperbole, font des angles égaux avec la tan- gente en ce point. 6. Le grand axe de l’hy- perbole coupe l’angle des asymptotes en deux égale- ment et il est perpendicu- laire à la courbe, du reste v’est la seule ligne droite qui jouisse de cette double pro- priété. laires aux cercles tangens à cette courbe et passant par son nœud , les points d'in- tersection seront tous sur la circonférence du cercle directeur (34). 5. Les deux cercles, pas- sant par le nœud et les deux foyers, pour aller se couper sur un point de la sphéri- focale, font des angles égaux avec le cercle tangent à la courbeencepointetpassant par le nœud. 6. Le cercle diamètre cou- pe l'angle des cercles K et K/(31) en deux parties éga- les et il est perpendiculaire à la courbe, du reste c’est le seul cercle passant par le nœud qui jouisse de cette double propriété. OL 5. Même énoncé. 6. Le cercle diamètre cou- pe l’angle des cercles K et K/(29 et 30) en deux parties égales. Commeilestenoutre le seul perpendiculaire à la courbe, on voit que c’est celui dont nous avons déjà parlé (26, 27), et cette observation peut servir à le déterminer entièrement. En effet, nous avons déjà vu (26 et 27) que le centre C de ce cercle perpendiculaire à la courbe doit être sur la ligne CS» ; mais puisqu'il doit partager en deux l'angle des cercles K et K’, il faut que son rayon CN coupe en débne l'angle des rayons Net Nn, ce qui assigne à ce rayon deux positions et indiquerait er centres l’un en C et l’autre quelque part en o; mais ce dernier se trouvant nécessairement dans la parabole, le cercle qui aurait un tel centre et qui passerait par le nœud , ne couperait pas la focale d’après ce que nous avons vu, ainsi il ne satisferait pas aux conditions de cercle 192 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS diamètre : Donc le cercle NN'N', dont le centre est en C, satisfait seul à ces conditions, c’est donc le cercle diamètre. 36. Connaissant celui-ci, il sera bien facile de trouver le cercle directeur, puisque (32) ce dernier touche la courbe aux mêmes points ou le cercle diamètre la coupe, c’est-à-dire en N'et N’,et que dans ces points il est perpendiculaire au cercle diamètre. Je remarquerai d’ailleurs que le centre u de ce cercle directeur est sur la ligne NS, puisqu'il doit couper les cercles K et K’ sous des incidences perpendicu- laires, comme dans l’hyperbole le cercle décrit sur le grand axe coupe à angles droits les asymptotes. Quant aux foyers ,il y a plusieurs manieres de les construi- re, qui pour la plupart se rapportent à ce que l’hyperbole, que nous avons considérée, est équilatère ; la construction suivante est la plus simple. Soit À le point où le cercle directeur rencontre la direc- trice AN de la focale; cette directrice ou asymptote de la focale est comprise parmi les cercles tangens, dont nous avons parlé au n° 4 du paragraphe 35, donc si par le point À , le nœud N et un des foyers F, nous fesons passer un cer- cle AFN, ce cercle sera perpendiculaire à NA et aura ainsi son centre sur la droite AN, par conséquent ce cercle est dé- terminé; d'un autre côté, le point F doit se trouver sur ce cercle diamètre, ainsi l’intersection des deux cercles connus N'FN'et AFN le donnera. Une construction semblable, par rapport au point À’, donnera le second foyer F. 38. Supposons que la droite F A coupe quelque part encore le cercle directeur, par exemple, en a; l'angle 4FN étant tou- DE LA FOCALE PARABOLIQUE, 193 jours droit, on pourrait décrire un cercle &aFN , dont le centre serait sur a N. Supposons qu'on ait même le diamètre aN, ce diamètre pourrait être considéré comme un cercle de rayon infini, coupant le cercle 4FN sur la circonférence du cercle directeur; ainsi, d’après ce que nous avons vu (35 n°4), cette droite &N serait au nombre des cercles tangens à la focale, ce qui supposerait que par le point N on peut mener deux asymptotes à la focale, ce qui est impossible : donc le point a n'existe point, et la droite AF est tangente en À au cercle directeur, ce qui fournit un nouveau moyen fort élégant de déterminer les foyers. 39. Je terminerai ici la théorie de ce qu'on peut appeler proprement les propriétés de figure de la focale. Les théorèmes, que je viens d'exposer, ne sont cependant pas les seuls qu'on puisse déduire de la théorie que je viens d'établir; mais je craindrais de devenir d’une prolixité fatigante, si je cherchais à étendre davantage cet article; il me suffit d’avoir présenté une suite de théorèmes, d’où l’on peut en cas de besoin tirer toutes les générations de la courbe, et même partir pour en reconnaître de nouvelles propriétés, que je n'ai peut-être pas aperçues. Je terminerai donc ici ce mémoire , en donnant une formule quadratique pour la focale , laquelle m'a été fournie par Mr A. Quetelet, dans un mémoire qu'il a bien voulu me confier et qui contient sur les courbes du 3° degré en général des choses curieuses et qui mériteraient d’être plus développées par lui; je copie exactement ses paroles. » Dans la focale régulière, c’est-à-dire celle engendrée dans » un cylindre, on a pour l'expression du rayon vecteur » DN ou DN’, l'angle NDD'’ étant 9 et le rayon vecteur », pe = (sec. 9 + tang.o.) DD". 25 Fig. 7. 194 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS > » D Maintenant, l'expression de l'aire comprise entre deux rayons vecteurs est AS" do DR C. substituant la valeur de », en remarquant que 2 P à = — (sec. op + k devient ï : ï == — “ a Gr e DD — 25009 — ltosinq on d À sin. 4. à EE = # eus UE lo) : DD: sec o do + ue de :f° QE + C d'où l’on tire, en intégrant et désignant DD' par H, À ? pr — tang.o + sec.p——+ C, ou bien 2 “a 2 Afin de déterminer la valeur de la constante C, supposons l'angle © nul, l'aire correspondante sera également nulle, et nous aurons, comme alors p—H, o— + H°+CH ; d’où CH:— + H°, et l'expression de A devient = + He +H Hi 4o. Cette intégrale nous conduit à une formule graphique remarquable et que l’on verra facilementen être la conséquence. Soit donc DN N' un rayon vecteur, du point D comme centre DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 195 décrivons les arcs NE, D'LF, N'G, et par les points, où ces arcs rencontrent la droite DG parallèle à D'K, menons à cette derniere les perpendiculaires EH, FI, GK , nous aurons alors les relations suivantes. La surface de la portion DND' de la focale est égale à la différence entre le rectangle FEHI et le secteur DD. La surface de la portion DD'N' est égale à la différence entre le rectangle FIKG et le même secteur DD'L. D'où il suit que la surface ND'N’', c’est à-dire la différence des deux aires ci-dessus, est équivalente à la différence du rectangle FIK G au rectangle EHIF. Cette surface est donc exactement quarrable. Au fur et à mesure que le point N monte, le point E appro- che de D, et il s’y confond tout-à-fait lorsque le rayon vecteur devient parallele à la directrice ; alors on a, pour la surface de la demi-feuille DND', le quarré DFID' moins le quart du cercle DD'F ; d’où il suit que cette demi-feuille est égale au triangle mixtiligne FID'LF. On remarquerait sans peine aussi que la surface, comprise entre la branche supérieure D'# dela courbe, l’asymptote etle prolongement du rayon DD’, vaut le quarré DFID'plus le quart du cercle DD'F. Conséquemment cette même surface avec la surface de la demi-feuille vaut deux fois le quarré DFID'. Ces trois théorèmes ont été présentés par Mr A. Quetelet sous un jour un peu différent; mais j'ai cru pouvoir les déve- lopper ainsi pour obtenir un peu plus de briéveté. Du reste si ma construction n’est pas précisément la sienne, il y trouvera toujours son idée primitive. M 29. 195 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS. NOTE SUR LES CAUSTIQUES PAR RÉFLEXION. 41. Si d'un point supposé lumineux on conçoit des rayons incidens , qui aïllent se rendre sur une surface réfléchissante , ils s’y relèveront tous en fesant avec la surface, c'est-à-dire avec son plan tangent, des angles de réflexion égaux aux angles d'incidence. Si ensuite on suppose que par le point lumineux on ait mené un plan de manière à couper la surface suivant une courbe, on pourra isoler par la pensée les rayons com- pris dans ce plan, de tous les autres; et ces rayons par leurs intersections consécutives formeront une courbe du genre des développantes et que l’on nomme caustique par réflexion de la courbe d’intersection du plan et de la surface donnée. 42, Cela accordé, soit ABCD une portion quelconque de la courbe réfléchissante, soit L le point lumineux, LB et LC deux rayons incidens infiniment proches, BR et CR les deux rayons réfléchis, puis BG et CG deux normales à la courbe : par les trois points B, C et G fesons passer un cercle, et re- marquons que, l'angle BLC étant infiniment petit par hypo- thèse, l'arc BC l’est aussi, ainsi que l'angle BGC, et que par conséquent le point R est un point de la caustique cherchée. Cela posé, prolongeons BR jusqu'en E et menons FC et EC, nous aurons les équations suivantes ; GPL LCLB=CCP+GCL GCR + BRC — CGB + GBR: DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 197 ajoutant ces deux équations et remarquant qu'en vertu de l'égalité des angles d'incidence et de réflexion GBL—GBR, et GCL—GCR, il vient BRC+BLC—2BGC. De cette équation il résulte d’abord que si l’un de ces angles est plus grand que BGC, l’autre sera plus petit; d’où il suit que si l’un des deux points L ou R est hors du cercle, l’autre sera dedans, ou bien qu'ils se trouveront tous deux à la fois sur la circonférence. D'un autre côté, on a BRC— BEC + ECR — ECR + BGC, BGC— BEC BLOC ECE: d’où, BGC—BRC——BGC—ECR+BLC-+ LOF. et 2 BGC— BLC— BRC — LCF — ECR. Or, d’après ce que nous venons de voir, le premier membre de cette équation est nul, donc LCF —ECR. Comme les sinus des arcs égaux sont égaux, on a sin, LCF — sin. ECR ; mais on à aussi sin. LFC— sin. REC ; et puisque les deux triangles LCF , RCE fournissent les deux analogies : Fig. 9. 188 SUR QUELQUES PROPRIÉTÉES CR sin. REC. LF sin. LCF. RESDSNJRCE. CL Msn DÉC: on a en conséquence, CR CL ER NULLE Maintenant, au lieu de BC infiniment petit, supposons BC nul; RC deviendra RB, FC sera FB, et le cercle BGC sera le cercle décrit sur le rayon osculateur à la courbe au point B. Du reste l'équation finale, que nous avons trouvée, ne change pas de l’infiniment petit à zéro, donc on a BR __LE, RE) UV LE Si l’on désigne par z la longueur LB du rayon incident, par R celle BR du rayon réfléchi, par c la corde FB ou BE, interceptée par le cercle sur le rayon incident, l'équation pré- cédente donne cette formule pour la valeur du rayon réfléchi; R—c. ë 2i— c. Cette formule peut servir dans tous les cas à déterminer fort simplement le rayon réfléchi, lorsqu'on connait le cercle osculateur à la courbe au point d'incidence. Elle conduit à la formule graphique suivante. Du point L sur le rayon incident prenez LF'—FL, mais de l’autre côté ; menez F'E et LR parallele à F'E, le point R sera à la caustique. C’est ce qu'il est facile de vérifier. DE LA FOCALE PARABOLIQUE 199 En appliquant cette construction à la parabole génératrice de la focale et prenant le nœud pour point lumineux, on pourra donc construire la caustique par réflexion de cette parabole, c’est-à-dire la développante de notre focale : c'est ce que j'avais annoncé (28). z à En reprenant notre formule R— c 57» 9h voit que R ne peut-être infini qu'autant que l’on ait 22—c—o, ou oi—c, c'est-à-dire, que le point lumineux tombe sur le milieu de la corde FB ; ou en d’autres termes que le cercle ayant pour diamètre la première moitié du rayon oscula- teur à partir du point d'incidence, doit passer par le point lumineux. Cette condition établie, nous pouvons revenir à la re- cherche du point d'inflexion, que nous avons reconnu à la focale. Nous observerons d'abord que, pour ce point d'inflexion, le rayon osculateur de la focale doit ètre infini, donc le rayon réfléchi par la parabole au point corrélatif de ce point d’in- flexion doit être infini. Aïnsi le cercle décrit sur la première moitié du rayon osculateur de ce point corrélatif, et à partir de ce point, doit passer par le nœud de la fo- cale. Écrivons cette condition en analyse : pour cela, supposons que la parabole soit rapportée à un système d’axes rectangulaires, dont l’origine soit à la rencontre de la direc- trice de la focale et de la perpendiculaire qu'on peut lui mener par le point S. Cette perpendiculaire et la directrice seront prises l’une pour axe des et l’autre pour axe des x; dési- gnons de plus par Y la distance du foyer à la directrice, et 200 . SUR QUELQUES PROPRIÈTÉS par X l’abscisse du point N; et soient maintenant x et y les coordonnées du corrélatif du point d’inflexion cherché, & et à celles du centre d'osculation au point (x, y), la valeur du rayon osculateur, on aura dy dy'+dx FAR NTE RAR Cas dx dy Fe DÉTENTE dy’ + dx’ x° + Y° 2 Y° 3 et PE CS St US AS Go @ —. ) L'équation de la parabole étant x: + V'—2Y y, dans notre système de coordonnées. Cela étant, il est facile de voir que si l'on divise en quatre parties égales le rayon du cercle osculateur, le premier point de division à partir de la courbe aura pour coordonnées, _ ; b— 7. Ce — mais, d’après ce que nous avons vu, le cercle qui passe par x, yet qui a son centre en (a',b') doit passer par (X,0), nous devons donc avoir, (x aY+ (y = 6Yÿ = (K—a)+r 8, ou en substituant pour a’ et Ÿ' leurs valeurs, Dim pot à DE LA FOCALE PARABOLIQUE. 201 développant cette équation et substituant les valeurs de x—a, et de y—b, que nous avons trouvées, il vient x + Y’. (r) +R) + Y +(K—z)r] <= = 0: C’est la condition à laquelle doivent satisfaire les coordon- nées du corrélatif du point d’inflexion de la focale: en com- binant cette équation avec celle de la parabole Y°+ x°—2Y (2), on trouvera les valeurs absolues de x et y, et le problème sera résolu. Mais on ne sera peut-être pas fâché de trouver ici la solution graphique de ce problème. Si dans l'équation (1) on substitue la valeur de —<— ti: rée de l'équation (2), on aura : Y+(X— x) +UY+(K—x)2)2 —0 (9) mais l’équation (2) donne yY — x: + Y'—VYy; mettant cette valeur pour yY dans l'équation (3), il vient : Y(x—X) +Xyx+Y'y—o. (4) Cette équation, qui appartient aux coordonnées du point cor- rélatif cherché, appartient à une hyperbole qui se construit de la manière suivante : par le foyer élevons SE perpendicu- laire sur SN, puis prenons SG —S#, et prenons £H perpen- diculaire à EN, puis GH perpendiculaire à SG. Ces deux droites seront les asymptotes de l’hyperbole, du reste cette hyperbole passe par le point N, puisque dans (4) pour y—o, on a æ— X. Ainsi, on connait tout ce qui est nécessaire pour 26 302 PRORPIÉTÉS DE LA FOCALE PARABOLIQUE. construire cette hyperbole, une de ses branche abc coupe en À la parabole, et le point à est le corrélatif du point d'in- flexion cherché. La recherche de la position B de ce point sera donc réduite à construire, d’après la méthode que nous avons donnée, le point de la focale correspondant au corré- latif D. On voit la construction dans la figure. Ce probleme forme le complément de ce que nous avons découvert sur la focale. J'aurais pu cependant ajouter encore différentes propriétés plus ou moins curieuses de cette courbe, mais il m'a paru qu'un mémoire du genre de celui-ci ne pou- vait pas être trop court, et qu'il suffisait d'indiquer les théorèmes principaux, sans s'attacher à des détails d'autant plus fastidieux que le lecteur peut facilement les remplacer lui-même, surtout dans un sujet où tout le monde pourrait obtenir les résultats que j'ai obtenus, et les présenter peut- être d’une manière satisfaisante, C’est dans la même idée que j'ai quelquefois supprimé les démonstrations de quelques corrollaires, qui dérivent si immédiatement des constructions ou des théorèmes exposés, qu'il m'aurait paru absurde de supposer que ceux qui me feront l'honneur de me lire, pourraient s’apercevoir de ces courtes lacunes. Ma plus grande crainte, en rédigeant ce me- moire, a toujours été au contraire de tomber dans une inutile prolixité. A FAN OS LA LUN BE See MÉMOIRES SUR LA LITTÉRATURE ANCIENNE ET L'HISTOIRE. ART, aa | SECOND MEMOIRE | . | LÉGISLATION . | GAULES, 44 Par M. Jrax-Josrpn RAEPSAET, | PRÉSENTÉ A LA SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1821. : | Le se se (DEDO «6 UQ Ropae PARA PP PR PP RP PR RAR ARR RAR PRA ARR RAS AAA AAA SECOND MEMOIRE SUR LA LEGISLATION DES GAULES. Faire une coutume générale de toutes les coutumes particulières serait une chose inconsidérée, même dans ce temps-ci. Montesquieu , Esp. des lois, liv.28, chap. 3x. RE + DE LA LEX ECCLESTASTICA. Daxs mon premier mémoire J'ai traité des lois nationales en général; maintenant Je vais traiter successivement de chacune de ces lois nationales en particulier, et spécialement, dans ce chapitre, de la lex ecclesiastica. Elle ne fut pas une loi nationale proprement dite; car elle n'appartenait pas à une nation en particulier ; elle régissait, dans les matières canoniques, tous les catholiques de quelque nation qu'ils fussent ; elle fut donc une loi purement person- nelle; mais, puisque la religion catholique apostolique et ro- maine était devenue, depuis la conversion de Clovis, la reli- 27 - 206 SECOND MÉMOIRE SUR gion de l’état, on a dù nécessairement classer la loi de cette religion dans le nombre des lois nationales. Les Romains, qui ont été maîtres des Gaules pendant plus de quatre siècles, se confiant en leurs forces et puissance, ont voulu faire adopter par les Belges, leurs lois, leurs mœurset leurs Dieux; il n’en est résulté que révoltes sur révoltes ; et à peine ces orgueilleux maîtres du monde furent-ils chassés de la Belgique, que les Belges reprirent leurs anciennes lois et Procop 4 mœurs ; M0resque omnes patrios retinuére, quos eOrum pos- Francis. Hist. des états-gén., {er ad se transmissos adhuc rite observant. n®%get to. mes CÜy a beaucoup à gagner en fait de mœurs, a dit Mon- tesquieu , à garder les anciennes coütumes ; à ce principe de morale s’unit un autre de politique pour un conquérant ou Esp. des lois, NOUVEAU souverain, celui de ne rien changer que l'armée et le IR O0m du souverain. Ces deux grands principes ont guidé les Francs dans leurs conquêtes et les ont consolidées. Ils laissèrent à chaque na- tion non-seulement ses lois, ses mœurs et ses usages, mais encore ils en respectèrent les habitudes et les préjugés, en les traitant avant tant d'impartialité et d'humanité, que les peuples vinrent au-devant d'eux pour chasser par des forces réunies les Romains des Gaules. C’est par ces moyens que Clovis fonda l'empire de Char- lemagne, le plus vaste qui aït existé depuis, et qui, au milieu de la diversité de ces lois nationales, ne nous offrirait aucune insurrection ou défection nationale, si la sureté de ses fron- tières n'eüt pas obligé Charlemagne de dompter les Bas- Saxons ou Frisons; mais tout en les domptant, il ne s’écarta pas du grand principe; car il leur laissa leur loi nationale, {ex LA LÉGISLATION DES GAULES 207 Saxonum ; et pour les détacher de leurs pratiques païennes et les civiliser, il leur donna des évèques. Les Wisigoths ont suivi les mêmes principes et avec le même succès, comme on pourra le voir dans mon Ænalyse de l’hastoire des droits civils et politique des Gaules, liv. 3, chap. x, qui paraîtra bientôt. Ainsi, chaque nation conserva sa /o7 nationale, et tous les individus de la nation devaient être jugés suivant elle par des juges pris dans la nation. Quelque grand que fût l'attachement de Charlemagne à la religion catholique, il n’en respecta pas moins les pratiques du paganisme dans ceux de ses sujets qui la professaient, comme celles de l’arianisme dans les Goths; et si nous trou- vons dans les capitulaires tant de lois contre les superstitions et les pratiques païennes, elles ne concernent que les païens devenus catholiques, mais non pas ses sujets qui n'avaient pas encore embrassé la vraie foi. Telle fut aussi la politique de Théodoric, roi des Wisi- goths qui, quoique arien, vivait dans la plus grande inti- mité avec Sidonius, évêque catholique de Clermont et lui accordait toute la confiance, comme il est prouvé dans mon Analyse, loco cit. C’est par l'instruction des évêques, et non par contrainte, que les païens et les hérétiques des Gaules et des Espagnes ont été ramenés à l’unité de la foi, et qu'une fois rentrés dans le bercail, l'église, par sa sagesse et sa prudence, est parvenueà concilier avec ses principes des pratiques et des superstitions paiennes, auxquelles il était impossible de faire renoncer de 27: 208 SECOND MÉMOIRE SÛR plein saut ces nouveaux convertis. Plusieurs de ces pratiques paiennes sont encore en vigueur, sans qu’on s’en doute. Il entrait, entr’ autres, dans leurs pratiques religieuses d’al- lumer, sous des couronnes de fleurs, de grands feux et de sauter par la flamme, prévenus que tous ceux qui n’en étaient pas atteints, étaient invulnérables pendant toute l'année; or, comment faire renoncer à cette pratique des hommes tou- jours armés ? Mais l’époque de cette cérémonie coïincidait avec les fêtes de St.-Jean et de St.-Pierre; l’église leur laissa cette pratique, sauf à dédier ces feux à l'honneur de deux saints, de l’intercession desquels ils devaient plus attendre que de leurs faux dieux, dont ils reconnaissaient l'impuissance et l'existence fabuleuse. Ils se rendirent à la raison, et voilà l’o- rigine de nos feux à la St.-Jean et à la St.-Pierre, et de l’u- sage de sauter encore par la flamme sans savoir pourquoi. Les filles nubiles portaient au col des médaillons de Vé- aus ou de l'Hymen pour obtenir par sa faveur des époux ; les femmes mariées, des médailles de Cybèle et de la Lune, pour obtenir la fécondité et des accouchemens heureux ; il n’était pas plus aisé de les y faire renoncer, que les hommes à leurs feux; mais, par l'impuissance de leurs fausses divinités, l’é- glise les engagea à porter des médailles aux effigies de la Ste.-Vierge, de Ste.-Anne ou d’une autre sainte ; voilà l’ori- gine des so/idées de nos femmes et de nos filles. Nos processions par les champs pendant les jours des Ro- gations ont été subrogées de même aux processions de la sta- tue de Cybèle ou Berecynthia par les champs pour obtenir de bonnes récoltes. C'en est assez pour le présent sujet; je me réserve, dans LA LÉGISLATION DES GAULES 209 des momens de plus de loisir, de donner un supplément au Mémoire de M. Des Roches, sur la religion des peuples de l’ancienne Belgique, inséré dans le tome I des Mémoires de l’Académie et d’en relever quelques explications qui me sem- blent erronées. Les rois francs abandonnèrent l’épurement des mœurs aux évêques et se contenterent de seconder et d'appuyer leurs efforts. Charlemagne porta ses vues plus loin. L'ignorance dans les Gaules était, on ne peut pas plus profonde; il y avait fondé la religion catholique; les dogmes étaient assurés ; mais aucun corps de lois canoniques n’y avait encore établi la disci- pline ; les canons du concile de Nicée n’y étaient connus que par tradition; pour consolider son ouvrage, il fit trois voya- ges à Rome; et de concert avec le saint père et avec les évé- ques de son royaume, il donna aux catholiques de ses états cette lex ecclesiasticæ, qui fait le sujet du présent Memoire. Les capitulaires divisent la ror NATIONALE en deux bran- ches, l’Ecccesrasrica et la munpanxa dans les premiers temps; lECCLESIASTICA comprenait les canones des conciles ; inutile de dire, que je n’entends parler ici que des lois de l'Écrise et nON Pas DES ÉCRITURES SAINTES et de la TRADITION ; plus tard, on y a compris les DÉCRETS et RESCRITS des souverains pontifes, le DÉCRET DE GRATIEN et finalement les DÉCRÉTALES; c’est ce que démontre avec cette profonde érudition qu’on lui con- naît, le céleébre Boëhmer dans son Jus ECCLESIASTICUM PROTES- TANTIUM , ét. de constitutionibus , et dans ses deux dissertations qui servent de préface à ses deux volumes du corpus juris CANONICI. 210 SECOND MÉMOIRE SUR Fumer de L'on trouve cette LEX ÉCCLESIASTICA , appelée Jus cANONICUM ; constit., n° 6. le décret de Gratien, les décrétales et ce que nous appelons Zbid. ,ju° tte le CORPUS JURIS CANONIGI, sont connus sous le nom de jus com- 49 et passim. 14. Disser.ad MUNE ; de sorte que c'est une assertion fausse et creuse, qu'on decret. $ r2, Grat. a vu avancée dans un Mémoire qui a été présenté au concours de l’Académie de Bruxelles, que, « lorsque nos édits et nos » coûtumes renvoient, en matière ecclésiastique, au DRoIT » COMMUN (gemneyn recht) ou au pROIT ÉCRIT (geschreven rechten) » on ne doit pas entendre par là le corpus JURIS CANONICI, mais » uniquement les LIBERTÉS DE L'ÉGLISE BELGIQUE. L'auteur de ce Mémoire, M. l'avocat d'Hoop, de Gand, n'avait pas assurément remarqué que le corps de droit canon est bien formellement appelé sus scriprum dans une décré- tale adressée en 1195, à l'èvèque de Paris; que van Espen, P. 1, tit. 4, dit que les décrétales sont recues en Belgique, pro jure communt; que le président Wielant, en sa pratique civile pour la Flandre, divise bien formellement le Droit ÉCRIT en ecclésiastique et civil, c. 25,art. 14 et 15,et que par le droit ecclésiastique il devait être entendu celui « que les » papes et les saints conciles ont fait et décreté sur le fait de » la jurisdiction de la sainte église ; » qu’enfin, il n’aurait pas fallu des concordats entre nos princes et la cour de Rome, ni des édits restrictifs de la jurisdiction ecclésiastique, si le droit canon n’eût point formé, dans les Pays-Bas, le droit commun en matière canonique. Que signifient d’ailleurs ces libertes de l’église belgique ? l'auteur de ce Mémoire a-t-il trouvé cette dénomination dans une seule pièce publique ou privée des Pays - Bas avant le milieu du XVIII: siecle? Si ces prétendues Zbertés eussent été connues, comment n’eussent-elles pas été invoquées par van LA LÉGISLATION DES GAULES. 214 Espen qui, dans des circonstances bien malheureuses pour lui, a tant fait valoir les Zbertes de l'église gallicane ? iln’ap- partient pas à mon sujet de parler de celles-ci, pour n'avoir été proclamées qu’en 1682 et sur lesquelles je ne saurais rien dire de neuf, après le savant Charlas, qu'on lit si peu. Mais je dirai, dans l'intérét de l'histoire Belgique, et comme contemporain, que le nom de Ybertés de l'église beleique, n’a été entendu en Belgique, qu'après le milieu du siècle passé, lorsque les doctrines, qu’on appelle aujourd'hui Zbé- rales ont commencé à reprendre dans ce Pays; qu'ensuite ces doctrines furent accueillies par le gouvernement, comme elles l'ont été progressivemeut par la plupart des autres cours de l'Europe; qu'il fallait les professer sous peine de passer pour bigot ou pédant; qu'on rayait des dictionnaires le mot exemple pour le remplacer par celui d’antecédent, parce que le mot exemple porte avec soi une idée d'autorité, tan- dis que le mot antecédent n'est pas plus clair que celui de libéral, et qu'enfin l'on apporta tant de zèle pour consolider ces nouvelles doctrines, que les grandes puissances font au- jourd'hui des efforts pour les extirper. C'était se mettre à la hauteur du ton dela cour que de parler des Libertés de l'église belgique ! Ces notions sur la nature de la ex ecclesiastica prémises, ‘abordons la question de savoir « si le pRoIT canoN ou le cor- » PUS JURIS CANONICI a eu force de loi dans les Pays-Bas? et » jusqu'à quel point, avant le nouvel ordre de choses? » Il semble que ceux de mes compatriotes, qui l'ont traitée, n'ont pas remonté assez haut, pour parvenir à un résultat exact et décisif. 212 SECOND MÉMOIRE SUR RSA Sans aller chercher la juste époque à laquelle l’évangile a inBelg-Evang. Été prêché dans les Pays-Bas, question qui a été traitée par Pctoram se. Les savans bellandistes, les historiens sont assez d'accord que ket.S8.Belgii. l’on n'a commencé à y'établir publiquement des églises et à organiser l’hiérarchie ecclésiastique, qu'au IV® siècle, après nenvie que Constantin-le-Grand eut embrassé la foi. La première ris, tom. 2. église à Paris, fut bâtie sous Valentinien T, vers l’an 375, sous linvocation de St.-Etienne. Mais déja au commencement du Ve siècle, le pape Inno- cent ], qui est mort l'an 417, écrit qu'il est notoire qu'il n'existe, dans les Gaules, aucune église qui n'ait été établie par les pontifes romains. « Manifestum est, in omneu Italiam, Épist adDe-» GaLLras, Hispanias, Africam atque Siciliam et insulas centium Ep. . . . Dates . sie Eugubinum in interJacentes, NULLUM 1instituisse ecclesias, nisi eos, quos disquis. supra Sa. » venerabilis apostolus Petrus aut ejus SUCCESSOReS CONSTITUE- » RUNT SACERDOTES. » Cette assertion se justifie par le plein pouvoir que le pape Hormispas donne à St.-Remi, au commencement du XIe siècle, de rétablir dans la Belgique, les églises que les Francs, avant leur conversion à la foi, avaient pillées ou détruites ; en vertu de ce pouvoir, St.-Remi érige un évèché à LZaudunum Cla- Ro vatum (Laon) AFRICANORUM CANONUM €t APOSTOLICA FULTUS AUC- apudMireum, TORITATE. tom,.1,p: 341. Mais si toutes les églises, dans les Gaules et dans la Bel- gique, ont été depuis le Vesiècle, établies par les papes seuls, quel doute raisonnable peut-il rester, si les lois et les usages de l’église romaine y ont été introduits en même temps, lorsqu'on fait d’ailleurs attention que les Gaulois et les Bel- ges, nouvellement convertis, ne pouvaient en connaître d’au- LA LÉGISLATION DES GAULES. 213 tres? Et en effet, nous voyons St-Remi n'invoquer que les canons africains et l’autorité du pape; si les Gaules en eus- sent eu de particulières, qui seuls les obligeassent, St.- Remi eüt-il invoqué ceux de l’église d'Afrique ? Examinons maintenant en quoi consistaient ces lois et ces usages de l’église de Rome ? Du temps du concile de Calcédoine, tenu en 451, l'on y voit invoquée et lue une collection de canons, sous le titre de Codex canonum UNIVERSÆ ECCLESIÆ, que nous avons en- ns core; on ne connaît point de collection plus ancienne de ca- (he nons. Le pape, St.-Léon, premier du nom, s'est occupé d'in-t. r,p. 46. troduire et de faire observer les canons compris dans cette collection, en Italie, dans les Gaules et dans la Germanie; Fame ii ainsi ces canons de l’église universelle ou plutôt cette collec- IMMINErE. » Dans le premier cas, il s'agissait d’un empèchement diri- ment purement ecclésiastique; dans l’autre, il était question de faire le procès à l’évêque Prætextatus, prévenu de félonie. Cette instruction et ce jugement tenaient de bien près, même pour le fond, à la justice séculière; cependant le roi fait ser- ment qu'il ne fera rien en cette affaire, qui soit contraire à la loi et aux canons : « Porrectà dextrà, juravit per omni » potentem Deum, quod ea, quæ lex et canones edocebant, » nullo prætermitteret pacto »; et après que l'évêque Prétex- tat se fut reconnu coupable de félonie, devant le roi et les évèques , le roi partit et envoya aux évêques le Zbrum cano- num(r),les requérantqu’ils eussent condamné l’évêque coupable à certaine peine qu'ilindiquaïit ; mais, dit Grégoire ,attendu que la peine indiquée n’était pas conforme aux canons, ego res- titi, je m'y suis opposé, et le désir du roi n’a point été ac- cueilli. Je n’entends pas justifier la compétence de ces évêques; je n’en fais usage que pour prouver que le roi reconnaissait que le droit canon avait force de loi dans les Gaules. (1) Ce Zber canonum n’était pas la collection de Denis-le-petit, parce- qu’à cette époque elle n'était pas encore connue dans les Gaules, comme le prouve D. Ruinart #7 not. f. dans ses notes sur Grégoire de Tours. 