à MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGRQUE. . MÉMOIRES L'ACADÉMIE ROYALE SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XXIII. BRUXELLES. M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1849. LORIE EU HOAERE NU Hu fi LISTE DES MEMBRES, DES CORRESPONDANTS ET DES ASSOCIÉS DE L'ACADÉMIE. (Juin 1849.) LE ROI, Prorecreur. M. Féris, (F.), président pour 1849. » Querezer, secrétaire perpétuel. COMMISSION ADMINISTRATIVE. Le directeur de la classe des Sciences, M. le vicomte B. Du Bus. We - » des Lettres, M. le baron de Srassarr. » » des Beaux-Arts, M. Féris (F.). Le Secrétaire perpétuel. Le délégué de la classe des Sciences, M. Dumorrirr. » » des Lettres, M. DE Raw. » » des Beaux-Arts, M. BraEur. M. De Hewprinne, trésorier de l’Académie. Tone XXII. 1 UM Dies CLASSE DES SCIENCES. M. Le vicomte B. Du Bus, directeur. » D’Oxauius »’Hazzoy , vice-directeur. » Qurreuer, secrétaire perpétuel. Section des sciences mathématiques et physiques (15 membres). . Kesrecoor, J. L.; à Gand . . . . . . . Nommé le 3 juillet 1816. Tuiry , Ch. E. J.; à Bruxelles . . . . . . — id. Quereuer, A. J. L.; à Bruxelles . . . . . Élu le 1e février 1820. Paçani, G. M.; à Louvain: . 2. . /.. . — 28 mars 1825. Timwermans, H. A.; à Gand . . . . . . . — 12 octobre 1833. De Hewprinne , À.; à Bruxelles . . . . . . — 7 mai 1834. Cnanay, J. G.; à Louvain . 2 42% -0000 .: ON. Prarsau , ds à Gand . . . 4. . . . — 15 décemh. 1536. Decvaux, C.; à Liége. . . . . .. . . . — 14 décemb. 1841. Sras , J.-S.: à Bruxelles. . 280007 , id. De Koninox, L. G.; à Liége. . . . . . . — 15 décemb. 1842. De Vaux, Ad. ; à Bruxelles. . . . . . . —- 16 décemb. 1846. Section des sciences naturelles (15 membres). . D'Ouwaurus »'Hazroy, J. J.; à Halloy . . : . Nommé le 3 juill. 1816. VanDermaëLen , P.; à Bruxelles . . . . . . Élu le 10 janvier 1829. Dunonrier , B. C.; à Tournay : 2 4, . — 2 mai 1829. Sauveur, D.; à Bruxelles. . . . . . . . -— 7 novemb. 1829. Lusuns, A. L. S.; à Verviers . . 290002 07 mai 1838 Wesmarz, C.; à Bruxelles . . . . : 2: 2 15 décemb. 1835. Manrans, M.: à Louvain. . . . . "mm id. Dunour, À. H.; à Liége. ses. RE — id. Canraames, F.: à Gand .2< ... . . "Ru id. . Kicex, J.5 à Gand. . . . . . . . . . Élu le 15 décemb. 1837. Monnex, Ch; à Liége. . .” . . . . . . — 7 mai 1658. Van Benenen, P. J.; à Louvain. . . . . . 15 décemb. 1842. Le baron de Sezvs-Lonccuames, Edm.; à Liége. — 16 décemb.1846. Le vicomte Du Bus, B.; à Bruxelles . . . . — id. Nysr, Henri; à Louvain. . . . . . . . — 17 décemb. 1847. CorresPonpanTs (10 au plus). MiGarsont: H::1à Bruxelles ah, uen 2 Élu le 7 mai 1841. GLuce ; à Bruxelles . . . . . . . . . — 17 décemb. 1843. Durnez; F.; à Gand . . . . . . . . . — 16 décemb. 1846. Mauss ih Brunellés..… : :. :.:. os Kit id. Meven, À; à Bruxelles . . . sem. — id. Marssns;.à Bnuxelles . . . . . . ....1..: id. Logger;.P.; à Bruxelles . sr. 4... (ee 1 id. Nerensurer ; à Bruxelles. . . . . . . . — 17 décemb. 1847. Passe. d:B:;:à Liége. . : : . . . + id. 90 associés. . Le baron de Gzer, J. W. L.; à Utrecht . . Nommé le 3 juillet 1816. Vroux, G.; à Amsterdam . . . . . . — id. Vène, À.; à Paris. . . Men UE dre le 2 février 1824. Éene F. D.; à Montpellier. ne + cut — 6rmai 189. Moreau De Jonnès, À.; à Paris . . . . . . - 21 mai 1825. OcémsxiZunch. > + . . . . . 4, + @ octobre 1825. “His Ch.; à Londres. . . + + +.swt—. 7-octobre. 1826. + AR sir JobneF. -W.; onde … jetm Tr id. Rue. Eur Paris. 2 «. : nat ol t1mars.1027. Berrozoni, Ant.; à Bologne . . . . . . . — 6 octobre 1827. Gites. B:; à Londres . . . . . . — id. Barzow, P.; à Woolwich . . . . . . . — 10 novemb: 1827. Soura , sir James; à Londres . . . . . . — id. SaABinE , Ed. ; à Londres . . . . . . . . -_ © février 1828. Barrar, John; à Grassinton-Moor. . . . . — 1e mars 1828. . Tayzor, John; à Londres Cuasces : à Paris . à Biuwe, Ch. L.; à Leyde. Browx. Robert; à Londres. Excxe, J. F.; à Berlin. Scaumacner , H. C.; à Altona Van Ress, R.; à Utrecht. Le baron ne Humsouor, A.; à Berlin Araco, D.F.J.; à Paris. de Brewsrer . sir David; à Édimbourg ; Creize, À. L.; à Berlin. Pzana, J.; à Turin Marreucai, Ch. ; à Pise . De Maceno ; à Lisbonne . Decaisxe , Jos.; à Paris . Thévbeché: Fr.; à Heidelberg .. De Buamvie (H. M. Ducroray); à bois Gauss, Ch. Fr.; à Gôttingue Scawann, Ph.; à Liége . Sri, À.; à Liége : Bacue, D.; à Philadelphie . Bonibadtt: Charles P., prince de Ésito! à hote De LA Rive, Aug.; à Genève k De Marius, Ch. Fr. Ph.; à Munich Fuss, P. H.; à St-Pétersbourg . Osrsrep, J. Ch.; à Copenhague Lacorparne, Th.; à Liége Souué; à Ayérs À DE Béca Léopold ; Ébérfin. Dumas, J. B.; à Paris Farapay, Michel ; à Londres Owex, Richard ; à Londres. De Braunonr, Élie; à Paris . Lamare ; à Gand . . Élu le 197 mars 1828. — 4 février 1829. — 2 mai 1829. — 7 novemb. 1829. — id. — id. — 6 mars 1830. — 3 avril 1830. — 5 avril 1834. — id. — id. pers id. — 8 novemb. 1834. —— 15 décemb. 1836. —- id. — 15 décemb. 1837. — 8 mai 1838. — 14 décemb. 1841. — id. — id. — 9 mai 1842. nn id. — 15 décemb. 1842. 2008 m4 1088: — 17 décemb. 1843. Le id. — 17 décemb. 1847. in id. _— id. ue id. PR Je CLASSE DES LETTRES. M. Le baron de Srassarr, directeur. » Le chanoine De Ram, vice-directeur. » Querezer, secrétaire perpétuel. La section des lettres et celle des sciences morales et politiques réunies (30 membres). . Corneussen, Norbert; à Gand. . Nommé le 3 juillet 1816. Le baron de Rerrenserc , F. A. F.T.; à Bruxelles. Élu le 8 juillet 1823. Le chevalier Marcuaz, J.; à Bruxelles Sreur , Ch.; à Gand . ; Le ton d GerLacue, E. C.; à AR Le baron de Srassarr; à Bruxelles. GRANDGAGNAGE ; à Liége . Je, Le chanoine De Suer, J. J.; à Gand . Le chanoine DE Ram, P.F. X.; à Louvain . Rouzez, J. E. G. ; à Gand Lessroussarr , Ph.; à Liége. Moxe , H. G.; à Gand Noruous ; à Bruxelles. : Van »e Weyer, Sylvain ; à Londres Gacuanp ; à Bruxelles. : Querzuer, A. J. L.: à Bruxelles Van Prasr, Jules; à Bruxelles . Borener, ra à Los. . Le ue de SAINT-GENOIS , one à Gend Davi ; à Louvain. Van Meenex ; à Bruxelles. Devaux, Paul; à Bruxelles . De Decker ; à Bruxelles . Scuayes, J. B.; à Bruxelles. SNELLAERT ; à Gand L'abbé Carron; à Bruges 4 février 1829. 5 décemb. 1829. 12 octobre 1833. id. 7 mars 1835. 6 juin 1835. 15 décemb. 1837. id. 7 mai 1838. 7 mai 1840. id. id. 9 mai 1842. ni PR le 1er déc. 1845. . Élu le 10 janvier 1846. id. id. id. id. id. id. 11 janvier 1847. id. id. » » . Haus; à Gand. . . A Un le 11 janvier 1847. Boruans, J. H.; à Liégé: FTSS EG HA Se id. Leczerco , M. N. J.;.à Bruxelles . !:., 472 17 mai 1007 Poran., L.; à idee eine cMisdnih à vééeaté Mt oanait LES: ConresponpanTs (10 au plus). . De Warre; à Anvers. . . . . . . . . Élule 7 mai 1840. Bacuer ; à Louvain ‘782 mom 4 SSSR NS érdécèmb."#841. Bserann, Ph.; à Bruñelles .{#22040mR 96; ET d'or 19, Gauvens Louis;-à-Bruselles eee ee id. Farver, Ch.; à Bruxelles... . . . . . . 10 janvier 1846. Ducpériaux , Éd: ; &'Brugees 15 5: 1.7.2 1 quo janvier 1847. Asenbri # Louvain. 4. . . HIHPUIC 4); ht; GARE id. Srssiat à Gand Murs: 6 rene id. JO ASSOCIÉS. . Le duc d'Urser ; à Bruxelles . . . . . . Nommé le3 juillet 1816. Van Lenner, D. J.; à Amsterdam. . . . — id. De Mon. J. G. V. à Paris 1.4 . Élu le 14 octobre 1820. Leñénwann, D. Séb.; à Parisit, 204 00, 0, Guise id. De La Fonraine ; à Luxembourg . . . . . — 23 décemb. 1822. Muzzensi Trèves. ....,... .-51hmoit à : nisrée id. Wairrensacu; à Trèves . . 4 Me LU 14080 id. Van Gorsezscuroy , L.; à ie . hr à — 20. août 1825. Van Ewvox, D. J.; à Bois-le-Duc. . : . . —— 4 février 1826. De Jowcs , J. C.; Ë La Haye. . . . .,.,. 19 6k.avri 4026. Cousini:Wictor:;.à Paris . .biueti.s La0lut . dorilené6hctobre 1927. CoopPeniC. P.; à Londres. . . . . :.,:., is taunil 1834; Lecray, À.; à Lille RON + 1 NME id. Bzonpeau, J. B. A. H.; à Pas. . + #10 Fi décembr 4090 Mone, Ji: à Carlsruhe .. .. . . . . .. lue:17 mardéhoi Groën: Van Pmnsrerer; à La Haye . . . . . — 15 décemb. 1840. Lenonsanr, Ch.; à Paris. 2: . . . .:.... Ludéidémh#85k Le vicomte de Sanrareu; à Lisbonne . . . . -- 15 décemb. 1842. M. » L'abbé C. Gazzera; à Turin. Griuu, J.; à Berlin . S. E. le cardinal Mai; à Rome . M. Puues; à Munich Raouz-Rocuerre, D.; à Paris Dinaux , Arthur; à Valenciennes Ecus , sir Henry; à Londres. Gioserri, Vincent ; à Paris . Guizor: à Paris À Hazzau , Henry; à Londres . Micxer, F. À. À.; à Paris Rars ; à Copenhague . Ramon DE La Sacra; à Madrid Ranxe ; à Berlin . . Sazva, Miguel ; à Medrid Warnxoenic ; à Tubingue. : Le baron de Hauwer-Purésras ; à Vienne . Dxoz, F. X. J.; à Paris . Le baron Charles Durin ; à Paris Heruann, Ch. Fr.; à Gôttingue . Hurrer ; à Vienne . Leemans ; à Leyde . Mirrermaier ; à Heidelberg Perrz ; à Berlin Rirrer , Ch.; à Berlin. Mawzon:; à Milan . Panorxa ; à Berlin. Nozer DE BRAUWERE VAN STEENLAND ; à Brnelles : De Bonwecuose, Em.; à Bruxelles. Wuewezz, W.; à Cambridge . Nassau-Senior ; à Londres . Le duc pe Caraman ; à Paris. . Élu le 15 décemb. 1842. id. id. id. 17 décemb. 1843. 9 février 1846. id. id. 17 mai 1847. 7 mai 1849. id. id. id. id. id. » M. MA, CLASSE DES BEAUX-ARTS. M. Féris (F.), directeur. » Baron, vice-directeur. » Querezer, secrétaire perpétuel. Les six sections réunies (30 membres). Pour la Peinture : . De Kevzer, N.; à Anvers Gazzair, Louis ; à Bruxelles. Leys, H.; à Anvers Mapou, Jean ; à Bruxelles Navez; à Bruxelles ; ; VerBoECKHOVEN, Eugène; à Dééndiles ‘ Le baron Warrers, G.; à Anvers . De BRAEKELEER , Fi à Anvers Van Evcxen, J.; à Bruxelles. Pour la Sculpture : . Gers, Guillaume; à Bruxelles . Smonis, Eugène ; à Bruxelles Gzers, Joseph ; à Anvers Fratxin ; à Bruxelles . Pour la Gravure : Brazur ; à Bruxelles . Corr, Erin; à Anvers Pour l'Architecture : RoeLanDr ; à Gand Suys ; à Bruxelles . . Nommé le 1er déc. 1845. . Élu le 8 janvier 1847. — 22 sept. 1848. . Nommé le 1e" déc. 1845. —— id. . Élu le 9 janvier 1846. — 8 janvier 1847. . Nommé le 1er déc. 1845. . Élu le 9 janvier 1846. . Nommé le 1er déc. 1845. ER id. » » » » . Bourca; à Anvers. Panross ; à Bruxelles . Pour la Musique : . DE Bérior, Ch.; à Bruxelles Fénis, F.; à Bruxelles Hanssens, Cu. L.; à Bruxelles . Visuxrewrs , H. ; à Bruxelles Sxez , F.; à Bruxelles . Élu le 9 janvier — 8 janvier . Nommé le 1er déc. — id. — id. — id. . Élu le 9 janvier Pour les Sciences et les Lettres dans leurs rapports avec les Beaux-Arts : . Azvin, Louis; à Bruxelles Querezer, A. J. L.; à Bruxelles Van Hassezr, André; à Bruxelles . Buscuwanx, Ernest ; à Anvers Barox ; à Bruxelles Féris, Ed. ; à Bruxelles . CorresponnanTs (10 au plus). Pour la Peinture : . De Bierve ; à Bruxelles Dycxmans; à Anvers . Pour la Sculpture : . Jeuorre, Louis; à Bruxelles. Gezrrs ; à Louvain Pour la Gravure : «+ Jexorre, père ;-à Liége . . . . . : Jouvexez, A.; à Bruxelles . Tome XXII. . Nommé le 1er déc. — id. . Nommé le 1er déc. . Élu le 9 janvier — 8 janvier — id. . Élu le 9 janvier — 8 janvier . Élu le 9 janvier — 8 janvier . Élu le 9 janvier — 8 janvier 9 1846. 1847. 1845. 1846. 1845. 1845. 1846. 1847. 1846. 1847. 1846. 1847. 1846. 1847. » » PERS | | one Pour l’Architecture : Pour la Musique : . Renann, B.; à Tournay . . . . . .,. . Élu le 8 janvier 1847. Mençar; à Gand . . . . . . . . . . Élu le 9 janvier 1846. Pour les Sciences et les Lettres dans leurs rapports avec les Beaux-Arts : Bocaenrs , F.; à Anvers . . . : . . . . Élu le 8 janvier 1847. 90 ASSOCIÉS. Pour la Peinture : Verner, Horace; à Paris . . . . . . . Élu le 6 février 1846. Scuerren, ALY ; d'Parisipusss «4 + 40, id. Conneztua. P.: à Bénin 2 ar Rene ei id. Ds La Rocus, Panis à Pan 20 ET SEP id. Laxpsesn ; à Londres. . "4e ns Mantes 257 7 id. Kauzsacu, W.; à Munich? … . . . . . — id. Incass, D: à Paie A MMPAETES, à ner PR TAROT TZ CAL, AS GONemO TNT en OR TRS id. GnANeT Ms A RP ANA OR UERCE 10 EE id. Broxea, J.:'à Pranéfort 00 AT DO 7 US id. Hacus; à Londres . .) représente donc la moyenne entre toutes les courbures de la surface en un même point, ou‘la courbure moyenne en ce point. ‘ Maintenant, si en passant d’un point à un autre de la surface la quan- tité 3 —- > conserve la même valeur, c’est-à-dire si l'on a, pour toute la surface, ; + x — C, cette surface est donc telle, que sa courbure moyenne est constante. Envisagée sous ce point de vue purement mathématique, l'équation [4] a été l’objet des recherches de plusieurs géomètres, recherches dont nous profiterons dans la suite de ce travail. Ainsi nos surfaces liquides doivent satisfaire à cette condition, que la courbure moyenne y soit la même partout. Or, on comprend que si cela à lieu, l'effet moyen des courbures en chaque point sur la pression correspon- dante à ce point demeure aussi le même, et que de là résulte équilibre. On voit donc maintenant d’une manière plus nette de quelle nature sont les surfaces que nous aurons à considérer, et pourquoi elles constituent des surfaces d'équilibre. $ 6". Nous devons appeler ici l'attention sur une conséquence immé- diate des principes théoriques qui nous ont conduits à la condition géné- rale de l’équilibre. D’après ces principes, chacun des filets moléculaires qui exercent sur la masse les pressions d’où dépend la figure de celle-ci, part de la surface et se termine à une profondeur égale au rayon d’activité sensible de Fat- traction moléculaire; de sorte que l’ensemble de ces filets constitue une couche superficielle dont l'épaisseur est égale à ce même rayon, et Fon sait que celui-ci est d’une extrême petitesse. De là résulte donc que les forces figuratrices exercées par le liquide sur lui-même, émanent unique- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 15 ment d’une couche superficielle excessivement mince. Nous nommerons cette conséquence le principe de la couche superficielle. $ 7. Une surface sphérique satisfait évidemment à la condition de l'équilibre, puisque toutes les courbures ÿ sont les mêmes en chaque point; aussi lorsque notre masse est entièrement libre, c’est-à-dire lors- qu’elle n’est adhérente à aucun solide qui oblige sa surface à se courber d’une autre manière , elle prend en effet la forme d’une sphère, ainsi qu'on l'a vu dans le mémoire précédent. $ 8. Avant d'aller plus loin, nous devons éclaircir un point d’une grande importance pour la partie expérimentale de notre travail. La masse liquide de nos expériences étant immergée dans un autre liquide, on peut demander si les actions moléculaires exercées par ce dernier sont sans influence sur la figure produite, ou en d’autres termes, si la figure d’équi- libre d’une masse liquide adhérente à un système solide, et soustraite à l’action de la pesanteur par son immersion dans un autre liquide de même densité qu’elle, est exactement la même que si la masse adhérente au système solide était réellement dépourvue de pesanteur et se trouvait placée dans le vide. Or, nous allons faire voir qu’il en est effectivement ainsi. Les actions moléculaires dues à la présence du liquide environnant sont de deux espèces, savoir celles qui résultent de l'attraction de ce liquide pour lui- même, et celles qui proviennent de l'attraction mutuelle des deux li- quides. Occupons-nous d’abord des premières, en supposant, pour un instant , que les autres n'existent pas. Le liquide environnant étant ap- pliqué contre la surface libre de la masse plongée, il présente en creux la même figure que cette masse présente en relief. Les molécules de ce même liquide voisines de la surface commune des deux milieux, doivent donc exercer vers l’intérieur du liquide auquel elles appartiennent, des pres- sions de la nature de celles que nous avons considérées dans tout ce qui précède, et ces pressions doivent tendre, par conséquent, à donner aussi à la surface creuseune figure d'équilibre; en sorte que si la masse plongée n'avait par elle-même aucune tendance à prendre une figure plutôt qu'une autre, le liquide environnant lui en donnerait une déterminée, en lobli- 14 4 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE geant à se mouler dans la figure creuse ci-dessus. C’est ainsi qu’une bulle d'air prend dans un liquide la forme globulaire, uniquement en vertu ‘des pressions exercées par ce liquide sur lui-même. Maintenant supposons que la masse plongée ait pris la figure qu’elle affecterait dans le vide si elle était réellement dépourvue de pesanteur. Alors la condition analy- tique du paragraphe à sera satisfaite quant à cette masse. Or, en chaque point de la surface commune des deux milieux, les rayons de courbure P et p ont les mêmes valeurs absolues pour la masse plongée et pour la ‘figure creuse du liquide environnant; seulement ils prennent des signes contraires selon qu’on les considère comme se rapportant à l’un ou à l’autre des deux liquides. Pour passer de l’une des deux figures à l’autre, il suffira donc de changer les signes de L et de L’, ou, ce qui revient au même, de changer le signe de la constante C. Ce changement de signe ne détruira pas la condition de l'équilibre, et, par conséquent, si la masse plongée est en équilibre quant à ses propres attractions moléculaires, il en sera de même pour la figure creuse du liquide environnant. Les pressions pro- pres de ce dernier liquide ne peuvent donc, à elles seules, apporter aucune modification dans la figure d'équilibre de la masse plongée. Faisons maintenant intervenir la seconde espèce d'actions moléculaires, c’est-à-dire l'attraction mutuelle des deux liquides, et voyons quels peu- vent être ses effets. Imaginons pour un instant que la masse plongée, ou pour fixer les idées, la masse d’huile de nos expériences , soit remplacée par du liquide de même espèce que celui qui l’environne, c’est-à-dire par du mélange alcoolique. En d’autres termes, le vase étant supposé ne ren- fermer que du mélange alcoolique et le système solide, limitons par la pensée, dans le liquide, une portion de mêmes figure et dimensions, et placée de la même manière, que la masse d’huile précédente: Alors il est clair que les molécules de la masse voisines de sa surface étant, comme celles de l’intérieur, complétement environnées d’un même liquide jusqu’au delà de leur sphère d’activité, ces molécules n’exerceront plus de pression sur la masse. Par conséquent, les pressions qui existeraient si cette masse pouvait être isolée, doivent être considérées comme détruites par les at- tractions émanées du liquide environnant. Ces dernières forces sont donc D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 15 toutes égales et opposées aux pressions dont il s’agit. Or, puisque celles-ci sont toutes égales entre elles d’après la figure que nous avons attribuée à la surface imaginaire de la masse, les attractions émanées du liquide en- vironnant seront aussi toutes égales entre elles. Si maintenant nous réta- blissons la masse d'huile, les attractions émanées du liquide environnant pourront bien changer de valeur absolue, mais il est évident qu’elles con- serveront leurs directions, et qu’elles demeureront égales entre elles; on voit donc qu’elles ne feront que diminuer d’une même quantité toutes les pressions exercées par la masse d’huile sur elle-même, et, par consé- quent, toutes les différences demeurant égales entre elles, la condition de l'équilibre sera encore satisfaite quant à cette masse. Il est évident que le même mode de raisonnement peut s'appliquer aux pressions exer- cées par le liquide environnant sur lui-même, pressions qui conserveront leurs directions, et seront seulement diminuées toutes d’une même quan- tité par les attractions émanées de l'huile, de sorte que la condition de l'équilibre ne cessera pas non plus d’être satisfaite quant à la figure creuse du liquide environnant. Aïnsi, l’ensemble des actions moléculaires dues à la présence du liquide environnant ne tendra en aucune manière à modifier la figure d'équilibre de la masse plongée, figure qui sera , par conséquent, identiquement la même que si cette masse était réellement sans pesanteur, et qu’elle fût placée dans le vide. Nous pourrons donc faire complétement abstraction du liquide environnant , dont l’unique fonction est de neutraliser l’action de la pesanteur sur la masse objet des expériences. $ 9. Nous allons passer maintenant à la partie expérimentale. Et d'abord, pour éviter des répétitions inutiles, nons dirons quelques mots relativement aux appareils dont nous ferons usage. Le liquide étant toujours une masse d'huile immergée dans un mé- lange alcoolique de même densité qu’elle, nos systèmes solides seront tous en fer; voici pour quels motifs. Dans les circonstances ordinaires, lhuile contracte , je pense, une adhérence parfaite avec tous les solides ; mais il n’en est plus tout à fait ainsi lorsque cette même huile est plongée dans un mélange d’eau et d'alcool : alors, pour certains solides, pour le 16 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE verre, par exemple, les phénomènes d'adhérénce éprouvent parfois des modifications qui apportent du trouble dans les expériences. Nous en verrons un exemple dans la suite de ce travail. Or, les métaux ne pré- sentent pas cet inconvénient; d’ailleurs les formes que nous avons don- nées à la plupart de nos systèmes solides, rendraient leur construction difficile avec une substance autre qu’un métal. Maintenant, parmi les mé- taux, nous choisissons le fer et non le cuivre, parce que l'huile n’enlève rien au fer, tandis que, dans un contact prolongé avec le cuivre, elle attaque légèrement celui-ci, prend une couleur verte, et, ce qui est un grave inconvénient, augmente de densité !. Lorsqu'on voudra employer un de ces systèmes solides en fer, il faudra, avant de l’introduire dans le vase , le mouiller entièrement d'huile, et pour cela, il ne suffirait pas de le tremper simplement dans ce liquide, il faut l'en frotter soigneusement avec le doigt : la présence de cet enduit facilite l'adhérence de la masse liquide. Nous continuerons à nous servir du vase à parois planes décrit $ 8 du mémoire précédent ?; un flacon de forme ordinaire ou le ballon dont j'ai 1 M. Faraday, dans une lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser à l'occasion du mémoire précédent, m'apprend qu'ayant eu l'intention de répéter mes expériences devant un auditoire nom- breux, et voulant, à cet effet, rendre plus prononcée encore la différence d'aspect des deux liquides, il a dissous à dessein un peu d'oxyde de cuivre dans l'huile, afin de colorer cette dernière en vert. La combinaison étant ainsi faite à l'avance et rendue bien homogène , et le mélange alcoolique étant réglé d'après la densité de l'huile modifiée, la présence du cuivre en dissolution ne peut en- traîner d'inconvénient ; seulement il est bien entendu que, dans ce cas aussi, les systèmes solides doivent être en fer. ? En exécutant les expériences relatives au mémoire actuel, j'ai reconnu qu'il était nécessaire de faire subir de légères modifications à l'appareil dont il s'agit. La seconde ouverture percée dans la plaque qui sert de couvercle au vase, doit être peu inférieure en grandeur à l'ouverture cen- trale, elle doit avoir son goulot moins élevé, et enfin elle doit être placée près de l'autre; en la laissant telle qu'elle a été décrite et figurée, l'emploi des instruments accessoires dont il va être question serait impossible, En outre, le goulot de l'ouverture centrale doit être muni d'un petit rebord , afin qu'on puisse le saisir facilement lorsqu'on veut enlever la plaque couvercle : par exemple, quand il s'agit d'at- tacher à la tige qui traverse le bouchon un système solide trop grand pour passer par cette même ouverture. Enfin, le vase doit être muni d'un robinet à sa partie inférieure, pour qu'on puisse le vider avec facilité. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 17 parlé $ 5 et 8 du même mémoire seraient peu convenables, parce qu'ils ne laisseraient pas voir la véritable figure de la masse. Quand le système solide est d’une seule pièce, il est porté par un fil de fer vertical, lequel se visse à l'extrémité inférieure de la tige qui tra- verse le bouchon métallique; mais pour certaines expériences, le système solide est formé de deux parties isolées, et alors c’est seulement l’une d’elles que l’on attache à la tige comme je viens de le dire; l’autre est supportée par de petits pieds qui reposent sur le fond du vase. Il est inutile d'ajouter qu’il faudra n’employer que des liquides préparés de manière à être sans action chimique l’un sur l’autre ($ 6 et 24 du mémoire précédent). Outre le petit entonnoir destiné à introduire la masse d’huile dans le vase, le fil de fer qui sert à réunir les sphères isolées , etc., dont j'ai parlé dans le mémoire précédent, les expériences exigent encore quelques autres instruments accessoires, Savoir : En premier lieu, une petite seringue en verre , dont le bec est allongé et légèrement recourbé. On la fait servir comme pompe aspirante, pour enlever, par exemple, une partie de l'huile qui constitue la masse liquide lorsqu'on veut diminuer le volume de celle-ci, ou pour extraire du vase la masse d'huile tout entière, opération dont la nécessité se présente quel- quefois , etc. En second lieu, deux spatules en bois, l’une un peu recourbée, l’autre droite, recouvertes d’une étoffe fine de toile ou de coton. Lorsque ces spatules sont introduites dans le vase, et que le linge dont elles sont gar- nies s’est bien imprégné du liquide alcoolique, la masse d'huile ne con- tracte aucune adhérence avec elles. On peut donc, au moyen de l’une ou de l’autre de ces spatules, pousser la masse dans le liquide ambiant, et la conduire au lieu qu’on veut lui faire occuper dans l’intérieur du vase, sans qu’il en demeure rien à la spatule. C’est là l'usage auquel ces instru- ments sont destinés. Quand on les a employés, il faut toujours, avant de les laisser sécher, avoir soin de les laver en les agitant dans de l'alcool pur; sans cette précaution, le mélange alcoolique dont ils sont imprégnés abandonnerait sur leur surface, en s’évaporant, la petite quantité d'huile Tome XXII. 3 18 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE qu'il tient en dissolution, et lorsqu'on se servirait de nouveau de ces mêmes instruments , la masse d'huile pourrait alors y adhérer. En troisième lieu , une spatule en fer légèrement recourbée ; pour des usages que nous indiquerons en leur lieu. Enfin, comme il est nécessaire, dans -toutes les expériences que nous avons à rapporter, que le liquide alcoolique soit homogène, on ne peut plus employer le procédé indiqué $ 25 du mémoire précédent, pour em- pêcher que la masse d'huile n’aille parfois adhérer au fond du vase ; mais on arrive au même résultat en recouvrant ce fond d’un carré d’étoffe. EXPÉRIENCES NOUVELLES A L’APPUI DES PRINCIPES THÉORIQUES :RAPPELÉS DANS CE QUI :PRÉCÈDE. —— FIGURES D’ÉQUILIBRE TERMINÉES PAR DES SURFACES DE COURBURE SPHÉRIQUE. — PRINCIPE NOUVEAU RELATIF AUX :LAMES LIQUIDES. $ 10. Les faits que nous allons décrire en premier lieu, peuvent être considérés comme constituant la démonstration expérimentale du principe de la couche superficielle ($ 6°). Concevons un système solide quelconque plongé dans l’intérieur de la masse liquide, et donnons à cette masse un volume tel, qu’elle puisse con- stituer une sphère qui enveloppe complétement le système solide sans que celui-ci en atteigne la surface en aucun point. Alors, si le principe ci- dessus est vrai, la présence du système solide n'aura aucune influence sur la figure d'équilibre, puisque dans ces circonstances la couche superfi- cielle, d’où émanent les actions figuratrices, demeure entièrement libre; tandis que si ces actions émanaient de tous les points de la masse, une modification non symétrique apportée aux parties intérieures de celle-ci en amènerait nécessairement une dans la forme extérieure. C’est ce qui est confirmé par l'expérience. La condition d’un système solide complétement enveloppé par la masse d'huile serait assez difficile à réaliser; mais nous rappellerons ici que, dans les expériences relatives au mémoire précédent, le système du disque au moyen duquel on fai- sait tourner la masse sur elle-même, se trouvait à peu près dans cette D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 19 condition, puisqu'il n’atteignait la surface extérieure de la massé que dans les deux: très-petits espaces qui donnaient passage à son axe. Or, nous avons vu alors ($ 9 du mémoire précédent), que lorsque la'masse était en repos, sa sphéricité n’était que très-peu altérée par la présence de ce système. On peut approcher davantage de la condition théorique, en prenant, pour former l'axe de ce même système, un fil métallique très-fin; dans ce cas, la déformation est tout à fait insensible. L’axe étant supposé ver- tical, le disque peut d’ailleurs indifféremment être placé de manière que son centre coïncide avec celui dé la masse d’huile, ou bien être situé au- dessus ou au-dessous de ce dernier. Voici un autre fait d’une nature analogue. Dans le cours des expé- riences, il arrive parfois que des portions ‘du liquide alcoolique se trou- vent emprisonnées dans l’intérieur de la masse d'huile, et y forment autant de sphères isolées. Or, ces sphères peuvent être placées d’une ma- nière quelconque dans l’intérieur de la masse, sans qu’il en résulte la moindre altération dans la figure extérieure de celle-ci. $ 11. Faisons encore pénétrer dans la masse liquide un système solide quelconque; mais donnons maintenant à la masse un volume trop petit pour qu’elle puisse constituer une sphère qui enveloppe complétement ce système. Alors ce dernier atteindra nécessairement la couche superficielle, et, si le principe en question est vrai, la figure de la masse liquide devra se modifier, ou, en d’autres termes, ne pourra plus demeurer sphérique. C'est ce qui a lieu en effet, comme on devait s’y. attendre : la masse liquide- s'étend sur les portions du système solide qui font saillie en dehors de sa surface; elle finit par occuper soit la totalité de ces portions, soit seulement une partie de leur étendue, selon la forme et les dimen- sions du système solide, et prend ainsi une nouvelle figure d'équilibre. Nous en verrons des exemples plus loin ($$ 14, 15, 17). $ 12. Au lieu de faire pénétrer le système solide dans l'intérieur de la masse liquide, mettons-le simplement en contact avec la surface exté- rieure de celle-ci. Alors une action s’établissant sur un point de la couche superficielle, l'équilibre devra être rompu et la figure de la masse liquide devra encore se modifier. C’est, en effet, ce qui arrive : la masse s'étend 20 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE sur la surface qui lui est offerte, et prend, par conséquent, une figure nouvelle. On pouvait d’ailleurs prévoir ce résultat d’après ce qui se passe dans les circonstances ordinaires, lorsqu'on pose une goutte d’eau sur une surface solide préalablement mouillée. On pourrait croire que ce cas rentre, quant au résultat définitif, dans celui du paragraphe précédent ou dans celui du paragraphe 10 : car il semble que la masse liquide, en s'étendant sur le système solide pour atteindre la nouvelle figure d'équilibre, doit finir par occuper ou enve- lopper ce système de la même manière que si l’on avait primitivement fait pénétrer celui-ci dans son intérieur. Il y a, en effet, des circonstances dans lesquelles les choses doivent se passer ainsi; mais les expériences que nous allons rapporter font voir qu’il y a d’autres circonstances pour lesquelles le résultat est tout différent. $S 15. Prenons pour système solide une plaque circulaire mince ! attachée par son centre au fil de fer qui doit la supporter (fig. 1), et faisons naître l’adhérence entre sa surface inférieure et la partie supé- rieure de la masse d’huile ?. Aussitôt le contact bien établi, l'huile s'étend rapidement sur la surface qui lui est offerte; mais, ce qui est remar- quable, quoique l’on ait pris la précaution de frotter d’huile tout le sys- ème (S 9), c'est-à-dire les deux faces de la plaque ainsi que son bord, l'huile s'arrête nettement à ce même bord sans passer de l’autre côté de ! Le diamètre de celle dont je me suis servi était de quatre centimètres. Je mentionne ce dia- mètre pour fixer les idées : on comprend que dans nos expériences les dimensions des appareils sont tout à fait arbitraires; seulement si ces dimensions dépassaient certaines bornes, les opéra- tions deviendraient embarrassantes par les quantités trop considérables de liquide qu'elles exigeraient. ? Pour que cette opération puisse s'effectuer avec facilité, il faut, d’abord, que la sphère d'huile se tienne, dans le liquide ambiant, au-dessous de l'ouverture centrale du couvercle : alors, la plaque étant introduite dans le vase, on n’a plus qu'à l’abaisser à l'aide de la tige qui traverse le bouchon, pour l'amener vers la masse liquide. Si cette dernière n'oceupait pas la position dont il s’agit, on l’y conduirait préalablement à l'aide d’une spatule recouverte d’étoffe ($ 9). Nous devons faire remarquer ici que le contact réel entre la plaque et la sphère d'huile ne s'éta- blit pas ordinairement de suite : il y a une certaine résistance à vaincre, analogue à celle dont il a été question dans la note du paragraphe 4 du mémoire précédent; mais pour la surmonter, il suffit de pousser un peu la sphère liquide à l'aide de la plaque; la pression légère qui en résulte déter- mine bientôt la rupture de l'obstacle et la production de l'adhérence. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 21 la plaque, et présente ainsi une interruption brusque dans la courbure de sa surface. Dans le cas dont il s’agit, la nouvelle figure que prend la masse est une portion de sphère. Cette portion sera d’autant plus grande relative- ment à la sphère complète, que le volume de la masse d'huile est plus considérable; mais toujours la courbure s'arrêtera nettement au contour de la plaque (voyez la fig. 2, qui représente la coupe du système solide et de la masse adhérente, pour trois volumes différents de celle-ci). Quant à la cause de cette singulière discontinuité, on la comprend sans peine : la plaque atteignant par son contour la couche superficielle, il est naturel qu’il se manifeste le long de ce contour quelque chose de particulier, et que la continuité dans la forme cesse là où s'exerce sans transition sur la couche superficielle une action attractive étrangère. $ 14. Servons-nous encore de la plaque ci-dessus; mais au lieu de présenter l’une de ses faces à l'extérieur de la sphère d'huile, faisons maintenant pénétrer la plaque par son bord dans l’intérieur de cette sphère 1. Alors le liquide s’étendra nécessairement sur les deux faces du solide , et si le diamètre de la sphère primitive était moindre que celui de la plaque, on verra l’huile former, sur les deux faces dont il s’agit, deux segments sphériques dont les courbures s’arrêteront encore nette- ment au contour de la plaque. Ces deux segments peuvent être égaux ou 1 Voici comment s'exécute cette manœuvre. On soutient à quelque distance au-dessus du goulot de l'ouverture centrale le bouchon qui porte le système de la plaque, de manière, cependant, que celle-ci plonge à une profondeur suffisante dans le mélange alcoolique. On a ainsi la liberté de faire faire à la plaque des mouvements assez étendus, et on l'amène vers la masse liquide. Cette dernière doit, pour cela, occuper préalablement une position convenable. Une fois la masse liquide entamée, on tient la plaque en repos jusqu'à ce que l’action soit terminée, après quoi l'on pose avec précaution le bouchon dans le goulot. On peut encore se servir d’un procédé inverse du précédent. On fait d'abord en sorte que la masse liquide se tienne du côté de la seconde ouverture, et assez loin de la verticale qui passe par le milieu de l'ouverture centrale; puis, après avoir placé le système solide à demeure dans la posi- tion définitive qu'il doit occuper, on amène vers lui la masse liquide, et lorsque celle-ci est enta- mée, on laisse l’action se continuer seule. Ces procédés sont employés de même dans d'autres expériences, et il suflira de les avoir indi- qués une fois. Il y a des circonstances où le second est seul praticable : c'est ce dont il sera facile de juger en faisant les expériences. 22. SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE inégaux , selon qu’on aura introduit le bord de la plaque dans la’ sphère liquide de manière que le plan de cette plaque passe, ou non, par le centre de la sphère. Le segment supérieur sera légèrement déformé par l’action du fil de suspension; mais-cet effet sera d'autant: moins sensible que le fil dont il s’agit sera plus mince. La fig. 5 représente le résultat de l'expérience avec deux segments :inégaux. La discontinuité dans les courbures est un fait très-général, que nous verrons se reproduire fréquemment dans le cours de nos expériences; il” nous conduira plus loin à des conséquences fort importantes. $ 15. J'ai répété la même ‘expérience-en substituant à la plaque circu- laire une plaque de forme elliptique. Dans ce cas, comme dans le précé- dent, l’huile s'étend sur les deux faces du solide; de manière à les: occu- per tout entières, et, si le volume de la masse liquide n’est pas trop grand, les courbures s'arrêtent encore nettement tout le long du contour dela plaque. En augmentant successivement le volume de la sphère: d'huile primitive, mais cependant sans le rendre assez grand pour que la masse puisse envelopper complétement la plaque en gardant la forme sphérique, il arrive une limite.où le bord de la plaque n’atteint plus la couche superficielle de la nouvelle figure d'équilibre qu'aux deux som- mets de l’ellipse. Alors aussi la discontinuité dans les courbures n’a plus lieu qu'en ces deux endroits. Les figures À et à montrent le résultat de l'expérience dans ce dernier cas. Dans la fig. 4, l’ellipse présente à l'œil son grand axe, et dans la fig. 5, son petit axe. S 16. Tous les faits que nous.avons rapportés jusqu'ici montrent donc: que tant qu'on ne modifie que l’intérieur de la masse liquide, la forme extérieure de celle-ci n’éprouve aucune altération; mais que dès que l’on agit sur la couche superficielle, la masse. prend une:autre figure. Pour achever de prouver, à l'aide de l'expérience seule, que les actions figuratrices exercées par le liquide sur lui-même n’émanent que dela couche superficielle, il ne s'agirait plus-que de pouvoir réduire une masse liquide à sa couche superficielle, ou, du moms, à une pellicule mince, et de voir si, dans cet état, elle prendrait la même figure d'équilibre qu'une masse pleine. Or, c’est précisément ce que réalisent les bulles de D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 23 savon. Ces bulles, en effet, lorsqu'elles sont détachées du tube qui a servi à les former, prennent, comme on sait, la figure sphérique, c’est-à-dire la même figure que nous voyons prendre dans notre appareil à une masse pleine et soustraite à l’action de la pesanteur, lorsque cette masse est entièrement libre. Lorsque la masse adhère à un système solide qui en modifie la figure, il est clair que l’action figuratrice totale se compose de deux parties : l’une qui appartient au système solide, et l’on voit que ce sys- tème ne l’exerce qu’en agissant sur la couche superficielle; l'autre qui appartient au liquide, et qui émane directement de la portion libre de cette même couche superficielle. Les faits que nous avons rapportés montrent bien quel est le siége de cette seconde partie de l’action figu- ratrice totale, mais ‘ls ne nous font pas connaître la nature des forces qui la constituent. Si nous consultons la théorie, nous voyons que ces forces consistent en des pressions exercées sur la masse par tous les éléments de la couche superficielle, pressions dont l'intensité dépend des courbures de la sur- face aux points auxquels elles correspondent. 11 suit de là que la masse est pressée par la totalité de sa couche superficielle, avec une intensité qui dépend de la même manière des courbures de la surface. Par exemple, une masse dont la surface libre présente une courbure sphéri- que convexe, sera pressée par la couche superficielle totale qui appartient à cette surface libre, avec une intensité plus grande que si cette même surface était plane, et cette intensité sera d'autant plus considérable que la courbure sera plus forte, ou que le rayon de la sphère à laquelle appartient la surface sera plus petit. Voyons si l'expérience nous conduira aux mêmes conclusions. $ 17. Le système solide que nous allons employer, est une plaque circulaire percée (fig. 6). Elle est placée verticalement, et attachée par un point de sa circonférence au fil de fer qui la supporte. Donnons à la sphère d'huile un diamètre moindre que celui de la plaque, et faisons pénétrer celle-ci par son bord dans la masse, suivant une direction qui ne passe point par le centre de la sphère. L'huile formera d’abord, 2% SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE comme dans l'expérience du paragraphe 14, deux segments sphériques inégaux; mais les choses ne persisteront point dans cet état : on verra le segment le plus convexe diminuer graduellement de volume, et par con- séquent de courbure, tandis que l’autre augmentera, jusqu’à ce qu'ils soient devenus parfaitement égaux entre eux. Une partie de l’huile passe donc par l’ouverture de la plaque pour se porter de l’un des segments liquides vers l’autre, jusqu'à ce que l'égalité ci-dessus soit atteinte. Maintenant, examinons quelles sont les conséquences que l’on peut déduire de cette expérience, en s'appuyant sur les précédentes, et indé- pendamment de toute considération théorique. Une fois l'huile étendue sur les deux faces de la plaque, de manière que la couche superficielle s'appuie sur tout le contour de celle-ci, l’action du système solide est complétée, et les mouvenients qui surviennent ensuite dans la masse liquide, pour atteindre la figure d'équilibre, ne peuvent plus être dus qu’à une action émanant de la partie libre de la couche superficielle. C’est donc cette dernière qui oblige le liquide à passer à travers l'ouverture de la plaque, et le phénomène doit nécessai- rement résulter, ou d’une pression exercée par la portion de la couche superficielle qui appartient au segment le plus convexe, ou d’une traction opérée par la portion de cette même couche qui appartient à l'autre seg- ment. Notre expérience seule ne pouvant déterminer le choix entre ces deux manières d'expliquer l'effet dont il s’agit, adoptons provisoirement la première, c’est-à-dire celle qui lattribue à une pression. Dans notre expérience, cette pression émane de la couche superficielle du segment le plus courbe; mais il est aisé de voir que la couche superficielle de l’autre segment exerce aussi une pression, qui, seulement, est moindre que la précédente. En effet, si au segment le plus courbe on venait à substituer un segment qui fût, au contraire, moins courbe que lautre, l'huile serait alors chassée en sens opposé. Il suit de tout cela que la couche superficielle totale de la masse exerce une pression sur le liquide qu’elle renferme, et que l'intensité de cette pression dépend des courbures de la surface libre. En outre, puisque le liquide marche du segment le plus courbe à celui qui l’est moins, on voit que, pour une surface con- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 25 vexe de courbure sphérique, la pression est d'autant plus forte que la courbure est plus prononcée, ou que le rayon de la sphère à laquelle appartient la surface est plus petit. Enfin, une surface plane pouvant être considérée comme appartenant à une sphère d’un rayon infiniment grand, on voit encore que la pression correspondante à une surface convexe de courbure sphérique, est supérieure à celle qui correspondrait à une sur- face plane. Tous ces résultats étaient annoncés par la théorie; ils vérifient donc parfaitement la partie de celle-ci à laquelle ils se rapportent, et cette con- cordance doit maintenant décider en faveur de l'hypothèse de la pression. Cette même partie de la théorie se trouvait déjà vérifiée, dans son appli- cation aux liquides soumis à l’action de la pesanteur, par le phénomène de la dépression que présentent les liquides dans les tubes capillaires dont ils ne mouillent pas les parois; mais la série de nos expériences prenant la théorie à partir de ses éléments, et la suivant pas à pas, en donne des vérifications bien plus directes et plus complètes. Notre dernière expérience conduit encore à d’autres conséquences. Le liquide marchant de l’un des segments à l’autre tant que leurs courbures ne sont pas devenues identiques, et les pressions correspondantes aux deux portions de la couche superficielle devenant égales entre elles en même temps que les deux courbures, il en résulte que la masse n’atteint sa figure d'équilibre que lorsque cette égalité de pression est établie. On a donc ainsi une première vérification de la condition générale d'équi- libre qui régit nos figures liquides, condition en vertu de laquelle les pressions exercées par la couche superficielle doivent être partout les mêmes. En outre, il est évident que si une couche superficielle de courbure sphérique exerce par elle-même une pression , ce principe doit être vrai quelque petite qu’on suppose l’étendue de cette couche. Il s'ensuit qu'une portion extrêmement minime de la couche superficielle de notre masse, prise où l’on voudra sur l’un quelconque des deux segments, doit être par elle-même le siége d’une petite pression, et que, par conséquent, la pression totale exercée par la couche superficielle est le résultat de pres- Tome XXII. 4 26 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE sions individuelles émanant de tous les éléments de cette couche. C’est encore ce qu’indiquait la théorie. De plus, en suivant le même raisonnement , on voit que l'intensité de chacune des petites pressions individuelles doit dépendre de la courbure de l'élément de couche correspondant, ce qui est pareillement conforme à la théorie. Enfin, dans l’état d'équilibre, les deux segments appartenant à des sphères de rayons égaux, la courbure est la même en tous les points de la surface de la masse, d’où il suit que toutes les petites pressions élé- mentaires sont égales entre elles. La condition générale de l'équilibre ($ 5) se trouve donc vérifiée, pour le cas de notre expérience, d’une manière complète. $ 18. Le principe de la couche superficielle appliqué à l'expérience précédente, permet de modifier celle-ci de manière à obtenir un résultat fort remarquable. La figure d'équilibre une fois atteinte, ce n’est plus que par son bord extérieur que la plaque percée agit sur la couche superfi- cielle. Tout le reste de cette plaque est donc alors sans influence sur la figure dont il s’agit. Il suit de là que cette figure serait encore la même si l’on rendait l'ouverture plus grande; seulement, plus le diamètre de cette dernière sera considérable, moins il faudra de temps pour que l’é- galité entre les deux courbures soit établie. Enfin, l’on doit pouvoir, sans changer la figure d'équilibre, agrandir l’ouverture jusque près du bord de la plaque, ou, en d’autres termes, réduire le système solide à un simple anneau de fil de fer mince. Or, c’est ce que l'expérience confirme; mais, pour la mettre à exécution, l'on ne pourrait pas se borner, comme précédemment, à faire pénétrer le système solidé dans une sphère d'huile d’un diamètre moindre que celui de ce même système, et à laisser ensuite agir les forces moléculaires : car le fil métallique, à cause de son peu de surface, n’exercerait pas sur la couche superficielle une action suffisante pour que le liquide s’étendit de manière à adhérer à la totalité de l'anneau. La masse demeurerait alors traversée par une partie de celui-ci, et sa forme sphérique ne serait pas sensiblement altérée si le fil métallique est mince ; seulement la sur- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 27 face liquide se relèverait quelque peu sur ce fil dans les deux petits es- paces par où il sortirait de la masse. | Pour parler plus exactement, il y a, dans les circonstances dont il s'agit, deux figures d'équilibre possibles. L’une de ces figures s’écarte très-peu de la sphère; elle n’est pas symétrique par rapport à l'anneau, dont une partie la traverse tandis que l’autre partie reste libre. La se- conde figure est parfaitement symétrique par rapport à l’anneau, et em- brasse tout le contour de celui-ci; sa surface se compose de deux calottes sphériques égales, dont les bords s'appuient sur l’anneau. En d’autres termes, elle constitue une véritable lentille bi-convexe à courbures égales, C’est cette figure qu’il s’agit d'obtenir. Pour cela, on commence par donner à la sphère d'huile un diamètre un peu supérieur à celui de l'anneau métallique; puis on introduit ce dernier dans la masse de manière qu’il soit complétement enveloppé; enfin, à l’aide de la petite seringue en verre ($ 9), on enlève graduellement du li- quide à la masse !. Alors celle-ci diminuant de volume, sa surface s’ap- puie bientôt sur tout le contour de l’anneau, et, le volume continuant à diminuer, la forme lenticulaire se manifeste. On peut ensuite, par de nouvelles soustractions de liquide, réduire les courbures des deux sur- faces au degré que l’on juge convenable. On obtient de cette manière une belle lentille bi-convexe, entièrement liquide à l'exception de sa circonfé- rence. De plus, en vertu de l’excès considérable de l'indice de réfraction de l’huile d'olive sur celui du mélange alcoolique, la lentille dont il s’agit possède toutes les propriétés des lentilles de convergence : par exemple, elle grossit les objets que l’on regarde au travers, et l’on peut faire varier ce grossissement à volonté, en enlevant ou en ajoutant du li- quide à la masse. Notre figure liquide réalise donc ce qu’on ne pourrait obtenir avec les lentilles de verre, c’est-à-dire qu’elle constitue une lentille à courbure et à grossissement variables. Celle que j'ai formée avait un diamètre de sept centimètres, et l’épais- ! On introduit le bec de l'instrument dans le vase par la seconde ouverture du couvercle. 28 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE seur du fil métallique était d'environ un demi-millimètre. On pourrait employer avec le même succès un fil: bien plus mince; mais alors l'appa- reil deviendrait incommode par sa trop grande facilité à se déformer. On peut, en agissant avec précaution, diminuer les courbures de la lentille jusqu’à les rendre presque nulles : j'ai pu réduire, par exemple, la lentille que j'ai formée et dont le diamètre était, comme je l'ai dit, de sept centimètres, à n'avoir plus que deux ou trois millimètres d'épaisseur. On doit présumer , d’après cela, qu’il est possible d'obtenir, à l’aide de procédés convenables , une lame d'huile à faces planes. C’est, en effet, ce que l’expérience confirme, comme nous le verrons plus loin. $ 19. Pour arriver à rendre très-peu prononcées les courbures de la lentille liquide, il faut naturellement appliquer le bec de la seringue au milieu de cette même lentille , puisque c’est là que se trouve le maximum d'épaisseur. Or, lorsqu'on atteint une certaine limite, la masse se désunit tout à coup en ce point, et alors on voit se produire un phénomène cu- rieux. Le liquide se retire rapidement dans tous les sens vers la circon- férence métallique, et forme, le long de celle-ci, un joli anneau liquide; mais cet anneau ne persiste que pendant une ou deux secondes , après quoi il se résout spontanément en plusieurs petites masses à peu près sphériques, et adhérentes à différentes parties de l'anneau de fil de fer, qui les traverse comme les perles d’un collier. $ 20. On peut généraliser le raisonnement qui nous a conduits, au commencement du paragraphe 18, à réduire le système solide primitif à un simple fil métallique représentant la ligne suivant laquelle ce sys- tème est rencontré par la couche superficielle appartenant à la nouvelle figure d'équilibre. On en conclura que toutes les fois qu’un système so- lide introduit dans la masse n’est rencontré par la couche superficielle de la figure produite que suivant des lignes de peu de largeur, on pourra substituer au système solide employé, de simples fils de fer représentant les lignes dont il s’agit. Seulement, si le système solide primitif avait un volume notable, il faudrait évidemment ajouter à la masse d'huile un vo- lume équivalent de ce liquide, pour occuper la place des parties solides supprimées. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 29 Il y a cependant une exception à ce principe ; elle se présente lorsque le système solide sépare la masse totale en portions isolées, comme dans l’'ex- périence du paragraphe 14 : car alors ces portions prennent des figures indépendantes les unes des autres, et qui peuvent correspondre à des pres- sions différentes; dans ce cas, la suppression d’une portion du système solide mettrait en communication les figures primitivement isolées, et l'inégalité des pressions amènerait nécessairement un changement dans la figure totale. À part cette exception, le principe est général, et il en résulte qu’on obtiendra des effets de configuration très-développés, en employant, pour systèmes solides, de simples fils de fer. L'expérience de la lentille bi-con- vexe en fournit un premier exemple, et nous en verrons plus loin un grand nombre d’autres. Du reste, pour comprendre l'influence d’un simple fil métallique sur la configuration de la masse liquide, il n’est pas nécessaire d'envisager ce fil comme substitué à un système solide plein; on peut aussi le considérer en lui-même. Il est clair, en effet, que le fil solide agissant par attraction sur la couche superficielle de la masse, les courbures des deux portions de surface qui s'appuient sur lui ne doivent plus avoir entre elles aucune relation de continuité. Le fil métallique pourra donc déterminer un pas- sage brusque entre ces deux portions de surface, dont les courbures viendront s'arrêter nettement à la limite qu’il leur pose. Les principes que nous venons d'établir doivent sans doute être mis au nombre des conséquences les plus remarquables et les plus curieuses du principe de la couche superficielle, et l’on ne peut s'empêcher de s’é- tonner lorsqu'on voit le liquide maintenu sous des formes si diverses par une action exercée sur des parties extrémement minimes de la couche superficielle de la masse. $ 21. Nous venons d'étudier, à l’aide de l'expérience, l'influence des surfaces convexes de courbure sphérique; voyons maintenant ce que l’ex- périence peut nous apprendre à l'égard des surfaces planes et des surfaces concaves de courbure sphérique. Prenons pour système solide une large bande de fer courbée circulai- 30 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE rement de manière à constituer un cylindre creux, et attachée au fil de fer de suspension par un point de sa surface extérieure (fig. 7). Pour ne pas amener dans l'expérience la production de phénomènes accessoires, nous supposerons que la largeur de la bande métallique est inférieure au diamètre du cylindre formé par cette même bande, ou qu’elle lui est tout au plus égale. Faisons adhérer la masse d'huile avec la surface intérieure de ce système, et supposons que le liquide soit en quantité assez consi- dérable pour qu’il fasse alors saillie au dehors du cylindre. Dans ce cas, la masse présentera, de chaque côté, une surface convexe de courbure sphérique, et les courbures de ces deux surfaces seront égales. Cette figure est une conséquence de ce que nous avons vu précédemment, et nous ne devons pas nous y arrêter; mais elle va nous servir comme point de dé- part, pour arriver aux autres figures dont nous avons besoin. Appliquons le bec de la seringue à l’une des surfaces convexes ci-des- sus, et enlevons graduellement du liquide. Les deux surfaces diminueront alors en même temps de courbure, et, en agissant avec précaution, nous arriverons ainsi à les rendre parfaitement planes. Il suit de ce premier résultat, qu’une surface plane est aussi une surface d'équilibre, ce qui est évidemment conforme à la théorie. Maintenant, appliquons le bec de l'instrument à l’une de ces surfaces planes, et enlevons encore une petite quantité de liquide. Alors les deux surfaces se creuseront simultanément, et constitueront deux surfaces con- caves de courbure sphérique, dont les bords s'appuient sur ceux de la bande métallique, et dont les courbures sont les mêmes. Enfin, par de nouvelles extractions de liquide, les courbures des deux surfaces devien- dront de plus en plus fortes, en demeurant toujours égales entre elles. Il résulte d’abord de là que les surfaces concaves de courbure sphé- rique sont encore des surfaces d'équilibre, ce qui est pareillement d’ac- cord avec la théorie. En outre, puisque la surface plane laissée libre s'enfonce spontanément dès que celle à laquelle on applique l'instrument devient concave, il faut en conclure que la couche superficielle appartenant à la première exerçait une pression, qui se trouvait contre-balancée par une force égale émanée D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 51 de la couche superficielle plane opposée, mais qui cesse de l'être et qui chasse le liquide, dès que cette couche opposée commence à se creuser. De plus, puisqu’une nouvelle extraction de liquide détermine une nou- velle rupture d'équilibre, de manière que la surface concave opposée à celle sur laquelle on agit directement manifeste un nouvel enfoncement spontané lorsque l’autre surface augmente de courbure, il en résulte que la couche superficielle concave appartenant à la première exerçait encore une pression, qui, d’abord, était neutralisée par une pression égale provenant de l’autre couche concave, mais qui devient prépondérante et chasse de nouveau le liquide, lorsque cette autre couche augmente: de courbure. Il suit donc de là 1° qu’une surface plane détermine une pression sur le liquide; 2° qu’une surface concave de courbure sphérique détermine aussi une pression; 3° que cette dernière est inférieure à celle qui corres- pond à une surface plane; 4° qu’elle est d'autant moindre que la concavité est plus prononcée, ou que le rayon de la sphère à laquelle appartient la surface est plus petit. Ces résultats étaient encore indiqués par la théorie, et avaient déjà été vérifiés, dans l'application de celle-ci aux liquides soumis à l’action de la pesanteur, par le phénomène de l'élévation d’une colonne liquide dans un tube capillaire dont elle peut mouiller les parois. Maintenant, en raisonnant ici comme nous l'avons fait à la fin du para- graphe 17 à l'égard des surfaces convexes de courbure sphérique, nous arriverons à conclure que la pression totale exercée par, une couche su- perficielle concave de courbure sphérique, est le résultat de petites pres- sions individuelles provenant de tous les éléments de cette couche, et que l'intensité de chacune de ces petites pressions dépend de la courbure de l'élément de couche d’où elle émane. Notre dernière expérience vérifie donc parfaitement la partie de la théo- rie qui se rapporte aux surfaces planes et aux surfaces concaves de cour- bure sphérique. : Enfin, dans l’état d'équilibre de notre figure liquide, la courbure étant la même en tous les points de chacune des deux surfaces concaves, on voit 32 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE encore que toutes les petites pressions élémentaires sont égales entre elles, ce qui donne une nouvelle vérification complète de la condition générale d'équilibre. $ 22. La figure que nous venons d'obtenir, constitue une lentille bi- concave à courbures égales , et elle jouit de toutes les propriétés des len- tilles de divergence, c’est-à-dire qu’elle rapetisse les objets que l’on regarde au travers, etc. En outre, comme on peut augmenter ou dimi- nuer la courbure des deux surfaces par degrés aussi petits qu’on le veut, il en résulte que l’on a ainsi une lentille de divergence à courbure et à effets variables. S 25. Maintenant, supposons que l’on ait augmenté les courbures de la lentille jusqu’à ce que les deux surfaces soient près de se toucher par leurs sommets !. On doit présumer que si l’on continuait à enlever du liquide, la masse se désunirait au point où s’effectuerait ce contact, et que l'huile se retirerait en tout sens vers la bande métallique. Pourtant il n’en est point ainsi : on observe alors, au centre de la figure, la formation d’un petit espace circulaire nettement terminé, à travers lequel les objets ne pa- raissent plus diminués, et l’on reconnaît aisément que ce petit espace est occupé par une lamelle d’huile à faces planes. Si l’on continue à enlever graduellement du liquide, cette lamelle augmente de plus en plus en dia- mètre, ct on peut l’étendre ainsi jusqu’à une assez petite distance de la sur- face solide. Dans mon expérience , le cylindre métallique avait un diamètre de sept centimètres, et j'ai pu agrandir Ja lamelle jusqu’à ce que sa cir- conférence ne fût plus distante de la surface solide que d'environ cinq millimètres; mais, à cet instant, elle s’est rompue, et le liquide qui la constituait s’est retiré avec rapidité vers celui qui demeurait encore adhérent à la bande métallique. Le fait que nous venons de décrire est extrêmement remarquable, tant en lui-même que par les singulières conséquences théoriques aux- 1 Pour effectuer cette opération, on comprend qu'il faut appliquer le bec de la seringue non plus au milieu de la figure, comme dans le cas de la lentille bi-convexe, mais, au contraire, près de la bande métallique, puisque c'est là que se trouve maintenant la plus grande épaisseur du liquide. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 99 quelles il nous conduira. En effet, la partie de la masse à laquelle la lamelle tient par son bord, présente des surfaces concaves, tandis que celles de la lamelle sont planes; or, un tel système de surfaces dans une masse liquide continue semble en opposition avec la théorie, puisqu'il paraît évident que les pressions ne peuvent y être égales. Cependant, exa- minons la question de plus près. $ 24. D’après la théorie, la pression correspondante à un point de la surface d’une masse liquide est, comme nous l'avons vu ($ 5), l’intégrale des pressions exercées par chacune des molécules qui composent un filet rectiligne normal à la surface en ce point et d’une longueur égale au rayon de la sphère d’activité de l'attraction moléculaire. L'expression ana- lytique de cette intégrale ne renferme de variables que les rayons de plus grande et de plus petite courbure au point que l’on considère (S 4), et, par conséquent, Ja pression dont il s’agit ne varie qu'avec les cour- bures de la surface en ce même point. Cela est rigoureusement vrai lorsque le liquide a une épaisseur notable; mais nous allons faire voir que, dans le cas d’une lame liquide extrêmement mince, il y a un autre élément qui influe sur la pression. Imaginons une lame liquide dont l'épaisseur soit moindre que le double du rayon de la sphère d'activité sensible de l'attraction molécu- laire. Concevons chaque molécule comme le centre d’une petite sphère de ce même rayon ($ 5), et considérons d’abord une molécule située au milieu de l’épaisseur de la lame. La petite sphère dont cette molécule occupe le centre sera coupée par les deux surfaces de la lame, et, par conséquent, elle ne sera pas entièrement pleine de liquide; mais les segments supprimés à l'extérieur des deux surfaces étant égaux, la molé- cule ne sera pas plus attirée, suivant la normale, dans un sens que dans l’autre. Faisons maintenant passer par cette même molécule une petite droite normale aux deux surfaces et se terminant à ces dernières, et considérons une seconde molécule située en un autre point quelconque de cette droite. Il se pourra que la petite sphère qui appartient à la se- conde molécule dont il s'agit, soit encore coupée par les deux surfaces de la lame; mais alors les deux segments supprimés seront inégaux, et Tome XXII. 5 34 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE la molécule sera, par conséquent, soumise à une attraction prépondé- rante, évidemment dirigée vers le milieu de l'épaisseur de la lame. La molécule exercera donc une pression dans ce sens, et il faut remarquer que cette pression sera moindre que si le liquide avait une épaisseur notable, la molécule étant située à la même distance de la surface : car, dans le dernier cas, la petite sphère ne serait-.coupée que d’un-seul côté, et sa partie opposée serait entièrement pleine de liquide. Il se pourra aussi que la petite sphère qui appartient à la molécule .que nous considé- rons dans la lame mince, ne soit plus coupée que d’un seul côté; alors la molécule exercera encore une pression dans le même sens, mais celle-ci aura une intensité aussi grande que dans le cas d'une masse épaisse, I est facile de voir que si l'épaisseur de la lame est moindre que la simple longueur du rayon de l'attraction moléculaire, les petites sphères seront toutes coupées des deux côtés; tandis que si l'épaisseur dont il s’agit est comprise entre la longueur du rayon ci-dessus et le double de cette même longueur, une partie des petites sphères ne seront coupées que d’un seul côté, Dans les deux cas, la pression exercée par une molécule. quelconque étant toujours dirigée vers le milieu de l'épaisseur de la lame, on voit que la pression intégrale correspondante à un point de l’une ou de l’autre des deux surfaces, sera le résultat des pressions exercées individuellement par chacune des molécules rangées, à partir du point dont il s’agit, sur la moitié de la longueur de la petite normale. Or, chacune des deux moitiés de la petite normale étant moindre que le rayon de la sphère d'activité de l'attraction moléculaire, il s’en suit que le nombre des molé- cules composant le filet qui exerce la pression intégrale, est plus petit que dans le cas d’une masse épaisse. Ainsi, d’un côté, les intensités d’une partie ou de la totalité des pressions élémentaires qui composent la pres- sion intégrale, seront plus petites que dans le cas d’une masse épaisse, et, d'un autre côté, le nombre de ces pressions élémentaires sera moindre ; or, il résulte évidemment de là que la pression intégrale sera inférieure à celle qui aurait lieu dans le cas d’une masse épaisse. P désignant tou- jours la pression correspondante à un point d’une surface plane appar- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 35 tenant à une masse épaisse ($ 4), la pression correspondante à un point de l’une ou de l’autre des surfaces d’une lame plane extrêmement mince sera done moindre que P. En outre, cette pression sera d'autant plus petite que la lame sera plus mince, et elle pourra diminuer ainsi indé- finiment : car il est clair qu’elle se réduirait à zéro si l’on supposait que l'épaisseur de la lame ne fût plus égale qu'à celle d’une simple mo- lécule. On peut obtenir des lames liquides à surfaces courbes : les bulles de savon en offrent un exemple, et nous en verrons d’autres dans la suite de ce travail. Or, en supposant l'épaisseur d’une lame semblable moindre que le double du rayon de l'attraction moléculaire, on arriverait évidem- ment ainsi à conclure que les pressions correspondantes soit à l’une soit à l’autre de ses deux surfaces, ont des intensités inférieures à celles qui sont données par l'expression du paragraphe #4, et qu’en outre ces inten- sités sont d'autant moindres que l'épaisseur de la lame est plus petite. Ainsi, nous arrivons à ce principe nouveau : Pour toute lame liquide dont l'épaisseur serait moindre que le double du rayon de la sphère d'activité de l'attraction moléculaire, la pression ne dépendrait pas seulement des courbures des surfaces; elle varierait encore avec l'épaisseur de la lame. | $ 25. On voit maintenant qu'une lame liquide plane extrêmement mince, tenant par son bord à une masse épaisse dont les surfaces sont concaves, peut constituer avec cette masse un système en équilibre : car on pourra toujours supposer à l'épaisseur de la lame une valeur telle, que la pression correspondante aux surfaces planes de cette lame soit égale à celle qui correspond aux surfaces concaves de la masse épaisse. Un tel système est bien remarquable aussi sous le point de vue de la forme , en ce que des surfaces de nature différente, savoir des surfaces concaves et des surfaces planes , y font suite les unes aux autres. Cette hé- térogénéité de forme est, du reste, une conséquence naturelle du change- ment que subit la loi des pressions en passant de la partie épaisse à la partie mince. 36 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE $ 26. La théorie démontre, comme nous l'avons vu, la possibilité de l'existence d’un semblable système à l’état d'équilibre. Quant à lexpé- rience qui nous a conduits à ces considérations, bien que le résultat qu’elle présente tende à réaliser d’une manière absolue le résultat théo- rique, une circonstance fàcheuse s'oppose cependant à ce que cette réalisation soit complète. On comprend que la mobilité relative des molé- cules de l’huile n’est pas assez grande pour que la lame liquide puisse se former immédiatement avec l’excessive minceur qui convient à léqui- libre : l'épaisseur de cette lame, bien que très-petite absolument par- lant, est sans doute, dans les premiers moments, un grand multiple de l'épaisseur théorique. Si donc on produit la lame, sans létendre jusqu’à la limite où elle pourrait crever pendant l’opération, et qu'on l'aban- donne ensuite à elle-même, la pression correspondante à ses surfaces planes surpassera encore celle qui correspond aux surfaces concaves du reste du système liquide. 11 en résulte que l'huile intérieure à la lame sera chassée vers cette autre partie du système, et que l'épaisseur de la lame diminuera progressivement. L'équilibre de la figure ne sera donc alors qu'apparent, et la lame sera, en réalité, le siége de mouvements conti- nuels. La diminution d’épaisseur s’effectuera, du reste, d'une manière lente, parce que, dans un espace aussi étroit, les mouvements du liquide sont nécessairement gênés ; c’est ainsi que, dans l'expérience du paragraphe 17, la masse ne prend que lentement sa figure d'équilibre, parce qu'il y à une cause qui entrave les mouvements du liquide. L'épaisseur de la lame marche donc par degrés vers la valeur théorique d’où résulterait l'équi- libre du système; mais malheureusement, il arrive toujours qu'avant d'atteindre ce point, la lame se brise spontanément. Cet effet est dû, sans doute, aux mouvements intérieurs dont j'ai parlé plus haut : on conçoit, en effet, que lorsque la lame est devenue d’une très-grande minceur , la cause la plus légère suffit pour en déterminer la rupture. La figure exacte qui correspond à l'équilibre, est donc une limite vers laquelle tend la figure produite, limite dont cette dernière approche extrêmement , et qu'elle atteindrait si elle m'était elle-même détruite au- paravant par une cause étrangère. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 97 Notre expérience nous a conduits à modifier les résultats de la théorie dans un cas particulier; mais, on le voit maintenant, bien loin de porter atteinte aux principes de cette théorie, elle en fournit, au contraire, tout incomplète qu’elle est, une nouvelle et frappante vérification. La conversion de la lentille bi-concave en un système comprenant une lame mince, se rattache à un ordre de faits général : nous verrons qu'un grand nombre de nos figures liquides se transforment, par la diminution graduellement effectuée de la masse qui les constitue, en des systèmes composés de lames ou dans lesquels entrent des lames. $S 27. Si, par quelque modification de notre dernière expérience, on parvenait à obtenir l'équilibre du système liquide, il serait possible d’en déduire un résultat d’un grand intérêt : savoir un indice sur la valeur du rayon de la sphère d’activité de l'attraction moléculaire. En effet, il y au- rait peut-être moyen de déterminer l’épaisseur de la lame; celle-ci pour- rait, par exemple, présenter alors des couleurs, dont la teinte conduirait à cette détermination; or, nous avons vu que, dans l’état d'équilibre de la figure, la demi-épaisseur de la lame serait moindre que le rayon dont il s’agit; on aurait donc ainsi une limite au-dessus de laquelle devrait se trouver la valeur de ce même rayon. En d’autres termes, on saurait que l'attraction moléculaire produit encore des effets sensibles , à une distance de son centre d'action supérieure à cette limite. Notre expérience, bien qu’insuffisante , peut donc être considérée comme un premier pas vers la détermination de la distance d’activité sensible de l'attraction moléculaire, distance dont on ne sait jusqu'ici autre chose, sinon qu'elle est d’une excessive petitesse. $ 28. Revenons maintenant aux masses épaisses. Il résulte des expé- riences rapportées dans les paragraphes 13, 14, 17, 18 et 21, que lors- qu'une portion continue de la surface d’une semblable masse s'appuie sur une périphérie circulaire, cette portion de surface est toujours de courbure sphérique ou plane. Mais pour admettre ce principe dans toute sa géné- ralité, il faudrait pouvoir le déduire de la théorie. C’est ce que nous ferons dans la série suivante, du moins en supposant que la portion de surface dont il s’agit est de révolution. Nous verrons alors que ce même principe est d’une grande importance. 98 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE kemarquous ici que, dans l'expérience du paragraphe 25; la lame com- mence à paraître dès que les surfaces ne peuvent plus constituer des calottes sphériques. Or, nous verrons de même, que dans les autres cas où une figure pleine se convertit, par l'extraction graduelle du liquide, en un système composé de lames ou dans lequel entrent des lames, celles-ci commencent à se former lorsque la figure d'équilibre que déterminerait la loi ordinaire des pressions, cesse d’être possible. La masse prend alors ou tend à prendre une autre figure, compatible avec une modifica- tion dans cette loi. Tel est le principe général de la formation des lames dans les circonstances dont il s’agit. S 29. Après avoir formé une lentille liquide de convergence ‘et une lentille liquide de divergence, ik m'a paru curieux de combiner ces deux espèces de lentilles, afin d’en former une lunette liquide. Pour cela, j'ai d’abord substitué à l'anneau de fil de fer du paragraphe 18, une plaque circulaire de même diamètre pereée d’une grande ouverture (fig. 8); cette plaque étant coupée au tour, j'étais certain de l'avoir parfaitement circu- laire, tandis qu’il serait bien difficile de remplir cette condition avec un simple fil de fer courbé. En second lieu, j'ai pris, pour la partie solide de la lentille bi-concave, une bande d'environ 2 centimètres de largeur et courbée suivant un cylindre de 3 ‘/2 centimètres de diamètre. Ces deux systèmes ont été assemblés comme le représente la fig. 9, de ma- nière que tout l’appareil étant suspendu verticalement dans le mélange alcoolique par le fil de fer a, et les deux lentilles liquides étant formées, leurs deux centres fussent à la même hauteur, et distants l’un de l’autre de 10 centimètres. Dans cette disposition, on ne peut pas ajuster la lunette en modifiant la distance entre l'objectif et l’oculaire; mais on parvient au même but en faisant varier les courbures de ces deux len- iles. À l’aide de quelques tâtonnements, je suis aisément parvenu à obtenir ainsi une excellente lunette de Galilée, grossissant environ deux fois les objets éloignés, comme les lorgnettes de spectacle ordinaires, et donnant des images parfaitement nettes et extrêmement peu irisées. La figure 10, qui représente une coupe du système, montre l'ensemble des deux lentilles. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 39 FIGURES D'ÉQUILIBRE TERMINÉES PAR DES SURFACES PLANES. — POLYÈDRES LIQUIDES. — FIGURES D'ÉQUILIBRE LAMINAIRES. $ 50. Dans l'expérience du paragraphe 21, nous avons obtenu une figure qui présentait des surfaces planes. Celles-ci étaient au nombre de deux, parallèles entre elles, et limitées par des périphéries circulaires ; mais il est évident que ces conditions ne sont pas nécessaires pour que des surfaces planes puissent appartenir à une masse liquide en équilibre. On comprend que les formes des contours solides doivent être indiffé- rentes, pourvu qu’elles constituent des figures planes. On comprend, en outre, que le nombre et les directions relatives des surfaces planes peu- vent être quelconques, puisque ces circonstances n’influent en rien sur les pressions qui correspondent à ces surfaces, pressions qui demeure- ront toujours égales entre elles. Enfin, il résulte du principe auquel nous sommes arrivés à la fin du paragraphe 20 relativement à l'influence des fils solides, que pour établir le passage entre une surface plane et une au- tre, il suffira d’un fil métallique représentant l’arête de l’angle d’intersec- tion de ces deux surfaces. Tout cela nous conduit à cette curieuse conséquence, que lon doit pouvoir former des polyèdres entièrement liquides à l'exception de leurs seules arêtes. Or, c’est ce que l'expérience vérifie pleinement : si l’on prend pour système solide une charpente en fil de fer représentant l’en- semble des arêtes d’un polyèdre quelconque, et. que l’on fasse adhérer à cette charpente une masse d'huile d’un volume convenable, on obtient, en effet, d’une manière parfaite, le polyèdre dont il s’agit, et l’on a ainsi le curieux spectacle de parallélipipèdes, de prismes, etc., formés d'huile, et qui n’ont de solide que leurs arêtes seules. Pour déterminer l’adhérence entre la masse liquide et la totalité de la charpente métallique, on donne d’abord à cette masse un volume un peu supérieur à celui du polyèdre qu’elle doit former; puis on l'amène dans la charpente, et enfin, à l’aide de la spatule de fer ($ 9), que l’on intro- duit par la seconde ouverture du couvercle du vase et que l’on fait péné- 40 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE trer dans la masse, on oblige aisément celle-ci à s'attacher successivement à toute la longueur de chacune des arêtes solides. Alors on enlève gra- duellement l'excès d’huile au moyen de la seringue, et toutes les surfaces deviennent ainsi à la fois exactement planes. Seulement, pour que ce but puisse être atteint d’une manière complète, il faut évidemment que l’équi- libre de densité entre l'huile et le mélange alcoolique soit parfaitement établi, et la plus légère différence à cet égard suffit pour altérer les sur- faces d’une manière sensible. Nous devons encore avertir que la manœuvre de la spatule détermine parfois l'introduction de bulles alcooliques dans l'intérieur de la masse d’huile ; mais on enlève facilement ces bulles en les aspirant au moyen de la seringue. $ 51. Maintenant, un polyèdre étant formé, voyons ce qui arrivera si nous lui enlevons graduellement du liquide. Prenons pour exemple le cube, dont la charpente solide est représentée avec son fil de suspension dans la fig. 11 1. Appliquons le bec de la seringue vers le milieu de lune des faces, et aspirons une petite quantité d'huile. Aussitôt toutes les faces s’enfonceront simultanément et de la même quantité, de manière que les contours solides carrés serviront de bases à six figures creuses identiques. On conçoit qu’il en doit être ainsi pour le maintien de l'égalité entre les pressions. Si l’on enlève de nouvelles portions de liquide, les faces se creuseront de plus en plus; mais, pour bien apprécier ce qui se passe lorsqu'on con- tinue cette manœuvre, il est nécessaire d’énoncer ici une proposition préalable. Supposons que l’on introduise dans le vase une plaque carrée en fer, dont les côtés aient la même longueur que les arêtes de la char- pente métallique; puis que l’on mette en contact avec l’une des faces de celte plaque une masse d’huile égale en volume à celle qui est perdue par l'une des faces du cube; je dis que le liquide, après s'être étendu sur la plaque, présentera en relief la même figure que la face du cube modifié présente en creux. Alors, en effet, en passant de la surface creuse à la surface en relief, les rayons de courbure correspondants à chaque point ! Les arètes de la charpente que j'ai employée avaient chacune sept centimètres de longueur. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 73 ne feront que changer à la fois de signe, sans changer de valeurs abso- lues; et, par conséquent ($ 8), puisque la condition de l'équilibre est satisfaite à l'égard de la première de ces surfaces, elle le sera également à l'égard de la seconde. Maintenant, imaginons un plan passant par l’un des côtés de la plaque, et tangent à la surface du liquide qui y adhère. Tant que ce liquide sera en petite quantité, on conçoit, et l’expérience le vérifie, que le plan dontil s’agit sera fortement incliné vers la plaque; mais si l’on augmente graduellement la quantité du liquide, l'angle compris entre le plan et la plaque ira aussi en croissant, et pourra, d’aigu qu’il était, devenir obtus. Or, tant que cet angle sera inférieur à 45°, la surface convexe du liquide adhérent à la plaque demeurera identique avec les surfaces concaves de la masse attachée à la charpente métallique et convenablement amoindrie; mais au delà de cette limite, la coexistence, dans la charpente, des six surfaces creuses identiques avec la surface en relief, devient évidemment impos- sible : car ces surfaces devraient se couper mutuellement. Ainsi, quand on continue à enlever du liquide à la masse qui formait le cube, il arrive un point où la figure d'équilibre cesse d’être réalisable d’après la loi ordinaire des pressions. Eh bien, alors se présente une nouvelle vérifi- cation du principe énoncé $ 28 : c’est-à-dire que des lames commencent à se former. Ces lames sont planes; elles partent de chacun des fils de la charpente, et lient à ces derniers le reste de la masse, qui continue à présenter six surfaces concaves. On conçoit, en effet, que par cette modification de la figure liquide, l'existence de l’ensemble de celle-ci dans la charpente métallique redevient possible, ainsi que l’équilibre du système : car rien n'empêche plus alors les surfaces concaves de prendre une forme qui s'accorde avec la loi ordinaire des pressions, et, d’un autre côté, en supposant les lames sufii- samment minces, la pression qui leur appartient pourra être égale à celle qui correspond à ces mêmes surfaces concaves (S 25). Si l’on enlève encore de nouvelles portions de liquide, les lames iront en s’agrandissant, tandis que la masse pleine, qui occupe le milieu de la figure, diminuera de volume, et l’on pourra ainsi réduire cette masse à des Toue XXIII. 6 42 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE dimensions très-minimes ; la fig. 12 représente tout le système dans ce dernier état. Il est même possible de faire disparaître entièrement la petite masse centrale, et d'obtenir ainsi un système laminaire complet; mais pour cela, il est nécessaire d’employer certaines précautions que je vais indiquer. Lorsque la masse centrale est devenue assez petite, il faut d’abord essuyer parfaitement le bec de la seringue, sans quoi l'huile adhère à l'extérieur de celui-ci jusqu’à une certaine hauteur, et cette attraction maintient autour de lui une certaine quantité d'huile que l’in- strument ne peut absorber dans son intérieur. En second lieu, il faut amener le bec de la seringue assez bas pour qu’il soit près d'atteindre la surface inférieure de la petite masse. Cela étant, on voit, pendant la suc- cion, cette surface s'élever jusqu’à toucher l’orifice de l'instrument, et ce dernier absorbe alors autant de mélange alcoolique que d'huile; mais on ne doit pas s'inquiéter de cette circonstance, et l’on voit la petite masse diminuer par degrés, pour disparaître enfin complétement. Le système se compose alors de douze lames triangulaires, dont chacune part de l’un des fils de la charpente, et dont tous les sommets se réunissent au centre de la figure; il est représenté fig. 13. Mais ce système ne se forme que pen- dant l’action même de la seringue : si, lorsqu'il est complet, on retire lentement le bec de l'instrument, on voit se développer, au centre de la figure, une lamelle additionnelle de forme carrée (fig. 14). Tel est donc le système laminaire définitif auquel se réduit le cube liquide, par l’a- moindrissement graduel de sa masse. $ 32. Dans l'expérience précédente, comme dans celle du paragraphe 25, l'épaisseur des lames commence par être supérieure à celle qui convien- drait à l'équilibre. Si donc on abandonne le système à lui-même lorsqu'il contient encore une masse centrale, on conçoit qu’une portion du liquide des lames sera chassée lentement vers cette masse, et que les lames devront aller en s’amincissant par degrés. Aus$i arrive-t-il toujours que l’une ou l’autre de ces dernières crève après quelque temps, sans doutespar la même cause que nous avons déjà signalée ($ 26). De là résulte, pour la réussite parfaite de la transformation du cube en système laminaire, la nécessité d’une précaution dont nous n'avons D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 43 point parlé. Elle consiste en ce qu'à partir de Vinstant où les lames prennent naissance, il faut faire marcher l'épuisement du liquide le plus rapidement possible jusqu’à ce que la masse centrale ait atteint un cer- tain degré de petitesse. En effet, dès que les lames commencent à se for- mer, leur tendance à s’amincir commence aussi à se développer, et, si l'opération s’effectuait avec trop de lenteur , le système pourrait se rompre avant qu’elle fût terminée. Lorsque la masse centrale est suffisamment réduite, et l’expérience apprend bientôt à juger du point convenable, il faut ralentir de plus en plus l’action de la seringue, et enfin employer les autres précautions que nous avons mentionnées. On peut donc s'expliquer la rupture des lames tant qu'il y a une masse centrale grande ou petite; mais lorsque le système laminaire est complet, on ne voit pas, au premier abord, de raison pour que l'épaisseur des lames diminue, et, par conséquent, pour qu’il y ait destruction du sys- “ème. Néanmoins , la rupture finit par avoir lieu dans ce cas comme dans l’autre, et le temps pendant lequel le système persiste, atteint rarement une demi-heure. Pour trouver la cause de ce phénomène, remarquons que les intersec- tions des surfaces des différentes lames ne peuvent se faire brusquement, ou se réduire à de simples lignes : il est évident que le passage libre entre deux surfaces liquides ne saurait s'établir ainsi d’une manière discon- tinue. Il faut donc que ces passages s'effectuent par l'intermédiaire de petites surfaces concaves, et, avec un peu d'attention, l’on reconnait, en effet, que les choses ont lieu ainsi. Dès lors, on comprend que l'huile des lames doit également être chassée vers les lieux de jonction de celles-ci, et que, par conséquent, l’absence de la petite masse centrale n'empêche pas l’amincissement graduel des lames et la destruction finale du sys- tème. $ 55. Lorsqu'on est arrivé, pendant l’action de la seringue, au sys- tème de la fig. 13, si au lieu de retirer l'instrument avec lenteur, on le détache brusquement par une petite secousse dans le sens vertical, la lamelle additionnelle ne se développe pas; mais on voit se reformer très- rapidement la petite: masse de la fig. 12. Ce fait confirme d'une manière 4% SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE remarquable l'explication que nous avons donnée dans le paragraphe pré- cédent. En effet, à l’instant où le bec de l'instrument se sépare du sys- tème, celui-ci peut être considéré comme composé de pyramides creuses; or, il résulte encore des raisons de continuité, que les sommets de ces pyramides doivent constituer non de simples points, mais de petites sur- faces concaves. Maintenant, ces petites surfaces ayant de très-fortes cour- bures dans tous les sens, elles donneront lieu à bien moins de pression encore que celles qui établissent les passages entre les surfaces des lames deux à deux : car, dans ces dernières, la courbure est nulle suivant une direction. L'huile des lames sera donc chassée avec beaucoup plus de force vers le centre de la figure que vers les autres parties des jonctions de ces lames. D’une autre part, les douze lames aboutissant à ce même centre, l’huile y afflue par un grand nombre de sources à la fois. Ces deux causes concurrentes doivent donc déterminer, conformément à l’ex- périence , la réapparition rapide de la petite masse centrale, et l’on com- prend pourquoi il est impossible d'obtenir le système complet des pyra- mides autrement que pendant l’action même de la seringue. $ 54. Tous les autres polyèdres liquides se transforment, comme le cube, en systèmes laminaires, lorsqu'on diminue graduellement la masse qui les constitue. Parmi ces systèmes, les uns sont complets, les autres renferment encore de très-petites masses que l’on ne peut faire disparaître entièrement. Des considérations analogues à celles que nous avons em- ployées à l'égard du cube feraient voir, dans chaque cas, que les lames prennent naissance dès que les surfaces creuses qui correspondraient à la loi ordinaire des pressions cessent de pouvoir coexister dans la char- pente solide. Les fig. 15, 16, 17 et 18 représentent les systèmes lami- naires provenant du prisme triangulaire, du prisme hexaèdre, du tétraè- dre et de la pyramide à base carrée, ces systèmes étant supposés complets ; tous sont formés de lames planes partant de chacun des fils métalliques, et celui du prisme hexaèdre renferme, comme on voit, une lame addi- tionnelle au centre de la figure. $ 55. Le système provenant de l’octaèdre régulier présente une exception singulière que je n’ai pu m'expliquer. Les lames dont se compose ce sys- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 45 tème sont courbes et forment un assemblage bizarre, dont il est difficile de donner une idée précise par des représentations graphiques. La fig. 19 en offre les projections sur deux plans verticaux rectangulaires, et l’on voit que les aspects du système observé sur deux côtés adjacents, sont inverses l’un de l’autre. La formation de ce système présente une particularité curieuse. Au commencement de l'opération, toutes les faces de l’octaèdre se creusent à la fois, les lames naissantes sont planes et symétriquement placées, de manière que le système tend vers la forme représentée fig. 20. Mais, lors- qu'on atteint une certaine limite, un changement brusque s'opère, les lames se courbent et le système se dispose à prendre la forme singulière dont nous avons parlé. J'ai recommencé plusieurs fois l'expérience, en variant autant que possible les circonstances de l'épuisement du liquide, et les mêmes effets se sont toujours reproduits. J'indiquerai, dans la suite de ce travail , un autre procédé pour obtenir les systèmes laminaires; procédé extrêmement simple, et qui a, en outre, l'avantage de donner tous ces systèmes à l’état complet. $S 56. Pour terminer ce qui concerne les polyèdres liquides, je ferai remarquer que le prisme triangulaire peut être employé à produire les phénomènes de la dispersion : l’on obtient ainsi un beau spectre solaire à l’aide d’un prisme à faces liquides. Seulement, comme l'effet n’est dû qu’à l'excès de l’action réfringente de l'huile sur celle du liquide alcooli- que, il faut, pour avoir un spectre bien étalé, que l’angle réfringent du prisme soit obtus : un angle de 110° donne un très-bon résultat. En outre, il faut évidemment que les faces du prisme soient parfaitement planes, ce que l’on obtient en employant une charpente travaillée avec soin, en établissant un équilibre exact de densité entre les deux liquides, et enfin, en arrêtant l’action de la seringue au point précisément convenable. 46 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE FIGURES D'ÉQUILIBRE DE RÉVOLUTION AUTRES QUE LA SPHÈRE. CYLINDRE LIQUIDE. $ 57. Cherchons maintenant à former de nouvelles figures liquides. Celles qui se prêteraient le mieux aux considérations théoriques, seraient les figures terminées par des surfaces de révolution, à part la sphère et les figures lenticulaires, que nous avons déjà étudiées. Les surfaces. de révolution, en effet, jouissent de propriétés simples à l’égard des rayons de plus grande et de plus petite courbure en chaque point : on sait que l’un de ces deux rayons est le rayon de courbure de la ligne méridienne, et que l’autre est la portion de la normale à cette ligne, comprise entre le point que l’on considère et l’axe de révolution. Nous allons donc essayer d’obtenir des figures de cette nature. $ 58. Prenons pour système solide deux anneaux en fil de fer égaux et parallèles entre eux et placés en regard l’un de l’autre. L’un de ces anneaux repose sur le fond du vase par trois pieds en fil de fer, et l’autre est porté, à l’aide d’une pièce intermédiaire, par la tige qui traverse le bouchon central, de manière qu’on peut l’approcher ou l’éloigner du pre- mier, en abaissant ou en élevant cette tige !. Le système de ces deux an- neaux est représenté fig. 20 bis; ceux que j'ai employés avaient un dia- mètre de 7 centimètres. Après avoir soulevé autant que possible l'anneau supérieur, formons une sphère d’huile d’un diamètre quelque peu plus grand que celui des anneaux, et conduisons-la vers l'anneau inférieur, de manière à la faire adhérer à tout le contour de celui-ci; puis abaissons l'anneau supérieur jusqu’à ce qu’il vienne se mettre en contact avec la masse liquide, et que cette dernière s’y attache également. La masse étant ainsi adhérente au système des deux anneaux, soulevons lentement l'anneau supérieur ; alors, pour un écartement convenable des deux anneaux, le liquide 1 Pour les expériences que nous avons maintenant à décrire, il faut substituer à la tige courte qui est représentée dans la fig. 2 du mémoire précédent, et qui nous a suffi jusqu'ici, une autre tige d'environ 15 centimètres de longueur. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 47 prendra la forme représentée en projection verticale par la fig. 21, dans laquelle les lignes a b et cd sont les projections des anneaux. Les deux portions de surface qui s'appuient respectivement sur chacun des anneaux, sont descalottes sphériques convexes, et la portion comprise entre les deux anneaux constitue une figure de révolution dont la courbe méridienne est, comme on voit, convexe vers l'extérieur. Nous reviendrons, dans la série suivante, sur cette partie de la figure liquide. Maintenant, si nous continuons à soulever graduellement l'anneau supérieur, la courbure des deux calottes et la courbure méridienne de la portion intermédiaire diminueront, et, s’il y a équilibre exact de densité entre l'huile et la liqueur ambiante, nous verrons la surface comprise entre les deux anneaux prendre une forme parfaitement cylindrique (fig. 22). Les deux bases de la figure liquide sont encore des calottes sphériques convexes; seulement leur courbure est moindre que dans la figure précédente. Si nous augmentions encore l’écartement des anneaux, il est évident que la surface comprise entre eux perdrait sa forme cylindrique, et qu'il devrait en résulter une figure nouvelle. C’est, en eflet, ce qui aurait lieu ; mais la figure ainsi produite ne doit nous occuper que plus tard. Aulieu donc d'accroître immédiatement la distance des anneaux, com- mençons par ajouter à la masse une certaine quantité d'huile, ce qui rendra de nouveau bombée la surface comprise entre les anneaux. Soule- vons alors. graduellement l’anneau supérieur, et nous reproduirons un cylindre qui aura plus de hauteur que le premier. Si nous répétons la même manœuvre un nombre de fois convenable, nous arriverons enfin à donner au cylindre résultant toute la hauteur que permet notre appareil. Jai obtenu ainsi une masse de 7 centimètres de diamètre et d’environ 14 centimètres de hauteur, parfaitement cylindrique (fig. 25). Pour que le cylindre liquide auquel on donne une hauteur si considé- rable soit bien parfait, il ‘faut que l’on établisse aussi une égalité parfaite entre les densités de l’huile et du liquide alcoolique. Une très-légère différence dans un sens ou dans l’autre tendant à faire descendre ou monter la masse, celle-ci prend, d’une manière plus:ou moins prononcée, 48 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE l’une des deux formes représentées fig. 24. Lors même que, par des addi- tions convenables d'alcool à 16 degrés ou d’alcool pur, selon le besoin ($ 24 du mémoire précédent), on est arrivé à obtenir la cylindricité, de légers changements de température suffisent pour l’altérer et reproduire l'une des deux formes ci-dessus. $ 59. Maintenant, examinons les résultats de ces expériences sous le point de vue théorique. D'abord, il est évident qu’une surface cylindrique satisfait à la condition générale de l'équilibre des figures liquides, puis- que les courbures y sont les mêmes en chaque point. En outre, une sem- blable surface étant convexe dans tous les sens, excepté dans celui de la ligne méridienne, où la courbure est nulle, la pression qui lui correspond doit être supérieure à celle qui correspond à une surface plane. Les mêmes conclusions se déduisent des formules générales [2] et [35] des paragraphes 4 et 5. En effet, comme nous l’avons déjà rappelé dans le para- graphe 37, l’une des quantités R et R’ est le rayon de courbure de la ligne méridienne, et l’autre est la portion de la normale à cette ligne comprise entre le point que l’on considère et l’axe de révolution. Or, dans le cas du cylindre, la ligne méridienne étant une ligne droite, son rayon de cour- bure est partout infiniment grand; et, d’un autre côté, cette même droite étant parallèle à l'axe de révolution, la portion de la normale qui consti- tue le second rayon de courbure, n’est autre que le rayon même du cy- lindre. Il suit de là que l’un des termes de la quantité _. + _ disparaît , et que l’autre est constant; cette même quantité est donc constante, et, par conséquent, la condition d’équilibre est satisfaite. Maintenant , si nous désignons par à le rayon du cylindre, la valeur générale de la pression deviendra, pour cette surface, Or, 2 étant positif puisqu'il est dirigé à l’intérieur du liquide ($ 4), la valeur ci-dessus est supérieure à P, c’est-à-dire à celle qui correspon- drait à une surface plane. On voit, d’après cela, que les bases de notre cylindre liquide doivent D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 49 nécessairement être convexes, comme le montre l'expérience : car l’équi- libre exigeant que la pression soit la même dans toute l'étendue de la figure , il faut que ces bases déterminent aussi une pression supérieure à celle qui correspond à une surface plane. : Notre figure liquide satisfait donc pleinement à la théorie; mais on peut pousser la vérification plus loin encore. La théorie permet de déter- miner avec facilité le rayon des sphères dont les bases font partie. En effet, si nous représentons ce rayon par x, la formule [1] du paragraphe 4 donnera, pour la pression correspondante aux sphères dont il s’agit, 1 P' 4 As æ Or, cette pression devant être égale à celle qui correspond à la surface cylindrique, nous aurons : 0 1 1 PA te À æ d’où nous déduirons : x —= 21. Ainsi, le rayon de la courbure des calottes sphériques qui constituent les bases, est égal au diamètre du cylindre. D’après cela, connaissant ce diamètre, qui est le même que celui des anneaux solides, on peut calculer la hauteur des calottes sphériques, et Si, par un procédé quelconque, on mesure ensuite cette hauteur dans la figure liquide , on aura ainsi une vérification de la théorie jusque dans les nombres. Nous allons nous occuper de ce sujet. $ 40. Si l’on imagine la figure liquide coupée par un plan méridien, la section de chacune des calottes sera un arc appartenant à un cercle dont le rayon devra, d’après ce qui précède, être égal à 22, et la flèche de cet arc sera la hauteur de la calotte. Si l’on suppose infiniment minces les fils métalliques qui forment les anneaux , de manière que chacune des Towe XXII. 7 d0 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE calottes s'appuie sur la circonférence même du cylindre, la corde de l'arc ci-dessus sera aussi égale à 2, et si l'on désigne par à la hauteur des calottes, on aura : h=2x(2—V 35 )—= 0,268 . à. Or, le diamètre extérieur exact de mes anneaux, ou la valeur de 21 cor- respondante à mes expériences, était de 71"",4, ce qui donne h — 9,57. Mais les fils métalliques ayant une certaine épaisseur, et les calottes ne s'appuyant pas sur la circonférence extérieure des anneaux, il en résulte que la corde de l’arc méridien est un peu moindre que 2, et que, par conséquent, la hauteur théorique réelle des calottes est un peu plus petite que ne le donne la formule précédente. Pour la déterminer exactement , désignons la corde par 2c, ce qui donnera h—2—V 4%— 0e. Maintenant, remarquons que le plan méridien coupe chacun des an- neaux suivant deux petits cercles auxquels est tangent l’arc méridien de la calotte, et sur chacun desquels la corde de cet arc intercepte un petit segment. Or, l'arc méridien étant tangent aux sections des fils, il en ré- sulte que les petits segments ci-dessus sont semblables. à celui de la ca- lotte; et comme la corde de ce dernier diffère fort peu du rayon du cercle auquel l'arc appartient , les cordes des petits segments pourront être considérées comme égales au rayon des petites sections, rayon que nous désignerons par r. Il est visible, en outre, que l'excès du rayon extérieur de l’anneau sur la demi-corde c n’est autre chose que l'excès du rayon r sur la demi-corde des petits segments, demi-corde qui, d’après ce qui précède, est égale à +r. On déduit donc de là, 1—c—=+r, d'où «1 — +r, et il n'y aura qu’à substituer cette valeur dans la formule précé- dente, pour avoir la valeur théorique réelle de n. L’épaisseur des fils qui forment mes anneaux est de 0"",74, d’où + r — 0,18, ce qui donne, D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 51 pour la hauteur théorique réelle des calottes dans ces circonstances, h = 9", 46. Je ferai remarquer qu’il est difficile de distinguer, dans la figure li- quide, la limite précise des calottes, c’est-à-dire les circonférences de contact de leurs surfaces avec celles des anneaux. Pour écarter cet in- convénient, je n’ai mesuré la hauteur des calottes qu'à partir des plans extérieurs des anneaux, c’est-à-dire, pour chaque calotte, à partir d’un plan perpendiculaire à l’axe de révolution, et s'appuyant sur la surface de l’anneau du côté qui regarde le sommet de la calotte. La quantité ainsi mesurée est évidemment égale à la hauteur totale moins la flèche des pe- tits segments que nous avons considérés plus haut, et, par conséquent, d’après la similitude entre ces petits segments et celui de la calotte, on a, pour déterminer cette flèche que nous désignerons par f, la proportion IL, ce qui donne, pour notre figure liquide, f—0"",05, d’où h—f=— 9m, 41. Telle est donc , en définitive, la valeur théorique de la quantité qu'il s'agissait de mesurer. $ 41. Avant d'indiquer le procédé que j'ai employé à cet effet, et de faire connaître le résultat de l’opération, je dois présenter ici quelques remarques importantes. Si les densités du mélange alcoolique et de l'huile ne sont pas rigou- reusement égales , la masse tend légèrement à monter ou à descendre, et la hauteur de l’une des calottes est alors un peu trop grande, tandis que celle de l’autre est un peu trop petite; mais on comprend que si leur différence est minime, on obtiendra encore un résultat exact en prenant la moyenne entre ces deux hauteurs. On évite ainsi une partie des tàton- nements qu'exigerait l'établissement d’une égalité parfaite entre les deux densités. Mais une chose à laquelle il faut donner le plus grand soin , c’est la parfaite homogénéité de chacun des deux liquides. Si cette condition n’est D2 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE pas remplie à l'égard du mélange alcoolique, c’est-à-dire si la partie supé- rieure de ce mélange demeure un peu plus chargée d'alcool que sa partie inférieure, la figure liquide peut se montrer régulière et présenter des calottes égales : il suffit, pour cela, que la densité moyenne de la partie du mélange qui se trouve à la même hauteur que la masse, soit égale à la densité de l'huile; mais, dans ces circonstances, la hauteur des deux calottes est trop petite. En effet, l’huile qui forme la calotte supérieure est alors en contact avec un liquide moins dense qu’elle, et tend par conséquent à descendre, tandis que l'inverse a lieu pour l’huile qui forme la calotte inférieure 1. L'hétérogénéité de l'huile produit un effet opposé, c’est-à-dire qu’elle rend trop grande la hauteur des calottes. En effet, les portions les moins denses gagnant le haut de la masse, tendent à le soulever, tandis que les portions les plus denses descendent à la partie inférieure et tendent à abaisser celle-ci. Or, les quantités d'alcool pur et d'alcool à 16° que l’on ajoute au mélange alcoolique pour équilibrer la masse, amènent néces- sairement une altération dans l’homogénéité de l'huile : car, en premier lieu, l’huile se trouvant, pendant ces opérations, en contact avec des mélanges tantôt plus tantôt moins chargés d’alcool , elle doit absorber ou perdre de celui-ci par sa surface; en second lieu, ces mêmes additions d'alcool au mélange, font que ce dernier n’est plus saturé d'huile, de sorte qu’il en enlève à la masse, et cette action ne s'exerce sans doute pas d’une manière égale sur les deux principes qui composent l'huile. Il faut donc aussi, avant de prendre les mesures, mêler intimement entre elles les différentes parties de l'huile, ce que l’on fait en introduisant dans la masse une spatule de fer que l’on y promène dans tous les sens, et cela pendant longtemps, car, à cause de sa viscosité, l'huile ne se mêle que très-difficilement d’une manière parfaite. Afin d’écarter l’influence des réactions qui rendent l'huile hétérogène, il faut conduire les opérations de la manière suivante. La masse étant 1 En établissant à dessein une hétérogénéité très-prononcée dans le mélange alcoolique ($ 9 du mémoire précédent), et en employant les précautions convenables, on peut même former un cylindre sensiblement régulier dont les bases sont absolument planes. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. D9 introduite dans le vase et attachée aux deux anneaux, et l'égalité des densités étant sensiblement établie, laisser d’abord séjourner ainsi la masse dans le liquide alcoolique pendant deux ou trois jours, en réta- blissant de temps en temps l'équilibre des densités altéré par les réactions chimiques et les variations de la température. Oter ensuite du vase les deux anneaux, de sorte que la masse demeure libre ; faire passer, à l’aide d'un siphon !, la presque totalité de celle-ci dans un flacon que l’on bouche soigneusement; enlever avec la seringue la petite portion d'huile qui est restée dans le vase, et rejeter cette portion. Cela fait, replacer les deux anneaux, et mêler parfaitement le liquide alcoolique; puis intro- duire de nouveau l'huile dans le vase, en prenant la précaution d’enve- lopper d’un linge plusieurs fois replié sur lui-même le flacon qui la contient, afin que sa température ne soit pas sensiblement modifiée par la chaleur de la main ?. Attacher alors la masse à l’anneau inférieur seulement, l'anneau supérieur étant soulevé autant que possible; mêler intimement l'huile comme nous l'avons dit plus haut; abaisser ensuite l'anneau supérieur, y faire adhérer la masse, le relever de manière à former un cylindre exact, et procéder immédiatement aux mesures. $ 42. L'instrument le plus convenable pour effectuer d’une manière précise ces dernières opérations, est, sans contredit, celui auquel on a 1 Le siphon doit être amorcé avec une portion de l'huile même de la masse, portion que l'on extrait au moyen de la seringue, ? Voici pour quelle raison il faut d’abord faire sortir l'huile du vase avant de l'employer définitivement à l'expérience. Après un séjour prolongé dans le liquide alcoolique, l'huile se trouve enveloppée d'une sorte de pellicule mince; ou, pour parler plus exactement, la couche superficielle de la masse a perdu une partie de sa liquidité, effet qui provient sans doute de l'action chimique inégale exercée par l'alcool sur les principes qui constituent l'huile. Or, il résulte nécessairement de là que la masse a perdu en même temps une partie de sa tendance à prendre une figure d'équilibre déterminée, tendance qu'il faut, par conséquent, lui restituer d’une manière complète. C'est dans ce but que l’on extrait l'huile au moyen du siphon. En effet, la pellicule ne pénètre point dans l’intérieur de celui-ci, et continue à envelopper, en se contractant, la petite masse restante; de sorte qu'après avoir enlevé celle-ci au moyen de la seringue, qui finit par absorber la pellicule elle-même, on se trouve entièrement débarrassé de cette dernière. Avant que l'on ait fait agir le siphon, la pellicule a trop peu de consistance et d'épaisseur pour que l’on puisse s’apercevoir directement de sa présence; mais lorsque l'opération du siphon est près d'être terminée, et que, par conséquent, la masse est considérablement réduite, on voit la d4 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE donné le nom de cathétomètre, et qui se compose essentiellement, comme on sait, d’une lunette horizontale mobile le long d’une règle verticale divisée. On mesure d’abord , à l’aide de cet instrument, la distance com- prise entre les sommets des deux calottes ; puis on mesure, par le même moyen, la distance comprise entre les plans extérieurs des deux anneaux ($ 40). La différence entre le premier et le second résultat donne évidem- ment la somme des deux hauteurs dont il faut prendre la moyenne, et, par conséquent, cette moyenne, ou la quantité cherchée h—f, est égale à la moitié de la différence dont il s’agit. La mesure de la distance entre les plans extérieurs des anneaux exige quelques précautions particulières. D'abord, comme les points des an- neaux auxquels il faut viser ne sont pas tout à fait à la surface extérieure de la figure, l'huile interposée entre ces points et l'œil doit produire des effets de réfraction qui introduiraient une petite erreur dans la valeur ob- tenue. Pour écarter cet inconvénient, il suffit de mettre les anneaux à nu, en faisant écouler les liquides du vase par le robinet (note 2 du $ 9), puis d’enlever les petites portions du liquide qui demeurent adhérentes aux anneaux, en promenant légèrement sur la surface de ceux-ci une petite bande de papier à filtre que l’on introduit dans le vase par la seconde . surface de celle-ci former des plis, et accuser aïnsi l'existence d’une enveloppe. En outre, lorsque le siphon est enlevé, la petite masse restante, qui demeure alors librement suspendue dans le liquide alcoolique, ne prend plus la figure sphérique : elle conserve un aspect irrégulier , et paraît indifférente à toutes les formes. Cette indifférence aux figures d'équilibre, provenant d’une diminution dans la liquidité de la couche superficielle, constitue une preuve nouvelle et curieuse du principe fondamental relatif à cette couche ($$ 6 bis et 10 à 16). M. Hagen (Mémoire sur la surface des liquides, voir les Mémoires de l'Académie de Berlin, 4845) a observé un fait remarquable, auquel le précédent paraît devoir se rattacher. Ce fait consiste en ce que la surface de l'eau abandonnée pendant quelque temps à elle-même, éprouve une modification particulière, par suite de laquelle l'eau s'élève alors dans les espaces capillaires à des hauteurs très-notablement moindres qu'elle ne le fait lorsque sa surface est exempte ou débarrassée de cette altération. On expliquerait peut-être ce fait, en admettant que l'eau dissout une faible proportion de la matière du solide avec lequel elle est en contact, et que l'air extérieur agissant chimiquement à la surface du liquide sur la substance dissoute, donne lieu aussi à la formation d’une légère pellicule qui modifie les effets des forces moléculaires. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. DD ouverture. [l faut aussi absorber, par le même moyen, les gouttes de liquide alcoolique qui restent attachées à la face interne de la paroi an- térieure du vase. En second lieu, comme il serait difficile que les anneaux fussent rigoureusement parallèles, il faut mesurer leur distance de deux côtés opposés du systènte, et prendre la moyenne des deux valeurs ainsi trouvées. Voici maintenant les résultats que j'ai obtenus. La mesure de la dis- tance entre les sommets a donné d’abord, par quatre opérations suc- cessives, les valeurs 76,77, 76mm,80, 76,85, et 76,75, c’est-à- dire, en moyenne, 76"",79. Mais le liquide alcoolique ayant été alors agité de nouveau pendant quelque temps afin que sa parfaite homogé- néité fût plus certaine, deux nouvelles mesures prises immédiatement après, ont donné 77"",05 et 77,00, ou, en moyenne, 77,09, La distance entre les plans extérieurs des anneaux s’est trouvée, d’un côté, par deux observations exactement concordantes, de 57"",75; de l’autre côté, deux observations ont fourni les valeurs 57%",87 et 57,85, ou, en moyenne, 57"",86. Prenant donc la moyenne de ces deux résul- tats, on a, pour la distance entre les centres des plans extérieurs, la valeur b7%,79. D’après cela, si l’on part de la première des deux valeurs obtenues pour la distance des sommets, savoir 76,79, on trouvera : 76,19 — 57,19 BR —f = > 9,50 ; 2 et si l’on part du second résultat, savoir 77"",02, on trouvera : 77,02 — 57,79 9 = gmm,61, h— f — Ces deux hauteurs s’écartent bien peu, comme on le voit, de la hau- teur 9,41 déduite de la théorie ($ 40) : pour la première, la différence ne s'élève pas au centième de cette valeur théorique, et, pour la seconde, elle en surpasse à peine les deux centièmes. 36 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE Ces légères différences provenaient sans doute de faibles restes d’hété- rogénéité dans les liquides; il est probable que, dans le premier cas, aucun des deux liquides n’était absolument homogène, et que les deux effets con- traires qui résultaient de là ($ 41) se neutralisaient en partie, tandis que, dans le second cas, le liquide alcoolique étant rendu tout à fait homo- gène, l'effet de la petite hétérogénéité de l’huile se manifestait en entier. Quoi qu’il en soit, ces mêmes différences sont l’une et l’autre assez mi- nimes pour qu’on puisse considérer l'observation comme d'accord avec la théorie, dont elle offre, comme on voit, une confirmation bien remar- quable. $ 43. Considérée mathématiquement, une surface cylindrique s’étend à l'infini dans le sens de l’axe de révolution. Il résulte de là que le cylindre compris entre les deux anneaux ne constitue qu’une portion de la figure d'équilibre complète. Il en résulte encore que si la masse liquide était libre, elle ne pourrait prendre, comme figure d'équilibre, la forme cylindrique : car cette masse ayant un volume limité, il faudrait que le cylindre se terminât des deux côtés par des portions de surface présentant d’autres courbures , ce que ne permet pas la loi de continuité. Mais cette hétérogénéité de courbure, impossible lorsque la masse est libre, devient réalisable, comme nos expériences le montrent, par l'inter- médiaire des anneaux solides. Chacun de ceux-ci rendant indépendantes l’une de l’autre les courbures des deux portions de surface qui s'appuient sur lui ($ 20), la surface comprise entre les deux anneaux peut alors être de courbure cylindrique, tandis que les deux bases de la figure peuvent présenter des courbures sphériques. Nous arrivons donc à cette conséquence bien remarquable, qu'avec une masse liquide d’un volume limité, on peut obtenir des portions isolées de figures d'équilibre qui, dans leur état complet, devraient s'étendre à l'infini. $ 44. Dans le but d'obtenir un cylindre pour lequel le rapport entre la hauteur et le diamètre fût plus considérable encore que pour celui de la fig. 25, j'ai substitué aux anneaux précédemment employés, d’autres anneaux dont le diamètre n’était que de 2 centimètres. J'ai d’abord essayé D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. d7 la formation d’un cylindre de 6 centimètres de hauteur, c’est-à-dire d’une hauteur triple du diamètre, et, dans cette opération, j'ai fait usage d’un procédé un peu différent de celui du paragraphe 38. L'égalité entre les densités des deux liquides étant sensiblement établie, j'ai d’abord donné à la masse d'huile un volume un peu plus grand que celui que devait comprendre le cylindre; puis, après avoir attaché la masse aux deux an- neaux , J'ai soulevé l'anneau supérieur jusqu’à ce qu’il fût à une distance de 6 centimètres de l’autre : cette distance était mesurée à l’aide d’une règle divisée introduite dans le vase, et maintenue verticalement à côté de la figure liquide. À cause de l'excès d'huile, la ligne méridienne de la figure était convexe vers l'extérieur, et, comme il y avait encore une légère différence entre les densités, cette convexité n’était pas symétrique par rapport aux deux anneaux. J'ai corrigé cette irrégularité par des additions successives d'alcool pur et d'alcool à 16°, opération qui a exigé de grands ménagements, et vers la fin de laquelle j'ai dû n’ajouter l’un ou l’autre de ces deux liquides que par gouttes uniques. La figure étant enfin parfaite- ment symétrique, j'ai enlevé avec précaution l'excès d’huile, en appliquant le bec de la petite seringue en un point de l'équateur de la masse, et j'ai obtenu ainsi un cylindre parfait. Ensuite, après avoir ajouté de l'huile à la masse, j'ai augmenté la dis- tance des anneaux jusqu’à ce qu’elle fût égale à 8 centimètres, c’est-à-dire au quadruple de leur diamètre. L'huile était en quantité suffisante pour que la ligne méridienne de la figure fût convexe vers l’extérieur ; mais Ja courbure n’était pas tout à fait symétrique, et j'ai rencontré, pour la régulariser, des difficultés plus grandes encore que dans le cas précédent. Le défaut de symétrie étant enfin corrigé, la convexité méridienne pré- sentait une flèche d'environ 3 millimètres (fig. 25). J'ai procédé alors à l'extraction de l’excès d’huile; mais, avant que la flèche fût réduite à 2 millimètres, la figure a paru tendre à s'amincir dans sa partie infé- rieure et à se renfler dans sa partie supérieure, comme si tout à coup l'huile avait légèrement diminué de densité. À cet instant j'ai retiré la seringue, afin de mieux observer l’effet dont il s’agit; alors le changement de forme s’est prononcé de plus en plus, la partie inférieure de la figure Towe XXII. 8 DS SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE a présenté bientôt un véritable étranglement, dont le cercle de gorge était situé à peu près au quart de la distance des anneaux (fig. 26); cette partie étranglée a continué à s’amincir graduellement, tandis que la partie supé- rieure de la figure se gonflait ; enfin , le liquide s’est séparé en deux masses inégales, qui sont demeurées respectivement adhérentes aux deux anneaux; la masse supérieure constituait une sphère complète, et la masse inférieure une lentille bi-convexe, L'ensemble de ces phénomènes a duré fort peu de temps. Pour découvrir si qüéliquéri cause particulière avait en réalité fait varier le rapport des densités, j'ai rapproché les anneaux, puis, après avoir réuni les deux masses liquides, j'ai soulevé de nouveau, et avec précau- tion, l'anneau supérieur, mais en m’arrêtant à la hauteur de 7 centimètres et demi, afin que la flèche de la convexité méridienne fût un peu plus forte que pour 8 centimètres. Or, la figure s’est montrée alors parfaite- ment symétrique, et n’a manifesté aucune tendance à se déformer, d’où il suit que l'égalité des densités n’avait éprouvé aucune altération appréciable. J'ai recommencé, avec plus de soins encore, l’expérience de la figure de 8 centimètres de hauteur, et j'ai pu approcher davantage de la forme cylindrique; mais avant qu’elle fût atteinte, les mêmes phénomènes se sont reproduits; seulement, la déformation s’est effectuée d’une manière inverse : c’est-à-dire que la figure s’est amincie par le haut et renflée par le bas, de sorte qu'après la séparation en deux masses, la sphère com- plète se trouvait dans l'anneau inférieur, et la lentille dans l'anneau supé- rieur. En réunissant ensuite, comme précédemment, les deux masses, et plaçant les anneaux à la distance de 7 centimètres et demi, la figure s’est de nouveau montrée régulière et permanente. Ainsi, lorsqu'on essaie d'obtenir, entre deux anneaux solides, un cy- lindre liquide dont la hauteur soit quadruple du diamètre, la figure se détruit toujours spontanément, sans cause apparente, avant même que l'on soit arrivé à la forme cylindrique exacte. Or, comme le cylindre est nécessairement une figure d'équilibre quel que soit le rapport entre la hauteur et le diamètre, il faut conclure du fait précédent, que, pour un cylindre dont la hauteur est quadruple du diamètre, équilibre est instable. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. D9 Les cylindres de moindre hauteur que j'avais obtenus ne m’ayant pas présenté d'effets analogues, j'ai voulu m’assurer si ces cylindres étaient réellement stables. J'ai donc reformé, avec les mêmes anneaux ; un cy- lindre de 6 centimètres de hauteur; mais celui-ci, abandonné à lui-même pendant une demi-heure entière, n’a présenté qu’une trace d’altération dans sa forme, et encore cette trace s’était montrée un quart d'heure en- viron après la formation du cylindre, et n'avait plus augmenté ensuite, ce qui montre qu’elle était due à une petite cause accidentelle. Les faits ci-dessus nous conduisent done aux conclusions suivantes : 1° le cylindre constitue une figure d'équilibre stable, lorsque le rapport entre sa hauteur et son diamètre est égal à 5, et, à plus forte raison, lorsque ce rapport est inférieur à 3; 2° le cylindre constitue une figure d'équilibre instable, lorsque le rapport entre sa hauteur et son diamètre est égal à 4, et, à plus forte raison , lorsqu'il surpasse 4; 3° il existe, par conséquent, un rapport intermédiaire, qui correspond au passage dé la stabilité à l'instabilité : nous nommerons ce dernier rapport {a limite de la stabilité du cylindre. $ 45. Cependant, on pourrait faire à ces conclusions une objection fondée. Notre figure liquide est complexe, puisque sa surface totale se compose d’une portion cylindrique et de deux portions présentant une courbure sphérique. Or, on ne peut pas affirmer que ces deux dernières portions sont sans influence sur la stabilité ou l'instabilité de la portion intermédiaire, et, par suite, sur la valeur du rapport qui constitue la li- mite entre ces deux états. Pour que les conclusions précédentes fussent rigoureusement applicables au cylindre, il faudrait donc faire en sorte que la figure ne présentàt d’autre surface libre que la surface cylindrique, ce qui est facile en remplaçant les anneaux par des disques pleins. J'ai effectué cette substitution, en employant des disques de même diamètre que les anneaux précédents ; mais les résultats n'ont pas changé : le cylindre de 6 centimètres de hauteur s’est bien formé et s’est montré stable, tandis que la figure de 8 centimètres de hauteur a com- mencé à s’altérer avant d’être exactement cylindrique, et s’est rapide- ment détruite ; seulement le résultat final de cette destruction ne se com- 60 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE posait plus, comme dans le cas des anneaux, d’une sphère complète et d’une lentille bi-convexe, mais bien, ainsi que cela devait évidemment être, de deux portions inégales de sphères, respectivement adhérentes aux deux surfaces solides en regard. La limite de la stabilité du cylindre se trouve donc réellement com- prise entre 5 et 4. Les expériences que nous venons de rapporter sont très-délicates : elles exigent quelque habitude. Ici, comme dans tous les cas où il s’agit de mesures, il faut laisser séjourner l'huile dans le mélange alcoolique pendant deux ou trois jours, puis se débarrasser de la pellicule (note 2 de la page 35); ensuite, lorsque la masse introduite de nouveau dans le vase a été attachée aux deux disques solides, il faut attendre encore quelque temps, afin que les deux liquides soient bien exactement à la même température; en outre, on comprend que les expériences doivent être exécutées dans un appartement dont la température demeure aussi constante que possible. Enfin, il est à peine nécessaire d’ajouter que lors- qu’on mêle le liquide alcoolique après y avoir versé de petites quantités d'alcool pur ou d’alcool à 16°, les mouvements de la spatule doivent être très-lents, afin de ne pas communiquer trop d’agitation à la masse d'huile; on est même parfois obligé d’abaisser momentanément le disque supé- rieur , pour donner plus de stabilité à la masse, et empêcher ainsi les mouvements dont il s’agit d’en amener la désunion. $ 46. On peut se demander si la non-symétrie qui se montre con- stamment dans la modification spontanée des figures instables ci-dessus, est le résultat d’une loi qui régit ces figures, ou bien si elle provient tout simplement, comme on serait tenté de le croire au premier abord, de différences imperceptibles laissées encore entre les densités des deux liquides, différences qui, agissant sur des figures instables, pourraient, malgré leur extrême petitesse, déterminer cette non-symétrie. Après avoir terminé les expériences précédentes, je réfléchis que, pour résoudre la question dont il s’agit, il suffirait de disposer les choses de manière que l'axe de la figure, au lieu d’être vertical comme dans ces mêmes expériences , fût placé dans une direction horizontale. En effet, D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 61 dans ce dernier cas, une différence minime entre les densités doit avoir pour résultat d’arquer légèrement la figure, mais ne peut évidemment donner au liquide aucune tendance à se porter en plus grande masse vers l’une des extrémités de la figure que vers l’autre; d’où il suit que si alors la déformation spontanée de la figure s’effectue encore d’une manière non symétrique, ce ne peut être qu’en vertu d’une loi particulière. D'un autre côté, si la figure tend réellement par elle-même à se défor- mer d’une manière non symétrique, il est clair que, dans le cas de la po- sition verticale de l'axe, l'effet d’une trace de différence entre les densités doit concourir avec celui de l'instabilité, et accélérer ainsi l'instant où la figure commence à s’altérer spontanément. En écartant donc cette cause accessoire par la direction horizontale de l'axe de la figure, on peut espé- rer d'approcher plus près de la forme cylindrique, ou même d'atteindre exactement cette forme, et l’on comprend, en outre, que la difficulté des opérations pourra se trouver considérablement diminuée. J'ai donc fait construire un système solide présentant deux disques verticaux de même diamètre placés parallèlement entre eux, à la même hauteur, et en regard l’un de l’autre. Chacun de ces disques est porté par un fil de fer fixé normalement à son centre, puis replié verticalement de haut en bas, et les extrémités inférieures de ces deux fils sont attachées à une même tige horizontale munie de quatre petits pieds. Ce système est représenté en perspective dans la figure 27. Le diamètre des disques est de 50""; mais la distance qui les sépare n’est pas quadruple de ce dia- mètre : j'ai pensé qu’en rapprochant davantage la figure de la limite de la stabilité, les opérations exigeraient encore moins de peine; la distance dont il s’agit n’est que de 108", de sorte que le rapport entre la lon- gueur et le diamètre du cylindre liquide qui s’étendrait de l’un à autre disque, serait égal à 5, 6. Voici maintenant ce qu’a donné l’emploi de ce système. En premier lieu, les opérations ont été effectivement beaucoup plus faciles !. En second 1 Les deux disques étant placés, dans le système solide dont il s’agit, à une distance invariable l'un de l'autre, il est nécessaire, pour faire adhérer à leur ensemble une masse d'huile dont le vo- lume ne soit pas trop considérable, d'employer une pièce accessoire, qui se compose d’un anneau 62 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE lieu , la figure tendait encore à se déformer avant d’être rendue tout à fait cylindrique; mais cette tendance se présentait toujours d’une manière non symétrique, comme dans les figures verticales; d’où l’on peut déjà conclure que la non-symétrie du phénomène n’est pas occasionnée par une différence entre les densités des deux liquides. En troisième lieu , j'ai pu, à l’aide d’un petit artifice, pousser l'expérience plus loin, et parvenir à former un cylindre exact !, Celui-ci a paru persister pendant un instant ; puis il a commencé à s’étrangler sur une partie de sa longueur pour se renfler sur l’autre, comme les figures verticales, et le phénomène de la désunion s’est achevé de la même manière, en donnant lieu à deux masses finales de volumes différents. J'ai répété plusieurs fois l'expérience, et toujours avec les mêmes ré- sultats; seulement la séparation s’est effectuée tantôt d’un côté, tantôt de l’autre du milieu de la longueur de la figure. Du reste, si le phénomène s'opère d’une manière non symétrique par rapport au milieu de la lon- gueur de la figure soit horizontale soit verticale, la symétrie subsiste, au contraire, toujours par rapport à l'axe; en d’autres termes, pendant toute la durée du phénomène, la figure ne cesse pas d’être de révolution. Ajou- tons ici que, dans la figure horizontale, les longueurs respectives des portions étranglée et renflée paraissent égales entre elles; nous démontre- rons, dans la série suivante, que cette égalité est rigoureusement exacte, du moins au premier instant du phénomène. On voit donc maintenant, que le mode de déformation de ces cylindres en fil de fer de même diamètre que les disques, porté par un fil droit de même métal dont on tient à la main l'extrémité libre; à l'aide de cet anneau, on étire sans peine la masse préalablement at- tachée à l’un des disques, jusqu’à ce qu’elle s'attache également à l’autre; puis on enlève l'anneau. Celui-ci entraîne alors avec lui une petite portion de la masse; maïs, en sortant du vase, il aban- donne cette portion dans le liquide alcoolique, et on la fait disparaître au moyen de la seringue: 1 Voici, pour cela, comment il faut procéder dans l'extraction de l'excès d'huile. On fait d’a- bord marcher l'opération avec une rapidité convenable, jusqu'à ce que la figure commence à se déformer ; alors on promène légèrement l'extrémité du bec de la seringue le long de la partie su- périeure de la masse, en allant de la portion la plus épaisse vers l’autre : cette faible action suffit pour ramener vers cette dernière une petite quantité d'huile, et rétablir ainsi la symétrie de la figure; puis on exécute une nouvelle absorption, l'on régularise encore la figure, et l'on continue ainsi jusqu’à ce qu'on atteigne exactement la forme cylindrique. