/sy. Ou.zyr/**'- MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. ? 0'S& *i1PVr-t- ■ (JàiL^t/ ipr ftbrarD of tfo Muséum OF COMPARATIVE ZOOLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. The gift of /} ea/e^U ffl^aJk No. 1 à J /SJ. 0U.2J^/ÏZ/. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES. DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XLII. BRUXELLES, F. H AYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1878 Y 3 LISTE DES MEMBRES, DES CORRESPONDANTS ET DES ASSOCIES DE L'ACADEMIE (15 mai 1878.) LE ROI, PROTECTEUR. M. J.-C. Houzeau , président pour 1878. » J.-R.-J. Liagre, secrétaire perpétuel. COMMISSION ADMINISTRATIVE. Le directeur de la classe des Sciences, M. J.-C. Houzeau. » » des Lettres, M. Em. de Laveleve. » » des Reaux-Arts, M. J. Portaels. Le Secrétaire perpétuel, M. J.-R.-J. Liagre. Le délégué de la classe des Sciences, M. J.-S. Stas, trésorier. » » des Lettres, M. Ch. Faideh. » " des Reaux-Arts, M. Edm. De Russcher. Tome XLII. CLASSE DES SCIENCES. MM. J -G Houzeau, directeur pour 1878. » J.-B.-J. Liagre, secrétaire perpétuel. 50 MEMBRES. M. Section des sciences mathématiques et ph Plateau, Joseph A.F.; à G and . . Stas, Jean S.: à SMiilIes-lez-Bruxelles de Koninck, Laurent G.; à Liège . . Melsens, Louis F. H.: à Bruxelles . Liagre, J. B. Jules; à Ixelles DurREZ, François J..- à Gand Houzeau, Jean C: à Bruxelles Quetelet, Ernest; à Ixelles. Maus, Henri. J.: à Ixelles . Donny, François M. L.; à Gand Montigny, Charles; à Schaerbeek Steiciien, Michel; à Ixelles . . Brialmont, Alexis H.; à S'-Josse-ten-Noode ys Folie. François; à Liège Mailly, Edouard; à Saint-Josse-ten-iNoode ques (15 membres) Élu 15 14 15 15 15 16 15 15 15 15 16 15 5 15 15 déccmb. décemb. déccmb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. décemb. 1836. 1811. 1842. 1850. 1853. 1854. 1836. 1863. 1864. 1866. 1867. 1868. 1869. 1874. 1876. Section des sciences naturelles (15 membres). M. Du Mortier, Barthélémy C; à Tournai Van Be.neden, Pierre J.; à Louvain . Le baron de Selys Longciiamps, Edm.; à Li ii Nyst, Henri P.; à Molenbeek-Saint-Jean » Gluce, Théophile; à Bruxelles . » Dewalque, Gustave; à Liège . . . >- Candèze, Ernest; à Liège .... » Chapuis , Félicien ; à Verviers . . . Dupont, Edouard; à Bruxelles >i Morren, Edouard; à Liège. n Van Beneden, Edouard; à Liège . » Malaise, Constantin; à Gembloux. . Elu le 2 mai 1829 15 décemb. 1812 16 décemb. 1816 17 décemb. 1817 15 décemb. 1849 16 déccmb. 1859 15 déccmb. 1864 15 décemb. 1865 15 décemb. 1869 15 déccmb. 1871 16 décemb. 1872 15 déccmb. 1873 M. Bhiart, Alphonse; à Mariemont Élu le 1§ décemb. 1874, Plateau, Félix; à Gand. ... ... — 13 décemb. lS7i. » Crépin, François; à Bruxelles — 15' décemb. 1875". CORRESPONDANTS (10 au plus). Section des sciences mathématiques et physiques. M. Henry, Louis; à Louvain Fin le IS décemb » Valerius, Henri; à Gand — 15 décemb ii De Tillv, Joseph M. ; à Anvers — 15 décemb » Van der Mensbrugghe, G. ; à Gand .... — 15 décemb M. M. 1865. 1869. 1870. 1875. Spring, Waltère; à Liège Cop.net, F.-L.; à Cuesmcs (Mons) Van Bambeke, Charles: à Gand Gilkinet, Alfred; à Liège . iMouklon, Michel; à Bruxelles. Section des sciences naturelles. . . . Élu le Delboeuf, J.; à Liège. 14 décemb. 1877 15 décemb. 1873. 15 décemb. 1874. 15 décemb. 1875. 15 décemb. 1876. 