29. Greg. Tu. a c. 2 ad ann. 576. Ibidem, c. re. Sigeb. , epist. ad Desid. Ca- pitul., tom, 71, col.143etr44. Hist. eccl. liv.27,ch. 38 216 SECOND MÉMOIRE SUR Le VII siècle en offre des preuves non moins décisives : l'évêque Fulfolendus avait convoqué l'évêque Desiderius à un concile provincial au premier septembre 650; le roi Sigebert en étant informé, lui répond qu’il ne peut être tenu un con- cile dans son royaume sans son consentement, et lui défend en conséquence de s’y rendre, quoiqu’à l'exemple de nos pre: décesseurs , dit-il, nous entendions maintenir nos canons et les règles Le l'église, « licet nos statuta canonum et eccle- »-siasticas regulas, sicut parentes nostri, in Dei nomen con- » servarunt, &#a et nos observare oplainus, » 1 1 Sigebert reconnaît donc le droit canon pour loi dans ses états; mais cette reconnaissance n’empêchait et n'empêche pas que, comme souverain, il ne souffre pas que, sans son consentement, il se tienne des conciles dans son empire; c’est un droit de haute police, qui appartient à la souveraineté, que l’église a reconnu elle-même de tous temps, comme l'at- teste le concile d’Antioche, lequel, suivant Fleury, reconnaît « que GUERRES ce qui be nécessaire, cause du trouble ‘« quand il n'est pas fait à propos. » C'est là aussi le motif fondamental du droit du placetum regium sur les bulles ; et ce ne fut que, par ce motif, que Sigebert empècha la tenue de ce concile provincial, sans son avis et consentement; car, dit- il, « postea vero opportuno tempore, si nobis antea denun- » tietur, utrum pro statu ecclesiastico, aut pro regni utilitate » sive etiam pro qualibet rationabili conditione, conjunctio » ( sacerdotum ) esse decreverit non abnuimus; sic tamen, ut » diximus, ut in nostri prius deferatur cognitionem. » D Dejà avant ces temps, nous apercevons l'usage du pla- ceturn regium sur les conciles, pour en mieux assurer l'exécution par l'accession de l'autorité royale : Clovis fait te- LA LÉGISLATION DES GAULES. 217 air, en 11, le concile d'Orléans; les évêques lui en deman- dèrent l'approbation, non pas pour en revêtir les canons d’une autorité qu’ils croient nécessaire, mais pour en assurer mieux l'exécution « ia etiam, ut, si ea quæ nos staluimus , » etiam vestro recta judicio comprobentur, tanti consensus » reois et domint majori auctoritate firmet sententiam sacer- Pet Fu. » dotum.» Passons au VIITe siecle ; nous y trouvons encore ces canons et ces décrets des papes former le droit canon, ayant force de loi dans les Gaules. Au milieu du VII siècle, il n'existait guères plus de dis- cipline ecclésiastique dans les Gaules. C'était une suite des guerres continuelles, sources de cette znorance, qui a laissé son nom à ces siècles. Loin de connaître encore ces canones et decreta patrum, les canons même du concile œcuménique de Nicée n’y avaient pas encore été promulgués en 742, où CapiulSues. s'ils l'avaient été, ils étaient tombés dans l'oubli ; on ne recon- 5 "7" naissait pas Seulement plus les empêchemens de mariage; Er vu mais l'indissolubilité du nœud conjugal même était devenue Vermerias an- un problème; les évêques ne s'adonnaient qu’à la guerre et" mi. à la chasse; les prêtres ne sachant parler latin et ne le com- prenant plus, baptisaient ë7 nomine Patria et Filia et Spi- Meury, hist. ritua sancta; le peuple adorant le matin le vrai Dieu et sa- 44.7" crifiant l’après-midi à Jupiter, mangeait sans scrupule la chair des victimes païennes, en faisant dessus le signe de la Croix, pen pour les purifier. Des. GE Ce fut pour remédier à tant de maux publics, que Carlo- man convoqua, en 742, la célèbre assemblée des évêques et des grands à Leptines, près de Binche, en Hainaut. 218 SECOND MÉMOIRE SUR C'est dans cette assemblée générale qu'il a été arrêté de Karolom. « l'émettre en vigueur les antiquorum patrum canones ; il est pr 2%.anni dit : « Æ£ omnis ecclesiastici ordinis clerus, episcopi et pres- De . e. . . . « . e « » byteri et diaconi cum reliquis clericis suscipientes antiquo- » rum -patrum Canones promiserunt se velle ecclesiastica Capital. rm . 4 oo o Dre cr. Ÿ JUrTA moribus et doctrina et ministerio recuperare. » Ces antiquorum patrum canones et ecclesiastica jura sont appelés , dans le capitulare primum de l'an 742, canonum de- creta et ecclesiæ jura. On y invoquait bien ces anciens canons; mais il semble qu'on ne les connaissait pas; et c’est en effet bien présumable que des évêques, qui ne s’occupaient que de la guerre et de Capitut, rm a Chasse; que des prêtres qui portaient des saga (sarraux, #74 habitséculier des Francs); qui vivaient avec des femmes ; dont plusieurs n’obéissaient à aucun évêque, ne pouvaient guères avoir des notions des anciens canons de l’église. Cependant, sans les connaître, on était disposé à s’y soumettre, et il fut ré- solu de porter tous les abus et toutes les difficultés à la con- Boëhmer dis- Naissance du pape pour y pourvoir. Le pape Zacharie les à cop as, décide suivant la tradition des pères et de l'autorité des ca- canon. not. 6. nons. « eo aspirante auctoritate apostolica decrevit, juxta » quod & sanctis patribus traditum habemus et canonum » sanxit auctoritas. » Cette éraditio sanctorum patrum consistait en lettres et Ibid.not, ra TesCrits des papes, ses prédécesseurs, selon la remarque du ons savant Boëhmer, lesquels étaient appelés decreta et qui avaient été compilés sous le nom de Zbri decretorum Beati Leonis ; il est très-probable, que pour leur faire connaître ces canons, il LA LÉGISLATION DES GAULES. 219 leur a transmis cette collection avec sa réponse adressée , en mia. 748, à tous les évèques de France et à Pépin, universis epis- copis in regno Franciæ constitutis. - Pépin lui avait soumis vingt-sept points, qui portaient sur l'autorité des Métropolitains, des évêques, des prêtres et au- tres ecclésiastiques ; sur les prêtres réfractaires et vagabonds; sur la continence du clergé et les empêchemens de mariage ; ist. eco. , ces matières étaient sans contredit, des matières canoniques ; "42%: 55. aussi le pape y statue de sa seule autorité apostolique, et pour y statuer, dit l'abbé Fleury , «47 n’invoque d'autres lois que les » anciens canons , contenus dans le code de l’église romaine, » c’est-à-dire, des apôtres, des conciles de Nicée, d’Antioche » et autres avec les décrétales des papes.» Le pape charge St.-Boniface d’assembler un concile et d'y faire lecture de ses décisions; c’est ensuite de ces ordres qu'ont été tenus le concile de Verberie où Fermerie, près de Compiègne, en 952, in palatio regio (1) et celui de Fer: capitur., tr, non (Vernes), en Normandie, en 955, dans lequel Pépin, cs alors devenu roi, proclame ce qui suit: « Suffecerant quidem » priscorum patrum regulæ sanctæ ecclesiæ catholicæ ad mor- talium correctionem prolatæ, si earum sanctissima jura per-- » severassent illæsa ; sed Pipinus rex Francorum recuperare » quantisper Cupiens instituta canonica…. et si lempora spa- » alitiaque tranquilla divinitus ei fuerint collata, cupit ad » plenum secundüum sanctorum canones…. integrè in antea » COnservare. » ÿ (x) J'y ai passé et m'y suis arrêté en 1811; il n'y a plus ni vestiges, ni même de souvenir d’un palais. Capital, tom. 7, col. 357. 220 SECOND MÉMOIRE SUR Il résulte de là, qu’au VIII: siecle, les canones ecclesiæ Ro- manæ formaient encore, de l’aveu même du roi, le droit ca- non des Gaules et de la Belgique, et que par conséquent la loi de Valentinien, qui en avait fait le droit commun en ma- tière canonique, n'était pas encore rapportée. Je n'ignore pas qu'il est des écrivains qui taxent la conduite de Carloman et de Pépin de complaisance et ne l'attribuent qu'à la dévotion indiscrète du premier et à la reconnaissance du roi envers le pape, par l'intermédiaire duquel il était par- venu au trône des Mérovingiens. Mais, s'il était permis de juger de la force d'une loi d’après les motifs qu'on se plait à prêter au législateur, lorsqu'ils ne sont pas énoncés dans la loi même, il n’y aurait guères de loi dont on ne parvien- drait point à détruire l'autorité; et c’est sur-tout dans l'espèce, que cette objection est sans application, puisque nous démontrons que Carloman et Pépin ne se sont conduits, relativement au droit canon, que de la manière que tous ses prédécesseurs s'étaient conduits, depuis Valentinien, Si nous ne nous étions pas proposés de conduire cette dé- monstration de siecle en siècle, nous pourrions nous dispen- ser de parler du IX: siècle, puisqu'il est connu combien Char- lemagne a désiré d'établir tout ce qui tenait au clergé sur le pied romain, au point qu'il fit venir de Rome des chantres, pour introduire dans les églises de son empire le plein-chant romain. Son capitulum de honoranda sede apostolica est une espèce de profession de ses sentimens à cet égard; elle est trop for. melle pour ne pas trouver place dans un ouvrage tel que celui-ci, où la lecture serait sans cesse interrompue, si, faute ” LA LÉGISLATION DES GAULES. 221 d’avoir les preuves sous les yeux, il fallait à tout instant, recourir pour les vérifier, aux monumens historiques qu’on invoque. « /n memoriam, porte-t-il, beat: apostoli honoremus » sanctam Romanam et apostolicam sedem ; ut quæ nobis » sacerdotalis mater est dignitatis, esse debeat magistra eccle- » siasticæ rations; quare servanda est cum mansuetudine hu- » müliter, ut licet vix ferendum ab illa sancta sede imponatur. » Jugum feramus et pi& devotione toleremus; si vero, quod » non decet, quilibet, sie presbyter, sive diaconus, aliquam » perturbationem machinando et nostro ministerio insidiando , » redarguatur falsam ab apostolica detulisse epistolam, vel » aliud quid quod inde non convenerit, salv& fide et integr& » circa apostolicum humilitate, penes episcopum sit potestas, » utrum in carcerem aut in aliam detrudat custodiam, us- » quequo per epistolam, aut per idoneos suæ partis apostoli- » cam interpellet sublimitatem , ut potissimum sud sanct& lega- » tione dignetur decernere, quid de talibus justo ordine lex » Romana statuat definire ut et is corrigatur et cæteris mo- » dus imponatur. » Ainsi, Charlemagne ne reconnaît pas seulement la {x Ro- mana pour le droit commun en matière canonique; mais il reconnaît de plus, que le pape seul est compétent pour l'in- terpréter et pour statuer sur les cas omis ou douteux. Cette /ex Romana ou droit canon consistait alors dans la collection de Denis-le-Petit, et voici comment les églises des Gaules et de la Belgique en avaient acquis la connaissance. Denis-le-Petit, qui a vécu au VIe siècle, et qui est l’auteur de l’ere vulgaire, qui commence à la nativité de notre Sei- gneur, avait fait une compilation des anciens conciles et dé- 29 222 SECOND MÉMOIRE SUR crets des papes; sa collection commence au pape Syrice, qui est mort l'an 308, et par cette raison, les savans regardent pour apocryphes et appellent spuri tous les décrets des papes antérieurs à Syrice, qu'un certain /sidore a publiés comme ayant été découverts depuis. A peine la collection de Denis-le-Petit fut elle connue à Rome, qu’elle y fut approuvée et reconnue pour authenti- me ds que, des lors elle forma le droit commun pour toute l'Italie, 26. et fut successivement augmentée des décrétales des papes sui- Ibid. nota 24. vans, Jusqu'à Grégoire II, en l’an 715. De 774 à 7980, Charlemagne fit trois voyages à Rome ; ayant à cette occasion témoigné au pape son vif désir de rétablir la discipline ecclésiastique dans ses vastes états, le pape Adrien [ lui donna la collection de Denis-le-Petit, comme ibid. nota 37. Étant la meilleure, pour ne pas dire l'unique qui fut authen- tique, et que l’église de Rome suivait comme telle; cette collection n’était pas encore connue dans les Gaules; Char- lemagne l'y introduisit ; les églises des Gaules la reçurent Ibid. not 70. Dour authentique; et, dès lors, elle forma le Jus canonicum universale des Gaules, comme il se voit par la lettre d’Ærnc- bid. nou 38. mar à l'archevêque de Rheims. Il nous manque plusieurs capitulaires de Charlemagne et notamment des premières années de son règne; mais le grand capitulaire d’Aix-la-Chapelle, de lan 769, nous apprend déjà combien ce prince a fait un usage avantageux de cette col- lection. je Il y exhorte les évèques assemblés à prendre toutes les me- ce . sures convenables, pour mettre en vigueur les canonicas Capit. Aquis- à 1 va . : 7e grananni789. sanctiones et paternas traditiones universalium conciliorum. LA LÉGISLATION DES GAULES. 293 On n’a qu'à lire les capitula de cette assemblée pour se convaincre, qu'ils consistent en décisions ou décrets des pa- pes Syrice, Léon et autres, et dans les canons des conciles ; le chap. 57 porte, même : « Ve quid vero sit quod præter- » missum à nobis forte credatur, omnia decretalia constituta, » tam beatæ memoriæ Innocentis, quäm omnium decessorum » nostrorum, quæ de ecclesiasticis ordinibus et canonum pro- » mulgata sunt disciplinis ita a vestra dilectione custodiri » debere mandamus ; » et l’on peut voir dans Gratien ce que le pape Léon y entend par decretalia constituta. Distinct. 20: Charlemagne a donc reconnu , à l'exemple de ses prédéces- seurs, le droit canon comme ayant force de loi dans ses états ; et, loin de se croire autorisé de l’abolir ou d’y porter atteinte, il envoie aux pères du concile quelques articles, qui sont ceux qui suivent apres le 58°, et en leur proposant de les adopter , il les prévient, tant dans le préambule général, que dans le préambule particulier, qui précède ces articles addi- tionnels, qu'il ne leur fait pas cette proposition par présomp- tion, mais seulement par forme d’avis ou admonition. Je ne pense pas qu’on attende de moi, que je parcoure pré- sentement la période du X° siècle, pendant laquelle les fai- bles descendans de Charlemagne ont encore occupé le trône ; car ce n’est pas pendant leur règne que le droit canon ait perdu la force de loi, puisqu'au contraire l’on en a trop abusé pour abaisser et vilipender l'autorité royale. Je passe donc à la troisième dynastie, qui a commencé en la personne de Æugues Capet, vers la fin de ce même siècle. 29. 224 SECOND MÉMOIRE SUR Boëbmer,dis- La collection d’/sidore, surnommé Peccator et non pas Her- 5." cator, s'était répandue dans les Gaules, pendant le IXe siè- cle. Les plus savans évêques de ces temps là tenaient pour suspecte (spuria), comme le prouve Boëhmer, par Æincmar de Rheims; ils ne la rejettaient pas cependant absolument; mais voyant que diverses de ces décrétales suspectes avaient été reconnues par Louis-le-Débonnaire pour véritables et avaient été incorporées comme telles, dans ses capitulaires , ces évêques, ne sachant pas mieux, dans ces temps d'igno- id. not. 6: rance, n'osèrent plus à la fin contester l'authenticité de cette FSas collection. Hé! quels moyens avaient-ils pour la contester? existait-il une compilation des canons antérieurs au pape Syrice ? C’é- taient donc des décrétales et rescrits isolés et détachés qu'Isi- dore disait avoir découverts; or, comment en prouver le faux matériel sans voir les pièces, ou le faux formel sans une cri- tique, dont faute de livres et dans ces siècles d'ignorance, personne ne fut capable? Aujourd’hui même ne découvre-t-on pas le faux de chartes, que lon avait réputées jusqu'ici sin- cères malgré les règles de critique établies depuis l'inven- tion de l’art typographique? Jamais, d’ailleurs, la cour de Rome n’a déclaré la compilation d'Isidore authentique, comme elle avait déclaré celle de Denis-le-Petit. L'autorité de la compilation d’Isidore est donc demeurée dans un état de fluctuation aux yeux même de la cour de Rome. On n'avait pas assez de motifs pour la ‘croire authentique, ni des preuves pour la démontrer fausse. Le pape Nicolas I, sur la fin du IX° siècle, reproche même aux évêques des Gaules, que, pour augmenter leurs priviléges et diminuer l'autorité du siége apostolique, ils rejettent les décretales des anciens pa- LA LÉGISLATION DES GAULES. 225 pes, sous le prétexte qu'elles ne se trouvent point dans le codex canonum , qui est celui de Denis-le-Petit; mais qu'ils en font bien usage, lorsqu'elles favorisent leurs projets. Decret. Grat. distinct. 19, c. 1, et Boëhmer. dissert. ad tom. 2, corp. juris can. not. 62. On ne reconnaissait donc pas, de part ni d’au- tre, pour authentique la compilation d’Isidore, en tant qu’elle était postérieure au codex canonum de Denis-le-Petit; et le pape, loin de leur ordonner de la reconnaître, n’en fait pas seulement mention; mais il se borne à combattre leur pré- texte de rejetter les décrétales priscorum pontificum, pour ne pas être comprises dans le codex canonum, attendu, dit-il, que, sous ce même prétexte, vous seriez en droit de rejet- ter les décrétales de St.-Grégoire, et de tous les papes avant et après lui, et l’ancien et nouveau testament même, puis- qu'ils n’y sont pas compris non plus. Toutefois, cette conduite des évêques des Gaules fournit une nouvelle preuve que, sur la fin du IX siècle, le droit canon avait force de loi dans les Gaules, puisqu'ils r’eussent pas dü exciper que ces décrétales n’en faisaient pas partie, si tant fut que le droit canon ne fit pas loi dans les Gaules. Hist. eccl. ; En effet, nous lisons dans l’abbé Fleury, que vers l'an 848 ,5,.48, 6.43: les évêques de Bretagne, assemblés en concile, députèrent vers Rome, pour obtenir du pape sa décision sur divers points, sur lesquels ils ne pouvaient pas tomber d'accord. Parmi les décisions que le pape Léon IV porta sur leurs propositions, il yen a une, en termes généraux, que M. Fleury rend en Français, en ces mots : « que les évéques ne doivent point ju- » ger sur les écrits des autres, mais seulement sur les canons » et sur les décrétales des papes; et il spécifie les conciles et » des papes, compris dans le code des canons. » Par suite de 536 SECOND MÉMOIRE SUR ces décisions plusieurs évêques bretons furent déposés; et si, sur l'autorité des décrétales on déposa les évèques dans une province, dans laquelle , peu auparavant, on érigeait encore de nouveaux évêchés, sans l'intervention du pape, l’on peut en juger, quelle force et autorité les décrétales avaient dans les autres provinces des Gaules. Au IX: siecle, la Belgiqne est passée sous les gouverne- ment de ses comtes héréditaires, dont Bauduin, communé- ment surnommé Pras de fer, fait la tige. Une partie des Pays- Bas fut annexée à l’empire; l’autre demeura, mais seulement à titre de ressort, à la France; le cours de l’Escaut séparait les deux états. Quant à l'empire, Île savant Boëhmer démontre dans son Jus eccl. protest. tit. de constitutionibus $ 12 el seqq. que le Corpus Juris canonici, tel qu'il se compose aujourd'hui, a continué de former le droit commun jusqu'au XVIIe siècle, et qu'il a continué à s'y maintenir ainsi, non-obstant toutes les instances de Luther au contraire ; que, même par un décret formel de l'empire, sous les empereurs Frédéric II et Boëhmer, ib., Rodolphe, il a été confirmé et adopté comme oz de l'empire. $: 25. Quant à la France et la partie des Pays-Bas de son ressort, les arrêts des cours souveraines attestent qu'il y avait pareil- lement force de loi; mais que, depuis les dissentions qui se sont élevées entre Philippe-le-Bel et Boniface VIIL, au XIVe siècle, le Sextus de Boniface, les extravagantes et les clemen- tines avaient perdu beaucoup de leur autorité. Toutefois ces circonstances prouvent, que jusqu’à la naissance de ces dissentions, le droit canon n'avait rien perdu de son LA LÉGISLATION DES GAULES. 227 antique autorité en France, et que ce changement n’a eu d'autre cause, que cette brouillerie ; mais , comme cette brouil- lerie ne regardait pas les Pays-Bas, possédés héréditairement par des comtes souverains, il n’y a pas de motif pour nous d'accorder moins d'autorité au sextus, aux extravagantes et aux clémentines, qu'aux autres parties du corps de droit canon. Et de fait : qu'on recoure aux ordonnances du 12 septem- pee bre 1485 et 20 mai 1497, l'on y verra, que le droit canon a 5 Aus toujours fait le droit commun, en matière canonique, dans nos provinces ; que les Belges étaient obligés quelquefois d’al- ler plaider à Rome en première instance, et que cette juris- diction papale s’étendait par fois jusqu'aux matieres civiles, à la faveur de la clause sub pæmis cameræ. Ces ordonnances prouvent en même temps, qu'en les portant, aucun de nos comtes n'a entendu contester à la cour de Rome sa compé- tence de jurisdiction dans les matières canoniques ; mais qu'ils n'ont eu d'autre but, que d'arrêter les abus que la chancelle- rie et la rota de Rome faisaient de la jurisdiction du pape, en obligeant les Belges d'aller à grands frais plaider à Rome. Il faut toujours distinguer entre le pouvorr et l'abus du pou- voir ; entre la los et ses ministres. Lorsqu'il s’est agi du pouvoir, nos princes, à l'exemple de tous les souverains des pays ca- tholiques, ont toujours concilié les discussions avec la cour de Rome par des traités et des concordats; mais lorsqu'il s'agissait de l'abus de ses ministres et de l'empiétement de ses tribunaux , ils les ont réprimés par des édits ou par des ap- pels comme d'abus. Ainsi la comtesse Marguerite de Flandre et Hainaut fit faire opposition par son procureur en 1266, à ue l'exécution d'une bulle Dbénéficiale. Cest sur de pareils abus rai tom. pas. 1290: 228 SECOND MÉMOIRE SUR que roulent les ordonnances de 1485 et 1497 précitées; ïl résulte même de celle de 1497, que ces appels ne se faisaient pas dans ces pays au parlement, mais au pape ; et faute par lui d'y pourvoir au saint futur concile général. Ces édits ne concernent que lés provisions apostoliques des bénéfices va- cans dans ces pays et les évocations en la cour de Rome ; aussi nos princes ne portent ces ordonnances qu'en tant que en nous est; il y a donc abus et erreur à les étendre à d’autres matières. Si, au reste, quelqu'un s’avisait de contester au droit ca- non la force de loi et de droit commun en matière canonique dans les Pays-Bas, je lui demanderais quelles sont donc les lois et où elles existent, qui aient été suivies ex cette matière dans notre pays? Mais en disant qu'il avait force de loi dans nos pays, il ne faut pas entendre par-là que toutes les décrétales indistinc- tement eurent force de loi et y formèrent le droit commun; le corps du droit canon comprend d’abord toutes les matières mixtes et les canoniques; or, ce n’est que dans les matières purement canoniques, qu'il formait le droit commun; il le formait aussi dans les matieres mixtes, mais en tant seule- ment, que ses dispositions ne fussent pas contraires à nos lois nationales et civiles ; cette position résulte de l’universa- lité des consultes de toutes les cours royales et des avis des états des provinces, données sur la réception du concile de Trente, qui se trouvent rassemblés dans le #ractatus de jure Belgarum circa bullarum pontificiarum receptionem, du con- seiller Stockmans ; en conséquence le concile de Trente a été reçu sur l’ancien pied, savoir : « sans préjudice des hauteurs, » droits, prééminences et jurisdiction d’icelle , ses vassaux, LA fÉGISLATION DES GAULES. 229 » estatz et subjectz, lesquels on entend devoir demeurer en » tel estat, qu'ils ont été jusques ores, sans rien changer ou _» innover, mesme quant à la jurisdiction laïcale jusques à » présent usitée sur les ecclésiastiques, aussi le droit de pa- » tronage laïcal, indult et droit de nomination, cognoissance » de cause en matière possessoire de bénéfices et dismes pos- » sédées ou prétendues et administration jusques ores usi- » tée par les magistratz et aultres gens lays sur les hopitaux » et fondations pieuses et autres choses semblables, plus am- » plement reprises par l'avis autrefois par vous donné sur le » fait de l'acceptation générale dudict saint concile, les quels » advis aurez à recevoir et regarder si en conformité d’iceluy » et aussy selon aultres nouvelles occurrences depuys sur- » venues l’on vous pourroit sur ce donner quelque ordon- » nance ou instruction et icelle entre vous concevoir avecq » clause d'y pouvoir adjouster, commuer ou changer selon A » qu'avecq le temps sera (trouvé) convenir , tenant cepen-f pu Ha » dant bon soing, que rien soit changé ou innové comme 5, es » dessus. » Il n'est donc pas bien possible de déterminer en principe Boëhmer, dis- général, en quelles matières le corps de droit canon doit ser- cat vir de règle absolue, non plus dans les Pays-Bas, que dans "92-518, n0- les autres parties du monde chrétien; tout ainsi qu'il n’est pas possible de le déterminer pour le corps de droit civil ou romain. C’estsur ce motif que Boéhmer censure le professeur Scharck de 2 cons- et ensuite Lurkens, Struvens et Rhetius ; le premier pour avoir posé la question en thèse générale, et les autres pour avoir restreint l'autorité du corps de droit canon, 1° aux affaires des mariages; 20 aux causes pies; 3° aux pactes et aux em- G2 J0 ao SECOND MÉMOIRE SUR phyteus ; 4° aux biens ecclésiastiques ; 5° aux testamens ; 6° aux sermens ; 8° à l’ordre judiciaire; 9° aux usures; 10° aux an- tichrèses, et 11° aux dîmes. À son tour, il établit d’autres regles sur l'autorité du corps de droit canon, qui sont plus conformes à l’usage général et à la saine raison, et qui coïncident avec les réserves déter- minées par les actes d'homologation de nos coutumes belgi- ques sur l’autorité du corps de droit civil, «lequel est déclaré » avoir force de loi dans tous les cas non décidés par la » coutume particulière du lieu, ou par la coutume générale » de la province ou par les ordonnances de nos souverains. » Ibid, 6 75. Ainsi, pour savoir, dit Boëhmer, si le corps de droit ca- non doit servir de regle pour la décision, il faut examiner avant tout : 10 Si la disposition du droit canon, qu'il s’agit d'expliquer, est en analogie avec les lois fondamentales de l’état ? Cette règle est fondée sur l'approbation de Clovis et sur le consentement du roi Sigebert, rappelés ci-dessus, dont le pre- mier revêt de sa sanction le concile d'Orléans, et l’autre dé- fend de laisser tenir un concile dans ses états, sans son con- sentement. C’est aussi dans ce sens, qu'en 11953, il fut jugé à Bruges, sur la propriété de quelques maisons du chapitre de St-Donat, non solum jure ecclesiastico, sed etiam lege totius Miel, tom & Curiæ Flandrensis. page 717: 2° Si cette décision canonique n’est pas contraire aux sy- nodes, aux concordats, aux usages constans des Pays, et si elle est compatible avec eux ? LA LÉGISLATION DES GAULES. 231 Cette règle est conforme au rescrit du pape Honorius IIL, Cæx: de cousuet. au chapitre de Paris et à la décrétale déjà invoquée. C. II. cod. tit. Mais, à l'égard de ces usages, dit-il, il ne faut pas y aller lé- gerement; il faut au contraire, examiner mürement, si cet usage, qu'on prétend opposer à la loi, est constant, certain et général ? A défaut de ces deux règles, dit-il, il faut tenir que le cor- pus juris canonici forme le droit commun en matiere cano- nique. Cependant, il est toujours sous-entendu que le canon qu’il s’agit d'appliquer, soit reconnu pour authentique, puisque l'authenticité n'est pas accordée aux compilateurs Gratien et Isidore, mais au pape, dont le canon est émané. Et telle a été toujours la règle suivie, tant par nos princes, que par les évèques mêmes des Pays-Bas; la lettre de l'évêque Etienne, qui fut sacré évêque de Tournai, en 1192, forme la série de nos preuves. « Rursus, écrivait-il au pape, s? ventum fuerit ad judicia » quæ juro canonico sunt tractanda, vel a vobis vel ab ordi: » narüs cognoscenda, profertur a venditoribus inextricabilis » sylva decretalium epistolarum , quasi sub nomine Alexandri Boëhmer,dis- » pape ; et antiquiores sacri canones , abjiciuntur , respuuntur, nu » eæspuuntur. » I sollicite le pape en conséquence de vouloir *°* He déterminer quels sont ceux, dans ce grand nombre, qui sont sincères et véritables , et c’est aussi ce que nous devons exa- miner lorsqu'il s’agit d'appliquer une décrétale , dont l'authen- ticité n’est pas bien reconnne; car il est bon de savoir que; dans le nombre , il y en a dans le corps de droit qui sont tronquées, et qui, si elles étaient insérées en entier, présen- 232 SECOND MÉMOIRE SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. teraient une toute autre décision ; telle est, entr’autres, la fameuse décrétale Zanta est vis matrimonu ; elle déclare les enfans adultérins incapables de légitimation per subsequens matrimonium ; si elle y était insérée en entier, l’on verrait que la légitimation a été refusée, parcequ'a cette époque, la- dulterium simplex formait un empèchement dirimant ; ce qui a été changé depuis, de sorte qu'il ne peut y avoir de doute qu'aujourd'hui, les enfans provenus d’un simple adultère, ne soient légitimés par le mariage. Audenarde, le 29 juin 182r. J. J. RAEPSAET. MÉMOIRE DANS LEQUEL ON EXAMINE QUELLE PEUT ÊTRE LA SITUATION DES DIFFÉRENS ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE, DEVENUS CÉLÈBRES COMMENTAIRES DE CÉSAR, PAR LES ÉVÉNEMENS MÉMORABLES QUI S’Y SONT PASSÉS ; Par M. DEWEZ. LU DANS LES SÉANCES DU 14 OCTOBRE 1320, 14 AVRIL ET 16 JUIN 18217. DATE tn PAR RP RP PR PP PR PR PP PP PR PR PRPR PP PP PR PP PP PR PP PRIS PAPA PR MÉMOIRE DANS LEQUEL ON EXAMINE QUELLE PEUT ÊTRE LA SITUATION DES DIFFÉRENS ENDROITS DE L’'ANCIENNE BELGIQUE, DEVENUS CÉLÈBRES DANS LES COMMENTAIRES DE CÉSAR, PAR LES ÉVÉNEMENS MÉMORABLES QUI S'Y SONT PASSÉS ; 2 6 00 $ L Où faut-il placer le champ de bataille contre les Nerviens, défaits par César, sur la Sambre, dans sa première cam- pagne D César quitta les frontières des Ambianiens, qui correspondent à la Picardie, et qui touchaient à celle des Nerviens. Æmbra- norum fines Nervi attingebant. Cæs., lb. 2, cap. 15. I partit d'un endroit peu éloigné de la source de l’'Escaut, près du 3r. 236 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE Câtelet. Après avoir trouvé, en trois jours de marche, le pays des Nerviens, il s'arrêta à un endroit ouilrencontra des RU, qui lui apprirent qu'il n’était éloigné de la Sambre que de dix mille pas, et que les Nérs ess réunis aux Atrébates et aux Vermandois, s'étaient retirés au-delà de cette rivière, où les Atuatiques, qui déjà étaient en marche, devaient venir les joindre pour attendre les Romains. /d. tbid., cap. 16. César ayant envoyé des hommes affidés, afin de choisir un lieu com- mode pour asseoir son camp, s'arrêta dans un endroit qu'il y crut propre. C'était une colline qui, de son sommet, va se confondre par une pente égale avec le bord de la Sambre. Sur le bord opposé s'élevait une colline exactement corres- pondante, ayant une même déclivité, dont le bas aboutit à la rivière par une plaine de deux cents pas, et couverte sur le haut d'un bois, dont le feuillage touffu ne permettait pas à la vue de pénétrer aisément dans l'intérieur. La profondeur de la rivière y est de trois pieds. Telle est la description que César donne de cet endroit. Zbid., cap. 18. Mais où est cet endroit? Les opinions des savans varient sur ce point. Bou- cher et Desroches, qui en assignent deux différentes situa- tions, y retrouvent également la plupart des circonstances que rapporte César; la hauteur des bords, la profondeur de la rivière, les deux collines opposées et la forêt. Mais ces deux savans historiens different tout-à-fait sur cette forêt. Le pre- mier y reconnaît celle de Aormal, et le second, s'appuyant d’une note qui lui avait été communiquée par le marquis de Chäteler, y retrouve celle de Marlagne, qui s'étend le long de la rive droite de la Sambre, à peu-près depuis Fosses jusqu'à Namur, et c'est d’après ces deuk opinions diverses qu’ils pla- cent l'endroit de la bataille, le premier, entre les abbayes de Maroilles et de Haut-Mont, aux environs de Berlaimont, DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 237 et le second, à Prèle, village sur la Sambre, à deux lieues de Fosses et de Charleroi. En s’arrêtant ici, ces deux systèmes peuvent être aussi sou- tenables l’un que l’autre. Mais il est d’autres circonstances, qui peut-être donneront plus de probabilité à celui de Desro- ches, et la principale de ces circonstances, la plus propre à l’appuyer, est la distance de l'endroit du départ de l’armée romaine à celui de la bataille. C'est en trois journées que César a parcouru l’espace de terrain depuis l’extrémité du pays des Nerviens jusqu'à l’en- ‘ droit distant de la Sambre de 10,000 pas. Trois milles ro- mains font à-peu-près une lieue commune, et l’on évalue la journée de marche des Romains à 20,000 pas par jour, c'est- à-dire, 6 à 7 lieues, conséquemment 60,000 pas , ou 20 lieues pour trois jours. Or, il n’y a guère cette distance de la source de l'Escaut à l'endroit éloigné de la Sambre de 10,000 pas, qui est l’espace que Boucher suppose que César a parcouru en trois jours. Il observe à la vérité qu'il marchait à petites journées pour ne pas fatiguer ses soldats, qui devaientse battre dès qu'ils rencontreraient l'ennemi, qu'ils savaient n'être pas éloigné. Mais d’abord, c'est ce que César ne dit pas, et d’ail- leurs, on ne peut guère le supposer; car les Romains n'étaient pas habitués aux petites journées , et ces robustes soldats, fortement exercés dès leur enfance à tous les genres de fati- gues, ne marchaient, surtout dans les occasions pressantes, comme celle-ci, qu'a grandes journées, et même à marches : forcées. Il est donc bien plus vraisemblable que le système de Desroches est mieux fondé que celui de Boucher; car comme ces deux savans ont remarqué les mêmes circonstances 238 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE sur la nature du terrain, c’est particulierement sur la distance, point sur lequel ils diffèrent essentiellement, qu'il faut ap- puyer; car c'est ce point qui doit, je pense, décider la ques- tion. Or, l'endroit d’où probablement César est parti, c’est-à- dire, des environs du Câtelet à ceux du village de Reves, province de Hainaut, à 2 lieues de Nivelles, on aura 20 lieues, qui font les trois jours de marche. De ce village à la Sambre, en passant par Fleurus, on retrouve les 10,000 pas de distance marqués par César. Si donc l’on convient que, dans un cas si pressant, César n’a pas dù faire marcher son armée à petites journées, c’est le système de Desroches qu’il faut embrasser. À cette preuve tirée de la distance, j'en joins une autre prise de l’étymologie des noms des endroits où je pense qu'il faut placer le champ de bataille. Je sais que les preuves fon- dées sur les étymologies, qui, pour la plupart , sont forcées, sont souvent futiles et quelquefois ridicules; mais une étymologie naturelle peut devenir une preuve solide, quand elle est, comme il me le paraît ici, tirée d’une circonstance historique. Le nom de Préle, comme celui de plusieurs villages con- nus par des batailles célèbres, vient de prælium , combat. Les endroits voisins paraissent également avoir des étymologies qui ont un rapport bien frappant avec cet événement. Le lieu où la victoire fut décidée, paraît être Vitrival, village à une lieue de Prêle, dans une espèce de vallée, et qui tire proba- blement son nom de la double dénomination de "xctotre et de vallée, victoriæ vallis. Cette terminaison en val est com- _mune à tous les villages situés dans des vallées. Fosses, petite ville à une demi-lieue de Vitrival, par une suite naturelle de ces conjectures si vraisemblables , ne tirerait-elle pas son nom du latin /ossa, qui signifie bien retranchement? Car ne se- DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 239 rait-il pas très-possible que ce fût dans cet endroit que l’une ou l’autre des armées aurait formé ses retranchemens? Cette: étymologie, du moins, ne paraît pas forcée, comme tant d’autres, ni cette conjecture, trop hasardée. Mais une circonstance qui concourt d’une maniere bien frappante encore à appuyer cette opinion, est la quantité d’ossemens humains qu'on a retrouvés à Prêle, comme l’at- teste la note du marquis de Châteler. Or, comme l’histoire ne rapporte pas que, dans la suite, cet endroit ait été le théâtre d'une bataille, on doit remonter à celle des Nerviens pour en conclure que c'est à ce carnage qu'il faut attribuer cette quantité d’ossemens. Ainsi d’abord la nature de l'endroit appuie la preuve que j'ai tâché d'établir pour décider cette question ; la distance des lieux la corrobore; l'étymologie la confirme, et l’amas d’osse- mens la complète. GATE Où était situé le camp de ©. Cicéron, au pays des Nerviens ? César, au retour de son expédition contre les Tréviriens, distribua ses légions dans la Belgique, en différens camps, dont les plus éloignés les uns des autres, ne laissaient entre eux qu’une distance de cent mille pas romains , qui font à-peu- près 33 lieues. arum omnium lesgionum Mare millibus pas- suum € continebantur. Cette expression, à la vérité, n’est pas irès-facile à entendre. Si on l'interprète littéralement, on dira que tous les camps étaient renfermés dans une espace de 33 240 ENDROITS DE L’ANCIENNE BELGIQUE lieues; mais le compte ne serait pas juste; car le camp de Crassus dans le pays des Bellovaques, est distant de celui de Sabinus et Cotta dans le pays des Eburons, (à Ztuatuca, selon la leçon ordinaire), de plus de 5o lieues. Je m'en tiens donc à l'explication de Desroches, qui entend que les plus éloignés de ces camps ne laissaient, comme je viens de le dire, entre l'un et l’autre qu'une distance de cent mille pas. Q. Cicéron, frère de l’orateur, fut chargé de commander la légion que César placa dans le pays des Nerviens. Il y fut vivement serré par les Eburons, les Atuatiques et les Ner- viens réunis, que César, venu au secours de Cicéron, força d'abandonner le siége. Les savans sont divisés sur la position de ce camp. Schrieck le place à ’eltsig ou Velsig, entre Gand, Alost et Audenaerde; Wendelin, à l’audret, entre Mons et Binche; Cousin, à Zournay. Cette dernière opinion est la moins probable. Mais Cousin, natif de Tournai, chanoine de cette ville , aimait sans doute, comme ordinairement ceux qui écrivent l’histoire de leur ville, de donner du relief à son pays natal. L'annaliste du Hainaut, Vinchant, le place à Mons, et il se fonde sur les distances. D’après un commentateur de César, nommé Bandole, il évalue les cent mille pas à 25 lieues, et il trouve cet éloignement de Mons à Térouanne, où était la lé- gion de Fabius; à Tongres, où étaient Sabinus et Cotta, etc. Si son évaluation était juste, la question serait décidée; mais il s'en faut que 25 lieues représentent cent mille pas. L’éva- luation généralement adoptée, et qui paraît la plus exacte, est de trois mille pas pour une lieue, de sorte que, comme je viens de le dire, cent mille pas font à-peu-près 33 lieues, DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. or au lieu que 25 lieues, évaluation adoptée par Vinchant, ne donneront que 75,000 pas. Le savant historien Desroches, qui suit l'évaluation portée à 33 lieues, place ce fameux camp au village d’Assche, entre Alost et Bruxelles, et si l’on ne se décide que par les dis- tances, ce système serait le plus admissible; car, en suivant son évaluation, le calcul est à-peu-près juste, c’est-à-dire, que ces camps présentent en lieues cette distance entre l’un et l'autre. Cependant si l’on considère que les endroits où ces camps étaient placés, ne sont désignés dans César que par le pays en général, #7 Morimis, in Renus,in Nervis, etc., et non en particulier par l’endroit où ils étaient situés, puisque l’un est à Térouanne , ou à Boulogne ; l’autre, à Charlemont, ou, plus haut, entre Charlemont et Revin; le troisième, à Ton- gres, ou, plus bas, entre Maestricht et Aix-la-Chapelle, à Wit- tem, on pourrait fixer le camp de Cicéron à Mons, aussi bien qu'a Assche, parce qu'on trouvera approximativement tous ces camps dans la même distance d’un endroit que de l’autre, c'est-à-dire, que si, en partant de Mons on trouve sur un point une distance plus ou moins forte, qu'en venant d’As- sche, on trouvera également, en partant de ce dernier en- droit, une différence de distance sur un autre point. Tout paraît donc à-peu-près égal. Si maintenant on examine les autres circonstances, je crois qu’on penchera assez pour Mons. C’est d’ailleurs l'opinion de Miræus, Chron. Belg. an. 54 ante Chr., et de Boucher, Belg. Roman. lib. 1, cap. 8, qui place ce camp à Mons ou à Bavaïi. En effet, Mons était anciennement appelé Castri-Locus, nom ; 32 242 ENDROITS DE L’ANCIENNE BELGIQUE vraiment latin, qui probablement est une corruption de Zocus Castrorum , puisque dans ce sens castra n’a point de singulier. Guyse, à la vérité, n’est pas de cet avis : il prétend que l’origine de Castri-Locus doit être rapportée aux Francs plutôt qu'aux Ro- mains. Je crois qu’il se trompe; car cette dénomination, qui pa- raît désigner bien clairement le lieu où fut placé un camp, donne un grand fondement à l'opinion de Vinchant, de Miræus et de Boucher, sur-tout si l’on considère qu’on ne voit pas dans quelle autre occasion ni par quelle autre raison on aurait donné ce nom à cet endroit. La position de ce fameux camp donne d'ail leurs à la conjecture tirée de cette étymologie, toute l’apparence d'une certitude; car cet endroit étant situé sur une grande voie militaire, qui y passait en venant de Bavai (et elle y passe encore actuellement), offrait aux Romains une situa- tion où il est tres-possible qu'ils aient formé un camp. César, qui avait sen quartier général à Samarobriva ou, selon Ptolomée, Samarobriga, nom qui, défiguré par les Ro- mains, signifiait en langue belge, pont sur la Somme, aujour- d'hui Zmiens,ayant appris le pressant danger où se trouvait C1- céron, envoya à Crassus qui commandait la légion placée dans le pays des Bellovaques, aux environs de Beauvais, l’ordre de venir le joindre sur l'heure, et à Fabius, qui commandait celle qui était stationnée dans celui des Morins, aux environs de Térouanne ou de Boulogne, de venir le rencontrer sur les limites du pays des Atrébates. Crassus arriva à Amiens à la quatrième heure du jour, et César, après lui avoir laissé le commandement de la légion destinée à la garde de cette place importante, partit au même instant; et ayant rencontré Fabius au moment fixé et au lieu indiqué, il prit lui-même le commandement de son corps, qui montait à peine à sept DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 243 mille hommes, à la tète desquels il arriva par une marche for- cée dans le pays des Nerviens. En s’approchant de l'endroit où Cicéron était assiégé, il découvrit les ennemis de l’autre côté d’une vallée terminée par un ruisseau. Mais quelle est cette vallée? quel est ce ruisseau? Desroches fait arriver César par le grand chemin, où depuis fut construite la chaus- sée romaine qui passe par Enghien. Il s'arrêta au village de Wambeek, d’où il apereut dans le lointain un vallon, à gau- che duquel est une forêt, qui est celle de Liedekerke, et au bout, un ruisseau, qui est celui de Belle. Il faut convenir qu'ici tout se trouve et tout s'explique. Mais si l’on veut le faire venir sur Mons, il faut le faire passer par l'endroit où, dans la suite, fut bâtie la ville de Valenciennes, et c’est dans ces environs qu'il aura rencontré la vallée; mais où est le ruisseau ? c'est l'Escaut, qui, dans cet endroit était si petit, que César, qui ne connaissait pas ce grand fleuve, put bien prendre pour un ruisseau; car ce n’est que depuis qu'il a été rendu navigable. César défit les Nerviens dans cette vallée le matin , et le soir il arriva au camp de Cicéron; et soit qu'on place cette vallée dans les environs de Valenciennes, pour ve- nir à Mons, soit qu’on la suppose dans le voisinage de Wam- beek , pour venir à Assche, c’est toujours une journée de marche, plus forte à la vérité par la première route que par l'autre. Tout est donc encore à-peu-près égal, et il serait bien dif- ficile de se décider pour un endroit plutôt que pour l’autre, parce que des deux côtés les distances sont ou trop courtes, ou trop longues pour faire un compte juste. Je crois cependant trouver dans un endroit de César un passage qui pourrait fort bien aider à décider la question. La légion de Labiénus 32. 4h ENDROÏTS DE L’ANCIENNE BELGIQUE était placée dans le pays des Rémois, sur la lisière des Trévi- riens, ér Remis in confinio Treverorum. Cette expression dé- termine assez exactement le lieu où était cette légion, car la Meuse sépare les Rémois et les Tréviriens. Puisque ce camp était sur la lisière des Tréviriens, il était donc sur la Meuse. Les Rémois commencçaient à-peu-près à l'endroit où est Revin sur cette rivière. C’est donc un peu plus haut que cet endroit que devait être placé le camp de Labiénus , con- séquemment entre Revin et Charlemont. Or, César dit qu'il y avait du camp de Labiénus à celui de Cicéron 50,000 pas. Cum ab hibernis Ciceronis millia passuum L abesset (Labié- nus). Lib. 5, cap. 53. Or, d’Assche à Revin, on doit compter plus de 60,000 pas, et de Mons, on ne peut en compter que 50,000. Je crois donc pouvoir m'appuyer de ce calcul seul pour trancher la difficulté, et dire que le camp de Cicéron était placé à Mons. $ Ill. Quel est, dans la géographie moderne, l'endroit correspondant à la ville ou forteresse appelée par César opidum Atuati- corum, où ce conquérant forca les Atuatiques, qui s’y étaient retirés au nombre de 57,000 ? Après la défaite des Nerviens, les Atuatiques, qui avaient marché à leurs secours, retournerent sur leurs pas, et sen- tant qu'ils étaient trop faibles pour résister à un ennemi si puissant, que sa victoire rendait plus furieux et plus terrible, ils se jetérent dans une de leurs forteresses (car ils en avaient plusieurs), tres-bien défendue par la nature. Cette place, bor- dée de rochers très-élevés et très-escarpés, n'était accessible DONT IL EST PARLE DANS CÉSAR. 2/5 que par une petite plaine, large de deux cents pas environ. La plupart des historiens et des géographes s'accordent à pla: cer cette forteresse à l'endroit où depuis a été bâti le château de Namur, et le pere de Marne dit qu'il est constant que la situa- tion de ce château est exactement conforme à l’idée que César donne de la forteresse des Atuatiques. Ce sont mêmes rochers, mêmes précipices, même plaine par où l’on peut aborder. En un mot, ajoute cet historien , il semble que César, en décri- vant cette forteresse, avait devant les yeux la montagne où a été construit le château de Namur. Cependant, quels que soient ces traits de ressemblance, il déclare qu'il ne peut se persuader qu’elle ait été placée dans cet endroit. Est-il à pré- sumer, dit-il, que dans la description que César nous a donnée de la forteresse des Atuatiques, il eût oublié de faire mention des deux rivières qui, dans le système de de Marne, devaient entourer presque entierement la forteresse ? Le dernier his- torien de Namur Gailiot, avec qui, dans ma jeunesse, j'ai souvent eu des conférences sur l’histoire de cette province, appuyait cette objection de son prédécesseur. Je lui répon- dais dès lors qu’un général, qui, comme César, écrit l’histoire de ses campagnes, n’est pas obligé de donner une description minutieuse des lieux qu'il a parcourus , et qu’il ne doit insis- ter sur une circonstance topographique que quand elle a pu exercer une influence particulière sur son expédition. Or si, comme il le paraît dans celle-ci, cette circonstance, je veux dire, le confluent des deux rivières, n’a pu ni arrêter ni gé- ner son opération, pourquoi en aurait-il parlé? César a en- trepris plus d’une expédition sur la Dyle, sur la Lys, sur la Senne, sur l'Ourte; il a passé et repassé plus d’une fois ces rivières ; en a-t-il parlé ? il ne les cite pas même. Voilà ce que je répondais, et je ne pus qu'être très-satisfait quand je vis 2/40 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE le savant historien Desroches avancer à-peu-pres les mêmes raisons pour réfuter cette objection. Néanmoins, après y avoir plus profondément réfléchi, je revins à l'opinion des deux modernes historiens de Namur. Je conçois en effet que, dans une circonstance indifférente, un général peut fort aisément oublier ou négliger de parler d'une rivière qu'il n’a fait que voir ou traverser; mais si c'était à l'endroit où est situé Na- mur, qu'eüt été placée la forteresse où César attaqua les Atua- tiques, les deux rivières qui entouraient presque entièrement cette grande montagne, ne pouvaient lui être indifférentes; et si même elles n'avaient pas contribué à faciliter son expédi- tion, ou à la géner, n'est-il pas probable qu'après avoir dé- crit les précipices et les rochers escarpés qui environnent la place, et la pente douce qui les approche, il aurait fait en- trer les deux rivières dans la description qu'il trace de cette forteresse, ne füt-ce peut-être que pour donner plus d'impor- tance et d'intérêt à son expédition, ou plus de grâce à son récit? Car César en général aime assez d’orner ses petits ta- bleaux des traits que lui fournissent les endroits où il s'arrête; et celui-ci, certes, n’eût pas été un des moins pittoresques qu'il eût pu saisir. On sait en effet que des hauteurs qui dominent Namur, la Meuse qui s'avance comme d’un long enfonce- ment, avec majesté et rapidité tout à la fois pour venir allier ses flots à ceux de la Sambre aux pieds de ces montagnes, présente un spectacle fort imposant. Mais je reviens à l'expédition même. César avait élevé au- tour de la place un retranchement de 15,000 pas pour em- pêcher les sorties fréquentes et les escarmouches réitérées par lesquelles les habitans harcelaient et fatiguaient les Romains. Or, les deux rivières n’auraient-elles pas servi d’une excellente DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 247 contrevallation pour la plus grande partie de l’espace qu'il fallait couvrir : il n'aurait resté qu'un petit intervalle de l’en- droit dit {a Patrelle, sur la Meuse, au lieu nommé /es Balan- ces, sur la Sambre, et un retranchement de 1500 pas d'un point à l’autre eût suffi pour achever d’entourer la place. Il paraît donc que de toutes les manières, le silence de César sur ces deux rivières est une forte. objection contre la situa- tion que l’on donne communément à la forteresse des Atua- tiques. Toute cette nation, tant hommes que fernmes et enfans avec leurs bestiaux, étaient renfermés dans cette forteresse, au nombre de 57,000. Or, je le demande, dit le père de Marne, le château de Namur est:il d’une étendue à pouvoir contenir cette quantité de monde et de bestiaux ? Le savant géographe d'Anville a partagé le sentiment de l'historien, et il prétend démontrer l'impossibilité de renfermer tout le monde dans cette enceinte, puisque, selon son calcul, elle ne comportait que 300 toises de long sur 100 de large. Mais l’illustre géo- graphe, qui ne connaissait pas par lui-même les localités, n'a considéré que le rocher sur lequel la citadelle a d’abord été construite , et il n’a pas réfléchi ,ou plutôt il ne l'a pas su, parce qu'il ne l'avait pas vu, que ce rocher communique avec d'autres rochers très-élevés, que César distingue si claire- ment. Or, tous ces rochers réunis présentent une étendue de plus de 1000 toises de long sur plus de 800 de large, et cet espace était certainement plus que suffisant pour conte- nir les 57,000 individus qui s’y réfugièrent. Une réflexion bien simple (et ce sont souvent les plus simples qui échap- pent) détruit cette grande objection, qui, au premier abord, peut donner de l'embarras. Faut:l donc, puisqu'on croit que 248 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE Vopidum Atuaticorum correspond au château de Namur, que l'enceinte de l’un et de l’autre soient précisément la même, comme si l’on avait rebâti l’un sur l’autre dans les mêmes dimen- sions et les mêmes bornes, comme ont fait de Marne et d’An- ville, qui ontsupposé qu'il fallait borner l'endroit quiavait servi d’asyle aux Atuatiques, au rocher sur lequel a été bâti l’ancien château ou donjon qui existait sous les anciens comtes ? Mais il ne faut pas s'y tromper : ce n’est pas dans ce qu’on appelle rigoureusement le château de Namur, que les Atuatiques se sont retirés; c'est dans la forteresse, 27 opidum. Or, cette for- teresse ou ville pouvait être très - étendue ; car les Belges, comme les Germains, leurs ancêtres, n'avaient pas de villes proprement dites, mais des assemblages de maisons, qui ne tenaient et ne touchaient pas les unes aux autres, mais étaient séparées et éloignées par un long espace de terrain. Ces demeures s’appelaient aie, selon Tacite, et les édifices qui les formaient, n'avaient ni cohérences ni communica- tions. Si maintenant l’on peut dire que la forteresse des Atua- tiques comprenait non-seulement l'enceinte du château, mais” encore la prolongation des rochers contigus au château, l’ob- jection de de Marne est réfutée; car si la construction, ou plutôt l'emplacement des maisons ne lui en donnait pas la forme, l’espace du terrain lui en donnait l'étendue; et si en- fin ce n’était pas une ville, c'était une enceinte fermée qui pouvait contenir une immense population. Mais de Marne prétend que par opidum on ne peut pas entendre une si vaste enceinte; car opidum, selon lui, n’emporte pas l'idée d'une ville. C’étaient, dit-il, des retraites au milieu des forêts, mu- nies de retranchemens et de fossés, ou défendues par des bois fourrés. Les Bretons, à la vérité, donnaient ce sens au mot opidum, selon César même. Opidum Britanni vocant DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR - 249 cum silvas impeditas vallo et fossâ munierunt, qud incursio- ris vitandæ caus& conventre consueverunt. Lib. 5, cap. De Marne veut absolument appliquer cette définition à la demeure des Atuatiques. Mais il se trompe, je pense, en restreignant la signification du mot opidum au sens que lui donnent les Bre- tons. Opidum se disait de toutes les villes, excepté de Rome, qui fut la première appelée urbs ; ce n’est que dans la suite qu'on a appelé les autres villes urbes. Mais enfin ces deux mots devinrent synonymes; ils l’étaient du temps de Cicéron, qui dit : Æjusmodi conjunctionem tectorum opidum vel urbem ap- pellant. Le mot ne fait donc rien ici à la chose ; car on peut supposer à une enceinte appelée opidum l'étendue qu’on veut comme à wrbs. Ainsi l'emplacement où l’on peut conjecturer qu'était situé l’opidum Atuaticorum, a pu présenter assez d’étendue pour y placer les 57,000 Atuatiques. Cette seconde objection de de Marne, tirée de l'étendue de la forteresse est donc bien moins concluante que la première, tirée du silence de César sur les deux rivières. La question reste donc toujours indécise. De Marne et d’An- ville, tout en convenant que d’après la description de César, il n’est pas possible de trouver une situation qui offre une ressemblance plus frappante, ne peuvent cependant se déter- miner à y placer la fameuse forteresse. Mais où enfin la pla- ceront-ils ? D’Anville est tenté de reconnaître dans la ville des Atuatiques le village de Fallaix, sur la Mehagne, dont il est presque entouré. Je n’examinerai pas cette opinion, parce qu'elle me parait si peu fondée, que je ne pense pas que, quelque respect que méritent les opinions de d’Anville, celle- ci vaille la discussion. Il ne la donne aussi que comme une conjecture. De Marne n’a pas d'opinion plus fondée. Quel est 39 250 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE donc, demande-t-il, l'endroit où les Atuatiques se retirèrent? Il répond ingénuement qu'il l'ignore, et il ajoute qu’on ne peut le déterminer qu'en conjecturant. C’est dans les environs de Tongres qu'il le place enfin, en convenant néanmoins que la situation moderne de Tongres ressemble peu à la descrip- tion que César a faite de la forteresse des Atuatiques, et il suppose, selon l'opinion commune, que Tongres correspond à la forteresse désignée au be livre de César, sous la dénomi- nation d’Ætuatica. Mais cette opinion est-elle bien fondée ? car enfin des historiens et des géographes respectables, tels que Wendelin et Foullon, lisent Fatuca , et placent cette forteresse à ittem, entre Maestricht et Aix-la-Chapelle. L'édition de Robert Etienne de 1544 porte sur la foi des an- ciens manuscrits, ad Varutam. Ce serait donc encore une autre situation. Je tâcherai d’ailleurs de démontrer dans le paragraphe suivant, que de quelque manière qu'on lise ce mot dans César , il n’est pas possible d'admettre le système de de Marne. Celui des écrivains qui ont placé la forteresse en question à Anvers ou à Bois-le-Duc, est bien moins sou- tenable encore; il est si peu vraisemblable, qu'on peut dire qu'il est ridicule. : Je crois donc devoir m'arrêter à la position de Namur,non du château, mais des environs, qui présentent le même as- pect que le château, mêmes rochers, mêmes montagnes, telles enfin que César les décrit; et son silence sur la Sambre et la Meuse, qui déconcerte ceux qui voudraient, pour toutes les autres raisons, pouvoir placer la forteresse atuaticienne à Na- mur, ne peut plus faire de difficulté, puisque ces deux rivières, étant plus éloignées de l'endroit, ne devaient plus occuper DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 251 César, qui ne pouvait en tirer aucun parti pour son expédi- tion. C’est pourquoi il n’en aura point parlé. J'en reviens donc à l'opinion de mon compatriote Galliot, dernier historien de Namur, avec lequel j'ai eu autrefois plus d’une discussion sur ce point de notre histoire. Je ne pouvais me décider; mais j'hésitais. Cependant après avoir fait avec une nouvelle attention l'inspection de tout le terrain, je me suis convaincu, autant qu'on peut l'être dans un sujet aussi obscur, que c’est bien là, c'est-à-dire, dans les environs de Namur, l'emplacement de la fameuse forteresse. J'y trouve une situation tout-à-fait semblable à cette description de César, qui avait fait penser au plus grand nombre que c'était l'em- placement du château de Namur, et la Sambre et la Meuse ne me génent plus. Je vais développer le plan tel que je l'avais tracé avec l'historien dont je viens de parler. Aux environs de Namur, s'élève une montagne, nommée Hastédon, dont la situation, les rochers et l'avenue ont avec la description de César une ressemblance aussi juste que la position du château. En suivant à gauche le tour de cette montagne par les fonds dits de Æ/euvi, St-Servais, Beau-V'al- lon et St-Marc, et à droite, par ceux d’Ærquet, on ne voit qu'une continuation de rochers et de précipices qui bordent la montagne, et qui se terminant des deux côtés à l'endroit dit les communes de Vedrin, se rejoignent tellement qu'ils ne laissent qu'une seule avenue à une vaste plaine qui contient toute la juridiction de Bernacomines. Ceux qui connaissent cette montagne, son étendue, les rochers qui en forment le contour, comprendront aisément que cette ligne devait né- cessairement passer par l'endroit nommé /4 campagne de St 39: 252 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE Marc et le bois de Friset, et, en revenant sur Namur, par le petit bois de Champion, et que conséquemment cette ligne pouvait avoir au moins 19,000 pas de circuit, qui formaient la ligne de circonvallation de César. Ce plan est appuyé par d’autres circonstances, qui concourent, j'ose le dire, à en con- vertir lasupposition en réalité. Dans la campagne de St.-Marc on a découvert vers le milieu du siecle dernier, un tombeau construit en pierres de taille, dans lequel étaient renfermés un casque, un bouclier, des armes, des ossemens, qui annon- çaient que ce devait être un tombeau romain. Dans les fouilles qu’on a faites à-peu-près dans le même temps au Beau-V'al- lon pour creuser les fondemens des papeteries qu’on y a éta- blies, on a trouvé bien avant dans la terre une quantité d'armes anciennes, casques, boucliers, coutelas, fers, javelots, flèches et autres espèces qui étaient en usage chez les Gaulois et les Belges. Galliot ajoute à toutes ces circonstances une preuve qu’il tire de l’étymologie du mot Hastédon, qui, d’après les vieux chroniqueurs namurois, vient de hastæ donum, parce que César avait obligé les Atuatiques de rendre les armes dans cet endroit. Mais cette étymologie paraît fausse comme tant d’autres, et ne peut conséquemment fournir une preuve. Ce mot /lastédon est celtique, et signifie rnétatrie sur une émi- nence. Cette dénomination est tout-à-fait conforme à la lo- calité. DONT IL EST PARLE DANS CÉSAR. 253 $ IV. Quel est l'endroit appelé dans la plupart des éditions des Commentaires, Atuatuca, au 6€ livre, chapitre 32? C'est, dit César, un petit château, situé au milieu du pays des Eburons. Zd castellt nomen est. Hoc fere est in medus Eburonum finibus. Cluvier pense, et assure même, selon sa coutume, qu'il avait été bâti par les Atuatiques pour conte- nir les Eburons dans la soumission. Ætuatica, dit-il, Æburo- num olim castellum, princeps postea fuit Tungorum urbs. No: men haud dubiè habet ab Atuaticis, qui gentem hanc victam ut facilits in obsequio continerent, castellum istud condide- runt. Ce que Cluvier avance ici comme une chose indubitable, n'est, ce me sembie, qu'une conjecture, qui ne peut être fondée que sur une ressemblance de nom. Mais pourquoi cette ressemblance ? car enfin elle doit avoir un fondement, et le plus probable est celui que lui donne Cluvier; et ce qui y ajoute plus de poids, c'est qu'à l’arrivée de César dans ce pays, les Eburons payaient aux Atuatiques un tribut, dont César les affranchit. OQuod Cæsaris operd, dit le roi des Ebu- rons Ambiorix, stipendio liberatus esset quod Atuaticis fini- timis suis solvere consuesset. Lib. 5, cap. 27. C’est d’après cela que Cluvier suppose, non sans quelque apparence de raison, que la forteresse ou ville d'Atuatuca, avait été cédée aux EÉburons à charge d’un tribut annuel. Tout ce système de Clu- vier n’est donc fondé que sur la supposition où le nom de cette forteresse soit réellement Ætuatuca, comme le porte le très-grand nombre des éditions des Commentaires. Sous Au- guste , les Tongrois ont succédé aux Eburons, ou les Eburons 25% ENDROITS DE L’ANCIENNE BELGIQUE ont pris le nom de Tongri. La ville appelée ÆZtuatuca, qui, du temps de César, était de la dépendance des Eburons, était donc sous Auguste et ses successeurs, du domaine des Ton- grois, et c'est à cette époque qu’elle prit le nom de Tongri, ou Atuatuca Tongrorum, selon l'usage de ce temps, où les villes abandonnant leurs anciens noms, prenaient simplement celui du peuple, ou l’ajoutaient au génitif, à leur nom primi- tif, comme Remi, ou Durocortorum Remorum, Reims, Pa- rist, où Lutetia Parisiorum, Paris, etc. C’est à cet endroit Ztuatuca que de Marne voudrait fixer la forteresse où César forca les Atuatiques. Il convient cepen- dant que la situation moderne de Tongres ressemble peu à la description que César a faite de cette forteresse. Mais les changemens que cette ville et ses environs ont éprouvé pen- dant tant de siècles par les grands travaux qu'on y a prati- tiqués, soit par des défrichemens, soit par des constructions, ont pu, selon cet historien, en changer la face. Mais ils n'au- ront pas changé la nature et la forme du terrain, et l'on y retrouvera sans doute encore quelques traces de l'aspect qu'elle avait au temps de César. Or de Marne même con- vient qu'elle n'en présente pas : aussi répète-t-il qu'il ne donne cette idée que comme une conjecture. Pourquoi donc y place-t-il la forteresse en question? Parce que ne croyant pas pouvoir l'indiquer à l'endroit où est Namur, il fallait bien qu'il la placât quelque part , et il ne trouvait pas d’endroit, qui, sinon par rapport à la situation, du moins par rapport au nom, s’y prêtàt d’une manière plus vraisemblable, ou du moins plus commode. Mais il n’estpas moins vrai de dire que ce sera tou- jours une étrange méprise , ou plutôt une singulière licence de placer cette forteresse à un autre endroit que celui que César DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 255 indique. Il distingue en effet les deux endroits si clairement, qu'on ne peut, ce me semble, sy méprendre. Le pays des Atua- tiques était garni de plusieurs villes et forts. Dans ce nombre, il s'en trouvaitune, opidum, qui était ires-bien fortifiée par la na- ture, et c'est dans celle-là qu'ils se retirent à l'approche de César, vainqueur des Nerviens. Cela me paraît très-clair. Le pays des Eburous, au contraire, n'avait qu’un fort, castellum, où, dans son expédition contre les Eburons pendant la cin- quième campagne, César plaça un camp pour y déposer ses bagages. /mpedimenta omnium legionim Atuatucam contu- lit. Id castelli nomen est. Lib. 6, cap. 32 sup. cit. Voilà donc déjà, pour le dire en passant, une grande différence dans la dénomination des deux endroits : opidum est une ville; cas- tellum, un fort, un petit fort, et de Marne tombe ici dans une contradiction causée sans doute par une inadvertance. Si c'est dans ce dernier endroit, à Ætuatuca, petit fort, qu'il faut placer la forteresse, c'est-à-dire, à Tongres, comme il le voudrait, comment donc y placera-t-il les 57,000 Atuatiques, qu'il ne sait déjà placer dans le lieu où ils s'étaient retirés, qui était une ville, opidum ? car c'est une des principales rai- sons pour lesquelles il ne peut se résoudre à reconnaître la situation de Namur dans la ville des Atuatiques. D'ailleurs, en adoptant le système forcé de de Marne, on bouleverserait toute l'expédition de César, qu'il est si facile de suivre dans les différentes campagnes qui la partagent. C’est dans la premiere qu'il défait les Nerviens. Les Atuati- ques, qui venaient à leur