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 65 est bien le résultat d’une propriété qui leur est inhérente. Nous déduirons, plus loin, cette propriété, comme conséquence nécessaire des lois qui ré- * gissent un phénomène plus général. Il résulte, en outre, de l'expérience ci-dessus, que le rapport 5,6 est encore supérieur à la limite de la stabilité; de sorte que la valeur exacte de celle-ci doit se trouver entre les nombres 3 et 3,6. On comprend que ce mode d'expérience pourrait être employé à la dé- termination très-approchée de la valeur dont il s’agit; c’est ce que je me propose de faire plus tard, et je rendrai compte du résultat dans la série suivante, où j'aurai à revenir sur la question de la limite de M stabilité du cylindre, $ 47. Dans les cylindres instables que nous venons de former, le rap- port entre la longueur et le diamètre était peu considérable ; mais qu’ar- riverait-il si l’on parvenait à obtenir des cylindres d’une grande longueur relativement à leur diamètre? Or, on peut, dans certaines conditions, réaliser des figures de cette espèce plus ou moins exactement cylindriques, et nous allons voir quels sont alors les résultats de la rupture spontanée de l'équilibre. Un fait que j'ai décrit dans le paragraphe 20 du mémoire précédent, et que je vais rapporter de nouveau avec plus de détails, donne un pre- mier moyen d'obtenir un semblable cylindre, et d’en observer la destruc- tion spontanée. Lorsqu'on introduit de lhuile à laide d’un petit entonnoir dans un mélange alcoolique qui renferme un léger excès d’alcool, et que l’on verse l’huile avec assez de rapidité pour maintenir l’entonnoir plein, le liquide forme, à partir du bec de celui-ci jusqu’au fond du vase où la masse se rassemble, une longue traînée, dont le diamètre va en augmen- tant un peu de la partie supérieure à la partie imférieure, de manière à former une sorte de cône très-allongé qui ne diffère pas beaucoup d’un cylindre. Cette figure à peu près cylindrique, dont la hauteur est consi- * Ce petit accroissement de diamètre est dû au retard qu'occasionne dans le mouvement de l'huile la résistance du liquide ambiant. 6% SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE dérable par rapport au diamètre, se maintient sans altération sensible tant que l'huile qui la constitue a une vitesse de translation suffisante; mais lorsqu'on cesse de verser de l'huile dans l'entonnoir, et que, par suite, le mouvement de translation se ralentit, on voit bientôt le cylindre se résoudre rapidement en une série de sphères sensiblement égales en diamètre, également espacées, et ayant leurs centres rangés sur la droite qui formait l’axe du cylindre. Pour que l’on obtienne ainsi une complète réussite, les éléments de l'expérience doivent avoir entre eux certaines proportions : l’entonnoir dont je me suis servi, avait un orifice d'environ 5 millimètres de dia- mètre, et une hauteur de 11 centimètres ; il reposait dans le goulot d’un grand flacon qui renfermait le mélange alcoolique, et son orifice n’était plongé que de quelques millimètres au-dessous de la surface du liquide; enfin, la longueur du cylindre d'huile, ou la distance entre l’orifice et la masse inférieure, était à peu près de 20 centimètres. Dans ces circon- stances, il s’est constamment formé trois sphères, dont la supérieure demeurait adhérente au bec de l’entonnoir ; cette dernière était, par con- séquent, incomplète. Ajoutons ici, que l'excès d’alcool contenu dans le mélange ne doit être ni trop grand ni trop petit; on le rend convenable à l’aide de quelques essais préliminaires. $ 48. La constance et la régularité du résultat de cette expérience achèvent donc de montrer que les phénomènes auxquels donne lieu la rupture spontanée de l'équilibre d’un cylindre liquide instable sont régis par des lois déterminées. Dans cette même expérience, la transformation s’effectue avec trop de rapidité pour que l’on puisse bien en observer les phases; mais les phé- nomènes que nous ont présentés les cylindres plus gros et moins allongés, savoir la formation d’un renflement et d’un étranglement juxtaposés et égaux, ou à peu près, en longueur, l'accroissement graduel en épaisseur de la portion renflée et l’amincissement simultané de la portion étran- glée, etc., autorisent à conclure que, dans le cas d’un cylindre dont la longueur est considérable par rapport au diamètre, les choses se passent de la manière suivante : la figure commence par se modifier de manière à D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 65 offrir une suite régulière et uniforme de portions renflées séparées par des portions étranglées de même longueur qu'elles, ou à peu près; cette altération, d’abord très-faiblement indiquée , va en se prononçant de plus en plus, les portions étranglées s’'amincissant graduellement, tandis que les portions renflées augmentent d'épaisseur, et la figure ne cessant pas d'être de révolution ; enfin les étranglements se rompent, et les parties de la figure ainsi complétement isolées les unes des autres prennent chacune la forme sphérique. Nous devons ajouter ici, que la fin du phénomène est accompagnée d’une particularité remarquable, dont nous n'avons point encore parlé; mais comme elle ne constitue, pour ainsi dire, qu’une partie accessoire du phénomène général , nous en renvoyons la description plus loin (voir $ 62). $ 49. On doit se demander pourquoi, dans l'expérience que nous avons décrite en dernier lieu, le cylindre ne se résout en sphères que lors d’un affaiblissement dans la vitesse de translation du liquide qui le constitue. On ne voit pas, en effet, comment un mouvement de trans- lation pourrait donner de la stabilité à une figure liquide qui serait insta- ble à l’état de repos. Pour nous expliquer cette singularité apparente, remarquons que, la transformation spontanée d’un cylindre instable s’effectuant sous l’action de forces continues, la vitesse avec laquelle le phénomène s'opère doit être accélérée; c’est d’ailleurs ce que l’on con- state aisément dans les expériences relatives aux cylindres plus gros et moins allongés; cette même vitesse doit donc toujours être très-petite à l’origine du phénomène. Or, dans le cas dont nous nous occupons, les changements de figure s’opérant dans le liquide du cylindre pendant que ce liquide est animé d’un mouvement de translation, l’on voit, d’après ce qui précède, que si ce mouvement de translation est suffisamment rapide, les changements de figure ne pourront acquérir, durant le trajet du bec de l’entonnoir à la masse rassemblée au fond du vase, qu’un développe- ment très-peu prononcé; de sorte que, le liquide se renouvelant continuel- lement, aucune déformation n'aura le temps de devenir bien sensible à l'œil. Ainsi, tant que la vitesse d'écoulement sera assez grande, la figure liquide semblera conserver sa forme à peu près cylindrique, bien Tome XXIII. 9 { 66 -_ SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE qu'ayant une longueur considérable relativement à son diamètre. Au con- traire, pour une vitesse de translation suffisamment petite, les déforma- tions auront le temps de s’effectuer d’une manière complète, et l’on pourra voir le cylindre se résoudre en sphères sur toute: sa longueur. $ 50. Voici maintenant un autre mode d'expérience, qui permet d'observer le résultat de la transformation dans des conditions moins restreintes et plus régulières, sous certains rapports, que celles de l’ex- périence précédente, et qui nous conduira, en outre, à de nouvelles con- séquences relativement aux lois du phénomène. Nous allons d’abord décrire d’une manière succincte l'appareil et les opérations, et nous ajouterons ensuite les détails nécessaires. Les pièces principales de l’appareïl sont : 1° une plaque rectangulaire de verre à glace, de 25 centimètres de longueur sur 20 de largeur; 2° deux bandes du même verre, longues de 15 centimètres, larges de 2, et épaisses de 5 à 6 millimètres, parfaitement dressées et polies sur leur épaisseur; 5° deux bouts de fil de cuivre d'environ 1 millimètre d'épaisseur, et de ÿ centimètres de longueur; ces fils doivent être bien droits, et l’une des extrémités de chacun d’eux doit être coupée bien nettement, puis soigneu- sement amalgamée. La plaque étant placée horizontalement, on pose à plat sur sa surface, et parallèlement à ses grands côtés, les deux bandes de verre, de manière à laisser entre elles un intervalle d'environ un centimètre; puis on intro- duit dans celui-ci les deux fils de cuivre, en les: plaçant en ligne droite dans le sens de la longueur des bandes, et de manière que les extrémités amalgamées se regardent et soient distantes l’une de l’autre de quelques centimètres. Cela fait, on dépose entre ces mêmes extrémités un globule de mercure bien pur, de 5 à 6: millimètres de diamètre, puis on rap- proche les deux bandes de verre jusqu’à ce qu’elles viennent toucher les fils, de sorte qu’alors elles ne laissent plus-entre elles qu’un intervalle égal en largeur au diamètre de ces mêmes fils. La petite masse de mercure comprimée ainsi latéralement, est obligée de s’allonger et de marcher des deux côtés vers les surfaces amalgamées. Si elle ne les atteint pas, on fait glisser les fils vers elle, jusqu'à-ce.que le D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 67 contact:et l’adhérence soient établis. Alors on fait glisser les fils en sens contraire, de-manière à les éloigner l’un de l’autre, ce qui détermine un nouvel allongement de la petite masse liquide, et une diminution de ses dimensions verticales. En agissant avec précaution, et en accompagnant l'opération de petits coups donnés avec le doigt sur l'appareil pour faci- liter les mouvements du mercure, on parvient à étendre la petite masse jusqu’à ce que son épaisseur verticale soit partout égale à son épaisseur horizontale, c'est-à-dire à celle des fils de.cuivre. Le mercure forme ainsi un fil liquide de mème diamètre que les fils solides auxquels il est atta- ché, et d’une longueur de 8 à 10 centimètres. Ce fil, vu la petitesse de son diamètre, qui rend l’action de la pesanteur insensible relativement à celle de l'attraction moléculaire, pourra.être.considéré comme exactement cylindrique; de sorte que l’onaura, de cette manière, un cylindre liquide ayant une longueur de 80 à 100 fois son diamètre, et attaché par ses extrémités à des parties solides, cylindre qui conserve sa forme tant qu'il demeure emprisonné entre les bandes de verre. Les choses étant dans cet état, on :pose.des poids sur les parties des deux fils de cuivre:qui font saillie au delà des extrémités des bandes, afin de maintenir ces fils dans des positions :bien fixes; puis enfin, à l’aide d’un moyen que nous indiquerons plus bas, on enlève verticalement les deux bandes de verre. Au même instant, le cylindre liquide, libre de ses entraves,.se transforme en une série nombreuse de sphères isolées, ran- gées en ligne droite suivant la direction du cylindre qui leur a donné naissance !. Ordinairement la régularité du système de sphères ainsi ob- tenu laisse à désirer : les sphères présentent des différences dans leurs diamètres respectifs et dans les distances qui les séparent, ce qui provient sans doute de petites causes accidentelles dépendantes du mode d’opéra- tion; mais quelquefois les différences sont si minimes, que l’on peut alors considérer la régularité comme parfaite. Quant au nombre de sphères cor- respondant à un cylindre d’une :longueur déterminée, il varie d’une ex- 1 C'est sans doute encore, pour le dire en passant, au même ordre de phénomènes qu'il faut rapporter la conversion en globules d’un fil de métal fondu par une décharge électrique conve- nable. 68 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE périence à une autre; mais ces variations, qui sont dues également aux petites causes accidentelles, demeurent comprises entre des limites peu étendues. $ 51. Complétons maintenant la description de l'appareil, et ajoutons quelques détails concernant les opérations. La plaque de verre devant être amenée à une position parfaitement ho- rizontale , elle est portée, à cet effet, par quatre pieds à vis. A chacune des extrémités de la surface inférieure des bandes de verre, est collée une petite bande transversale de papier mince, de sorte que les bandes de verre reposant sur la plaque par l'intermédiaire de ces petits papiers, leur surface inférieure n’est pas en contact avec la surface de la plaque. Sans cette précaution, les bandes de verre pourraient contracter avec la plaque une certaine adhérence, qui introduirait un obstacle lors de l’enlèvement vertical de ces mêmes bandes. Celles-ci portent, en outre, sur leur surface supérieure et à 6 millimètres de chacune de leurs extré- mités, une petite vis implantée verticalement, la pointe en haut, dans le verre, bien fixée à celui-ci avec du mastic, et s’élevant de 8 millimètres au-dessus de sa surface. Ces quatre vis sont destinées à recevoir des écrous servant à fixer les bandes au système à l’aide duquel on les enlève. Ce système est en fer; il se compose, en premier lieu , de deux plaques rectangulaires ayant 55 millimètres de longueur, 12 de largeur, et 3 d’é- paisseur. Chacune d’elles est percée perpendiculairement à ses grandes faces, de deux trous placés de telle manière qu’en posant chacune de ces plaques transversalement sur les extrémités des deux bandes de verre, les vis dont ces dernières sont munies puissent s'engager dans ces quatre ouvertures. Les vis étant assez longues pour faire saillie au-dessus des ouvertures, on peut alors y adapter de petits écrous, de sorte qu’en ser- rant ceux-ci, les bandes de verre se trouvent fixées dans une position in- variable l’une par rapport à l’autre. Les ouvertures ont une forme allon- gée dans le sens de la longueur des plaques de fer; de cette manière on peut, après avoir desserré les écrous, augmenter ou diminuer la distance des deux bandes de verre sans être obligé d’enlever les plaques. Sur le milieu de la surface supérieure de chacune des plaques , est implantée une D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 69 tige verticale de 5 centimètres de hauteur, et les extrémités supérieures de ces deux tiges sont réunies par une tige horizontale, du milieu de la- quelle part une troisième tige verticale, dirigée de bas en haut, et longue de 15 centimètres. Cette dernière tige est à section carrée, et son épais- seur est de 5 millimètres. Lorsque les écrous sont serrés, on voit que les bandes de verre, les plaques de fer, et l'espèce de fourche qui réunit cel- les-ci, constituent un système invariable. La longue tige verticale sert à diriger le mouvement de ce système; à cet effet, elle passe à frottement très-doux dans un conduit de même section qu'elle et de à centimètres de hauteur, percé dans une pièce qui est soutenue d’une manière bien fixe, par un support convenable, à 10 centimètres au-dessus de la plaque de verre. Enfin, la pièce percée est munie latéralement d’une vis de pression, qui permet de serrer la tige dans le conduit. À l’aide de cette disposition, si tout l’ensemble de l'appareil a été travaillé avec soin, les deux bandes de verre, une fois les petits écrous serrés, ne pourront se mouvoir qu’avec une parfaite simultanéité, parallèlement à elles-mêmes, et toujours iden- tiquement dans une même direction perpendiculaire à la plaque de verre. Lorsque le cylindre liquide est bien formé, et que les poids sont posés sur les portions libres des fils de cuivre, on passe le doigt sous la branche horizontale de la fourche, et l’on soulève le système mobile jusqu’à une hauteur convenable au-dessus de la plaque de verre; puis on le maintient à cette hauteur en serrant la vis de pression, afin d'observer le résultat de la transformation du cylindre. L’amalgamation des extrémités des fils de cuivre s'étendant toujours un peu sur la surface convexe de ceux-ci, on enduit cette surface d’un vernis, afin que l’amalgamation ne reste à découvert que sur la petite section plane. Il serait à peu près impossible de juger, à la simple vue, du point précis où il faut cesser d’éloigner les fils de cuivre l’un de l’autre pour que le liquide ait atteint la forme cylindrique. Afin d’écarter cette diffi- culté, on se donne d’avance la longueur du cylindre, et l’on marque cette longueur, par deux traits déliés, sur la surface latérale de l’une des bandes de verre; puis l’on détermine, par le calcul, d’après le diamètre 70 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE connu des fils, le poids du globule de mercure qui doit former un cylindre de ce diamètre et de la longueur voulue; enfin, au moyen d’une balance sensible, on fait en sorte que le globule destiné à l'expérience ait exactement ce poids. H n’y a plus alors qu'à étirer la petite masse jusqu’à ce que les extrémités des fils de cuivre entre lesquels elle ‘est comprise aient atteint les marques tracées-sur le verre. Enfin, lorsqu'on fait une série d'expériences, on peut se servir plu- sieurs fois du même mercure , en réunissant , à la suite de chaque obser- vation , les sphères isolées en une-seule masse. Cependant , après un certain nombre d'expériences , le mercure semble perdre de sa fluidité , et la masse se désunit toujours en quelque point , malgré toutes les précautions pos- sibles , avant qu’elle ait été étirée jusqu’à la longueur voulue , phénomènes qui proviennent de ce que les fils solides cèdent un peu de cuivre au mer- cure. Il faut alors enlever ce dernier, nettoyer les plaques de verre et les bandes, et prendre un nouveau globule. On est parfois aussi obligé de renouveler l’amalgamation des fils. $ 52. A l’aide de l'appareil et des procédés ci-dessus , j'ai exécuté une suite d'expériences sur la transformation des cylindres ; mais , avant d’en rapporter les résultats , il est nécessaire , pour l'interprétation de ceux-ci, d'envisager le phénomène d’un peu plus près. Concevons un cylindre liquide d’une longueur considérable relative- ment à son diamètre, et attaché par ses extrémités à deux bases solides; supposons-le effectuant sa transformation, et considérons la figure à une époque du phénomène antérieure à la séparation des masses , c’est-à-dire lorsque cette même figure se compose encore de renflements alternant avec des étranglements. Les surfaces des renflements faisant saillie en dehors de la surface cylindrique primitive, et celles des étranglements se trouvant, au contraire, en dedans de cette même surface, nous pou- vons concevoir dans la figure une série de sections planes perpendicu- laires à l’axe, et ayant toutes un diamètre égal à celui du cylindre; ces sections constitueront évidemment les limites qui séparent les'portions renflées des portions étranglées , en sorte-que chaque portion; soit étran- glée soit renflée, sera terminée par deux d’entre elles; en ‘outre , les deux D'UNE MASSE, LIQUIDE SANS PESANTEUR. 71 bases solides étant nécessairement au nombre des sections dont il s’agit, chacune de ces bases devra occuper l’extrémité même d’une portion étran- glée ou renflée. Cela posé , trois hypothèses se présentent relativement à ces deux por- tions. de la figure, c’est-à-dire à celles qui s'appuient respectivement sur chacune des bases solides. En premier lieu, nous pouvons supposer que ces portions soient toutes deux renflées. Dans ce cas, chacun des étran- glements enverra dans les deux renflements qui lui sont immédiatement adjacents le. liquide qu’il perd, les mouvements de transport du liquide s’effectueront d’une même manière dans toute l'étendue de la figure, et la transformation pourra s’opérer avec une parfaite régularité, en donnant lieu. à des sphères. isolées exactement égales en diamètre et également es- pacées. Seulement, cette régularité ne s’étendra pas aux deux renflements extrêmes : car chacun de ceux-ci se trouvant terminé d’un côté par une surface solide, il ne recevra de liquide, que de l’étranglement situé de l'autre côté, et acquerra, par conséquent, moins de développement que les renflements intermédiaires. Dans. ces circonstances , on trouverait donc, après la terminaison du phénomène, deux portions de sphère respective- ment adhérentes aux deux bases solides, et présentant chacune un dia- mètre un peu moindre que. celui des sphères isolées rangées entre elles. En second lieu, nous pouvons admettre que les portions extrêmes de la figure soient l’une un étranglement et l'autre un renflement. Alors le liquide perdu par la première ne pouvant traverser la base solide, il sera nécessairement chassé en totalité dans le renflement voisin, de sorte que celui-ci recevant d’un seul côté tout le liquide nécessaire à son dévelop- pement, il ne devra rien recevoir du côté opposé, et que, par conséquent, tout le liquide perdu par le second étranglement se rendra de même dans le second renflement, et ainsi de suite jusqu’au renflement extrême. La distribution des mouvements de transport sera donc encore uniforme dans toute la figure, et là transformation pourra également s'effectuer d’une manière parfaitement régulière. La régularité s’étendra même évidemment aux deux portions extrêmes, du moins tant que les étranglements n’auront pas atteint leur plus grande profondeur ; mais, au delà de ce point, il n’en 72 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE sera plus tout à fait ainsi : car alors l'indépendance s’établissant «entre les masses, chacun des renflements, à l'exception de celui qui s'appuie sur la base solide, se grossira par les deux côtés à la fois, pour passer à l’état de sphère isolée, en s'appropriant les deux demi-étranglements adjacents, tandis que le renflement extrême ne pourra se grossir que d’un seul côté. Ainsi, après la terminaison du phénomène, on trouverait, à l’une des bases solides, une portion de sphère d’un diamètre peu inférieur à celui des sphères isolées, et, à l’autre base, une portion de sphère beaucoup plus petite, provenant du demi-étranglement qui y est demeuré attaché. Enfin, en troisième lieu, supposons que les portions extrêmes de la figure soient toutes deux des étranglements, ce qui, après la terminaison du phénomène, laisserait, à chacune des bases solides, une portion de sphère égale à la plus petite des deux ci-dessus. Dans ce cas, pour fixer les idées, partons de l’un de ces étranglements extrêmes, par exemple de celui de gauche. Tout le liquide perdu par ce premier étranglement étant chassé dans le renflement contigu, et suffisant au développement de celui- ci, admettons que tout le liquide perdu par le second étranglement se rende de même dans le second renflement, et ainsi de suite; alors tous les renflements, à l'exception du dernier à droite, prendront simplement leur développement normal; mais le renflement de droite, qui reçoit, comme chacun des autres, de la part de l’étranglement qui le précède la quantité de liquide nécessaire à son développement, reçoit, en outre, la même quantité de liquide de la part de l’étranglement qui s’appuie sur la base solide voisine, de sorte qu’il sera plus volumineux que les autres. On voit donc que, dans le cas dont il s’agit, les actions opposées des deux étranglements extrèmes introduisent dans le reste de la figure un excès de liquide. Or, quelque autre hypothèse que l’on fasse sur la dis- tribution des mouvements de transport, il faudra toujours, ou bien que l'excès de volume se répartisse sur tous les renflements à la fois, ou bien qu'il augmente seulement les dimensions d’un ou deux d’entre eux; mais la première de ces suppositions est évidemment inadmissible, à cause de la complication qu’elle exigerait dans les mouvements de transport; il faudrait donc admettre la seconde, et alors les sphères isolées ne seraient D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 73 pas toutes égales. Ainsi ce troisième mode de transformation amènerait nécessairement par lui-même une cause d'irrégularité, et, en outre, il ne permettrait pas une distribution uniforme des mouvements de transport, puisqu'il y aurait opposition, à l'égard de ces mouvements, au moins dans les deux étranglements extrêmes. On doit donc regarder comme bien probable que la transformation se disposera suivant l’un ou l’autre des deux premiers modes, et jamais sui- vant le troisième : c’est-à-dire que les choses s’arrangeront de manière que la figure qui se transforme ait pour portions extrêmes, soit deux renflements , soit un étranglement et un renflement, mais non deux étran- glements. Dans le premier cas, ainsi que nous l'avons vu, le mouvement du liquide de tous les étranglements s’effectuerait des deux côtés à la fois; et, dans le second, ce mouvement aurait lieu pour tous dans un seul et même sens. Si telle est réellement la disposition naturelle au phé- nomène, on comprend , en outre, que celui-ci la conservera lors même qu'il serait troublé dans sa régularité par de petites causes étrangères. Or, c’est ce que confirment, comme nous le verrons, les expériences relatives au cylindre de mercure : bien que la transformation de ce cy- lindre ait rarement donné un système de sphères parfaitement régulier, J'ai trouvé, dans la grande majorité des résultats , soit chacune des bases solides occupée par une masse peu inférieure en diamètre aux sphères isolées, soit l’une des bases occupée par une semblable masse et l’autre par une masse beaucoup plus petite. $ 55. Nommons , pour abréger, divisions du cylindre, les portions de la figure dont chacune fournit une sphère, soit que nous considérions ces portions par la pensée dans le cylindre même, avant le commencement de la transformation, soit que nous les prenions pendant l’accomplissement du phénomène, c’est-à-dire pendant les modifications qu’elles subissent pour arriver à la forme sphérique. La longueur d’une division est évi- demment la distance qui, pendant la transformation, se trouve comprise entre les cercles de gorge de deux étranglements voisins, et elle est, par conséquent, égale à la somme des longueurs d’un renflement et de deux demi-étranglements. D’après cela, voyons comment la longueur dont il s’a- Towe XXII. 10 \ 74 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE git, c'est-à-diré celle d'une division, se déduira du résultat d’uné expérience. Supposons la transformation parfaitement régulière, et soit à la lon- gueur d’une division , ? celle du cylindre, et n le nombre dé sphères iso- lées trouvées après la terminaison du phénomène. Chacune de ces sphères étant fournie par une division complète, et chacune des deux masses extrêmes par une portion de division, la longueur ! se composera de fois à, plus deux fractions de 2. Pour estimer les valeurs de ces fractions, rappelons-nous que la longueur d’un étranglement est exactement ou sen- siblément égale à celle d’un renflement ($ 46); or, dans le premier des déux cas normaux ($ précéd.), c’est-à-dire lorsque les masses demeurées adhérentes aux bases après la terminaison du phénomène sont toutes ‘deux de la grande espèce, chacune d’ellés provient évidemment d’un ren- flement plus un demi-étranglement, et, par conséquent, des trois quarts d’une division ; la somme des longueurs des deux portions du cylindre qui ont fourni ces masses est dont égale à une fois et demie à, et l’on aura, dans cé cas, {= {x + 1,5) À; d'où À — _+ Dans le second cas, + 1,5 c'est-à-dire lorsque les masses extrêmes sont l’une de la grande et l’autre de la petite espèce, cette dernière provient d’un demi-étranglement, ou du quart d’une division, de sorte que la somme des longueurs des portions du cylindre correspondantes à ces deux masses est égale à À, et que, par l n +4 Les dénominateurs respectifs de ces deux: expressions représentant. le nombre de divisions contenu dans la longueur totale du cylindre, il s’en- suit que ce nombre sera toujours soit un nombre entier simplement, soit un nombre entier plus un demi. D'une autre part, puisque le phénomène est régi, par des lois déterminées, on comprend que, pour un cylindre d’un diamètre donné, formé d’un liquide donné, et placé dans des cir- constances données, il existe une longueur normale que les divisions.ten- dent à prendre, et qu’elles prendraient rigoureusement si la longueur totale du cylindre était infinie. Si donc il arrive que la longueur totale du cylindre, bien que limitée, est égale au produit de la longueur, normale des.divi- sions par un nombre,entier ou bien par un nombre entier plus. un. demi, conséquent, On aura, À — D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 75 rien n’empéchera les divisions de prendre exactement cette longueur nor- male. Si, au contraire, ce qui aura lieu en général, la longueur totale du cylindre ne remplit pas l’une ou l’autre des deux conditions précédentes, on doit croire que les divisions prendront la longueur la plus approchée possible de la Jongueur normale; et alors, toutes choses égales d’ailleurs, la différence sera évidemment d'autant moindre que les divisions seront plus nombreuses, ou, en d’autres termes, que le cylindre sera plus long. On doit croire aussi que la transformation adoptera celui des deux modes le plus propre à atténuer la différence dont il s’agit, et c’est ce que con- firme encore l'expérience, comme nous le verrons bientôt. Ainsi que je l'ai déjà dit, quoique la transformauon du cylindre de mercure se dispose presque toujours suivant l'un ou l'autre des deux modes normaux, le résultat est rarement très-régulier; il faut donc admettre que de petites causes perturbatrices accidentelles rendent, en général, les divisions formées dans une même expérience inégales en longueur; mais alors les expressions de 2 obtenues plus haut donnent évidemment, dans chaque expérience, la longueur moyenne de ces divi- sions, ou, en d’autres termes, la longueur commune que les divisions auraient prise si la transformation s'était opérée d’une manière parfaite- ment régulière en donnant lieu au même nombre de sphères isolées et au même état des masses extrêmes. Enfin, puisque lé troisième mode de transformation s’est présenté, c'est-à-dire puisqu'il est arrivé quelquefois que chacune des bases se soit trouvée occupée par une masse de la petite espèce, si l’on veut faire abstraction de la cause particulière d’irrégularité inhérente à ce mode (Sprécéd.), et chercher l'expression correspondante de 1, il suffit de remar- quer que chacune des masses extrêmes provient alors d’un demi-étrangle- l n + 0,5 & $S 54. Je vais maintenant rapporter les résultats des expériences. Le diamètre des fils de cuivre, et par conséquent du cylindre, était de 1"",05; j'ai donné d’abord au cylindre une longueur de 90", et j'ai répété dix fois l'expérience, en annotant , après chacune d’elles, le nombre des sphè- res isolées produites et l’état des masses adhérentes aux bases ; puis j'ai ment, où du quart d’une division, ce qui donnera évidemment — 76 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE calculé, pour chaque résultat, la valeur correspondante de la longueur d’une division, au moyen de celle des trois formules du paragraphe précédent qui se rapportait à ce même résultat. J'ai fait ensuite dix nouvelles expériences, en donnant au cylindre une longueur de 100", et j'ai calculé de même les valeurs correspondantes de la longueur d’une division. Voici le tableau des résultats fournis par ces cylindres, et des valeurs . que l’on en tire pour la longueur d’une division. Chacune des deux séries ne m'a donné qu’un seul résultat parfaitement régulier; je l'ai indiqué par le signe * placé à côté du nombre de sphères isolées correspondant. LONGUEUR DE CYLINDRE, 90", ——— nn CEE — _ k — NOMBRE MASSES LONGUEUR NOMBRE MASSES LONGUEUR || des d’une des d’une lspnnes1sorées.| APHÉRENTES AUX BASES. DIVISION. spHènes1soLées.| APHÉRENTES AUX BASES. DIVISION. mm. Deux grandes. 7.85 11 Une grandeet unepetite. 8,55 Id, 6,67 14 Deux grandes. 6,45 Deux petites. 7,20 14 Id. 6,45 Deux grandes. 5.45 Id. 6,45 Id. 5,81 Une grandeet une petite, 6.67 Id. 7,20 Id. 7,14 Id. 7,20 Deux grandes. 8,00 Une grande et une petite, 6,92 Une grande et une petite. 6.67 Deux grandes. 6,21 Deux grandes. 6,90 7,20 a 8,69 Comme on le voit par ce tableau, en premier lieu, les différentes va- leurs que l’on obtient pour la longueur d’une division ne s’écartent pas assez les unes des autres pour que l’on puisse méconnaître une tendance vers une valeur constante dont l’uniformité n’est altérée que par l'influence de petites causes accidentelles. En second lieu, sur les vingt expériences, il est arrivé seulement une fois, que les masses adhérentes aux bases ont été l’une et l’autre de la pe- tite espèce. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. Li En troisième lieu, les deux résultats parfaitement réguliers ont donné identiquement la même valeur pour la longueur d’une division; cette va- leur exprimée d’une manière approchée avec deux décimales, est 6"",67 ; mais son expression exacte est 6"" À : car l'opération à effectuer consiste, pour le cas de la première série, dans la division de 90%" par 15,5, et, pour le cas de la seconde série, dans la division de 100" par 15. Comme les deux longueurs données au cylindre sont considérables relativement au diamètre, et que, par suite, les nombres de division sont assez grands, doit constituer à fort peu près, sinon rigoureusement , 2 cette valeur 6m" ? celle de la longueur normale des divisions. On voit, en outre, que, pour donner aux divisions cette valeur très-approchée ou exacte de la longueur normale , la transformation a choisi, d’une part le premier mode, et de l'autre part le second mode. $S 55. Poursuivons la recherche des lois du phénomène qui nous oc- cupe; nous en ferons bientôt une application importante, et l’on com- prendra alors pourquoi nous donnons à cette partie de notre travail un développement si étendu. On doit regarder à priori comme évident, que deux cylindres formés d'un même liquide et placés dans les mêmes circonstances, mais diffé- rents en diamètre, tendront à se diviser d’une manière semblable : c’est- à-dire que les longueurs normales respectives des divisions seront entre elles dans le rapport des diamètres de ces cylindres. Afin de vérifier cette loi par l'expérience, je me suis procuré des fils de cuivre d'un diamètre exactement double de celui des premiers, et égal, par conséquent , à 2,1, et j'ai exécuté avec ceux-ci une nouvelle série de dix expériences, en donnant au cylindre une longueur de 100. Cette série ne m’a fourni également qu’un seul résultat parfaitement ré- gulier, que j'ai indiqué, comme précédemment, par le signe * placé en re- gard du nombre de sphères isolées correspondant. Voici le tableau relatif à la série dont il s’agit. 78 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE NOMBRE LONGUEUR des d'une SPHÈRES ISOLÉES. ADHÉRENTES AUX BASES. DIVISION. | mm 7 Deux petites. 15,55 Deux grandes. 15.55 6 Une grandæet unepetite. 14,28 7 Id. id. 12,50 *6 Deux grandes 15,55 6 ld. 15,53 6 Une grande et une petite. 14.28 Id, id. 11,11 Deux petites. 11,76 Une grande et une petite. En s’arrêtant à la seconde décimale, on a ici, comme on voit, pour la longueur d’une division correspondante au résultat parfaitement régulier, la valeur 15"",55; mais comme l'opération qui la donne consiste dans la division de 100" par 7,5, la valeur exprimée d’une manière complète est 13""1, Telle est donc à fort peu près, sinon exactement, la longueur normale des divisions de ce nouveau cylindre; or, cette longueur 13""+ est précisément double de la longueur 6"*?, qui appartient aux divisions du cylindre du paragraphe précédent; ces deux longueurs sont donc ef- fectivement entre elles dans le rapport des diamètres des deux cylindres. Le résultat parfaitement régulier du tableau ci-dessus ayant présenté une masse de la grande espèce à chacune dés bases, il s'ensuit que; pour per- mettre aux divisions du cylindre actuel de prendre leur longueur normale ou la longueur la plus approchée possible de cette dernière, la transfor- mation a dû se disposer suivant le premier mode; tandis qu’à l'égard d’un cylindre moitié moindre en diamètre, et ayant la même longueur totale 100, la transformation s'était disposée suivant le second mode ($ précéd:) Ici encore, le cas de deux masses de la petite espèce aux bases solides est le moins fréquent, bien qu’il se soit montré deux fois. Enfin, les différentes valeurs de la longueur d’une division sont plus con- cordantes que dans les deux séries relatives au premier diamètre, et manifes- tent mieux, par conséquent, la tendance vers une valeur constante; on voit D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 19 même que la longueur normale est celle qui s’est reproduite le plus souvent. $S 56: D’après la loi que nous venons d'établir, lorsque la nature du liquide et les circonstances extérieures ne changent pas, la longueur normale des divisions est proportionnelle au diamètre du cylindre; ou bien encore, en d’autres termes, le rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre du cylindre est constant. Le cylindre du paragraphe 54 avait, comme nous l'avons vu, un dia- mètre de 1"%,05, et la longueur normale de ses divisions était à fort peu près de 6",67 ; par conséquent, lorsque le liquide est du mercure et que le cylindre repose sur une plaque de verre, la valeur du rapport RATES OT constant dont il s’agit est, avec une grande approximation, Los — 655. Afin de savoir si la nature du liquide et les circonstances extérieures influent sur ce même rapport, nous allons chercher la valeur de celui-ci dans le cas d’un cylindre d’huile formé au sein du mélange alcoolique, ce que nous pouvons faire, au moins d’une manière approchée , à l’aide du résultat de l'expérience du paragraphe 47. Pour simplifier les consi- dérations , nous supposerons que la transformation ne commence que lorsque la vitesse de translation est devenue tout à fait nulle. Alors, nous pourrons regarder, d’une part, le bec de lentonnoir, et, de l’autre part, la section par laquelle le cylindre liquide imparfait tient à la masse qui se rassemble au fond du vase, comme jouant le rôle des deux bases de Ja figuré. Or, il est évident que, du côté de la seconde de ces bases, la portion extrême de la figure qui se transforme doit être un étranglement : car si elle constituait un renflement, il y aurait discontinuité de courbure à la jonction des surfaces respectives de celui-ci et de la grosse masse, ce qui est inadmissible. Mais la même raison n’existe pas à l’autre base, et l'expérience montre que, de ce côté, c’est un renflement qui se forme, puisque après la terminaison du phénomène, on trouve toujours au bec -de lentonnoir une masse comparable aux sphères isolées. Ainsi, dans cette expérience, la transformation se dispose suivant le second mode. D’après cela, puisque la longueur totale de la figure est d'environ 200», et que la transformation donne constamment deux sphères isolées, la longueur mm moyenne des divisions a ($ 55) pour valeur approchée UT 66u,7; je 5 80 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE dis la longueur moyenne, parce que le diamètre de la figure allant un peu en croissant du haut de celle-ci vers le bas, il est probable que les divisions ne sont pas tout à fait égales en longueur. Ajoutons ici, que la transformation s’opérant dans des circonstances toujours identiques, et, par conséquent, en l'absence de causes perturbatrices accidentelles, la quantité ci-dessus doit représenter la longueur normale des divisions où la longueur la plus voisine possible de cette dernière. Maintenant, j'estime que le diamètre moyen de la figure, considérée avant la trans- formation, est d'environ 4""; on aura donc, pour la valeur approchée du rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre du cylindre, 66,7 4 dans le cas d’un cylindre d’huile formé au sein du mélange alcoolique; or, ce rapport est, comme on voit, de beaucoup supérieur à celui qui appar- tient au cas d’un cylindre de mercure reposant sur une plaque de verre. A la vérité, il se pourrait que la longueur 66"",7, différàt assez notable- ment de la longueur normale : car si, d’une part, la longueur totale de notre figure d’huile est considérable relativement au diamètre , d’une autre part le nombre des divisions qui s’y forment est très-petit. Voyons donc quelle est, par exemple, la plus petite valeur que pourrait avoir la lon- gueur normale des divisions. Pour cela, remarquons d’abord qu'ici, malgré l'absence de causes perturbatrices , le troisième mode de transformation est possible; en effet, l’étranglement inférieur adhérant à une base li- quide, rien n’empêcherait l'huile qu’il perd de traverser cette base pour se rendre dans la grosse masse, de sorte que, dans le troisième mode aussi, le sens des mouvements de transport pourrait être le même à l’é- gard de tous les étranglements ($ 52). Cela posé, comme le dé- nominateur de l'expression qui donne la longueur d’une division ne peut varier moins que par demi-unités ($d3), et comme la longueur que nous avons trouvée résultait de la division de 200"" par 5, il s'en- 900mm suit que la longueur immédiatement inférieure serait ++ = 57""1, ce qui correspondrait à trois sphères isolées et à une transformation disposée suivant le troisième mode. Mais puisque les choses n’ont pas lieu de cette = 16,7. Tel est donc approximativement le rapport constant cherché D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 81 manière, puisqu'il ne se forme jamais que deux sphères isolées, et que la transformation adopte toujours le second mode, il faut en conclure que la longueur normale des divisions est plus rapprochée de la longueur trouvée 66"",7 que de la longueur 57,1; si donc la longueur normale est au-dessous de la première de ces deux quantités, elle doit du moins être supérieure à leur moyenne, c’est-à-dire à 61"",9; et, par consé- quent, le rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre 61,9 du cylindre est nécessairement plus grand que = 185; or, ce der- nier nombre surpasse encore de beaucoup le nombre 6,53 correspon- dant au cylindre de mercure. Ainsi, en réalité, le rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre du cylindre varie, soit avec la nature du liquide, soit avec les circonstances extérieures, soit avec ces deux éléments. $ 57. Mais je dis qu’il y a une limite au-dessous de laquelle ce même rapport ne peut descendre, et que celle-ci est précisément la limite de la “stabilité. Concevons un cylindre liquide d’une longueur suffisante par rapport au diamètre, compris entre deux bases solides, et effectuant sa transfor- mation avec une régularité parfaite. Supposons, pour fixer les idées , que le phénomène se soit disposé suivant le second mode, ou, en d’autres termes, que les portions extrêmes de la figure soient l’une un étrangle- ment et l’autre un renflement; alors, comme nous l'avons vu ($ 52), la régularité de la transformation s’étendra à ces dernières portions , c’est-à- dire que l’étranglement et le renflement extrêmes seront respectivement identiques avec les portions de même espèce du reste de la figure. Cela posé, prenons la figure à une époque du phénomène où elle ne présente encore que des étranglements et des renflements, et considérons de nouveau les sections dont le diamètre est égal à celui du cylindre (ibid.). Partons de la portion extrême étranglée; la base solide sur laquelle celle-ci s’ap- puie , et qui constitue la première des sections dont il s’agit, occupera, comme nous l’avons fait voir, l’origine même de l’étranglement ; puis nous aurons une seconde section à l’origine du premier renflement; une troi- sième à l'origine du second étranglement, une quatrième à l’origine du Tome XXII. 11 82 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE second renflement, et ainsi de suite; de sorte que toutes les sections d’or- dre impair occuperont les origines des étranglements, et toutes celles d’ordre pair, les origines des renflements. L'intervalle compris entre deux sections d'ordre impair consécutives renfermera donc un étranglement et un renflement; et puisque la figure commence par un étranglement et se termine par un renflement, il est clair que sa longueur totale se trouvera partagée en un nombre entier de semblables intervalles. En vertu de l'exacte régularité que nous avons supposée dans la transformation, tous les intervalles dont il s’agit seront égaux en longueur; et comme l'instant où nous considérons la figure peut être pris arbitrairement depuis l’ori- gine du phénomène jusqu’au maximum d’approfondissement des étran- glements, il s'ensuit que l'égalité de longueur des intervalles subsiste pendant toute cette période, et que, par conséquent, les sections qui terminent ces intervalles conservent pendant cette même période des posi- tions parfaitement fixes. En outre, les parties de la figure respectivement contenues dans chacun des intervalles subissant identiquement et simul- tanément les mêmes modifications, les volumes de toutes ces parties demeurent égaux entre eux ; et comme leur somme est toujours égale au volume total du liquide, il s'ensuit que, depuis l’origine de la transfor- mation jusqu’au maximum d’approfondissement des étranglements, chacun de ces volumes partiels demeure invariable, ou, en d’autres termes, qu'aucune portion de liquide ne passe d’un intervalle dans les inter- valles adjacents. Ainsi, à l'instant où nous considérons la figure, d’une part, les deux sections qui terminent un même intervalle auront conservé leurs positions et leurs diamètres primitifs, et, d’une autre part, ces sec- tions n’auront été franchies par aucune portion de liquide. Les choses se seront donc passées dans chaque intervalle absolument de la même manière que si les deux sections qui le terminent eussent été des disques solides. Mais entre deux disques solides la transformation ne peut s’opérer si le rapport entre la distance qui sépare ces disques et le diamètre du cylindre est plus petit que la limite de la stabilité; donc le rapport entre la lon- gueur de nos intervalles et le diamètre du cylindre ne peut être inférieur à cette même limite. Or, la longueur d’un intervalle est évidemment égale D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 85 à celle d’une division : car la première est, d’après ce que nous avons vu ci-dessus, la somme des longueurs d’un renflement et d’un étranglement, et la seconde est la somme des longueurs d’un renflement et de deux demi- étranglements ($ 55); donc le rapport entre la longueur d’une division et le diamètre du cylindre ne peut être moindre que la limite de la stabilité; et nous remarquerons ici que cette conclusion est également vraie, soit que les divisions puissent ou non prendre exactement leur longueur normale. $ 58. Essayons maintenant de faire la part de la nature du liquide et celle des circonstances extérieures , et commençons par cette dernière. Notre cylindre de mercure doit contracter, sur toute la ligne suivant laquelle il touche la plaque de verre , une petite adhérence avec cette pla- que, adhérence qui doit entraver plus ou moins la transformation. Pour découvrir si cette résistance influait sur la longueur normale des divi- sions , et, par suite, sur le rapport entre celle-ci et le diamètre du cylin- dre, un moyen simple se présentait, c'était d'augmenter cette même résistance. Afin d'arriver à ce résultat, j'ai disposé l’appareil de manière à n’enlever qu’une des bandes de verre, de sorte que la figure liquide demeurait alors en contact à la fois avec la plaque et avec l’autre bande. J'ai répété encore dix fois l’expérience, en employant les fils de cuivre de 1®",05 de diamètre, et en donnant au cylindre une longueur de 100m. Les résultats ont été les suivants : NOMBRE ÉAbses LONGUEUR des d’une SPHÈRES ISOLÉES. ADHÉRENTES AUX BASES. DIVISION. ne 9 Une grande et une petite. 10,00 8 Id. 11,11 9 Id. 10,00 8 Id. 11,11 11 Deux petites. 8,69 8 Une grande et une petite. 11,11 8 Id. 11,11 8 Deux grandes. 10,53 8 Une grande et une petite. 11,11 6 Deux grandes. 13,35 | 84 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE On voit que les différentes valeurs de la longueur d’une division sont toutes , une seule exceptée, notablement supérieures à toutes celles qui se rapportent à un cylindre de même diamètre dont la surface ne touche le verre que par une seule ligne ($ 54). IL faut donc conclure de là que, toutes choses égales d’ailleurs, la longueur des divisions croît avec la résistance extérieure, et que, par conséquent, sous l’action d’une sem- blable résistance, cette longueur est nécessairement plus grande qu’elle ne le serait si le cylindre avait sa surface convexe entièrement libre. Dans la série ci-dessus, aucun résultat ne s’est montré fort régulier; mais on comprend que la moyenne des valeurs de la troisième colonne approchera de la longueur normale des divisions. C’est, d’ailleurs, ce que confirment les tableaux des paragraphes 54 et 55 : si l'on prend dans le premier les moyennes respectives des valeurs des deux séries, on trou- vera pour l’une 6,77, et pour l’autre 7"",17, quantités dont la pre- mière est presque égale à la longueur 6"",67, qui peut être considérée comme la longueur normale, et dont la seconde n’en diffère pas consi- dérablement; et si l’on prend de même la moyenne relative au tableau suivant, on trouvera 15",15, quantité très-voisine de la longueur 15%",53, qui peut aussi, dans le cas du second tableau, être regardée comme la longueur normale. Or, la moyenne correspondante au tableau ci-dessus est 10"",81; par conséquent, dans le cas de deux lignes de contact, nous aurons pour la valeur approchée du rapport entre la lon- ue ete . 10,81 gueur normale des divisions et le diamètre du cylindre, os — 1029, tandis que, dans le cas d’une seule ligne de contact, nous avons trouvé seulement 6,55. Ainsi , en définitive, le rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre du cylindre augmente par l'effet d’une résistance extérieure. $ 59. Passons à ce qui concerne la nature du liquide. Tous les liquides sont plus ou moins visqueux : c’est-à-dire que leurs molécules ne jouis- sent pas d’une mobilité parfaite les unes à l'égard des autres. Or, de là naît une résistance intérieure qui doit également rendre la transformation moins facile; et puisque les résistances extérieures augmentent la longueur des divisions, on comprend que la viscosité agira de la même manière, D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 85 et que, par conséquent, toutes choses égales d’ailleurs, le rapport dont nous nous occupons croîtra avec cette même viscosité. Mais, d’un autre côté, à égalité de courbures, les intensités des forces qui produisent la transformation varient avec la nature du liquide : car ces intensités dépendent, pour chaque liquide, de celle de l'attraction mutuelle des molécules. Or, il est clair que la viscosité exercera d’autant plus d'influence sur la longueur des divisions que les intensités des forces dont il s’agit seront moindres. Ainsi , abstraction faite des résistances extérieures, le rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre du cylindre sera d’autant plus grand que le liquide sera plus visqueux et que les forces figuratrices y seront plus faibles. On peut comparer numériquement, pour les mêmes courbures, les intensités des forces figuratrices correspondantes à différents liquides. En eflet, rappelons-nous d’abord que la pression correspondante à un élément de la couche superficielle et rapportée à l’unité de surface, a pour expression (S 4) | eE dE Rnheler.sili SR ) or, la partie P de cette pression ayant la même valeur pour tous les éléments de la couche superficielle, et les pressions se transmettant dans toute la masse, cetie partie P se trouvera toujours détruite, qu'il y ait équilibre ou non dans la figure liquide; de sorte que la partie active de la pression , celle qui constitue la force figuratrice, aura simplement pour 2 (r R la force figuratrice due à un élément de la couche superficielle est propor- tionnelle au coefficient A. Or, ce coefficient est le même qui entre dans l'expression connue de l'élévation ou de l’abaissement d’un liquide dans un tube capillaire, et, par conséquent, les mesures relatives à cette élé- vation ou à cet abaissement peuvent nous donner, pour chaque liquide, la valeur du coefficient dont il s’agit. D'après cela , nous pourrons dire aussi que le rapport entre la longueur SENS \ RP | a mesure + |[— + &) On voit donc qu’à égalité de courbures, l'intensité de 86 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE . normale des divisions et le diamètre du cylindre sera d’autant plus grand que le liquide sera plus visqueux et que la valeur de A qui correspond à ce dernier sera moindre. Par exemple, l'huile est beaucoup plus visqueuse que le mercure; d’un autre côté, il serait aisé de faire voir que la valeur de A est beaucoup plus petite pour le premier de ces deux liquides que pour le second ; enfin, cette valeur doit encore être fort amoindrie à l'égard de notre figure d’huile par la présence du mélange alcoolique ambiant, l'attraction mutuelle des molécules des deux liquides en contact diminuant les intensités des pres- sions (S 8). Voilà pourquoi le rapport appartenant à un cylindre d'huile formé au sein du mélange alcoolique surpasse considérablement celui qui appartient à un cylindre de mercure reposant sur une plaque de verre, malgré la petite résistance extérieure à laquelle ce dernier est soumis. $ 60. IL résulte de cette discussion concernant les résistances, que la plus petite valeur que l’on puisse supposer au rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre du cylindre, correspond au cas où il y aurait à la fois absence complète de résistance extérieure et de viscosité; et, d’après la démonstration donnée dans le paragraphe 57, cette plus petite valeur serait au moins égale à la limite de la stabilité. Or, comme tous les liquides sont plus ou moins visqueux, il s’ensuit que, même dans l'hypothèse de l'annulation de toute résistance extérieure, le rapport dont il s’agit surpassera toujours la limite de la stabilité; et puisque celle-ci est supérieure à 3, ce même rapport sera à plus forte raison toujours supé- rieur à 5. Il est à croire que la plus petite valeur ci-dessus considérée, c’est-à- dire celle qu’aurait le rapport dans le cas d’une absence complète de résistance tant intérieure qu’extérieure, serait égale à la limite même de la stabilité, ou la surpasserait excessivement peu. En effet, d’une part, le rapport s'approche de cette limite à mesure que les résistances diminuent, et, d’une autre part, pour peu qu’il la dépasse la transformation devient possible ($ 57); on ne voit donc pas de raison pour qu’il en différàt sen- siblement si les résistances étaient absolument nulles. C’est d'ailleurs ce que les résultats de nos expériences tendent à confirmer. D'abord, en D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 87 effet, puisque le rapport appartenant à notre cylindre de mercure des- cend de 10,29 à 6,35 en passant du cas où le cylindre touche le verre par deux lignes à celui où il ne le touche que par une seule (S 58), il est clair que si ce dernier contact pouvait être lui-même supprimé, ce qui ne laisserait plus subsister que la seule influence de la viscosité, le rapport deviendrait de beaucoup inférieur à 6,55; et comme, d’un autre côté, il doit surpasser 3, nous pouvons bien admettre qu’il se trouverait du moins compris entre ce dernier nombre et 4, de sorte qu’il se rapprocherait beaucoup de la limite de la stabilité. Si donc il était possible d'annuler aussi la viscosité, le nouveau décroissement que subirait alors le rap- port amènerait bien probablement celui-ci jusqu’à la limite même dont il s’agit, ou du moins jusqu’à une valeur qui en difiérerait excessivement peu. Ainsi, d’une part, la plus petite valeur du rapport, celle qui correspon- drait à une complète nullité de résistances , ne différerait pas ou ne différe- rait guère de la limite de la stabilité; et, d’une autre part, sous l’in- fluence de la viscosité seule le rapport appartenant au mercure s’éloignerait peu de cette plus petite valeur. On voit donc que l'influence de la visco- sité du mercure est faible, ce qui s'explique d’ailleurs naturellement par la petitesse connue de cette même viscosité. D'après cela, dans le cas des autres liquides très-peu visqueux, tels que l’eau, l'alcool, etc., la viscosité ne pouvant non plus constituer qu’une résistance minime, on comprend que malgré les différences dans les inten- sités des forces figuratrices, cette viscosité n’exercera de même qu’une faible influence sur le rapport que nous considérons. De là résulte qu’en l'absence de toute résistance extérieure, les valeurs de ce rapport respec- tivement correspondantes aux différents liquides très-peu visqueux ne pourront s'éloigner beaucoup de la limite de la stabilité; et comme le plus petit nombre entier supérieur à celle-ci est 4, nous pouvons à l’é- gard de ces mêmes liquides adopter ce nombre comme représentant, en moyenne, la valeur approximative probable du rapport dont il s’agit. En partant de cette valeur, le calcul donne pour le rapport entre le diamètre des sphères isolées qui résultent de la transformation et le dia- 88 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE mètre du cylindre, le nombre 1,82, et pour le rapport entre la distance de deux sphères voisines et ce même diamètre, le nombre 2,18. $ 61. Une autre conséquence découle encore de notre discussion. Soit, pour simplifier, le diamètre du cylindre pris comme unité. Alors le rap- port entre la longueur normale des divisions et le diamètre exprimera cette longueur normale elle-même, et le rapport qui constitue la limite de la stabilité exprimera la longueur même correspondante à cette limite. Ceci convenu, reprenons la conclusion à laquelle nous sommes arrivés au commencement du paragraphe précédent, conclusion que nous énonce- rons, par conséquent, ici en disant que pour tous les liquides la longueur normale des divisions surpasse toujours la limite de la stabilité; rappelons- nous, en second lieu , que la somme des longueurs d’un étranglement et d’un renflement est égale à celle d’une division ($ 37), et, en troisième lieu, qu’au premier instant de la transformation, la longueur d’un étran- glement est égale à celle d’un renflement ($ 46). Or, de l’ensemble de ces propositions il résulte que, lorsque la transformation d’un cylindre com- mence à s'effectuer, la longueur d’une seule portion, soit étranglée, soit renflée, est nécessairement supérieure à la moitié de la limite de la stabi- lité; et que, par conséquent, la somme des longueurs de trois portions contiguës, par exemple de deux renflements et de l’étranglement intermé- diaire, est supérieure à une fois et demie cette même limite. Donc enfin, si la distance des bases solides est comprise entre une fois et une fois et demie la limite de la stabilité, il est impossible que la transformation donne lieu à trois portions, et elle ne pourra, par conséquent, produire alors qu’un seul renflement juxtaposé à un seul étranglement. C’est, en effet, comme nous l'avons vu, toujours de cette manière que la chose s’est passée à l'égard du cylindre du paragraphe 46, cylindre qui se trouvait évidem- ment dans la condition ci-dessus, et lon s'explique maintenant la non- symétrie de sa transformation. $ 62. Ainsi que nous l'avons annoncé en terminant le paragraphe 48, nous avons encore à décrire un fait remarquable qui accompagne tou- jours la fin du phénomène de la transformation d’un cylindre liquide en masses isolées. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 89 Dans la transformation des gros cylindres d'huile, soit imparfaits, soit exacts ($ 44 à 46), lorsque la partie étranglée s’est considérablement amincie, et que la séparation semble sur le point d’avoir lieu, on voit, en effet, les deux masses refluer rapidement vers les anneaux ou les disques; mais elles laissent entre elles un filet cylindrique qui établit encore, pen- dant un temps très-court, la continuité de l’une à l’autre (fig. 28); puis ce filet se résout lui-même en masses partielles. Généralement il se divise en trois parties, dont les deux extrêmes vont se confondre avec les deux grosses masses, et dont l'intermédiaire forme une sphérule de quelques millimètres de diamètre, qui demeure isolée au milieu de l'intervalle qui sépare les grosses masses ; en outre, dans chacun des intervalles entre cette sphérule et les deux grosses masses, on voit une autre sphérule beau- coup plus petite : ce qui indique que la séparation des parties du filet ci- dessus s’est effectuée de même par des effilements ; la fig. 29 montre cet état définitif du système liquide. Les mêmes effets se produisent dans la résolution en sphères du cylindre d'huile mince et allongé du paragra- phe 47; seulement, il y a souvent, dans l’un ou l’autre des intervalles entre les sphères, un nombre plus grand de sphérules, et, en outre, la formation du filet principal est moins facile à observer, à cause de la marche plus rapide des phénomènes. Enfin, dans le cas de nos cylindres de mercure, la résolution en sphères s’accomplit aussi en trop peu d’in- stants pour que l’on puisse apercevoir la formation des filets; mais on trouve toujours, dans plusieurs des intervalles entre les sphères, une ou deux sphérules très-petites, d’où l’on peut conclure que la séparation s’est effectuée par le même mode 1. ! On ne peut s'empêcher de reconnaître une analogie entre le phénomène de la formation des filets liquides, et celui de la formation des lames. En effet, dans l'expérience du paragraphe 23, par exemple, la lame plane commence à naître lorsque les deux surfaces concaves opposées sont près de se toucher par leurs sommets; et, dans la résolution d'un cylindre en sphères, les filets commencent à se former lorsque toutes les sections méridiennes de la figure sont peu éloignées de se toucher par les sommets de leurs parties concaves. Lorsqu'il s'est agi des lames, nous avons envisagé leur formation comme indiquant une sorte de tendance vers un état particulier d'équilibre, qui résulterait de ce que, pour la partie mince du système liquide, la loi ordinaire des pressions serait modifiée. Pour que l'analogie entre les deux ordres de phénomènes fût complète, il faudrait done que des filets liquides excessivement Towe XXIII, 12 90 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE Maintenant que nous connaissons toute la marche que doit suivre la transformation d’un cylindre liquide en sphères isolées, nous pouvons la représenter graphiquement; la fig. 50 montre plusieurs des formes sueces- sives par lesquelles passe graduellement la figure liquide, à partir du cy- lindre jusqu'au système de sphères isolées et de sphérules. Cette figure se rapporte au cas d’un liquide très-peu visqueux, tel que l’eau, l'al- cool, etc., et d’une liberté complète de la surface convexe du cylindre ; par conséquent, d’après la conclusion probable qui termine le paragra- phe 60, le rapport entre la longueur des divisions et le diamètre a été pris égal à 4. Le phénomène de la formation des filets et de leur résolution en sphé- rules n’est pas borné au cas de la rupture de l’équilibre des cylindres liquides; il se manifeste toutes les fois qu’une de nos masses liquides, quelle que soit sa figure, se divise en masses partielles ; c’est de cette ma- nière, par exemple, que naissent, dans l’expérience du paragraphe 19 du mémoire précédent, les petites masses que nous avons comparées alors déliés réunissant des masses épaisses, pussent aussi constituer avec ces masses un système en équilibre, malgré l'incompatibilité de cet équilibre avec la loi ordinaire des pressions. Or, nous allons faire voir que cet équilibre est en réalité possible, du moins théoriquement. Prenons tou- jours pour exemple la résolution d’un cylindre instable en masses partielles. Lorsque les filets cylin- driques se forment, leur diamètre est déjà très-petit relativement aux dimensions des masses épaisses, et, par suite, leur courbure dans le sens perpendiculaire à l'axe est très-forte comparée aux courbures de ces masses. La pression correspondante aux filets est done origimairement de beaucoup supérieure à celles qui correspondent aux masses épaisses, d’où il suit que le liquide doit être chassé de l'intérieur des filets vers ces mêmes masses, et que les filets doivent aller, comme les lames, en s'amintissant. De plus, leurs courbures, et, par suite, leur pression, augmentant à mesure qu'ils deviennent plus déliés, leur tendance à s’amineir ira en croissant, et, par consé- quent, si l’on fait abstraction de l'instabilité de la forme cylindrique, on voit qu’ils devront deve- nir d'une finesse excessive, Mais je dis que l'augmentation de la pression aura une limite, au delà de laquelle cette pression ira, au contraire, en diminuant, de sorte qu’elle pourra devenir égale à celle qui correspond aux parties épaisses du système liquide. En effet, sans recourir à des développements théoriques, il est facile de voir que si le diamètre du filet devient inférieur à celui de la sphère d'activité sensible de l'attraction moléculaire, la loi de la pression doit s'y modifier, et que, le diamètre continuant à décroître, la pression doit finir par aller aussi en s'affaiblissant, malgré l'augmentation des courbures, à cause de la diminution dans le nombre des molécules attirantes. La pression pourra ainsi décroître indéfiniment : car il est clair qu'elle s'évanouirait entièrement si le diamètre du filet se réduisait à l'épaisseur d'une simple molécule. Les géomètres qui s'occupent de la théorie de l'action capillaire savent , du reste, D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 91 à des satellites 1. Le phénomène dont nous nous occupons se produit de même avec les liquides soumis à l'action libre de la pesanteur, bien qu'il soit alors moins facile à constater. Par exemple, si l’on trempe dans l’éther l'extrémité arrondie d’une baguette de verre, et qu’on retire celle-ci ver- ticalement et avec précaution, l’on voit, à l'instant où la petite quantité de liquide qui reste adhérente à la baguette se sépare de la masse, une sphérule extrêmement petite rouler sur la surface de celle-ci. Enfin, le phénomène dont il s’agit est de la même nature que celui qui a lieu lors- qu’on étire en fils des corps très-visqueux, tels que le verre ramolli par la chaleur. Seulement , dans ce as, la grande viscosité de la matière, et, en outre, l’action du froid, qui solidifie le filet à mesure qu’il se forme, maintiennent la figure cylindrique de celui-ci et permettent de lui donner une longueur indéfinie. $ 63. Pour compléter l'étude de la transformation des cylindres li- quides en sphères isolées, il nous reste encore à essayer de découvrir la que les formules de cette théorie cessent d’être applicables lorsqu'il s'agit de courbures extrême- ment fortes, ou dont les rayons sont comparables à celui de l'attraction moléculaire. © Maintenant, il résulte de ce qui précède, que l'on pourra toujours supposer au filet une minceur telle, que la pression correspondante à celui-ci soit égale à celle qui a lieu dans les masses épaisses parvenues à leur forme d'équilibre. Alors, en admettant que les filets soient mathématiquement réguliers, de manière que la pression y soit partout rigoureusement la même, et que, par consé- quent, ils n'aient aucune tendance à se résoudre eux-mêmes en petites masses partielles, l'équi- libre existera nécessairement dans le système. Dans ce cas, la forme des masses épaisses ne sera pas mathématiquement sphérique : car leur surface devra se relever un peu aux jonctions avec les filets, en présentant des courbures concaves dans le sens méridien. Cette forme sera la même que celle d’une masse isolée, traversée diamétralement par un fil solide excessivement mince ($ 10). Cesystème, comme ceux où entrent des lames, se compose de surfaces de nature différente; mais cette hétérogénéité de forme devient possible ici, de même que dans le cas des lames, à cause du changement que subit la loi des pressions en passant d’une espèce de surface à l'autre. * On comprend, du reste, que l'équilibre dont il s'agit, bien que possible théoriquement, comme nous venons de le faire voir, ne peut jamais se réaliser, à cause de l'instabilité de la forme cylin- drique des filets. Il n’en est pas de même dans le cas des lames planes : car, ainsi que nous le dé- montrerons dans la série suivante, les surfaces planes sont toujours des surfaces d'équilibre stable, quelle que soit leur étendue. 1 Ilest clair que ce. mode de formation sort entièrement de l'hypothèse cosmogonique de La Place; aussi, nous n'avons pas eu la pensée de tirer de cette petite expérience, qui se rapporte uni- quement aux effets de l'attraction moléculaire et non à ceux de la gravitation, quelque argument en faveur de l'hypothèse dont il s'agit, hypothèse que, d’ailleurs, nous n’adoptons point. 92 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE loi suivant laquelle la durée du phénomène varie avec le diamètre du cylindre, et à tâcher d'obtenir au moins quelques indices relativement à la valeur absolue de cette durée pour un cylindre d’un diamètre donné, formé d’un liquide donné, et placé dans des circonstances données. On comprend d’abord à priori que, pour un même liquide et les mêmes circonstances extérieures, et en supposant que la longueur du cylindre soit toujours telle que les divisions prennent exactement leur longueur normale ($ 55), la durée du phénomène doit croître avec le diamètre : car plus celui-ci est grand, plus est grande la masse de cha- cune des divisions, et, d’un autre côté, plus les courbures, d’où dépendent les intensités des forces figuratrices , sont faibles. Il est vrai que la surface de chacune des divisions augmente aussi avec le diamètre du cylindre, et que, par suite, il en est de même du nombre des forces figuratrices élémentaires; mais cette augmentation a lieu dans un moindre rapport que celle de la masse; c’est ce que nous allons faire voir plus nette- ment. Dans les conditions ci-dessus, deux cylindres différents en diamètre se diviseront d’une manière semblable : c’est-à-dire que le rapport entre la lon- gueur d’une division et le diamètre sera le même des deux parts ($ 55). Or, on peut regarder comme évident, que la similitude de figure se main- tiendra dans toutes les phases de la transformation; c’est, d’ailleurs, ce que l'expérience confirme, comme nous le verrons bientôt. Il suit de là que, dans tous les instants homologues des transformations des deux cylindres, les surfaces respectives des divisions seront toujours entre elles comme les carrés des diamètres de ces cylindres, tandis que les masses, qui demeurent évidemment invariables pendant toute la durée des phéno- mènes, seront toujours entre elles comme les cubes de ces mêmes diamè- tres. Ainsi, à tous les instants homologues des transformations respectives, l'étendue de la couche superficielle d’une division, et, par suite, le nom- bre des forces figuratrices, qui émanent de chacun des éléments de cette couche, ne changent d’une figure à l’autre que dans le rapport des carrés des diamètres primitifs de ces figures; tandis que la masse d’une division, masse dont toutes les parties reçoivent sous l’action des forces dont il D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 93 s’agit les mouvements qui constituent la transformation, change dans le rapport des cubes de ces diamètres. Quant aux intensités des forces fi- guratrices , rappelons d’abord que celle qui correspond à un élément de la couche superficielle a pour mesure ($ 59) l'expression SR + r} Cela posé, si, à un instant homologue dans les transformations des deux figures, nous prenons sur l’une des divisions de chacune de celles-ci un point semblablement placé, il est clair, d’après la similitude de ces mêmes figures, que les rayons de courbure principaux correspondants au point pris sur la seconde, seront à ceux qui correspondent au point pris sur la pre- mière , dans le rapport des diamètres des cylindres originaires; de sorte que si ce rapport est », et que les rayons relatifs au point de la première figure soient R et R’, ceux qui appartiennent au point de la seconde se- ront nR et nR'; d’où il suit que les deux forces figuratrices correspon- 1 : € A4 1 dantes à ces points, auront respectivement pour mesure À (5+ ch et 2 + &) Ris e + Fr) Aïnsi, en passant de la première figure à la seconde, les intensités des forces figuratrices élémentaires seront entre elles, dans toutes les phases de la transformation, dans le rapport inverse des diamètres des cylindres. Je me suis assuré ; à l’aide des cylindres de mercure de 1"",03 et de 2,1 de diamètre ($ 54 et 55), que la durée du phénomène croît, en effet, avec le diamètre : bien que la transformation de ces cylindres s’ef- fectue très-rapidement, on reconnaît cependant sans peine que la durée relative au plus grand diamètre est supérieure à celle qui se rapporte au plus petit. $ 64. Quant à la loi qui régit cette augmentation de la durée, il se- rait sans doute à peu près impossible de parvenir à sa détermination ex- périmentale d’une manière directe : c’est-à-dire en mesurant les temps qu'exigerait l’accomplissement du phénomène à l’égard de deux cylindres assez longs pour qu'ils se convertissent respectivement en plusieurs sphè- res isolées complètes, et satisfaisant aux conditions indiquées au commen- cement du paragraphe précédent. En effet, je ne vois guère de moyen de réaliser de semblables cylindres, sans leur donner des diamètres fort pe- 94 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE tits, comme ceux de nos cylindres de mercure, et alors les durées sont trop courtes pour qu’on puisse en obtenir le rapport avec une exactitude suffisante. Mais on pourra arriver au même résultat, toutefois avec certaines restrictions dont nous parlerons bientôt, par le moyen de deux cy- lindres d'huile courts formés entre des disques ($ 46), cylindres auxquels rien n'empêche de donner des diamètres assez grands pour rendre facile la mesure précise des durées. La transformation d’un cy- lindre de cette espèce ne produit qu'un seul étranglement et un seul renflement; mais comme, dans la transformation des cylindres assez longs pour fournir plusieurs sphères isolées complètes, les phases par lesquel- les passent les étranglements et les renflements sont les mêmes pour tous, il suffit de considérer un seul étranglement et un seul renflement. On com- prend que les deux systèmes solides devront avoir des dimensions relati- ves telles, que le rapport entre la distance des disques et le diamètre de ceux-ci soit le même des deux parts, afin que la similitude existe entre les deux figures liquides à leur origine et dans tous les instants homolo- gues de leurs transformations. Avant de rendre compte de l'emploi de ces figures d'huile pour la recherche de la loi des durées, nous devons présenter ici plusieurs re- marques importantes. Nous n’aurons à faire usage de la loï dont il s’agit, que dans le cas, d’ailleurs le plus simple, où les cylindres seraient for- més dans le vide ou dans l’air, et seraient exempts de toute résistance extérieure, ou, en d’autres termes, libres sur toute leur surface convexe. Or, nos cylindres d'huile courts sont formés au sein du liquide alcooli- que, et l’on peut se demander si cette circonstance n’influe pas sur le rapport des durées correspondant à un rapport donné entre les diamè- tres de ces cylindres. D'abord, en effet, une portion plus ou moins grande du liquide alcoolique doit être déplacée par les modifications des figures, de sorte que la masse totale à mouvoir dans une transformation , se com- pose de la masse d'huile et de cette portion du liquide alcoolique; mais il est clair qu’en vertu de la similitude des deux figures d'huile et de celle de leurs mouvements, les quantités du liquide ambiant respecti- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 95 vement déplacées, seront entre elles exactement, ou du moins sensible- ment, comme les deux masses d'huile; de manière que le rapport des deux masses totales ne sera pas altéré par cette circonstance. Il est bien probable, d’après cela, que cette même circonstance n’influera pas non plus sur le rapport des durées; seulement les valeurs absolues de ces durées seront plus considérables. D'un autre côté, l'attraction mutuelle des deux liquides en contact di- minue les intensités des pressions ($ 8), et, par suite, des forces figuratrices; mais il est aisé de voir que cette diminution n’altère pas le rapport de ces intensités dans les deux figures. En effet, imaginons qu’à un instant homologue des deux transformations, le liquide alcooli- que se trouve tout à coup remplacé par de l'huile, et concevons par la pensée, dans celle-ci, les surfaces des deux figures, telles qu’elles étaient à cet instant. Alors les forces figuratrices seront complétement détruites par l'attraction de l'huile extérieure à ces surfaces, ou, en d’autres ter- mes, l’attraction extérieure sera, en chaque point, égale et opposée à la force figuratrice intérieure. Si maintenant nous rétablissons le liquide alcoolique, les intensités des attractions extérieures changeront , mais elles conserveront évidemment entre elles les mêmes rapports; d’où il suit que celles qui correspondent à deux points homologues pris sur les deux figures, seront encore entre elles comme les forces figuratrices intérieures partant de ces deux points ; de sorte qu’en définitive, les résultantes res- pectives des actions extérieure et intérieure en ces deux mêmes points, seront entre elles dans le même rapport que les deux forces intérieures seules. Ainsi les attractions exercées sur l'huile par le liquide alcoolique ambiant diminueront bien les intensités absolues des forces figuratrices, mais elles ne changeront pas les rapports de ces intensités, et 1] est à croire, par conséquent, qu’elles n’auront aucune influence sur le rapport des durées. Mais il ést clair que cette cause augmentera encore de beau- coup les valeurs absolues de celles-ci. Par les deux raïsons que nous venons d'exposer, la présence du li- quide alcoolique augmentera donc considérablement les valeurs absolues des deux durées; mais on peut admettre qu’elle n’altérera pas le rapport 96 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE de ces valeurs, de sorte que ce rapport sera le même que si les phéno- mènes s’opéraient dans le vide ou dans l'air. Nous considérerons, par conséquent, la loi que nous déduirons de nos expériences sur les cylindres d'huile courts, comme indépendante de la présence du liquide alcoolique ambiant, et c'est ce qui se trouvera appuyé par la nature même de cette loi. Mais la formation exacte de nos cylindres d'huile courts exige ($ 46) que, dans ces cylindres, le rapport entre la longueur et le dia- mètre, ou, ce qui revient au même, entre la somme des longueurs de l'étranglement et du renflement et le diamètre, surpasse peu la limite de la stabilité. Or, dans la transformation des cylindres assez longs pour fournir plusieurs sphères, qui seraient formés dans le vide ou dans l'air et libres sur toute leur surface convexe, et dont les divisions auraient leur longueur normale, le rapport de la somme des longueurs d’un étran- glement et d’un renflement au diamètre , rapport qui est le même que celui de la longueur d’une division au diamètre, varierait avec la nature du liquide ($ 59), et nous ignorons si la loi des durées est indépen- dante de la valeur de ce rapport. La loi que nous obtiendrons à lé- gard des cylindres d'huile courts ne pourra donc être légitimement ap- pliquée à des cylindres assez longs pour fournir plusieurs sphères ‘et supposés dans les conditions ci-dessus, que dans le cas où ces derniers cylindres seraient formés d’un liquide tel, qu’ils donneraient pour le rapport dont il s’agit une valeur peu supérieure à la limite de la stabilité. Or, ce cas est celui du mercure ($ 60), et c’est aussi très-probable- ment celui de tous les autres liquides fort peu visqueux (ibid.). Ainsi, la loi que nous donneront les cylindres d'huile courts, sera exacte- ment ou sensiblement celle qui conviendrait aux cylindres de mercure assez longs pour fournir plusieurs sphères, en supposant ces derniers réalisés dans le vide ou dans l'air, libres sur toute leur surface convexe, et ayant des longueurs telles, que les divisions prissent dans chacun d'eux leur longueur normale. En outre, la même loi serait applicable sans doute aux cylindres formés de tout autre liquide très-peu visqueux , et supposés dans les mêmes conditions que les précédents. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. | 97 Il serait possible que la loi fût tout à fait générale, c’est-à-dire qu’elle s’appliquât aux cylindres formés, toujours dans les mêmes conditions, d’un liquide quelconque; mais nos expériences ne nous fournissent point les éléments nécessaires pour décider cette question. Enfin, la transformation de nos cylindres courts présente une particu- larité qui entraîne une autre restriction. Les deux masses finales dans lesquelles se résout un semblable cylindre étant inégales, la plus petite atteint sa forme d'équilibre notablement avant l’autre, de sorte que la durée du phénomène n’est pas unique. Il résulte de là que nous ne pour- rons compter la durée, que jusqu’à l'instant de la rupture du filet; et, par conséquent, le rapport que nous obtiendrons ainsi pour deux cylindres, ne sera que celui des durées de deux portions homologues des transfor- mations totales. Du reste, le rapport de ces durées partielles est précisé- ment celui dont nous aurons à faire usage plus loin. S 65. J'ai exécuté les expériences dont il s’agit, en employant deux systèmes de disques, dont les dimensions respectives étaient entre elles comme 1 à 2; dans le premier, les disques avaient un diamètre de 15" et étaient séparés par une distance de 54"", et, dans le second, le diamètre était de 50" et la distance de 108". Les cylindres formés respectivement dans ces deux systèmes, étaient donc semblables entre eux, et, ainsi que je l'ai avancé ($ 65), la similitude entre les deux figures se maïntenait exactement, pour autant que l'œil pouvait en juger, dans toutes les phases de leurs transformations. Il arrivait quelquefois que le cylindre , en apparence bien formé, ne montrait aucune persistance, et commençait immédiatement à s’altérer; cette circonstance devant être attribuée à un petit reste d’irrégularité de la figure, je rétablissais aussitôt la forme cylindrique 1, et l’on ne comp- tait le temps que lorsque la figure paraissait se maintenir sous cette forme pendant quelques instants. Mais alors encore se présentait parfois une autre anomalie, qui consistait dans la formation simultanée de deux étranglements comprenant entre eux un renflement ; cette modification 1 Voir la 2° note du paragraphe 46. Toue XXIII. 43 98 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE s’arrêtait après avoir atteint un degré assez peu prononcé d’ailleurs, et la figure semblait demeurer dans le même état pendant un temps notable !; puis l’un des étranglements se prononçait peu à peu davantage, tandis que l’autre s’effaçait, et la transformation continuait ensuite à Ja ma- nière ordinaire. Comme cette particularité constituait une exception à la marche régulière du phénomène, on cessait de compter dès qu’elle se montrait, et je rétablissais encore la forme cylindrique, On ne continuait définitivement à compter le temps, que. dans les cas où, après quelque persistance de la forme cylindrique, il ne se produisait qu’un seul étran- glement. Pour chacun des deux cylindres, j'ai répété vingt fois l'expérience, afin d'obtenir un résultat moyen. Lorsqu'une transformation était opérée , je réunissais en une seule les deux masses auxquelles elle avait donné lieu, et je reformais le cylindre ?, pour passer à une nouvelle mesure du temps. Voici les nombres de secondes obtenus ; chacun d’eux exprime le temps écoulé depuis l'instant de la formation du cylindre jusqu'à celui de la rupture du filet. Ces temps étaient comptés à l’aide d’une montre battant les cinquièmes de seconde, 1 Nous verrons, dans la série suivante, à quoi tient cette singulière modification de la figure. 2 J'étirais, à cet effet, la grosse masse vers la petite, au moyen de l'anneau dont j'ai parlé dans la première note du paragraphe 46. Mais il fallait empêcher que l'anneau, en quittant la figure liquide, n'entrainât avec lui une quantité sensible d'huile; pour cela, au lieu de faire adhérer à la grosse masse la totalité de l'anneau, je laissais libre une petite portion de celui-ci, et comme alors son action était insuffisante pour étendre la grosse masse jusqu’à l’autre, j'y aïdais en pous- sant légèrement l'huile avec l'extrémité du bec de la seringue. Lorsqu'après la réunion des deux masses je retirais l'anneau , il n’abandonnait dans le liquide alcoolique qu'une sphérule fort petite, que d’ailleurs, dans l'expérience suivante, je réunissais au reste de l'huile à l’aide de l'anneau lui- même, ainsi que la plus grosse des sphérules dues à la transformation du filet. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 99 CYLINDRE CYLINDRE de 15m de diamètre. de 30mm de diamètre. 25/0 59/6 26,6 75.0 28,0 57.0 50,0 61,0 24,8 67.8 39,2 60,0 27,0 65,6 30.0 54.2 30,4 ï 61,0 29,8 52,6 36,4 51,6 32,0 68.0 50.4 75,6 24,6 61,8 32,6 53,0 35,8 58,0 33,8 63,8 20,2 60,0 28,6 52,6 52,6 55,2 Moyenne , .... 2959 Moyenne , .,. 60758 On voit que les nombres relatifs à un même diamètre ne s’écartent pas assez les uns des autres pour qué l’on ne puisse regarder le rapport des deux moyennes comme s’approchant beaucoup du rapport véritable des durées. Or, le rapport de ces deux moyennes est 2,04, c’est-à-dire presque exactement égal à celui des deux diamètres. D'ailleurs, il est évi- dent que, pour chacun de ces derniers ; le plus grand des nombres obte- nus doit correspondre au cas où le cylindre était formé de la manière la plus parfaite, et, par conséquent, il est probable que le rapport de ces deux plus grands nombres s'approche aussi beaucoup du rapport véritable des durées. Or, ces deux nombres sont, d’une part 36,4, et, de l’autre, 75,6, et leur rapport est 2,02, nombre qui diffère encore moins de 2, ou du rapport des diamètres. Nous pouvons donc admettre que les durées relatives à ces deux Cy- 100 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE lindres sont entre elles comme les diamètres de ces mêmes cylindres ; d'où nous déduirons cette loi, que la durée partielle de la transfor- mation d'un semblable cylindre est proportionnelle au diamètre de celui-ci. J'ai dit (S précéd.) que la loi ainsi obtenue fournirait par elle-même un nouveau motif de croire qu’elle ne changerait pas si nos cylindres d’huile courts étaient réalisés dans le vide ou dans l'air. En effet, la pro- portionnalité au diamètre est la loi la plus simple possible, et, d’une autre part, les circonstances dans lesquelles le phénomène s'opère sont moins simples dans le cas de la présence du liquide alcoolique qu'elles ne le seraient dans celui de son absence; par conséquent, si la loi chan- geait du premier au second, il s’ensuivrait qu'une simplification dans les circonstances amènerait, au Contraire, une complication dans la loi, ce qui est bien peu vraisemblable. Nous pouvons donc, je pense, légitimement généraliser la loi ci-dessus d’après l’ensemble des remarques du paragraphe précédent, et en tirer les conclusions qui suivent. 1° Si l’on suppose un cylindre de mercure formé dans le vide ou dans l'air, assez long pour fournir plusieurs sphères, libre sur toute sa sur- face convexe, et d’une longueur telle, que les divisions prennent exacte- ment leur longueur normale, le temps qui s’écoulera depuis l’origine de la transformation jusqu’à l'instant de la rupture des filets sera exactement ou sensiblement proportionnel au diamètre de ce cylindre. 2° Ii en est très-probablement de même à l'égard d’un cylindre formé de tout autre liquide fort peu visqueux tel que l’eau, lalcool, etc., et supposé dans les mêmes conditions. 5 IL est possible que cette loi soit entièrement générale, c’est-à-dire applicable à un cylindre formé, toujours dans les mêmes conditions , d’un liquide quelconque ; mais nos expériences nous laissent dans l'incertitude à cet égard. $ 66. Occupons-nous maintenant de la valeur absolue du temps dont il s’agit, pour un diamètre donné, le cylindre étant toujours supposé réalisé dans le vide ou dans l'air, assez long pour fournir plusieurs D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 101 sphères , libre sur toute sa surface convexe, et d'une longueur telle que ses divisions prennent leur longueur normale. Il est clair que cette valeur absolue doit varier avec la nature du li- quide : car elle dépend évidemment de la densité de celui-ci, de l’inten- sité de ses forces figuratrices , et enfin de sa viscosité. Les expériences que nous venons de rapporter ne donnent à l'égard de l'huile qu'une limite supérieure fort éloignée : c’est ce qui résulte d’abord des deux causes que nous avons signalées dans le paragraphe 64 et qui sont dues à la présence du liquide alcoolique; mais à ces deux causes s’en joint une troisième que nous devons faire connaître. Si l’on imagine un cylindre d'huile formé dans les conditions ci-dessus, la somme des longueurs d'un étranglement et d’un renflement sera nécessairement beau- coup plus considérable à l'égard de ce cylindre qu’à l'égard d’un de nos cylindres d'huile courts ayant le même diamètre : car, dans le premier, cette somme équivaut à la longueur d’une division; et, à cause de la grande viscosité de l'huile, cette dernière quantité doit surpasser de beaucoup la longueur qui correspond à la limite de la stabilité. Or, on peut poser en principe, que, toutes choses égales d’ailleurs, une augmen- tation dans la somme des longueurs d’un étranglement et d’un renflement tend à rendre la transformation plus rapide , et, par conséquent, à raccour- cir les durées totale et partielle du phénomène. En effet, pour un dia- mètre donné, plus la somme dont il s’agit s'éloigne de la longueur qui correspondrait à la limite de la stabilité, plus les forces qui produisent la transformation doivent agir avec énergie; d’ailleurs, immédiatement au-dessous de la limite de la stabilité la transformation ne s’effectuant plus, on peut alors considérer la durée du phénomène comme infinie, d'où il suit que lorsqu'on passe au delà de cette limite, la durée passe d’une valeur infinie à une valeur finie, et que, par conséquent, elle doit . décroître rapidement à partir de cette même limite; enfin, c’est aussi ce que confirment les résultats de l'observation, comme nous le montre- rons ci-après. Ainsi, lors même qu'il serait possible de former dans le -vide ou dans l'air l’un de nos cylindres d’huile courts, et d'éliminer , par conséquent, les deux causes de retard dues à la présence du liquide 102 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE alcoolique, la durée relative à ce cylindre surpasserait encore celle qui se rapporterait à un cylindre d'huile de même diamètre formé dans les conditions que nous avons supposées. ' ) J'ai dit que l'expérience vérifiait le principe ci-dessus établi, savoir que, pour un même diamètre, un même liquide; et les mêmes actions ex- térieures s’il en existe, lorsque, par une cause quelconque; la somme des longueurs d’un étranglement et d’un renflement augmente, les durées totale et partielle de la transformation deviennent moindres. Nous allons actuellement le faire voir. Dans les expériences du paragraphe précédent, la durée partielle re- lative au cylindre de 15" de diamètre, par exemple, était d'environ 50/’, terme moyen, comme l'indique le tableau. Par conséquent, si l'on for- mait dans le liquide alcoolique un cylindre d'huile semblable dont le diamètre fût de 4", la durée partielle relative à celui-ci serait , en vertu 2 Eos 8”. Main- tenant, la figure d'huile à peu près cylindrique du paragraphe 47, figure également formée dans le liquide alcoolique, avait ($ 56) un diamètre moyen d’environ 4", Dans cette! figure et dans la précédente, le diamètre, le liquide, et les actions extérieures sont donc les mêmes; mais, dans la première, la somme des longueurs de l’étranglement et du renflement ne serait égale qu'à 4m" X 3,6 = 14",4, tandis que, dans la seconde, cette même somme, qui équivaut à la longueur d’une di- vision, était (S 56 ) approximativement de 66%",7; or, en observant cette dernière figure, on reconnaît aisément que la duréé de sa trans- formation est bien inférieure à 8". À la vérité, par la nature de lexpé- rience, il est impossible de saisir à l'égard de cette même figure le com- mencément de la formation d'un étranglement ou d’un renflemént donné, de sorte que la durée complète doit surpasser notablement celle'que Fon déduirait de la simple inspection du phénomène; mais celle-ci n'ést pas d’une seconde, et ce serait sans aucun doute ‘aller trop loin que dé por- ter à deux secondes la durée complète et, à plus forté raison, la portion qui se termine à la rupture des filets. Aïnsi, dans lé cas que nous ve- nons de considérer, la somme des longueurs d’un étranglémient et d’un de la loi que nous avons trouvée, à peu près égale à D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 105 renflement devenant environ quatre fois et demie plus grande, la durée partielle devient au moins quatre fois plus petite. $S 67. Mais si, en comptant la durée absolue dans le cas de l’un de nos cylindres d'huile courts, nous n’obtenons à l'égard de ce liquide qu’une limite supérieure beaucoup trop élevée, le cylindre de mercure du para- graphe 55, cylindre qui est formé dans l'air, et dont la longueur est suf- fisante par rapport au diamètre pour que les divisions aient exactement ou à fort peu près leur longueur normale, nous fournira, au contraire, à l'égard de ce dernier liquide, une limite probablement plus rapprochée, et qui nous sera très-utile. D'abord, dans le cas de ce cylindre, dont le diamètre était, comme nous lJ’avons dit, de 2,1, la transformation ne s'effectue pas en un temps tellement court, que l’on ne puisse estimer avec quelque exactitude la durée totale du phénomène; je dis la durée totale, parce que dans une transformation aussi rapide, il serait bien difficile de saisir, l'instant de la rupture des filets. Pour approcher autant que possible de la valeur de cette durée totale, j'ai eu recours au procédé suivant. J'ai réglé, par des épreuves successives, les battements d’un métronome de telle manière qu’en soulevant avec rapidité, à l'instant précis d’un battement, le système des bandes de verre appartenant à l'appareil qui sert à former le cylindre ($$ 50 et 51), le battement suivant me parût coïncider avec la terminaison de la transformation; puis, après m'être assuré encore plusieurs fois que cette coïncidence paraissait bien exacte, j'ai déterminé la durée de l'intervalle entre deux battements, en comptant les oscillations exécutées par l'instrument pendant deux minutes, et di- visant ce temps par le nombre des oscillations. J'ai trouvé ainsi, pour l'intervalle dont il s’agit, la valeur 0//,39. La durée totale de la trans- formation de notre cylindre de mercure peut donc être évaluée approxi- mativement à 0//,39, ou, plus simplement, à 0/’,4. Mais ce cylindre n’est pas libre sur toute sa surface convexe, et son contact avec la plaque de verre doit influer sur la durée, tant directement que par l'accroissement. qu’il détermine dans la longueur des divisions. Examinons donc sous ce double point de vue l'influence dont il s’agit. 104 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE L'action directe du contact avec la plaque est sans doute bien faible : car dès que la transformation commence, le liquide doit se détacher du verre dans tous les intervalles entre les parties renflées, de manière à ne plus toucher le plan solide que par une série de très-petites surfaces appartenant à ces parties renflées; par conséquent, si l’action directe du contact de la plaque était seule éliminée, c’est-à-dire si l’on pouvait faire en sorte que le cylindre fût libre sur toute sa surface convexe, mais que cependant les divisions qui s’y forment prissent la même longueur qu'au- paravant, la durée totale se trouverait à peine diminuée. Reste donc l'effet de l’allongement des divisions. La longueur des divi- sions de notre cylindre est égale à 6,35 fois le diamètre ($ 56), tandis que, dans l'hypothèse d’une liberté complète de la surface convexe, cette lon- gueur serait très-probablement moindre que 4 fois le diamètre ($ 60 }; or, en vertu du principe établi dans le paragraphe précédent, cette aug- mentation dans la longueur des divisions entraîne nécessairement une di- minution dans la durée, diminution d’autant plus considérable , qu’elle a lieu dans le voisinage de la limite de la stabilité; par conséquent, si l’on pouvait faire en sorte que l'allongement dont il s’agit n’existât pas, la durée totale se trouverait très-notablement accrue. Ainsi, la suppression de l'action directe du contact de la plaque ne produirait dans la durée totale qu’une diminution très-légère; et l’annu- lation de l'allongement des divisions déterminerait, au contraire, un ac- croissement très-notable dans cette même durée ; si donc ces deux influences étaient éliminées à la fois, ou, en d’autres termes, si notre cylindre était libre sur toute sa surface convexe, la durée totale de sa transformation serait très-notablement supérieure au résultat direct de l’observation. Maintenant, la quantité que nous avons à considérer, c’est la durée par- tielle, et non la durée totale; mais, dans les mêmes circonstances, la première doit être peu inférieure à la seconde : car lorsque les filets vont se rompre, les masses entre lesquelles ils s'étendent approchent déjà de la forme sphérique; par conséquent, en vertu de la conclusion ci-dessus obtenue, nous devons admettre que la durée partielle dont nous nous occupons, c'est-à-dire celle qui se rapporterait au cas d’une liberté com- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 105 plète de la surface convexe du eylindre , excéderait encore notablement la durée totale observée, savoir 0'',4. En partant de cette valeur 0’’,4 comme constituant la limite inférieure correspondante à un diamètre de 2"",1, la loi de la proportionnalité de la durée partielle au diamètre donnera immédiatement la limite infé- rieure correspondante à un autre diamètre quelconque : on trouvera, par MA PA CANON 2,1 exemple, que, pour dix millimètres, cette limite serait de ou plus simplement, de 2’. Si donc on suppose un cylindre de mercure de un centimètre de diamè- tre, formé dans le vide ou dans l'air, assez long pour fournir plusieurs sphères , libre sur toute sa surface convexe, et d’une longueur telle que ses divisions prennent leur longueur normale, le temps qui s’écoulera de- puis l’origine de la transformation de ce cylindre jusqu’à l'instant de la rupture des filets surpassera notablement deux secondes. $ 68. Il n’est pas inutile de présenter ici, en résumé, l’ensemble des faits et des lois que les expériences décrites dans ce qui précède nous ont conduits à établir à l'égard des cylindres liquides instables. 4° Lorsque un cylindre liquide est formé entre deux bases solides, si le rapport de sa longueur à son diamètre surpasse une certaine limite dont la valeur exacte est comprise entre 3 et 5,6, le cylindre constitue une figure d'équilibre instable. La valeur exacte dont il s’agit est ce que nous nommons {a limite de la stabilité des cylindres. 2 Si le cylindre a une longueur considérable par rapport à son dia- mètre, il se convertit spontanément, par la rupture de l’équilibre , en une série de sphères isolées, égales en diamètre, également espacées, ayant leurs centres sur la droite qui formait l'axe du cylindre, et dans les intervalles desquelles sont rangées, suivant ce même axe, des sphérules de différents diamètres. Seulement chacune des bases solides retient adhé- rente à sa surface une portion de sphère. 5° La marche du phénomène est la suivante : le cylindre commence par se renfler graduellement sur des portions de sa longueur situées à égale distance les unes des autres, tandis qu’il s’amincit dans les portions Towe XXIIL. 14 106 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE A intermédiaires, et la longueur des renflements ainsi formés est égale ou à fort peu près à celle des étranglements; ces modifications continuent à se prononcer de plus en plus, en s’effectuant avec une vitesse accélérée, jusqu’à ce que les milieux des étranglements soient devenus très-minces ; alors, à partir de chacun de ces milieux, le liquide se retire rapidement dans les deux sens, mais en laissant encore les masses réunies deux à deux par un filet sensiblement cylindrique; puis celui-ci éprouve les mêmes modifications que le cylindre ; seulement il ne s’y forme en général que deux étranglements, qui comprennent, par conséquent, entre eux un ren- flement; chacun de ces petits étranglements se convertit à son tour en un filet plus délié, qui se brise en deux points et donne naissance à une sphé- rule isolée très-petite, tandis que le renflement ci-dessus se transforme en une sphérule plus grande; enfin, après la rupture de ces derniers filets, les grosses masses prennent complétement la forme sphérique. Tous ces phénomènes s’accomplissent d’une manière symétrique par rapport à l'axe, de sorte que, pendant leur durée, la figure ne cesse pas d’être de révo- lution. 4° Nous nommons divisions d'un cylindre liquide, les portions de ce cylindre dont chacune doit fournir une sphère, soit que nous considérions par la pensée ces portions dans le cylindre même, avant qu’elles aient commencé à se dessiner, soit que nous les prenions pendant la transfor- mation, c'est-à-dire pendant que chacune d'elles se modifie pour arriver à la forme sphérique. La longueur d’une division mesure, par conséquent, la distance constante qui, pendant la transformation, se trouve comprise entre les cercles de gorge de deux étranglements voisins. Nous nommons, en outre, longueur normale des divisions, celle que pren- draient les divisions si le cylindre auquel elles appartiennent avait une longueur infinie. Dans le cas d’un cylindre limité par des bases solides, les divisions prennent aussi la longueur normale lorsque la longueur du cylindre est égale au produit de cette même longueur normale par un nombre entier ou bien par un nombre entier plus un demi. Alors, si le second facteur est un nombre entier, la transformation se D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 107 dispose de telle manière, que, pendant son accomplissement, la figure se termine d’un côté par un étranglement et de l’autre par un renflement ; si le second facteur est composé d’un nombre entier plus un demi, la figure se termine de chaque côté par un renflement. Quand la longueur du cylindre ne remplit ni lune ni l’autre de ces conditions , les divisions prennent la longueur la plus approchée possible de la longueur normale, et la transformation adopte celle des deux dispo- sitions ci-dessus la plus convenable pour atteindre ce but. 5° Pour un cylindre d’un diamètre donné, la longueur normale des divisions varie avec la nature du liquide, et avec certaines circonstances extérieures , telles que la présence d’un liquide ambiant ou le contact de la surface convexe du cylindre avec un plan solide. Dans tous les énoncés qui suivent, nous prendrons le cas le plus simple, savoir celui de l'absence de ces circonstances extérieures; en d’autres termes, nous supposerons toujours les cylindres réalisés dans le vide ou dans Pair , et libres sur toute leur surface convexe. 6° Deux cylindres différents en diamètre, mais formés du même liquide, et ayant des longueurs telles que les divisions prennent dans chacun d’eux leur longueur normale, se divisent d’une manière semblable, c’est-à-dire que les longueurs normales respectives des divisions sont entre elles comme les diamètres de ces cylindres. En d’autres termes, la nature du liquide ne changeant pas, la longueur normale des divisions d’un cylindre est proportionnelle au diamètre de celui-ci. Il en est de même, par conséquent, du diamètre des sphères isolées dans lesquelles se convertissent les divisions normales, et de la longueur des intervalles qui séparent ces sphères. T° Le rapport entre la longueur normale des divisions et le diamètre ‘du cylindre surpasse toujours la limite de la stabilité. 8° Ce rapport est d'autant plus grand que le liquide est plus visqueux et que les forces figuratrices y sont plus faibles. 9% Pour un cylindre de mercure, ce même rapport est de beaucoup inférieur à 6, et l’on peut admettre qu'il se trouve au-dessous de 4. 108 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE Pour un cylindre formé de tout autre liquide fort peu visqueux, tel que l’eau, l'alcool , etc., il est très-probable que le rapport dont il s’agit s'éloigne peu de 4. D’après cela, dans le cas de ces derniers liquides, on a pour la valeur approximative probable du rapport entre le diamètre des sphères isolées qui résultent de la transformation et le diamètre du cy- lindre, le nombre 1,82; et pour celle du rapport entre la distance de deux sphères voisines et ce même diamètre, le nombre 2,18. 10° Si le liquide est du mercure, et que les divisions aient leur lon- gueur normale, le temps qui s'écoule depuis l’origine de la transforma- tion jusqu’à l'instant de la rupture des filets, est exactement ou sensible- ment proportionnel au diamètre du cylindre. Cette loi s'applique aussi, très-probablement, à chacun des autres li- quides fort peu visqueux. Il est possible que cette même loi soit générale, c’est-à-dire qu’elle s'applique à tous les liquides; mais nos expériences laissent la chose in- certaine. 11° Pour un même diamètre , et les divisions ayant toujours leur lon- gueur normale, la valeur absolue du temps dont il s’agit varie avec la nature du liquide. 12° Dans le cas du mercure, et pour un diamètre de un centimètre, cette valeur absolue est notablement supérieure à deux secondes. 15° Lorsque un cylindre est formé entre deux bases solides suffisam- ment rapprochées pour que le rapport de la longueur du cylindre au diamètre soit compris entre une fois et une fois et demie la limite de la stabilité, la transformation ne produit qu'un seul étranglement et un seul renflement; on n'obtient alors pour résultat final, que deux portions de sphère inégales en volume et en courbure, respectivement adhérentes aux bases solides, plus des sphérules interposées. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 109 APPLICATION DES PROPRIÉTÉS DES CYLINDRES LIQUIDES : THÉORIE DE LA CONSTITUTION DES VEINES LIQUIDES LANCÉES PAR DES ORIFICES CIRCULAIRES. $ 69. Passons actuellement à l’application que nous avons annoncée de la plupart des faits et des lois ci-dessus. Considérons une veine liquide s’écoulant librement sous l'action de la pesanteur par un orifice circulaire percé en mince paroi dans le fond horizontal d’un vase. Les molécules du liquide intérieur au vase, qui affluent de tous les côtés vers l’orifice, conservent encore, comme on sait, immédiatement après leur sortie, des directions obliques au plan de cet orifice, d’où résulte un rétrécissement rapide de la veine à partir de l'orifice jusqu’à une section horizontale que l’on désigne improprement sous le nom de section contractée. Arrivées à cette section, qui est peu éloignée de l’orifice, les molécules tendent à prendre toutes une direction verticale commune, avec la vitesse correspondante à la hauteur du liquide dans le vase, et elles sont, en outre, sollicitées dans cette mème direction verticale par leur pesanteur individuelle. Il résulte de là que, l’orifice étant supposé circulaire, la veine tend à constituer, à partir de la section contractée, un cylindre sensiblement parfait et d’une longueur quel- conque; mais cette forme est modifiée, comme on le sait encore, par l'accélération que la pesanteur imprime à la vitesse du liquide, et le dia- mètre de la veine, au lieu d’être partout le même, va en décroissant plus ou moins à mesure que l’on s'éloigne de la section contractée. Si les causes que nous venons de rappeler agissaient seules, la veine se montrerait donc simplement de plus en plus effilée à mesure qu'on la considérerait plus loin de la section contractée, sans perdre ni sa limpi- dité ni sa continuité. Mais il résulte de nos expériences, qu’une semblable figure liquide, dont la forme approche de celle d’un cylindre très-allongé, doit se transformer en une série de sphères isolées ayant leurs centres rangés sur l’axe de la figure. A la vérité, il s’agit ici d’un liquidé soumis à l’action de la pesanteur ; mais il est évident que, pendant la chute libre d’un liquide, la pesanteur ne met plus aucun obstacle au jeu des attrac- 110 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE tions moléculaires, et que celles-ci doivent alors exercer sur la masse les mêmes actions. figuratrices que si cette masse était sans pesanteur et à l’état de repos ; c’est ainsi, par exemple, que les gouttes de pluie pren- nent, dans leur chute, la forme sphérique. Seulement, pour que la con- clusion précédente fût tout à fait rigoureuse, il faudrait que toutes les parties de la masse fussent animées de la même vitesse, ce qui n’a pas lieu pour la veine; mais on comprend que, si cette différence peut apporter quelques modifications au phénomène, elle ne saurait empêcher la pro- duction de celui-ci. Le liquide de la veine devra donc nécessairement arriver par degrés, pendant son mouvement, à constituer une série de sphères isolées. Mais ce liquide se renouvelant continuellement, le phénomène de la transformation doit aller aussi en se renouvelant toujours. En second lieu, chaque portion du liquide commençant à être soumise aux forces figuratrices dès qu’elle fait partie du cylindre imparfait que tend à con- stituer la veine, c’est-à-dire dès l'instant où elle franchit la section con- tractée, et demeurant ensuite, pendant son trajet, sous l’action continue de ces forces, on voit que chacune des divisions de la veine doit com- mencer à se dessiner à partir de la section contractée, et descendre, em- portée par le mouvement de translation du liquide, en se modifiant par degrés pour arriver à l’état de sphère isolée. Or, il suit de là qu'à un instant donné, les divisions de la veine doivent se trouver dans une phase d'autant plus avancée de la transformation qu’on les considère à une dis- tance plus grande de la section contractée, du moins jusqu’à celle où la transformation en sphères est complétement effectuée. De l'orifice à la distance où a lieu la séparation des masses, la veine doit évidemment être continue; mais à une distance plus grande, les portions de liquide qui passent, doivent être isolées les unes des autres. | Si donc les mouvements du liquide, tant celui de translation que celui de transformation, étaient assez lents pour qu’on püt les suivre des yeux, on verrait la veine formée de deux parties distinctes, l’une supérieure continue, l’autre inférieure discontinue. La surface de la première présen- terait une suite de renflements et d’étranglements qui descendraient avec D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 141 le liquide, en se renouvelant continuellement à partir de la section con- tractée, et qui, très-faiblement indiqués à leur origine près de cette sec- tion, se prononceraient de plus en plus pendant leur mouvement de translation, les renflements devenant plus saillants et les étranglements plus profonds; enfin, ces divisions de la veine arrivant l’une après l’autre, dans leur plus grand développement, à l'extrémité inférieure de la partie continue, on les verrait s’en détacher, et achever aussitôt de prendre la forme sphérique. En outre, la séparation de chacune de ces masses serait nécessairement précédée de la formation d’un filet qui se résoudrait en sphérules de différents diamètres; de sorte que chaque sphère isolée serait suivie de semblables sphérules. La partie discontinue de la veine se montrerait donc composée de sphères isolées de même volume et de sphérules inégales rangées dans les intervalles des premières, les unes et les autres étant emportées par le mouvement de translation, et se renou- velant sans cesse à l’extrémité de la partie continue. Or, on sait, depuis les belles observations de Savart !, que telle est, en effet, précisément la constitution réelle de la veine. Seulement, dans les circonstances ordinaires, une cause étrangère reconnue aussi par Savart, modifie plus ou moins la forme des divisions de la partie con- tinue;, et altère la sphéricité des masses isolées qui composent la partie discontinue; mais Savart a donné les moyens de se garantir de cette influence dont nous reparlerons plus loin. $ 70. Maintenant, le mouvement de translation étant trop rapide pour que les phénomènes qui se produisent dans la veine soient saisissables par l'observation directe, il doit résulter de là certaines apparences particu- lières. Rappelons ici que lorsque un cylindre liquide se résout en sphères, la vitesse avec laquelle la transformation s'effectue est accélérée, et com- mence, par conséquent, par être extrêmement petite. À cause donc de cètte petitesse originaire, et de la rapidité du mouvement de translation dans la veine, les effets de la transformation graduelle ne pourront com- mencer à devenir notables qu’à une distance plus ou moins grande de la À Annales dé chimie et de physique, août 1833. 112 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE section contractée. Jusqu'à cette distance, le passage rapide des renfle- ments et des étranglements devant l'œil ne pourra donner lieu à aucun effet sensible à la simple vue; de sorte que cette portion de la veine se montrera sous la forme qu’elle affecterait si elle n’avait aucune tendance à se diviser. À partir de cette même distance, les renflements commen- çant à prendre un développement notable, la veine paraîtra aller en s’é- largissant, jusqu’à une autre distance au delà de laquelle le diamètre se montrera constant. Telle est, en effet, comme l’ont encore montré les observations de Savart, la forme que présente à l’observation directe une veine soustraite à l'influence de toute cause perturbatrice. Enfin, on sait qu’à partir de l’orifice jusqu’au point où elle commence à paraître s’élargir, la veine se montre limpide, tandis qu’au delà elle parait plus ou moins trouble; et Savart a parfaitement expliqué ces deux aspects différents, ainsi que d’autres apparences curieuses que présente la partie trouble, en attribuant la limpidité de la portion supérieure au peu de développement des renflements et des étranglements qui s’y pro- pagent, et le trouble ainsi que les autres apparences du reste de la veine, au passage rapide devant l'œil, d’abord des renflements et des étrangle- ments devenus plus prononcés, puis plus bas, des sphères isolées et des sphérules interposées. Nous renvoyons, pour ces détails, au mémoire cité. $S 71. Mais nous pouvons aller plus loin. Deux conséquences décou- lent immédiatement de notre explication de la constitution de la veine. En premier lieu, les divisions se transformant pendant leur descente , il est clair que l’espace parcouru par une division pendant le temps qu’elle met à effectuer une partie donnée de sa transformation, sera d’autant plus grand qu’elle descendra plus vite, ou, en d’autres termes, que la charge, c’est-à-dire la hauteur du liquide dans le vase, sera plus considérable; d’où il suit évidemment que, pour un même orifice, la longueur de la partie continue de la veine doit croître avec la charge. Or, c’est ce que confirment les observations de Savart. En second lieu, puisque la transformation d’un cylindre est d'autant plus lente que le cylindre a un plus grand diamètre, le temps qu’em- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 115 ploiera une division de la veine pour effectuer une même partie de sa transformation, sera d'autant plus long que la veine aura plus d’épais- seur; d’où il suit que, si la vitesse d'écoulement ne change pas, l’espace que parcourra la division pendant ce temps, sera d'autant plus consi- dérable que le diamètre de lorifice sera plus grand; par conséquent, pour une même charge, la longueur de la partie continue doit croître avec le diamètre de l’orifice, et c’est encore ce que vérifient les observa- tions rapportées dans le mémoire cité. Quant aux lois qui régissent ces variations de la longueur de la partie continue, Savart déduit de ses observations, qui ont été faites en em- ployant des veines d’eau, que, pour un même orifice, cette longueur est à peu près proportionnelle à la racine carrée de la charge, et que, pour une même charge, elle est à peu près proportionnelle au diamètre de lorifice. Nous allons examiner si ces deux lois elles-mêmes ressortent aussi de notre explication. $ 72. Imaginons, pour un instant, que la pesanteur cesse d'agir sur le liquide dès que celui-ci franchit la section contractée. Alors, à partir de cette section, la vitesse de translation sera simplement celle qui est due à la charge, et qui a, comme on sait, pour valeur V/2gh, g désignant la pesanteur, et h la charge. Cette vitesse sera uniforme, et, par conséquent, si la veine n'avait pas de tendance à se diviser, elle demeurerait exacte- ment cylindrique sur une étendue quelconque ($ 69). Maintenant, toutes les parties du liquide étant animées de la même vitesse de translation, ce mouvement commun ne pourra influer sur l'effet des actions figuratrices ; de sorte que, par exemple, les modifications graduelles que subira chacun des étranglements, et le temps qu’il mettra à les accomplir, seront indé- pendants de la vitesse de translation. Cela posé, considérons la tranche liquide infiniment mince qui doit constituer le cercle de gorge d’un étranglement, à partir de linstant où elle quitte la section contractée. Cette tranche descendra avec une vitesse constante, et, en même temps, son diamètre ira en diminuant, jusqu'à ce que l’étranglement auquel elle appartient se transforme en filet, et alors la tranche dont il s’agit occupera le milieu de ce filet; puis le filet se Tome XXII. 15 11% SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE désunira pour se convertir en sphérules. Comme nous l'avons fait voir ci-dessus, le temps employé à l’'accomplissement de ces phénomènes, et pendant lequel la tranche liquide que nous avons considérée a parcouru la distance comprise entre la section contractée et le lieu qu'occupe le milieu du filet à l’instant précis de la rupture, est indépendant de la vitesse de translation, et, par conséquent, si le diamètre de l’orifice ne change pas, ce temps sera constant quelle que soit la charge. Or, dans un mouvement uniforme, l’espace parcouru pendant un temps déterminé étant proportionnel à la vitesse, la distance ci-dessus sera proportionnelle à V/29h, et, par suite, à V/h. Comme nous aurons souvent à faire usage de cette même distance, nous la représenterons, pour abréger, par D. Maintenant, il est aisé de comprendre que, dans notre veine, la lon- gueur de la partie continue ne diffère pas sensiblement de la distance D. En effet, la partie continue se termine à l’endroit précis où vient se produire, dans chaque filet, le plus élevé des points de rupture de celui- ci : car, à l'instant où la rupture s’effectue, tout ce qu’il y a au-dessus du point dont il s’agit se trouve dans des phases moins avancées de la trans- formation ($ 69), et possède, par conséquent, encore la continuité, tandis que tout ce qu'il y a au-dessous de ce même point est nécessairement déjà discontinu. Ainsi, d’une part, la partie continue de la veine commence à lorifice et se termine à l’endroit où vient se produire le point de rupture le plus élevé de chaque filet; et, d’une autre part, la distance D commence à la section contractée et se termine au point correspondant au milieu de la longueur de chacun des filets à l'instant de leur rupture. La partie con- tinue prend donc son origine un peu plus haut, mais aussi se termine un peu moins bas, que la distance D; la différence des origines de ces deux grandeurs et celle de leurs terminaisons doivent, par conséquent, se com- penser en partie; et, comme ces différences sont toutes deux fort petites, l'excès de l’une sur l’autre sera, à plus forte raison, très-minime, de sorte que les deux grandeurs auxquelles elles se rapportent pourront, aïnsi que je l'ai dit, être regardées sans erreur sensible comme égales entre elles 1. 1 Nous reviendrons sur ce point, et nous l'établirons alors plus nettément. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 115 En vertu de cette égalité, la longueur de la partie continue de la veine que nous considérons suivra donc sensiblement la même loi que la dis- tance D, c’est-à-dire sera à fort peu près proportionnelle à V”#. Ainsi, dans le cas imaginaire d’une vitesse de translation uniforme, nous retrouvons la première des lois données par Savart. Or, il est clair que, dans une veine réelle, la vitesse s’écartera d’autant moins de lPuni- formité que la charge sera plus considérable; d’où l’on peut inférer que, pour des charges suffisamment grandes, la longueur de la partie continue de la veine réelle devra encore suivre sensiblement cette loi. C'est, d’ailleurs , ce que nous allons démontrer d’une manière rigoureuse, $ 75. Plaçons-nous donc dans le cas réel, c’est-à-dire considérons une veine soumise à l’action de la pesanteur, et dans laquelle, par con- séquent, le mouvement de translation est accéléré. Alors, la vitesse que possède, après un temps : quelconque, une tranche horizontale du li- quide emportée par le mouvement de translation, aura pour valeur V2gh + y, le premier terme représentant la portion de la vitesse due à la charge, le second la portion due à l’action de la pesanteur sur la veine ; et:+ étant compté à partir du moment où la tranche liquide franchit la section contractée. Rappelons ici qu’en vertu de l'accélération de la vitesse, la veine, si elle ne se divisait point, irait en s’amincis- sant indéfiniment de haut en bas (S 69). Cela posé, concevons que, sous la même charge et par un autre orifice de même diamètre, s'écoule, en même temps que la veine réelle dont il s’agit, une autre veine de même liquide placée dans la condition imaginaire du paragraphe précédent. Soit 9 le temps employé dans cette seconde veine à parcourir la distance que nous avons désignée par D : c’est-à-dire celui qui se trouve compris entre l'instant où la tranche liquide qui doit constituer le cercle de gorge d’un étranglement passe à la section con- tractée , et l'instant de la rupture du filet dans lequel cet étranglement s’est transformé. Faisons, dans l'expression de la vitesse relative à la première veine, t—6, ce qui donne, pour cette vitesse après le temps 9, la valeur V/2gh +96; en d’autres termes, considérons la vitesse d’une tranche liquide appartenant à la veine réelle, après le temps nécessaire pour qu’une tranche 116 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE appartenant à la veine imaginaire ait parcouru la distance D. D’après ce que nous avons vu dans le paragraphe précédent, si l’orifice demeure le même , ce temps est constant, quelle que soit la charge, en sorte que, dans l'expression ci-dessus, le terme 99 reste invariable quand on fait varier k. Nous pourrons donc, quelle que soit la valeur de 9, supposer la charge à assez considérable pour que le terme V/2gh soit très-grand relativement au terme 6, et que ce dernier puisse, par conséquent, être négligé sans erreur sensible. Pour une valeur de » qui réalisera cette con- dition, et, à plus forte raison, pour toutes les valeurs plus grandes encore, la vitesse d’une tranche de la veine réelle pendant le temps @ pourra être regardée comme constante et égale à celle d’une tranche de la veine ima- ginaire; de sorte que, dans tout l’espace parcouru par la première pendant ce même temps à partir de la section contractée, la veine réelle, si elle ne se divisait pas, conserverait sensiblement le même diamètre, et pour- rait être regardée comme identique avec la veine imaginaire supposée également sans divisions. Maintenant, il suit nécessairement de cette identité approchée, que, pendant le temps 9, tout se passera sensiblement de la même manière dans les deux veines; par conséquent, le temps 9 sera aussi à fort peu près celui qu'emploiera, dans la veine réelle, la tranche liquide correspondante au cercle de gorge d’un étranglement, pour accomplir les modifications que nous avons considérées, et l’espace qu’elle parcourra pendant ces modi- fications, pourra être regardé comme égal à la distance D relative à la veine imaginaire. Or, puisque la partie continue de la veine réelle se termine un peu moins bas que cet espace, et se trouve , par suite, comprise dans la même portion de la veine, il suit encore de l'identité approchée ci-dessus, que celte partie continue sera sensiblement égale en longueur à celle de la veine imaginaire, et que, par conséquent, à partir de la moindre des charges considérées plus haut, les longueurs des parties continues des deux veines devront être régies à fort peu près par la même loi. Nous arrivons donc enfin à cette conclusion, que, pour un même orifice, et à partir d’une charge inférieure suffisamment grande, la lon- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 117 gueur de la partie continue de la veine réelle doit être proportionnelle à la racine carrée de la charge. D’après la démonstration précédente, la charge inférieure dont il s’agit est celle sous laquelle le mouvement de translation du liquide commence à demeurer sensiblement uniforme dans toute la portion de la veine réelle comprise entre la section contractée et le point qu’occupe le milieu de chaque filet à l'instant de la rupture; mais comme lextrémité de la partie continue est très-peu distante de ce point ($ précéd.), nous pou- vons négliger la petite différence, et dire simplement que la charge in- férieure en question est celle qui commence à rendre le mouvement de translation du liquide sensiblement uniforme jusqu’à l'extrémité de la partie continue de la veine. Ainsi, sous la condition d’une charge inférieure suffisante pour pro- duire cette uniformité approchée , condition toujours réalisable, la Loi indiquée par Savart comme établissant la relation entre la longueur de la partie continue et la charge, découle d’une manière nécessaire des pro- priétés des cylindres liquides. Pour découvrir si cette loi doit encore être vraie lorsqu'on emploie des charges plus faibles, il faut partir d’autres considérations; mais nous voyons dès à présent que si, dans ce dernier cas, la loi est différente, elle doit, du moins, nécessairement converger vers la proportionnalité dont il s’agit, à mesure qu’on augmente la charge. Remarquons ici, que, pour un liquide donné, la charge sous laquelle la veine commence à se trouver dans la condition que nous avons déter- minée , doit être d'autant moins considérable que le diamètre de lorifice est plus petit. En effet, puisque, toutes choses égales d’ailleurs, la trans- formation d’un cylindre liquide s'effectue d'autant plus rapidement que le diamètre du cylindre est moindre, il en résulte que la valeur de 6 di- minuera avec le diamètre de l’orifice, et que, par conséquent, plus celui-ci sera petit, moins la valeur de x devra être considérable pour que, dans l'expression V/2gh + gs posée au commencement de ce paragraphe, le terme 46 soit négligeable à côté du terme V/2gk, et, par suite, pour que la veine se trouve dans la condition dont il s’agit. 118 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE En outre, comme le temps 4 varie avec la nature du liquide, ilen sera nécessairement de même de la charge que nous considérons: $ 74. Occupons-nous actuellement de la seconde loi, c’est-à-dire de celle qui établit la proportionnalité approchée entre la longueur de la partie continue de la veine et le diamètre de l’orifice lorsque la charge demeure la même. Reprenons, pour un instant, le cas imaginaire d’un mouvement de translation absolument uniforme. Alors la veine constituera, abstraction faite de ses divisions, un cylindre exact à partir de la section contractée (S 72), cylindre qui sera formé dans l'air, et libre sur toute sa surface convexe; en outre, le mouvement de translation du liquide étant sans influence sur l'effet des actions figuratrices (ibid. ), et aucune cause étran- gère ne tendant à modifier la longueur des divisions, celles-ci prendront nécessairement leur longueur normale. On voit donc que, sauf la non- simultanéité de la formation de ses divisions ($69), notre veine imaginaire se trouvera précisément dans les mêmes conditions que les cylindres aux- quels se rapportent les lois récapitulées dans le paragraphe 68 ; par con- séquent , si nous considérons en particulier l’un des étranglements de cette veine, il devra passer par les mêmes formes , et accomplir ses modifica- tions dans le même temps, que l’un quelconque des étranglements qui ré- sulteraient de la transformation d’un cylindre de même diamètre que la veine, formé du même liquide, et placé dans les conditions dont il s’agit. Maintenant, dans le cas d’un cylindre de mercure, le temps compris entre l’origine de la transformation et l'instant de la rupture des filets, est, d’après l’une de nos lois, exactement ou sensiblement proportionnel au diamètre du cylindre ; et il est clair que cette loi s’applique tout aussi bien à l’un des étranglements en particulier, ou même simplement à son cercle de gorge, qu’à l’ensemble de la figure. Si donc nous supposons que notre veine imaginaire soit formée de mercure, le temps qu’emploiera le cercle de gorge de chacun de ses étranglements pour arriver à l’instant de la rupture du filet, sera exactement ou sensiblement proportionnel au dia- mètre qu’aurait la veine s’il ne s’y produisait pas de divisions, c’est-à-dire à celui de la section contractée. Or, la forme cylindrique de la veine sup- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 119 posée sans divisions né commençant qu'à la section contractée, ce n’est aussi qu’à partir de là que commencent les actions figuratrices provenant de l'instabilité de cette même forme cylindrique. Il faut donc admettre que la tranche liquide qui doit constituer le cercle de gorge d’un étrangle- ment, ne commence à éprouver les modifications qui résultent de la trans- formation, qu'à partir de l'instant où elle franchit la section contractée ; ainsi, le temps que nous considérons prend naissance à ce même instant. Mais ce temps compris entre l’instant où passe à la section contractée la tranche liquide qui doit constituer le cercle de gorge d’un étranglement et l'instant de la rupture du filet dans lequel cet étranglement se conver- tit, est celui que nous avons désigné par 4, et pendant lequel la tranche liquide parcourt la distance D; dans notre veine imaginaire de mercure, le temps 9 sera donc proportionnel au diamètre de la section contractée. D'un autre côté, le mouvement de translation étant supposé uniforme, la distance D sera proportionnelle au temps 9 employé à la parcourir. Donc, en vertu de ces deux lois, la distance D sera proportionnelle au diamètre de la section contractée. Enfin, puisque la distance D ne diffère pas sensiblement de la longueur de la partie continue de la veine, cette longueur sera également proportionnelle au diamètre de la section con- tractée. Maintenant, on sait que, dans une veine liquide, le diamètre de la sec- tion contractée peut être considéré comme proportionnel à celui de l’ori- fice quand ce dernier surpasse dix millimètres, et qu’au-dessous de cette limite, la proportionnalité ne s’altère d’une manière bien notable, que lors- que le diamètre de l’orifice devient inférieur à un millimètre’. D'ailleurs, comme cette altération est attribuée à l'influence qu’exerce l'épaisseur, quoique très-petite, des bords de l’orifice, il est probable qu’on la ren- dra moindre encore, en employant , ainsi que l’a fait Savart , des orifices 1 En effet, on déduit des résultats obtenus par Hachette (Ann. de chim. et de phys., t. IE, p.78), que pour un diamètre d'orifice égal ou supérieur à 10"", le rapport entre le diamètre de la section contractée et celui de l'orifice est, en moyenne, 0,78; qu’en passant de 40" à 1m, le rapport n’augmente que jusqu’à 0,83; et enfin, que pour un diamètre égal à O"",55, le rapport devient 0,88. 