14 décemb. 1877. 50 ASSOCIÉS. Section des sciences mathématiques et physiques Sabine, Edouard; à Londres Elu Chasles, Michel; à Paris .... Dumas, Jean-Baptiste; à Paris. Airt, Georges Biddell; à Greenwich Lamont, Jean ; à Munich .... Kekulé, Auguste; à Bonn .... Bunsen , Robert G. ; à Heidelberg Catalan, Eugène C. ; à Liège . . . von Baeyer, J. Joseph; à Berlin . . Kirchhoff, Gustave Robert; à Heidelberg Dove, Henri-Guillaume; à Berlin . Hibn, G. A.; au Logelbach (Alsace). De Colnet d'Huart; à Luxembourg . Helmholtz, H.-L.-F. ; à Berlin . . S^-Claire-Deville, Henri ; à Paris . Menabrea de Val-Doua, le marquis Louis-Fré déric; à Rome . (2§ associés). le 2 février 1828. 4 février 1829. 17 décemb. 1813. 15 décemb. 1855. 16 décemb. 1859. 15 décemb. 1861, 15 décemb. 1865. 15 décemb. 1865. 15 décemb. 1868. 15 décemb. 1868. 16 décemb. 1872. 16 décemb. 1872. 15 décemb. 1873. 1 5 décemb. 1875. 15 décemb. 1873. 15 décemb. 1874. — I M. Struve, Otto; à Pulkowa Élu le 15 décemb. 1874. Clausius, Rodolphe-J.-Em.; à Bonn. ... — Chevreul, M.-Eug.; à Paris — Buys-Ballot, C.-H.-D. ; à Utrecht .... — Sa Majesté Dom Pedro II, d'alcantara, empe- reur du Brésil; à Rio-de-Janeiro. — Weber, Guillaume; à Gôttingue — N N N 15 décemb. 1875. 15 décemb. 1875. 15 décemb. 1875. 15 décemb. 1876. 14 décemb. 1877. Section des sciences naturelles (25 associés). M. » » Decaisne, Joseph; à Paris Schwann , Théodore ; à Liège Owen, Richard; à Londres Milne Edwards, Henri; à Paris .... Schlegel, Hermann; à Leyde Valentin, Gabriel-Gustave; à Berne . Gervais, Paul; à Paris Dana, James D.; à New-Haven (Etats-Unis) Davidson, Thomas; à Brighton .... de Candolle, Alphonse; à Genève . . . Heer, Oswald: à Zurich Donders, F.-C; à Utrecht Darwin, Ch.; à Down, Beckenham (Kent) Bellynck, Auguste; à Namur Hooker, Jos.-Dalton; à Kevv (Angleterre) . Ramsay, André Crombie; à Londres. . . Steenstrup, J.-Japetus-S.; à Copenhague . Huxley, Thomas-Henri; à Londres. . . Pringsheim, Nathaniel; à Berlin .... Nilsson, Svcn; à Lund Von Dechen, Henri; à Bonn Gosseeet, Jules; à Lille Daucrée, J.; à Paris Kôlliker, Albert; à Wurlzbourg; . . . Le comte de Saporta, G.; à Aix (France) . Elu le 15 décemb. ' 1836 — 14 décemb. \ 1841 — 17 décemb. [847. — 15 décemb. 850. — 16 décemb. 1857. — 15 décemb. : 1861 — 15 décemb. 1862. — 15 décemb. 1864. - 15 décemb. 1865 — 15 décemb. : 1869 — 15 décemb. 1869 — 15 décemb. 1869 — 15 décemb. 1870 — 15 décemb. 1870 — 16 décemb. 1872 — 16 décemb. ' 1872 — 16 décemb. 1872 - 15 décemb. 1874 — 15 décemb. 1874 1 \3 — la décemb. 1874 — 15 décemb. 1875 — 15 décemb. 1876 — 14 décemb. 1877 — 14 décemb. 1877 — 14 décemb. 1877 D — CLASSE DES LETTRES. M. Ém. de Laveleye, directeur pour 1878. » J.-B.-J. Liagre, secrétaire perpétuel. 30 MEMBRES. Section des lettres et Section des sciences morales et politiques réunies. M. Steur, Charles; à Gand Élu le Le baron Nothomr, J. B.; à Berlin .... — Gaciiard, Louis Prosper; à Bruxelles ... — Vain Praet, Jules:, à Bruxelles — Devaux, Paul L. I.: à Bruxelles — De Decker, Pierre J. F.; à Bruxelles ... — Haus, J. J.; à Gand — Bormans, J. H.: à Liège -- Leclercq, M. N. J.; à S'-Josse-ten-Noode. . — Le baron de Witte, Jean J. A. M.; à Anvers. — Faider, Charles; à Bruxelles — Le bon Kervvn de Lettenhove , J. M. B. C; à Saint-Michel (lez-Bruges) — Chalon, Renier; à Ixelles — Thonissen, J. J.; à Louvain Juste, Théodore; à Ixelles — Nève, Félix; à Louvain Wauters, Alphonse; à Bruxelles .... — Conscience, Henri; à Ixelles — de Laveleye, Emile; à Liège — Nypels, J. S. Guillaume; à Liège — Le Roy, Alphonse; à Liège — de Borchgrave, Emile; à Berlin — Liagre, J.