secours, apprenant qu'ils sont bat- tus, se retirent dans la forteresse la plus sûre et la plus voi- sine, et y attendent le vainqueur. Pourquoi donc auraient-ils été s’enfoncer dans le pays des Eburons pour sy réfugier 256 ENDROITS DE L’ANCIENNE BELGIQUE dans un petit fort, où ils n'auraient pu faire qu’une bien faible et bien courte résistance ? Ce n’est que dans sa cinquième campagne que César attaque les Eburons; c'est dans celle-là qu'après avoir partagé son armée en trois corps, il laisse les bagages avec une légion et deux cents chevaux dans le camp d’Atuatuca, sous les ordres de Cicéron. Loco cit. Si l'on vou- lait régler l'expédition de ce conquérant suivant la tactique du père de Marne, il faudrait qu'après avoir battu les Ner- viens sur la Sambre, il interrompît brusquement sa marche pour courir dans le pays des Eburons , et y assiéger les Atua- tiques dans Atuatuca, Tongres : il devrait alors abandonner ce plan, et venir soumettre les Morins. Tout cela paraît bien bizarre , et cependant, c’est ce qu’il faudrait admettre, si l'on voulait adopter l'opinion de de Marne. Dans toute cette discussion, je n'ai encore raisonné que dans la supposition où Æfuatuca serait la véritable lecon de César. Maïs si c’est par corruption du texte que ce nom d’- tuatuca s’est glissé dans les différentes éditions, et qu'il faille y substituer un autre nom, tout le système croule, et Ton- gres disparaît. Or Wendelin et Foullon, au lieu d’Ætua- tuca, lisent Vatuca, et supposent qu'il faut placer cette for- teresse à J'ittem, ou enfin aux environs, entre Maestricht et Aix-la-Chapelle (r). Deux motifs pourraient justifier cette con- jecture. La plus grande partie des Eburons demeuraient entre le Rhin et la Meuse, et les Sicambres n’en étaient séparés que (x) Vatuca trans Mosam fuisse debuit quantum ex locorum positu et Cæ- saris narratione intelligitur. Commode à quibusdam ponitur Trajectum inter et Aquas granias, ubi nunc est Vittemia. Foull. Hist, Leod. comp. pag. 4. DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 257 par le Rhin. Or quand ces derniers eurent envoyé un corps contre les Eburons, ce corps passa le Rhin un peu en-dessous de l’endroit où est situé Cologne; et quand ils se furent avan- cés dans les terres des Eburons, ils apprirent par un prison- nier de cette nation, qu’en trois heures, ils pourraient arri- ver à Atuatuca. Lib. 6, cap. 35. Or pour arriver à l'endroit où est Tongres, il fallait passer la Meuse, et César ne dit pas qu'ils l’aient passée. Doit-on présumer d’ailleurs que ce corps de Sicambres, qui n’était que de deux mille, se serait enfoncé aussi imprudemment dans un pays aussi étranger, laissant derrière eux un fleuve qui leur aurait coupé la retraite ? Ces raisons paraissent bien propres à donner à cette opinion une grande apparence de vérité : elles prouvent du moins, à mon avis, que la situation de ce camp était en deca de la Meuse, respectivement au Rhin, et c’est, à mes yeux, le point décisif. Telles étaient les diverses opinions des historiens et des géographes, quand récemment un savant Hollandais, M. Brui- ning, Res Belgicæ, Batavicæ, Frisicæ, etc., Lugd. Batav., 1818, a avancé une opinion nouvelle, ou plutôt en a renouvelé une ancienne; car elle n’est nouvelle que parce qu’elle n’est pas connue, et ce n’est peut-être pas la moins fondée. Ce savant pré- tend donc que la forteresse désignée sous les noms d’Ætuacutum Tongrorum, Aduacaet Atuaca n’est pas Tongres,etille prouve, parce que la distance de Geminiacum, Gembloux, à Ztuaca, est plus grande qu’elle ne l’est de Gembloux à Tongres. Cependant tous les géographes ont confondu Ætuaca avec Tongres, parce qu'on a ajouté au nom de la forteresse la dénomination de 7on- grorum. Mais ce n’est pas, selon M. Bruining, une raison pour en conclure que l’ancienne Ætuaca est la Tongres moderne. Les anciens géographes ont pu lui donner cette dénomination 34 250 ENDROÏTS DE L’ANCIENNE BELGIQUE de Zongrorum, parce que, de leur temps, les 7ongri s'éten- daient jusqu’au point où était cette forteresse d’Æfuaca, qui au jugement de M. Bruining, est la ville qu'Ammien Marcel- lin appelle Obtricense opidum, dans laquelle le savant Hol- landais reconnaît avec plusieurs géographes la ville de Maes- tricht. Cette ville serait-t-elle donc l’Ætuacutum de Ptolomée? Non, sans doute, puisque la distance est encore plus grande de Gembloux à Maestricht qu'a Tongres. L'endroit désigné par Ptolomée, l'itinéraire et la table, ne serait donc pas celui dont parle César, situé au milieu du pays des Eburons, et ce ne serait qu'une erreur qui proviendrait d’une ressemblance ou identité de nom; car, comme l’observe Wendelin, ce nom a été commun à plusieurs forteresses ; mais il a subi plusieurs altérations. On voit en effet qu'il a été tout-à-fait défiguré de différentes manières dans les monumens géographiques pos- térieurs à César ; c’est Atuacutum Tongrorum dans Ptolomée, Aduaca dans l'itinéraire, Ætuaca dans la carte. Tous ces mots sont donc corrompus; et il peut fort bien l'être dans les Commentaires. C'est ce que pense M. Bruining, qui pré- tend qu'il faut suivre la leçon de Robert Estienne, qui, dans son édition de 1544, a imprimé sur la foi des anciens ma- nuscrits ad Varutam. C'est l’ancien nom de l’Ourte, selon cet auteur. Je ne me rappelle pas d’avoir vu ce mot dans au- cun auteur ancien pour désigner l'Ourte. C’est M. Bruining qui me l’apprend. Ce serait donc d’après cela un château situé sur cette rivière, dont elle aurait pris le nom; mais en quel endroit précisément ? C'est ce qu’on nous laisse ignorer. Le savant abbé de Feller, qui, à mes yeux , est une grande autorité dans ces matières, avance une autre opinion : il n’hé- site pas de dire que cet endroit est #’aroux où Faroux, vil- DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 259 lage à une lieue de Liége, et que c'est par erreur que dans la plupart des éditions de César, on lit J’atuca ou Adtuatuca. Il fait aussi mention de l'édition de Robert Estienne de 1544,. qui porte ad Varutam; mais il ajoute que dans les exem- plaires anciens, on lit 7’aruca ; et en effet, Hubert Thomas de Liége dit que dans un manuscrit qu'il avait vu, on lisait ad Varucam , et il ajoute : Est Varuca etiam nunc ejus no- minis castellum , haud amplius dimidio milliari germanico ab urbe Leodio distans. Ainsi voilà l'opinion de Feller ap- puyée par une autre autorité, et celle-ci pourrait, sous plus d’un rapport, paraître la mieux fondée. La ressemblance entre l'ancien nom ’aruca et le nom moderne Y’aroux lui donne une grande probabilité, et la situation de cet endroit à une lieue de Liége lui donne un nouveau poids, puisqu'elle répond à celle de l'endroit cité par César. C’est en effet, à-peu-près là, jerè, qu'on peut placer le milieu du pays des Eburons, en le prenant dans sa longueur (1). Voilà donc le nom de cette forteresse présenté de quatre manières Atuatuca, Vatuca , Varuta et l’aruca. Mais les an- ciens manuscrits, les anciens exemplaires, qui présentent les deux dernières leçons, méritent-ils plus de confiance les uns que les autres ? Souvent les copistes ont ainsi altéré les noms pour les adapter au système qu'ils voulaient établir. Celui qui n’a voulu reconnaître cette forteresse ni dans Z'ongres, ni dans ittem, a rejeté Atuatuca et Vatuca, et y a subs- titué V’aruta, parce qu'il a cru que l'emplacement sur l'Ourte (1) Le village de Waroux est célèbre dans l'histoire de Liége, par les guerres entre les seigneurs de ce village et ceux d'Awans, qui ont com- mencé en 1298, et ont duré 38 ans. a 260 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE était plus probable. Celui, au contraire, qui n’a pas cru devoir adopter cette position, l’a cherchée ailleurs, et a pensé la trouver dans le village de #’aroux ou Varoux; et pour l'y placer plus commodément, il a remplacé J’aruta par Fa- ruca, afin que cette ressemblance de nom donnât plus de probabilité à son système. Mais enfin tous ces changemens, toutes ces substitutions sont aussi hazardées qu’arbitraires. Ce n'est donc pas sur des preuves de cette espèce qu’on peut établir un raisonnement dans une matière aussi controver- sée. Le point principal d’où me paraît dépendre la décision de toute la difficulté, est celui que j'ai déjà indiqué, savoir, si, en venant du Rhin, comme ont fait les Sicambres, la for- teresse en question était en deca ou au-delà de la Meuse. Je pense qu’elle était en deca (1), et je m'appuie sur la raison que j'ai déjà avancée en parlant de l’arrivée des Sicambres dans le pays des Eburons, je veux dire qu’ils n’ont pas passé la Meuse; et pour fortifier de plus en plus cette opinion, j'ajoute que César, après avoir donné la description très-dé- taillée du combat qui s’engagea entre les barbares et les Ro- mains, dit simplement que les Sicambres, désespérant de pouvoir se rendre maître du camp des Romains, prirent le parti d'aller reprendre le butin qu'ils avaient caché dans les forêts, et repasserent le Rhin , trans Rhenum sese receperunt. (1) Quand je dis en deca, cis, on pourrait croire au premier abord que je suis en contradiction avec Foullon, dans le passage cité ci-dessus (n. x p. 256), puisqu'il dit trans, au-delà. Cette différence provient de ce que Foullon indique la position en venant de Liége (dont la plus grande partie est sur la rive gauche de la Meuse), et moi, en partant du Rhin, Ainsi nous sommes d'accord. DONT IL EST PARLE DANS CESAR. 2061 Lib. 5, cap. 41. S'ils avaient dù repasser la Meuse, pourquoi César n’aurait-il parle que du Rhin? Ce dernier trait me semble décisif pour démontrer le point essentiel que j'ai voulu éta- blir. Il ne s'agit donc plus de 7ongres, Atuatuca, ni de Wa- roux, Varuca , qui, l'un et l'autre, sont au-delà de la Meuse: il faut conséquemment se décider pour ’atuca ou Varuta. Pour adopter l’un ou l’autre, il ne faut plus maintenant que s'arrêter à un autre point. Je m'explique. Le fort était situé presqu'au milieu du pays des Eburons. Si on le place sur l'Ourte, qui se jette dans la Meuse à Liége, il ne sera guere possible de le supposer dans le milieu du pays, et encore, -quel emplacement lui assignera-t-on avec quelque vraisem- blance? On n’en indique pas. Ce serait, dit-on tout simple- ment, une forteresse située sur l’Ourte, ad Varutam, si tou- tefois encore, V’aruta est bien l’Ourte. Il ne reste donc que J’atuca, qui serait Wittem , village entre Maestricht et Aïx-la-Chapelle, à deux lieues, un quart, de cette dernière ville, et qui serait à-peu-près, /erè, au mi- lieu des Eburons, en le prenant dans sa largeur. Voilà done le fait prouvé par la s'tuation. Suivons maintenant la marche des Sicambres. C’est un peu au-dessus de Cologne qu'ils passent le Rhin (1); ils s'arrêtent (1) Pour bien comprendre ce point, il est nécessaire de rappeler les dé- tails suivans. César à fait construire deux ponts sur le Rhin, le premier dans la 3° campagne {Comment., lib. 4, c. 17). Ce pont fut bâti entre Bonn et An- dernach, comme l'avance Desroches, Hist. anc., tome 2, p. 97. Le second fut construit dans la 5€ campagne (Comment, Lib. 6, c. 9), un peu au- dessus de l'endroit où il avait passé le Rhin deux ans auparavant, pauld supra eum locum quo antea exercitum transduxerat, Les vestiges de ce se- 262 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE dabord sur les premieres limites des Eburons ,primos Eburo- num fines adeunt: la crainte les y retient probablement; ils s'avancent cependant, et ils enlèvent une grande quantité de bétail, dont ils sont très-avides. Alléchés par l'espoir d'augmenter leur proie, ils s’enfuient plus avant dans le pays, longius procedunt : rien ne les arrête , ni les marais, ni les forêts qu’ils rencontrent, habitués qu'ils sont à la guerre et au brigandage. Ils étaient donc déja bien avancés. De l’en- droit où ils avaient passé le Rhin, jusqu'à Aix-la-Chapelle, on peut compter 13 à 14 lieues, et l’on peut très-raisonna- blement supposer qu'ils s'étaient avancés à 12 lieues dans l’in- térieur du pays depuis leur départ. Ils n'étaient donc paséloignés de l'endroit où est Aix-la-Chapelle. Or de cette ville au village de Wittem, il y a deux lieues et un quart. Il ne leur restait donc guère que trois lieues à-peu-près pour arriver au camp cond pont ont été retrouvés en 1744 dans un lieu nommé Ængers, entre Andernach et Coblentz, et le baron Philippe de Reïffenberg en a donné la description dans un manuscrit, cité par Hontheim, #r Prodr. Hist. Trev., tom. 1, p. 209. César passa le fleuve sur ce pont, et entra dans le pays des Ubiens, pays qui correspond à celui de Cologne. Mais la crainte de man- quer de vivres (Comment., lib. 6, c. 29) l'ayant déterminé à ne pas s’enga- ger plus avant, il rompit le pont dans la largeur de deux cents pieds, et fit élever du côte opposé une tour à quatre étages pour le défendre, afin d’en- tretenir dans l'esprit des barbares de la Germanie la crainte de le voir re- venir dans leur pays. C’est à 30 milles plus bas que ce pont, que les Sicam- bres passèrent le Rhin (bid., c. 35). Or il y a de Coblentz à Cologne 16 lieues, et à Andernach, 3. Il faut donc supposer que le pont entre Ander- nach et Coblentz était à 13 ou 14 lieues de Cologne, et 30 milles font ro lieues ;, en évaluant ( ce qui est plus juste) les trois milles à une lieue. C’est donc à trois ou quatre lieues au-dessus de Cologne que les Sicambres ont passé le Rhin. DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 263 romain, comme ils l'avaient appris du prisonnier éburon. Voilà donc le fait prouvé par la distance, comme il l’a été par la situation. Or ces deux circonstances sont les points, dont l’un venant à l'appui de l’autre, me paraissent propres à décider la question. Jen conclus donc que c'est à Wittem qu'on peut placer avec le plus de vraisemblance le camp dont il s’agit. GAVr L'Escaut se Jetait-il dans la Meuse au temps de César ? Dans son expédition contre les Eburons, César , ayant laissé les bagages dans le camp d’Ætuatuca ou Vatuca avec une légion et 200 chevaux, sous les ordres de Cicéron, envoya Labiénus avec trois légions sur les côtes de l'Océan qui tou- chent au pays des Ménapiens, et Trébonius, également avec trois légions, dans les cantons voisins des Atuatiques, et il marcha lui-même , à la tête des trois dernieres légions, vers l’endroit où l’Escaut se jetait dans la Meuse. 2pse (Cæsar) cum reliquis tribus ad flumen Scaldim, quod influit in Mosam, ex- tremasque Arduennæ partes, ire constituit. Lib. 6, cap. 33. Les commentateurs de César ont décidé presqu'unanime- ment que César avait commis une grande faute de géogra- phie, en avançant que l’Escaut se jetait dans la Meuse. Ce sont au contraire ces hardis commentateurs qui se trompent; car la Meuse, au temps de César, communiquait avec l'Es- caut oriental par un lit différent de son lit actuel, ou, pour m'expliquer mieux, par un second bras. Cette jonction se fai- 264 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE sait aux environs de l'endroit où est actuellement la ville de Berg-op-Zoom, devant l’île de Tholen, ou peut-être un peu plus ‘haut au voisinage de celui où est le fort de Lillo. Je vais au reste expliquer la chose comme je la concois, après avoir étudié et confronté les anciens pour tâcher de les accorder. Le Rhin, dit Tacite, se sépare en deux fleuves, à l'entrée de l’île des Bataves, au point où a été bâti le fort de Schenck; l’un qui conserve son nom et sa rapidité, se précipite dans l'Océan; l’autre, plus large et plus tranquille, prenait le nom de Vahal, qui, ayant pris celui de Meuse, se jette dans l'O- céan, par une immense embouchure. Rhenus apud principium agri Batavi velut in duos amnes dividitur ; servatque nomen et violentiam cursüs quà Germaniam prævehitur, donec Oceano misceatur; ad Gallicam ripam latior et placidior adfluens, verso cognomento Vahalem accolæ dicunt : mox id quoque vocabulum mutat Mosd flumine, ejusque immenso ore eum- dem in Oceanum effunditur. Ann. lib. 2, cap. 6. C’est là le principal bras de la Meuse. Mais Ptolomée en désigne un se- cond , qui est la branche occidentale, et qui, réunie à l’'Es- caut, se répliait vers le couchant et se rendait dans l'Océan, près de l'endroit où est la ville de l'Ecluse. Ce géographe ne donne à l'Escaut d'autre sortie que dans ce bras de la Meuse. Pline, qui, conduisant l’Escaut depuis sa source Jusqu'à l'Océan, en fait la séparation entre la Belgique Gauloise et la Belgique Germanique’, donne à l'Escaut l'embouchure que Ptolomée attribue à la Meuse. DONT IL EST PARLÉ DANS CÉSAR. 265 Si, au premier aspect, ces deux géographes paraissent être en contradictien, il est facile, ce me semble, de les accorder, Ptolomée, s’attachant à la Meuse, et Pline à l’Escaut, condui- sent, le premier, la Meuse vers l'occident; le second, l'Escaut vers le Nord; l’un prétend que la Meuse se rend dans l'Escaut, et l’autre, que c’est au contraire l’Escaut qui se jette dans la Meuse ; mais le fait est toujours que les deux fleuves se ren- contraient au même point. César était donc fondé à dire que l’Escaut coule dans la Meuse. Les commentateurs et les historiens, qui n'avaient point assez approfondi ce point de géographie ancienne, ont cru devoir substituer la Sambre à l’'Escaut (Sabim à Scaldim ), parce qu’en effet la Sambre se jette dans la Meuse, et c’est tout ce qu'ils ont vu. C’est ainsi qu'en voulant, par une espece de raffinement, rectifier une erreur prétendue, ils en ont commis une réelle et grossière. Si ces raisons tirées de la nature de la chose, ne suffisaient pas pour maintenir le texte de César dans les termes que je l'ai cité, je crois qu'on pourrait le justifier par une raison po- litique qui se présente très - naturellement. Qu’eüt été faire César dans les environs de la Sambre, qui étaient à-peu-près le pays des Atuatiques, puisqu'il avait envoyé dans ce voisi- nage, ad eam regionem quæ Atuaticis adjacet, Trébonius avec trois légions? Si enfin, malgré ces raisons, il pouvait rester encore quelque doute, le texte de César l'aurait bientôt leve ; car le meilleur moyen pour comprendre un auteur, est de l'expliquer par 2 35 266 ENDROITS DE L'ANCIENNE BELGIQUE, etc. lui-même, et souvent on y parvient, quand on se donne la peine de l’approfondir. Le texte de César explique donc assez qu'il veut parler du pays voisin de l'Escaut puisqu’après avoir dit : ad flumen Scaldim quod in Mosam influit, il ajoute im- médiatement après : extremasque Arduennæ partes. Or d’après le calcul qui présente la longueur de cette forêt, c’est-à-dire, 500 milles romains, selon César, ou (ce qui revient au même) de 4000 stades olympiques , selon Strabon, l'extrémité de cette immense forêt, ou de ce vaste espace de forêts conti- nues , était précisément à cet endroit où le second lit de la Meuse faisait sa jonction avec l'Escaut , aux confins du Brabant. L4 MEMOIRE SUR CETTE QUESTION À QUELLE ÉPOQUE LES COMTES ET LES DUCS SONT-ILS DEVENUS HÉRÉDITAIRES DANS LA BELGIQUE ? Par M° DEWEZ. LU A LA SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1821. Tome TI. 36 PRANRAARA RAA LAA PARA PRRARARA RP PRRRA PR RR PR RR PP PR PRPPPA RS à MEMOIRE SUR CETTE QUESTION : A QUELLE ÉPOQUE LES COMTES ET LES DUCS SONT -ILS DEVENUS HÉRÉDITAIRES DANS LA BELGIQUE ? Les comtes, qui, dans leur première institution, étaient, selon leur véritable étymologie, les compagnons des rois, n'étaient proprement sous le gouvernement des Francs , que des officiers du prince. Les comtés appartenaient à la cou- ronne , et les comtes n'en étaient que les gouverneurs au nom du souverain. Les comtes étaient ordinairement subordonnés aux ducs, qui avaient régulièrement sous leur surveillance douze comtés. C'est Constantin qui créa cette dignité de duc, nom qui, dans l'origine, signifiait général. Dans la suite, on donna ce titre à l'officier qui commandait les troupes d’une province. Les ducs étaient donc en quelque sorte les gouverneurs des pro- vinces, et les comtes, des villes. Mais, comme le dit Montes- 36. 270 SUR LES COMTES ET LES DUCS DEVENUS quieu, on n’a pas eu des idées justes, lorsqu'on a regardé les comtes comme des officiers de justice, et les ducs comme des officiers militaires. Les uns et les autres étaient également officiers militaires et civils. Tant que la puissance des rois Francs, confiée à des mains fermes, se maintint dans toute sa force, les châteaux, les seigneuries, les provinces se donnaient à des gouverneurs particuliers, non à perpétuité, mais seule- ment à vie, quelquefois même seulement pour un an. Les rois se réservaient même le droit de leur ôter ces gouverne- mens selon leur bon plaisir, et l’histoire offre des exemples assez fréquens de ces sortes de destitutions. Mais ces gouverneurs, profitant de la faiblesse et des embarras où les rois se trouvaient engagés soit par des guerres étran- gères , soit par des troubles civils, prirent insensiblement un tel ascendant dans l’état, qu'ils se frayèrent la voie à l’indé- pendance, où ils parvinrent enfin dans les neuvième et dixième siècles. Louis-le-Débonnaire fut le premier qui, au rapport de l'historien de sa vie {/T'hegan. de gest. Ludov. pü, c. 19), accorda à ses leudes, fidèles, ou sujets, fidelibus suis, la possession héréditaire des châteaux. Ces donations , qu'il revêtit de son sceau et de sa signature, furent comme le premier degré par lequel les seigneurs parviurent à rendre leurs dignités et leurs titres héréditaires dans leurs maisons. In tantum larous , ut antea nec in antiquis libris, nec in mo- dernis temporibus auditum est, ut villas regias, quæ erant sui avi et tritavi, fidelibus suis tradidit eas in possessiones sempiternas ; et pr@Ccepta construæit et annuli sui impressione cum subscriptione manu propri& roboravit. Charles-le-Chauve, avant sa seconde expédition d'Italie, dont il n'eut que le temps HÉRÉDITAIRES DANS LA BELGIQUE. 271 de faire les préparatifs, puisqu'il mourut en chemin, craignant que ses neveux ou son fils même, qui devaient être chargés pendant son absence de l'administration provisoire du royaume, ne tentassent de s'emparer de l'autorité, crut que le moyen le plus sûr de les mettre dans l'impuissance de lui nuire, était de gagner les grands en déclarant que la dignité de comte était héréditaire, et déclara par un capitulaire de l'an 877, que dans le cas où un comte dont le fils serait absent ou mi- neur, mourrait pendant l'absence du roi, le prince Louis, son fils, chargerait de l'administration de ce comté les plus pro- ches parens du défunt et les officiers du comté avec l’évêque au diocèse duquel le comté ressortissait, en attendant que la nouvelle en fût parvenue au roi, qui conférerait au fils la dignité de comte; et que dans le cas où le comte défunt ne laisserait pas de fils, le prince Louis, de concert avec les offi- ciers et l’évêque, nommerait celui qui serait chargé de l’admi- nistration provisoire du comté vacant. .$ comes de isto regno obierit, cujus filius nobiscum sit, filius noster cum ceteris fide- libus nostris ordinet de his qui eidem comitt plus familiares Propinquioresque fuerunt, qui cum müusterialibus ipsius comi- tatüs et cum episcopo in cujus familia fuerit ipse comitatus, ipsum comitatum prævideant, usque dum nobis renuntietur, ut filium. 1illius qui nobiscum erit, de honoribus illius honore- mus. St autem filium parvulum habuerit eisdem filius jus cum ministertalibus ipsius comitatüs, et cum episcopo in cujus paro- chia consistit, eumdem comitatum prævidearnt , donec obitus præfati comitis ad notitiam nostram perveniat, et ipse filius ejus per nostram concessionem de illius honoribus honoretur. St verd filium non habuerit, filius noster cum ceteris fidelibus nostris ordinet qui cum ministerialibus ipsius comitatiis et cum episcopo 272 SUR LES COMTES ET LES DUCS DEVENUS proprio ipsum comitatum prævideat, donec jussio nostra inde Jiat. Capit. Reg. Franc. tom. 2, col. 269 et 270. L'Allemagne présente un semblable spectacle occasioné par des causes semblables. Les comtes et les ducs, profitant également des troubles de l’état et de la faiblesse des empe- reurs, commencèrent à changer leurs dignités, qui étaient amovibles , en charges héréditaires , s’érigeant en seigneurs propriétaires des lieux dont ils n'étaient que les officiers tem- poraires, révocables au gré du prince, et les empereurs étaient obligés par condescendance, par politique, ou pour mieux dire, par force majeure, de sanctionner en quelque sorte ces espèces d’usurpations, en conférant, comme en France, ces provinces aux héritiers de ces ducs et de ces comtes, qui dis- posèrent enfin, comme de leur propre patrimoine, des do- maines dont ils ne jouissaient que comme de simples béné- fices. C’est l’origine du gouvernement, ou plutôt de l'anarchie féodale, où une foule de petits tyrans, qui opprimaient un peuple d'esclaves, reconnaissaient dans le souverain, non un maître, mais un chef, qui avait plus de pompe apparente et d'éclat extérieur, que de pouvoir réel. Mais ce n’est guère qu'à dater du règne de Churles-le-Sim- ple que cette révolution arriva dans la Belgique, quand ce prince fut appelé en 912 au trône de la Lotharingie ou Lor- raine par les Belges. Avant ce temps, les comtés étaient à la vérité en quelque sorte héréditaires ; car le prince les continuait de père en fils; mais ce n’était qu'un acte purement volontaire du souverain, qui avait cette déférence pour leurs noms et leurs services, et la coutume était devenue à cet égard comme HÉRÉDITAIRES DANS LA BELGIQUE. 273 un droit acquis et une loi tacite. Ce n'était pas toujours au reste, par déférence que les souverains tenaient cette conduite à l'égard des seigneurs ; c'était plus souvent par politique et par crainte. Ces seigneurs devenaient, pour ainsi dire, de jour en jour plus turbulens, plus ambitieux, plus entrepre- nans, et les souverains, pour les contenir, étaient forcés de permettre ou, du moins, de tolérer leurs usurpations. Ce n'est qu’ainsi que les premiers comtes de Flandre, de Hainaut, de Namur et de Luxembourg sont considérés comme comtes héréditaires ; mais ils ne l’étaient , à proprement parler, que de fait. La véritable époque où l’on peut dire que ces seigneurs devinrent héréditaires de droit, est donc, comme je viens de le dire, le règne de Charles-le-Simple , qui, pour s'attacher plus étroitement les grands, dont l'appui lui était si nécessaire pour se maintenir dans sa nouvelle souveraineté, leur fit cette large concession. C’est donc dans le dixième siècle que commencent les races héréditaires des comtes de Hainaut, de Namur et de Luxem- bourg. La tige de ceux de Hainaut est Régnier au Long-Col, qui avait épousé Albrade, fille unique d’Albon IT. Ce dernier mourut en 860. C’est donc à ce temps, à-peu-près, que doit commencer le règne de Régnier, qui mourut en 913,914, 915 ou 916; car les auteurs varient sur la date. Ses prédécesseurs ne doivent être considérés que comme de simples gouverneurs avec le titre de comte; c’est du moins de l'opinion de Miræus et de Haræus, et le premier comte héréditaire de Hainaut, selon ces historiens, a été Régnier [. Cette opinion est contraire à celle de Vinchant, qui prétend que le comté du Hainaut, dans l'étendue qu’il avait au temps de Ste-Waudru, était le 274 SUR LES COMTES ET LES DUCS DEVENUS domaine héréditaire de Walbert et de ses filles Waudru et Aldegonde, puisque le quartier de Maubeuge, Coursolre avec les terres et les seigneuries voisines, étaient la dot de Ste-Alde- gonde, et que celui de Château-lieu, qui comprenait Mons, Soignies, Braine, Halle et toutes leurs dépendances, était de- meuré à Ste-Waudru. C’est par cette raison que cet historien pense que celle-ci doit être considérée comme comtesse propriétaire et héréditaire du Hainaut. Les deux historiens que Je viens de citer, Miræus et Haræus, qui tiennent à une opinion différente, quelque instruits, quelque judicieux qu'ils soient, ne l'ont appuyée probablement que sur un fait général. Les comtes n'étaient dans l’origine que des gouverneurs tem- poraires. Mais si cette vérité historique est applicable en gé- néral aux comtes et aux ducs dans la France, dans la Germanie et dans la Belgique , il n’est pas moins certain que dès le temps même de la première race, il existait déja des comtes héréditaires ,comme étaient, selon Vignier, Pasquier et Pithou, ceux de Bretagne et d'Aquitaine, et comme selon Vinchant, peut-être ceux de Hainaut. La souche des comtes de Namur est, selon l'opinion com- mune, Bérenger. De Marne et Wastelain regardent cependant Albert, son fils, selon le premier; son petit fils, selon le se- cond ,comme le premier comte héréditaire; et c’est, je crois, l'opinion qu’il faut adopter. C’est ce prince, du moins, qui jeta les fondemens de l'indépendance et de la puissance de ces comtes. Le chef des comtes héréditaires de Luxembourg est, selon l’idée générale, Sigebert, qui fit l'acquisition du château de Luxembourg de Vikère, abbé de S. Maximin, en l’échangeant, HÉRÉDITAIRES DANS LA BELGIQUE. 27 par acte du 12 avril 963, contre sa terre de Fehellen, en latin du temps /’iulna. C'est cependant Guillaume I qui, le pre- mier, prit vers lan 1120 le titre de comte. Le premier comte héréditaire de Flandre est sans contredit, je pense, Baudouin Bras-de-Fer, en faveur de qui Charles- le-Chauve érigea ce pays en comté en 863, avec le droit de le transmettre à sa postérité comme propriété patrimoniale. C'est un point que j'ai traité particulièrement dans un autre memoire. Le commencement de la dynastie des comtes héréditaires de Louvain doit être rapporté à l'an 948, date d’un diplome de l’empereur Otton I, par lequel ce prince crée avoué de Gembloux, Lambert, comte de Louvain, le premier qui soit connu dans les monumens historiques. L'époque où les ducs de Lothier ou Basse-Lotharingie sont devenus héréditaires est moins certaine. Ce point est vivement débattu. Les historiens modernes (car les contemporains n’en parlent pas) disent que Godefroid IT, qui succéda en 1140 dans le duché de Lothier à son père Godefroid-le-Barbu, est le premier de ces ducs qui soit parvenu à cette dignité par droit héréditaire. Cette assertion paraît un peu hasardée; car les faits prouvent que dans les deux siècles précédens, les fils succédaient aux pères dans ce duché, comme dans les comtés qui y étaient compris : l'usage y avait également pré- valu, et était aussi devenu comme une loi tacite. Le diplome par lequel l’empereur Henri V confia le duché de Lothier à Godefroid-le -Barbu , en offre une preuve, qui me parait irré- fragable. Cet acte, de même que celui par lequel l’empereur Tom. IT. 37 276 SUR LES COMTES ET LES DUCS DEVENUS Conrad confirma Godefroid dans cette dignité, est perdu. Mais un écrivain du quinzième siècle, Dintre, (lib. 4, cap. 5), avait certainement eu sous les yeux le premier de ces diplo- mes, dont il cite les expressions, qui prouvent évidemment que cet ordre de succession était établi et suivi avant cette époque; car l'empereur y déclare qu'il confere cette dignité au duc Godefroiïd, pour en jouir selon la coutume, droit et privilége d’après lesquels.ses prédécesseurs l'avaient possédée , eadem consuetudine, eodem jure et privilegio. La postérité de Godefroid s’est constamment arrogé ce droit de succession. Les actes diplomatiques de ce temps en sont la preuve incontestable, celui entr’autres de Godefroid IIF, de Van 1151, rapporté par Miræus, tom. 1, pag. 392, dans lequel il se donne le titre de troisième héritier de cette dignité et de ce nom. Æzo Godefridus Det gratia dux Lotharingiæ, ter- tius dignitatis hujus ac nominis hæres. Les conventions passées en 1179 entre Godefroid TT, duc de Lothier, et Philippe, comte de Flandre, pour régler les conditions du mariage du prince Henri, fils du premier, et de la princesse Mathilde, fille du second, SEnt aussi la preuve la plus complète de cette vérité Lin Cet acte porte en effet que si Henri survit au duc son père, il lui succédera dans son duché, comme son héritier; et que si au contraire il arrivait que Henri mourut avant son père, l'héritier de Henri, s'il en a de la princesse Mathilde, succédera à son aïeul dans son duché, comme Henri lui eût succédé, s'il avait vécu plus que son père. 57 Æenricus plus vixerit quäm dux pater ejus, succedet ei in ducatum tamquam hæres suus ;...... et si forte contigerit Henricum mort ante patrem, hæres Henrici, st quem post se reliquerit ex Mathilde, ita succedet duci avo suo in ducatum et omnem HÉRÉDITAIRES DANS LA BELGIQUE. 