120 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE évasés extérieurement, orifices qui peuvent être taillés de manière à avoir leurs bords fort tranchants. Ainsi, avec des orifices convenablement tra- vaillés, on pourra sans doute , à partir d’un diamètre égal au plus à un millimètre , admettre, sans erreur notable, que le diamètre de la section contractée est proportionnel à celui de lorifice. D'après cela, puisque la longueur de la partie continue de notre veine imaginaire est proportionnelle au diamètre de la section contractée , elle sera également proportionnelle au diamètre de lorifice, du moins à partir d’une valeur inférieure de ce dernier, qui ne soit pas de beaucoup au- dessous d’un millimètre. Nous n'avons considéré que le cas du mercure; mais le principe d’où nous sommes partis, savoir la proportionnalité entre la durée partielle de la transformation d’un cylindre et le diamètre de celui-ci , s’applique très-probablement de même , comme nous le savons , à tous les autres liquides fort peu visqueux ; par conséquent, dans le cas de l’un quelcon- que de ces derniers liquides, il est très-probable que la longueur de la partie continue de la veine imaginaire serait également proportionnelle au diamètre de l’orifice. Il se peut, du reste, que la loi soit vraie à l'égard de tous les liquides; mais il se peut aussi qu’elle n’ait pas cette généralité. Si actuellement de la veine imaginaire nous passons à la veine réelle, nous n'avons qu’à supposer à la charge constante une valeur assez consi- dérable pour que, dans toute l'étendue que nous assignerons aux varia- tions du diamètre de l’orifice , la condition posée dans le paragraphe pré- cédent soit satisfaite; de manière que, pour chacune des valeurs données à ce diamètre, la partie continue de la veine réelle ait sensiblement la même longueur que celle de la veine imaginaire correspondante : alors la loi qui régit cette longueur pourra être regardée comme la même dans les deux espèces de veines. D’après la première des deux remarques qui terminent le paragraphe précédent, on voit que si la charge commune remplit la condition dont il s’agit à l'égard de la plus grande des valeurs que l’on assigne au diamètre de l’orifice, elle la remplira, à plus forte raison, à l’égard de toutes les autres. Nous sommes donc conduits à la conclusion définitive qui suit. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 121 Dans le cas du mercure, et très-probablement aussi dans celui de tout autre liquide fort peu visqueux tel que l’eau, si, pour une même charge, on donne au diamètre de l’orifice des valeurs croissantes, depuis une valeur peu inférieure à un millimètre jusqu’à une autre valeur déterminée quel- conque, et si la charge commune est suffisamment grande, la longueur de la partie continue de la veine sera proportionnelle au diamètre de l'orifice. Cette conclusion est peut-être vraie dans le cas d’un liquide quelconque; mais nous manquons d'éléments pour décider la question. Ainsi, avec les restrictions contenues dans l'énoncé ci-dessus, la seconde des lois données par Savart découle encore, d’une manière nécessaire , des propriétés des cylindres liquides; et l’on voit, de même, que si, dans le cas d’une charge commune peu considérable, la loi se modifie, elle doit converger vers celle de Savart à mesure que l’on donnera à cette charge une valeur plus grande. $ 75. Nous avons dit (note du $ 72) que nous-reviendrions sur le prin- cipe de l'égalité très-approchée entre la longueur de la partie continue d’une veine imaginaire et la distance D correspondante, afin d'établir ce principe d’une manière plus nette; c’est ce que nous allons faire. Soit L la longueur de la partie continue, et C la portion commune à cette longueur et à la distance D; soit aussi s l'intervalle des origines des longueurs L et D, c’est-à-dire la petite distance comprise entre lorifice et la section contractée; et soit enfin à l'intervalle des terminaisons de ces mêmes longueurs, c’est-à-dire la distance comprise entre le point de rup- ture le plus élevé du filet et le milieu de ce filet : on aura L=C+Ss, D=C + i, el, par conséquent, L—D=s—:i, d’où l’on déduit Tome XXIII. 16 122 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE Cela posé, évaluons d’abord approximativement la quantité : pour un liquide particulier, et prenons encore le mercure. D’après ce que nous avons vu au commencement du paragraphe précédent, la longueur des divisions d’une veine imaginaire est égale à la longueur normale de celles d’un cylindre de même diamètre et de même liquide, qui serait formé dans l'air et libre sur toute sa surface convexe; or, dans le cas du mercure, nous savons que le rapport entre cette longueur normale et le diamètre du cylindre devrait se trouver au-dessous de quatre; par conséquent, dans notre veine imaginaire de mercure, le rapport entre la longueur des divi- sions et le diamètre de la section contractée sera de même moindre que quatre; mais dans l'ignorance où nous sommes de la valeur exacte de ce rapport, nous la supposerons d’abord égale au nombre ci-dessus. Alors, si nous désignons le diamètre de la section contractée par #, le diamètre des sphères isolées qui composent la partie discontinue de la veine sera (S 60) égal à 1,82, et la longueur de l'intervalle entre deux sphères qui se suivent, à 2,18.4 Mais le filet dans lequel se convertit un étran- glement est nécessairement moins long que cet intervalle : car tant que la rupture n’a pas eu lieu, les deux masses que le filet rattache doivent être en- core un peu allongées, et, en outre, chacune d'elles doit présenter un petit prolongement du côté du filet, pour se raccorder à celui-ci par des cour- bures concaves. D’après la comparaison des aspects que présente, immé- diatement avant la rupture du filet et après l'achèvement total des phé- nomènes, la figure résultant de la transformation de l’un de nos cylindres d'huile courts (voir les fig. 28 et 29), j'estime que pour chacune des deux masses réunies par un filet, l'allongement vers celui-ci plus le petit pro- longement concave forment environ les deux dixièmes du diamètre que prennent ces masses après leur passage à l’état de sphères. Pour avoir la longueur approximative du filet appartenant à notre veine, il faudra donc retrancher de l'intervalle 2,18.4 les quatre dixièmes du diamètre 1,82.4, ce qui donnera 1,45.4 D'un autre côté, si l’on désigne par K le diamètre de l’orifice, on a (note du paragraphe précédent) à fort peu près k— 0,8.K, d’où il suit que la valeur approchée de la longueur de notre filet est égale à 1,45 X0,8.k = 1,16.K. Enfin, le point de rupture D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 123 le plus élevé du filet doit être très-rapproché de l’éxtrémité supérieure de ce dernier; si nous le supposons à cette extrémité même, la quantité à sera la moitié de la longueur du filet, et l’on aura, par conséquent, à —= 0,58K. Passons à la quantité s. On sait que la distance de l’orifice à la sec- tion contractée, bien que n’étant pas tout à fait indépendante de la charge, diffère toujours peu du démi-diamètre de lorifice, de sorte qu’on aura à fort peu près s = 0,50.K, et, par suite, s—i=0,50.K — 0,538.K—— 0,08K, différence bien petite, comme on le voit. Nous avons pris # pour la valeur du rapport entre la longueur des divisions de notre veine et le diamètre &; cette. valeur est sans doute trop grande; mais comme la valeur exacte doit nécessairement surpasser la limite de la stabilité, qui elle-même surpasse 3, on peut admettre que cette valeur exacte est notablement supérieure à ce dernier nombre. Sup- posons-la cependant égale à ce même nombre 5 ; alors, le calcul nous donnera pour le diamètre des sphères isolées, la quantité 1,65.4, et pour l'intervalle entre deux sphères consécutives, la quantité 1,55.4 Achevant, avec ces données, les opérations de la même manière que ci-dessus, nous obtiendrons pour résultat final s—i—0,25K, différence aussi fort petite. Maintenant , la valeur véritable de la différence s—i devant être comprise entre les deux limites que nous venons de trouver, savoir — 0,08.Kk et + 0,253K, et ne pouvant les atteindre ni l’une ni l’autre, nous aurons une approximation suffisante de cette valeur véritable, en prenant la moyenne des deux limites ci-dessus, ce qui donnera enfin RS LEE CR DE RE CL 124 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE Reste la distance D. Celle-ci étant parcourue d’un mouvement uniforme pendant le temps £et avec la vitesse V/2h, nous aurons d’abord D = 9” 29h. Or, puisque le temps s est égal ($ précéd.) à la durée partielle de la trans- formation d’un cylindre de même diamètre et de même liquide que la veine, et qui serait formé dans les conditions des résultats résumés dans le paragraphe 68, il suit de l’un de ces derniers que, si la section con- tractée de notre veine imaginaire de mercure avait un diamètre de un cen- timètre, le temps 5 serait notablement supérieur à deux secondes; cependant, afin de nous placer à dessein dans des conditions défavorables, nous sup- poserons que, dans le cas ci-dessus, le temps dont il s’agit serait seule- ment égal à deux secondes. Mais le temps 5 est proportionnel au diamètre de la section contractée ($ précéd.); si donc nous prenons la seconde comme unité de temps et le centimètre comme unité de longueur, nous aurons, pour une valeur quelconque # de ce diamètre, 0=2k; et si nous remplaçons # par sa valeur approchée 0,8.K, il viendra 6— 1,6K, et, par conséquent, D = 1,6K y 29h. Puisque nous avons pris la seconde et le centimètre comme unités de temps et de longueur, 9 sera égal à 980,9, et cette valeur étant substituée dans l'expression ci-dessus , il viendra enfin D = 70,87K V’ h. De cette expression et de celle de s—i donnée par la formule [2], nous tirerons s—i 0,07 1 = —= = 0,001 ——- D. MNT rs (Ca D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 125 Or, d’après l'équation [1], cette quantité représente l'erreur que l'on com- L . ‘ met en supposant 5 = 1; ou L — D; on voit donc que cette erreur est in- dépendante du diamètre de l’orifice, mais qu’elle varie avec la charge, et qu’elle est d'autant moindre que la charge est plus forte; on voit, en outre, que pour qu’elle ne fût pas très-petite, il faudrait donner à la charge une valeur extrêmement minime ; mais c’est ce que l'on ne peut faire : car lorsque la charge est par trop faible, ou bien l'écoulement n’a plus lieu, ou bien il s’effectue goutte à goutte, et, dans ces deux cas, les phénomènes changent de nature et ne peuvent plus être rapportés à la transformation d’un cylindre. Nous supposerons donc à la charge une valeur de quatre centimètres, par exemple, valeur déjà bien faible, et qui est un peu au-dessous de la plus petite de celles que Savart a employées dans ses expériences. Alors, nous obtiendrons S —i = 0,0005; et transportant cette valeur dans l'équation [1], nous trouverons RE 0,0005 D + V, 92; ou bien L — D = 0,0005.D. Ainsi, d’après ce résultat, quel que soit le diamètre de l’orifice, sous la faible charge de quatre centimètres la longueur de la partie continue d’une veine imaginaire de mercure ne surpasse déjà plus la distance D que d’une quantité égale aux cinq dix-millièmes de celle-ci; de sorte que, par exemple, si le diamètre de l’orifice était tel , que la distance D fût de un mètre, la longueur de la partie continue n’en différerait que d’un demi- millimètre; et, à cause de la valeur trop petite que nous avons attribuée à #, cette différence excède encore probablement la véritable. Enfin , si l’on passe du mercure à un autre liquide, la différence entre L et D, ou plutôt le rapport de cette différence à D, variera nécessairement 126 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE de grandeur et de sens avec la nature du liquide; mais ce même rapport est, comme nous venons de le voir, si minime à l'égard du mercure, que l’on peut bien admettre qu’il sera toujours fort petit à l'égard d’un autre liquide quelconque. $ 76. Plaçons-nous maintenant en deçà de la limite à partir de laquelle la veine réelle peut être assimilée, dans sa partie continue, à la veine ima- ginaire correspondante ($$ 73 et 74); en d’autres termes, supposons la charge assez peu considérable ou le diamètre de l’orifice assez grand, pour que, dans l’étendue de la partie continue de la veine réelle, le mouvement de translation ne soit plus sensiblement uniforme. Alors aussi la veine tendra à s’amineir du haut en bas, et cet amincissement devien- dra visible sur la portion limpide. La question des lois qui doivent, dans ces circonstances, régir la longueur de la partie continue, est très- compliquée ; nous allons cependant tâcher de l’éclaircir jusqu’à un cer- tain point. Considérons une division de la veine à l'instant où son extrémité supérieure passe à la section contractée. Les deux tranches liquides entre lesquelles la division dont il s’agit se trouve comprise, partent de cette position avec des vitesses différentes : car, dans le petit trajet qu’a parcouru la tranche inférieure, sa vitesse s’est déjà un peu accrue par l’action de la pesanteur. Or, il suit de cet excès de vitesse et de l’accélé- ration du mouvement, que les deux tranches iront en s’éloignant de plus en plus l’une de l’autre à mesure qu’elles descendront, ou, en d’autres termes , que la portion de liquide comprise entre elles s’allongerà gra- duellement pendant son mouvement de translation. Par conséquent, si aucune autre cause n’intervenait, chacune des divisions, emportée avec la vitesse accélérée du liquide, augmenterait graduellement en longueur jusqu’à l'instant de la rupture du filet, et conserverait pendant sa descente un volume constant. ) Mais il y a une cause qui agit d’une manière opposée sur les divisions. Si l’on imagine que les divisions de la partie continue s’effacent tout à coup, la petite portion de la veine ainsi modifiée qui remplacera, en cet instant, une division donnée, sera d’autant plus mince que la division D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 127 dont il s’agit était plus éloignée de la section contractée. Par conséquent, nous pourrons considérer chacune des divisions qui, à un instant déter- miné, se trouvent rangées sur toute la longueur de la partie continue, comme provenant respectivement de la transformation d’un cylindre diffé- rent ; et comme la petite portion de la veine qui remplacerait, dans l’hy- pothèse ci-dessus, une division donnée irait en s’amincissant un peu de haut en bas, on aura sensiblement le diamètre du cylindre correspondant, en prenant le diamètre moyen de cette même portion. Or, nous savons que, pour un même liquide, la longueur normale des divisions d’un cy- lindre supposé formé dans l'air et libre sur toute sa surface convexe, est proportionnelle au diamètre de ce cylindre; par conséquent, si rien ne contrariait l’action des forces figuratrices sur la veine, le rapport entre la longueur d’une division et le diamètre moyen ci-dessus qui lui correspon- drait, serait le même pour toutes les divisions; et puisque ce diamètre moyen décroît de division en division du haut en bas de la partie continue, il s'ensuit que la longueur des divisions irait en décroissant dans le même rapport. Si donc la cause dont nous nous occupons agissait seule, chaque division diminuerait graduellement de longueur et de volume à mesure qu'elle descendrait dans la partie continue. Mais alors les divisions par- tant de la section contractée avec la vitesse du liquide, devraient néces- sairement suivre, dans leur mouvement de translation , une loi différente. Nous allons faire voir que ce mouvement serait retardé, de sorte que le liquide, qui descend au contraire avec une vitesse accélérée, devrait pas- ser d’une division à l’autre, et que celles-ci constitueraient simplement, sur la surface de la veine, une sorte d’ondulation qui se propagerait sui- vant une loi particulière. Plaçons-nous dans l'hypothèse de l’action entièrement libre des forces figuratrices, et partons de l'instant où la section de la surface de la veine qui doit constituer le cercle de gorge d’un étranglement passe à la sec- tion contractée. Après un petit intervalle de temps, une autre section superficielle, correspondante au cercle de gorge suivant, passera à son tour, et ces deux sections comprendront entre elles une division. Après un nouvel intervalle de temps égal au premier, une autre division aura 128 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE passé à la section contractée; mais la première se sera déjà raccourcie, de sorte que son cercle de gorge inférieur aura parcouru , dans ce second intervalle de temps, un espace moindre que dans le premier. Par la même raison, l’espace parcouru dans un troisième intervalle de temps égal aux deux autres, sera plus petit encore, et ainsi de suite. Le mouve- ment de translation des cercles de gorge, et, par conséquent, celui des divisions qu’ils comprennent deux à deux, sera donc, comme je l'ai dit, un mouvement retardé. Maintenant, les deux causes que nous avons signalées, et qui agissent concurremment sur les divisions, combineront nécessairement leurs effets. Par conséquent, la vitesse de translation des divisions sera intermédiaire entre la vitesse accélérée du liquide et la vitesse retardée qui résulterait de la seconde cause seule; en deuxième lieu, les divisions diminueront graduellement de volume pendant leur descente le long de la partie con- tinue, mais suivant une loi moins rapide qu’elles ne le feraient sous l’ac- tion isolée de cette même seconde cause; enfin, la longueur des divisions suivra une loi intermédiaire entre l'accroissement graduel que détermine- rait la première cause et le décroissement que produirait la seconde. $ 77. Nous allons chercher de quelle manière ces modifications du volume, de la longueur et de la vitesse des divisions peuvent influer sur les lois qui régissent la longueur de la partie continue de la veine. Faisons d’abord attention que dans nos veines imaginaires, où le mou- vement de translation du liquide est supposé uniforme sous toutes les charges, les causes qui produisent les modifications ci-dessus n'existent pas, et que, par conséquent, les divisions doivent toujours descendre avec la vitesse même du liquide, sans varier ni en volume ni en longueur dans le trajet de la partie continue. En outre, rappelons-nous que, d’après ce qui a été exposé dans les paragraphes 72, 74 et 75, les lois de Savart sont déjà satisfaites à l'égard de ces mêmes veines à partir de charges très- faibles, la première loi dans le cas d’un liquide quelconque, et la seconde dans le cas du mercure, très-probablement aussi dans celui de tout autre liquide fort peu visqueux, et peut-être également dans celui d’un liquide quelconque. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 129 Maintenant, revenons à la veine réelle du paragraphe précédent, et commençons par examiner l'influence de la diminution du volume de ses divisions. Puisque un cylindre supposé dans les conditions de nos lois et formé d’un liquide donné se transforme avec d'autant plus de rapidité que son diamètre est moindre, et, par suite, que le volume de ses divisions est plus petit, il en résulte nécessairement que la diminution graduelle du volume des divisions de la veine tend à rendre la vitesse de leur trans- formation plus accélérée qu’elle ne le serait dans la veine imaginaire de mème liquide, qui s’écoulerait sous la même charge et par un orifice de même diamètre. Sous l'influence isolée de cette modification du volume, le temps qu’exige la portion du phénomène correspondante au trajet de la partie continue, serait donc plus court, et, par suite, la longueur de cette même partie continue serait moindre, que dans la veine imaginaire. Or, si la charge que nous considérons se trouvait remplacée par une charge suffisante pour annuler à fort peu près l'accélération du mouve- ment de translation du liquide dans la partie continue, cette partie de la veine serait alors sensiblement égale en longueur à celle de la veine imaginaire correspondante ($ 75); donc, en passant de la première charge à la seconde, la partie continue de la veine réelle augmenterait plus que celle de la veine imaginaire, c’est-à-dire, par conséquent, augmenterait dans un rapport plus grand que celui des racines carrées des deux charges. Ainsi, la diminution graduelle du volume des divisions tend à rendre la loi qui régit la longueur de la partie continue de la veine quand on fait varier la charge, plus rapide que celle de Savart. Passons à ce qui concerne la longueur des divisions. Puisque l’accélé- ration de la vitesse de translation du liquide met obstacle au libre rac- courcissement des divisions, celles-ci doivent être graduellement étirées dans le sens de leur longueur, à mesure qu’elles descendent sur la partie continue. Or, de là naît une influence de même sens que la précédente : car, à cause de leur moindre épaisseur , les parties étranglées céderont à cette traction plus facilement que les parties renflées, ce qui augmentera nécessairement la rapidité avec laquelle les premières s’amincissent, et Towe XXII. 17 150 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE tendra, par conséquent, à déterminer, pour chacune d'elles, la formation et la rupture du filet plus tôt que dans la veine imaginaire correspondante. Mais la différence des lois que suivent dans leurs mouvements de trans- lation respectifs les divisions et le liquide, engendre une influence qui agit en sens contraire des deux précédentes. En vertu de l'excès que prend sa vitesse sur celle des divisions, le liquide passe, comme nous l'avons vu , d’une division à l’autre, de sorte qu'une même portion parcourt suc- cessivement, tantôt le canal plus étroit d’un étranglement, tantôt l’espace plus large d’un renflement. Mais le liquide se mouvant ainsi dans un con- duit de dimensions alternativement plus petites et plus grandes, sa vitesse doit être plus considérable, dans les parties étranglées, et moindre, dans les parties renflées, que si les divisions n’existaient pas; d'où résulte cette singulière conséquence, que la vitesse de translation du liquide, au lieu d’être uniformément accélérée, est soumise, dans le trajet de la partie continue, à une suite de variations particulières qui la rendent alternati- vèment supérieure et inférieure à celle qu’auraït un corps solide tombant d’un point situé à la hauteur du niveau du liquide dans le vase. En outre, les molécules liquides, au lieu de se mouvoir suivant des lignes présen- tant une courbure très-faible et toujours de même sens, comme elles le feraient en l'absence des divisions, décriront nécessairement, dans leurs passages de division en division, des lignes sinueuses. Or, les forces figu- ratrices qui émanent de la couche superficielle de la veine, et qui produi- sent les divisions, ne peuvent obliger les molécules du liquide à subir ces changements alternatifs de direction et de vitesse, qu’en y dépensant une partie de leur propre action; de sorte que les choses se passeront comme si ces forces éprouvaient une perte d'intensité. Si donc Pinfluence dont il s’agit s’exerçait isolément, la transformation s’effectuerait avec plus de lenteur, et, par conséquent, la partie continue serait plus longue, que dans la veine imaginaire correspondante ; d’où il suit qu’en passant de la charge que nous considérons à une charge qui établirait l’uniformité approchée du mouvement de translation du liquide dans la partie conti- nue, la longueur de cette partie de la veine augmenterait dans un rapport moindre que celui des racines carrées des deux charges. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 151 Quant à la vitesse de translation des divisions considérée en elle-même, nous. savons bien qu’elle doit être intermédiaire entre la vitesse retardée qui résulterait du libre raccourcissement de ces divisions, et la vitesse accélérée du liquide; mais il serait difficile de décider à priori si cette vitesse intermédiaire conserve quelque ralentissement ou si elle présente quelque accélération. Du reste, en admettant qu'il existe un ralentisse- ment, celui-ci tendant évidemment à diminuer la longueur de la partie continue, produirait une influence de même sens que les deux pre- mières ci-dessus; et en supposant, au contraire, qu'une accélération ait lieu, celle-ci déterminerait une influence de même sens que la troi- sième. $ 78. En résumé donc, pour des charges moins considérables que celles qui rendraient le mouvement de translation du liquide sensible- ment uniforme dans la partie continue de la veine, deux genres opposés d’influences agissent sur la loi suivant laquelle la longueur de cette partie continue varie avec la charge, le premier tendant à faire croître cette même longueur plus rapidement que la racine carrée de la charge, et le second tendant, au contraire, à la faire croître moins rapidement. Or, en vertu de leur opposition, ces deux genres d’influences se neutraliseront mutuellement en plus ou moins grande proportion; mais d’après la diver- sité des causes immédiates qui produisent respectivement chacune de ces influences, on doit regarder comme très-peu vraisemblable que la neutra- lisation soit complète; ce qui nous conduit à cette première conclusion, que, sous des charges suffisamment faibles, la loi dont nous nous occu- pons s’écartera très-probablement de celle de Savart; seulement il serait impossible de décider à priori dans quel sens. En deuxième lieu, toutes les influences que nous avons signalées ayant leur cause première dans l'accélération du mouvement du liquide, il est clair que l’action résultante de celles qui agissent dans un même sens, considérée isolément, décroît à mesure que l’on augmente la charge, et devient négligeable à partir de la première des charges sous lesquelles le mouvement du liquide devient sensiblement uniforme dans la partie con- tinue. Or, ce qui reste de la neutralisation mutuelle des deux actions 152 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE résultantes opposées est nécessairement moindre, et probablement de beaucoup, que chacune d'elles en particulier, d’où il est à croire que cet excès deviendra négligeable à partir d’une charge beaucoup moins grande. Nous arrivons donc à cette seconde conclusion, que la première loi de Savart commencera sans doute à être vraie à partir d’une charge qui lais- sera encore au mouvement de translation du liquide dans la partie con- tinue une accélération très-notable. Enfin, ce résultat combiné avec un principe que nous avons établi en terminant le S 75, nous fournit une troisième conclusion, savoir que la charge à partir de laquelle la veine commence en réalité à satisfaire à la première loi de Savart, sera d'autant plus faible que l’orifice sera plus petit : car il est évident qu’en passant d’un orifice à un autre, cette charge doit varier dans le même sens que celle à partir de laquelle l'ac- célération du mouvement du liquide devient négligeable. Mais je dis de plus, que la variation dont il s’agit aura très-probablement lieu dans un rapport beaucoup plus grand que celui des diamètres des orifices. En effet, soit à la charge sous laquelle commence, pour un orifice et un liquide donnés, l’uniformité approchée du mouvement de translation, et # la valeur correspondante de 6. La charge »’ devra être telle, comme nous l'avons vu, que V/2h" soit très-considérable relativement à g, ou, 2qh …. ÿ + en d’autres termes, que le rapport du soit très-grand. Prenons main- 9 tenant un orifice d'un diamètre moindre, et désignons par #”’ la charge qui remplit à l'égard de ce second orifice la même condition que w à l'égard du premier; soit aussi #’ ce que devient 5 pour le nouvel orifice. Si nous voulons que, dans la partie continue de la veine qui s'écoule par celui-ci, le mouvement du liquide ait le même degré d’uniformité que dans la par- tie continue de la précédente, nous devrons évidemment poser V’ 29h _. V’ 29h" 99 ri gé" ce qui donne PET 0 p —————_—. en À h' hu D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 153 et, par conséquent, h' g? AN Mais, tout au moins dans le cas du mercure, le temps # est proportion- nel au diamètre de la section contractée , et, par suite, à celui de l’orifice ($ 74); donc, au rapport de on peut, dans le cas de ce même liquide, substituer celui des carrés des diamètres des deux orifices ; d’où il résulte qu’en passant d’un orifice déterminé à un orifice moindre, la charge que nous considérons décroîtra comme le carré du diamètre de l’orifice. Or, on doit regarder comme bien probable, que la charge plus faible à partir de laquelle la loi de Savart commence à se réaliser, décroîtra d’une ma- nière analogue, c’est-à-dire dans un rapport de beaucoup supérieur à celui des diamètres. Maintenant, ainsi que nous l'avons plusieurs fois rappelé, nous ignorons si les considérations relatives au mercure sont applicables ou non à tous les autres liquides ; mais nous savons du moins qu’elles le sont très-probablement à tous ceux dont la viscosité est fort petite; par conséquent, la conclusion ci-dessus est très-probablement vraie aussi à l'égard de l’un quelconque de ces derniers liquides, à l’égard de l’eau, par exemple. $ 79. Admettons provisoirement comme tout à fait démontrées les con- clusions qui précèdent, et passons à l’autre loi, c’est-à-dire à celle qui régit la longueur de la partie continue quand on fait varier le diamètre de l’orifice. Je dis, en premier lieu, que, dans le cas du mercure, cette loi coïncidera avec la seconde de celles de Savart, lorsqu’on donnera à la charge commune la valeur à partir de laquelle la veine sortant par le plus grand des orifices employés commencerait en réalité à satisfaire à la pre- mière de ces lois. En effet, remarquons d’abord que sous la charge dont il s’agit, charge que nous désignerons par %,, les veines sortant par tous les orifices moindres se trouveront, à plus forte raison, dans les conditions effectives de la première loi : c’est ce qui résulte de la troisième conclusion du paragraphe précédent. Par conséquent, si nous substituons, pour un 154 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE instant, à cette charge à, une charge assez considérable pour rendre la vitesse du liquide sensiblement uniforme dans toutes les parties continues, et si nous repassons de cette seconde charge à la précédente, les lon- gueurs respectives des parties continues décroîtront toutes dans un même rapport , savoir dans celui des racines carrées des deux charges. Or, sous la plus grande de celles-ci, les longueurs dont il s’agit étaient entre elles comme les diamètres des orifices correspondants ($ 74); donc il en sera encore de même sous la charge »,, et par conséquent, sous cette charge, la seconde loi de Savart sera satisfaite. | En deuxième lieu, je dis que sous une charge inférieure à a,, il n’en sera plus ainsi. Pour le faire voir, soit », cette nouvelle charge, et dési- gnons par , la charge qui remplit à l'égard de la veine sortant par le plus petit orifice, le même rôle que remplit x, à l'égard de celle qui sort par le plus grand. Rappelons-nous que #, est inférieure à h,, et supposons 4, comprise entre ces deux dernières. Alors, par conséquent , sous les charges h, et h,, la veine sortant par le plus petit orifice se trouvera encore dans les conditions effectives de la première loi de Savart, tandis que, pour la veine qui sort par le plus grand orifice, ces conditions ne commencent qu'à partir de à,; si donc nous passons de h, à h,, la partie continue de la première veine décroîtra dans le rapport des racines carrées de ces deux charges; mais celle de la dernière veine décroîtra dans un rapport différent. Or, sous la charge h,, ces deux longueurs étaient entre elles comme les diamètres des orifices correspondants; donc, sous la charge n,, elles se trouveront dans un autre rapport, et, par conséquent , la seconde loi de Savart ne sera plus satisfaite, du moins quant à ces deux veines extrêmes de la série comparées entre elles. De tout cela résultent ces nouvelles conclusions : sous une charge commune suffisamment faible, la proportionnalité entre la longueur de la partie continue de la veine de mercure et le diamètre de l’orifice n’a plus lieu dans l'étendue totale que l’on assigne aux variations de ce dia- mètre ; mais elle commence à se manifester lorsqu'on donne à la charge commune la valeur pour laquelle la veine sortant par le plus grand des orifices commence à se trouver dans les conditions effectives de la pre- mière loi de Savart. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 135 Répétons, à l'égard de ces conclusions, ce que nous avons dit à l'égard de celle qui termine le paragraphe précédent, savoir qu’elles doivent très- probablement s'appliquer au moins à tous les liquides fort peu visqueux, et par conséquent à l’eau. Or, nous allons voir que ces mêmes conclusions ainsi que celles du paragraphe précédent, sont d'accord avec les résultats des expériences de Savart, résultats qui se rapportent à l’eau. $ 80. Savart a fait, sur des veines d’eau soustraites à toute action étrangère , deux séries d'observations , l’une avec un orifice de six milli- mètres de diamètre, et l’autre avec un orifice de trois millimètres; les charges successives étaient les mêmes dans les deux séries. Les deux ta- bleaux ci-dessous reproduisent les résultats obtenus, c’est-à-dire les lon- gueurs de la partie continue correspondantes aux charges successives ; ces longueurs ainsi qne les charges sont exprimées en centimètres. J'ai placé, dans chaque tableau , une troisième colonne renfermant , en re- gard de chacune des longueurs de la partie continue , le rapport de celle- ci à la racine carrée de la charge correspondante. DIAMÈTRE DE L'ORIFICE, 6". DIAMÈTRE DE L'ORIFICE, 3". LONGUEUR ; RAPPORTS | LONGUEUR | RAPPORTS CHARGES, de la à la CHARGES. de la | à la PARTIE CONTINUE. |RAC. CARR» DE LA CHARGE. PARTIE CONTINUE. |RAC. CARR. DE LA CHARGE. 4,5 107 50,4 4,5 24 | 11,35 12 126 56,4 27 145 27,5 47 158 25,0 Avant de discuter ces tableaux, remarquons ici que toutes les lon- gueurs de la partie continue sont exprimées en nombres entiers ; ce qui montre que Savart a pris pour chacune d’elles le nombre entier de centi- mètres le plus approchant, sans tenir compte de la fraction; il résulte donc de là que les longueurs données dans ces mêmes tableaux ne peu- vent être en général tout à fait exactes. 156 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE Cela posé, commençons par examiner le tableau relatif à l’orifice de 6mm, On voit que le rapport entre la longueur de la partie continue et la racine carrée de la charge décroît considérablement de la première charge à la dernière; d’où il suit que, dans le cas d’une veine d’eau sortant par un orifice de 6"" de diamètre, si l’on ne fait croître la charge que jusqu’à 47 centimètres, la première loi de Savart est loin d’être satisfaite. Ainsi , la première conclusion du paragraphe 78 est conforme à l’expérience. De plus, le décroissement du rapport établit le sens dans lequel la loi réelle s’écarte de la loi de Savart, en decà de la limite où celle-ci com- mence à être suffisamment approchée : on voit qu’alors la longueur de la partie continue augmente moins rapidement que la racine carrée de la charge. En second lieu, d’après la marche du rapport dont il s’agit, on recon- naït que celui-ci converge vers une certaine limite, qui doit être peu au- dessous de 25, c’est-à-dire de la valeur correspondante à la charge de 47 centimètres. En effet, tandis que la charge reçoit des accroissements successifs de 7,5, de 15, et de 20 centimètres, le rapport diminue suc- cessivement de 14, de 8,9, et de 4,5 unités, et cette dernière différence est déjà assez peu considérable relativement à la valeur du dernier rap- port; d’où l’on doit présumer que si l’on augmentait encore la charge, le décroissement ultérieur du rapport serait fort petit, et que l’on atteindrait bientôt une limite sensiblement constante, limite à partir de laquelle la première loi de Savart serait satisfaite. D’après cela, cherchons quel est, pour la veine qui s'écoule sous la charge de 47 centimètres, le rapport entre les vitesses de translation du liquide à l'extrémité de la partie continue et à la section contractée. Nous ferons ici abstraction des petites variations alternatives dont il à été ques- tion dans le paragraphe 77, et, par conséquent, nous considérerons la vitesse de translation d’une tranche horizontale du liquide de la veine, comme étant toujours celle qu’aurait cette tranche si elle était tombée librement et isolément de la hauteur du niveau du liquide dans le vase. Alors , en négligeant le petit intervalle compris entre l’orifice et la section contractée, nous aurons pour la vitesse dont il s’agit à une distance quel- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 137 conque ! de cette section, la valeur V29(h+1); si donc ! désigne la lon- gueur de la partie continue, le rapport des vitesses à l'extrémité de cette longueur et à la section contractée sera exprimé d’une manière générale par E— , où plus simplement par péss 2qh h dans cette expression pour » et 4 lessvaleurs relatives à la veine dont nous nous occupons, savoir #7 et 158, nous trouvons pour le rapport entre les vitesses extrêmes , la valeur 2,1. Ainsi, bien que, sous une charge de 47 centimètres, la veine sortant par un orifice de 6" soit pro- bablement près de se trouver dans les conditions effectives de la première loi de Savart, la vitesse à l'extrémité de sa partie continue est encore plus que double de la vitesse à la section contractée, de sorte que le mouve- ment de translation du liquide est encore très-notablement accéléré. La seconde conclusion du paragraphe 78 paraît donc jusqu'ici s’accorder, comme la première, avec les résultats de l'expérience. Passons au tableau relatif à l’orifice de 3". Ici, comme on voit, le rapport entre la longueur de la partie continue et la racine carrée de la charge est, à fort peu près, le même pour toutes les charges; d’où il suit qu'avec cet orifice, la veine commence déjà à se trouver dans les conditions effectives de la première loi de Savart, sous une charge de 4,5 centimè- tres. Mais, d’après ce qui précède, avec l’orifice de 6", la veine n’entre dans ces mêmes conditions que sous une charge au moins égale à 47 cen- timètres ; donc la charge à partir de laquelle la première loi de Savart commence à se réaliser, augmente et diminue avec le diamètre de lori- fice, et beaucoup plus rapidement que ce diamètre; or, c’est en cela que consiste la troisième conclusion du paragraphe 78. Enfin, si, dans l’expression générale du rapport des vitesses extrêmes trouvée plus haut, nous remplaçons % et ! par les valeurs 4,5 et 24 relatives à la première veine du tableau dont nous nous occupons, nous trouverons, pour ce rapport, la valeur 2,5; ce qui montre qu'avec la charge 4,5, sous laquelle la veine est déjà dans les conditions effectives de la loi de Savart, la vitesse de translation du liquide est encore très- notablement accélérée. D’après cela, il ne peut plus demeurer aucun Tome XXII. 18 . Maintenant, en substituant 138 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE doute sur la légitimité de la seconde conclusion du paragraphe 78. Calculons maintenant, pour chacune des quatre charges, le rapport entre les longueurs des parties continues respectivement correspondantes aux deux orifices ; nous formerons ainsi le tableau suivant : CHARGES. RAPPORTS. 4.5 4,46 12 5,23 97 2,46 47 2,05 Ce tableau montre que, pour des charges inférieures à 47 centimètres, le rapport entre les longueurs respectives des parties continues de deux veines d’eau sortant, l’une par un orifice de 6 millimètres de diamètre, et l’autre par un orifice d'un diamètre moitié moindre, est loin d’être le même que celui des diamètres ; d’où il suit que, sous ces charges, la seconde loi de Savart n’est pas satisfaite. Mais on voit, en même temps, que ce rapport converge vers celui des diamètres à mesure qu'on aug- mente la charge, et que, sous la charge de 47 centimètres, il est près de l’atteindre; or, d’après ce que nous avons vu plus haut, sous cette même charge de 47 centimètres, la veine sortant par le plus grand des deux orifices est très-probablement près d'atteindre les conditions effec- tives de la première loi de Savart. Les conclusions du paragraphe précé- dent paraissent donc s’accorder, comme celles du paragraphe 78, avec les résultats de l’observation. Nous allons voir, du reste, cet accord confirmé par les résultats obtenus avec des veines d’eau non soustraites aux actions étrangères. $ 81. Ces actions étrangères, qui consistent dans certains mouvements vibratoires plus ou moins réguliers transmis aux veines, paraissent ne pas altérer les lois dont nous nous occupons considérées dans leur gé- néralité; mais elles déterminent un raccourcissement des parties continues, D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 139 ét produisent en cela le même effet qu’une diminution des diamètres des orifices, de sorte que, sous leur influence, les lois de Savart commencent à se réaliser à partir de charges plus faibles. Je viens de dire que les lois complètes qui régissent la partie continue, paraissent ne pas être changées par les actions étrangères dont il s’agit; c’est ce que l’on reconnaîtra aisément, si, pour chacune des séries faites par Savart sous l'influence de ces mêmes actions, séries dans lesquelles les orifices, les charges et le liquide sont les mêmes que précédemment, on forme le tableau des rapports entre la longueur de la partie continue et la racine carrée de la charge. À travers les petits écarts provenant, d’une part, des irrégularités inhérentes aux actions étrangères, et, d’une autre part, de ce que Savart a toujours donné les longueurs en nombres entiers, on verra : 1° qu'avec l’orifice de 6"", le rapport commence en- core par décroître, et converge vers une certaine limite; seulement ici le décroissement est moindre par la raison que j'ai donnée plus haut, et la limite paraît être atteinte sous une charge inférieure à 47 centimètres ; 2 qu'avec l’orifice de 3», le rapport est sensiblement constant. D'après cela, les séries dont il s’agit peuvent donc servir aussi à la discussion des lois qui régissent la longueur de la partie continue. Je me bornerai à reproduire ici deux de ces mêmes séries : ce sont celles que Savart à prises pour type, et d’où il a déduit ses lois; voici les tableaux qui s’y rapportent : DIAMÈTRE DE L'ORIFICE, 6°”, | DIAMÈTRE DE L’ORIFICE, 9". LONGUEUR RAPPORTS LONGUEUR RAPPORTS CHARGES. de la -àla CHARGES. de la à la PARTIE CONTINUE. |RAC. CARR. DE LA CHARGE. PARTIE CONTINUE. |RAC. CARR. DE LA CHARGE. 4,5 40 18,9 4,5 16 7,5 12 59 17,0 12 25 7,2 27 82 15,8 27 41 7,9 47 112 16,3 47 55 8,0 DD Ds M RE D APCE A A LM DL + et lon voit, par le premier, qu'avec l’orifice de 6", le rapport entre la 140 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE longueur de la partie continue et la racine carrée de la charge paraît avoir déjà atteint sa limite sous la charge de 27 centimètres; le petit accroissement qui se manifeste pour la charge suivante, est dû sans doute aux causes d'irrégularité que j'ai signalées. Calculons encore, pour ces deux séries, les rapports entre les longueurs respectivement correspondantes aux deux orifices, ce qui nous donne le tableau suivant : CHARGES. RAPPORTS. C’est donc aussi sous la charge de 27 centimètres, que le rapport entre les longueurs des parties continues se trouve avoir atteint celui des dia- mètres des orifices, ce qui achève d'établir la conformité des conclusions du paragraphe 79 avec les résultats de l'observation. Enfin, Savart a fait, avec l’orifice de 3"", une série d'observations cor- respondantes à quatre charges plus considérables que les précédentes, et le rapport entre la longueur de la partie continue et la racine carrée de la charge s’est encore montré sensiblement constant; la première de ces nouvelles charges était de 51 et la dernière de 459 centimètres. $ 82. Ainsi qu'on le sait d’après le travail de Savart, la veine fait en- tendre un son soutenu, résultant principalement du choc périodique des masses isolées dont se compose la partie discontinue contre le corps sur lequel elles tombent, et l’on peut faire acquérir à ce son une grande in- tensité, en recevant la partie discontinue sur une membrane tendue. En comparant les sons ainsi produits par des veines d’eau sous différentes charges et avec des orifices de différents diamètres, Savart a trouvé que, pour un même orifice, le nombre de vibrations exécuté dans un temps D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 141 donné est proportionnel à la racine carrée de la charge; et que, pour une même charge, ce nombre est en raison inverse du diamètre de l'orifice. Or, nous allons voir ces deux lois découler encore de nos prin- cipes. Recourons de nouveau à la considération des veines imaginaires. Dans une semblable veine, la longueur des divisions est égale, comme nous l'avons vu ($ 74), à la longueur normale de celles d’un cylindre de même liquide, formé dans les conditions de nos lois, et ayant pour diamètre celui de la section contractée de la veine; ainsi, cette longueur ne dépend que du diamètre de l’orifice et de la nature du liquide, et ne varie pas avec la vitesse d'écoulement. Or, de là résulte que, pour un même liquide et un même orifice, le nombre des divisions qui passent, dans un temps donné, à la section contractée, est proportionnel à cette vitesse, c’est-à- dire à V29h, et par suite, à V/h. Mais chacune de ces divisions fournit plus bas une masse isolée, et chacune de celles-ci vient ensuite choquer la membrane; donc le nombre des chocs produits dans un temps donné est égal à celui des divisions qui passent , dans ce même temps, à la sec- tion contractée , et, par conséquent, est proportionnel à la racine carrée de la charge. Maintenant, il est aisé de voir que chacun des chocs fait naître deux vibrations : car le petit enfoncement qu’il détermine dans la membrane est suivi d’un petit relèvement, ce qui donne deux ondes; donc le nombre de vibrations correspondant au son produit est double de celui des chocs, et, par conséquent, est également proportionnel à la racine carrée de la charge. En second lieu, puisque la longueur normale des divisions d’un cy- lindre supposé dans les conditions de nos lois et formé d’un liquide donné est proportionnelle au diamètre de ce cylindre, il s'ensuit que, pour un même liquide, la longueur des divisions de la veine imaginaire est pro- portionnelle au diamètre de la section contractée, et, par suite, sensible- ment proportionnelle à celui de l’orifice. Or, pour une vitesse d'écoulement déterminée, le nombre des divisions qui passent, dans un temps donné, à la section contractée, est évidemment en raison inverse de la longueur de ces divisions ; donc, si le liquide demeure le même, ce nombre est 142 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE sensiblement en raison inverse du diamètre de l’orifice. Mais, d’après ce que nous avons vu ci-dessus, le nombre de vibrations correspondant au son produit est double du précédent ; donc, lorsque la charge et la nature du liquide ne changent pas, ce nombre de vibrations est, de même, sensiblement en raison inverse du diamètre de l’orifice. Ainsi, les deux lois qui, d’après Savart, régissent les sons rendus par les veines, seraient nécessairement satisfaites à l'égard de nos veines ima- ginaires. Maintenant, je dis que le son produit par une veine réelle ne différera pas de celui que produirait la veine imaginaire correspondante, si la charge est suffisante relativement au diamètre de l’orifice pour que la vitesse de translation du liquide augmente fort peu depuis la section contractée jusqu'à une distance égale à la longueur des divisions de la veine imaginaire. Alors, en effet, dans cette étendue, les deux causes qui tendent à modifier la longueur des divisions ($ 76), savoir l’accélération de la vitesse du liquide et la diminution qui en résulte dans le diamètre de la veine, seront l’une et l’autre fort petites; et comme elles agissent en sens opposé, leur action résultante sera insensible, de sorte que les divi- sions prendront librement, à leur origine, la longueur qui convient à celles de la veine imaginaire correspondante; or, il est clair que, dans ce cas, le nombre des divisions qui passeront, pendant un temps donné, à la section contractée, sera le même dans la veine réelle et dans la veine imaginaire, et que, par suite, les sons rendus Lis ces deux veines seront aussi les mêmes. Mais, en nous bornant aux liquides fort peu visqueux, tels que l’eau, nous savons que le rapport entre la longueur normale des divisions d’un cylindre supposé dans les conditions de nos lois et le diamètre de ce cylindre, doit très-probablement différer peu de #; et, par conséquent, il en est de même du rapport entre la longueur des divisions d’une veine imaginaire formée de l’un de ces liquides et le diamètre de la section con- tractée de cette veine. Si donc, dans une veine réelle formée de l’un de ces mêmes liquides, l'accroissement de la vitesse de translation est fort petit à une distance de la section contractée égale à quatre fois le dia- mètre de cette section, la condition posée plus haut sera très-probable- D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 145 ment satisfaite; du reste, pour ne pas craindre de nous tromper, nous prendrons, par exemple, six fois ce même diamètre. Il est clair, en outre, que si la condition ainsi précisée est remplie à l'égard d’une charge et d’un orifice donnés, elle le sera, à plus forte raison, pour le même orifice et des charges plus grandes, et pour la même charge et des orifices plus petits. Nous arrivons donc aux conclusions suivantes. 1° Lorsque une série de veines formées d’un liquide très-peu visqueux s’écoulent successivement par un même orifice et sous des charges diffé- rentes, si la moindre de celles-ci est suffisante pour que la vitesse de trans- lation du liquide augmente fort peu jusqu’à une distance de la section contractée égale à environ six fois le diamètre de cette section, les nom- bres de vibrations correspondants respectivement aux sons produits par chacune des veines de la série satisferont nécessairement à la première des deux lois trouvées par Savart. 2 Lorsque une série de veines formées d’un liquide très-peu visqueux s’écoulent sous une charge commune et par des orifices de différents dia- mètres, si la charge commune est suffisante pour que la même condition soit remplie à l'égard de la veine qui sort par le plus grand orifice, les nombres de vibrations correspondants respectivement aux sons produits par chacune des veines de la série satisferont nécessairement à la seconde loi. Il nous reste à faire voir maintenant, que la condition ci-dessus se trouvait réalisée dans les expériences d’où Savart a déduit les deux lois dont nous nous occupons. Dans la série qui se rapporte à la première de ces lois, l’orifice commun avait un diamètre de 5 millimètres, et la moindre charge était de d1 cen- timètres ; et, dans la série qui concerne la seconde loi, la charge commune avait cette même valeur de 51 centimètres, et le diamètre du plus grand orifice était de 6 millimètres. Pour que notre condition fût remplie à l'égard des deux séries, il suffisait donc évidemment qu’elle le fût dans la veine qui s’écoulait sous la charge de 51 centimètres et par l’orifice de 6 millimètres de diamètre. Or, en multipliant ce diamètre par 0,8, nous trou- 144 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE vons , pour la valeur approchée de celui de la section contractée de la veine dont il s’agit, 4"",8, et six fois cette dernière quantité nous donnent 28mm,8, ou à peu près 5 centimètres. Maintenant, si, dans l'expression V À 2 qui donne la valeur générale du rapport entre les vitesses de trans- lation à une distance ! de la section contractée et à cette même section ($ 80), nous faisons »x—51 et1—5, nous obtenons , pour ce rapport, la valeur 1,03; d’où l’on voit que, depuis la section contractée jusqu’à une distance égale à environ six fois le diamètre de cette section, la vitesse de translation du liquide de la veine que nous considérons n’augmentait que des trois centièmes de sa valeur originaire. $ 85. Supposons une veine d’eau, et nommons division naissante une division considérée immédiatement après son passage à la section con- tractée , c’est-à-dire à l’instant où son extrémité supérieure franchit cette section. II suit de ce qui a été exposé dans le paragraphe précédent, qu’à partir d’une charge suffisante, le rapport entre la longueur des divisions naissantes de la veine dont il s’agit et le diamètre de la section contractée, prendra une valeur constante, c’est-à-dire indépendante de la charge, et que cette valeur sera très-probablement peu différente de 4. Or, les résultats obtenus par Savart dans les expériences relatives aux lois que nous venons de discuter, permettent, comme nous allons le voir, de vérifier ces conséquences de nos principes. Les deux causes opposées qui tendent à modifier la longueur des di- visions, sont aussi celles qui influent sur leur vitesse de translation, ou, plus précisément, sur la vitesse de translation des cercles de gorge qui les terminent ($ 76). Maintenant, dans le cas dont nous nous occupons, ces mêmes causes demeurant toutes deux fort petites dans l'étendue qui correspond à une division naissante, leur action résultante sur la vitesse de translation des cercles de gorge sera insensible dans cette étendue, et, par conséquent, la vitesse avec laquelle descend un cercle de gorge, pourra être regardée comme exactement uniforme et égale à la vitesse d'écoulement V2g%, depuis la section contractée jusqu'à une distance égale à la longueur d’une division naissante. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 145 Si donc, pour un orifice d’un diamètre donné, 2 désigne la longueur d’une division naissante, et : le temps employé par un cercle de gorge à la parcourir, on aura à = 1 V9gh. Soit, en outre, » le nombre de divisions qui passent en une seconde à la section contractée; le temps : mesurant évidemment la durée du passage de l’une d’elles, on aura, en prenant la seconde pour unité de temps, 1 : {= ——,et, par Suite, | a rs A 0 Soit enfin # le diamètre de la section contractée correspondante au même orifice; on aura, pour représenter le rapport entre la longueur des divi- sions naïssantes et ce diamètre, la formule em me Magie 4 nues Ji ME A fa Maintenant, pour obtenir, à l’aide de cette formule, la valeur numé- . À . “ “ . , . ’ . rique du rapport < relative à une charge et à un orifice déterminés, il suffit de chercher par l'expérience le nombre de vibrations par seconde correspondant à cette charge et à cet orifice : car alors, la valeur de À sera donnée, celle de # se déduira du diamètre de l’orifice employé, on aura celle de » en prenant ($ précédent) la moitié du nombre de vibrations trouvé, et enfin celle de 4 est connue. Il est inutile de remarquer que les valeurs de », &, et 4 devront être rapportées à une même unité de lon- gueur. Or, les observations de Savart relatives à la première loi nous donnent, pour un orifice de 3", les nombres de vibrations par seconde correspondants respectivement à quatre charges différentes; nous pourrons donc calculer , pour chacune de ces observations, la valeur du rap- port Le Tome XXII. 19 146 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE Voici d’abord ces nombres avec les charges auxquelles ils se rappor- tent; celles-ci sont exprimées en centimètres. DIAMÈTRE DE L’ORIFICE, 9". NOMBRES CHARGES. de VIBRATIONS. On peut conclure des résultats rapportés dans la note du paragraphe 74, que lorsque le diamètre de lorifice est de trois millimètres, celui de la section contractée en est à bien peu près exactement les huit dixièmes ; par conséquent, si nous conservons le centimètre comme unité de lon- gueur, ce qui donnera 0,3 pour la valeur du diamètre de l’orifice dont il s’agit, nous aurons 4—0,5 X 0,8—0,24. Enfin, les nombres de vibrations, et, par suite, les valeurs de n, sup- posant la seconde prise pour unité de temps , et les valeurs de » et k étant rapportées au centimètre comme unité de longueur, il faudra faire g = 980,9. Substituant dans la formule [a] ces valeurs de x et y, ainsi que celles de n tirées du tableau ci-dessus et celles de n obtenues en prenant les moitiés respectives des nombres de vibrations contenus dans le même tableau, nous trouverons, pour le rapport +, les quatre nombres suivants : 4,39 4,57 4,46 4,29 et l’on voit qu’en effet, ces nombres sout très-rapprochés les uns des au- tres, et s’éloignent peu de 4. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 147 La moyenne de ces mêmes nombres, savoir 4,58, nous donne donc, avec une grande approximation, la valeur constante que prend, à partir d’une charge convenable, le rapport entre la longueur des divisions naissantes d’une veine d’eau et le diamètre de la section contractée de cette veine. Telle est aussi évidemment la valeur du rapport entre la longueur de toutes les divisions de la partie continue d’une veine d’eau et le diamètre de la section contractée, lorsque les charges sont assez considérables pour que le mouvement de translation du liquide soit sensiblement uniforme dans toute l’étendue de cette partie continue. En déterminant par l'expérience, pour un autre liquide quelconque, le nombre de vibrations correspondant à une charge et à un orifice donnés, . A « ae À . on obtiendra de même, à l’aide de la formule [a], la valeur de ; relative à ce liquide. Si l’on se borne aux liquides dont la viscosité est fort petite, on devra très-probablement trouver des valeurs peu différentes de la pré- cédente ; et il est à croire, par conséquent , qu'avec une même charge et un même orifice, les sons rendus par les veines respectivement formées de ces divers liquides ont à peu près la même hauteur; mais il en serait sans doute autrement, du moins en général, si l’on passait à des liquides d’une viscosité considérable. Savart dit que la nature du liquide paraît être sans influence sur le nombre de vibrations correspondant à une charge et à un orifice donnés ; mais il n'indique pas quels sont les liquides qu’il a comparés sous ce point de vue, et, d’après ce que nous venons de remarquer, on doit présumer que ces liquides étaient du nombre de ceux dont la viscosité est fort petite. $ 84. La durée partielle de la transformation d’un cylindre pouvant évidemment, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, être comptée en ne considérant que l’un des étranglements de la figure, ou même sim- plement le cercle de gorge de celui-ci, et, d’une autre part, cette durée variant, pour un même diamètre, avec la nature du liquide, il s'ensuit que, dans la veine, le temps compris entre l'instant où la section super- ficielle qui doit constituer le cercle de gorge d’un étranglement passe 148 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE à la section contractée et l'instant de la rupture du filet dans lequel cet étranglement se convertit, variera aussi, toutes choses égales d’ailleurs , avec la nature du liquide. Or , de là résulte nécessairement que , pour une même charge et un même orifice, la longueur de la partie continue de la veine changera d’un liquide à un autre; et cette conclusion est encore con- forme aux résultats de l’expérience. En effet, Savart a mesuré, comme on le sait, la partie continue de quatre veines s’écoulant dans des circon- stances identiques, et formées respectivement d’éther sulfurique, d'alcool, d’eau, et d’une solution d’ammoniaque caustique, et il a trouvé les lon- gueurs suivantes : Éther:, pme sien de pet, à 2) \OMIZ AICOO!S.- Gros ter AN OV EE a OR HOUR RU OR SOEUR TA RO CT SON Ammoniiques:.it2 ete Reese ag $ 85. Nous ne nous sommes occupés jusqu'ici que des veines lancées verticalement de haut en bas. Considérons maintenant les veines lancées dans des directions différentes de la verticale; celles-ci sont incurvées par l'action de la pesanteur, et, par conséquent, ne peuvent plus être com- parées à des cylindres; mais nous ferons remarquer que le phéno- mène de la conversion en sphères isolées n’est pas le résultat d’une pro- priété appartenant exclusivement à la forme cylindrique; ce phénomène paraît devoir se produire à l'égard de toute figure liquide dont une dimension est considérable relativement aux deux autres; nous avons vu, en effet, l'anneau liquide qui se forme dans l'expérience du para- graphe 19, se convertir en une série de petites masses isolées, masses qui constitueraient autant de sphères, si leur forme n’était légèrement modi- fiée par l’action du fil métallique qui les traverse. On comprend donc que, dans les veines courbes, il doit aussi se produire des divisions pas- sant graduellement à l’état de sphères isolées, et que, par conséquent, la constitution des veines lancées soit horizontalement soit obliquement, doit être analogue à celle des veines lancées verticalement de haut en bas, conclusion qui s'accorde, en effet, avec les observations de Savart. D'UNE MASSE LIQUIDE SANS PESANTEUR. 149 On doit croire que cette analogie de constitution s’étend à la partie as- cendante des veines lancées verticalement de bas en haut; seulement, dans le cas de ces dernières veines, les phénomènes sont probablement troublés par le liquide qui retombe. $ 86. Les propriétés des figures liquides dont une dimension est con- sidérable relativement aux deux autres, et spécialement des cylindres , fournissent donc l'explication complète de la constitution des veines li- quides lancées par des orifices circulaires, et rendent raison de tous les détails et de toutes les lois du phénomène, du moins tant qu’il ne s’agit pas des modifications apportées à celui-ci par les causes étrangères, c’est- à-dire par les mouvements vibratoires transmis au liquide. Quant au mode d’action de ces mouvements vibratoires , il est évident que les pro- priétés des cylindres liquides ne peuvent nous le faire connaître. Ces mêmes mouvements constituent une cause totalement différente des forces figuratrices, et, par conséquent, étrangère à l’objet général de notre tra- vail; cependant, afin de ne pas laisser de lacune dans la théorie, nous examinerons également, en nous appuyant sur d’autres considérations, de quelle manière les mouvements vibratoires agissent sur la veine, et nous arriverons aussi à l'explication complète des modifications qui en résultent dans la constitution de celle-ci; mais nous réservons ce sujet pour la série suivante. L'influence exercée par les mouvements vibratoires communiqués au liquide, a conduit Savart à regarder la constitution de la veine comme étant elle-même le résultat de certains mouvements vibratoires inhérents au phénomène de lécoulement. Partant de là, Savart a essayé de faire comprendre comment le genre d’ébranlement occasionné dans la masse du liquide par l'émission de celui-ci, pourrait effectivement donner naissance à des vibrations, et il a montré que l'existence de ces dernières entraînerait la formation alternative de renflements et d’étranglements dans la veine. On a vu, d’après l'exposé de notre théorie, que la constitution de la veine s'explique d’une manière nécessaire par des faits, et indépendamment de toute hypothèse; nous pouvons donc, je crois, nous dispenser d’une dis- cussion détaillée à l’égard des idées ingénieuses que nous venons de rap- 150 SUR LES FIGURES D'ÉQUILIBRE, ærc. peler, idées pour l'intelligence complète desquelles nous renvoyons au mémoire même de Savart. Nous ferons seulement remarquer, qu'il est difficile d’admettre le genre d’ébranlement supposé par Savart, sinon dans les premiers instants qui suivent l’ouverture de l’orifice; que, d’ailleurs, on ne voit pas bien comment les vibrations dont il s’agit, après avoir des- siné sur la surface de la veine une division naissante, détermineraient le développement ultérieur de celle-ci, de manière à la faire passer graduel- lement, pendant sa descente, à l’état de masse isolée; qu’enfin, si l’on voulait faire abstraction de ces difficultés, il faudrait encore recourir à des hypothèses additionnelles, pour arriver aux lois qui régissent la longueur de la partie continue et à celles que suivent les nombres de vibrations correspondants aux sons produits par le choc de la partie trouble. Du reste, c’est en empruntant à Savart l’une de ses idées, qui devient applicable lorsque, par une cause extérieure, des vibrations sont en réa- lité excitées dans le liquide, que nous trouverons les éléments nécessai- res pour aborder la dernière partie de la théorie. $ 87. Dans la série suivante, après avoir terminé ce qui concerne la veine, nous reviendrons aux masses liquides sans pesanteur, et nous étudierons les figures de révolution autres que la sphère et le cylindre, ainsi que les figures étrangères à cette classe pour lesquelles l’équation de l'équilibre peut être interprétée d’une manière rigoureuse. ERRATUM DU MÉMOIRE PRÉCÉDENT. Dans le paragraphe 25 du mémoire précédent, après avoir parlé de l'espèce d'adhérence que la masse d'huile contracte parfois avec la surface supérieure du liquide alcoolique, j'ai mentionné deux moyens de détruire cette adhérence; mais l'indication du second de ces moyens appartient à une rédaction antérieure du mémoire, dans laquelle je supposais les expériences exécutées dans un flacon de forme ordinaire, et ce passage est demeuré par inadvertance dans la nouvelle rédaction ; le moyen dont il s'agit est évidemment impraticable quand on se sert du vase à parois planes. Mémoires de l'Académie. Tom. XXI Fig.2. Fig. à. Fig. 5. Lig.6. | L'Eg. 1. Mémoires de l'Académie. Tom. XX177. Fig. 19. fig. 19. \ # Fe" 7 7 / ‘4 S Se, 7 \ 4 \ / \ 7 Fig. Fig. 16. ss ; 73 CA is / pe Fig. 1. KA J\ 4 LE / \ lig. 17. fig. 18. FL ARE Lg. 19. Pig. 20. LS Menoires de l'Académie. Tom. XXI. Fig. 20.0 Fig. 21. Fig. DEUX L LE É ’ * x ; RONA RARES ® La # | ÿ Re tin | Zom. DT. ee . [2 Pig. S0. RARES rs . RECHERCHES POUR SERVIR À LA FLORE CRYPTOGAMIQUE = DES FLANDRES: PAR J. KICKX, PROFESSEUR DE BOTANIQUE A L’UNIVERSITÉ DE GAND, MEMBRE DE L'AGADEMIE, ETC. (Présenté à la séance du 1er juillet 1848.) —— ) QUATRIÈME CENTURIE. Tome XXII. 1 AVANT-PROPOS. La partie de notre travail que nous avons l’honneur de présenter au- jourd’hui à l’Académie, porte à quatre cents le nombre des Cryptogames recueillies dans les Flandres, dont l’indigénat n'avait pas encore été con- staté en Belgique, ou dont la détermination était restée douteuse. Tout nous autorise à croire que ce nombre est susceptible d’être encore de beaucoup augmenté. Les Flandres, en effet, ne se résument pas, comme on le croit le plus souvent, en une vaste plaine absolument dépourvue de tout accident de terrain et offrant partout une végétation uniforme. S'il est vrai que, sur une grande portion de leur étendue, le sol, formé par les sables tertiaires supérieurs, de la Campine, ou par un dépôt d'argile moderne, est en général uni, il n’en est cependant pas ainsi sur tous les points de leur territoire. Dans sa partie méridionale, qui appartient, par sa constitution géologique, aux terrains tertiaires inférieurs, et surtout aux systèmes bruxellien et landénien de notre confrère M. Dumont, le pays est au con- traire beaucoup plus élevé, agréablement accidenté et parcouru par une chaîne de collines qui se rattachent à celles du Brabant. Aussi la végéta- n AVANT-PROPOS. tion y participe-t-elle de la flore de cette dernière province, et en même temps de celle du Hainaut, qui est limitrophe. La présence, dans les Flandres, de certaines espèces plus ou moins propres aux pays de collines, s'explique parfaitement par cette circonstance, ignorée sans doute du savant et honorable botaniste qui a bien voulu rendre compte de notre précédente Centurie dans le Botanische Zeitung de Mohl et Schlechtendal. Gand, le 4° juillet 1848. RECHERCHES POUR SERVIR À LA FLORE CRYPTOGAMIQUE DES FLANDRES. ÉQUISÉTACÉES. 1. EQUISETUM CAPILLARE Hoffm. Equiserum syLvaricun G capillare Steud. Equiserun oPBRACULENSE Hooreb. ap. Mussche, Hort. Gand. Ejusd., Herb. de la Flandre orientale, fase. 59, gen. 344, sp. 7. Tige stérile, plus élevée que celle de l’Equisetum sylvaticum. Ramules d’une ténuité remarquable, atteignant jusqu’à 10 et 11 centimètres de longueur, divariqués au lieu de retomber en formant l'arc, triquètres à leur base, divisés en ramifications allongées, grêles, comprimées et presque toujours un peu tordues. Gaînes caulinaires à nervures plus saillantes que dans la Prêle des bois, à dents plus longues, moins obtuses. Tige fertile (assez bien représentée par Vaucher, pl. IIT, fig. 3), de 3 décimètres de hauteur, à ramules simples, longs de 2 à 3 centimètres seulement, à gaînes et dents conformes, terminées par un épi qui est à peu près cylindrique lorsqu'il est complétement développé. La tige fertile de cette prêle est restée inconnue à tous les botanistes qui 6 RECHERCHES en ont parlé, et cette circonstance n’aura pas peu contribué, sans doute, à faire envisager l’Equisetum capillare comme une simple déviation de la Prêle des bois. Nous avons été assez heureux pour rencontrer ces tiges florifères dans la même localité où Hoorebeke avait recueilli les tiges sté- riles qui se trouvent encore aujourd’hui dans son herbier. Hätons-nous ce- pendant d'ajouter que nous ne les y avons pas vues croître ensemble, peut- être parce qu’elles se montrent dans des saisons différentes. C’est, du reste, une règle générale pour les équisétacées hétérophylladiques ! d’avoir les ramules de leurs tiges fructifères , quand elles en portent, beaucoup moins ramifiés et plus courts que ceux des tiges stériles. Ces ramules ne sont pas même toujours complétement identiques dans tous les individus fertiles de la même espèce; ce qui provient d’une sorte d’antagonisme ou de balan- cement organique qui existe entre leur développement et celui de lépi. L’'Equisetum capillare stérile se présente habituellement partout avec les mêmes caractères, ainsi que l’a constaté Ruprecht?; mais ses tiges fruc- tifères donnent naissance chez nous à une forme naine, qui est l'Equisetum sylvaticum B minus Lej. (nec Wahlenb.) Nous avons pu nous en convaincre par l'examen de l’échantillon-type dont le savant et honorable auteur de la flore de Spa a bien voulu nous gratifier. Dans les bois d’Opbrakel, entre Zotteghem et Renaix. Fructifie au prin- temps. LYCOPODIACÉES. 2. LYCOPODIUM PATENS Beauv. (sub Planantho). LycoPonrum seza6o y patens Desv. LycoPoniun secagiodes Hoor., Herb. de la Flandre orientale (nec Linn.). — Dillen, Hist. muscor., tab. 56, fig. [. E. Que l’on regarde cette belle plante comme une espèce ou qu’on la consi- dère comme une variété, toujours est-il qu’elle mérite d’être distinguée du ! La distinction des Prêles en hétérophylladiques et homophylladiques, proposée par Braun, en 4839 (Flora, pag. 307, Ann. des sciences nat., XII, pag. 126), et généralement adoptée depuis lors, avait été établie dès 1835 dans notre Flore cryptogamique des environs de Louvain. 2 Symbolae ad historiam et geographiam plantarum rossicarum, pag. 91, 215. SUR LES CRYPTOGAMES. ÿ. Lycopodium selago, avec lequel on ne saurait la confondre. Son port est plus élancé, moins raide : ses rameaux sont ordinairement moins nom- breux, ses feuilles moins épaisses, plus nettement nervurées, plus longues, effilées au sommet et non mucronées, planes au lieu d’être concaves, éta- lées , luisantes, ciliées dans le jeune âge. Nous ne trouvons cette Lycopodiacée décrite dans aucune flore d'Europe, quoique nous l’ayons reçue de la Savoie, de l'Allemagne et de la France, où le:vrai L. selago paraît être plus rare que chez nous. Les échantillons de provenance étrangère ne diffèrent des nôtres que parce qu’ils sont d’un vert plus foncé. Croît aux environs de Renaix, sur les collines calcaires situées entre Quaremont et Amougies. Rare. Été. MOUSSES. 3. FUNARIA HIBERNICA Hook. Funaria MuuzenserGi Web. et Mohr (non Schwægr.). Funaria DenraTa Crome. — Hampe, Veget. cellul. Hercyniae. A. Dec. 23, n° 227. Diffère de la Funaria Muhlenbergü Schw., par une taille en général plus grande et par des feuilles plus allongées, ovales-oblongues, planes, gra- duellement et longuement acuminées, serrées sur toute leur moitié supé- rieure !, à serratures profondes, obtuses et recourbées en dehors. Urne plus grêle, oblongue, jaunâtre, presque sans stries, à péristome brun. Oper- cule convexe et non conique, rougeâtre, surmonté d’une pointe blanche. D’après Fiedler? et Muller 5, la Funaria hibernica, bien que synonyme de la Funaria Muhlenbergi Web. et Mohr, ainsi que nous l’avons admis dans notre première Centurie, ne l’est cependant point de la Funaria calcarea 1 On décrit également comme serrées les feuilles de la Funaria Muhlenbergü Schw.; mais l’ob- servation prouve qu'elles ne le sont que très-imparfaitement et tout au plus vers leur sommet. Aussi Schwægrichen les représente-t-il entières, contradictoirement à ce qu'il en dit dans le texte. 2 Synopsis der Laubmoose Mecklenburg's. Schwerin , 1844, pag. 37. 5 Synopsis muscorum frondosorum. Berolini, 4848, pag. 110. 8 RECHERCHES Wabl., à laquelle nous les avions rapportées l’une et l’autre. Il y a eu effecti- vement en ceci erreur de notre part; mais la Funaria calcarea est-elle, comme le prétend Muller, identique avec la Funaria Muhlenbergii Schw.? Nous ne le pensons pas. Nous croyons, au contraire, qu’elle constitue, avec la Funaria Muhlenbergi y flaccida Mull., une espèce distincte, reconnaissable à ses feuilles plus longues, ovales-lancéolées, graduellement acuminées, un peu flexueuses et tortiles, entières, excepté vers le sommet, où elles sont ser- rulées, offrant de petites aréoles arrondies, rapprochées, très-différentes de celles de ses congénères. Sur un toit de chaume dans les dunes près d’Ostende. Été. 4. BRYUM CERNUUM Br. et Schimp. Cynonronium cernuux Hedw. Cynononriux cernuuu Schwægr. Prycuosromum cernuux Hornsch.—Swartz, Dispos. muscor. Sueciae , tab. I, fig. 2. Tige d’un rouge vif, rameuse, à rameaux un peu renflés au sommet. Feuilles oblongues-lancéolées, repliant leurs bords en dessous par la des- siccation, et munies d’une grosse nervure rougeàtre, qui se prolonge au delà du sommet en une pointe longue et effilée. Pédicule brun. Urne al- longée-pyriforme, penchée, d’un brun jaunâtre. Opercule luisant, conoi- dal-convexe, apiculé. Fleurs hermaphrodites d’après les auteurs. Voisin du Bryum caespititium, dont il se distingue au premier aspect par ses feuilles lâches, plus rigides, par ses urnes plus grosses, moins pen- chées, non resserrées sous le péristome, et par son opercule surmonté d’une pointe plus longue. Mais c’est dans la structure du péristome interne que réside le caractère distinctif le plus saillant. Au lieu d’être libre et d'offrir des dents régulières, nues ou appendiculées comme dans les autres espèces de Bryum, le péristome interne de la mousse que nous venons de décrire se présente sous la forme d’une membrane hyaline, continue, in- timement adhérente aux dents du péristome externe, qu’elle rapproche en un cône plissé et se déchirant, par la déhiscence, en lanières longitudi- nales et irrégulières. Parmi les ruines du château de Renaix, au commencement de juin, et sans doute aussi sur les vieux murs. SUR LES CRYPTOGAMES. 9 5. BRYUM INCLINATUM Garov. (non Dicks.) Poucia incziNATA Swartz !. Schwægr., Spec. musc. frond. Suppl. I, tab. 63, fig. I. Feuilles planes, lâches, ovales-lancéolées, longuement acuminées, à nervure saillante, à bords entiers, les périchætiales conformes, quoiqu’un peu plus larges. Pédicule d’un brun sale et terne. Urne pyriforme, ventrue quand elle est bien mûre, d’abord inclinée, puis penchée. Péristome interne libre, inférieurement membraneux, supérieurement partagé en dents lacu- neuses, non séparées entre elles par des cils. Opercule conoïdal. Les fleurs mâles nous sont inconnues. Elles habitent le même pied. L'absence constante des cils du péristome interne suffit seule pour dis- tinguer cette espèce du Bryum intermedium, qui est d’ailleurs hermaphro- dite et dont le feuillage est aussi plus étalé. Croît dans les sables humides de Rieme, d’où me l’a communiqué M. Demey, pharmacien. Été. 6. BRYUM ATROPURPUREUM Web. et Mohr. Bryum ervrurocarpum Brid. (non Schwægr.) — Hampe, Veget. cellul. Hercyniae. A. Dec. X, n° 92. Feuilles rapprochées, ovales-lancéolées, entières, brusquement termi- nées en une pointe assez longue qui est formée par la nervure. Pédicule raide, un peu flexueux , courbé en arc à son sommet, d’abord rougeûtre, puis d’un rouge foncé. Urne pendante, ovale, courte, quelquefois presque globuleuse, d’un rouge pourpré et noirâtre quand elle est complétement mûre. Opercule convexe, d’un rouge vif, luisant, transparent, plus ou moins apiculé. Les fleurs mâles habitent des pieds distincts. Le péristome interne ne m’a présenté, ni dans mes échantillons, ni dans ceux de Hampe, les cils dentés dont parle? Garovaglio. Je n’ai vu non plus nulle part la nervure s’évanouir vers le milieu de la feuille, comme l’a- ‘ En parlant dans notre première Centurie de quelques espèces confondues sous le nom de Bryum turbinatum, nous avions indiqué le Bryum (pohlia) inclinatum comme ne différant point du Bryum pallens. Les échantillons authentiques de ce dernier, que nous avons reçus depuis lors, nous prouvent que ces deux mousses doivent être distinguées. 2 Peristomio interno ciliolis introrsum dentatis instructo. BRYOLOG. AUSTRIACA EXCURSORIA , pag. 99. Tome XXII. 2 10 RECHERCHES vance Wallroth, circonstance d'autant plus digne de remarque, que cette nervure, à raison de sa grosseur, est facile à observer. C'est au Bryum atropurpureum qu’appartient la plante décrite ! par M. Westendorp, sous le nom de Bryum erythrocarpum Schwægr., et publiée par lui sous cette dénomination dans son Herbier cryptogamique. Le vrai Bryum erythrocarpum Schwægr. est toujours d’une taille plus grande et porte, en même temps que des urnes plus allongées et plus grêles, des feuilles lancéolées, espacées, graduellement acuminées et serrulées au sommet. Dans les vergers, à Sleydinge et Everghem. Croît aussi aux environs de Courtrai. 7. HYPNUM SCORPIOIDES Linn. (non Alior.). Hypnum ruscum Schleich. — Breb., Mousses de la Normandie, fasc. V, n° 101. Tige d’abord ascendante, puis couchée, longue de 1 à 2 décimètres, di- visée en rameaux épars, assez courts, souvent renflés à leur sommet, qui est recourbé. Feuilles imbriquées, oblongues, rétrécies vers leur base, très- obtuses, très-entières, très-concaves , dépourvues de nervure; celles qui garnissent l'extrémité recourbée des rameaux, ovales-lancéolées, plus ou moins aiguës, courbées en faucille et déjetées d’un seul côté. L’urne manque dans nos échantillons. Elle est, d’après les auteurs, « oblongue, recour- » bée, à demi penchée, surmontée d’un opercule conique. » Les jeunes feuilles sont d’un vert jaunätre, les anciennes d’un brun foncé. C’est à tort que l’on décrit cette espèce comme ayant toutes ses feuilles tournées du même côté; ce caractère n’est propre qu'aux apicales. Aucune feuille ne nous a montré ces rudiments de deux nervures, qui de- vraient exister près de leur base, d’après Hooker. Croissait, sans fructification, dans les prés marécageux des environs de Renaix. Juin. 1 Description de quelques Cryptogames inédites ou nouvelles pour la flore des deux Flandres. BozLerins pe L'Acan. pe Brux., tom. XII, 2° part., pag. 239. SUR LES CRYPTOGAMES. 11 8. HYPNUM DENTICULATUM 8 sylvaticum Turn. Hyrnum svzvaricum Linn. Hampe, Veget. cell. Hercyniæ. A. Dec. XVII, n° 163. Le type de l'espèce est caractérisé par des feuilles régulièrement ovales, aiguës, énerves, ainsi que par les cils solitaires de son péristome interne. Dans cette variété, au contraire, dont la verdure paraît être toujours plus pâle, les feuilles sont plus longues, effilées au sommet, ovales-lancéolées, un peu courbées en faux, ayant près de la base, sur le côté opposé à la courbure, un sinus rentrant très-distinct; elles sont, en outre, pourvues dans leur tiers inférieur de deux nervures qui se réunissent en forme de V. L’urne est aussi plus cylindrique, et les cils qui séparent les dents du pé- ristome interne sont constamment au nombre de trois. À la variété que nous venons de décrire, et qui est peut-être une espèce, se rapporte la figure de Vaillant que nous avons citée ailleurs ! pour l’'Hypnum denticulatum Linn., lequel est typiquement représenté par les échantillons de M. Desmazières?. Nous doutons que l’Hypnum sylvaticum Schwægr. soit identique avec l'espèce Linnéenne : du moins offre-t-il, entre autres différences, des feuilles munies, près de leur base, de deux nervures parallèles. MM. J. Donkelaer et Malingie ont trouvé cette mousse dans les bois de Knesselaere, où elle est peu commune. 9. ORTHOTRICHUM STRAMINEUM Hornsch. Desm., PL. crypt. de la France, fase. XVIIT, n° 897. Feuilles étalées, carénées, épaissies sur leurs bords, munies d’une grosse nervure qui les parcourt totalement : les supérieures lancéolées-linéaires, un peu obtuses, les inférieures lancéolées et aiguës. Urne saillante, oblongue, marquée de huit côtes, qui sont longitudinalement striées à leur tour. Cils du péristome interne au nombre de huit. Opercule rougeà- tre, apiculé. Coiffe campanulée, glabre, jaune-paille, à sommet brunûtre. ! Flore cryptogamique des environs de Louvain, pag. 29. 2 PI. crypt. de la France, fase. XIV, n° 696. 12 RECHERCHES Nos échantillons n’ont pas les feuilles ondulées mentionnées par Wall- roth. La coiffe, abstraction faite de sa pointe, n’est pas non plus aussi large que haute, comme le dit Garovaglio. D'ailleurs, ce caractère, füt-il constant, ne saurait avoir dans ce genre aucune valeur spécifique. Croît sur le tronc des peupliers et des saules, souvent en société avec l'Orthotrichum diaphanum. Printemps. 10. ZYGODON VIRIDISSIMUS Brid. Dicranux viribissimux Turn. Gymnosromuu virinissimum Sm. — Breb., Mousses de la Normandie, fasc. VIT, n° 161. Tige droite, rameuse, à rameaux nombreux et fastigiés. Feuilles très- rapprochées, oblongues-lancéolées, très-entières, aiguës, réfléchies au sommet, parcourues par une nervure très-épaisse, se courbant et se tor- tillant un peu par la dessiccation. Pédicule terminal, long de 4 à 5 mil- limètres. Urne oblongue, dressée, ridée et bosselée quand elle est sèche. Péristome double : l'extérieur a 16 dents rejetées en dehors, groupées par paires, celles de la même paire cohérentes; l’intérieur a 8 cils sétacés , fléchis en dedans et presque horizontaux, alternant avec les doubles dents du péristome extérieur. Opercule à bec oblique, le plus souvent très- recourbé. Coiffe lisse, cuculliforme. Rappelle à la fois les Orthotrichum et les Weissia. Tient aux premiers par la structure du péristome, aux seconds par son port. Les échantillons pu- bliés par Brebisson ont une taille plus grande que les nôtres. Leurs feuilles nous paraissent aussi un peu plus larges et plus pointues. Croît en petites touffes sur le tronc des vieux chênes et des saules aux environs de Renaix. Printemps. 11. DICRANUM SPURIUM Hedw. Cecazyrnum spurium Beauv. — Hedw., Stirp., H, p. 82, tab. 30 (ex Schwægr.). Tige et rameaux garnis d’un duvet étoupeux ! rougeûtre. Rameaux nom- 1 Nous avons déjà fait remarquer, à l'occasion de l'Hypnum Blandowii, dans notre deuxième Centurie, que le duvet caulinaire que possèdent certaines mousses est formé de véritables racines adventives. Ajoutons ici que leur structure n’est point partout identique. Nous les avons trouvées SUR LES CRYPTOGAMES. 15 breux, raccourcis. Feuilles imbriquées, concaves, luisantes, tortiles par la dessiccation, pourvues d’une nervure complète, mais non saillante : les inférieures lancéolées, aiguës, serrulées sur la moitié de leur longueur ; les supérieures fastigiées, oblongues-lancéolées, entières, à peine serrulées à leur sommet, qui est plus effilé. L’urne, portée sur un pédoncule jau- nâtre et flexueux, est, selon les auteurs, cylindrique, arquée et munie d’un opercule conique, longirostre. Cette espèce est bien certainement un véritable Dicranum; mais si elle est facile à reconnaître pour tel quand elle est en fructification, il n’en est plus de même dans l’état habituel de stérilité où nous la trouvons chez nous. Son port hétérogène peut alors donner lieu à bien des recherches infructueuses. Croît en touffes épaisses sur le bord des fossés, dans les bruyères d’Ur- sele et dans les sapinières de Cherscamp. 12. DICRANUM MAJUS Turn. Dicranum scopamiun &G latifolèum Kx., Flor. crypt. de Louv., pag. 51. Dicranum rozyserun Brid. Libert, PL. crypt. Ar- duen., fase. IV, n° 305. Tige le plus souvent ascendante, inférieurement recouverte d’un duvet étoupeux, brunâtre, moins abondant que chez le Dicranum scoparium. Feuilles lancéolées-subulées, allongées, toutes fortement courbées en faux et déje- tées d’un seul côté, rigides, également distantes, uninerves, à nervure totale, concaves (quoi qu’en dise Schwægrichen) à leur base, planes et ser- rulées vers le sommet, se pliant en double dans le sens longitudinal par la sécheresse; les périchætiales largement oblongues, imbriquées, concaves, engaînantes, formant une espèce de cylindre autour de la base des pédi- cules, très-entières, très-obtuses, surmontées d’une pointe flexueuse, qui articulées dans plusieurs Hypnum, dans le Bartramia fontana ; inarticulées dans les Dicranum, l'Aulacomnion palustre, les Mnium affine et hornum. Articulées ou non, ces racines adventives se développent toujours en remplacement de la racine principale, qui n'a, chez la plupart de ces espèces, qu'une existence passagère et que l'on cherche par cela même vainement lorsque la plante a dépassé un certain âge. Le même fait a été constaté par notre honorable confrère M. Spring, chez un grand nombre de Lycopodiacées. (Bull. de l'Acad., tom. XV (1848), pag. 137.) 14 RECHERCHES n'est.que la continuation de leur nervure. Pédicules agrégés, variant en nombre de 2 à 5, jaunâtres. Urne oblongue, courte, arquée, d’un roux verdâtre. Opercule conique, à bec subulé, d’abord droit, puis recourbé. On reconnaîtra le vrai Dicranum scoparium ; avec lequel cette espèce et la suivante ont été confondues dans notre Flore cryptogamique des environs de Louvain, aux caractères suivants : feuilles lancéolées-subulées, plus étroites, flexueuses ou plus ou moins courbées, les inférieures surtout rejetées d’un même côté de la tige, les supérieures et celles qui terminent les anciennes pousses , étalées et fasciculées, munies les unes et les autres d’une nervure totale, serrulées au sommet, planes à leur base, ayant sur tout le reste de leur étendue les bords relevés en gouttière; les périchætiales conformes à celles du Dicranum maÿjus, plus lâchement vaginantes , nullement énerves, malgré l’assertion contraire de Turner. Pédicule solitaire, rarement gé- miné, rougetre. Urne presque cylindrique, inférieurement amincie, d’a- bord droite, puis courbée, brunâtre. Opercule conique, à bec subulé, droit et oblique !. Croît dans les bois secs et montueux des environs de Renaïx, ainsi que dans les bruyères d’Ursele. Été. 13. DICRANUM RUGOSUM Brid. Dicranum PoLyserun Sw. (n0n Brid.) Dicranum uxouLarum Turn. (non Ehrh.) Dicranuu scoparium y wndulatum Kx., Flore crypt. de Louv., partim. — Desm., PL. crypt. de la France, fasc. XXIX, n° 1446. Tige droite également couverte, dans sa partie inférieure, d’un duvet étoupeux brunâtre. Feuilles lancéolées, rapprochées, plutôt étalées en tout sens que tournées d’un seul côté, planes, munies d’une nervure totale, transversalement bosselées et ondulées, excepté près de leur base, serru- lées sur presque toute leur longueur, à serratules aiguës, profondes , ! Deux variétés se rapportent à ce D. scoparium , ce sont : 8 crispulum Breb., Normand., n° 109. D. scoparium y undulatum Kx., Flor. crypt. de Louv. (partim). Dans les marécages des bruyères et des sapinières. y fuscescens Wahlenb., Kx., Recherches sur la fl. crypt. des Fland., 2 centurie, pag. 10. (An Turner?) Dans les endroits tourbeux des bois. SUR LES CRYPTOGAMES. 15 inégales, quelquefois doubles : les périchætiales oblongues-lancéolées , bien certainement uninerves, quoiqu’à nervure moins distincte, acumi- nées, effilées en une longue pointe flexueuse, mais non mucronées, sem- blables, pour le reste, à celle de l’espèce précédente. Pédicules agrégés en nombre variable, jaunâtres. Urne presque cylindrique, inférieurement amincie, courbée en arc, le plus souvent étranglée sous le péristome, et d’un brun jaunâtre. Opercule conique. Bec subulé, droit ou réfléchi. Nous ignorons ce qui a pu porter Wallroth à indiquer, dans les feuilles de cette espèce et dans celles du Dicranum majus , une carène serrulée. Rien d’analogue ne s’est offert à nos recherches. Croît dans les prés tourbeux situés au pied des collines, aux environs d’Audenarde et de Grammont. Été. HÉPATIQUES. 14. JUNGERMANNIA BARBATA Schreb. Juncermannia quinqueDenTaTA Linn. — Mart., Erlang., tab. VI, fig. 50 a (excl. b, c). Tige couchée, ascendante, simple ou peu rameuse, inférieurement garnie de petites radicelles adventives, confervoïdes, qui la font paraître barbue. Feuilles distiques, étalées, plus ou moins rapprochées, presque carrées , tronquées et 3-5 fides au sommet, souvent un peu rétrécies à la base, laquelle est adnée et légèrement décurrente. Stipules presque toujours ca- chées entre les radicelles, linéaires-lancéolées, plus ou moins profondé- ment bipartites, à pointes aiguës, laciniées sur, leur bord. L'appareil fructificateur, que nous n'avons pas observé, sé compose, d’après notre honorable confrère M. Dumortier !, d’un périchèze gemmiforme à folioles tri-multifides : d’une gaîne oblongue, contractée et dentelée à son orifice : d’une capsule pédonculée, quadrivalve, à élatères géminés nus et caducs. Au pied du Kluyzenberg, dans le bois qui en occupe le versant, sur le bord des fossés. Juin. Rare. 1 Sylloge Jungermannidearum Europae , pag. 58 et 90. 16 RECHERCHES LICHENS. 15. IMBRICARIA OBSCURA Fr. (sb Parmelia.) Hacenra orscura De Not. Licxen osscurus Ehrh. ap. Fries, Lichen Europ. reformat., pag. 84. Thalle comme étoilé dans le jeune âge, puis irrégulièrement étalé, pre- nant toutes les nuances intermédiaires entre le gris-cendré et le gris-bru- nâtre, verdissant quand on l’humecte , ainsi que les sorédies noires qu'il porte toujours , mais qui sont surtout abondantes lorsqu'il est stérile. Folioles plus ou moins rapprochées, jamais imbriquées, garnies inférieu- rement de fibrilles noires, au moyen desquelles elles adhèrent à l'écorce : les unes sinuées-pinnatifides, d’autres palmées ou incisées, toutes à lobes linéaires très-obtus, déprimés et divergents. Scutelles à bord entier, à disque noir-brunâtre, dépourvu de poussière glauque. Fries, Wallroth et Kærber ! ont donné à cette espèce beaucoup trop d'extension. Il ne faut rapporter, croyons-nous, à la forme normale que nous venons de décrire que deux variétés : 8 virella Ach., exclusivement propre aux régions alpines, et y lepraeformis, à thalle subcrustacé, à folioles très-petites, multifides (Lecanora lepraeformis Floerk.). Cette circonscription exclut nécessairement l’Imbricaria ulothriæ, que Fries lui-même vient d’ail- leurs de signaler ? comme étant moins une variété qu’une espèce, ainsi que l’Imbricaria cycloselis, déjà décrit dans notre Flore, et auquel on peut ramener les formes mentionnées par Kærber et par Schærer, sous les noms de chloantha, orbicularis et crustacea. Aux environs de Nieukerken, près de S'-Nicolas, sur l’orme, le tilleul et le peuplier (M. J. Van Merstraeten); y sur les vieux saules à Gand. 1 Lichenographiæw Germanicæ specimen, pag. 20. ? Eliae Fries, Summa vegetabilium Scandinaviæ, 1845, pag. x: et 105. 5 Deux autres espèces du genre Imbricaria, les L. plumbea et cœærulescens, ont été indiquées par Decandolle ( Flore française, 3° édit., IE, pag. 390-391), dans la Flandre occidentale, sur la foi d'Aubert Dupetit-Thouars, qui les aurait recueillies à Nieuport. Toutes les recherches que nous avons faites pour les y trouver sont restées jusqu'ici sans résultat. SUR LES CRYPTOGAMES. 17 16. COLLEMA NIGRESCENS Ach.— Dillen, Æist. muscor., t. XIX, fig. 20. Thalle en rosette, monophylle, papyracé, pellucide, glabre, gélatineux et vert-olive à l’état frais, fragile et brun olivâtre lorsqu'il est desséché, di- versement lobé et plissé, à lobes bosselés, relevés. Scutelles à disque brun devenant noir, à bord mince et entier. Nos échantillons appartiennent au type même de l’espèce (Lichen ni- grescens Linn., suppl. Wahl. Suec., Lichen lactuca Web. , Collema vespertilio Hoffm., Parmelia nigrescens « decora Wallr.); ceux, au contraire, qui furent recueillis par nous à une autre époque, en dehors des limites de ces Re- cherches !, se rapportent à la variété à thalle membraneux, semi-pellucide, plus foncé, noircissant davantage par la dessiccation, que Wallroth ap- pelle Parmelia nigrescens B spurca, et qui nous paraît être le vrai Collema nigrescens Hoffm. Le type et la variété donnent, en outre, chacun, naïis- sance à une forme microcarpienne à scutelles nombreuses, ramassées vers le centre. La première de ces formes, celle qui provient du type, con- stitue le Lichen microcarpos Schleich. (Collema nigrescens Desm., Crypt., fase. XIV , n° 680); l’autre, le Collema microcarpum Dec., syn. Le Collema nigres- cens de Hampe? est pour nous le Collema flaccidum Ach. Couvre les bruyères dures des dunes, entre Nieuport et Oostdunkerke. Été. 17. LECIDEA ROSELLA Ach., Meth. (nec Alior). Bacnia rosezLa De Not. Brarona ROSELLA Fr. LicHen ALBo-incarnarus Wulf., ap. Jacq., Collect. IT, tab. I, fig. 3. Thalle granuleux, grisâtre-glauque, à peine distinct. Scutelles arrondies, quelquefois flexueuses; d’abord concaves, puis planes, blanches à l'exté- rieur et sur leur bord, à disque d’un rose incarnat; devenant plus tard convexes et immarginées par la turgescence du disque, qui déprime, re- couvre et fait disparaître le bord. Cette espèce a, dans sa jeunesse, le port d’un Lecanora. L'apothèce prend 1 Voy. Notice sur quelques espèces peu connues de la flore belge, 1835, pag. 7 et 8. ? Veget. cellul. Hercyniae. C. Dec. I, n° 26. Tome XXII. 3 18 RECHERCHES bien, par l’âge, une couleur un peu plus foncée, mais il ne devient nulle- ment brunâtre, comme le dit Chevallier. Les échantillons publiés par Hampe, sous le nom de Biatora rosella Fr., appartiennent sans aucun doute au Lecidea luteola Ach. Trouvé à Destelbergen, près de Gand, sur le bois dénudé du hêtre, dans les fentes des vieux troncs, par M. Malingie. Rare. 18. CALICIUM TURBINATUM Pers. Caricium sessiLE Dec. SPHINCTRINA TURBINATA Fr. Orb. — Moug. et Nestl., Sérp. vog. rhen., n° 366. Point de thalle distinct. Apothèces d’un noir intense, très-lisses, im- mergés, puis saillants, d’abord globuleux et fermés, plus tard cyathiformes et turbinés, devenant ensuite ombiliqués au sommet et se perçant même d’un petit pore orbiculaire, d’après Fries. Le bord en est épais, renflé, in- fléchi. Les sporidies paraissent simples, au lieu d’être biloculaires comme dans les Calicium trachelinum et hyperellum. Le genre Sphinctrina avait été placé par Fries dans les Hypoxylées, mais M. de Notaris ! vient de le faire rentrer de nouveau dans les Lichens. Parasite sur la Pertusaria communis, surtout sur le tronc du hêtre. Automne. HYPOXYLÉES. 19. PERTUSARIA LEIOPLACA Schaer. Perrusaria comuunis © Fr. Porina LeloPLACA Ach., Lich., tab. VIT, fig. 2. Strome étalé, très-mince, lisse, cendré-glauque ou cendré-verdâtre, donnant naissance à des tubercules également lisses, concolores , épars , convexes, arrondis ou oblongs, jamais anguleux , restant longtemps fer- més, percés ensuite de plusieurs pores punctiformes , qui communiquent avec les loges internes du nucléus. Ces pores deviennent confluents et si- mulent, dans cet état, une sorte de fente irrégulière. Le nucléus est d’un ! Voir ses Frammenti lichenografici, dans le Giornale botanico Italiano da Filippo Parlatore, anno 2° (1847), pag. 299. SUR LES CRYPTOGAMES. 19 blanc mat et gélatineux. Les thèques, quand elles sont fertiles, ce qui est très-rare, paraissent ne renfermer que deux sporidies. Sur le tronc des jeunes arbres, surtout du chêne et du hêtre. Peu commune. 20. MICROPERA DRUPACEARUM Lev. CenanGrum cerasi junior, Fries, Syst. mycol., 11, pag. 180. Tubercules pâles, d’un blanc sale ou grisâtre, fendant transversalement l'écorce, entourés par l’épiderme dressé, formés par des périthèces mem- braneux, droits, parallèles, presque cylindriques, dilatés vers le haut, aplatis et déformés par la pression. Ces périthèces sont en nombre varia- ble (5-20), et soudés par leurs bases. Ils s’ouvrent à leur sommet, qui est muni d’un ostiole blanc, farineux et renferment des sporidies linéaires, acuminées, courbées à l’une de leurs extrémités, pellucides, entremêlées d’une matière gélatineuse jaune-verdâtre. Les sporidies nous ont paru con- tenir 4-6 sporules ovoides et obtuses. Quoique les sporidies ne soient en général courbées qu’à leur sommet, on en voit cependant aussi qui le sont aux deux bouts, et quelques-unes même sont plus ou moins flexueuses. Nous avons, du reste, constaté, comme M. Leveillé, que cette espèce croît souvent pêle-mêle avec le Ce- nangium cerasi, et, en outre, que le même tubercule donne parfois simul- tanément naissance à l’un et à l’autre. Croît sur l'écorce des jeunes troncs morts du cerisier, au printemps et en automne. Nous l’avons recueilli dans le jardin de M. Spae. 21. PHOMA CONCENTRICA Desm. Srmaenia (depazea) acaves Mont. — Desm., PL. crypt. de la France, fase. XXIT, n° 1085. Sur une tache plus ou moins élevée, orbiculaire ou oblongue, blanche ou blanchâtre, variant beaucoup en grandeur, et entourée d'une ou de plusieurs zones rougetres ou brunes, sont concentriquement disposés de nombreux tubercules (faux périthèces) punctiformes, d’un noir mat, formés par le tissu épaissi de la feuille, enfoncés sous l’épiderme et percés à la 20 RECHERCHES fin d’une ouverture par laquelle ils expulsent, quand on les mouille, une masse de sporules, les unes ovoïdes, les autres globuleuses, qui m'ont paru opaques à leur périphérie. Point de thèques. Nous citons la Sphæria agaves comme synonyme, d’après l'autorité de M. Desmazières, qui, en soumettant à l’analyse les échantillons-types qu'il avait reçus du D' Montagne, a positivement reconnu, nous écrit-il, l’iden- tité générique et spécifique des deux plantes. Sur les feuilles mortes de l’Agave americana et des Yucca, au Jardin Botanique de Gand. Printemps. 22. MELASMIA ACERINA Leveillé, Ann. des Sciences Naturelles, 3° série, tome V, pag. 276. Taches d’un brun noirâtre, épiphylles, arrondies ou ovales, entourées d’une zone décolorée jaunâtre, portant des périthèces noirs orbiculaires, membraneux, épars ou confluents, plongés dans l'épaisseur du tissu, d’a- bord hémisphériques et lisses, puis s’affaissant et se ridant, après avoir expulsé, par leur sommet, des sporidies cylindriques, obtuses, pellucides, dépourvues de cloisons et réunies par une matière gélatineuse. Quand les périthèces ne sont pas confluents, on les aperçoit sans loupe en interposant la feuille entre l’œil et la lumière : ils ressemblent plus ou moins en cet état au jeune âge du Rhytisma punctatum ; maïs lorsqu'ils sont plus nombreux, ils recouvrent entièrement la tache, qui cesse alors d’être transparente. Nous n’avons pu étudier plus complétement le nucléus, soit à cause de sa petitesse, soit aussi peut-être parce que nos échantillons n'étaient pas assez avancés. Wallroth paraît avoir confondu cette produc- tion, sous le nom de Xyloma lacrymans, avec le Rhytisma acerinum B pseudo- platani Fr., qui en est fort distinct. Sur les feuilles du faux platane, aux environs de Gand. Automne. 1 Voir en outre le numéro du mois d'avril 4848, pag. 252, qui ne nous est parvenu qu'après la remise de ce travail. SUR LES CRYPTOGAMES. 21 23. PHLYCTENA VAGABUNDA Desm. Puowa ram Lam. ap. Moug. Ascocuyra cauLIUM Lib. — Desm., PL. crypt. de la France, fase. XXXIIT , n° 16241. Pustules (faux périthèces) très-petites, nombreuses, rapprochées sans ordre, oblongues, convexes, formées par l’épiderme soulevé, épaissi et noirci, perforées d’un pore et presque toujours entourées d’une tache brun- roussâtre, également très-petite. Elles renferment un noyau gélatineux , à sporidies linéaires, obtuses, allongées , courbées et hyalines. Point de thèques. Nous n'avons pu observer les sporules. La tache ne nous a paru manquer que dans le premier degré de déve- loppement des pustules. Les sporidies nous semblent être plus obtuses à l’une de leurs extrémités qu’à l’autre. Sur les tiges sèches du Tamus communis, au Jardin Botanique de Gand. Été. Croît aussi sur d’autres plantes herbacées. 24. CHEILARIA ARBUTI Desm., Ann. des Scienc. Nat., juillet 1846. Dorminga arBuTI Spreng ? — Desm., PL. crypt. de la France, fase. XXXI, n° 1525. Petites taches fuligineuses, sur lesquelles sont agglomérés de très-petits périthèces noirs, luisants, saillants, arrondis ou oblongs, déhiscents par une fente. Nucléus gélatineux, d’abord blanchâtre, puis noirâtre. Ni thèques ni paraphyses. Sporidies ovoïdes. Les sporules sont, d’après M. Desma- zières , au nombre de deux et opaques. Nous avons cru observer que, dans cette espèce, la substance sporidifère ne s'échappe pas réellement sous forme de cirrhe, comme dans ses con- génères. A la surface supérieure des feuilles languissantes de l’Arbutus unedo , au - Jardin Botanique de Gand. Hiver. Communiqué par M. J. Donkelaer. 1 Voir aussi Desmazières, Quatorzième notice, dans les Annales des Sciences naturelles, juillet 4847, pag. 16. Parvcrema est un lapsus calami. 22 RECHERCHES 25. PHYLLOSTICTA RHAMNICOLA Desm. Annal. des Sciences Nat., juillet 1847. Depazea ruaunicoza Lasch 1. — Desm. PI. crypt. de la France, fase. XXXIIT, n° 1625. Taches plus ou moins arrondies, devenant confluentes, cendrées, noir- cissant ensuite et disparaissant même complétement. Périthèces réunis en groupes sur chaque tache, presque toujours hypophylles, noirs, proémi- nents, très-lisses, convexes, déhiscents par un pore et s’affaissant ensuite. Nucléus gélatineux, dépourvu de thèques et de paraphyses. Sporidies oblongues-allongées, presque cylindriques, droites, obtuses, intérieure- ment bimaculées, s’échappant avec la substance qui les entoure sous la forme d’un cirrhe grisâtre. Sur les feuilles languissantes du Rhamnus alpinus, au Jardin Botanique de Gand. Automne. 26. PHYLLOSTICTA VIOLÆ. Desm. PL. crypt. de la France, fasc. XXII, n° 1628. Taches blanches ou blanchâtres, petites, arrondies, devenant con- fluentes, sur lesquelles sont éparpillés des périthèces nombreux, micros- copiques, bruns, plongés dans l'épaisseur de la feuille. Sporidies droites, cylindriques, souvent un peu plus grosses à l’une de leurs extrémités qu’à l’autre, s’échappant sous la forme d’un cirrhe blanchâtre ?. Sur les feuilles languissantes de la violette, surtout en automne. 27. PHYLLOSTICTA CRUENTA Nob. Sruxæria cRuENTA Kunz. DEPAZEA CRUENTA. Chev. — Nees, Act. nat. curios. Bonn., tom. IX (1818), tab. 6, fig. 22. Taches arrondies, oblongues ou elliptiques, variant de 4 à 10 milli- mètres en longueur, quelquefois confluentes, d’abord rouge-pàles, deve- nant ensuite jaunâtres, surtout au centre, entourées d’une zone d’un rouge pourpré et sanguin. Périthèces épiphylles, épars , nombreux, noirs, 1 Ap. Rabenhorst, Herbar. viv. mycologicum, cent. VI. ? Desmazières, Ann. des Sciences Nat., juillet 1847, pag. 29. SUR LES CRYPTOGAMES. 23 lisses, globuleux, convexes, s’ouvrant par un pore et s’affaissant. Nucléus blanchâtre. Sporidies oblongues-elliptiques, grosses, très-obtuses à leurs extrémités, pellucides, droites, renfermant un grand nombre de sporules presque globuleuses. On peut distinguer dans cette espèce trois degrés de développement bien distincts. Dans le premier, les périthèces sont recouverts par l’épi- derme; dans le second, ils s'élèvent par leur moitié supérieure au-dessus de sa surface; dans le troisième, ils s’enchässent de plus en plus par leur base dans l'épaisseur de la feuille, et deviennent également visibles et saillants à la face opposée. Sur les feuilles du Convallaria multiflora, dans les bois de Wetteren. Au- tomne. Très-rare. 28. SEPTORIA STACHYDIS Rob. ap. Desm. Ann. des Sciences Nat., juillet 1847, pag. 19. Depazea sracuypicoLa Lasch. ap Rabenhorst, Æerb. vivo. my- cologic., cent. VI, n° 5651. Taches anguleuses, irrégulières, vert-olivâtres, devenant ensuite d’un brun pâle et blanchàtres au centre. Périthèces noirâtres, ternes, convexes, quelquefois nombreux, d’autres fois assez rares, s’ouvrant par un large pore bien distinct. Nucléus gélatineux, sans thèques ni paraphyses. Cirrhes gris, transparents. Sporidies linéaires, très-minces, allongées, de lon- gueur inégale, courbées ou flexueuses. Les sporules nous sont restées in- connues. Croît en été à la face supérieure des feuilles du Stachys sylvatica. Nos échantillons nous ont été communiqués par M. Demey, pharmacien. 29. SPHÆRIA (seriatæ) MELÆNA Fr. Desm., PL. crypt. de la France, fasc. XXVI, n° 1266. Périthèces noirs, presque globuleux, d’abord recouverts par l’épiderme . . € . FC n . 1 Voir aussi Desm., PL. crypt., fasc. 55, n°1712, qui a paru postérieurement à la présentation de ce mémoire. 24 RECHERCHES noirci, puis proéminents, disposés en très-grand nombre, en séries longi- tudinales, sur un strome étalé, mince et inné. Ils renferment une matière blanchâtre qui sort en perçant le sommet. Les thèques sont subclavi- formes, légèrement obtuses à leurs extrémités. Nous n’avons pas observé les sporidies. Couvre les tiges desséchées de la Vicia segetalis, de plusieurs Medicago et d’autres légumineuses. Automne. 30. SPHÆRIA (seriatæ) PICEA Fr. Pers., {con. et descript. fung. minus cog- nitor., fase. IT, tab. 10, fig. 7, 8. Diffère de la précédente par sa couleur plus noire et terne, ainsi que par ses périthèces épars, moins proéminents, ellipsoïdes, un peu dépri- més, mous et intérieurement noirs. Forme au printemps des taches allongées sur les tiges sèches de la belladone, de l’armoise et d’autres grandes plantes herbacées. Commu- niqué d’Ostende par M. Mac Leod. 31. SPHÆRIA (confertæ) GANGRENA. Fr. Ind., Desm. PL. crypt. de la France, fasc. XXVI, n° 1267. Périthèces d’un noir mat très-intense, presque globuleux, à ostiole punctiforme, d’abord proéminents et convexes, puis affaissés et concaves, plongés dans le parenchyme, qui est modifié en un strome de même cou- leur, recouverts par l’épiderme noirci et formant des pustules tubercu- leuses. Les thèques sont, ainsi que l'avait déjà observé M. Desmazières , claviformes et grosses : les sporidies obtuses, contenant trois ou quatre sporules globuleuses. Sur les feuilles languissantes du Poa pratensis B angustifolia Gaud., aux environs d’Audenarde. Rare. 32. SPHÆRIA (confertæ) CARICIS Fr. Dub., Bot. Gall., tom. II, pag. 695. Périthèces noirs, globuleux, minces, distincts entre eux, plongés dans le parenchyme non modifié, disposés sur un ou sur plusieurs rangs et formant SUR LES CRYPTOGAMES. 25 de petits groupes allongés, quelquefois confluents, recouverts par l’épi- derme noirci, qu’ils soulèvent et déchirent plus tard. Point d’ostioles vi- sibles. Sporidies oblongues, étroites, obtuses, uniloculaires, transparentes. Nous n'avons point vu de thèques. Quelques sporidies nous ont paru avoir deux ou trois cloisons transversales, mais elles étaient peu distinctes. Leur existence bien constatée devrait faire placer cette espèce dans le genre Hindersonia et dans le voisinage de l’Hindersonia graminicola Lev. Sur les feuilles du Carex stellulata, aux environs de Gand. 33. SPHÆRIA (denudatæ) INCONSPICUA Desm., PL. crypt. de la France, fasc. XXVI, no 1270. Taches d’un brun fuligineux, de forme et de grandeur indéterminées. Périthèces microscopiques , noirs, saillants, très-rapprochés, plus ou moins globuleux, un peu déprimés, luisants, astomes. M. Desmazières n'y a pu découvrir des thèques; mais il y a observé des sporidies ayant environ 4° de millim. de longueur et renfermant des sporules opa- ques. Sur l'écorce du tronc de l’Acer platanoïdes, dans le Jardin botanique de Gand. Automne. 34. SPHÆRIA (subtectæ) LICHENICOLA Fr., Elench. SrnæriA epicymaTiA Wallr.? — Flor. Danic., tab. 955, fig. 1 (ex Friesio). Périthèces à peine visibles à l'œil nu, d’un noir terne, plus ou moins globuleux, épars, toujours lisses, d’abord presque entièrement immergés, ensuite proéminents, à ostiole convexe, puis déprimé. Nous n’avons pas pu faire l'analyse du nucléus. Quoique Wallroth cite l'espèce de Fries comme synonyme de la sienne, nous conservons néanmoins à cet égard quelque doute, la Sphæria epicy- matia devant avoir des périthèces hémisphériques luisants et plus tard ru- gueux. Le nombre de périthèces réunis sur chaque scutelle varie beaucoup dans nos échantillons : il est le plus souvent de 3 à 6; mais quelquefois il reste au-dessous de ce chiffre; tandis que d’autres fois, il s’élève jusqu’à 20. Tome XXII. 4 26 RECHERCHES Cette sphérie ne doit pas être confondue avec le Sporocadus lichenicola Cord. Croît sur les scutelles de la Lecidea luteola, aux environs de Gand. Automne. 35. SPHÆRIA (fokicola) CONGLOMERATA Wallr. Desmaz., Ann. des Sciences Natur., juillet 1846, pag. 821. Taches brunes, de grandeur variable, parfois plus ou moins arrondies, portant de petits amas de périthèces noirs, globuleux, très-serrés les uns contre les autres, plongés dans le parenchyme modifié qui leur sert de strome, et devenant saillants sous l'influence de l'humidité. M. Desmazières y a reconnu « un nucléus blanc, des thèques n'ayant guère plus de 5° de » millim. de longueur, et des sporidies prodigieusement petites, oblongues, » paraissant renfermer aux extrémités deux sporules opaques. » Épiphylle sur les feuilles tombées du Cytisus laburnum ; hypophylle au contraire sur celles du Cercis siliquastrum et de l’aune, d’après les obser- vations de M. Desmazières et de Wallroth. Hiver. 36. DIPLODIA ÆSCULI Lev., Ann. des Sciences Natur., We série, tom. V (1846), pag. 290. Périthèces innés, globuleux, noirs à l’intérieur comme à l’extérieur, réunis au nombre de 2 à 5, soulevant et fendant l’épiderme sous la forme d’un petit tubercule. Sporidies elliptiques, obtuses aux deux bouts, semi- opaques, brunâtres, légèrement étranglées par la cloison qui les partage en deux loges : chaque loge renferme une sporule globuleuse. Les sporidies n’ont pas toutes la même grosseur : il en est qui sont plus grèles que les autres. Nous en avons même remarqué parmi ces dernières qui étaient dépourvues de cloison, circonstance que M. Desmazières ? à constatée aussi pour d’autres espèces de ce genre. Couvrait entièrement les jeunes rameaux morts de l’Æsculus hippocasta- num, dans le jardin de M. Spae. Automne. * Depuis la rédaction de ce mémoire, la S. conglomerata a été publiée dans le 36° fase. des PI. crypt. de la Fr. du même auteur. ? Treizième notice, Ann. nes scrences naT., juillet 1846, pag. 69. SUR LES CRYPTOGAMES. 27 37. DIPLODIA RUDIS Desm. #x Lit. Spuæna (obtectæ) runis Fr., Elench. Dub., Bot. gall., tom. IL, pag. 708. Périthèces d’un noir fuligineux, globuleux-déprimés, à col obtus, grands, rapprochés, le plus souvent glabres, recouverts par l’épiderme, qu'ils perforent sans devenir proéminents et qu’ils détachent, plongés par leur base dans l'écorce, et entourés d’un strome crustacé, noir, largement étalé, mince et inégal. Disque blanchâtre. Noyau d’un rose pâle. Sporidies grosses, brunâtres, oblongues , très-obtuses, divisées par une cloison transversale en deux loges, qui renferment chacune une ou deux sporules. Fries fait remarquer, avec raison, que lorsqu'on arrache l’épiderme avant qu’il ne soit complétement soulevé, on enlève la partie supérieure des périthèces, dont l’inférieure présente alors l'aspect d’une cupule. Nos échantillons, comme ceux que nous devons à l’obligeance de M. Mougeot, sont dépourvus de ce duvet furfuracé qui couvre les périthèces dans leur dernière période de développement. Selon qu'ils sont plus ou moins avan- cés, on y rencontre aussi des sporidies plus ou moins parfaites, et par là plus ou moins différentes. Elles revêtent tardivement leur forme et leur structure définitives. D'abord étroites, uniloculaires!, elles deviennent en- suite plus larges, plus obtuses; dans ce second état, leur double membrane est distincte, mais il n’y a pas encore de trace visible de cloison. Celle-ci, formée sans doute par une duplicature de la membrane interne, n’appa- raît que plus tard, et il n’est même pas rare de rencontrer dans un même périthèce des sporidies uniloculaires et biloculaires. Sur le tronc et les branches du Cytisus laburnum mort, au Jardin bota- nique de Gand. 38. HINDERSONIA MACULANS Lev. Srorocanus macuzans Cord., Zcones . fungor., WT, tab. IV, fig. 66. Taches d’un blanc plus ou moins laiteux, arrondies, indéterminées , 1 Longtemps nous n'avons connu les sporidies de cette espèce que dans cet état primitif; mais M. Desmazières nous ayant écrit qu’il leur avait trouvé les caractères des Diplodia, nous les avons soumises à de nouvelles études, dont nous donnons les résultats. 28 RECHERCHES formées par l’épiderme modifié et décoloré. Périthèces éparpillés sans ordre, noirs, avec une teinte brunâtre, globuleux, légèrement déprimés, immergés ou ne faisant saillie que par leur sommet, qui se perce d’un pore. Point de thèques. Des paraphyses. Basidies simples, continues, res- tant le plus souvent attachées aux sporidies pendant leur éruption. Celles-ci fusiformes-oblongues, plus effilées au sommet qu’à la base, pellucides et divisées par des cloisons transversales en quatre loges. Nous n'avons pu distinguer les sporules. Croît épi- et hypophylle sur les feuilles du Camellia japonica, au Jardin botanique de Gand, d’où me l’a communiqué M. J. Donkelaer. 39. HINDERSONIA YUCCÆ Nob. Sruænta (confertæ) vuccæ Fr. SPnæriA YUCCÆ cLoniosæ Schwein., Syn. fung. Carol. sup., pag. 37, n° 88. Petites taches noires ou noirâtres, plus ou moins arrondies ou irrégu- lières, souvent confluentes, non proéminentes, pénétrant profondément dans la substance de la feuille et recouvertes d’abord par l’épiderme, qui se détruit. Périthèces entièrement immergés, globuleux, à ostiole puncti- forme. Point de thèques. Sporidies brunâtres, oblongues, très-obtuses, offrant à l’intérieur trois cloisons transversales. Nous n’y avons pas observé de sporules. Les premières analyses auxquelles nous avions soumis cette espèce ne nous avaient offert que des sporidies uniloculaires, pareilles à celles du genre Sphæropsis Lev.; mais en analysant ensuite des échantillons plus dé- veloppés, nous y avons très-distinctement vu, à plusieurs reprises, des sporidies cloisonnées représentant très-bien celles de l’Hindersonia populi Lev. 1, à l'exception toutefois qu’elles ne sont pas, comme ces dernières, claviformes. Sur la base persistante des feuilles des Yucca, au Jardin botanique de Gand. Automne. 1 Sporocadus populi Cord., Icon. fung., IV, tab. 8, fig. 109. SUR LES CRYPTOGAMES. 29 GASTEROMYCES. 40. DIDYMIUM FARINACEUM Fr. Puysarum cLogosum Schum. Paysarun FARI- NACEUN Pers., Syn. fungor., 1, pag. 174. Péridium globuleux, plus ou moins arrondi ou dilaté, convexe en dessus, ombiliqué en dessous, très-mince, fragile, noirâtre, couvert d’une poussière farineuse cendrée. Stipe généralement court, solide, ferme, un peu atténué vers le haut, strié, de même couleur que le péridium ou quelquefois brunâtre, inséré sur un subicule maculæforme orbiculaire et grisätre. Columelle à peine distincte. Flocons blancs. Sporidies globu- leuses, noires. Les péridies se soudent assez fréquemment entre eux au nombre de deux ou de trois. Le stipe varie en hauteur; il manque même quelquefois ; car nous voyons des individus sessiles entremêlés aux autres. Nos échan- tillons s’éloignent de la description de Fries, en ce que ni le stipe ni les sporidies ne sont chez eux noir-brunâtres. Nous ferons remarquer, quant au premier point, que Wallroth mentionne une variété à stipe blanc, et, quant au second, que les sporidies sont dites noires, comme nous les avons observées, par Schumacher. Peut-être les trouverait-on noir-brunà- tres dans un âge moins avancé. Sur les mousses, les feuilles tombées, etc. M. J. Donkelaer l’a recueilli sur celles à demi pourries d’un Crinum, au Jardin des plantes de Gand. Été. URÉDINÉES. 41. CRONARTIUM ASCLEPIADEUM Fr. Cæoma cronarrires Link. EniNeum ASCLE- PIADEUN Funk. — Desm., PL. crypt. de la France, fase. XXVIIT, n° 1379. Filaments (faux péridium) agrégés, allongés, atténués au sommet, raides, arqués, creux, non cloisonnés, d’un brun pâle, renflés à leur base en un petit tubercule à demi émergé, par lequel ils plongent dans la 30 RECHERCHES feuille, et renfermant, à l’intérieur , des sporidies globuleuses. Les spo- rules nous sont inconnues. Nous continuons à placer ce genre à côté des Ræstelia, avec lesquels il présente la plus grande analogie. 11 nous a été impossible d’y voir les thèques claviformes et courbées indiquées par Unger et figurées, d’après lui, par Nees et Henry‘. Croît à la surface inférieure des feuilles languissantes du Cynanchum vincetoxicum , dans les jardins. Septembre. 42. ÆCIDIUM CONVALLARIÆ Schum., Cæowa ececans Schlecht. — Desm., PI. crypt. du nord de la France, fasc. 1, n° 28. Tache jaunâtre, prenant quelquefois une légère teinte verte, arrondie, grumeleuse et épiphylle. Cupules (faux péridium) hypophylles, d’un jaune-paille sale et terne, cratériformes, à bords dentieulés et réfléchis, disposées, sur un ou plusieurs rangs, en petits groupes plus ou moins orbiculaires, dont le centre reste le plus souvent vide. Sporidies jaunes. . Nous ne voyons pas, sur les échantillons que nous avons sous les yeux, le cercle ferrugineux qui devrait limiter la tache, au dire de Wallroth. Quelques cupules sont parfois éparses et isolées autour des groupes, et laissent apercevoir alors très-distinctement le mycelium blanc et rayonné sur lequel elles sont insérées. Les sporidies ont été décrites jaune-oranges par Schumacher et par M. Desmazières. Il est possible qu'elles aient d’abord cette couleur et qu’elles pälissent ensuite. Sur les feuilles des Convallaria, et surtout du Convallaria multiflora, dans les bois d’Aeltere. Juin. 43. ÆCIDIUM ALLII Chev., Æcmiux acc ursint Pers. Rabenh., Æerb. Viv. mycol., cent. 6, n° 578. Diffère de l’espèce précédente 1° par des cupules plus enfoncées, plus minces, plus largement ouvertes, à bords moins réfléchis; 2° par des grou- ! System. der Pilze von Fried.'Nees und A. Henry, 1 abth., tab. IL, fig. 4. SUR LES CRYPTOGAMES. 31 pes moins compactes formés d’une seule rangée de cupules disposées en un cercle irrégulier; 5° par des sporidies oranges. Le mycelium y est aussi visible. L’Æcidium majanthæ Schum., que Fries et Wallroth réunissent à l'Æci- dium convallariæ, nous semble avoir plus de rapports avec celui-ci. Hypophylle sur plusieurs espèces du genre Allium. Nous l’avons recueilli sur l’Allium ursinum , aux environs de Grammont. Mai. Très-rare. 44. ÆCIDIUM LONICERÆ Dub., Æcmium xyLosrer Chev., Æcipium PERICLYMENI Schum. (nec Dec.), Cæowa xycosrearun Link., Spec. plant., VI., tom. II., pag. 53. Tache brunâtre, arrondie et épiphylle. Cupules hypophylles, d’abord blanchâtres, prenant ensuite une teinte jaune très-légère, urcéolées, à bords contractés, infléchis, presqu'entiers : plus ou moins irrégulièrement disposées en groupes orbiculaires autour desquels la feuille est souvent blanchie par les filets rayonnants du mycelium. Sporidies brunâtres, pà- lissant par l’âge. Cette espèce, avec laquelle il ne faut pas confondre l'Æcidium periclymeni Dec., croît surtout sur le Lonicera xylosteum. Nous l'avons trouvée dans une campagne à Rooborst. Été. 45. ÆCIDIUM ZONALE Bréb. ap. Dub., Æcmium cowposirarum z /nulae Wallr., Æcrorvx rusezzum B., Inulae Desm., PI. crypt. de la France. Fasc. XXIV, n° 1167. Tache arrondie, épiphylle, jaune, brune au centre et zonée de brun pourpré vers la périphérie. Cupules hypophylles, à peine saillantes, jau- nâtres, ternes , cratériformes, à bords légèrement réfléchis et très-peu denticulés, disposées sur un ou sur plusieurs rangs en groupes plus ou moins orbiculaires. Sporidies jaunes. Mycelium rampant sous l’épiderme. Croît, en été, mais peu fréquemment , sur les feuilles de l’Inula dysen- terica. 32 RECHERCHES 46. ÆCIDIUM ORCHIDEARUM Desm., Plant. crypt. de lu France, fase. XXIV, ne 1163. Tache épiphylle, le plus souvent jaunâtre, arrondie, plus ou moins marquée. Cupules hypophylles, peu saillantes, d’abord pâles, puis bru- nâtres, à bord infléchi, presqu’entier. Sporidies jaune-oranges. Mycelium sous-épidermique. Sur les feuilles de nos orchidées indigènes, entre autres de l’Orchis latifolia. M. Westendorp l’a aussi recueilli aux environs d’Ypres. Juin. 47. ÆCIDIUM ADOXÆ Dub. Desm., PL. crypt. du nord de la France, fase. XII, n° 555. Cupules blanchâtres, éparses, nombreuses , urcéolées, ne tachant pas l’épiderme, à bord découpé, infléchi dans le jeune âge, ensuite dressé. Sporidies jaunes. Sur les deux faces et sur le pétiole des feuilles de l’Adoxa moschatellina, aux environs d'Audenarde. Rare. 48. UREDO PYROLÆ Grev. Erysise pozymorrua G Wallr. Cæowa Pyrozæ Link., Spec. plant., VI , tom. II, page 15. Petits groupes hypophylles, jaunes, épars, orbiculaires , proéminents et convexes. Les sporidies sont sessiles, en général ovoïdes; quelques-unes cependant globuleuses ou à peu près. Leur épispore est verruqueux. D’après Hooker, les sporidies seraient quelquefois imparfaitement pé- dicellées, mais nous n’avons rien observé de pareil. Les taches brun- rougeâtres ou brun-jaunâtres que l'on remarque souvent à la surface supérieure de la feuille, et dont Link, Hooker, Duby ont cru devoir tenir compte dans leur description, sont celles d’une production tout à fait distincte et peut-être d’une hypoxylée. Sur les feuilles de la Pyrola rotundifolia, aux environs d’Ostende. Com- muniqué par M. Mac Léod. SUR LES CRYPTOGAMES. 99 49. UREDO PINGUIS Dec. Cozrosporiun PINGUE Lev. Cæowa PinGue. Link, Spec. plant., V1, tom. II, pag. 30. Groupes allongés, rarement arrondis, grands, atteignant jusqu’à 10 et 15 mill., épais, convexes, d’un rouge orange, entourés par l’épiderme fendu. Sporidies sessiles, demi-pellucides, hétéromorphes, le plus grand nombre carrées et pentagones, d’autres ovoïdes et globuleuses. Nous n'avons pas réussi à y observer les trois ou quatre sporules disposées en série linéaire qu'y signale M. Leveillé 1. Il y a beaucoup de confusion dans la synonymie de cette espèce. L’U- redo effusa à rosæ, Strauss, qu’on y rapporte, ne nous a offert que des spo- ridies subglobuleuses. D'autre part, l'Uredo effusa, décrit par Gréville ?, est bien, si nous en jugeons par la figure, identique avec notre Uredo pinguis. Il ne faut pas du reste, perdre de vue que les nombreuses spo- ridies de cette plante, en se répandant sur la surface des feuilles, s’y mêlent souvent à celles de l’Uredo rosæ Dec., qui sont exclusivement ovoïdes. | Sur le pétiole, les nervures et le calice de plusieurs sortes de rosiers, qu'il tuméfie et déforme. Communiqué, des environs de Gand, par M. J. Donkelaer. Juin. 950. UREDO ARMERIÆ Dub. Enysise armertÆ Wallr. Uromyces ARmERIÆ Lev. Ureno srarices Desm. PL. crypt. de la France, fasc. NT, n° 128. Groupes plus ou moins arrondis ou oblongs, recouverts d’abord par l’épiderme bulleux, qui s'ouvre et qui les entoure plus tard. Sporidies pédicellées : rousses , devenant ensuite brunes : globuleuses, entremêlées d’autres, qui sont ovoides. Le mélange de sporidies de forme différente explique les dissemblances qu'offrent entre elles les descriptions de Duby et de Wallroth. Ces spo- ! Sur la disposition méthodique des Urédinées. Nous citons ce travail, primitivement lu à la Société philomatique de Paris, d’après les Annales des sciences naturelles du mois de SRE 1847. L'extrait qu'en avait donné l'Institut renferme plusieurs inexactitudes. ? Scottish cryptogam. Flora, 1, pl. 19. Towe XXII. > 34 RECHERCHES ridies, qui seraient sessiles, d’après les auteurs, nous ont paru être pédi- cellées, opinion que M. Leveillé est venu confirmer depuis lors, en plaçant l’Uredo armeriæ dans le genre Uromyces. Sur les feuilles du Statice armeria, dans les jardins. Mai et juin. 51. UREDO VALERIANZÆ Desm. Exclus. syn. Dub. ERYSIBE VALERIANÆ OFFICI- NaLiS Wallr., Verh. ERysiBe ciNNAmOmEA x VazeriAnæ Wallr., Comp.—Desm., PL. crypt. de la France , fase. XXII, n° 1082. Groupes d’un brun roussàtre, arrondis, petits, nombreux, épars, très- rarement comme rapprochés en cercle, quelquefois confluents, d’abord recouverts puis entourés par lépiderme. Sporidies sessiles, semi-pellu- cides, cohérentes, globuleuses, quelques-unes un peu ovoïdes, ayant toutes un épispore hérissé de pointes raides, courtes et droites. Deux espèces d’Uredo ont leur siége sur les Valérianes. À celle dont nous venons de tracer les caractères et que l’on pourrait appeler à bon droit Uredo echinata, se rapportent peut-être l’Uredo valerianæ, Schum., et l'Uredo vagans 7 Valerianæ sylvestris Dec. 1. Mais il faut en éloigner défini- tivement, croyons-nous, l’Uredo valerianæ, décrit par le même auteur sur la Valériane des montagnes ?, lequel rentre dans le genre Uromyces. Les échantillons publiés par M. Desmazières sur la Valériane dioïque, bien qu’hypophylles et moins développés, ne diffèrent pas des nôtres, ainsi que nous l’a démontré l'analyse. Ni les uns ni les autres ne nous ont offert des sporidies pédicellées. Croît abondamment sur les deux faces des feuilles de la Valeriana ofji- cinalis, dans les lieux très-humides, à Destelbergen, près de Gand. Juin. 52. UREDO HYPODYTES Rab. Envsise uypooyres Wallr. Usrizaco uyropyres Fr. Tulasn., Mém. sur les Ustilaginées, tab. LIT, fig. 14. Groupes linéaires, étroits, parallèles, très-étendus, déchirant de bonne heure l’épiderme. Sporidies prodigieusement nombreuses, très-petites, les ! Flore française, 3° édit., vol. I, p. 228. 2 Jbid., vol. V, p. 68. Duby, Bot. gall., W, p. 898. SUR LES CRYPTOGAMES. 5b) unes sphériques, les autres un peu ovoïdes, toutes sessiles, lisses, d’abord noir-olivâtres, prenant ensuite une teinte brunâtre, et devenant enfin com- plétement noires. Naît en grande quantité à l’intérieur des gaînes de l’Elymus arenarius, dans nos dunes, du côté de Blankenbergh. Fin d’août. 53. PUCCINIA AVICULARIÆ Pers. Puccnia vacinazium Link. PucociniA cauuin- cou Fiedl. 1, non Rabenh. qui citatur. — Desm., PL. crypt. de la France, fase. XXVIII, no 1373. Groupes d’un brun noirâtre, oblongs et allongés, ou arrondis, selon qu’ils occupent la tige ou la feuille, convexes, entourés d’abord par l’épi- derme. Pédicelle filiforme, pâle-jaunâtre, très-long, pellucide, légèrement courbé. Sporidies ovoïdes, à peine étranglées, obtuses-arrondies au som- met, le plus souvent rétrécies à leur base. Le plus grand nombre des sporidies n’offre aucun étranglement sensible, et leur cloison est très-difficile à observer. Le pédicelle varie en épaisseur ; il est au moins trois fois aussi long que la sporidie, mais il se brise aisément. Rabenhorst réunit en une seule espèce les Puccinia aviculariæ, bistortæ, polygoni amphibii, polygoni convolvuli, et sans doute aussi la Puccinia polygo- norum B caulium de Corda. Nous avons étudié comparativement les quatre premières 4 RECHERCHES que sur des échantillons desséchés. A l’état frais, elle est beaucoup moins apparente. Sur la côte, près de Blankenbergh, au mois de septembre. 91. LAMINARIA SACCHARINA > Latifolia. Hook. Engl. flor. Lammarta LATIFOLIA Ag. Fucus saccmarinus B Latissimus Turn., Hist. fucor., NI, p. 169 (ex Grev., Ag. brit.). Stipe cylindrique, excepté vers le haut où il est comprimé, court, fili- forme , n’ayant que 3 millimètres environ d'épaisseur , sur une hauteur de 4 centimètres. Fronde ovale-elliptique, obtuse, ondulée sur ses bords, membraneuse, mince, transparente, d’un vert-olive pàle, qui devient lé- gèrement brunâtre par la dessiccation, ayant du reste les mêmes dimen- sions que celle du numéro précédent. Quoiqu’Agardh, Gréville et Kutzing ! considèrent cette thalassiophyte comme une espèce distincte, nous nous rangeons volontiers de l'opinion de ceux qui y voient une simple variété. Nous avons, en effet, déjà fait remarquer ? combien la Laminaria saccharina varie sous le rapport de sa largeur et de sa consistance, et nous avons même pu nous assurer que chez elle aussi le stipe est quelquefois cylindrique à sa base. Il résulte, d’autre part, des observations de MM. Thuret et Decaisne 5 que certaines algues marines sont monoïques et d’autres dioïques. Les laminaires appar- tiennent-elles aux premières ou aux secondes? Nous l’ignorons. Mais dans le cas où elles seraient dioïques, la Laminaria latifolia pourrait bien être la fronde mâle de la Laminaria saccharina. Trouvée sur la côte, parmi les débris rejetés par la mer, entre Nieuport et La Panne, où nous ne l'avons rencontrée qu’une seule fois. 1 Phycologia germanica, p. 276. 2 Bouquet botanique du littoral belge, et surtout des environs de Nieuport, 1837, p. 11. 5 Bull. de l'Acad. de Bruxelles, tom. XI, 2 partie, p. 318. Les auteurs y indiquent comme dioïques les Fucus serratus et vesiculosus ; comme monoïques, les Fucus nodasus et canaliculatus , où les conceptacles, disent-ils, renferment à la fois des spores et des anthéridies. Ceux-ci ne sont- ils point, par conséquent, plutôt hermaphrodites que monoïques? Pour être monoïques, ils devraient porter sur la même fronde deux sortes de conceptacles, les uns à spores, les autres à anthéridies. SUR LES CRYPTOGAMES. DD 92, LAMINARIA PHYLLITIS Lamx. Lammnaria saccuarINA 9 Grev. Edinb. Fucus Puycuris. Stackh. Ver. brit., tab. IX (ex Duby). Stipe comprimé, cylindrique à la base, le plus souvent haut de 6 à 10 centimètres. Fronde linéaire-lancéolée, mesurant de 3 à 4 centimètres de largeur, sur une longueur de 3 décimètres, mince, transparente, plus ou moins membraneuse , acuminée au sommet, atténuée à son point d'insertion sur le stipe, entière, et souvent très-légèrement ondulée sur ses bords, d’un vert un peu jaunâtre, qui persiste après la dessicca- tion. Nous maintenons cette plante au rang d'espèce, d’où plusieurs algo- logues veulent la faire descendre, d’après l'autorité de Gréville1 qui certifie, pour en avoir suivi le développement sur un grand nombre d’in- dividus, que ses caractères restent constants dans ses différents âges, contrairement à ce qu’il avait cru d’abord. À une époque plus récente, Areschoug a prétendu de nouveau, il est vrai 5, avoir vu notre laminaire se transformer en Laminaria saccharina. Maïs il est évident pour nous que Gréville a eu sous les yeux la vraie Laminaria phyllitis, tandis qu’Areschoug aura confondu avec elle le jeune âge de la Laminaria saccharina, lequel est reconnaissable , si nous ne nous trompons , à sa fronde oblongue-lancéolée et non pas linéaire-lancéolée. Sur la côte, à Blankenberghe. 93. DESMARETIA ACULEATA Lmx. Desmia ACULEATA Lyngb. Srorocanus ACULEATUS Ag. — Gmel. ist. fucor., tab. 12. Stipe court, cylindrique, se ramifiant en une fronde composée d’un grand nombre de divisions linéaires, presque filiformes, très-allongées, comprimées, uninerves, cartilagineuses, très-flexiles et tenaces, plusieurs fois rameuses à leur tour, à rameaux généralement alternes, étalés , aigus, dont les plus jeunes portent sur leur bord, de distance en distance, de 1 Algæ britannicæ, p. 54. ? Linnea de Schlechtendal, XVI (1842), p. 226. 36 RECHERCHES petites houppes de poils, à chacune desquelles succède, dans un âge plus avancé, une fine et courte épine subulée, dressée et persistante. La fruc- tification est jusqu'ici inconnue. Trouvée sur la plage, près d’Ostende. 94. HALYMENIA BRODIÆI Lmx. Fucus srontæt Turn. SPHÆROCOCGUS BRODIæI Lyngb. Tent. hydrophyt. Danic., tab. 3. Stipe filiforme, cylindrique, variable en longueur, rameux, irrégu- lièrement dichotome, se dilatant graduellement en expansions membra- neuses, allongées-oblongues, d’un rouge plus ou moins pâle ou pourpré, énerves, transparentes, simples ou fourchues, dont les extrémités sont le plus souvent tronquées et prolifères. Conceptacles sphériques, pédi- cellés et terminaux. Nos échantillons n’ont guère plus de 1 décimètre de hauteur. Les frondes ne sont, en général, ni aussi larges, ni aussi fortement tronquées que les figure Lyngbye. Nous avons vainement cherché sur nos côtes, jus- qu'ici, la variété à frondes étroites et interrompues, désignée par Agardh, sous le nom de Sphærococcus brodiæi B concatenatus. Recueillie sur la côte d’Ostende, par M. Mac Léod. 95. HUTCHINSIA NIGRESCENS Agdh. Kx. Boug. Bot. excl. syn. Dub. PozxsipnoniA nicrescens Wallr. exc. syn. præter Grev. Lyngb. et Engl. Bot. — Lyngb., Hydrophyt. Danic., tab. 33, Touffe épaisse, atteignant de 1 et demi à 2 décimètres de hauteur, composée de frondes filamenteuses, d’un noir rougeâtre à l’état frais, d’un noir pur et terne à l’état sec, sortant en très-grand nombre d’une même souche, diffuses, peu ramifiées vers leur base, supérieurement très-rameuses, à rameaux fasciculés, fastigiés, dont les ramules sont rapprochés de l'axe. Articulations variant en longueur : les inférieures le plus souvent aussi hautes que larges : les supérieures ordinairement plus longues que leur diamètre transversal. Conceptacles ovoïdes, laté- raux et sessiles. SUR LES CRYPTOGAMES. 37 Cette espèce, d’une rigidité remarquable lorsqu'elle est sèche, a déjà été indiquée par nous, dans une autre publication, comme appartenant à nos côtes, mais sans avoir été décrite. Ce qui nous porte, d’ailleurs, à la faire reparaître dans ce travail, c’est qu’elle est très-voisine de la Hutchin- sia violacea Agdh.1, qui est aussi propre à notre littoral, et avec laquelle Duby et Wallroth, entre autres, l'ont confondue. Admise comme espèce bien distincte par Lyngbye, Agardh, Hooker, Rabenhorst et Kutzing, la Huichinsia violacea se distingue de sa congénère ci-dessus décrite : 1° par des rameaux plus ou moins dichotomes et plus étalés; 2° par des articu- lations toujours de moitié plus longues que larges; 5° par des conceptacles subovoïdes courtement stipités; 4° par sa couleur rouge pourprée, qui persiste vers les sommets après la dessiccation. Ajoutons encore qu’elle conserve sa flaccidité, qu’elle adhère fortement au papier, et enfin qu’elle ne forme jamais des touffes aussi compactes que la Hutchinsia nigrescens. On trouve ces deux thalassiophytes sur la plage, parmi les objets rejetés par la mer. 96. HUTCHINSIA RICHARDSONI Hook. (swb Polysiphonia). Grammira RicwarD- sont Desm. PI. crypt. de la Fr., fasc. XXV , n° 1209 (cum icone). Petites touffes le plus souvent de 5 à 9 centimètres de hauteur, à frondes filiformes, cartilagineuses, d’un rouge sanguin, devenant noirà- tres par la dessiccation, dont les rameaux alternes, divariqués, allongés, sont garnis, dans toute leur partie supérieure, de ramules presque dicho- tomes et étalés. Articulations de la tige et des rameaux deux fois au moins plus longues que larges; celles des ramules plus courtes que larges. Les conceptacles, que nous n’avons pas observés, sont, d’après Hooker, sessiles, épars , subglobuleux , munis d’une large ouverture tronquée. 1 Grammita fucoïdes, Desm., Crypt., fase. VI, 232. Polysiphonia fucoïides, Westend. Herb., fase. V, n° 245. exclusis synon., Grev, Wallr., Agdh., Kx., et Engl. Bot. L'Herbier cryptogamique de M. Westendorp, que nous avons déjà plusieurs fois cité, mérite d'être recommandé à ceux de nos compatriotes qui veulent s'initier à la connaissance des végétaux agames et cryptogames de la Belgique. Tome XXII. 8 58 RECHERCHES Croît attachée aux pierres et à d’autres corps sous-marins. Assez rare. Communiquée d’Ostende par M. Mac Leod. 97. HUTCHINSIA SUBULATA Bonnem. (swb Grammita). Ceramiux susucarTux Ducl.—Desm., PI, crypt. de la Fr., fase. XXV, n° 1211 et 1212 (cum icone). Touffe de 5 à 6 centimètres de hauteur. Frondes d’un rouge-pourpre plus ou moins foncé qui persiste après la dessiccation, filiformes, très- ramifiées, à rameaux alternes, capillaires, étalés, dichotomes, dont les ramules sont très-effilés, pointus et divergents. Articulations de la tige et des rameaux de quatre à six fois et celles des ramules de deux à quatre fois plus longues que larges. Fructification inconnue. Il faut distinguer dans cette espèce deux formes d’un port assez diffé- rent : l’une typique, que nous venons de décrire; l’autre d’une taille plus élevée, variant entre 9 et 13 centimètres, moins délicate, d’une couleur plus foncée, qui constitue la variété 8 major, Bonnem., et qui est aussi, nous semble-t-il, le Ceramium gracile Dec. Sur les grandes fucacées et sur les antennes des homards (M. Mac Leod); la variété sur les pierres. 98. SPHACELARIA CIRROSA Agdh., SPHACELARIA INTERTEXTA Roth. — Dillen. Hist. muscor., tab. 4, fig. 21 (mala). Petites touffes très-délicates, d’un vert pàle et jaunâtre, composées de frondes filiformes, rameuses, à rameaux la plupart alternes, rarement opposés, divariqués, dont l’extrémité est renflée, un peu tronquée, à peine sphacélée, portant des ramules étalés, simples et capillaires. Articulations en général aussi longues, ou un peu plus longues que larges; celles qui se développent en ramules, plus courtes que les autres qui n’en produisent point. Nous n’avons pas observé les conceptacles, qui sont presque sessiles, ovales et munis, paraît-il, dans tout le genre, d’un pore terminal. Espèce polymorphe, dont on connaît plusieurs variétés, parmi lesquelles la plus remarquable est la Sphacelaria cirrosa B ægagropila, où les touffes sont beaucoup plus épaisses et les filaments densement entre-croisés, de manière SUR LES CRYPTOGAMES. D9 à former une boule qui atteint jusqu’à la grosseur d’un œuf de pigeon, la- quelle, détachée du support où elle a pris naissance, flotte quelquefois au gré des vagues. Nous signalons cette variété à l'attention des botanistes qui habitent nos côtes. Croît sur d’autres thalassiophytes. Été. Recueillie à Ostende, par M. Mac Leod. 99. SPHACELARIA RADICANS Agdh., Syst. SpnaceLariA cinrosa z Simplex., Agdh. Spec. SrnaceLariA 1RREGULARIS Kutz.? — Desm., PI. Crypt. de la Fr., fasc. XXI, n° 1048. Plus rigide et d’un vert plus foncé. Frondes filiformes, diffuses, radi- cantes, rameuses, à rameaux peu nombreux, épars, dressés, simples, moins renflés et plus distinctement tronqués que dans l’espèce précédente. Articulations de longueur différente sur le même rameau , les unes n’ayant en hauteur que la moitié du diamètre, d’autres étant aussi longues que larges. Joints souvent pellucides. Conceptacles inconnus 1. L’extrémité renflée des rameaux, presque toujours noircie ou sphacélée, qui caractérise ce genre, est décrite par la plupart des auteurs comme renfermant une matière granuleuse et constituant un second mode de fructification. M. Decaisne leur donne une signification toute différente ?, et le prétendu pore n’est à ses yeux qu’une dépression ou une concavité et non une ouverture. Sur d’autres thalassiophytes. Nous l'avons trouvée sur la Gigartina plicata. Été. Peu commune. 100. CERAMIUM VARIABILE Cr. Cazcrrmamnion variaBire Agdh. Spec.—Desm.. PI. crypt. de la Fr., fasc. XXI, n° 1027. Toufles ayant le plus souvent 2 ou 3 centimètres de hauteur, d’un 1 Ils ont été décrits, depuis la présentation de ce Mémoire, par J.-G. Agardh. Le célèbre auteur les dit ovales, longuement pédicellés, presque toujours solitaires, et insérés sur les rameaux su- périeurs. Voir Species, Genera et Ordines algarum, Lundæ, 1848, tom. 1, pag. 51. ? Annales des Sciences Naturelles. 1842, tom. XVII, pag. 373. 60 RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES. rouge pourpré. Filaments très-diffus, très-rameux. Rameaux éloignés , les uns alternes d’autres opposés, étalés, allongés, à ramifications nom- breuses, constamment opposées, plus ou moins raccourcies. Articulations de deux jusqu’à cinq fois plus longues que larges. La fructification n’a pas été, croyons-nous, observée; mais celle d’une espèce voisine, Ceramium Turneri, est connue. Nous renvoyons, pour les caractères de ce genre diffi- cile, à l'introduction dont M. Desmazières a enrichi le vingt et unième fascicule de ses Plantes cryptogames de la France. Cette espèce, indiquée seulement dans l'Adriatique par Agardh, par Ra- benhorst et par Kutzing, n’est point précisément très-rare sur nos côtes ni sur celles de la France. Elle paraît exister aussi sur le littoral britan- nique, entre autres dans la baie de Dublin. Parasite sur les corallines et sur d’autres algues. Nous en devons la connaissance à M. Mac Leod, amateur distingué des sciences naturelles, à Ostende. FIN. RECHERCHES SUR L'ORGANISATION ET LE DÉVELOPPEMENT LINGUATULES (PENTASTOMA Rud.), SUIVIES DE LA DESCRIPTION D'UNE ESPÈCE NOUVELLE PROVENANT D'UN MANDRILL ; PAR M. P.-J. VAN BENEDEN, __ ne à ? LA, Docteur en médecine et en sciences, professeur à l'Université catholique de Lgûvain. (Présenté à la séance du {+" juillet 1848.) Toue XXII. 1 | re 7 ARE RECHERCHES SUR L'ORGANISATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES LINGUATULES (PENTASTOMA Rud.), SUIVIES DE LA DESCRIPTION D'UNE ESPÈCE NOUVELLE PROVENANT D'UN MANDRILL. “D D INTRODUCTION. Nous avons l'honneur de présenter à la classe le travail sur les Lin- guatules, que nous avons annoncé dans la séance du 4 mars dernier et dont le résumé a été inséré déjà dans le Bulletin de l’Académie 1. Au commencement du mois de janvier de cette année (1848), nous avons reçu, par l’obligeance de M. J. Kets, un Mandrill (Cynocephalus mai- mon) non adulte, mort au Jardin zoologique d’Anvers. Plusieurs Kystes, formés aux dépens du mésentère, se trouvaient dans l'abdomen de ce singe, et contenaient un ver blanc d’une forme toute particulière. | Le corps de ce ver est cylindrique et allongé comme un Nématoïde, mais il n’est point effilé aux bouts, et des anneaux, sous forme de pas de vis, se montrent dans toute sa longueur. Nous ne savions pas d’abord à quel ordre ce parasite devait apparte- nir; s’il n'avait pas entièrement l'aspect d’un Nématoïde, il n'avait pas non plus la trompe des Échinorhynques, et ne connaissant, dans les Lin- ! Tome XV, 1"° part., pag. 188. 4 SUR L'ORGANISATION guatules, que le Pentastome du chien, l’idée ne nous vint pas de le rap- procher de ce groupe; nous l’avons soumis à la dissection avant de lavoir déterminé. Ce n’est qu’en le disséquant que nous avons reconnu ses affi- nités avec les Linguatules, et alors aussi ont apparu les caractères exté- rieurs des Acanthothèques. Comme les individus de cette espèce ne sont pas très-grands, les quatre crochets qui entourent la bouche et qui sont si caractéristiques de cet ordre, nous avaient échappé pendant le premier examen. On ne connais- sait, du reste, pas encore de Linguatules dans un singe de l’ancien con- tinent, et c’est le premier animal africain sur lequel on en découvre. Nous étions occupé à coordonner le résultat de nos observations sur cette nouvelle Linguatule et à les comparer avec les travaux importants qui ont été publiés sur ce sujet, lorsque nous reçümes de l’habile di- recteur qui nous avait envoyé le Mandrill, M. J. Kets, un Boa en chair très-frais et dans un état parfait de conservation. L'intérieur du poumon contenait plusieurs Linguatules encore en vie. C’est avec des individus de cette seconde espèce que nous avons pu terminer notre travail et dé- cider plusieurs points importants encore en litige. Grâce à cette double circonstance, nous avons été à même d'ajouter quelques détails importants à l’histoire si intéressante de ces singuliers animaux parasites. On connaît ces vers sous le nom de Pentastomes ou de Linguatules; ce dernier nom doit être préféré; il est non-seulement le plus ancien, puis- qu'il a été proposé en 1789 par Frælich , mais il doit encore être pré- féré à l’autre, parce que le mot Pentastome, créé par Rudolphi, a pour origine une erreur anatomique. Ces vers ne sont connus que depuis la fin du siècle dernier, et pendant assez longtemps on les a crus voisins des Ténias. Ils ont été, dans ces derniers temps, l’objet des investigations de plu- sieurs naturalistes distingués, et si leur histoire n’est pas mieux connue, cela dépend de leur rareté et de la difficulté de se les procurer frais. De 1 Naturforsch., XXIV. DES LINGUATULES. b) 1854 à 1836, trois beaux mémoires ont paru sur l'anatomie de ces ani- maux, un à Londres, par M. R. Owen, un autre à Bonn, par M. Miram, et un troisième à Vienne, par M. Diesing. M. De Blainville a formé dès 1828 un ordre distinct pour ce genre, sous le nom d’Onchocéphales 1. IL le place à la tête de ses Entomozoaires, à côté des Nématoïdes, qu’il désigne sous le nom d’Oxycéphales. M. Diesing a proposé aussi d’en faire un ordre distinct sous le nom d’Acanthothèques, et les helminthologistes en général se sont ralliés à ses opinions. IL est curieux de voir qu’à chaque pas que l’on a fait dans l’étude de leur anatomie, on a reconnu des différences plus profondes entre eux et les ordres avec lesquels on les associait; on marchait ainsi lentement vers la vérité. Comme nous allons le voir, l’'embryogénie démontre que leur place n’est décidément ni à côté des Nématoïdes, ni à côté des Échino- rhynques, mais bien dans le voisinage des Lernéens, parmi les animaux articulés. Les appareils, qui demandent surtout de nouvelles recherches anato- miques, sont ceux de la génération, le système nerveux et l'appareil cireu- latoire; quant à l'embryogénie, on n’en connaît pas le premier mot. Nous nous sommes attaché d’abord à l’étude de l'appareil générateur, parce que c’est l'appareil dont les organes ont été le plus diversement interprétés, et que nous étions à même, avec des individus frais, de tran- cher plusieurs questions. Le système nerveux nous a occupé ensuite, et le résultat de ces dernières observations, nous sommes heureux de le dire, est conforme dans ses parties essentielles avec les observations de M. E. Blanchard ?. Après l'étude de ces appareils, tout notre temps a été employé à la re- cherche et à l'étude des œufs et des embryons; c’est qu’en effet, la con- naissance du premier âge des Linguatules est le point le plus important de l’histoire de ces animaux, celui auquel on devait tenir le plus pour 1 Dictionnaire des sciences naturelles, article Vers, vol. 57, p. 531. 2 Blanchard, Règne animal illustré, 6 SUR L'ORGANISATION connaître la place que ces parasites doivent occuper dans la série animale. Ces vers étant fort nombreux dans les poumons des Boas, et trouvant des mâles à côté des femelles, nous avons pensé que les œufs pourraient bien être déposés sur les parois du poumon. Nous nous sommes mis à leur recherche. Nous avons porté successivement sur le porte-objet du microscope les mucosités qui recouvrent la surface interne de cet organe, et nous avons fini par découvrir des œufs avec des embryons en voie de développement. À l'œil nu, on ne pourrait les distinguer; mais comme ils sont réunis en tas et couverts d’une épaisse viscosité, on finit par les trou- ver avec autant de facilité que les vers eux-mêmes. Après avoir découvert les œufs, nous avons trouvé de grandes difficultés à mettre les embryons intacts à nu pour les observer en liberté. Les Linguatules connus aujourd’hui s'élèvent au nombre de onze es- pèces. On en a reconnu quatre sur des mammifères, logés dans les sinus frontaux, les poumons ou dans des Kystes formés par le péritoine. Les autres espèces ont été trouvées dans le poumon de différents reptiles, et une seule dans des reptiles et des poissons simultanément. Il est curieux de voir des parasites ayant entre eux une telle .ressem- blance, que l’on a cru même devoir les conserver dans un seul genre, habi- ter ainsi des organes si différents dans des animaux à sang chaud et à sang froid. M. Du Jardin, dans son beau travail sur les vers intestinaux, a con- servé les onze espèces admises par M. Diesing. On a trouvé jusqu’à présent deux espèces en Europe sur différents mam- mifères, et une espèce en Amérique sur un singe, un chéiroptère, un carnassier, un rongeur, un édenté et sur deux didelphes. C’est principa- lement sur le foie et le poumon qu’on les à observées. Sept autres espèces vivent sur différents reptiles originaires d'Amérique et sur un Python tigre. On les a presque toutes trouvées dans le poumon. Une de ces espèces a été reconnue à la fois chez plusieurs reptiles et poissons, les uns et les autres du Brésil. Nous avons à faire connaître ici une douzième espèce, que l’on pourrait, à la rigueur, ériger en genre. Cette espèce intéressera les zoologistes, non- DES LINGUATULES. 7 seulement par sa nouveauté et l'animal sur lequel elle vit, mais aussi par la partie du monde dont elle provient, ainsi que nous venons de le dire. On connaissait des Linguatules d'Europe et d'Amérique, mais aucun d’o- rigine africaine. Nos observations anatomiques sont faites sur cette espèce et sur la Linguatula proboscidea du Boa. Nous ajouterons à cette introduction le titre des principaux ouvrages publiés sur ces animaux : FrôLicx. Bescreib. einiger neuen Eingeweidewürmer. (Im : Naturforscher. 1789. DE BLanviLze. Dict. des se. nat., vol. 57, art. VERS, p. 531 ; 1898. Norpmann. Mikrographische Beiträge, Heft IT, p. 141; 1852. Miram. Beitrag zu einer Anatomie des Pentastoma toenioïdes (Nov. Acr. AcaD. LéopoLn.), XVIL, 2. Bonn, 1855, et Ann. des sc. natur., ® sér., vol. 6, p. 155. Dresinc. Versuch einer Monographie der Gattung Pentastoma (ANNALEN DES WIENER Mu- sEUMS , etc.), vol. 4, p. 1; 1855. R. Owex. On the Anatomy of Linguatula toenioïdes (TRANSACT. OF THE Z00L. Soc.) , vol. 4, part. 4, p. 525; 1855. — The Cyclopaedia of Anat. and Physiol., vol. 114, art. Enrozoa; 1839. VALENTIN. Repertorium, vol. 2, p. 135; 1837. V. SieBop. Lehrbuch der Vergl. Anatomie; 1846. Féuix Du Jarnin. Histoire naturelle des Helminthes ; 1844. Éize BLancHarD. Règne animal illustré; ZOOPHYTES, pl. 28, et sur l'organisation des vers, Chap. VI, du groupe des Acanthothèques. Ann. des sc. nat., 5° série, t. VITE, p. 127; 1847. | VALENCIENNES. Rapport de . . . .. , Comptes rendus de l’Acad. des sc., séance du 14 juin 1847. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE. Le temps pendant lequel nous avons eu les exemplaires en vie et frais a été trop court pour étudier leurs différents appareils ; nous nous sommes attaché à ceux qui nous paraissaient les plus importants. Nous ne pou- vons toutefois nous empêcher d'exprimer nos regrets de n’avoir rien à dire de leur appareil circulatoire. Peau. — On sépare aisément la peau en épiderme et en derme. Le pre- 8 SUR L'ORGANISATION mier est lisse et uni; au pourtour de l’appareil mâle surtout, il est pourvu de nombreux cercles semblables à des pores. Le derme a très-peu d'épaisseur et ne montre rien de remarquable. Les Linguatules n'ont, ni au premier âge embryonnaire, ni à l’âge adulte, des plaques de pigmentum. La peau est d’un blanc mat. Une couche musculaire distincte tapisse la peau dans toute la longueur du corps. Cette couche musculaire est surtout très-développée dans la première espèce de Linguatules dont nous parlons ici. Le corps est véritablement annelé, et plus annelé même que celui des Annélides en général. C’est le grand développement des fibres transverses qui lui donne cet aspect. Dans toute la longueur du corps, on distingue aisément, et cela dans toutes les Linguatules que nous avons eu l’occasion d’étudier, l’on distin- gue, disons-nous, une couche musculaire à fibres droites et longitudinales, et une autre couche en dedans de celle-ci, composée de fibres circulaires. Elles croisent les précédentes à angle droit. Mais ce qui distingue surtout la première espèce ou la Linguatule de Diesing, c’est que les fibres transverses se réunissent en faisceaux, forment des anneaux distincts, font saillie à la surface et constituent des cercles sur toute la longueur du corps. Autour de la bouche, il y a aussi un appareil musculaire spécial; il se compose de plusieurs cordons qui se rendent aux crochets, se fixent, d’un côté, à leur base et, du côté opposé, à la couche musculaire. Il y a plusieurs cordons pour chaque crochet; ils se croisent dans différents sens et dé- terminent des mouvements très-variés dans ces organes. Il y a, en outre, un appareil musculaire spécial de la bourse du pénis. Il consiste en plusieurs fibres, disposées plus ou moins en éventail et at- tachées sur le cul-de-sac de cette bourse. Ces muscles agissent comme rétracteurs. Tous ces muscles montrent des stries transverses dans leurs fibres pri- mitives, comme on l’a, du reste, observé déjà. Système nerveux. — Jusque dans ces derniers temps, les naturalistes, DES LINGUATULES. 9 en parlant du système nerveux des Helminthes, n'avaient en vue que celui des Linguatules, les seuls parmi les vers intestinaux, qui avaient montré à l'évidence des nerfs et des ganglions. Tout récemment, on a reconnu ce système dans les Nématoïdes, les Trématodes, les Échinorhynques, et, depuis 1856, J. Müller a reconnu des ganglions nerveux dans les Tétra- rhynques. M. Émile Blanchard a signalé l'existence de ce système dans les Tenia, et même dans les Cysticerques. Mais si, dans les différents ordres, on reconnaît réellement ce système, celui des Pentastomes, connu en premier lieu, a été étudié depuis avec plus de soin, et aujourd’hui comme alors, il occupe une place à part. En effet, nous ne voyons pas seulement des cordons nerveux représen- tant la chaîne ganglionnaire des animaux articulés, mais encore des gan- glions et des nerfs qui président à la vie de conservation et qui représentent le grand sympathique. C’est à M. Émile Blanchard que la science est redevable des plus beaux travaux sur le système nerveux des animaux sans vertèbres. Cuvier est le premier qui ait reconnu des nerfs dans les Linguatules; après lui, MM. Nordmann, Mehlis, Miram, Diesing, Owen, sont venus compléter ces premières recherches, et enfin, des recherches hors ligne, faites par M. Émile Blanchard, ont montré jusqu'où l’investigation ana- tomique peut pénétrer dans ces organismes en apparence si simples et en tout cas si petits. Tous ces auteurs s'accordent sur la présence d’un grand ganglion sous- œsophagien d’où naissent, outre les deux nerfs parallèlement dirigés en dessous et en arrière, quelques autres paires de filets qui se distribuent autour de la tête. M. É. Blanchard est le premier qui ait fait mention d’un ganglion cé- rébroïde ou d’un cerveau. Nous verrons plus loin jusqu’où nos observations correspondent avec celles de l’habile anatomiste du Jardin des Plantes; si nos observations s'accordent sur la présence de ce ganglion, nous diffé- rons cependant beaucoup quant à sa signification; il n’y a pas de ganglion cérébroïde ou de cerveau, à notre avis, mais un système de ganglions qui représente le grand sympathique des animaux supérieurs. Tome XXII. È 10 SUR L'ORGANISATION Voici ce que nous avons reconnu dans la Linguatule de Diesing : En plaçant l'animal sur le dos, c’est-à-dire la bouche et les crochets en haut, et en incisant la peau longitudinalement, on aperçoit en avant, en écartant les bords de la plaie tout près de la bouche, un ganglion assez volumineux contigu ou plutôt adhérent à l'œsophage. On le met à nu sans autre préparation que d’inciser la peau. Ce centre nerveux a été reconnu par tous les anatomistes qui se sont occupés de ces parasites. Ce ganglion principal a une forme carrée; il est aplati, d’un blanc mat, et il n’a pas une forte consistance. IL est situé immédiatement au-dessous de l’œsophage; en soulevant cette partie du tube digestif, on tend les dif- férents filets nerveux auxquels il donne naissance, ainsi que les deux prin- cipaux cordons qui se rendent en arrière. Ce ganglion montre en dessus une anse qui entoure l’œsophage et qui forme un collier œsophagien complet. M. Du Jardin dit n’avoir vu que la partie sous-æsophagienne. Il n'existe aucun autre renflement ganglionnaire au collier proprement dit. L’anneau nerveux est donc complet, quoi qu’en aient dit quelques anatomistes, et l’œsophage est embrassé supérieurement par une com- missure transverse. En examinant ce collier attentivement, nous avons cru voir qu’il se compose de deux cordons accolés, et qui sont réunis de manière à pré- senter l’aspect d’un cordon unique. Le centre nerveux qui se rapproche le plus de celui que nous venons de faire connaître, c’est le centre nerveux des Mollusques ptéropodes (Hyale, Cléodore, Pneumoderme, Cymbulie, Limacine, etc.). Dans les uns comme dans les autres, toute la masse ganglionnaire est concentrée à la face inférieure du tube digestif. Ce système nerveux nous montre en même temps la transition des Mollusques aux Articulés, ou la dégradation de la chaîne ganglionnaire. Les Limaces parmi les Mollusques ont deux cor- dons parallèles plus gros que les autres, et qui reproduisent parfaitement les deux cordons ganglionnaires sans renflement des Linguatules. Nous n'avons reconnu aucune division dans cette masse ganglionnaire centrale. Nous la considérons bien comme le résultat de la coalescence de DES LINGUATULES. 11 plusieurs ganglions, mais nous ne pourrions le démontrer directement. Les deux angles postérieurs donnent naissance à deux cordons nerveux plus gros que tous les autres. Ils se dirigent d’abord un peu en dehors ou s’écartent l’un de l’autre, et s'étendent parallèlement en arrière entre le canal digestif et la peau. Ils occupent une grande partie de la longueur du corps. Chacun de ces filets se perd insensiblement en arrière; on ne voit ni au bout ni sur le trajet aucune trace de renflement. Ce sont les deux cordons qui représentent évidemment la chaîne ganglionnaire des animaux articulés. Sur les côtés, on voit naître, à droite et à gauche, trois ou quatre cor- dons nerveux qui se rendent directement en dehors et en avant, vont se répandre à l’appareil musculaire des crochets et au pourtour de la bou- che. Ces nerfs se divisent en d’autres filets plus grêles, à une certaine distance de leur origine. Le système nerveux de la vie végétative existe également dans ces ani- maux, ainsi que nous venons de le dire. En arrière du collier œsophagien, on aperçoit, en dehors et un peu au-dessous, deux ganglions couchés sur l'œsophage; ils tiennent au centre nerveux par un filet très-grêle et qui échappe d’abord à la vue. Ce n’est qu'après avoir eu tous ces organes sous les yeux pendant quelque temps, qu’on les distingue aisément. Ces deux filets nerveux courent le long de l’œsophage et se fixent sur la partie latérale du collier. Une commissure transverse unit, croyons-nous, ces deux ganglions; toutefois nous n’avons pas de certitude complète à ce sujet, quoique nous ayons l’analogie pour nous. En dehors et un peu plus en arrière, nous apercevons ensuite, de cha- que côté, un autre ganglion plus gros que les précédents; il tient aussi au collier par une commissure assez longue et très-grêle, tient au pré- cédent par une autre commissure et envoie, dans les parois de la cavité digestive, deux filets nerveux qui plongent presque immédiatement dans son épaisseur. Le grand sympathique se compose donc de quatre ganglions distincts, unis par des commissures à la portion sus-æsophagienne du collier, et 12 SUR L'ORGANISATION de filets nerveux qui plongent dans les parois du tube digestif. Nous n’a- vons pas vu de ganglion pour l'appareil générateur. Il nous paraît important de conserver, dans le système nerveux de ces animaux , la même division que celle qui est adoptée pour les animaux su- périeurs. Des ganglions et des nerfs président aux fonctions de la vie de relation, et d’autres exclusivement à celles de la vie végétative. Ces der- niers agissant indépendamment de la volonté, sans le secours de l’animal et même malgré lui, doivent nécessairement être distingués des autres. C'est pour ce motif que nous conservons, même dans ces organismes, placés si bas dans l’échelle animale, une distinction pour les ganglions et les nerfs d’après les organes auxquels ils se rendent. Nous rapportons ainsi au grand sympathique tous les nerfs et ganglions qui président aux fonctions de la vie végétative. Si nous comparons ce résultat avec celui qui a été obtenu par M. É. Blan- chard sur le système nerveux de la Linguatula proboscidea, nous ne voyons que de faibles différences, et cela surtout dans les ganglions qui président aux fonctions de la vie végétative. La Linguatula proboscidea porte au-dessus de l'estomac, d’après M. É. Blanchard, un grand ganglion. Ce naturaliste l'appelle cérébroïde, et à côté se trouvent quatre renflements ganglionnaires plus petits; la Linguatule de Diesing est dépourvue de ce ganglion central, et possède, à sa place, quatre ganglions à peu près également développés et couchés sur les côtes des parois de l’æsophage et de l'estomac. I n’y a ensuite d’autres différences que le nombre de filets nerveux qui naissent du ganglion sous-æsophagien, et qui, dans l'espèce décrite par M. É. Blanchard, sont en plus grand nombre. Les différents naturalistes qui se sont occupés de ce sujet, n’ont connu que les nerfs de la vie de relation; M. Émile Blanchard est le seul qui ait fait mention de ganglions couchés sur les parois de l'estomac; mais, ainsi que nous venons de le voir, le savant naturaliste du Muséum de Paris dé- signe à Lort ce ganglion sous le nom de cérébroïde. Les ganglions cérébroïdes de cet auteur correspondent aux ganglions sus- œsophagiens des auteurs. Nous trouvons cette interprétation dans les belles recherches qu'il a publiées sur Le système nerveux des animaux inférieurs. ! DES LINGUATULES. 15 Canal digestif. — Comme dans toutes les espèces de Linguatules, les cro- chets sont au nombre de quatre; ils se trouvent sur une même ligne. Chaque crochet montre une partie saïllante et très-pointue à l'extérieur, et une autre partie logée dans l’épaisseur du derme et qui fait plus ou moins sail- lie dans la cavité péri-intestinale. La partie libre est de couleur jaune doré. Des bandes musculaires entourent la base de ce crochet et le meuvent dans tous les sens. Ces organes servent aux Linguatules à s’accrocher aux tissus ; ils ressemblent beaucoup aux crochets que portent différents Lernéens. La bouche est entourée d’un cercle solide de nature cornée et d’un as- pect jaunâtre comme les quatre crochets qui l’avoisinent. Elle n’est pas située au bout du corps, mais à une certaine distance et en dessous sur la ligne médiane. L’œsophage est étroit et peu allongé; il s’élargit après avoir traversé le collier nerveux. Puis le canal digestif présente à peu près la même largeur dans toute la longueur, sauf qu'il se rétrécit un peu en arrière. Sur tout le trajet, les parois sont très-minces et complétement mem- braneuses. L’anus s'ouvre à l’autre extrémité du corps sur la ligne médiane. J'ai vu des mucosités se répandre par cette ouverture chez un individu encore en vie et qui se contractait; du reste, l'examen anatomique ne laisse pas de doute sur la place de cet organe. Le canal intestinal a la longueur seulement du corps. En incisant la peau, l’intestin fait hernie, et forme des anses par l'effet de la contrac- tion de la couche musculaire cutanée. Souvent on voit le trajet du canal intestinal à travers les parois externes. Il existe un mésentère qui tient le canal intestinal en place dans toute la longueur : disposition que nous n'avons observée jusqu’à présent dans aucun animal invertébré. Le long du canal intestinal, et au moins dans la longueur du tiers an- térieur, une glande borde cet organe à droite et à gauche; sont-ce des glandes salivaires ou est-ce un foie? Elles s'ouvrent en avant; nous avons pris un instant ces glandes pour les ovaires, avant d’avoir reconnu cet organe par un examen microscopique. 14 SUR L'ORGANISATION Appareil de reproduction. — Les Linguatules ont-ils les sexes réunis ou bien sont-ils à sexes séparés sur deux individus? Voilà la question que l’on peut se faire aujourd'hui, d’après les dernières recherches anatomiques et microscopiques. . On était assez généralement d’accord pour regarder ces animaux comme pourvus de sexes distincts, lorsque, dans ces derniers temps, des anato- mistes du plus grand mérite ont jeté, par le résultat de leurs recherches, du doute dans lesprit d’un grand nombre de naturalistes. Après M: R. Owen, qui s'était prononcé pour la réunion des sexes, M. Valentin est venu annoncer qu'il a trouvé des spermatozoïdes dans la poche qui sert, d’après M. Diesing, à la sécrétion du blanc d’œuf et de sa coque. On comprend aisément que des faits avancés par des hommes qui occu- pent un rang si élevé dans la science, ébranlent profondément les convic- tions les mieux établies, et qu’il faut de nombreux faits, et des faits bien établis, pour détruire l'effet produit par ces princes de la science. M. Du Jardin exprime ses doutes au sujet de la séparation des sexes chez ces animaux, en faisant suivre les mots sexes séparés d’un signe d’in- terrogation. Une double circonstance, dont nous avons parlé plus haut, nous a mis à même de lever tous les doutes au sujet de cette question. La science est à même aujourd’hui de trancher, dans le plus grand nom- bre de cas, les questions de la sexualité; le microscope nous montre des spermatozoïdes dans l'organe mâle et des œufs dans l'organe femelle. Toutefois, la présence de ce produit ne suffit pas toujours pour distinguer le testicule ou l'ovaire, parce qu'il faut pouvoir s'assurer si ce produit mâle ou femelle n’a pas été introduit. Il est assez facile de reconnaître l’ovaire par les œufs; en général on en trouve à tous les degrés de déve- loppement, tandis qu’il n’en est pas de même pour les spermatozoïdes ! Dans le plus grand nombre de cas, on distingue aisément le testicule , mais nous voyons ici un exemple d'erreur commise par un naturaliste des plus éminents. Un organe femelle qui reçoit la liqueur spermatozoïdale en dé- pôt; a sans doute été pris pour l'organe mâle, et de là est provenu le doute de plusieurs naturalistes, comme MM. Owen, Valentin, Von Siebold, etc. DES LINGUATULES. 45 Il faut donc, outre la présence des spermatozoïdes, pouvoir constater, par leur développement plus ou moins avancé, qu’ils ont été formés dans l’or- gane que l’on veut considérer comme testicule. Si la séparation des sexes n’était pas si bien reconnue dans les insectes, on comprend que l'on aurait pu être amené à regarder la vésicule copulative comme le testicule , quand on a trouvé cet organe plein de sperme, et conclure de là à la réunion des sexes. C’est ce qui est arrivé pour les Linguatules. Nous avons eu quatre exemplaires de l'espèce que nous désignons sous le nom de Linguatule: de Diesing, et que nous avons recueillis sur le Man- drill. Ces quatre exemplaires, quoique leur appareil sexuel fût différem- ment constitué, avaient à l’extérieur les mêmes caractères d’aspect et de taille. Il n’en est pas de même pour la seconde espèce, que nous avons été à même d'étudier fraîche. Cette seconde espèce, comme nous lavons déjà dit, provient de la ca- vité pulmonaire d’un Boa. Nous en avons observé une douzaine d’indivi- dus; ils différaient beaucoup de taille. Les uns, et c'était le plus grand nombre, étaient beaucoup plus longs et plus gros que les autres; leur peau était tendue par les viscères au point que les anneaux avaient disparu. Les autres, les plus petits, étaient assez régulièrement annelés, à corps beau- coup plus grêle et à peau moins transparente. On ne distingue pas les viscères à l'extérieur. Les premiers sont, comme on le pense bien, des fe- melles, les autres, ou les plus petits, des mâles. Examinons d’abord l'appareil mâle. En ouvrant le corps dans la longueur, on met aisément à nu le canal digestif, autour duquel on voit des cordons glandulaires qui appartiennent à cet appareil. En arrière et en dessous du tube digestif, se trouve le testicule, 11 occupe à peu près le tiers de la longueur du corps. Ce testicule consiste dans une grande poche membraneuse à parois minces, que l’on prendrait d’abord pour une dépendance du canal intestinal. Il se termine en arrière, en cul- de-sac. Ce testicule donne naissance en avant à un cordon unique, qui se divise bientôt en deux; chaque branche longe le canal intestinal et borde laté- 16 SUR L'ORGANISATION ralement cet appareil jusqu’à la hauteur de l'œæsophage. Ces cordons ont les parois beaucoup moins minces que le testicule. Ce sont les canaux déférents. Au bout de chaque canal déférent, se voit un appendice assez long, flot- tant, et de la même épaisseur que le spermiducte; il est terminé en cul- de-sac. Cet organe est analogue au fouet de l'appareil sexuel des Limaces ou à la prostate. Il se termine en avant dans un appareil excitateur assez compliqué, qui se répète à droite et à gauche à la hauteur du collier æso- phagien. Malgré l’analogie avec l'appareil sexuel des Limaçons, il y a cette différence essentielle qu’il n’y a dans ces derniers qu’un seul canal défé- rent avec un seul appareil excitateur, tandis qu'ici ces organes sont dou- bles. Cet appareil excitateur est assez compliqué. Le canal déférent et le fouet s'ouvrent dans un organe cylindrique, assez gros et dont les parois sont fort épaisses. 11 présente une sorte d’étranglement au milieu. En avant, on distingue une petite poche semblable à un sac glandulaire. Nous igno- rons si elle sert de glande ou de réservoir. Sur le côté et près de la terminaison, on découvre une poche assez grande et qui contient dans son intérieur un appareil bien remarquable. En comprimant légèrement cette poche sur le porte-objet du micros- cope, il apparaît à travers les parois un organe flexueux ;-un tube par- faitement arrondi, assez consistant, qui présente de nombreux replis et qui est prêt à se dérouler. En comprimant un peu plus fort, on rompt les parois, et ce tube corné fait hernie dans différents endroits. C’est alors que l’on s'aperçoit de sa longueur extraordinaire. Vers le bout, il est plus large, plus consistant et contourné plus ou moins sur lui-même. C'est, en un mot, un penis qui a plusieurs fois la longueur du corps, et qui se loge, pendant le repos, dans cette bourse qu’on appelle de son nom. Ce pénis se répète dans chaque poche, et au lieu d’être simple, comme le pense M. Du Jardin, cet organe est bien double. Cette dernière poche du penis a des parois très-épaisses, et l’on dis- tingue aisément, dans sa composition, une forte couche de fibres muscu- laires. DES LINGUATULES. 17 On distingue aussi un faisceau de fibres musculaires au bout de cet or- gane. Elles sont disposées en éventail, et correspondent au muscle rétrac- teur particulier du pénis des Limaçons. C’est un muscle qui joue ici le même rôle après l'acte de copulation. Ces appareils avec le pénis et les poches sont doubles; ils se répètent à droite et à gauche, et s'ouvrent dans un canal commun , situé sur la ligne médiane, à la hauteur du ganglion sous-æsophagien. Dans la première espèce que nous avons disséquée, nous n’avons pu découvrir, avec certitude, l'ouverture commune extérieure de l'appareil mâle ; la seconde espèce nous a permis de constater l’exactitude des obser- vations de M. Diesing. Nous venons de décrire ce que nous avons vu à l’œil nu ou au grossis- sement d’une loupe; pour donner aux déterminations précédentes toute leur valeur, voyons le résultat de l'examen microscopique. La partie de l'appareil mâle, qui, sous la forme d’une poche allongée, marche parallèlement au canal intestinal et occupe presque la moitié de la longueur de l’animal, a tout son intérieur rempli de cellules ar- rondies et libres, qui répandent, lorsqu'on les écrase, des spermato- zoïdes à tous les degrés de développement. C’est, sans aucun doute, le testicule, Les deux conduits que l’on aperçoit au bout du testicule, en avant, sont souvent fortement distendus; ils ont un éclat blanchâtre, et si on incise les parois, on voit se répandre des flocons d’un blanc lactescent. Ces flocons sont formés par l’agglomération des spermatozoïdes tout développés. On ne voit plus ici de spermatozoïdes enveloppés de leur gaine cellulaire; c'est évidemment l’oviducte; mais, à la rigueur, on pourrait le nommer aussi le réservoir de ce produit. C’est l'analogue du long spermiducte des Limacons. Les spermatozoïdes ont la forme ordinaire. Le prétendu corps consiste dans un disque sur le bord duquel est inséré un long filament ou la queue de ces faux animalcules. L'appareil sexuel femelle nous est bien connu, depuis que nous avons pu soumettre à l’analyse microscopique les différentes parties qui le con- Towe XXII. 3 18 SUR L'ORGANISATION sütuent, et le contenu de ces organes. Nous n'avons eu qu'une seule femelle de la première espèce, et nous étions resté, au sujet de ces déter- minations, dans la plus grande incertitude, Tous ces doutes ont été levés à la suite de l’examen des individus frais de la seconde espèce. Nous avons vu que le testicule est situé en dessous du tube digestif; l'ovaire au contraire est situé au-dessus de cet appareil, et s'étend dans presque toute la longueur du corps. Il se trouve entre la peau et le canal intestinal. Cet organe est ainsi fort allongé, étroit et d’un aspect granuleux. Il ne se distingue point par sa couleur. Il consiste, comme l'organe mâle, dans un long tube à parois minces et délicates. Des œufs se forment sur toute sa longueur, et on en trouve dans son intérieur à différents degrés de développement. Cet ovaire se termine aussi en arrière, comme le testi- cule, en cul-de-sac. Dans la Linguatula proboscidea, l'ovaire est unique; il est situé sur la ligne médiane. En avant, il se bifurque et donne naissance à deux oviductes. Ces oviductes sont fort étroits; ils se rendent de dehors en dedans et aboutissent, l’un à côté de l’autre, à une cavité commune qui présente des caractères particuliers. Derrière le ganglion sous-æsophagien, à une très-faible distance, on voit un organe situé en travers, terminé à droite et à gauche en cul-de- sac, et que M. Diesing regarde comme la glande qui sécrète le blanc de l'œuf et la coque. Ces culs-de-sac sont quelquefois distendus, et on voit alors deux vésicules arrondies ayant une communication commune, Son aspect est d’un blanc laiteux. C’est dans l’intérieur de ces poches que M. Valentin a trouvé des sper- matozoides. Sur le milieu et en arrière de cet organe, on aperçoit un conduit grèle, comme l’oviducte dont nous avons parlé plus haut, et fort long; dans la première espèce (Linguatule de Diesing), ce conduit longe le tube digestif en dessous et se rend directement vers l'extrémité postérieure du corps, pour s'ouvrir à côté et en avant de l’anus. Dans l’autre espèce que nous avous étudiée, ce conduit enveloppe le canal intestinal, comme dans la Linguatula tenioïdes, forme de nombreuses circonvolutions autour de cet DES LINGUATULES. 19 appareil, cache en partie cet organe, et s'ouvre enfin comme dans le cas précédent. Voilà la composition de l'appareil sexuel femelle. Voyons maintenant la signification des différents organes qui le constituent. Il ne peut y avoir du doute sur l'ovaire. Nous avons vu dans son inté- rieur des œufs à différents degrés de développement, et nous avons vu ces œufs se rendre un à un par le canal étroit qui aboutit à l'organe situé en travers. Ce conduit est bien l’oviducte. L’organe situé en travers a été considéré comme organe mâle par M. R. Owen; M. Valentin a observé des spermatozoïdes dans son intérieur. Nous nous sommes assuré de l'exactitude de cette dernière observation, et cependant cet organe n’est pas pour nous un organe mâle; c’est plutôt la vésicule copulative qui sert de réservoir à la liqueur fécondante. Le conduit qui part de la vésicule copulative est pour nous le second ovi- ducte. La longueur extraordinaire de ce second oviducte ne s'oppose. pas à cette détermination; si l’on songe à la longueur excessive du pénis, on comprendra comment la liqueur fécondante peut être déposée et s’accu- muler dans l’intérieur de la vésicule copulative. Il y a plus, la difficulté pour les sexes de se rencontrer a nécessité quel- ques dispositions exceptionelles. Les Nématoïdes, qui ont aussi les sexes séparés, sont au moins en nombre plus ou moins grand dans une cavité commune où ils peuvent tôt ou tard se rencontrer, tandis que les Lingua- tules sont généralement isolés et toujours très-peu nombreux. Nous concevrions aisément que, par suite d’un seul accouplement, la femelle fût fécondée pour toute sa vie; nous voyons déjà la reine abeille fécondée pour une année au moins, après un seul coït. La difficulté d'accomplir cet acte important, la rareté des individus et d’autres circonstances se réunissent, pour justifier les soins .excep- tionnels pris à Fégard de ces animaux dans le but d'assurer leur conser- vation. Nous avons observé les œufs dans le premier et dans le second oviducte, et la différence qui existe dans leur degré de développement, dans l’un 20 SUR L'ORGANISATION et l’autre de ces conduits, nous donne la presque certitude que les œufs ne sont fécondés qu’au moment de leur passage devant l'ouverture de la vésicule copulative. Quels sont les animaux qui offrent dans leur appareil sexuel le plus d’analogie avec les Linguatules? C’est une question à laquelle il serait diffi- cile de répondre dans ce moment; tout ce que l’on peut dire c’est qu'il n'y a pas une famille ou un ordre connu qui ait un appareil sexuel sem- blable à celui que nous venons de faire connaître. Confondus jusqu'ici avec les Helminthes, les Linguatules diffèrent des Nématoïdes, d’abord par l'appareil mâle, qui s'ouvre chez ces derniers à l'extrémité postérieure du corps, et en avant chez les Linguatules, puis par l'appareil femelle qui fait l'inverse en s’ouvrant à l'extrémité posté- rieure dans les Linguatules, au lieu de s'ouvrir en avant comme nous le montre les Nématoïdes. Dans la conformation intérieure des deux appa- reils, il ya des différences non moins grandes : le testicule, comme l'ovaire, le canal déférent comme l’oviducte, la vésicule copulative, la verge, tous ces organes diffèrent complétement. Les Trématodes ont les sexes réunis, ainsi que les Cestoïdes ; ils s’éloi- gnent par conséquent des Linguatules beaucoup plus que les Nématoïdes, sous le rapport de l’appareil sexuel. Les Échinorhynques montrent d’autres différences : les appareils sexuels s'ouvrent à la partie postérieure du corps. Par l'appareil de la génération, aussi bien que par le système nerveux, les Linguatules s’éloignent donc complétement des Helminthes. Les parties essentielles de l'appareil que nous venons de décrire cor- respondent avec les descriptions données par les auteurs; faisons re- marquer toutefois que M. R. Owen ne paraît pas avoir connu le mâle de la Linguatule qu’il décrit, et que M. Miram, ayant pris le dos pour le ventre, représente l'ouverture de l'organe màle sur le dos de l'animal. M. Miram parle aussi de deux ouvertures correspondant aux deux pénis, tandis que nous n’en avons vu qu’une seule. Le même naturaliste pense que le testicule est double et le spermiducte simple, tandis que nous avons observé précisément l'inverse. DES LINGUATULES. 21 Développement. — Pour bien connaître un animal et lui assigner son rang, il est plus important d'en étudier le développement que lorgani- sation. Cuvier a basé le règne animal sur l'anatomie; aujourd’hui il faut le baser sur l’embryogénie. Mais si l'anatomie des animaux inférieurs a marché à pas lents, leur embryogénie a été plus lente encore dans ses progrès : il y a des groupes entiers dont on ne connaît pas encore l'œuf ni avant ni après la ponte; de ce nombre est le groupe des Linguatules dont nous nous occupons. Tout ce que nous allons dire à ce sujet, est donc nouveau pour la science. Les œufs qui sont encore dans l'ovaire, sont pour la plupart adhérents aux parois internes de cet organe; ils sont fort petits. Dans le plus grand nombre, on ne distingue à l’intérieur que des globules vitellins et une seule membrane extérieure. [ls sont à peu près les mêmes dans le premier oviducte. M. Valentin dit avoir observé dans ces œufs les deux vésicules germi- natives !, Nous ne les avons pas reconnues. Après leur passage dans le second oviducte, conduit que l’on pourrait aussi bien appeler vagin, les œufs présentent des modifications. Ils ont augmenté de volume : au lieu d’une seule membrane on en reconnaît aisé- ment trois. En comprimant légèrement ces œufs, la membrane moyenne apparaît au milieu du blanc, comme si elle formait une doublure au cho- rion. On distingue aisément la membrane vitelline; pendant la compres- sion, c’est elle qui montre le plus de résistance. Ces œufs plongés dans l’eau se gonflent, et la couche de blanc paraît beaucoup augmentée. Vers l'extrémité de l’oviducte, on voit des œufs dans lesquels le travail organique a marché; on commence à apercevoir des mouvements lents sans que toutefois ces embryons subissent leur évolution dans le corps de la mère; les Linguatules sont ovipares. 2 Repertorium, 1837, p. 135. 22 SUR L'ORGANISATION Une question d’une haute importance se présente ici. Ces parasites vi- vent-ils, pendant les différentes phases de leur existence, dans les mêmes organes où on les trouve à l’état adulte, ou bien habitent-ils d’abord d’au- tres organes ou d’autres milieux? On a recueilli, dans ces derniers temps, des données précieuses sur les métamorphoses de plusieurs parasites et sur les différents milieux dans lesquels ils vivent aux diverses époques de leur vie. Ce que l’on avait appris sur les Distomes et les Cercaires, semblait faire supposer que plusieurs parasites sont dans le même cas; des observations récentes n’ont pas confirmé ce résultat. Les vers ces- toïdes parcourent toutes les phases de leur existence dans les mucosités sécrétées par les parois intestinales; nous pouvons en dire autant des Né- matoïdes en général, même ceux que l’on avait représentés comme subis- sant les métamorphoses les plus extraordinaires, comme les filaires des poissons. Les faits que nous avons pu recueillir au sujet des Linguatules ne nous laissent guère du doute non plus sur leur séjour, pendant toute la vie, dans les mêmes organes où séjournent les adultes; voici ce que nous avons constaté : A l’aide d’une loupe, nous avons examiné toute la surface interne des poumons, sur lesquels vivent les animaux de la seconde espèce. Nous avons recueilli des glaires que nous avons portés sur le porte-objet du microscope, et c’est dans ces glaires que nous avons découvert les œufs. Ces œufs sont parfaitement arrondis et extraordinairement petits : ils mesurent, dans leur plus grand diamètre, 0,12. L'embryon contenu dans l’intérieur est entouré de trois membranes, qui sont les mêmes que nous avons déjà signalées, mais qui ont pris plus de consistance. L’œuf, en effet, dans cet état est difficile à com- primer. Il n’y à cependant d’autre moyen de connaître le contenu que la com- pression. Les œufs sont trop petits pour être entamés par la pointe d’un instrument. Sur un grand nombre d'œufs, nous sommes parvenu par ce moyen à débarrasser quelques embryons de leurs enveloppes, et à en isoler sans leur avoir fait subir aucune lésion. DES LINGUATULES. 25 Ces embryons sont arrondis en avant, pointus en arrière, mais le corps présente de ce côté une bifurcation. En avant, on voit sur le mi- lieu une gaîne solide, un stylet qui rentre et sort selon la volonté de l'animal, et qui est entouré de deux autres pièces mobiles mais moins distinctes. On voit vers le milieu du corps, et cela très-distinctement, deux paires de pattes articulées. On reconnaît un premier article basilaire, puis un second, mobile sur le précédent, et au bout de celui-ci, un crochet solide à deux dents. Ces quatre pattes sont composées et terminées exactement de la même manière. Ces pattes jouissent d’une très-grande mobilité, s'étendent en dehors, en avant , en arrière, se raccourcissent, s’allongent et changent, selon leurs mouvements, l'aspect de ces embryons. Nous avons tenu quelques-uns de ces embryons en vue sur le porte- objet du microscope, au moins pendant deux heures; au bout de ce temps, ils se contractaient encore dans tous les sens. Les mouvements à cet âge embryonnaire sont plus variés et plus vifs qu’à l’âge adulte. Au moment de léclosion, l'embryon a 0,10 de longueur. Nous n’avons pu reconnaître avec certitude aucun autre organe, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur. La forme que la Linguatule affecte à cette époque rappelle exactement celle des Tardigrades, si bien décrits par M. Doyère. PARTIE ZOOLOGIQUE. Les deux espèces de ce genre que nous avons étudiées, proviennent l’une du Mandrill et l’autre du Boa. La première espèce est nouvelle pour la science; nous l'avons dédiée au savant naturaliste de Vienne , M. Diesing, qui a le plus puissamment contribué, dans ces derniers temps, aux progrès de l’helminthologie. La seconde espèce est connue depuis longtemps; elle a été observée déjà sur plusieurs reptiles. Nous allons dire un mot de l’une et de l’autre. 24 SUR L'ORGANISATION LINGUATULA DIESINGU. Linguatule de Diesing. Car. Corps blanc, cylindrique, annelé, obtus aux deux bouts, pas plus large d'un côté que de l'autre. Les anneaux espacés, &u mombre de vingt à peu prés, cessent brusquement en ar- rière. Bouche arrondie, située sur la méme ligne que les quatre crochets. Les mâles et les femelles ont la méme taille. Longueur du corps 15 millimètres ; largeur 2 millimètres. Trouvé dans des Kystes formés par le péritoine dans le Mandrill (Cyno- cephalus maimon ). Les caractères extérieurs de cet animal sont fort remarquables; ils s’é- loignent encore beaucoup de ceux avec lesquels, au premier abord, ces parasites ont le plus d’affinité. Voici dans quelles conditions nous les avons observés : | L: En ouvrant l'abdomen d’un Mandrill, nous découvrops quelques Kystes fixés au mésentère. Ces Kystes contenaient un corps blanc, ar- rondi, enroulé sur lui-même et annelé dans toute sa longueur. Le Kyste étant ouvert, nous voyons un ver cylindrique qui remplit toute la cavité et qui ne donne signe de vie que par des mouvements ex- traordinairement lents. Nous le retirons de sa loge, et il reste immobile dans le verre de montre où nous le plaçons. Quoique le ver fût en vie et parfaitement libre, la forme du corps ne change pas, et il reste enroulé dans une parfaite immobilité. Il est cy- lindrique, également large aux deux bouts, et ressemble aux larves de mouche, connues sous le nom d’asticots. C’est ainsi qu’il se présente du moins à l'œil nu. | Le Kyste est formé de deux membranes emboîtées l’une dans l’autre; le ver tient à la surface interne, comme s’il était collé à cette membrane, sans contracter de l’adhérence avec ces parois. À deux reprises différentes, en ouvrant le Kyste, nous avons coupé dans le ver, et les viscères faisaient hernie par la plaie. Le facies de ce ver est tout particulier. Il se compose d’anneaux sépa- rés les uns des autres par un profond étranglement, comme on voit dans DES LINGUATULES. 25 la partie antérieure du corps des Liorhynques et de quelques autres vers intestinaux. L’intervalle entre les anneaux est même membraneux et demi-trans- parent, du moins on distingue le canal digestif à travers l’épaisseur de la peau. Les anneaux eux-mêmes sont épais, très-consistants et de nature musculaire. Le corps finit de même aux deux bouts. Nous avions pris la partie postérieure pour l’antérieure, parce que nous n’avions pas remarqué d’a- bord les crochets. L’anneau qui représente la tête est un peu plus large que celui du bout opposé, et au lieu d’être arrondi en mamelon, il est un peu comprimé, et montre les quatre crochets du même côté. Par sa forme cylindrique surtout, et la présence des anneaux qui sont fortement développés, l’espèce que nous décrivons ici se rapproche le plus de celle” que M. Diesing a fait connaître sous le nom de Pentastoma subcylindricum , trouvée sur plusieurs mammifères de l'Amérique méri- dionale, par Natterer, et entre autres sur le Midas Chrysopygus Natt. Toutefois, il existe des différences assez notables, comme il était à pré- voir d’après la différence d’origine du singe qui nous a fourni ces exem- plaires. La forme de ces animaux n’est point exactement la même : l’espèce décrite par M. Diesing a la tête plus large que le corps, tandis que cette espèce-ci a le corps également large en avant et en arrière. Le corps est complétement cylindrique; M. Diesing compte à peu près quatre-vingts anneaux, et, vers la queue, ils se resserrent fortement. Notre Linguatule, au contraire, ne porte qu’une vingtaine d’anneaux; ils sont beaucoup plus saillants, laissent un certain intervalle entre eux, et ils cessent brusque- ment à la partie postérieure du corps. En un mot le Pentastoma subeylin- dricum pourrait être pris par des naturalistes peu exercés, pour un Tenia, tandis que cette erreur ne serait pas possible pour cette espèce. Quant à la forme du corps, les différentes espèces connues ont l’extré- mité antérieure plus large que l'extrémité opposée, tandis qu'ici le corps se termine de la même manière en avant et en arrière. Tome XXHII. k 26 SUR L'ORGANISATION LINGUATULA PROBOSCIDEA. Rud. C'est cette espèce qui nous a servi, surtout pour nos observations anato- miques sur l'appareil de la génération. Ce ver a été découvert par M. AL de Humbold; il le désigna d’abord sous le nom d’Echinorhynque, ensuite sous celui de Distome, et enfin il lui donna le nom de Porocephalus crotali 1. Rudolphi, Bremser et M. Diesing en font mention sous le nom de Pentastoma proboscideum. C’est sous le même nom que M. Fel. Du Jardin le cite dans son Helminthologie. Nous avons déjà dit pourquoi le nom de Linguatule nous paraît préférable. Sur un premier individu de Boa constrictor, nous avons observé deux exemplaires femelles; sur une autre espèce de Boa, ainsi que nous l'avons déjà dit précédemment, nous avons trouvé une douzaine d'exemplaires des deux sexes, logés dans l’intérieur du poumon. Ces vers ont aussi le corps cylindrique, toutefois un léger aplatisse- ment se remarque du côté du ventre; ils se renflent légèrement en forme de massue à leur extrémité postérieure. Des anneaux sont distincts sur toute la longueur du corps, excepté la partie postérieure, qui est renflée et par conséquent distendue; ces an- neaux sont beaucoup moins distincts dans les femelles. Nous en avons compté de 55 à 37. Le corps des femelles est aussi beaucoup plus gonflé que celui des mâles; par suite du grand développement de l'oviducte et de l'ovaire, les anneaux du corps s’effacent, la peau devient plus mince et plus transparente, tout l'animal devient plus mou, et on voit les circonvolu- tions de l'appareil sexuel à travers l'épaisseur de la peau. Place que les Linguatules doivent occuper dans la série animale. Nous avons exposé, dans les pages qui précèdent, le résultat de nos : 1 Humboldt, Ansichten der Naturf., À Auf., p. 162 et 227; Recueil d'observat. de zool., ete. fase. 5 et 6, n° XIII, p. 298. DES LINGUATULES. 27 observations sur l’anatomie et sur le développement des Linguatules ; il nous reste à examiner quelle est la place de ces organismes dans la série animale, si ce sont des animaux appartenant à la classe des Helminthes ou bien s'ils se rapprochent des Lernéens. Mais voyons d’abord l'opinion des auteurs qui se sont occupés de ce sujet. Chabert trouva le premier la Linguatule ténioïde dans les sinus fron- taux du cheval (1787). Il le nomma Tœnia lancéolé; ce nom indique l’ap- préciation de la valeur zoologique de ce ver. Dans le poumon du lièvre, Frœæhlich découvrit, peu de temps après, une autre espèce, que ce naturaliste appelle Linguatula serrata, dénomi- nation générique généralement adoptée aujourd’hui. Le père de la classification, suivie actuellement en helminthologie, est Zeder; ce naturaliste a été plus heureux dans la distribution générale des Helminthes que dans l'appréciation des Linguatules. I] place en effet ces vers parmi les Ténias et les Polystomes. Le ver que M. Al. de Humboldt a découvert dans le poumon d’un ser- pent à sonnette, a été pris par ce savant d’abord pour un Echinorhynque, puis pour un Distome, et enfin, il en a fait un genre distinct sous le nom de Porocephalus ! (1805-1811). Rudolphi à créé pour ces vers le nom de Pentastomes (1819). Ce nom repose sur une erreur anatomique; il doit surtout être abandonné, parce qu'il est plus nouveau que celui de Linguatule. Ces parasites sont placés par le célèbre helminthologiste de Berlin parmi les Trématodes. En 1808 et 1809, Rudolphi avait donné le nom de Prionoderma au Tænia lancéolé (Linguatula tænioïdes).et il Vavait placé parmi les Polystomes. La Marck adopte le nom de Linguatule; il place ces vers dans son or- dre de vers planulaires, entre les Cestoïdes et les Trématodes. Le genre Linguatule est placé entre le genre Ligule et le genre Polystome ?. Guidé par les caractères extérieurs de ces animaux , M. De Blainville propose de les placer dans un ordre distinct sous le nom de Onchocéphalés, à la tête de la classe des Entomozoaires apodes et à côté des Nématoïdes, 1 Recueil d'observations de zoologie, etc. 2 Animaux sans vertèbres. 28 SUR L'ORGANISATION qu'il désigne sous le nom d'Oxycéphalés. C'est M. De Blainville qui a érigé le premier ces vers au rang d’un ordre distinct ! (1828). Dans la première édition du Règne animal, Cuvier adopta le nom de Prionoderma qu’il abandonna dans la seconde édition pour celui plus con- venable de Linguatule. N'ayant que deux ordres dans sa classe des vers intestinaux , les Cavitaires et les Parenchymateux , il n’y avait pas à hésiter sur la place qu'ils devaient occuper. Les Lernéens étaient encore très-incomplétement connus à cette époque. On sait que Cuvier plaça ces singuliers parasites à la fin de son ordre des Cavitaires et qu'il les fit précéder du genre Linguatule. Est-ce simple hasard que ce rapprochement? Nous ne le pensons pas! C’est peut-être par les Linguatules que Cuvier avait été conduit à placer les Lernéens parmi les Helminthes, et qu'il avait, grâce au tact particulier aux grands naturalistes, reconnu les affinités de ces animaux. Si M. De Blainville a le mérite d’avoir érigé le premier un ordre dis- tinct pour ces animaux, Cuvier a le mérite d’avoir reconnu le premier leurs véritables affinités. M. Nordmann, un des naturalistes dont les opinions ont le plus de poids et qui, par la nature de ses travaux , est un de ceux qui sont le plus à même de se prononcer sur ces questions, pense que les Linguatules ne doivent pas faire partie des Trématodes, mais former une division par- ticulière des Nématoïdes. Pentastomum muss von den TREMATODEN entfernt und in eine eigne Unterabtheilung der Nemarowsex gebracht werden ?. Et M. Nord- mann est cependant le naturaliste qui a fait connaître le mieux les Ler- néens sous le rapport anatomique et embryogénique. M. Diesing, qui a étudié avec le plus de soin les Linguatules et qui a publié une belle Monographie de ces animaux, en forme un groupe à part sous le nom d’Acanthoteca; ils constituent aussi, selon ce savant, un ordre particulier entre les Nématoïdes et les Trématodes. Cette Monographie du naturaliste de Vienne est le travail le plus complet que la science possède sur ces animaux. M. Diesing les a envisagés sous le point de vue de la 1 Dictionn. des se. nat., vol. 57, pag. 530. 2 Nordmann, Mikrog. Beitrag. Heft I, p. 141 (1852). DES LINGUATULES. 29 zoologie et de l'anatomie; il a eu à sa disposition les immenses richesses helminthologiques du Muséum de Vienne, auquel il est attaché; mais le motif pour lequel ses anatomies laissent encore quelque chose à désirer, c’est qu'il n’a eu à sa disposition que des animaux conservés dans la li- queur. Un beau mémoire a paru presque en même temps que celui de M. Die- sing; il est dû à M. Miram. Ce savant s'exprime ainsi au sujet de la place que les Linguatules doivent occuper : « On voit donc que le Pentastoma tenoïdes se rapproche des Néma- toïdes par la structure de son canal intestinale et des organes sexuels; des Acanthocéphales par l'appareil de succion, des Trématodes par le sys- tème nerveux et par la masse granuleuse dont j'ai parlé plus haut, et enfin par la présence des plis; mais il forme un type moyen entre tous ces ordres et les réunit entre eux. » M. Miram à mal saisi quelques rapports; il a pris le dos de l'animal pour le ventre. M. R. Owen divise les Helminthes en trois groupes, sous les noms de Protelminthes, Stérelminthes et Cœlelminthes. Les deux dernières divi- sions correspondent à celles de Cuvier, et dans la première se trouvent des animaux reconnus aujourd’hui pour des animaux non adultes, et les prétendus animalcules spermatiques, que M. R. Owen supposait être ovi- pares. Ce savant place les Linguatules parmi les Cœlelminthes comme Cuvier. Il est à remarquer toutefois que le savant anatomiste anglais, en parlant de ce ver, dit : this higly organized entozoon *. Ce célèbre naturaliste anglais, qui à si puissarment contribué à l'avancement de toutes les branches de la zoologie, a publié une belle anatomie des Linguatules. Ce travail, comme tous ceux qui sortent de sa plume, est marqué au coin de la plus scrupuleuse exactitude; mais comme ce savant n’a eu que des individus femelles sous la main, il a pensé que les sexes étaient réunis. C’est sur la Linguatule ténioïde qu’il a fait ses observations. M. Fel. Du Jardin les place aussi, comme M. Diesing, entre les Néma- 4 Todds Cyclopedia, et Transact. of zoot. Soc., vol. 1, part. 4, p. 323 (1835, 1839). 30 SUR L'ORGANISATION toïdes et les Trématodes, dans un ordre distinct, sous le nom d’Acan- thoteca. « D'après ces caractères, dit M. Du Jardin, on peut juger que les Pen- tastomes se rapprochent beaucoup du type des articulés, dont ils sont une dégradation manifeste sous certains rapports; tandis que, sous d’autres rapports, les Nématoïdes et certains Trématodes nous rappellent aussi ce type des animaux articulés !. » M. Von Siebold ne s’est pas occupé d’une manière spéciale de ces vers. Toutefois, à cause de la grande réputation dont il jouit à juste titre par ses remarquables travaux, on ne peut guère parler helminthologie sans le citer. Ce savant ne conserve point un ordre distinct pour les Linguatules, mais les place à la fin des Trématodes. Les recherches de MM. R. Owen et Valentin pourraient bien ne pas être étrangères à cette décision. C’est en 1846, dans son Manuel d'anatomie comparée, publié avec M. Stannius, qu’il propose cette division. Les Trématodes sont placés entre les Cestodes et les Acanthocéphales ?. M. Blanchard, qui a introduit des modifications très-heureuses dans la classification des vers, et qui a publié des travaux si remarquables sur plusieurs types de cette division, divise les vers (non compris les Annélides) en cinq types : Les Turbellariés qu’il appelle Anevormes ; Les Cestoides: Les Nématoïdes, auxquels seuls il conserve le nom d’Helminthes ; Les Némertines ; Les Linguatules. M. Blanchard n’entend pas toutefois se prononcer définitivement sur l’ensemble des affinités naturelles de ces derniers animaux. Les crochets semblent bien représenter les appendices des Lernéens, mais la disposition du système nerveux, ajoute-t-il, aussi bien que la configuration des organes de la génération, les en éloignent considé- rablement. 4 Du Jardin, Helminthes, p. 305. 2 Lehrbuch der vergleichenden Anatomie, Berlin, 14846, p. 112. DES LINGUATULES. 51 Ainsi, en définitive, pour M. Blanchard, les Linguatules sont encore le mieux placés à côté des Nématoïdes et des Némertines. On le voit, si quelques zoologistes sont frappés de certains caractères et reconnaissent des affinités avec des animaux appartenant à des classes voisines, on ne considère pas moins les Linguatules comme des Helmin- thes. Notre but est de démontrer que les Linguatules m’appartiennent point à cette classe, et quoique plusieurs groupes d'animaux avec lesquels nous croyons devoir les réunir, ne soient pas encore complétement con- nus sous le rapport anatomique et embryogénique, nous ne croyons pas moins que les faits que l’on possède suffiront pour justifier entièrement les rapprochements que nous proposons. Si l’on compare le système nerveux des Linguatules avec celui des différents ordres des Helminthes, nous voyons des différences notables: il existe d’abord dans les Linguatules un collier œsophagien complet et une chaîne ganglionnaire sous-intestinale. Il est vrai, les cordons sont séparés et 11 n’y a pas de renflements ganglionnaires , mais ce caractère de la séparation, auquel on a voulu attacher quelque importance dans ces derniers temps, ne nous semble guère en avoir. Le système nerveux du Dichelestium sturionis est là pour le prouver. Les deux cordons sont réunis encore en avant comme dans les autres articulés, et séparés, au contraire, en arrière, comme ils le sont chez les Linguatules, dans toute leur longueur. Nous voyons là clairement la transition. Il est vrai, les Né- matoïdes ont aussi deux cordons nerveux , mais ils sont situés tout à fait sur le côté, et l’on ne trouve, en tout cas, dans aucun Helminthe un collier œsophagien complet. Les ganglions stomato-gastriques ou le sym- pathique de ces animaux , n’a montré aucune trace de son existence dans aucun Helminthe, tandis qu'on à trouvé ces nerfs dans la plupart des articulés. Ainsi le système nerveux, le plus important de tous pour con- stater le degré d’animalité, n’a que des rapports éloignés avec celui des vers intestinaux. L'appareil sexuel est si complétement différent de celui des autres Helminthes, que nous n’y trouvons pas même de l’analogie. Les sexes sont évidemment séparés chez les Linugatules, et le mâle, dans la plupart des 32 SUR L'ORGANISATION espèces, est beaucoup plus petit que la femelle. Il est vrai, cet appareil ne joue pas un rôle important pour l'établissement d’un ordre ou d’une classe. Dans des genres très-voisins, il diffère souvent considérablement ; mais quand ces caractères se réunissent à d’autres, il acquiert bien une certaine valeur. Les pénis qui s'ouvrent en avant, leur longueur extraordinaire, la po- che qui les loge et les muscles rétracteurs de ces organes sont autant de caractères propres aux Linguatules et qui les éloignent des Helminthes. Ensuite, l'ovaire, les poches copulatives et l'énorme oviducte avec son ouverture à côté de l'anus, ne montrent pas non plus la moindre analogie avec les mêmes organes dans aucun des ordres. Une autre disposition anatomique, et qui ne présente pas à nos yeux moins d'intérêt que les appareils précédents, c’est la présence des stries transverses dans les fibres musculaires primitives. Depuis longtemps déjà, on a fait cette observation, mais on n’en a pas fait l'application à la z00- logie. On sait que c’est un caractère propre aux muscles des animaux su- périeurs, vertébrés et articulés, et qu’on ne les trouve plus même dans les Mollusques. Enfin, si nous recourons aux caractères fournis par l’embryogénie, les affinités se présentent dans toute leur évidence. Il n’y a aucun Hel- minthe pourvu d’appendice quelconque dans le jeune äge, tandis que nous voyons ici le corps au moins aussi arrondi que dans les jeunes ar- ticulés et pourvu d’appendices mobiles, terminés par des crochets. Ces appendices présentent la plus parfaite ressemblance avec ceux des Tardi- grades. Que ces appendices qui font ici office d'organes de locomotion repré- sentent les antennes, ou les pièces de la bouche, ou les pattes thora- ciques , ou les nageoires abdominales, cela n’a qu’une importance secon- daire. Ce sont des appendices analogues à ceux des articulés, et c'est là tout ce que nous devons constater. Il est généralement admis aujourd’hui que les différents appendices des articulés, non-seulemeut sont d’abord tous semblables les uns aux autres, que leur mode de développement est le même et que les diffé- DES LINGUATULES. 33 rences n'apparaissent que dans le cours du développement ; mais il n’est pas moins admis que ces appendices, soit antennes, soit mandibules ou mâchoires, soit pattes, sont des parties analogues et se remplacent physio- logiquement les unes les autres. Mais ce qui n’est pas connu encore, ce sont les lois d’après lesquelles ces différents appendices apparaissent chez l'embryon des articulés. Sui- vent-ils la même marche dans leur apparition chez les divers articulés? On voit bien que ces organes apparaissent d’abord sur les anneaux anté- rieurs, et puis se développent successivement d’avant en arrière; c’est ce que lon voit distinctement chez tous les articulés; mais les premiers ap- pendices qui se forment, sont-ce nécessairement des antennes, les seconds, les pièces de la bouche et les pattes viennent-elles toujours après les autres? C’est là ce que l’on ignore. C'est pour cette raison que nous ne pouvons déterminer, d’après le déve- loppement, à quel genre d’appendices correspondent les deux paires de ces organes qui apparaissent vers le milieu du corps dans les larves des Linguatules. Il est vrai, dans ces derniers temps, des auteurs ont considéré comme une loi que les appendices se développent dans l’ordre de leur importance; mais 1] ne nous semble pas que cette loi s'accorde avec les faits. Les pre- miers appendices qui se montrent ce sont généralement les antennes, et on ne peut guère mettre leur importance au-dessus des pièces de la bouche. Nous croyons que ces appendices se forment de la manière suivante : que les tentacules apparaissent d’abord, puis les pièces de la bouche, puis les pattes thoraciques, et enfin les appendices abdominaux. Mais comme ils n’existent pas toujours simultanément, les premiers ne sont pas nécessairement les tentacules. Chez les articulés privés de ces or- ganes, les premiers sont ceux de la bouche, et s’il y en a qui sont pri- vés de mandibules ou de mâchoires, ce sont les pattes thoraciques qui apparaîtront d’abord, et ainsi de même pour les appendices abdomi- naux, si les pattes thoraciques manquaient. C’est la même marche que suivent les pattes des Myriapodes dans leur mode d'apparition. De nou- Tome XXIHIL b) 34 SUR L'ORGANISATION veaux anneaux avec de nouveaux appendices viennent se joindre en arrière à ceux qui existent déjà. Dans les Linguatules, les antennes manquent, et, d’après ce principe, les premiers appendices représenteraient done des pièces de la bouche, les mandibules et les mâchoires , d’où ilrésulte que, pendant la première pé- riode de leur existence, les Linguatules porteraient deux paires d’appen- dices faisant fonction de pattes, et que, dans le cours du développement, ces organes seraient refoulés en avant pour prendre-place à côté de l’ou- verture de la bouche. | Les caractères anatomiques s'accordent donc avec les caractères em- bryogéniques, pour éloigner ces animaux des Helminthes et les rapprocher d’autres animaux parasites que l’on s'accorde à placer parmi les Crus- tacés. Examinons cette dernière proposition. On connaît le jeune âge de différents genres de Lernéens ; nous avons nous-même quelques obser- vations en manuscrit; voyons si ces amimaux suivent une marche uni- forme dans leur mode de développement. Ce sera plutôt par l’'embryogénie que par l'anatomie que nous chercherons à établir ce rapprochement. Ce qui ressort clairement de la première comparaison entre les différents embryons de Crustacés inférieurs, €’est qu’ils sont loin de suivre la même marche dans leur évolution. On en voit d’abord qui sont remarquables par les deux paires d’appen- dices, qui apparaissent comme des antennes-nageoires; nous trouvons, dans ce cas, l’Achteres percarum, les Tracheliastes polycolpus, Isaura cycladoïdes, l’Apus cancriformis, etc., ete. Ces animaux forment un premier ‘type: Nous trouvons un second type dans lequel; au lieu de deux paires d’ap- pendices, se développent simultanément trois paires, comme l’Ergasilus Sieboldii, le. Lerneocera cyprinacea, le Lerneopoda: stellata, le Caligus -hipo- glossi, etc., etc. Le genre Anchorella forme un troisième type, et c’est avec celui-là que les Linguatules présentent le plus d’affinité. On voit aussi deux paires d’ap- pendices surgir simultanément; mais, au lieu de représenter.des antennes- DES LINGUATULES, 39 nageoires, par leur situation et leur forme, ce sont plutôt des pinces-pattes, comme dans les Linguatules. Un autre type encore et très-voisin de ces derniers, est représenté par les Pycnogonons. On voit également deux paires de pattes au milieu du corps; mais il se forme, en outre eten même temps, une paire d’antennes- pinces en avant. Les observations manquent pour pousser cette comparaison plus loin. M: Milne Edwards a déjà rapproché les Pycnogonons des Lernéides; et si ce savant n'avait pour ce rapprochement que des motifs comme ceux de l'absence de trachées et de sacs pulmonaires, son tact l'a heureuse- ment bien servi. Les observations sur leur développement viennent donner une puissante sanction à ce rapprochement. Nous croyons que, pour les mêmes motifs, les Acarides doivent se rap- procher aussi des Lernéides, et ces différents groupes avec les Tardigrades, et peut-être d’autres encore, forment-ils une véritable classe dans l’embran- chement des articulés. La sous-classeentière des Crustacés suceurs devra subir un remaniement; car la classification actuelle, comme nous venons de le voir, est loin d’être d'accord avec leur mode de développement. En étudiant les différents parasites de nos poissons, nous réunissons des matériaux qui pourront être utilisés pour la confection d’un travail sur ce sujet, et peut-être d'ici à peu de temps aurons-nous l'honneur de le communiquer à la classe. Nous finirons ce chapitre en faisant remarquer que, si les Linguatules s’éloignent des Helminthes par leur organisation, c’est seulement par l’em- bryogénie que l’on reconnait les véritables affinités, et que c’est avec les Anchorella, parmi les Lernéides, qu’ils ont le plus d’affinité. En résume : I. Nous signalons une douzième espèce de Linguatule, observée dans la cavité abdominale d’un Singe d’origine africaine, sous le nom de Lin- guatula Diesingü. 36 SUR L'ORGANISATION DES LINGUATULES. IL. Le système nerveux est composé : d’un gros ganglion sous-æsopha- gien, d’un collier complet, de deux cordons nerveux parallèles repré- sentant la chaîne ganglionnaire des animaux articulés, de plusieurs paires de nerfs partant du même ganglion, et de quatre ganglions stomato-gastri- ques couchés sur l’œsophage et l'estomac. IL. Ils sont à sexes séparés; en général on distingue les mâles des fe- melles, par la taille et par l'ouverture de l'appareil générateur. Le mâle porte cette ouverture en avant et en dessous, tandis que la femelle porte la vulve à l'extrémité postérieure. La femelle porte deux grandes vésicules copulatives remplies de spermatozoïdes. Le mäle a un testicule et deux canaux déférents avec deux très-longs pénis. Ils sont ovipares. Les œufs sont déposés et éclosent au milieu des organes dans lesquels on découvre les animaux adultes. IV. Les embryons, au sortir de l'œuf, sont pourvus de deux paires d’ap- pendices situés en dessous au milieu du corps. V. Les Linguatules ne sont pas des Helminthes , mais plutôt des ani- maux voisins des Lernéides. Les embryons ont le plus d’affinité avec ceux de l’Anchorella, puis avec ceux des Pycnogonons. à Fig. Fig. Fig. Fi. Fig. Fig. Fig. EXPLICATION DES PLANCHES. Les figures de 1-7, 10, 11, 19 et 21 représentent la Linguatula Diesingit; les fig. 8, 9, 1248 et 20 appartiennent à la Linguatula proboscidea. 1. Linguatula Diesingii, de grandeur naturelle, enveloppé dans son Kyste, tel qu'on l'a trouvé dans la cavité abdominale du Mandrill. . Le même, isolé ou retiré du Kyste. . Le même, grossi. . Le tube digestif isolé, vu par-dessus, tel qu’il est en place; l'œsophage est en partie caché en avant; il est bordé sur les deux tiers antérieurs par une glande. a. OEsophage. b. Estomac. c. Glande. d. Anus. . Tête vue par sa face inférieure pour moutrer a la bouche et b les crochets. 6. L'animal est ouvert en dessus pour montrer les rapports entre le canal intestinal, le centre nerveux et la partie antérieure de l'appareil mâle. . Tête vue par-dessus. b. OEsophage. ce. Collier nerveux. e 1© à Qt Cz & d. Centre nerveux ou ganglion sous-æsophagien. . Cordons parallèles représentant la chaîne ganglionnaire. f. Bourse de l'appareil mâle. g. Canal déférent. h: Poche logeant le pénis. î. Fouet. k. Estomac. 7. Système nerveux isolé. a. Ganglion central ou sous-wsophagien. . Collier qui entoure l’œsophage. . Nerfs se rendant tout autour de la tête, el surtout aux erochets. . Filets nerveux se rendant à la bouche. . Première paire de ganglions stomaco-gastriques, représentant le grand sympa- thique avec la paire suivante. Sos œ 38 EXPLICATION DES PLANCHES. f. Seconde paire, qui est un peu plus grande. g. Commissures qui unissent ces ganglions au centre nerveux. h. Cordons parallèles, représentant la chaîne ganglionnaire des animaux articulés. Fig. 8. Appareil sexuel mâle isolé. a. Testicule. b. Canaux déférents. c. Fouet du pénis. d. Poche logeant le pénis. e. Prostate. f. Point de réunion des deux organes. Fig. 9. Spermatozoïdes isolés. Fig. 10. Un individu mâle ouvert aussi par-dessus, montrant les organes dans leur position res- pective. La peau a été simplement incisée, et les lèvres écartées. a. Tête. b. Estomac. c. Glande. d. Bourse de l'appareil mâle. e. Fouet. f. Testicule. g. Canal déférent. Fig. 11. Appareil sexuel femelle isolé, montrant ses rapports avec le centre nerveux. . Collier œæsophagien. b. Cordons représentant la chaîne. ce. Ganglion central sous-æsophagien. d. Filets nerveux. f. Extrémité postérieure du canal intestinal. LE h. i 8 Ovaire. Premier oviducte. . Vésicule copulative remplie de spermatozoïdes. j. Second oviducte. Fig. 12. Partie postérieure d'un individu femelle ouvert pour montrer la terminaison de l'anus et de l’oviducte. a. Intestin. b. Oviducte. c. Anus. d. Ouverture de l'oviducte. e. Ovaire. Fig. 13. Extrémité antérieure de l'appareil mâle. a. Spermiducte. . Fouet ou prostate. . Organe cylindrique, analogue à la poche commune des Limaçons. . Sac glandulaire. . Bourse du pénis. f. Pénis. se RS œ Fig. Fig. 14. 45. PEL ASE ir ig. 18. AL . 20. ig. 21. EXPLICATION DES PLANCHES. 99 g. Faisceau musculaire disposé en éventail, propre à retirer la bourse du pénis après l'acte de l'accouplement. h. Terminaison de cet appareil. Extrémité du pénis isolé, vu à un plus fort grossissement. Un œuf isolé tel qu'on le trouve au bout de l'oviducte, et par conséquent, avant la ponte. On voit l'embryon ramassé sur lui-même par sa face inférieure; il est entouré de trois enveloppes. Le même embryon isolé vu par-dessus, montrant un stylet en avant à la bouche, la queue bifurquée et deux paires d’appendices terminés par un crochet double. Idem, vu du côté du dos. Idem, vu de profil. Fibres musculaires montrant les stries. Un morceau d’épiderme du voisinage de l'organe mâle. Un crochet de la bouche isolé. FIN. M Vas Tome XXI. é. vale de Bel “ Mem. de l'Acad. Ro LI Vanbencäin ad nat, dei OBSERVATIONS PHENOMENES PÉRIODIQUES. Tome XXII. i OBSERVATIONS DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Les communications suivantes ont été reçues pour l’année 1848 : 7° 8° LE. — Météorologie et physique du globe. Observations sur la météorologie et le magnétisme de la terre, faites à l'Observatoire royal de Bruxelles ; Observations météorologiques, faites à Louvain, par M. le professeur Crabay; Observations météorologiques, faites à Gand, par M. le professeur Duprez; Observations météorologiques, faites à Liége, en 1847 et 1848, par M. D. Leclercq; Observations météorologiques, faites à S'-Trond, par M. le professeur Van Oyen; Observations météorologiques, faites à Swaffham-Bulbeck, dans le Cam- bridgshire, par M. L. Jenyns; Observations météorologiques, faites à Pessan, près d’Auch, départe- ment du Gers, par M. G. Rocquemaurel; Observations météorologiques , faites à Stettin, par M. le recteur Hess. IL. — Observations botaniques. Bruxelles. Dans le jardin de l'Observatoire, M. Quetelet. . Gand. Dans le jardin de l’Université, M. Donckelaer. (Communiqué par M. le professeur Kickx.) Le > © D MMM à OBSERVATIONS . Vinderhaute, près de Gand. M. Blancquaert. . Bruges. M. le docteur Th. Forster. . Ostende. M. Mac Léod. . Waremme. M. Michel Ghaye. . Liége. M. le baron de Selys-Longchamps. + S'-Trond. M. le professeur Van Oyen. . Vosselaer, près de Turnhout (Campine). M. Ed. Blancquaert. . Namur. M. le professeur Bellynck. -Acheul, près d'Amiens. M. le professeur Bach. . Vucht, près de Bois-le-Duc. M. Martini Van Geffen. . Aix-la-Chapelle. M. le professeur Heis. . Landres, commune de Mauves, arrrondissement de Mortagne, dé- partement de l'Orne. Par M. Dureau de la Malle, de l'Institut de France, et M. Grosbois. . Pessan près d’Auch, département du Gers. M. Rocquemaurel. . Dijon. M. le professeur Fleurot. + Munich. Communiqué par M. De Martius. . Salzbourg. M. le docteur Zillner. . Stettin. M. le recteur Hess. . Swaffham-Bulbeck. M. L. Jenyns. III. — Observations zoologiques. Bruxelles. M. Vincent. Liége et Waremme. MM. le baron de Selys-Longchamps et Ghaye. Bruges. M. le docteur Th. Forster. Namur. M. J. Brabant. Ostende. M. Mac Léod. Paris. M. Dureau de la Malle. Pessan, près d’Auch. M. Rocquemaurel. Strasbourg. M. Lereboullet. Swaffham-Bulbeck. M. L. Jenyns. Polperro (Cornouailles). M. Jon. Cauch. à €) a — DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. © RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS SUR LA MÉTÉOROLOGIE ET SUR LA TEMPÉRATURE ET LE MAGNÉTISME DE LA TERRE, Faites à l'Observatoire royal de Bruxelles, en 1848, et i par le di r, À. QUETELET. ss —— Pression atmosphérique. — Le baromètre qui a servi aux observations est à niveau constant; il est placé dans une salle spacieuse, dont les fenêtres sont dirigées vers le Nord, et dont la température est fort égale. La cu- vette de l'instrument se trouve à 59 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Ce baromètre est le n° 120 d’Ernst; il a été placé en 1842. Des comparaisons faites avec soin par MM. Delcros et Mauvais, à Paris, ont donné : Barom. 120 Ernst — hauteur absolue — 0,462. Les nombres des tableaux sont tels qu’ils ont été obtenus par l’obser- vation, après avoir subi toutefois la correction pour être ramenés à 0° de température centigrade. Ainsi, pour rapporter les observations de Bruxel- les au baromètre étalon, il faudra ajouter 0",46 aux nombres donnés dans nos tableaux. Cette correction totale renferme la dépression due à la capillarité, l'erreur du zéro du thermomètre et celles qui pourraient pro- venir d’autres imperfections de l’instrument. Température de l'air. — La température de l'air a été déterminée par un thermomètre centigrade de Bunten, qui donnait des indications trop basses de 0°,5, en sorte que les nombres du tableau de la température de 6 OBSERVATIONS l'air doivent tous être augmentés de cette valeur, car c’est le même ther- momètre qui marque les maxima et les minima de la température du jour, au moyen d’index. Pour les minima, il y a une autre correction à faire préalablement, afin de rapporter les nombres observés à l'échelle de la colonne des maxima (c’est à cette dernière colonne que l’on observe les températures ordi- naires). Pour la partie positive de l’échelle, la correction est de —0°,1; pour la partie négative, la correction est plus forte et croît à peu près graduellement jusqu’à +4-0°,8 pour 18 à 19 degrés au-dessous du zéro de l'échelle. Le thermomètre est suspendu librement au Nord et à l'ombre, sans avoir de communication ni avec les murs ni avec les fenêtres , à la hauteur de 3 mètres environ au-dessus du sol. Humidité de l'air. — L'état hygrométrique de l'air a été observé au moyen du psychromètre d’August. Les observations ont été calculées d’après les tables de Stierlin; on en a déduit la tension de la vapeur con- tenue dans l'air et l'humidité relative; on a donné en même temps le tableau original des valeurs observées aux thermomètres à boule sèche et à boule humide. Pluie, neige, grêle, gelée, tonnerre, etc. — La quantité d’eau tombée est recueillie, chaque jour à midi, dans deux udomètres placés sur la ter- rasse ; l’un de ces udomètres a sa partie supérieure en forme d’entonnoir; dans l’autre, l’entonnoir conique est surmonté d’un cylindre, afin d'éviter les pertes quand il neige ou qu’il grêle. Depuis le commencement de 1842, on ne s’est plus borné à indiquer la forme des nuages; on donne encore , pour les différentes heures des observations, le chiffre qui marque le degré de sérénité du ciel. Zéro cor- respond à un ciel entièrement couvert, et le chiffre 10 représente un ciel entièrement serein. Les nombres compris entre O et 10 expriment, selon leurs valeurs, tous les états intermédiaires. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 1 Pression atmosphérique à Bruxelles, en 1848. mare HAUTEURS MOYENNES DU BAROMÈTRE : RE par mois. Maximum | Minimum DATE DATE res | absot bsol rÉ MOIS. 9 heures 3 heures 9 heures à sv va: z pre Er Le cs du Midi. du du par mois. | par mois. matin. soir. soir. mm. mm. mm. mm. mm. mm. mm. Jante lu « J: : de 756,90 756,40 756,23 756,52 769,06 756,97 32,09 le 11 le 51 RO EUR 49,97 49,80 49,4% 50,11 69,96 28,53 41,45 le 3 le 26 MARS ou UN Le 47,95 48,02 47,82 48,70 65,60 27,54 38,26 le 8 le 12 AN de de a hat Ve 49,76 49,93 49,85 50,29 61,40 351,12 23,68 le 30 le 8 MAL SU MOLE, il: 089.09 58,74 58,15 58,44 65,57 40,47 25,10 le 11 le 17 Ré eus Liv 85,48 53,25 52,98 53,02 60,27 41,40 18,87 le 14 le 3 TASER ORNE qT 57,65 57,34 57,58 68,49 44,56 23,93 le 12 le 1 MORTE Lame ele 55,05 54,96 54,72 54,96 60,36 44,94 15,42 le 25 le 1 Septembre . . . . . 57,00 56,90 56,61 56,95 69,53 42,56 27,17 le 16 le 24 Re. “221 fe 53,44 53,26 53,04 53,50 64,40 42,97 21,43 le 5 le 18 Novembre . . . . .| 53,22 53,01 53,03 55,51 67,50 40,56 26,94 le 15 le 25 Décembre . . . . . 58,20 57,96 57,86 58,29 68,66 38,00 30,66 le 10 le 5 Movenxs. . | 754,48 | 754,32 | 754,09 | 754,49 | 763,90 | 758,82 27,08 TEMPÉRATURE MOYENNE PAR MOIS, 2 —— Minimum Maximum | Minimum 9 heures 5 heures | 9 heures FRoyen PRO on du du matin. maximum | minimum ar mois. is. is. P per noie L'ARSE OI absolu. absolu. Janvier . . . —3553 É —5909 596 | Février . . . 5,17 3,69 ST 6,19 ; 3,74 19,5 10,82 6,85 23,4 15,45 8,19 25,7 17,05 19,48 28,2 18,04 49,39 30,0 | Mail 46,84 5 19,55 26,5 Septembre . . . 13,47 9,51 23,6 Octobre . . . . | 10,79 5 8,27 19,9 Novembre . . 5,61 > 3,70 11,7 | Décembre . 3,84 4,22 15,1 TO QU CE GO © QD me me Æ © © 19 à 19 =1 Gr Go £< 00 Moyenne, . 9,94 6,71 20,0% TEMPÉRATURE MOYENNE DE L'ANNÉE. EXTRÊMES DE L'ANNÉE. D’après les maxima et minimu moyens. . . . . 10956 Maximum . PAR » les maxima et minima absolus. . . . . 10,45 MRMUM Se » les observations de 9 heures du matin . . 9,94 » la température moyenne du mois d'octobre. 11,68 Intervalle de l’échelle parcouru. L) 8 OBSERVATIONS Psychromètre d'August à Bruxelles, en 1848. OBSERVATIONS DU PSYCHROMÈTRE D'AUGUST (1). 9 heures du matin. Midi. 3 heures du soir. 9 heures du soir. Janvier . . . : — 32640 | — 3858 | — 40781 | — 99354 | 49474 | —9%477 | _— 3002 Février . . . tas 5,394 4,500 6,786 5,320 6,280 5,310 5,442 Mars . , à 6,894 5,578 8,936 6,724 9,368 . 6,724 6,291 Avril. . 18 QE 11,306 9,340 13,260 10,124 13,270 9,920 9,00 Mai . ; s 15,749 12,081 18,639 12,998 20,191 13,513 14,059 Juin . RER 17,692 14,764 20,024 15,586 20,680 15,916 16,162 Juillet. . VE PR VE 18,463 45,198 20,610 15,802 . | 21,571 16,369 17,031 Août . MUR . | 16,539 14,568 18,396 15,232 19,146 15,689 13,150 Septembre . 13,798 12,472 17,104 15,618 17,754 16,286 13,192 HOciobre ner hu 11,466 10,675 13,846 12,815 15,469 12,786 10,290 | Novembre . Lo d Te 5,960 8,516 7,682 6,548 7,382 6,248 5,826 | Décembre 3 : 4 4,454 3,652 6,436 5,132 6,422 5,238 4,976 Moyenne. . 10,355 8,690 12,496 9,964 12,845 10,153 9,576 (!) Pour chaque heure, la 47e colonne renferme les observations du thermomètre à boule sèche , et la 2me, celles du thermomètre à boule humide. TENSION DE LA VAPEUR D'EAU HUMIDITÉ -DE L'AIR. contenue dans l’air. 27 TT nié MOIS. 9 heures 5 heures | 9 heures | 9 heures 5 heures | 9 heures du Midi. du du du Midi. du du matin. soir. soir. matin. soir. soir. À mm. mm. mm. mm. mm. mm. mm. mm. Janvier PRADA Le À 6 3,85 4,07 3,98 4,00 96,0 90,4 86,7 95,9 Février ,! 21605 EN, |. 6,20 6,19 6,4% 6,11 87,1 79,6 85,0 85,8 Mars: NN RE RE: 6,45 6,43 6,13 6,80 82,5 72,6 67,1 86,3 Avril « JL ER 7,91 7,65 7,42 7,61 77,1 66,0 64,0 82,8 Mai Aus AA EUR 8,63 8,09 7,77 8,66 64,4 50,8 44,4 71,6 Juin. , "5/0 12080000, Ur 1006 10,71 40,75 10,80 72,7 62,0 59,6 85,1 Juillet, … .- . sun. PARC 10,65 10,89 10,98 69,8 59,5 57,4 75,9 IR REX GT Ti 11,10 11,88 11,17 81,3 70,6 72,5 86,5 Septembre . . . . . . .| 10,97 12,45 15,05 10,23 86,0 85,4 86,5 89,0 Dtbbre MES AT 9,42 10,65 10,85 8,95 90,6 89,2 92,3 92,7 Novembre . . . . . . . 6,67 6,92 6,78 6,58 90,2 84,2 84,0 90,1 Décembre 5,89 6,22 6,32 5,93 85,3 8,23 8,43 8,52 8,13 ne 7 LE ro ate DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Quantité de pluie et de neige; nombre de jours de pluie, de gréle, de neige, etc., à Bruxelles, en 1848. a Quantité Quantité een pers ## NOMBRE DE JOURS DE 2 MOIS. ” © daesri pad À Ciel Ciel pluie: neige. en millimè- de Pluie. Grêle. Neige. Gelée. |Tonnerre.| Brouill. | entièrem!' sans nua- tres. l’eau. (1). couvert. ges. mm. mm. mm. Janvier. 5,09 1,85 6,94 7 5 0 11 28 0 3 8 5 Février. . . . 82,30 6,30 88,60 22 17 0 2 2 0 5 8 0 Mars. 86,59 2,04 88,63 22 21 1 1 1 0 1 té 0 Avril . . 105,35 » 105,35 25 19 0 0 0 0 0 4 2 Mai. 21,64 » 21,64 4 6 1 0 0 2 7 0 8 Juin. 71,54 » 71,54 22 19 0 0 0 5 0 1 0 Juillet . . . 56,13 » 56,13 13 15 1 0 0 2 0 2 0 Août. 134,44 » 134,44 26 24 0 0 0 3 ‘o 2 0 Septembre. . 33,60 » 33,60 9 8 0 0 0 0 9 2 2 Octobre. . . 63,02 » 63,02 18 14 4 0 9 1 4 6 0 Novembre . 66,58 3,63 70,21 24 18 2 1 4 0 4 8 0 Décembre. . 1,44 3,88 55,32 16 11 1 1 6 0 T 5 4 Totaux. . | 777,172 17,70 795,42 206 177 7 16 A1 11 38 53 19 (1) L'eau a été recueillie à midi. sn Se Eee mon En Se État du ciel à Bruxelles, en 1848. —— a du * nn a ne oO a ur dr # dr sl 9 vie Mornse Se rez Cirrho-| Cu- |Cirrho-|Cumulo- ss ET Ten Fa PA midi. sôte ie serein. cumul. | mulus. | stratus. | stratus. cies. |couvert. Janvier . 2,9 2,7 2,9 2,7 2,8 25 0 2 2 19 25 0 Février . . 0,9 1,5 1,9 1,4 1,4 4 2 a 2 23 47 0 l Mars . . 25 | 27 | 27 | 28 | 27 4 | 6 7 og éSalrsr | 4 | à l'Avril . . . 1,9 2,2 2,5 2,5 2,2 14 5 2 14 5 30 35 0 MAL en 7,8 LÉ 8,1 8,3 8,0 66 9 3 15 1 21 9 1 Juin . . 2,9 3,0 3,1 4,5 5,3 6 12 ch 15 9 52 40 1 Juillet. . 4,0 4,4 4,5 5,8 4,6 16 5 15 22 6 58 28 0 Août . 3,2 3,7 2,8 2,8 5,1 6 4 8 19 3 47 32 2 | Septembre . 6,1 4,2 4,7 5,5 5,1 25 15 6 1 42 9 1 | Octobre .. 2,4 2,0 3,0 3,8 2,8 15 2 8 12 5 32 26 1 | le te) et ele l'a ls 25 9 5 9 5 16 19 0 222 75 69 153 45 385 | 548 11 te ae 10 OBSERVATIONS Nombre d'indications de chaque vent à Bruxelles , en 1848. (D’après la direction des nuages, observée 3 fois par jour, à 9 h. du matin, midi et 3 h. du soir.) 1 Janvier. . . . . Mars. He: am. Net MN. ri Juin. Juillet Add. ENS Septembre . Octobre . Novembre . . . . Décembre . Toraux. Minuit. MOIS. PONDEE 5 | du matin. a AT 5 4 7 1 1 2 2 6 5 2 1 0 1 0 5 4 1 0 0 0 0 0 5 7 22 | 16 2 6 1 6 3 6 2 3 1 1 2 6 | 12 | 8 1} 35 1 4 4 3 2 3 1 0 1 0 2 3 DD 48h 18:19 5 7 : 5 2 5 6 4 | 0 2 4 3 4 5 dde 5 4 0 0 1 1 2 4 5 3 3 7 21 | 29 | 15 | 9 3 1 1 4 5 3 5 0 0 0 1 4 47 | 20 | 15 | 10 8 0 0 3 1 1 0 2 0 0 5 3 146 | 29 | % | 7 5 0 1 4 5 4 0 0 2 2 0 6 5 | 15 8| 8 5 4 A 1 5 4 7 5 0 1 1 4 | 45 10 | 15 8| 5 1 5 2 4 5 2 0 0 0 0 0 7 17 9 | 11! 6 4 6 RD RL: ! 0 1 0 0 2 2 0 5 22 | 41 5 | 1 0 1 25 35 | 36 | 40 | 17 | 11 | 12 | 12 | 35 | 77 | 168 42 | 51 ns AT À DR AR VEN À D 4 heures Intensité du vent à Bruæelles, en 1848. (D’apres l'appareil d’Osler.) 6 heures du matin. 8 heures 10 heures du matin. Midi. du 4 heures 6 heures du soir. 8 heures du 10 heures du soir. de Janvier . 47 40 40 39 42 46 52 52 45 53 3 50 559 30 Février . 67 66 6% 61 75 87 96 97 89 84 83 75 942 29 Mars. . 36 39 41 51 52 63 60 61 49 58 29 33 552 28 Avril. , 23 28 33 29 39 43 50 46 56 25 27 2% 403 27 Mai : & 12 9 6 9 22 41 38 38 31 17 16 14 253 29 Juin . . 55 38 40 48 57 64 64 67 55 46 22 51 577 30 Juillet , 37 41 56 33 56 75 82 81 69 51 36 40 635 30 Août. . 41 4% 37 37 48 63 53 54 46 50 39 34 546 30 Septemb. 12 18 19 17 15 17 17 21 15 14 12 13 188 30 Octobre . 37 56 37 59 46 52 60 52 56 34 52 33 499 51 Novemb. 60 61 62 64 61 84 81 68 52 62 55 57 767 30 Décemb. 63 61 60 57 58 60 67 64 66 68 67 61 752 30 Toraux. 468 481 475 48% 569 693 720 701 587 542 483 470 6673 354 Nombres proportionn. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 11 Nombre d'indications de chaque vent à Bruxelles, en 1848. (D’après les résultats fournis de 2 en 2 heures par l'appareil d’Osler.) Janvier Février. Mai. 21 Daho Pre 0,03 8 36 13 | 31 | 90 | 81 | 38 | 10 | 18 DURE S GUN Te 0 | 21 | 32 7 6 | 12 6 | 12 3 | 13 | 60 | 90 | 44 | 26 | 26 | 14 BOT MR En 2 2 | 10 | 32 | 61 | 103 | 62 | 58 | 33 6| 2 Sepionbre 5-5, 2 1 à: | 60 || 417 4 9 | 35 | 26 | 29 27 | 19 | 40 | 43 | 29 | 17 | 923 ; Octobre . . : 2 7 0 43 | 63 | 95 | 36 | 24 6 6 | 10 NoORSbee CT Mia 6 2 | 25 |: 47 2 0 0 0 10 | 30 | 68 | 92 | 48 | 28 26 6 Décembre. … + .: 0 5 1 | 10 | 20 | 44 | 107 | 68 5 0 0 | 0 134 158 277 | 181 | 165 | 122 | 267 | 417 | 844 | 720 | 326 | 177 | 184 | 71 Déclinaison magnétique à Bruxelles, en 1848. ÉCHELLE ARBITRAIRE, EN DEGRÉS, Lier] - ès Il 9 heures 5 heures | 9 heures 9 heures 3 heures | 9 heures | moyenne du du du du du matin. soir. matin. soir. soir. Janvier 75,30 74,12 200 45/ 34/' | 200 49/ 56// 200 49/ 50// | 260 457 FUI 47 56/’ Février ° 75,92 73,96 43 21 50 26 50 24 44 47 6 Mars . . 77,16 74,54 358 54 49 50 49 2 41 44 39 Avril. . 77,16 74,96 36 44 47 22 46 48 39 42 57 Mar: 77,91 75,29 36 11 46 52 45 36 41 40 SU cite 78,67 75,47 33 28 4495 | 4458 40 9 Juillet re 78,90 75,68 32 38 43 45 44 17 59 30 Août. . 78,93 75,82 32 51 44 30 45 43 ; 59 3 Septembre . 78,96 76,58 32 25 43 6 40 59 37 50 Octobre . . 79,14 76,64 31 46 41 8 40 46 36 49 Novembre . . . 78,64 77,55 335 54 39 4 37 29 ; 35 50 Décembre. .. 79,30 78,16 51 11 56 5 35 18 33 12 Année 78,05 75,172 200 55’ 56//|200 44 41///20044 6G//|20037/ si 40’ 31/’| 2 OBSERVATIONS RÉSUMÉ Des observations météorologiques, faites en 1848, à Louvain, au Collége des Prémontrés, par M. J.-G. Cranay, Professeur de physique à l'Université catholique, membre de l’Académie. Les instruments employés sont les mêmes que ceux qui ont servi les années an- térieures. Les thermomètres sont exposés au Nord et à l'ombre, à 2 mètres au-dessus du sol, au milieu d’un grand jardin. L'un d'eux, celui qui est employé aux observations pendant le jour, est à mercure et à échelle centigrade. La vérification de ses points fixes, qui a été faite à diverses époques, a démontré que, par suite du rétrécissement du réservoir, le point de la glace fondante est plus haut que le zéro de l'échelle de 0,71 de degré. Les températures extrêmes sont constatées par un thermométro- graphe construit par Bunten, sur le modèle de celui de Bellani. Cet instrument, qui est aussi à échelles centigrades, exige, pour être exactement d'accord avec le thermomètre précédent, une correction dont la valeur a été déduite d'un grand nombre d'observations simultanées, faites sur les deux instruments. Tous les nom- bres inscrits dans les tableaux ont subi les cérrections qui les concernent. L'échelle thermométrique du maximum est consultée chaque jour, à 8 heures du matin ; la température marquée par l'index est considérée comme la plus forte cha- leur qui a régné dans le courant du jour précédent, et elle est inscrite à cette date. L'échelle du minimum est observée à midi, et le nombre où se trouve arrêté l'index est enregistré comme la moindre température de ce jour mème : c'est générale- ment la plus basse température de la nuit précédente, ou plutôt de la fin de cette nuit. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 15 Le baromètre est à niveau constant et à large tube; sa cuvette se trouve à en- viron 4",10 au-dessus du niveau de la rue, dans la partie la plus élevée de la ville. Son échelle donne, par le vernier, les 57 de millimètre, et, par estime, les +; elle est placée de manière à corriger les effets de la capillarité, tant du tube que de la cuvette. Toutes les hauteurs sont réduites, par calcul, à zéro de température. On a constaté que le baromètre de Louvain, pour être comparable à celui de l'Observatoire royal de Paris, exige une correction soustractive de 0"",416 1. L’udomètre est placé au milieu d’un grand jardin. L'ouverture circulaire du réci- pient a 40,89 centimètres de diamètre; elle est élevée à 3 mètres au-dessus du sol, et suffisamment éloignée des arbres pour que la pluie puisse y arriver librement de tous les côtés. Enfin, la direction du vent est prise d’après une girouette fixée à l’une des extré- mités du faite de l’église de St-Michel. Les observations ont été interrompues, pendant 40 jours, au mois d'août, et pen- dant 20, au mois de septembre; on y a suppléé, pour remplir la lacune, par celles qui se font régulièrement à l'Observatoire royal de Bruxelles, et dont on a obtenu communication, grâce à l'obligeance de son savant directeur, M. Quetelet. Les hauteurs du baromètre observées à Bruxelles, ont été réduites à la station de Lou- vain, en y ajoutant un nombre constant, que la comparaison de plusieurs observa- tions faites simultanément dans les deux villes a fait connaître. Quant aux indi- cations des autres instruments, elles ont été adoptées pour Louvain sans modification des valeurs enregistrées à Bruxelles, parce qu'il a été reconnu que, moyennement, elles ne présentaient que de légères différences de l’une à l’autre ville, dont la situa- tion, d’ailleurs, est semblable et dont la distance rectiligne n’est que d'environ 23 kilomètres. ? C’est par erreur que, dans le Résumé des observations de 1847, inséré dans le tome XXI des Hémoires de l’Aca- démie royale de Bruæelles, on a dit que la correction était additive. 14 OBSERVATIONS Température centigrade de l'air à Louvain, en 1848. ne 9 heures du matin. MOYENNES PAR MOIS. ER 9 heures du soir. diurnes. MOY. PAR MOIS j——— des minima diurnes, tempéra- ture moyenne par mois. variations diurnes moyennes absolus par Dif- férences ou variations men- suelles. l Janvier Février Mars . Avril . Mai. . Juin . Juillet . Août Septembre. Octobre . Novembre. Décembre. Moyennes. — 3954 +5,38 6,44 11,42 16,63 17,46 18,82 17,90 13,57 10,97 5,54 5,66 — 3206 +4,97 5,82 9,27 14,07 15,34 16,72 15,78 13,70 9,98 5,17 4,08 — 0226 +7,90 10,14 14,82 21,45 21,56 22,92 20,70 18,61 14,72 8,27 6,83 5251 4,54 6,58 8,58 14,04 9,78 11,33 8,89 8,90 7,33 5,20 4,78 2199 13,8 25,4 23,0 26,9 21,0 23,9 17,9 18,4 18,6 15,8 22,3 10,55 MOIS. 9,32 20,9 Janvier Février Mars Avril Mai. Juin . Juillet. Août . Septembre Octobre . Novembre. Décembre. Moyennes. HAUTEURS MOYENNES DU BAROMÈTRE Maxi Mini us spl ET LOU EU DATES DATES — 4" absolus absolus 9 heures 3 heures | 9 heures ” DE + RE M: des des du Midi. du du par mois. | par mois. matin. soir. soir. mm. mm. mm, mm. mm. mm, mm. * % 1 759,04 758,59 758,22 758,49 771,79 758,174 353,05 le11,à9h.s. le51,à9h.s. | è 52,24 51,94 51,54 52,36 72,52 28,56 43,96 5,à9h.m.| 11,à71h.s. ; 50,03 50,07 19,82 50,72 67,29 29,14 | 38,15 8,à9h.m.| 12,à7ih.s. 51,64 51,71 51,52 52,14 63,95 39,60 24,35 30, à9h.s. 8,à9 h. m. “6 À 61,12 60,72 60,03 60,43 67,58 49,74 24,84 41,à9h.m.| 17,à9h.s. | :. : 55,48 55,29 54,98 55,24 62,47 45,64 18,83 14, à9 h. m. 3,à9h. m. x 59,78 59,57 59,22 59,52 70,36 46,52 23,84 12,à9h.m. 1,à9 h. m] + 57,08 56,91 56,60 56,98 61,82 49,17 12,65 14, à midi. 22,à3h.s. | 58,90 58,76 58,45 58,87 71,31 44,91 26,40 46,à9h.m.| %,à9h.m| arts 55,42 55,20 55,05 55,46 66,40 44,99 21,41 5,à9h.s. 18, à5h.s. ie me 57,07 56,94 56,98 57,49 69,51 41,51 28,00 15, à9h.s. 4,à 9 b. m| 60,38 60,17 60,05 60,30 70,60 40,05 | 30,55 10,à9 h.m. 5, à9h. m. 756,51 756,32 756,04 756,50 767,95 740,78 27,17 _ SP nr DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 5 Quantité d'eau recueillie; nombre de jours de pluie, de gréle, de neige, etc., à Louvain, en 1848. jours de pluie, de neige ou de grêle. Quantité d’eau tombée par mois, en millimètres de hauteur. Hauteur moy. de l’eau tombée par chaque jour de pluie, de neige ou de grèle. NOMBRE DE JOURS DE ESS Brouillard Tonnerre. Ciel entièremt couvert. | Janvier . Février . | Mars. | Avril. . | Mai . . Juin. . | Juillet . . | Août. . . | Septembre . Octobre. . | Novembre . | Décembre . Toraux. 11 mm. 2,17 82,05 69,53 99,67 15,64 98,04 49,19 113,41 54,28 62,36 68,57 49,13 0,20 3,91 2,90 4,53 2,61 4,26 3,07 4,54 3,43 5,12 3,27 2,73 OU 9 = © © œ 0 © NW & = © © 9 © © © © S © © = db “1 OT mm OO OO = = © = NN © © D & © © © © © © © OO 8 = © À © à O1 O1 9 => © © © > à 1 © = À © OO A OO [= 744,02 Moyenne pour l'année. 3,41 Nombre d'indications de chaque vent à Louvain, en 1848. (D’après les observations faites 3 fois par jour, à 9 h. du matin, à midi, et à 3 h. du soir.) | Janvier. . . | Sommes pour l’année. SEA AT 2 | 4 | 2 5 8 5 1 2 |18 4 | 11 2 4 Février. . A EE LEUR 2 0 1 0 0 0 0 0 3 2 3 21 | 37 UT SPP SANIE SRE 1 5 2 | 5 1 0 | 6 6 | 8 6 | 14 | 24 RAM Mie Ne : 5 5 4 4 5 0 0 2 2 1 5 42 | 27 Ma À : CU . |40 | 5 | 25 | 11 7 1 2 | “0 | 6 1 0 4 és JURY EUR ER ar ne à 2 0 1 1 7 1 1 5 2 4 6 20 | 33 Re RS a ee oo eut. s le |"52 Aoëk. A A: d 0 1 2 1 6 1 0 | 0 1 5 | 4144 | 23 | 30 Septembre . ‘ Fes 3 7 6 6 5 2 6 5 4 2 5 [048 8 L'Octobresses arts à 5 2 7 3 2 | o 1 2 | 9 4 5 | 18 | 26 | Novembre . . . . laure. | a2ls Lo le 0,0. lol al 2517 D'sl rs | Décembre , REV S aNe 2 À 9 | 41 6 2 0 5 7 Là 9 148 | 16 Toraux. . . . | 42 | 96 | 93 | 46 | 48 | 14 | 11 | 93 | 65 | 41 | 72 | 179 | 281 2 0 4 5 2 8 13 5 5 2 4 4 5 6 5 4 10 5 5 4 8 2 0 0 57 | 45 à9 h. du matin Amidis 2: ,-.11148 à 3h. du soir. 16 OBSERVATIONS RÉSUMÉ Des observations météorologiques, faites à Gand, en 1848, par F. Durrez, correspondant de l'Académie. Le baromètre employé pour déterminer la pression atmosphérique est le même que celui qui a servi pendant les années antérieures; il est placé dans une chambre dont la température ne varie que très-peu en vingt-quatre heures, et sa cuvette est élevée de 8 mètres au-dessus du sol. Les nombres relatifs aux observations faites avec cet instrument sont corrigés des effets de la capillarité et ramenés à zéro degré de température. Une table calculée d’après le rapport connu entre le dia- mètre intérieur du tube et le diamètre intérieur de la cuvette, a donné la correc- tion nécessitée par le changement du niveau du mercure dans la cuvette : les nombres ont également subi cette correction. La hauteur moyenne de l’année est déduite des observations faites régulièrement quatre fois par jour, à 9 heures du matin, à midi, à » heures et à 9 heures du soir. Les observations relatives à la température sont exprimées en degrés centigrades. Les températures maxima et minima sont comptées d’un midi à l'autre, et ont été données par deux thermomètres, l’un à mercure et l'autre à esprit-de-vin, munis chacun d’un indicateur. Ces instruments sont placés au nord et à l'ombre, à 4,8 mètres au-dessus du sol. Leur vérification a fait connaître que le zéro de l'échelle du premier était trop bas de sept dixièmes de degré, et celui de l'échelle du second, trop haut de quatre dixièmes : les observations ont été corrigées de ces erreurs. La quantité d’eau recueillie a été mesurée d’un midi à l'autre, et comprend aussi celle qui est provenue de la fusion de la neige et de la grêle. Le nombre de jours où l’on a recueilli de l'eau a été distingué du nombre de jours de pluie; parmi ces derniers sont compris tous les jours où il est tombé de la pluie, même quand celle-ci était trop faible pour pouvoir être mesurée. Enfin, les jours où il est tombé de la pluie et de la neige, ou de la pluie et de la grêle, sont comptés à la fois parmi les jours de pluie et de neige, ou de pluie et de grèle. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 17 Pression atmosphérique à Gand, en 1848. HAUTEURS MOYENNES DU BAROMÈTRE E te par mois. Maximum | Minimum DIF- absolu absolu 9 heures 5 heures | 9 heures du Midi. du du par mois. | par mois. matin. soir. soir. FÉRENCE. mm. mm, mm, mm. mm. mm. mm, Janvier : 760,38 760,03 759,53 759,92 772,88 740,21 32,67 | Février s {à 753,03 752,89 752,58 753,38 772,98 729,10 45,88 | Mars . . . .« | 750,88 751,07 750,81 751,75 768,84 729,27 39,57 N Avril . . | 752,86 755,11 752,99 753,41 765,49 740,93 24,56 I Mai. . . . 762,45 761,82 761,57 761,86 769,06 745,54 25,72 SAR sen ee 756,39 756,29 756,04 756,11 763,21 744,10 19,11 Juillet . : 760,83 760,66 760,26 760,62 772,13 147,39 24,74 | Août . . 758,04 757,98 757,71 158,25 763,58 741,38 16,00 Septembre . . 760,13 760,07 759,78 760,13 772,79 744,45 28,54 Octobre . ; 756,35 756,20 755,86 756,46 767,39 746,40 20,99 Novembre. . . 758,22 758,26 758,11 758,15 171,58 741,92 29,46 Décembre. . | 761,26 761,16 760,84 761,12 771,85 739,86 31,97 Moyens. 757,57 | 757,46 5 757,64 | 769,28 | 741,19 28,08 Hauteur moyenne de l’année. : Différence à 9 heures du matin . k Extrêmes de l’année . » RMS neue » à 3 heures du soir . à 9 heures du soir . < mm. Maximum . . 772,98 Minimum . . 729,10 Intervalle de l'échelle parcouru . 45,88 Température centigrade de l'air à Gand, en 1848. TEMPÉRATURE MOYENNE PAR MOIS. ET — Maximum | Minimum | Maximum | Minimum DATE DATE Moyenne 9 heures 3 heures | 9 heures] moyen moyen absolu absolu |du maximum|du minimum du du : par mois. | par mois. | par mois. | par mois. absolu. absolu. soir. soir. so — 151 : ÿ D 27 au 28 + 7,5 ) 18 au 19 10,3 Tau 8 43,7 ù 1% au 15 20,5 4 au 2 21,4 3au 4 23,0 5 ; rene 20,6 Ù 5 24 au 25 18,6 16 au 17 13,9 2,5 Ù 21 au 22 7,1 £ 11 au 12 b,1 » F3 CEE TRE , 23 au 24. +1 © | Juillet l Août . Septembre | Octobre . | Novembre = 19 9 O9 19 SOI Moxenxe. + 11,1 [413,2 |+-15,4 TEMPÉRATURE MOYENNE DE L'ANNÉE. EXTRÊMES DE L'ANNÉE. D’après les maxima et les minima moyens. . + 1058 Maximum . » » » absolus. . + 10,9 Minimum . les observations de 9 h. du matin, . + 11,1 | a température moy.du mois d'octobre. + 11,6 Intervalle de l'échelle parcouru . Towe XXII. 5 18 OBSERVATIONS Quantité d'eau recueillie; nombre de jours de pluie, de grêle, de neige, etc., à Gand, en 1848. Quantité Nombre NOMBRE DE JOURS DE ae À de { F- recueillie par | jours où l’on mois , a recueilli Ciel Ciel en millimè- . Tonnerre. | Brouillard. | entièrement tres. le couvert. sans nuages. k mm, | Janvier . 8,4 19 V2 | Février . Mars . Avril . Novembre > À = © © = © © © x © © W © © © © © © © + = mm LOSC 000» à + Œ © WW OO KW © © C1 O1 Oil # 1 À © © = 2 © © © = © © Décembre Nombre d'indications de chaque vent à Gand, en 1848. (D’après les observations faites 3 fois par jour, à 9 h. du matin, à midi et 5 h. du soir.) MOIS. N. INNE.| NE. |ENE.| E. |Ese. | se. | sse.| s. |sso. | so. |oso.| 0. |oxo. Janviet£ son sr Re su le 7 1 16 5 16 0 4 9 29 0 1 0 2! o 1 Février . *. !: . ; 8 0 2 0 1 0 0 1 27 8 12 4 16 4 2 Mars. Sete at Are 8 0 0 7 1 1 5 32 3 9 0 16 4 7 0 Avril: 52 10 1e APTE Voupe 4 0 6 1 0 0 35 15 0 b] 4 19 5 15 7 MAT Et rer AR TN er ea 5 4 10 3 30 2 2 0 17 1 L 1 4 2 4 1 JO SN eu en 3 0 0 1 0 2 a 20 6 18 5 13 7 4 1 A UHIOR Se LR ET 9 1 4 1 0 1 1 25 1 15 ( : 17 | 10 0 5 AQU SON IL 0 0 4 2 6 0 0 0 19 35 15 2 927 | 10 3 2 Septembre. : . . . . 6 1 4 1 43 | 5 4 5 145 | 2 3 | 2 41 7 6 2 Octobre. . 2 0 8 T 8 1 2 2 36 4 7 2 9 2 5 0 Novembre . 4 3 8 0 0 | 0 0 0 as | 4 8 | 2 25 | 6 7 5 Décembre . . 5 0 5 1 18 | 1 5 8 30 | 5 11 | 0 5.|.:.0 0 0 DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 19 RÉSUMÉ Des observations météorologiques faites à Liége, en 1847 et 1848, Par M. D. Lecrerco. Ces observations ont été faites au moyen d'instruments que le Gouvernement a confiés à M. Leclercq; elles ont porté jusqu'ici sur la pression atmosphérique, la température de l'air, la quantité d’eau tombée, la direction du vent et l'aspect des nuages. Les indications des instruments sont notées deux fois par jour : à 9 heures du matin et à midi. Il est à regretter que M. Leclercq ne dispose pas encore du thermométrographe, qui permettrait d'apprécier exactement les extrêmes de la tem- pérature. Le lieu d'observation est situé dans l'intérieur de la ville. La cuvette du baro- mètre se trouve à 6",6 au-dessus du zéro de l'échelle du pont des Arches; en adop- tant, avec les ingénieurs des ponts et chaussées, 54",7 pour l'altitude de ce repère, le baromètre de M. Leclercq serait placé à 61”,3 au-dessus du niveau moyen de la mer du Nord. Les hauteurs barométriques ont été réduites à la température de zéro. Le baro- mètre employé a été construit par Ernst, et porte le n° 243. Il a été comparé soigneusement à celui de l'Observatoire de Bruxelles, en décembre 1846. Il est résulté de cette comparaison que le baromètre de Liége marque 0"",46 au-des- sous des hauteurs absolues. Ses indications doivent donc être augmentées de cette quantité. Le zéro du thermomètre extérieur, qui était bien placé à l'origine des observa- tions, parait s'être élevé sur l'échelle. A la fin de 1848, M. Leclercq trouvait que, dans la glace fondante, son thermomètre indiquait +0,5. 20 OBSERVATIONS Pression atmosphérique à Liége, en 1847. 9 heures Maxima Minima SURES Su MOIS. du Midi. absolus absolus DIFFÉRENCES, : F à des des matin. par mois. par mois. mm. mm. mm. ram. mm. RANVIer: . 2°.) : 4 746,67 746,81 753,56 740,66 12,70 24,9h. mat. | 28,9 h. mat. Février. . . . $ 53,40 55,51 66,82 41,32 25,50 21,9 h. mat. 9,9h. mat. LL ORAN ; 58,26 57,67 68,89 45,45 25,44 4,9h. mat. | 51 , midi, CRE NM NN 51,42 31,05 58,28 36,44 21,84 22,9 h. mat. | 9, midi. ON. 42 a bals 08e dre 56,53 56,17 69,45 47,60 21,85 51,9 h. mat. | 11, midi, JON, 5420 NS ER 56,11 56,03 67,65 49,06 18,59 4,9 h. mat. | 23,9 h. mat, duillét’.,5.0 1 ma 58,10 57,87 65,91 48,64 17,27 21, midi. 26, midi, AOÛ ES NS D NARU OTS 36,74 56,44 65,41 42,94 292,47 - 28,9 h. mat. 6, midi. Septembre. Pad LE 56,83 56,74 65,93 45,75 22,18 29,9 h. mat. | 18 » 9 h. mat. Otbales:.07 741: ST UE 57,42 57,01 70,22 44,71 35,51 27,9 h. mat. 19,9 h. mat. Novembre: 51 4-20 ES 59,60 59,03 68,70 37,175 30,95 2,9h. mat. | 28, midi. Décembre.) as D5,84 55,59 68,02 26,98 41,04 2,9h. mat. | 7, midi. Anvée. . , 735,74 155,48 165,72 741,94 25,18 tés dé l'antiée Maximum, le 27 octobre . . . . 110,2 dr 298 HÉMOS VEME ; le 7 décembre . … 726,98 Étendue de l'échelle parcourue. . : : . . : . 43,2% MOIS. Pression atmosphérique à Liége, en 1848. Janvier. Février. . , . Mers CPE Avril: à: Mai: Us Juin. “live FAT € Juillet scans Août , 55e MEPAAT RE Septembre. . . : . . . Le CT NE DE Novembre: 2505 x Décembre s : à « “0% 2718 ANNÉE. Extrêmes de l'année. 9 heures Minima du Midi. absolus absolus DIFFÉRENCES. matin. par mois. | par mois. mm. mm, mm. mm. mm. 757,19 756,74 168,58 740,37 28,921 21,9h. mat. | 31, midi. 31,21 51,08 70,47 28,59 41,88 3, midi. 11,9 h. mat, 48,83 50,13 66,92 28,89 38,03 14, midi. 12, midi. 50,04 49,94 59,92 37,91 29,01 30, midi. 8, midi, 59,20 58,71 63,36 42,18 23,18 11,9 h. mat. | 17, midi. 53,81 53,66 60,94 49,11 18,85 14,9 h. mat, | 5,9h,. mat. 58,09 57,82 67,90 44,40 23,50 12,9 h. mat. | 1,9 h, mat. 55,63 55,44 60,25 45,87 44,58 25, midi, 1,9h, mat. 57,35 57,03 69,60 45,31 26,23 16,9 h. mat. | 24,9 h. mat. 53,82 53,47 64,72 43,15 21,59 5, midi. 19,9 h, mat. 55,38 55,31 66,00 38,75 27,25 13,9 h. mat. | 4, midi. 58,95 58,74 69,67 39,74 29,93 10,9 h. mat, | 5,9 h. mat. 755,46 754,84 765,86 739,61 26,25 ( Maximum, le 5 février . 770,47 Minimum, le 11 février . 128,59 Étendue de l'échelle parcourue. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 21 Température centigrade de l'air à Liège, en 1847. a 9 heures Maxima Minima DATES DATES MOIS. du Midi. observés observés DIFFÉRENCES. ; : : des des malin. par mois. par mois. Una. POS ELEC MES » » » » » » » MONIOr.. 5.61 RTE 3530 5240 1020 — 9297 1297 19, midi. 28,9 h. mat. FOOT à L'ÉRORES 6,06 8,77 17,7 —5,2 22,9 19, midi. 11,9h. mat. FETE PAU ENTREE 8,09 10,12 16,0 3,5 12,5 26, midi. | 17,9 h. mat, Pen ne 18,29 20,74 28,5 10,5 18,2 24, midi. 1,9h. mat. RÉ PSE NE nina 17,58 19,54 23,3 12,2 11,1 22, midi. 9,9h. mat. Juillet PTE 22,51 2500 51,3 16,2 15,1 17, midi 1,9h. mat. T'ON ER IERS 26,86 22,90 30,2 14,5 15,9 17, midi. | 25,9 h, mat Septémbre. . : .1. , : 14,53 16,30 23,8 10,7 13,1 13, midi. 50,9 h. mat. D'OR os hi à 11,46 14,80 20,0 3,0 17,0 18, midi, 29,9 h. mat. Novembre. do Rire dar ies 8,56 10,97 47,7 0,8 16,9 8, midi, 19,9 h. mat. L'Dotembne., ;. 3-7 © 3,12 5,03 13,5 —5,0 18,5 2, midi. 22,9 h. mat, Arms, :! 14, 11968 13930 1993 48 4495 : EPS Maximum observé, le 17 juillet, à midi . . . . . . 31% Extrèmes de l’année. ge A à : Minimum observé, le 11 mars, à 9 heures du matin. . —5,2 Étendue de l'échelle parcourue. . . . . . . 36,5 Température centigrade de l'air à Liége, en 1848. 9 heures Maxima Minima DATES DATES du idi. observés observés DIFFÉRENCES. à F des maxima. des minima. par mois. | par mois. midi. |98,9h. midi. 19,9). midi. 8,9h. midi. 14,9 h. midi. 1,9h. ma midi. |3,21,27,9h.m. midi. 3,9 h. mat. midi. 44,9 h. mat. midi. 19,9 h. mat. midi. 19,9 h. mat. midi. 11,9 h. mat. midi. 24,9 h. mat. 1 1 © Septembre. Octobre Novembre. Décembre . 7 0 D 8 7 4 2 9 14207 20°4 9 1493 Maximum observé, le 7 juillet, à midi . . . . . 2822 Minimum observé, le 28 janvier, à 9 heures du matin . Étendue de l'échelle parcourue. 22 OBSERVATIONS Quantité d'eau recueillie et aspect de la journée, à Liége, en 1847. Quantité NOMBRE DE JOURS DE MOIS. D'EAU Ciel Ciel se Pluie. Grêle. Neige. Brouillard. Gelée. Tonnerre. | entièrement tombée. couvert, sans nuages. |] Janvier . . : . ; ? 5 » » » ? » 2 » Février . . 3 ? 5 1 10 5 » » 14 » mm. Dats .) (cn ‘ 32,12 10 1 6 2 » 1 8 2 Mara, je à ; 69,90 23 5 2 » » 1 10 1 1. PP RATS se 41,47 15 » » » » 5 5 » Juin «Ur 59,52 16 2 » » » 2 5 1 Juillet . . . 23,55 6 » » » » » 5 2 Août. 135,08 15 » » » » > 8 5 Septembre . ve 80,65 18 1 » » » » 9 2 Octobre. . 78,83 17 » » 1 » 3 8 5 Novembre . ‘ . 25,21 11 1 1 7 » » 16 2 Décembre = 43,54 9 1 » » » » 12 5 Anés; ts: 05 590,47 144 12 19 15 ? 17 100 (10 mois.) Quantité NOMRRE DE JOURS DE MOIS. D'EAU ts rédibée, Pluie, Grêle. Neige. Brouillard. Gelée, Tonnerre. | entièrement couvert. mm. Janvier . . . ERA 0,00 » » 4 1 25 » 17 Février», » :!. 110,00 16 1 » 1 » 21 Mars: MER 89,84 18 1 1 » » » 18 Avril... 5 Te Pet ere 126,24 22 5 » » » 1 14 Mais:ss1te 20,26 6 2 » 11 » 3 2 Juin : ,: , SPP 62,20 25 » » » » 7 15 Juillet , . . RU 58,42 14 » » » » 5 7 Août: 1. : “n3 137,05 27 » » » 3 15 Septembre . . . ste 47,55 14 » » 17 » » 8 Octobre. . . . MR os 88,06 21 » b » 2 15 Novembre . 67,05 20 4 6 » » 15 Décembre . . : 54,12 18 » 19 4 2 9 Année. . De 840,75 201 17 11 59 30 23 152 DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 5) Nombre d'indications de chaque vent, à Liége, en 1847. (D’après les observations faites chaque jour à midi.) ms ee EEE RE : Nombre 0S0. 0. |ONO.] NO. | NNO. | DE VENTS) doubles. Janvier a » » 4 » » » » » » » 8 » » » » » » FEVRIER re +: « » » 4 » 6 » » » » 1 8 1 5 » 7 » LA Martine re, 22N » 2 3 » 9 2 » » » » 12 » 1 » 7 » 4 | ANT. ds RE » » 10 1 » » » » » » 7 2 L 3 » 7 » 2 MA nur ne » » 3 » » » 2 1 » » 48 2 9 1 7 » 12 Lit: CRE AE: » » 8 1 » » » » » » 7 5 2 1 8 » 2 OR ns a ire | » 14 2 2 » » » » » 4 » 7 1 B » 5 AE a nan en » » 5 5 » » 3 » » » L 3 5 8 5 » 1 Septembre . . . » » 3 » » » » » » » 7 5 3 3 | 10 » 7 Dore: une £ » 8 1 1 1 5 1 » 1 10 4 4 5 5 » 12 Novembre . . . .… 1 » 4 » » » 1 1 1 5 15 6 1 » 2 » 8 Hécenbre: 4 "15 » » 5 » » 1 3 6 » > 6 2 1 » 3 » 1 . Ses ANNÉE. . . . 35 2 | 68 10 | 18 4 14 9 1 12 | 109 | 28 39 12 | 62 » 57 ur + “ve ZSUEa Tr. sun Nombre d'indications de chaque vent, à Liége, en 1848. (D’après les observations faites chaque jour à midi.) MORE TRRSRNNE © CEE KE RTE Nombre ESE.| SE. | SSE. | s, |ss0.| s0. |oso.| o. |ono.| no. | No. | ne vents doubles. Janvier … . + + » 5 7 2 » » 5 7 1 4 4 » » » 1 1 5 Féeries us » » 3 » » » » » » » 47 5 5 2 2 » 5 Mais 5 : + » 2 2 1 » ” 2 1 » 2 12 8 » 1 » » » Abo Aie le » » 3 r » 1 » » » 1 9 5 35 6 » 1 1 MARS Mit mere ere » » 18 3 » » 5 » » » 2 4 1 » 5 » =’ Juin sas eme yet » » 1 » » 2 » » 6 7 10 9 4 2 ä 1 15 RCA de Ge nt ir » É 5 » 1 » 2 » 1 8 | 12 5 5 2 2 ? AOÛ: ne ben » » 2 » » » 2 » » 1 412 | 13 8 4 6 4 ? Septembre . . . . » 8 2 3 1 » 4 4 » 1 8 » 4 4 2 4 4 Octabress à 1. » » > » » 1 2 2 2 3 a 4 2 1 4 1 ? Novembre. . . : 1 1 3 1 » 1 1 2 1 » 11 5 4 1 7 1 ? Décembre. . . . . » ” 2 » 1 5 3 4 4 » CE UN 1 » 2 » ? ANRÉE. . . . 1 12 bH] 135 | 2 9 20 22 14 20 | 115 | 66 3 24 32 12 27(6m.) ART RS Sérénité du ciel et nature des nuages, à Liége, pendant le second semestre de 1848. = —— Sérénité NOMBRE D’OBSERVATIONS DE MOIS. du CIEL. Cirrhus. | Cirr.-eumul. Cumulus. Cirr.-strat. Cum.-strat. Stratus. Nimbus. Juliet 15" JS Les 0,44 1 4 14 2 20 » 4 Août ar ol 60e 0,18 5 5 4 1 21 » 15 Septembre RC RE LE 0,34 6 2 4 4 16 » 7 CS OO OC MT 0,25 6 4 6 4 19 » 15 Novembre. . . . . . . 0,18 6 1 3 5 19 » 17 | Décembre: 25: 00e 0,41 6 5 4 5 14 » 12 SEMESTRE. . . . 0,50 28 22 55 21 109 » 68 Sen. ner me es = ) 24 OBSERVATIONS + RÉSUMÉ Des observations météorologiques, faites en 1848, à S'-Trond, par M. J.-H. Van Oxex, Professeur de physique au Petit-Séminaire, Le baromètre qui a servi aux observations suivantes, est un baromètre, selon Fortin, à fond de cuvette mobile (le n° 251 d'Ernst); des comparaisons nom- breuses, que je dois à la complaisance de M. le directeur de l'Observatoire royal de Bruxelles, ont donné : Baromètre du séminaire de S'-Trond (Ernst, n° 251) — baromètre de l'Obser- vatoire de Bruxelles —0"",181; ce qui porte la correction de l'instrument à +0"",645, puisque le baromètre de l'Observatoire donne des indications de 0"",462 au-dessous de la hauteur absolue. Toutes les hauteurs observées sont ré- duites à la température 0°, et ont subi la correction constante de +-0°"",643. L'instrument se trouve dans une salle spacieuse donnant vers le Nord et n’offrant que très-peu de variations de température diurne; sa cuvette se trouve à 59,47 mètres au-dessus du niveau moyen des mers, et à à,47 mètres au-dessus du sol de la station du chemin de fer à St-Trond. Les températures de l'air sont données par un thermométrographe de Beaulieu, et sont observées à l'échelle des maxima. Le zéro de l'échelle des minima se trouve à la glace fondante et celui des maximà à trois dixièmes de degré au-des- sous de ce point; cette erreur de l'échelle va en augmentant légèrement avec les degrés, ainsi qu’il a été constaté par des observations comparatives avec le ther- momètre Bunten, de l'Observatoire royal de Bruxelles, observations que je dois également à l'obligeance de M. le directeur Quetelet; les températures observées DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 25 ont subi les corrections déduites de ces observations simultanées. Les maxima sont observés à 9 heures du matin et rapportés au jour précédent; les minima sont observés à midi et inscrits au jour même de l'observation. L’instrument est librement exposé au Nord 19° Ouest; il est garanti des rayons du soleil couchant et de la vue de tout objet avec lequel il pourrait rayonner en gain ou en perte, par des panneaux doubles entre lesquels l'air peut circuler libre- ment; il est également garanti contre le rayonnement nocturne avec les espaces célestes. L'eau de pluie, de neige, etc., est recueillie dans un udomètre à deux ouver- tures circulaires, une en entonnoir, l'autre en cylindre; elle est mesurée chaque jour à midi, et indiquée dans le tableau en millimètres de hauteur. L'ouverture se trouve à 1 mètre environ au-dessus du sol. La sérénité du ciel est donnée en nombres proportionnels : 10 représente un ciel entièrement serein et 0 un ciel entièrement couvert. Quand le ciel le permettait, on a observé la direction du vent aux nuages, à 9 heures du matin, à midi et à à heures du soir. La direction du vent dans les couches inférieures de l'atmosphère est donnée par un anémomètre enregistrant, placé sur une partie élevée du séminaire, à 2 mètres au-dessus du toit. L'unité est la direction moyenne pendant 1 heure. L'intensité est enregistrée par le même instrument, qui présente une plaque de 0,3 mètre de côté, perpendiculairement au vent; cette plaque ne peut céder qu’en soulevant des poids dont les moindres sont de 10 grammes; dans les tableaux on a pris pour unité la pression moyenne de 100 grammes pendant 1 heure. On a consigné dans un tableau l'intensité moyenne de chaque vent par mois, et dans un autre, l'intensité de tous les vents par heures du jour et de la nuit. Tome XXIII. 4 26 OBSERVATIONS Pression atmosphérique à S'-Trond, en 1848. ; (Les hauteurs sont réduites à la température 00.) EN IAUTEURS MOYENNES DU BAROMÈTRE : le par mois. Maximum | Minimum RE AS EE RO Eh VARIATION MOIS. 9 heures 5 heures 9 heures au sens ve $ mensuelle. du Midi. du du par mois. | par mois, matin. soir. soir. mm. mm. aim. mm. mm. mm. mm. Janvier . . . . | 758,95 | 757,72 | 757,86 | 757,87 | 710,25 | 751,52 52,73 | le 11, à 9 h. m.| le 51, à midi. | Février . . . . | 51,57 51,32 50,89 51,63 70,98 28,96 42,02 |le 3,à9h.s. | le 26,à5h.s. | Mars . . . . .| 50,02 50,06 49,75 50,51 66,39 97,71 38,68 |le 8,à3 hs. | le 12, à midi. | Avril: + 0 NON 50,14 50,29 50,59 61,25 38,24 23,01 |le30,à9h.s. |le 8, à midi. Mai. 484. OMIS 59,13 58,34 58,55 65,92 41,32 24,60 | le 41, à 9 h.m.| le 17,à9 h.s. Jui ONE Te 54,05 54,53 53,51 53,80 61,11 42,98 18,85 |le14,à9h.m.|le 5, à 9 h.m. Juillet. : 1}, | 58,35 38,16 57,70 57,99 68,61 44,74 23,87 |le12,à9h.m.|le 1,à9h.m. Août RE USE 55,53 35,64 55,24 55,63 61,10 45,99 15,11 |le 25, à9h.s. | le 1,à9h.m. Septembre . . . 57,62 57,40 37,00 57,37 70,08 43,63 26,45 | le 16, à 9 h.m.| le 24, à 9 h. m. Octobre . . . . 53,54 53,85 53,45 53,85 64,62 45,55 21,07 |le 5,à9h.s. | le 18,à9h.s. Novembre. :. . . 55,64 55,44 55,40 53,99 67,65 39,36 28,29 |le 15, à 9 h.s. | le 4, à midi. Décembre. . . . 58,75 58,94 58,78 59,02 68,35 58,79 29,76 | le 10, à 9 h.m.| le 5, à 9 h.m. Année . . . | 755,26 155,19 | 734,85 | 755,24 | 766,36 | 759,54 27,02 L : mm. 1 L nt mm. Pression moyenne de l'année . . . . . : 755,13 Maximum barométrique de l’année le 3 février. 770,98 Différence à 9 pue du matin ê +0,13 Minimum » » le 11 mars. 727,71 » a midi . . . VTT CR » à 3 heures du soir . . . . Etendue de l'échelle parcourue. . . 43,27 » à 9 heures du soir . . ‘ == Température de l'air à S'-Trond, en 1848. (Le thermomètre est centigrade.) q=— ns g | gré cn Maximum | Minimum | remrérar. | VaIATIOx | Maximum | Minimum | VARIATION DATE DATE | ——_— 2 << | du du | MOIS. moyen moyen moy. diurne absolu absolu men- 9 heures 5 heures | 9 heures maximum | minimum du Midi, du du ñ ji Le SE pr par mois.| par mois.| par mois.| moyenne.|par mois.|par mois.| suelle. absolu FR Janvier + + |—5535 | —1956 | —1938 | —2%60 0509 |—4971 |—2540 4580 D58 |—13%6 | 1954 le 30 le 28 Février . . 5,25 6,62 6,86 5,57 8,15 3,92 6,04 4,23 | 14,0 |— 1,4 | 15,4 le 27 le 19 Mars sh sise 6,31 8,28 9,07 6,40 9,60 4,33 6,94 5,27 | 18,6 |— 1,2 | 19,8 le 30 le 8 Avril + + + | 10,40 | 12,64 | 13,52 | 10,36 | 14,91 7,64 | 11,28 7,27 | 22,6 2,2 | 20,4 le 4 le 27 Mai. . . .!} 15,09 | 18,43 | 19,94 | 16,06 | 21,10 9,85 | 15,48 | 11,25 | 26,6 3,2 | 23,4 le 16 le 1 Juin . . .{! 17,54 | 19,19 | 19,80 | 16,78 | 21,85 | 15,94 | 17,89 7,89 | 29,6 10,3 | 19,3 le 16 le 2 Juillet. . . | 18,52 | 20,55 | 22,20 | 18,75 | 22,87 | 14,08 | 18,47 8,79 | 30,8 10,2 | 20,6 le 7 le 5 Août . . . | 16,46 | 18,45 | 18,97 | 16,19 | 20,38 | 13,54 | 16,96 6,84 | 27,9 10,0 | 17,9 le 28 le 25 Septembre . | 13,78 | 16,45 | 17,75 | 14,57 | 18,38 | 11,42 | 14,90 6,96 | 24,8 5,3 | 19,5 le 5 le 20 Octobre . . | 11,19 | 12,87 | 13,50 | 10,84 | 14,63 9,00 | 11,82 5,63 | 20,3 3,4 | 16,9 le 6 le 21 Novembre. . 5,51 6,86 6,80 5,45 8,03 4,38 6,21 3,66 | 12,2 |— 1,3 | 13,5 le 1 le 12 Décembre. . 4,17 5,52 6,16 4,60 7,07 2,93 5,00 4,14 | 13,3 |— 6,8 | 20,2 le 9 le 24 Année. . | 10,06 | 12,02 | 12,76 | 10,25 | 13,92 7,53 | 10,72 6,39 | 20,54 1,69| 18,85 { TEMPÉRATURE MOYENNE DE L'ANNÉE. TEMPÉRATURES EXTRÊMES DE L'ANNÉE. D'après les maxima et minima moyens. . . . . 10972 Maximum, le 7 juillet ANT DP ARR Aa RES PP) » les maxima et minimu absolus. . . . . 9,45 Minimum, le 28 janvier . . : . . . . . .—15,6 » les extrèémes de l’année. . . . . . . 8,60 » les observations à 9 heures du matin . . 410,06 Degrés de l'échelle parcourus. . . 44,4 » la moyenne du mois d'octobre. . . . . 11,82 Movexns. . . . . 410,13 DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Direction du vent à S'-Trond, en 1848. (L'unité est une heure.) NOMBRE d'heures NE. | ENE.| E. |ESE.| SE. |SSE.| S. |SSO. | SO. |0SO.| O ONO.| NO. | NNO. die servées. Juillet . Cr 21 24 | 33 | 353 21 12 25 28 39 62 | 145 | 86 78 54 61 | 22 74% Août AR Fee?» 7 7 45 19 35 45 4 | 39 | 96 | 151 | 145 | 96 58 26 15 | 15 74% Septembre . . . 40 11 38 | 45 89 | 42 | 58 | 44 | 50 39 59 | 47 | 104 41 12 1 720 Octobre JEse 14 21 29 42! 42 | 62 | 52 | 353 | 108 | 128 64 54 84 30 31 9 5 744 Novembre dre 11 48 18 3 8 » » 32 | 72 99 | 138 | 165 77 16 4 2 695 Décembre. . 1 » 1 1 66 66 17 35 | 196 | 128 82 20 4 ” 1 » 619 SEMESTRE. . . 401 | 119 | 117 | 143 | 281 | 187 | 137 | 286 | 581 | 543 | 603 | 498 | 351 | 168 | 102 | 43 4264 ae (L'unité.est la pression de 100 grammes contre une surface carrée de 0,3 m. de eôté pendant une heure, ) Intensité du vent à S'-Trond, en 1848. MOIS. N. NNE, NE, ENE. ESE. SE. SSE. Sso. | So. o0s0, as _ a MOIS. N. NNE.|] NE. |ENE.| E. ESE.| SE. |SSE. S. SS0. | SO. | 0SO. 0. |ONO. Juillet #0 Er SN. 14 °8.| "41 | 97 | 51 2 3 | 17 | 6G4| 93! 397 | 150 | 80 | 124 Août . 3% 2 5 5 6 | 11 8 4 | 36 | 255 | 178 | 574 | 160 | 37 | 20 Septembre 2 4 Ÿ 8 | 14 6 | 18 | 21 | 45| 38| 62| 84 | 96 | 32 Octobre 5 | 14 | 14 | 46 | 43 | 927 | 20 | 85 | 179 | 166 | 130 | 304 | 73 | 145 Novembre. . 36 | 129 | 82 1 11 » », | 64 | 169 | 423 | 553 | 147 | 132 | 54 Décembre. 0 | » 0 1 | 186 | 245 | 44 | 14 | 521 | 288 | 307 | 109 5 | » SEMESTRE. . 52 | 158 | 149 | 159 | 286 | 288 | 86 | 237 |1211 |1186 |1825 | 951 | 493 | 245 = NO. NNO. NOMBRE d’observa- tions. Janvier. A. Févrigr 5.2; .7. Mars Avril ae M. 4, ns), Juih #41 0 7, duilled. 