277 possessionem SUATN. . . .... sicut Henricus fecisset, si diutius patre vixisset, Mir., tom. 1, pag. 107. L'empereur Philippe, en 1204, a formellement reconnu ce droit héréditaire dans un diplome cité par Dintre, dans lequel il statue, de son autorité royale, qu’au défaut d’héritiers mâles les filles du duc pourront succéder dans ses fiefs comme ses fils. Reor@ auctoritate nostr& statuimus et memorato duct con cedimus, ut filiæ suæ, si masculum hæredem non habuerit in feudis suis liberè ei tamquam masculi succedant. Les regne agités d'Otton IV et de Frédéric IT, qui succé- dèrent à Philippe, facilitèrent aux ducs de Lothier les moyens de relâcher les liens par lesquels ils étaient attachés aux empe- reurs comme à leurs suzerains; et le déplorable interregne qui suivit les règnes de Frédéric IL et Conrad IV, achevèrent de les rompre entierement. L'empire, privé de chef, déchiré et dépecé par les rivaux ambitieux qui se le disputaient, était tombé dans un état de faiblesse et d’anarchie qui annoncait une prochaine décadence. Les empereurs qui succédèrent à ce temps de trouble et de confusion, étant presque toujours occupés ou retenus dans l'Italie ou dans la Germanie, avaient absolument abandonné le séjour de la Belgique, où ils n’exer- çaient plus leur autorité immédiate comme dans le temps qu'ils y tenaient des assemblées ou des synodes. Les ducs, n'étant plus contenus par la présence des empereurs, suivirent l’exem- ple que les comtes avaient donné dans le siècle précédent : ils regarderent les provinces, qu’ils ne possédaient qu’à titre bénéficiaire, comme leur patrimoine. Cependant dans les sie- cles suivans, les ducs, à leur avenement, continuerent à ren- dre aux empereurs un vain hommage et à leur prêter un 37: 278 SUR LES COMTES ET LES DUCS DEVENUS, ETC. serment inutile. Mais ces actes n'étaient plus qu’une simple formalité d'usage, une vaine apparence de soumission, puisque ces fiers cliens, qui n’en avaient plus que le nom, s'étaient absolument soustraits à toutes les espèces de charges auxquelles les vassaux étaient astreints ; de sorte que les empereurs, qui n'avaient plus retenu qu'une suprématie apparente dans ces provinces, n’y exercaient plus d'autorité réelle et n'en üraient plus d'impôt ni de milice. FIN. MEMOIRE SUR CETTE QUESTION : À QUEL TITRE BAUDOUIN, SURNOMMÉ BRAS-DE-FER, PRE- MIER COMTE DE FLANDRE, A-T-IL GOUVERNÉ CETTE PROVINCE ? EST-CE COMME COMTE HÉRÉDITAIRE, OU COMME USURPATEUR ? Par M. DEWEZ. LU A LA SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1827. MEMOIRE SUR CETTE QUESTION : À QUEL TITRE BAUDOUIN, SURNOMMÉ BRAS-DE-FER , PRE- MIER COMTE DE FLANDRE, A-T-IL GOUVERNÉ CETTE PROVINCE ? EST-CE COMME COMTE HÉRÉDITAIRE , OÙ COMME USURPATEUR ? Bavroux, surnomme Pras-de-Fer, fils d'Ingelram, et non d'Audacer, vulgairement d'Odacre (1), qui avait vu tous les malheurs de Louis-le-Débonnaire, ou plutôt le faible, s'était attaché à Lothaire, l'aîné de ses trois fils, et il avait combattu sous ses étendarts dans les champs de Fontenai, où se dé- (1) Gette assertion paraît d'autant mieux fondée, qu'Audacer, selon la conjecture de Vredius, ne serait pas un personnage, mais un surnom qui a été donné à Ingelram ou à Baudouin lui-même. Voici comme il s'exprime (Fland. ethn., p. dog). « Conjicio confictum esse nomen e cura custodiæ » maritimæ, dum exhortando custodes, sæpius pronunciant: ouden waker, » quod nobis significat, vigilem te tene. Inde natum Odoacer et Audacer, 282 SÛR BAUDOUIN BRAS-DE-FER , ployèrent toutes les fureurs des haines fraternelles. Les trois frères se décidèrent enfin à terminer leur querelle par la voie des négociations , et ils s’assemblèrent à Verdun, où le par- tage de leurs états fut réglé par un traité solennel au mois d'août 843. La Flandre échut dans ce partage à Charles-le- Chauve, et Baudouin fut chargé du gouvernement de cette province. Il signala sa valeur par les services éclatans qu'il rendit au roi en combattant tant contre les Normands que contre les Sarrazins, et sa sagesse par les beaux établissemens qu'il donna au pays. Une passion malheureuse qu'il ne put maîtriser , lui fit perdre les bonnes grâces de son prince. Judith, fie de celui-ci, avait épousé dans sa plus tendre jeu- nesse , Ethelwolph, roi d'Angleterre, qui mourut en 858, et c'est alors qu’elle revint en France. Baudouin, qui avait été élevé à la cour de Charles-le-Chauve, la vit, l’aima et lui plut. Mais le roi ne voulut pas consentir à leur union. Baudouin enlève la princesse, et Charles, dans sa colère, les fait excom- munier tous les deux : ils ont recours à la protection du pape Nicolas I, qui parvint à obtenir leur grâce, et le roi ayant enfin donné son consentement, et croyant sans doute que, pour l'honneur de sa maison, il fallait donner plus d'éclat et de fortune à l'époux de sa fille, lui céda un brillant apanage, en réunissant à ce qu'on appelait andre dans ce temps, et » Ingelrami seu Balduini agnomen, nataque fabula de Audacro seu Odoacro, » Ingelrami filio, Balduini patre. » Si cette étymologie peut, comme tant d’autres, paraître un peu forcée, il n’est pas moins vrai de dire que cet Odoacre est un personnage fabuleux; et ce qui confirme cette opinion, c'est que, comme l’observe notre savant confrère M. de Bast, dans sa dis- sertation sur les forestiers de Flandre, on ne trouve dans aucun monument d’une autorité irréfragable le nom d'Odoacre, PREMIER COMTE DE FLANDRE. 283 qui correspondait à la partie de ce pays qui forma le Franc de Bruges , tout le pays renfermé entre l'Océan Belgique , l'Escaut et la Somme depuis l'embouchure de l’un jusqu’à celle de l’autre : il érigea tout ce pays en comté en 863, et le donna à Baudouin , avec le droit de le transmettre à sa postérité comme propriété patrimoniale. C’est ce que disent positive- ment la chronique de S. Bavon, les annales de St-Bertin, Ipérius etc. C’est donc à dater de cette époque 863 que Bau- douin commença à gouverner la Flandre comme souverain. C'est ici un grand sujet de contestation entre les histo- riens, dont un grand nombre a avancé comme certain ce fait, tel que je viens de le rapporter; mais une autre partie prétend que Baudouin, comme les autres princes de ce temps, a établi sa souveraineté sur les débris de l'autorité royale : il ne serait donc qu'un usurpateur. C’est en effet en profitant de la faiblesse des rois que les comtes et les ducs s’érigèrent en souverains héréditaires des provinces dont ils n'étaient qu'administrateurs temporaires. Le fait est vrai, et c’est ce que présente l’histoire de toutes nos provinces. Mais la Flandre me paraît présenter une différence. Dans les autres provinces, ce n’est qu'insensiblement et par degrés que les comtes se ren- dirent héréditaires et comme souverains. En Flandre , au contraire, je vois tout-à-coup un comté érigé par l'autorité royale et formé de l’ancienne Flandre, Ælandrensis pagus, et de divers autres petits comtés, villes ou diocèses pour en faire un état considérable. Je sais qu’il se présente ici une objection tres-simple , et je ne me la dissimule pas. L'acte d’inféodation ne nous est pas parvenu. Cela est vrai, et à défaut de monumens authentiques ou de documens histori- ques, on ne peut guère procéder que par des probabilités. Mais Tom. IT. 38 284 SUR BAUDOUIN BRAS-DE-FER, enfin si cet acte ne nous est pas connu, est-ce donc à dire pour cela qu’il n’a pas existé? Ne doit-on pas croire au con- traire que les historiens qui ont rapporté ce fait sans témoigner le moindre doute sur son existence, avaient vu ou connu cet acte, qui peut avoir été perdu depuis? Et ici, ce qui rend le fait très-probable, c’est que Charles-le-Chauve, qui s'était absolument, de gré ou de force, réconcilié avec Baudouin, trouvait sans doute que c'était blesser l'honneur de la prin- cesse de lui donner pour mari un de ses officiers ou gouver- neurs, etque pour éviter cette espece de mésalliance qui aurait en quelque sorte dégradé la famille royale, il convenait de n’y admettre que des princes souverains. Charles d’ailleurs, par un capitulaire de l'an 877, craignant que ses neveux ou ses fils ne tantassent pendant son absence (il partait pour l'Italie) de s'emparer de l’autorité, crut que le moyen le plus sûr de mettre les seigneurs dans l'impuissance de nuire, était de dé- clarer la dignité de comte héréditaire, et c’est ce qu’il fit par ce fameux capitulaire. Mais, dira-t-on, cet acte est postérieur à l'érection de la Flandre en comté; car il est de 877. Cela est encore vrai; mais le principe était établi avant qu'il füt for- mellement et textuellement decrété, et Charles le mit en pra- tique avant de l'avoir converti en loi. Il forma de la Flandre un vaste comté, pour le donner à son gendre, parce qu'un motif puissant l'y avait déterminé; il voulait soutenir l’hon- neur de sa famille; mais il n'établit sa loi sur ce principe que quand un autre motif l'y poussa; il craignait de perdre sa puissance, sourdement menacée par des vassaux ambitieux et entreprenans. à : Au défaut de l'acte d’inféodation, je pense qu'on peut , sans trop de légéreté ou de témérité, le remplacer en quelque PREMIER COMTE DE FLANDRE. 285 sorte par une lettre d'Hincmar ,archevèque de Reims, au pape Nicolas I, de l'an 864, dans laquelle il lui dit que sur les instances de ce pontife, Charles avait donné des, honneurs à Baudouin. Honores Balduino pro vestra solummodo petitione donavit. Que faut-il entendre ici par ces honneurs? C’est un mot vague, dira-t-on. Pas tant, si l’on se reporte au temps où on l'employait. C'était, à ce qu'il paraît, le mot consacré dans les actes publics pour signifier les dignités, les emplois éminens, comme on le voit dans le fameux capitulaire que j'ai cité, de 877, où il est déclaré que le fils doit jouir des honneurs de son père après sa mort : Jilius de patris honoribus honoretur , c'est-à-dire, que le fils doit être revêtu des digni- tés du père. C'est ainsi que Sirmond l'interprète. Sirmondus in notis ad Capit. versus finem, ad pag. 144, intelligit per hono- res, beneficia aut dignitates et munera publica quibus funguntur. Vredius le prend également dans cette acception, en parlant même de Baudouin. Balduinus non patris tantum honoribus, id, est quinque;comitatibus antedictis honoratus fuisse creden- dus est, sed et comitatibus Berengari, Herluini etc. Fland.ethn. p- 11. Je n'hésite donc pas à avancer qu'il faut entendre dans la lettre d'Hincmar par le mot konores le comté de Flan- dre, et je suis même étonné qu’on ait fait tant de conjectures et de raisonnemens sur le véritable sens de ce mot Aonores. Les savans ne l’ont jamais compris autrement, et ce n'est pas seu- lement en basse latinité qu’on l’employait dans ce sens, mais en tres-bon langage. On disait (et Cicéron employait ces expres- sions) perfunctus honortbus, obrepere ad honores. Honores non petit, dit Cornelius Nepos, en parlant de Caton. Toutes ces raisons me portent donc à croire que Baudouin doit être considéré comme premier comte légitime et souverain 38. 286 SUR BAUDOUIN BRAS-DE-FER, héréditaire de Flandre; et ce qui prouve incontestablement l’hérédité au moins, c'est, comme le dit Marchantius, la suite interrompue de tant de comtes, qui transmirent sans contes- tation de père en fils cette éminente dignité. Flandriæ comites ab initio citra interruptionem imperium ad hæredes transmi- serunt. Flandr. descript. lib. 2, p. 170. Ce qui prouve leur souveraineté, c’est qu'ils se disaient, à commencer par Arnoul le-Vieux, troisième comte, et petit-fils de Baudouin Bras-de- Fer, comtes par la grâce de Dieu, adminiculante supremi regis clementiä, Dei nomine, grati& Der, etc., et cette prérogative leur était tellement propre, qu’elle s’étendait à leurs officiers. C'était l’illustre famille des Rases de Gavre qui, dès les temps les plus reculés, possédait la dignité de grand échanson héré- ditaire de Flandre (les princes de Gavre portaient encore ce titre sous le gouvernement Autrichien), et un des membres de cette ancienne maison était déjà revêtu de cette dignité en 1186, comme le prouve un diplome de cette année, rap- porté par Miræus, tom. 1, p.548, par lequel ce seigneur prend le titre suivant: Razo de Gavera, divinä ordinante providentit, comitis Flandriæ pincerna. Voilà donc des motifs bien puissans pour établir une diffé- rence marquée entre les comtes de Flandre et ceux des autres provinces. La souveraineté de celle-ci n’a point d'autre titre que leur usurpation, et celle de Flandre présente des traces de légitimité. C’est sans doute pour cette raison que pendant plusieurs siècles après son érection, le comté de Flandre con- serva le titre de monarchie, qu’elle portait déja au temps de Baudouin Pras-de-Fer, ou du moins bien peu après, comme on le voit par les actes de la vie de St-Winoc, ir Act. 55. ord. S. Bened., sæc. 3, part. x, ce. 16, p. 311, écrits avant le milieu PREMIER COMTE DE FLANDRE. 297 du 11° siecle, où on lit : Xarolus, cognomine calvus, Fran- corum , in sceptris imperium agebat, Baldeivinus ejus gener monarchiam Ælandriarum gloriosè pollebat. On trouve égale- ment dans un grand nombre d’actes originaux ou authenti- ques ces expressions : #/andrensiunr monarchiam moderante Balduino glorioso marchiso ; Flandriæ monarchiam obtinente marchione Rotberto. Philippe d'Alsace, dans un diplome du 12e siecle, donne à la Flandre le titre de monarchie, Flandrensis monarchia. Les glossaires de du Cange et de Carpentier, au mot Monarches, portent Zitulus honorarius comitum Flan- ATEN NET Monarchiæ titulo insignitur comitatus Flan- driæ. S'ils n’en avaient eu que le titre, on pourrait dire que ce n’est qu'une distinction honorifique; mais si, à cela, l'on ajoute leurs grandes prérogatives, le droit de lever des trou- pes et des impôts, de battre monnaie, de faire grâce, de por- ter des lois, d'accorder des priviléges, de prononcer la peine de mort, etc., ne conviendra-t-on pas que les comtes de Flan- dre peuvent bien être considérés comme souverains ? et si l'on persiste à dire que ce titre de monarque n’est qu'honoraire, on ne niera pas du moins qu'ils n’exerçassent les principaux droits qui y sont attachés ; et je demanderai encore pourquoi les autres comtes ou ducs ne portaient pas le mème titre. Mon respectable et savant confrère, M. de Bast, qui ne par- tage pas absolument mon avis, et qui, en considérant ce titre comme purement honorifique, convient cependant que ces comtes jouissaient de plusieurs prérogatives souveraines, a cité néanmoins deux traits qui appuient, ce me semble, beaucoup mon système. Il rapporte que les comtes de Flan- dre dataient des années de leur règne, et il renvoie au tom- beau de Baudouin VI, découvert en 1811 dans les débris de 288 SUR BAUDOUIN BRAS-DE-FER, PREMIER COMTE DE FLAN. l'abbaye de Hasnon. Il observe de plus qu'il fut stipulé dans le traité de Madrid de 1526, article 3, que le roi de France renoncät à la souveraineté. . . . .. de la province de Flandre. En réunissant ces deux preuves à celles que j'ai exposées de mon côté, je ne crains pas de persister dans mon opinion. FIN. RECHERCHES SUR LA DÉCOUVERTE DE CHARBON DE TERRE DANS LA CI-DEVANT PRINCIPAUTÉ DE LIÉGE: VERS QUEL TEMPS ET PAR QUI ELLE FUT FAITE; Par M. re Baron DE VILLENFAGNE D'INGIHOUL. La UV Va VV Va VU Va VV Va Vo Ve VV a TV A OV GO ON UT NN GA et Va M ENT A RECHERCHES SUR LA DÉCOUVERTE DU CHARBON DE TERRE DANS LA CI-DEVANT PRINCIPAUTÉ DE LIÉGE: VERS QUEL TEMPS ET PAR QUI ELLE FUT FAIÎTE. Si l'origine des découvertes les plus remarquables à été long-temps enveloppée de ténebres, telle, par exemple, que celle de l'imprimerie, sur laquelle, selon quelques personnes, il reste encore des doutes à dissiper; combien, à plus forte raison , le sujet que je vais discuter, remontant à une plus haute antiquité, est-il moins facile à éclaircir! L’on ne mar- che d’ailleurs ici qu'entouré de faits fabuleux où l’on aura beau- coup de peine à apercevoir quelques traces de la vérité. Notre annaliste Gilles d'Orval était, prétend-on, presque Tom. IL. 39 202 .. RECHERCHES SUR LA DÉCOUVERTE le contemporain de la découverte du charbon de terre chez nous ; cependant son récit, relativement à cet objet, copié et embelli par ceux qui l'ont suivi, est entremélé de choses bien extraordinaires; mais cet auteur ne les transcrit que comme des bruits vagues et incertains, puisqu'il se sert de l’expres- sion fertur (1), on débite. Ce vieillard inconnu qui ressemblait à un ange, et qu'on nous donne même pour un ange, était, ainsi que le conjec- ture Guicchiardin (2), un voyageur; et dans cette supposi- tion on soupçonne qu'il naquit en Angleterre (3), où l’on fai- sait usage du charbon de terre long-temps avant peut-être qu'il fût connu parmi nous (4). Du mot anglus, anglais, comme le veut notre historien Bouille (5), on a fait angelus, ange : de là l'apparition d’un ange, au lieu d’un Anglais, si toute- fois on peut admettre ce conte. Quoi qu'il en soit, ce bon vieillard, ayant reconnu que notre pays possédait des mines de houille, doit avoir indi- (x) Gesta pontif. Leod. dans le recueil de Chapeauville, tom. 2, pag. r9r. (2) Description des Pays-Bas, ete. Anvers, 1582, pag. 470. (3) Voyez l'Histoire de l'État de Liege, etc. pag. 61. (4) L'éditeur des Voyages Métallurgiques de Jars, de l'académie royale des sciences de Paris, croit qu'on doit fixer en 1066 la date des premières exploitations des mines du charbon de terre dans la Grande-Bretagne, parce que Guillaume le conquérant disposa, cette année, de celles de Nieuw- Castle ; mais ces mines ne pouvaient-elles pas être connues avant cette époque ? (5) Histoire de Liège, etc. tom. 1, pag. 213. DU CHARBON DE TERRE. 293 qué à un pauvre maréchal qui se plaignait de la cherté du charbon de bois, un moyen peu dispendieux pour alimenter sa forge, en lui montrant la manière de se servir de ces mines: on ajoute qu'il disparut ensuite subitement. Mais pourquoi faire honneur à un ange, ou à un Anglais, d'une découverte que nous devons certainement à un de nos concitoyens? Nous reviendrons encore sur le récit de Gilles d'Orval. Le père Fisen appelle ce maréchal, Hurros de Plenevaux (1). Mais, où la prétendue apparition de cet ange, ou si vous aimez mieux, de ce vieillard, au malheureux Hullos, a-t-elle eu lieu ? Est-ce bien sur le Publemont, nomme aussi le Mont- St.-Martin, près duquel était située l'abbaye de St.-Laurent ? Ou est-ce sur la montagne de St.-Gilles, qui est aussi près de Liége? Ou bien n'est-ce pas peut-être sur celles qui touchent au Val-St.-Lambert, monastère construit dans un vallon agréa- ble, sur les bords de la Meuse, à deux petites lieues de cette ville ? Tous ces endroits offrent des mines de charbon de terre. D'après la narration du père Fisen, nous pouvons croire que Hullos était natif du village de Plenevaux, qui n’est pas très-loin du dernier de ces monastères. Il n’est pas le seul qui soit de ce sentiment, comme je vais le montrer. Nous avons beaucoup de chroniques manuscrites sur nos fastes qui sont, en général, l'écho de celles de Jean -d'Ou- tremeuse (2), souvent citées par nos historiens ; elles répè- (x) Historia Eccies. Leod. pars 14, pag. 292. (2) Cette chronique est aussi inédite. J'en posséde deux copies anciennes qui ont appartenu au savant baron de Cler; elles offrent des différences assez considérables. Jean-d'Outremeuse écrivait vers 1370. Q9 ® 294 RECHERCHES SUR LA DÉCOUVERTE tent presque toutes le passage suivant que le jésuite Foullon a placé à la marge de la page 304 du tome I, de son histoire de Liége : En 1198, furent trouvées les premières houilles par un prudhomme nommé Hullos, de Plenevaux. Je n’admets pas entièrement tout ce que contient ce passage; mais il mérite cependant de fixer notre attention. Hullos était donc du village de Plenevaux, bâti sur une montagne, lequel n’est pas très-éloigné de l’abbaye du Val- St.-Lambert, et où l'abbé avait sa maison de plaisance. Hullos avait sans doute sa forge, si toutefois 1l exerçait , comme l’a- vance Fisen, le métier de maréchal, à Plenevaux, ou peut- être à [vot, hameau qui est au pied de la montagne en ques- tion, sur la grande route qui mène en France. Ce hameau était aussi de la dépendance du ValSt.-Lambert. Consultons à présent la chartre de fondation de cette ab- baye, ce que n'ont pas fait les auteurs que je viens de citer, et peut-être parviendrons-nous à repandre quelque jour sur la discussion où nous nous sommes engagés. Le comte de Clermont avait donné à quelques religieux du monastère de Signy, des fonds de terre, entr'autres, le vil- lage de Plenevaux, pour y établir une maison de leur ordre ; mais ces religieux , n'ayant pas trouvé Plenevaux de leur goût, s'en retournerent chez eux. Cependant Hugues de Pierrepont, prince de Liége, voulant seconder les bonnes intentions du comte de Clermont, rappela, quelques années après, d’autres moines du même monastère, et leur donna, en 1202, un lieu plus commode et plus agréable, appelé le Champ des Maures, DU CHARBON DE TERRE. 299 Campus Maurorum (1). C’est dans ce lieu qu'on construisit l'abbaye du Val-St.-Lambert. Pesons attentivement l'expression du Champ des Maures. Il est bien sûr que cette nation lointaine n’a point fait d'in- cursion dans la principauté de Liége, et qu’elle n’y a pas laissé par conséquent des marques de son caractère féroce qui au- rait pu en perpétuer le souvenir ; ainsi ne semble-t-il pas qu’on ait voulu marquer par ces mots, Campus Maurorum, une campagne où passaient fréquemment les houilleux, c'est-à-dire les ouvriers qui exploitaient les mines de houille si abon- dantes dans ce canton? On sait qu’en sortant des entrailles de la terre, ils sont aussi noirs que des Africains : c’est donc par sobriquet qu'on les aura nommés Maures, et l’on aura nommé aussi le Champ des Maures, Campus Maurorum , la campagne qu'ils traversaient pour y déposer les houilles dans un parc, afin de pouvoir la transporter ailleurs par la Meuse. La même chartre de Hugues de Pierrepont corrobore cette conjecture. Ce prince ajoute à sa fondation, pour y élever une grange, un endroit qu'il appela Cham-de-Bure, où il existe encore aujourd'hui une belle ferme qui porte ce nom et qui appartenait à l’abbaye du Val-St.-Lambert; cette ferme est située sur la montagne d’Ivot; c'était là où se trouvait le puits, ou le bure de la houillière (2):et Hullos, d’où le mot koutlle, (1) Miræi Opera Dipl. tom. 1, pag. 730. (2) IL faut observer que l'endroit où est la ferme dont je parle, connu déjà alors, comme il le parait, depuis long-temps sous le nom de Cham- de - Bure, était en 1202 inculte et présentait une surface assez étendue dont une partie se rapproche de la Meuse : c'est dans cette partie que le bure de la houillière avait été placé. 296 RECHERCHES SUR LA DÉCOUVERTE en latin Aulla, est tiré, avait peut-être établi la premiere houillière du pays de Liege à Cham-de-Bure, voisin de Ple- nevaux. Nos auteurs varient sur l'année précise de cette précieuse découverte ; les uns la placent vers la fin du règne de notre prince Albert de Cuyck (1198), et les autres, au commence- ment du règne de son successeur, Hugues de Pierrepont ; ils varient aussi dans les circonstances qui y conduisirent. Gilles, que j'ai déjà cité, né à Liége vers l'an 1200, moine dans l’ab- baye d'Orval, est le premier qui en ait parlé; il ne fait men- tion ni du Publemont, ou Mont-public, ni de l’abbaye de St-Laurent; mais par l'expression de Montagne des Moines, Mons Monachorum, dont il se sert, il a pu donner à penser qu'il entendait les religieux de ce monastère. Il ne rapporte, comme on a vu, que des bruits vulgaires, tel que l'apparition de ce vieillard, révêtu d’une robe blanche, et dont le menton était orné d’une barbe vénérable, lequel, passant par un endroit nommé Cochè (1), rencontra un maréchal quise plaignait amère- ment de la cherté du charbon de bois : il se tait sur le nom de ce maréchal que le père Fisen croit être Hullos. Tout le récit de Gilles d'Orval est si rempli de choses mer- veilleuses, qu'il n’est guère possible de l’adopter; il en con- vient en quelque façon; car il n’est pas si attaché à son opi- nion qu'il ne la regarde lui-même comme un &t-on, fertur ; néanmoins les auteurs postérieurs ont encore renchéri sur (1) J'ai fait des perquisitions pour savoir s'il y avait encore à présent un endroit de ce nom, soit dans les environs de St-Laurent, soit dans les envi- rons de St-Gilles et du Val-St-Lambert; mais le résultat de mes démarches a été infructueux. DU CHARBON DE TERRE. 297 lui : et si on rapproche le temps où vivait ce chroniqueur avec celui où l’on fixe la découverte de la houille, ne sera-t- on pas étonné des contes qu'il nous débite? Il florissait, se- lon Chapeauville, en 1230, une trentaine d'années, prétend- on, avant cette découverte : elle se fit donc dans son enfance: comment est-il arrivé qu'il n’en connût pas toutes les parti- cularités ? D'un autre côté, la chartre de fondation de l’abbaye du Val- St.-Lambert, de l'an 1202, nous laisse entrevoir qu’il existait, long-temps avant cette fondation, un bure sur la montagne d'Ivot, pres du village de Plenevaux; ce bure servait à ex- traire du charbon de terre que les houilleux transportaient sur les bords de la Meuse, dans le Champ des Maures, expres- sion qui ne peut convenir qu'a ces malheureux ouvriers, com- parés comme je l’ai dit, à cause de leur noirceur, à des Africains. Tout ceci annonce donc une ancienne exploitation qui était en activité près de deux siècles peut-être avant Gilles d'Orval; et une remarque essentielle à faire encore ici, c’est que pendant ces deux siècles, nous ne comptons personne qui ait pris la plume pour nous informer des événemens qui se sont passés dans notre pays. Voilà pourquoi cet auteur qui a entrepris sa chronique vers 1235, ou 1240, s’est borné à ramasser ce qu’on racontait alors de fabuleux sur l’origine de la découverte du charbon de terre chez nous. C'était le goût des siècles barbares du moyen âge; on ne savait pas encore distinguer le vrai du faux. Je suis d’ailleurs bien persuadé que le passage de Gilles d'Orval, touchant l’époque de cette découverte, qui commence par ces mots : //oc quoque tempore (c’est dans ce temps), a été abusivement placé sous le règne 208 RECHERCHES SUR LA DÉCOUVERTE ETC. d'Albert de Cuyck, et qu’il aurait dù être rangé sous les pre- EE 5 mières années du règne de notre prince Théoduin (vers 1049). ette transposition de passages, opérée souve es Co- Cette transposition d ges , ouvent par d pistes ou des abréviateurs ineptes, n’est pas une chose extraor- dinaire; plusieurs anciennes chroniques ont été ainsi muti- lées; de savans écrivains francais ont fait cette observation ? > > avant moi (1). Au reste, je n'hésite pas à me prononcer sur le véritable auteur de la découverte si utile dont je viens d'entretenir mes lecteurs; c’est certainement Huilos, du village de Plene- vaux, et non un étranger sous quelque figure que ce soit ; on en a üne preuve convaincante dans ce que ses concitoyens reconnaissans firent en sa faveur ; ils donnèrent son nom à la mine précieuse qu'il venait de découvrir : ils n'auraient su, en effet, employer un moyen plus assuré pour transmettre à la postérité la mémoire de cet homme estimable. (1) Voyez les Mémoires de l’'acad. des inscrip. et belles lettres , etc. EXTRAITS DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. FAITES A BRUXELLES PAR J. KICKX. Tom. II. one PROS ion 4 1 BAR LA LAI LL AAA LULLLL SLAVE LTE LE RAR ELITE ULE LL TELL LEE LE LL EULALLULLILALLLULELLLLS térvraress EXTRAITS des observations Météorologiques fac- tes à Bruxelles dans la partie moyenne de la ville pendant les mois de novembre et décembre 1821. Ces observations ont été faites régulièrement cinq fois par jour : à sept et à dix heures du matin; à deux , à six et à dix heures du soir, sur un baromètre et thermomètre à mercure, échelle de Réaumur placés à l'ombre et au nord. Il en résulte pour le mois de novembre: 10 Que la plus grande élévation du baromètre, a été le 8 du mois, à 28 pouces, cinq lignes. 20 Que sa moindre Aa a été, le 18, de 27 pouces, trois lignes. 3° Que le thermomètre a été à son plus haut degré d’élé- vation , le 3, le 15 et le 16, étant à onze degrés au-dessus de zéro. 4° Que sa moindre élévation a été le 5, le 7 et le 10 étant à 4 degrés. 5° Que pendant le même mois de novembre nous avons éprouvé 6 ouragans, savoir : la nuit du 2 au 3, celle du 3 au 4, la soirée du 4, la journée du 16, et les soirées du 22 et du 30. 6° Que le vent dominant a été sud-ouest pendant 19 jours; et qu'il a varié “pendant 11 jours entre sud-ouest-quart-ouest, ouest-quart-sud, ouest-sud-ouest, ouest-quart-nord, nord-ouest, et nord-ouest-quart-nord. Lo. 302 OBSERVATIONS 7° Que nous avons eu 16 jours de pluie, dont 4 de pluie forte, accompagnée de vent ; 12 jours de temps clair ou serein, et 2 jours de brume épaisse. Pour le mois de Décembre. 10 Que le plus haut point d’élévation du baromètre a été le 12, à 28 pouces, six lignes. 20 Que sa moindre élévation a été de 26 pouces, cinqlignes, le 25 du mois. 3° Que le thermometre à sa plus grande élévation mar- quait le 16, neuf degrés 1/4. 4° Qu'il était à sa moindre hauteur, le”, à deck degrés au- dessus de zéro 5o Que le vent dominant a constamment été comme au mois de novembre, sud-ouest pendant 23 jours, et qu'il a varié pendant les huit autres jours, entre ouest-sud - ouest, nord-ouest-quart-nord, sud-est et nord-est. 60 Qu'il y a eu sept ouragans, savoir: la nuit du 16 au 17, celle du 19 au 20, la soirée du 21, la nuit du 22 au 23, du 23 au 24, et le plus violent de tous pendant la nuit du 24 au 25 ,.et du 28 au 26. 7° Que nous avons eu 21 jours de pluie, et 10 jours de temps clair ou serein. Extrait des Journaux, Depuis le 17 jusqu’au 29 de ce mois, des tempêtes conti- nuelles se sont succédées : elles ont été toutes désastreuses et particulièrement celle du 25. Les côtes de l’Adriatique, de la MÉTÉOROLOGIQUES. 303 France, de l'Italie, de l'Angleterre, la Suisse, le Piémont et l'Espagne, furent plus ou moins ravagées. Le port de Gênes souffrit considérablement : plus de 40 bätimens de toutes grandeurs y furent jetés par la mer; la pointe du vieux môle fut détruite, et la batterie qui la surmontait, engloutie. Marseille, Toulon et Venise furent en partie submergées ; dans cette dernière ville, les barques voguaient sur la place de St.-Marc, spectacle inoui depuis 1794. Olone dans le bas Poitou, Marennes en Saintonge, éprouvèrent aussi de grands désastres; une pluie à torrent, mêlée de grêle, accompagnée d'un vent impétueux, ytomba pendant 13 jours. Les côtes de l'Océan aquitanique furent couvertes dans une étendue de plus de 30 lieues de débris de navires et d'objets de car- gaison. Le Guadalquivir se déborda en Espagne , des torrens échap- pés de leurs lits ravagèrent le Piémont, et causèrent des pertes incalculables. En Angleterre plusieurs digues se rompirent; les eaux mon- tèrent au niveau des comptoirs dans les boutiques d’Eton ; dans d'autres endroits des maisons furent découvertes, des chemi- nées abatues, des personnes ensevelies sous les ruines... . Le 19, 20 et 21 décembre, une éruption très con- sidérable se manifesta à proximité de l’héela, dans un en- droit qui n'avait éprouvé depuis 1612 aucun symptôme vol- canique. On a trouvé à un mille du cratere des pierres du poids de 80 livres, à moitié calcinées : la masse des cendres sulfureuses qui avait formée une croute épaisse sur les champs des environs, a été enlevée depuis, par un violent ouragan, 304 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. et une pluie abondante. L'explosion était accompagnée de fortes détonnations et de secousses de tremblement de terre assez sensibles. Tels ont été les résultats de cette tempête qui, par son ex- tension et sa continuité fera époque dans les annales de la météorologie ; il est à craindre que par la suite nous n’appre- nions qu'une catastrophe n'ait eu liou dans une partie éloignée du globe. ARRLVELILLELLULELEVLIEALLDELPELLIALILITALLLLTLEULETOUALLILLELLATVEBLUILLILEULILULILETLLILRS EXTRAITS ds observations Météorologiques far tes à Bruxelles pendant le prenuer semestre de l'an 1822. Mois de Janvier. La plus grande élévation du baromètre a été de 28 p. 4 lign. les 12, 19, 21, 23, 27, 30 et 31. Sa moindre élévation a été le 4, de 27 p, 4 lignes. Le thermomètre au point le plus élevé marquait le 13, 6 degrés au-dessus de O. Il descendit le 7 à r degré au-dessous de zéro. Nous n'avons éprouvé pendant ce mois qu'un seul ouragan; il éclata dans la nuit du 14 au 15, il était accompagné de ton- nerre, d'éclairs, de grèle et de pluie. Le vent sud-ouest a dominé pendant huit jours, il a varié pendant les autres entre ouest-sud-ouest, ouest-quart-sud, sud-ouest-quart-ouest, nord-ouest-quart-ouest, nord-ouest, nord-est et est. Nous avons eu six jours de pluie, trois jours de neige fai- ble, sept jours de temps clair ou serein, neuf jours de temps couvert et six Jours de brume ou brouillard. Le 19 janvier on ressentit dans le royaume de Naples quatre ,,.