0: 2 Août Septembre Octobre Novembre. Le Décembre. . . . » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » ” » » » 2 1 3 4 1 » » 1 7 12 15 2 16 8 2 5 77 2 3 1 1 » » » 4 8 1 5 8 50 | 11 6 2 80 4 1 8 1 1 | 1 » 5 5 5 2 1 2 35 » 36 0 » 0 » 3 » 3 » 2 3 235 8 24 4 11 » 81 5 4 5 1 » » 2 » » 8 45 | 16 15 3 10 5 83 0 » 0 » 4 » 1 » 4 » 26 4 32 4 4 1 80 4 » 6 » 1 » » » 6 » 19 0 11 0 16 » 65 2 » 6 » 4 » 1 1 1 4 16 7 1 1 5 » 46 2 » 2 1 1 » » » » 2 12 4 5 7 > 2 435 0 2 1 » 4 » » » 1 b] 5 | 14 6 1 1 » 37 30 8 16 1 8 6 | 54 | 35 | 1355 | 65 | 141 | 41 63 15 626 28 OBSERVATIONS Intensité moyenne de chaque vent à S'-Trond, en 1848. (L'unité est la pression de 100 gr. contre une surface de 0,3 m. de côté.) EE N. [NNE.| NE. | ENE.| E. |ESE.| SE. | SSE.| S. |SSO.| SO. | OSO.| O. |ONo. Juillet. . 0,33| 0,33| 1,24| 2,94| 1,48] 0,16) 0,12] 0,61| 1,64| 1,50! 2,74| 1,74] 1,05) 2,29 Août . . . . . . . | 0,29| 0,45| 0,53) 0,52| 0,52) 0,55] 0,25] 0,92! 2,45] 1,18] 2,58| 4,67| 0,64| 0,77 Septembre . . . . . | 0,05| 0,56| 0,18| 0,18! 0,16| 0,14| 0,51| 0,48| 0,86] 0,95| 1,05] 1,79] 0,92] 0,78 Octobre . . . . . . | 0,24| 0,48| 1,17| 1,10| 0,69! 0,82) 0,61| 0,79! 1,40| 2,59| 5,82) 5,58| 2,43| 0,48 Novembre . . . . .|3,27| 2,90! 4,56| 0,35] 0,13] » | » | 2,00| 2,35| 4,15| 4,01| 0,89| 1,74) 5,58 Décembre . . . . .|0,00| » | 0,00! 1,00! 2,82| 3,71| 2,59| 0,40! 2,66| 2,25] 3,74] 5,45] 1,29) » Semssrn. . . . | 0,51| 1,35] 1,27| 1,11| 1,02| 1,62| 0,65) 0,83| 2,08| 2,18| 3,02! 1,91| 4,21! 1,46! 1,42! 0,42) 1,75 Intensité du vent d'heure en heure à S'-Trond, en 1848. (L'intensité inscrite est l'intensité moyenne de l'heure qui vient de s’écouler. ) TES AT 2 TEPON ENT EEE É E E] E| £ 8 El 8 £ & & WTA TETET ST ST PE : r É] 3 5 5 E] É 5 4 5 Ë] s | s.| s 8 | = : MOIS. 8 | = Es 5 | = 3 3 = = g LS .13181313131312|S3121T/IT 1/5 “ . = . . . . . ! = ‘ | = . ” = “ # . . . F-1 n ä ä nl ä ä ä ä ä s 4 |3lalésalsals salsa |a|sls og PE — QI Lo] Lo] = © = œ a = Z Ella lm || |eijr lol |+ | É Juillet. . . | 26 | 23 | 18 | 16 | 44 | 93 | 51 | 55 | 60 | 74 | 87 |102/112| 94| 83] 87| 87] 75) 48] 31! 27| 25| 27| 24 Août . . . | 29 | 28 | 28 | 53 | 52 | 51 | 37 | 40 | 61 | 76 | 87 | 89! 67] 66| G6| 55] 50| 46| 41! 34] 25] 26| 27] 29 Septembre . 7 9 | 40 | 41 | 12 | 143 | 43 | 17 | 21 | 25 | 97 | 55] 28| 54| 35| 54] 50| 20| 14] 9) 12] 41, 10, 7 Octobre . . | 47 | 45 | 42 | 41 | 41 | 46 | 41 | 48 | 55 | 62 | 67 | 61! 64] 74] 52] 33| 29) 29| 28| 24| 29| 61! 56] 62 Novembre. . | 70 | 68 | 70 | 72 | 70 | 81 | 69 | 83 | 87 |102 |125 |1291133/156|108| 99] 76| 75} 78] 81| 80! 72| 75| 66 Décembre. . | 74 | 62 | 65 | 74 | 73 | 77 | 75 | 66 | 59 | 64 | 66 | 80| 82) 861102] 76] 63] 75! 69| 64| 63| 71| 66| 75 SEMESTRE. 233 |247 |242 |271 |9264 |509 |345 |403 |457 |494,486/490,4441384/535)318|278| 245 |256 |266|261 |263 ET Hauteur NOMBRE DE JOURS DE DEGRÉ DE SÉRÉNITÉ A Degré de 7 de MOIS. l'eau tombée Ê 5 9 heures 3 heures | 9 heures | Sérénité a Ciel Ciel sis ds Pluie. Neige. Gréle. Brouïlt. | Tonnerre. du Midi. du du millimètres. couvert. | serein. FAN) 4) Si, scll mois. Janvier. . . 5,82 4 6 » 3 » 7 3 2,5 2,4 2,7 3,3 2,7 Février. . . 82,15 18 2 » 2 » 1 » 1,6 1,4 1,7 2,3 1,7 Mars. | < 51,45 19 1 5 2 1 8 » 1,5 1,4 2,9 4,5 2,6 Avril. . . . | 106,30 23 » 1 2 2 9 2 9,3: 2,4 2,5 5,0 2,5 Mal: 6 4,63 3 » » 6 2 » 12 7,6 7,0 7,5 8,5 7,6 JA. < L 88,57 19 » » » 7 8 » 2,8 2,6 2,7 4,4 3,1 | Juillet . . . 42,17 11 » » » 1 3 2 4,4 3,3 3,6 5,6 4,2 Août. . . . | 119,43 22 » » » 5 10 1 2,4 2,5 2,6 3,4 92,7 Septembre. . 29,53 11 » » 2 » 5 2 5,1 5,6 3,1 5,0 4,0 Octobre. . . 91,91 12 » 1 1 » 8 3 2,8 2,5. 2,9 8,2 2,8 Novembre . : 41,42 45 4 3 1 » 11 1 5,8 2,7 2,4 4,1 3,5 Décembre . . 37,27 13 ! 3 4 » 4 6 4,4 4,4 4,3 5,8 4,2 Annég. . 700,65 470 41 43 23 18 80 32 3,3 3,0 3,3 4,2 3,5 or LL. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 29 Observations faites à Pessan, pendant l'année 1848. Tac sndassnts Pression atmosphérique. Température centigrade de l’air. HAUTEUR MOYENNE DU BAROMÈTRE PAR MOIS. HAUTEUR MOYENNE DU THERMOMÈTRE PAR MOIS. (D'après lesobserv. faites à 6h. du m.,10 h.du m.,4 h.eL{1h.dus.) (D'aprèslesobserv. faites à 6h.du m.,10h. du m.,#h.et 11h. du s.) MOIS. | — MOIS... À —— : RSS DATE DATE DATE DATE Mazimum.|Minimum.| moxenxs. | DIFFÉRENCE du du Maxi, Mini É du du maximum | minimum. ü ini ù mm. k mom. mm. mm. # Janvier . .]744 72% 135,5 20 le 13 | le 19 || Janvier . . | +90 | —7o | +094 | 16" le 3 | le 22 Février . *. | 49,75 | 25 58,5 26,75 | le 3 | le 10 || Février . . 16 +1,5 5,4 | 14,5 le 27 | le 19 Mars. . .!} 47 18,5 | 34,3 28,5 le 9 |le 11 || Mars. . . 16 3 17 |743 le 24 | le 2 Avril. . . 43 21 34,9 22 le 13 | le 19 Awik: =: 18,5 8 12,75! 10,5 le 5 | le 10 M. 48 28,5 | 39,3 | 19,5 | le 21 | le 17 || Mai . . .] 25,5 | 411 19,09| 14,5 | le 27 | le 3 Juin . . .} 44,75 | 30,5 | 38,36 | 14,25 | le 20 | le 3 | Juin. . . 26,5 13 21,16| 13,5 le 23 | le 1 Juillet . . | 46,5 | 35 42,037| 14,5 | le 8 |le 1 || Juillet .: .] 530,5 | 16,5 | 93,82| 14 le 23 | le 2 Août. . . | 45,5 | 36,25 | 41,5 9,25 | le 24 | le 8 | Août. . .| 29 | 414 29,41| 15 le 8 | le 23 Septembre . | 46 23 38,09 | 23 le 15 | le 25 |! Septembre . 28: | 12,5 49,5 | 15,5 le 40 | le 27 Octobre. . | 45 23,5 | 37 22,5 | le 5 | le 18 || Octobre. . 2%. | 56 14,62, 19 le 2 | le 19 Novembre . | 49,5 27 4198 | 22,5 le 28 | le 22 || Novembre . 15 — 0,25 6,69| 15,25 | le 2 | le 17 Décembre . | 49,5 32,75 | 41,29 | 16,75 | le 9 |le 4 || Décembre . 13 +2 7,84! 11 le 28 | le 24 | Movexwe. À 746,62 | 726,91 | 738,498 Movexne, |-+20,9 | 6,6 |-+-13,44 | | pui) + FRE: | ” ” Hauteur moyenne de l'année . . . . . . . 738,498 Température moyenne de l’année . . . . . 15244 . EXTRÊMES DE L'ANNÉE. EXTRÈMES DE L'ANNÉE. MR NL A tan ele ln ins 0 CTI Mazimugs 55 Sérieu rio = Me se ave à ES TN Un pere je hole ce cel PTT MU 5 PE RS ce 00 Intervalle de l'échelle parcouru . . : 31,25 Intervalle de l'échelle parcouru . . . 37,5 “a. a CDTI PANNE ACER ET OCTO NA TENTE ENT ERIC SUIS MR PE INDICATIONS DE L'ÉTAT DES NUAGES ET DU CIEL, NOMBRE DE JOURS DE PLUIE, DE GRÉLE » ETC. d’après les observations faites à 10:b. du matin et # h. du soir. d’après les observations faites à 40 h. du m.et # h. dus. I Te Des cet PSN GRR, MOIS. ë : Ë à Ë ë aire ÿ MOIS. $ È ês £ 5 E = a rm + 3 LA À : : ë £ Ses s £ L 2 y ! 8 à HE S s ÿ £ Ë 3 SÉ> = È A E # ë 3 8 |585 — 3 = £ £ S2.2 . PTE Bal O Lane LOC CR: Sn, 8. #4 | 8 | 8). Janvier . 7| 6 1 4 4 3 | 14 0 0 || Janvier. . 8 | 0 |12 | 26 0 T 18 | Février. . 9 | 9 2 5 4 4 5 2 1 Février. .] 18 | 0 1 8 1 0 18 Mars. us 2 a: 4 5 2 6 9 3 2 Mars. . . 26 2 4 2 0 9 #5 Avril. ; 2 6 10 5 2 10 8 1 0 AVE 17 0 0 0 5 0 14 Mai. ,. . 42 1 6 3 5 4 8 3 1 1 Mai. . . 15 1 0 0 6 2 6 Juin. . . 8 3 12 6 5 5 6 a 1 Juin. . . 11 0 0 0 10 1 12 Juillet . . AT ES 8 T 4 ! SE D 0 2 Juillet . . 5 | 0 0 0 5 1 4 ÿ FINE 14 6 10 9 2 6 4 1 0 Aoùt. . . 9 0 0 0 4 0 T Septembre. | 414 | 8 | 10 9 6 0 3 1 1 Septembre. 91.8 0 2 5 2 4 Octobre. . 9 | 7 8 3 3 9 4 0 0 || Octobre. . LAURE 0 3 1 2 8 ‘Novembre . 8 6 7 6 4 12 6 0 0 Novembre . 9 (] 2 13 6 6 15 Décembre . | 15 | 5 7 2 8 8 6 0 0 || Décembre . 8| 0 0 | 4 0 É 5 RER S Toraux. À 117 | 78 82 66 45 76 73 11 8 Toraux. | 150 4 19 | 58 33 24 126 = or om 30 OBSERVATIONS Nombre d'indications de chaque vent à Pessan, en 1848. (D'après les observations faites à 40 h. du m. et 4h. dus.) MOIS. N. s. NE. NO. SE. so. Calme, Ne 5, sl Ten 8 16 4 0 2 8 4 4 16 UT pue el ete 8 28 0 2 2 4 2 6 6 Mars . De Ve TENUE 12 26 2 0 0 4 2 4 12 ML ++ eut An 24 16 2 0 0 4 0 2 12 MAR Ms 2 SOS To 16 16 2 0 4 4 4 6 10 SR 0 eue RO à 14 16 4 2 4 2 4 6 8 Note 1e 0 DANS 8 10 6 0 4 4 0 6 2% 2 Nc 2 MANS VE RE SN dE AL le: 10 14 2 0 4 6 2 0 24 SOplembRe ST LS e a S 16 12 0 0 2 8 4 4 14 Re NON DER DRE ES 8 14 4 2 4 2 2 8 18 Us RS DE SEE A A 6 12 8 0 4 4 0 6 20 DÉteMbEBL UT L'EST 29 11 1 0 1 0 5 1 16 ANNÉE Las 459 191 355 6 31 50 27 bis] 180 Observations faites à Swaffham-Bulbeck, dans le Cambridshire, en 1848. TEMPÉRATURE ARLES. Quantité VENTS D'EAU Aspect général du temps. dominants. MOYENNE des max. et min.] tombée. Minimum. diurnes. Janvier . 10; 058 À : S0O.et NO. | Temps d'hiver ordinaire et gelée presque continue , mais rarement rigoureuse. Février . A 5,7 : O. et SO. | Généralement doux , avec une grande quantité de pluie; particulièrement la || dernière semaine très-tempétueux. Mars. . . K 6,6 2,5 NO.etSO.| Temps très-semblable à celui de février et également très-humide : ciel généra- . lement nuageux. vol 8,8 ; NO.etNE.| Les quatre premiers jours très-chauds et beaux comme en été : le reste du mois x variable et pluies fréquentes. | Mai . . . > 14,5 5 SE. et SO.| Très-beau temps d’été pendant tout le mois et par intervalles très-chaud. Jun. . . 15,7 ,15 S0. Très-variable ayee une grande quantité de pluie et forts orages par intervalles. | Juillet . 16,7 j SO. Également variable , avee beaucoup de pluie : quelques beaux jours seulement. Août. . . R 15,0 1 SO. et NO. | Mois également humide avee plus ou moins de pluie pendant 21 jours, tonnerre par intervalles, mais point d’orage violent. Septembre 13,6 ÿ N. Très-beau et fixe avec vent du Nord, dant les trois p! ines ; la | dernière semaine extrêmement huntide avec vents CAT Octobre. . » 10,6 A SO. La première semaine très-beau et chaud; le reste du mois humide et très-frais : inondations sur plusieurs points, Novembre 5 >,5 N. et NO. | Généralement beau et plus sec que les deux mois précédents : quelques gelées pendant la RASE quinzaine, mais Ce ensuite. Décembre A 5 5,6 ÿ SO. Géné beau dou liè pendant la seconde semaine, avec 5 ir 4 nuits de gelée tout au plus. Moyennes 19,8 9,9 TEMPÉRATURE MOYENNE DE L'ANNÉE. TEMPÉRATURES EXTRÈMES DE L'ANNÉE. D'après les maxima et minima diurnes. . ” NO Maximum » les maxima et minima mensuels . . . . 9,7 Minimum. » les maxima et minima de l'année . . . . 10,3 Écart mm. Pluie. Quantité totale tombée pendant l’année. . 705,85 N.B. Les instruments employés et leur exposition sont exactement les mêmes que les années précédentes. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Observations faites à Stettin, en 1848. 31 RE aa draps PSYCHROMÈTRE D’AUGUST. * NOMBRE DE JOURS “os cntirde atmosphérique FRA RS . ’après PRESSION * VENTS. dE rosés x 5 de la “ “ £ Sereins. | Nuageux. | Couverts. | Pluvieux. | De neige. Ras ai og millimètres. vapeur d’eau, relative. d mm. mm. Janvier . , —965 766,91 1,96 86,6 S. 800 E. 15 6 10 0 12 | Février . 2,06 54,17 4,53 83,8 S. 60° O. 18 6 12 6 l Mars . . 5,32 55,00 5,30 80,0 S. 12 E. 12 11 8 9 6 Avril. . 10,19 54,89 6,74 74,2 S. 82 O. 8 16 6 19 0 | Mai . 13,50 62,76 7,15 63,3 N. 20° E. 23 5 5 8 0 Juin . 17,92 57,67 10,49 69,7 N. 790 0. 10 19 1 18 0 Juillet, . . 17,65 60,78 9,38 64,7 N. 79° 0. 16 14 1 13 0 | Août . . 16,25 58,73 9,58 69,8 |S. 740. 15 44 2 18 0 Septembre . 13,32 60,62 8,80 77,8 | N.180. 15 12 5 16 0 Octobre . 10,25 58,93 7,98 85,2 S. DE. 6 17 8 16 0 Novembre 3,10 56,351 5,03 84,1 S. 740 O. 10 16 4 16 1 Décembre ‘ 2,10 66,69 4,74 84,0 S. 450 0. 8 16 7 10 5 Année. 8,55 59,45 6,89 76,9 S. 650 O. 141 164 61 4155 28 mn. Banomèrre. — Maximum, le 21 décembre. 4. 1 1108,01 » — Minimum, le 11 mars . 755,56 Tue TRE. — M , le 24 juillet. +323 » — Minimum, le 28 janvier —19,5 Nombre de jours sans nuages . . . . . , 25 Direction moyenne du vent, d’après 40 années . N.8000. 32 OBSERVATIONS PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES NATURELS. — nècne vécéraL. (1848.) ANNE 5e CSA RG QE A HE à ce me LE DA LR + VUCAT. NOMS DES PLANTES. |sruxez.| GanD. |vinperu.|OSTENDE.| WAREM. |St-TROxD| VOSSEL. | NAMUR. pion. |swarra.| MUNICH. | SALZ8. |STeTTIN. (Feuillaison.) re Acer campestre. L. . . .| 5avril| — {15avril.|27avril.| 5avril.|28mars.({1avril.| 4avril.| — |{9avril.| Tavril.| Gmai. |12avril.|17avril.| » pseudo-platanus, L. .!9 » [|24avril.|45 » |2% » |9 » | 2avril.| 8 » |3 » 46avrilp.12 » | 8 » —. [12 » saccharinum. L. . . — [28 » |15 » 4 mai. — 4 » » tataricum. L. . . .| — — [15 » — — M2» Æseulus hippocastanum. L. . | 2avril.|21avril./145 » |25avril.| 2avril.|30mars.| Bavril.| — | GavrilP.| Savril.| 1avril.|29avril.|12avril. 9avril| » lutea. Pers . . .| — — [17 » — — — 9 » | 4avril| — — — — — |10 » pavia.L.. . . .| — — 48 » |2avril| — &avril| — 4 » » macrostachys.Mich.| 2avril.| — 18 » — — — |24avril| — —— Bavril. | Amygdalus communis. L. .| — Tavril.| 6 » |A4avril.| — — 2 » — — — — — — fi9avril| » persica L.(BMud.) | tavril.| 1 » 6 » 9 » — |26mars.| 4 » |350mars.| 5avril.v.| 7avril.|27 mars.|29avril. Aristolochia sipho, L. . .| — |28 » 16 » _ _— — — 2avril. » clematites L. . — — — — — -— — — — [22avril| — 5 mai. Betula alba.L. . . . . .| favril| — | avril. 16avril.| 3avril.| 4avril.|14avril.| 4avril.| is » [2avril.|22avril,| Savril.| 5avril » alnuss L. , . . .| — ri 7 » |13 » |21mars| — 8 » Berberis vulgaris. L. . . .|25mars.| 5avril.| 3 » K|51mars.|31 » |24mars.|10 » — — |50mars.|30mars.|26avril.|10avril.| 7 avrilju Bignonia catalpa. L. . . .|25avril.| 2mai. | 6 mai. |18mai. | — mai. | — [25avrill — |10mai. | — |26 » — |14mai. [M » radicans. L.. . . — — — = — — — 9 » Buxus sempervirens. L. . .| — — — — — | 8avril| — — [30mars| — |22avril. Carpinus amerigana. Mich. . _— — Tavril. » betulus. L. . . .| 2avril.|29avril.| 7 » _ 12e — {20avril.| 2avril.| — — | Savrill — |12avril.[15avril » orientalis. L. . .| — — 7 » Cercis siliquastrum. L. . .| Bavril.|27avril.| 6 mai. [10 mai. | — — — — |2%avrir.| Savril| — | 3mai. Corchorus japonicus. L. . .| 4mars.|24mars.|45avril.|26mars.|31mars.| Gmars.|40avril.|42mars.| — |27mars.| 4mars.|29avril Cornus maseula. L, . . .| 2avril.| — |18 » — — [22 » |12 » e — Gavril.| — 8 » » sanguinea. L.. . .|1 » _ —— — | 2avril.f24 » |9 » — — LS >» — [22 » |12avril. Corylus avellana. L. . . .|24mars.| 2avril.| 7avril.| 9avril.|26mars.| — 7 » |28mars.|{7mars.v.|27mars.| 1avril.|26 » |12 » |14a » colurna. L. . . . — — 7 » » tubulosa. Willd.. .| — Gavril.| T » Cratægus coccinea. L. . .!|31mars.|17 » |15 » | 5avril| — — 8avril.| — — — — — — |19av » monogyna. Jacq. .| — — [15 » — — E — _ — — — — f{bavril. » oxyacantha. L. .|23mars.|28mars. 45 » — |30mars |23mars.|{0avril.|24mars,| — Bavril.|29mars.|13mai. | 4 » | Ga Cytisus laburnum. L.. . .| Savril.|16avril 13 » |16avril.|{2avril.|22 » .|45 » |928 » |4avrip.] 6 » | Savril.| 5 » — [21 » sessilifolius. L. . ,| — 118 » |13 » |26 » Daphne mezereum. L. . .| — > — — =— Jagfévr, | — = — [16mars| — 1mars. Evonymus europæus. L. . .|28mars.|17avril.|46avril.| 9avril.| — — |{avril.|26mars| — |29 » — [29avril.| Gavril.|10av » latifolius. Mill. .| 2avril.|19 » 118 » | 5 » — _ — _ — — — — — |10 » verrucosus. Scop. | — |17 » |16 » — _. — 4avril.| — ee A ges = a Fagus castanea. L.. . . .| — (27 » |27 » _— _ — [21 » |97avril. — — AE a ne — | 2mais » sylvatica. L. . . .| — 4 mai. | 3mai. | {mai.| — — [24 » — [Savrilv.| 5 mai. [26avril.| 5mai. |24avril.|25a PE RE RO OR PE ET CAT ee DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. NE CE NOMS DES PLANTES. |pnuxez.| Ganv. |vixenu.|osrenpe.| warem, |st-rron| vosse. | xamun. Pa qi Duon, |swarru.| municu.| sazzs. | srerrin. (Feuillaison.) TT Fraxinus excelsior. L. . — [26avril.| 4mai. | 7mai,| — — [18avril,| Bavril| — 2mai. | 9 mai. |15avril.|23avril. » juglandifolia. Lam. | — Amai. | 1 » — — — [20 :» » ornus. L. . . .| 1avril.|20avril.| 14 » — — — [17 » +4 pe = — — — Ginkgo biloba . . . . .| — {mai. | 6 » — — -— — [i4avril, Gleditschia inermis. L. . .| — — [44 » _ —. |15avril. » horrida, Wild. . | mai. | — |14 » » triacanthos. L. .| — — [14 » — — — ee — —, . — — — |13mai. Gymnocladus canadens. Lam. | — — _ — — = — |1Gavril. Hippophaë rhamnoïdes. L. .| 1avril.|22avril.| 4mai. |18avril.| — — — _ — [27mars| — |12avril.|12avril. Hydrangea arborescens. L. . | — — | 4avril| — —. | 4avril.|18 avril.|25 mars. | Juglans regia. L. . . 19avril.|20avril.|29 » | 5mai,| — — [25 » [tavril He viT 45 avril, 98 avril.|29avril.|26avril.|25 avril. » aigra , . , } — [20 » |29 » |15 » …— — [25 » Ligustrum vulgare. . — — — — . |[31mars.|{5avril.| — — — [28mars| — | Savril.|10avril. Lonicera periclymenum. L. . | 4mars.|26mars.| 6avril.|28 mars.| 14 févr. |27 févr, |22mars.| 1 mars.|24 févr. v.| 4 » — | Gmai,| — |25 mars! » symphoricarpos. L. | 4 » 130 » |6 » — — — — [20 » — — |{{mars. » tatarica. L, . 17 » [20 » |6 » |22mars| — (|25févr.| — 4 » _ -- _— — — |25mars, » xylosteum. L. 26 » — 6 » | 2avril.|{#mars.|29 » — [47 » — — _ — | Gavril. Lyriodendron tulipifera. L. .| — |27avril.l24 » — — + [{7avril.|26 » — | 6avril| — FS -- |25avril. Magnolia tripetala. L.. . — | 4mai. | Gmai. | » yulan. Desf.. — [16 » |26avril| — — | 7avril| — — — |{9avril. Mespilus germanica, L, — 2 » |26 » ÂT7avril| — = Tavril| — |2avrilv.| 2 » — |10mai, | 8avril. Morus nigra. L. . . . .|26avril.| 8 » |10mai.| — — — — [Oavril| — mai. | — |29avril. Philadelphus coronarius, L. ; |22mars.| 1avril.| 4avril.| 4avril./31mars.| — 8avril.|49mars.|15mars.V.|97 mars.|18mars.|15 » — 4avril. » latifolius. Schr. | 4avril.| 5 » | 6 » | 2mai, Pinus anis, 4. | fin — —_ _ — |[23mars| 3avril.| — _ — — — |{2avril. Platanus acerifolia. Willd. .| — — Tavril.| 7 mai. | mai, I CUT — — — — — — [29avril |» occidentalis. L.. — | 5mai.| 7 » — — — {2% » |20avril| — |1Bavril) — |19avril. Populus alba. L. . . . .| 2avril.[28avril.14 » |15avril.42avril.| — |11 » | 5 » — [14 » [13avril.|12 » |18avril.|49avril. ».: fastigiata . . : .| 3 » — [125 |44 » — &avril| — _— — M5 » _ — 10 » » balsamifera. L, . 2 » HA9avril.|44 » _ — |31mars| — _ = — _ — — 9avril. » tremula. L. — &mai. [15 » .[29avril.| — — [{0avril.| 3avril.| — — — — |[15avril.|21 » Prunus armeniaca, L. (Babr.) | 2avril.|26avril.| 4 » | 6 » — |[26mars| 9 » |30mars| — |{8avril.|31mars| — — [20 » » cerasus. L. (Bbig.n.)| 2 » |17 » » [12 » | Gavril.l28 » |10 » |25 » — _ 3avril.| — |f4avril.|49 » ». domestica (Bgr.d.w.)| 4 » |16 » | 6 » |10 » |4 » ee » | 4avril.| 4avrip| — | 4 » — 148 ».paduss Le sus Le @: » — 3 » |31mars| — |23mars.| 7 » — |2%9mars.V.|27mars.| — |19avril.| — 1 avril. Ptelea trifoliata. L. . . . — [2avril.|26 » _ — — — [6avril| — —_ _ — = 2 mai. Pyrus communis (B bergam.) |31mars.| — 3 » | &avril.| 6Gavril.| — |10avril.|29mars.| — —— 3avril.| — |14avril:|49avril.] » japonica. L. . . 10 » |25avril.|25mars.|46mars.|19mars.|10mars.| 8 » |20 » » malus(B calville d'été). | 2avril.|21 » | Gavril.| Gavril.| 5avril.|23 » |12 » [i5avril.| — Savril.| 2avril.| 3mai. |14avril.| 19avril.] » spectabilis. Ait. . .|26mars.| 4 » |4 » = — 146 » | 8 » Quercus peduneulata. Willd. 20 avril.| — 4mai. | — |20avril| — 20 » |27avril. Ha {4avril.| 4mai. | Smai. | Gavril.|25avril. » sessiliflora. Smith. . — — 4 » | 7Tmai. _ 8avril. Rhamnus cathartieus, L.. .| — |28avril.| 4 » — — _ — {50mars.| Gavril.P.| — |19avril.| — |24avril.|16 avril. » frangula. L.. . Savril.|28 » |1 » — — — | 8avril.|30 » — [AGavril| — |19avril.|46 » |20 » Rhus coriaria. L. . . . .| — — 4 » |10mai.| — — [18 » | 8avril. Towe XXII. OBSERVATIONS | | | | | | | NOMS DES PLANTES. |»nuxer. | canr. |vioenw.|osrexve.| warm. |st-rronp| vossez. | NamuR. dr Duon. |swarFu.| MUNICH. | SALZB. |srerrin.| | (Feuillaison.) PESSAN. | 1 | - | | Rhus cotinus. L. . : . .| — — 4 mai. |15 mai.| — — [{Bavril| — — |23avril.| — | Gmai.| — | mai. | » typhina.L.. . . avril! — |4 » |11 » — | 4avril.(47 » = 1Ù% Ribes alpinum. L. done — [24 mars| 4avril.| 2avril,| — |19 mars 10 » — — — — # — [29 ma \ » grossularia. L. . . .1|28 févr.|19 » | 4 » |20 mars] 5 mars — 6 » |12 mars) — — 8 mars) — 1351 mars|25 » | » nigrum.L. , . . .|15mars|27 » | 4 » (|27 » |19 » |46 mars) 8 » |12 » — MT > — |29 » | » rubrum.L. , . . .120 » |97 » 4 » |30 » 18 » — 8 » 12 » |H9mars.v.|26 mars|25 » |[22avril. | 4 Robinia pseudo-acacia. L. 9avril.| 7 mai.|29 » |12 mai.| 9 mai.| — |21 » | 9avril.6avrilp.|49avril.| — 3mai.| — 4 mai. | | » viscosa. Vent. .- [46 » |12 » |29 » — — à one À FL — |1Savril. | | Rosa centifolia. L. . : . 2 » 5 » |5 » |14mài.| — — 8 » — — — [22 mars|22avril. (| or, galica ere sa hs 2» |7» — + 4 mars | Rubus idæus. L. , . + MO mars! 9avril.| 5 » | Savril.|30 mars! — 6avril.|25 mars|%0mars.v.|31 mars|30 mars|22avril.| — 4avril. | » 5 pdoratus 0.50 211 — [5 5» [5 » ces — 140 » [25 » | Salix alba. L. , , . . — _— 5 » |20 » peut — M0 » ps de de — — [{2avril.| avril. » babylonica,L. , . .|2% mars) — = — [51 mars|25 mars! 4 » Sambucus ebulus, L. . . .| — - _ — — — — — — [31 mars » nigra. L. . . .|28 mars Gavril.| 1avril.|31 mars] 2 mars|29 févr. |29 mars|12 mars|AmarsYlos , |15 févr.|29avril.| 4avril.| 3avril » racemosa, L. . .|4 » — 4 » 129 » — — [27 » — — [22 » pe = ane 9 » Sorbus aucuparia. L, . . | Aavril.[21avril.[43 » | 8avril.| — [10avril.| 4avril.| Aavril.| Savrilp.| 4avril| — — | 4avril| 3 » » domestica. L. . — — 143 » — — — [18 » Spiræa bella. Sims. . . [28 févr, [26 mars| 5 » Savril.| — — [29 mars Ù » hypericifolia. L. . .|51 mars, — |4 ; 9 » — [142 mars] avril, — — | 2avril| — |22avril. » Jævigata, L. : . .110 » — 5 » | Staphylea pinnata. L. «| Aavril.| — 5 mai.| Gavril| — — Bavril.|25 mars| — 2avril.| 2avril.|26avril.| -- |{6avril. » trifolia. L.. . .|2 » — 3 » — — — — re — _ et + — [20 » | Syringa persica. L. . . .|24 mars! — Aavril.| 9avril.|31 mars|16 mars| 5avril.|20 mars! — _— — — + 9 » » rothomagensis. Hort. [24 » — [15 » vulgaris. L. . . [22 mars|29 mars] 4 » 3avril.|19 mars|17 mars|31 mars|20 mars spa 27 mars|14 mars|26avril.| 6avril.| 4avril Taxus baccata, L. « : . : | — — — — — — |2Bavril| — — — + — [20 » Tilia americana. L. . — — {avril — — — — — — — + ni — [16avril, | » parvifolia. Hoffin. . .{|44avril.| — 7 » | 9avrill — — |f0avril| — — | 5avril.{4avril.| 3 mai. [15 avr.?|[18 » | » platyphylla. Vent, . .|1 » Amai. | 7 » {15 » — — — Aavril! — {{5avril| — FA — [145 » Ulmus campestris. L. . . .|3 » |29avril.| 7 » |22 » — | 2avril.| Gavril.| 4 » — 10 » | 4 » |22avril./20avril,|/20 » | Vaccinium myrtillus. L. . — | 4mai. 18 » — _ — [8 » |8 » d — — [26 °» #19). 16: 4» ! Viburnum lantana. L. , | — .|{5avril.47 » | Tavril| — |17 mars) 8 » |26 mars| — 1avril. [30 mars| — Gavril.| 7 » | » opulus.L.(f.simp.) | — 115 » 117 » |8 » — — — [26 » — 4 » [10avril.| Gmai.| 6 » |18 » « » L.(f.plen.) |24 mars45 » [17 » | 8 » — 116 mars/Aavril.|26 » {gs HO» [6 »1/16#n)g8 Vitex agnus castus. L. . .| — _ — — — — [27 » |Oavril. | Vitis vinifera, (GB chass. doré). |21avril.| — 9 mai.| #mai.| — 5avril.| — 9 » |'Amai.p.| Smai.| — |29avril.| : — 9imai. Il | | | | DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. NOMS DES PLANTES. |pnuxez.| cano. |vixpenu.|osrexs. |st-rroxn| wanem. | vossez. | namur. | amrens. | pion. | swarru.| municu. [srerrin. [Lanpres. (Floraison.) Pn ; Acanthus mollis. L. : — — 6 juill.| — — — — — — _ — [19 août. Acer campestre. L. + . .|19avril| — Bmai. | 5mai.| — — — — — 4 mai. |29avril.|29 avril.|18 avril. |20 avril.s. » pseudo-platanus. L. 19 » | mai. | 6 » | 5 » — — [Gavril.|26avril| — | 3avril.|24 » 1.180 var » tataricum.L.. . . .| — — 3 » — [A2avril. Achillea biserrata. Bbrst. .| 2juill| — |10 juill. » millefolium. L. . 9 » |16 juin.|29 mai. |14 juin.|14 juin.| — |19 juin.|30 juin.|16 juin. Aconitum napellus. L. . .[50mai. | 1 » |29 » |24mai. | — |28mai.| — | 6Gmai.|1 » Æsculus hippocastanum. L. . [25avril.| 3mai. | 6 » | 4 » | Gmai. |51avril.| 2mai. | — — 2mai. | 3mai. | Gmai. |[2Yavril. sarl r | » lutea. Pers. : . . | — — 15 » — 8 » — — 6mai. — — — — |29 » » macrostachys.Mich. | — — 18 » » + pavia. L.. . . 9 juil. — 26 » — — Ca — — — | 9 juil. Ajuga reptans. L. . . — [28avril.|{7avril.| — — — — [28avril.|12mai. | 2mai, | 2mai, |29 avril. Alcea rosea. L., . . . .|10 juil) — 6 juill.| 8 juill.| 9 juil. — |10 juill.|24 juin.| 5 juill. Alisma plantago, L. . . .| — |f7juin.|12 » |11juin| — — 2 juin.| — — [25 juin! — |12juill.| 5 juin. Allium ursinum. L. . . — |26mai. [29mai. | — — — — |20avril.| 2mai. Alnus glutinosa. Willd. . .| — — 9avril| — — [29févr. | — — — |29févr. | — |16mars.|13 mars. |19avril.v. Althæa officinalis. L. . . .| — |29 juin.|25 juin.| — — — — [22 juill.|27 juin.| — — — 5 juill. Amygdalus communis. L. .| — |20mars|12mars|24mars.| Savril.| — |51mars| — ae = = — [15avril. » persica.L.(Bmad.) |31mars.|24 » |14 » 2avril.|29 mars.| 2avril.128 » [28mars.| — |51mars.|22mars.|26avril.| — hatRe Anchusa sempervirens. L. .|21avril.| — |18juin.| — — — [avril] — |25avril| — 7avril. Andromeda polifolia. L. . .| — — 4 mai. | Anemone nemorosa. L. . .|24mars.|22mars| {avril.| — — — 4avril.|25mars.| — — | Savril.[29avril| — | 7avrilB » hepatica. L.. . .124 » |18 » | 7Tmars.|t1mars.|26févr. [26 févr. | — |25févr. | — |27mars.| 2févr. | — |15 mars. » ranunculoïdes. L. . — — 1 mai, — _ — — |350mars.| — a — F4 Gavril. Angelica archangelica. L. — | 4 juill./26 juil, — — — [21mai. | — — |f2mai. Antirrhinum majus. L. . 29 mai. [29 mai. | 4 juin.|24 mai. [24 mai. | — |24 » | 92 juin.|24mai. 45 » |350 mai. |17 juin. Apocynum androsæmifol. L. | — |18 juin.|12 » | Arabis caucasica. Willd. . . |25févr. [22 mars.| Savril. } Aristolochia clematites. L. — |28mai. | Smai. | — _— 2 _ — [19mai, |f5mai..| — |10 juin. » sipho. L. . — |3@8:».| 8.» — — — — 9 mai. Arum maculatum L. . —_ — Gjuin.| — — _ — |26avril.|30avril.| 1mai. | 6 mai. [51 mai. | Asarum europæum L.. . .| — — [HOavril.|18mars| — — Tavril.| — — Savril.! — |50mars. Asclepias tuberosa. L. . [10 juill.! — |26 juil. » incarnata. L. . .| — — {2% » | 2juill. » syriaca. L. . . .|10 juil! — |20 » |21 juin.| — _ — — = = = — | 9 juil. » vincetoxicum. L. .| — — [15mai. [28 mai. == — — [10 mai. Asperula odorata. L. . . .| — — |27avril| — — — [17avril.[28avril.| mai. | — |21avril. » taurina. L. . . — — [10 mai. | Aster dumosus. L.. . . + — Asept.| — _ — |22sept. » Novæ Angliæ. L. . .| — — 4 » » paniculatus. Willd. .| — — 4 » | 6 juin. A] Astrantia major. L. . . .[16mai.| — |iGavril| — — — _ — [22mai. |25mai. | — |27 juin. | Atropa belladona. L. . — — {25 juin.|28mai. | — — [28mai.| — 2 juin.|17 » |20mai. |19 » Avena sativa. L, . . . .| — — [23 » |Tjuil| — — [20 juin. 36 OBSERVATIONS NOMS DES PLANTES. |snuxer. VINDERE. | OSTENDE. | st-TROND AMIENS. | DIJON. (Floraison.) Bellis perennis. L. . 28 févr. Lavril.|15 mars.| 24 févr. | 14 févr. |16 mars.|15 févr. — [{2janv.) — | {mars je Berberis vulgaris. L. . . .|26avril. 7mai. [27avril| — | 5mai.| — 2mai. |29avril | Gmai. |. 9 mai, Betula alba. L.. . .. + | Nb 17avril.| 6 » — 2avril.| — Savril| — |22avril.| avril.) 5e » alnus. L. . «| — 25 févr. | — — |31mars.|24mars à Bignonia catalpa. L. . . | 6 juill.| 5 juill.| 8 juil! — 5 juill. 2 juill.|30 juin. 5 juill.| 17 juin.|42 juill. {45 juill.L | Bryonia alba. L. . . :. — — [8 » Buphthalmum cordifol, W. .| — | 2 juin.|16 juin. B uxus sempervirens. L. . .|29mars.|14avril.|{8avril.| 1avril. 26 mars.| 16 avril.|28 mars. | 30 mars.|25 mars.| 10 mai. | » dioïca. Jacq. + . .| — Ta — 20 mai. |21 mai. | 9 mai. |11 mai. | 7 juin. | Campanula persicifolia. L. .| 6 juin.| 7 juin.| 9 juin.| 4 juin. — 2 juin.|24 mai. 5juin.| — |24 juin. | Carduus marianus. L.. . .| — — 1 juill. | Carpinus americana. Mich. .| — — | 4mai. » betulus. L. +: . . 26 avril.|16 avril. Atavril.| — » orientalis. L. . . 16 » RTE Cassia marylandica. L. . . — m + +— 19 juill. 25 août. Cercis siliquastrum. L. . . 44mai, |11 mai. — — — 30 avril. 14 juin. Cheiranthus Cheiri. L. . 11 juill. — — — 10 » 3 » me Chelidonium majus. L. . . 16avril, 23 avril.|12avril.|12 avril. 21 » 10 mai. [25 avril. Chionanthus virginica. L. . 17 juill.|29 août. Chrysanthemum leucanth. L. — |15 juin. 12mai. | 7 mai. |12 mai. 15 mai. 10 juin.|19 mai. Chrysocoma linosyris. L.. .| — #4 4 août. ° TE — — — — [10 août. Clethra alnifolia, L. . . .| 2août. Colchicum autumnale . . .|23 » |28août.| 2févr. mn — — — [HOsept. 30 août. | Golutea arborescens. L. . .|12mai. | — | 8 juin. 15mai. | — | 3 juin.|12mai, |48 mai. | Convallaria bifolia. L. . — 1mai. | Gmai. — — [27avril.| 9 » » maialis. L. . ./|19avril.|28avril.|27avril. — 9mai. [20 » |27avril. 4 mai. 27 mai, | 4 mai. Convolvulus arvensis, L.. .| — 1 juin.|12 juin. + fn 4 juin.| 4 juin. — — |30 » » sepium. L. . .| 9 juil.) — (23 » 8 juill.|25 juin.|18 » (|29 » 15 juin. 15 juill.|22 ‘uin. Corchorus japonicus. L. . 3avril.| 19 mars.|27 mars, 29 mars.| Gavril.|10avril.| 2avril. LH avril. Coreopsis tinctoria. Nutt. .| — |20 juin.|18 juin. 28 juin.| — 5 juill. — 45 juill. » tripteris. L. . 6 juil! — |26 août. Cornus mascula. L. . . 15 mars.| 17 mars.| 18 mars. 16févr. |24févr. Amars.| — |14mars. 29mars.| ‘Te sanguinea, L.. . .| Gmai. | — |22mai. 16mai. | — ; 15mai. | — |19mai. 5 juin.| 2 mai, s} | Coronilla emerus. L. . . .|25avril.| — 2 » cd 4 » |{7avril 1 Corydalis digitata, Pers. .| — — 2avril. — — — |25mars. | Corylus avellana. L. . . .|13févr. |14févr. | 4févr. |1Gfévr. 20 févr. |12 févr, |21 févr. | — |21 févr. 10 févr. 16 mars. | Cratægus coccinea. L. . 9mai, |12mai. | Gmai. — — |{9avril| — _— + _ 7 | » oxyacantha. L.. .|28avril.| — 6 » | Gmai. 8&mai. | — | 4mai. 9 mai. |10 mai. |10 juin. | Crocus mæsiacus. Curth. .| — — |20mars| — — — — — — » sativus. Sm. . . .| — — [20 » — — — — — {16 mars. » vernus. Sw. . . .|25févr. |49févr. [20 » |27févr. — |25fevr. 17 mars.|19 févr. » [27 mars. Cyclamen hederæfolium. Ait. — | Aavril. | Cynara scolymus, L. . . . 29 juin.| 10 juill.| — — — 12 juill. | Cynoglossum omphalodes. L. — [f4avril| — — He — | Cytisus laburnum. L.. . . 2mai. | 6 mai. |10 mai. 24 avril.|30 avril. 5 mai. — DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Tome XXIII. NOMS DES PLANTES, | rruxez. VINDERH.|OSTENDE. |St-TROND| WAREM. | VOSSEL, | NAMUR. | AMIENS. | D1JON. |swArrH.| MUNICH. |STETTIN. (Floraison. ) | Cytisus sessilifolius. L. — &mai. [49 mai, | 5mai.| — — — — |15mai. Daphne laureola. L. . . Ft 10mars.| — fre Rx + LES — | 3mars.| 1fév. | » mezereum. L, . — 10 » 8mars,| 5mars. 1mars,| — Ee: — CR — [16 mars.|17 mars | Dianthus caryophyllus, L. .| 5 juin. 15 mai. | 8 juill| — |21mai. | — — — [45 juin.|18 juin.|25 mai. Dictamnus albus. L. . 17 mai, 20 » |[21mai.| — — — [15 mai. [23 mai. [15 mai. |25 mai. |24 juin. | » » (flpurpur.)|22 » 29 » |18 » es 5 LES 45..» UT es | Digitalis purpurea. L. .[25 » 24 » |28 » — — 5 juin.| 2 juin.| { juin.|27 » — [14 juin.| 7 juin. | Dodecatheon meadia. L. . .|21avril. 10 » — — — — — [22avril. Echinops sphærocephalus. L. | — 15 juill.|20 juill.| — — — [18juill) — 16 juil! — | 8 juil, Epilobium spicatum. Lam. . — 6 juin.| 7 juin.| — — [10 juill.| 4 juin.| 4 juin.| 5 juin! — — [50 juin. Equisetum arvense. L. 3avril. 2mai. | Savril.| — — — — — — — _— Bavril, Erica tetralix. L. . . . on 10 juin.| — — — 5 juin. RihasiganisaLs sens 6, 0 8 juil.) — — — — — — Es — — [10 juil! | Erythrina crista-galli. L. 8 août. 25 » | Eschscholtzia californica. Ch. | 7 juin. — — -- — 9 juin.|21 juin. Evonymus europæus. L.. .[11mai. 18 mai, |17 mai. | — — — Gmai. |1#mai. | 9mai. | — |14 juin.|{8mai. |*5mai.! » latifolius. Mill. . |25avril. A8scns rl 90 » = — _ ca LE Æ _ Te PT | Fagus castanea, L. . . — A juin — — — [15juin| — -— — — — [25 juin. » sylvatica. L, . . —— 11 » — —_ — — — — [2Bmai.| — |17mai. |[4mai. Fragaria vesca. L. (B hort.). |26avril. 15avril.| 4mai, | — |16avril.| 8avril.| 1mai. [25avril.|30avril. 24avril.|10 » Fraxinus exeelsior. L. . .| — 10 mai. |26avril.| — — |[13mai.| — — [15 » | 6 » |26avril.| Savril. » juglandifolia, Lam.| — 10 » so orne Enr Le fr 8 » |18 mai. — |12avril.|10 mai. — 2mai.| — — — [16 mai. | Fritillaria imperialis. L. . = 3avril.| Bavril.| — — — 4avril.[30 mars.| Gavril.|{4avril.| — |18avril. » meleagris. L. . .|{1avril. 1 » Galanthus nivalis L. , . .|25fevr. 15 févr. |29 févr. [29 mars.|13 févr. | — |25févr.| — 2mars.| 5 févr, | 4 mars. | 16 mars.|?8 févr. B Gentiana asclepiadea. L.. .| — 20 juill, »l jeruçiata. L.. . .| — 8 » — — — — — — _ — [16 août. Geranium pratense. L. . .|15mai. 27avril.|47 mai. | 4 juin.| — |f4mai. [20 mai. | — |{5mai. | — |19 juill. Gladiolus communis. L. . ./|11 juin. 12mai. | 7 juin.| 9 » — — 1 juin.| 9 juin.|31 » — |21 juin. Glechoma hederacea. L. . — Gmars.|49avril.| Gavril.| 3avril.| — 8avril.| Savril.| 1avril.|22mars.| 5 mai. | 4avril. Gleditschia horrida. Willd. .| — 10 août. » inermis. L. . .| — 10 » » triacanthos. L. . — 10 » Hallesia tetraptera. L. . hi Hedera helix. L. . . . — — 8Ssept.| — 4oct. — — — — — — 1 sept. Hedysarum onobrychis. L. .| — 16mai.| — — — — [16 mai. Helenium autumnale. L.. .| — 29 » — — — — — — [17 juil) — 19 juill. Helleborus fœtidus. L. . — 22mars.| — — — — |26févr,| — |28févr. |17 janv. oct. » hiemalis. L, — 22 » |20févr.| — — a — — — Sfévr. | — — [28 févr. B. » niger. L. . . .|Ctjanv. 22 » |23 » — — — — — [i5févr. | 8déc. |27 mars. » viridis. L.. . — 22 » Helianthus tuberosus. L.. . |21 juin. — — fJi2juin| — — — — |Soct. — [24 juin. Hemerocallis eærulea. Andrs. | 1 juill. 24 mai, | 6 juill.|22 juill.| — — [29 juin.|29 juin. » flava. L.. . .|24mai. 18 » |25mai. [25mai.| — |29mai. [16 mai. |31mai. | — |26mai. | — |30mai. 6 OR 38 OBSERVATIONS BRUGES. NOMS DES PLANTES. |»nuxez. VINDERH.|OSTENDE. |St-TROND| WAREM. | VOSSEL. AMIENS. | DIJON. | SWAFFH. situe (Floraison.) eme Hemerocallis fulva. L. . .| — — |24mai. |16 juin.|43 juin.| — 3 juin.| 4 juin.| 7 juin.| 8 juin.|13 juin.|12 juill.|24 juin. | Hibiscus syriacus, L. . . .| — — 8 juin.|12août.|24 juill.| — |22sept.| — — [10 juil] — |20sept. Hieracium aurantiacum. L. .| 3 juin.| — |18mai.| — — — 4juin.| — — _ — [22 juin. Hippophaë rhamnoides. L. . | — (|20avril.| — |itavril| — — — — — 2avril.| — |22avril. Hordeum hexastichum.L. .| — — [40 mai. | 2 juin. » vulgare. L.. . . — — 10 » — — -- 8mai.| — + — — 5 juill. Hyacinthus orientalis. L. .|23mars.| — ee — — _ _— —— — __ — — 2avril. Hydrangea hortensis. Sm. .| — |20 juin.|30 juin.|16 juill./50 juin.| — |20 juin.|30 juin.| 1 juill. Hydrocharis morsus ranæ. L. | — — [12 juill, Hyÿpericum perforatum. L. . |21 juin.|20 juin.| 4 » — — — [16 juill.[26 juin.|20 juin.|12 juin.| — |19 juill.|44 juin. Iberis sempervirens. L. . .| 5avril.| — 3mai. | — — _— — [HOavril. Ilex aquifolium,. . . . .!|28 » — — — — — _ — — | 6Gmai. | Iris florentina. L. . . . . — — |14mai. » germanica. L.. . . .|itmai. | — [12 » |{Gmai.| — er — | 7mai. 49mai.| — | 5mai.| — 2 HARRER » pumila. L, , . . . .| Bavril| — 110» — |gavril| — — _— — {{iavril| — |926 juin. | Juglans nigra. L. . . . .| — 2 mai. | 2avril.|27mai.| — — [{2avril. » brepiaiti eur L As as ETES — _ — [2avril| — |29avril.| 8mai. |10mai. | #mai. |#evrilX | Kalmia latifolia, L. . . .| — — [28 mai. | | Lamium album, L. . . .| 1avrill — hmars.|50avril.| — Tavril.|29avril.|20 avril.| Savril.|14avril.|29 mars] 3 mai. |15avril. Leontodon taraxacum. L. .| 3 » — Gmai. | — |29mars| 3 » - — — — = — [15 » | Ligustrum vulgare. L. . .| — — {14 juin.| 4 juin.|27mai. | — |17 juin.| 2 juin.| 7 juin.|29 mai. |19 juin.| 1 juill.|14 juin. t2mai. SJ Lilium candidum. L. . . .[23 juin.| 2 juin.|29mai. [21 » |22 juin.| Smai. | — |16 » |21 » |91juin.l24 » |19 » |es » 2 /MAtGils.s 4 Th — [27 » 9 » 9 » — —_ 2 » { Linum perenne. L. , . .| — — |Gjuin.| — — — [{7mai | — — 7mai.| — |21 juin. | Liriodendron tulipifera. L. . —_ 5 juin.| 9 » Le En ds bu és — 1 juin. Lonicera periclymenum. L. . |24mai. [18 mai. |27avril.| 6 juin.| — 9mai. [26 mai. | 1 juin.| 2 juin.|42mai. | 5 juin.|21 juin.|20 mai. |10 mai. L » symphoricarpos. L. [16 » — 4mai. | — — — [14 » | 4mai. — — [26mai. » tatarica L. . . .| 5 » |28mai. [29avril.|29avril.|15avril.| — 4 » |iavril| — — — — mai. , xylosteum, L. . .| 3 » — 4mai. | 4mai. — Tavril| — 20 » | Lupinus polyphyllus. Dougl. — |{9mai.| 8 » — 4 ES — [10 mai. | Lychnis chalcedonica. L. . [15 juin.| — |10 juin.|11 juin.|19mai. | — — [350 juin — — - — [12 juin.| 9 juin.p Lysimachia nemorum, L. .| — |12mai. [13 » — [10 juin. | Lythrum salicaria, L.. . .| — |10 juin.|19 » — _ — | 9 juin.| 4juin.| — |15 juill| — — [17 juin. Magnolia tripetala. L. . .|24mai. |10mai. [{8avril.| — — Bavril. » yulan. Desf, , .| — ({2avril.| 3 » _— 4avril.| 5 » — Gavril.! — |1lavril. Malva sylvestris, L. . . .{|11 juin.|17 mai. |14mai. | 4 juin.| — — [26 mai. — — — 2 juin.|19 juill.| 2 juin. Melissa officinalis, L. . . .| — |98 juin.|16 juill.| — — in — [6juill| — 2 juill.| — | 2sept.|: | Melittis melissophyllum. L. .| -— |17mai. | 9mai. ; Menispermum canadense. L. | — |11 juin.| 9 juin.| — En _— — {juin.| — 8 juin.| — |929 juill. Mentha piperita. L. . . . — — 6 juil, — — — — |20 juill. Mespilus germanica. L. , . —_ — 8 mai. |14 mai. _ — 9 mai, | 10 mai. — |12mai. — |30 mai. — HP Mitella grandiflora. Pursch. |13avril.| 3mai. | 9avril. Morus nigra. L. . [18 mai. | 4 juin.|20mai.| — — — — —— — [24mai.| — |19 juin. Narcissus pseudo-narcissus,L. [20 mars.| — 2avril.|22mars.| — El — [{Bmars| — 2avril.| 7mars.| — — |[2mars.L | » jonquilla. L. , .|13avril.| — 120 » _ — | 9mai, NOMS DES PLANTES, (Floraison. ) BRUXEL, DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. VINDERH. OSTENDE. st-TROND WAREM, VOSSEL. AMIENS, SWAFFH. STETTIN. Narcissus poeticus. L. Nymphea lutea. L. . » alba. L.. . Orchis latifolia. L. . Orobus vernus. L. . Oxalis acetosella. L. . sbirétrictaik:s. L. Papaver bracteatum. L. » somniferum. L. orientale. L.. . » rhæas. L. . . Paris quadrifolia. L. . . . | Philadelphus coronarius. L. . » latifolius. Schr. | Phlox divaricata. L. . . . »..setacea. L. . . . . | Physalis alkekengi. L. . . | Plantago major. L. . . . Platanus occidentalis. L. . | Polemonium cæruleum L. | Polygonum bistorta. L. . Populus alba. L. . . . » balsamifera. L, . » fastigiata. Poir. » tremula.L. . . Primula elatior. L. . . » auricula L. . . | Prunus armeniaca.L. (3 abr.) cerasus. L. (B big. n.) domestica (B gr. d.v.) padus.L. . , . spinosa.L.. . . Ptelea trifoliata. L. . Pulmonaria officinalis. L. » virginica, L.. . Pyrus communis, (3 bergam.) cydonia.L. . . . . japonica. L. . . . malus (8 calville d'été). spectabilis. Ait. . . Quereus peduneulata. Wild. » sessiflora. Smith. . Ranuneulus acris. L. (f. plen.) . [50 mars. 18 mai. 22 juin. 16 mai. 7 juin. 11 mai. 19 mai. 24mars. 26 » 26 » 1 avril. Bb » 5 » 3 mai. Savril. Savril, 31mars. 16avril. 19 { juin. 16avril. 1#4avril. 12 » 29 mars. 12avril. 20 avril. 25 mars. 29mars. 1avril. { juin. S » 25 mai. 27 mai. 17 juin. 19 mai. 20 avril. 4 juin. 28 avril. 8 » 6 mai. 8 » 28mars. 29 » 2 avril. 20 » 4 » 10 mars. 4avril. 1: | ER Amars. 2% » 13avril. 18 » 20 » 28 mars. 28 avril. 26 » 12 juin. 12 juin. 28 avril. 16avril. 16juin. 25 mai. 13 » 2avril. 16mars. 12avril. bavril. 14avril. 13mars. 12avril. 10 mai. 25 mars. 22 avril. 22 juill. 24 mars, 29 mars. 2avril. 6 » 16 mai. 2avril. 14avril. 50 avril. 23 avril. 26 mars. 29 févr. 31mars. 9avril. 23 » 9avril. 9 avril. 25 avril. 16avril. 27 mai. 2 juin. 27 mars. 18 mai. 16 mars. 5 mai. 14 mai. — |350mars. 25mars. 8avril. 10 avril. 9 avril. 12avril. 18avril. 20 avril. 8juin. 21 avril. 28mars, Savril. 6 » 3avril. 25 mars. 26 mai. avril. 21 avril. 15 mai. 4avril. 15 mai. 29 mai. 13juin. 19 mai. 10 » 16 » 15mars, 24mars. 1 avril. 13avril. 22 avril. 27 mars. 18avril. 3 mai. 50 mai. 10 juin. 23 mars. 11 mars. {avril 16avril. 11 avril. 8 mai. 7 janv. 27 avril. 11 mai. 2 mai. 8avril. 17 juin. 14 juin. 22 juin. 14 mai. { juill. 17 juin. 10 mai. 17 juin. |15 mai. 17 mai, [12 » Savril.|31 mars, — avril, — 3 » — 23 mars. 8avril. 8avril. 18 » 15 » 29avril.|18 » _ Gjuin. — 22mars. 21 avril. 15 mai. 10 mai. |29avril. G mai. 23 avril. 28 avril. 40 OBSERVATIONS NOMS DES PLANTES. |»RuxeL. VINDERE.|OSTENDE.|St-TROND| WAREM. | VOSSEL. | NAMUR. | AMIENS. | Di5oN. | swarrx. | municu. (Floraison. ) Ranuneulus ficaria. L. . 3avril.| bavril. 50 mars. 19mars. 2avril.|26 fév. |4 avril. [29 mars. » lingua. L. . . 6 juill. — ] Rhamnus frangula. L. . . 19 mai. — 9 mai. 10 juill.|15 mai. Rheum undulatum. L. . Rhododendron ferrugin. L. » ponticum. L. 16 mai. » [20 » .[15 mai. | Rhus coriaria. L. , . . . — 14 juin. 18 juill. Héiscotinus Led. : — — » typhina. L.. . . .|15juill.| — | Ribes alpinum.L. . . . — — » grossular.L.(fr.virid.). |31mars.|42avril. .[28mars. » nigrum.L. . . . .| 4avril| — ; Bavril. 2 28 » — — » rubrum.L. . . . .|51mars.| Gavril. 31 mars, 28 n Savril. 29 avril. » » L.(fr. albo). |351 » — 27mars.| — Robinia pseudo - ia. L. [17 mai. |28 mai. [28 mai. |29 mai, |22 mai. 18 mai. 21 juin.|30 mai. » viscosa, Vent. , . — » — [16 » Rosa centifolia. L. . . , — 12 juin. 5 juin. 22 juin. » gallica. L. . . . Fe Le Rosmarinus officinalis. L. . — Bavril. Rubia tinctorum. L. . . — 2 24 juin. 9 sept. Rubus idæus. L. . . . . 24 mai. 14 mai. $ mai. 15 mai. 28 juin.|18 mai. » odoratus. L. D — [29 — 13 juin. Ruta graveolens. L. Nr — — [25 juin. — 24 mai. 28 juin. Salix alba Eu, 5.7 98 avril.|14 mai. |18avril. - — —. [1Bavril. Sagittaria sagittifolia. L. . — [20 juill|, — 2 juill. Salvia officinalis. L. . . — [19 mai. [28 mai. 4 juin. — [24 mai. 16 juin. Sambucus ebulus. L. . . . — [M » — 10 juin.|24 juin. — [28 juin. ajgra. L. … |; 14 mai. [28 mai. [19 » 21 mai. 16 mai. 24 mai. |49 mai. 17 juin. |30 mai. » racemosa. L. . .| Savril.| — |11 » — |10avril. 12avril. Sanguinaria canadensis. L.| 7 » — [29 mars. Savril. Satureia montana. L. . .| — — [24 juin. Saxifraga crassifolia. L. . Savril.| 9avril.|12avril.| 2avril. 1avril.|31mars.| 13 mai, | Scabiosa arvensis. L. . . .|16 juin? 19 juin.|29 mai. » succisa.L., |, 5 — 26 mai. ÿ 29 août. 19 août. Scrophularia nodosa. L. . .| — 22 juin. 15 mai. 10 juin. Secale cereale, L. . . , _ 12 mai. 13 » 7 » |24 mai. Sedum acre. L# + . . .|18 juin. 12 juin. ; : _ —_ 6 juin. » album. L.. . . 27 » 2% » » telephium. L. . — 24 juill. 29 juill. 23 août. |12août, Senecio jacobœa. L. . . .| 9 juill. — 26 juin. — — [14 juin. Solanum duleamara., L. . pe 23 mai. |19 mai. 21 mai, |18 mai. |16 mai. |13 mai. 5 juin. |30 mai, Sorbus aucuparia. L. . . .|29avril.|19 mai. 11 » : > mai. 2 » 5 » » domestica. L. . ie tes Di te à DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. NOMS DES PLANTES. |pruxez.| ann. |vivoenu. osrenpx.|st-rRoND, WAREM. | vosse. | NAMUR. | Am&ENS. | n130N. | swarru.| municu. |srerriN. LANDRES. (Floraison.) res Sorbus hybrida. L. . — — | 4mai. Spartium scoparium. L. . — . |22mai. 48 » [|12mai.| — — — [28avril. Spiræa bella. Sims. . -[27avril.| — 4 juin.|27 » » filipendula. L. — — [29 mai.|26 » — — 5 juin.| 4 juin. » hypericifolia. L. . .| 5mai. — 4 juin.| 2 » | 5mai.| — — — . [28mai. 30avril.! — |24 juin. » læevigata. L. . 16 » — à » Staphylea pinnata. L. . Aavril.| 9 mai. |28 mai. |26mai. | — — {24avril./{4avril| — |20avril.| 5mai. | Gmai. | 5mai. » trifolia.L. . . . — — [2avril.| —, — — — —— — — — — 10 » Staticé armeria. L. . . — — 6 mai. |11 mai. — — {2%avril.[{4avrill — |16avril| —. |13mai. | 4 » » limonium. L. . . [27 juil! — |416 juill.|22 juill. Symphytum offcinale. L. 4mai. | — |20mai. | Gmai. |51 juill.|, — — {23avril| — Smai. | — |17mai. | 4mai. Syringa persica. L. . [21avril.|10mai. |26avril.| 9 » |27avril.) — |12mai. [21 » — — Gmai. | — |10 » » rothomagensis. Hort. [21 ‘» — [26 » | » vulgaris. L, 21 » | 9mai. 24 » | 5mai. [{5avril.| — 2mai. 20avril.| — |24avril.| 4mai. |10 mai. | Gmai. SL Taxus baccata. L. . — — 1avril.| 3mars| — — — — — — |24févr. |16 mars. Tiarella cordifolia . — — [10 » _ —— — SAavril Thymus serpillum L. . = — [10mai.| — — — — |9juin| — — |31mai. » vulgaris. L. -- — [10 » | 6mai. = — {14 juin. |42mai. Tilia americana. L. . . .| — — [28 » — = — — — — — — — 1 juill. » microphylla. Vent. . .125 juin.| — 124 » — — — —— — — 8 juin — 5 juill.[25 juin. » platyphylla. Vent. . .| 6 » |28mai. [20 » en = = = = = AU Æ 2 Mbits fu E Tradescantia virginica. L. .|25mai. | — | 3mai. [27mai.| — = — [fämai. | — |18mai. |24mai. |10 juin. Trifolium pratense. L. . 13 » — [28 » — 4juin.| 5mai, fi mai. | 1 juin.| — 148 » | 6 » |28 » |13mai. » sativum. L. 18 » — [28 » |25 mai. = — [23 » Triticum sativum. L. (x æst.) = —: [29 » — — 29 mai. | 5 juin. » » L.(Shyb)| — — [29 » |16juin.| — = 5 » | 4juin.| — |29mai. | 9 juin.| 5 juil.) — HAL Tulipa gesneriana. L. . .|21avril. Tussilago petasites. L. . — — . _ = — - _ — — {favril| — |17mars. Ulmus campestris. L. . . .|25mars.|22mars.|10 mai. |20mars.| 10 mars. 30 mars.| — — — |25mars.|{7mars.|30mars.| 1avril.| 6 avril S. Vaccinium myrtillus. L. . .| — |19mai. 24 » — — — [avril /2%avril| — — — |30mai. [13 » Valeriana rubra. L. + [{6mai. | — 125 » -- — _— — — |27mai. Veratrum nigrum. L. . = — [24 » — — _ — — — — — [1Gaoût. Verbena officinalis. L. . — — [12 » _— — — — _ — [{2juin| — 8 juill. Veronica gentianoïdes. L. . | — |1#mai. | 5 » — _ . -- mai. | — — |10mai. » spicata.L. . . — — [17 » — 6 juin.| — — 6 juin. Viburnum lantana.L. . . .| — mai. [29avril. 20avril.|20avril.| — — {30avril.| — |25avril.| 3mai. — |29avril.| {mai.s. » opulus. L. (fl, simp.) — [17 » [29 » |15mai. — — — [{4mai. — [f4mai. 17 » [17 juim 25 mai, |2 » &. » » L.(fl.plen.) | 9mai. 17 » |29 » |16 » | 6mai. | 9mai. | — To» Bmai. [14 » — [17 » [23 » |2»Ss. Vinca minor. L. . . . .|23mars.| Tavril. 22mars.| Bavril.| — |51mars| — Aavril.| 2avril.| 4avril.|10 févr. | Savril.| 8avril. Viola odorata. L. . . 18 » (|20mars|25 » (|23mars.26mars..23 » — = — |21mars.{6mars. 30mars| — |15 févr. p| Vitex agnus castus. L. — [19 juin. Vitis vinifera. L. (2 chas. doré) |16 juin.|153 » |17 juin.|13 juin.| 8 juin.| — — MOjuin.! — | S8juin| — |5juil.) — |itjuin.P. Waldsteinia geoïdes. Kit. .|31 mars |12avril. 28mars. Towe XXII. OBSERVATIONS Comparaison entre quelques plantes observées à Liége par M. De Seuxs-Loncouawps, et les mêmes espèces observées à Warenvme. 1 res RP Floraison. LIÉGE. | WAREMME. Feuillaison. LIÉGE. | WAREMME. Primula hortensis 19 févr. | 22 févr. || Salix babylonica . 26 mars. | 51 mars Cornus maseula . 27 » |2%4 » || Corchorus japonica 27 » 6 avril Anemone hepatica 22 » 26 » Syringa vulgaris . 30 » 19 mars Crocus mæsiacus . 29 : » 29 » Æsculus hippocastanum. 4 avril.| 2 » Prunus armeniaca 27 mars. | 31 mars Pyrus communis 5» 6 » Jacynthus bothryoïdes . 29» 31 » Robinia pseudo-acacia 22 » 9 mai. Prunus persica 4 avril.| 2 avril Magnolia yulan 4 5. » Corchorus japonica . Lie 6 » Pyrus communis . S.à 9 » Pyrus japonica > » 9 » Malus communis . 15 » 23 » Syringa vulgaris . 22 » 29 » Narcissus poeticus 22 » 23 » Æsculus hippocastanum . . . . 28.» 1 mai, Pœonia moutan (pivoine de la Chine) 28.» 5 » Glycine sinensis . 1 mai 8 » Narcissus jonquilla . 4 » 9 » | Convallaria majalis . 4 » 9 » Cytisus laburnum 5» 9. » Les vingt espèces indiquent toutes un retard (excepté l'avance de trois jours du Cornus mascula) dans la floraison à Waremme, dont la moyenne est précisément de 3 jours 5/1; une seule, le Crocus mæsiaeus, a fleuri le même jour dans les deux localités. n'ont eu qu'un jour de retard; n'a eu que deux jours » n’ont eu que trois 2 1 2 6 » 3 E] 1 quatre cinq sept n’a eu que huit » » » ” (la moyenne). » » » », » » Bien que ces observations soient trop peu nombreuses pour qu'on puisse en tirer une conclusion rigoureuse, la manière dont les chiffres se groupent donne une certaine vraisemblance à la moyenne de 5 jours 5/1 de retard pour Waremme, puisque sur les 20 espèces, un tiers (6) ont donné la moyenne, * ro et un quart (5) un jour en plus, ou un jour en moins. La moyenne de la feuillaison, observée sur six espèces seulement, nous donne la même moyenne de retard (4 jours) pour Waremme que celle de la floraison; mais il n’y a eu aucune régularité en consi- dérant les espèces séparément; de sorte que la coïncidence de la moyenne de 4 jours pourrait être re- gardée comme fortuite, si elle n’était la même pour la floraison, dont les retards se sont reproduits d’une manière beaucoup plus régulière. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. — NOMS DES PLANTES. sRUxEL. | can. |vivpenu.|osrenps.|st-rronv| vossez. | vucur. | PEssan. | pion. | swarrn.| municu. | sazz. (Fructification. ) Acer pseudo-platanus. L. . . — | 9oct. |2Doct. | 8nov. | — — — [Goct. |12sept. | — — |25oct. » campestre. L. . . . . — — [20 » — —— — — — 19 » — [i4oct. |30 » Achillea biserrata, Bbrst. . — [20 août.|30 août. » millefolium. L. — — [24 » |Taoùût.| — |23sept. Aconitum napellus. L. 2 août.| 1 » | 2 » _ = _ _ = = + a Æsculus hippocastanum. L. — |26sept. |20 sept. |24sept.| — |28sept.| — |10sept. |12sept.| — |27sept. |30 sept. » lutea. Pers. . _ — [18 » j ? » macrostachys. Mich. . — — |A » » pavia. L. . . — — 18 » Ajuga reptans. L. . . — [igjuin., — —_ _ — — — |3juin.| — 4oct. Alcea rosea. L. — —. [1Osept.| 4sept. Allium ursinum. L. . — 9 août. Alisma plantago. L. . . . — {28 juil.) — |30aoùt.| — |9août.| — _ faoût.| — Gsept. | © — Althæa officinalis. L. — [{Gaoût. Amygdalus communis. L. . — [28 » |i8août.|17sept.| — 3 sept. » persica. L. (3 mad.) 20 août.|26 » [23 » | 8 » — — 4sept.| — Saoût.| — &août.| — Anemone nemorosa. L. : _— 4 juin.| 8 juin.| — = — — — |15mai. — 1 juill. Angelica archangelica. L. . — [20 août.| 4sept.| — _ _— — — [21 juin. Antirrhinum majus. L. . — |7T » [10août.| 2août.| — — — — |ijuill| — | Toct. — Apocynum androsæmifol. L. . — — |{4sept. Arabis caucasica. Willd. . . d = 4 mai. Aristolochia clematites. L. . — |11sept. [10 oct. — = — — — [25sept.| — | 5 août. Arum maculatum L. . — — — — _ — Co — |45 juil), — [23 » Asarum europæum L. — — — — — — = — [24mai. | — |10 juin. Asclepias tuberosa. L. — — 4août. » incarnata. L. . A = — 4 » syriaca. L. _— — |4 » vincetoxicum. L. — — |10 » Asperula odorata. L. : — — 8 » Aster dumosus. L. . — — 1 sept. Astrantia major. L. — — [15 juill.|28 juin.| — — = — |6jul.|, — 5 août. Atropa belladona. L. — — | 3sept.| 4août.| — — De: — |7T — | Ssept. Avena sativa. L, . — — Saoût.|16 » — &août.| — & — & —., € Bellis perennis. L. . — — [11 juin.| 7 juin. Berberis vulgaris. L. — |22août.|26 aoùût.| 4sept.| — |27sept.| — — 2août.| — | 4oct. |30août. Betula alba. L. = RS CERTES AE — — [a0sept.| — (25 » |24 juil. si alnus. LL. ; . — — [19 » 2n0v. — — — |10sept. Bignonia catalpa. L. — | Yoct. |20sept.| — = — — — HToct, Bryonia dioïca. Jacq. — - — — — — —- — [12 juill. Buphthalmum cordifolium. W. — |{2sept.| 4sept.| — = — — _ — — [22 juill. Buxus sempervirens. L. . — — [igoct. |i5août.| — — = — [22 juill. Campanula persicifolia. L. . — [16 juill.|12août.| — —_ . — — 10 » — [19 juill. Carduus marianus. L. — — 4 Castanea vesca. L. — — — — _- — 4oct. — oct. — Cercis siliquastrum. L. . — |26sept.| — _ ne — | 1sept. 24sept. Ne 18 août. | | 44 OBSERVATIONS NOMS DES PLANTES. YINDERH. st-rRoND PESSAN. | DIJON. | SWAFFH.| MUNICH. (Fructification. ) Chrysanthemum leucanth. L. . . — — 1 juill| — = _ = — [20 juin.| — |15 juill. Chelidonium majus. L. . . . . — — 6 » — — [Ajuin| — — |[26mai. | — |12 » — [41 janv.] Colchieum autumnale. . . . . , _ — — —_ 42 — 22 — [12 juin. Colutea arborescens. L. . . . . — — | 1 sept.|28 oct. — | Convallaria bifolia. L. . . . . . — HOaoût.| 4août.|51 août.| — | 5sept.| — — [22 juil) — | 2août. Convolvulus arvensis, L. . . . . — MS » — 1418055 t » sepium.s ts . . . _# — — — _ — ee — [18 août. Coreopsis tinctoria. Nutt. . ES — [22 août.| 1 sept. Cornus mascula. L. . . . . . . — [12 sept.|16 août.|12 sept.| — |14 sept| — — Baoût.| — 7 oct. » sanguinea. L, . . . . . 22 — 146 » 40 » c'e A de — M9 :» — [11 » 50 oct. |14août Corydalis digitata. L. . . . . . Es — |6 » — _ — — — |25avril. | Corylus avellana. L. . . . . . . — [f6août.|26 » |24août.| — |17août.| 7 sept| — |25 sept.| — 6 sept.| 4 sept »'hécolurmas sur 4e — [28 » |28:5» » Hétubulosa,L. |. . à, = — [26 » Cratægus coccinea. L. . . . . . — [16 sept.|16 sept. »# Soxyacanthiarhi : +. à :. + — 16 » | 2sept| — — — — [25août.| — 9 sept.| 1 sept |26 août. » monogyna. Jacq. . . . . | — — 46 » Æ F2 L sx — — — — 9 » [44 9 | | Crocus mæsiacus. Curth. . . . . Ee — 6 juin. vi} “sativus, Smet 4 40" rs — 6 » » L vernnss Swan 4 à 12 + = _ 6 » ' Cynara scolymus. L. . . . . . — | Saoût.|95 juill.|, — | — — — — _[29août.| — |18 oct. | Cytisus laburnum. L. . . . . . _ 8 sept.|30 oct. | 1 sept.| — — — | Saoût.|19 juill! — |10 juil! —. |45 sept. » sessilifolius. L. . . . . . _— — [30 ,» | Daphne mezereum. L. . . . . . — [28 juin.| 1 août.| 6 juill| — — — + 3avril.| — 8 juill.| — 95 juin. Dianthus caryophyll. (v. gren.) . . — [20 juill.|22 » — — — _ — [28mai.| — |17 » Dictamnus albus. L. . . . . . . — [{0aoùt.|10 » — — — — — {25 juill| — | 9août. » » (Flpurp.). . . . _ — [10 » |241 juil) — — — — [27 » Digitalis purpurea. L. . . . . . — {47 juill. 40 » 9 » = ce + _ 6 » —_ 2 août. — 1 août. Echinops sphærocephalus. L. . . . _— — [12 » |15sept.| — — — Len 4 sept| — 2» Epilobium spicatum. L. . . . . — [i9août.|27 » — — — — — |40 juill. Evonymus europæus. L. . . . . — [20 sept.|30 sept.|19 oct. | — — — à 4 oct. — [13 sept. 10oct |24 sept. » latifolius. Mill . . . _ — |50 » (|26août.| — AS :2 z z es es — [50 août » verrucosus. Scop. . . — — [30 » < de 2% dE L Le és _ — |10 » Fagus castanea. L. . . . . . . — [28 sept.|30 » + — [29 sept.| : — _ Lu ee _— — |30 sept s (isylvaticas Le: % 2 015.0 — [98 » .|50 » _” ds 3 oct. | 4 oct. — [20 sept.| — À 4oct |13 juill. Fragaria vesca. L. (3 hortens.) . . |50mai. | 5 juin.| 1 juin.| 6 juin| — SE 2e — |26mai. | 8 juin.|17 juin.| — | 2 juin. | Fraxinus excelsior. L. . . . . . | — | 4 oct. | 20oct. | 6 oct. | — = — + — — |26août.| 6 oct » juglandifolia. Lam. . . . _ 1» 1 » » Ones Le 5 0: rue — — 1 » Fritillaria imperialis. L. . . . . = — [20mai. | — — — -- — [29 mai. Galanthus nivalis. L. . . . . . = — |30mars| — = ESS es — 4 » _— 1 juin. Gentiana asclepiadea. L. . . . . — 3 août.| 10 août. » cruciata, L. . . . . . _- — 9 » — — — _ — — — 27 sept. Geranium pratense. L.. . . . . — — [14 » — — — — — [{2juin| — 2 » Gladiolus communis. L. . . . . — _— 8 » _ — — — — {2% juill| — 116 » NOMS DES PLANTES. (Fructification. ) DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. BRUXEL.| GAND, VINDERH, OSTENDE+ St-rROND VOSSEL. YUCHT. PESSAN. DIJON. SWAFFH, MUNICH. SALZB, Glechoma hederacea. L. . . | Gleditschia horrida. Willd. | » inermis. L. . » triacanthos. L. . | Hedera helix. L, . | Hedysarum onobrychis. L. | Helenium autumnale. L. Helleborus fœtidus. L. . . . » niger. L. . Hemerocallis cærulea, Andrs. . | » flava. L. » fulva. L. | Hieracium aurantiacum. L. . | Hippophaë rhamnoïdes. L. | Hordeum hexastichum. L. . . sc vulgare. L. . . Hibiscus syriacus. L. | Hypericum perforatum. L. . Iberis sempervirens. L. . + Iris germanica. L. . . . . | Juglans nigra.L. . . . . » regia. L. . Lamium album. L. . . . . | Ligustrum vulgare. L. Lilium flavum. L. . . . » candidum. L. Linum perenne. L. Liriodendron tulipifera.L. . Lonicera periclymenum. L. » symphoricarpos. L. . » xylosteum. L. . Lupinus polyphyllus. Dougl. . Lychnis chalcedonica. L. Lythrum salicaria. L. Magnolia tripetala. L. » yulan. Desf. Malva sylvestris. L. . . . . Melissa officinalis. L. . Mellitis melissophyllum. L. Mentha piperita. L. . . Mespilus germanica. L. . Morus nigra. L. . Narci do-narcissus. L. r Nepeta cataria. L. À Nymphea alba. L. . . . Tome XXIIL. — | 9juin. — A1» — [20 août. — |26juill. — |18sept. — [20 août. — | 7juill. — [HOaoût. 10 août. 20 sept. 20 » 20 » 6 août. 6 » 28 juin. 22 août. 15 » 16 » 15 juill. 24 juin, 20 » 29 » 10 sept. 9 juill. 10 sept. 25 juin. 22 août. 22 sept. 6juill. 19 oct. 3sept. 5 » 5 » 4 juill. 24 » 1 sept. 29 août. 28 sept. 25 août. 4oct. 4nov. 29 juill. 4 août, 19 mars. 15 août. 16juill. 29 juill. 9 juill. 14 août. 9 déc. 25 oct. 21 août. 18 août. 15 sept. 25 juill. 16 sept. 24 mai. 20 août. 2 juin. 3 sept. 20oct. 45 août. 10 sept. 2 juin. 16 sept. 16 août. 24 juin. 19 juill. 15 août. 18août. 120ct. 22 juill. 28 mai. 25 juill. 16 août, 23 mai, 19 août. 29 juill, 16 août. 14oct. 23 août. 23 sept. 12 juill. 29 août. 23 août. 29 juill. 2 août. 9sept. 14oct. 12nov. 15 juill. 12juill. 10 oct, 16 sept. 10 sept. 15 oct. NOMS DES PLANTES. (Fructification. ) BRUXEL. OBSERVATIONS VINDERH, |OSTENDE. |St-TROND| VOSSEL. SWAFFH. SALZB. Orobus vernus. L. Oxalis stricta. L. . Papaver bracteatum. L. » orientale. L. Paris quadrifolia. L. ! Philadelphus coronarius. L. » latifolius. Schr. . Phlox divaricata. L. . » setacea. L. $ Physalis alkekengi. L. . Plantago major. L. Platanus occidentalis. L. Polemonium cœruleum. L. Polygonum bistorta. L. | Primula elatior. L. . . . | Prunus armeniaca. L. (B abricotin) . » eerasus. L. (B bigard. noir) . » var. austera . domestica (B gr. dam. viol.). » padus. L.. ! Pulmonaria officinalis. L. Pyrus communis (f bergamote). cydonia. L. . . japonica. L. malus (B calville d'été) . spectabilis. Aït. . | Quercus pedunculata. Willd. . » sessiliflora. Smith. Ranuneulus ficaria. L. Rhamnus catharticus. L. . » frangula. L. Rheum undulatum. L. . R hus corriaria, L. » : cotinus. L. Ribes alpinum. L. grossularia. L. (fr. virid.) . nigrum. L. aubrom. Lure 0 » L. (fruct. albo.) . Robinia pseudo-acacia. L. Rosa centifolia. L. » gallica. L. . . . Rosmarinus officinalis. L. . Rubia tinctorum L. , . . 29 juill. 12 juin. 19 juill. 14 août. 14 juill. 17 juill. 16 juin. 5 août. 16 juill, [20 juill. . 24 juil. .110 » .[40 juill. .[16 août. 21 juill. 4 août. 2% » 29 août, 16 août. 16 » 2 août. 4 29 » 2 sept. 16 oct. 14 juill. 25 » 20 juin. 28 juill. 14 juin. 14 août. 29 juill. 15 août. 14 juill. 45 juill. 29 |» 6 juin. 50 juill. 29 sept. 10 » 24 juill. 11 » 2 oct. 20 » 25 juin. 16 sept. 20 juill. 22 » 4 juill, 10 juill. 13 19 11 11 28 juin. 10 » 3 sept. 19 août. 15 août. 13 juin. 17 août. 25 juill. 28 août. 25 juin. 19 juin. 17 août. 5 août. 15 oct. 20 juin. 2 » 24 mai. 16 juill. 10 juill. 23 mai. 4 oct. 4 oct. 15 juin. 10 sept. 6 oct, 28 août. 2 août. 20 sept. 21 » 16 sept. 12 juill. 25 oct. 22 juill. 142 » 27 mai. 23 août. 15 juill. 16 sep. 26 sept. 23 sept. 29 juill, 26 juill. 11 oct. 20 sept. 10 juill. 50 août. 20 sept. 10 nov. 20 sept. 25 oct. 30 oct. 15 sept. 19 juill. 21 juin] DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. er annee NOMS DES PLANTES. BRuxEL, | GAND. |vinoenu.|osrenps.|st-rRon| vossez. | vucur. | PESsAN. SWAFFH: | MUNICH. | SALZB. (Fructification. ) Rubus idæus. L. . 20 juin. [18 juill. | Gjuill. | 2juill.| — |18juin 95 juin — [20juin.| — |19juill.| — Ruta graveolens. L. . ee — |26août.|29sept.| — Dre — — [24août.| — Toct. Salix caprea. L. . . . . . . — — + — — — — — f10mai.| — — |{5mai. Salvia officinalis, L. . . . — — [24juill. [22juill. | — [20aoùût.| — — [28juin.| — 8août. Sambucus ebulus. L. . . — — [6août.| — — — — — [iBaoût.| — Ca Re » ne Len) .—. à — [{8août.16 » |18août.| — 8sept. |20 sept. |16août.| 8 » — 2sept. | 8sept. » racemosa. L. 53 — [16 » — “D — — — J{8juin.| — ra Le Saxifraga erassifolia. L. — [{8juin. ôjuin.| — — — -- — [8 » — [12juill. Scabiosa arvensis. L. Fe — [20 août, » succisd.Ln.5. . TE — |a4juill| — — [22juill | — — 1 sept — | 9sept. Scrophularia nodosa. L. — | 4août.[22 » — — [24 v — — [22juin — ÿaoût. Secale cereale. L. . . é — 46 » bjuill| — |8 » | S8juil.| — |6Gjuil.| — 12 » — Sedum acre.L. . Frs — |{Gaoùût.|29 » » album. L.. . . . . ad — [12 » » telephium. L. . . . . _ — |16 » — = _ — — Ji8août.| — |27sept. Solanum dulcamara. L. . . . _ — [14 » |28juil.| — — — — |a4juil|, — [9 » Sorbus aucuparia. L. — [28 août.|12sept. [12août.| — T — [{4août.| 4août.| — — |24sept. 10 juin. » domestiea. L. = — [12 » » hybrida. L.. Tr — [12 » Spartium scoparium. L. . . . — [28 août.|24 août. |50 août. Spiræa bella. Sims. . . . . = — |4 » filipendula. L. . — 18.» » hypericifolia. L. Fe — [Mo = — a: ur — |20juin. ». Jævigata. L. . + = |17:» Staphylea pinnata. L. — Ji8août.|42 » | 2sept.| — ru T — [12juill. » trifolia. L. — — [8,9 — — = jui — — = Der — [10 août Statice armeria. L. _ | 6h» — — Æ a — [6juin.| — |24juin. » limonium. L. + — 7 » Symphytum officinale. L. — Li |[50:» — _ _ æ — [igjuin.| — [iSjuil.| — |51juin Syringa persica. L. — — 1sept. » rothomagensis. Hort. — — 41» » vulgaris. L. . — [22août.| 1 » |13sept. = _ — [gtaoût.|48août.| — |20sept. Taxus baccata. L. — — [18 » a — F F. — — = — | Goct. Thymus serpillum. L. — — |{gaoût.|{2juin. » >] vulgaris L.. 4! . : à + _ 149 » + — 4 oct. Tilia americana. L. . . . a — | Gsept. » microphylla. Vent. . . — — [8 » = — — os — [aSaoût.| — [12août.| 4 oct. » platyphylla. Vent.. . — |'Asept.| 8 » = — Ge LS — | 8sept. Tradescantia virginica. L. . — — [29août.| — — 3 = — [98juin.| — |12août. Trifolium pratense. L. En — {juil | — — = — [20 » 0 10: — [29 juill Triticum sativum. L. ( B aestiv.) . — — [20 » dE — |98juilll| — | 7juil. » » L.(B hybern.). — — |20 » | Saoût.| — | Saoût| — |7 » |iojuil.| — |16août. Ulmus campestris. L. = — | 4oct. 5 — ss = — {15mai. [25 août.|10 juin. [30 mai. [19 mai Vaccinium myrtillus. L. = 7 juill. {4juin.| — — f[itjuin.| — _— Le — 19juilll | — |14juin | 48 OBSERVATIONS NOMS DES PLANTES. BRUXEL. YINDERH. |OSTENDE, |St-TROND| VOsSEL. | vucur. | Pessan. | p1son. | swarrx.| municu. (Fructification. ) Veratrum album. L. . , . = | Verbena officinalis. L. . . . . LA Veérbaseum thapsus. L. . . À — Veronica gentianoïdes. L, . 44 juill.|10 juill. » spicata. L.. . . — 13 » | Viburnum lantana. L. . . : 20 sept. |16 sept.|22 juill. 20 juill. » opulus. (fl. simpl.). 2 — [16 » |22août. 2% » » » (fl.plen.). . . er 16 » Le + | Vinca minor. L. . . . . . . — [27 juill. Viola odorata. L.. . . . . . 2 juin. 20 juill. 12 juill.|16 mai. Vitis vinifera L. (B chass. doré.) . 20 sept.|15 août. |26 oct. | Waldsteinia geoïdes. Kit. . . . NOMS DES PLANTES. |sruxez.| can. |vixoenu.|osrexne.|st-rnonn| vossez. | xamun. | vucur. | ressan. | prsox. | swaren.| municu. | sr. (Ghute des feuilles.) Acer campestre. L. . . .| 1nov. — [20 sept.|18 nov. | 9 nov. — 1 nov. — — [1Goct. | 1 nov. |25 oct. |50 oct. » pseudo-platanus, L. .| 1 » | Ænov.|29 » |92 » | 7oct. |28 oct. |20 oct. — |iBoct. O0 » |3 » — |24 sept. » saccharinum. L. . . — 4 » | Goct. [22 » | 3 nov. » tataricum. L. . . . — — 6 » _ 7 » l Æsculus hippocastanum. L. . |15 oct. |26 oct. |22 sept. |20 oct. — {22 oct. |20 oct. — 4 oct. |30 sept.| 3 nov. |18 oct. | 5 nov. » lutea. Pers . . . _— E 1480 + FA — [50 sept.| — Le Si ete UC ds » pavia.L.. . . .|150oct. — [24 » |25 oct. | 6 oct. » macrostachys. Mich. | — — [27 » Amygdalus communis. L. .| — | 7 nov. |20 oct. |26 oct. — |{Boct. — — = + de Lan a » persica. L.(BMad.). |30 oct. | 4 oct. [20 » |29 nov. [13 nov. _ 2 nov. _ — |1Goct. |26 nov. |18 oct. Aristolochia sipho, L. . .| — 126 » [|29aoûùt.| — — — | 8oct. l Betula alba.L. . . . . . _ — [18 oct. |16 nov. | 7 nov.|24 oct. |18 » |15 oct. |18 oct. | 4 oct. [16 » |30 oet. |25 oct. $: alnus. Li . . : | = — [30 » |20 » | 1 déc. |26 » |16 » | Berberis vulgaris. L. . . . — Gnov. [15 » |23 » | Gnov.| 5nov.| — — — |1Goct. — |30 oct. — | Bignonia catalpa. L. À — PS, AR ne 18 ST 7 En — [i2nov.| — — 18 » — [1 » — | Carpinus americana. Mich. .| — |28 oct. [25 » — — | Soct. ; | » betulus. L. . . . _— — [25 » — — — [22 oct. — — Tnov.| — |30 oct. | » orientalis. L. . . — — [25 » | Cercis siliquastrum. L. . . — 1nov.| 4 » |18nov.| — — — — [250oct. |17 oct. — [22 oct. | Corchorus japonicus. L. . .| — |8 » |16 » |13 » 129 nov. | 9 oct. [15 nov.| — + - [16 1» — [28 » | 5 nov. l Cornus alba. . . . . . 120 oct. — — — [30 oct. | Corylus avellana. L. . . .120 » {26 oct. | 4oct. |20 nov. | — [12 oct. |26 oct. |15 oct. — {10oct. |18 nov. |28 oct. | » colurna, L. : … : — [26 » |4 » DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 49 NOMS DES PLANTES. |pnruxez. VINDERH. |OSTENDE. |st-TROND| VOSSEL. PESSAN. SWAFFH. | MUNICH. (Chute des feuilles.) Corylus tubulosa. Willd, . Cratægus coccinea. L. » monogyna. Jacq. » oxyacantha. L. Cytisus laburnum. L.. . 14 oct. » sessilifolius. L. Evonymus europæus. L.. . » latifolius. Mill, » verrucosus. SCop. = | Fagus castanea. L.. . . . + = »:,sylvaticn) L. . . . 15 nov. . [15 nov. |25 oct. | Fraxinus exeelsior. L. . . — 1 » |26 août. » juglandifolia. Lam. | » ornus. L. . . . Ginkgo biloba . . . . . Glycine sinensis. Lodde . Gleditschia inermis. L. . » horrida. Willd. . » triacanthos. L. . Le | Hippophaë rhamnoïdes. L. . 12 n0v. Hydrangea arborescens. L. — | Juglans regia. L. . . . .|15oct. |240ct. » | nigras ls. …i. | = Mi» | Lonicera periclymenum. L.| — 4nov. 5 7 ÿ 2 6 5 5 ETS SENS RER UT = 1 symphoricarpos. L. | — |27oct. tatarica. L. . .| — 4nov. 18 oct. | xylosteum.L. . , — 25 nov. | Lyriodendron tulipifera. L. . 22 oct. 22 sept. | Magnolia tripetala. L. . . 20 » » yulan. Desf, . . 2% » 15 oct. | Mespilus germanica. L. , . 4nov. 12 » | Morus nigra L. . . . . 1» . 15sept. :Philadelphus coronarius. L. 28 oct. 16 oct. ë 18 oct. » latifolius. Sch. 28 » Platanus acerifolia. Wild. . 7Tnov. | 5 23 oct. » occidentalis. L. . — | Populus alba. L. . . . 2 nov. . 20 sept. ». fastigiata. . . . —_ 7 oct. » balsamifera.L. . . 4 nov. » tremula. L. . . . 4 » | Prunus armeniaca. L. (Babr..) 20 oct. 0 28 nov. » cerasus. L. (B big. n.) [25 oct. |16 » -— » domestica. L.(Bgr.). [25 » — € ipadusuils «+ 07. | 4 + ; = Ptelia trifoliata. L. . . .| — Tome XXIII. 9 50 OBSERVATIONS NOMS DES PLANTES. |s5ruxez. vixoeru.|osrenpe.|st-rRoND| vOssEL. | NAMUR. PESSAN. MUNICH, (Chute des feuilles.) Pyrus communis. L. (8 berg.). | 1 nov. | — |10oct. 4nov. — » japonica, L. . . .| — |18 nov. |19nov. | — 40 oct. » malus. L.(Bcalv. d'été) [25 oct. [22 oct. |16 oct. 2 nov. 44 >» 18 oct. ». … spectabilis. Ait. . .| — |18oct. | — Quercus pedunculata. Willd, | — 24 oct. 28 oct. 10 nov. » sessiliflora. Smith. |15 oct. 24 oct. 7 LS Rhamnus catharticus. L. . = 12 nov. 25 oct. » frangula. L. . .|10 nov. 12 » — [{8oct. | 'Rhus- coriaria. L.. . , ,| — 22 oct. ». cotinus. L. . . . = + ie 30 sept. U » typhina.L.. . . .115 oct. 14 nov. | Ribes alpinum. L. . 1 -— 5 déc. Ù >» grossularia.L. . . 1 nov. — j — 2.4 nigrum. Le À 400 30 nov. — » rubrum.L. , . . .|10 sept. 18 oct. 20 juill. | Robinia pseudo-acacia. L. 4 nov. 10 oct. » viscosa. Vent. . .|1 » | Rosa centifolia.L. . . QU RE Goct. » gallica. L. . . — Rubus idæus. L. . 22 sept. » odoratus. L. | Salix alba. L. . .. . . » babylonica.L. . : - | déc. Sambucus ebulus. L. . . . ie 20 oct. » nigra. L. . 7 nov. - 13 » » racemosa. L. . A 20 août. Sorbus aucuparia. L. . . 14 oct. 12 sept. » domestica. L. . . . Te | Spiræa bella. Sims. » hypericifolia. L. . 15 oct. » lævigata. L. Staphylea pinnata. L. . . 29 août. » trifolia. L. . . . Lu Syringa persica. L. . . . è — » rothomagensis. Hort. —. {18 » vulgaris. L. . . . 12 » 13 oct. 20 sept. Tilia americana, L. . . . 27 sept. - —— Ca » parvifolia. Hoffin. . 29 sept. 22 sept. 4 oct. » platyphylla. Vent, . . |18 oct. 27 » 4 oct. — |250oct. Ulmus campestris. L. . . . |25 oct. 30 » 22 oct. |25 oct. Vaccinium myrtillus. L. . .| — 4nov. 11 oct. — Viburnum lantana, L. . .| — 30 oct. 5 nov. » opulus.L.(f.simp.) | — 1 30 sept.|28 oct. » » L.(f.plen.) |10 nov. - 50 » |25 » Vitis vinifera. (3 chuss. doré). | 1 » - è 3 22 » DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. di PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES NATURELS. RÈGNE ANIMAL. Observations ornithologiques faites dans les environs de Bruxelles, pendant l'année 1848 ", Janvier Février Mars %, 5. EN . Fringilla domestica, commence à . Corvus monedula, s'apparie; 27 mars, . Tetrao perdiæ, sont accouplés. . Emberiza miliaria , chante. . Charadrius pluvialis, passe. . Fringilla cannabina, passe. . Emberiza citrinella , chante. . Fringilla cœlebs, passe accouplés. Mai . Anser segetum , passe. . Sylvia tithys, arrive. + Phyllopneuste trochilus , arrive. par M. Vince. PÉRIODE DE PRINTEMPS. 26 et 27. Turdus viscivorus, passe Mars à l’est. Fringilla cœlebs et Parus major 26. Motacilla troglodytes , s’accouple. 27. Hirundorustica. Première apparition. 50. Sylvia atricapilla, arrive. commencent à chanter. Avril 13-14. (nuit du). Perdix coturnix. Pre- s’apparier; 15 avril construit son nid. construit son nid ; 20 avril, jeunes. mière apparition. 14 (versle). Emberiza hortulana. Pre- mière apparition. 15. Æirundo riparia, arrive. 18. Æirundo urbica, arrive. 19. Muscicapa griseola, arrive. 19. Cuculus canorus, arrive. 19. Sylvia luscinia, arrive. Turdus viscivorus, passe. 24-25 (nuit du). Tringa cinclus, passe. 27. Cypselus apus, arrive. 1. Columba palumbus, arrive. 4. Rallus creæ, arrive. 15. Æippolaïs icterina , arrive. 1 Observations à ajouter à la liste de 1847 : 19 décembre 1847, Charadrius pluvialis, passe par troupes tres-nombreuses. Même date, Fringilla linaria, passe en grand nombre. — 21 décembre, Anser date, Alauda arvensis , arrive dans les champs en grand nombre. ; séjourne dans les environs. — Même J 52 Juillet 10-15. Emberiza hortulana , commence à Septembre émigrer. 20. Hippolaïs icterina, commence à émi- grer. Août 2. Ciconia alba, passe, Passe encore le 25 et le 28. 10. Æirundo apus, émigre. Octobre 17-18 (nuit du). Tringa cinclus, passe. Passe encore dans la nuit du 4 au 5 septembre. Septembre 7. Motacilla flava , commence à passer. 15. Æirundo riparia, émigre. Février 15. Vespertilio pipistrellus, apparaît. Avril 50. Chrysomela sanguinolenta. Mars 6. Rana temporaria (réveil). Mai 28. Cicindela campestris. CÉRÉALES. Avril 15. Le colza commence à fleurir ; 16 juin, Juin on commence à le récolter. 50. Le seigle montre ses épis; 14 mai, commence à fleurir ; 18 juillet, on commence à le couper. OBSERVATIONS PÉRIODE D'AUTOMNE. 2. . Fringilla cœlebs , passe. . Corvus cornix, commence à passer; 19 . Alauda cristata, Fringilla chloris, Fringilla montifringilla, Frin- gilla cœlebs, Alauda arvensis, passent. Ce dernier passe encore le 8 et le 29 octobre en grand nombre. Turdus musicus, passe. passe encore le 21. . Fringilla linaria , passe. . Fringilla carduelis , passe. . Melolontha vulgaris. 19. 17. Elater cruciatus. Clytus arietis. . Le froment montre ses épis et fleurit 20 juillet, on commence à le cou- per. Observations faites à Waremme, en 1848, par MM. Ds Sezys-Lonccnamps et Michel Gxaye. Janvier 8. 20. 27-29. Février : 8. PÉRIODE DE PRINTEMPS. Anser segetum, Anthus spinoletta, Cygnus musicus, sur la Meuse, Turdus pilaris, passe. Erioptera, vole. passent. \ Février . Parus major, . Troglodytes europeus, . Alauda arvensis , . Anser segetum , passe. . Corvus coraæ , commence son nid. . Jeunes lièvres, âgés de deux jours. chantent. Février Mars Mars Avril Août Septembre Octobre DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. . Corvus frugilegus, par couples. . Accentor modularis, . Fringilla carduelis, . Perdix cinerea, par couples. . Charadrius pluvialis, commencent à } chantent. repasser. . Emberiza citrinella , chante. . Turdus musicus, } commencent à » tliacus, repasser. Ruticilla rubecula, chante. . Fringilla cœlebs, chante. » domestica, par couple. . Columba palumbus, roucoule. . Corvus frugilegus, . Pica caudata , } . Charadrius pluvialis , repassent en- commencent leurs nids. core. . Colias rhamni, vole. - Fringilla montifringilla, . Regulus ignicapillus, } repass'. Vanessa urticæ, vole. . Corvus coraæ, éclosion des petits. . Rana temporaria, . Vespertillio pipistrellus, . Anthophora, vole. } réveil. Ruticilla tithys, arrive à Liége. . Vanessa polychloros, vole. . Geotrupes stercorarius, vole. . Trombidion , apparition. . Scolopax rusticola, repasse. . Grus cinerea , repasse. . Rana temporaria, coasse. . Turdus musicus, chante. 1. Rulicilla phœnicurus, arrive. 26. 28 .29. 10. 16. 22. 25. 25. 28. 4. . Anthus pratensis, repasse. Avril Mai PÉRIODE D'AUTOMNE. . Loæia curvirostra, passage acciden- tel. Muscicapa ficedula , commenc: à Ruticilla phœnicurus, repasser. Ciconia alba , passe. Regulus ignicapillus, Turdus musicus, passent. Parus ater, Hirundo urbica, ; : } émigrent. » ruslica, Grus cinerea, passe. Corvus cornix , arrive. Octobre Décembre . Pieris rapæ, . Bombylius medius, . Totanus hypoleucos, repasse. . Grus cinerea, repasse. . Clupea alosa, remonte la Meuse à . Hirundo rustica, . Sylvia atricapilla, . Cuculus canorus, Phyllopneuste trochilus, arrive. | volent. Liége. | arrivent. Motacilla flava, arrive en grand nombre. . Anthus pratensis, grand passage. Ruticilla luscinia, arrive. Aie arriv' et pass'. Sylvia cinerea , 17. Pieris cardamines, vole. 18. Sylvia curruca , arrive. 18. Satyrus ægeria, vole. 20. Coturnix dactylisonans, } x 28. Oriolus galbula, Ar 1. Muscicapa ficedula, rep 1. Cypselus apus, arrive à Liége. 1. Zanius rufus, dre 1. Saxicola rubetra, f Eee 2. Hippolaïs icterina, arrive. 2. Vanessa Lo, vole. 3. Hirundo urbica , arrive. 3. Melolontha vulgaris, 5. Papilio machaon , | 5. Agrion minium , Sotént 9. Püeris brassice, ENT 9. Calopteryx virgo, | 11. Zibellula depressa, 12. Coturnix dactylisonans , chante. 14. Calamoherpe palustris, arrive. 9. . Eristalis intricaria, vole en grand nombre sur le Lierre. . Grus cinerea, passe encore. . Turdus iliacus, commenc! à Scolopax rusticola, passer. . Fringilla spinus, arrive. . Grus cinerea , passe encore. Vespertilio pipistrellus, vu pour la dernière fois. Vespertilio pipistrellus , vole de nou- veau à Liége, par une température de + 12° centigrade. Apparition du choléra le lendemain à Liége. D4 OBSERVATIONS Extrait des observations sur les coléoptères, faites à Namur, en 1848, Février 29 Mars 5. 95 Avril 18 Septembre 9. 19. 25: Octobre 4. Avril 22 . Geotrupes stercorarius. . Meloë proscarabœus. . Cicindela campestris. par M. Jules Brapanr. PREMIÈRE APPARITION. Avril Coccinella septem-punctata (Bête à Mai Dieu). Carabus auratus. . Melolontha vulgaris. (Hanneton). DERNIÈRE APPARITION. Chrysomela tenebricosa. Carabus auratus. Necrophorus humator. 25. Procrustes coriaceus. . Arrivée des hirondelles. | Avril 25 50. . Platycerus caraboïdes. . Silpha quadripunctata. . Elater hæmatodes. NU à Où OI = Novembre 12. Chrysomela tenebricosa. » pectinicornis. . Carabus auronitens. Sitophilus granarius (charançon du blé). Geotrupes stercorarius. . Le seigle montre ses épis. Observations sur les reptiles, faites à Namur, par M. le professeur Auguste Beccvnex. Février D 26. Mars Salamandra. | Anguis fragilis. | Mai 1: Coluber natrix. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. DD Observations faites à Bruges, en 1848, par M. Th. Forsrer. Avril 29. Hirundo urbica , arrive. Cuculus canorus , entendu. Septembre 15. Sturnus vulgaris en grand nombre sur le clocher de Bruges. 19. Æirundo rustica,commenceson départ. 20. Æirundines, considérablement moins nombreuses. Septembre 20. Hirundo urbica, se réunit sur les toits. Novembre 14. Scolopax arcuata (Courlis). Passent en grand nombre pendant la nuit, faisant entendre leur cri bien connu des ornithologistes. Observations faites à Ostende, en 1848, par M. Mac-Lror. 2. Quatre cygnes dans le port. 6, 7, 8, 9, passage considérable d’oies. 17. Vu mésange charbonnière. Mars 6. Vu une grande troupe d'oies se diri- geant NNE. La nuit ;srand passage d’oies. 9, 15, 16, 27. Passage d’oies. 15. Les Corvus cornix (qui séjournent ici chaque hiver) sont réunis en troupes. Leur départ a eu lieu entre le 15 et le 18. Le passage des Corvus cornix a été presque nul cette année; vu quelques-uns seule- ment le 18 et le 24; au contraire, en 1847, depuis mi-mars jusqu’à mi-avril, tous les jours aussi loin que les yeux pouvaient se porter sur la campagne, on les voyait passer incessamment par petits groupes. 15. ‘Alouettes chantent. 17. Vu bergeronnette blanche. 17. Les petits oiseaux commencent à passer. 25. Entendu chanter le rossignol de mu- raille, on le nomme ici roodbleeks- steert ; c'est peut-être bien le Ruti- cilla tithys. Avril 4. La fauvette chante. 10. Les bergeronnettes blanches se pour- suivent et s’entrebattent. Janvier Septembre 10. Le rossignol chante (dans la station, mais il quitte ce lieu après peu de jours). 10. Vu une hirondelle, hors de la ville. 13. Vu premières hirondelles en ville. 26. Vu chauve-souris en ville. 26, 29, et 1°° mai, vu troupes de bergeron- nettes jaunes. 27, 28, 29, 50, le soir, vent d'Est, passage de pluviers. Mai 2. Et encore le 26, passage du pluviers ? 4. Hannetons. Juillet 50. La nuit, pluie. Passage considérable d'oiseaux. Pluviers. Août 2, 4, la nuit, passage considérable d'oi- seaux. Pluviers. 8. La nuit, pluie. Passage considérable d'oiseaux. Pluviers. 18. Vu une troupe d’ortolans. 18-19. Départ des martinets. 24, Quatre cigognes passent. 26-27. La nuit, passage de pluviers. 29. Entendu de nouveau le rossignol de muraille, qui s'est tu pendant plus de deux mois. Septembre 20. Les étourneaux en grandes troupes dans les pâtures. 25. Les hirondelles se rassemblent. 23. Les petits oiseaux commencent à passer par troupes. 36 Septembre Octobre OBSERVATIONS 25. Vu bergeronnette blanche. 27, 28. La nuit. Passage considérable d'oiseaux. Pluviers, etc. . Départ des hirondelles. 29, 50. Passage continuel de petits oiseaux, par petites troupes. 1, 2,5, 9, 12, 96, 29 et 50, passage con- tinuel de petits oiseaux, par petites troupes. (Parmi ces oiseaux il y a eu des becs-croisés, vers le milieu d'octobre). 1. Corvus cornix , commencent à pas- ser. 2, Vu deux oiseaux, comme des cigognes Octobre Novembre ou des grues, décrivant des cercles à une très-grande hauteur. 2, 5, 4, etc., jusqu’au 30, les Corvus cornix , passent tous les jours plus oumoinsnombreux, et même encore le 2 novembre, et, le 20 novembre, par un vent violent du SSO, en compagnie de petits oiseaux. 18, 27. Oies passent. 450077» passent. 6. Vu mésange charbonnière. Décembre 25, 24. Oies passant. 29. Passage considérable d’oies. 51. Oies passent. Observations faites à S'-Acheul près d'Amiens, en 1848; par M. le professeur Bacu. Avril Mai Mars 18. L’hirondelle de cheminée ( Æirundo rustica) apparaît. 25. L'hirondelle de fenêtre (ÆZirundo ur- bica) arrive et disparaît le 26. Il en arrive d’autres le 27. 1. Les premiers hannetons. 8. Arrivée du Cypselus apus (martinet). Septembre 15, 16 et 17, les hirondelles de fenêtre se 4. Fauvette à tête noire. arrivée. 18. Tortue de terre. Testudo græca, tor- peur cesse; 26 mars, accouplement. Octobre Mars 6. Il sont assemblées en grand nombre ; les cinq jours suivants il s’en trou- vait encore quelques-unes; le 24, il n’y en avait plus. s’en est montré encore un grand nombre dans la matinée: c'était sans doute une colonie du Nord qui ne faisait que passer. Observations faites à Paris, en 1847, par M. Dureau DE LA Maixe. 18. Chauve-souris, torpeur cesse; jusqu’au 28, se montre chaque soir. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. d7 Observations faites à Mauves (arrondissement de Mortagne), communiquées par M. Dureau ve LA Maze. Octobre 10. 20. Janvier Février Mars Avril z: 2 ss Mai “us Août 20-27 Septembre 4 4. 4. 1846. Râle de genêt (Crex pratensis), parti. Caille (Coturnix dactylisonans), par- tie. Octobre 1847. . Grive (Turdus iliacus). . Merle (Turdus merula), a sifflé. . Oies sauvages, repassées. . Fauvette à tête noire (Sylvia atrica- pilla), reparue. . Hirondelle de cheminée (Hirundo rus- tica) , arrivée. Queue de Poêle, Lavandière (Hota- cilla alba) , arrivée. Chauve-souris (Vespertilio), réveil. . Sittelle (Sitta europæa), arrivée. . Rossignol à tête noire (Sylvia phæni- curus ?), arrivé. . Pouillot (Phyllopneuste trochilus), arrivé. Gripeux (Certhia? Tichodroma ?), ar- rivé. Coucou (Cuculus europæus), arrivé. . Pupu (hupe, Upupa epops), arrivée. . Martinet (Cypselus apus), arrivé. . Rossignol de nuit (Ruticélla.…) arrive. . Engoulevent(Caprimulgquseuropæus), arrivé. La Caille (Coturnix), arrivée. Le Loriot (Oriolus galbula), arrivé. . La Tourterelle (Columba turtur), ar- rivée. . Loriot (Oriolus galbula), départ. . Engoulevent ( Caprimulqus euro- pœus), parti du 27 au 30. Tourterelle (Columba turtur), vue le 7. Hirondelles de fenêtre (Æirundo ur- Towe XXII. Septembre 26. Octobre 4. 2, Mauvis (Turdus iliacus) , arrivée. 5. Oies sauvages ( Anser segetum?), passent. bica), en troupe de 300 à 400. Le 20, instruisent les jeunes à les sui- vre; les vieux s'élèvent en l'air à perte de vue. Départ, le 22, à Mau- ves, Secz-le-Haras et Alençon où je les ai observées le 22 et le 25. 98 au 2 octobre. Engoulevent (Caprimul- gus europæus), parti. Sittelle (Sitta europæa) , entendu. Torcol (Yunx torquilla), entendu chanter. . Vanneaux (Vanellus cristalus), vu en en troupes. . Hirondelles de fenêtre ( Zirundo ur- bica), revu quelques-unes à 4 heures du soir. Vent S., éclairs, tonnerre, vent tourné du NE. au SO., pluie douce, de 12 heures, le 5. . Torcol, Grimpereaux, encore vus et entendus; Caille, Torchepot, le 15. . Bécasses, à Mortagne, arrivées et mises au marché le 13, après 2 jours d’o- rage et un vent du SE. . Yu la Bergeronette jaune. . Vu des Bécasses en vente à Mortagne. . Chauve-souris (Rhinolophes), vu le soir, à 5 heures. . Oies sauvages (Ænser segetum), arri- vées. . Corneilles (Corvus cornix). 10 D8 Février Mars 6. 15. 10. 15. 18. 18. 20. 50. 50. 50. OBSERVATIONS 1848. La grosse Grive (Turdus viscivorus), a chanté. Le Merle (Turdus merula). Oies sauvages ({nser segetum) , pas- sage. Queue de Poêle à tête noire (ota- cilla alba). Chauve-souris (F’espertilio). Pouillot (Phyllopneuste trochilus). Petite Mésange (P. ater?). Le Rossignol à tête noire (Sylvia phæ- nicurus?). La Bécasse a disparu. L’Hirondelle a été vue. Avril Mai 1. : 1 2. 14. 15. 29. 29. 50. 19 => = . Le Loriot (Orüiolus), . La Tourterelle (Turtur), . La Caille (Coturnix). Le Coucou (Cuculus canorus), a été entendu. La Huppe (Upupa epops). L’Engoulevent (Caprimulqus euro- pœus), a été vu. Le Martinet (Cypselus apus). Le Rossignol (Ruticilla luscinia). Le Torchepot (Sitta). Le Pouillot (?hyllopneuste trochilus). Le Torcol (Yunæ torquilla). jont chanté. Observations faites à Auch, département du Gers, en 1848, par M. RAUCQUEMAUREL. Mars Avril Mai Juin Septembre Octobre 25. 15. 16. 19. 50. 2e Hirundo rustica, arrive, vu un indi- vidu. Cuculus canorus, chante pour la pre- mière fois. Sylvia luscinia, chante dans les haies. Perdix cothurnix, chante dans les blés. Oriolus galbula, arrive, vu plusieurs individus. . Columba turtur, commence à rou- couler. . Cantharis, première apparition. Fringilla cœlebs, arrive. . Ciconia alba, se dirigeant vers le Sud, un seul individu. Rusticola vulgaris. Vu une seule, ce n’est que longtemps après qu’on en a vu d’autres individus. Octobre 4; 19 No «1 æ ce 1 a Hirundo rustica, réuni en troupes depuis plusieurs jours, commence à se diriger vers le Sud. Passage de différents petits oiseaux Tarins, Serins, etc. . Sylvia rubecula , arrive dans le pays. Columba palumbus, individus peu nombreux, se dirigeant vers le sud. . Turdus iliacus, arrive en très-petit nombre. Regulus cristatus, arrive dans le pays. . Corvus corone (ou plutôt Cornix?) “individus très-peu nombreux, arri- vent. Troglodytes europœus , arrive dans le pays. Novembre 14. Anas boschas, en très-petit nombre. N. B. Il est à remarquer que l'on n’a pas vu, cette année, de passages d’oies , canards et autres oiseaux aquatiques. La Corneille corbine, qui, dans certaines années, est très-commune en ce pays, y est arrivée en très-petit nombre; il peut être utile de remarquer aussi que la grive mauvis (Turdus iliacus) , autrefois très-commune dans les vignes, devient plus rare d'année en année, On peut en dire autant de la bécasse commune. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 59 Observations de Strasbourg, communiquées par M. A. LEreBouLLEr, Secrétaire de la Société du Muséum de Strasbourg. Août 15. Départ des cigognes. Septem. 12-18. Premier départ des hirondelles. 1845. Octobre 20. Départ des dernières hirondelles ; on n’en voit plus en ville le lende- Février 24. Arrivée des cigognes. Mars 15. Jaseurs de Bohême. 14. Merles d’eau, Février 22. Arrivée des cigognes. Mars 8. Jaseurs. 5. Bécasses. 14. Merles d’eau. 19. Alouettes en troupes. 25-29. Foulques, pluviers, bécassines. 50. Hirondelles. Février 24. Premières cigognes, bécasses. Mars 17, Arrivée des cigognes en troupes. N.B. On n’a pas fait d'observation en 1847. l 1844. Avril Avril Août Avril main. Pendant le mois d'octobre on ne voyait ces oiseaux qu’en très- petit nombre. 7. Martinets. Les hirondelles de cheminée semontrent quelques jours plus tard. 11. Coucou. 2. Fauvettes. 17. Rossignol. 18. Coucou, cailles. 16. On voit partir une troupe considérable de cigognes qui se dirigent vers le SSE. 2, 5. Premières hirondelles. 60 Février Mars Avril Juin Janvier Février Mars Avril OBSERVATIONS Observations faites à Polperro, par M. Jonathan Coucu, F. L.S., etc. 19 . Chant de la Rana temporaria. . Corvus frugilequs, commence à con- struire son nid. 15. Alauda arvensis, chante en s’élevant au ciel. 17. Fringilla cœlebs, termine son nid. 7e » carduelis, reparaît. 26. Limazx (arion) ater , dépose ses œufs. 27. Phyllopneuste rufa, entendu. 3. Hirundo rustica , arrive. 21. Calamoherpe phragmitis, 21. Lanius collurio, 24. Cuculus canorus, entendu. 29. Caprimulqus œuropeus, entendu. 50. Cypselus apus, arrive. 20. Lampyris ? = parait. 19. Papilio (vanessa ? colias?), volent. 24. Sylvia rubecula, 24. Troglodytes europœus, 25. Rana temporaria , éclosion des œufs. 2. Apparition de deux Æirundo rustica. 3. Fringilla carduelis, paraît. 16. Hirundo urbica, arrive. 92. Éclosion des Bufo vulgaris, des œufs pondus le 2 et le 3. contruisent leur nid. Août Octobre Novembre Avril Mai Octobre Novembre 5. Cypselus apus, partent. Un individu est resté jusqu’au 8. 16. Sylvia rubecula , recommence à chan- ter. 5. Phalaropus lobatus , abondant. 10. Æirundo rustica, vue pour la der- nière fois. 10. Æirundo urbica , est partie. 24. Saxicola ænanthe, est parti. 25. Fringilla carduelis , passe en troupe. 5. Corvus corniæ, observé. 14. Tüithys (Blackstart), arrive pour pas- ser l'hiver. Ordinairement elle vient en octobre et reste vers la côte pen- dant l'hiver ?. 98. Cuculus canorus, entendu. (Entre le 21 mars et le 24 avril, au- cune Zirundo urbica ne fut remar- quée). 1. Cypselus apus, arrive. 12. Columba turtur, arrive. 15. Pieris cardamines, vole. 15. Passage de Fringilla carduelis. 2. Sylvia tithys, arrive !. S'il n'y a pas une méprise dans la nomenclature , cette observation serait très-singulière, car en France et en Belgique le Tithys est un oiseau d'été, qui nous arrive, il est vrai, de très-bonne heure, comme le Trochilus, mais qui ne passe jamais l'hiver. Dans le Cornouaille en serait-il différemment, se comporterait-il comme les Caiïlles, qui y passent l'hiver? C’est ce qu'it serait intéressant d'éclaircir. (De Selys.) Avril Mei Avril Mai Février Mai Avril Avril Mai Avril Mai April Mai Octobre Mars Mai Juin Mai Février Mars Avril Mars Mai DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. 61 Observations ornithologiques faites à Schaffham, en 1848, par M. Jexvyxs. Migrations d'été. — Première apparition. 19. Anthus arboreus. 6. Columba turtur. 5. Cuculus canorus. 27. Hirundo rustica. 2. » urbica. 4. Motacilla yarrellii. 20. Muscicapa grisola. 1. Sylvia atricapilla. 27. » cinerea. 26. » curruca. 15. » hortensis. 19. » luscinia. 6. » phragmitis. 15. » phœnicurus. 19. » trochilus. 1 "TU. 27. » sibilatrix. 8. Yunx torquilla. Départ. 6. Hirundo rustica, 6. ” urbica, 8. » rustica, derniers individus observés. 8. 25. | dép. en troupes. Hirundo urbica; quelques-unes des dernières couvées restent jusqu’au Migrations d'hiver. — Première apparition. Octobre 14. Scolopax rusticola. Novembre 6. Turdus pilaris. 15. Motacilla boarula. Époque de la nidification. Février 29. Corvus frugilegus (éclosion des petits, 1< avril ; les jeunes volent , 5 mai). Mars 29. Corvus monedula. 29. Fringilla domestica. Époque des premiers chants. Janvier 21. Columba palumbus. Février 17. Emberiza citrinella. Mars 18. Fringilla cannabina. Février 8. » chloris. 8. » cælebs. Janvier 14. Parus major. Mars 1. Turdus merula. Février 6. » Mmusicus. 5. » viscivorus. Observations des Reptiles et Mollusques. — 17° apparition. Mars 21. Rana temporaria. 27. Helix aspersa. 17. » ericetorum. Observations des Insectes. — Première apparition. 18. Coccinella Tpunctata. 25. Geotrupes stercorarius. 11. Meloë proscarabœus. 26. Melolontha vulgaris. 15. » solstitialis. 28. Telephorus rusticus. 12. Ephemera vulgata. 8. Apis mellifica. 22. Bombus. 1. Formica. 1. Vespa vulgaris Q. 18. Gonepteryx rhamni. 27. Polyommatus alexis. Mars 51. -Pontia brassicæ. Mai 1° » cardamines. Avril 29. » rapæ. 5. Vanessa to. Mars 29. » urticæ. Mai 2. Bibio marci. Avril 5. Bombylius medius. Mars 25. Culex pipiens. Avril 1. Rhyphus fenestralis. Mai 8. Stomoxys calcitrans. 6. Tipula olcracea. Février 5. Trichocera hiemalis. 62 Mars Avril Février Mars Janvier Février OBSERVATIONS Observations faites à Stettin, en 1848, par M. 1. Alauda arvensis. Avril 20, 10. Fespertilio pipistrellus. 21. 15. Gyrinus natator. 26. 15. Geotrupes stercorarius. Mai 4 15. Trombidium holosericeum. 5. 17. Rana temporaria. 4. 18. Coccinella Tpunctata. EE 19. Ciconia alba. 32: 19. Apis mellifica. 50. 21. Pyrrhochoris apterus. Juin 17. 25. Columba palumbus. 18. 29. Æydrometra lacustris. 24. 1. Bombus terrestris. Juillet 12 1. Helix pomatia. j Août 472 4. Limaæx ater. Septembre 15: 18. Æirundo urbica. 22, Observations sur la feuillaison et la floraison faites par M. Jonathan Cove. FEUILLAISON, 9. Pyrus cydonia. Mars 26. 13. Ulmus campestris, 26. 19. Pinus lariæ. Avril do 19. Rubus idœus. 15; 6. Æsculus hippocastanum. 20. FLORAISON. 15. Primula vulgaris. 21. 51. Leontodon taraxacum. 25. Ranunculus ficaria. 25. 9. Geranium Robertianum. Mars 10. 10. Lychnis dioica. 14. Vinca minor. 15. Silene maritima. 26. le recteur Hess. Hirundo riparia. Melolontha vulgaris. Sylvia luscinia. Cuculus canorus. Oriolus galbula. Æschna grandis. Cercopis spumaria. Gallinula creæ. . Amphimalla julii. Liparis salicis. Amphimalla solstitialis. Cantharis melanura. Zygæna filipendule. Ciconia alba, départ. Hirundo riparia, départ. » urbica, » à Polperro, en 1846, Salix russeliana. Acer pseudoplatanus. Carpinus betulus. Quercus pedunculata. Fagus sylvatica. Prunus sylvestris. Tussilago farfara, Viola odorata. Stellaria holostea. Ranunculus repens. Veronica chamædrys. Chrysoplenium opposilifolium. Mars Avril Avril Mai 29. . Seilla nutans. . Glechoma hederacea. . Allium ursinum. . Orchis mascula. . Oxalis acetosella. . Arum maculatum. . Æsculus hippocastanum. . Sedum anglicum. DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Myvsotis palustris. Hypericum humifusum. Mai Juin Juillet . Papaver erraticum. . Digitalis purpurea. . Lonicera periclymenum. . Rosa canina. . Sedum acre. Verbascum thapsus. . Solanum dulcamara. . Verbena officinalis. Linaria vulgaris. . Chironia centaureum. 63 64 OBSERVATIONS DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES. Poids des organes dans le choléra épidémique à Bruxelles (10 mai-1°® juin 1849). Voyez pour les poids et mesures des organes à l'état de santé : Mémomes DE L'AcanémE, vol. XX et XXI. Par M. GLucs, professeur à l'Université de Bruxelles. | I. 1. Lin IV. v. VI. VII. VU. IX. x. XI. SEXE. | FILLE. FILLE, | FEMME. | FEMME, | GARCON. | HOMME. | nOMME. | HOMME. | HOMME. | nomme, | nome. [l EAN ee à 2ans. | Gans. | 35 ans. | 44 ans. | 10 ans. | 51 ans. | 57 ans. | 40 ans. | 40 ans. | 46 ans. | GO ans. Taille . . . . . . | 0,670 | 0m,870 | 1m,600 | 4m,570 | 1m,170 | 1m,690 | 1,740 | 1m,480 | 1m,580 | 1m,700 | 4m,667 Durée de la maladie . |12heures 18 heures 12 heures |16 heures » 7 heures. | Plus. jours. | 15 heures |12 heures Plus. jours. |15 heures} Poids de l’encéphale . |1250gram.| 195087 | 4550gr | 127087 | 14008r | 147587 | 150087 | 13008r | 13708 | 44808 | 44308r » des deux pou- mons . ... 1608r 22087 >S08r GO00gr 5508r | 10708r 125087 40008r GTO8r 13008r 9008r » ducœur . . . | 50# 80gr 2908 23087 150gr 3308 » 2708r 2908r 4008r 3208r » dufoie . . . 2908r 4508 11508r 41508r 10008r 185087 24808r 140087 14008r 145087 125087 » durein droit. . 306r | 4208r 908r Gogr 25087 1508r 15087 1508r 420er 10087 2308r » » gauche . » | 1508" » » o6oer | 1508 | 4908 1308 | 420er » delarate. . . 308 708r 13508r 1308r 808r 5008r 48087 100gr 4908r | 2008r 10087 Autopsie après la mort. |24heures|98 heures |15 heures |38 heures » » 15 heures 24 heures dbaentashons 13heures Raideur cadavériqueau moment de l'autopsie. |Absente.| Persiste. y Persiste, » » Persiste, | Persiste. | Persiste, | Persiste. Persiste.[l REMARQUES. Toutes les observations ont été faites à l'hôpital St-Jean (service de M. Lequime). Les caractères anatomiques observés dans les onze cas susmentionnés sont les suivants : chez tous, ilse trouvait un liquide blane à flocons mous dans l'estomac, l'intestin grêle et le gros. Ce liquide se sépare dans un tube en serum clair (albumineux), et un sédiment formé par les cellules épithéliales, dont les formes devien- nent moins distinctes dans le “ intestin. Les évacuations pendant la vie ne contiennent plus ces cellules épithéliales , qui sont rem- placées pe des noyaux des cellules épithéliales (globules muqueux). La vésicule biliaire contient de la bile noire poisseuse et forte- ment albumineuse; les canaux biliaires sont trouvés à peu près vides ou remplis seulement d’épithélium détaché, toutes les fois qu’ils ont été examinés. La vésicule biliaire n’a donc pas été évacuée de son ancien contenu, et la sécrétion n’a pas continué pendant la ma- ladie. Les bassinets des reins contiennent un liquide laiteux , qui suinte à la moindre pression des papilles rénales. Il est formé des cellules épithéliales des canaux urinifères et de g membrane interne du bassinet, Les canaux urinifères contiennent en grande partie leur épithélium , la desquamation est done loin d’être aussi générale que dans l'intestin grêle. La vessie, ordinairement contractée, renferme très-peu de he trouble, dont les flocons sont formés par l’épithélium de la vessie. La sécrétion urinaire est le plus sou- vent supprimée. Les villosités de l'intestin grêle sont trouvées privées de leur épithélium, depuis le commencement jusqu’à la fin. Les glandes isolées et plaques de Peyer, les glandes lobulées de Brunner, de l'intestin grêle, les glandes isolées de Peyer du gros intestin sont plus ou moins gonflées par le liquide laiteux normal et abondant ; mais, seulement dans Ja majorité des cas : cet état manquait plusieurs fois (5 fois sur 11). î 3 Les glandes de Lieberkuhn sont en partie dépouillées de leur épithélium dans l'intestin grêle et gros. L'épithélium de ce dernier a disparu en Ars seulement. La muqueuse intestinale est le plus souvent pâle. : n peut désigner les altérations anatomiques que nous venons de décrire sous le nom de desquamation épithéliale, qui ne se rencon- tre dans aucune maladie à un tel degré comme dans le choléra, et qui accompagne dans la surface muqueuse intestinale, une sécrétion considérable de serum albumineux. A la surface sécrétante du foie et des reins, la desquamation, moins considérable, coïncide avec la suppression de la sécrétion. Les glandes mésentériques étaient jaunes et gonflées par une matière albumineuse, dans quelques cas. Le sang, semblable à du sirop de groseilles, existait en quantité variable dans les quatre cavités du cœur, dans l’aorte et dans les gros troncs veineux. Plusieurs fois le sang s'était séparé en caillot et serum rouge dans le cœur; la non-coagulation du sang n’est done nulle- ment un caractère distinctif du choléra. Les globules du sang étaient parfaitement réguliers et se conservaient longtemps; la fibrine ren- fermait beaucoup de globules blancs sphériques (globules de lymphe*. La muqueuse des voies aériennes se distinguait le plus souvent par l'absence ou la diminution du mucus. Le cerveau présentait toujours une hypérémie périphérique plus ou moins considérable, ac- compagnée quelquefois d’une sécrétion plus abondante du liquide sous-arachnoïdien. 3 Sur les onze cas, je n’ai pas vu une seule fois des sporules 4e le contenu des intestins ou dans les évacuations ; une seule fois, dans ces dernières, des infusoires (avicula et monas), circonstance tout à fait accidentelle. PRES Aueun des onze cas ne présentait des poumons tuberculeux ; un seul avait des tubereules dans les glandes mésentériques. La La or de avaient le foie malade, évidemment antérieurement à l'attaque du choléra (foie gras), 7 fois sur dé tres. À et organe ne contenait du sang fluide que dans les gros troncs veineux, excepté lorsque le cadavre avait été maintenu dans la posi- tion assise, Le placement du cadavre avait la plus grande influence pour déterminer l'hypérémie dans l’une ou l’autre partie du corps. NOTICE BIOGRAPHIQUE ET LITTÉRAIRE SUR ANDRÉ SCHOTT, PAR M. BAGUET, PROFESSEUR A L'UNIVERSIT É CATHOLI QUE DE LOL JVAIN, ETC. (Lue à la séance du 5 avril 1848.) Toue XXIIL. LE AA MÉGTEAUN DEC TU SE INTRODUCTION. Vir optimus et doctissimus. Parmi les Belges sortis de l’Université de Louvain, qui ont le plus honoré leur patrie et l'établissement où ils ont puisé l’instruction, on peut, sans contredit, assigner une place distinguée à André Schott. Ce savant jésuite est remarquable tout à la fois par son zèle pour le progrès des lettres, par l'étendue de ses connaissances, par son activité qui lui a fait mettre au jour un très-grand nombre d'ouvrages, par le ta- lent avec lequel il a rempli les différentes chaires qui lui furent confiées, et par un caractère doux et obligeant qui lui acquit l'estime générale et le fit aimer des ennemis mêmes du catholicisme. J'aurais voulu faire apprécier le mérite d’un écrivain aussi distingué , en joignant à une notice sur sa vie un aperçu raisonné de ses œuvres ; mais j'ai compris qu’une telle entreprise était beaucoup au-dessus de mes forces. Non-seulement il eût fallu passer en revue et juger des genres de compositions très-divers, mais je ne pouvais même espérer de retrouver dans les bibliothèques de notre pays tous les ouvrages que cet auteur à publiés 1. 1 Les catalogues les plus étendus des œuvres de Schott sont ceux que donnent Alegambe (Bibliotheca Scriptorum S. J., Antverpiae, 1643), et après lui Southwell, Rome, 1675; Nicéron (Mémoires pour servir à l'Histoire des hommes illustres , tom. XXVI).— L'indication des principales publications philologiques de Schott se trouve dans Joecher, Allgemeines Gelehrten Lexicon, t. IV, col. 339-410. Leipsig, 1751. 4 INTRODUCTION. Cependant, en considérant spécialement les services qu’il a rendus à la philologie , à l'étude de l'antiquité classique, je n’ai pu résister au désir de faire connaître, sous ce rapport du moins, quelques-uns des titres qu'il s’est acquis à notre admiration et à notre reconnaissance. C’est aussi sous ce même rapport que l’on est ordinairement le plus injuste envers les savants qui se sont occupés de travaux littéraires. Non- seulement on ne veut, bien souvent, reconnaître à ces hommes laborieux qu'une science d'emprunt !, mais on va même jusqu’à ne tenir aucun compte des progrès réels dont les lettres leur sont redevables. Juste Lipse ne pouvait s'empêcher de plaindre ces écrivains, dont la réputation répond si peu à l’utilité que procurent leurs travaux; il dé- plorait particulièrement la condition d’un philologue du plus grand mé- rite, Nonnius Pincianus?, qui avait vécu dans le même siècle que lui. Voici ses paroles, qui retracent en même temps les qualités principales qui caractérisent un bon critique 5 : « Fatum hoc esse censeo criticorum, ut »_ labor eorum fructus majoris in publicum sit quam famae. Vide veteres, » vide nostros; paucos reperies quorum nomen aut late fusum aut diu » perennarit. Vel in Ferdinando Pinciano hodie quam indignor? qui, » revera vir eximius, vix tamen e vulgi tenebris se exemit; at, paucis » doctis in occulto laudatus, jacet etiam nunc ignoraturque inter suos. » Ât, si acuminis et judicii aliqua laus est, huic etiam recte tribues ; si »_fidei et modestiae, magis. Non alium ego vidi, qui minus adfectate hoc 1 Voici, par exemple, comment M. Van Hulthem a jugé Schott, dans une note écrite sur l'exem- plaire d'un ouvrage intitulé : de bono silentii, qui faisait partie de sa bibliothèque ( voy. Biblio- theca Hulthemiana, t.T, p.145) : « Le savant et bon Père André Schott, d'Anvers, a passé toute sa » vie à traduire et à publier des auteurs grecs et latins et à faire des notes critiques sur leurs » ouvrages. Cet opuscule, de bono silentii, est presque le seul de son propre cru; il mérite d’être » conservé pour la mémoire de cet excellent homme, l'ami de tous les savants, de quelque religion » qu'ils fussent. » ? Nunnès Ferdinand de Valladolid, dont André Schott a reproduit les Observations sur Mela, dans l'édition qu'il a donnée de cet auteur. Il y a joint une notice sur le savant critique. — Nic. An- toine, dans sa Bibl. Hisp., place Nonnius Pincianus au premier rang pour l'art de critiquer et d'expliquer les auteurs anciens ; il ne trouve que Pierre Chacon (Ciacconius), de Tolède, qui puisse partager cette gloire avec lui. 5 Electorum, lb. II. ce. 8., p. 509. INTRODUCTION. 5 » egerit et qui criticam istam magis pariter coluerit, sine ambitione, » sine fuco. » Schott lui-même s'exprime en ces termes !, en parlant de l'opinion que l’on se faisait communément des observations critiques que les philologues avaient coutume de publier sous différents titres : « Criti- » cum id omne scribendi genus hodie contemni audio. Scio et doleo. » Temporum id omne, mihi credite, vitium est, non hominum, nisi im- » peritorum, qui has ipsas literas vix a limine salutarunt, sed ad sordi- » das tempestive nimis artes conversi, nuntium iis remiserunt, quibus » a vulgo segregari humoque tolli potuissent ; quique vere an falso » quid in auctoribus legatur vel edatur, cicum, ut Plautino utar verbo, » non interduint ?. » Mais c’est surtout quand on s’éloigne de l’époque à laquelle ces écri- vains appartiennent , que l'injustice qui s'attache à leur mémoire se fait le plus sentir. En effet, des commentateurs, des critiques, qui se succè- dent de siècle en siècle, profitent des travaux de leurs devanciers, y ajou- tent leurs propres observations et font ainsi faire un pas à la science. Ils publient de nouvelles éditions d'auteurs anciens, destinées à remplacer les précédentes et qui tendent, par conséquent, à faire tomber celles-ci dans l’oubli. D'autre part, ceux qui se livrent à l’étude des lettres s’atta- chent de préférence aux travaux les plus récents, et il arrive ainsi que, perdant de vue les anciens commentateurs, on ne considère plus que, sans leur activité, la science ne se serait pas élevée à la hauteur qu’elle à atteinte de nos jours. 1 Épitre dédicatoire de ses Observationes humanae, Antverpiae, 1615. ? On ne peut cependant disconvenir que l'abus que certains écrivains ont fait de la critique et l'exagération dans laquelle ils sont tombés n'aient contribué à jeter de la défaveur sur ce genre de travaux. Aussi Schott n’a-t-il pas manqué de blâmer (dans l'Épitre dédicatoire de ses Nodi Ciceroniani) ce défaut, qu'il appelle nimiam criticorum in castigando pruriginem, qui sub omni, quod aiunt, lapide scorpionem latere rati, omnia, etiam meridiana luce clariora, sollici- tant, nodum in scirpo, quod aiunt, quaerentes. 1] continue en ces termes : « Quorum equidem » conatum non damno, immo juvare in partem cupiam, modo eam moderationem adhibeant, ut » non nisi deposita ac deplorata tentent emendare, partim veterum exemplarium fide, partim » eboroyiz quadam, lucemque obscuris adferant nodosque expedire studeant; a sanis vero claris- » que locis manum abstineant, ne laureolam in mustaceo quaesiisse videantur. » 6 INTRODUCTION. Et cependant, pour être juste, on doit reconnaître que la science litté- raire est un édifice qui ne peut être que l’ouvrage des siècles, qui ne s'élève que graduellement et où chaque savant vient, pour ainsi dire, poser une pierre. Il ne faut donc dédaigner ni ceux qui ont jeté les fon- dements de l’édifice, ni ceux qui, successivement, y apportent les matériaux nécessaires à son élévation; il faut, en un mot, savoir faire à chacun la part de mérite qui lui est due. A ces considérations, qui m'ont engagé à rappeler le souvenir d’un écrivain dont nous sommes déjà séparés par plus de deux siècles, est venu se joindre un sentiment d’orgueil national. C’est à Louvain que Schott reçut sa première instruction et qu’il débuta dans la carrière de l’enseignement, et c’est dans sa patrie qu'après avoir brillé dans d’autres contrées , il revint employer le reste de ses jours à enseigner et à publier la plupart de ses ouvrages 1. Je me suis donc proposé de rapporter les traits principaux de la vie d'André Schott et de donner une idée de quelques-uns de ses travaux philologiques les plus importants. Pour les détails biographiques, indépendamment des notices publiées par Philippe Alegambe ?, François Sweert5, Valère André#, Nicéron * et Weiss 6, j'ai puisé dans les correspondances épistolaires de l’époque, et, autant qu’il m'a été possible, dans les ouvrages mêmes de Schott. 1 Une lettre qu'il écrivit de Tolède, en 1581, à Christophore Plantin, qui l’a insérée dans l'édi- tion de Pomponius Mela de Schott (Anvers, 4582), nous montre combien il aimait sa patrie, quel vif intérêt il portait à son illustration littéraire et scientifique, et en même temps combien il affec- tionnait Louvain. — Voyez Analectes pour servir à l'histoire de l'Université de Louvain, dans l'Annuaire de l'Universilé catholique (1847), p. 255 et suivantes. 2? Biblioth. script. Soc. Jesu, p.29 et suivantes. 5 Athenae Belgicae, 1628. 4 La notice de Valère André a été reproduite par Foppens, Biblioth. Belg., t. 1, p. 56 et sui- vantes, 1739. 5 Mémoires cités plus haut, t. XXVI, p. 61 et suivantes. 6 Biographie univ., tom. XLE, p. 229 et suivantes. — M. Félix Van Hulst a aussi inséré dans la Revue de Liège (novembre 1846 ) une notice sur A. Schott. Des lettres de l'abbé Mercier de Saint-Léger et de de La Serna, insérées par M. le baron de Reiffenberg dans l'Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique (1848), nous apprennent que le premier de ces bibliographes s'était occupé d’une notice sur Schott. Voici ce que disait à ce sujet, INTRODUCTION. 1 Il est à regretter que nous n’ayons pas la biographie, qu'à la demande de ses amis il avait écrite de sa propre main, peu de mois avant sa mort. Elle se trouvait chez Gaspar Gevaerts, greffier de la ville d'Anvers, comme nous l’apprend Valère André à la fin de sa notice, en ajoutant toutefois que tout ce qu’il rapporte, il l’a recueilli de la bouche même de Schott. On sait d’ailleurs que Valère André lui fut attaché à Anvers, en qualité de secrétaire, pendant trois ans consécutifs; en revanche, Schott le guidait dans l'étude du grec. en août 1786, l'abbé de Saint-Léger à de La Serna (p. 169) : « Dès le mois prochain, je vais me » mettre à regratter ma notice sur Schott, pour la nouvelle édition que demande le libraire, » l’ancienne étant épuisée. J'y ferai usage de tout ce que vous me donnerez, ainsi que votre cher » oncle. » Dans une lettre à l'abbé de Saint-Léger, de janvier 1788 (p. 176), de La Serna lui demande si sa notice sur Schott sera réimprimée, et dans une autre, de décembre, même année, (p. 180), il Jui dit : « On attend avec impatience votre nouvelle édition de la notice des ouvrages de Schott; » j'espère que vous ne me ferez pas languir longtemps. » supuois, 1 00h40 ; 2b,smäuroftonod sl sb. Sie AN « RH 6 bia HT :'è L : atich aan Heu MAG GE eg duo a CHI pic ag can sb atsup HAS EE NEA ir PTE Le 14e : ‘ TE RE US, AE hr cal Ft 7. Fans es ee: D, LL d pis Fils f qi qi lei raie ap si M NEO TAN We, ÿ x | De huit dl Shen sp né lurbn pl ET TE wok ne Pr | va TS Fan ais Li nd . CORTE RAT. | ; s ÿf DURS CHE Féb has LE sh fr rt is a eu laû oi Hat 1 Sn rnri Face, si None e È ne - dal " pari a 5h \ OT. ss TA Jar Ÿ M = i LÉ RER TT APE LL : EX LA es 174 À | 1 6 ri hé pe nr MEenss 4 1e PRES. mous DIRES UE Ag rate t 4 ET OMNTOE SAME SAQÉE D une niv: NOTICE ANDRE SCHOTT. André Schott , fils de François, naquit à Anvers le 12 septembre 15592 1. Il étudia à Louvain, au collége des Trois Langues, où il eut pendant deux ans Corneille Valère pour professeur de latin et Thierri de Langhe pour professeur de grec ©. Il fit ensuite son cours de philosophie à la péda- 1 Sur l'origine de la famille de Schott, voyez une lettre d'André, écrite en 1618, au célèbre antiquaire anglais G. Camden ( G. Camdeni et illustrium virorum ad Camdenum epistolae, Londini, 1691, p. 249). Cette lettre a pour but d'obtenir l'indication des familles qui, en Angleterre et en Écosse, ont porté le nom de Schott. Elle est accompagnée d'une demande formelle, contenant les renseignements déjà connus des signataires, qui sont : Petrus et Cornelius Schotti fratres; Franc. J. C. Senator Antverp. et Andraeas Schotti fratres. Nous y voyons que les insignes de cette famille étaient des roses rouges sur un champ d'or. A la suite de cette pièce se trouve consigné le résultat des recherches de Camden. Cest aux deux frères, Pierre et Corneille, qu'il nomme propius sobrinos, que A. Schott a dédié ses Observationes humanae. ? Voyez la lettre à Ch. Plantin, citée plus haut. Schott y fait l'éloge de ces deux professeurs. — Dans la dédicace de ses Nodi Ciceroniani, il rappelle au chevalier Henri Van Etten le nom du maître qu'ils avaient eu tous deux dans leur enfance; c'était Theobaldus Hellius. Un passage de la dédicace des Proverbia Graecorum, extraits de Suidas, que Schott adressa, en 1619, à Christophore Van Etten, seigneur de Cauwerburgh, sénateur d'Anvers, fils de Henri, mentionne aussi cette circonstance, qu'il avait eu Henri Van Etten pour compagnon de ses études inférieures. Voici ce passage (p. 529), qui prouve en même temps les relations que Schott avait avec cette illustre famille : « Quamobrem ut Tullianas quaestiones, de instauranda Ciceronis imitatione institutas, » nuper (en 1610) amplissimi patriae senatui inscripsi, sic tibi nune Adagialia haec Suidae senatori Tome XXIII. 2 10 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. gogie du château, où il fut retenu pour enseigner la rhétorique. Il eut pour disciple Pierre Pantin, qui devint son compagnon de voyage et qui lui succéda dans la chaire de grec à Tolède. Il quitta, jeune encore, sa patrie pour aller en pays étranger compléter son instruction. Îl suivit en cela une coutume qui était commune aux Belges et aux Allemands. Avant de prendre un état dans la société, les jeunes gens, ceux surtout qui s’occupaient d’études littéraires, allaient séjourner dans les pays les plus civilisés de l’Europe. Là ils visitaient les savants les plus distingués et nouaient ayec eux des relations qu’ils entre- tenaient ensuite à l’aide d’une correspondante épistolaire. Ils apprenaient les langues étrangères, parcouraient les bibliothèques, examinaient avec soin les livres les plus rares, étudiaient et collationnaient les manuscrits. De retour dans leur patrie, ils communiquaient au monde savant, par des publications successives , le fruit de leurs recherches et de leurs travaux !. Schott fit une absence de vingt années, qu’il passa en France, en Espagne et en Italie 2. Les troubles qui agitaient la Belgique à l’époque où il la quitta, durent sans doute hâter son départ 5. Ce fut, en effet, l'an 1576, après le sac d'Anvers, qu'il se rendit à Douai, où il vécut dans la famille de Philippe de Lannoy, seigneur de Turcoing #. » clarissimo debere me existimavi : quemadmodum et parentem tuum Henrieum V. C. ut quon- » dam minorum studiorum socium et Alberto Austrio principi nostro ob annonae militaris prae- » fecturam merito carissimum, compellare propediem, allato ingenii fetu, constitui. » Dans ces dérniers mots, il fait allusion à ses Nodi Ciceroniani, qu'il dédia, en 1613, à Henri Van Etten. 1 Equidem ut meae peregrinationis fructus aliquando exstet, dabo operam, si vita suppeditabit ; Schott, dédicace de l'édition qu'il publia, en 1582, de passages de Pomponius Mela, comparés à des passages d'Hérodote, comme appendice à son édition de Mela. — Sur la coutume de voyager pour s’instruire, voyez surtout une lettre de Desmarets à Nicolas Heinsius (Rolandi Maresii epistolae philologicae, Paris, 1655, p. 160). Voici comment Schott lui-même s'exprime sur les avantages de cette coutume, dans l'éloge funèbre d'Antoine Augustin, annexé à l'ouvrage de ce prélat De emendatione Gratiani , t. Il, p. 599, ed. E. Baluze : « Ut exoticae merces et peregrinae domes- » ticis fere gratiores et plantae alio coelo cultae atque insitae suaviores saepe uberioresque esse » solent, miles denique is optimus qui patria procul stipendia facit, idem in praestantibus inge- » niis usu venire accepimus. Alieno enim coelo studiorum labor et industria fit major. Exacuitur » enim et quasi usu exterorum splendescit ingenium prudentiaque paratur. » 2 Voyez l'Épitre dédicatoire de ses Observationes humanue. 5 Patria sponte civilium bellorum causa profugus, dit-il dans ses Observ. hum, p. 251. 4 Ce fut pendant son séjour à Douai qu'il y fit imprimer, en 1577, in-4°, un ouvrage intitulé : NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 41 De Douai il alla à Paris, où il fut reçu dans la maison d’Augier dé Busbecq qui, après avoir accompagné l’archiduchesse Élisabeth d’Au- triche, lorsqu'elle alla épouser le roi Charles IX, était resté à Paris en qualité d’intendant de la maison de la reine. Élisabeth, ayant quitté la cour de France, après la mort du roi, de Busbecq avait continué d'y résider avec le titre d’ambassadeur de Rodolphe IE Cest de ce person- nage que Schott reçut un fragment de la pierre ou monument d’Ancyre, qu’il édita le premier. Il le publia dans son édition De vita et moribus imperatorum Romanorum, de Sextus Aurelius Victor *, qu’il dédia à ce sei- gneur. Dans l’Épitre dédicatoire?, il le remercie avec effusion de lac- Commenturius in Scriptorem De Viris illustribus urbis Romae. C'est ce livre qu'il dédia à Philippe de Lannoy, et non ses autres travaux sur Aurelius Victor, comme on la supposé à tort. (Voyez Revue de Liège, 4846, p. 255.) ; 1 Anvers, 1579, p. 70-78.— Voyez la note de P. Burmann, sur une lettre de C. Clasius à Juste Lipse, Sylloge epistolarum, t. E, p. 313; Harlès, Zntrod. in not. lt. R., pars 1, pag. 534 et suivantes. 2 Cette épître dédicatoire est datée de Paris, de la maison même de Busbeeq, le 15 février 1579. I ne faut pas confondre l'ouvrage auquel cette épitre appartient avec celui qui a pour titre : Sext. Aurelii Victoris historiae Rom. breviarium, aussi imprimé à Anvers en 1579. Schott a dédié eelui-ei à Isabelle (Élisabeth } d'Autriche, reine de France. La dédicace est datée de Paris le 30 décembre 4578. Dans cet ouvrage se trouvent : Origo gentis Romanae ; Viri illustres urbis Romae, novem additis ; Historiae abbreviatae pars altera, de Caesaribus. Viennent ensuite les notes de Schott in Comment. de origine U. R., une dissertation De auctore virorum illustrium , une autre D? auctoribus antiquis virorum illustrium , à la fin de laquelle il rend compte de son travail. On y remarque ce passage : « Notas, quibus emendationum nostrarum ratio explicatur, ne libri moles » nimium excresceret, non addidimus, et recens eae editae Duaci, in gratiam nobilissimi juvenis » Philippi La-Noy, Dom. Tourconii, mihi sane multis nominibus éarissimi. » L'ouvrage est terminé par des notes in Aurel. Victoris historiam Augustam. Les travaux de Schott sur Aur. Victor sont très-estimés. Ses notes sont appelées eruditissimae par Harlès, Brevior not. lit. Rom., p. 606. Schott s’est efforcé de prouver que le De viris illus- tribus U. R., appartient à Aur. Victor, et son opinion a eu beaucoup de partisans. Quant à l'Origo gentis Romanae, il doute qu'il puisse être attribué au même écrivain, à cause du style qui décèle un auteur d'une époque postérieure , et ce jugement a aussi été généralement adopté. Sur les ouvrages d'Aur. Victor et leur authenticité, voyez la Vie de Corn. Nepos, par G.-3. Vos- sius (De hist. latinis), en tête de l'éd. de Corn. Népos, d’Aug. Van Staveren; Jos. Alb. Fabricius, Bibl. lat., &. V, p. 114; t. HE, p. 124 et suiv.; Harlès, Brevior not. lit. rom., p. 605 et suivv., Supple- menta, p. H, p. 246 et suiv., p. HU, p. 340 et suiv., et Additamenta, p. 135; Schœll, Hist. de la litt. rom, 1. ME, p. 159 et 176; Roulez, Manuel de l'hist. de la lit. rom. de Bæhr, p. 245 et suiv., et surtout Bæhr, Geschichte der roemischen Literatur, édit. de 1844, p. 484. Ajoutez l'édition d'Aur. Victor, Erlangae, 1787, ex recensione Jos. Frid. Gruneri. Dans la préface de cette édi- 12 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. cueil qu’il a reçu chez lui et de l’obligeance avec laquelle il avait mis sa bibliothèque à sa disposition. À Paris, il eut pour amis des savants qui se livraient aux mêmes études que lui, Claudius Puteanus (Du Puy), alors conseiller au parle- ment, Joseph Scaliger, les deux frères Pithou, Pierre et François, Jean Passerat, les deux Fabre, Nicolas et Guy !, Jean-Papire Masson et d’au- tres ?. Déjà, à Louvain, Schott s’était fait de nombreux amis, parmi lesquels on distingue Juste Lipse 5, Louis Carrion #, Suffrid Petri 5, les frères Pommanus et les deux Canter, Guillaume et Théodore 6; mais on peut tion, Schott est appelé l'Esculape de Victor. On y a reproduit la partie de la préface de Gruner, qui concerne l'authenticité des écrits d'Aur. Victor. Quoique cette édition ne porte pas le nom de l'éditeur, Harlès ( Brevior not. lit. rom., p. 607) nous apprend qu’elle est due à ses soins. 1 Les deux frères, Nicolas et Guy, Lefèvre de la Boderie ( Nicolaus et Guido Faber). Voyez Baïllet, Jugements des savants, t. I, p. 345. 2 Voyez Schott, avis au lecteur de son édition de Sext. Aur. Victor { Historiae rom. breviarium). 5 Juste Lipse, qui n'était né qu'environ cinq ans avant Schott, le cite néanmoins comme ayant assisté à ses leçons à Louvain. Voici ce qu'on lit dans la 83° lettre de la centurie ad Ltalos et His- panos, adressée, en 1600, à Balthasar de Cuniga, ambassadeur du roi d'Espagne en Belgique. « Gaudeo conventum a te P. Schottum, veterem amicum meum et ante annos XXV etiam hic » (Lovanii) auditorem. » Je pense que Juste Lipse fait allusion aux leçons publiques qu’il donna, en 1576, sur les lois royales et les lois des Décemvirs, après avoir pris solennellement le titre de jurisconsulte. C’est cette même année aussi, comme nous l’avons vu plus haut, que Schott quitta sa patrie. Voyez Schott, Observ. hum., p. 243, où , examinant des passages des Pandectes, il dit : nunquam adolescens a jurisprudentia abhorrui. 4 I mourut à Louvain au collége Saint-Yvon, dont il était président. Voyez une lettre de Schott à Juste Lipse (Burmanni sylloge , 1.1, p. 96), qui est une preuve de cet esprit de conciliation dont il fut constamment animé. Il y parle en termes pleins de convenance de Carrion, qui, pour lors, était brouillé avec Juste Lipse. — En 1583, Carrion avait dédié à Schott le fragment d’un ouvrage qu'on attribuait auparavant à Censorinus. Ce fragment fut réimprimé à la suite des Observ. hum. de Schott, Anvers, 1615. On y trouve l'avant-propos adressé par Carrion à Schott. 5 Historien, philologue et jurisconsulte distingué. Il suppléa, pendant quelque temps, Thierri de Langhe, professeur de grec au collége des Trois Langues. — Un passage des Observat. hum. (p. 105), prouve que Livinæus était aussi au nombre des amis de Schott. 6 Le Sylloge Epistolarum, publié par Ant. Matthaeus, Hagae Comitum, 1740, in-4°, contient deux extraits de lettres d’A. Schott, adressées, en 4600, à Théodore Canter. Dans le second de ces extraits, il lui parle de son frère Guillaume : qui mühi carus olim Guilhelmus frater tuus, homo doctissimus, cui oculos et os clausi olim Lovanüi. On trouve aussi une lettre de Schott à Théodore Canter, parmi les Austrium et clarorum virorum epistolae , publiées par Simon Abbes Gabbema , Harlingae Frisiorum, 1669, p. 719. Voyez, en outre, une lettre de la même collection, p. 687, NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 43 dire, en général, qu’il entretint des relations avec les savants les plus célèbres de son temps, sans en excepter ceux qui n’appartenñaient pas au catholicisme. Parmi ces derniers, on peut nommer Joseph Scaliger, Isaac Casaubon, Smet ( Vulcanius) !, Gruter, Hoeschelius, G. Camden ? Henri Savilius 5, G. Vossius ‘. C’est un fait digne de remarque que cette amitié, cette intimité qui s’établissait autrefois entre les savants, et dont nous trouvons des preuves touchantes dans les divers recueils de leurs lettres 5. Rien de plus atta- chant, selon moi, que la lecture de cette correspondance. S'il n’entre pas écrite par Juste Lipse à Théodore Canter, en 1606, dans laquelle Schott est mentionné , et une lettre de Schott à Hugo Grotius (ÆEpistolae celeberrimorum virorum ex scriniis literariis Jani Brantii, p. 55). 1 Voyez une lettre de B. Vulcanius à Th. Canter, Syll. Epist. Ant. Matthaeï, p. 68, et une à Adrien Vanderbureh, dans l'Alustrium virorum epistolae, édition de Gabbema, p. 657. 2 Dans la Vie de Guillaume Camden, par Thomas Smith, en tête du recueil des lettres cité ci-dessus, Schott est nommé (p. xcvin) parmi les principaux savants étrangers qui furent liés d'amitié avec le célèbre antiquaire. Çe recueil contient cinq lettres adressées par Schott à Camden. Fr. Sweert servit ordinairement d’intermédiaire dans les relations que Camden et Schott eurent ensemble. 5 Une lettre de Schott à Casaubon, écrite en 1611 , et insérée dans la 4° partie de l'ouvrage que Méric Casaubon a consacré à la défense de la mémoire de son père, prouve que Schott avait des rela- tions avec Savilius. Voyez aussi une lettre de Schott à G. Camden, dans la collection citée, p. 501. 4 Voyez Baillet, Jugements des savants, t. Il, p. 406. 5 M. de Nelis (Belgicarum rerum prodromus, p.36 et suiv., éd. de 1790), après avoir donné les noms des savants avec lesquels Gevaerts d'Anvers avait des relations, fait en passant une remarque qui offre un contraste frappant avec l'esprit de son époque : « Rara temporum felici- » tate, » s’écrie-t-il, « qua communia studia commune etiam habebantur vinculum animorunm ; » simultates inter eruditos aut rarae aut nullae; nulla invidentia excelsos animos inficiebat aut » egregios conatus interturbabat. » Tel devrait être, sans doute, dans tous les temps, le caractère des hommes vraiment dignes du nom de savants. La jalousie ne serait alors, comme à l'époque de Schott, que le partage de ces ignorants, qui s'imaginent ajouter à leur réputation ce qu'ils s’ef- forcent d'enlever à la réputation d'autrui. Voici comment Schott s'exprime à cet égard dans l'Avis au lecteur, dont il a fait précéder ses observations sur Pomponius Mela : « Indocti probent (p.27) » nostra, an improbent, cicum non interduim, ut Plautinis utar; nec me calumniatorum ser- » mones a bene merendi studio deterrebunt : 54 pouyreogai 4 pumoeoSa. Serpsit enim nostra » tempestate hoc malum latius, ut ex alieni laboris, quo jure, quaque injuria, reprehensione » nominis famam quidam aucupentur et aliena vitia quam sua cernant acutius : foris Argi, domi » Lamiae : nonnulli etiam alienis sudoribus tamquam ignavi fuci insidientur; a scribendo vero » ipsi, ne inscientiam suam prodant, perpetuo abstineant. » A l'appui de l’assertion du savant évêque d'Anvers , je pourrais citer la coutume qu'avait Schott 14 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. dans mon plan de réunir ici les lettres de Schott qui nous ont été conser- vées , et qui sont peu nombreuses sans doute, eu égard à l’étendue de ses relations, je voudrais du moins pouvoir transcrire celles qui lui furent adressées et celles dans lesquelles il est mentionné. Toutes, elles sont honorables pour lui , toutes, elles respirent ce parfum simple, mais exquis, qu’exhalaient des cœurs qui lui avaient voué une amitié inaltérable. Je me borneraï à en citer quelques extraits. Juste Lipse appelle Schott magnus amicus noster dans une lettre à Marcus Velserus, qui se trouve en tête de l’édition de Photius , publiée par Schott. Des lettres qu’il lui a adressées, dix ont été imprimées dans les OEuvres de consulter, sur les ouvrages qu'il se proposait de publier, ceux de ses amis dans le talent des- quels il avait le plus de confiance. Comme nous l’apprenons par plusieurs de ses lettres, il leur soumettait ses manuscrits et les priait de les juger sévèrement et de faire des observations. Qui eût d’ailleurs pu refuser son concours à un écrivain qui s'était fait une loi de ne jamais offenser personne dans ses écrits? Quoi de plus honorable pour son caractère que ce qu'il dit à ce sujet dans la préface de ses Observ. humanae : « Quamobrem ut nec gloriae cujusquam detrahere, sie » nec acerbo convicio perstringere volui aut debui. Maledicendi enim et calumniandi vitium odi- » mus; imo dicam ingenue, alienis erratis veniam libentius, conatus cujusque laudando, damus, » quo facilius ab aequis lectoribus nostris impetremus. — Legem itaque semel edico : dissentire » a nobis, salva amicitiae lege, jus fasque esto. » Il n’est pas moins explicite sur ce point, dans l'épitre dédicatoire de ses Nodi Ciceroniani : « Liceat mihi quoque pace tua doctorumque hominum hoc syntagmate receptis plerumque in » Cicerone lectionibus patrocinari ac tutari pro virili, contra nimiam quorumdam criticorum et » quidem majorum gentium audaciam, sine convicio tamen et contumelia (a quo vitio maxime » abhorreo), sine fuco, more majorum et ex fide bona; ut, etsi sententiis in re levi dissentimus, » amici cetera simus, » Voy. aussi la dédicace de ses Tullianae quaestiones. On ne lira pas sans intérêt une lettre de Schott à Juste Lipse(Burmanni Sylloge epist., 1. I, p.98). Elle prouve que ni l'envie ni la jalousie ne pouvaient trouver place dans la belle âme de Schott. On y remarque surtout les beaux sentiments qu’il exprime, après avoir appris que Bellarmin venait de traiter un sujet sur lequel il avait déjà rassemblé des matériaux : « Ego vero tantum abest nt » moleste feram , ut gaudeam etiam me ab alïis anteverti qui et ingenio longe antecellunt et eru- » ditione; juvem etiam in partem non invitus aliorum vigilias, ut in commune conferam, si quid » forte meditando, quantum id est, sum consecutus. » Doit-on s'étonner après cela que Sweert (Athenae Belgicae, p. 126) ait dit de Schott qu'il était la bonté même, ipsa bonitas? (Voyez Revue de Liége, 1846, p. 251). Aussi l'appelle-t-il ordinai- rement bonus P. And. Schottus dans ses lettres à Camden (Voyez le recueil cité, p. 149, 460, 233, 501). Je ferai remarquer, en passant, que le cardinal Bellarmin que je viens de nommer, connut A. Schott à Rome et l'honora de son amitié, comme nous l'apprend François Schott, dans l'épitre dédicatoire de son Hinerarium Ialiae, Anvers, 1600. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. D complètes de Juste Lipse !. La plus récente est de janvier 1606, deux mois environ avant la mort de Juste Lipse. La plus ancienne est de juillet 1582, et adressée à Schott, à Tolède. Cette lettre surtout porte Le cachet d’une amitié sincère , qu’un intrigant avait tenté de rompre, mais en vain, quoi- qu’il fût déjà parvenu à faire naître des soupçons dans l'esprit de Juste Lipse, soupçons que Schott n’eut pas de peine à dissiper ?. Dans l’Épiître dédicatoire de son édition de Sénèque le Rhéteur, adressée à Juste Lipse, Schott rappelle à son ami leur ancienne liaison , et l’épithète amicorum veterrimus que Juste Lipse se plaisait à lui donner en plaisantant, et qui se retrouve dans la lettre qu'il lui écrivit, pour le féliciter sur son retour dans sa patrie 5. 4 Vol. II, Antverpiae, 1637, in-folio, et Vesaliae, 1675, in-8°. 2 Juste Lipse a donné des preuves particulières d'amitié à Schott, en lui adressant trois de ses Epistolicae quaestiones, la 18° du 2° livre, la 22° du 4° livre, et la 8° du 5° livre. Il a, en outre, consacré le souvenir de son ami, dans le 20° chap. du 2° livre de ses Electa. Il y suppose que Schott vient le trouver, pour lui demander des éclaircissements sur un passage d’une lettre de Cicéron à Atticus. Les termes qu’il emploie représentent Schott comme un disciple qui s'adresse à son maître. Ambulabam, dit-il, otiose domi sub meridiem. Occupavit me Andraegs Schottus, insignis juvenis, et da operam, magister, inquit, etc. (Voy. ci-dessus, p. 12, n. 3). Une lettre que Juste Lipse écrivit à Schott, à Tolède, en 1582 (Cent. 1, Miscellanea, Ep. x1v), renferme une allusion au té- moignage d'amitié qu'il avait voulu lui donner dans ses Electa : « Libellos nostros misimus et in » his Electa, in queis reperies amicam memoriam tui. Jure, quia amamus te et aestimamus; quod » velim a te mihi fieri, alterum certe. » Enfin, dans une lettre adressée, en 1584, à Abraham Ortelius (Burmanni Sylloge, t. 1, p.158), Juste Lipse, après lui avoir dit qu’il a reçu les notes de » Schott sur Tacite, ajoute : « Schottus noster ipse videbit ex editione nostra Taciti et laborem et » honorem ejus mihi fuisse curae. Nominavi enim honeste et ipsum et Covarruviam in. prima » operis praefatione. Usus etiam notis ïis ad plures Annalium locos fuissem, nisi traditae mihi » tarde. Haec si significabis meo nomine viro optimo et doctissimo, gratum erit. Nam nunc » scribendi otium mihi nullum, etsi id ago. » 5 C'est la 37° de la IT cent. ad Belgas.—KEn parlant des travaux de Juste Lipse sur Sénèque le phi- losophe (Vie de Juste Lipse, p. vin des œuvres complètes), Aubert Lemire, qui comptait aussi Schott au nombre de ses amis, fait la remarque suivante : « Fatali quadam sympathia tres eruditi Belgae » inter se amicissimi in Senecis illustrandis , Lipsius in Philosopho, And. Schottus in Rhetore, Mart. Delrius in poeta tragico conspirasse videntur. » Schott lui-même avait fait la même observation dans l'épître dédicatoire à Juste Lipse, de son édition de Sénèque, en employant les mêmes termes : fatali quadam cuuraSeix, mais en entrant dans plus de détails et en faisant un rapprochement entre les infirmités que l’âge lui avait apportées, ainsi qu'à Delrio. Enfin une des neuf lettres de Schott à Juste Lipse, que P. Burmann a publiées dans le 1* vol. de son Sylloge epistolarum (voy. p. 105), ren- ferme encore une allusion à cette coïncidence des travaux de trois Belges sur les deux Sénèque. 16 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. Parmi les lettres de Jos. Scaliger !, la 381°, datée de la fin d'octobre 1602, est adressée à Schott. Elle commence par ce beau témoignage d'amitié : « Quod primum gaudiorum dicam, nescio. Ita varie me affece- » runt tuae literae. Hinc erat quod mihi de tua gratularer valetudine, » quam constare tibi video, si imbecillem oculorum aciem excipias. » Jllince occurrebat fides et constantia tua in amicitia nostra, quam incor- » ruptam apud te manere testatus es. Ego vero triumpho qui tanta con- » Stantia amicum, tanta eruditione praeditum habeam. Neque postremo » loco posuerim voluptatem quam ex libro tuo cepi, quem totum devo- n TAN id La bibliothèque de Louvain possède un exemplaire des Excerpta ex tra- goedüs et comoediis graecis emendata et lalinis versibus reddita ab Hugone Grotio, Parisiis, 1626, in-4. C’est l’exemplaire dont l’auteur fit hommage à Schott. Au bas du titre, il est écrit de la main de Grotius À. P. Andreae Schotto, Antwerpiam. On trouve attachée à l’intérieur de la couverture, la lettre autographe qui accompagnait l’envoi du livre. Cette lettre, fort honora- ble pour Schott, étant probablement inédite, je la transcris en entier. L'adresse porté : Reverendo eruditissimoque viro D. Andraeae Schotto, presby- tero. — Antwerpiam. — Cum libro. Voici le contenu : « Non tam munus » tibi mitto quam tuum tibi reddo, vir doctissime atque optime sem- » pér de literis merite. Nam et te indice codices illos qui apud Rove- » _rianos delitescebant accepi et usus sum tuis quoque emendationibus 5. 1 Leyde, 1627. 2 D'après ce qui suit et d’après le contenu d’une autre lettre adressée par Scaliger à Schott, l'an- née suivante , il paraît que l'ouvrage cité ici était lé manuserit des Vies comparées d'Aristote et de Démosthène, que Schott avait soumis à l'examen de Scaliger et qu'il publia à Augsbourg, en 1605. Une lettre de Schott à Juste Lipse, datée de Lille, en août 1605, et insérée dans le Sylloge epistola- rum de P. Burmann, t. 1, p. 104, nous apprend que si cette publication était agréée des savants, il avait l'intention d'en faire d'autres de même genre : « Tentarem fortasse id genus plura, ut » Tullianas quaestiones, ut Homeri et Hesiodi; Thucydidis et Sallustii ; Maecenatis et Agrippae, » similiumque comparationes , Plutarchi quidem exemplo, illi tamen intactas. Reliquit nimirum » posteritati aliquid, ut et nos posteris commemoranda relinquimus. » 5 Au nombre des Epistolae celeberrimorum virorum , ex scrinis literariis Jani Brantii, Am- stelaedami, 1715, il se trouve deux lettres, assez longues, adressées par Schott à H. Grotius, à Paris. L'une (la XE, p. 52), portant pour date À. D. 1V. Kal. Sextil. 1625, contient les renseignements qui avaient été fournis par Schott et auxquels Grotius fait ici allusion. Schott les lui donna, à l'occa- NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 17 » Non tamen omnia ibi congesta in hac editione posui, sed ea tantum » quae verti commode poterant. Supplebit quod deest qui volet, quamob- » rem significavi ubi reperiri possent libri qui caetera continent. Etiam » latinas tragoediarum versiones et lyrica fragmenta accepi, sed libra- » rium qui edere velit non reperio. Ventitat saepe ad nos Holstenius, » quo nuntiante laetus intelligo perpetuam tui apud nos memoriam. Ego » certe officia in me tua neque animo revolvere neque celebrare desino. » Pro quibus quid tibi optem melius quam firmam in ista aetate valetu- » dinem et ut patriam bellis liberatam videre tibi liceat? Id boni si con- » tingat, non Committam quin tuo conspectu explear!. Vale senex optime. » Cal. Juliis MDCXXVI. Lutetia. — T. R. addictissimus, H. Grorius. » Le recueil des lettres d’Isaac Casaubon? en contient neuf adressées à Schott. Elles sont toutes écrites dans des termes qui respirent les senti- ments de la plus vive amitié et qui prouvent en même temps combien Casaubon attachait d'importance à conserver l’estime de Schott. Dans l’une d'elles, datée de juillet 1602 5, il s’associe lui, troisième, à l'amitié sion de la publication d’un travail de Grotius sur Stobée, travail qui venait, en effet, de paraître sous ce titre : Dicta poetarum quae apud Jo. Stobaeum exstant, emendata et latino carmine red- dita ab Hugone Grotio. Accesserunt Plutarchi et Basilii magni de usu graecorum poetarum li- belli, Parisiis, 1625, in-4°. Il exprime sa reconnaissance pour l’agréable présent qu'il lui a fait de la traduction de Stobée, et il nous fournit de nouvelles preuves de l’ardeur infatigable avec la- quelle il s’occupait encore, dans sa vieillesse, de la littérature grecque. La dernière partie de la lettre est consacrée à donner des consolations à Grotius. La seconde des deux lettres que je viens de mentionner (la XI, p. 40) est un monument remar- quable de l'amitié de Schott pour Grotius, en même temps qu’elle manifeste la bonté de son earac- tère et la délicatesse de ses sentiments. Elle a pour but de consoler H. Grotius et de le féliciter sur son évasion de la Hollande. Elle porte pour date postridie festi S. Eucharistiae 4621. Or, on sait que ce fut le 21 mars 1621, que Grotius parvint à sortir de sa prison, grâce au dévouement de sa femme, et qu'il arriva à Paris, le 15 avril suivant. 1 Cette dernière pensée, si honorable pour Schott, se trouve développée dans une autre lettre de Grotius, adressée à Schott en juillet 4621 (P. Burmanni Sylloge, t. , p. 441). « Jam pridem, » dit-il, vir optime ac doctissime, tni visendi cupidine flagraveram, eujus non eruditio mihi tan- » tum ex editis libris, sed et suavitas morum ex Scaligeri atque aliorum testimonio innotuerat. » Atque adeo id ipsum inter causas vel praecipuas erat, cur vestram Belgicae partem adire cupe- » rem. » C’est le commencement de la lettre. Grotius rappelle ensuite avee un vif sentiment de reconnaissance les entretiens qu'il a eus avec Schott et les lettres qu'il en a reçues. 2? Éditées par Théodore Janson Van Almeloven, Rotterdam, 1709, in-fol. 5 Casaub., Epist., p. 155. Tome XXII. 3 18 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. intime qui unissait Juste Lipse et Schott. Mais celle ! qu’il lui écrivit en octobre , l’année suivante , suffirait seule pour faire connaître la nature des sentiments qui l’animaient envers lui. On me permettra d’en citer ici le commencement, qui met si bien en relief le beau caractère de Schott : « Per mihi gratus fuit, vir praestantissime, Anagnostae tui adventus, » quamquam longe gratius futurum erat, si veniisses ipse, et tui amplec- » tendi copiam fecisses. Quid vester ordo de Gallia sit meritus aut quae » sint vulgo hic hominum de isto judicia, non laboro; hoc tibi omni asse- » veratione affirmo et te et tui similes qui pouomhy omiprav, ny éhdyete, noouetre, » omnibus bonis venerationi esse. Equidem ubi primum tua scripta ju- » venis olim legi, de singulari morum probitate, quae in te est, eam opi- » nionem concepi, quae postea multorum sérmonibus est confirmata. » Îtaque licet nulla mihi dum notitia esset tui, nisi quam lectio tuorum » scriptorum mihi conciliaverat, jam ex illo tamen te amabam et magni » faciebam; quid censes nunc, cum de tuo in nos affectu benevolo certi » sumus? Magnam igitur voluptatem ex adventu cepissem tuo, si ita res » tulissent tuae, verum istud quidem ec év yolvane néreu…... » Ces extraits suffisent, sans doute, pour montrer que les savants qui ont été en relation avec Schott sont unanimes à vanter l’érudition qui le distinguait, ainsi que la bonté et l’aménité de son caractère. Cependant, l'amitié si vive et si sincère qui unissait Casaubon et Schott, comme nous venons de le voir, se trouva un peu compromise au milieu des discussions auxquelles Casaubon prit une part fort active à l’occasion du meurtre de Henri IV. Comme c’est l'unique circonstance où j'aie pu découvrir que l’on ait voulu porter atteinte à la belle réputation de Schott, je crois devoir m’arrêter quelques instants et entrer, à ce sujet, dans quelques détails. Je citerai les lettres de Schott et de Casaubon qui m'ont paru propres à jeter du jour sur cet incident, et si, après la lecture de ces lettres, il était encore possible de prétendre que Schott a jugé trop légèrement la conduite de Casaubon et que l’obéissance qu’il avait vouée à ses supé- rieurs ne suffit pas pour le justifier entièrement d’avoir communiqué une 4 La 364° de la collection. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 19 correspondance privée, on reconnaîtra, du moins, sans peine qu'il n’a pas cessé un seul instant de donner des preuves de cet esprit de douceur et de conciliation qui lui a mérité l'estime générale, Au nombre des Epistolae selectiores ad Isaacum Casaubonum scriptae, qui forment un appendice au recueil des lettres de Casaubon, on en trouve une de Schott, ainsi conçue ? : « Andrœas Schottus Isaaco Casaubono. —— +5 rparrew. « Tuas accepi , clarissime Casaubone, et in Britannia haerere velle legi » invitus. Mallent docti omnes ac géimes Polybium, illum graecorum his- » toricorum xvçæ, edolare, ut coeperas, pergeres, et promissa quidem » cxéua dares; potes enim ac debes; potius quam te in certamen non ne- » cessarium demittas extraque chorum saltes, sine fructu, imo damno » tuorum scriptorum 5. Scis quam Josephi (Scaligeri) fama detersa #, » dum senex tangit acerbius, a quibus ne verbo quidem laesus esset, » socios nostros omni doctrinae genere praestantes, Toletos, Bellarmi- » nos, Possevinos, Pererios, caeteros. Certe nollem in nuperis tuis illud » de libro Ÿ adjecisses ejus, cujus me potestati semel commisi, dicto- » que audiens domi una versor 6, Qui in Amphitheatro cavit studiose ne Éd. citée plus haut. C'est la 40°, p. 663. Il fait allusion à la lutte que Casaubon avait engagée avec les Jésuites au sujet des publications faites touchant le meurtre de Henri IV. # Mérie Casaubon, fils d'Isaac, voulant venger la mémoire de son père, dans un écrit intitulé : M. Casauboni pietas contra maledicos patrii nominis et religionis hostes, a eru pouvoir publier à la suite du Recueil des lettres , cité plus haut, quelques lettres de Schott à son père; il reproduit celle-ci en écrivant detensa au lieu de detersa. — Dans la 4° partie de son ouvrage, il donne quelques autres lettres de Schott, propres à établir le mérite de son père sous le rapport de l'érudition; il a choisi surtout celles qui pouvaient le mieux lui servir de preuves pour répondre au P. Rosweyd; il fait précéder ces lettres de l'observation suivante : « Quia autem voluit, aut non noluit saltem An- » draeas Schottus privatas patris ad se literas, quibus eum laudabat, ab Heriberto Rosweydo pu- » blicari, nos etiam quasdam Schotti litteras ad patrem proferemus, ex quibus quid de eo senserit » apparebit, rogato prius ipso Schotto, si forte nollet editas, Pythagoreae legis ut meminisse velit, » ei ue rédo té n'EpeËe dixy id'éie yéyorto. * Amphitheatro honoris Caroli Scribanii, comme l'indique la Clavis Epist. Is. Casauboni, seu addenda notis marginalibus, à la fin du recueil. Cet ouvrage parut à Anvers en 1605. 5 1] veut désigner Charles Scribani, dont il cite, dans la phrase suivante, l'Amphitheatrum hono- CT 1O 20 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. » Thuanum praesidem amplissimum, teque, etsi nominaret, volens lae- » deret. Optaret potius in ecclesia te Romana, desertis illius Calvini cas- » tris, complecti in Domino !. Quid enim prodest homini, etc. Et absque » fide majorum salus minime speranda, ut extra Petri cymbam naufra- » ganti. Sed haec tu melius. Quo illi, ut opto, aequiorem te praebeas, » mittam ad te, si voles, tres ejus Scribanii Controversiarum in fide or- » thodoxa libros, typis Plantinianis prope evulgatos; placebit Sersusias » yäpw lectio; et stylus magis delectabit nisi judicans fallor; verba enim » dare nollem, quando Belgarum candorem non ignores. Antverpiae, Id. » Jan. 1612. » La 777: lettre du Recueil de Casaubon, adressée à Schott, en février 1612, est la réponse à la précédente ?. Casaubon accuse réception de la lettre ris, qui avait paru sous le nom de Bonarscius. Ce jésuite résidait à Anvers et prenait le titre de Prae- posilus provincialis Societatis in provincia Flandrica, comme nous le voyons par l'approbation qu'il donna aux Observat. humanae de Schott, le 31 janvier 1614. Dans la 876° lettre adressée à Schott (en mars 1613), Casaubon, tâchant dese justifier à ses yeux, parle, sans doute, aussi de Scribani, lorsqu'il dit: « Praefectum Societatis vestrae causam fuisse [ à » faut lire recisse] omnium communem quae pertinuit ad paucos. Sed, ut video, id agunt vestri, » ut de communi omnium sententia facta esse omnes intelligant, quae a nonnullis constat esse » patrata nefarie. » Mérie Casaubon (ouvr. cité, 1" partie, p. 78) nie que, dans l'Amphitheâtre, Bonarscius ait re- proché à son père le crime de parricide, comme le prétendait, dit-il, André Eudaemon Jean (ce jésuite était grec de nation, et Casaubon le désigne-souvent par les épithètes Graeculus Cretensis). C’est à cette occasion qu’il annonce, mais en termes fort honorables, qu'il fera usage de cette lettre de Schott. Voici comment il s'exprime (p. 79) : « Porro ut omnem scrupulum eximam curiosi » lectoris animo, qui librum Scribanii nunquam legerit, testem dabo veritati 4£orisrérares, je- » suitae jesuitam opponam, sed rc2%@y dyréËry ä)av. Scias autem, lector, me, si quid humanitatis » lege peccare tibi videar, quod boni viri epistolam, et quem alias colere me profiteor, ipso in- » consulto publicem, id facere ipsius exemplo, qui privatas patris ad se atrocissimo ejus hosti » communicavit, quibus ille in defuncti contumeliam, qua posset, uteretur. » Par ces derniers mots il désigne, sans doute, Æéribert Rosweyd, comme on peut en juger par un autre passage de la 4 partie de son ouvrage, p. 108 (voy. ci-dessus pag. 19, note 4). 1 Voyez, sur cette phrase de la lettre de Schott, le jugement que l'esprit de parti a fait porter à P. Burmann, Sylloge epist., t. I, p. 385, note. Il la regarde comme une flatterie à laquelle Casaubon ne s’est pas laissé prendre. ? On peut supposer que cette lettre de Casaubon sert en. même temps de réponse à une autre lettre que Schott aurait écrite en envoyant le livre de Scribani. Il s'y trouve en effet un passage qui semble se rapporter à ce que Schott aurait prévenu Casaubon qu'il serait attaqué et l'aurait averti de se préparer à ces attaques. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 21 de Schott et du livre de Charles Scribani. IL cherche à se justifier de ce que Schott n’avait pas approuvé son épître au P. Fronton ! au sujet du meurtre de Henri IV. Il témoigne son étonnement de ce que le livre qu'il a reçu soit de l’auteur qui a écrit contre lui sous le nom de Bonarscius, et de ce qu’il porte les mots dono auctoris avec une mention fort honorable ajoutée à son nom. Il termine ainsi : « Quod scribis in- » vitum te in meis legisse velle me hic [ Londini | haerere, fallor, aut illud » nunquam scripsi; nam ego totus ab augustissimae reginae voluntate » pendeo, quidquid ipsa jusserit facturus. Caeterum divinae Providentiae » me totum permitlo. » Cette réponse de Casaubon est citée par son fils (à la page 90 de l’ou- vrage indiqué plus haut) pour réfuter l'interprétation donnée par le P. Rosweyd au mot invitus, comme si Casaubon avait été forcé par le roi d'Angleterre d'écrire sa lettre à Fronton et de rester en Angleterre ?. Il paraît que dans des lettres, postérieures à celle que j'ai transcrite, Schott revint à la charge pour engager Casaubon à s'abstenir de ces que- relles religieuses. Dans la 876°, adressée à Schott, le 13 mars 1615, Casaubon dit : « Quod me revocas à contentione in negotio religionis, » facis quod virum probum decet. » Il cherche ensuite de nouveau à se justifier, et dit qu'il fera connaître la vérité en prouvant qu'il n’y a, selon lui, qu’un petit nombre de coupables. Puis il ajoute : « Tunc au- » tem innocentiam nostram ita, volente Deo, defendemus ut tu quoque » mutaturus sis sententiam, qui persuasus a Graeculo Cretensi scripsisti » nuper in scheda, quam vidi : Auri sacra fames non tantum quantum » conscientia valeat. Agnoscis tua verba : ” , a L 2 , ” . , L_4 » Ârta YÉPOY, Toôy ge Enos QUYEV EpROS GdvTe ©. » ! Cette longue lettre avait été publiée par Casaubon, en juillet 1611. ? Pour admettre l'interprétation du P. Rosweyd, il fant supposer qu'au commencement de la lettre de Schott, que j'ai transcrite ci-dessus, p. 49, il ait lu énvitum au lieu de invitus. Quant à la ré- clamation de Casaubon , renfermée dans le passage de sa réponse que je viensÿde citer : quod seribis invitum te ……, il est clair qu’elle porte non sur le mot invitum qui est !lié avec te, mais sur ce que Schott avait pensé qu'il avait l'intention de rester en Angleterre (veLe me hic haerere ). 5 A l'occasion de cette citation d’un passage que l'on rencontre souvent dans Homère, 72% 0e ëxos x. +. À., je crois pouvoir dire quelques mots sur un usage qui était très-fréquent dans les 22 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. Il se défend ensuite de ce qu’on l’accuse de sacrifier sa conscience à l'argent, et termine par ces mots : « Îtaque, vir clarissime, si qua veri- » tatis tibi est cura, si qua innocentiae, recanta opprobrium, et homini » Graeculo Cretensi, parricidarum defensori, posthac cave ne fidem » habeas. » Le 12 mars de la même année, par conséquent la veille du jour où Casaubon écrivit cette lettre à Schott, il en adressa une autre ! à François Sweert, à Anvers. Il y fait mention du même reproche d’avarice formulé contre Jui par Schott: « Miratus sum, dit-il, virum optimum ?, cujus » schedam misisti, sic mecum agere, quasi me lucri cupido hic teneret. » Il s'attache après cela à prouver que ce reproche n’est aucunement fondé. J'ajouterai que Schott ne fut pas le seul qui ait cru que Casaubon avait été attiré en Angleterre par l’appât de l’or. Voici ce que nous lisons dans une lettre de Hugo Grotius, écrite en 1610, à Daniel Heinsius 5 : « Ego Casaubonum sollicitari a rege Angliae intelligo, non sine opimis » praemiis. Puto illi non ita placituram Galliam, quin praelaturus sit » securiorem sedem, sine rei suae detrimento. » Le désir de produire des preuves de l'hommage qui fut constamment rendu aux talents et au caractère de Schott par les savants de son lettres des savants de l'époque à laquelle Schott appartient, et qui consistait à intercaler dans la phrase latine des vers grecs ou seulement des mots et des expressions empruntées à la langue greeque. I] nous serait fort difficile de ne pas blâmer cet usage, si, pour l'apprécier, nous nous placçions au point de vue des modernes, et surtout si nousrestions sous l'impression qu'a produite sur notre esprit l'abus dans lequel sont tombés, à certaine époque, tant d'écrivains français qui parsemaient leurs ouvrages de citations latines. Mais le jugement que nous porterons seratout dif- férent, si nous nous donnons la peine de remarquer dans quelles limites se renfermaient à cet égard les bons écrivains latins, avec quelle sobriété, avec quel naturel ils intercalaient des mots grecs dans leurs lettres familières, avec quel soin ils évitaient l'ostentation et l'emphase. Bien plus, ils ont pressenti eux-mêmes que cet usage pouvait aisément dégénérer en abus. Dans ses Tullianae quuestiones, Schott a consacré à ce sujet trois chapitres du liv. I (p. 67et suiv. ); il y traite succes- sivement ces trois questions : An graeca latinis miscere liceat ? — Quando graeca miscere latinis el versus in oratione fas sit adhibere ? — Epistolis graeca suepius inserere cur diceat et an poetiea miscenda ? 1 La 478° du Recueil, p. 523. 2? Andraeam Schottum, comme l'indique aussi la Clavis Epist. Casaub. 5 P. Burmanni Sylloge, 1. I., p. 429. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 23 époque m'a fait interrompre l’ordre chronologique que j'avais d’abord suivi pour retracer les principales circonstances de sa vie. Je le reprends. Après avoir séjourné deux ans à Paris, Schott fut envoyé en Espagne par son père !, qui le munit de lettres pour quelques personnages en crédit à la cour de Philippe IL. En passant à Bordeaux, il visita le pro- fesseur Elie Vinet ; l’un de plus savants philologues de son siècle ?. Arrivé en Espagne, il s'arrêta d’abord à la cour à Madrid. Ensuite il resta huit mois à Alcala. De là (en 1580) il se rendit à Tolède, ayant trouvé pour compagnon de voyage Guillaume Lindanus , évêque de Rure- monde, avec lequel il visita la ville. Là, il fut connu de Alvare Gomez de Castro, professeur de grec. Mais ce fut surtout avec Antoine Covarru- vias5, jurisconsulte distingué et préfet de l’université, qu’il eut des rela- tions intimes. Il rapporte # qu’il avait coutume de s’entretenir agréable- ment avec lui sur les lettres. C’est de lui qu’il obtint un des meilleurs manuscrits des œuvres de Sénèque le Rhéteur *. 1 In Hiberiam negotiorum studiorumque gratia a parente missus, dit-il dans la dédicace des Nodi Ciceroniani. ? Voyez Baïllet, Jugements des savants , t. IL, p. 329. 5 Ce personnage, dans une lettre à Juste Lipse, de 1592 (P. Burmanni Sylloge, 1. T, p. 92), parle de Schott en ces termes honorables : « Amieus tuus idemque meus quo, dum hic graecas » literas publice profiteretur, sum usus, moribus ejus et doctrina adductus , familiarissime. » 4 Observat. humanae, p. 201. 5 Epit. déd. de son éd. de Sénèque. Voyez aussi une lettre de Schott à Juste Lipse, Sylloge Epist. P. Burmanni, t. \, p. 102. —Ce fut Schott qui fit connaître ce personnage à Juste Lipse qui lui en parle en ces termes dans une lettre de 4582 (la 45° de la 4"° centurie Miscel.) : « Amieum mihi » te interprete et tamquam parario conciliatum video Ant. Covarruviam, virum a stirpe, a fratre » [son frère Didacus était évêque de Ségovie], a se vere illustrem. Deus bone, quae illa ad me epi- » stola! mentior si ab aliquot annis litteras vidi magis litteratas. Imbutum profecto arcana doc- » trina pectus illud oportet, quod promit tam doeta. Quidni ita judicem? facile nobis &x +eù D 2pasred où rà dpacux viwboxew. Velerani venatores cervum ex impresso vestigio dinoverint, ego » ex scriptiuneula virum. Saluta, quaeso, a me : et quoniam te serente et sub tua velut manu » haec amicitia surrexit, effice ut eodem te irrigante augeat et erescat. » Dans une lettre à Ant. Covarruvias, de 1582 (P. Burmanni Sylloge, t. Y, p.91), Juste Lipse lui rappelle que c'est à Schott qu’il doit son amitié. Voyez aussi deux autres lettres de Juste Lipse à Covarruvias, de 1592 et de 1599, la 8° et la 77° de la centurie ad Lalos et Hispanos. La lettre de Juste Lipse, dont je viens de donner un extrait, porte pour date Mon. Jul., 1582. P. Burmann (Syll. Epist., 1. 1, p. 95) a publié une lettre de Juste Lipse adressée à Schott, Pridie Non. Jul., 1582, par conséquent un jour avant celle que j'ai citée. Burmann croit trouver dans la res- 24 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. A la mort de Gomez, Ant. Covarruvias fit venir Schott de Salamanque !, où il résidait alors, pour prendre part au concours qui devait décider du choix d’un successeur à donner à ce professeur. Schott l’emporta sur ses compétiteurs, un Crétois et deux Espagnols, et obtint la chaire. Il fut alors invité à demeurer avec Gaspar Quiroga ?, cardinal archevêque de Tolède, chez lequel il resta pendant trois ans entiers, en même temps qu’il enseignait le grec 5. Pantin était à cette époque bibliothécaire à Garcia Loyasa. Il succéda ensuite dans la chaire de Tolède à Schott, qui, en 1584, fut appelé à l'université naissante de Saragosse, que l’évêque Pierre Cerbina (Corvina) avait rétablie et où il enseigna la rhétorique, le grec et l’histoire. Antoine Augustin était pour lors évêque de Tarragone. Il prit Schott pour compagnon d’études et se plaisait à converser avec lui sur les let- semblance du contenu des deux lettres une nouvelle preuve que Juste Lipse n’a pas toujours livré au publie ses lettres, telles qu’il les avait primitivement écrites. Il fait remarquer que, dans celle que Juste Lipse a produite lui-même dans sa collection , il a supprimé ce qu'il disait dans l'autre de ses sentiments à l'égard de l'Espagne, et que c’est là le motif évident de la substitution faite par Juste Lipse. C'est encore là, il faut en convenir, une exagération dans laquelle l'esprit de parti a fait tomber Burmann. Il devient évident, au contraire, en comparant les deux lettres, que Juste Lipse s’est plu à recomposer entièrement le lendemain (ou du moins avec la date du lendemain) ce qu'il avait écrit Ja veille. 1 La bibliothèque de Bourgogne possède plusieurs manuscrits d'auteurs grecs qui ont été copiés à Salamanque pour A. Schott et sur lesquels il se trouve des notes écrites de sa main. Voyez aussi la dédicace de l'édition de Pomponius Mela, de Schott. 2 En avril 1581, Schott écrivit à Tolède la dédicace de son édit. de Pomponius Mela, qu'il adresse à ce prélat. — Isaac Vossius, qui publia une édition de Mela à La Haye, en 4658, parle, dans son avis au lecteur, des travaux de ses devanciers. En ce qui concerne Schott, il fait remarquer que le succès n’a pas répondu à son zèle. Voici ses paroles : Andreas Schottus, homo quidem bonus et eruditus , sed quem successus potius quam voluntas destituit. Pour être juste, il faut , ce me sem- ble, tenir compte des circonstances dans lesquelles l’auteur s'est trouvé et des intentions qu'il a pu avoir en publiant son travail. Or, qu'on lise ce que Schott lui-même dit à cet égard dans sa dédicace et dans son avis au lecteur, et l'on saura qu'il a voulu reproduire les notes de Pin- cianus (ce célèbre critique espagnol dont nous avons parlé plus haut), et cela, parce que les exem- plaires qui les renfermaient étaient fort rares, même en Espagne. On verra, d’un autre côté, qu'il était loin d’exagérer l'importance de cette publication pour la part qu’il y avait prise : majus quidem facere potui , dit-il, fateor ; at in Hispania peregrinanti et libris defecto, plus satis. Ajoutez à cela qu'il n'avait pensé à faire un travail sur Mela, que parce qu'il avait étudié cet auteur pour lui ser- vir d'itinéraire dans son voyage d'Espagne. 5 Voyez Schott, Nodi Ciceroniani, p. 524. Voyez aussi la 45° lettre de la 4"° cent. Miscel. de NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 25 tres , lorsque les affaires publiques et les soins de l’église le lui permet- taient. Schott demeura deux ans ! chez ce prélat ?. C’est pendant son séjour chez l’archevèque qu’il forma le vœu que si Juste Lipse, déjà citée, dans laquelle, après des témoignages d'amitié et d'estime, il félicite son ami de ce qu’il demeure à Tolède et dans une illustre maison, d'autant plus que ce séjour ne lui fait pas interrompre ses études. 1 Voyez l'Éloge funèbre d'Antoine Augustin, p. 625, éd. de Baluze. 2 Voici ce qu'il dit lui-même à ce sujet à Juste Lipse, dans l'Épitre dédicatoire de son édition de Sénèque : « Mox (Toleto) Tarraconem ad omnis doctrinae principem Ant. Augustinum archie- » piscopum literis evocatus me contuli ejusque in contubernio sic haesi ut joca, seria, biblio- » thecam atque adeo mensam communem esse vellet, eumque merito parentis loco, dum vixit, » utet funebri laudatione testatum reliqui, duxerim. » — Il parle du même sujet avec plus de détails dans ses Observ. hum., p. 251. — L'éloge funèbre qu'il composa fut imprimé à Leyde, en 1586, in-4°, et reproduit plus tard avec l'ouvrage d'Antoine Augustin De emendatione Gratiani, à Paris, 1607, in-4°, et dans l'édition de Baluze, Paris, 1760, 2 vol. in-8. Cet éloge est précédé d'une lettre à Laevinus Torrentius, évêque d'Anvers, qui avait été lié, à Rome, avec Antoine Augustin et qui avait demandé cet éloge à Schott. — Sur Antoine Augustin, Voyez D. Nic. An- toine, Bibli. Hisp., praef., p. 20, et Baïllet, Jugements des savants, t. Il, p. 178. C'est chez ce prélat que Schott s'occupa particulièrement de notes sur Sénèque le rhéteur, en se servant du manuscrit qu'Ant. Covarruvias lui avait communiqué. Voyez une lettre de Schott à Juste Lipse, écrite de Rome, en 1595 (Burmanni Syll., t. 1, p. 102). C'est aussi à Tarragone, en mars 1585, de la maison du même prélat, que Schott adressa à son ami, Abraham Ortelius, la préface de l'Itinerarium Antonini Augusti, qu'il ne publia qu’en 1600, après la mort d'Ortelius. Cette préface nous apprend qu'étant passé de Tolède à Saragose, il y fut bien accueilli par le fils de Jérôme Surita, qui lui remit le travail de son père sur l’Ztinerarium Antonini Augusti, en le priant de le publier. Camden avait fait des recherches pour se procurer des copies et les variantes de l'itinéraire d’Antonin. La collection (citée plus haut) de ses lettres et de celles qui lui sont adressées en renferme plusieurs qui ont rapport à ce sujet. Il s’en trouve une (p. 72) de Camden à Fr. Sweert, ainsi conçue : « Apud vos agit, ut accepi, CI. V. Andreas » Schottus e Societate Jesu, eui universa Antiquariorum natio plurimum debet ob Antonini Iti- » nerarium jam pridem editum. Ilum, si non audaculus videar, velim meo nomine salutes, et » percuncteris, si unquam CI. Welserus ei communicaverit, quod audio, variantes ad Antoninum » lectiones e codice suo membraneo, quem Paulus Merula Universalis geographiue pag. 452 » Jaudat; quas si acceperit, quantum ad Britanniam spectat, sua humanitas mihi impetret, ut » auctior Britannia nostra prodeat. Vale. » Camden fait allusion à son grand ouvrage intitulé Britannia sive florentissimorum regnorum Angliae, Scotiae et Hiberniae et insularum adjacentium ex intima antiquitate chronographica descriptio. Ces recherches de Camden concernant l'Itiné- raire d'Antonin donnèrent particulièrement lieu à un échange de lettres avec Sweert et Schott. A la page 160 de la collection citée, une lettre adressée par Schott à Camden, en mars 1616, con- tient ce passage : « Habebam equidem plura in Antonini Itinerarium, sed quae mihi in hae » àrcdyuix periere, ut alia, atque Sibyllae folia, quae venti dissiparunt. » Schott fit une traduction latine d’un ouvrage d'Antoine Augustin, qui fut publié à Anvers, Towe XXIII. 4 26 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. Anvers, alors assiégée par le duc de Parme, retournait sous la domina- tion du roi d'Espagne, il entrerait dans la compagnie de Jésus. Les évé- nements ayant répondu à ses prévisions, il quitta l’archevêque en 1586 ! pour accomplir son vœu, ce qu'il fit le jour même de Pâques. Il était alors âgé de 34 ans, maître ès arts. Il reçut les ordres sacrés à Sara- gosse, où il fit son noviciat. Il alla ensuite étudier la théologie à Valence ?. Après cela, il fut chargé d’enseigner à Gandia 5, où l'institut possédait un collége ayant rang d'université. C’est de là que, retournant dans sa patrie, il s'arrêta, par ordre de ses supérieurs, à Rome #, où il fut choisi pour enseigner la rhétorique , comme successeur de François Bencius, qui venait de mourir. La centurie des lettres de Juste Lipse ad italos et Hispanos en contient une, adressée à Schott, en novembre 1595 6, dans laquelle Juste Lipse félicite son ami d’être à Rome, pendant les troubles des Pays-Bas 7. Parmi les lettres de Schott à Juste Lipse, que P. Burmann a publiées #, en 4617 (et reproduit en 1654), sous ce titre : Antoni Augustini Antiquitatum Romanarum et Hispanarum in nummis veterum dialogi XI ex Hispanico latine redditi, ab A. Schotto, cum duo- decimi accessione de prisca religione Disque gentium. Cet ouvrage est mentionné par Jo. Alb. Fabricius, Bibliographia antiquaria, p. 142, qui (pag. 8), citant pour la première fois A. Schott, à l’occasion des trois chapitres qu’il a ajoutés aux Antiquités romaines de Rosini, le nomme Virum optimum et doctissimum. 1 C'est cette année même, le 31 mai, que l'archevêque mourut. 2? Une lettre de Schott à Juste Lipse (P. Burmanni Syll., t. 1, p.96), datée de Madrid à la fin d'août 4592, nous apprend qu'il était venu récemment pour affaires de Valence à Madrid. 5 Burmann (Syll., t. 1, p. 97) a publié une lettre de Schott à Juste Lipse, datée de Gandia, en mars 1593. Schott y témoigne un vif désir de rentrer dans sa patrie. 4 Voyez le commencement de ses Tullianae quaestiones. 5 Dans la préface des Vies comparées d’Aristote et de Démosthène, il dit qu'ila mis à profit l'étude qu'il avait déjà faite de la vie de Démosthène, lorsqu'il expliquait à Rome les Philippiques de cet orateur et celles de Cicéron, et cela en les comparant, comme il le dit dans une lettre à Juste Lipse, datée de Rome, en août 1595 ( Burmanni Syll., t. 1, 103), et dans la dédicace de ses Adagia Graecorum, écrite en 1641. 5 La même lettre se trouve reproduite avec peu de différence dans le Sylloge de P. Burmann, t. I, p. 103. 7 Malgré son désir continuel de revoir sa patrie, Schott lui-même trouve un motif de se con- soler de sa longue absence en pensant à ces troubles. « Nondum impetrare potui , dit-il dans une lettre datée de Rome, en 4595 (P. Burm. Syll., t. 1, p. 401), in patriam excurrere ut liceret; » quod, ut debet, fero constantius, quod nondum venti posuerint. » 8 Sylloge, t. I, p. 96 et suiv. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 27 il s'en trouve quatre datées de Rome, en mai, juillet et août 1595 et jan- vier 1597. Elles sont précédées d’une autre lettre datée de Naples, le 51 août 1594. Schott y rapporte qu'il est enfin sorti d'Espagne et qu'il est arrivé en Italie au mois de juillet, mais qu’à cause des grandes x chaleurs, ne pouvant sans danger se rendre à Rome, il s’est arrêté à Naples. Il annonce la mort de Bencius, qu’il est appelé à remplacer. Il ajoute qu’il se propose de visiter les ruines de Pouzzoles. Dans cette lettre, ainsi que dans celles qu’il écrivit de Rome (de la ville éternelle, comme il s'exprime), il se montre continuellement animé du désir de revoir sa patrie. Après avoir passé trois ans à Rome, Schott revint dans sa patrie, où il employa le reste de sa vie à composer des ouvrages et à enseigner. A la fin de juin 1597, Juste Lipse lui adressa, à Anvers, une lettre pour le féliciter sur son retour dans sa patrie et l’engager à venir le voir !. Dans une lettre de juillet 1601, il parle de l’ardeur infatigable avec laquelle Schott continuait à s'occuper de travaux littéraires ?. Aussi le voyons- 1 C'est la 37° de la 3° centurie ad Belgas. Dans une lettre adressée à P. Pantin, en septem- bre 1596 (Burmanni Syll., t. 1, p. 446), il faisait des vœux pour que le retour de Schott fût heu- reux. « De Schotto, dit-il, et ego jam ex litteris ejus didici in viam se dedisse aut dare. Salus et » felicitas eum ducat! » Il est étonnant que, dans une lettre à François Schott, sénateur à Anvers et frère d'André, datée de novembre 1597 (la 31° de la 5° cent., Miscell.), Juste Lipse, s'exprime en ces termes : « Utinam frater tuus interea ex Hispanis adsit! quem virum jam olim novi, » et quia novi, amo; est inter eos, qui rem non speciem in doctrina habent. » Il est vrai que sa lettre de juin 1597, que nous avons citée ci-dessus, paraît avoir été écrite lorsque le retour de Schott n'était pas effectué, mais semblait très-prochain. D'autre part, la lettre d'Erycius Puteanus que nous allons mentionner, prouve que Schott se trouvait à Anvers le 4° octobre 1597. Quant à l'expression ex Hispanis adsit qu'emploie Juste Lipse, si elle paraît un peu singulière au pre- mier abord, on comprend cependant qu'il a pu parler ainsi, parce que l'Espagne était le pays dans lequel Schott avait séjourné le plus longtemps, pendant sa longue absence. Parmi les lettres d'Erycius Puteanus (Eryc. Puteuni Promulsis, Francofurti, 4601), il s'en wouve une, la 9°, adressée à Schott à Anvers, le 4° octobre 1597. Il le remercie de la lettre pleine de bons conseils qu'il lui avait écrite, et dont il a tiré parti dans ses voyages. On y remarque la phrase suivante : « Hodie qui iter faciunt, contusa et eribro succreta quaedam aromata circum- » ferunt, aëris aut stomachi causa. At quanto satius ad constantiam animum animare, sicut ego » salutaribus tuis monitionibus et dogmatis animavi. » ? Ceci prouve que Juste Lipse n'avait pas bien jugé Schott, lorsqu'en 1591, il écrivait à Abra- ham Ortelius (Burmanni Sylloge, 1. 1, p. 159) : « De Schotto nostro lubens intellexi valere illum » et vivere, etsi in literis aut studiis haud multum ultra ab eo exspectamus. Nam ex institulo vitae 28 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. nous, pendant les derniers mois de sa vie, chargé d'enseigner encore le grec au collége de la Compagnie à Anvers. Schott ne fut pas exempt des infirmités que l’âge amène ordinairement. Depuis longtemps déjà sa vue s'était considérablement affaiblie 1; mais il supporta toujours avec une grande fermeté de caractère ses infirmités personnelles, aussi bien que les malheurs des temps. Dans une lettre, écrite en juin 1600 ?, Juste Lipse, se plaignant des circonstances malheureuses de son époque, qui l’affectaient vivement et influaient d’une manière fàcheuse sur sa santé, se plaît à rendre hommage à la fermeté de caractère de Schott et à sa résignation. Dans une autre lettre écrite en 1602 5, il cherche à le consoler de l’affaiblissement de sa vue par la considération que c’est à l’étude, à un désir constant d'apprendre et d'enseigner que cette infirmité était due. Cette lettre a été reproduite en tête de l'édition de Sénèque, après » ad graviora se dabit. » Schott lui-même, dans une lettre à Juste Lipse, en septembre 1592 (Bur- manni Sylloge, t. 1, p. 97), dit, en parlant de son travail sur Senèque : « Equidem morae impatiens » partum illum prope abjeci et exposui, ad majoraque, nisi me amo, cogitationem converti; adver- » sus nostri tempores Machiavellistas stylum exerceo. » Cependant, dans la même lettre, il ajoute : rà ÉAywà tracto, ut soleo, libenter. Quant à ce qu'il annonce d’une nouvelle direction donnée à ses écrits, je n'ai retrouvé qu'un passage d’une lettre à Juste Lipse, écrite en mars de l'année sui- vante (Burm. Syl., t. 1, p.99), où il y fasse allusion : « Strinxi , dit-il, et ego aliquando stilum in »_ nostri temporis civiles vel inciviles potius Machiavelli asseclas. » Puis il ajoute : « Tibi lampada » trado; mihi enim cano et Musis. » Il est possible aussi qu’en disant ad majora animum con- verti, Schott ait eu en vue les travaux nombreux qu’il entreprit ensuite sur la littérature sacrée. Quoi qu'il en soit, tout prouve que Schott se montra ami des lettres jusqu’à la fin de sa vie. Voyez aussi la lettre qu'il écrivit, en mai 1619, à Pierre Scriverius ( Burmanni Syl., t. I, p. 378), pour le remercier de Jui avoir envoyé un Martial commenté par lui et par d’autres savants. 1° Il paraît que cet affaiblissement de la vue fut un des motifs pour lesquels Schott quitta Rome, dont le climat lui était défavorable, et rentra dans sa patrie. C’est ce qu'il nous apprend lui-même dans la dédicace de ses Adagia sive proverbia Gruecorum, Anvers, 1612. Ego vero, dit-il, ocu- lorum laborans imbecillitate, coelum illud non satis eis clemens cum patrio mulare solo coactus. Cette dédicace est adressée à Scipion Cobelluci, secrétaire du pape Paul V, avec lequel il avait été lié à Rome, et par l'intermédiaire duquel il avait obtenu de la bibliothèque du Vatican un MS. contenant des proverbes des Grecs. 2 La 60° de la 5° cent., ad Belgas. 5 La 4° de la 4° cent., Miscell.— C'est à tort que P. Burmann (Sylloge, t.1, p. 105) dit que cette lettre est la réponse à celle que Schott avait adressée de Lille à Juste Lipse, puisque la lettre de Schott porte pour date ZV Cal. Sept. 4605. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 29 l'Épiître dédicatoire à Juste Lipse, dans laquelle Schott parle lui-même de son infirmité, due ou à l’âge, dit-il, ou à une lecture assidue. Mais il ajoute qu’en revanche il entendait bien et que sa mémoire surtout avait conservé toute sa vigueur. La lettre de Joseph Scaliger, dont nous avons eu l’occasion de faire usage, et qui fut écrite à la fin d'octobre 1602, mentionne aussi l’affai- blissement de la vue de Schott, et Casaubon, dans une lettre écrite peu de jours après celle de Scaliger, s'attache à le consoler de cette infirmité, en rendant en même temps hommage à la fermeté de son caractère et à sa piété. En 1610, Schott séjourna quelque temps à Tournay !. Il adressa de cette ville deux lettres à Casaubon, l’une en janvier, l’autre en juillet. Un passage de ses Observationes humanae (p. 165), nous apprend qu'il n’y était pas oisif : « Caesaris J. Commentarios, dit-il, libens equidem adolescens ob inaffectatam elegantiam manibus tenebam. Nuper etiam in Nerviis » degens, dum forte de finibus eorum anquirerem et Caes. lib. IT, B. G. » de eis agere meminissem, nactusque commodum essem a Benedic- » tinis sodalibus Martinianae bibliothecae perantiquum rerum Torna- » censium codicem, ea cum editis committere horis subcesivis non » piguit ?. » Au reste, à en juger d’après un passage des Nodi Cicero- niani (c. ‘XIT, p. 555), c'était la bibliothèque des Bénédictins avec ses manuscrits qui retenait Schott à Tournay. Je crois devoir transcrire ici une lettre inédite 5 de Schott, qui se rap- porte à une série de travaux qu’il entreprit sur les SS. Pères #. Cette 1 Pendant son séjour à Tournay, il y fit imprimer avec ses notes l'ouvrage qui a pour titre : Ennodi, Ticinensis episcopi, Poemata sacra, Vitae Sanctorum Epiphanii et Anton, et Paneqy- ricus Theodorico dictus. ? La bibliothèque de Louvain possède l’exemplaire des Commentaires de César, qui a appartenu à Schott. Il est chargé de notes marginales écrites de la main de Schott. 5 Je dois la communication de cette lettre à l'obligeance de M. De Ram, recteur de l'Université catholique; elle fait partie de sa collection d'autographes. 4 Nicéron, ouvrage cité, indique d’une manière détaillée la part que Schott prit à la composi- tion de la Bibliothèque des Pères, imprimée à Cologne, en 1618, en 15 tomes in-fol. — Voyez aussi Alegambe, Bibl. S. J. — Dans l'Épitre dédicatoire de son édition de Photius, Schott fait des vœux pour que les princes et les rois permettent que les ouvrages des SS. Pères, restés inédits dans les bibliothèques, soient connus et rendus publics. 30 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. lettre fut écrite en 1625. L'adresse ‘porte : Reverendo in Christo patri Othoni Silio, Societatis Jesu rectori, Gandavi. Voici la copie de cette lettre : « Rev. Pater Rector, et P. Balthasar Corderi, ape. « Absolvi in describendo quae optabam $S. Cyrilli ! in Joannem » arayta €xX Catena Patrum graecorum, quando quidem non reperitur » integer Cyrilli in Joannem commentarius graece, sed latine ex parte, » quia de XII libris quatuor desiderantur, quos Judocus Clicthoyaeus » Neoportuensis, doctor olim Parisiensis, non mediocriter doctus de suo » supplevit; maluissem Cyrillum ipsum exhibuisset, sed pauci nimis > pee This Thuepoy uépas éme existunt. Lutetia P. Sirmondus ad me » _perscribit eandem Catenam in Regia esse graece et Frontonem cogitasse » post Theodoretum gr. lat. et Cyrillum pariter nobiscum colligere, * Foppens, Bibl. Belg., dans le catalogue des œuvres de Schott, indique les commentaires de S. Cyrille sur le Pentateuque, grec-latin. Alegambe, Bibl. S. J., donne la même indication, mais avec plus de détails : S. Cyrilli Alexandrini Glaphyra seu Commentaria in Pentateuchum Moysis, graece et latine rapxarrxs evulgata, Antverpiae, 1618, in-fol. Typis Nutianis. 1] ajoute l'observation suivante : « Habebat autem ejusdem Cyrilli Eortasticos sive Paschales sermones, a » se latinitate donatos jam praelo promptos, sed suum partum suppressit, ut Antonio Salmatiae » qui eosdem transtulerat locum daret. » : Parmi les lettres de Schott à Camden, il s’en trouve une (la 179°, p. 225 et suiv. de la collec- tion citée) écrite en 1618, Annunciatae Virginis festo, où il parle du travail qu'il venait de publier cette même année sur S. Cyrille. « Edito, dit-il, latine Basilio magno, nune étiam Cyrilli » +à yhagvex In Pentateuchon his nundinis graece et latine extrudimus, ut nos pro vitae in- » stituto sacra tractare senes credas, nihilque nune ago legoque libentius, tamquam in longa » vitae jactatione terram aspiciens, portumque anhelans aeternae beatitudinis, ubi beati aevo »_pérfruuntur sempiterno. » Une lettre de B. Vulcanius, écrite en 1598, à Adrien Vander Burch (Epistolae clarorum virorum, ed. Gabbema, p. 656), nous apprend qu'il s’occupait alors d'une édition greeque-latine des 2xgupà in Pentateuchon. En parlant de l'ouvrage de saint Cyrille, De adoratione in spiritu et veritate, qui avait été publié, en 1585, à Tolède, avec le livre contre les anthropomorphites, il fait allusion à Schott: Quorum, dit-il, exemplar amicus quidam vetus ex Hispania redux mihi Anverpia trans- misit. En effet, une lettre qu'il écrivit à Th. Canter, en novembre 1597 (Syll. Epist. Ant. Matthaci, p. 68), renferme ce passage : « Intelligo ex Andraea Schotto Cyrilli libros XVII de » adoratione in spiritu et veritate excusos Toleti me interprete, quos magnopere aveo videre, » Le P. Balthasar Corderi, auquel la lettre de Schott est adressée, publia, à Anvers, une traduction latine de dix-neuf homélies de saint Cyrille in Jeremiam prophetam. * Sur les écrits de saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, voyez Les vies des saints d'Alban Butler, nouv. éd., publiée par M. le chanoine De Ram, t. 1, p. 231 et suiv. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 51 » sed mors tantum nobis virum de SS. Patribus praesertim graecis » optime meritum eripuit. Utinam plures socii tisdem pro captu cujusque » vestigiis insistant. Descripsi et Origenis omnia gr., nam et in Joannem » scripsit copiose. Item Chrysostomi omnia curavi et cum edito angli- » cano contuli. Quid quaeris? aurum repperi et precium mihi operae » constat. Habeo et Theodorum Mopsuestenum et Severum , etsi daxdous : » ceteros si aut describere P. Corderius bona tua venia cupit, aut in » gratiam Catenae in Lucam ! latine reddere quaedam vult, ut opulen- » tius sit opus quod parturit, mittam vobis per aurigam codicem scrip- » tum; qui fuit olim Card. Cusani, cujus Xenodochio restituere brevi », vult, qui cum P. Sausset huc attulit, P. Heribertus Rosweydus. Scribe » itaque aut P. Cord. quid facto opus. Nec enim paginarum iniri ratio » aut precium potest, descriptis jam meo aere, quae enumeravi sex » Patrum cum Isidoro Pelusiota ?, éroomamuarios ac fragmentis. » 1 Le P. Corderi publia, à Anvers, en 4628, Catenam LXV Patrum in S. Lucam; dans l'avis au lecteur, il mentionne Schott comme lui ayant été utile pour ce travail. 2 Parmi les œuvres de Schott, Nicéron cite S. Jsidori Pelusiotae Epistolae e Vaticana Biblio- theca erutae, graece cum notis À. Schotti, Antverpiae, 1625, in-8°, it. latine, And. Schotto inter- prete, Romae, 1624, in-8°, it. graece et latine, Francofurti, 1629 , in-fol. La bibliothèque S. J. cite une éd. de Rome, 1629; Foppens cite la même et, en outre, l’éd., d'Anvers de 1693. Fr. Sweert qui publiait ses Athenae Belgicae, en 1628, ne cite que la 1"° éd. d'Anvers et ajoute : Latina interpretatio jam parata est. Il est vrai que, quoique l'ouvrage de Sweert n'ait paru qu’en 1698, il était prêt à être publié en 1623, comme il nous l’apprend par une lettre à Camden (coll. eit., p. 534), portant la date du 14 janvier 1623. Quoi qu'il en soit, Schott jugea convenable de ne publier d’abord que le texte grec des lettres de saint Isidore, après avoir eepen- dant, dès 1620, annoncé à Camden (coll. cit., p. 301) qu'il était occupé à traduire en latin près de 600 lettres de cet écrivain sacré. Nous trouvons les motifs de sa détermination dans la dédicace de son édition des lettres de saint Isidore, qu'il adressa au cardinal Alphonse a Cueva. Voici comment il s'exprime à cet égard : « Cur autem graece dumtaxat edendo cum Argumentis » Notisque epistolarum praemittam, sie habeto : quod majore eum fructu qua lingua sunt » scriptae, etsi a paucioribus, legentur, quam ex nostra interpretatione, quam ipse -nnper » (sed mihi ac Musis, quod aiunt) feceram; ut suis quisque oculis minime caecus quam alienis » ambulare malit : et fontem quis non utilius adeat quam ejus consectetur rivulos? Ecquis Chry- » sostomum graeca tonantem lingua legere , audire et intelligere quam latina non malit? Fallunt » enim et falluntur non raro interpretes, etiam doctissimi, et periit éépyeæ, ut liquor odoris » transfusus. » Un passage d’une lettre que Schott écrivit, en 1623, à Hugo Grotius (voyez ci- dessus, p. 16, n. 5), en lui envoyant un exemplaire des lettres de saint Isidore, nous apprend qu'il n'avait l'intention de publier sa traduction latine que plus tard, parce qu'il faisait alors des recherches 32 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. « De fratris filio unico ! in Societate nuper exstincto mortalitate, ut »_S. Cyprianus tempus illud nominat, cum aliis undecim patribus nostris »_totidemque fratribus, et aegris duobus lue illa, nihil scribo, ne vulnus » doloris, cui cicatrix forte obducta, refricare videar : ex aliorum literis » certiores facti estis, ad suffragia pro ïis qui fuerunt invitati. Valete » in Domino meque et meos conatus precibus sacrisque juvate ne grave » molestumque accidat; praestabo mutuum. Antverpiae ex domo professa, » festo S. Lucae Evang. MDCXXV. Hoebrocquius noster quoque Bredae » etiam obiit superior. Juvate et precibus. R. V. Servus in Christo, Ax». » SCHOTTUS. » « Si Tornacensis illa historia Sylva Ducis haberi poterat, quod coram » rogaram, per nobis gratum erit. » Dans les dernières années de sa vie, Schott fut honoré d’un témoi- gnage de bienveillance de la part du pape Urbain VIIT, qui lui fit te- nir des lettres par l'intermédiaire du cardinal Nepos Franciscus Barbe- rinus ?. * Ce fut en enseignant le grec au collége de sa compagnie à Anvers, comme nous l’avons rapporté plus haut, qu’il termina sa carrière. Ayant pour découvrir d’autres lettres du même écrivain. Cependant, il reproduit en même temps les motifs qu'il avait donnés dans la dédicace de son édition, et il nous fait connaître ainsi ce qu'il pensait en général des versions latines des auteurs grecs. Voici le passage de cette lettre : « Lati- » nam meam interpretationem nondum subjunxi, si plures forte aliunde nanciscar vel expiseari e » Regis catholiei Biblioth. possimus : quo misimus. Praefatus etiam testor quod res est, ali hodie » lectorum ignaviam tot versionibus, ut pauciores serio graecentur, ut et Jo. Meursius queritur » in quatuor auctoribus memorabilium. Legent graece docti, tu imprimis aliqua voluptate, qua » scriptae missaeque sunt lingua, » 1 Une lettre de Juste Lipse, écrite en 1599 (la 50° de la 3° cent. ad Belgas), fait mention d’un » neveu de Schott : « De fratris filio quod repetis, mi Schotte, id vero mihi eurae cordique est, et » erit. Quod ad nos appropinquet nihil adhue opus est; quia non ante medium septembrem aut » circiter ituri sumus, si tamen ituri. » François Schott, frère d'André, dans l'Épître dédicatoire à Bellarmin de son ouvrage qui a pour titre : Htinerarii Italiae rerumque Romanorum libri tres, Antv., 1600, in-8°, et dont André soigna une 4° édition, en 1625, parle aussi d’un neveu : « Romam porro cogitanti, parentis jussu, Francisco fratris meï Jacobi filio, bonae spei adoles- » centi, selecta haec, cuique peregrinanti profutura, in lucem edi passus sum. » 2 C'est à ce prélat que Schott dédia la 4° édition de l'ouvrage de son frère François, dont nous venons de parler. Il donna cette édition à l'occasion du jubilé, et comme un monument de sa piété envers son frère, que la mort avait enlevé. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. | 99 été atteint d’une inflammation des intestins, il mourut le 10° jour de sa maladie, le 25 janvier 1629, dans sa 77° année. La mort le surprit lorsqu'il était occupé à un ouvrage qu’il préparait de longue main et qui avait pour titre Divinae observationes 1. Il me reste à parler de quelques-uns des travaux philologiques de Schott que je n’ai pas eu l’occasion de faire suffisamment connaître. Je crois devoir citer en premier lieu ceux qui se rapportent à l'étude du prince de la latinité. Ce sont : Tullianarum quaestionum de instauranda Cice- ronis imüatione libri IV, Antverpiae, 1610, in-8° ?, — De Nodis Ciceronianis 1 On verra plusloin, p. 37 et suiv., que le titre Humanae observationes fut donné par Schott à une deses productions littéraires, par opposition aux Divinae observationes, qu'il se proposait de publier un jour. Dans une lettre citée plus haut, qu'il adressa à Hugo Grotius, en 1625, il parle de ce projet et des matériaux qu’il rassemblait pour pouvoir le mettre à exécution, et dans ses notes sur les lettres de saint Isidore, p. 301 , nous lisons cette phrase : An mortem sibi consciscere quisquam possit disputo libri V. Divinarum observationum; parcam igitur hic operae. 2 A la page 5 de cet ouvrage, Schott rapporte comment il a été amené à le composer, pour ré- pondre à plusieurs de ses amis (parmi lesquels il cite spécialement Horatius Tursellinus et Pom- ponius Brunellus) qui lui avaient demandé, à Rome, son avis sur la manière de se former le style. ll indique en même temps pourquoi il a préféré, pour cette composition, le genre d'écrire d’Aris- tote à la forme des Dialogues de Platon. Cette production de Schott, indépendamment de l'importance du sujet, est précieuse en ce qu’elle renferme les vues de l'auteur sur la marche à suivre pour parvenir, en peu d'années, à être éloquent et à manier convenablement la langue latine, qui, à cette époque, était, comme on sait, l'unique interprète de la science. Schott ne dédaigne pas d'entrer dans les détails, et d'indiquer les exercices qu’il croit les plus propres à faire avancer graduellement l'élève. Sa règle fondamen- tale est la maxime si connue de Sénèque : Exemplis quam praeceptionibus doceri res melius potest. Je ne puis m'empêcher de citer ici un passage de la dédicace du même ouvrage, dans lequel Schott cherche à détruire les préventions que l’on ne manifeste que trop souvent, même de nos jours, à l'égard des érudits, qui s'occupent particulièrement de l'étude des langues anciennes. À entendre les détracteurs, on dirait que les travaux de ces hommes laborieux n’ont pour objet que les mots et nullement les pensées. Mais, écoutons Schott : « Non hic tam verborum, ut quis forte » suspicetur, quam rerum indagatores videri volumus. Potest ne enim aut res sine verbis exprimi, » aut oratione nisi res aliqua demonstrari? Tam areto enim haec vinculo apta sunt et colligata, » ut ea demum vera sit Ciceroni eloquentia, quae copiose loquens sapientia appelletur. Bæhr, Gesch. der Roem. Literatur, p. 9 (édit. de 1844), mentionne la division de l'histoire de la littérature latine en trois âges, proposée par Schott (Tullianae quaest., ch. XII-XV) : ortus, pro- gressus, interitus, ou prima aetas, media aetas, tertia aetas. Le premier âge se subdivisait en anti- quissimum saeculum , jusqu'à Livius Andronicus et Caton l’ancien, et antiquum saeculum , jusqu'à Cicéron; le second âge répondait à l'âge d'or de la littérature romaine, et le troisième âge allait de Domitien à Arcadius et Honorius. Tome XXII, 15. 54 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. variorumque libri IV; Antwerpiae, 1615, in-80 1. Cicero a calumnüs vindi- catus ?. Dans ces trois compositions, Schott avait pour but de ramener ses-con- temporains à l'étude de Cicéron: Le titre de la dernière nous étonnérait aujourd'hui, si nous ne nous rappelions quelle réaction s'était opérée contre l'orateur romain depuis la grande lutte qui s'était engagée au- paravant entre Érasme et Scaliger le père 5. Pour bien apprécier ces sortes d'ouvrages, qui avaient surtout le mérite de l’à-propos, je pense qu’il convient dé rechercher, autant que possible, le jugement qu’en ont porté les contemporains, ceux-là princi- palement que l’auteur a cru devoir consulter avec confiance avant de livrer ses manuscrits à l'impression. Parmi les lettres de Schott, dont Méric Casaubon à fait usage dans la quatrième partie de son ouvrage cité plus haut, pour établir le mérite de son père, sous le rapport de l’érudition, il se trouve des extraits d’une lettre datée, de Tournay, en janvier 1610. Schott y parle. spécialement de-ses travaux sur Cicéron; il prie Casaubon de ne pas ménager le manuscrit contenant les Lectiones Tullianas #, qu’il lui a envoyé par Lemire, pour le soumettre à sa critique. Les lettres que Casaubon écrivit ensuite à ce sujet à Schott prouvent avec quel zèle il soutint et encouragéa constamment 1 Cet ouvrage a été reproduit par Schott avec celui qui a pour titre :: Observationum-huma- narum libri. V.. Antverpiae, 1615, in-4°; et Hanoyiae. ? Cet ouvrage a été imprimé avec les Nodi Ciceroniani.—Jean-Alb. Falisian: le:fit réimprimer à la suite. de Simonis Vallamberti vita M. Tullii Ciceronis filit, Hamburgi, 4729, in-8°, Dans la préface, il donne les motifs suivants : « … Quum autem nimis parvum conficeret volumen [M Tul- » ii, Giceronis filii vita] apologiam ei Ciceronis patris, ab. Andraea Schotto. scriptam, adjun- » gendam putavi, utpote dignam lectu jucundamque et paucis notam satis; lieet post editionem » Antverpiensem, 1638, 8, offeratur indagontibus in:splendida. ac. praeclara. éditione Ciceronis » Verburgiana. » 5 Voyez l'avant-propos de l'ouvrage de Schott, .Cicero. a calumniis. vindiontuns Voyez aussi de Reiïffenberg , Quatrième mémoire sur les deux premiers siècles de l'Université de Louvain, P: 40. (Nouveaux Mémoires de l Acad. roy. de Bruxelles, t. NI), .et Morhof, Polyh.dlit., p. 847, qui cite avec éloge les Tullianae quaest. de Schott. # Comme il le dit dans la même lettre, les Lectiones Tullianae étaient la anni partie de l'ouvrage dont les Quaestiones Tullianae formaient la première. Voyez aussi une autre lettre; datée de Tournay, en juillet 4610, et dont Méric Casaubon a également fait usage: Voyez-ei-dessus, p: 29. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 35 ses efforts; elles renferment en même temps l’appréciation des travaux qu'il entreprenait pour remettre Cicéron en honneur !. Déjà , en novembre 1609, il lui écrivait en ces termes ? : « Qui per se futurus erat gratis- » simus & rouaéorares Miraeus, eo tamen gratior advenit quia literas » a te, praestantissime Schotte, mihi attulit. Egi Deo gratias, quod te » praestet valentem et quidem av äpreira. Nam quod scribis in eo te » esse, ut Ciceronem juventuti commendes et vel aversanti eum obtrudas, » moriar, nisi is mihi longe fuit jucundissimus nuntius; amo enim illum » scriptorem éxma% et stultitiam eorum demirari satis nequeo , qui lati- » nam linguam et facundiam ab alio 5 potius sibi putant esse quaeren- » dam. Inter morbos éiuiox nostri saeculi hunc récenseamus licet. Quis » igitur propositum tuum satis laudaverit? Quis tam Marrucinus qui rar » QuoBokas er esse te dignissimum non pronuntiarit? Ego si quid in » literis videor mihi posse affirmare, vix potuisse a té, hac authoritate » wiro, aliquid institui reipublicae literarine magis utile, imo magis ne- » .cessarium. Perge igitur, mi Schotte, et paene exulantem e scholis Mar- » cum Tullium in pristinum siste locum. Civicam omnes tibi debere se » fatebuntur qui verae eruditionis sunt studiosi. » Il y a, en outre, deux lettres # de Casaubon qui se rapportent au même 1 Dans ses prolégomènes sur Photius, après avoir dit qu'il a tâché de s'exprimer purement en latin dans sa version , Schott ajoute : « Nam vel Tullii umbram, ob dicendi perspicuitatem juxta » ac suayitatem libens amplector, prae horrido illo hujus aevi atque obseuro , quale Heracliti » oxoravo fuit, orationis genere. » Dans une lettre écrite de Naples, en 1594 (Burmanni Syll., t.I, pp. 99 ét100), il blâme Juste Lipse lui-même de s'être écarté du style de Cicéron. Voici en quels termes il le fait : « In hoc nobili Italiae otio, secessu, vel ocello potius versanti mihi assidue ». Lipsius observatur et oculis fero. Immo: quae .mihi res saummam voluptatem attulit, te nostris » sociis hic in ore esse comperi; laudarï, legi assidue; omnibus anteponi qui interiores hasce » literas hoc aevo tractant, absque ïllo esset, quod Kio, stilum migraris; quem, quod aures » impleat numeris suaviter cadentibus, magis probant Itali, ut scis; quibus non invitus sub- ». scripserim, si aliquid ipse aude dignum praestare pusillus homo queam. Liceat id apud te » mihi tui, siquis mortalium, studiosissimo : sublego' enim judicia, tuaque, qua possum, tueor : » debeo id communi patriae. » ; 2 Cette lettre est la 650° de la collection. 5 Pour enseigner la langue latine à cette époque, on faisait souvent usage de dialogues, que Schott ( Tullianae quaest., p.22) répudie en les appelant Dialogos semilatinos. 4 La 660° et la 678° de la collection. j 36 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. sujet. La première est datée de mars 1610 et la deuxième du mois d'août de la même année. La première peut être regardée comme la ré- ponse à la lettre de Schott, datée de Tournay, en janvier 1610. En voici le contenu : « Acceperam librum tuum in Marcum Tullium et jam percur- » reram, Cum postea literae mihi tuae sunt redditae. Utrumque mihi » fuit gratissimum et epistola et liber. Illa testis tuae erga me benevo- » lentiae; hic tui in literis recti judicii et immensae cupiditatis de litera- » ru studiis et studiosa juventute. Macte hoc animo, mi Schotte; Do- » minus tibi det Nestoreos annos, ut et opera et exemplo reipublicae » literariae possis quam diutissime prodesse. Sed noli existimare te nos- » tris desideriis satisfacturum, nisi tuis in Ciceronem vigiliis seriam » exhortationem adjeceris, qua probos adolescentes ad bonam mentem » revoces. Vides enim quam frigeat hodie et quam parum vulgi palato » sapiat ille admirandus scriptor. Te oro, incumbe in causam ; gloriosum » erit tibi, aliis cessantibus occupasse hanc palmam. Omnes, quibus de » meliore luto Titan praecordia finxit, laudibus te in coelum ferent. Ego » eruditorum postremus, amore erga te inter primos, tuum triumphantis » CUrTUM SeQUATr, Técous ebgmuieus Ge edhoyiouy. » Sans avoir la ridicule prétention de ne vouloir tenir aucun compte de la différence des temps et de regretter pour notre époque cet antique usage de lettres familières écrites en latin, je me suis demandé, en tran- scrivant cette lettre de Casaubon, si la lecture de compositions semblables n'était pas propre à diminuer un peu les préventions que tant de per- sonnes nourrissent, de nos jours, contre l'emploi de la langue latine. Une pareille lecture devrait du moins, ce me semble, faire reconnaître com- bien il est injuste de laisser ensevelis dans l'oubli le plus profond, par cela seul qu'ils sont écrits en latin, des ouvrages fort remarquables d’ail- leurs et par le fond et par la forme. On ne refusera certes pas à la lettre que je viens de reproduire tout le charme que l’on peut désirer de voir répandu dans une correspondance privée. La deuxième lettre, dont j'ai parlé, ne présente pas moins d'intérêt que la précédente. Elle fait ressortir également l’opinion de l'époque par rapport à Cicéron et le mérite des travaux de Schott. Casaubon lécrivit NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 37 après avoir reçu un exemplaire de l'ouvrage de Schott intitulé : Tullianae quaestiones seu de instauranda Ciceronis imitatione libri, qui venait d’être im- primé à Anvers. Cet exemplaire lui était parvenu par l'intermédiaire de Jean Brantius !, comme nous l’apprenons par une lettre ? que Casaubon adressa à ce savant le même jour qu’il avait écrit à Schott. Cette lettre montre, comme les précédentes, quel prix Casaubon attachait aux travaux de Schott sur Cicéron. Il y indique avec plus de détails dans quel dis- crédit l’orateur romain était tombé et quelle était, par conséquent, l’opi- nion d’un grand nombre de ses contemporains à cet égard. J'en citerai un passage : « Îtaque, dit-il, subiit saepe mirari stultitiam nostrorum » hominum, qui unicum germanae latinitatis authorem scholis prope jam » expulerunt. Quin eo insaniae multos venisse videmus, ut ille censeatur » disertissimus, qui ab illo dicendi magistro absolutissimo abierit quam » longissime. Omnino inter saeculi nostri morbos, hic, meo judicio, » ponendus est non postremo loco. Deus benefaciat Schotto nostro, qui » sui judicii authoritatem publico errori ivit oppositum. Vix poterat homo » eruditissimus de juventute et re literaria melius mereri. Spero fore ut » candidati eloquentiae latinae ad mentem bonam redeant, et quem stulte » spreverunt magistrum, moniti a tanto viro requirant et Cum eo in gra- » tiam redeant. Ego hortari familiares meos non desinam, ut novum opus » sibi parent et viri optimi atque doctissimi consilio utantur. » À la suite des travaux de Schott sur Cicéron, je signalerai ses Observa- tiones humanae, qui renferment, comme il le dit dans la préface de cet ouvrage, les observations qu’il eut l’occasion de faire sur la littérature ancienne, soit en lisant, soit en enseignant, pendant les vingt années qu’il passa hors de sa patrie. C’est le fruit des études de sa jeunesse, qu’il ne se détermina à rendre public qu'après avoir été pressé pendant longtemps par les vives instances de plusieurs savants 5. Il nomma ces 1 Jean Brantius était aussi d'Anvers. Il publia, en 1612, un ouvrage intitulé : Elogia Cicero- niana Romanorum domi militiaeque illustrium. Dans l'épitre dédic., il mentionne particulièrement Schott parmi les savants qui l'engagèrent à publier son travail, et, à cette occasion, il loue les Tullianae quaestiones de son compatriote. 2? La 679° de la collection. 5 Dans une lettre à Camden (coll. cit., p. 270), il lui dit qu'il lui envoie cet ouvrage par l'in- 38 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. observations humanas, parce qu'il se proposait d’en donner d’autres sous le titre de Divinae et sacrae observationes. L’ouvrage.est divisé en cinq livres, qui sont successivement intitulés : 0b- servationes philologiae, — poelicae, — historicae, —. oratoriae , — philosophicae 1. Voici le titre complet de l'édition, qui parut à Ash en 1615, un vol. in-4° : And. Schotti. Observationum dibri .V quibus graeci latinique Doit philo- logi, poetae, historici, oratores et phalosophi «emendantur, supplentur. et illus- trantur. Ejusdem Nodi Ciceroniani variorumque libri IV ; àtem Garoli Langi in Cic. annot. ejusdemque carmina lectiora. Seorsim vero edüta Procli :chrestomathia poetca, cum Scholüs And. Schott et Petr. Joann: Nunnesü. Un passage de la préface indique à quelle classe de VO Schott s'adressait : « Opiamus lectorem medium, neque indoctissimum , neque » rursus doctissimum; quod mihil ille intelligat, hic plus fortasseintel- » Jigat, quam de se aucior ipse, ac ne his quidem indigeat, quae juven- » tutis nostrae fidei commissae scholis mensisque .apparamus. » Je ne puis passer sous silence Je travail de Schott sur :Sénèque le rhéteur, Notae uberiorés in. Senecae rhetoris Suasorias et Controversias eæpletis graecis lacunis. C'est .celui.auquel il paraît avoir.consacré Je plus-de temps. Nicéron l'indique comme ayant été publié dans les éditions des deux Sénèque, faite à Heidelberg , chez Commelin,:en 1587? et 1603, in:fol., termédiaire de,Fr. Sweert, « Etsi juveniles, ajoute-t-il, eae sint vigiliae, quas tamen.intercidere » Schotti iidem, quibus inscribuntur, noluerunt. «Il avait dit au commencement de sa lettre: « Quam » Schoitis nostris g'atum munus tuum, dici vix potest. » Cette lettre, ayant été écrite en janvier 1619, paraît servir.de réponse aux renseignements que Camden. avait donnés sur l'origine dela famille de Sehott, et.c'est à ces renseignements que les mots munus tuum. font sans doute allusion. Voyez ci-dessus, p. 9, n. 1.— Les Observationes humanae portent pour dédicace: Clar. VV. Jacobo Roelants, J.'C.‘reip. Antverp. syndico, Petro et Cornelio, P. F. C. N. Schottis fratribus propius mihi sobrinis And. Schottus: Soc. Jesu sal. in Dom. dico. 1 Noltenius, Bibliotheca latinitatis restitutae, p. 417, après avoir cité les Nodi Ciceroniani et les Observ. humanae de-Schott , fait la remarque suivanté : « Auctor, jesuita‘doctissimus, his » binis in libris, multa in Cicerone ,'graecisque et latinisauctoribus aliis , pulehre emeridat. » Le même écrivain, dans son Lexicon iantibarbarum s'appuie souvent surdes observations ‘faites par Schott. Voyez aussi Morhof, Polyhist. lit. , liv. IV, p. 925. ? On trouve à la Bibliothèque de Louvain deux éditions de 4587, mais publiées à Paris, l'une apud Nicolaum:Nivellium , l'autre (ex éditione Romana) 4p. Jac. Dupuys. I'y:a aussi une‘édition NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 39 et à Paris en 1606. Les deux dernières éditions seulement sont indiquées par Foppens et Alegambe. Voici la partie du titre qui concerne le travail de Schott dans l'édition de Commelin 4604 (et non 1605) : M. Annaei Senecae rhetoris Suasoriae, Con- troversiae Declamationumque excerpta ab And. Schotto ad veterum exemplarium fidem castigata , graecis: etiam hiatibus expletis, notis curisque secundis explicata. Aux notes est joint un opuscule De claris apud Senecam rhetoribus 1. L’approbation du censeur est du mois d'août 1601 ? et l’épître dédi- catoire adressée à Juste Lipse est datée de 1603. Dans les prolégomènes, Schotttraite de Auctore:et de declamandi ratione. H rend compte de son travail et des difficultés qu’il a rencontrées pour éditer surtout les passages grecs. IL indique les manuscrits qu’il a eus à sa disposition ; il met au premier rang celui qu’Ant. Covarruvias lui avait donné. Il parle des savants qui, en France et en Allemagne, s’occupaient aussi de Sénèque et qui l’enga- . geaient néanmoins à publier son travail. Parmi eux, il cite spécialement Nicolas Fabre. Mais ce fut surtout sur les instances de Juste Lipse qu’il se détermina à:livrer au public le fruit de ses longs travaux sur Sénèque. Voici:en quels termes il s'exprime à ce sujet dans son épître dédicatoire : « Tandem aliquando te hortante maxime, Lipsi, exire patiar nominis » tui auspicio quae sedecim annis 5 et quod excurrit, perpetuo presse- publiée Aureliae Allobrogum, 1604, in-12, sans notes et dans laquelle on a donné fausse- mént, sous le nom de Schott, les deux Sénèque réunis. 1 ‘Dans l’éd. dés deux Sénèque (2° ed. Morelli, Parisiis, 1613), on retrouve les notes de Schott, empruntées, comme il est dit dans les prolégomènes, à l’éd. de Commelin. On y a donné aussi son travail de Claris ap. Sen. rhetoribus, avec ce titre : Adjectus libellus Andraeae Schotti de Claris ap. Senecam rhetoribus , quem ipse recognovit, notasque suas prius editas auæit. Cet opuseule avait été publié à Paris en 1607, in-8°. Baillet, Jug. des savants, t. I, p. 108, dit que ce recueil des anciens rhéteurs, cités dans les ouvrages de Sénèque le père, était assez estimé, quoique Schott y eût fait glisser quelques poëtes et quelques historiens. ? David Hoeschelius, dans une lettre adressée à Jos. Scaliger, en 1601, annonce que Schott a livré à l'impression Sénèque le rhéteur avec des notes (Burm. Syll., t. IL, p. 554). 5 Nous apprenons par une lettre de Schott à Juste Lipse, écrite de Madrid en août 1592 (Burm. Syll., 1.1, p. 97), que le manuscrit de ses notes sur les Controverses de Sénèque le père, qu'il avait envoyé six ans auparavant à Lyon à Jacques Dalechamp, avait été égaré après la mort de ce savant, au milieu dés troubles qui afiligèrent la France, et que le manuscrit de Sénèque, qu'il avait reçu d'Ant. Covarruvias, était également perdu. Il rappelle cette perte dans une lettre datée de Gandia en 1593 (Burm. Syll., t. 1, p. 99). Enfin, dans une lettre de Rome, en avril 1595 (Burm. Syll., 40 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. » ram, diutius sane quam vel Panegyricum Isocrates aut Cinna Smyrnam » domo asservarunt. Quodque mihi et interiorum literarum et auctor » verbo atque epistolis, dxküyx vero exemplo exstiteris, et conjecturas » quasdam nostris addendas perhumaniter suppeditaris, cum eos libros » attingere te nolle affirmares, profecto justa causa visa est in tuo nomine » haec evulgandi, cum et Martinus Delrius, collega meus, multae homo » lectionis, suas in Senecam Tragicum dvréoas operixs tibi inscribendas » existimavit; tu denique L. Annaeum Senecam, stoicum philosophum, » egregie ornandum susceperis. » Déjà en 1582, lorsque Schott était à Tolède, Juste Lipse lui dit, dis une lettre dont nous avons donné plus haut un extrait, qu’il approuve son projet de publier les œuvres de Sénèque le rhéteur, et lui promet son concours !. Il lui parle dans le même sens dans des lettres de 1595, 1599, 1600 et 1601 ?; enfin, dans une lettre datée de février 1602 5, il devient plus pressant encore et montre quel prix il attachait à voir publier le travail de son ami. Voici un extrait de cette lettre : « De Seneca patre cur » omittas aut tardes? Utile illud ad eloquentiam scriptum est, et quod » in uno velut corpore praefert tot membra veterum oratorum; tuus au- t. [, p. 101), il annonce qu'il a retrouvé son Sénèque post novem ipsos, dit-il, ex Horatü praecepto, annos , quot et Cinnae Smyrna latuit. Puis il ajoute : « Retractare non lubet, nec tantum abs re » mea otii. Audio Nic. Fabrum J. C. et Gruterum in eadem palaestra sudasse, mea non vendito. » Conscius tamen sum vigiliarum. » Une autre lettre de Rome, écrite en 1595 (Syll., t. I, p. 102), renferme des détails sur les circonstances qui ont fait retrouver ses notes sur Sénèque, qui venaient d'être renvoyées à Anvers. Il demande ensuite à Juste Lipse de vouloir y mettre la dernière main : « Optarim itaque, mi Lipsi, te pro veteri nostra necessitudine, ultimam manum addere, com- » modo quod fiat tuo, ut tuis edcroyéu; nugae nostrae haereant; nostramque inter victrices héde- » ram tibi serpere lauros. Sic enim placere confido, et tamquam in bono lumine collocata splen- » descent. Tribue hoc, amabo, publicae utilitati. Jussi itaque ad te quam primum , si volenti erit, » mitti. Mihi certe, ut scis, retractare non vacat (nec poenitet tamen vigiliarum , quod praefiscine » inter nos liceat); sum enim in hoc interpretandi munere, et quidem in ampliss. hoc theatro » [Romae] ingeniorumque luce valde impeditus. » 1 Schott a donné séparément, après son travail, quelques notes que Juste Lipse lui avait com- muniquées. 2 C'est la 36° de la cent. ad Italos et Hispanos, la 30°, la 53°, la 70° et la 85° de la 3° cent. ad Belqas. 5 La 4° de la 4° centurie. Cette lettre a été reproduite en tête de l'édition de Sénèque de Schott, avec quelque différence de texte. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. IA » tem in eo labor vetus, et mihi notus visusque olim et laudatus. Quin » multa etiam addideris nec ambigo !. Quando enim tu cessas? Itaque » nostra et juventutis causa haec ede; tum et tua, quia gloria te manet, » audacter me spondente. Etsi vitae et votorum tuorum modestia non » eo adspirat; sed tamen, si hanc negligis, nos vide. Vide et Belgicam.….. » Casaubon parle aussi, dans plusieurs de ses lettres ?, du travail de Schott sur Sénèque. Dans l’une d’elles 5, datée de janvier 1604, il le remercie en ces termes de lui avoir envoyé l'ouvrage qu’il venait de publier : « Do- » natus à Grutero * nomine tuo Senecae libro, quem nuper publicasti, » ingratus sim, nisi gratias tibi agerem. Ego vero grates tibi, doctissime » Schotte, et ago et habeo, quantum possum maximas, cum propter » munus, quo me privatim affecisti, tum multo etiam magis ipsius » Senecae nomine, quem immortali esse affectum a te beneficio, nemo » negabit harum litterarum intelligens. Perge sane, vir eruditissime, » hujus generis monumentis decus et famam tibi parare. » Nous avons eu l’occasion de parler ci-dessus, p. 16 et 26, d’un travail auquel Schott attachait de l'importance, les vies comparées d’Aristote et de Démosthène, qu’il publia en 1605, sous ce titre : Vitae comparatae Aristotelis ac Demosthenis, Olympiadibus ac Praeturis Atheniensium digestae ab A. Schotto, Augustae Vindelicorum in-4°. Il le regardait comme un essai en ce genre, et se proposait, comme nous l’avons vu, de continuer de semblables études, si ce travail était bien accueilli des savants. La préface, qui sert en même temps de dédicace, est adressée à Marcus 1 C'est sans doute des premières notes que Schott lui avait soumises qu’il dit, en 1596, dans une lettre à Pantin citée plus haut : Sunt bonae et eruditae, sed in plerisque praevenit eum Nic. Faber. L'année précédente, avant d’avoir reçu le manuscrit de Schott, il le prévenait que Faber avait fait de très-bonnes annotations sur Sénèque. — Baillet, en traitant de Sénèque le rhéteur (Jugem. des savants., t. VIE, p. 110 et suiv.), s'appuie beaucoup sur le jugement de Schott. Voyez aussi Jo. A1b. Fabricii Biblioth. lat. (ed. Ernesti), £. Il, p. 90 , et Jo. Georgü Graevii Cohors Mu- sarum, ed. W. Van Bueren, Traj. ad Rhenum, 1715, p. 351. 2? Voyez la 312° et la 364° de la collection. 5 La 581°. # Dans une lettre, datée de Lille en août 1603 ({ Burm. Syll., t. 1, p. 103), Schott dit à Juste Lipse que Gruter lui a annoncé que son travail sur Sénèque paraîtrait au mois de septembre; extra patriam enim , ajoute-t-il, meis ingratiis, domi despectus, mittere coactus fui. Tome XXII. 6 42 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. Velserus, ami commun de Juste Lipse et de Schott, et protecteur éclairé des gens de lettres. Schott y rend compte de son travail. C'est à l'imita- tion de Plutarqué qu’il a formé le dessein de comparer les vies de deux Grecs également célèbres, quoïque dans des genres différents. Il a eu pour but de jeter du jour sur les écrits de ces deux auteurs, en's lECRARFANTE du flambeau de lhistoire et de la chronologie. Cette production prouve une érudition étonnante ! dans l’auteur et une connaissance intime de tout ce qui se rapporte soit aux écrits, soit à l’époque d’Aristote et de Démosthène. Schott indique et juge les principaux interprètes de ces deux écrivains. Les remarques qu’il y rattache m'ont paru offrir de l'intérêt en ce que, d’un côté, elles montrent la prudence et l'exactitude avec lesquelles il écrivait et, de l’autre, le goût avec lequel il appréciait les productions des anciens. Voici la remarque qui se rapporte aux interprètes d’Aristote : « Haëc » habuüi quae de interpretibus Aristotelis et Theophrasti atque illorum » Scriptis explanandis philosophiae candidatis colligére brevi potui. » Néque vero a principio propositum fuerat nobis de omnibus interpre- » tibus dicére, neque id fieri posse videbatur; Cum multi nondum hanc » lucem aspexerint, aliôs ex editis nec legere quidem nobis adhuc con- » tigérit; ut taceam eos qui digni non videntur, ut in eum numerum refe- » rantur, et illos, de quibus judicium nostrum, aut alterius, non sine » invidia in vulgus manaret. Et véro praestitum id nuper video in Lug- » dunensi Aristotelis graeco-latina editione, cui adjicitur syllabus inter- » pretum cum veterum, tum recentiorum; nos de his, ut invidiae plena » alea, judicium sustinuimus ac rarius nominavimus. ‘» Il s'exprime avec moins de réserve sur les interprètes de Démosthène : « Oratorem varii varie metaphrasi sua xarà ré interprétari sunt conati; » pauci, aut nullus potius, quantum voluit, est assecutus. Graëca enim 1 Schott, à la fin de l’épître dédicatoire à Juste Lipse de son édition de Sénèque, après avoir dit que, si sa vue s’est affaiblie , sa mémoire a conservé en revanche toute sa force, ajoute : Testa- buntur id fortasse Vitae comparatae Aristotelis ac Demosthenis nuper auspiciis M. Velseri com- munis amici evulgatae. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 43 » eloquentia majorem habens é&esyiay, longe magis animum afficit, aures » ferit ac demulcet suavius. Quin et M. Tullius, romani vox eloquii, » cum utriusque Graeciae principis contrarias, de Corona pro Ctesiphonte » a Demosthene et contra Ctesiphontem ab Æschine habitas orationes » latine redderet, ne umbram quidem Demosthenis consecutum se » ingenue fatetur. Quid igitur isti minorum gentium interpretes balbi, » infantes ac paene muti, si cum Cicerone componantur, quam longo » relinquuntur intervallo? Sed de optimo interpretandi genere et de » bonorum graecorum bene latina faciendorum ratione, nos in Tullia- » nis quaestionibus. Supersedebo igitur et per saturam de multis paucos » recensebo. » Après la préface, on trouve deux lettres, ou plutôt des extraits de deux lettres adressées à Schott, la première par Jos. Scaliger, la deuxième par Is, Casaubon. Ces extraits prouvent combien le jugement de ces deux savants était favorable à Schott, qui leur avait soumis son manuscrit. Le passage de la lettre de Scaliger qui se rapporte aux Vitae compa- ratae est ainsi conçu : « Quum tibi remisi Vitam Demosthenis et Aristo- » telis, preces adjeci ut ederentur. Alioquin lege tecum ageremus, qui » haec invidens publicae utilitati et voto nostro, vel potius precibus non » satisfaceres. — Dominica Quasimodo 1603. » Dans une autre lettre de Scaliger à Schott, dont nous avons donné le commencement p. 16, il paraît qu’il est aussi question du même ouvrage. Voici quelques passages de cette lettre : « Neque postremo loco posue- » rim voluptatem quam ex libro tuo cepi, quem totum devoravi. Quem » si scirem edere te nolle, scito me non remissurum fuisse nisi prius » imposita edendi necessitate. Itaque ex lege remitto, ne diutius nos » eum desiderare sinas. Nescio quo bono casu evenerit, ut tunc, quum » idem tractarem, librum tuum acceperim. Tunc enim in manibus meam > Ouriäduv évaypagiv habebam, quod est unum ex capitibus 7% oweyuyñs » iotopias noStrae, quam editioni Eusebianorum Chronicorum graecae ad- » jiciemus..... Vide igitur, quam bene conveniat nobis, qui eodem fere » tempore idem argumentum tractabamus. Nam, ut dixi, & r7 vaæypagn » tüy Ovumidwy multa quae sunt a te animadversa invenies. Labor tuus NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. EE tas » tanto gratior erit, quanto utilior alius esse non possit; et certe accu- » ratissime omnia a te discussa sunt. Unum superest, ne editionem diffe- » ras. Lege enim tecum agerem..….. IT Kal. Nov. 1602. » Voici l’extrait d’une lettre de Casaubon qui a été imprimé après celui de Scaliger : « Quod libellum tuum recepisti, laetor teque hortor ne » diutius publico eum invideas. Feceris rem et mihi et universo gregi » tv ghouxS& longe gratissimam. Si alia melior edendi occasio se tibi » non offerat et Lutetiam iterum miseris, omni ope atque opera enitar, ut » quam emendatissimus edatur : quod non dicis causa et äposuisens yäpw, » sed sancte et antiqua fide tibi polliceor. Vale. a. d. IT, Cal. Mai anno 16053. » La collection des lettres de Casaubon en renferme plusieurs adressées ÿ à Schott, dans lesquelles il est fait mention du même ouvrage. Dans la 295°, de juillet 1602, il dit qu’il a appris avec plaisir que la Vie de Dé- mosthène s'imprimait à Augsbourg : « Non enim dubito, » ajoute-t-1l, » opus quam emendatissime iri editum. Fidem et amorem in literas » summorum virorum Velseri et Hoeschelii satis perspectam habeo. » Dans la 511: lettre, de novembre de la même année, Casaubon s'exprime ainsi : « Venio igitur ad librum Vitarum comparatarum Aristotelis et » Demosthenis, quem misisti; ac primum ingentes tibi gratias ago, quod » usuram ejus, etiam antequam publicatus esset, mihi concessisti. » Après avoir parlé ensuite des embarras que lui causaient ses occupa- tions nombreuses, il continue en ces termes : « Non tamen impedierunt ÿ ista, quin libellum tuum statim acceptum devorarem, quod cum dico, » simul et judicium meum de illo tibi ostendo. In tantis enim et otii et » temporis angustiis nunquam lectioni ejus vacassem, nisi et argumenti » genere, et tractandi modo mirifice et initio cepisses me et captum te- » nuisses. Hortor igitur te, atque adeo oro etiam et etiam, utilissimi » scripti editionem omnibus modis acceleres. Nemo Aristotelem, nemo » Demosthenem amat, aut in illorum lectione serio versatur, quin pro » navata bac opera obnoxium se tibi sit agniturus. » Puis il lui souhaite un bon imprimeur, et il lui offre ses services, s’il se déterminait à faire imprimer son ouvrage à Paris. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 45 Enfin, la 581° lettre de Casaubon, écrite en janvier 1604, contient ce passage également flatteur pour Schott : « .…. Quam sis enim in utraque » lingua (graeca et latina) exercitatus satis superque probant quae sunt » hactenus a te edita; eximie autem, si quid judico, opus illud quo » duo illa Graeciae lumina, Aristotelem et Demosthenem descripsisti. » Equidem pro mea virili multum me tibi debere operam in eo argu- » mento positam ingenue fateor. » Ce fut aussi sous les auspices de M. Velserus que Schott fit paraître à Augsbourg, en 1606 , la Bibliothèque de Photius, traduite en latin, sous ce titre : Photü Myriobiblon sive Bibliotheca e graeco latine reddita scholisque illus- trata, opera And. Schotti Antverpiani, de Soc. Jesu, Augustae Vindelico- rum, 1606, in-fol. 1. Le texte grec avait déjà été publié à Augsbourg, en 1601, par les soins de David Hoeschelius, qui y avait ajouté quelques notes. Cette édition et celle de Schott furent ensuite réunies et reproduites plusieurs fois, par exemple, en 1612, à Genève (par Paul Étienne), et en 1655, à Rouen. Dans une lettre? reproduite en tête de son édition, Schott met sous le patronage de M. Velserus son travail, qu’il qualifie d’herculéen. IL rap- porte qu’étant à Tarragone, il y avait appris à connaître Photius en tra- duisant en latin la Chrestomathie de Proclus 5. Après de longues recherches, il était enfin parvenu à trouver, à Rome, un manuscrit de la Bibliothèque de Photius. Dans ses prolégomènes, il prend à tâche de défendre contre les cri- tiques le travail de Photius et le sien. Il montre les difficultés qu’il a eu à surmonter, à cause de la variété des matières qu’embrasse l'ouvrage de Photius et du manque de la plupart des sources. Toutefois, il a compulsé soigneusement celles qu’il a pu découvrir. Il raconte la chute de Photius et le schisme qu’il consomma dans l'Église d'Orient; mais il cherche à ! Nicéron et Alegambe citent à tort cette édition comme ayant été publiée à Paris. ? Elle est datée d'Anvers des calendes de janvier 1606. L'autorisation d'imprimer porte la date des calendes de septembre 1605. 5 Il avait édité la Chrestomathie de Proclus en 1590, à Francfort. 46 NOTICE SUR ANDRÉ SCHO!T. établir que cet auteur composa son ouvrage avant sa chute et qu’on n’y trouve que des preuves d’orthodoxie. A l’occasion du titre Bibliotheca , il fait histoire des hiklioshbenee pu- bliques, comme analectes, en forme de corollaire à la dissertation que Juste Lipse avait adressée à Charles de Croy, sur les bibliothèques des anciens Grecs et Romains. Il paraît que Schott s’est trompé sur l'importance qu'il attachait. à son travail sur Photius. Sa traduction latine a été généralement jugée peu exacte !. Baillet?, s'appuie particulièrement, à ce sujet, sur des observa- tions de Jean Pearson (Proleg. ad Hieroclem), qui prétend qu’une des raisons qui ont empêché Schott d’être fort exact dans sa version de Photius, est son ignorance de certaines sciences qui sont traitées dans les auteurs , dont Photius rapporte les Abrégés ; que, par exemple, il a mal traduit Hiéro- clès (philosophe alexandrin du Ve siècle), parce qu’il n’entendait pas la philosophie platonicienne, ou du moins n’en comprenait pas bien la ter- minologie. Gotilieb Wernsdorf, dans la préface de son édition du sophiste Hime- rius 5, dont les Eclogae sont extraites de la Bibliothèque de Photius, entre dans plus de détails en ce qui concerne Schott #. Frappé de la négligence avec laquelle certaines parties de Photius auraient été traduites par un homme dont il reconnaît la profonde érudition et les services rendus à la littérature grecque, et dont il loue les notes mêmes sur Photius, il a pris à tâche de prouver que Schott n’a pas traduit lui-même en entier l'ouvrage de Photius, mais que, soit lassitude, soit à cause d’autres occupations, il n'aurait traduit qu'environ la moitié et aurait confié le reste à un jeune disciple peu versé dans la connaissance du grec. Dans la partie qui est 1 Voyez Schoell, Hist. de la litt. grecque, t. AN, p. 318. 3 Jugements des Savants, t. I, p. 419. 5 Gottingae, 1790. 4 Préf. citée, p. xxv. On trouve l'indication d’autres écrivains qui ont sévèrement critiqué la traduction de Photius faite par Schott. Voici le jugement que porte Wernsdorf, lui-même : Eruditissimus vir et de graecis literis eximie meritus, magis tamen laboriosus et audax criticus, quam felix aut ingeniosus. Quant aux notes de Schott , il les appelle (p.xxxx) : Scholia non contemnenda. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 47 soignée et traduite avec élégance, on reconnaît, dit-il, la main de Schott !, tandis que ce qui suit trahit visiblement l'ignorance. Reprenant donc l'observation faite par Fabrieius ? qui, après Alegambe, répète qu’un jeune jésuite, Phil. Suevezelius, aida beaucoup Schott à éditer Photius, Wernsdorf cherche à établir la vraisemblance de cette assertion. En plusieurs endroits de ses écrits, et notamment dans la dédicace de ses Adagia graecorum 5, nous voyons que Schott ne se dissimulait pas la difficulté des traductions. « Nunc experimento, dit-il, magis magisque » comperi (de quo et Tullianarum quaest., lib. IV, nuper disserui et in » Photii P. upBiGo latine reddendo, in tot et tantorum scriptorum styli- » que varietate apparet) quam difficili ac lubrico in loco eorum versatur » ‘industria qui graeca latine reddunt, ut paucissimi sane ex omni mul- » titudine ad hanc diem, qui perfectissimum usquequaque impleant, re- » periantur. » Dans la préface du même ouvrage, qui parut en 1612, il demande qu’on ne le réimprime pas sans le consulter, à cause des changements qu’il pourrait y introduire. Il regrette que l’on ait réimprimé récemment ën France son travail sur Photius. Poterat enim, dit-il, lauta a nobis tem- pori submitti accessio in tanta librorum quos legerat Photius, et nondum exierunt, copie. Nous avons ‘eu l’occasion de parler des travaux de Schott sur Sext. Aurélius Victor; il's’occupa aussi de Cornelius Nepos. Il prit part à une édition remarquable de cet auteur, qui parut à Francfort, en 1609 , in- folio. Cest lui qui rassembla le premier les fragments de Corn. Nepos #. 1 Dans les prolégomènes, Schott déclare qu'il s'est attaché à écrire purement en latin, c’est-à- dire, comme il s'exprime lui-même, romane. 2: Bibl. gr., t'IX, p. 379 sq. 5 M. Gaisford, qui a publié à Oxford , en 1836, une nouvelle édition des Proverbes grecs, a fait réimprimer en entier les notes d’And. Schott. Les derniers éditeurs (Corpus Paroemiographo- rum graécorum, ed. Leutsch et Schneidewin,, t. L. Gotting., 1839, in-8°), se sont bornés à en donner des extraits. Voici comment ils s'expliquent à cet égard (p. xxxvin) : « Nobis non pla- » cuit Schotti annotationem illibatam recoquere, sed quae : essent etiam nunce alicujus pretii, » transtulimus, resecta omni Schotti loquacitate in rebus sexeenties ingestis. » 4 Voyez Bæhr, ouv. cité, 3° éd., $ 206, où se trouvent indiqués les éditeurs ‘qui ont corrigé et 48 NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. On trouve des détails intéressants sur ses travaux dans l'édition de Corn. Nepos, qui fut reproduite à Leipsig en 1806, avec les notes de J. André Bosius et la préface de J. Fr. Fischer. Dans cette préface !, Fischer indique d’une manière détaillée ce que con- tient l'édition de Francfort de 1609. Cette édition renferme non-seule- ment les observations de Schott qui concernent Corn. Nepos , mais aussi ses travaux sur Aur. Victor et, en outre, les notes postérieures à celles qu’il avait données auparavant sur ces deux historiens. En parlant des fragments de Corn. Nepos, Fischer s'exprime ainsi (p. zvi) 2: « Primus eas (reliquias), ut nunc sunt, collegit et vitam » Catonis atque Attici ïis inseruit magnus ille Andreas Schottus. » Ces fragments, avec les additions et les notes de Jean-André Bosius, se trou- vent à la fin de l’édition de Leipsig. Au commencement de cette collection, nous lisons une note qui nous apprend que Schott, en extrayant les frag- ments de Corn. Nepos, ne les a pas toujours reproduits exactement tels qu’ils étaient donnés par les auteurs où il les a découverts 5. Les notes de Schott sur les fragments sont tout entières dans l’édition de Corn. Nepos de A. Van Staveren, Lugdüni Batavorum, 1775, ainsi que sa Chronologie de la vie de Caton. On y a reproduit aussi l'extrait d'une lettre qu’il adressa à Corneille Valère en tête de sa collection de frag- ments et son épître au lecteur, dans laquelle on remarque le passage sui- vant : après avoir dit que l’on a attribué à Æmilius Probus le livre De vita et moribus excellentium Graeciae imperatorum, et à Pline le jeune et en- suite à Corn. Nepos le livre de Viris illustribus urbis Romae, il ajoute : « Sed » neutrius mihi videri, admodum adolescens docui singulari Comm. in » eum auctorem Duaci et Lutetiae edito ; et veterum libr. fide rationum- augmenté le recueil des fragments de Corn. Nepos que Schott avait publié. Le dernier de ces édi- teurs est L. Roth, Basileae, 1841. Voyez Roulez, Manuel de Bæwhr, p. 196. 1 A la note des pages xuiv et xLv. 2 Ala page xzv, il parle en ces termes de Schott : « In emendando perquam cautus est et » modestus, sed quum de editis exemplis neque Aldinum, neque omnino ullum Ultrajectino ve- » tustius consuluerit, mirandum profecto non est, multas ab eo lectiones Longolio Lambinoque » tributas esse, quae aliis debuissent auctoribus tribui. » 5 Voyez cependant Jo. Alb. Fabricii Bibl. lat., t. X, p. 110. NOTICE SUR ANDRÉ SCHOTT. 49 » que momentis Sext. Aurelio Victori jure postliminii reddidimus; cujus » ethistoriam Augustam, ante me natum nusquam, quod equidem sciam, » typis vulgatam, Antverpiae primi edidimus. Quare ut illa Æmilio ad- »_scripta Nepotis esse ya pronuntio, ita Viros illustres eidem abjudico. » Outre les productions philologiques d’A. Schott, dont je viens de donner un aperçu, il en est d’autres encore qui seraient bien dignes d’at- tirer notre attention; mais les recherches que j'ai faites pour découvrir des exemplaires de ces ouvrages ont été infructueuses. Au reste, comme je lai dit en commençant, j'ai compris que je ne pou- vais m'imposer que la tâche d'établir quelques-uns des titres qui assignent à Schott un rang distingué parmi les philologues célèbres auxquels notre pays a donné le jour. Je crois avoir rempli cette tâche selon la mesure de mes forces, quelque incomplet que soit d’ailleurs mon travail, si on le considère dans son ensemble. Toutefois, il est un point que je me réserve de traiter à part et avec détails. Je voudrais examiner la nature et la valeur des observations que renferment les ouvrages de Schott pour l'intelligence de certains auteurs grecs et latins. Ainsi disparaîtrait ce que j'ai pu laisser de trop vague dans une appréciation générale de travaux philologiques. FIN. Toue XXI. | SUR DES LETTRES INÉDITES DE JACQUES DE VITRY, ÉVÈQUE DE SAINT-JEAN-D'ACRE, CARDINAL ET LÉGAT DU PAPE, ÉCRITES EN 1216; PAR M. Le Baron Juzes DE SAINT-GENOIS. (Présenté à la séance du 8 novembre 1847.) Tome XXII. | RACE LR TE | .: , à et Es “ l œ L . 4% à \ e ë ME WE SUR DES LETTRES INÉDITES DE JACQUES DE VITRY, ÉVÈQUE DE SAINT-JEAN-D'ACRE , CARDINAL ET LÉGAT DU PAPE, ÉCRITES EN 12146. Si l'on en excepte les noms retentissants de Pierre l’Ermite, de Foul- ques, curé de Neuilly, des papes Urbain et Innocent et de quelques autres, il y a peu d’hommes d'église aussi célèbres dans l’histoire des croisades que Jacques de Vitry. La part qu'il prit, par ses prédications, à la guerre contre les Albigeois et aux expéditions contre les infidèles; les hautes dignités ecclésiastiques dont il fut revêtu; les délicates missions qu’il remplit à différentes re- prises en France, en Allemagne et dans les Pays-Bas; enfin sa fougueuse éloquence et les nombreux écrits qu’il nous a laissés font de lui un des personnages les plus remarquables du XII: siècle. Successivement chanoine régulier du prieuré d’Oignies !, dans l’ancien Brabant wallon, évêque de Saint-Jean-d’Acre ou Ptolémaïs, cardinal, évêque de Frascati (Tusculum), légat du saint siége, il vit son nom mêlé à tous les grands événements qui signalèrent les croisades entreprises contre les Albigeois et contre les Sarrasins. 1 Aujourd'hui dépendance de la commune d’Ayseau, près de Charleroy. Ce prieuré fut fondé sur les bords de la Sambre en 4192 (Acta Sanctorum, mensis Junii, t. IV, p. 651). 4 SUR DES LETTRES INÉDITES Il naquit, selon les uns, à Argenteuil ou à Vitry-sur-Seine près de Paris, selon les autres, à Vitré ou à Vitry-sur-Marne en Champagne. Il passa près de dix ans de sa vie en Belgique et y laissa de nombreux sou- venirs. Il ordonna, par son testament, que son corps füt enseveli dans le couvent d’Oignies !. Plusieurs auteurs ont assuré qu'avant de devenir évêque, il avait été curé à Wasiers ou à Oignies. Il paraît plus certain qu’il fut simplement moine de ce dernier couvent. La vie de cet homme célèbre a été assez souvent décrite pour que nous nous croyions dispensé de la raconter ici au long. Nous nous contenterons de rapporter les particularités qui concernent son séjour en Belgique, en guise d'introduction aux lettres inédites de ce prélat que nous publierons plus loin. Dans l'excellente biographie que M. Daunou a consacrée à Jacques de Vitry, il dit de lui : « À ne considérer dans Jacques de Vitry que le prédi- » cateur, le prélat et l'écrivain, il est encore un des personnages les plus » distingués de son temps, digne, à beaucoup d’égards, des hommages » que les auteurs des siècles suivants s’accordent à lui rendre ?. » Dans les premières années du XII siècle vivait, près de Nivelles, dans un endroit nommé Willembroek, une sainte femme appelée Marie, que la renommée de ses vertus entourait d’une vénération peu commune. Au bout de quelque temps, l'immense concours de peuple qui se rendait en ce lieu pour la voir et l'entendre, la détermina à chercher dans une so- litude plus profonde le calme et la méditation qui manquaient à sa vie retirée. Elle quitta son mari et sa famille et alla se réfugier dans le prieuré d’'Oignies , fondé, peu d’années auparavant, par quelques chanoines ré- guliers. j Jacques de Vitry fréquentait à cette époque les écoles de Paris, « mère de toutes sciences » , comme dit Nicolas de Cantimpré, le continuateur de la vie de sainte Marie d’Oignies 5. Attiré par la haute réputation de piété 1 Acta, cité. — Histoire littéraire de France, t. XVNI, p: 212. 2 Hist. litt., cité, p. 213. 5 Acla, cité, p. 667. DE JACQUES DE VITRY. b) de Marie, il abandonna tout à coup l'étude de la théologie vers 1208 ou 1210, quitta Paris, où il avait déjà acquis un grand renom par son sa- voir, et entreprit un voyage en Brabant, pour aller voir cette femme extraor- dinaire, qui exerça, depuis, sur ses destinées la plus puissante influence. Elle le reçut comme un homme prédestiné, appelé par ses talents à ac- complir de grandes choses. Elle l'engagea à aller prècher la morale au peuple, le détourna de l’idée de rentrer dans sa patrie, et finit par le dé- terminer à entrer dans le couvent d’Oignies. En peu de temps ses prédi- cations obtinrent un succès inespéré, et la réputation de son éloquence retentit au loin dans nos contrées. Il repartit cependant pour Paris, afin de s’y faire ordonner prêtre. A son retour, Marie se porta à sa rencontre avec tous les chanoines. Dans l’en- thousiasme que lui inspiraient sa brillante renommée et l'avenir plus glo- rieux encore qui l’attendait, elle tomba à genoux devant lui, baisa la trace de ses pas et lui prédit qu’il deviendrait un jour évêque en Terre sainte !. Nous ferons remarquer en passant que toute cette partie de la vie de Jacques de Vitry est tellement entremélée de fables, de légendes et d’in- certitudes, qu’on ne saurait en accueillir les détails qu'avec la plus grande réserve. Plusieurs auteurs disent que ce prélat aurait été chargé de prêcher la croisade contre les Albigeois par le pape Innocent III, vers l'an 1215 2. Cependant, s’il faut ajouter foi aux écrivains contemporains, c’est plutôt à la sollicitation de Marie et poussé par son propre zèle pour le main- tien de la foi, qu’il aurait entrepris cette rude tâche. Quoi qu’il en soit, il fut, avec le cardinal de Courcçon, le plus ardent promoteur de cette guerre d’extermination. La haine et la crainte qu’in- spirait la nouvelle secte, au fond plus politique que religieuse, ainsi que l'ont démontré quelques historiens modernes, enflammèrent cet esprit inquiet et énergique. Il devint un des ennemis les plus acharnés des Albi- geois et tonna pendant cinq ans du haut de la chaire, avec une exaltation 1 Acta et Hist. lit, 1. c. ? Voir les Acta sanctorum, cité, et Collection des monuments relatifs à l'histoire de France, t. XXII, p. vu. 6 SUR DES LETTRES INÉDITES digne d’un siècle barbare, contre tous ceux qui professaient ces étranges doctrines, où les erreurs des Manichéens se mélaient aux dogmes des anciens Gnostiques pour infecter le midi de la France !. Les échos de la voix éloquente et terrible de Jacques de Vitry parti- rent de la Belgique pour soulever l’orage qui devait écraser le schisme et ses nombreux adhérents. La mort de son amie, survenue en 1215, ne l’'empêcha point de pour- suivre le cours de ses prédications en France et dans nos contrées; il ne se tut un instant que lorsqu'il vit les combattants, armés par lui, assez convaincus pour ne plus reculer devant les chances de la lutte. Mais il ne lui suffit point de foudroyer les Albigeois de son éloquence passionnée, il voulut aussi prêcher contre les infidèles. Il peignit la situation des chrétiens en Orient sous les couleurs les plus sombres, et joignant l'exemple à la parole, il se croisa enfin lui-même et partit pour la Terre sainte en 1216. Les détails de son voyage en Orient sont racontés au long dans ses lettres. La renommée de son zèle et de son courage pénétra bientôt en Pales- tine, et il était encore en Europe, que les chrétiens de Saint-Jean-d’Acre lui firent offrir le siége épiscopal de cette ville ?. Avant de quitter la Belgique, il déposa les restes de Marie d'Oignies dans un sarcophage en pierre 5, et il consacra les derniers moments qu’il passa en Brabant, à écrire la vie de cette femme pieuse, à la prière de Foulques, évêque de Toulouse, qui, chassé de son siége par les sectaires, avait cherché un refuge dans le pays de Liége, en l’année 1212, et avait assisté Marie au lit de mort #. Cette vie a été publiée plusieurs fois; elle est insérée, avec de nom- breuses notes, dans les Acta sanctorum ?. Après la mort du biographe, Nicolas de Cantimpré fut sollicité, par le ‘ Michaud, Histoire des croisades, t. WE, pp. 390 et suiv. (Paris, 1826). Michaud, cité. Molani, Natales sanctorum Belgii (Lov., 1595). Acta, cité, pp. 634-666. 1b., p. 634-666. - ot 1° œ DE JACQUES DE VITRY. 7 prieur d’Oignies, d’ajouter à cette vie plusieurs particularités oubliées ou omises à dessein par Jacques de Vitry !. Quoique écrite dans des vues ascétiques et avec la naïveté crédule qui caractérisait une époque où le merveilleux jouait un rôle si important, la vie de sainte Marie d’Oignies est un document historique qui n’est pas à dédaigner pour l’hagiographie belge. Dans le prologue de cette pièce, adressée à Foulques, évêque de Tou- louse, nous avons remarqué plusieurs passages curieux où l’évêque de Saint- Jean-d’Acre, parlant de certaines filles pieuses du pays de Liége (que nous croyons n'être autres que des béguines), livrées à des extases habituelles, paraît décrire différents effets magnétiques, assez semblables à ceux que la science moderne a découverts. Voici un de ces passages le plus saillants : « Pax enim Dei ita exuperabat et sepeliebat sensus earum quod ad nul- » lum clamorem evigilare poterant; nullam pœnitus læsionem corpora- » lem, etiamsi vehementer pungerentur, sentirent. Vidi aliam, quæ dum » extra se frequenter quinque et viginti vicibus in die raperetur (quæ » etiam, me præsente, plusquam septies, ut credo, rapta est) in quo- » cumque statu inveniebatur, in eo, donec reverteretur, immobilis per- » manebat; nec tamen, quantumcumque inclinaretur, familiari spiritu » sustinente, cadebat. Manus ejus quandoque in aere dependebat immo- » bilis, secundum dispositionem in qua inventa fuerat ?. » Ce que Jacques de Vitry attribue ici à l'esprit familier de chacune de ces femmes, n’était, en réalité, on le voit, que l’effet d’un phénomène phy- sique qui certes, à cette époque d’ignorance et de crédulité, devait parai- tre merveilleux. En lisant la vie de sainte Marie d’Oignies, à qui on attribuait le don de pouvoir prédire l’avenir, comme sainte Hildegarde et d’autres saints personnages du moyen âge, on s'aperçoit aisément qu’elle aussi apparte- nait à cette classe d’esprits extatiques dont Jacques de Vitry parle dans son prologue, natures sévères que le jeûne, la vie contemplative, la mé- ! Acta, p. 666 et seqq. 2 1b., cité, p. 637. 8 SUR DES LETTRES INÉDITES ditation et la prière prédisposaient particulièrement à avoir des visions de toutes espèces et à subir cet état intermédiaire entre la veille et le som- meil, auquel on doit des phénomènes si extraordinaires. Au reste, soit foi dans la puissance surnaturelle de Marie, qu’on regardait comme une élue du Ciel, soit respect pour son souvenir, nous voyons, dans la première des lettres de Jacques de Vitry, qu’il conservait précieusement son doigt et qu'il portait constamment l’anneau qu’elle lui avait laissé !. Il y avait une autre femme pieuse, célèbre dans l'hagiographie belge, avec laquelle l’évêque de Saint-Jean-d’Acre eut de fréquents rapports. Nous voulons parler de sainte Lutgarde, qui tantôt est appelée Lutgarde de Saint-Trond, tantôt Lutgarde de Tongres, parce qu’elle était née dans la seconde de ces villes et qu’elle avait habité dans la première, c’est-à- dire au couvent de St-Catherine extra muros, à S'-Trond. Nicolas de Cantimpré, le biographe de cette sainte, que sa crédulité a rendu souvent suspect, raconte que, par ses prières, Jacques de Vitry, fut délivré d’un amour terrestre qu’il avait conçu, en Belgique, pour une re- ligieuse malade et pour laquelle il négligeait ses devoirs de prédicateur. Le même auteur assure, en condamnant d'avance ceux qui en pourraient douter, que quatre jours après le décès de l’évêque de Saint-Jean-d’Acre, celui-ci apparut à sainte Lutgarde et lui dit æ "il avait passé deux jours et trois nuits dans le purgatoire ?. Sainte Lutgarde mourut religieuse d’Awirs, monastère dont à tort plusieurs auteurs l'ont faite abbesse 5. L'absence n’interrompit point les relations de Jacques de Vitry avec cette sainte; sa deuxième lettre, que nous publierons à la suite de cette notice, lui est adressée. En écrivant la vie de Marie d’Oignies, Jacques de Vitry voulut rendre un dernier hommage à la mémoire de cette femme extraordinaire, dont les con- seils l'avaient fixé à Oignies et dont l'enthousiasme sympathique avait si puis- 1 Hist. litt., cité, p. 213. — Acta sancta, cité, p. 673 et 674. 2 Acta sanctorum, mensis Junii, t. I, p. 251-244. — Hist. litt., cité, p. 215. ë Voir sur cette sainte, Acta, cité, t. I, p. 231-263. — Vie de sainte Marie d'Oignies, cité, p. 204. — Leroy, Grand théâtre sacré du Brabant wallon. DE JACQUES DE VITRY. 9 samment développé ses éloquentes dispositions et réagi sur ses destinées. Il quitta enfin ce couvent au commencement de 1216 et alla s’'embar- quer à Gènes pour la Terre sainte. I résida onze ans en Orient et prit part aux affaires les plus impor- lantes qui se débattirent dans cette contrée. | Pendant son séjour à Saint-Jean-d’Acre, il voulut reconnaître, par ses libéralités, l'hospitalité qu’il avait reçue à Oignies 1. Une charte de Siger, prieur d'Oignies, donnée en 1245, nous fournit des détails précis sur la générosité de l’évèque de Saint-Jean-d’Acre en- vers ce monastère. Siger nous dit que, sorti du sein de cet établissement pour arriver aux plus hautes dignités ecclésiastiques, Jacques de Vitry n'avait point perdu le souvenir de la vie retirée qu’il y avait menée. Comme témoignage de sa reconnaissance, il envoya à Oignies des vête- ments de soie, des ornements d'église, des reliques de saints et un nombre infini de livres. Il attira en outre les faveurs de Rome sur le couvent, et fit expédier de grandes sommes d'argent aux moines. Afin qu’ils pussent se procurer le vin nécessaire aux besoins de la communauté, il leur légua par son testament, une somme de 1,500 livres (librae alborum) pour acheter des vignobles, ou tout au moins Dior acquérir des terres où l'on pourrait cultiver la vigne ? Dans cette même charte, je prieur or par suite de cet acte de géné- rosité de Jacques de Vitry, quelle sera à l’avenir la pitance en vin des moines d'Oignies, et institue une messe solennelle qui devait être célébrée tous les jours devant le tombeau du donateur 5. Ce ne fut qu'en 1227 que ce prélat revint à Rome, fort dégoûté de son évêché et conservant peu d’espoir d'améliorer la situation des affaires de la chrétienté en Palestine. Il séjourna peu de temps dans la ville éternelle. Car le pape Honorius lui confia de nouveau la mission de parcourir la Belgique et le nord de la 1 Acta, cité, p. 678. ? C'est un nouveau renseignement à ajouter aux recherches publiées ,entreautres, par M. Schayes, sur la culture de la vigne en Belgique. 5 Martène et Durand, 4mpliss. collectio, t. 1, pp. 1278-1980. Towe XXII. 2 10 SUR DES LETTRES INÉDITES France, pour combattre les progrès qu'y faisait la secte des Albigeois. Il profita de ce voyage dans nos contrées pour consacrer, en personne, la nouvelle église d’Oignies, obéissant en cette circonstance, dit la lé- gende, à une vision qu’il avait eue et dans laquelle Marie lui était apparue et lui avait ordonné d’accomplir cette cérémonie 1, À cette époque, il passa encore deux ans en Belgique et alla, pendant ce temps, prêcher en Flandre contre les Albigeois, en compagnie de Foulques Uutenhove, chanoine de Lille et fondateur de l’hôpital de la Biloque à Gand 2. On pense que c’est dans l'intervalle qu’il composa un certain nombre de ses ouvrages. Hugues de Pierrepont, évêque de Liége, étant venu à mourir le 12 avril 1229 (n. st.), dans le château de Huy, où il résidait, il fut assisté dans ses derniers moments par l’évêque d’Acre. Peu de temps après, ce dernier consacra aussi un moine nommé Thierri, en qualité d'abbé de Saint-Jacques à Liége 5. Sur ces entrefaites, Honorius IIT descendit dans la tombe. Il eut pour successeur Grégoire IX, avec lequel Jacques de Vitry était lié d'amitié. Celui-ci quitta alors Oignies où il séjournait et se rendit à Rome, pour complimenter le nouveau pape. Les moines d'Oignies firent inutilement tous leurs efforts pour retenir l’évêque d’Acre, et son départ excita parmi eux d’amers regrets #. Une de ses premières démarches fut de supplier Grégoire IX de le décharger de son évêché de Saint-Jean-d’Acre. Il resta quelque temps à Rome et y composa de nombreux sermons, que l’on conserva depuis, en manuscrit, dans l’église d’'Oignies ©. Cependant, le pape ne voulait pas qu'un homme si remarquable par son éloquence demeuràt dans l'obscurité et allât s’enfermer dans un cloître. Il lui rappela qu’il pouvait encore rendre de grands services à la chré- 1 Acta, cité. — Vie de sainte Marie d'Oignies (Louvain, 1619), pp. 197-199.—Hist. litt., cité, pp. 211-212. ? Acta, cité, p. 677. 5 Martène et Durand, Ampliss. collectio, t. V, p. 66. Acta, cité, p. 674. Acta, p. 667. Quelques-uns de ses sermons se trouvent aujourd'hui en manuscrit à la Biblio- thèque royale de Bourgogne à Bruxelles. à (3 DE JACQUES DE VITRY. 11 tienté; il l’éleva au cardinalat et lui conféra l'évêché de Tusculum (Frascati). — Nous le voyons ensuite remplir les hautes fonctions de légat du saint Siége, en Allemagne et en France. Après une vie agitée, consacrée tout entière aux travaux apostoliques et aux lettres, l'évêque de Saint-Jean-d’Acre mourut à Rome, en 1245. Nous avons vu que, par son testament, il ordonna de déposer ses dépouilles ! mortelles à Oignies. Dom Martène raconte que, dans un voyage qu'il fiten Belgique, il vit sa tombé en marbre noir dans le chœur de l'église de ce couvent. Il y fut inhumé au milieu de ceux qu’il avait particulièrement aimés sur la terre : sainte Marie d’Oignies, le savant docteur Jean de Nivelles, Gilles de Walcourt et Baudouin de Barbançon 2. Déjà, dans une charte de 1289, Guillaume, évêque de Cambrai, parle de la sépulture de l'évêque d’Acre à Oignies 5. Considéré comme prédicateur, il exerça une grande influence sur son siè- cle. Ses sermons passèrent longtemps pour des chefs-d’œuvre d’éloquence et de vigueur oratoire. On suppose avec raison que, dans ces discours chaleu- reux , Où il tonnait contre la dépravation du siècle et où il engageait le peu- ple à se croiser contre les Albigeois et contre les infidèles, il employait non pas le latin, mais la langue parlée, c’est-à-dire én France et dans la partie de la Belgique qu’il fréquentait habituellement, l’idiome roman alors en usage#. Aussi ses sermons sont-ils désignés sous le nom de sermones vulgares. Au reste, il avait le talent d’émouvoir le peuple en s'adressant à ses mœurs , à ses habitudes, à ses passions, en lui parlant de ce qu’il connais- sait, de ce qu’il aimait. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, se fondant 1 Voyage littéraire, t. I, p. 119. — Voyez aussi Leroy, Grand théâtre sacré du Brabant wal- lon, p. 19. ? Molani, Natales sanctorum Belgii, p. 127. — Acta, cité, p. 678. 5 Martène et Durand, Ampliss. collectio, t. 1, p. 1386. # Acta, p. 677. — De ce que Jacques de Vitry prêcha à Willembroek en langue vulgaire, M. Willems a inféré que l’'idiome flamand lui était familier. Mais la similitude des noms a induit cet honorable savant en erreur. Il ne s’agit pas ici de Willebroek, aujourd'hui province d'Anvers, où, en effet, le flamand seul est usité; mais bien de Willembroek, petite localité actuellement ignorée, près de Nivelles dans le Brabant, où l’on parlait la langue romane (Belgisch Museum ), t. IX, 1845, 296. 12 SUR DES LETTRES INÉDITES sur la réputation dont jouissait déjà à cette époque le roman flamand du Renard, Jacques de Vitry, dans un de ses sermons, cite dix-huit vers, tirés de cette belle épopée nationale et applicables au sujet qu’il traitait 1. Notre intention n’est point d'examiner le mérite de ses écrits. L’Historia orientalis, souvent publiée, est celui de ses ouvrages qui a obtenu le plus de célébrité, à cause des renseignements curieux que l’on y découvre sur les expéditions des chrétiens en Orient. C’est pour l’histoire des croisades un document aussi précieux que les écrits de Guillaume de Tyr et de Joinville. Un juge compétent dans la matière, M. Michaud, en fait grand cas et y consacre un long article dans sa Bibliothèque des Croisades ?. Ses sermons n’ont pas eu une réputation moins brillante. Parmi les disciples célèbres qu’il forma dans l’éloquence de la chaire, nous citerons un belge, maître Jean de Nivelles 5, qui, avec son compagnon Jean de Lirot, s'acquit une grande renommée par ses prédications. Jacques de Vitry parle de lui avec le plus grand éloge dans son Historia orientalis #. Nous avons déjà dit que ce savant docteur fut inhumé à côté de lui dans l'église d’Oignies. Quant aux ouvrages historiques qui concernent la Bel- gique, ils sont au nombre de deux : la Vie de Marie d’Oignies, dont nous avons parlé, et son traité intitulé : De mulieribus Leodiensibus, panégyrique exagéré de la vie contemplative de quelques filles dévotes du diocèse de Liége, qui semblent n'être autres, comme nous l'avons dit, que des bé- guines , proprement dites. Ce traité n’a presque pas de valeur 5. Jacques de Vitry a aussi été considéré comme auteur épistolaire. Jusqu'ici cependant on ne connaissait de lui que six lettres, qui renfer- ment la plupart des renseignements importants sur l’histoire des croisades et complètent quelques parties de son Historia orientalis. Henri de Gand; surnommé le docteur solennel, Philippe de Bergame et Trithème soutiennent qu’il a adressé des lettres à diverses personnes et 1 Belgisch Museum, cité. ? Tome I, p. 168-181. 5 Jean de Nivelles quitta son doyenné de Liége pour s'enfermer à la fin de sa vie dans le mo- nastère d'Oignies (Molani, Natales, cité, p. 127.) + Acla, cité, t. I, p. 245; Michaud, Biblioth., t. I, p.179. 5 Hist. litt., cité, p. 222: Acta, cité, t. IV, p. 677. DE JACQUES DE VITRY. 15 qu’elles forment un volume intitulé : Epistolarum ad diversos lib. 1; mais le manuscrit qui les contenait est encore resté inconnu. En examinant les manuscrits qui appartiennent à la bibliothèque de l’université de Gand pour en faire un catalogue analytique, nous avons été assez heureux pour découvrir dernièrement deux lettres de cet écri- vain que nos recherches nous permettent de regarder comme entièrement inédites. Elles offrent d'autant plus d'intérêt que les détails qui y sont consignés ne se trouvent point dans l’Historia orientalis. Avant de-nous en occuper, nous allons jeter un coup d’œil sur celles qui sont déjà imprimées. Elles sont au nombre de six. Martène et Durand en ont publié quatre qui toutes sont adressées au pape Honorius II ?. La première raconte d’une manière sommaire les exploits des chré- tiens en Orient, à partir de l’an 1216, et la prise de la fameuse tour du Nil. Dans la seconde, on trouve des détails plus circonstanciés sur ce fait d'armes auquel les Frisons et les Teutons prirent la plus grande part. La troisième s’y rapporte encore ; il y est parlé, en outre, de la mortalité des chrétiens dans ces parages lointains, de l'expédition de Coradin en Égypte et du siége de Damiette. La quatrième, enfin, décrit la prise de cette ville. Cette lettre est aussi imprimée dans les Gesta Dei per Francos5 et traduite d’une manière peu correcte dans la Collection de mémoires pour servir à l'histoire de France *. Elle y est adressée, non pas au pape Honorius, mais au docteur Jean de Nivelles ; ce qui a fait supposer à l’auteur de la biographie de Jacques de Vitry que c’était une nouvelle lettre ÿ. Dachéry a inséré dans son Spicilegium $ une cinquième lettre, qui est aussi envoyée au pape Honorius. L'évêque d’Acre s’y plaint amèrement de la corruption des croisés et de leur làcheté après la chute de Damiette : il 1 Hist. lit, 214. 2 Thesaurus anecdotorum, t. UT, p. 288-301. 5 Tome I, p. 1146-1149. 4 Tome XXIF, p. 591-405. 5 6 Hist. lit, cité, 244. Tomelif, p. 590-592. 14 SUR DES LETTRES INÉDITES y raconte les entreprises du soudan d'Égypte et de son frère Coradin contre les chrétiens, ainsi que la diversion opérée dans cette guerre par un roi redouté des Indes, nommé David. Il assure que le soudan avait demandé à faire alliance avec les chrétiens pour combattre ce redoutable ennemi. Détails sur un astrologue sarrasin qui aurait prédit tous les événements arrivés depuis en Orient et sur un volume en langue arabe, conservé précieusement par les Syriens et qui aurait contenu, au dire de Vitry , les révélations de l’apôtre saint Pierre, recueillies par son disciple Clément !. Les quatre lettres publiées par Martène et Durand renferment d’une manière abrégée les détails consignés dans le II: livre de l’Historia orien- talis, attribuée par les uns à Jacques de Vitry et par les autres à Olivier le Scholastique, chancelier de Cologne. La troisième surtout n’est souvent qu'une reproduction textuelle de plusieurs passages saillants de ce IIIe li- vre ?. C’est celle qui a été le plus souvent éditée. Enfin, la sixième lettre de l’évêque d’Acre est celle qui se trouve en tête de la vie de Marie d’Oignies , publiée dans les Acta sanctorum et qui en forme plutôt le prologue. Elle est adressée à l’évêque Foulques, expulsé du siége de Toulouse 5, Nous arrivons maintenant aux deux lettres de ce prélat qui n’ont pas encore été imprimées. Il existe parmi les manuscrits de la bibliothèque de la ville et de Puni- versité de Gand, un volume petit in-4°, marqué n° 554, qui porte au dos (reliure récente, en cuir de Russie) : J. de Viry Epistolæ quinque. L'écri- ture, qui est très-fine, est de la seconde moitié du XEIT: siècle ou du com- mencement du siècle suivant; elle est difficile à lire à cause des nombreuses abréviations qui s’y trouvent. Ce manuscrit provient de l’abbaye de Saint- Pierre de Gand, preuve que nous croyons pouvoir tirer d’un document de l'an 1290, qui termine le volume et qui se rapporte à cette abbaye. On y trouve cinq lettres de l’évêque de Saint-Jean-d’Acre, avec l’in- 1 Hist. litt., cité, 216. ? Martène et Durand, Thes. anecdotorum, t. WF, p. 269, 294-306. — Michaud, Biblioth. des Croisades, t.1, p. 180. 5 Acta, cité, t. HI. DE JACQUES DE VITRY. 15 seription en tête du premier feuillet et écriture du temps : Epistolae ma- gistri JacoBt. La première est adressée à ses amis; la seconde à Lutgarde de Saint- Trond, son amie, et au couvent d’Awirs, Aywières, Aiwières, Iwirs ou Ywières, monastère de femmes dans l’ancien Brabant wallon‘. Ce sont ces deux lettres inédites que nous allons publier. La troisième est aussi envoyée à ses amis; c’est celle que Martène et Durand ont imprimée, mais à l'adresse d'Honorius IIT?. À quelques légères variantes près, les deux textes sont identiques. Il y a cependant quelques passages qui manquent dans l’imprimé et qui se trouvent dans le manuscrit, et vice versa. La fin du texte imprimé, à partir des mots : in domo patris vestri mansiones mullae sunt, est toute diffé- rente dans le manuscrit, où elle commence ainsi, orate (pro) socüs nostris defunctis. Comme ce passage n’est pas sans intérêt pour nous, nous le reproduisons ici en entier 5. « Orate (pro) sociis nostris defunctis, scilicet (pro) magistro nostro de » Tornacho, archidiacono ecclesie nostre, per quem dominus, in Acco- » nensi civitate multa bona operatus est. Orate pro magistro Constantio » de Duacho, decano ecclesie nostre, pro domino Johanne de Came- » racho, ecclesie nostre cantore, pro domino Reinero quondam cle- » rico nostro, nunc autem sancti Michaelis in Accone pastore, pro » H{ugone), serviente nostro, et pro aliis in exercitu christiano, nobis » ministrantibus ; orate etiam pro sociis nostris defunctis qui nobis in » hoc exilio relictis, ad dominum feliciter transierunt, scilicet, pro ». magistro Thoma, cancellario Noviomensi, pro magistro Leonio, qui » legebat de theologia in civitate Acconensi; pro magistro Alexandro, » nepote magistri R. cardinalis, pro Johanne juniore de Cameracho, » nepote cantoris nostri, qui, relictis omnibus pro Christo cum divitiis » suis, migravit ad Christum. Quidam autem de familia nostra in ex- » pugnatione turris * martirio coronati sunt. Magister vero Reinaldus 1 Le Roy, Topographia historica gallo-brabantia, p. 95. 2 Thesaurus, cité, t. IT, pp. 289-294. 5 Manuscrit, fol. 41 v°. La tour du Nil. > 16 SUR DES LETTRES INÉDITES » de Barbanchon, ecclesie nostre quondam thesaurarius, cum in nocte » Pentecostes matutinas audisset, missa autem de die solempniter cele- » brata, flexo genu ante altare, recepit viaticum. Expleto vero vespertino » officio iussit sibi sterni lectum iuxta capellam nostram in modico ten- » torio. Nocte vero eum inunximus oleo sancto infirmorum. Ipse con- » tinuo habens in ore eum quem fideliter in vita sua predicaverat, » imminente diliculo, cum laude Domini et gratiarum actione migravit » ad Dominum. Ego vero per duos menses ante Damietam fere usque » ad mortem infirmatus sum, sed ad laborem et dolorem, forsitan peccatis » meiïs exigentibus, me reservabit Dominus, cui est honor et gloria, in » secula seculorum, amen. » Wautier de Tournai, Constant de Douai, Jean de Cambrai et son neveu, Thomas de Noyons, Renaud de Barbançon, dont il est question ici, étaient presque tous des Belges ; ce qui doit nous faire supposer que cette copie de la lettre (adressée dans Martène ! à Honorius) était envoyée à ses amis de Belgique. : Nous ferons remarquer d’ailleurs que les détails de la prise de la tour du Nil, par les Frisons et les Teutons, sont ici autrement présentés que dans le texte imprimé de lHistoria orientalis ?.- En quatrième lieu, vient, dans notre manuscrit, la lettre qui raconte la prise de Damiette; elle y est adressée à l’abbesse 5 et au couvent d’Awirs; c’est la même lettre qui se trouve à l'adresse du docteur Jean de Nivelles, dans les Gesta Dei per Francos #, et à l'adresse du pape Honorius IE, dans Martène et Durand ÿ, mais seulement, chez ces auteurs, jusqu'aux mots ubi steterant pedes ejus. Dans le Thesaurus, elle se termine par des détails militaires sur la prise de Damiette, tandis que notre manuscrit donne des particularités sur cet événement qui sont plus à la portée du couvent auquel ce document est adressé. Il y a, en outre, plusieurs variantes dans ? Thesaurus, t. II, pp. 289-294. 2? Guizot, Collection, cité, t. XXII, pp. 541 et suiv. 5 Ou plutôt à sainte Lutgarde, qui n'était pas abbesse, mais religieuse de ce couvent. # Tome [*, pp. 446-449. 3 Thesaurus, t. NI, pp. 301-306. DE JACQUES DE VITRY. 17 le texte manuscrit, qui finit par ces mots : alios quosdam vix retineo, tandis que le texte des Gesta Dei per Francos parle encore de deux enfants de Babylone, envoyés en Europe avec des draps de soie et des lettres, et que Jacques de Vitry demande que sa missive soit communiquée à Conrad, abbé de Villers en Brabant !. Le texte réimprimé dans le Thesaurus, donne, en outre, la date de la prise de la ville de Damiette (novembre 1219) ?. Enfin la cinquième lettre, adressée au pape Honorius LT, dans Dachéry3, est envoyée, dans notre manuscrit, au duc Léopold d'Autriche qui joua un grand rôle dans cette croisade. Si nous en exceptons quelques variantes insignifiantes, c’est la reproduction de la lettre imprimée, mais seule- ment jusqu'aux mots : pro ut melius poterimus transferre, procuravimus ©. Ici on trouve, dans notre manuscrit 6, une longue relation des faits et gestes d’un roi, redouté des Indes, qui s'appelait David et qui n’est autre que ce fameux prètre Jean, sur lequel les écrivains du moyen âge ont brodé tant de fables ridicules. Dachéry n’a point donné ce passage : peut- être ne se trouvait-il pas dans le manuscrit dont ce savant a fait usage. La relation dont nous venons de parler est tirée de deux documents dif- férents, l’un arabe, jusqu'aux mots : occiderunt in ea xxx". millia hominum, l'autre, persan, à partir des mots : subiugavit dominus, jusqu’à la fin. Quant à cette première pièce, Jacques de Vitry déclare qu’il la fit traduire de l'arabe en latin , par des interprètes fidèles, ce qui prouve que l’évêque de Saint-Jean-d’Acre n’était pas familiarisé avec les langues de l'Orient, ainsi qu'on l’a prétendu 7. Elle est intitulée dans notre manuscrit : Excerpta de istoria David, regis Judeorum, qui presbyter Johannes a vulgo appelatur. Elle à été imprimée dans Eccard, Corpus historicorum medi aevi, n, 1451- ! Acta, cité, t. IV, p. 676, À. ? De nombreuses incorrections se trouvent dans la traduction de cette lettre, publiée dans la Collection de Guizot, t. XXIV, pp. 391-403. 5 Spicilegium, t. IE, p. 590-592. 4 Hist. orient., 1. I. 5 Spicilegium, cité, p. 591, au bas. 6 Fol. XVII r°. 7 Hist. lit, cité, p. 213. Tome XXII. 9 18 SUR DES LETTRES INÉDITES 1454, sous le titre de Relatio de Davide, rege Tartarorum christiano. Ce texte s’écarte en plusieurs points de celui de notre manuscrit, d’abord en ce qu’il passe sous silence les villes et lieux cités par leur nom dans notre morceau et qui, presque tous dans Eccard, ne sont indiqués que par leur nombre global ; ensuite, parce que plusieurs passages importants, retran- chés dans le texte imprimé, se retrouvent dans notre relation. D'autre part, celle-ci présente quelques omissions légères, que nous ne rencontrons pas dans Eccard; nous signalerons aussi quelques variantes dans les noms propres. Les passages omis. dans le texte d’Eccard, semblent avoir assez d'intérêt pour que nous en tirions la preuve qu’ils ont été retranchés à dessein, soit par l’auteur même, soit par le traducteur, qui ne voulait pas se montrer trop favorable aux chrétiens; à moins qu’on ne veuille attri- buer à Jacques de Vitry lui-même l’intercalation dans le texte de cette cinquième lettre qu'il adresse au duc d'Autriche. M. Bormans, professeur à l’université de Liége, a bien voulu nous fournir sur ce passage la note suivante, qui ne sera pas déplacée ici : « Je n’ai pas eu occasion jusqu'ici de vérifier mon soupçon, que je ». crois fondé, que dans la Bibliotheca orientalis d’Assemanus ou dans les » mémoires ou recherches d’Abel Rémusat, on pourrait peut-être trouver ». quelques renseignements sur le texte original de cette singulière pièce, » que je suppose plutôt traduite du, persan ou du syriaque que. de » l'arabe. Si l’on ne s’attachait qu'à quelques phrases, on serait aussi » tenté de croire que le texte latin donné par Eccard et celui du ma- » nuscrit de Gand sont deux traductions de mains ‘différentes. Outre » l’allusion que semble faire à cette histoire Olivier le Scholastique (voir ». la préface du Ie vol. d’'Eccard), j'en trouve une autre :très-manifesté: et, » qui plus est, accolée au nom de l’évêque d’Acre, dans le récit de la » Reddition de Damiette en 1221, par l’auteur anonyme de la Chronique » de Tours {Historiens dé France, XNIIL, p. 502). « Le légat conçut le plus » _»vif désir d’aller assiéger cette place (Casal); ce qui. excitait principale- »_»ment son désir, c'était un livre trouvé parmi les dépouillés des ennemis, »_»dans lequel il était dit que la loi de Mahomet ne durerait que six cents » »ans; qu’elle serait détruite au mois de juin et que celui qui la détrui- DE JACQUES DE VITRY. 19 »rait viendrait d'Espagne. Le légat (Pélage), qui était né dans ce pays, »avait beaucoup de confiance dans ce livre. D'un autre côté, l’évêque » d’Acre annonçait publiquement que David, roi des deux Indes, venait »au secours des chrétiens, amenant avec lui des peuples très-féroces, »qui dévoreraient les sacriléges Sarrasins, comme des animaux sau- »vages »….. Ainsi, voilà ce conte de David, ici roi des deux Indes, dans Eccard, roi des Tartares, dans le manuscrit de Gand, roi des Juifs ; mais toujours chrétien, nettement attribué à maître Jacques de Vitry, évêque d’Acre. » La seconde partie de cette relation, que nous avons dite traduite du per- san, complète la première imprimée par Eccard. Nous la croyons inédite. Comme la première diffère, en plusieurs points, de celle qui a été publiée dans le Corpus historicorum cité, et que la seconde peut être considérée comme inconnue, nous allons en reproduire ici le texte tout entier, tel que le donne notre manuscrit, fol. XVHI r°. » « In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti, amen. Hec est materia processus régis Davidis, filii regis Israel , filii regis Sarchisi, filii regis Johannis, filii de Bidgaboga, credentis in Christo Jhesu. Rex David prefatus erat minor fratrum suorum. Pater eius rex Israel, habuit .vi. filios , et hic fuit minimus omnium. Mortuo patre eius successit ei frater elus primogenitus, et tam ipse rex quam pater eïus rex Israel, et avi et proavi éius erant obedientes regi Persarum, qui vocabatur Chanchana !, qui dicitur in lingua nostra rex regum, et terra sua erat achasar ? us- que Bellasichum 5, que terra est ultra flaumen quod lingua persica dicitur flumen:Geos. Prefatus rex Persarum, congregatis astrologis suis, quesivit ab eis ut ei futura predicerent et que futura essent post mortem ipsius. Qui iuxta consuetudinem eorum ceperunt puerum unum virginem, quem minui fecerunt utroque brachio, et sanguinem eius recipientes in uno vase, Coniuraverunt illum, et puer antequam mortuus esset, predixit eis omnia. Dixit ergo quemdam David nomine, 1 Le schah des schahs. 2 Lege : a chasar. 3 Bellagarum apud Eccardum. 20 SUR DES LETTRES INÉDITES quondam valde nobilem, debere sibi subiugare regnum Persarum. Sic predictus Chanchana quesivit ab eis quod super hoc dicerent et si scirent in provincia illa aliquem regem qui vocaretur David; qui dixe- runt nullum scire qui vocaretur hoc nomine; tamen rex Israel habet filium unum parvulum qui vocatur David, qui nullius valoris est. Dixit autem rex prefatus astrologis : mittamus fratri suo, utnobis eum mittat et sic occidamus eum et de nomine ipso nos liberemus. Misit ergo nuntios suos ad regem Indie, fratrem David, ut ei fratrem suum mitteret, quod ei bene volebat facere ‘ honorifice promovere. Frater vero David, re- ceptis super hoc nuntiis, cum quibusdam fidelibus de quibus confi- debat, misit fratrem suum ad regem Persarum, dubitans quod vellet facere de fratre suo. Veniente autem puero ad regem Persarum, letatus est valde rex de adventu suo; puer osculatus est terram ante eum, eumque devotissime salutavit, qui valde formosus erat. Quem statim ut vidit, rex misertus est eius. Aderant ibi due uxores regis, quarum una erat filia regis Johannis, amita regis Israel, patris? David, altera filia regis Ganichi, ex qua filium habebat [qui vocabatur Philippus|5, qui dixerunt ei : Neque vos timeatis diutius; puer hic sub fide nostra ad nos advenit et est sub umbra vestra, et pedibus tetigit tapetia vestra, et vultis eum morti tradere [pro verbis diabolicis vobis annuntiatis, videlicet pro hais que vobis dixit puer quem minui fecistis et interfici; et valde istud impropera- bant ei uxores eius, quarum una erat Griana, scilicet amita ipsius patris David , et altera incredula]. Sic rex verecundiam habuit in corde suo et consideravit quid de hoc facturus esset; demum permissione divina permisit eum re- patriare. Incontinenti puer cum suis equitavit: instinctu divino, per diem et noctem equitavit .x1. leucas, tantum properans reditum suum, equita- turas suas mutando. Accesserunt autem ad regem scribe et astrologi sui, imperantes ei quod male fecerat quum ipsum redire permiserat. Rex in- continenti penitens de eo quod fecerat, misit post eum cursores equites ut eum apprehenderent, qui invenire non potuerunt; evaserat autem l Deest : et. 2 Fratris apud Eccardum. 5 Les passages entre crochets et en italique manquent dans Eccard. DE JACQUES DE VITRY. 