°*""" « à €$ SONTOAUX, secousses de tremblement de terre. Une forte commotion se manifesta également le 22 à dix heures du soir dans le duché ‘ÆYorck en Angleterre. Extrait des Journaux. 306 OBSERVATIONS Dans la nuit du 22 au 23, un ouragan tel que de mémoire d'homme on ne s’en rappelait pas de pareil, éclata à Srint- Pétersbourg ; la Newa se déborda et inonda une partie de la ville. Mois de Février. Le baromètre à sa plus haute élévation indiquait les 17, 18 et 19, 28 p. 4 1/2 lign. Sa moindre élévation fut le 3, de 27 p. 8 lignes. Le thermomètre à sa plus grande hauteur marqua le 5, 9 de- grés au-dessus zéro ; il indiquait le 1° à sa moindre élévation 1 degré au-dessous du point de la glace. Nous essuyames deux ouragans, le premier dans la nuit du 2 au 3, le second dans celle du 4 au 5. Le vent fut sud-ouest pendant dix Jours , ouest-sud-ouest pendant 10 autres, il varia le reste du mois entre ouest, nord- ouest, ouest-quart-sud , sud-est, est-quart-nord. Nous avons eu 17 jours de temps clair ou serein , deux jours de pluie et 9 jours de temps couvert. Ce mois a été fertile en événemens extraordinaires dans presque toutes les parties de l'Europe. Le 3 février un oura- gan furieux qui dura 2/4 heures éclata à Stockholm ; le baro- mètre y était plus bas qu'il n'avait été depuis 55 ans ; la ma- rée y fut extraordinairement haute pendant toute la journée. Le 19, à neuf heures du matin environ, on éprouva à Lyon une forte secousse de tremblement de terre, elle s’étendit à Cham- béry, Tournon, Tain, Grenoble, Genève, Vésoul, Valence, MÉTÉOROLOGIQUES. 307 Rumilly, Yenne, St.-Innocent et Brisson. À St.-Germain les eaux se sont élevées de 6 à 10 pieds; les sources chaudes d'Aix et des environs prirent un accroissement subit, les eaux souffrées prirent une couleur blanc-grisâtre et restèrent trou- bles pendant plus de deux heures; leur température n’a pas variée : les eaux alumineuses n’éprouvèrent aucune altéra- tion. Ces phénomènes sont les mêmes que ceux qui accom- paguèrent le tremblement de terre qui détruisit Lisbonne en 1795. Le lac du Bourget en Savoie sortit de son lit et s’éleva en bouillonnant à plus de deux pieds. A Belley la commotion dura plus de 4o secondes, on voyait s’agiter les sommets des montagnes, l'air y était calme, le thermomètre à 12 degrés au-dessus de zéro et le baromètre au variable. À Alby plu- sieurs personnes éprouvèrent pendant la secousse l'effet d’une commotion électrique dans diverses parties du corps. Les ha- bitans de Bourg et des communes situées à l’est, à deux lieues environ, entendirent des détonations plus ou moins fortes, comparables à celles du canon et dirigées sur la ligne de l’ouest dans la plaine. La plus haute élévation du baromètre pendant cette journée était chez nous de 28 p. 4 1/2 lign. et sa moindre élévation de 28 p. 4 lignes. Le thermomètre va- riait de 4 à 6 degrés au-dessus de zéro, Depuis le 17 du mois, les détonations du Vésuve annon- caient une éruption prochaine : elle eut lieu le 21 et continua jusques dans la nuit du 27 au 28; une pluie de cendres volca- niques très-épaisse s’éleva du cratère et retomba dans les en- virons de Portici et de Torre del Greco; dans la matinée du 28 cette pluie cessa et le Vésuve demeura tranquille. Le 23, une nouvelle secousse de tremblement de terre Tom. Il. 4x 308 OBSERVATIONS très-forte, quoique moins longue que celle du 19, se fit sentir à Belley, à trois heures après-midi. Mois de Mars. La plus haute élévation du baromètre a été de 28 p. 4 lignes les 17, 2, 3, 12, 18 et 29. Sa moindre élévation était de 27 p. 6 lignes les 7, 8 et 30. Le thermomètre à sa plus grande élévation, marquait 15 de- grés au-dessus ©, le 28; et zéro à sa moindre hauteur le 1°7 du mois. Nous eûmes six ouragans, savoir : dans la nuit du 5 au 6, dans la journée du 6, dans la soirée du 8, pendant la nuit du 10 au 11, dans la soirée du 11, et dans la nuit du 30 au 31. L'ouragan du 8 était accompagné de pluie, de grèle et de ton- nère; il s’étendit à Oost et Westmalle, communes situées dans l'arrondissement de Turnhout, province d'Anvers, à Groe- ningen et à Slype. Dans la journée du 31:il gréla fortement à plusieurs reprises. Le vent dominant a été sud-ouest pendant 12 jours ; il a varié pendant les 19 autres entre ouest, ouest-quart-nord, nord, nord-quart-ouest, ouest-quart-sud, et sud-sud-ouest. Nous avons eu 12 Jours de temps clair ou serein, 15 jours de pluie et 4 jours de temps couvert. ns On a remarqué à Londres que le 6 de ce mois, les eaux des Journaux. de la Tamise baïsserent au point de la rendre guéable en plu- sieurs endroits malgré un vent sud-ouest qui aurait dù les re- MÉTÉOROLOGIQUES. . 309 fouler dans le fleuve. Un phénomène semblable a été observé le même jour sur la côte septentrionale du comté de Cantor- bery; la mer s’y retira à une distance considérable, telle qu'on y trouva un grand nombre d'objets précieux. Le 22 1l se forma à Marsala en Sicile, deux grandes crevasses dans le rivage ; le même jour au moment où la mer paraissait calme,unebarque fut jettée contrelesrochers par un mouvement extraordinaire des flots; ces effets furent attribués à l’érup- tion d’un volcan sous-marin. On ressentit le 11 à 4 heures du matin à Halberstad, en basse Saxe, une légère secousse de tremblement de terre; un terrible ouragan désola le même jour les côtes de la Norwége. Pendant cet hiver 23 inondations se sont succédées à Ham- bourg : les régions septentrionales n’eurent point de neige, rarement des gelées, souvent même plusieurs degrés de cha- leur , tandis qu’au mois de janvier il règnait à Naples un froid très-vif et aue le Vésuve se couvrit de neige. Quelques par- ties de l'Islande ont éprouvé un hiver des plus rigoureux et d’autres au contraire ont constamment joui d’une tempéra- ture modérée. Mois d'Avril. Le plus haut point du baromètre a été de 28 pouces 5 li- gnes, les 1,2, 28, 29 et30, et sa moindre élévation le 22, de 27 pouces 6 lignes. Le thermomètre n’est pas monté au delà de 17 degrés et demi : il marquait le 3 à sa moindre hauteur deux degrés au-dessus de zéro. A5. Extrait des journaux. 310 OBSERVATIONS Nous n'avons éprouvé aucun ouragan ; seulement un vent plus violent que d'ordinaire souffla dans la journée du 25. Un orage éclata dans l'après-midi du 18. Le vent sud-ouest a dominé pendant 11 jours : il a varié pendant les autres entre nord , nord-nord-ouest, nord-quart- ouest, est, nord-est, nord-nord-est, ouest, ouest-quart-sud , et ouest-sud-ouest. Nous avons eu trois jours de pluie, deux jours de grêle très- forte mêlée de pluie et de neige, 17 jours de temps clair ou serein, et huit jours de temps couvert. Le 18, entre neuf et dix heures du matin, une secousse très- forte de tremblement de terre se fit sentir à Crieff en Angle- terre. Mois de Mau. Le baromètre à sa plus grande élévation n’a pas dépassé 28 pouces 3 1/2 lignes : sa moindre hauteur a été le 10 de 27 pouces 6 lignes. Le thermomètre au point le plus élevé marquait le 6, 20 de- grés au-dessus de zéro, et 7 à sa moindre élévation le 9 du mois. Nous avons essuyé cinq orages , savoir : dans l'après-midi du 6, du 7, du 11, du 19 et dans la soiré du 25. Le vent a été nord-ouest pendant 16 jours : il a varié pendant les autres entre nord-est-quart-nord, nord-quart-ouest,nord-nord-ouest, et nord-ouest. Nous avons eu 3 jours de pluie dont un de pluie forte, MÉTÉOROLOGIQUES. Sr 20 jours de temps clair ou serein , et huit jours de temps cou- vert : le 21 et le 29 brouillard tres-épais avant midi. Dans les premiers jours du mois les commune de Haillot, Gesves, Onhaye , Haltinne, et plusieurs autres du canton d'Andenne, ont beaucoup souffert de la grêle. On éprouva le 6 vers le soir une forte commotion de trem- blement de terre à Nicosia dans l’île de Chypres, et le 10 une autre plus forte encore que la précédente; le temps était clair, une horrible détonnation suivie d’autres secousses se fit en- tendre : les mêmes commotions ont été senties à Catania, en Sicile , éloigné de 5o mille de Nicosia. Le 6 et le 7 il éclata à Bonn un orage furieux accompagné de grêle : sept communes ont été entièrement ravagées. L'orage que nous essuyames le 7, s'étendit également à Mis- cum, entre Diest et Tirlemont, à Bruges, à Gand, à Huy et à Amand pres de Valenciennes : dans cette dernière commune une grêle affreuse a détruit tout espoir de récolte. Le même jour, une grêle d’une grosseur extraordinaire, a maltraitée 26 villages des environs de Douai. Le 8, à cinq heures du soir, l'ouragan le plus violent qui ait été vu de mémoire d'homme, a porté en une heure de temps, le ravage dans 25 communes du département de l'Yonne. Un orage affreux jeta le même jour la désolation dans le Kiszutzerdal, en Hongrie : cinq communes sont totalement détruites : de 300 maisons qui les composaient il ne reste plus de vestige : la grêle était amoncelée de quatre pieds de hauteur. é > Extrait des jouiza.x, 12 OBSERVATIONS (en Le 11 une grêle, dont plusieurs grélons étaient plusgrosqu'un œuf, hacha les champs des Ardennes. Un orage effroyable accompagné de grêle tres-forte éclata le 19 à 4 heures de l'après-midi à Audenaerde : tous les envi- rons sons ravagés, et tout espoir de récolte anéanti. Le 25 un orage accompagné de tonnerre, d’une tres-forte pluie et de grêle d’une grosseur étonnante, éclata à Londres : on comptait 1300 carraux de vitres cassés dans le seul palais du roi. Une forte secousse de tremblement de terre sema la con- sternation le 31 de ce mois, à Nantes, Niort, la Rochelle, etc., à 7 heures 5o minutes du matin : elle a durée 3 secondes. Quatorze communes des environs de Bologne ont été très- endommagées par un ouragan des plus destructeurs ; il y tomba des grèlons qui pesaient jusqu'a 9 onces, On a ressenti pendant ce mois en Dalécarlie une forte se- cousse de tremblement de terre. Mois de Juin. La plus grande élévation du baromètre a été de 28 pouces 3 1/2 lignes, le 1° du mois, et sa moindre élévation de 27 pou- ces 10 lignes, le 15. Le thermomètre à son plus haut point indiquait 23 1/2, le 10, et à sa moindre hauteur Le 13, 9 degré au-dessus de glace. Nous avons eu pendant ce mois deux orages, dont l’un dans la nuit du 11 au 12 n’a été entendu que dans le lointain ; MÉTÉOROLOGIQUES. 32 le second éclata le 23 et s'étendit à Boom, Anvers, Gand, Oostakker, Loochristy, et Winkel : les 5 dernières de ces communes éprouvèrent de grands dégats. Le vent a été nord-est pendant 19 jours; il a varié pendant les 11 autres entre ouest, nord-ouest, nord-nord-ouest, et sud-ouest. Nous avons eu 3 jours de pluie, dont 2 de pluie faible, 4 jours de temps couvert, et 23 jours de temps clair ou serein. Le 4, à 6 heures du soir, l'ouragan le plus furieux désola la Vallée de Leffe, près de Dinant; la rivière s’estélevéà r2pieds au-dessus de son niveau ordinaire. des journaux. Au commencent de ce mois diverses provinces de France ont'éprouvé les orages les plus désastreux. À Lempde (Haute- Loire) une énorme masse d’eau s’est précipitée tout-à-coup d'une colline voisine dans le village ; elle s’éleva jusqu’à la hauteur de 20 pieds; à Riom plus de 3000 vitres ont été brisées. Le 25 dans la soirée, on essuya à Strasbourg, Kelh, et sur une partie de la rive droite du Rhin, un ouragan terrible. Sur le penchant oriental de l’Etna, dans une plaine à 200 \ . . pas de la mer et à un mille 1/2 au nord de la rade de Riposto, on a vu depuis peu se former un volcan d'argile : le cratère n'excède pas 2 1/2 pieds; l'argile fangeuse qu’il vomit s'élève \ Al . à la hauteur de 6 à 7 pieds, et forme en se repandant une espèce de bourbier; elle est excellente pour les ouvrages de poterie. Dans la nuit du 13 au 14 juin, il y a eu dansles environs de Pétersbourg et dans quelques autres provinces septentrionales 314 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. de la Russie , une gélée qui a détruit toute la jeune végétation, et surtout celle des pommes de terre. On écrit de Naples, le 23, que depuis plusieurs jours le Vésuve lançait d’épaisses colonnes de fümée. Le 25, Venise a été le théâtre d'un orage terrible; trois na- vires ont été brisés; les couvertures en plomb des coupoles et des toits de diverses églises ont eté en partie enlevés: la grêle tombait par torrens, les grêlons étaient de la grosseur d’une noix ou d'un œuf, plusieurs du poids d’une demi-livre, quel- ques uns même, d’une livre. Déjà depuis vingt jours, cette capitale éprouvait une très-grande sécheresse et une chaleur étouffante. Le lendemain on portait à 137 le nombre des vic- times qui avaient péri tant par la chûte des débris, que par la violence des eaux. RELATION D'UN VOYAGE FAIT À LA GROTTE DE HAN AU MOIS D'AOUT 18622, PAR MM. KICKX ET QUETELET. LUE À LA SÉANCE DU 28 OCTOBRE. Tome 11, 42 car: RPPRRNPRARARARARRAR RAR RRARRARARRARRRARPRPRPRARRAR RPPRARIE RARANRAR RARRANITE RPRAR RAA RARPPRARAAARAARRS RTS RELATION D'UN VOYAGE FAIT A LA GROTTE DE HAN AU MOIS D'AOÛT :622, PAR MM. KICKX ET QUETELET. L'Acanéure désirant avoir des renseignemens positifs sur la grotte de Han et le nouveau passage que l’on vient d'y dé- couvrir, nous avait désignés pour aller examiner les lieux et lui faire à ce sujet un rapport circonstancié. Jaloux de rem- plir avec toute l'exactitude possible cette honorable mission, nous nous sommes empressés de réunir les instrumens né- cessaires et de prévenir la mauvaise saison qui aurait pu por- ter obstacle à nos recherches. En conséquence nous nous mi- mes en route le 19 août dernier; arrivés sur les lieux, notre premier soin fut de nous procurer les notions préliminaires et les moyens de réussir dans notre entreprise. D’après ces notions nous fimes notre plan de travail, et il fut convenu que pour économiser le temps et faciliter nos recherches, l’un de nous se chargerait de la topographie intérieure de la grotte, tandis 12. Brio _ RELATION D'UN VOYAGE que l’autre s’occuperait de sa partie extérieure, géognosique et physique. Afin de procéder avec ordre, la relation que nous allons avoir l’honneur de faire à l'Académie comprendra d’abord une esquisse de la géographie physique de la contrée, où est situé le rocher : cette esquisse se lie immédiatement à l'objet principal de notre voyage , et il eût été difficile de nous dispenser de l’offrir; ensuite nous donnerons une des- cription particulière de la grotte de Han et l'indication de quelques autres cavités qui existent dans les environs. Quelques réflexions sur les causes qui ont pu produire ces grottes ne paraîtront peut-être pas déplacées à la suite de ces descriptions : si l’on met de l'intérêt à connaître la grandeur de leurs salles et l’élégance de leurs stalactites, auxquelles l'imagination frappée prête d’ailleurs souvent des formes qu'elles ne possèdent pas, il nous a paru que l’on peut bien en mettre également à connaître les causes physi- ques de ces excavations et les commotions que ces masses ont éprouvées des les premiers temps de leur création. Enfin nous terminerons par une notice de quelques indi- vidus végétaux et animaux les plus curieux que nous ayons recueillis dans notre course et dans le peu d’intervalles que nous laissaient nos occupations essentielles. Nous espérons que l’ensemble de notre travail satisfera l’Académie et qu’elle sera convaincue de nos efforts pour répondre à la confiance qu’elle a bien voulu nous témoigner. La Lesse, qui traverse la grotte que nous étions chargés d'examiner, prend son origine aux bois de Luchy et de Ba- FAIT A LA GROTTE DE HAN. 319 nay, pres de Neufvillers, à deux lieues sud par ouest de Neuf- château, province de Lüxémhbures de sa source à son em- Hoichüre. elle parcourt une étaidue de pays de 13 à 14 lieues de vingt au degré. Ce pays offre une suite de rochers, dont les uns sont absolument nus ou couverts seulement d'un gazon, épais de quelques centimètres, à travers lequel s'élèvent leurs crètes, tandis que d’autres plus chargés de terre présentent la plus belle végétation. Ces rochers portent tous les caractères géognosiques et minéralogiques de la formation transitive et consistent en calcaire et schiste et en argile schisteuse, que dans le pays on nomme aguesse. Le calcaire s'élève beaucoup et constitue une belle sorte de marbre, susceptible du plus beau poli : il est disposé en couches d'autant plus épaisses, plus dures, plus grenues, plus noirâtres, qu'elles se rapprochent davan- tage de la base de ces masses pierreuses ; plusieurs de ces couches sont traversées par des veines de spath calcaire, dans lesquelles on remarque souvent des cristaux de chaux fluatée violette : elles sont inclinées sous divers angles, de- puis vingt à vingt-cinq degrés jusqu'à soixante; il y en a même de presque verticales, d’autres sont courbées ou incli- nées en sens contraire des couches voisines, et il est rare de voir deux roches de ce calcaire ,-qui suivent le même parallèlisme , avoir leurs bancs disposés uniformément ou dans le même plan d'inclinaison. Les fossiles y sont peu nombreux et ne consistent qu'en anomies, anomia pecte, Lin., et en polypolithes tubipores , tubipora stellata, L., que les gens du pays appellent guépiers, sans doute à cause de leur ressemblance avec les gâteaux des guëêpes. Le schiste argilleux s'appuie sur la base de ces masses Caloires il s'élève souvent assez haut sur leurs flancs, mais 320 RELATION D'UN VOYAGE alors ses bancs alternent avec des couches de calcaire et di- minuent en épaisseur, à mesure qu'ils s'élèvent vers le som- met de cette roche. Ces bancs sont en général si fortement inclinés, que la plupart s’approchent de la ligne verticale; ils sont surmontés assez communément par l'argile schisteuse dont les couches ne s’inclinent pas toujours dans le sens de celles du schiste qui lui est inférieur : cette roche est immédiatement recouverte par la terre végétale presqu’en- tièrement composée d'argile. Le village de Han ct situé entre ces rochers dans un vallon creusé par la Lesse : le fond moyen de ce vallon s’é- lève à cinquante-huit metres environ au-dessus du confluent de la Lesse et de la Meuse et à cent quatre-vingt-neuf mètres au-dessus de la mer. Ces mesures, ainsi que plusieurs autres, dont il sera question plus bas, ont été prises au moyen du baromètre, en ayant égard aux réductions nécessitées par l'état thermométrique de l'air. Quand nous arrivâmes à Han, nous venions de Rochefort, qui en est éloigné d'environ une lieue : nous avions passé sur plusieurs rochers calcaires, couverts cependant d’une assez grande quantité de terre en plusieurs endroits ; tandis que dans d’autres. la roche schisteuse, sillonuée par des ravins, « (x) En comparant le niveau de Namur à celui du canal de Bruxelles, nous eûmes la satisfaction de voir coïncider à peu de chose près notre calcul avec celui de M. le Baron de Poederlé fils, consigné dans le tome I des an- ciens mémoires de ! Académie : M. de Poederlé estime la différence à 255 pieds , elle nous a paru être 252, disparité qui peut dépendre de la partie de Namur, où nous fimes nos observations respectives ou de l’état du thermomètre, dont M. de Poederlé a pu négliger de tenir compte. . PI D YNT 22727/4 72 POCALO) UV 9P AUZPLUOIN PF 12 SUIIA 7] Se al ere FAIT À LA GROTTE DE HAN. 327 fatiguait les regards. Parvenus sur la hauteur qui se trouve en face du village, la scène changea entièrement : nous nous arrêtèmes quelque temps pour jouir de la beauté du spectacle qui se déployait devant nous : à nos pieds s’étendait une riche vallée, où l’on avait moissonné quelques jours aupa- ravant : plus loin se montrait le village avec sa modeste église, et plus loin encore, le rocher de Han, dont le front cou- ronné de bois épais s'élève au-dessus des montagnes qui l’en- vironnent et ferme majestueusement le tableau : sur ses flancs escarpés et tapissés de verdure, on apercoit de loin le vaste entonnoir au fond duquel se trouve le gouffre; plus bas, la Lesse qui s’en échappe brillante et limpide comme un cristal, glisse paisiblement sous des bouquets d’arbrisseaux et après avoir serpenté dans la plaine qu’elle féconde, elle se cache derrière le village, pour reparaître ensuite plus large et plus belle sous un rideau de peupliers. Tout contribue à faire de ce vallon un séjour enchanteur : l’imagination la plus riante aurait peine à se créer un tableau plus gracieux que celui qu'offre la Lesse près de sa sortie : elle semble s’élargir et s'étendre devant le rocher, comme un vaste miroir, pour réfléchir les masses de feuillage qui peucheut sur ses bords : dans le fond, l'entrée de fa grotte, que l’on commence à dé- couvrir, jette une teinte sombre sur la surface des eaux et relève encore la molle verdure des saules et des arbustes, qui la cachent en partie. Au sortir de ce bassin, les eaux s’échappent avec un doux murmure, à travers une digue de cailloux, qui se trouve sur la gauche d’un grillage en bois, destiné à arrêter les poissons qui remontent la Lesse et qui autrefois venaient chercher un abri jusque dans les cavités de la montagne. Mais quand on avance ensuite jusqu’à l’en- trée de la grotte, qui se prolonge vers le nord, on se trouve 322 RELATION D'UN VOYAGE - frappé d’un spectacle tout nouveau : une énorme couche de pierre calcaire, assez élevée d'abord et qui paraît n'avoir aucun appui, s'abaisse ensuite vers la gauche et s'enfonce sous les eaux. Au-dessus d'elle s'étend une large ceinture de mousse et de lierre,, chargée d'arbrisseaux, qui cachent ce que le reste du rocher pourrait avoir d’affreux : on ne peut s'empêcher de frémir en plongeant ses regards sous cette voûte immense, qui semble suspendue sur les eaux comme par enchantement ; on tremble de la voir se détacher subi- tement et de Dh écrasé sous ses débris. Dans les temps fabuleux, l'imagination des hommes, frappée d’une secrète horreur, à l'aspect de ces constructions gigantesques, aurait sans doute cru voir ici l'entrée des enfers : du moins la peinture que Virgile nous en a donnée, convient parfaite- ment à l’entrée de notre grotte : Spelunca alta fuit vastoque immanis hiatu Scrupea, tuta lacu nigro, nemorumque tenebris Hic specus horrendum. On ne peut se former une idée du bruit épouvantable que fait à l'entrée de la caverne la détonnation d’une arme à feu : toutes les cavités de la montagne semblent mugir en même temps et les voûtes se détacher er ciouler ensemble. A ce bruit affreux succède bientôt un calme imposant, qui n'est interrompu que par le cri lugubre des chauve-souris qui se cachent dans l'intérieur de la grotte ou par le bruit monotone des eaux qui filtrent lentement à travers le rocher et tombent goute à goute dans la Lesse qui semble à peine se mouvoir. La plus grande hauteur de la voûte, au sortir de la rivière, peut être de trois à quatre mètres et sa plus grande largeur de quarante-cinq environ : ses flancs qui descendent presque verticalement des deux côtés dans la Lesse ne per- 20P0 7 C4 272207) 4090 Su 74 127 UBF] 9P 04) ne SSYT PJ 2P 21HO$ 9p 97jour) FAIT À LA GROTTE DE HAN. 323 mettent de pénétrer dans l'intérieur qu’au moyen d’une na- celle. Avant de nous embarquer, nous eùmes soin de sonder la riviere en un grand nombre d’endroits : sa moindre pro- fondeur est à sa sortie, probablement à cause des fragmens nombreux qui se sont détachés de la voûte et qui garnissent le fond. La sonde fut arrêtée plus d’une fois entre ces débris, où elle s'enfonçait d’un metre et demi tout au plus; tandis qu'un peu plus loin, en descendant et vers la gauche, nous trouvions jusqu'à cinq et six mètres de profondeur; ce que nous avons trouvé également dans l’intérieur de la grotte. Les eaux de la Lesse étaient alors fort basses. Bientôt nous allumämes nos flambeaux, et la nacelle nous transporta jusqu'au fond de la première galerie où nous mi- mes pied à terre. En s’arrêtant dans cet endroit et en se tournant vers le côté par lequel on est entré, on jouit d’un des plus beaux tableaux qu'offre la grotte , à cause de l’ad- mirable effet des lumières. On aperçoit encore de loin à tra- vers une étroite ouverture le ciel et le feuillage qui se réflé- chit dans les eaux : tandis que les nombreuses stalactites qui pendent entre les fentes des rochers, comme d'énormes fran- ges, se colorent tour-àa-tour par la lumière du jour et le rougeâtre éclat des flambeaux. Dans la position, où nous étions alors, nous avions à notre gauche les galeries que nous allions parcourir, et à droite la grotte que l’on mon- trait autrefois aux curieux, avant que l’on eut découvert le nouveau passage. Cette grotte, que l’on désigne sous le nom de Petite grotte, ainsi qu’une autre que nous avions déjà laissée sur la droite, avant de nous embarquer, peut encore être considérée comme une des plus belles du pays : il en Tome II. 43 324 RELATION D'UN VOYAGE sera parlé plus tard. Pour le moment entraînés par notre cu- riosité, toute notre attention se porta vers les passages prin- cipaux et il ne nous fut guères possible d'observer cette fois toutes les cavités de la montagne et encore moins d'en pren- dre les dimensions : ce ne fut que le lendemain que l’un de nous commença ce travail. Nous nous dirigeàämes donc vers l'endroit où nous devions passer l’eau une seconde fois, en marchant avec précaution sur des amas de terre glaise, que la Lesse a rejetés sur sa rive droite. La rivière dans cette superbe galerie peut avoir dix à douze mètres de largeur, sur cinq à six de profondeur : bientôt elle s’élargit, quand on approche de la Grote du débarquement, où la voûte com- mence à s'élever pour former la Grotte du dôme : les eaux arrivent en cet endroit de deux côtés à la fois; nos guides prétendaient qu’elles sortaient de dessous les rochers, et que la barque ne pouvait aller plus avant ; c'est une er- reur, qui sera relevée dans la suite de cette relation. Quel- quefois les curieux préfèrent venir avec la nacelle jusqu’à la Grotte du departement pour éviter de passer sur la terre glaise où l’on ne marche pas sans danger; parce que, cette terre étant continuellement humide, on y glisse facilement; et le moindre écart peut faire tomber le voyageur dans je précipice. En débarquant, nous nous trouvions encore sur la terre glaise et devant nous s'offraient d'immenses fragmens de rochers entassés confusément, qui semblent jetés là comme pour servir de barrière et défendre aux curieux l'accès du reste de la grotte. Autrefois l'on n'allait pas plus avant; c’est depuis peu qu'on a trouvé de nouveaux passages. On monte d'abord à travers quelques débris de pierres et bientôt on aper- coitun chemin étroit, de la hauteur d'environ huit décimètres, FAIT À LA GROTIE DE HAN. 32) entre deux énormes fragmens de rocher parallèles et légèrement inclinés. Il faut se laisser glisser à travers cette étroite ouver- ture, que l’on anomméele Passage du Diable et l'on se trouve alors dans une galerie où l’on a encore la Lesse à sa droite et sur la gauche ce vaste amas de pierres que l’on a déjà remarqué. Pendant qu’on avance, un des guides escalade cette effroyable pyramide et paraissant tout à coup au sommet, il agite son flambeau et fait de l’intérieur de cette grotte une des scènes les plus épouvantables qu'il soit possible de voir. La voûte est tellement élevée, les proportions de la place tellement colossales que l’on n’apercoit au milieu des ténè- bres que le flambeau qui s'agite, comme un point brillant, en répandant une fumée épaisse, qui s’amasse en noirs tourbillons et semble former une nouvelle voûte, dans la- quelle se plonge le sommet de la pyramide : on cherche en vain à démèéler les contours de ce prodigieux assemblage de débris, qui sont entassés dans l'enceinte du Dôme; à la lueur des flambeaux, on n’apercoit au milieu de l’obscurité profonde que quelques pointes de rochers, qui percent de différens côtés et paraissent comme suspendues dans le vide. Il nous fut impossible pour le moment de vérifier par nous mêmes ce que l’on dit de l’étonnante hauteur de la voûte et des racines qu'on a prétendu avoir aperçues à travers les fentes. Nous étions alors élevés de deux à trois mètres au-dessus du niveau de la Lesse : nous continuâmes à monter jusqu’à un passage étroit où nous avions sur la droite deux belles pyramides d’albâtre et les eaux de la Lesse qui s’échappent à travers des débris de rochers entassés pêle-mêéle. Ici l’on commence à perdre de vue la Grotte du dôme, qu’on a eue constamment sur la gauche. depuis l'instant du deuxième dé- 1 13 42. 