21 voluntate domini. Demum venit ad terram fratris ?. Post hoc spacio trium annorum mortuus est frater eius , omnesque de regno convene- runt in eum, elegeruntque ipsum in regem ipsorum pro eo quod vide- batur formosus, discretus , magnanimus et, virtute divina, primo bono omine promoverunt eum in ordine, secundum consuetudinem prede- cessorum suorum, et deinde unxerunt eum in regem, deinde copula- verunt ei in uxorem filiam regis Damachagi ?, et in tantum ipse la- boravit, quod gentis maximam copiam congregavit, quam utique nemo dinumerare poterat, et equitavit super terram Chanchana, regis Persa- rum; cui prefatus rex Chanchana Persarum occurrit cum multitudine maxima, et adinvicem pugnaverunt. Sic, voluntate divina et auxilio vivi- fice crucis, rex David preliavit, ipsumque devicit et maior pars gentis eius occisa fuit, preter quosdam qui lavacro baptismatis abluti sunt. Captus est etiam rex Persarum Chanchana predictus, et aureis compedi- bus astrictus, et super currum ductus captivus in terram regis David ; predictus rex David subiugavit sibi totam terram illius, quod regnum vocatur regnum regis regum Sarracenorum, in quo sunt .LxHy". magne civitates | quarum una vocatur Damagalcha, alia Casahar, alia Lakehelech , Melelh, Bissibehe, Lech, Chatem, Asquchent, Chaogent, Bakara, Samarchanda , Phargana, Agagya. Inter Acasar % usque ad Phargana, sunt .x. diete, a Phargana usque at Chaogent, alie .x. diete, a Chaogent usque Bachara .xx. diete, a Ba- chara usque Zarmich «vu. diete, a Zarmich usque ad Bokarichi .x. diete, a Bokarichi usque ad Alvar .x. diete, üerum a Zarmich usque ad Bellasacum diete *]. Postmodum venit rex David ad terram que dicitur Alanar, que est in confinio Indie. In provincia vero ubi est prefata civitas Alanar, sunt tante civitates quas denumerare nemo possit. Civitas in qua rex Persarum morari consueverat, Gafne vocatur, que est ma- xima civitas et copiosa valde, in qua sunt quingente machomerie et 1 Cette relation étant divisée en chapitres dans le texte d'Eccard, nous indiquerons à chacun de ces chapitres communs : — Ici commence le 2. 2 De Machachi apud Eccardum. 5 Lege : Chasar sive Casahar ; hodiè dicitur Casgar. 4 Manque le chiffre. Ici commence dans Eccard, le 3° chapitre. SUR DES LETTRES INÉDITES totidem scole, et sexcénti fundeti ubi hospitari consueverant sophiste Sarracenorum, qui dicuntur in lingua nostra monachi. Prefatus rex David pugnavit postmodum eum rege predicte terre, que dicitur Ala- nar, et devicit eum, et tota fere gens eius occisa est, preter quandam partem que conversa est ad fidem nostram, et subiugata sibi tota terra illa, reversus est in terram que vocatur Chanta !. Tunc erant treuge inter regem Chatarumi et Chanarsmisan, et erant inter eos terre pro indiviso , scilicet Bochar ?, Samarchant, Bellefetum. Prefatus Chanars- misan misit nuntios suos ad regem David et concordavit cumeo; dedit- que totam terram quam habuit ultra flumen Geos. Postquam-enim ipse fuit securus de rege David, congregavit gentem maximam et ivit super _quandam provinciam que vocatur Chorosam [et super magnum Arach et parvum. Arach que sunt magne provincie et Diarbechen|, et venit prope Bal- - dach per :vr. dietas; qui misit nuncios suos ad Calipham Baldacensem [qui dominatus fuerat in Baldach , per annos .x1x., qui vocatur Alenanzer Ledi- nalha, quod'estinterpretatum :auxilium divine legis, istud est cognomentum eius. Nomen eius vocatur Ramasne, filius Monthadi; unde |-et diffidavit eum. Cha- liphas, magno timore ductus, quum vires habere non poterat ut ei resisteret, consuluit fideles suos, qui dixerunt ei ut rogaret Jaffelech, id est patriarcham-Judeorum 5, qui in civitate Baldach morabatur, qui mit- teret régi David, ut treugas frangeret Chanarsmisan et sic cessaret ab infestatione sua. Prefatus Caliphas nocte equitavit cum quibusdam de suis, quod die equitare non consuevit, nisi statutis diebus, et ivit ad domum patriarche, qui morabatur in Baldach [quem ut vidit patriarcha honorificè suscepit. et letatus est valdè de adventu suo], Tunc allocutus est eum Caliphas dicens : In maximo articulo peto auxilium tuum ,'et fidus ami- cus in necessitate probatur; ecce nequam iste Chanarsmisan super nos -potenter advenit, et si occupaverit terrani istam', omnes Christianos tuos EU ND morti tradet, quod eos valde odio habet. De quo respondit patriarcha : verum fore. Tandem dixit ei Caliphas : quod hoc modo me juvare potes- Chara, apud Eccardum. Bellecharim , apud Eccardum. Nestolinorum, apud Eccardum. DE JACQUES DE VITRY. 25 *tis. Rex David et omnes alii qui custodiebant legem vestram vobis obe- diunt. Rogo vos ut per litteras et nuncios vestros regi David precipiendo, mittatis ut guerram moveat Chanarsmisan, et sic cessabit a molesta- tione nostra. [ Scio enim pro certo quod sirex David ipsum molestare ceperit, incontinenti ipse repatriabit; nam si hoc müihi compleveritis, vobis ‘in omnibus qui tenent legem vestram, quicquid volueritis, concedemus. | Respondit ei patriarcha : Vos scitis quodsacramento tenemur omnibus predecesso- ribus nostris et vobis, ut nullas litteras mittamus alicui regi Christia- _morum, nec aliqua nova ei significemus de terra vestra. Ad quod respondit Caliphas : Ego dominus sum hujus terre et Caliphas pro- phetarum Sarracenorum; super hoc vobis licentiam concedo et lit- teras securitatis vobis inde faciam. Sic patriarcha exaudiens preces Cali- phe, misit regi David ut dicto Chanarsmisan treugas infringeret. Quo audito, rex David congregavit gentem innumerabilem et equitavit super Chanarsmisan. Audiens istud Chanarsmisan, ad propria rediit; de quo letatus valde Caliphas est, afferens maximam auri quantitatem ipsi pa- triarche, quam omnino patriarcha recipere recusavit; unde tantum roga- vit ut faceret ei dirui quandam machomeriam que-erat super ecclesiam patriarche que sibi:magnam inferebat molestiam. Quam prefatus Cali- phas sic funditus subvertere fecit in nocte, quod in die etiam signum non comparuit [et istud fuit primum malum omen legis Sarracenorum]. Preterea postquam Chanarsmisan ad terram suam rediit, voluit libenter pacificari cum rege David, quodille penitus recusavit et sic congregavit gentem innumeram et'transiit flumen Geos, properans se regi David potenter oppositurum, quem rex David viriliter devicit in campo , et maior pars gentis sue occisa fuit. Asserunt eum quidam fuisse mortuum, quidam vero dubitabant ubi sit 1. Iterato congregavit gentem magnam rex David et .xvi. alios magnos viros quorum unus habebat .c. millia hominum, alius .cc. millia, (alius) parum plus vel parum minus, et divisit exerci- tum suum in .xL. crucibus, quarum quelibet continebat sub se .c. millia hominum, et venit citra flumen Geos [et cepit Choarismen et Moa, et 4 ei commence le 5° chapitre dans Eccard. 2% SUR DES LETTRES INÉDITES Bendei, Techris, Nanru, Sarches, Chios, Tarsis, Dargan, Chorasan, Nicha- gyar, Termode, Baguarda, Nassa, Balfan, Edabamagam, Bolche, Ceregi, Segisten, Saarsitan, Messedali, Chechi, Mean, Seheri, que], omnes sunt magne civitates, preter alia castra, parva et villas que fuerunt .cc., et regnum Soldani Soniar !, que sunt he civitates : [ Musahar, Delbikan, Deschaan, Curchaan,] et alia provincia que dicitur Dalgor, in qua sunt .vin®. magne civitates, et regnum Demarendram ? [in quo sunt vint, civitates magne et .cc. castra]. Et terra ista in longitudine est .xx. dierum et in altitudine .xn. Et hic est finis terrarum Chanarsmisan 5; regnum soldani Tagiel est in introitu regni Persarum, qui dicitur [magnum Arach id est | magnum regnum quod per tres menses potest equitari, et caput huius regni est civitas quedam que vocatur Rahi. [ Alie civitates vocantur Auher, Schariac, Schemeneth, Schemanan, Caus- nin, Senchan, Cham, Amedan, Esbohan, Sanguhaa, Senchehan , Conine, Amiana et castra plusquam .ccc. In terra Dediarbakan, sunt he civitates : Mirris, Eiohan , Bellochan, Cohai, Change, Eschenii, Aramre, Enuschaar , Menaga, Sada, Chanogun, Tectemodi, Sardahan, Gyardun, Munedo, Solemeste. | Et terra ista est .xLvu. dierum in longitudine. [..... In provincia que dicitur Chanka sunt .xx. civilates et castra .cxx., et regnum istud vocatur regnum Ebe- beth, quod dicitur parvum Arach id est, parvum regnum.] Omnes prefatas terras subiugavit sibi rex David, et distat a Baldach per .v. dietas [et a Muschech per totidem dietas #,]|et caput exercitus pervenerat in terra Geor- gianorum, quos devicit, et abstulit eis .xL. castra, qui, cum essent Chris- tiani, confederati erant cum Sarracenis. Post hec rex David misit nuntios suos ad Calipham de Baldach, qui tulerunt super caput suum vexillum in quo erat crux, quum intraverunt Baldach. Quibus dixe- runt Sarraceni : Quare fertis super caput vestrum crucem, cum sitis de Baldach. [Quod dicitur sarracenice Darcheschen quod est interpretatum ; curia salutis, et in facie Sarracenorum.] Quibus dixerunt nuntii : Dominus 1 Cattay, apud Eccardum. 2 De Marendram , apud Eccardum. 5 [ei commence le 5° chapitre dans Eccard. # Jei commence le 6° chapitre dans Eccard. DE JACQUES DE VITRY. 25 noster rex David precepit nobis ut hoc modo intremus, aliter vero non, quod si nolueritis, revertemur. Significatum est Caliphe hoc, qui dixit ut intrent sicut volunt, quos statim ut Caliphas vidit, honorifice susce- pit, assurgens eis, quos juxta se sedere fecit. Cui nuntii ex parte domini sui per interpretem locuti sunt dicentes : rex noster vos salutat et significat quod noster Japheleth, id est patriarcha, multum se com- mendat de vobis [qui sincerum semper habuistis animum erga christianos et honorifice ? ecclesias nostras] pro quo concedit nobis .vr. partem terre quam tenetis, et vult habere Baldach, ut sit sibi sedes patriarche. Quibus dixit Caliphas : rex virtute divina subiugavit sibi tantam ter- ram et ubique personaliter esse non potest; oportet ut ad terras con- quisitas statuat baiulos suos; supplico ut in ista terra baïulum suum statuat. Nuntii dixerunt : non venimus ad querendum pecuniam, sed quum audivimus vos fecisse dirui sanctam Jherusalem, tantum pecunie ferimus , quod muros ipsius auro et argento reedificabimus. Obtulit nunciis xenia valentia .c. millia besantiorum que nuntii recipere nolue- runt ?...… quum autem rex David pervenit ad terram que dicitur Cas- vin, quam Sibi subiugavit, dimisit ibi baiulum suum cum paucis de suis et dimitteus ipsum terram post tergum suum. Homines illius ci- vitatis interfecerunt baiulum regis et alios de familia sua. Quod cum audisset rex David, misit partem gentis sue ad obsidendam terram illam; que obsessa fuit .vi. diebus : vi. die, medio noctis ceciderunt Hi. turres et .vi. cubiti de muris predicte civitatis, et ingredientes christiani terram ipsam, occiderunt in ea .Lxxx". millia hominum. — [Que sEQuuNTUR EX ALIA CARTA TRANSLATA SuNT 5. | Subiugavit Dominus fa- mulo suo regi David, terram Caracher in qua sunt .xir. civitates magne et preterea terram soldani Betrich, in qua sunt .vnr. magne civitates, preterea terram que dicitur Sacchero, usque Sagibus, .xx. dietas et inde 1 Adde : tractavistis. ? Les lignes suivantes se trouvent ici en plus dans Eccard et complètent le sens : Contigit in- terea quod Melycalem soldanus Babylonie miserat in exercitum Calypho quosdam milites chris- tianos quos liberavit ad preces nuntiorum, quorum quidam ex eis Antiochiam venerunt, qui dixe- runt quod. 5 Ce qui suit manque dans Eccard; le récit s'y termine par quelques lignes en l'honneur de David. Towe XXII. 4 26 SUR DES LETTRES INÉDITES » ‘usque Pharaga et Acargana, :x. dietas. Inde subiugavit sibi terram Coe- » gent, unde venit copia optimi serici, que durat usque Bocara que :con- » tinet intra se .ccc. et :LxvI. flumina, et iudices seu consules .xm. millia, » et continet .xx. dietas, et inde usque ad terram Harsinoth, .vm. dietas, » et inde usque-ad Sacchere, .xx. dietas. Ista sunt ultra flumen Geos, et in » medio istarum terrarum sunt .ccu. oppida et ville magne. Citra flu- » men Geos cepit dominium soldani Machemoth, cuius terra dicitur » Corellen. In qua sunt he civitates : Amanchioniro, Mero , Sirchos, » Thos, Maummerie, Dadli, Sarasten, Gaharamien , Nossachor ‘unde » veniunt optimi baudekini, Barach, Herre, unde veniunt lapides pre- » ciosi; Basten, Schere, Damirigagi : iste Sunt maiores civitates. De » aliis oppidis et villis magnis .cexxx. sibi subiugavit. Acquisivit pre- » terea terram soldani Senetha que continet has civitates magnas : Nes- » sihor, Debihagan, Dehestan, Gargan, et preterea cepit regionem De- » Cantan-de-hensin, que continet .vur. civitates magnas. Preterea :cepit » ‘regiones Maherentzedran et terram adiacentem, Cum .x. civitatibus » magnis et .cou. munitionibus magnis. Inde cepit regiones soldani magni, ». qui potentior est omnibus predictis, Cajoreseth, continentes .n1. menses » in longitudine et totidem in latitudine. Inde cepit terram soldani » Teor in Delharach; inde venit prope Baldach et cepit a latere terram » Debihagan, continentem .xzvir. magnas civitates et famosas, inter quas » maiores sunt Leray, Aschar, Casuhil, Chon, Chassehen, Sephen; unde » veniunt optimi bocarii Hamedam ; et preter predictas .xLvW. civitates, » continet oppida et. villas magnas .cocoxx. Postea cepit terram soldani » Sardahan, continentem has civitates Harmam et Marahan, Selemesth, » Marahage, unde venit terra qua capita abluuntur. Preterea cepit ter- » ram Amiralis Bobair, continentem .xr. civitates, cuius metropolis est » Keme, et .cxx. oppida' et villas magnas, et hec est ultima regio Persidis » ex parte nostra, et inde non est nisi plena terra usque Baldach, sci- » Jicet .v. diete. — Omnia predicta nomina sunt in persica lingua. » Quoique diffus et écrit avec cette exagération qui caractérise les récits orientaux, ce document n’est pas sans importancé pour la géographie d’une partie de l'Asie au moyen âge. Il y est d’ailleurs parlé des chrétiens DE JACQUES DE VITRY. 27 d'Orient qui avaient fait alliance avec le roi David; c’est donc un appen- dice nouveau aux sources à consulter pour l’histoire des croisades. Il est. à regretter que Jacques de Vitry n’ait pas donné le nom.des auteurs ara- bes auxquels ce récit est emprunté. Il est intéressant de comparer avec ces détails sur le prêtre Jean et son royaume, ce qu'ont dit de ce personnage mystérieux les écrivains: européens du moyen äge. Nous renvoyons notamment à cet égard. au voyage de Guillaume de Rubruquis en Tartarie, fait en 1252-1254 1. Après ce long passage, omis dans les textes imprimés de cette 5° let- tre de l’évêque de S'-Jean-d’Acre, le manuscrit continue, comme dans le Spicilegium (p. 591, B, au bas) par les mots : Habet autem rex David: tres exercitus. La date donnée par Dachéry (Spicilegium, p. 592); datum in exercitu Damietae, octava Paschae, manque dans le manuscrit. Ainsi que nous l’avons dit, on rencontre dans les lettres 3, 4 et 5,. telles qu'elles se trouvent dans le manuscrit et dans les ouvrages cités, la plupart des particularités consignées dans l’Historia orientalis de Jacques de Vitry et dans le 5° livre de cet ouvrage, attribué par les uns au même auteur et par les autres à Olivier.le Scholastique, chancelier de Cologne ?. Nous ferons seulement remarquer que ces trois lettres offrent un cachet plus personnel à Jacques de Vitry. Restent donc les deux premières lettres du manuscrit, les seules iné- dites dont nous ayons à nous occuper. Elles offrent un intérêt historique nouveau, parce que Jacques de Vitry y raconte tout son voyage, ayant son arrivée à S'-Jean-d’Acre, c’est-à-dire, avant les opérations militaires des croisés, qui eurent pour résultat la reddition de Damiette. IH nous fournit des détails curieux sur les: différentes villes de l'Italie qu'il visita, sur les mœurs de leurs habitants, sur sa manière de vivre, sur les dangers qu’il courut dans la traversée, 1 Voir nos Voyageurs belges, t, 1, p. 93-126. — Recueil de Voyages et de Mémoires, publié par la Société de géographie, t. IV (Paris, 1839, in-4°). ? Voir la discussion de ce point d'histoire littéraire dans Michaud, Biblioth. des Croisades, 1. c., et dans l'Histoire littéraire, 1. c. 28 SUR DES LETTRES INÉDITES Il profite de son passage par la Lombardie pour exciter les hommes et les femmes à prendre part à la prochaine croisade contre les Sarra- sins. Il visite Milan, qu'il appelle une caverne d’hérétiques ; Pérouse, où il voit les restes mortels du pape Innocent III et où le pape Honorius HI l'in- vestit de la dignité épiscopale; Gènes, qui était alors en guerre avec ses voisins; il s'embarque enfin dans cette dernière ville pour S'-Jean-d’Acre, au mois d'octobre 1216, sur un navire qu’il avait nolisé à ses frais. Sa seconde lettre commence par une description des côtes de la Sar- daigne. Après plusieurs tempêtes, il arrive à Acre vers le 15 décembre. L'état religieux de cette ville et des populations environnantes occupe plusieurs pages de sa relation. Il dépeint sous les couleurs les plus som- bres la corruption qui y régnait. Si l’auteur est sincère, et nous n’avons aucun motif pour douter de sa véracité, nous voyons qu’il opéra de nom- breuses conversions parmi ces populations, que, par son éloquence, il ramena plusieurs sectes à l'unité de l'Église et qu’il engagea un grand nombre d'individus à se croiser. Il nous fournit ensuite des détails sur ses travaux apostoliques dans les différentes parties de la Terre sainte, soumises alors aux chrétiens, et sur la vie qu’il mène en attendant l’arrivée des croisés d'Europe. Vers le carème 1217, il s’en va prècher dans les villes de Tyr, Sarepta, Bayruth, Sidon , Tripoli. Ce qu’il nous dit des peuplades asiatiques , connues sous le nom de Polani et Assasi, se retrouve en partie dans son Historia orien- talis, 1° livre, mais d’une manière plus détaillée 1. Il revient enfin à S'-Jean-d’Acre, et regrette amèrement que l’armée des chrétiens d'Occident tarde à venir. Il croit que les croisés n'auraient qu'à paraître pour convertir et soumettre les Sarrasins, qui tous sont fort désunis par les différentes sectes religieuses qui les divisent. Il ter- mine en expliquant sommairement les doctrines de ces diverses sectes. Le lecteur jugera par lui-même, au reste, de la valeur de ces deux lettres que nous publions ici textuellement d’après le manuscrit indiqué. Nous ne terminerons point cette introduction sans remercier M. Bormans, qui 1 Michaud, Biblioth. des Croisades, t. 1, p. 171, 175. DE JACQUES DE VITRY. 29 a bien voulu nous faire part de ses observations sur le texte de ces lettres. Le manuscrit étant non-seulement difficile à lire, mais encore très-cor- rompu, il nous a aidé à restituer des passages entiers qui étaient tout à fait inintelligibles. ee PREMIÈRE LETTRE. À ses amis ?. Carissimis * sibi in Christo, I(acobus), divina sustinente misericordia, Acconensis ecclesie® minister humilis, eternam in Domino salutem. Inter varios dolores et labores continuos et frequentes mee peregrinationis molestias, unicum est mihi remedium et singulare solatium : frequens amicorum meorum memoria, quorum beneficio susten- tatur spiriltus meus, ne corruat; quorum orationibus vegetatur anima mea, ne penitus deficiat. Ex hac tamen medicinali memoria, cuius beneficio vulnera mea sanantur, aliquando novum vulnus cordi meo infigitur. Crescente enim vehemente afflictione, dum rationis virtus opprimitur et debilitatur, cirea notos et amicos meos mens mea adeo occupatur, ut ferè omnia alia in tedium convertantur; appetitus orationis, deside- rium lectionis ex hac frequenti afllictione frequenter in me evacuantur. Hii autem dolores quandoque in anima mea sopiuntur ; unus autem est qui me incessanter affligit, sine intermissione stimulat et inpungit : periculum videlicet animarum regiminis, dum defectus meos considero multiplices, et qualem oporteat esse episcopum ex apostoli verbis animadverto. Ait enim : episcopum esse irreprehensibilem , sobrium, prudentem, ornatum, pudicum, hospitalem, rectorem # non vinolentum, non pereussorem, sed modestum; non litigiosum, non cupidum , sue domui bene prepositum , filios habentem subditos cum omni castitate; non neophitum, ne in superbiam elatus, in iudicium 1 Cette lettre occupe les ff. 1 à III v° du manuscrit. pour e, à l’ablatif, # pour y, nous avons laissé subsister ? Ce mot n'est pas clairement écrit ; on lit les let- ces anomalies orthographiques pour ne pas altérer le tres ...mis amis. texte par des corrections d’un aspect tout moderne. 5 Nous croyons inutile de faire remarquer que partout 4 Lege : doctorem ( Vulgata : Paulus ad Timoth., I, où le texte avait e pour ae, à pour j, hüis pour &s,t 5,92). 30 SUR DES LETTRES INÉDITES incidat diaboli; Oportet autem illum ‘ testimonium habere ab-hiis quidoris sunt, ut non in opprobrium incidat et in laqueum diaboli. Si mea ? in tecto, episcopus fatuus in solio: Monstruosa res est, gradus summus et animus infirmus; sedes prima et vita ima; lingua magniloqua et manus ociosa; sermo multus et nullus fructus; vultus gravis et actus levis; ingens auctoritas et nutans stabilitas. Hec et hiis similia frequenter considerans, in me penitus animus meus corrueret et confunderetur, nisi orationibus vestris ali- quantulum relevaretur. Dominus autem, postquam a vobis recessi, vinum et oleum frequenter vulneribus meis infudit. Aliquando adversitatibus et variis tribulationibus me probando, aliquando consolationibus relevando. Accidit mihi cum intrarem Longo- bardiam, quod diabolus arma mea et libros meos, quibus ipsum expugnare decreveram, cum aliis rebus ad expensas meas necessariis, proiecit et subvertit in fluvium © vehe- mentem, impeluosum et terribiliter profundum, qui ex resolutione nivis, vehementer et supra modum excreverat, et pontes ac saxa secum trahebat. Unus ex copherinis meis, plenus libris, inter undas fluminis ferebatur; alius, in quo matris mee, Marie de Oignies * digitum reposueram , mulum meum sustinebat ne penitus mergeretur; cum autem de mille unus posset evadere, mulus meus cum copherin sanus ad ripam devenit; alius autem copherinus, quibusdam arboribus retinentibus, postea mirabiliter repertus est, et quod mirabilius est, licet libri mei aliquantulum obseurati sint, ubique eos legere .possum. Post hoc vero veni in civitatem quamdam Mediolanensem, scilicet que fovea est hereticorum, ubi per aliquot dies mansi et verbum Domini in aliquibus locis predicavi. Vix autem invenitur in tota civitate qui resistat hereticis, exceptis quibusdam sanctis hominibus et religiosis mulieribus qui a maliciosis et secularibus hominibus patroni nuncuparunt. À summo autem pontifice, a quo habent auctoritatem predicandi et resis- tendi hereticis (qui etiam religionem confirmavit), Humiliati ® vocantur; hii sunt qui omaia pro Christo relinquentes in locis diversis congregantur; de labore manuum suarum vivunt, verbum Dei frequenter predicant, et libenter audiunt. In fidé perfécti et stabilés, in operibus efficaces. Adeo autem huiusmodi religio in episcopatu Mediolanensi multi- plicata est, quod .cL. congregationes conventuales virorum ex una parte, mulierum ex altera, constituerunt, exéeptis hiis qui in domibus propriis remanserunt. Post hoc veni in civitatem quamdam que Perusia ® nuncupatur in qua papam Innocentium inveni mortuum, sed necdum sepultum, quem de nocte quidam furtive vestimentis preciosis eum quibus sci. 7 erat, spoliaverunt. Corpus autem éius fere nudum et fétidum in ecclesia reliquerunt. Ego autem ecelesiam intravi et oculta $ fide cognovi quam brevis sit et vana huius seculi fallax gloria. Sequente autem die elegerunt cardinalés Honorium, 1 Adde et ( F’ulg., ibid., vers. 7). déjà analysé d’après le 11° livre de l'Æist. orientalis. 2 Lege : Simia. $ Pérouse. Le pape Innocent III ÿ mourut le 17 juil- 5 Sans doute le P6. let 1216. # Le nom de mère est constamment attribué à Marie 7 Hic verbum deest, forte : depositus. d'Oignies dans les sources historiques de cette époque. ‘ # Lege : oculata fide. Locution connue , qu’on trouve 5 Sur les humiliati (humiliés de Lombardie), voir aussi dans la lettre à Foulques et dans la préface de Guil- Histoire litt., t. XVII, p. 256, où ce passage se trouve Jaume de Tyr. DE JACQUES DE VITRY. 51 bonum senem.et religiosum , simplicem valde et benignum, qui fere omnia que habere poterat, pauperibus erogaverat. Ipse autem die dominica ‘post electionem eius in summum pontificem consecratus est. Ego autem proxima sequente dominica episcopalèem suscepi consecrationem. Honorius autem papa satis familiariter et benigne me suscepit, ita quod fere quocienscumque volui , ad eum ingressum habui, et inter alia ab ipso obtinui quod tam in partibus orientalibus quam occidentalibus, ubicumque vellem, verbum Dei predicarem auctoritate eius. Obtinui preterea ab ipso et litteras cum executoribus et pro- tectoribus. Inpetravi, ut liceret mulieribus religiosis, non solum in episcopatu Leodiensi ?, sed tam in regno quam in imperio, in eadem domo simul manere, et sese invicem mu- tuis exhortationibus ad bonum invitare. Unde quia prelatis in regno Francie commissa fuerat crucesignatorum defensio, noluit michi dare specialem potestatem ut eos defendere valerem. Hoc autem fecit, ut dicitur, quorumdam consilio qui ad legationem regni Francie haspirabant; ego vero, habito cum amicis et sociis meis consilio, nolui redire, nisi cru- cesignatos, qui fere ubique talliis et aliis exactionibus opprimuntur, quorum etiam cor- pora passim incarcerantur, valerem defendere; aliter enim verbum predicationis non reciperent, sed magis in faciem meam conspuerent , si eos, secundum quod promissum est eis, in predicationibus protegere non valerem. Preterea cum ad partes Francie ve- nissem, * hyems esset, el statim in xl° proxima iterum arripere iter me oporteret, unde parum possem proficere el mullum oporteret me laborare; et quia ex labore continuo me valde debilitatum sentiebam, perelegi aliquantum quiescere, ut laborem exercitatius ultra mare valerem sustinere; maxime quia multa millia crucesignatorum iam transie- runt, quos oportebit me consolare et detinere, hominibus etiam episcopatus mei et aliis transmarinis, antequam veniat multitudo, verbum Dei predicare proposui, et ammonere et exhortari , nec * benigne recipiant peregrinos, et a peccatis abstineant , ne alios extra- neos malo exemplo corrumpant. Postquam enim multitudo transfretaverit circa eorum negocia ita oceupatns ero, quod Acconensibus, qui michi specialiter commissi sunt, nisi prius intendam, vix intendere tum potero. Cum autem aliquanto tempore fuissem in curia, multa inveni spiritui meo contraria : adeo enim circa secularia et temporalia, circa reges et regna, circa lites et iurgia occupati erant, quod vix de spiritualibus ali- quid loqui permittebant; unum tamen in partibus illis inveni solacium : multi enim utriusque sexus divites et seculares, omuibus pro Christo relictis, seculum fugiebant, qui fratres minores et sorores minores vocabantur. À domino papa et cardinalibus in magna reverentia habentur. Hii autem circa temporalia nullatenus oceupantur, sed fer- vente desiderio et vehemente studio singulis diebus laborant, ut animas que pereunt, a seculi vanilatibus retrahant et eas secum ducant. Et jam per gratiam Dei magnum fructum fecerunt et multos lucrati sunt, ut qui audit, dicat : veni et cortina cortinam trahat. Tpsi autem secundum formam primitive ecclesie vivunt, de quibus scriptum est : multitudinis credentium erat cor unum et anima una. De die intrant civitates et villas 1 Ce fut le 24 juillet 1216. 5 Lege : et hyems esset. * Il s’agit ici de l'institution des Béguines. * Lege : ut. 32 SUR DES LETTRES INÉDITES ut aliquos ! lucri faciant, operam dantes acte?; nocte vero revertuntur ad heremum vel loca solitaria, vacantes contemplatione®. Mulieres vero iuxta civitates in diversis hos- piciis simul commorantur, nichil accipiunt, sed de labore manuum vivunt. Valde autem dolent et turbantur quia a clericis et laïcis, plus quam vellent, honorantur. Homines autem illius religionis semel in anno cum multiplici luero ad locum determinatum con- veniunt, ut simul in domino gaudeant et epulentur; et consilio bonorum virorum suas faciunt et promulgant institutiones sanctas et a domino papa confirmatus #, Post hoc vero per totum anoum disperguntur per Lombardiam et Thusciam et Apuliam et Sici- liam. Frater autem Nicholaus, domini pape provincialis, vir sanctus et religiosus, relicta curia, nuper ad eos confagerat; sed quia valde necessarius erat domino pape, revocatus est ab ipso. Credo autem quod in opprobrium prelatorum, qui quasi canes sunt muti, non valentes latrare, dominus per huiusmodi simplices et pauperes homines multas animas ante finem mundi voluit salvare. Cum vero recessi a predicta civitate, iter arripui versus Januam *, que nobilis est civitas, in confinio Thuscie et Lombardie, et sita est super mare. Cum.autem per tres dietas tantüm a civitate distarem, inveni viam gravem et montuosam, unde in quadam navicula cum sociis meis ingressus sum mare ut ad civitatem Januensem, in qua portus est optimus, navigio devenirem. Cum autem die et nocte inter fluctus maris navigaremus, frequenter navicula nostra ex undarum im- pulsionibus fere usque ad submersionem inclinabat, ila quod impetus undarum navem nostram aliquociens intrabat. Unum tamen remedium habebamus quod linteamenta fluctibus opponebamus. Postquam vero applicui Janue, cives eiusdem civitatis, licet me benigne recepissent, equos tamen meos, vellem nollem, in obsidione euiusdam eastri secum duxerunt. Hec est enim civitatis consuetudo, quod, quum in exercitu vadunt, ubicunque equos reperiunt, cujuscunque sint, secum ducunt. Mulieres autem in civi- tate remanserunt. Ego vero interim feci quod potui; verbum vero dei multis mulieribus et paucis hominibus frequenter predicavi. Multitudo autem mulierum divitum et nobi- lium signum crucis recepit. Cives mihi equos abstulerunt, et ego uxores eorum cruce signavi. Adeo vero ferventes et devote erant, quod vix a summo mane usque ad noctem permittebant me quiescere, vel ut aliqaod verbum edificationis a me audirent, vel ut confessiones suas facerent. Postquam autem cives ab exercitu reversi sunt, equos meos mihi reddiderunt et invenientes mulieres cum filiis signum crucis accepisse, postquam verbum predicationis audierunt, signum crucis cum magno fervore et desiderio recepe- runt. Moram autem feci in civitate Januensi per totum mensem septembris et frequenter verbum predicationis dominicis et festivis diebus populo civitatis predicavi; licet autem ydioma illorum non novissem, multa tamen millia hominum ad dominum, recepto signo crucis, conversa sunt. Sunt autem homines illi potentes et divites et strenui in armis el bellicosi, habentes copiam navium et galearum optimarum , nautas habentes peritos, qui viam in mari noverunt, et in terram Sarracenorum pro mercimoniis fre- ? Loge : aliquid ou aliquod. 5 Lege : contemplationi. * Lege : operam dantes arti (c'est-à-dire s’occupant # Lege : institutiones.… confirmatas. 2 & dun métier.) 5 Gênes. DE JACQUES DE VITRY. 93 quenter perrexerunt. Nec credo quod sit aliqua civitas que tantum possit iuvare ad succurrendum Terre sancte. Et quum tarde ab exercitu redierunt , mense octobris, circa festum sancti Michaelis, mare, cum sociis meis intravi, committens me Deo et mari hyemali et fluctibus procellosis, sicut mos est illius temporis. Homines autem illius civitatis naves habent fortissimas et magne quantitatis, unde tempore hyemali consue- verunt transfretare, eo quod tali tempore victualia in navi non facile corrumpuntur, nec aqua, sicut estivo tempore, in navi putrescit, nec oportet eos pro defectu ventorum et maris pigritia in mari diu commorari. Conduxi autem novam ! que numquam mare transierat, recenter precio .iiij”. millium librarum fabricatam ; malus autem navis, ut audivi, quingentarum librarum precio emptus fuerat. Quinque loca mihi et meis com- paravi, scilicet quartam partem castelli superioris in qua manducarem et in libris meis studerem, et de die, nisi eum tempestas esset in mare, manerem. Conduxi unam ca- meram in qua cum sociis meis de nocte dormirem. Conduxi aliam cameram in qua vestimenta mea reponerem et victualia, mihi per septimanam necessaria, collocarem. Conduxi aliam cameram ubi servi mei jacerent et cibum mihi prepararent. Conduxi locum alium in quo equi mei, quos transire feci, reponerentur. In sentina vero navis vinum meum et biscoctum et carnes et alia fere ad tres menses victui meo suffcientia, collocari feci. Navem autem sanus et incolumis cum sociis meis et rebus meis salvis ingressus sum. Vos autem instanter orale pro me et pro meis ut Deus perducat nos ad portum Acconensis civitatis et inde ad potum ? eterne beatitudinis. DEUXIÈME LETTRE 5. A Ludgarde de S'-Trond et au couvent d’Atvirs. Domine Lutgardi de Sancto Trudone , amice sue specialissime, et conventui de Auuiria, J., divina miseratione , Acconensis ecclesie minister humilis, ascendre de virtute in vir- tutem , donec videant domum domini in Syon. Mentes # quas Spiritus sanctus coniungit ‘, locorum diversitas non disiungit. Que autem caritatis sigillo mentibus amicorum im- primuntur , non facile temporis intervallo a memoria labuntur. Testis autem mihi est ! Fortasse : navem. ? Lege : portum. 5 Cettelettre occupe.dans notre MS. les F. Ir°-VIII v°. Elle se trouve aussi transcrite sur une feuille de garde d’un MS. de la même époque, de la Bibl. de Bourgogne, coté n°74-91. Ixcirir : Zncipit prefatio Hinemari, archie- ipscopi in vita ; EXPLICIT : per infinita secula seculorum. M. Bock. membre correspondant de l'Académie, a eu l'obligeance de nous en communiquer une copie; cette feuille étant fort endommagée, il a été impossible d’en Toue XXII. déchiffrer complétement le commencement. Par les lam- beaux de phrases qu’on a pu conserver, on voit que cette lettre a été adressée par Jacques de Vitry à ses amis, et entre autres à de Namuco (de Namur), et à Alexandre... archidiacre. L'entête diffère entièrement de celui de notre texte. Nous y trouvons aussi diverses va- riantes; nous nous contenterons d'indiquer en note celles qui offrent quelque intérêt. * Iospites quos (MS. Brux.). 5 Contunæit (ibid.), 34 SUR DES LETTRES INÉDITES dominus pro euius grâcia continuis laboribus affligor, pro cuius nomine cotidianis sum éxpositus periculis, quod sine intérmissione memoriam vestri facio. Ardenti desiderio et intensa” affectione eupiens adhuc in seculo vos videre, quod si Deus aliter disposuerit, ipsum frequenter deprecor ut videam vos post mortem in splendoribus sanctoram , in consilio iustorum ?, et congregatione. Cupio autem ° quamdiu vixeritis, retentam # parvitatis mee memoriam habeatis, sicut vestri semper memoriam habeo, et de statu meo vos certificari desidero, et per litteras, quum nuncium habere valeo, meipsum memorie vestre libenter represento Ÿ. Noverit igitur delectio vestra quod divino munere sanus ? sum et inco- lumis, et omnes qui mecum sunt per Dei gratiam, et hoc idem de vobis audire desidero: Postquam autem transfretavi “et recessimus à portu Janue*civitatis, per quinque ebdoma- das in mari laboravimus multaque adversa in variis locis sustinuimus. Cum autem transis- semus Sardiniam, invenimus quandam insulam * mari undique circumdatam, in qua quidam herémita absque aliquo socio vel ministro, inter serpentes et feras solus habita- bat. Numquam autéem panem manducabat, nisi à transeuntibus semel vel bis in anno eidem biscoctum traderetur. Anno antequam ‘ transiremus, conquerebatur quod iam hyems appropinquabat, et nullus adhuc transierat qui ei panem tribuisset. Gui respon- sum est a Spiritu sancto quod in proximo naves transire deberent, a quibus biscoctum et alia necessaria recépturus erat. Cum autern naves nostre iuxta insulam predicti heremite transirent, continuo cum celeri cursu transivimus, nullo modo ad insulam respiciendo vel heremitam visitando *?. Cum autem insulam per multa milliaria transissemus, ventus vehemens contra nos subito # insurrexit, qui nos cum impetu et naves nostras ad insulam heremite reduxit. Videns autem adventum nostrum heremita, venit ad nos, senex et plenus dierum , et optulit mihi caules et racemos. Nos autem iuxta cellam eius vaecas silvestres et arietes invenimus, et cervorum multitudinem ex quibus .xiiij. accepimus et manducawvi- mus. Panem autem et oleum et quedam vestimenta relinquentes heremite, recessimus. Non longo autem tempore post accidit nobis magnum et valde metuendum periculum. Quedam autem ‘# navis impetu magno supra navem nostram ferebatur, quam, si collidendo attin- geret ‘”, vix possemus eyadere, quin utraque vel altera frangeretur, nec divertere potera- mus ad partem oppositam propter scopulum imminentem, necesse tamen erat vel navis alterius impetum sustinere vel ad saxum navem nostram allidere. Tune clamor magnus factus est omnium, et lacryme plorantium, peccata sua confitentium in utraque navi audiebatur; ex una autem navi mutuo ‘? prosiliebant in aliam, secundum quod unus navem alteram credebat fortiorem et alius %. Alii vestimenta sua disponebant ‘, et quod 1 Intenta (MS. Brux.). | 11 Melius: autem quo (MS. Brux.). ? Deest in cod. 7 Tria hæc verba desunt in eod. 5 Quatenus (ibid.). 15 Deest (ibid.). # Recentem (ibid). 1 Entm (ibid.). 5 Jngero (ibid.). 1 Attigisset (ibid.). 5 Ergo(ibid.). 16 Won (ibid.). T Salvus (ibid. ). 17 Deest in eod. # Melius : transfretaturi (ibid.). 18 Aliam in eod, hic deest. * Gênes. 1 Melius : deponebant (MS. Brux.). 19 L'ile de Monte-Christo (?) DE JACQUES DE VITRY. 55) habebant in argento et auro, si forte evadere possent natando, sibi alligabant. Quidam autem nautarum mihi compatientes et deferentes, ut parvam navem que magne navi alligata erat, intrarem, suadebant. Ego vero nullo modo acquievi, propter malum exemplum, sed cum aliis volui suscipere commune periculum. Dominus autem afflic- tionem ! respexit, nam cum nayem, comprimentem nos, lanceis et fustibus a nobis repelleremus, neutra navis, licet inter se colliderentur, confracta est. Ex violencia autem collisionis, navis! nostra ad sinistram partem aliquantulum obliquata ?, ad dexteram partem , saxum reliquit. Navis vero reliqua, eum jam vicina scopulo, confrin- genda et submergenda foret, submissis velis et proiectis anchoris, substituit ® et quasi miraculose per gratiam Dei evasit illesa. Quidam autem ex navi predicta argentum et aurum suum in pavem nostram proiecerunt. Inde autem navigantes , cum ventum valde contrarium haberemus, iuxta aliam insulam, portum, prout potuimus, recepimus, ubi + fere per quindecim dies moram fecimus. Cum Ÿ continue tempus contrarium ha- beremus et hyems valde appropinquaret f, iam de transitu fere desperabamus, timen- tes valde ne in alia insula opporteret nos hyemare. Dominus autem navis nostre ? volebat omnes pauperes de navi nostra eicere “et in insula relinquere, eo quod victua- lium sufficienciam non habebant, Ego vero valde supplicabam ° quod adhuc misericor- diam ‘° expectaret-et pauperes mortis periculo non exponeret. Dam ‘ autem nullomodo véllet acquiescere, Dominus ‘? immisit nobis subito tempestatem validam, ita quod quindecim anchore quas in mare proiecimus, vix possent navem nostram retinere, quin periremus. Prora autem nostre navis nune attolebatur ad sydera, nunc ad abissum mergebatur. Hec autem tempestas per duos dies et duas noctes continuo ‘? duravit, ita quod quidam de nostris, dum ventorum impetum vix possent susti- nere, castellum ‘ deponentes, confregerunt; quidam autem, pro timore mortis, nec manducabant nec bibebant. Ego vero nichil coctum manducavi; nullus enim ex navi ‘> audebat ignem accendere. Quum vero bibebam, cifum una manu tenebam, altera ne caderem vel cifum effunderem, me fortiter detinebam. Quoniam vero time- bamus ne aqua nobis deficeret, linteamina nostra ad pluviam extendebamus, 1 ita quod ‘* duplex commodum reportabamus : dum linteamina nostra ablueremus et aquam ablutionis biberemus. Hec autem tempestas a mentibus plurimorum peccato- rum eïecit tempestatem. Multi enim eum lacrimis ad confessionem venerunt, qui per multos annos in peccatis permanserant. Mercatores autem et potentes signum crucis de manu mea receperunt, quibus ad Dominum elamantibus immisit nobis Do- 1 Deest nostram(MS. Brux.). % Deest ei (MS. Brux.). ?:Legimus in MS. Brux.: ad sinistram partem obli- 10 Dei (ibid.). quata est et aliquantulum ad dexteram , etc. 11 Dominus (ibid.). 5 Subsistit (MS. Brux.). , 12 Moster (ibid.). # Deest autem in eod. 15 Deest in eod. 5 dem (ibid.). 14 JVavis nostre (ibid.). 5 Appropinquabat (ibid. ). 15 Nostra potuit (ibid.). 1 Deest in eod. 16 Tenuimus (ibid. ). 8 Id est. : ejicere. 11 In quo (ibid.). 56 SUR DES LETTRES INÉDITES minus acris serenitatem * et venti commodum nobis a parte posteriori ? tribuit auxilium post tribulationem , ita quod 5 paucis diebus iuxta Siciliam et Creten navigantes, relinquentes a parte sinistra Sillam et Caribdim, a dextra # vero Mi- tellenam in qua beatus Paulus *, confracta nave sua, hyemavit et dum sarmenta colligeret, serpens eum momordit. Salutantes insulam Cipri, per pisces maximos qui sequebantur et precedebant navem nostram, et circa eam ludendo saliebant; intellexerant autem naute, quod non multum a terra remoti essemus. Sexta autem feria post festum omnium Sanctorum, ad portum civitatis Acconensis applicuimus. Universa autem civitas Acconensium obviam nobis occurrens, cum gaudio magno nos suscepit. Inveni autem civitatem Acconensem tamquam monslrum et belluam, 1x. © capita habentem , sibi invicem repugnancia. Erant ibi Jacobite cum archiepiscopo suo qui more ludeorum parvulos * circumeidebant et nulli, preter domino, peecata sua in confessione aperiebant. Alii vero ex ipsis non circumcidebantur , et sacer- dotibus peccata sua confitebantur. Sed uno digito, tam isti quam illi, signum crucis facientes, se signabant. Feci autem sermonem ad eos in ecelesia sua per interpre- tem qui sciebat loqui lingua Sarracenorum #, ostendens eis quod si circumcide- bantur, Christus eis nichil proficiebat, et quod a lepra peccatorum per sacerdotes ”, quorum officium est inter lepram et lepram discernere, curandi essent. Quemadmo- dum dicit Dominus in ewangelio : Ite, et ostendite vos sacerdotibus. Ipsi vero verbo Domini audito, quod audire non consueverant , valde per gratiam Domini sunt compuneti, ila quod mihi firmiter promiserunt quod de cetero se non circumciderent et confessiones suas sacerdotibus de cetero facerent " ; quod autem se digito uno signa- bant, quasi dissimulando, sustinui propter unitatem essencie et Trinitatem persone; nam in uno digilo sunt tres partes, sicut et nos tribus digitis, in una manu coniunctis, nos signamus in nomine Trinitatis et unitatis. Quidam autem propterea secrete !? significavit, quod ideo uno digito se signarent, quod tantum in Christo unam voluntatem esse cre- derent, cum tamen alia sit voluntas divinitatis, alia humanitatis, quarum una alii subi- citur, sicut scriptum est in ewangelio : non sicut ego volo, sed sicut tu vis. Inveni preterea surianos homines, predicatores valde corruptos; nam inter Sarracenos nutriti pravis eorum moribus confirmabantur ‘* et secreta christianitatis quidam eorum, precio subversi, re- velabant Sarracenis, et, quia de pane frumentato more Grecorum conficiunt sacramenta , adeo nostra contempnebant sacramenta quod de pane azimo conficimus, quod ea nole- bant adorare vel capita ad illa inclinare, cum a sacerdotibus nostris corpus Domini ferebatur infirmis; immo super altaria nostra celebrare nolebant, nisi prius illa abluis- 1 Benignitatem (MS. Brux.). 8 Cette nouvelle preuve que Jacques de Vitrÿ ne con- ? Prestantiori (ibid.). naissait point l’arabe est encore répétée plus loin, p.41. 5 Deest in eod. ° Deest in MS. Brux. # Contraria parte {ibid.). 19 Desunt in eod. 5 Apostolus(ibid.), 11 Confiterentur (ibid.). 5 Lege: VII capita. Apocal. XIL, 1. 1? Quidam tamen mihi e contra (ibid.). T Suos (ibid.). 15 Manque jusqu'aux mots : ad illa inclinare, dans le MS. de Bruxelles, qui est devenu illisible à cet endroit. DE JACQUES DE VITRY. 97 sent. Sacerdotes eorum, licet coronas haberent, more tamen laicorum, comas nutriebant, et uxores more Grecorum ducebant; laicis autem suis tereias nuptias non contra di- cebant ‘; filie eorum velato capite semper incedebant ?, et nullus poterat® cuiusmodi essent agnoscere nec et sponsi earum, donec eas traducerent et sibi matrimonio copula- rent. Ego vero ad mandatum episcopi sui, tam viros quam mulieres congregari feci * per interpretem, verbum vite eis proposui; ipsi vero per gratiam adeo sunt compuncti, quod tam episcopus eorum quam subditi mihi obedientiam fecerint, et quod secundum con- silium meum viverent, mihi firmiter promiserunt. Quidam autem eorum, ut audivi, in die Epiphanie singulis annis se baptizabant. Inveni autem Nestorianos, Georgianos, Armenios, et quia episcopos vel aliquid caput non habebant, nondum potui eos congre- gare. Armeni Ÿ autem de pane azimo conficiunt, sed aquam cum vino in sacramento non ponunt. Inveni preterea © homines ecclesie nostre non obedientes, sed auctoritate sua capellanos in capellis suis ponebant et impune, quod libebat, faciebant, et excommuni- cationis sententiam a nobis latam vilipendebant, videlicet * commune Januensium et commune * Pisanorum et commune ‘ Venetinorum. Hii autem vel nunquam vel raro Dei verbum audiebant. Ad sermonem etiam meum dedignabantur venire; ego vero ad eos ivi, et eis ante domos suas in vico verbum Dei proposui, qui devote verbum Dei sus- cipientes, signum crucis, facta confessione, receperunt, et ex tune verbum Dei diebus dominicis extra civitatem, ubi predicare consuevi, corde contrito et humiliato , libenter audierunt. Inveni preterea homines de terra natos qui Pullani, quod callice *? dicitur Polains **, nuncupantur. Hii soli ad juridictionem ‘* et ad curam nostram pertinere fate- bantur, vix autem unus de mille inveniebatur qui matrimonium suum legitime vellet certo dare®; non enim fornicationem credebant esse peccatum mortale. Erant autem delicate nutriti a puericia et carnis voluptatibus penitus dediti. Verbum autem Dei audire non consueverant, sed quasi pro nichilo reputabant. Inveni preterea homines extraneos qui pro diversis et immensis flagitiis de partibus suis quasi desperati confugantur ‘°, qui ti- more Domini penitus abiecto, nefariis operibus et perniciosis exemplis Lotam civitatem corrumpebant. Ultimum et omnibus aliis deterius genus hominum et amplius obturatum ‘7 et excecatum , scribas et phariseos inveni, qui tantum lac et lanam de ovibus reci- pientes, de animabus non curantes, verbo et exemplo laicos corrumpebant. Hii soli, com- punclis aliis et ad Dominum ‘? conversis, verbo Domini et omni bono resistebant, ut ad- impleretur quod scriptum est : publicani et mercenarii * precedent vos in regno celorum. 1 Concedcbant (MS. Brux ). 1? Lege : gallicè. ? Jta quod (ibid.). 15 Michaud, PBiblioth. des Croisades, t. 1, p. 175. 5 £as (ibid.). Voyez, au sujet des Paulani ou Polani, le premier 4 Et (ibid). livre de l’Æistoria orientalis de Jacques de Vitry. 5 Lege : 4rmenii. 14 Gubernationem (MS. Brux.). 5 Autem (ibid.). 15 Servare (ibid.). T Deest in eod. 16 Confugerant (ibid.). $ Conventus (ibid.). 11 Lege : obduratum (ibid ). % Zdem (ibid.). 18 Obcecatum (ibid.). 10 Zdem (ibid.). 1 Deum (ibid ). 11 Quatuor hæc verba desunt in MS. Brux. 20 Meretrices (ibid.). 38 À SUR DES LETTRES INÉDITES Cum autem monstruosam civilatem ingressus fuissem el eam innumeris flagitiis et ini- quitatibus repletam invenissem, mente valde confusus sum; timor et tremor venerunt super me et contexerunt me tenebre, quia tam grave et importabile onus susceperam, et pro hiis districto die ‘ judicii redditurus eram rationem. Fiebant autem singulis fere diebus et noctibus homicidia Lam manifesta quam occulla. Viri de nocte suas jugulabant uxores, cum eis displicerent. Mulieres, ex antiqua consuetudine, venenis et potionibus maritos suos, ut aliis nuberent, perimebant. Erant in civitate homines venenum et toxi- cum vendentes; vix aliquis alii se eredebat, et inimici hominis domestici ejus. Quidam autem nobis confessus est quod quedam animalia in domo sua nutriebat ex quorum fimo potiones ila artificiose comparabat, quod , qui vellet inimicum perimere, inveniebat pro voluntate sua unde posset eum occidere, ita tamen quod langueret per annum, si vellet, vel per mensem, vel, si vellet, mortem accelerare, non viveret nisi per diem. Erat autem prostibulis passim repleta civitas. Nam quia meretrices carius hospicia, quam ali, con- ducebant, non solum laici sed persone ecclesiastice et quidem regulares ?, in 5 puplicis scortis hospitia sua per totam civitatem locabant. Quis enumerare |posset “ alterius Ba- bylonis supplicia *, in quibus christiani Sarracenis servis baptismum negabant, licet ipsi Sarraceni instanter et cum lacrimis postularent. Dicebant enim domini eorum in quo- rum consilio non veniat anima mea, si isti christiani fuerint, non ita pro voluntate nostra ços angariare poterimus. În tanta et tam miserabili confusione, ad unicum con- fugi singulare divine pietatis auxilium : qui non vuli mortem peccatorum sed ut conver- tantur et vivant, et qui nescit $ molimina Spiritus sancti gratiæ? Postquam verbum Domini, quod sanat libenter universa * et cum desiderio audire ceperunt ÿ, ubi super- babundavit iniquitas, superhabundavit et gratia. Modico autem tempore ila conversa sunt ad Dominum quod diebus et noctibus non cessabant ad me cum lacrimis et gemi- tibus, currere ? et peccata sua cum cordis contritione mihi confiteri. Ego vero signum sancle crucis fere omnibus dedi, iniungens eis ut arma et alia ad succurendum ‘° sancte Terre pertinencia prepararent; mulieribus vero cruce signatis iniunxi ut per ! facultates suas ad opus exercitus de pecunia sua darent; nihilominus tamen iniunxi eis mediocrem pro peceatis suis penitentiam. Audientes autem quidam ex Sarracenis qualiter Dominus operaretur, ad baptisma convolaverunt. Multi autem, ut asserebant, admoniti © in sum- niis, vel a Domino Jesu-Christo vel beata Virgine vel aliquo sancto ‘*, ab errore Ma- chometi ad Christi gratiam se transferrent. Dicebat autem eis, ut asserunt, beata Virgo, quod, nisi christiani fierent, in proximo advenientibus christianis et victoriam obtinen- tibus, misera morte perirent. Dominus autem, occasione Acconensis ‘* civitatis aperuit mihi hostium magnum; nam residuum terre nostre in qua christiani habitant, ad 1 Deest in MS. Brux. Forte: dei judicio. 8 Lege : ceperant. ? Etiam (ibid.). % Clamare (MS. Brux..). 5 Deest én ibid. 10 4d succursum (ibid.). # Omnia (MS. Brux..). 1 Secundum (ibid.). 5 Flagitia (ibid.). 12 Qui moniti sunt (ibid.). © Tria hæc verba desunt ibid. 15 Ut (ibid.). 7 Melius in MS. Brux. legitur : wniversa, libenter. 14 Deest in eod. DE JACQUES DE VITRY. 39 exemplum Acconensium desideravit verbum divine predicationis audire , et, recepto crucis signo, ad defensionem terre sicut se, ita sua ‘ Domino pro peccatis suis offerre, vide- licet Tyrus, Baruth et Gibeloth ? et oppidum quod dicitur Crach et Tortose et Margate et Album Castrum et Tripoli et Antiochia et insula Cypri, habens episcopatum 5 cum tribus episcopatibus; preterea 4 Japhere et Cesarea. Hec sunt civitates et oppida que nobis Dominus reliquit et valde indigent predicatione. Sarraceni autem adventum pere- grinorum valde metuunt. Nos vero cum desiderio et exultatione expectamus auxilium de saneto et de fidelium peregrinorum adventu opportuno, ad suceurendum Terre sancte, ut hereditas Domini ab impiis liberetur et in partibus orientalibus ecclesia Domini re- paretur. Et Sarraceni qui adhue timore aliorum f tenentur, ad Dominum ? convertan- tur et christiani nostri qui in partibus Orientis sub paganorum dominio comprimuntur, liberentur. Credo autem sicut in multorum relatione didici, quod fere tot sunt chris- tiani # inter Sarracenos quot sunt Sarraceni qui cotidie cum lacrimis Dei spectant ? auxi- lium et peregrinorum successum. Ego vero terram promissionis, terram desiderabilem et sanctam, nondum intravi, licet civitas Acras vix distat a loco habitationis Jesu-Christi, ubi ipse conceptus et nutritus fuit et angelus Gabriel Virgini gaudium singulare adnun- ciavit, scilicet a Nazareth, non plus octo miliaria, et a monte Carmeli, ubi Elyas pro- pheta vilam duxit heremiticam, vix per tria miliaria; quam respicio, eum suspiriis , quoties fenestram domus mee aperio. Propter metum Sarracenorum nondum loca sancta visitavi. Sed, quamvis habens aquas, adhuc nondum bibi, sed divinum expeeto subsi- dium, quod mittet nobis in tempore opportuno, sicut mentes nostras vineulum earitatis Christi coniunxit, ita nomina vestra litteris presentibus coniungere et vobis coniunctim scribere volui, ut sit vobis commune gaudium de profectu meo, et de meis defectibus communis passio, Vos autem de statu vestro et de hiis de quibus anima mea aliquam recipiat consolationem, rescribatis. Ego vero vitam meam donec veniat exercitus sie or- dinavi, quod, summo diliculo, missa celebrata, peccatorés recipio usque post meridiem ; denique sumpto cibo, cum magna difficultate (meum appetitum manducandi et bibendi ammisi ex quo terram ultramarinam ingressus sum) infirmos per civitatem opportet me visitare usque ad nonam post vesperas. Post hoc vero causas orphanorum et viduarum et aliorum, quibus in justicia dicere non valeo, cum tumultu et gravamine magno recipia {°; ita quod dilecte tempus lectionis non habeo, nisi ad missam vel ad matutinum vel quum aliquod modieum spacium me abscondo. Tempus autem orationis et considerationis quieti noctis tempore reservavi, quumque tum ita fessus sum vel turbatus, quod nec ora- tiouis nec proprie infirmitatis considerationi possum vacare. Vos autem carissimi, orate pro me ut Deus det mihi humilitatem veram et pacientiam tolerandi labores ad salutem anime mee et subsidium sancte terre, ut pius Dominus tenebras orientales illuminare 1 Sancte se et sua (MS. Brux.). 7 Secure (MS. Brux.). ? Gibelet (ibid.). 8 Jei se termine le texte du MS. de Bruxelles, qui, ainsi 5 Archiepiscopatum (ibid.). qu’on le voit, est incomplet. 4 Deest in eod. % Forsitan : erpectant. 5 Succursum (ibid.). 10 Lege : recipto. 5 Deest in eodem. 40 SUR DES LETTRES INÉDITES dignetur, et negotium Terre sancte promoveat, et mihi et omnibus amicis vitam bonam finemque beatum *, ut sic per bona temporalia transeamus, ut non amittamus eterna. Priusquam autem per gratiam Dei toto tempore hyemali verbum Domini Acconensibus seminavi et copiosa multitudo corrupte admodum civitatis conversa est ad Dominum. Audientes alie civitates quomodo Dominus operabatur, exemplo Acconensium incitati, frequentes nuncios ad me mitlebant, supplicantes ut ipsos caritatis intuitu visitarem. Ego vero intelligens hostium magnum mihi esse apertum, imminente tempore quadrage- simali, licet valde diflicilis et periculosa esset via et per terram Sarracenorum et maxime et per terram eorum qui dicuntur Assasi ? oporteret me transire, de Domini confidens auxi- lio, mulus dolentibus et flentibus, iter arripui et post, veniens in civitatem Tyrensem cum gaudio et devotione, tam a clero quam a populo receptus sum, quibas verbum Domini die- bus aliquot predicavi. Semen autem per gratiam Dei cecidit in terram bonam ; facta pecca- torum confessione, signo crucis recepto, se et sua Domino obtulerunt. Vidi autem puteum aquarum super quem dicitur quod Dominus requievit, cum veniret ad partes Tyri et Sy- donis, de quo ad litteram dicit Salomo in canticis : Puteus aquarum viventium que fluunt impetu de Lybano . Mons autem Lybanus non longe remotus est a loco üllo, et ? subterra- neos meatus aquarum copiose usquead locum illum defluentes constituunt puteum magnum quasi parvum lacum, qui vero non habet, ut eredo, sibi similem in toto mundo. Milites vero Tyrenses armati conduxerunt me usque ad Sareptam Sydoniorum , ubi per noctem moram feci, predicans christianis quos ibi inveni, verbum Domini et ostendens qualiter inter Sarracenos commendabiliter deberent conversari, ne nomen Domini propter ipsos blas- phemaretur inter gentes; ipsi vero in civitate Sarracenorum valde erant corrupti et ego fraudem Machometi et execrabilem eius doctrinam pro posse meo eis detexi, eo quod qui- dam eorum, quasi inter legem christianorum et Sarracenorum hesitantes, claudicabant, Visilavi autem modicam capellam in agris extra civilatem derelictam, ubi Elyas venit ad viduam in Sarepta ligna colligentem. Inde vero transiturus in Berithum et civitatem Sydoniensem quam tenent Sarraceni, premisi nuncios ut milites civitatis mihi obviam venirent qui, mihi occurrentes, cum multitudine armatorum per terram Sarracenorum me et meos duxerunt. Archiepiscopus autem Surianorum qui habitabat Sydonem inter Sarracenos, extra civitatem, mihi pedes occurrit. Transivi autem per loeum ubi mulier Cananea post Dominum clamans et, de micis que cadunt de mensa dominorum suorum, catulos edere cum omni humilitate asseruit. Ad pedem autem montis Libani reliqui duos fontes, scilicet Jor et Dan, unde Jordanus fluvius habet initium et inde nomen sortitus est Jordanus. De monte autem Lybano, quum maximus est in estate calor, affluit nix et sub palea custoditur et care venditur ut vino commisceatur ad temperandum el reddat frigidum vinum 5. Postquam autém aliquot diebus moram feci in civitate Be- rithi et eis verbum Dei predicavi, omnibus signatis tam mulicribus quam viris et etiam parvulis, signato domino civitatis cum militibus eius, transivi ad civitatem Bibly de quo 7 Michaud. Bibl. des croisades , 1. 1, p. 171. Jacques ? Adde: per. de Vitry parle longuement des Æssassi ou Assassini dans 5 Forte : ut reddatur frigidum vinum. le 1e livre de l'Æistoria orientalis. L] DE JACQUES DE VITRY. 41 dicitur in libro Regum quod senes Biblii transmittebant ligna de Lybano ad edificandum templum Domini, qui cum gaudio magno, et minimo usque ad maximum, me reci- pientes , audito verbo Dei, compuncti sunt ad penitentiam. Erat autem civitas illa valde corrupta et episcopus loci pauperrimus, sed liberalis et humilis, qui cum Domino civi- tatis et universo populo signum crucis receperunt. Inde vero transiturus Tripolim, reperi vineas que bis in anno vindemeantur et fontem irrigantem multitudinem ortorum *, de quo dicitur in Canticis: Fons ortorum ad litteram. Cum autem appropinquassem Tripolim, comes civitatis et princeps Antiochie cum multis militibus obviam mihi venerunt; in qua civitate opportuit me pugnare ad bestias Ephesi. Videns autem quod ad Dominum universalem converterentur, in eadem civitate moram per mensem feci, et quia communis lingua civitatis erat lingua sarracena, per interpretes frequenter predicabam et confessiones audiebam ?. Inde vero transivi ad oppidum, quod dicitur Cracum , qui ® con- junctus est terre eorum, qui Assasi nuncupantur; ubique autem occurebant mihi cum magna devotione viri et mulieres et parvuli. Cum autem non auderemus premittere nun- cios, mittebamus colombas, ferentes litteras nostras sub alis, ut homines civitatis nobis occurerent, propter metum paganorum. Inde vero venimus ad oppidum quoddam Tem- plariorum, quod dicitur Castrum Album. Fratres autem milicie Templi, postquam ibi per dies aliquot verbum Dei predicavi, conduxerunt me cum manu armata usque ad civitatem, que dicitur Eratheradus #, sic dictam, eo quod sita sit ante insulam Erradii in qua columpne quondam erant vitree ®, in quibus Petrus invenit nobilem mulierem, matrem beati Clementis que, mendicabat in insula illa et eam filio suo reddidit qui eam per multos annos amiserat. Est autem in civitate illa que modica est, sanctissima capella quam beatus Petrus, dum transiret Antiochiam, in honore beate Virginis edificavit, que fuit prima ecclesia in honore beate Virginis, ut dicitur, edificata, in qua Dominus tot miracula facit, quod non solum christiani, sed et etiam Sarraceni ad eam, causa pere- grinationis, veniunt. In qua ecclesia postquam missam celebravi, facto sermone ad populum , duos Sarracenos baptizavi. Cum autem ad hospitium reversus fuissem, quidam ex illis qui dicuntur Assasi ©, me secutus fuerat per mare et terras, ut me interficeret, ab conversis ad fidem manifestatus, captus est, et incarceratus, et ita Dominus de manibus eius me liberavit. Inde vero transivi cum manu armata in civitatem quandam, habentem oppidum munitissimum quod castrum dicitur Margant *, in quo cum per dies aliquot verbum Dei predicassem , proposueram per mare transire in Antiochiam. Dominus enim civitatis cum clero et populo magno desiderio adventum meum prestolabant. Patriar- cha vero Iherosolymitanus misit mihi litteras ut reverterer, eo quod passagium immi- nebat et expectabamus adventum peregrinorum. Inde vero reversus Tripolim, proposui navigare Ciprum. Galeas armari feci; rex enim Cipri misit mihi litteras cum nuntiis suis. 1 Lege : hortorum. 5 Idest : ex vitro factæ. ? Voyez plus haut, pag. 56, note 8. 5 Adde : qui. 5 Lege : qui locus conjunctus. T Lege: Margath. “ Lege : Antaradus. Toue XXII. (=?) 42 SUR DES LETTRES INÉDITES Expectavi autem per dies quindecim, et ventum ydoneum habere non potui. Audiens autem quod quidam de heremitis Nigri montis, qui grecè dicitur Nero, transisset in Cyprum, habens crucem in carne impressam quam beata Virgo, ut asserebat, suo pectori impresserat, et eum in Cyprum miserat. Nolui illue ire, nam heremita ille regem et clerum et populum eruce signaverat, et ideo evadens per gratiam Dei pericula mortis plurima, reversus sum ad civitatem nostram. Acconenses autem absentiam meam mo- leste ferentes, frequenter de civitate exibant, dum diceretur eis quod ego reverti deberem. Cum autem per dies plures mihi obviam exirent , postquam certum nuntium de adventu meo acceperunt, cum mulieribus et parvulis mihi obviam mihi occurrerunt. Nunc autem in civitate Acconensi frequenter ad mare respicio cum lacrimis et desiderio magno, expectans adventum peregrinorum. Credo enim quod si .äüij". millia e militibus arma- torum haberemus, per gratiam Dei, qui nobis resistere valent, non invenerimus. Est enim magna discordia inter Sarracenos, et multi pro certo terrorem suum agnos- centes, si auderent, et haberent auxilium Christianorum , converterentur ad Dominum. Credo autem quod christiani habitantes inter sarracenos populos, sunt minores quam Sarraceni. Multi autem reges christiani habitantes in partibus Orientis usque in terram presbyteri Johannis *, audientes adventum erucesignatorum ut eis veniant in auxilium, movent guerram cum Sarracenis. Sarraceni autem quia multas et varias habent sectas valde inter se sunt divisi. Quidam autem legem Machometi tenent, alii parvi pendent; unde, contra mandata Machometi, vinum bibunt, carnes porcivas comedunt nec se more aliorum Sarracenorum cireumeidunt. Vetulus montane abbas est religionis fratrum cultellorum qui non tenent aliam legem nisi quod credunt per obedienciam salvi fieri; quidquid eis precipiatur, et ii dicuntur Assasi qui occidunt tam Christianos quam Sarracenos ?. Sunt alii Sarraceni qui dicuntur occulte legis; legem enim quam tenent nulli, nisi filiis suis quum iam sunt provecte etatis, revelant; ita quod uxores eorum quod mariti eorum credunt, ignorant, qui prius promittunt se interfici quam aliqui, nisi filiis suis, secreta legis Sue manifestent. Sunt alii miserabiles et sine aliqua lege ho- mines qui dicunt quod in die judicii quum Deus queret: Quare non servasti legem Iudeorem, respondebunt : Domine, non tenebamur eam servare quia eam non susci- pimus nec Iudei fuimus; quare non custodistis legem christianorum : Domine non tene- bamur quia christiani non fuimus, scilicet nec legem Sarracenorum debuimus servare quia non fuimus Sarraceni, et ita per privationem aliorum, in die iudicii credunt eva- dere, cum tum dicat Dominus : Qui non est mecum, contra me est. Inveni alios qui dicunt animas mori cum corpore, unde quilibet agunt tamquam bestie, pro sua pessima voluntate. Quia vero in terra Sarracenorum predicare non poteram, in finio © terre Chris- tianorum et Sarracenorum, quum poteram, predicabam , et per litteras quas eis transmit- tebam in sarraceno scriptas, errores eorum et legis nostre veritatem eis ostendebam. Multi autem ex Sarracenis filios suos per sacerdotes Surianorum baptizari faciebant, hac sola intentione ut diutius viverent. Inter illos autem qui christiano nomine censentur, ? Royaume du Prêtre Jean. thèque des croisades, tome 1, page 171. ? Aist. Orient., in-8°, page 59; Michaud, Ziblio- 5 Lege : in confinio. DE JACQUES DE VITRY. 45 multos inveni qui ex defectu sane doctrine in fide nostra maxime errant, qui principaliter in quatuor partes sunt divisi. Suriani autem sunt greci; Spiritum sanctum a solo patre procedere dicunt. Nestoriani vero in Christo duas personas asserunt, sicut in eo sunt due nature et due voluntates, unde licet Christus sit Deus, dicunt Mariam fuisse matrem Christi, non tamen Dei; et tales erant omnes qui sunt in terra presbyteri Johannis, sicut mibi dixit quidam mercator, cum nuper inde venerat, qui omnes de novo facti sunt Jacobite qui dicunt unam tantum esse in Christo naturam et unam voluntatem, sicut unam personam. Humana enim natura absopta est, ut false asserunt, a divina, sicut gutta aque que funditur in vino a vino absorbetur. Patriarcha vero Maronitarum cum archie- piscopis et episcopis suis et populo Maronitarum sibi subdito, relictis omnibus erro- ribus, catholice et obedientie sancte Romane ecclesie ! se subdidit, et multi, tam de hereticis in partibus orientalibus commanentibus quam de Sarracenis, si sanam doctri- nam audirent, facile, ut credo, ad Dominum converterentur. Vos autem orate Deum qui nichil odit eorum que fecit et omnes homines vult ad agnitionem veritatis venire, ut ipse in diebus istis orientales tenebras illuminare dignetur, amen. Orate pro me et pro meis et specialiter pro capellano meo, fidelissimo socio meo, Johanne videlicet de Cameraco ?. 1 Lege : obedientie sancte et catholice romane ecclesie. * C’est le même Jean de Cambrai dont il est déjà parlé. FIN. api a ont tt Sr LE ss er Sans & : AS MEME té ï at l i E 1 “LL 2 ‘ An sf: rs ] td; ’ ENS Là L jé n ? if ATP ' My BE AW y (“ in: f * La di [ 1: n CONTROVERSE SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE ET LA FORMATION DES IDÉES; PAR M. GRUYER. Toue XXII. ‘+ AAA M - CONTROVERSE SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE ET LA FORMATION DES IDÉES. AVANT-PROPOS. Le sujet dont je me propose d’entretenir l’Académie touche immédia- tement la liberté morale. C’est, en quelque sorte, une question préjudi- cielle en cette matière, une question préalable, qu’il serait bon d’examiner d'abord. Il s’agit de l’activité intellectuelle, des propriétés actives et pas- sives de l’âme, des causes productrices et conditionnelles des idées. L'ouvrage que j'ai publié sous ce dernier titre , en 1844, et dans lequel j'ai professé des doctrines qui ne sont pas entièrement d'accord avec celles que l’on préfère généralement en France, contient, sur l’activité humaine , quelques pages qui ont provoqué des objections, ou du moins des observations critiques, auxquelles j'ai répondu !, et dont le plus grand nombre appartiennent à l'honorable M. Tissot, professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Dijon. Cet auteur, justement renommé, dans une réplique très-étendue , 1 Voyez Des causes conditionnelles et productrices des idées, p. 4, 1% alinéa, p. 5, p. 6, alinéa 4et2,p.7, dern. alinéa, p. 9, 4% alinéa; Observations critiques sur le livre des causes cond., etc. p. 29, dern. alinéa, p. 30, 1% et dern. alinéa, p. 51, alinéa 3, 4, D, p. 52 à 57; Des causes cond. ete., p. 12, 56, 57,39; Observations critiques, elc., p. 47 à 54, p. 58 à 61. 4 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE qu’il a divisée en 37 articles ou numéros, a parfaitement et très-claire- ment exposé sa théorie sur la formation des idées, ou sur leurs causes productrices, qu’il place dans l’âme même. Cette théorie, à un seul point près, je crois, est presque universellement admise aujourd’hui. Dans le journal protestant le Semeur, du 19 mai 1847, on trouve ces lignes (qu’on peut attribuer à M. Cabanis, le gérant de cette feuille) : « M. Gruyer nous paraît avoir méconnu une des plus importantes acquisitions de la philosophie moderne, c’est à savoir, cette vérité capitale que, bien que toutes les notions dont se compose la connaissance humaine pénètrent dans l’entendement à l’occasion des données de l’observation, cependant elles ne viennent pas toutes de ces données; il y a dans l'esprit humain une vertu productrice d'idées qui supplée à l'insuffisance des données de l'observation, etc. » D’un autre côté, M. Tissot avait dit lui-même, dans la Revue Indépendante du 10 juillet 1845 : « Il ne manque à M. Gruyer qu'une chose, selon nous, pour réunir aux avantages d’une autre époque ceux que la nôtre peut présenter : c’est de reconnaître qu’il y a dans l’es- prit humain une vertu idéelle, une faculté productrice d'idées... S'il y a dans la philosophie contemporaine la plus avancée un caractère qui la distingue de toutes les philosophies antérieures, c’est celui-là. » Que l’on ait bien ou mal compris ma pensée, et quelle qu’elle soit au fond; que j'aie bien ou mal interprété celle des autres; en aucune manière je ne voudrais soutenir que j'aie seul raison contre tous. Mais, en sup- posant même que rien ne m'empêchàt de marcher avec confiance sous l’étendard de la philosophie contemporaine, en suivant exactement la même ligne, je pense qu’il serait moins profitable pour elle de trouver en moi un champion de plus, ou de m’arracher l’aveu pur et simple de l'infaillibilité de ses jugements, que de connaître et d'examiner surtout les idées qu’il m’a été possible de recueillir en parcourant de nouveau, mais avec plus de précaution, la voie où je m'étais engagé d’abord, puis en essayant de suivre pas à pas l’homme éminent qui a bien voulu me servir de guide dans celle qu’il avait prise et en partie tracée lui-même. La question de savoir si cette dernière est la meilleure ne saurait être douteuse pour ceux qui sont de leur époque. J'y ferai seulement remar- ET LA FORMATION DES IDÉES. D) quer quelques obstacles, dont il leur sera peut-être facile de la débarras- ser; et c’est ce que j'attends pour prendre un parti décisif. Quoi qu’il arrive, voici quel est aujourd’hui le sujet de la contro- verse. J'avais dit que toute sensation, que toute idée (comme aussi tout phénomène matériel), en un mot, que toute modification de substance a deux causes : l’une interne, qui n’est rien de plus que la propriété même que le phénomène suppose, et dans laquelle il existe en puissance; c'est ce que j'appelle la condition interne, ou la cause conditionnelle du phénomène produit : l’autre interne ou externe, suivant qu’elle consiste ou dans une idée, une sensation, ou dans l’action d’un objet extérieur, mais qui elle-même est toujours un phénomène quelconque et jamais une propriété; c'est la cause proprement dite, la cause efjiciente qui fait passer la propriété interne de la puissance à l'acte, et produit ainsi la modifica- tion, ou le phénomène que l’on considère. Par exemple, la sensation a pour cause conditionnelle la sensibilité physique, et pour cause efficiente, ou productrice, l’action d’un objet extérieur, qui met en jeu la sensibi- lité, qui la fait passer de la puissance à l’acte, qui la fait se manifester sous sa forme phénoménale : une conception pure, une idée rationnelle, a pour cause conditionnelle la raison, et pour cause efficiente telle ou telle autre idée antérieurement acquise, laquelle fait aussi que cette propriété de l’âme, la raison, se manifeste sous forme d'idée, ou de conception pure. Or, d’un côté, mon illustre adversaire ne fait aucune mention de ce que j'appelle cause conditionnelle d’une sensation, d’une idée; et d’un autre, il soutient que l’âme produit elle-même toutes ses idées, toutes ses sensations, en vertu d’une activité propre, quoique fatalement, ou bon gré mal gré; et, selon lui, lorsqu'un objet extérieur agit, ou nous paraît agir sur notre âme, il ne fait tout au plus que l’ébranler , la provoquer à agir; il n’est jamais cause efficiente soit d’une idée, soit d’une sensation, il n’en est que l’occasion, ou la cause occasionnelle; il ne la produit pas, il sollicite l’âme à la produire. Que l’âme, en vertu de sa mobilité, si je puis m’exprimer ainsi, soit mue, 6 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE par une cause étrangère à son activité propre, ou bien qu'elle se meuve, en vertu même de cette activité, à l’occasion d’un fait extérieur; toujours est-il que dans telle circonstance donnée, elle ne peut pas ne pas être modifiée de telle ou telle façon : et c’est ce qui m'a fait faire cette remarque, qu’au fond, ce que j'appelle mobilité de âme, dénomination sous laquelle on peut comprendre toutes ses propriétés passives, ne me semblait pas différer de ce qu’il plaît à M. Tissot d'appeler activité fatale. Il admet, indépendamment de cette activité fatale et en quelque sorte passive, deux autres espèces d'activités dans l'âme; l’activité spontanée, inconsciente, et l’activité accompagnée de conscience et de réflexion. Je les admets comme lui, sans toutefois en faire deux espèces appartenant à un même genre; mais je donne en général à l’activité humaine le nom commun de volonté, que je distingue en volonté spontanée et volonté réfléchie; en distinguant aussi la volonté proprement dite, par laquelle l’âme agit sur le corps, et la volonté intellectuelle, qui consiste dans l’at- tention, la réflexion, etc., lesquelles peuvent être à leur tour accompa- gnées ou non accompagnées de conscience. On prétend qu'il n’y a d'actes volontaires que les actes réfléchis, délibérés, et je l'accorde sans peine; mais il m’a semblé que ce n’était là qu’une dispute de mots, comme on le verra dans le cours de cette discussion. Enfin, de même que j'ai donné le nom de volonté à l'activité propre- ment dite de l’âme, à la faculté dont elle jouit ou qu’on lui suppose de se mouvoir par elle-même, j'ai appelé du nom de sensibilité, sa mobilité, ou la propriété passive en vertu de laquelle elle est mue, bon gré mal gré, par diverses causes; en distinguant trois sortes de sensibilités, la sensibi- lité physique, la sensibilité morale et la sensibilité intellectuelle (qu'on nomme d'ordinaire l’entendement) : et c’est sur ce point principalement, que m’attaque M. Tissot. Selon lui, il n’y a rien de passif dans l'âme. La thèse qu’il soutient est que tout phénomène animique, à commencer par la sensation, a directement pour cause efficiente, ou productrice, une action de l’âme sur elle-même. Toutefois, elle n’agit, dans la production des sensations, qu'à la suite d’un mouvement dans l'organisme, sans que nous sachions, d’ailleurs, ni puissions comprendre comment. D'une part, ET LA FORMATION DES IDÉES. 7 il nie formellement qu’une sensation puisse être cause ni d’une idée, ni d’une volition de l'âme, ni, directement ou indirectement, d’un mouve- ment dans le corps ; et d’une autre part, il veut ou paraît vouloir, que le corps ne puisse pas agir sur l'âme, en sorte qu’il serait impossible, en effet, que l’action des objets extérieurs sur nos organes fût la cause ejji- ciente de nos sensations. Mais, outre que l’on ne voit pas alors comment ils pourraient provoquer l’âme à les produire, cette hypothèse flottante, que l’on n’adopte pas d’une manière bien décidée, répand de l'incertitude, du vague et de l'obscurité sur toute la question de l’activité humaine ; question qui me paraît loin d’être résolue d’après la doctrine, ou la ma- nière d'envisager les choses, de notre estimable philosophe. Cette ques- tion, retournée dans tous les sens, considérée sous toutes ses faces, envisagée sous tous ses points de vue, est l’objet de sa réplique, ou pour mieux dire, de sa dissertation : il s’occupe bien plus, en effet, de sa propre cause que de mes arguments, qu'il n’a pas d’ailleurs, ce me semble, ré- futés d’une manière plus péremptoire ici que dans ses premières observa- tions, ce qui ne veut pas dire que j'aie mieux réfuté les siens. Le lecteur pourra, du reste, juger entre nous, ou entre les deux doctrines dont je viens de donner un aperçu, par les détails dans lesquels nous allons entrer. En plaçant immédiatement après chacun des articles dont se compose le travail de M. Tissot, les réflexions qu’il m’a suggérées, j'ai donné à cette controverse une forme qui se rapproche un peu de celle du dialogue, et, ce me semble, il doit:en résulter ces avantages, savoir : 1° que la lecture en sera moins fatigante; 2 qu’on pourra, sans inconvénient, la suspendre où et quand on le voudra; 3° que le rapprochement de mes idées et de celles de mon antagoniste sur chacun des points de sa doctrine, sera plus facile, puisqu'il se présentera comme de lui-même; 4° que l'on pourra plus facilement aussi apprécier mes arguments; et 5° que, par là, le lec- teur sera convaincu, qu'agissant consciencieusement, je n’ai employé au- cun artifice pour mettre en apparence la raison et le bon droit de mon côté. Voici maintenant la réplique de l'honorable M. Tissot, avec mes ré- ponses ou mes observations, intercalées dans le texte. 8 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE I. Je ne suis guère plus satisfait que vous ne pouvez l'être de tout ce qu’on a écrit sur l’activité; je n’en excepte pas non plus ce que j'en ai moi-même essayé. C’est un sujet si profond, l’agir tienttellement à la nature intime de notre âme, qu'il serait assez naturel que nous ne pus- sions pas nous replier sur nous-mêmes jusque-là. Essayons toutefois de résumer quelques points capitaux. Il y a un mouvement vital dans tout ce qui a vie : la plante qui sort du germe, ou plutôt le germe qui se développe et devient plante, ne subit cette série de métamorphoses qu’en vertu d’une activité vitale qui met en mouvement les sucs, qui les fait circuler dans les vaisseaux de la plante, qui s’en va d’abord développant, suivant un type spécifique, ces vais- seaux eux-mêmes. Je ne me demande pas aujourd’hui ce que c’est que ce type de la plante, cette configuration déterminée de son espèce, ce qui fait la différence des individus d’une même espèce. Y a-t-1l là comme un dessin sur canevas destiné à être rempli par une force ouvrière avec des matériaux qu’elle prépare, élabore, dispose? Que seraient ce dessin, ce canevas , cette force ouvrière, ces matériaux; où tout cela serait-il, quand la vie sommeille encore dans le germe, quand la force végétative qu’elle doit mettre plus tard en jeu est encore comme un ressort contenu mais non brisé, comme un ressort qui tend à se débander, mais qui ne peut encore le faire? Ce sont là des questions de physiologie générale qui vaudraient la peine d’être méditées, ne fût-ce que pour mieux sentir notre impuissance à trouver le fond d’un pareil abîme. J'ai tenté ailleurs (dans un chapitre de mon Anthropologie) une explication de ce mystère; mais je conviens qu’elle est purement hypothétique. L’explication en est origi- nale, je crois; et, bien que je ne puisse en affirmer la vérité, elle me satisfait plus que tout ce que j'ai lu sur ce sujet. A vrai dire, je connais peu de tentatives où l’on ait essayé la genèse de l'organisme en partant d'aussi loin. Je ne blâme pas les naturalistes de s'abstenir de ces sortes de spéculations ; je voudrais seulement qu’ils sussent bien qu'ils laissent tout un monde derrière eux, et que les métaphysiciens ont au moins le mérite de s’en apercevoir. Mais ceux-ci doivent savoir à leur tour qu'ils ne font souvent que des hypothèses plus ou moins ingénieuses; ils ET LA FORMATION DES IDÉES. 9 doivent avoir assez de sagesse pour ne regarder ces hypothèses que comme des opinions qui ne pourront prendre rang parmi les vérités scientifiques que du moment où l'expérience les aura confirmées, si toutefois elles sont susceptibles de lêtre. Je dis si elles sont suscep- tibles de l'être; car il vient toujours un moment où la spéculation sort des limites de l'expérience possible. Le véritable savant, dit-on, s'arrête là et ne se livre pas à des rêveries. Comment, ajoute-t-on, appeler au- trement des hypothèses que l'expérience ne peut ni confirmer ni infir- mer ? Il est vrai que le naturaliste fait ainsi, et je crois même qu’il fait bien; mais le roman, pour n’être pas l’histoire, n'est-il pas aussi un fruit légi- time de l'esprit humain? Seulement il faut se dire que le roman n’est pas de l’histoire. Eh bien, les fantaisies de l'imagination mises au bout des observations, des faits, pour en rendre compte d’une manière plus ou moins vraisemblable, sont une sorte de roman de la vie physiologique, roman qu'il est tout aussi naturel à l’esprit humain de produire que de faire le roman moral. Toutes les sciences ont leurs aboutissants fantasti- ques : les mathématiques n’ont-elles pas un côté d'imagination, d’hypo- thèse, dans l’idée de l'infini ? Mettons donc de côté toutes ces questions peut-être absolument insolu- bles , et ne nous attachons pour le moment qu’à celles qui peuvent être menées à bonne fin. Vous distinguez sans doute avec moi le mouvement de l’activité : le mou- vement proprement dit ne peut être que celui des corps, de ce qui est conçu occuper un lieu dans l’espace. De plus, il est le produit d’une cause, c’est un effet. Il suppose donc l’activité. L'activité, au contraire, ne suppose pas plus ie mouvement que le genre ne suppose nécessairement l’une quelconque de ses espèces en particulier. Il y a en effet des actions qui sont sans mouvement, telles sont celles qui produisent en nous la pensée et la vohtion. Il est assurément très-possible que la volition et la pensée ne s’accomplissent maintenant dans l’homme qu’à l’aide de certains mou- vements cérébraux; mais ces mouvements conditionnels ne sont ni l’acti- vité qui les exécute, ni les produits intellectuels ou volitifs qui en sont Tome XXIII. 2 10 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE la conséquence. Je le répète donc, l’activité est aussi distincte du mouve- ment que la cause de l’eflet. Cela posé, il n’est pas difficile de comprendre que, dans la vie végéta- tive, il y a mouvement et force motrice; que le mouvement seul , ou plu- tôt les différentes dispositions des matières organisées, sont seules perce- vables, mais que la force vitale ne l’est pas, Elle ne l’est pas pour nous, elle ne l’est pas non plus, selon toute apparence, pour la plante elle- même. Son action n’est pas moins réelle, incontestable, Voilà une force occulte, ou en elle-même cachée, mais que nous avons le droit d’affirmer d’après ses effets. Je dis maintenant qu’il se passe quelque chose d’analogue dans l’âme humaine; c’est-à-dire qu’il y a là aussi une action qui n’est pas volon- taire, et, par conséquent, une cause purement naturelle, qui échappe à la conscience, qui se conclut d’après ses effets, mais qui ne se sent pas; une cause qui n’est pas libre, qui est antérieure à la liberté, plus profonde qu’elle ; une cause qui tient à la nature même du principe pensant, mais qui, par cela même qu’elle produit la pensée, n’en est point l'effet. Le premier produit de cette cause peut encore être inconnu de nous; c’est-à-dire qu’il est possible que nous ayons aussi peu conscience de la manière d’être ou de la modification première que cette force apporte au principe pensant, que la plante elle-même. Qui peut dire s’il n’y a pas un second et peut-être un troisième degré d'action dans le principe pen- sant, dont nous n’ayons pas plus conscience encore ? Le fait est que nous ne pouvons sentir en nous que des états, c'est-à- dire des manières d’être, ce qui est en nous, qui fait partie de nous ; tout ce qui n’est pas à ce titre ne peut pas être senti. Or ces états ont dû être produits d’abord par une force primitive involontaire; on ne peut vouloir produire ce dont on n’a pas d’idée. Si donc rien n’était en nous qu'à la suite de la volonté et de la réflexion, notre àme resterait éternellement une table rase; n’ayant dans le principe l’idée de rien , nous ne pourrions rien vouloir, rien produire en nous; nous ne pourrions désirer aucun état, aucune manière d’être intérieure dont nous n’aurions aucune idée, Il y a donc incontestablement, dans les profondeurs de notre être, ET LA FORMATION DES IDÉES. 11 une action fatale, sourde, inconsciente, qui a sa raison dans notre âme, à peu près comme le mouvement vital a son principe dans le germe d’où il fait lever la plante. Réponse. — En distinguant de l'activité la mobilité 1, et, par suite, le mouvement, de l'action, je crois avoir fait mieux, et j'ai fait plus que distinguer seulement le mouvement de l’activité. Je me serais bien gardé d’ailleurs de confondre l’activité de la matière avec les mouvements de l'âme, ou l’activité de l'esprit avec le mouvement des corps, avec le mou- vement proprement dit, qui a lieu dans l'espace. Je ne puis guère admettre, du reste, que le mouvement soit à l’acti- vité ce que l'espèce est au genre, par cela même que le mouvement, comme vous le dites, et c’est ce que j'accorde sans peine, est un effet qui a sa cause dans l’activité. Toutefois, expliquons-nous bien; ce n’est pas le mouvement lui-même, c'est le passage du repos au mouvement ou d’un mouvement à un autre qui est un effet; ce n’est pas l’activité elle-même, c’est une action quel- conque qui le produit. Le passage, soit continu (comme il a lieu dans les machines , dans les animaux et dans les plantes), soit instantané, du repos au mouvement, est un effet bien réel, qui a sa cause conditionnelle dans la mobilité, et sa cause efficiente, ou productrice , dans l’activité, mais dans l’activité en acte, dans l’action elle-même; dans l’action d’une substance, bien entendu. Mais de quelle substance? Est-ce de la substance même qui vient à se mouvoir, ou plus généralement , qui est modifiée? Non certes; c'est d’une substance différente : car la cause productrice, telle que je imagine du moins, est l’action d’une substance sur une autre. Au surplus, l’action n’est pas, comme le mouvement local, toujours identique à elle-même : il doit y avoir une grande diversité d'actions ; parce que l'agent, ou la substance qui agit, tantôt d’une façon et tantôt d’une autre, ne peut agir, en eflet, qu’en vertu de ses propriétés, qui sont très-différentes entre elles et de celles des autres substances. Ce sont ces 1 Il faut entendre ici par ce mot, la propriété d'être mû, et non l'état d’un corps en mouve- ment. 12 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE propriétés mêmes qui, selon moi, donnent à la substance le pouvoir d'agir, ou qui constituent ce que l’on appelle, en général, son activité, dont, par conséquent, il ne faudrait pas faire, ce me semble, une pro- priété à part, une propriété distincte , et indépendante de toutes les autres : car n’est-ce pas comme si l’on prétendait que la puissance d’un prince est distincte et indépendante de ses forces navales, de ses armées, de ses finances, etc. ? Si maintenant je considère dans une plante, par exemple, le mouve- ment particulier de quelqu'’une de ses parties intégrantes ou constituantes, je me représenterai ce mouvement comme l'effet soit d’une affinité ou autre force chimique, soit de l’action de corps étrangers, tels que le ca- lorique, la lumière, l'électricité, l’eau et l'air. Il n’y a rien là qui ne soit fort simple et que je ne conçoive parfaitement; parce qu’en dernière ana- lyse, je ne vois dans tout cela que des substances ou des particules ma- térielles agissant les unes sur les autres, n'importe de quelle manière. Quant aux modifications de l’âme, du moins quant à celles qui, bien évidemment, sont indépendantes de la volonté, telles que ses sensations et ses premières idées (qui d’ailleurs ne sauraient avoir leur cause dans des idées antérieures), je les attribue ou directement à l'organisme lui-même, ou indirectement à l’action des objets extérieurs sur la sensibilité et sur l'entendement par l'intermédiaire de l'organisme; et je le ferais encore, quand même l’âme aurait, comme la plante, à laquelle vous la comparez, des parties distinctes qui pussent agir les unes sur les autres. Or vous prétendez, mais sans le prouver suffisamment pour moi, que l’âme produit elle-même toutes ses modifications, et que, par je ne sais quelle activité qui ne dérive ni de la volonté, ni d’aucune autre des propriétés de l'âme, celle-ci fait elle-même ses premières idées. Mais vous auriez à démontrer ici : 1‘ que l’âme peut se modifier elle-même, tandis que le corps ne le peut pas, ou que le corps ne le peut pas, quoique l’âme le puisse; 2° que non-seulement l'âme peut produire toutes ses modifications, mais qu'elle les produit en effet et qu'il ne saurait en être autrement, ce dont on ne voit pas trop la raison; 5° enfin, que sans le savoir et sans le vouloir, ou le sachant et ne le voulant pas, ET LA FORMATION DES IDÉES. 15 elle n’en produit pas moins elle-même ses premières idées, ce qui paraît quelque peu contradictoire, ou du moins assez difficile à comprendre. Vous prenez d’ailleurs une peine inutile, mon cher philosophe, pour me convaincre que nos premières idées sont indépendantes de notre vo- lonté; car, pour moi, je suis bien persuadé que la volonté n’en produit aucune, qu’elle ne produit rien du tout, excepté des mouvements ou des efforts musculaires et cérébraux. En effet, pour produire, ou faire volon- tairement une chose, il faut déjà savoir ce que l’on a à faire, il faut avoir connaissance de ce que l’on veut produire ; et, comme vous le dites fort bien, « on ne peut vouloir produire ce dont on n’a pas d’idée. » Or l’idée que nous voudrions produire ne pouvant pas être considérée comme une chose différente et distincte de l’idée que nous en aurions, que nous aurions de cette idée, il s'ensuit qu’on ne pourrait produire volontaire- ment que des idées déjà acquises, déjà produites, ce qui implique con- tradiction. Mais il paraît y avoir aussi de la contradiction à prétendre qu’une ac- tivité sans conscience et sans réflexion , agissant fatalement, peut produire une idée quelconque, et que cette même activité ne le peut plus, dès qu’elle devient consciente et réfléchie, ou libre. Pour faire disparaître cette contradiction, qui n’est peut-être qu’appa- rente, je veux tächer, en expliquant votre façon de penser plus claire- ment encore, s’il est possible, que vous ne l’avez fait vous-même, de lui donner une interprétation qui lui soit favorable. Pour simplifier cette explication et cette interprétation , appelons, si vous le voulez bien, du nom de volonté l’activité proprement dite de l'âme, en distinguant seulement la volonté réfléchie, ou libre, de la vo- lonté spontanée. Partant de là, sans rien changer d’essentiel à votre sentiment, vous pourrez dire : Il n’y a pas, à proprement parler, d'activité fatale ; c’est la volonté, telle que nous venons de la définir, qui produit, seule, toutes nos sen- sations et toutes nos idées; mais, réfléchie ou spontanée, elle les produit toujours fatalement , parce qu’elle ne peut en effet produire telle idée, 14 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE qu'à l’occasion de tel fait extérieur, ou du moins étranger à la volonté, et que, ce fait existant, elle ne peut pas ne pas produire cette idée. En sorte que la thèse se réduirait simplement à soutenir, que c'est bien la volonté qui produit toutes nos idées, mais non en tant que consciente et réfléchie, en tant qu’elle est éclairée ou dirigée par la conscience et la réflexion, qui n’ont rien à faire ici. De toute manière on pourra dire que la volonté réfléchie, ou libre, peut bien changer les déterminations de l'âme , mais non ses idées, ses sensations, ses états divers. Tout cela, du reste, ne change rien au fond de la question, qui est de savoir , si l'âme produit elle-même ses sensations et ses premières idées, en vertu d’une activité quelconque. IT. Vous rangez, sous le titre de passivité, tous les phénomènes qui précèdent en nous l’activité volontaire et libre, et vous leur donnez pour cause une action extérieure ; tandis que je ne vois dans les circonstances extérieures qu’une occasion de nos sensations, et que je trouve leur véri- table cause, leur cause efjiciente , dans cette activité-première dont je parle, activité déjà très-nettement enseignée par Royer-Collard. Voilà, si je ne me trompe, un des points sur lesquels nous ne sommes pas entièrement d'accord. Je vais donc tàcher d'établir clairement ma façon de concevoir; j'essaierai ensuite de répondre à vos objections. Je pense que vous admettez comme moi que les mouvements du fœtus humain, ceux même de l'enfant qui vient de naître, ses cris, ne sont ni réfléchis ni libres, qu’ils sont produits sans que l’agent ait la volonté po- sitive de les produire. Le fœtus, l'enfant n’est pas plus libre en tout cela, il ne veut pas plus, il n’a pas plus d'idée de ce qu'il fait, qu’il n’est libre dans son développement organique, qu’il ne le veut et ne le connaît. Il estimpressionné, me direz-vous, et c’est à la suite d’une impression qu’il se meut, qu’il pousse des cris, sans du reste savoir ce qu’il fait et pourquoi. J'accorde que la sensation précède les mouvements ou les actes dont nous parlons ; mais : 1° je nie que la sensation en soit la cause efficiente; 2° je nie que ces mouvements soient connus et voulus de l'enfant qui les exécute, et j'affirme, en conséquence, une activité antérieure à la réflexion ET LA FORMATION DES IDÉES. 15 et à la volonté, une activité spontanée dans cette circonstance; 3° j'affirme même, dans le fait d’être impressionné, un certain jeu fatal de cette acti- vité première. Réponse. — De ce que nos sensations et nos idées, nos premières idées du moins, sont indépendantes de notre volonté (consciente et réfléchie ) ; de ce qu’elles n’ont point pour causes des actes volontaires, des volitions de l’âme, vous en concluez, avec raison, qu’elles ont pour causes d’autres actions qui ne dépendent point de la volonté proprement dite. Mais quelles sont ces actions, ou ces causes involontaires ? Quant à moi, je ne me mettrai pas en frais d'imagination, pour en in- venter de nouvelles, tandis qu’en m’appuyant sur l’expérience et l’ana- logie, j'en trouve de toutes faites dans les objets extérieurs. Car si ces derniers peuvent agir sur d’autres corps, je dois en conclure, si j'en juge par analogie, qu’ils peuvent ;et à plus forte raison, agir sur mon âme, qui est plus impressionnable, mais qui l’est d’une tout autre façon qu'aucune substance matérielle, ce qui m'est directement démontré par l'expérience, et par l'expérience la plus claire, la plus évidente qui puisse exister pour moi. Mais vous envisagez les choses d’une manière bien différente. Vous vous croyez suffisamment autorisé à soutenir que nos sensations ont pour causes des actions involontaires de l’âme elle-même. Vous les faites dériver d’une prétendue activité fatale, qui ne se fonde sur aucune des propriétés quali- fiées, des propriétés connues et réelles de l’âme, en un mot, d’une activité en l'air, d’un être chimérique, à ce qu’il semble, et d’ailleurs complétement inutile, même embarrassant, que vous placez entre le phénomène de l’àäme et sa cause extérieure. Cette dernière n’est, selon vous, qu’une cause occasionnelle : c’est à son occasion que l’activité fatale, ou que l’âme, en vertu de cette activité, produit le phénomène (à peu près comme l’opium fait dormir par sa vertu dormitive). Mais comment l’objet extérieur, cause occasionnelle de la sensation produite par l’action fatale de l'âme, qui agit en vertu de son activité, ou par sa vertu active, peut-il exciter, déterminer cette activité, et la déterminer de manière à lui faire produire tel phénomène et non tel 16 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE autre, sans être lui-même cause efficciente, ou productrice? comment peut-il mettre en jeu cette activité, sans agir sur l’âme, sans la modifier ? Ou s’il agit sur elle, s’il est véritablement cause, pourquoi ne produirait-il pas directement une sensation, tout aussi bien qu’une détermination ? Au surplus, qu'est-ce qu’un objet extérieur pour l’âme, ou en tant qu’il existe pour elle? N'est-ce pas la sensation , la perception ou l’idée de cet objet? Comment donc, à moins d'admettre une harmonie préétablie, l'âme pourrait-elle agir, fût-ce même en vertu de sa volonté ou de toute autre propriété active, à l’occasion d’un objet extérieur, si elle n’en avait pas déjà l’idée ou la sensation, si, par conséquent, cet objet n'existait pas pour elle? Et si elle avait cette idée et cette sensation, comment alors pourrait-elle les produire elle-même ? Ne suit-il point de tout cela que l’âme ne produit pas plus involontai- rement que volontairement ses sensations et ses premières idées ? En définitive, quel est celui qui croira que, lorsqu'il se brûle en tou- chant par mégarde un fer chaud, la douleur qu’il éprouve n’a pas pour cause l’action de ce fer sur ses organes et, par leur intermédiaire, sur ses sens, sur son âme; mais que cette douleur, ainsi que l’idée de ce corps, c’est lui-même qui les a faites, qui les a produites, contre son gré, à l’occasion de ce même corps, qui, du reste, n’a pu agir sur lui en au- cune façon? Si maintenant, en touchant ce fer, il vient à jeter un cri malgré lui, à faire un mouvement spontané, instinctif, par suite de la douleur subite qui l’affecte; la cause de ces phénomènes extérieurs ne sera pas, selon vous , le phénomène intérieur; ce ne sera pas non plus la volonté, et j'en conviens; ce sera l’activité radicale qui viendra encore ici se placer entre les deux phénomènes, intérieur et extérieur, dont l’un ne sera que l’oc- casien, ou la cause occasionnelle de l’autre. Ainsi âme n’agira pas sur les organes du mouvement et de la voix en vertu de la sensation doulou- reuse qu’elle éprouve; elle agira en vertu de son activité, de son pouvoir (ou plutôt de la nécessité qui lui est imposée) d’agir, à l’occasion de cette douleur. Comme ici la cause occasionnelle est dans l’âme même, je ne puis plus appliquer au cas dont il s’agit l’objection que j'ai faite tout à ET LA FORMATION DES IDÉES. 17 l'heure : mais jugeant par analogie et sur une sorte d'observation interne, je persiste à croire que ce que vous appelez la cause occasionnelle du phé- nomène extérieur , en est la véritable cause efficiente , ou productrice. Si vous n’admettez pas que le corps puisse agir sur l'âme à titre de cause efficiente, vous devriez nier également, ce me semble, que l’âme puisse agir sur le corps; et alors, la sensation restant toujours la cause occasionnelle des cris et des mouvements spontanés, que je lui attribue, il vous faudrait les attribuer, non à une action quelconque de l'âme, mais à une action du corps : en sorte que celui-ci se donnerait lui-même ces mouvements, produirait lui-même ces cris, à l’occasion de ce qui se passe dans l’âme. Et comme le corps ne peut pas savoir ce qui s’y passe, son action sur lui-même, à l’occasion du phénomène animique, ne pourrait encore s'expliquer que par une harmonie préétablie. LIL. 1° Qu'est-ce qu’une sensation, considérée en elle-même? N'est-ce pas un état affectif de plaisir ou de peine, une manière d’être sui generis, qui n’est rien de distinct en soi, rien de réel, de cette réalité substantielle à laquelle croit le sens commun? Ce n’est donc pas un quelque chose qui puisse produire quoi que ce soit; ce n’est pas une force, ce n’est pas un agent, ce n’est pas une cause. Un état, comme tel, est une manière d’être passive; ce n’est donc pas une action, quoiqu'il puisse et doive être la conséquence d’une action. Une sensation ne peut donc rien produire en moi; nos sensations ne sont donc pas la cause des mouvements que nous effectuons à la suite de nos affections. Il n’y a pas plus de liaison visible entre la sensation et le mouvement qui la suit, qu'entre l'impression et la sensation elle-même. Établissons bien cette proposition. Que le mouvement vienne à la suite de la sensation, nul doute à cela; mais que le mouvement soit l'effet de la sensation, c’est ce dont nous ve- nons de démontrer la fausseté, l'impossibilité absolue. Quel rapport y a-t-il donc entre la sensation et l’action qui produit le mouvement? Je vois bien ici trois choses : sensation, action animique, mouvement organique. Voilà donc déjà une action, c’est-à-dire un fait ani- mique, un acte ayant le principe pensant pour cause, qui s’interpose Tome XXIII. 3 18 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE entre la sensation et le mouvement. Si, par exemple, je suis frappé par derrière et que je me retourne pour reconnaître la cause de cette sensa- tion, il y a 1° sensation, 2° idée et volonté d’en reconnaître la cause, 5° mouvement organique en conséquence. La difficulté d'expliquer le mouvement organique à la suite de la voli- tion (acte interne de la volonté) est, comme vous savez, très-réelle. IL y a là un abime qui n’a pu être comblé; le mieux est peut-être de ne pas chercher à le faire disparaître, et de constater seulement que ces faits se suivent, du moins pour la conscience qui n'en perçoit pas d’intermé- diaires, mais qu’ils ne s'expliquent pas; ils sont comme contigus dans la conscience et dans le temps, mais ils ne sont pas continus, puisqu'ils sont hétérogènes , que l’un n’est pas le prolongement visible de l’autre. Ce sont deux ordres de phénomènes de nature essentiellement diverse, mais qui se trouvent comme liés l’un à l’autre; si bien que, le premier étant donné, : à savoir la volition , le second, c’est-à-dire le mouvement, est aussi donné. Encore faut-il remarquer que le mouvement organique que nous exécu- tons n’est point fatal; car, d’une part, il nous est possible, si nous y pensons (et nous pouvons y penser), de résister au désir de connaître la cause de notre sensation ; d’un autre côté, si nous sommes paralysés, en vain nous pouvons vouloir exécuter le mouvement. en question, il reste inaccompli. La sensation, cette prétendue cause du mouvement organique, a cependant lieu dans les deux cas. Nouvelle preuve qu’elle ne tient point immédiatement au mouvement, et qu'il y à une puissance qui les rallie. Cette puissance, c'est l’activité spontanée, Elle est spontanée en effet, puisqu'elle est primitivement indélibérée, et que, si nous le voulons bien, nous ne cédons point à la curiosité qui nous pousse à connaître la cause de notre sensation. Je crois donc avoir établi le premier point qui était à expliquer, à savoir que la sensation n’est pas la cause immédiate ou eff- ciente des volitions, à plus forte raison des mouvements, qui seraient à leur tour l'effet de ces volitions. Est-ce à dire que la sensation ne soit pour rien dans nos actes et nos mouvements? Non certes; car si nous n’étions pas stimulés par la peine, par la sensation, si nous n'avions pas sans cesse cet aiguillon dans les ET LA FORMATION DES IDÉES. 19 flancs, nous n’agirions pas. La sensation est donc la cause occasionnelle et médiate de nos actes et de nos mouvements. Ce que je dis de la sensa- tion, je pourrais le dire du sentiment; je prends la sensation pour plus de simplicité. Quel rapport y a-t-il maintenant, car c’est là qu’il faut en venir, entre la sensation et l'acte interne, principe du mouvement ? Connaissons-nous mieux la connexion de la sensation et de l’action interne que celle de l'action interne et de l’action externe, ou du mouvement ? Pas davantage: la difficulté est exactement la même. C'est-à-dire qu'il y a dans les deux cas une sorte de contiguité de faits ou de phénomènes qui suppose un lien, l'activité spontanée. La sensation est éprouvée, l’acte spontané est produit à la suite, peu importe que le mouvement s’ensuive ou ne s’en- suive pas. La difficulté présente est tout entière en ce point; comment la volition, ou l'acte volitif, inorganique encore, animique pur enfin, vient- il après la sensation? quel rapport y a-t-il entre ces deux choses? qu’y a-t-il de commun entre la sensation et un acte! ? Une sensation est un état affectif, de plaisir ou de peine, un mode passif de l'âme, tandis qu’un acte est une modification que se donne un agent, et qui, sous ce rapport, est aussi une affection, un état passif, il est vrai, mais qui n’est absolu- ment rien de semblable, considéré dans lagir même, à plus forte raison si on l’envisage dans la puissance d’agir. C'est là un point de vue qu’il importe extrêmement de bien déméler. Dans un acte réalisé, il y a l’acte consommé, l’agir ou la consommation même de l'acte, enfin la puissance ou la force qui agit. À chaque instant indivisible de la réalisation d’un acte, il y a état passif, résultant de cet acte. Mais l’agir, considéré en lui-même , et pas encore comme acte con- sommé, n’est pas non plus encore un acte réalisé; ce n’est qu’un état en puissance. Îl est donc en dehors de la conscience, s’il est vrai que nous ne sentions que des états réels et par conséquent réalisés. Si nous croyons ! J'appelle acte, qu'il soit volontaire, spontané ou fatal, peu importe ici, tout effet de l'activité de l'âme dans l’âme, par opposition à action, qui est le même effet, plus le mouvement organique destiné à traduire l'acte au dehors. 20 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE sentir l’agir aussi bien que l'acte réalisé, c'est que nous n’y regardons pas d'assez près pour saisir la différence : il nous semble que nous agissons encore quand nous n’agissons déjà plus, ou bien quand nous produisons un autre acte tout semblable au premier; ce qui nous fait croire que c’est l’agir même que nous saisissons. Non, l’agir est aussi rapide que le temps; c’est même l'acte de l'âme qui divise le temps à l'infini. Quand nous croyons remonter en nous de l'effet à la cause, de l’acte de la pensée produite à l’action même de la produire, à l’agir même de la force pen- sante , cet agir est déjà loin; il laisse derrière lui, à chaque instant indi- visible de la durée, une trace de son passage à travers la conscience , et la conscience , en voulant remonter à la cause de cette série incessante de phénomènes, ressemble à l'insensé qui veut atteindre et devancer son ombre. La conscience est condamnée, par sa nature même, à remonter ce fleuve des phénomènes internes, sans jamais pouvoir en atteindre la source ; elle croit la saisir que déjà elle s’est évanouie : elle croit posséder l'agir, elle ne tient que l’acte; encore lui échappe-t-il à l'instant. C’est la reproduction incessante d’actes identiques ou analogues par la force pensante, plus l’exercice de la mémoire , qui suspend pour ainsi dire le cours du temps, puisqu'elle fait revivre le passé; c’est, dis-je, cette double circonstance qui nous fait imaginer que nous avons conscience de lagir. Cette illusion est universelle ; c’est une des mille perspectives trom- peuses du sens commun spontané, lequel sens commun je persiste à dis- tinguer du sens commun réfléchi, exercé, qui est au premier comme la science de l'optique est à la vision irréfléchie. Arrêtons-nous un moment sur ce point, il en vaut la peine. Réponse. — La distinction que vous faites entre l’action accomplie et le fait même d'agir, ou, comme vous dites plus simplement, entre l’agir et l’action, est très-profonde, et elle peut être exacte, si on l’applique à telle ou telle faculté, ou propriété active. Il devrait en être de même d’ailleurs du sentir et de la sensation. Mais ce sont là des subtilités dans lesquelles je ne veux point m'engager : vous me donnez bien assez de fil à retordre sans cela. ET LA FORMATION DES IDÉES. 21 Je me renfermerai donc dans la question de savoir si, comme vous l’avancez, il est absolument impossible qu’il y ait aucun rapport de causa- lité entre l'impression d’un objet sur l'organisme et la sensation de l'âme, entre la sensation et le mouvement instinctif dans l'enfant qui vient de naître, entre la sensation et l’acte spontané ou la volition, chez l’homme fait, entre la volition et l'effort ou le mouvement volontaire, par la raison que ces faits ne sont point continus, mais seulement contigus, et que l’on ne voit aucune liaison entre eux. Qu'est-ce qu'une cause? A dire vrai, nous n’en savons rien. — Lors- qu’un phénomène, une modification de substance, apparaît constamment à l'aspect, et n'apparaît jamais qu’à l'aspect d’un autre phénomène, d’une autre modification de substance, nous donnons à ce dernier phénomène, au phénomène que l’autre suppose et dont il nous paraît dépendre quant ‘à son existence, le nom de cause, mais sans rien comprendre à la nature de cette dépendance. Pour définir la cause, et l'expliquer autant que nous le pouvons, nous disons qu’elle consiste dans l’action d’une substance sur une autre (ou sur elle-même, si elle a le pouvoir de se modifier). Mais cela ne nous avance guère : car, non-seulement nous ignorons de quelle manière une sub- stance agit; nous ne saurions dire positivement ce que c’est qu’une action; nous n’en avons qu’une idée très-confuse : et il semble que l’action, ou la cause, ne ressemble jamais à l'effet qu’elle produit, et qu’il ne se passe rien dans l'agent, dans la substance agissante, qu’on puisse assimiler à ce qui se passe dans la substance que l’action modifie ; excepté dans la com- munication du mouvement d’un corps à un autre : encore faut-il observer que quand deux corps mobiles agissent en sens contraire, il peut arriver que chacun d’eux ne produise dans l’autre que du repos. Quant à l’at- traction (supposé qu’elle soit une propriété intrinsèque de la matière), elle ne produit par son action que du mouvement ou une tendance au mouve- ment; or qu'y a-t-il de commun entre le mouvement et la force attractive en elle-même? Comme les substances agissent de mille et mille manières, à en juger par les effets qu’elles produisent, nous leur attribuons, non pas une seule 22 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE faculté d'agir, mais des propriétés très-diverses, en vertu desquelles elles se comportent ainsi, et que nous appelons actives; tandis que l’on nomme passives, les propriétés quelles qu’elles soient, en vertu desquelles ces mêmes substances peuvent être modifiées, altérées , changées, par d’autres substances. C’est par l'action et la modification passive, c’est par des phé- nomènes, en un mot, que ces propriétés se manifestent actuellement ; et tout phénomène est une propriété en acte. Ainsi une action et une modi- fication seraient, la première une propriété active , la seconde une propriété passive, se manifestant actuellement, ou passant de la puissance à l'acte. Mais une propriété qui n’est que passive dans telle circonstance ou sous telle condition, ne peut-elle point, sous d’autres conditions ou dans d’autres circonstances, devenir active à son tour? Y a-t-il surtout une acti- vité absolue, un pouvoir d'agir, que l’on puisse considérer comme une pro- priété distincte de toute autre propriété désignée sous tel ou tel nom, et toute action est-elle cette activité en acte? Une action qui ne serait pas telle ou telle action particulière, une manifestation de telle ou telle pro- priété qualifiée, pourrait-elle être autre chose que l’action en général, c’est- à-dire une abstraction? Quoi qu'il en soit, puisque nous n’avons qu’une idée très-incomplète, très-vague, très-confuse de la cause efficiente, productrice des phénomè- nes, et phénomène elle-même; nous devons, je crois, nous en tenir aux faits qui nous sont donnés par l'observation. Or c’est un fait incontesta- ble, que toutes les fois, par exemple, que je me trouve en présence d’un corps enflammé ou incandescent, d’un corps dont l’une des propriétés manifeste actuellement son existence sous cette forme phénoménale, j'é- prouve la sensation de la chaleur. J’attribue donc, d’après cette expé- rience directe, comme d’après l’analogie, ce phénomène intérieur à l'ac- tion du corps en ignition sur mes sens, ou du moins sur mes organes, et je regarde cette action comme la véritable cause efficiente, première ou seconde, médiate ou immédiate, de ce phénomène. Il y a donc ici, comme vous le voulez, entre l’objet extérieur et le phénomène intérieur, ou la sensation, quelque chose qui n’est ni l’objet ni la sensation, c’est à savoir une action : mais, selon moi, ce n’est point une action fatale de ET LA FORMATION DES IDÉES. 25 l'âme sur elle-même, c’est l’action nécessaire de l’objet extérieur sur l'âme (par l'intermédiaire de l’organisme). Si vous vous croyez en droit de rejeter l’action des objets extérieurs comme causes de nos sensations, pour en admettre une autre, savoir, l'action d’une activité intérieure ; vous pourrez tout aussi bien nier que l’ac- tion du feu soit la cause de la fusion d’un morceau de cire qu’on y a laissé tomber. Vous pourrez nier toutes les causes expérimentales, même toutes les causes , quelles qu’elles soient, c’est-à-dire le principe même de causalité; car la notion de cause, notion très-confuse encore une fois, n’a pu nous être suggérée que par la remarque que nous avons faite sur cette dépendance, du moins apparente, qui se trouve entre l'existence d’un phénomène et celle d’un autre. Maintenant, le même rapport de dépendance qui existe entre l’action des objets extérieurs sur nos sens et nos sensations, paraît exister aussi entre nos sensations et certains mouvements corporels; quoique, peut- être, il y ait entre la sensation de l’âme et le mouvement du corps, plu- sieurs autres phénomènes, les uns animiques, les autres matériels, dont chacun serait l'effet immédiat de celui qui le précède, et la cause eff- ciente de celui qui le suit. En sorte que la sensation, bien qu’elle ne fût pas la cause immédiate du mouvement corporel, ou musculaire, n’en se- rait pas moins cause efficiente, ou productrice, au lieu d’être simplement, comme vous le voulez, cause occasionnelle, expression qui, du reste, est pour moi vide de sens. D’après cette manière d'envisager les choses, cette série de phénomènes dépendants les uns des autres, pourraient être, par exemple : la sensation; une idée, claire ou confuse, produite ou rappelée par elle; un acte volontaire, réfléchi ou spontané, avec ou sans conscience; un effort du cerveau; l'agitation ou l’écoulement de certains fluides; un mouvement vibratoire des nerfs; enfin le mouvement des muscles, et, par suite, celui des os. Vous assurez, et il me parait aussi, qu'entre la volition de l'âme et l'effort ou le mouvement musculaires, il y a un abime. Vous en concluez directement que la volition, ou l'acte volontaire, ne saurait être cause d'aucun mouvement {c’est-à-dire que l’âme ne saurait en produire aucun 24 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE par sa volonté); ce qui doit être réciproque, en sorte qu'aucun mouve- ment organique n’est capable de produire une volition dans l’âme : et vous ne voulez pas davantage qu’un phénomène animique tel qu’une sensation, une idée, puisse produire un autre phénomène animique tel qu’une voli- tion, un acte de la volonté. Ainsi, ni le corps ne peut agir sur l’âme, ni l’âme sur le corps, ni, dans la plupart des cas du moins, l'âme sur elle- même; si bien qu’à l'exception peut-être de l’action mécanique d’un corps sur un autre (action qui n’est pas elle-même très-facile à comprendre), il n’y aurait de cause efficiente nulle part. Cependant, il y a pour nous, il y à pour moi du moins, causalité, partout où il y a liaison nécessaire de fait, ou expérimentale, quoique non visible, entre deux phénomènes con- sécutifs ou simultanés; et hors de là, ni moi ni les autres ne saurions dire ce que c’est qu’un rapport de causalité. Mais si, de cela seul qu’il n'y a aucune liaison visible entre deux phénomènes qui toujours coexistent ou se succèdent immédiatement (entre une action et une modification pas- sive), et que le dernier n’est pas comme un prolongement du premier, il y a impossibilité absolue que l’un soit la cause productrice de l’autre, on peut effectivement assurer qu’il n’y a point de cause, ni conséquemment point d’effet. Pour prouver que la sensation ne saurait être cause ni de la volition, ni du mouvement surtout, vous dites qu’elle n’est rien de réel, de sub- stantiel, qu’elle n’est point un agent, qu’elle n’est point une action, mais seulement un état, une manière d’être passive, et qu’il n’y a aucune liaison visible entre la sensation et le mouvement. Sans doute, la sensation elle-même n’est pas un être réel, n’est pas une substance; mais, quelle qu’elle soit, une action ne l'est pas davantage. Il n’y a pas ici d'autre substance que l'âme; c’est elle qui agit comme c’est elle qui sent. Mais au lieu de sentir en vertu d’une action interne, elle sent d’abord par l'effet d’une action externe; elle agit ensuite extérieure- ment en vertu de la sensation. Il est bien vrai que la sensation n’est pas non plus un agent, par cela même qu’elle n’est pas une substance; mais on en peut dire autant de J’ac- tion. Et comme, à la rigueur, la cause ne consiste pas dans l’agent, mais ET LA FORMATION DES IDÉES. 25 dans l’action de l'agent; si, pour abréger, nous considérons comme agent, vous l’action, moi la sensation, je pourrai dire du moins que la cause est dans l’action de la sensation, au lieu qu’on ne saurait la trouver dans l’ac- tion de l’action. Vous me ferez observer, sans doute, que l’action elle- même est cause, et je l'accorde, pourvu que ce ne soit pas une action en l'air, que ce soit l’action de quelque chose, et qu’elle se fonde sur une propriété réelle. Tous deux nous dirons qu’en définitive, ce ne peut être qu’une action de l’âme. Mais il y aura cette différence entre vous et moi, que cette action de l’âme, selon vous, ne dérivera que de son pouvoir d'agir, de son activité, dont vous faites une propriété particulière, qui ne saurait différer d'elle-même, ni conséquemment donner lieu à des ac- tions diverses, n'étant soumise à aucune cause qui puisse la modifier ; tandis que, selon moi, ce pouvoir d'agir se fonde lui-même sur les autres facultés de l'âme, et que ce sont elles qui le constituent; en sorte que, dans le cas présent, on pourra dire que l’âme agit sur le corps par la sen- sation, ou si l’on veut, par la sensibilité mise elle-même en jeu par une cause extérieure, et se manifestant actuellement sous cette forme phéno- ménale : de même qu’un corps agit sur un autre par le choc, c’est-à-dire par l’impénétrabilité (propriété passive en elle-même), mise en jeu par un mouvement communiqué; et de même encore que le fer incandescent agit sur nous ou sur tel autre corps par sa chaleur , ou sous cette modification passagère, c’est-à-dire dans cet état d’incandescence, et tout autrement qu’il ne le ferait s’il était refroidi : au lieu qu’une substance qui n’agirait qu’en vertu d’une activité constante ne donnant prise à aucune influence étran- gère, ne saurait agir de plusieurs manières différentes, ni hors d’elle ni en elle : comment donc l’activité radicale produirait-elle, par elle-même, des sensations diverses ? D'ailleurs, s’il y a un abiîme entre la sensation et la volition , il doit en être de même entre la sensation et l’action fatale; et comme il faut bien que cela soit réciproque, je veux dire, que le même abîme existe entre l’action fatale et la sensation, on ne voit pas comment celle-ci pourrait être produite par une telle action. Je conviens qu’il n’y a pas non plus de liaison visible entre la sensation et le mouvement instinctif ; entre la volition et le mouvement volontaire : Tome XXII. 4 26 = SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE mais y en a-t-il une entre l’action, ou la cause, en général, et l'effet pro- duit, quel qu’il soit? Non, sans doute; car l’action est elle-même une chose occulte, selon votre aveu. La sensation et le mouvement, il est vrai, ne sont point de la même nature, l'âme et le corps étant de nature diffé- rente, De cela seul conclurez-vous que ces substances ne peuvent pas agir l’une sur l’autre; que le mouvement ne peut pas produire la sensa- tion, ni la sensation le mouvement? Il faudrait faire voir la légitimité de cette conclusion. Il est bien vrai que l’âme est passive en tant qu'elle sent, ou qu’elle subit une modification quelconque; elle n’est active qu’autant qu’elle opère elle-même telle ou telle modification, soit en elle, soit dans une autre substance : mais l’âme agit par la sensation, et ne peut agir que par elle ou par telle autre de ses propriétés en acte. C’est dans ce sens qu’il faut entendre que la sensation est la cause, directe ou indirecte, mais efficiente, ou productrice, et non simplement occasionnelle, du mouvement, ou spontané ou réfléchi. Ce dernier suppose toujours, du reste, quelque idée entre la sensation et le mouvement, et même entre la sensation et l’acte volontaire, ou la volition de l'âme, qui peut-être n’est pas encore elle- même la cause immédiate du mouvement corporel. De ce que la sensation ne saurait produire (ni directement ni indirec- tement) du mouvement dans un membre paralysé, et qu’elle n’en existe pas moins comme sensation, vous en concluez qu’elle ne saurait être une cause eficiente quelconque. Mais il en est ici de la sensation comme du corps qui va frapper contre un obstacle invincible, et dont le choc, dont l’action demeure sans effet, ou du moins ne produit aueun mouve- ment local, ni aucun autre perceptible à nos sens, quoiqu'il ait pu en produire d’imperceptibles mais très-réels. Et ce que nous disons ici de la sensation, on peut le dire aussi ou de l'acte réfléchi, ou de l'acte spon- tané, ou de l'acte fatal ; car aucune de ces causes immédiates ne saurait mouvoir d’une manière sensible un membre paralysé; outre qu'aucun d’eux ne saurait exister lui-même sans la sensation, ou tel autre phéno- mène antérieur, Lorsque l'âme agit, en vertu de telle ou telle sensation, de telle ou telle modification affective, s’il en résulte d’abord un acte ET LA FORMATION DES IDÉES. 27 spontané, celui-ci pourra Iui-même demeurer sans effet, si, en même temps, telle ou telle idée distincte la fait agir volontairement en sens contraire. Cela ne prouve pas le moins du monde que la sensation ne saurait être cause productrice, ou efficiente. J'ai remarqué que plusieurs fois vous avez employé ces expressions : la cause efficiente , ou immédiate; la cause occasionnelle, ou médiate. Appelez- vous donc cause occasionnelle ce que je nomme cause efficiente indirecte ou médiate ? Par exemple, lorsqu'une suite de phénomènes 4, B, C, D, dépendent les uns des autres, et que À est la cause efficiente immédiate de B; B, de C; C, de D : le premier de ces phénomènes, le phénomène 4, que j'appelle cause efficiente indirecte du phénomène D, est-ce bien ce que vous nommez sa cause occasionnelle, ou l’une de ses causes occasionnelles, car on pourrait en dire autant de B? Dans ce cas, nous ne ferions, à ce sujet, que disputer sur un mot. Mais il me semble que ce n’était pas ainsi que vous l’entendiez d’abord. Ce n’est pas ainsi non plus, à ce que je crois, que l’entendent Leibnitz et Kant, et vraisemblablement vous pensez comme eux sur ce pont. Il est bien vrai d’ailleurs, que la cause occasionnelle , si elle n’est pas cause efficiente, et si l’on peut dire qu'elle soit cause, n’est qu’indirecte , ou médiate : mais il ne s'ensuit pas qu’une cause indi- recte ne saurait être une cause efficiente; encore moins que la cause qui précède immédiatement l’action de l'âme, quelle qu’elle soit, ne saurait être la cause efficiente de cette action. Au reste, il ne faut pas chercher dans mon livre ce que je n’y ai pas voulu mettre. Mon intention n’a jamais été de pénétrer dans la nature in- time des choses et de sonder des profondeurs qui m'’effraient. Je me suis borné à faire connaître l’ordre dans lequel se suivent constamment, sinon nécessairement , les phénomènes de l’âme, comment ils ressortent les uns des autres, comment ils s’enchaînent entre eux et avec les propriétés de l'âme qu'ils présupposent; et je n'ai fait aucune mention des choses que ma vue, trop courte sans doute , ne pouvait apercevoir, ou dont l'existence ne peut être démontrée ni par l'expérience, ni par l’analogie, ni par le raisonnement , Comme par exemple, cette action qui s’interposerait entre l’objet extérieur et la sensation, et qui ne serait pas l’action même de l'objet sur les sens. 28 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE IV. Veuillez, mon cher Monsieur, réfléchir à l'analogie que je viens d'indiquer !, et vous serez peut-être conduit à penser avec moi que le sens commun irréfléchi n’est qu’un ignorant, un vrai sauvage, qui n’a pas plus voix au chapitre philosophique, que le paysan le plus grossier n’est com- pétent pour juger sainement des lois de la vision. Le paysan ne sait de la vision que les phénomènes, les apparences; encore est-il vrai de dire qu'il se tromperait incomparablement plus souvent qu’il ne le fait sur ces ap- parences, s’il ne s’était fait, dans la vie pratique, une certaine théorie de la vision. Mais remarquez aussi que cette théorie ne dépasse guère, si toutefois elle les dépasse, les besoins , les nécessités de la vie. Oté ces né- cessités, il n’a pas réfléchi, il prend l'apparence pour la réalité. I croira, si l'expérience ne lui a pas démontré son erreur , en lui faisant payer cet enseignement, plus ou moins cher, il croira à la réalité du phénomène du mirage. Et comme la vie pratique est peu, infiniment peu intéressée à une foule de questions de philosophie spéculative, le sens commun n’a jamais eu besoin d’en savoir autre chose que les apparences, quelque trompeuses qu'elles puissent être, et c’est là précisément tout ce qu'il en sait. J'ajoute qu’il est peut-être bon qu’il n’en sache pas davantage, que l'illusion erronée est souvent ici en parfaite harmonie avec notre conser- vation, qu’elle n’y est du moins contraire en rien. N'est-il pas tout aussi bon, pour le moins, que nous croyions voir les couleurs des corps dans les corps mêmes qu’au dedans de nous? que nous croyions les corps aug- menter de volume en s’approchant de nous, quoiqu’ils restent les mêmes? que nous nous imaginions que le son est identiquement le même dans les corps sonores, dans les espaces intermédiaires, qu’il est dans notre âme? que nous rapportions nos sensations à nos organes comme à leur siége, quoiqu'il soit bien certain que l’affection n’est que dans l’âme? Encore une fois, veuillez réfléchir à une multitude d'erreurs de ce genre, erreurs dont le sens commun ne sort qu'autant que la conservation de l'individu l'exige, ou par la réflexion, et vous vous convaincrez, je l'espère, que le sens commun, s’il n’est pas épuré, rectifié par la réflexion, par la science, 1 Entre le sens commun réfléchi et la science de l'optique, entre le sens commun spontané et la vision irréfléchie. (Note de l'éditeur.) ET LA FORMATION DES IDÉES. 29 c'est-à-dire, s’il n’a pas cessé d’être le sens commun spontané, brut et gros- sier, qu'on invoque cependant lorsqu'on oppose le sens commun aux ré- sultats de la méditation philosophique, ne mérite pas, à beaucoup près, la déférence que vous avez pour lui. Je sais que c’est chez quelques-uns une affaire de mode, ou de système si vous le voulez. Il est en effet plus facile de s’en tenir aux préjugés de l'espèce (idola tribus), que de travailler à les dissiper. Ajoutons que chacun juge du sens commun par son sens personnel, et que des erreurs individuelles trouvent ainsi trop aisément un facile appui dans le sens commun. En général, le sens commun n’ana- lyse point au même degré que la réflexion scientifique. Il n’est donc pas compétent pour prononcer sur les résultats de cette analyse. Le sens com- mun n’est souvent, dans ses affirmations synthétiques, qu'un sens illu- soire; il n’est donc pas compétent pour juger de la valeur de l'analyse d’après sa propre synthèse. Le sens commun vit d’apparences; c’est même le sens de l'apparence; la réalité est souvent contraire aux apparences ; le sens commun est donc incompétent pour prononcer sur les réalités. Le sens commun croit connaître ce qu'il ne connaît pas; il est d’une pré- somption d'autant plus grande qu'il est plus ignorant; il n’est que trop vrai cependant que nous ignorons une foule de choses qu’il croit savoir. S'en rapporter à lui c’est donc refuser d'acquérir cette ignorance savante, celle ignorance qui a conscience d'elle-même, qui est si favorable à la modestie, à la tolérance et à la paix du monde. Le sens commun n’est bon en matière de science que comme critérium pour s'assurer si une idée est naturelle et universelle; mais il ne vaut absolument rien pour savoir quels sont la nature (empirique ou rationnelle), l'origine, les éléments, la valeur objective ou subjective de cette idée. Il ne sait rien de tout cela, il n’en a jamais rien su et n’en saura jamais rien, parce que ce n’est point là sa mission. Toutes ces questions sont l'affaire de la réflexion scienti- fique, à laquelle le sens commun spontané n’a rien à voir, parce qu’il n’y peut rien voir. Le mettre à même de juger, c’est l’élever au rang de sens philosophique; c’est le dénaturer. Invoquer son témoignage sans cette précaution, c’est soumettre les résultats de la science au jugement pré- somptueux et prévenu de l'ignorance. C’est donner au rustre le droit de 30 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE rire au nez de l’astronome et du physicien, quand il leur entendra dire qu'on a mesuré la distance du soleil à la terre et que l’on sait le poids de la terre. N’imaginant pas les procédés de l'observation astronomique, ni les théorèmes du géomètre, et sachant très-bien d’un autre côté que nul homme au monde n’a parcouru, la chaîne à la main, la distance qui sé- pare le soleil de la lune; sachant tout aussi bien qu’on n’a pas pu mettre la terre dans une balance , comme on y mettrait une orange; il se récrie, se gausse, et réserve sa foi pour celui qui lui dira qu’un ange, ou quelque autre être merveilleux est venu apprendre à un homme mille choses bien plus étranges. Voilà le sens commun avec sa téméraire stupidité. Bel oracle , ma foi! J'avais besoin, Monsieur et cher philosophe, de m'expliquer ouvertement avec vous sur cette idolätrie philosophique, sur cette chimère, puisque vous y revenez vous-même à plusieurs reprises, et que vous croyez être très- fort d’avoir pour vous cette autorité dans une œuvre de science. Je vous fais grâce de tous les cas ou vous lauriez aussi contre vous. Je ne vous l’'oppose point, parce que, à mon avis, elle ne prouve pas plus contre que pour. Ce n’est pas une autorité; ce n’est, quand c’est quelque chose, qu’un fait sans autre valeur scientifique que celle que j'ai signalée, Je n’y reviendrai donc plus, si je n’ai rien à ajouter à ce qui précède. Réponse. — Dans votre première lettre sur la métaphysique des corps, vous aviez établi une différence essentielle entre le sens commun et le sens métaphysique, que vous exaltiez au détriment de l’autre. Ici, revenant sur ce sujet, vous distinguez le sens commun réfléchi du sens commun spon- tané, ou irréfléchi. Cette distinction est bien réelle, les définitions que vous donnez de l’un et de l’autre sont fort exactes, et vos observations sur le sens commun spontané sont, surtout, excellentes : je les ai lues avec le plus grand plaisir. Mais pourquoi supposez-vous, qu’en prenant, en quelque sorte, parti pour le sens commun contre le sens métaphysique, jaie voulu défendre le sens commun vulgaire, irréfléchi , spontané, stu- pide, en un mot, le sens commun qui n’a pas le sens commun, qui n’a pas de bon sens ; ou pour mieux dire, qui n’est pas le bon sens, qui n’est e ET LA FORMATION DES IDÉES. o1 pas-le sens commun proprement dit, que j'ai placé entre le sens commun vulgaire, lequel ne fait aucun usage de la réflexion, et le sens métaphy- sique, qui souvent en abuse ou en fait un mauvais usage ? V. Cet incident terminé, je reviens à la question qui l’a fait naître, celle du rapport de la sensation à l’agir. Ce rapport est incompréhensible. Nous savons que nous sentons et, qu'après avoir senti, nous agissons. Mais le passage du pâtir à l’agir est inexplicable, puisqu'il n’est ni né- cessaire, ni fondé sur l'identité. Dans le premier cas, il serait imposé par le raisonnement; dans le second, l’agir ne serait que la continuation du pätir. Dans les deux cas, il y aurait une sorte d'identité. Expliquer, c’est en effet, résoudre une espèce dans son genre, une conséquence dans ses prémisses, un effet dans sa cause. Ici rien de semblable n’est possible. Pätir est une chose, agir est une autre chose toute différente. Pâtir, c’est être modifié; agir, c’est se donner une modification, que cette modification soit ou ne soit pas accompagnée d’une autre qui sorte de nous et tombe sur quelque être différent de nous, ne füt-ce que sur l'organisme auquel le moi est uni. Mais comment, à la suite d’une modification reçue, est-il possible de s’en donner une? L’aptitude à pâtir emporte-t-elle donc l'aptitude à agir? Si pâtir était déjà agir, ou du moins si pour pâtir il fallait déjà agir, l'acte qui suit le pâtir, l’agir proprement dit, ne serait encore qu’agir, et le passage de l’un à l’autre de ces états serait tout trouvé : il y aurait identité, continuité à certains égards. Mais c’est là précisément ce que vous n’admettez point, et ce que je tâcherai d'établir tout à l'heure. Constatons bien ici seulement que le pâtir, en tant qu'état affectif, est un état passif, une manière d’être pure et simple , qui n’a rien de commun avec une force, c’est-à-dire avec une puissance, un principe d'action, une propriété active de l'âme, une vertu causatrice dans l’âme. D'ailleurs nous sentons nos états passifs, mais, je crois lavoir prouvé, nous ne nous sentons pas en tant que faculté, en tant que cause, puisque nous n'avons pas même la conscience de l’agir, dans le moment même de l’exercition; l'acte seul, l’acte consommé, son 32 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE effet plutôt encore, voilà ce que nous sentons de notre agir, ce dont nous avons conscience. Si Maine de Biran et d’autres se sont imaginé que le domaine de la conscience s’étendait plus loin, ils ont été dupes de leur fantaisie. Je crois du moins l'avoir établi. Réponse. — Il n’est pas du tout nécessaire d'expliquer un fait, ni même de le concevoir, pour en constater l'existence. Je ne saurais ni expliquer ni comprendre de quelle manière agit la cause, ou plutôt l'agent, même lorsqu'il s’agit de l’action la plus simple de la matière sur la matière, je veux dire du choc. Je sais qu'il existe un rapport de dépendance entre une cause et son effet, mais j'ignore de quelle nature est cette dépendance, et je n’ai ainsi qu’une notion très-vague, très-imparfaite, du rapport de causalité : mais, d’après la manière dont j'ai acquis cette notion, il y a toujours pour moi rapport de causalité, au moins indirect, entre deux phénomènes qui se montrent constamment l’un avec l’autre et n’appa- raissent jamais l’un sans l’autre. Je conçois fort bien d’ailleurs qu’une même cause efficiente puisse et doive même produire des effets différents suivant les conditions dans lesquelles elle opère, sans parler des causes accidentelles qui modifieraient son action. De toute manière, je me crois suffisamment fondé à regarder en général la sensation comme cause eff- ciente, immédiate ou médiate, de l’action, spontanée ou volontaire, de l'âme, et cette action, comme cause efficiente du mouvement. Qu'il puisse y avoir entre ces phénomènes, d’autres phénomènes imperceptibles à mon intelligence comme à mes sens, je ne le nierai point : mais ces phé- nomènes intermédiaires n’empêcheraient pas la liaison, ou le rapport de causalité qui existerait entre ceux que j'aperçois. Le passage du pâtir à l’agir est inexplicable, dites-vous. Mais cela doit ètre réciproque; et c’est peut-être par cette raison que nous n'avons qu’une idée très-imparfaite du rapport de causalité (rapport nécessaire en soi, bien qu’il ne soit pas imposé par le raisonnement). Si le premier passage, celui du pâtir à l’agir, n’est pas fondé sur l'identité, il doit en être de même du second; et c’est pourquoi je nie qu’en général un effet existe dans sa cause efficiente. Aussi ne peut-on pas, selon moi, résoudre un ET LA FORMATION DES IDÉES. 