326 RELATION D'UN VOYAGE barquement et l’on descend sur des quartiers de rocs vers la Salle des draperies (1), où l’on retrouve la rivière qui a disparu pendant quelque: temps. C’est une place fort remar- quable sous le rapport des stalactites, qui y affectent les formes les plus bizarres. On croirait voir, suspendus à Îa voüte, une infinité de linges qu’un froid excessif a congelés. Quand on les touche légèrement, eiles rendent un son bien prononcé, semblable à celui du bronze. Elles sont en partie couvertes de terre glaise que les eaux y déposent dans les fortes crues, et l’on y remarque facilement que la Lesse monte alors dans cette place jusqu’à la hauteur de quatre mètres en- viron. On continue à descendre sur l'argile jusqu’au niveau de la rivière : la voûte s’abaisse aussi considérablement, de maniere que l'on doit se courber pour ne point heurter contre elle. Au sommet d’un angle, à gauche, on remarque une admirable stalagmite qui a la forme d’un saule pleu- reur penché sur un bassin qui s’est formé à son pied. On remonte ensuite vers le Béritier, qui est une autre stalagmite qui prend son nom de sa singulière conformation, et l’on entre dans une galerie où l’on continue à voir la Lesse sur la droite. Le fond en est couvert de fragmens de rochers qui pro- bablement se sont détachés de la voüte, dont la forme ici devient assez régulière. Au sortir de cette place, que lon nomme {a Carrière, on descend vers le Mont blanc, énorme stalagmite, qui s'élève sur la gauche, semblable à un rocher couvert de glacons ; et plus bas sur la droite dans le coin du Chinois, on trouve les fissures étroites à travers lesquelles la Lesse commence à se montrer, après avoir erré pendant long- (x) Nous avons cru devoir imposer des noms aux salles remarquables par quelqu'accident particulier, afin de rappeler les localités : nous avons con- servé les noms qui existaient déjà. FAIT À LA GROTTE DE HAN. 327 temps dans l’intérieur de la montagne : elle est d’abord assez resserrée, mais bientôt elle s’élargit et parcourt les différens chemins, dont nous venons de parler, tantôt visible, tantôt cachée sous des débris ou derrière des rochers. A partir de ce coin, le chemin, qui avait eu six à douze mètres de lar- geur, se rétrécit tout à coup et la voûte s’abaisse. On trouve encore quelques grandes stalagmites et on arrive à un des passages les plus difficiles de la grotte; c’est la Brèche : on a devant soi, à la hauteur de plus d’un mètre, un trou dont la largeur n'excède point six décimètres : on y monte diffci- lement, parce que les pieds ont fort peu d'assurance, étant placés sur des poiutes de rochers qui percent à travers les eaux qui semblent séjourner en cet endroit. On pourrait sans peine rendre ce passage plus praticable, en y jetant quelques grosses pierres : la grotte ne perdrait rien de sa beauté ni même de son horreur pour être d’un accès un peu plus fa- cile. On passe ensuite par des défilés très-étroits et très- escarpés : il paraît que la pierre calcaire en cet endroit a opposé à la violence des courans plus de résistance que par- tout ailleurs : la surface de la roche est entièrement rongée et les pieds ne s’y posent que difficilement à cause des pointes aigues dont elle est hérissée : cette partie de la grotte, comme on peut le voir sans peine, est formée par la seule action des eaux : plusieurs rues se succedent ensuite en formant des an- gles tres-prononcés : on y trouve quelques stalactites en couches minces et transparentes, qui ressemblent à une sorte de ver- uis, à travers lequel brille la couleur noirätre de la pierre ; ce qui lui donne l'air d’être viîtrifiée. En sortant de là, on entre dans une grande salle, couverte de débris, à l'entrée de laquelle on voit sur un rocher à gauche une stalagmite nommée la Sentinelle, qui donne son nom à la place. On retrouve ensuite l'argile et par une montée fort désagréable, 328 RELATION D'UN VOYAGE à cause de la quantité de boue qui s'y amasse ordinaire- ment, on arrive à la Place d'armes, qui est sans contredit la plus grande salle après celle du Dôme : elle est à peu près circu- laire et de plus de quarante mètres de largeur: la voûte est assez élevée ; et le fond, qui est d'argile, forme un vaste bour- let, autour duquel les eaux dans les fortes crues se précipitent sans doute en tournoyant; car au milieu nous remarquâmes un assez large sillon, au bout duquel se trouve un entonnoir d'une grande profondeur. Vers le côté opposé à celui par lequel on a monté à la Salle d'armes, une branche de la Lesse filtre à travers les rochers, coule dans la direction du sud au nord, en laissant la Place d'armes sur la gauche et va se perdre de nouveau sous des arcades inaccessibles. La vitesse du courant était, assez loin avant l'entrée de la rivière dans la grotte et après sa sortie au dehors de la digue dont nous avons parlé, d'environ un mètre par sept secondes ; ici elle était d’un mètre par dix secondes : ce ralentissement peut dépendre de la division de la Lesse en plusieurs canaux dans l'intérieur de la grotte, du peu de pente de leurs lits, ou de l'obstacle que la digue placée à cinquante pas de la sortie porte à la libre évacuation de l’eau, quoique cette digue soit per- cée d’une multitude de petits passages dans toute sa longueur. Nous avons aussi examiné la nature chimique de l'eau : nous nous étions munis à cet effet de différens réactifs ; mais ils nous ont été inutiles, l’eau ne nous a paru différer de toute autre eau de rivière que par un goùt un peu fade, que nous attribuâmes à une très-petite quantité d'argile tenue en suspension et à l'action du soleil sur la Lesse, dont la profondeur dans une grande étendue de son cours ne dépas- sait guères 4o à bo centimètres. La température des eaux dans la Salle d'armes était à 10°, FAIT À LA GROTTE DE HAN. 329 nous la trouvämes ensuite à son entrée dans la grotte à 14°, tandis qu’à la sortie du côté intérieur de la digue elle était à 12 degrés au-dessus de zéro; et celle-ci nous paraît être la température véritable hors de la grotte; car elle avait été prise à la profondeur de deux mètres au nord, à la sortie et assez loin de la roche pour que l'atmosphère seule püt avoir déterminé son état thermométrique. L'hygromètre de Deluc indiquait 8o degrés, après que nous eùmes passé trois heures dans la grotte : ce qui sup- pose, toute correction faite et au terme moyen, A0 1/2 grains d’eau tenue en dissolution par mètre cube d'air ou 15 3/4 grains par mètre cube de plus que l'air extérieur à la même tem- pérature. Nous citerons encore ici une fait que nous eùmes lieu d'observer en travaillant dans l'intérieur à la confection du plan de la grotte. En approchant de la Salle d'armes, vers onze heures du matin, il y régnait une vapeur épaisse et blanchâtre ; nous crûmes d’abord que le guide, qui nous précédait, avait allumé des torches de paille, et que c'était leur fumée qui remplissait la place; il nous assura le con- traire et nous eùmes lieu de nous convaincre alors que c’é- taient des vapeurs du brouillard, qui s'était élevé dans la matinée : elles avaient pénétré des deux côtés dans les ca- vités de la montagne et s'étaient arrêtées dans la Sale d’ar- mes qui est à peu près au centre de la grotte. L'air n’est affecté d'aucun gaz nuisible (1) : la température était dans la plupart des passages de 12 degrés au-dessus (x) On ne saurait cependant prendre trop de précautions, à cause de l'humidité et des échauffemens continuels auxquels on est exposé par les difficultés des passages; on sort rarement de la grotte sans être couvert de sueur : forcés d'y rester par la nature de notre travail pendant plusieurs journées consécutives, nous avons pu par nous mêmes apprécier le danger. 330 RELATION D'UN VOYAGE de zéro; mais dans la Salle d'armes elle était de 10 3/4; cette salle, comme nous l'avons dit, est à peu près le point le plus éloigné des extrémités par lesquelles l'air extérieur s'introduit : le thermomètre placé chez le fermier près de l'église, au nord et à l'ombre, se tint pendant l'observation à 19°. Nous croyons néanmoins devoir prévenir que cette observation ne doit pas être tenue pour rigoureusement juste, malgré les précautions que nous avons prises pour en assurer le succès, nous étions munis de six ou huit bougies et de deux falots dont la chaleur jointe à celle qui émanait de nos corps rassemblés dans un petit espace, peut avoir aug- menté la température de l'air ambiant. On trouve de belles stalagmites dans la Salle d'armes le long du mur qui est au sud et surtout près de l'endroit, où les eaux s’'échappent des fissures du rocher. Pour arriver au passage d’eau il faut descendre de quatre à cinq mètres : la descente est assez rapide ; un des conducteurs qui nous devançait glissa sur l'argile etne put s'arrêter dans sa chute qu’au bord de l’eau. Comme il n'existe aucune nacelle ni aucune espèce de pont, il faut se résoudre à se faire porter par un conducteur ou bien à traverser la rivière qui monte jusqu'à la ceinture quand elle est basse; alternative également désagréable que l'on évitera par la suite si M. Gilles , propriétaire de la grotte, que nous avons eu l'avantage de rencontrer à Han, veut bien faire jeter, comme il l’a promis, dans ce passage large d'environ six mètres, quelques grosses pierres à des distances capables d’être enjambées; car il serait impossible d'établir un pont que les eaux enlèveraient infailliblement dans les fortes crues. On nous dit que les garçons meuniers, qui trouvèrent le nou- veau passage en 1818, n’oserent d'abord passer en cet en- droit ; mais qu'ayant laissé des signaux sur le bord de l’eau FAIT À LA GROTTE DE HAN. 337 ils les reconnurent, en arrivant à l’autre bord , par le côté opposé de la grotte et qu’alors seulement un des assis- tans osa traverser la rivière à la nage. En remontant sur la terre glaise de l’autre côté de l’eau, on voit se déployer de- vant soi une vaste galerie dont la coupe verticale est en forme de fer de lance; elle peut avoir dix mètres de hauteur sur quinze de largeur. En considérant la roche usée par les frot- temens continuels, on peut se former une idée de la violence avec laquelle les eaux allaient se précipiter dans l'intérieur de la Salle d'armes. On aperçoit de toutes parts des stalactites qui pendent aux rochers comme de larges draperies garnies de franges : on peut y voir encore la hauteur à laquelle monte la Lesse dans la saison des pluies par la terre humide qu’elle a déposée à plusieurs mètres du sol. La voûte s'abaisse ensuite et prend une forme plus arrondie, mais le passage conserve à peu près la même largeur : l'on continue à mar- cher sur un fond d'argile qui s'incline légèrement d’un côté et qui est toujours glissant comme dans le reste de la grotte, à cause de la grande humidité qui y règne. Du reste les di- mensions de ces galeries sont si vastes et l'obscurité si pro- fonde, que les flambeaux qui n’éclairent que tout au plus à quelques mètres de distance, deviennent insuffisans pour montrer le chemin, d'autant plus que les inégalités de la voûte jettent de toutes parts des masses d'ombre qu'on serait tenté de prendre pour les chemins mêmes. Bientôt on voit s'ouvrir devant soi deux vastes corridors ; pour sortir de la grotte, il faut suivre celui qui se présente sur la droite; mais l’autre attire d’abord toute l'attention par les beautés qu’il renferme. Quoique large on y monte assez péniblement , à cause de quel- ques blocs de rocher qui d’un côté ferment l'entrée; mais aussitôt qu'on a surmonté ces obstacles, on voit la plus belle Tome IT. 44 332 RELATION D'UN VOYAGE stalagmite que renferme la grotte; c'est le 7rophée : elle est isolée et s'élève à environ quatre mètres et demi de hauteur, le diamètre de sa base est à peu près de même dimension : on croirait voir un large autel d’albâtre sur lequel s'élève une grande quantité de plumes d’une blancheur éclatante, qui re- tombent en formant une espèce de voûte. La galerie qui renferme le 7rophée est en harmonie avec ce beau monu- ment. Le rocher qui se trouve à gauche s'élève comme un mur à une hauteur prodigieuse et va s’effacer au loin dans l'obscurité : l’autre plus incliné se penche et se courbe légè- rement en voûte à laquelle sont suspendues des stalactites qui entourent le 7rophée comme de vastes draperies blan- ches : ces deux rochers, avant de se rejoindre, laissent en- tr'eux des cavités immenses qu'on ne peut comtempler qu’a- vec effroi : on dirait que la voûte s’est entr'ouverte pour for- mer un dôme au-dessus de cet admirable ouvrage de la na- ture. Le 77ophee n'est pas la plus haute stalagmite de la grotte, mais c'est sans doute la plus élégante et ses formes sont beaucoup plus gracieuses que celles de l’Æutel, qu'on ad- mire dans la grotte d’Antiparos et que Tournefort dans sa relation regarde comme la plus belle stalagmite qui soit dans le monde. En pénétrant plus avant, dans un enfoncement suz la droite, on voit une autre belle stalagmite plus grande mais moins élégante que le 7rophee : elle n’a pas d’ailleurs l’avan- tage de se trouver isolée dans une admirable galerie : ici la forme de plumes se trouve encore mieux dessinée : elles forment des larges bouquets qui vont en s’élargissant par degrés jus- qu’à la base. Cette stalagmite offre encore l'apparence d’une fontaine d’où l'eau s'échappe en écumant et tombe de chute en chute jusqu’à la base : c’est ce qui l’a fait nommer la Cas- cade. Nous rencontrâmes ici beaucoup de difficultés à pé- FAIT A LA GROTTE DE HAN. 333 nétrer plus avant, à cause des quartiers de rocs qui encom- brent le passage, et bientôt il fallut retourner sur nos pas, car devant nous s'ouvrait un vaste abime, dans lequel il était impossible de descendre, à cause de la rapidité de la pente. Sa profondeur était telle qu'on ne pouvait apercevoir l’inté- rieur. Nous y jetâmes quelques pierres ; elles allaient tomber dans l’eau, après avoir roulé pendant long-temps sur les ro- chers : nous y jetâmes ensuite une torche de paille enflam- mée; mais nous ne pümes entrevoir qu'un large souterrain rempli d’eau et de fragmens de rocs. En sortant de la Grotte du trophée, nous étions à cent neuf mètres de distance du dernier passage d’eau et à six cent vingt- quatre mètres de la sortie de la Lesse. Nous nous remîmes en marche par le chemin que nous avions laissé sur la droite et bientôt, après avoir dépassé une énorme pierre, nous noustrou- vämes au coin des Hamelons. C’est un endroit fort humide, qui est peu élevé au-dessus de la surface des eaux de la Lesse. On y voit une quantité considérable de stalagmites arrondies en forme de mamelons. Il y en a trois principales, de la hauteur d'un mètre environ :leur surface semble travaillée au ciseau et criblée d’une infinité de petits réservoirs. Ce genre de stalagmites est assez rare dans la grotte de Han : on en trouve encore dans l’une des petites grottes, qui sont à la sortie de la Lesse. Nous en avons vu une aussi à Freyr ; on la nomme la Cascade. En avançant, on cesse bientôt de marcher sur la terre glaise et l’on passe par plusieurs chemins rocailleux qui se rétrécis- sent d’une manière presqu'insensible. Dans l’un d’eux nous apercumes un arbre d'environ trois metres de hauteur, avec ses branches et ses racines, que la violence des &ux avait en- 44. 334 RELATION D'UN VOYAGE trainé jusque là. Dans une autre, nous entendimes le bruit d’un oiseau, qui semblait s’effrayer à notre approche; bientôt il vint voltiger autour de nos flambeaux et disparut : c'était une hirondelle que l'explosion des armes à feu avait sans doute effrayée la veille et qui s'était égarée dans l'intérieur de la grotte. Du reste à l'exception des chauve-souris, qui se réfugient en assez grande quantité dans la grotte de sortie, on maperçoit aucun être vivant dans les cavités de la mon- tagne : l'absence absolue de toute lumiere, la privation de toute nourriture, l’eau qui s’y élève quelquefois jusqu’à cirq mètres ct plus, y Lermineraient bientôt la vie de tout être qui ne saurait s'élever jusqu'aux faîtes des dômes et sortir de ces lieux de ténèbres pour aller chercher sa proie. La vé- gétation y est absolument nulle : des grains échappés des torches de paille à demi-brulées qu’on avait laissées dans quelques endroits, avaient germé dans l'humidité : ce sont les seuls signes de vie, que nous ayons pu apercevoir dans ces lieux où la nature semble se montrer encore entourée des ténèbres et des informes élémens du cahos. On prétend que des poissons propres à la Lesse pénètrent dans la grotte : plusieurs personnes en ont vus jusque dans le courant qui traverse la Salle d'armes, ce sont des perches, perca fluviatilis, L.; des ombles, des truites, salmo umbla, trutta, fario, L.; des goujons, des barbeaux, des gardons, des vairons,cyprinus gobio, barbus, leuciscus, phoxinus, L.; même des brochets, etc. Ces poissons entrent par la Meuse dans la Lesse et ne dépassent jamais, dit-on, le rocher de Han : le passage en effet est à peu près impossible, comme nous le verrons bientôt. Nous laissämes sur la gauche plusieurs passages étroits, et FAIT À LA GROTTE DE HAN. 335 nous parvinmes à une rue de plus de cent mètres de lon- gueur : l'illusion est telle que quand du commencement on voit un flambeau à l’autre extrémité, on le croirait à une distance trois et quatre fois plus grande. Les corridors se res- serrent ensuite de plus en plus et l’on juge par les fentes et les larges sillons qui se trouvent dans la roche, combien les eaux ont travaillé avec effort pour les élargir. Bientôt on ne passe plus qu'avec peine à travers les chemins resserrés qui se coupent à angles droits. Dans l’un d’eux nous aperçumes encore un tronc d'arbre qui y avoit été poussé par les eaux. Il y a plusieurs passages pour sortir de la grotte : tous sont excessivement étroits et dans une direction presque parallele. On choisit ordinairement le dernier comme le moins incom- mode, quoiqu'il ait tout au plus un mètre de largeur dans le bas, et que le haut du corps frotte continuellement contre la roche. Pour parcourir la grotte, comme nous le fimes la première fois, c’est-a-dire pour s’en former une idée, il faut environ trois heures : encore n’a-t-on pas le temps de considérer bien attentivement les beautés qu’elle renferme. Il faut compter 515 mètres depuis la sortie de la Lesse jusqu'au dernier passage d'eau dans la Salle d'armes , et 1138 mètres, c'est-à-dire plus d’un quart de lieue, pour la longueur de la grotte entière , sans y comprendre les passages latéraux. La grotte de Han surpasse donc deux fois la longueur de la fameuse grotte d’Antiparos, qui au rapport de Tournefort peut avoir 300 brasses depuis l'entrée jusqu'à l'endroit le plus profond où l’on puisse des- cendre. Encore ce savant observateur s'en est-il rapporté au dire des guides, qui sont assez dans l'habitude d’exa- gérer, et qui n'auront sans doute pas eu égard à l’inclinaison des terrains. 336 RELATION D'UN VOYAGE L'endroit, par lequel nous étions sortis, offre un aspect tout-à-fait sauvage. C'est l'ancienne entrée par laquelle la Lesse se jetait autrefois dans la montagne ; elle est resserrée entre deux rochers escarpés et couverts de feuillage : sur la droite on aperçoit cinq ouvertures, qui conduisent dans l'intérieur de la grotte : le chemin est hérissé de pierres et de broussailles; des ar- bustes nombreux y versentune ombre épaisse; et dans le fond, une vaste couche de rocher, soutenue par un large pilier, forme une caverne profonde qu'on prendrait pour un repaire , Q LA e 74 d'animaux féroces. À quelques pas de là, on avait creusé la terre et l'on avait retrouvé l'ancien lit de la Lesse, qui se compose d'une couche épaisse de cailloux roulés. En laissant ensuite la montagne à droite, et en remontant la distance d'environ 440 metres, on arrive à la grotte, dans laquelle la Lesse court s’engouffrer aujourd'hui par une pente rapide. On ne l’apercoit point d’abord, elle est cachée derrière un massif d'arbres : mais on entend de loin le bruit des flots qui se brisent sur des pointes de rochers, et qui vontse précipiter en bouillonnant dans l’abîme: bientôt on voit un fragment de roc, qui s’allonge en pilastre, et se courbe vers la montagne comme pour lui présenter un point d'appui. Les couches du rocher, qu'il soutient, sont fortement incli- nées du sud-sud-est au nord-nord-ouest , et présentent une surface immense, qui forme avec lui deux larges arcades par lesquelles les eaux s’élançent en même temps, quand la Lesse est enflée par les orages. Dans tout autre temps on peut des- cendre par une de ces arcades jusqu’à l’entrée du Gouffre. Les eaux dans l'intérieur prennent une teinte sombre et contras- tent singulièrement avec la blancheur de l’écume qui s'amasse en flocons épais. L'entrée présente à peu près la forme d'un quadrilatère faiblement incliné : on distingue assez bien l'in- FAIT À LA GROTTE DE HAN. 337 térieur et les rochers sans bords qui resserrent les eaux, mais il est impossible de voir les canaux par lesquels la Lesse pé- nètre dans la montagne : ils se trouvent probablement à droite en éntrant et au-dessous du niveau de l’eau. C'est du moins de ce côté que s'arrêtent les flocons d’écume; c'est aussi de ce côté qu'étaient entraînés les morceaux de bois et les corps légers, que nous jetions dans le courant : enfin c'est encore là que le torrent doit exercer sa plus forte action, puisqu'il s'y précipite dans une direction presque perpendi- culaire. On peut remarquer les mêmes effets dans la grotte voisine, où la Lesse va jeter une partie de ses eaux quand le Gouffre devient insuffisant pour les engloutir toutes; les différentes fissures sont sur la droite : on n’en aperçoit aucune du côté opposé. La Grotte du Gouffre offre au crayon du dessinateur une foule de tableaux variés, à cause de l'effet pittoresque des deux grandes arcades qui s’arrondissent devant elle et du mélange agréable des eaux et de la verdure qui lui donne un caractère moins sauvage. Du reste elle se trouve entie- rement détachée de la grande grotte, puisqu'on n’a pu jus- qu'à présent découvrir les communications qui existent en- tr'elles : on se trouve encore réduit à former des conjectures à cet égard. Voici ce qu'on sait de positif sur le cours des eaux : quand le temps est sec, la Lesse entre dans la mon- tagne par l’une des arcades de la Grotte du gouffre; mais après de fortes pluies, elle y pénètre par les deux arcades à la fois; souvent même elle inonde toute la vallée, remplit entièrement le Gouffre, court jeter une partie de ses eaux dans son ancien lit, et si toutes les cavités de la montagne deviennent insuffisantes pour la recevoir , elle se précipite comme un large fleuve autour de la montagne et va rejoin- 335 RELATION D'UN VOYAGE dre à la grotte de sortie la partie de ses eaux qui ont pu se frayer un passage dans l’intérieur. n On a fait de nombreuses expériences pour déterminer le temps que la Lesse emploie à traverser la montagne; mais très-peu ont réussi. On y a jeté des animaux vivans, qui n’ont point reparu : on y a jeté également des corps flottans et sans obtenir plus de succes. On peut facilement rendre raison de ces faits : 1l doit exister dans l’intérieur, à en juger par les fentes étroites où la rivière commence à reparaître, des passages tellement reccerrés que les corps de quelque volume ne sauraient y passer. Il doit en exister d’autres, tels que dans la grotte du gouffre, qui sont au-dessous du niveau des eaux et où les corps flottans d’un moindre vo- lume se trouvent encore arrêtés à la surface. La seule expé- rience que l’on pourrait donc tenter avec succes, serait de colorer les eaux à leur entrée et d’aller les attendre ensuite à la sortie. Or, cette expérience peut se faire sans peine apres un violent orage, lorsque les eaux ont été soudaine- ment troublées : les habitans nous ont assuré qu'il leur fal- lait alors environ l’espace d’un jour, pour reparaître trou- bies à leur sortie. Nous pensons qu'on peut encore rendre raison de ce phénomène, en considérant les grandes masses d’eau qui se trouvent avant l'orage dans l'intérieur de la montagne et qui doivent prendre leur écoulement avant les autres ; et en remarquant d’une autre part que cet écou- lement ne peut s'effectuer que d’une manière fort lente, parce que les canaux par lesquels il s'opère, sont tellement resserrés en certains endroits, qu'ils font déborder la Lesse d’un côté de la montagne, tandis que de l’autre ils versent si peu d'eau que la rivière ressemble à un lac immobile. Il faut engçore ajouter à cela que les eaux, chargées de terre, LG PI CET 22 #77 "2SS9T La 2P 39.QU0" ASUUITAUY RADIO DE YAY AEPD 7 3 770 22/9290) ‘24Fnon) np snoar) ce ES qu FAIT À LA GROTIE DE HAN. 339 étant plus pesantes que les autres, ont moins de tendance à se mêler avec elles, surtout s'il est vrai qu’elles arrivent par des chemins plus bas que le niveau de la riviere. Ce que nous venons de dire explique aussi pourquoi les pois- sons ne sauraient dépasser le rocher de Han; l’eau conti- nuellement pressée doit traverser ces canaux étroits avec une force qu’ils ne sauraient surmonter : s'ils parvenaient même dans la Grotte du gouffre, ils ne pourraient encore remonter la Lesse que dans des crues d’eau extraordinaires : dans d’autres temps l’eau est trop peu profonde, elle se pré- cipite sur un plan trop incliné entre des quartiers de rocs pour qu'aucun poisson soit capable de résister à sa vio- lence, | La description de fa grotte principale nous a peut-être fait entrer dans des détails un peu longs, mais nous avons cru ne devoir rien omettre, afin que s'il survenait encore quel- qu'une de ces épouvantables catastrophes qui l’ont produite, on puisse reconnaître au moins son ancienne disposition. Nous dirons maintenant quelques mots des deux petites grottes, dont il a déjà été question. La première offre une entrée assez large, qui se rétrécit presqu'aussitôt à cause de deux couches de rocher qui se sont détachées de la voûte et qui encombrent le passage. On laisse sur la droite une fente de la longueur d'environ dix mètres et par un chemin fort étroit on arrive dans une galerie assez grande mais qui a peu d’élévation : dans le fond et avant de tourner sur la droite, d'énormes blocs d’albâtre s'élèvent en colonnes et soutiennent la voûte ; malheureu- sement elles ont perdu tout leur éclat et leur blancheur par une fumée noire et huileuse qui s’est attachée autour d’elles, Tome IT. 45 340 RELATION D'UN VOYAGE Il paraît que ces cavernes ont été habitées autrefois, du moins les habitans du village nous l'ont assuré. On descend alors par une nouvelle galerie, dont le fond est assez inégal, vers une grande place remarquable par plusieurs belles stalag- mites. L'eau qui pénètre par quelques fentes, forme sur les côtés deux bassins qui ont peu de profondeur; cette place qui est la derniere, est à peu pres de niveau avec les- eaux de la Lesse : la grotte entiere a 95 mètres de pro- fondeur. La seconde est plus grande et présente une profondeur de 134 metres, à partir de la masse d'argile qu'il faut mon- ter pour y parvenir. Sa forme est celle d’un arc qui offre très-peu de courbure; sa largeur varie depuis trois mètres jusqu'à dix, mais dans le fond elle se rétrécit tellement qu'on ne peut plus avancer. La voûte, sans s'élever beau- coup, offre de grandes inégalités : d’abord elle est assez régulière ; elle doit sa forme à deux couches de rocher assez unies qui s'appuient l'une sur l’autre, de sorte que sa coupe verticale offrirait un angle rectiligne bien prononce. On trouve quelques voûtes semblables dans la grande grotte et notamment celle de la Carrière et celle par laquelle on entre dans la première petite grotte; on voit qu'elles sont dues à des éboulemens. Mais la roche s’abaisse ensuite tel- lement, qu'il faut se courber pour ne point heurter contre les pointes qu’elle présente de toutes parts : elle s'élève encore faiblement quand on approche de plusieurs belles stalagmites sur lesquelles elle s'appuie : il faut se traîner ensuite ponr pénêtrer plus avant. Derrière les stalagmites, dont nous venons de parler, on trouve les fontaines, ce sont de petits bassins toujours remplis d’une eau lim- pide; on les croirait creusés dans l’albâtre par la main des FAIT A LA GROTTÉ DE HAN. 34t hommes; leur plus grande largeur est d’un mètre environ. On trouve encore pres de là deux stalagmites qui bril- lent comme si elles étaient couvertes de pierres précieuses ; elles doivent sans doute cet éclat à une cristallisation assez bien marquée que n’ont point les autres. Nous avons vu très-peu de stalagmites de cette espèce; en général les au- tres étaient lisses et d’un blanc-mat, celles-ci étaient d’un blane-gris et légèrement ondulées à leur surface : en appro- chant la lumière on apercevait une infinité de points étin- celans et un brillant éclat semblable à celui du drap d'ar- gent : nous en primes un morceau, mais au grand jour, il n’étincelait plus comme dans la grotte; l'intérieur offrait une masse de cristaux disposés d’une manière assez régulière et traversés par des zônes d’un gris-foncé. « Toutes les cavités que nous venons d'indiquer étaient connues lorsque nous arrivämes à Han. D'après nos con- ventions, tandis que M. Kickx fesait ses observations à l’ex- térieur, J'avais pris dans la grotte les données nécessaires pour en dresser le plan; mais de retour chez moi, je fus peu satisfait des renseignemens que j'avais recueillis sur le cours des eaux; d'une autre part, la carte que je dressai , me fit supposer des communications entre quelques passages: pour lever mes doutes et rendre notre travail aussi exact que possible, je me décidai à retourner sur les lieux. » Je m'occupai d’abord du cours souterrain de la Lesse, et jexaminai avec soin les deux courans dont les guides nous avaient parlé la première fois. Celui qu’on laisse à gauche, en débarquant, sort d’une vaste salle qui fait partie de la Grotte du Dôme : les rochers qui se plongent presque verti- calement dans les eaux ne permettent pas de débarquer. " A9. 342 RELATION D'UN VOYAGE Nous ne pûmes apercevoir aucuns passages; s'il en existe, ils se trouvent sans doute sous le niveau de la rivière. Les eaux étaient alors peu profondes et notre nacelle s'arrêta plusieurs fois sur des bancs d'argile. Après avoir tourné dif- ficilement autour de deux vastes blocs de rocher, qui sont au milieu de la salle, nous revinmes au lieu d'où nous étions partis. Je voulus alors remonter l’autre courant, mais les guides, rebutés sans doute par les obstacles que nous venions d'éprouver, m'assurèrent que cette tentative serait également inutile : j'insistai; et nous eùmes d'abord assez de peine à dégager la nacelle de plusieurs rochers entre lesquels elle s'était enfoncée presqu’en entrant dans le nouveau passage: nous avançämes alors encore de douze à quinze mètres et nous eùmes les mêmes obstacles à surmonter. Il fallut des- cendre sur les pointes des rochers, entre lesquels la nacelle se trouvait serrée, pour la soulever et lui donner une autre direction : bientôl nons vimes nos efforts couronnés d'un plein succès et nous arrivämes dans la salle qui longe le Déme. Le passage que nous venions de traverser, offrait une foule de stalactites admirables qui pendaïent entre les fentes des rochers J'examinai alors plus attentivement le Passage du Diable et je vis qu'il était formé par un bloc de rocher d’une dimension prodigieuse , qui s'appuie d’une part sur le rocher derrière lequel nous venions de passer et de autre sur les débris du Dôme. » Nous avançames ensuite avec la nacelle jusqu'aux Deux Pyramides. H fallut descendre en cet endroit, à cause des débris de roc qui ferment le passage et cachent le cours de la Lesse l’espace d'environ trente metres. En jetant de petites pierres entre les fentes, je les entendais rouler et tomber dans l'eau. La rivière redevient visible un peu plus loin, et FAIÎT À LA GROTTE DE HAN, 343 on peut la remonter jusqu'aux fissures étroites , d’où elle s’é- chappe ; ainsi, à partir de ces fissures , on peut suivre son cours jusqu’à sa sortie de la grotte, c’est-à-dire, l’espace de 373 mètres. » Apres avoir contenté ma curiosité de ce côté, mon atten- tion se tourna vers le Dôme; je pris les meilleurs guides pour me conduire jusqu’au sommet: la veille je m'étais fatigué inutilement en essayant d'y arriver avec des guides qui men connaissaient point encore les chemins. Nous montämes pen- dant long-temps sur un amas de rochers entassés confusé- ment, qui à chaque instant présentaient des vides effroya- bles et des précipices sur les bords desquels il fallait se traîner. Enfin, après bien des fatigues, nous atteignîimes le sommet : plusieurs personnes m'avaient accompagné et se trouvaient à des hauteurs plus ou moins grandes, selon le degré de leur curiosité; de sorte que la pyramide depuis son sommet jusqu'a sa base offrait un chemin lumineux, tracé au milieu des précipices qui nous environnaient : ce spec- tacle était vraiment imposant. Je levai mes regards vers la voûte, qui s'élevait au-dessus de moi à la hauteur de quatre mètres; elle était formée par une couche de pierre calcaire presque horizontale, qui s’appuyait d’une part sur une admi- rable stalagmite de plusieurs mètres de circonférence et de l'autre sur une partie du rocher : mais je ne pus apercevoir aucune racine d'arbre. Le plateau sur lequel je me trou- vais, avait peu d’étendue et était couvert d'argile : cette terre formait sans doute le ciment qui était interposé entre les bancs du rocher, avant la terrible catastrophe qui produisit le Dôme et qui doit remonter à plusieurs siècles, si l’on en juge par les dimensions de la stalagmite dont j'ai déja parlé. En descendant ensuite, j'entrevoyais les voütes qui étaient 344 RELATION D'UN VOYAGE planes comme les plafonds d’une carrière. À une vingtaine de mètres environ du sommet de la pyramide, Je vis une quantité de terreau, qui couvrait un espace assez grand et qui ne pouvait être tombé de la voûte que par une fente très-voisine de la surface extérieure de la montagne. J'élevai mon flambeau, mais je ne pus rien apercevoir; la voûte était trop élevée. Sans doute de nouveaux éboulemens, en lais- sant passer la lumière, viendront ajouter quelque jour à la beauté et à l'horreur de cet étonnant ouvrage de la nature. L’imagination s'effraie, en considérant cette voûte colossale, qui soutient une forêt et dont une rivière ronge continuel- lement les soutiens. » Ceux d’entre-nous qui avaient monté plus lentement que les autres et qui nous devançaient, avaient pris, en descen- dant, un chemin contraire sans s’en apercevoir : en suivant les rochers qui offraient moins de difficulté à leur descente, ils étaient parvenus au bas de la pyramide; mais quand il fallut retrouver le point d'où nous étions partis, les guides cherchèrent autour d’eux d’un air indécis, bientôt ils se trou- blèrent et nous égarerent de plus en plus : les pierres que nous jetions devant nous, allaient tomber dans l’eau qui coule au bas du rocher. Nous nous trouvions alors près de la partie de la Lesse qui est à gauche de la Grotte du débarquement : mais au lieu de nous diriger de ce dernier côté, nous suivimes une direction opposée, et après avoir longé pendant quelque temps la roche qui s'élevait devant nous comme un mur, nous trouvâmes un passage étroit, sem- blable à celui qui conduit de la Brèche à la Place de la Sen- tinelle. Ces deux passages sont creusés dans le même banc de rocher, qui présente un marbre noir excessivement dur et entrecoupé de veines blanches : c’est au sortir de ce même FAIT A LA GROTTE DE HAN. 345 banc que la Lesse reparaît par des fissures étroites dans le Coin du Chinois. I paraît que les eaux ont eu beaucoup de peine à se percer un chemin dans ce rocher; partout on trouve des traces de leur fureur : les flancs du roc sont ron- gés et sillonnés de trous profonds. Nous marchämes assez long-temps dans ce chemin nouveau, et nous parvinmes en- fin à une masse d'argile où il s’élargissait, et où la voûte de- venait fort basse. En descendant, nous nous trouvämes à notre grand étonnemeut près de la Place de la Sentinelle et dans la galerie qui conduit à la Place d’ Armes. » J'avais remarqué, en dressant le plan de la grotte, que l’eau qui traverse la Salle d’Armes, allait se perdre dans une ga- lerie voisine de l’Æbfme. Je voulus essayer s’il existait une communication entre les deux places. Nous nous partageà- mes à cet effet en deux groupes; l’un resta dans la Salle d’Armes, tandis que l’autre passa l’eau et se rendit au fond de la Salle du Trophée. Nous parvinmes alors à nous parler distinctement : de sorte que l’eau qui se trouve dans l’Zb#me, n'est autre que celle qui traverse la Salle d’Armes et qui va sans doute alimenter le courant dont je n'avais pu aperce- voir le passage près de la Grotte du débarquement. En for- mant une légère embarcation, on pourrait descendre l’eau et explorer cette partie de la grotte qui est encore inconnue et qui offrirait sans doute de nouvelles curiosités. Je regrette beaucoup de n'avoir point étendu mes recherches de ce côté, pour vérifier si le banc de marbre, dont j'ai déjà parlé, op- pose encore ici des obstacles à l'écoulement des eaux. » Afin de reconnaître les différens passages de la grotte, Jexaminais attentivement tous les coins, surtout ceux où l'argile s'était élevée en monceau. J'avais déja remarqué que 346 RELATION D'UN VOYAGE c'était un indice qui annonçait ordinairement un chemin. Après avoir dépassé le Coin des Mamelons, sur la gauche et dans un endroit où trois chemins viennent aboutir à la fois, je vis une large fente, au fond de laquelle se trouvait une grande quantité d’eau qui fermait le passage : après avoir cherché pendant quelque temps si elle ne communiquait point avec un courant , je parvins à découvrir un passage étroit derrière la Galerie de l’Hirondelle, et en le suivant j'arrivai près de la même eau que j'avais vue un instant au- paravant. » À l'entrée de la Grande rue, je laissai sur la gauche une large fente qui s'enfonce de douze à quinze mètres, mais dont la voûte s’abaisse tellement qu’on ne saurait aller plus avant : en face s'élevait un monceau d'argile; en y montant je par- vins à une vaste salle, remplie de stalagmites : elle penche d'un côté et la voûte s’abaisse considérablement. On a peine à passer au milieu des nombreuses concrétions de chaux car- bonatée. Cette place, nommée la Grotte d'Antiparos, com- munique avec la Grotte de Priape : toutes deux ont un fond de terre glaise; je doute qu’on y ait pénétré souvent : cette dernière surtout semblait sortir intacte des mains de la na- ture : aucun toucher profane n’avait encore entamé ses nom- breuses stalagmites, qui s’élevaient comme une forêt de jeu- nes sapins dont on aurait coupé les têtes. Elles avaient d’un mètre à un mètre et demi de hauteur, sur une épaisseur de quinze à vingt centimètres; elles étaient portées sur un pied, qui s’appuyait sur la terre glaisesans y adhérer, de sorte qu'on pouvait les soulever sans peine et les placer ailleurs dans leur position primitive : elles tenaient si peu à l'argile, qu'en passant, le moindre frottement les faisait tomber. Au bout de cette place je vis un trou fort étroit; au fond duquel se trou- FAÏT À LA GROIÏTE DE HAN. … 347 vait de l’eau; l'entrée en était fermée par une grande quantité de stalagmites qui nous barraïient le passage : un des guides en brisa quelques-unes et parvint à passer avec les plus grandes difficultés; je passai après lui, et nous montâmes en nous trainant par un passage fort étroit, sans savoir où nous allions arriver. Je remarquai en même temps que le peu de flambeau qui nous restait était déjà presque consumé : je voulus retourner sur mes pas et en demander aux personnes qui nous accompagnaient; mais elles étaient déjà bien loin. Nous redoublâmes alors d'efforts, en remontant sur l'argile et nous attachant aux nombreuses stalagmites qui soutenaient la voûte : le moindre courant d'air pouvait éteindre notre flambeau et nous laisser dans l'obscurité la plus profonde; je pus alors me former une idée de l'horrible position du mal- heureux qui s’égare au milieu des ténèbres dans un pareil dédale. Le chemin s’élargissait cependant et bientôt nous nous trouvàmes, en descendant d’un monceau de terre glaise, dans une vaste galerie. Nous appelâmes; mais personne ne ré- pondit à nos cris. En marchant encore quelque temps, nous nous trouvâmes au Coin des mamelons. Je reconnus alors le chemin et je vis que nous venions de suivre une fausse di- rection. En arrivant dans la grande rue, où se trouvait l’autre guide, notre flambeau s’éteignit : ces différentes circonstances m'ont empêché de revoir attentivement la Grotte d’Antipa- ros ; je pense qu'en examinant ses différens recoins , on y trouverait peut-être des communications avec l’eau qui vient du Gouffre. Nous laissämes alors sur la droite un passage dont la voûte devenait si basse qu'on ne pouvait plus avan- cer : à quarante mètres de la, nous en trouvâmes un second. J'éprouvai les plus grandes difficultés à gravir le monceau d'argile qui en fermait l'entrée; enfin je parvins sur la hau- Tome II. 46 345 RELATION D'UN VOYAGE teur, et je vis une grande quantité de pierres entièrement blanchies par les concrétions de chaux carbonatée qui cou- vraient leur surface. On pénétre difficilement jusqu'au bout de cette place, où l’eau ferme enfin le passage. » « En sortant de ces cavernes profondes, on sent que la na- ture ne les a point creusées pour l’homme, qu’elle ne les à point destinées à lui servir d'asile. Avec quel plaisir on revoit le jour ; avec quelle volupté on porte ses regards sur le mo- bile tableau des eaux et de la verdure! la nuit même la plus sombre offre alors des charmes. La veille j'étais sorti de la grotte apres la fin du jour; c'était un spectacle vraiment ad- mirable que celui d’une nuit pure et d’un ciel d'azur par- semé d'étoiles, au sortir de cette autre nuit que j'avais eue pendant toute une journée dans un antre ténébreux, qui n’é- tait éclairé que par la sombre lueur des flambeaux. Je sortais d’un air humide et chargé de vapeurs, tandis que celui que je respirais était pur et raffraichi par le gaz salutaire qu’ex- halaient les plantes. » Lorsqu'après avoir traversé la montagne, on veut revenir au village de Han , il se présente un chemin par-dessus la grotte, entre l’ancienne et la nouvelle entrée de la Lesse : la montée est tres-rude. En approchant du sommet nous vimes quelques polypolithes, répandus à la surface de la terre : nous aperçümes aussi quelques couleuvres qui à notre approche se glissaient dans les broussailles. Une couleuvre vipérine (1) entourée de trois jeunes, osa seule nous attendre ; salongueur était d'environ huit décimètres. La base du rocher peut avoir 4940 mètres de tour. Le sommet s'élève à 92 mètres au-dessus du vallon de la Lesse (1) Latreille, Hist, Natur. des vipères. FAIT À LA GROTTE DE HAN. 349 et à 280 mètres au-dessus de la mer. Il est couvert de trois à quatre mètres de terre argileuse très-propre à la végéta- tion : nous y avons rencontré beaucoup de nos plantes fo- restières aussi vigoureuses qu’elles pourraient l’être dans les bois autour de Bruxelles. Il y en avait en outre plusieurs au- tres que l’on ne trouve pas communément dans nos contrées, telles sont le panicum viride, L., salvia pratensis, L., pulmo- naria officinalis, L., asclepias vincetoxicum, L., gentiana ama- rella, L., euphorbia cyparissias, L., aquilegia vulgaris, L., teu- crium chamædris, L., melissa calaminta , L., digitalis ferrugi- nea, L., impatiens noli tangere, L., près de l’eau à la sortie de la grotte; orchis bifolia, L., variété à très-larges feuilles, ‘4mus communs, L., etc. etc. Les rochers situés entre Han et Rochefort alimentent encore la scabiosa tenuifolia, L., asperula arvensis, L., alchimilla vulea- r15, L., anagallis cærulea, L., Buplevrum falcatum , L., cucuba- lus behen,L., Euphorbia Lathyris, — sylvatica ,— palustris, et Cyparissias, l., cystus serpillifolius, L., helleborus fœtidus, L., teucrium botrys, L., galeopsis angustifolia, Hofm. FI Germ., be- tonica officinalis, L.,melampyrum arvense, L.,malva alcea, L., carduus acaulis, L., etc. La chicorée sauvage cichorium intybus, L., que la culture a propagée chez nous, paraît indigène de ce pays, nous en avons trouvé dans des lieux qui ne présen- taient à une grande distance aucune apparence de culture. La Lesse n’est pas la seule rivière des Ardennes qui se soit frayé un passage à travers les rochers; l'Homme ou l’'Omme quitte son lit près de Gemelle à trois quarts de lieue à lorient de Rochefort, entre dans les montagnes et en sort après une demi-lieue de trajet sous terre : arrivée près de Rochefort, cette riviere rentre de nouveau dans une montagne et passe- 16. eu | RELATION D'UN VOYAGE rait toute entière sous la partie méridionale de la ville, si on ne la forçait de suivre son ancien lit, quand les eaux ne sont pas trop grosses, pour l'entretien des moulins et pour l'usage des habitans. Les eaux parcourent ce conduit souterrain jus- qu’à Eprave à une lieue sud-ouest de Rochefort; d’où, après un irès-court trajet, elles se jettent dans la Lesse. Si ces cavernes de Gemelle, de Rochefort et d'Eprave ne jouissent pas d'autant de célébrité que celle de Han, c'est qu'elles sont moins apparentes, et que les habitans ne parois- sent pas se soucier de les faire connaître : nous aurions entiè- rement ignoré leur existence, si M. Colignon fils, docteur en médecine, n'eut eu la complaisance de nous les indiquer. On peut y pénétrer , elles contiennent de belles stalac- tites , surtout celles qui entourent la sortie de l'Homme près d'Eprave. Ces cavernes pour les circonstances physiques ressemblent beaucoup à la grotte de Han. M. Colignon nous apprit également que derrière sa demeure, on remarquait autre fois dans la roche calcaire une excavation considérable, dans laquelle on entrait sans peine, mais qu’une nuit un éboulement subit en ferma l'entrée et fit trembler tous les habitans de Rochefort par le bruit affreux qu’il occasionna. Aujourd'hui les restes de cette excavation sont devenus le repaire des renards. Il ajouta encore que chaque année ses jardins baissent d’une manière fort sensible et qu'il attribuait cet affaissement aux cavités souterraines qui semblent s'étendre sous Rochefort. Nous recumes aussi des renseignemens sur le trou d On qui se trouve dans le voisinage de Marche. Comme tous les autres il est formé dans la roche calcaire : on y pé- uètre difficilement ; les passages en sont fort étroits, du reste il est loin d'offrir les curiosités de la grotte de Han. FAIT A LA GROTTE DE HAN. 351 La grotte de Remouchant, à deux lieues et demie sud-ouest de Spa, est de toutes les grottes du pays celle qui mérite le plus d’être comparée au trou de Han; nous n’en exceptons pas même la grotte de Freyr, dont il sera parlé plus loin. Elle est aussi traversée par un ruisseau, qu'on retrouve deux fois -dans l’intérieur de la montagne, quoiqu’on ne puisse pas pé- nétrer fort avant. Il serait facile avec un peu de hardiesse de remonter le courant sous l’arcade, par laquelle il se montre la première fois, et de découvrir ainsi de nouvelles places. Par là, la grotte de Remouchant deviendrait peut-être digne d’ètre nommée après celle de Han, qu’on peut citer comme une des plus belles qui existent. Nous ne prétendons point comparer ici la grotte de Han à celle d’Antiparos que nous ne connoissons point; mais en lisant la relation de Tournefort, on peut se convaincre qu'on doit trouver à Han des beautés qu’on chercherait en vain à Antiparos : nous ne parlons point des stalactites, les deux grottes en renferment d’également belles ; mais des accidens nombreux, des phénomènes divers que produit la Lesse dans son cours souterrain, mais des vastes dimensions des places et des galeries, des communi- cations qui existent entre les deux flancs de la montagne, et enfin des nombreuses cavités latérales qui font de l’intérieur de la caverne un dédale immense. Les montagnes que l'Homme traverse, appartiennent comme celles de la Lesse aux roches de transition : nous les avons suivies dans plusieurs directions et particulièrement vers St-Remy, d’où l’on tire ce marbre rouge, veiné de blanc, de vert et de bleu qui est un des plus beaux de l'Europe. La car- rière s'élève à 65 mètres au-dessus du niveau de l'Homme et à 271 mètres au-dessus de la mer. Malheureusement les moyens de transport sont trop difficiles et la carrière paraît SE RELATION D'UN VOYAGE être entièrement abandonnée. Nous eùmes la curiosité de la voir : il fallut monter pendant long-temps et nous par- vinmes enfin à un chemin couvert de ronces que nous ju- geâmes être la principale entrée. Nous eùûmes beaucoup de peine à avancer, et bientôt l'eau nous empècha de pénétrer plus avant : l’exploitation avait eu lieu en plein air, les murs d’une hauteur considérable descendent perpendiculairement dans les eaux qui croupissent à leur pied. Pour faciliter l'é- coulement de ces eaux, on a pratiqué plusieurs rigoles dans les flancs de la montagne, mais à ce qu'il paraît, sans aucun succès : il fallut donc pour voir la carrière, gravir pénible- ment une partie de la roche et se glisser au milieu des ar- bustes et des ronces qui la couvrent; bientôt notre œil put plonger sans obstacle dans l'intérieur de eet abîme, dont l'aspect est vraiment effrayant. Nous ne pûmes nous empé- cher de regretter l’état d'abandon où se trouve la carriere, en considérant la beauté du marbre et l'épaisseur des bancs. Cette montagne renferme ainsi que celles de Rochefort, de la galène, du fer sulfuré et hydraté dont on a commencé l'extraction, mais qui est abandonnée aujourd’hui à cause de la difficulté du transport et de l'éloignement des usines : elle est très-bien boisée et nourrit, outre plusieurs des végé- taux des environs déjà nommés, la gentiana cruciata, — ama- rella, L., viburnum lantana, \.., sambucus racemosa, L., rumex scutatus, L., cette plante abonde sur tous les rochers, cratægus torminals, L., aquilegia vulgaris, L.,clinopodium vulgare, L., variété très-petite à fleurs blanches, Carlina vulgaris, L.,etc. Il y a aussi une variété vivipare du juncus aquaticus, Leers fl. herb., très-abondante sur les bords du ruisseau qui longe le chemin au bas de la montagne. Ce ruisseau est alimenté par un amas d’eau qui a inondé la mine de plomb; elle est chargée FAIT À LA GROTTE DE HAN. 353 de chaux carbonatée et forme en peu de temps des incrusta- tions sur les feuilles et les tiges des plantes, exposées à son contact. En remontant jusqu'aux sources de l'Homme et de la Lesse, on les trouve rassemblées avec celles de la branche occiden- tale de l'Ourt et de la Vire ou Vierre dans un espace d'environ trois quarts de lieue, et séparées les unes des autres par les bruyères de Neufvillers et de Libramont. Ce rapprochement semble indiquer que ces rivières sont les restes d'anciens courans qui descendaient des montagnes des Vosges, et qu’elles ont une origine commune avec la Sarre, la Moselle, la Meuse et autres fleuves qui en descendent encore aujourd’hui. Le vallon entier de la Lesse a visiblement servi de bassin à l’un de ces courans, dont les eaux refoulées par celles de l'Homme et resserrées entre. des rochers près de Lesive et de Jambeline, ont dû remplir ce vallon jusqu’à ce qu'unealluvion sablonneuse est venue l’interrompre vers l’'embranchement de ces rivières dans les lieux qui n’en retiennent plus que les sources. Le rocher de Han formait alors une île au milieu de ce bassin, et il est probable que le premier passage de l'eau par l'ancienne entrée date de l'époque où ce courant dans toute sa force était repoussé par le rocher de Bonnevaux ou Bauneveaux et dirigé sur celui de Han. Des rainures horizontales, larges et pro- fondes de plusieurs lignes existent à diverses hauteurs sur les tranches du roc dans ce passage ancien et attestent que les eaux l'ont traversé rapidement et long-temps au niveau de ces rainures. Une fosse que nous trouvämes creusée près de cette ancienne entrée, dans le canal des grandes eaux, fournit à l'appui de notre raisonnement une preuve, que nous oserions nommer matérielle. Elle présentait à deux metres de profon- deur et au niveau absolu de l'entrée, un lit de quatre déci- 354 RELATION D'UN VOYAGE mètres d'épaisseur, composé de gros gravier, de fragmens de quartz, de jaspe, de grès, de néopètre, etc., usés et ar- rondis par le roulement sur les angles et semblables en tout au lit du passage ancien, à celui de la Lesse, de l'Homme et de la Meuse. Ces Raman n'appartiennent pas aux pays que ces rivières parcourent actuellement : ils doivent y avoir été apportés des contrées plus éloignées et dès le temps que les eaux se sont frayé une route vers la mer, puisque depuis son nouveau passage par la grotte du Gouffre, la Lesse à quelqu’élévation qu’elle soit parvenue, n’a plus charié que de l'argile et quelques débris de roches argileuses. L'intérieur de la caverne ne laisse aucun doute sur ce fait : l'argile est amoncelée dans les passages actuels de l'eau en quantité telle, qu'elle ne peut y être venue que par des transports tumultueux, car ce qui perce de l'extérieur par quel- ques petites fentes dans la voûte, ne peut être mis en compte; tandis que dans les couloirs anciens, distingués par leur sol généralement plus élevé, couvert de gravier et de débris des roches primitives, par le peu de hauteur de leurs voûtes et leur peu de largeur proportionnellement à leur longueur en ligne droite, cette terre ne se trouve que dans quelques coins obstrués, où l’eau demeure tranquille, et qui semblent com- muniquer plus ou moins médiatement avecla Grotte du Gouffre puisqu'ils sont presque tous situés de ce côté. L’extérieur en fournit une preuve non moins palpable; le lit ancien et ro- cailleux qui conduisait jadis l’eau dans l’entrée aujourd’hui sèche, existe comme nous l'avons dit plus haut, à deux mèe- tres au-dessous du canal actuel et à trois mètres au-dessus du niveau de la Grotte du Gouffre : la majeure partie de l'eau et de l'argile qu’elle entraîne est donc reçue dans le Gouffre : le surplus ne gagne l'entrée ancienne que graduel- FAIT À LA GROTTE DE HAN. 355 lement et après s'être éclaircie par le repos qu’elle éprouve dans l'intervalle d’une entrée à l'autre, et c'est par ces dépôts successifs que le vallon entier a été couvert d’une couche d'argile de deux mètres d'épaisseur. Nous ne prétendons pas que la Lesse ait commencé le trans- port de l'argile précisément à l’époque de l’enfoncement de la Grotte du Gouffre; nous croyons au contraire que ce transport a commencé plusieurs siècles auparavant, etque la rivière en avait même déposé dans toute l'étendue de son bassin : maïs ce trans- portet ce dépôt n’ont eu lieu que quand l’eau du bassin avait déjà éprouvé un abaissement considérable par suite de l’inter- ruption du grand courant ; à peine suffisante pour couvrir une vallée de cinq cents mètres de largeur moyenne, elle n’arri- vait à la grotte que dans les crues extraordinaires; dans d’au- tres circonstances, elle suivait le côté oriental du rocher, jusqu’à son extrémité nord, tournait ensuite à l'occident, et rentrait dans le lit actuel de la Lesse, près du pont de Han, au nord-ouest du village (1). Elle a laissé dans ce trajet des traces évidentes d’un long passage que l’enfoncement du ter- rain, depuis l’intérieur de la grotte jusqu’au lit de la riviere a interrompu. Cet enfoncement, qui paraît récent, et qui l’est en effet en comparaison des autres événémens qui l'ont (1) Nous avons appris depuis que l'on avait cherché à rendre la Lesse navigable en creusant son lit, eten lui fesant reprendre son ancienne direc- tion autour de la montagne. M. Pirart, jeune géomètre d'un grand mérite et qui depuis a péri malheureusement, avait été chargé de faire un rapport à ce sujet. Ce travail aurait sans doute procuré de grands avantages au pays, mais il nécessiterait de fortes dépenses et offrirait peut-être des résultats peu satisfaisans. Tome II. . 47 356 RELATION D'UN VOYAGE précédé, est déjà cependant fort ancien; nous sommes même disposés à croire qu'il est antérieur à l’histoire écrite de la contrée, puisqu'aucun document connu ne marque le cours de la rivière à travers le vallon. Mercator (1) en a dessiné l'interruption dans une carte du Luxembourg, ainsi que celle de l'Homme pres de Rochefort et Gemelle, mais dans le texte il n’en dit rien; il est vrai que Mercator écrivait il y a seule- ment deux siecles , qui ne font que deux points imperceptibles dans les annales de la nature. Quant aux événemens antérieurs, ils sont les résultats pro- bables des causes générales qui ont opéré d’une extrémité de la terre à l’autre. Les rochers des Ardennes, placés sur la déclivité des montagnes des Vosges, paraissent avoir été pro- duits immédiatement après le relèvement de cette chaîne pri- mitive et avant que la cause de ses révolutions eut cessé d’a- gir ; leurs bancs notoirement formés horizontaux, ont été tourmentés ensuite et mis sous divers angles d’inclinaison, même dans des positions à peu près verticales. Leurs déchiru- res, leurs crevasses, les cavernes qu'ils renferment souvent à des hauteurs, où les eaux après leur retraite générale n’ont jamais pu être portées, comme on peut s’en convaincre le long de la Meuse, déposent qu’elles ne sont point la cause effi- ciente de ces cavernes, mais qu'elles sont venues postérieu- rement occuper les vides que les couches avaient laissés après leurs bouleversemens. Le rocher de Han, objet principal de nos recherches, con- firme cette hypothèse autant que le comportent des sujets de cette nature. Si l'eau seule avait dû l’excaver, elle se (1) Géographie, vol. 1, pag. 398, édition de 1609. / \ FAIT À LA GROTTE DE HAN. 357 serait bornée à laver ses bancs, à transporter ailleurs les lames de terre qui se trouvaient dans leurs interstices ; les bancs se seraient ensuite posés immédiatement les uns sur les autres et la somme de tous les affaissemens réunis aurait diminué la hauteur du rocher d’un ou de deux mètres, de trois ou de quatre, si l'on veut, en y comprenant quelques par- celles du roc que l’eau aurait dissoutes et emportées à la lon- gue; mais comment serait-elle parvenue à creuser ces dômes de 20 et 30 metres d’élévation, ces salles de 800 et 900 metres carrés, ces rues de 100 mètres de longueur? Il est donc évident que le rocher qui constituait une masse continue de pierres d'énormes dimensions, se succédant à la profondeur de plu- sieurs centaines de mètres en terre, n'aurait jamais pu s’ex- caver à ce point, s’il n’y avait eu au-dessous de lui un espace capable d'engloutir de proche en proche une masse équi- valente à celle qui s’est détachée de sa partie élevée au-dessus du sol. L'action de l’eau quelque violente qu'on la suppose, se sera donc bornée à élargir certains passages, à causer des petits éboulemens partiels et à creuser quelques canaux étroits. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, la Meuse est contemporaine de la Lesse et descend aussi des Vosges; son lit est couvert de la même alluvion des montagnes que celui de la Lesse; et, comme cette dernière rivière, elle dirige une grande partie de son cours entre des roches de tran- siion dont la majeure partie est calcaire. Leurs bancs, aussi irrégulièrement inclinés que ceux des rochers des Ar- dennes, décelent qu'elles sont de même âge, qu’elles ont été soumises aux mêmes commotions; leur élévation à pic, leurs di- rections correspondantes sur les deux rives de la Meuse an- noncent que depuis l’origine de ce fleuve, elles en ont con- 47: 358 RELATION D'UN VOYAGE tenu les eaux. Elles renferment des cavités, des antres et des grottes, parmi lesquelles celle de Freyr jouit d’une cer- taine célébrité ; son plein pied est élevé d'environ vingt- quatre mètres au-dessus du niveau de la Meuse, elle est creusée dans la partie supérieure déclive d’une montagne calcaire, entre des bancs qui paraissent avoir été bouleversés et crevassés en divers sens : la pierre en est d’une durete moyenne, de couleur grise plus ou moins blanchätre ou jau- nâtre ; elle constitue le marmor margodes et vulgatum du Systema naturæ, espèce de marbre commun que Haüy nomme chaux carbonatée compacte. Les travaux exécutés ou que l’on exécute journellement dans cette grotte ne permettent point de nous étendre sur sa structure primitive. L'art peut avoir ajouté aux agrémens, mais il a dérogé à coup sûr à l'architecture majestueuse, à l'imposant désordre de la nature. Il paraît néanmoins que la plupart des passages inférieurs étaient originairement des fentes dans le rocher, remplies ensuite de terre et de fragmens de pierres par des petits éboulemens qui semblent y être fréquens, peut-être à cause des changemens qu'on y fait, puisque nous avons entendu des morceaux rouler du haut de la voüte jusque dans la place que le guide nommait la Salle de spectacle : cette grotte a 104 mètres de longueur; elle est conséquemment environ onze fois plus petite que celle de Han. Il y a de fort belles stalactites : dans une des dernières salles on remarque surtout deux stalagmites, qui s’élévent dans le centre comme deux colonnes, l’une à plus de trois mètres et demi d'élévation sur un mètre de circonférence : nous ne nous rappelons pas d'en avoir vu d'aussi grandes dans la FAIT À LA GROTTE DE HAN. 359 Ü grotte de Han; mais le plus rare, le plus curieux de tous les objets que cette grotte contient est certainement un cham- pignon, agaricus rotula L., devenant fossile par l'imbibition d'une eau chargée de chaux carbonatée, qui tombe goutte à goutte sur son chapeau et dont les atômes pierreux sont in- corporés dans son tissu. Nous le trouvâmes dressé sur son pied et paraissant en pleine croissance à gauche près de la porte de la grotte; il était déjà assez dur pour résister au tact modéré ; dans la crainte que quelque main sacrilège ne vint l’arracher, nous l’entourâmes de petits éclats de pierre pour en assurer la conservation. Cette production, peut-être, unique, prouve contre l'opinion généralement reçue , que les corps orga- nisés mous sont susceptibles de se pétrifier, puisqu’un indi- vidu végétal, dont l'existence est limitée à tres-peu de jours, était déja parvenu au point que sa décomposition spontanée paraissait peu vraisemblable. Ce champignon nous apprend que des corps semblables, stalactitifiés comme celui-ci, ont pu être enveloppés, aux époques les plus reculées, par des masses de pierres, et parvenir jusqu’à nous avec tous leurs caractères physiques. L'air de cette caverne ne contient aucun principe nuisible, mais il est extrêmement froid et humide. Le thermomètre de Réaumur qui marquait 19 degrés à l'air libre, à l'ombre et au nord, descendit en vingt minutes à 8 degrés; et l’hygro- mètre de Deluc y indiquait 84°, ce qui revient après correc- tion à 42 3/4 grains d’eau dissoute par mètre cube d'air, ou 14 1/4 grains par mètre cube de plus que l’air extérieur, à la température de 8 degrés au-dessus de zéro, n'en pren- drait pour sa saturation. Un bois touffu surmonte la montagne ; le buis, buxus sem- per virens L., y est tres-abondant , ainsi que sur toutes les 360 RELATION D'UN VOYAGE hauteurs voisines. Le lérot, mus nitela, L., espèce de rat de montagne qui se nourrit de fruits, la couleuvre commune ou anguille des haies, coluber natrix, L., et la salamandre, lacerta salamandra, X., y sont aussi communs. Au bas de la grotte, sur les rives de la Meuse, nous avons trouvé le senecio viscosus, L., inula britannica, L., galeopsis cannabina, L , reseda lutea, L, Euphorbia palustris, L. Ce dernier y est fort abon- dant. Les rochers calcaires. qui descendent la Meuse , sont in- terrompus pres de Godinne , par une formation de grès, qui s'étend sur les deux rives du fleuve dans la direction du sud-sud-est au nord-nord-ouest : elle paraît commencer aux environs de Dorinne, passer par Profondeville et la forêt de Marlagne, jusqu'aux rives de la Sambre, près de Ma- logne où il y a une carrière en exploitation. Ce gres est quartzeux à ciment argillo-ferrugineux ; les bancs sont dans une situation parfaitement horizontale, et il repose à Pro- fondeville immédiatement sur le Grauwakke. Quoiqu'il ap- partienne aux roches de transition, sa formation doit dater d'une époque bien postérieure à celle du calcaire, puisque son dépôt a eu lieu, lorsque les commotions, que le cal- caire a éprouvées, avaient entièrement cessé. La Sambre paraît terminer cette formation de grès : au nord de cette rivière, le calcaire constitue la majeure partie du terrain; il y contient, comme à St.-Remy et à Rochefort, du fer sulfuré et hydraté; de la blende et de la galène que l'on exploite à Védrin, hameau dépendant de la commune de Frisée, à une lieue de Namur. La découverte de cette mine date de l'an 1619; mais l'exploitation régulière ne com- mença qu'en 1032; elle fut abandonnée en 1792 et enfin re- FAIT À LA GROIÎTE DE HAN. 361 prise en 1806. Le filon traverse les bancs de la roche cal- caire et se dirige du sud-sud-ouest au nord-nord-êst, depuis St.-Marc jusqu'au-delà de la Mozée, sur une étendue de 2500 metres environ : le minerai Sy trouve en grosses et en petites boules, ou en grains plus ou moins fins, enveloppés d’une gangue de fer hydraté ocreux ou compacte, de fer sulfuré et d'argile. Les boules sont formées de galene à larges facettes; les grains constituent un mélange de plomb oxidé et car- bonaté. On mêle ces minerais avec des schlames ou résidus des anciens travaux, dans des proportions telles, que le pro- duit de chaque fonte qui est de 3000 livres rapporte au moins 30 pour cent de plomb. On retirait autrefois du soufre par la distillation du fer sulfuré, que la mine contient assez abondamment; mais le bas prix de cette matière a fait abandonner cette extraction; on se contente aujourd'hui de le faire effleurir à l'air et de le lessiver ensuite pour en tirer par cristallisation le sulfate de fer ou vitriol vert de commerce. On trouve encore aux environs de Védrin du sable blanc, qu'on lave pour la ver- rerie de Vonèche, de la houille de transition dont on se sert dans l’usine, etc. (1) (1) M. Mary, directeur des travaux et exploitations, et M. Boesnel , ingé- nieur des mines, ont eu la complaisance de nous accompagner à Védrin, et de nous montrer dans le plus grand détail les beaux établissemens qui s'y trouvent. Nous saisissons cette occasion pour leur témoigner notre re- connaissance ainsi qu'à M. Jacmart, en ce moment recteur à l'Université de Louvain, qui a bien voulu nous accompagner à Han, et dont les pro- fondes connaissances nous ont été d’un grand secours; enfin à M. Heliodore Bauchau de Namur, qui nous a donné des renseignemens précieux sur plusieurs objets relatifs à notre voyage. 362 RELATION D'UN VOYAGE, etc. Nous finirons cette relation en citant les noms de quelques plantes remarquables, trouvées dans les environs de Namur. Veronica nummularia, L., véronique à feuilles de numu- laire, à Frisée, près de Védrin. Potamogeton natans, L., dans la Meuse, près des Grands- Malades. Cornigiola littoralis, L., dans les rocailles de la Meuse, près de Profondeville. Alchimilla vulgaris, L., à Marches-les-Dames. Sambucus racemosa, 1., sureau à grappes, près des rem- parts de Namur, entre les portes de Louvain et de Bruxelles. Dianthus Carthusianorum, 1, cœillet des Chartreux, sur les rochers des Grands-Malades. Sedum rupestre et Sedum reflexum , L., avec la précédente. Euphorbia esula, L., esule, près de Marches-les-Dames. Cistus helianthemum , L., sur la route de Védrin. Geranium moschatum, L., aiguille à berger, abondant sur le chemin de Marches-les-Dames. : Galeopsis grandiflora, Hofm fl. germ., entre les pierres, près des Grands-Malades. Centaurea scabiosa, L., près de Marches-les-Dames. Centaurea calcitrapa, L., partout le long de la Meuse. 688 = Grotte de Sorte La Cascace L'Abime 0 30 50 4o 50 60 70 de 90 £chelle de 100 Aulnes