99 phénomène dans sa cause; et, bien qu’il soit certain qu’en faisant con- naître la cause de tel phénomène, de telle modification, on fasse par là même connaître la raison de son existence, on ne l'explique pas, du moins entière- ment, par ce moyen. C’est dans la substance modifiée, c'est dans les pro- priétés de cette substance, ou ce que j'appelle les causes conditionnelles du phénomène, qu’il faut principalement chercher cette explication. En tout cas, supposé que l’âme ne soit jamais passive en réalité, et qu’elle ne fasse qu’agir, il resterait toujours à expliquer le passage d’une action à une autre toute différente : or on n’apercevrait là, je crois, ni nécessité, ni identité, ni continuité, rien en un mot qui pût servir de fondement à cette explication, qui, par conséquent, serait impossible. Dans la simple communication du mouvement, il y a une identité réelle, non entre la modification reçue et sa cause, mais entre cette modi- fication et la manière d’être du corps mobile pendant ou plutôt avant son action : d’où il résulte, ce me semble, que nous ne pouvons rien tirer, pour l'explication du fait dont il s’agit, d’un rapport de causalité quel- conque. IT y a aussi entre cette modification et cette manière d’être, une continuité apparente; car le mouvement semble, en effet, passer d’une sub- stance dans l’autre : mais ce n’est là qu’une illusion. Le mouvement exis- tait en puissance dans le corps en repos, dans sa mobilité, ou sa propriété d’être mû : l’attouchement, ou le choc de l’autre corps, l’a fait passer de la puissance à l’acte. Comment cela se peut-il faire, comment cela se fait- il? C’est ce que nous ignorons. Mais nous n’avons pas besoin de le savoir pour être certains que le corps en mouvement agit sur l’autre corps, et que cette action est la cause du changement, de la modification qu’é- prouve ce dernier. Eh bien, il se passe dans âme quelque chose d’analogue, que nous ne comprenons pas davantage, que nous comprenons moins encore, si l’on veut, l'essence de l’âme, et par suite la nature de ses modifications nous étant complétement inconnues. De même que le mouvement existe en puis- sance dans la mobilité, la volition est en puissance dans la volonté; et la sensation la fait, directement ou indirectement, c’est-à-dire par linter- médiaire de quelque idée, passer de la puissance à l'acte. En effet, si la Towe XXII. à) 34 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE sensation est à l'âme ce que le mouvement. est à la matière (et lon ne peut pas affirmer qu’il n’en est pas ainsi), pourquoi la sensation ne ren- drait-elle pas l’âme capable d’agir, soit sur elle-même, soit sur une autre substance; comme un corps, après avoir reçu le mouvement d’une ma- nière toute passive, est ensuite capable, par ce mouvement, d'agir sur un autre corps ou sur lui-même, ainsi qu’il arrive dans une cloche de métal qui, après avoir subi le choc du marteau , effectue en elle des vibrations sonores, et de plus, agit sur l'air ambiant, en lui communiquant ces vi- brations, qui d’ailleurs existaient en puissance , ou avaient leur cause con- ditionnelle dans l’élasticité de l'air? L'âme est passive en tant qu’elle sent, qu’elle est mue à sa manière ; elle est active en tant qu’elle se meut elle-même, ou qu’elle veut, qu’elle agit, volontairement, spontanément ou fatalement. Il se pourrait donc, semble-t-il, que la sensibilité (physique, intellectuelle et morale) et Pacti- vité de l'âme, l’activité fatale du moins si elle n’est pas une chimère, ne fussent qu'une même chose envisagée sous deux points de vue différents, comme la passivité et l’activité de la matière ne sont peut-être aussi que deux manières d’envisager la mobilité proprement dite. Je sais trop que toutes ces explications sont fort peu satisfaisantes; mais peut-être sommes-nous condamnés à n’en avoir jamais de meilleures. VE. On nous demandera sans doute alors comment nous pouvons avoir l'idée de notre activité, si nous n’en avons pas conscience? L’objection n'est sérieuse qu'aux yeux de ceux qui sont étrangers à la nature et à la formation de nos idées : dès qu’on suppose, par exemple, que toutes nos idées sont sensibles, perceptives , qu’elles ont toutes une matière réelle ou phénoménale, l'agir et la faculté qu’il suppose ne peuvent être connus qu'autant qu’ils sont des phénomènes de conscience. Il n’y aurait aïnsi que des phénomènes et des idées phénoménales, ce qui serait très-embar- rassant dans beaucoup de cas, par exemple avec la notion d’infini. Mais si l’on reconnaît avec nous qu'à l’occasion des faits, des phénomènes, certaines idées, que nous appelons conceptions, se forment où sont pro- duites en nous par une faculté ou causé interne que nous appelons rai- ET LA FORMATION DES IDÉES. 39 son, dans le sens propre du mot; si l’on reconnait ce fait, on ne sera nullement embarrassé d'expliquer la conception de l’agir à l’occasion des actes ou états qui en sont le produit. Nous sommes constitués intellectuel- lement de manière à concevoir une raison, une cause à tout acte interne. Voilà le fait, et ce fait s’accomplit à chaque instant. Réponse. — Ceci me paraît manquer un peu de clarté et de précision. Néanmoins je tâcherai d'y répondre. Toutes nos idées indistinctement se forment en nous, et ne sont, selon moi ; que nos facultés mêmes en tant que, mises en jeu par des causes efficientes, elles se manifestent sous ces formes d'idées. Toutes nos idées ont leurs causes efficientes, ou productrices, les unes dans les autres, à l'exception de nos premières idées, qui ont leurs causes dans nos sensations et dans les rapports qu’elles ont entre elles et avec nous, Nos facultés, dans lesquelles toutes nos idées existent en puissance, ou virtuellement, ne sont donc, comme facultés, comme propriétés, que les causes condi- uonnelles de nos idées, et n’en sont pas les causes efficientes. Ainsi nos conceptions (idées conçues) ne seraient que des formes diverses de cette propriété de l’âme qu’on appelle aussi {a conception (faculté de concevoir), et que nous désignerons, si vous l’aimez mieux, sous le nom de raison : ces idées ne seraient donc que la conception, que la raison elle-même en tant que, mise en jeu par une cause efficiente (par une idée antérieure), elle:se manifesterait actuellement sous telles ou telles de ces formes, de ces idées conçues ; et ainsi la raison (prise dans cette acception), au lieu d’être la cause efficiente, ou productrice, de ces idées, de ces conceptions, n'en serait que la cause conditionnelle; de même que la sensibilité est la cause conditionnelle de nos sensations, mais ne les produit pas. La raison, selon vous, est la cause efficiente de nos conceptions; c’est elle qui les produit. Je pourrais ici vous demander , si la raison et l’activité, fatale ou vo- lontaire, dont chacune se mettrait d’elle-même en jeu, ou passerait par elle-même de la puissance à l'acte, produisent concurremment nos concep- ons; ou si ces dernières ne sont produites que par la raison mise en jeu 36 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE par l’activité, ou par l'activité seule mise en jeu par la raison; ce que vous n’admettrez pas, je suppose, puisque vous voulez que l’action fatale par exemple, n’ait pas d'autre cause efficiente que l’activité fatale elle- même ; ou enfin, si l’action fatale, produite d’abord par l’activité fatale (à l’occasion de tel ou tel fait), produit à son tour une conception, en met- tant en jeu la raison, en la faisant passer de la puissance à l’acte. Mais je ne veux pas m'embarrasser dans cette question, qui me paraît trop em- brouillée : j’'examinerai seulement avec vous comment nous venons à con- naître nos propres facultés. Nous n’apercevons jamais en définitive que des phénomènes : une sub- stance extérieure, en tant qu'elle frappe nos sens, n’est pour nous qu’un assemblage de propriétés diverses, et de propriétés en acte, ou se mani- festant par des phénomènes : nous n’avons aucune perception ni connais- sance directe des attributs, des propriétés, ni par conséquent des sub- stances, que ces phénomènes supposent. Nous n'avons pas non plus conscience de nos propres facultés; nous ne sentons en nous que des phé- nomènes affectifs et intellectuels. Comment donc passons-nous de la con- naissance du phénomène à celle de la propriété, de l'attribut? Je n'aurai pas besoin de sonder à de grandes profondeurs pour le trouver; car, se- lon moi, rien n’est plus simple. En voyant constamment un même phénomène sortir, en quelque fa- çon, d’une même substance à l’aspect d’une même cause, je ne puis pas ne pas me représenter ce phénomène comme existant dans cette sub- stance d’une manière permanente, mais aussi d’une manière latente, ou cachée, et tout prêt à en sortir de nouveau dès que la même cause se représentera. C’est ce que nous appelons, en d’autres termes , exister en puissance, ou virtuellement. La propriété n’est donc, pour nous, que le phénomène en puissance. C’est ce qui m'a fait dire qu’elle en était la condition, ou la cause conditionnelle (non la cause proprement dite, puisque ce n’est pas elle qui le produit). Ainsi, par exemple, parce que j'éprouve une sensation toutes les fois qu’un objet se présente devant moi et que je le remarque (ce qui me fait croire aussi que l’action de cet objet sur mes organes est la cause eficiente, ou productrice de cette ET LA FORMATION DES IDÉES. 91 sensation), j'en conclus, bon gré mal gré, que cette sensation existe en moi virtuellement, ou en puissance; en d’autres termes , que je suis sensi- ble, ou susceptible d’éprouver des sensations, que je suis doué de sen- sibilité, enfin, qu'il y a en moi quelque chose de permanent qui doit être une condition indispensable pour que je puisse avoir des sensations. Mais ce n’est pas ainsi, selon vous, que les choses se passent. Il me semble d’abord, qu'une conséquence de vos principes est que la sensibi- lité n’existe pas, qu’il n’y a rien en nous que l’on puisse nommer ainsi : la condition, la cause conditionnelle, ou comme vous l’appelez encore, bien que ce ne soit pas la même chose, la cause occasionnelle de la sen- sation, c’est l’objet extérieur, et non la sensibilité, qui paraît n'être rien du tout : la cause efficiente, ou productrice de la sensation, ce n’est point l’action de l’objet extérieur sur notre âme, action que vous regardez comme impossible, c’est celle de l’âme elle-même sur elle-même, si bien que l’âme produit elle-même, quoique fatalement, ses sensations et ses idées, à l’oc- casion de certains faits ou des objets du dehors, qui pourtant n’agissent point sur elle. Enfin, la cause efficiente de cette action fatale de l'âme, c’est l’activité fatale (qui n’en serait pour moi que la cause conditionnelle ). Maintenant, comment savez-vous que cette dernière est une des pro- priétés de l'âme? C’est parce que vous savez, dites-vous, que tout phéno- mène a une cause productrice, ou efficiente, et qu'ainsi l’action en a une : et d’où vous vient cette connaissance? Ce n’est pas de ce que l'expérience vous à appris, tant bien que mal, que tels phénomènes étaient dus à telles causes et que vous avez généralisé cette idée, ou cette connaissance parti- culière; c'est de cela seul que vous êtes constitué intellectuellement de manière à concevoir (sans doute à priori) une cause à tout acte interne. Mais pourquoi admettez-vous que cet acte a pour cause productrice lac- tivité elle-même? N'est-ce pas comme si l’on disait que la sensibilité pro- duit la sensation, et que, dans le corps, la fusibilité opère la fusion? Ici, point de réponse : passons là-dessus. Cet acte interne, cette action de l'âme sur elle-même, action que vous appelez fatale, en tant du moins qu’elle est cause de nos sensations et de nos premières idées, et de la- quelle, de votre aveu, vous n’avez pas plus conscience que de l’activité 38 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE fatale elle-même, comment savez-vous donc qu’elle existe? ou, si vous l'ignorez, parce que vous n’en avez pas conscience, quel sera le fon- dement de la connaissance que vous prétendez avoir de cette activité ra- dicale à titre de faculté? C'est ce que vous avez oublié de dire : et c’est pourtant sur cela principalement que je vous avais interpellé. Il n’en est pas moins vrai que l’âme agit, ou d’une manière ou d’une autre, et qu'en définitive l'âme seule peut agir ; puisque ni ses propriétés ni ses phénomènes ne sont des agents. Elle est donc active, ou douée d'activité. Mais, de toute façon, elle ne peut agir que dans tel ou tel état, sous telle ou telle modification actuelle; modification qui est toujours une propriété en acte, un phénomène, c’est-à-dire soit une sensation , soit une idée, soit une conception pure. 11 n’est pas nécessaire d’ailleurs, pour qu’il résulte de l’action de l’âme une telle conception, qu’elle soit affectée par une autre conception; il suffit qu’elle le soit par une idée quelconque. Cest ce qui m'a fait dire, pour abréger, que les idées, et j'y comprends les conceptions, ont leurs causes efficientes les unes dans les autres. Il n’y a donc aucune différence, quant à leurs causes productrices ; ou effi- cientes, entre les conceptions pures de la raison et les autres idées de l’entendement. Mais si l’on veut qu’il existe une différence de nature entre les unes et les autres, et que l’on prétende en conséquence que les con- ceptions supposent (comme cause conditionnelle) une propriété particu- lière (dans laquelle elles se trouveraient en puissance), qu’on l'appelle raison ou de tout autre nom, je ne m'y oppose pas le moins du monde. Je crois seulement qu'il serait très-absurde de soutenir que les concep- tions sont des produits de la raison, au lieu d’en être des formes, et que la raison, qu’une propriété ou faculté quelconque peut être, comme telle, une cause productrice d'idées. VII. 2. Le second point que je voulais établir, c’est que l'enfant ne veut pas les mouvements qu’il exécute d’abord, parce qu'il n'en a pas l'idée. Il: n’en a pas l’idée, parce qu'il ne les a jamais exécutés, parce qu'il ignore quelles peuvent en être pour lui les conséquences. Par le fait donc qu’il se meut sans le vouloir, sans le savoir, eût-il une certaine sen- ET LA FORMATION DES IDÉES. 39 sation de mouvement, il est doué d’une activité qui se met en jeu sans l'intervention de la volonté. Cette activité, antérieure à tout acte de vou- loir, mais qui pourra être plus tard mise en jeu ou suspendue volontaire- ment, dès qu’une fois Penfant aura le secret de sa force et de l'harmonie qui existe entre son corps et son âme, sans toutefois encore avoir les idées de corps et d’âme, de rapport entre l’un et l’autre; cette activité, disons-nous, pouvant tomber sous l'empire de la volonté, être suspendue ét reprise, mais se mettant ordinairement en jeu sans réflexion, est donc spontanée. Réponse. — Vous observez judicieusement que l'enfant agit à son insu, qu'il exécute des mouvements dont il n’avait point l’idée, et sans avoir eu l’intention de les produire ; que, par conséquent, son action est spon- tanée, ou, ce qui est la même chose, direz-vous, n’est point volontaire. J’accorde cela; et, quoique l'enfant ne puisse pas avoir conscience de ce qu’il fait, je conviendrai encore que nous savons , nous, qu’il agit sans le savoir. Ainsi j’admettrai , nous admettrons tous deux , en lui, une certaine activité, vous, comme cause efficiente , moi, tout simplement comme cause conditionnelle de cette action spontanée. Mais cette activité est-elle interne ou externe? en d’autres termes, cette action, dont nous ne pouvons juger que par des mouvements corpo- rels, est-elle tout entière dans l'organisme et due aux seules propriétés de la matière vivante? ou bien l'âme y participe-t-elle, quoique la volonté n'y entre pour rien? Comment le savoir? Sans insister sur ce point, je vous demanderaï si, dans le cas dont il s’agit, il y a action de l’âme sur le corps, ou seulement action de l’âme sur elle-même : par exemple, sup- posé qu’à la suite d’un dérangement dans quelque partie du corps, telle que l’estomac ou les intestins, l’enfant éprouve une sensation doulou- reuse, et qu'à la suite de cette sensation, il s’agite d’une manière ou d’une autre (auquel cas, je dirais que le désordre des intestins est la cause efficiente de la douleur qu’éprouve l'enfant, et que cette sensation est la cause efficiente ou du mouvement musculaire, ou de l’action de l'âme qui le produit); l’âme agit-elle en effet sur le corps, non par la 40 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE sensation, mais, comme vous dites, à l’occasion de la sensation, et sans autre cause efficiente qu'une activité spontanée ? En tout cas, l'âme, par une activité fatale, agit-elle sur elle-même, pour y produire cette sensa- tion douloureuse, à l'occasion du dérangement dans les organes? Vous répondrez affirmativement, du moins à cette dernière question, qui est celle dont il s’agit et que vous avez soutenue. Or, et c’est toujours là que j'en reviens et que je vous attends, je vous demanderai encore une fois, comment vous savez, comment vous prouverez que cette action fatale existe; car vous ne sauriez l’apercevoir dans un être différent de vous, autre que vous-même , et votre sens intime ne pourrait rien vous apprendre sur cette action fatale, dont vous avez bien moins conscience encore que de vos actes spontanés, qui d’ailleurs, sans changer de nature, peuvent de- venir réfléchis, ce qui ne saurait arriver à l’acte fatal. Ainsi vous ne pourrez jamais vous assurer qu'il existe en vous une activité fatale, antérieure à toute autre activité. Et quand elle existerait, elle ne saurait être la cause efficiente d'aucune action transitoire; car, l'activité étant permanente, l’action le serait aussi. C’est une.des raisons dont je me suis prévalu, pour prouver qu'une propriété, ou faculté, comme telle, c’est-à-dire avant d’avoir passé de la puissance à l'acte, avant de se montrer comme phénomène, ne saurait être cause efficiente, ne saurait rien produire. Mais l’activité en acte, ou se manifestant sous sa forme phénoménale, c’est l’action même : or une action pourrait-elle se produire elle-même. Vous direz peut-être que l’activité est cause efficiente de l’action, en ce sens que, dans certaines circonstances , elle passe par elle-même sans autre cause, de la puissance à l'acte. Eh bien, je n’en regarderai pas moins cela comme absolument impossible, pour ne pas dire, tout à fait inintelligible. Comment concevoir , en effet, qu’une action, fatale en elle-même comme dans ses résultats ou ses produits, puisse avoir lieu, sans qu’une cause étrangère à l’activité, détermine nécessaire- ment l’âme, non-seulement à agir, à manifester son activité par une action, mais encore à agir de telle façon particulière et non de toute autre ? com- ment trouver cette cause, la cause de cette action, dans l’activité fatale elle-même ? ET LA FORMATION DES IDÉES. AM VII. 5° J'aborde enfin la troisième question particulière relative à l’activité fondamentale, celle où je suppose qu’il y a dans toute sensation un acte de la part de l’âme, et que cet acte, plus profond encore que ceux dont nous venons de parler, est fatal. C’est sans doute l’acte radical ou premier dans la vie de relation; mais il y a toute apparence qu’il est pré- cédé d’un autre encore plus intime, celui qui préside à l’organisation du corps; et cet acte organisateur serait à son tour précédé d’un autre plus intime, par lequel l’âme ou le principe de vie ne sortirait pas encore de lui-même, mais tendrait à en sortir. Toute tendance est acte; et cette tendance, cet acte doit s’accomplir dans le sujet même qui y est soumis, ou dont la loi, l'essence même, est d’agir de la sorte. A ce début de la force vitale dans le principe qui nous anime (et il faut bien un début, et un début semblable), il n’y a pas encore de conscience, ni par conséquent de moi. II n’y en a pas davantage dans l’acte de l’or- ganisation, Jusqu'ici nous ne sommes que des végétaux , ou quelque chose qui y ressemble fort. Insensiblement cet organisme se complète, se per- fectionne ; et la sensibilité physique prend naissance. Comment ou à quelle condition de la part de l’âme? Tel est le nœud précis de la question. Réponse. — J’admets volontiers que l'acte fatal, s’il existe, est le pre- mier dans la vie de relation, qu’il est antérieur à tout acte volontaire, réfléchi ou spontané. Vous pensez au surplus que l’acte fatal est précédé d'un autre plus intime, qui préside à l’organisation du corps, et que cet acte organisateur est lui-même précédé d’un autre plus intime encore, par lequel l'âme , ou le principe de vie, tend à sortir de lui-même. Jusque-là, dites-vous, nous ne sommes que des végétaux ou à peu près; mais in- sensiblement l'organisme se perfectionne et la sensibilité physique prend naissance. Tout cela peut être vrai, mais je n’y vois qu’une conjecture, fort ingénieuse d’ailleurs, que je ne saurais empêcher de rester telle, n'ayant aucun moyen ni de Ja détruire ni de l’ériger en fait. Seulement je ne comprends pas ce que peut être la sensibilité physique, si la sensation ne la suppose pas comme cause conditionnelle et comme propriété, ou Tome XXII. 6 42 . SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE phénomène en puissance, si sa cause conditionnelle est dans l’objet ex- térieur, et sa cause efficiente dans un acte fatal de l'âme. Mais vous voulez expliquer comment ou à quelle condition de la part de l’âme, la sensibilité physique prend naissance. Je vous écoute. IX. Est-il possible d'abord que l'âme, qui jusqu'ici était douée déjà d’une activité à deux degrés, retombe dans une espèce de mort, en cessant d'agir, dans le pâtir même? N’est-il pas plus vraisemblable, au contraire, n'est-il pas vrai, évident, puisqu'il faut trancher le mot, que la vie végé- tative, et par conséquent l’activité du principe animateur , n’est point sus- pendue dans la sensation ? Ce qui sent est vivant; il vit de sa vie propre d’abord; il vit de la vie organique qui dépend de la vie propre; il vit de la vie de la conscience au premier degré, de la vie de la sensation, qui dépend des deux autres et qui s’y ajoute. Mais qu'est-ce que cette triple vie, si ce n’est un ensemble de phénomènes ou d'effets dus en totalité ou en partie au moins à un agent, à une cause, que nous appelons principe vital, âme? Vivre, c'est donc agir; agir, c’est vivre. Partout où il y a vie n'y at-il pas agir? Partout où l’agir se montre n’y a-t-il pas vie? Si ces deux choses sont réciproques, si elles ne diffèrent tout au plus que comme l'effet diffère de la cause; si, d’un autre côté, le pâtir (sentir en général) n'est possible que dans un être vivant et par la vie, le pâtir n'est-il pas alors un effet de l’agir? Réponse. — Il paraît que le principe vital et l’âme, ou le principe pen- sant, ne sont, à vos yeux, qu’une seule et même chose. Si je ne me trompe, c'était aussi l'opinion de Stahl. Cependant, presque tous les philosophes, ceux des XIVe et XV: siècles particulièrement, ont distingué, comme le fait encore aujourd’hui lécole de Montpellier, le principe (ou l'esprit) vital, de l'âme proprement dite. Si, comme vous le pensez, celle-ci pré- side à organisation du corps, ce n’est sans doute pas comme simple té- moin, et sans agir sur lui, d’où il arrivera qu’à son tour il pourra tôt ou tard réagir sur elle. Or n’avez-vous pas dit que cette action réciproque est absolument impossible, parce qu’il y a ou paraît y avoir un abîme infran- ET LA FORMATION DES IDÉES. 43 chissable entre les actions de l’âme et les mouvements du corps? Si cet abîime n'existe pas en réalité, rien ne nous empêchera de considérer l’ac- tion des objets extérieurs comme cause efficiente de nos sensations : dans le cas contraire , vous construisez sur un abime un édifice qui s’écroulera de lui-même. Au demeurant, qu'est-ce que l’action réciproque de l’äme et du corps aurait de commun, qu'est-ce qué l’organisation de la matière pourrait avoir à démêler avec un fait purement psychologique, tel que l'action de l’âme sur elle-même, avec cette action fatale à laquelle vous attribuez nos sensations et nos idées? Que l’activité de la matière soit une des conditions dé la vie des plantes et des animaux, c’est ce qui ne saurait être contesté; mais la vie ne dé- pend pas, sans doute, de cette seule condition, puisque nous voyons ou concevons, dans des êtres sans vie, dans les corps bruts, des forces tou- jours en exercice. Si la vie suppose l’activité, cela n’est donc pas réci- proque. Maintenant, que l’on considère l'âme (qui pour vous est le principe vital) comme un être vivant, et que l’on dise, qu’elle n’est vivante qu’à la- condition d’être active, qu’elle ne peut sentir que comme être vivant, et que, par conséquent, il faut bien qu’elle soit active pour sentir, je n’y trouve rien à reprendre. Mais il ne s’ensuivra pas nécessairement que la sensation aura pour cause productrice telle ou telle action particulière de ‘âme : d'autant plus que, comme elle vit toujours, elle ne discontinue pas d’agir, et que, cependant, elle ne sent pas toujours, d’une manière appréciable du moins, et tantôt d’une façon tantôt de l’autre. Je crois, du reste, qu’au fond elle sent toujours, quoique par un effet de l’habitudé elle ne s’en aperçoive pas, ou n’en ait pas conscience; mais je l’attribue uniquement à l'influence continue de l'organisme; et c’est peut-être par la même cause que son activité est continuellement en jeu. Que laction de l’âme ne soit pas suspendue dans la sensation, c’est, de toute manière, ce que j'admets sans peine, et ce qui me paraît même assez vraisemblable, J’accorderai de plus, si l’on veut, qu’une activité quel- conque est, comme la sensibilité elle-même, une des conditions de la sen- 44 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE sation actuelle; mais qu’elle en soit la cause efficiente, qu’une action fatale la produise, c’est ce qui me paraît plus difficile à croire, et surtout à démontrer; d'autant que les objets matériels, avant que l’âme en ait la sensation ; doivent être pour elle, ce me semble, comme s'ils n’existaient pas, et que dès lors on ne saurait comprendre comment l’activité, ne pou- vant pas être modifiée par ces objets, pourrait elle-même, ou par elle- même, produire des effets différents, des sensations diverses. Que l’âme agisse sans interruption et par elle-même (à la manière d’un corps grave qui pèse sur la terre) et toujours de la même façon tant qu’elle est aban- donnée à ses propres forces, cela se pourrait, et n’aurait rien de contra- dictoire : mais qu’elle agisse de mille et mille manières différentes, sans autres causes que son activité naturelle, qu’une activité fatale, ou pas- sive, toujours identique à elle-même, c’est ce qui me paraît tout à fait inadmissible. Certes , si l’une des facultés de l’âme peut, à juste titre, être regardée comme active, c’est la volonté, avec ou sans conscience, c’est la volonté, réfléchie ou spontanée; et néanmoins, l’acte volontaire, spontané ou ré- fléchi, ne peut rien produire dans l’âme, si ce n’est une sorte de tension intellectuelle , qui la rend plus propre à éprouver des sensations , à con- cevoir des idées, à avoir conscience des unes et des autres. Mais supposons que l’âme puisse produire elle-même, volontairement ou fatalement, les modifications passives qu’elle subit, il n’en serait que mieux démontré qu’elle peut être à la fois passive et active; et par là tombent les raisons que vous alléguez pour nier qu’elle puisse être modi- fiée par des causes étrangères à sa propre activité. Un soldat ne peut-il donc pas, tout en donnant des coups de sabre à droite et à gauche, en recevoir à son tour, et n’est-il pas actif seulement en tant qu’il en donne, mais passif en tant qu’il en reçoit, sans pour cela cesser d'agir; et parce qu'il ne discontinue pas d'agir, s’ensuit-il que les coups qui l’accablent sont dus à ses propres actions, comme à leur cause immédiate, et non à celles de ses adversaires ? Est-il démontré, de cette manière ou de toute autre, qu'en général les modifications passives que subit une substance en action ne peuvent pas être attribuées à l’action d’une autre substance ? ET LA FORMATION DES IDÉES. 45 J'attends une pareille démonstration , et je me crois très-bien fondé à la réclamer; car, dès que vous méprisez le sens commun, l'expérience et l’analogie , comme, du reste, vous êtes en droit de le faire , vous ne pouvez pas vous dispenser de prouver à la rigueur, par le raisonnement seul , les assertions extraordinaires que vous avancez. X. Je ne veux point sophistiquer, ni me payer moi-même de mots : je cherche à suivre le fil des faits et des idées, et je me demande naïvement, sincèrement, comme toujours , si, dans la sensation que nous rapportons maintenant à quelque partie de notre corps, si, dans ce rapport même, il n’y à pas un acte de notre esprit, et si cet acte donne conscience de lui- même ? La preuve d’abord qu’il y a un acte de l'esprit, c’est qu’il est extrême- ment vraisemblable que l'enfant, à l’âge où il ne se connaît pas encore comme corps , où il ne sait pas encore s’il en a un, où il n’a pas encore l'idée de ses membres, n’y rapporte point ses sensations. S'il fait des mouvements de ses membres, c’est sans le savoir, sans le vouloir, instinc- tivement en un mot. Il souffre et jouit donc dans son âme seule. Ce n’est donc que plus tard, en vertu d’un jugement spontané du reste, mais enfin en vertu d’un acte de l'esprit, que la sensation est rapportée au pied ou à la main. Voilà donc un acte qui accompagne la sensation, et dont nous n'avons cependant pas conscience. Il est prouvé d’une autre manière en- core, c'est-à-dire par le défaut de sensibilité dans l’organe impressionné, si une ligature opérée sur les nerfs de l'organe intercepte pour ainsi dire le passage de l'impression. Ce phénomène psychologique, qui pourrait sembler décisif à d’autres, me frappe cependant moins que celui qui précède. Quoi qu'il en soit, je crois pouvoir poser en fait qu’il ya dans la sen- sation rapportée à une partie du corps, un acte de l'esprit dont nous n'avons cependant pas conscience. Réponse. — Pour prouver qu’il existe des aces involontaires dont nous n'avons pas et quoique nous n’en ayons pas conscience, vous en admettez 46 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE là où je n’en vois aucun, où il n’y en a point pour moi ; et il me semble ainsi que vous supposez ce qui est en question, ou ce que je n’accorde pas. Nous ignorons comment et pourquoi , lorsqu'une partie de notre corps est blessée ou altérée par quelque maladie, telle que la goutte, par exemple , nous rapportons à cette partie la sensation que l’âme. éprouve en pareil cas. Après avoir appris de l’expérience que dans cette partie réside la cause de la sensation de l'âme , nous ne continuons pas moins à éprouver , sinon à croire , que cette sensation y réside elle-même, bien que la réflexion jointe à l'expérience nous aient démontré le contraire. C’est là, comme plusieurs autres, une erreur salutaire, utile à notre con- servation, et que sans doute la nature a permise pour mieux nous engager à éviter les dangers qui menacent notre corps, et à le guérir quandil est blessé, quand il est malade. Cette erreur, ou cette croyance, ou cette manière de sentir, est commune à tous les êtres sensibles ; il n’y a aucune différence, à cet égard, entre l’homme et la brute, ni , probablement , entre l’homme fait et l’enfant qui vient de naître. Celui-ci ne sait pas en- core, il est vrai, qu'il y a quelque chose de matériel en lui, qu'il a des membres, qu’il a un corps; mais il est vraisemblable que c’est par là même qu’il l'apprendra, ou du moins qu’il commencera à le savoir, et d’abord à le sentir. Nous ignorons aussi quelle peut être, dans cet acte, ou dans ce fait, pour mieux dire, la part de l'organisme, celle de l’âäme sentante, et celle de l'esprit si l’esprit y contribue, s’il y entre pour quelque chose en qua- lité d'agent, ce dont il est permis de douter, et ce que, pour mon compte, je suis disposé à nier positivement : comment d’ailleurs prouverait-on qu'il ya ici un acte de l'esprit, si nous n’en avons jamais eu et Si nous ne saurions en avoir conscience ? Est-il un seul acte, un seul fait actuel en nous dont nous ne puissions avoir conscience à l’aide de l'attention ? Je suis, du reste, fort éloigné de croire que dans l'enfant, mais je ne crois pas non plus que dans l’homme, il y ait un jugement quelconque lorsqu'il rapporte sa sensation à l’une des parties de son corps. Instruit par l'expérience, il juge bien que dans cette partie réside la cause de sa sensation; mais, après comme avant l’expérience, il croit simplement, ET LA FORMATION DES IDÉES. 47 ou plutôt il éprouve, sans juger, comme font tous les animaux, que c’est cette partie même qui souffre, ou qui sent. D'ailleurs un jugement, qui sans contredit suppose deux termes, deux objets, deux idées, n’est, en lui-même, que la perception d’un rapport entre ces idées, et cette perception n’est point un acte de l'esprit, ni le produit d'un tel acte. Est-ce à dire que l'esprit est purement passif pen- dant qu'il juge? Non certes; car alors tout au moins, il est attentif à tel ou tel degré, qu’il le soit sciemment ou à son insu : mais il est passif seulement en tant qu'il juge, ou qu’il perçoit, bon gré mal gré, un rapport quelconque entre les idées ou les objets qu’il considère; ce qui n’em- pêche pas qu’il ne puisse en même temps, réfléchir, méditer, vouloir, en un mot, agir. Ainsi de ce qu’un acte de l'esprit accompagne un jugement, une idée, une sensation , il ne s'ensuit pas qu'il les produise. XI Pourquoi donc se croirait-on en droit de nier un autre acte dans la sensation même, sous prétexte que nous n’en avons pas conscience ? Cet acte n’est pas un acte du moi, un acte voulu, mais bien comme un mouvement fatal du principe pensant. Qu’y a-t-il de si étonnant qu’il ne donne pas conscience de lui-même? Le tout est donc de savoir si la sensation est possible sans l’interven- tion d’un pareil acte ou si elle ne l’est pas. Encore est-il juste d’observer _qu’alors même que nous n’apercevrions pas la nécessité de l’agir dans la sensation, Ce ne serait pas une raison suffisante de la nier; il faudrait, pour qu'une pareille négation fût légitime qu’on vit clairement l’impossi- bilité de l’agir dans le pâtir même. Si au contraire on aperçoit nettement la nécessité de l’agir dans le pâtir, il faudra bien convenir que les choses se passent ainsi. Eh bien! c’est cette nécessité que je crois bien conce- voir , et que je vais essayer de faire ressortir. Réponse. — Je ne nie l'existence d’un acte fatal ni par cela seul que nous n’en avons pas Conscience, ni par aucune autre raison : je de- mande comment, n’en ayant pas conscience, on peut démontrer qu'il existe. 48 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE Vous le prouverez, dites-vous, en faisant voir la nécessité de l’agir dans le pâtir. Ainsi vous n’admettez pas simplement que l’agir et le pâtir peuvent exister ensemble ou réciproquement l’un sans l’autre; vous voulez, quand du moins il y a pâtir, qu’ils existent nécessairement ensemble et l’un dans l’autre, à savoir, l’agir dans le pâtir même. Ceci, comme vous le pensez bien, doit paraître un peu subtil au gros sens commun qui me caracté- rise. Mais voyons votre preuve. XIL Distinguons d’abord de la sensation l’impression pure et simple. Dans l'impression il n’y a pas encore sensation, il n’y a pas non plus acte de l’esprit. Et cependant il y a déjà une sorte de réaction de la part du corps impressionné ou touché. N’est-il pas vrai que dans tout contact, envisagé même au point de vue mécanique seul, il y a action et réac- tion? que la réaction est proportionnée à l’action? Or cette réaction n'est-elle pas due à la résistance du corps choqué? Cette résistance n’est- elle pas l’effet d’une force qui tient à distance les points moléculaires in- finiment petits composant les corps, qui les empêche de se réunir en un seul point? Cette force n'est-elle pas comparable à un ressort qui se dé- bande ou qui agit dans une certaine sphère, représentée par les limites mêmes du corps dont il tient les molécules en rapport ? Je raisonne dans l'hypothèse des molécules ou atomes, parce que c’est la vôtre. Réponse. — Vous distinguez, avec raison, de la sensation, l'impression pure et simple. Mais vous dites, sans le prouver, que là il y a déjà une sorte de réaction de la part du corps impressionné, ou touché, et vous ne dites pas en quoi consiste cette réaction, ou comment les organes réa- gissent sur les objets dont ils reçoivent l'impression, ou qui les modi- fient. Au reste, cela n'importe guère; d’abord parce qu’il n’est pas pro- bable, ou du moins qu’il n’est pas prouvé, que l’âme soit pour quelque chose dans tout cela ; et en second lieu, parce que apparemment, ce n’est pas par sa propre réaction sur l’objet, mais par l’action de celui-ci que l'organe est affecté. ET LA FORMATION DES IDÉES. 49 Vous observez judicieusement que dans tout contact, envisagé même (il fallait peut-être dire : surtout) au point de vue mécanique, il y a action et réaction. L'action et la réaction mécaniques ne sont d’ailleurs qu’une même chose sous deux dénominations et envisagées dans deux circon- stances différentes; aussi dit-on, en d’autres termes, que l’action est réci- proque, et l’on peut ajouter, qu’elle est égale de part et d'autre. La force mécanique ne diffère pas non plus de Ja résistance, qui n’est que la force considérée dans les corps en apparence et supposés en repos. Je me dis- pense de réfuter la conjecture que vous faites sur la résistance, en rai- sonnant , dites-vous, dans l’hypothèse des atomes : elle ne peut être vraie ni pour vous, qui n’admettez point d’atomes, ni pour les atomistes, qui font dériver la résistance et la force mécaniques de la dureté, ou plutôt de l’impénétrabilité absolue des atomes, qu’ils ne réduisent pas d’ailleurs à des points mathématiques, et qui n’ont jamais pensé que les corps résistent en vertu de la force qui tient leurs molécules à distance, la- quelle n’est autre que le principe de la chaleur. Quoi qu'il en soit, il est certain que quand deux corps se choquent, chacun est à la fois agent et patient : en même temps qu'il modifie l’autre corps, il est modifié par lui. Mais le changement que subit chacun d’eux n’est cer- tainement pas dû à sa propre action, ou réaction; il est dû à l’action de l'autre corps. Je ne vois donc pas, et je suis curieux d’apprendre, ce que vous pour- rez conclure de toutes ces comparaisons tirées de l’ordre physique, en faveur de l’activité de l’âme, c’est-à-dire de l’activité propre et absolue que vous lui attribuez. S'il est permis de comparer, du moins sous certains rapports, l'âme à une substance matérielle (ainsi que nous l'avons déjà fait tous deux), je me la représenterai comme active , sans doute, mais, avant tout, comme mobile, comme excessivement mobile, et pour ainsi dire sans résistance , conséquemment sans réaction proprement dite; de sorte qu’elle devra recevoir intégralement, sans altération, toutes les modifications, tous les mouvements que les objets extérieurs tendent à lui imprimer; et qu'elle ne transmettra pas le mouvement proprement dit d’un corps extérieur à un Towe XXII. 7 50 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE autre , nécessairement et immédiatement, étant sous l'influence de mille cau- ses internes qui la sollicitent dans tous les sens. XIIL. Il y a donc, comme vous le voyez, une certaine action dans la passion même des corps que nous appelons inanimés ; cette action est manifeste dans le phénomène de la résistance. Elle est plus proprement appelée réaction. Mais notons bien une chose, c’est que dans le choc des corps, l’action et la réaction sont simultanées ; une bille qui en choque une autre ne la touche pas sans en être en même temps touchée, et juste dans la même mesure de force. Le phénomène total du choc ne s'opère donc que par la rencontre de deux forces, par le concours rigoureusement simultané de l’action et de la réaction. Il n’y a pas là pâtir d’abord, agir ensuite; non, le pâtir et l'agir sont en même temps dans les deux billes, quoique l’une d’elles soit seule en mouvement. Dans l’action d’un corps étranger sur nos organes , il y a donc déjà, de la part de ces organes, une certaine réaction dont souvent nous n'avons pas conscience. Dans tous les cas, le phénomène de la sensation commence par une impression de ce genre. Réponse. — Ce que vous dites sur la simultanéité de l’action et de la réaction, sur les conditions du choc, et le reste, est parfaitement juste. L'opinion que vous soutenez ici est aussi la mienne; elle tient, en prin- cipe, à d’autres opinions qui m'appartiennent exclusivement, et celle-là m'appartient plus qu’à tout autre; car personne, que je sache, ne l’a plus nettement, plus amplement développée et mieux démontrée, que je ne l'ai fait dans mes Principes de philosophie physique (que vous avez lus, que vous avez étudiés, puisque ce livre a donné lieu à vos deux lettres sur la mé- taphysique de la matière). Mais vous concluez, sans autre preuve : premièrement, que les organes réagissent, quoique souvent nous n’ayons pas conscience de cette réaction, sur les objets qui les frappent, comme s’il était évident que ces objets , soit par l'intermédiaire de fluides impondérables, soit partout autre ET LA FORMATION DES IDÉES. d1 moyen, agissent mécaniquement, ou par impulsion, sur ces organes, par exemple sur ceux du goût et de l’odorat; et en second lieu, qu’il y a ac- tion dans la passion, que l’agir existe dans le pâtir même : ce que j'ad- mettrai cependant sans le bien comprendre, pourvu que, de votre côté, vous admettiez la réciproque, qui doit être tout aussi vraie, ni plus ni moins ; et je l’'admettrai surtout si cela signifie seulement que le pätir et l’agir existent au même instant, ou simultanément, dans le même corps. Il est bien certain d’ailleurs, que l’un des deux corps ne saurait être mo- difié, ou pâtir, avant que l’autre agisse sur lui, et j’accorde sans difficulté, qu'au moment même où celui-ci agit, le premier pâtit (ce qui est réci- proque); car un effet existe toujours simultanément avec sa cause immé- diate. Mais il n’en est pas moins vrai que la modification de chacun d’eux n’est due qu’à l’action de l’autre, et non à sa propre réaction. XIV. Dans la sensation même il s’opère, selon moi, quelque chose d’entièrement analogue : l'esprit est excité, je ne sais comment , il est vrai; mais c’est un fait, qu'à la suite d’un certain jeu de l'organisme, l'esprit est excité, affecté. Pour qu’il éprouve une affection de ce genre, il ne suffit pas qu’il soit substantiellement, il faut encore qu’il soit vivant, c’est-à-dire capable d’être affecté. Qu'est-ce maintenant que cette capacité, si ce n’est une certaine aptitude de réaction, une certaine force de résistance qui rend l'esprit accessible aux impressions organiques? Sans cet acte de sa part, acte qui concourt avec Pimpression à la formation même de la sensation, acte qui n’est pas plus consécutif à l'impression que l’action ne l’est à la réaction ; sans cet acte, dis-je, comment l’âme pourrait-elle être atteinte ? quelle prise donnerait-elle sur elle-même? aurait-elle pour ainsi dire une sphère d'existence? formerait-elle comme un foyer de force vivante, expan- sif et attractif tout à la fois? Il y a là plus que des figures, ce me semble; ce sont des analogies très-vraisemblables. Réponse. — C'est un fait, dites-vous, qu’à la suite d’un certain jeu de l'organisme, l'esprit est excité, est affecté. Sans aucun doute; mais en tant qu'il est affecté, ou qu'il sent, il est passif : seulement, comme, par suite >2 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE d’une excitation de la part de l’objet extérieur, ou plus directement, de l'organisme, il devient attentif, s’il ne l'était déjà, on peut dire qu’il agit en même temps qu’il pâtit. Mais l’action, ou du moins cette action, n'est point la cause efficiente, ou productrice, de la passion, de la sen- sation. Il est vrai aussi que, pour être affecté, il faut qu’il soit capable, ou susceptible de l'être. Or c’est cette capacité que j'appelle sensibilité; tandis que vous la faites consister dans une certaine aptitude de réaction, dans une certaine force de résistance, sans laquelle vous soutenez que l'âme ne pourrait ni être atteinte, ni donner prise sur elle-même, comparant ainsi, sans raison, l’âme à un corps matériel choqué par un autre, et sans donner d’autre preuve de cette réaction ou de cette résistance, que cette comparaison même. Ce qui paraît d'autant plus extraordinaire que vous semblez ne pas vouloir admettre que l'esprit et le corps puissent agir et réagir l’un sur l’autre. Dans tous les cas, ce que vous nommez force de résistance ne pourrait être, comme la sensibilité, ou ce que j'appelle ainsi, qu’une condition sans laquelle la cause efficiente serait inefficace; en sorte que l'effet dépen- drait, à la vérité, de cette condition, ou de cette cause conditionnelle, tout aussi bien que de la cause proprement dite, de la cause effciente : mais elle ne ferait pas pour cela partie de cette dernière cause, et surtout ne la constituerait pas à elle toute seule; en un mot, ce ne serait pas cette réaction, ou cette résistance de l’âme qui produirait la sensation. Quant à l'attention, seul acte que l’âme exerce, selon moi, dans cette circonstance; comme elle rend l’âme plus capable de sentir, d’être affectée, plus accessible à l’action de l’objet extérieur , ou de l'organisme, on peut la considérer, en effet, comme faisant partie de la cause conditionnelle de la sensation, mais point du tout de sa cause productrice. Au surplus, dans tout ce que vous dites ici, je ne retrouve pas précisé- ment cet acte fatal qui , à l’occasion de l’objet matériel, ou plus directement, du jeu de l'organisme, produit seul la sensation, en est seul la cause eñi- ciente. Car telle est votre doctrine, telle est celle du moins que vous avez opposée à la mienne, et par laquelle vous avez prétendu la réfuter. ET LA FORMATION DES IDÉES. D9 L XV. Mais il nous faut, direz-vous, quelque chose de plus, à savoir l'impossibilité de concevoir la sensation sans la réaction simultanée de l’âme. — Si l’âme n’est pas un principe actif, j'avoue qu’elle n’est rien à mes yeux; si ce principe actif n’est pas constamment en action ou en ten- dance d’action, j'avoue que son essence dernière à moi concevable dispa- raît, et que, de vivante qu’elle est en agissant et en tendant à agir, elle meurt en perdant cette énergie. Toute àme vivante, toute âme véritable, par conséquent, est donc une âme qui souffre ou jouit, qui connaît et qui veut, ou qui tend fatalement à faire tout cela : c’est l’aveugle, je crois l'avoir déjà dit, qui tâtonne pour se reconnaître, et qui peut faire de mauvaises rencontres comme il en peut faire de bonnes : seulement l’aveugle peut se détourner d’un obstacle qu’il vient de toucher, où il s’est même blessé ; tandis que l’âme , unie par une force supérieure à un organisme, ne peut s’en éloigner s’il vient à être blessé. Tout ce qu’elle peut faire, c’est d'essayer de donner un autre cours à son activité, de se distraire de ses douleurs, et de réparer instinctivement le dégât occasionné dans son organisme. Elle fait tout cela. Si elle était purement passive dans les conditions physiolo- giques de la souffrance, comment finirait-elle par s’arracher à sa douleur, ainsi qu’on l’a vu maintes fois? comment expliquer l’insensibilité dans l’ar- deur du combat? comment expliquer encore le travail réparateur dans les maladies , la vis medicatrix observée par les médecins ? Si tout cela est con- sécutif à un instant donné de souffrance, tout cela précède un autre instant douloureux ou le prévient. Réponse. — Que l'âme soit une substance active, c’est ce qu’il n’est pas possible de mettre en doute, puisqu'elle est douée de volonté proprement dite et d’attentivité. Mais on n’en peut pas conclure l'impossibilité de concevoir la sensation sans une réaction simultanée de l’âme, et bien moins encore la nécessité d'admettre une activité différente de la volonté (spontanée ou réfléchie), une activité fatale , et d'attribuer la sensation à cette activité comme à sa cause. Il se peut que l'âme, placée, comme elle l’est, sous l'influence d’une infinité de causes provocatrices, ne discontinue pas d’agir ou de réagir, 54 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE . ou même qu'elle agisse sans interruption en vertu de sa propre activité, du moins virtuellement, comme un corps grave tend constamment à se porter vers le centre de la terre en vertu de sa pesanteur: Mais qu'importe, si elle ne peut agir d’une manière déterminée, ou produire tel ou tel effet, qu’autant qu’elle est excitée d’une certaine façen et de telle sorte qu'elle peut seulement alors, et doit alors nécessairement ou fatalement agir ainsi? Car son action même, dans ce cas, ne sera-t-elle pas une modification qu’elle subira bon gré mal gré? son activité ne sera-t-elle pas elle-même soumise à tout ce qui pourra la modifier? en un mot, ne sera-t-elle pas, en quelque sorte, passive, en tant qu'elle agira de cette manière, c’est-à-dire fatalement, et sous l'influence inévitable, invincible d’une in- finité de causes, que nous les appelions eficientes ou occasionnelles , peu importe? L'âme n’est pas purement passive dans la souffrance, il s’en faut beau- coup : la souffrance elle-même est très-propre à exciter son activité. Mais de quelque manière et par quelque cause que l’âme agisse dans cette cir- constance, je dis que ce n’est ni une action, fatale ou autre , ni une réac- tion de la part de l'âme, qui produit cette souffrance ; ou tout au moins, qu’il n’est pas nécessaire d'admettre et qu’on ne saurait prouver qu’il en est ainsi. Outre cela, pendant que la sensibilité est affectée, ou modifiée, de cette manière, l’entendement peut l'être, d’une manière toute différente et qui lui est propre, par la souffrance elle-même : celle-ci pourra lui sug- gérer des idées qui réveilleront l’attention, qui détermineront la volonté à lutter contre la douleur ou à lui tourner le dos. Enfin, la sensibilité physique peut être dominée ou entièrement effacée par la sensibilité mo- rale, qui elle-même est un aiguillon très-puissant, et très-propre à mettre en jeu l’activité, à provoquer l'attention, ou la volonté intellectuelle, laquelle à son tour peut indirectement ou augmenter, ou diminuer la dou- leur, physique ou morale : dans le premier cas, en se portant sur cette douleur ou sur son objet; dans le deuxième, en se détournant de cet objet pour se porter sur un autre, Nous ne sommes donc pas dans l'alternative ou de nier absolument ET LA FORMATION DES IDÉES. BE) l’activité de l’âme, ou de convenir qu’elle produit elle-même toutes les modifications, actives ou passives, qu’elle subit. XVI. Sans vouloir attacher à ces faits plus d'importance qu'ils n’en ont, je dirai, en les mettant complétement à part, que l’âme étant essen- tiellement active, et cette activité essentielle n'étant pas plus du domaine de la volonté que l'existence même, cette activité première , radicale, con- stitutive, est donc sans cesse et fatalement en jeu dans tout ce qui s’opère dans l’âme. Elle a ses lois, suivant lesquelles elle agit dans toutes les cir- constances où elle peut se trouver, et ces lois sont aussi essentielles , aussi fatales, c’est-à-dire aussi en dehors de la volonté, qu’elle-même. L'acte volontaire n’est qu'un acte consécutif, et pour ainsi dire à la surface de l'âme. C’est le moindre côté de l'activité totale de l’âme, quoique ce soit le plus important dans le sens moral. On ne tient guère compte de lacti- vité fatale, par la raison d’abord qu’elle est fatale, et surtout parce qu’elle est en dehors de la conscience; ses effets sont seuls perçus. Le moi, si l’on veut, est passif alors, quoique l’âme soit active. Distinction très-impor- tante et qu’on ne fait pas assez. Réponse. — Vous avez sans doute raison de croire que si l’on ne tient point compte de l’activité fatale, c’est d’abord parce qu’elle est fatale, et surtout parce qu'elle est en dehors de la conscience. Mais, par cela même qu'on n’a point conscience de l'acte fatal, n’a-t-on pas aussi raison de ne pas y croire, ce fait hypothétique n'étant pas d’ailleurs autrement prouvé? Vous dites que ses effets seuls sont perçus; mais les effets dont il s’agit, et en premier lieu, sans doute, la sensation, ne peuvent être attribués à une action fatale de l’âme, ne peuvent être considérés comme effets d’une telle cause, que par une pétition de principe. XVII. Arrivons maintenant, mon cher et très-honoré contradicteur, à une comparaison par laquelle vous voulez prouver qu’il n’y a pas plus de raison d'admettre l'intervention de l’activité de lâme dans la sensa- 56 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE tion de chaleur par exemple, qu’il n’y en a d’admettre une action analo- gue dans le phénomène de la fusion d’un morceau de graisse ou de cire sous l'influence du feu. J’accorde bien que « l’âme ne pourrait pas sans la cause occasion- nelle du feu se donner la sensation de chaleur. J’accorde encore qu’elle produit nécessairement cette sensation dans cette circonstance, qu’elle ne saurait en produire une autre, que son action est ainsi marquée d’un double caractère de fatalité. J’accorde enfin que le résultat est le même dans les deux manières de voir; » mais je ne crois pas qu'il soit expliqué d’une manière aussi satisfaisante dans un cas que dans l'autre. Vous prétendez que « le phénomène de l'âme, tout comme le phéno- mène physique dont il s’agit, est subordonné à une propriété passive, préexistante au phénomène, dont je ne tiendrais aucun vonape: et que vous appelez sa cause conditionnelle. » Je ferai à cela plusieurs observations : 1° Le mot passif indique un rôle négatif dans l’action qui part d’un sujet pour aboutir à un autre; 2° Ce rôle négatif, ou cette négation de rôle, ne semble par consé- quent pas mériter l’épithète de cause, à quelque titre que ce puisse être, même celui de cause conditionnelle. Une cause passive est une cause qui ne cause pas, une contradiction; 5° Suivant ma manière de voir, il n’y a pas ainsi de cause qui ne soit pas cause; il y a deux causes concurrentes, comme vous en admettez deux vous-même, mais avec ces deux différences capitales, que mes deux causes sont réellement deux causes, et que de ces deux causes, celle qui produit immédiatement le phénomène, la cause efjiciente par excellence, est celle qui tient à l’âme, l’autre n'étant que l’occasion qui excite (je ne sais comment) la première à agir. Suivant vous, au contraire, votre cause conditionnelle ou animique, n’est d’abord point active, n’est point cause; de plus votre cause effciente, celle du dehors, qui ne fait, pour ainsi dire, selon moi, que donner le branle à l'âme, produit, au contraire, le phénomène, selon vous. ET LA FORMATION DES IDÉES. 57 Réponse. — Nous ne pourrions décider, ni vous ni moi, laquelle des deux est la plus satisfaisante, ou votre manière d’expliquer le phénomène de la sensation ou la mienne; ce n’est là qu’une affaire d'opinion : la vôtre est infiniment plus satisfaisante pour vous ; la mienne est seule satis- faisante, selon moi. Mais il s’agit de savoir qui de vous ou de moi a le mieux soutenu sa thèse. Pour moi, faute de données plus certaines et de faits plus directs, m’ap- puyant simplement sur l’analogie, voici comment j'ai raisonné : 1° Puis- que le feu (ou plutôt l’action du feu), par exemple, fond la cire, en- flamme le bois, fait rougir le fer, pourquoi ne produirait-il pas aussi un effet quelconque sur moi, c’est-à-dire sur mon âme, laquelle est bien plus impressionnable que toutes ces substances matérielles? pourquoi n’attri- buerais-je pas à l’action du feu la sensation que j'éprouve quand j'en suis proche, comme je lui attribue la fusion de la cire, l’inflammation du bois, lincandescence du fer? Et 2° puisque cette même cause efficiente, puis- que le même feu produit des effets si différents dans ces diverses substan- ces, il faut bien qu’il y ait en elles quelque chose qui soit cause de ces différences : puisque la cire fond, sans doute, parce qu’elle est fusible; que le fer rougit, parce qu’il est infusible (ou moins fusible) et dur; que le bois s’échauffe et s’enflamme, parce qu’il est dur et combustible : il faut donc aussi qu’il existe en moi une propriété en vertu de laquelle j'éprouve cette sensation de chaleur que le feu produit en moi; et cette propriété, je l'appelle sensibilité. Or, évidemment, les propriétés des corps dont nous venons de parler, sont des conditions sans lesquelles la cause efficiente, où l’action du feu, ne produirait point de tels effets : et ainsi, à ütre même de conditions, ces propriétés contribuent aux effets produits, je veux dire à la nature de ces effets, tout aussi bien que la cause efficiente, que la cause proprement dite ; et c’est pourquoi je leur donne le nom de causes conditionnelles. Jugeant par analogie, je dis donc que la sensibilité est la cause conditionnelle de la sensation, comme la fusibilité, par exemple , est celle de la fusion. Voyons maintenant comment, à votre tour, vous procédez, pour établir une doctrine si différente de la mienne. | Tome XXHI. 8 D8 - SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE Ce que j'appelle cause efficiente de la sensation, vous l’appelez cause occasionnelle, parce que c’est à son occasion, dites-vous, que la sensation a lieu : elle n’en est pas moins une cause efficiente, comme vous paraissez en convenir ici; mais au lieu de produire directement la sensation, en exci- tant la sensibilité, elle ne fait, selon vous, que causer une certaine agita- tion dans l’âme, qu’elle provoque à agir en vertu de son activité propre, en vertu d’une activité fatale que vous lui attribuez, et c’est l’action fatale qui produit immédiatement la sensation. Cette action est bien encore une cause efficiente, comme vous le dites : reste à savoir si elle est bien réelle, si elle n’est pas de pure invention, comme je crois qu’elle l’est en effet. Car ou l'objet extérieur peut agir sur lâme pour la modifier, ou il ne le peut pas : s’il le peut, pourquoi ne produirait-il pas directement la sensation, en mettant en jeu la sensibilité, en la forçant de se manifester sous telle ou telle modification, ou forme phénoménale? s’il ne le peut pas , comment pourra-t-il exciter l’âme à agir, et à agir de telle façon plutôt que de toute autre? Vous pensez, avec raison, qu’un corps ne peut être mis en mouvement par un autre corps qui le choque, que parce qu’il lui résiste. En effet, un corps ne peut agir sur un autre par son impénétrabilité (quelle que soit la manière dont on envisage et explique cette propriété fondamentale), qu'autant qu'ils sont réciproquement impénétrables, ou résistants. Il suit de là que le corps choqué, je veux dire le corps immobile, réagit sur le corps mobile, tout en subissant l'effet de son action, et qu'ainsi l’action est réciproque. La même chose arriverait si les corps, au lieu d’agir au contact et par leur impénétrabilité, agissaient à distance en vertu d’une force attractive; c’est-à-dire que le corps attiré, quoiqu'il ne résistàt point dans ce cas, réagirait sur l’autre corps, qu'il attirerait à son tour, de sorte que leur action serait encore ici réciproque, par la raison toute simple que les deux corps sont des substances de la même nature, et qu’ils se trouvent dans des circonstances semblables ou tout à fait analogues, l'un par rapport à l’autre. Mais lorsqu'une substance matérielle agit sur une substance immatérielle, ce qu’elle ne peut faire ni par son impéné- trabilité, ni par sa force attractive, il n’y a aucune raison, ce semble, ET LA FORMATION DES IDÉES. d9 pour supposer qu’il y ait ici résistance, et réaction fondée sur cette résis- tance. Or vous soutenez, sans autre preuve, qu’il se passe, dans l'organisme d'abord, et puis dans l'âme, quelque chose d’analogue à ce qui se passe dans un corps mis en mouvement par le choc ou l'impulsion d’un autre corps; sans quoi, dites-vous, l'âme ne donnerait aucune prise sur elle ; de façon qu’il y aurait dans l’âme une sorte de résistance, en vertu de laquelle elle réagirait sur l'organisme. Et comme la résistance (non la réaction) du corps immobile est une condition pour qu’il puisse être mû, vous pensez que la réaction (non la résistance) de l’âme est une condition sans laquelle elle ne saurait être affectée par la sensation. Eh bien, quand cela serait, quel rapport peut-il y avoir entre la réaction de l'âme sur l'organisme, réaction que j'admets sans peine, et l’action fatale de l’âme sur elle-même? comment celle-ci pourrait-elle ou consister dans cette réaction, ou en être une conséquence? Il m’est impossible de l’apercevoir. De toute manière, j'ai dit et je répète que vous pourriez tout aussi bien, et vous devriez, pour être conséquent, appliquer cette théorie à toutes les substances matérielles. Car, évidemment, si vous admettez une sorte de résistance et de réaction dans l’âme, parce qu’il y a résistance et réaction de la part du corps immobile dans le choc des masses, qui est le plus grossier et le plus matériel de tous les phénomènes connus, à plus forte raison devrez-vous dire la même chose de tous les corps en tant qu’ils sont soumis, par exemple à l’action de la chaleur. Et ainsi, suivant votre manière de conclure, en faisant de la réaction une cause efficiente réfléchie ou le principe d’une pareille cause, et soutenant que par cette réaction, ou par une action sur elle-même qui en serait la conséquence, ‘âme produit ses propres modifications ; vous devrez dire aussi que, réa- gissant sur le feu, la cire produit elle-même sa fusion; le bois, sa com- bustion; le fer, son incandescence : et le tout à l’occasion d’un brasier, plus ou moins ardent, plus ou moins rapproché. Il s’ensuivra pareillement, qu'un corps immobile se mettra de lui-même en mouvement, à l'occasion du mouvement d’un autre corps qui le choque, par la raison qu’il réagit sur celui-ci en vertu de sa propre résistance. 60 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE XVIII Vous dites que la sensibilité joue, à votre sens, le même jeu que mon activité interne ; que la cause externe excite l’une comme l'autre, et qu’ainsi nous pourrions bien ne différer que sur les mots. Distinguons d’abord la passivité de la sensibilité. Tout ce qui est passif n’est pas sensible, quoique tout ce qui est sensible soit passif. Tout à l'heure, il ne s'agissait que de passivité et non de sensibilité : j'ai pu dire avec raison que votre cause conditionnelle ou passive n’en est pas une, que par cela seul qu’elle tient à l'âme, qu’elle lui est immédiate, qu'elle lui est interne, qu’elle a, comme la sensation elle-même, un carac- tère animique et non mécanique, elle devrait, si elle était véritablement cause, s'appeler cause efficiente, ou productrice du phénomène; que la cause externe, que vous appelez cause efficiente du phénomène, n’en pro- duit réellement que l’occasion, c’est-à-dire un certain mouvement, ou changement dans l'organisme, mouvement qui, comme tous les mouve- ments possibles, n’est absolument rien de plus qu’un déplacement de par- es corporelles dans l’espace. Là se termine évidemment l'effet propre de la cause que vous appelez efficiente; et cependant la sensation n’est pas encore commencée : il faut donc ou qu’elle soit un effet sans cause, ou qu'une autre cause la produise. Or cette cause ne peut être qu'interne, animique, et en même temps active. Si vous l’appelez sensibilité , la sensi- bilité est donc active. Mais on la considère plus généralement comme pas- sive. Si c’est ainsi que vous l’envisagez vous-même, et il le paraît bien, il vous faut donc l'intervention d’une cause interne véritable pour produire le phénomène de Ja sensation. Je le répète, la sensibilité ne produit rien ; elle est affective plutôt qu’ac- tive. C’est la capacité d’être affecté. Sans doute, il faut qu’une semblable propriété se rencontre dans un être pour qu'il soit sensible, mais ce n’est pas cette unique aptitude interne qui produit le phénomène, puisqu'il n’y a rien là d’actif et qui puisse être cause. Voilà pourquoi je n’en parle point dans la production de la sensation. Réponse. — Je sais fort bien que ce qu’on appelait autrefois cause ma- térielle, et ce que j'ai cru devoir ou pouvoir nommer cause conditionnelle, ET LA FORMATION DES IDÉES. 61 n'est pas une cause proprement dite, n’est pas une cause efficiente, ou productrice : mais je ne lai point donnée pour telle, et par conséquent, je ne devais pas et j'ai eu raison de ne pas la nommer ainsi : je me suis toujours si clairement exprimé à ce sujet, que nul, je pense, n’est fondé à me reprendre sur cette nouvelle dénomination, que j'étais parfaitement libre d'adopter, et sur ce que, en conséquence, j'ai appelé la sensibilité cause conditionnelle de la sensation, dont elle n’est certainement pas la cause efficiente, comme vous prenez la peine inutile de le démontrer : d'autant plus que j'ai moi-même fait voir qu'aucune propriété ou faculté, comme telle, c’est-à-dire avant qu’elle ait elle-même passé de la puissance à l'acte sous l'influence d’une cause, ne saurait rien produire, ne saurait être cause efficiente de rien : et c'est ce qui me fait nier que, en ce sens, il puisse y avoir dans l’âme une faculté productrice d’idées. Ainsi la sensibilité ne produit pas plus la sensation ou le sentiment, que la volonté, la volition; la mobilité, le mouvement : et c’est par là que tombent l’activité et la liberté absolues. Maintenant , parce que la sensibilité est toujours, au fond, de la même nature, et qu'il en est de même de votre activité fatale, tandis que les sensations peuvent varier à l'infini; nous sommes bien forcés de placer la raison de ces différences, ou de cette variété, en dehors ou de la sensi- bilité ou de l’activité fatale (quoique l'acte fatal, s’il existe, soit une cause efficiente), et de la chercher, tous deux, dans le jeu de l'organisme. Voilà ce que votre doctrine et la mienne ont de commun. Je n’ai jamais prétendu que l’objet produisit directement la sensation, sans l'intermédiaire des organes, et je n’ignore pas que son action imimé- diate s’arrète à l'organisme. Mais de deux choses l’une : ou l'organisme, à son tour, agit immédiatement sur l’âme, en vertu de l'impression reçue, et conformément à cette impression, auquel cas rien n'empêche que celle-ci ne soit la cause efficiente de la sensation, si bien que l’action fa- tale que vous placez entre les deux devient inutile, outre que les raisons que vous alléguez pour l'admettre tombent d’elles-mêmes ; ou l’organisme n'agit point sur l’âme, et son action ne dépasse pas, si je puis m’exprimer ainsi, les limites matérielles du cerveau; et alors elle n’est pas plus l’oc- 62 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE casion, ou la cause occasionnelle de la sensation, qu’elle n’en est la cause efficiente; votre cause occasionnelle, ou plutôt l’objet extérieur qui, dites- vous, la produit, est, pour làme, comme s’il n’était pas; et de toute ma- nière, la variété des sensations demeure inexplicable. Vous voulez que ce qui constitue pour moi la cause efficiente de la sensation ne fasse, pour ainsi dire, que donner le branle à l’âme. Je le veux tout comme vous : mais, parce que cette cause ne peut ébranler l'âme sans agir sur elle et sans la modifier d’une ou d'autre façon, c’est dans cet ébranlement, ou plutôt dans cette modification elle-même, la- quelle varie comme sa cause, que je fais consister directement la sen- sation. Tout s'explique ainsi, autant du moins qu’il est possible, d’une manière simple, satisfaisante, et conforme à l'expérience, à l’analogie et au raisonnement. XIX. Ce qui nous abuse ici, c’est que nous comparons l’âme à la cire molle qui reçoit l'empreinte du cachet, et la sensation à cette empreinte même. Mais d’abord, s’il n’y avait pas une certaine force de résistance et de cohésion dans la cire, celle-ci ne prendrait pas l'empreinte et surtout ne la garderait pas. Ensuite, la comparaison pèche : 1° en ce qu’il s’agit, d’un côté, d’une substance inanimée, inerte, et de l’autre, d’une substance animée et active; 2° en ce que la cire est un corps; l'empreinte, la limite figurée ou accidentée de ce corps; tandis que l’âme est esprit sans doute, et la sensation un mode de cet esprit qui n’est ni à sa surface ni dans sa profondeur, inconcevable qu’il est dans l’espace. C’est un état du moi, une détermination de la conscience, son existence du moment. Les états de l’âme n’ont donc rien de commun avec la distribution d’un système de points, limites d’un corps dans l’espace. Qu'est-ce donc que la sensation ? Rien de semblable à la forme des corps, mais un état aussi indivisible (quant à l'étendue) que le principe qui la revêt. En résumé, c’est une affection résultant d’un acte fatal, acte qui s’accomplit à la suite de l’im- pression et du mouvement organique. Il faut une cause, et une cause immédiate à cet effet; cette cause ne peut résider que dans âme, à moins ET LA FORMATION DES IDÉES. 63 qu’on ne veuille faire revivre le système de l'intervention divine. Encore faudrait-il que l’âme fût active pour subir l’action de Dieu. En d’autres termes, la sensation est le résultat de deux causes : d’une cause occasionnelle externe et d’une cause efficiente interne. Ce résultat n’a pas besoin, pour être obtenu, d’une substance passive qui le subisse, comme la cire subit la forme du cachet appliqué sur le papier. Réponse. — Je crois qu’on peut très-bien et sans inconvénient, com- parer l’âme à la cire qui reçoit l'empreinte du cachet; la sensation , à cette empreinte; et même la cause efficiente de la sensation, je veux dire l’ac- tion des objets extérieurs sur l'âme, à celle du cachet sur la cire ; pourvu qu’on ne pousse pas plus loin la comparaison ou l’analogie, mais surtout que l’on n’en confonde pas les termes , et qu’on ne fasse pas d’une simple comparaison une explication : comme il me semble que vous le faites, en supposant que l’âme résiste, parce que la cire, ou plus généralement, parce que les corps résistent; ce qui reviendrait à dire que l’âme est ma- térielle parce que la cire est matérielle. En effet, la matière en elle-même et dépouillée de tous ses accidents, est quelque chose qui nous résiste; on n’en saurait donner une idée plus exacte. Cette résistance, il est vrai, dérive d’une propriété plus fondamentale, qui, pour les uns est l’impéné- trabilité, et pour quelques autres, je ne sais quelle force de répulsion, force qui constituerait elle-même la matière : mais toujours est-il que la résistance suppose l’une ou l’autre de ces propriétés essentielles et fonda- mentales des corps, et qu’en résultat, la résistance et la matière ne sont pour nous qu’une même chose; en sorte que, si vous aviez pu prouver d’une manière ou d’une autre, sans avoir recours à des comparaisons , qui ne prouvent jamais rien, que l’âme résiste , comme un corps choqué par un autre résiste, ainsi que vous le dites, vous auriez, par là , très-bien démontré que l’âme est matérielle, et je ne vous en demanderais pas d'autre preuve. Mais, par cela seul qu’elle est immatérielle, je n’admets pas cette résistance dans l'âme. De même, parce que la cire, pour recevoir et conserver l'empreinte du cachet, doit avoir un certain degré de consistance, fondée sur la force 64 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE de cohésion, je ne dirai pas pour cela, que l’âme doit avoir de la consis- tance aussi pour recevoir et conserver l'impression des objets extérieurs : bien loin de là, je soutiendrai précisément le contraire, par la seule raison que l'âme, étant immatérielle , ne peut avoir aucune des propriétés de la matière. Mais cela n’empêchera pas notre comparaison d’être juste : car, quoi- qu’il n’y ait rien de commun entre l'âme et un morceau de cire, ni entre la sensation de l’àme et l'empreinte du cachet sur la cire, il n’en est pas moins vrai : 1° que l’âme est une substance comme la cire en est une (et là s'arrête, sur ce point, ma comparaison, qui ne porte ainsi que sur une généralité); 2 que la sensation est une modification de l’âme, comme la figure que reçoit un morceau de cire est une modification dans la cire; 5° que la sensation suppose dans l'âme une propriété passive, qui est la sensibilité, comme l'empreinte du cachet, ou mieux, le change- ment de forme dans la cire, suppose en elle un certain degré de mollesse, ou telle autre manière d’être, ou propriété passive de la matière; et 4° que la cause efficiente de la sensation consiste probablement dans l’action de l'objet extérieur, ou plus directement , de l’organisme sur l’âme, comme la cause efficiente de la forme que reçoit un morceau de cire, consiste dans l'action d’un autre corps. Vous niez, à la vérité, que l'organisme, ou plus généralement, que les corps puissent agir sur l’âme, ou du moins puissent être directement causes efficientes de ses sensations. À la bonne heure; mais prouvez-le. Prouvez, d’une part, que l’âme est immatérielle, et de l’autre, que ce qui est corporel ne saurait agir sur ce qui est immatériel, ne saurait y produire du moins aucun phénomène. Alors, très-certainement, pour me rendre compte de ce qui se passe en moi, pour m'expliquer les sensations et autres phénomènes de l’âme, je ferai intervenir la divinité, j'aurai re- cours à Dieu et aux miracles, plutôt qu’à votre activité fatale; car je sais du moins ce que c’est que Dieu, et je sais qu’il peut tout; tandis qu'il me semble que cette activité fatale ne peut rien, et n’est rien, qu'un mot vide de sens, une abstraction sans réalité, un pouvoir d’agir considéré indépendamment des propriétés réelles en vertu desquelles la substance ET LA FORMATION DES IDÉES. 65 agit. Vous dites que, même dans le cas de l’intervention divine, il fau- drait encore que l’âme fût active pour subir Yaction de Dieu. Personne ce- pendant ne niera qu’un corps ne puisse subir passivement l’action de Dieu, ou même celle d'un autre corps, c’est-à-dire sans avoir besoin d’agir lui- même (et surtout d'agir sur lui-même), ou du moins, sans que son ac- tion ou sa réaction (et que serait-ce que sa réaction dans le premier cas?) soit la cause de son changement : comment donc prouverez-vous qu’il n’en serait pas, dans ce tas, de l’âme comme du corps? Oui la sensation est le résultat de deux causes : non d’une cause occa- sionnelle externe et d’une cause efficiente interne, que je crois aussi chi- mériques et aussi impossibles l’une que l’autre; mais d’une cause condi- tionnelle interne (la sensibilité) qui, à la vérité, n’est pas et ne peut pas ètre une cause proprement dite, car il y aurait deux causes productrices d'un même phénomène, simple de sa nature, ce qui paraît absurde; et d’une cause efficiente externe (l’action des objets matériels ou de l'orga- nisme). Cela n'empêche pas, encore une fois, que l’âme ne soit active, puisque c’est à l’aide de l'attention qu’elle a conscience de ce qui se passe en elle, et puisqu'elle réfléchit ou peut réfléchir sur ses sensations et ses idées, qu’elle ait ou non conscience de ces actes eux-mêmes. J'accorderai de plus, si l’on veut, que cette activité, avec ou sans conscience, avec ou sans délibération , fait nécessairement partie de la cause conditionnelle de la sensation, et à plus forte raison, de l’idée. Mais une âme se donnant elle-même, bon gré mal gré, en vertu de je ne sais quelle activité sans nom, la sensation de plaisir ou de peine; une âme agissant fatalement de telle ou telle façon déterminée, quoique par elle-même, à la suite d’un mouvement dans l'organisme, sans que ce mouvement soit cause efficiente d'aucune de ses modifications actives ou passives, est une chose absolu- ment imintelligible, et que nul ne saurait ni prouver ni éclaircir. Aussi, en disant, pour vous résumer, que la sensation n’est qu’une affection ré- sultant d’un acte fatal, vous ne faites toujours, ce me semble, que sup- poser ce qui est en question. XX. La sensibilité n’est pas autre chose au fond que la possibilité in- Towe XXII. 9 66 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE trinsèque du résultat en question. Elle n’est ni une puissance active ni une puissance réactive; elle n’est rien en soi; elle n’est pas même: un état, mais seulement la possibilité intrinsèque d’un état. Elle serait comme la possibilité de l'effet résultant du concours de deux causes, si l’on pouvait admettre ici la simultanéité d'action de ces deux causes, comme il arrive dans le choc des corps ou dans le mouvement composé. La sensibilité ne doit pas plus figurer au rang des çauses (efficiente ou occasionnelle) du phénomène de la sensation, que la tangibilité, ou la qualité d’être curui- ligne, ne figurent parmi les causes du choc ou de la description d’une courbe par un mobile animé de deux forces. Réponse. — Que la sensibilité ne soit ni une puissance active, ni même une puissance réactive, à la bonne heure : en tout cas, elle ne doit, sans doute, figurer ni parmi les causes efficientes, ni, en conséquence, parmi les causes occasionnelles, qui ne peuvent être elles-mêmes que des causes effi- cientes, si elles ne sont pas chimériques. Mais soutenir que la sensibilité n'est qu’une simple possibilité, qui n’est elle-même rien de réel, c’est, franchement, ce qui me paraît absurde. La possibilité d’une chose suppose un fait quelconque qui rend la chose possible. Or la sensation n'est pos- sible que parce que l’âme, avant tout, est douée de sensibilité, d'autant plus que la sensation n’est que la sensibilité en tant qu’elle se manifeste actuellement par une cause. Les vibrations d’une cloche ne sont possibles, sous le choc du marteau, qui en est la cause efficiente, que parce que la cloche jouit de certaines propriétés, telles que la dureté jointe à l’élasticité, en un mot, parce qu’elle a telle ou telle constitution particulière, qu’il serait bien étrange de regarder comme n'étant rien de réel. Toute autre explication de la possibilité, du moins de ce que j'appelle la possibilité in- terne, ne serait, à mes yeux, qu'une misérable chicane, très-peu digne d’un philosophe. Après cela, je conviendrai qu’une possibilité externe résul- tant de l’absence de tout obstacle, ne serait, en effet, rien de réel. Mais la sensibilité peut-elle être envisagée comme telle? Je vous en fais juge. XXI. Vous pensez que la distinction entre les idées à priori et les idées ET LA FORMATION DES IDÉES. 67 sensibles est chimérique (p. 37), et vous déduisez cette proposition du fait que les idées à priori ont elles-mêmes besoin d’une circonstance physique ou sensible pour se manifester. — Je crains que la conséquence n’outre- passe les prémisses : il peut très-bien arriver que l’âme ne puisse fonc- tionner de manière à produire ces sortes d'idées, qu’autant qu’elle y est provoquée par des intuitions externes ou internes. Préjuger que la cause efficiente et la cause occasionnelle sont tout un ici, ou plutôt qu'il n’y a qu’une seule cause, celle que vous appelez efficiente, c’est décider la ques- tion par la question. | Mais ce n’est pas procéder ainsi que de dire : les idées sensibles , intui- tives ont un objet sensible , un phénomène externe ou interne : si c’est un phénomène externe par exemple, un des cinq sens donne la matière de Pidée. De plus, l’objet des idées sensibles ést conçu dans l’espace ou dans le temps. En troisième lieu, ces sortes d'idées n’ont rien de nécessaire dans leurs rapports entre elles, rien qui se sache sans le secours de lexpé- rience, comme on sait, par exemple, que 2 + 3 = 5, et cela nécessai- rement, sans vérification aucune. En quatrième lieu, ces sortes d’idées sont d’une généralité plus où moins complexe, qui varie quelquefois sui- vant les sujets, les uns y mettant plus, les autres moins. Enfin, l’acte de la généralisation est complexe, successif, pour les idées sensibles. Les idées rationnelles sont marquées des caractères opposés. D'où l’on conclut très-légitimement, ce me semble, que âme fonctionne différemment ici et là, ou que ces deux sortes d’idées ne sont pas dues à une seule et même faculté. Dussent-elles, ces idées, appartenir à la même faculté, on n’en pourrait pas conclure, bien loin de là, que Pâme n’est pas active en les produisant, les unes et les autres. Réponse. — Puisque les sensations et les idées en général supposent, comme causes conditionnelles, des propriétés diverses, à savoir, la sensi- bilité physique et l’entendement en général; s’il existe entre les idées elles- mêmes des différences de nature, des différences essentielles, ces idées sup- poseront certainement aussi des propriétés diverses , telles, par exemple, que limagination et la conception pure, ou Ja raison, mais toujours 68 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE comme causes conditionnelles, ou conditions nécessaires, et non comme causes productrices de ces idées. Car la raison est aux idées rationnelles, ce que la sensibilité est aux sensations : et si lâme reçoit, mais ne fait pas ses sensations en vertu de sa sensibilité; elle conçoit, mais ne crée pas ces idées en vertu de sa raison, ni d'aucune autre propriété ou faculté comme telles. I n’y a point de faculté productrice d'idées : ni imagination, ni la raison, ni la volonté, ni l’activité fatale (supposé qu’elle ne soit pas une chimère), à titre de facultés, ne sauraient être causes efficientes d’aucune idée. Les idées, de quelque nature qu’elles soient, ont toutes pour causes eflicientes ou des sensations, ou d’autres idées , qui sont des propriétés en acte, des phénomènes, produits eux- mêmes par d’autres causes. D'où il ne faudrait pas d’ailleurs conclure, que toute propriété en acte fût capable de produire une idée; car, par exemple, la volition ne saurait en produire aucune. Il faut que l’âme ait actuellement une sensation ou une idée pour produire une autre idée : elle ne peut agir, dans cet objet, que sous l’une ou l’autre de ces mo- difications; ce n’est que par elles, ou en vertu de ces mêmes modifi- cations, qu’elle agit, bon gré mal gré. Dans cette circonstance, et dans ce sens, on peut dire en effet que son action est fatale. Mais vous pré- tendez que cette action fatale, cause immédiate de l’idée produite , a elle- même sa cause efficiente , ou son point de départ, dans une faculté par- ticulière que vous appelez activité fatale, laquelle prendrait l'initiative, à l’occasion de tel ou tel fait; et voilà ce qui me paraît absolument inad- missible. Je ne pense pas que l’activité fatale soit une faculté réelle, sui generis; mais le füt-elle, à titre de faculté elle ne saurait rien produire, pas même l’action, qui en dérive ou qui la suppose. L'action n’est pas au- tre chose que l’activité elle-même mise en jeu par une autre cause et se manifestant sous cette forme phénoménale. C’est à cette cause elle-même, qui toujours est une sensation ou une idée acquise, que j'attribue, en dernière analyse , la production de l’idée actuelle. J'ai prouvé ailleurs ! que, s’il y a une différence de nature, il n’y en 1 Voyez, dans l'ouvrage intitulé : Des causes conditionnelles et productrices des idées, etce., les articles qui traitent de la substance, du temps, de l'infini, de la cause efficience, des idées innées, ET LA FORMATION DES IDÉES. 69 a aucune d’origine, entre les jugements à priori et à posteriori, entre les idées innées, ou ce que l’on nomme ainsi, et les idées acquises, ou re- connues pour telles. Du reste, quelque divergence qui se trouve entre votre opinion et la mienne, sur l’origine, ou la formation des idées, nous sommes, au fond, du même avis sur leur communauté d’origine; puis- que nous prétendons, vous, que l’âme produit par elle-même , ou en vertu de sa seule activité, et les unes et les autres, et moi, que, dans ce sens, ou de cette manière, elle ne produit ni les unes ni les autres, quoique les unes et les autres se forment également en elle, ou si l’on veut, qu’elle les produit, ou les engendre, mais qu’elle ne les crée pas (en vertu d’une activité absolue); qu’elle les produit à peu près, comme un corps mou tournant actuellement sur son axe, produirait en lui un changement de forme, si l’on ne veut pas dire que ce mouvement de rotation serait la cause efficiente de ce changement. XXII. Vous me demandez, mon cher contradicteur, quelle différence je mets entre l’activité fatale, l'activité spontanée et l’activité réfléchie; puis vous me faites remarquer que je n’admets, malgré ces dénominations diverses, qu'une seule activité ; enfin, vous m’opposez l'espèce de contradiction où je serais tombé en disant que l’attention est accompagnée de réflexion, et que la réflexion n’est elle-même que l'attention réfléchie. (V. pag. 49-50.) Il est permis ,en effet, de ne pas trop se reconnaître dans tout ceci. Je n’ai pas été assez explicite; peut-être même ai-je eu d’autres torts ; je vais essayer d’être plus clair. J'admets avec vous qu’il n’y a qu’une seule activité, en ce sens qu’agir, d’une façon ou d’une autre, c’est toujours produire un état, se donner au moins une modification interne. Voilà ce qu’il y a de commun à toute manière d'agir. Mais ce caractère fondamental ou essentiel de l’activité en exercice est rendu complexe par d’autres caractères accessoires, qui sont comme des espèces dans un genre : constatons-les. et particulièrement, le 3° $ de ce dernier article, où j'ai examiné la doctrine de Leibnitz sur ce sujet. Voyez aussi les pages 298 à 308, sur les jugements à priori. 70 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE Réponse. — Agir, soit avec réflexion, soit d’une manière spontanée, soit fatalement, c’est toujours, dites-vous, se donner une modification interne. Mais vous pensez que ces trois manières d'agir dépendent, sinon d’une même activité, du moins de trois sortes d'activités qui seraient comme des espèces dans un même genre. Cependant il me semble qu'entre Factivité fatale, si elle existe, et les deux autres, il y a une différence essentielle et fondamentale; tandis que l'activité réfléchie et Pactivité spontanée sont de la même nature au fond, et ne diffèrent que dans le degré de conscience et de réflexion qui aecom- pagne action, plus ou moins réfléchie, plus ou moins spontanée. Car toutes nos actions, sous ce point de vue, forment une chaîne dans laquelle on est conduit d’une extrémité à l’autre par une infinité de degrés inter- médiaires; de sorte qu’il serait impossible de dire où finit l’action dite spontanée et où commence celle que l’on nomme réfléchie; d'autant plus : 1° que nous n’agissons peut-être jamais entièrement à notre insu, ou sans avoir aucune conscience de ce que nous faisons; 2 que la réflexion elle- même peut être ou n'être pas accompagnée de conscience, si bien qu’il peut nous arriver de réfléchir plus ou moïns, en agissant ou avant d’agir, sans nous en douter, et qu’alors nous ne saurions dire positivement si nos actions sont réfléchies ou spontanées ; 3° enfin, que toutes nos actions sont peut-être également déterminées par des idées ou autres phénomènes de l’âme; soit que nous ayons de ceux-ci une conscience plus où moins nette, soit que nous n’en ayons aucunement conscience. Rien de tout cela ne se rapporte à l’acte fatal, qui s’exécute toujours, quoique par l’âme elle-même, à l'occasion de tel ou tel fait, sans qu’elle le sache, et sans qu'aucun autre fait, aucune idée, aucun motif, aucune raison , ni aucune volition, ou acte volontaire, puissent s’y opposer. Du reste, bien que je ne voie pas trop clairement en quoi consiste cette fa- culté de l’âme que vous nommez activité fatale, en tant qu’elle diffère de la volonté, réfléchie ou spontanée, je comprends fort bien qu'une action quelconque, pourvu qu’elle ne fût pas absolue, pourrait être fatale. Nous pourrions même, je pense, mettre en question si, en dernière analyse, toute action, corporelle ou intellectuelle, même la plus. libre en appa- ET LA FORMATION DES IDÉES. 71 rence, n’est pas, sinon fatale, du moins nécessaire. Mais c’est aussi ce que l’on pourrait contester, et ce que vous contesteriez, sans aucun doute; tandis que l’acte que vous donnez exclusivement comme fatal, l’est évi- demment par sa nature même. [Il est nécessaire, puisque l’âme, à la suite de tel mouvement dans l'organisme ou de telle idée dans l’âme elle-même, ne peut pas ne pas agir, et agir de telle ou telle façon déterminée; il est fatal , puisque la volonté n’y peut rien changer; que d’ailleurs l’âme n’a pas conscience de cet acte, et qu’elle w’en aperçoit en elle que le résultat, comme si elle n’y avait aucunement participé. Aussi l’âme paraît-elle ici pâtir plutôt qu'agir, être passive plutôt qu’active, être mue par une cause plutôt que se mouvoir d'elle-même. Ces deux mots acte fatal, si Von prend le premier dans un sens absolu, semblent, en effet, contradictoires l’un à l’autre, et répugner de se trouver ensemble. Comme cet acte fatal, qui s’imterpose entre les mouvements de Le ganisme et les sensations, paraît complétement inutile et infiniment peu vraisemblable, je ne pourrais l'admettre que sur des preuves très-rigou- reuses, et vous n'en donnez aucune qui me paraisse tant soit peu satis- faisante. Et tout cas, l’activité fatale, qui n’a rien de commun avec la volonté (spontanée ou réfléchie), ni avec aucune autre propriété en vertu de la- quelle l'âme püt agir dans telle ou telle circonstance donnée, ne semble donc pas une faculté particulière, se rattachant à une propriété plus gé- nérale, comme une espèce au genre auquel elle appartient. XXII. 1° N’est-il pas vrai d’abord que l'intelligence humaine n’a qu’un nombre déterminé de fonctions, qu’on appelle facultés? N’est-il pas vrai que nous ne pouvons ni en retrancher ni y ajouter? N’est-il pas vrai que ces fonctions s’accomplissent dans une certaine mesure, d’une certaine manière, qu'on appelle des lois? Ne peut-on pas dire la même chose de la sensibilité ou affectibilité? Nous voilà donc soumis à la fatalité, quant à la nature, quant au nombre, quant au mode d'action de nos facultés. Il ne dépend pas plus de nous d'échapper à ces lois, puisqu'elles font partie de notre nature humaine, que de soustraire notre corps à la loi de 72 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE la gravitation. I] n’y a pas jusqu’à la liberté même qui ne soit fatale, puisque nous voudrions vainement n’être pas libres. Réponse. — Oui, nos facultés sont fort restreintes et quant à leur nombre et quant à leur étendue, et il ne dépend pas de nous de les accroître ou de les diminuer. Sans doute aussi notre intelligence est sou- mise à des lois, et ces lois sont fatales, comme elles le sont toutes ; nous devons donc nous y conformer, leur obéir, bon gré mal gré. Mais de deux choses l’une : ou de là on ne peut rien inférer relativement à nos actes internes; où nous serons amenés à conclure , que toutes nos actions sont également fatales, ce qui ne se conciliera pas avec votre système d'idées. Et quand il serait démontré qu’il y a en nous des actions fatales, il ne s’ensuivrait pas encore qu’elles n’eussent point de cause en dehors de Fac- tivité, ou qu’elles fussent absolues ; tant s’en faut. XXIV. 2 N’est-il pas également vrai que nous faisons une foule de mouvements indélibérés, mais que nous pouvons suspendre et empêcher, si nous y pensons, et que cette pensée n’est pas impossible? Une impul- sion égoïste peut être réprimée par la honte, et une impulsion généreuse, par l'intérêt; les mouvements de la colère, tous ceux des autres passions, peuvent être refoulés. Eh bien, j'appelle spontanés ces actes, ces mouve- ments irréfléchis, indélibérés, involontaires. Réponse. — I] n’y a pas de doute que plusieurs de nos mouvements et de nos actes sont ou nous paraissent évidemment indélibérés, irréfléchis ; et je ne demande pas mieux que de les appeler, avec vous et avec d’autres, mouvements et actes spontanés, surtout lorsque nous n’en avons pas conscience : je dis seulement que les actes spontanés ne diffèrent pas au fond, ou en eux-mêmes, des actes réfléchis, c’est-à-dire accompagnés de réflexion. Je conviens encore avec vous, que nous pouvons suspendre ou empêcher les premiers (et les autres de même) si nous y pensons. Je vais plus loin, et, sans affirmer, je crois du moins, que nous pouvons ET LA FORMATION DES IDÉES. 15 les empêcher ou les suspendre (les uns et les autres) sans y penser; comme cela me paraît devoir arriver quand telle idée dont nous n'avons pas conscience (si alors on peut l’appeler ainsi) ou telle impression sen- sible, nous détermine, à notre insu, à faire tel mouvement, au lieu de tel autre que nous étions sur le point d'exécuter, machinalement ou après l'avoir résolu. XXV. 5° J'appelle volontaire tout acte précédé et accompagné d’une intention, que cette intention soit d'acquérir une idée ou de la réaliser d’une manière quelconque, par exemple l'attention donnée à dessein à une sensation, à une idée, à une action. Tout effort pour réprimer un mou- vement spontané est également volontaire. Dans cette lutte, il y a évi- demment deux forces en présence; l’une qui semble venir de notre na- ture, autre de notre moi; l’une involontaire, l’autre volontaire; l’une qui n’est pas de nous, l’autre qui est de nous. Preuve nouvelle en faveur de cette activité intime, essentielle et radicale, dont j'ai tant parlé déjà, et qui ne m'est pas trop contestée. Réponse. — Vous n’appelez volontaires (comme on le fait d’ailleurs assez généralement) que nos actes réfléchis, ceux qui sont précédés ou accom- pagnés d’une intention; et sans doute vous n’entendez par intention que celle dont nous avons conscience; car , à la rigueur, nous n’agissons, ou plutôt l'âme n’agit peut-être jamais sans une intention plus ou moins dé- terminée , plus ou moins vague, et dont quelquefois nous n'avons aucu- nement conscience. Ne reconnaissant aucune différence fondamentale et bien tranchée entre nos actes réfléchis et ceux qui paraissent involontaires (peut-être parce que les secrets mobiles qui les déterminent demeurent inaperçus) , je n’ad- mets pas non plus, comme de raison, la distinction que vous faites entre notre nature (c’est-à-dire la nature de l’âme) et notre moi. Je ne crois pas, d’un côté, que les actes involontaires, quoiqu’ils viennent de notre nature, ne soient pas de nous; je ne saurais admettre que quand j'agis spontanément ou que je sens, ce ne soit pas moi qui agis de cette ma- Toue XXII. 10 74 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE nière ou qui suis affecté par telle ou telle sensation, comme c’est moi qui, dans d’autres circonstances, agis volontairement, ou avec connais- sance de cause. Je ne comprends pas, d’un autre côté, comment il serait de ma nature de sentir et d’agir spontanément, et non d'agir avec ré- flexion, avec intention, ou volontairement. La vérité est que le même être qui pense en nous et qui sent, peut _être envisagé ou comme passif (comme mobile), ou comme actif. De là vient que le mot je, ou moi, a deux valeurs; comme dans ces phrases : je ne veux point songer à ce qui se passe en moi; on m'a contraint (on a contraint moi) d'aller à Paris malgré moi. En tant qu’il est actif, ce même être peut aussi être considéré tantôt comme agissant sans réflexion et sans avoir conscience de ses actes; tantôt sans réflexion mais avec conscience de ce qu’il fait; tantôt avec réflexion sans conscience , et tantôt avec con- science et réflexion : car il ne faut pas perdre de vue que la réflexion peut être elle-même ou n'être pas accompagnée de conscience. Maintenant, s’il vous convient de n’appeler volontaires que les actes réfléchis et conscients, je ne puis le trouver mauvais, et je ne m’oppose pas non plus à ce que, distinguant notre nature de notre moi, vous ne désigniez sous cette dernière dénomination, que la volonté définie comme elle vient de l’être. Mais je ne vois pas du tout comment il peut sortir de là une nouvelle preuve, qu’il existe en nous une activité sans conscience et sans réflexion, qui, n’étant pas l’activité spontanée, parce qu’elle est fatale, serait autre chose cependant que la mobilité (propriété passive), dont vous ne voulez pas absolument, je ne sais pourquoi. XXVI. Mais si ce mode d’agir est réel, s’il se trouve quelquefois en lutte avec le mode d’action volontaire, serait-il bien rationnel d’appeler ces deux modes d’agir d’un même nom, du nom générique de volonté? Ne convient-il pas, au contraire, d'admettre différentes dénominations pour indiquer des faits si divers? Quant à la manière dont je concilie l'unité de l’activité avec ces diffé- rents modes qui la déterminent, elle est fort simple. Il est manifeste que le sujet, ou le principe substantiel de tout acte en nous, est unique. C’est ET LA FORMATION DES IDÉES. 7 donc le principe individuel qui agit fatalement, spontanément et volon- tairement dans l’homme. L'activité est unique encore en ce sens, je l’ai déjà dit, qu’elle est, dans tous les cas, la cause de quelque effet. Quand elle se déploie fatalement, elle échappe à l'empire de la volonté, le moi ne peut rien alors contre elle. Quand elle est spontanée, nous avons déjà plus d’empire sur elle, mais cet empire n’est pas encore entier. Il n’est tel qu’autant que l'acte a besoin d’être en idée et d’être résolu, avant d’être exé- : cuté et pour être exécuté. C’est ce qui se remarque très-facilement dans les actes complexes qui sont destinés à réaliser des œuvres d’un peu longue haleine. Réponse. — L'acte réfléchi et l'acte spontané étant tout au plus deux es- pèces de phénomènes appartenant à un même genre, et ces dénominations particulières les distinguant suffisamment dans le langage, je les appelle du nom commun d'acte volontaire (ou de volition), quand je ne veux dé- signer que le genre. Je m'y crois d'autant mieux fondé, que l’acte réfléchi se trouve souvent en lutte avec lui-même, aussi bien qu'avec l’acte spon- tané; tout comme le sentiment se trouve en lutte avec le sentiment. Au surplus, puisque l’on donne le nom commun d'activité à deux modes d'action qui diffèrent plus ou moins, en réalité ou en apparence, pour- quoi ne leur donnerions-nous pas tout aussi bien le nom commun de vo- lonté, sauf à distinguer aussi la volonté réfléchie de la volonté spontanée, la volonté consciente de la volonté inconsciente ? Réfléchie ou spontanée, consciente ou inconsciente, la volonté me paraît être la faculté unique en vertu de laquelle âme puisse agir par elle-même, soit spontanément, soit avec connaissance de cause, si, en effet, elle est douée d’un tel pouvoir. Quant à l’activité fatale, comme elle n’a rien de commun avec la vo- lonté, ou spontanée ou réfléchie, elle formerait, non pas une troisième espèce du même genre, mais un genre tout à fait à part. D'ailleurs, quoi- que l’âme puisse être considérée tantôt comme active, tantôt comme pas- sive, ou que ses propriétés et facultés, pour mieux dire, soient, les unes passives, les autres actives; on ne peut pas dire, je crois, de l’activité elle-même qu’elle est une des facultés de l’âme, pas plus qu’on ne le di- 76 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE rait de la passivité. L'activité est le pouvoir d'agir, par, ou en vertu de telle ou telle faculté en acte. Je comprends fort bien qu’un acte quelconque puisse être fatal, ou nécessaire; mais je ne conçois pas pour cela que l’âme puisse agir par la fatalité, comme je conçois qu’elle agit en effet par la volonté, parce que la fatalité n’est pas une propriété ou faculté. Il ne paraît donc pas possible que l’activité volontaire , l’activité spon- ‘tanée et l’activité fatale, ou que la volonté, la spontanéité et la fatalité, soient trois espèces de propriétés actives , et encore moins trois sortes d’ac- tivités du même genre, ou dérivant toutes trois d’une même activité plus radicale et plus profonde. La volonté seule est une faculté réelle ; mais elle peut être ou réfléchie, ou spontanée , c’est-à-dire accompagnée ou non accompagnée de réflexion, comme de conscience, ce qui d’ailleurs n’en change pas la nature. Au reste, il se pourrait que je me fusse trompé dans tout ce que j'ai dit sur l’activité fatalé et dans la manière dont je l’ai envisagée. Ce n’est peut-être là qu’une illusion de mon esprit, que le moindre rayon de lu- mière fera disparaître. Mais cette lumière, que j'ai cherchée dans vos ex- plications, sans la trouver, je l’attends encore. XXVIL Toute la difficulté est de savoir comment deux actes , l’un spon- tané et l’autre volontaire, par exemple, peuvent se rencontrer simulta- nément dans l’âme, lors surtout qu’ils sont opposés l’un à l’autre et qu'ils semblent partir de principes différents. Cette difficulté revient au fond à celle de savoir comment, en général, nous pouvons nous emparer de notre activité originelle, la gouverner, la diriger, comment en un mot nous pouvons vouloir. Car le vouloir n’est pas un mode d’action primitif : l’enfant agit longtemps avant de vouloir agir, puisqu'il se meut longtemps avant de savoir qu’il le fait et pour- quoi il le fait. L'animal en suivant ses instincts agit sans volonté pro- prement dite. Nous-mêmes, dans nos actes les plus spontanés , comme, par exemple, dans les mouvements, les cris occasionnés par la frayeur , dans les précautions subites par nous employées pour ressaisir l’équilibre que nous perdons, dans les mouvements exécutés par un sentiment de pu- ET LA FORMATION DES IDÉES. 77 deur effarouchée, etc., nous mettons infiniment peu de volonté. Il y a là du moins volition si rapide qu’elle est indélibérée, et, par conséquent, non résolue. L'idée de ce que l’on fait est déjà plus sensible. Pour qu’un acte soit volontaire, il faut donc qu'il y ait réflexion ou retour de la pensée sur nous-mêmes; il faut que l’activité pensante se replie pour ainsi dire sur elle-même, qu'elle se pose ou s'affirme, qu’ellt se connaisse, qu’elle soit à elle-même une sorte d'objet, qu’ainsi elle se distingue en quelque sorte d'elle-même en tant qu’elle est directe (fatale ou spontanée), non volontaire , et en tant qu’elle est réfléchie, volontaire. L'activité, envisagée dans le premier moment de sa manifestation, dans son élan naturel, devient donc comme une force étrangère à laquelle cette même activité, envisagée dans le second moment de sa manifestation ou de son cours, peut être opposée. C’est un fait, que nous nous replions, non-seulement en ce sens que nous portons les regards de notre esprit sur le fond de notre conscience, mais encore en cet autre sens que nous y portons en quelque sorte la main, puisque nous pouvons modifier vo- lontairement nos états, diriger notre activité, varier son objet, quoiqu'il nous soit impossible de la priver de tout objet. On peut bien se sous- traire à certaine sensation, l’éviter surtout, donner un autre cours à ses idées, changer de dessein; mais il est impossible de s'empêcher totale- ment de sentir, de penser et de vouloir. Quiconque entreprendrait une pareille tâche, tomberait en contradiction par le fait même, puisque vou- loir ne rien vouloir, ne rien penser, ne rien sentir, serait encore sentir, penser et vouloir quelque chose. Il n’y a donc pas plus de difficulté, pour le moins, de rendre compte de la possibilité de la volonté, de son opposition avec son activité fatale ou spontanée, dans l’hypothèse de l’activité fondamentale involontaire que dans l'hypothèse de la passivité pure et de l’activité volontaire. Ce ne sont pas là deux activités essentiellement distinctes, mais seulement deux fonctions différentes, à certains égards, de la même force radicale. Réponse. —Je ne trouve, en effet, nulle difficulté, et l'expérience m’au- torise d’ailleurs, à admettre l’existence simultanée de deux actes inter- 78 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE nes; ou l’un réfléchi et l’autre spontané, ou tous deux spontanés, ou tous deux réfléchis; et rien non plus ne m’empêche de supposer la coexistence d’un acte, volontaire ou non, et de quelque modification passive, s’il y en a de telles. Mais de tout cela, non plus que des réflexions que contient cet article, et dont je ne contesterai point la justesse, je ne vois pas bien dairement comment on pourrait déduire l'existence probable d’une acti- vité fatale. XXVIIT. Et notons bien une chose, c’est que le caractère réflexif de la volonté humaine, la faculté de pouvoir se replier sur soi dans certains cas, tient à l’essence de cette activité même. Les animaux sont actifs, mais pas de cette sorte d'activité, pas au même degré du moins. Le premier retour de la pensée sur nous-mêmes n’a pu être volontaire, puisque nous n’en avions pas alors l’idée : le premier acte de la volonté n’a pu être voulu, puisque nous ne savions pas alors que nous étions doués d’une semblable puissance. Il a donc fallu d’abord réfléchir sur nous-mêmes sans le vouloir, il a fallu vouloir d’abord sans vouloir vouloir, pour savoir que nous pouvions tout cela et pour le vouloir ensuite. Il y a donc, jusque dans l’activité volontaire, quelque chose qui ne l’est pas dans son prin- cipe; c’est par là qu’elle se rattache à l’activité fondamentale de l’âme, qu’elle forme unité avec elle, et qu’elle ne s’en distingue que comme la branche se distingue du tronc. Elle s’y rattache encore de cette autre manière, c’est que l'acte du vouloir en général est fatal, naturel, essentiel ; on ne peut pas ne pas vouloir; nous ne sommes libres que dans la déter- mination du vouloir. Encore, plus d’un philosophe a-t-il contesté cette puissance. Réponse. — Cette remarque est plus favorable que contraire à la doc- trine que je professe. J’accorde volontiers, je suis même persuadé que, dans son principe, la volonté n’est ni réfléchie ni consciente, c’est-à-dire qu’elle n’est accompagnée ni de réflexion, qui n’est peut-être elle-même, du reste, qu'une manière particulière de vouloir, ni de conscience, qui n’a rien de commun avec la volonté ; et que, réciproquement, la réflexion, ET LA FORMATION DES IDÉES. 79 dans son principe, n’est point accompagnée de volonté proprement dite : ce sont là des choses qui, sans différer dans leur essence, peuvent exister ensemble ou séparément, comme toutes deux peuvent exister avec ou sans conscience. Ainsi j'ai raison d'admettre une volonté spontanée (irréflé- chie, inconsciente); tandis qu’une conséquence de votre manière de voir est qu'il y aurait une volonté involontaire, ce qui paraît aussi contradictoire qu’une activité fatale, ou passive. Mais, dans tous les cas, il y a loin de cette volonté spontanée, radicale et en quelque sorte nécessaire, à l’activité fatale par essence, dont nous avons parlé jusqu'ici, et qui ne peut jamais devenir ce que vous appelez une activité volontaire, fût-elle accompagnée de conscience et de réflexion; puisque la réflexion, la conscience, la volonté la plus attentive, la plus ferme et la plus libre si vous voulez, ne saurait jamais ni modifier, ni surtout produire aucun des phénomènes attribués à l’activité fatale, tels qu’une sensation, une idée. Tout en niant que nous puissions vouloir vouloir, j'avoue que, non-seulement nous ne pouvons pas ne pas vouloir, mais encore que nous voulons nécessairement telle chose et non telle autre, en l’absence de la réflexion et de la conscience (et peut- être même en leur présence). Mais il y a une très-grande différence entre vouloir nécessairement telle ou telle chose, tel ou tel mouvement corporel par exemple, et produire fatalement tel ou tel phénomène animique, même en dépit de la volonté réfléchie. XXIX. Je puis maintenant aborder la contradiction qui consiste à pré- senter l'attention comme distincte et comme indistincte de la réflexion. Vous me demandez, Monsieur, « comment l'attention pourrait être accompa- gnée de réflexion , si la réflexion n’est elle-même que l'attention réfléchie. » — J'entends proprement par réflexion l’attention à ce qui se passe au dedans de nous, le regard de l’âme sur elle-même, le retour de la pensée sur la pensée, l’acte de saisir l’acte. Je puis me traduire de toutes ces manières, moins pour être de plus en plus clair, que pour réunir en quelques mots toutes les propositions propres à résumer ma pensée sur ce fait. Je dis résumer, parce qu’il faut avoir lu attentivement ce qui pré- cède pour comprendre ces différentes formules , la dernière surtout. 80 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE J'entends par attention le regard de l'esprit sur quoi que ce soit, par conséquent, sans distinction d'objet interne ou externe. L’attention est donc genre, la réflexion, ou l'attention réfléchie, une espèce de ce genre. La réflexion n’est donc que l'attention, plus la circonstance d’être dirigée au dedans de nous. C’est surtout cette circonstance que le mot réflexion indique. Comme il n’y a pas de direction sans chose dirigée, et qu’on sait ici quelle est la chose dirigée, le mot réflexion n’indique l'attention que d’une manière accessoire. L’attention est donc accompagnée de ré- flexion (mais le mot accompagnée n’est pas très-propre) lorsqu'elle se dirige sur les faits de conscience. Loin donc qu’elle soit alors opposée à l'attention réfléchie, elle n’en diffère point : les expressions seules ne sont pas les mêmes. On peut dire cependant que les mots attention réfléchie s'emploient quel- quefois comme synonymes d’attention volontaire, d'attention soutenue, par opposition à l'attention involontaire (que vous reconnaissez vous-même) et à l'attention légère, superficielle, instantanée. Mais l'attention volontaire , de même que la non-volontaire, pouvant se porter au dehors ou au de- dans, cette locution ne me semble pas du tout pouvoir remplacer celle d'attention réfléchie, ou de réflexion. En d’autres termes , les mots volon- taire, involontaire, n’indiquent en rien la direction de l'attention. Il en est de même des épithètes soutenue , durable , légère, momentanée, etc. Réponse. — Vous pouviez fort bien vous dispenser de cette explication justificative : comme explication, elle ne m'était pas nécessaire; comme justification, vous n’en aviez pas besoin, parce qu’en effet, vous n’étiez point en contradiction avec vos principes, vous l’étiez tout au plus avec les miens, que vous n'êtes point tenu d'adopter : il suffisait de faire re- marquer que nous différons dans la définition même de l'acte intellectuel que l’on nomme réflexion. Celle que j'en ai donnée, et à laquelle j'attache peu d'importance, n’est peut-être pas la meilleure, et je suis loin de croire qu'ici j'aie raison contre vous. Selon moi, il ne suffit pas, pour réfléchir, de porter notre attention sur ce qui se passe en nous, du moins sur quelqu'une de nos idées ET LA FORMATION DES IDÉES. 81 seulement; il faut que l'attention soit renvoyée, ou réfléchie, d’une idée sur une autre. La réflexion supposerait donc que l'attention se porte tour à tour ou successivement sur plusieurs idées. Ainsi la réflexion ou l'attention réfléchie ne sont à mes yeux qu’une seule et même chose. Si l’attention, comme je le crois aussi, n’est qu’une manière particu- lière de vouloir, il ne saurait y avoir, à proprement parler, ni attention, ni par suite réflexion, involontaires. Mais comme, d’un côté, la volonté proprement dite, ou plutôt l’acte volontaire peut être ou n’être pas accom- pagné de conscience, et que, d’un autre côté, nous pouvons aussi avoir ou n'avoir pas conscience du motif qui détermine notre volonté, ou d’après lequel elle se détermine;.il doit en être de même de l'attention : en sorte que, souvent, nous sommes attentifs ou réfléchissons à notre insu, et que, plus souvent encore, nous ne savons pas ou ne voyons pas distinc- tement, ce qui nous a portés à réfléchir. Vous entendez, dites-vous, par réflexion l'attention à ce qui se passe en nous, le regard de l’âme sur elle-même. Je ferai à ce sujet deux observa- tions, qui ne vous seront pas contraires. La première, c’est qu’en défini- tive, l'âme ne porte jamais son attention, ou ses regards, que sur ce qui se passe en elle, et que regarder des objets extérieurs, c’est regarder les sensations ou les idées que ces objets font naître; mais qu’il est vrai de dire aussi, que l’âme pourrait porter ses regards sur ces idées ou ces sensations, sans pour cela faire attention à tout ce qui se passe alors en elle, et conséquemment sans réfléchir, si c’est en cela que vous faites plus par- ticulièrement consister cette opération de l’âme. L'autre observation, c’est que, bien que l’on semble employer le langage figuré en disant que l'âme regarde, je crois, au contraire, qu’à proprement parler, à parler sans figure, c’est l’âme seule qui regarde, comme c’est l’âme seule qui voit. Lorsqu'il s’agit d’un objet extérieur, nous disons que pour le bien voir il faut le regarder : mais cela se réduit, de la part du corps, à tourner les yeux vers cet objet, en donnant une certaine tension à l'organe de la vue et au cerveau, ce qui d’ailleurs suppose déjà une action de l'âme sur la matière : le véritable regard consiste dans l'attention même qu’elle porte Tome XXII. 11 82 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE sur l’objet, c’est-à-dire sur la sensation ou l'idée qu’il produit en elle, et conséquemment sur elle-même. J'ai dit qu'il produit, ou qu’il fait naître, et c’est en quoi vous me désap- prouverez ou ne serez pas d'accord avec moi, puisque vous voulez que l’âme produise elle-même ses sensations. D’après cela, et pour nous résumer : L'âme est passive, selon moi, non pendant, mais en tant qu’elle voit; elle n’est active qu’en tant qu’elle regarde, c’est-à-dire qu’elle est attentive. Dans la première circonstance, je la considère comme mobile, parce qu’elle est mue, bon gré mal gré; dans la deuxième, je la regarde comme active, en ce qu’elle se meut d'elle-même, ou qu’elle agit. Selon vous, elle serait toujours active et jamais passive ; seulement, dans la dernière cir- constance, c'est-à-dire en tant qu’elle regarde, elle agirait ou volontaire- ment (avec conscience et réflexion), ou spontanément ; et dans la première, ou en tant qu’elle voit, elle agirait fatalement, et en quelque sorte passivement. J'imagine que bien des gens, faute d’avoir l'esprit assez subtil, trouve- ront que ce n'était pas trop la peine de disputer si longuement, et que peut-être même nous n'avons fait ici que disputer sur des mots. Conclusion. — 11 me reste, mon très-honorable et très-cher philosophe et ami, d’abord à vous témoigner toute ma reconnaissance pour les nom- breuses observations que vous avez bien voulu me faire, ensuite à m’excu- ser de vous avoir cherché noise à tout propos. Soyez assuré, cependant, que si vous vous étiez contenté de m'adresser des objections, de réfuter mes arguments, sans vouloir, pour ainsi dire, me contraindre d’abandon- ner une doctrine qui est le fruit de mes méditations, pour en adopter une qui m'est étrangère et vous appartient, du moins en partie , je me serais borné à me défendre tant bien que mal. Mais ici, comme dans mes réponses (pp. 54, 49, 52) à vos premières critiques, j'ai dû, non-seulement parer vos coups, mais vous attaquer à mon tour; car évidemment, puisque vous vouliez vous mettre à ma place, je ne pouvais m'y maintenir moi-même, qu'en vous repoussant de toutes mes forces. Reste à savoir si j'ai conservé ma position ou si j'ai reculé. ET LA FORMATION DES IDÉES. 83 De toute manière, le résultat de cette polémique est une exposition nette et claire de deux doctrines fort différentes, du moins en apparence. L'une, dans laquelle on reconnaît un spiritualisme assez avancé, pour ne pas dire un peu outré, place dans l’âme même la cause efficiente, ou produc- trice de toutes nos idées et même de nos sensations; l’autre, qui se rat- tache au sensualisme, mais à un sensualisme fort raisonnable, je crois, met hors de âme, c’est-à-dire dans l'organisme et les objets extérieurs, dans les rapports qu'ils ont entre eux et avec nous, la cause productrice de nos sensations et de nos premières idées, qui d’ailleurs existent toutes en puissance dans les propriétés de l'âme, que j'appelle leurs causes con- ditionnelles. L’on sera maintenant plus à même de choisir ; et les avis seraient peut-être partagés, si nous étions encore au XVIIE siècle ou déjà dans le XX°. Quant à vous et moi, sans doute, nous ne changerons pas de sentiment, et chacun de nous conservera le sien comme s’il s'était agi d’une discussion politique, avec cette différence, je l'espère du moins, que notre amitié n’en sera point troublée. Les articles qui terminent votre réplique, ou qui en font la deuxième partie, et que je rapporterai, parce qu’ils sont excellents, mais auxquels je n’aurai rien à répondre, concernent un des points fondamentaux de la doctrine de Kant, que je n’avais pas suffisamment compris et sur le- quel je désirais des explications : vous me les avez données très-amples et très-bonnes, et je n'ai qu’à vous en remercier. Par cela même que Kant est fort obscur pour moi, je suis loin d’avoir sur ce philosophe des opinions bien arrêtées, auxquelles je tienne beaucoup, et d’être surtout en état de les défendre. XXX. Je passe, Monsieur, à un autre point de vos observations criti- ques à l’occasion de mes réflexions sur votre livre Des causes condition- nelles et productrices des idées. C’est le second et dernier qui nous divise : encore y a-t-il plus de malentendu que de véritable désaccord. Tout ceci est fort long, trop long, je le sais, j'en gémis; mais tout en allongeant encore cette lettre en vous demandant grâce pour ces développements, je me crois obligé de le faire. Vous le savez, il est difficile d’être concis 84 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE quand on veut être aussi clair que la matière le comporte, et quand on n'a pas le temps de se réduire après s'être développé. Il faudrait peut- être, dans toute étude que l’on fait la plume à la main, garder la pre- mière pour soi et n’en donner qu’un résumé au public : autrement on met plutôt au jour ses méditations que leurs résultats. Or, cependant, ce sont les résultats seuls qui intéressent; le reste n’est qu’un moyen. Que m'importent les buissons que le chasseur a battus, les pas qu’il a faits, la quantité de poudre qu’il a brûlée? Ce qu’il me faut, à moi, c’est une pièce de gibier. Il est vrai qu’on peut aussi prendre quelque plaisir à voir une partie de chasse, surtout quand on est soi-même du métier. Veuillez donc excuser mes divagations, à raison du temps qui me man- que, quelque malhabile que je puisse vous paraître à pratiquer un exer- cice dans lequel vous excellez. XXXI. « Vous ne comprenez pas parfaitement, dites-vous (p. 63), 1° qu’un antécédent logique de la connaissance n’en soit pas en même temps un anté- cédent chronologique, et 2° que la forme de la connaissance en soit seule une condition nécessaire, quoique la connaissance ne puisse pas plus exis- ter sans la matière que sans la forme; 3° vous attribuez ce défaut d’in- telligence à l'opinion où vous êtes que la forme de la connaissance n’est autre chose que la conception , que les facultés intellectuelles, auxquelles viennent se joindre ensuite les jugements que notre esprit a généralisés, et qui nous servent de règles pour porter des jugements ultérieurs ; 4° vous imaginez aussi que l'opinion de Kant (dont il est ici question) était bien qu’il y a naturellement en nous des notions toutes faites, mais qu’en disant qu’elles ne sont point innées, il a voulu faire entendre par là que ces notions (tout comme nos idées acquises) peuvent ne pas être actuellement, qu’elles ne sont pas toujours, qu’elles pourraient même v’être jamais présentes à l'esprit, et qu’elles ne se manifestent qu'à l'oc- casion de l'expérience. » (P. 64.) XXXIT. 1° L’antécédent logique d’une connaissance ne la précède que comme le principe précède la conséquence. Or, comme un principe ren- ET LA FORMATION DES IDÉES. 85 ferme toujours sa conséquence, il ne la précède jamais à proprement parler. Le rapport de conséquence à principe n’est pas dans le temps, parce qu’il n’est pas un phénomène de conscience : c’est le rapport logique du contenu et du contenant, du moins et du plus, de l’espèce et du genre. Il ne faut pas confondre le rapport logique des idées avec la manière dont il se présente à notre esprit. Nous pouvons connaître le principe qui con- tient une conséquence, sans apercevoir encore cette conséquence elle- même. Nous pouvons aussi connaître d’abord la conséquence, sans la rat- tacher au principe. Nous pouvons enfin avoir l’idée du principe, celle de la conséquence, sans apercevoir le lien logique qui les unit. Il y a donc, dans l’ordre suivant lequel nos idées s'enchaînent pour former des raisonne- ments, ou même de simples jugements, un avant et un après; mais il ny a rien de semblable dans le rapport intrinsèque de ces idées entre elles : ce rapport est éternel, ou plutôt il est en dehors du temps, avec lequel il n’a rien de commun. Parler d’un antécédent logique, c’est donc la même chose, ni plus ni moins, que de parler d’un principe. XXXIII. Il en est tout différemment de l’antécédent chronologique d’une connaissance : il ne s’agit plus du tout ici d’un principe par rapport à sa conséquence, d’un contenant et d’un contenu logiques, mais uniquement des faits externes et internes à la suite desquels une idée se révèle à l'esprit, sans que la première soit en rien contenue dans la seconde : c’est ainsi que sans la perception des modes des choses, notre raison n'aurait jamais formé la notion de substance. Il en est de même de la notion de cause par rapport aux phénomènes que nous appelons effets; de même des phénomènes externes relativement à la conception d'espace; de même des phénomènes in- ternes à l'égard de la conception du temps; de même des phénomènes en général par rapport aux noumènes; de même des actions humaines en ce qui regarde la notion de vertu ou de vice, etc. Par conséquent, les modes, les effets, les phénomènes externes , les phénomènes internes, les phénomènes en général, les actions de l’homme, en tant que tout cela est susceptible d’être perçu, en tant que tout cela est sensible, sont les antécédents réellement chronologiques, les conditions 86 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE sensibles des conceptions dont nous avons parlé. Les animaux ont toutes ces perceptions; mais je ne crois pas qu’ils possèdent les conceptions qu’elles font naître dans notre esprit. Ces deux sortes de connaissances sont donc bien distinctes; les unes sont le produit d’une fonction, les autres celui d’une fonction différente. Les antécédents peuvent être ici sans leurs conséquents, quoique les conséquents ne puissent pas (dans l’homme du moins) apparaître sans que la faculté qui les produit n'ait été excitée par le jeu d’une autre faculté, celle des sens ou de la conscience. XXXIV. Remarquons bien encore, s’il vous plaît, puisqu'on s’y trompe si souvent, qu'autre chose est despercevoir un phénomène, autre chose de le concevoir mode, effet, phénomène, action, fini, etc. L'animal et l'enfant perçoivent, mais ne conçoivent pas ainsi : le chien peut bien faire des associations d'idées sensibles qui nous portent à croire qu’il conçoit un rapport de causalité ; mais il ne fait, à mon sens, qu’unir des perceptions, des images et des souvenirs; il n’en juge pas comme nous. Quoi qu’il en soit, il est certain qu'autre chose est une action, en tant que visible, par exemple un meurtre, autre chose, la manière de concevoir cette action au point de vue moral. De même, autre chose est un phénomène comme fait sensible pur et simple, autre chose, la notion de mode, d'effet, etc. , que nous lui appliquons. Nos sens nous donnent la première de ces connaïis- sances , ils ne nous donnent pas la seconde. Un mode conçu comme mode, ou mieux la conception de mode, que j'applique à un phénomène, celle d’être effet, etc., ne sont point du tout des antécédents chronologiques des conceptions correspondantes de substance et de cause : ces deux ordres de conceptions sont, au contraire, essentiellement contemporaines, simul- tanées. On s’y est trompé souvent. Prenons encore un exemple : les uns ont soutenu que le fini est connu avant l'infini, d’autres, au contraire, que c’est l’infini qui précède le fini dans notre esprit. — Vaïne dispute. Si les premiers veulent dire que des objets, conçus plus tard finis, ont d’abord été perçus sans qu’on les conçût finis, et, par conséquent, non infinis, ils ont eu raison; la perception est ici, comme dans tout le reste, la condition sensible, ou l’antécédent chronologique de la notion ET LA FORMATION DES IDÉES. 87 de fini et de non fini. S'ils ont voulu dire, au contraire, que la notion même de fini, abstraction faite d’un objet sensible quelconque auquel cette notion s'applique, est antérieure à celle d’infini, ou plutôt à celle d’indé- fini d’abord, ils ont eu tort : la notion de fini n’est intelligible que par opposition à celle d’infini. Mais la réciproque est également vraie, à savoir, que la notion d’infini n’est intelligible que par opposition à celle de fini !. Par conséquent, les derniers ne se sont pas moins trompés que les premiers. Et pourquoi? Parce qu’ils ont cru que le fini et l'infini (la finité et l’infi- nité) sont quelque chose en soi , quelque réalité distincte, l'infini surtout, tandis que ce sont de pures manières de concevoir des réalités existantes ou possibles. XXXV. 2° Je ne crois pas que Kant ait jamais dit que la forme de la connaissance en soit la seule condition nécessaire. Il répète, au contraire, dans plusieurs endroits de ses écrits, comme vous l’avez très-bien remar- qué, qu'il n’y a pas de connaissance proprement dite sans matière et sans forme, c’est-à-dire sans une donnée sensible (phénoménale) et sans une don- née à priori, ou insensible (non phénoménale). XXXVI. 5° Cette forme de la connaissance n’est pas autre chose, sui- vant lui, et suivant la vérité, je crois, que la pure puissance que possède l'esprit humain de produire fatalement certaines conceptions ou idées non phénoménales, au moment même où le sens perçoit la matière sensible de la connaissance. Si le sens (externe ou interne) agissait seul, il ne donnerait qu’une connaissance informe (sans forme), comme il arrive sans doute dans le premier temps de la vie. Si l'esprit donnait d’abord la forme seule de la connaissance, ce qui n'arrive jamais, la connaissance serait vide de matière (sans matière). Nous ne connaissons proprement que de l'instant où la matière et la forme de la connaissance se trouvent réunies. Ce n’est que plus tard que nous séparons ces deux choses par l’abstrac- tion. Mais ces deux éléments de la connaissance proprement dite, quoique 1 J'avais dit la même chose dans le livre Des causes conditionnelles , etc. (Voyez p. 147.) G. 88 SUR L'ACTIVITÉ HUMAINE, erc. étroitement unis, n’en sont pas moins le fruit de deux fonctions spéciales ; tellement spéciales même, malgré leur concours ultérieur, que l’une s’ac- complit constamment sans l’autre dans les animaux (selon toute apparence), et plus ou moins longtemps avant l'autre dans l'espèce humaine. XXXVII. 4° Les notions à priori de Kant ne sont réellement point toutes faites, suivant lui, dans notre esprit, autrement elles seraient in- nées; elles sont seulement toutes prêtes à être faites, leur cause efficiente est là pour les réaliser au moment voulu. Ce qui diffère assez peu de votre manièré de concevoir sa pensée, telle du moins que vous l’exposez à la fin. Voilà, mon cher M. Gruyer, toutes les observations que j'avais à vous adresser sur la première partie de votre brochure 1. 1 La deuxième contient une lettre de M. Tissot sur la métaphysique de la matière, avec des notes critiques. (Note de l'éditeur.) ô : _ A : = = ë ë fs HRARÉRARES RENE fe È & <: HER Less