-B.-J.; à Ixelles — Wagener, Auguste ; à Gand — 5 décemb. 1829 7 mai 1810 9 mai 1842 10 janvier 1846 10 janvier 1846 10 janvier 1816. 11 janvier 1817. 11 janvier 1847. 17 mai 1847. 6 mai 1851. 7 mai ism 4 mai 1859 4 mai 1859 9 mai 1861 S mai 1866 11 mai 1868 1 1 mai 1868 10 mai 1869 6 mai 1872 G mai 1872 12 mai 1875 12 mai 1875 5 mai 1871. 10 mai 1874 M. Heremans, Jacques F. J.; à Gancl . . . . Elu le 8 mai 1876. .. Willems, Pierre; à Louvain — 14 mai 1877. » Poullet, Edmond; à Louvain — 6 mai 1878. .» Tielemans , F. ; à Bruxelles — 6 mai 1878. .. Rolin-Jaeqtjemyns , G. : à Gand ....... — 6 mai 1878. >. N " CORRESPONDANTS (10 au plus). M. Loise, Ferdinand; à Anvers Élu le 12 mai 1875. » Bormans, Stanislas; à Namur — 4 mai 1874. >» Piot, Charles-G.-J.; à St-Gilles-lez-Bruxelles . - 10 mai 1875. » Potvin, Charles; à Ixelles —10 mai 1875. » Stecher, J. ; à Liège — 8 mai 1876. n Van Bemmel, Eugène; à S'-Josse-ten-Noode . . — 14 mai 1877. » Laurent, François; à Gand — 6 mai 1878. 50 ASSOCIÉS. M. Ranke, Léopold; à Berlin Élu le 9 février 1846. ». Salva, Michel; à Palma (île Majorque) . . . — il février 1846. .. Mignet, F. A. A.; à Paris — 9 février 1846. » Leewans, Conrad; à Leyde — 11 janvier 1847. » Noletde Brauwere van Steeland, J.; àVilvorde . — 7 mai 1849. » Le chevalier de Rossi , J. B. ; à Rome ... — 7 mai 1855. » Paris, A. Paulin: à Paris — 26 mai 1856. » de Longpérier, Adrien; à Paris — 26 mai 1856. .. de Reumoi\t, Alfred: à Bonn — 26 mai 1856. » Le baron de Czoernig, Ch.; à Ischl (Autriche) . — 4 mai 1859. ., Minervini, Jules; à Naples — 4 mai 1859. .. Lafuente, Modeste; à Madrid 4 mai 1859. » Le bon de Kôiine, Bernard; à Sain t-Pétersb. . — 13 mai 1861. .. Cantù, César; à Milan. . — 13 mai 1861. » de Louer, François; à Munich — 15 mai 1862. .. De Vries, Mathieu; à Leyde — 19 mai 1863. » Le chevalier d'Arneth, Alfred; à Vienne . . — 9 mai 1864. ,. Disraeli, Benjamin; à Londres — 9 mai 1864. .. Re.mer, Léon; à Paris — 10 mai 1865. 7 — M. Le comte Arrivabene, Jean; à Mantoue . . Mommsen, Théodore: à Berlin de Dôllinger, J. J. Ignace: à Munich Farr, William; à Londres Stephani, Ludolphe; à Saint-Pétershourg . Laboulave, Edouard; à Paris Scheler, Auguste: à Ixelles Egger, Emile; à Paris Vreede , Guillaume G. ; à Utrecht . . . . de Sybel, Henri Ch.L. ; à Bonn . . . . Carrara, François; à Pise Le baron de Holtzendorff, F.; à Munich Brunn, Henri; à Munich Eenorjiaîst, François; à Paris Le chevalier d'Antas, M.; à Madrid . . . Alberdinghk Thym, Jos.-Alh.; à Amsterdam. Curtius, Ernest; à Berlin Bivier, Alphonse; à Ixelles Franck, Adolphe; à Paris Desmazes, Charles: à Paris Oppert, Jules; à Paris Jonckbloet, W.-J.-A. ; a La Haye . . . . Teinnyson, Alfred; à Londres Lepsius, Richard; à Berlin Delisle, Leopold; à Paris Arntz, Egide; à Bruxelles Campbell, F.-G.-H.; à La Haye Bluntschli ; à Heidelberg Bancroft, George; à Washington . . . . Saripolos, à Athènes di Giovanni, Vincenzo; à Païenne. . . . Elu 5 mai 1866. 5 ma 1866. 5 ma 1866 6 ma 1867 6 mai 1867. 6 ma i 1867 11 ma 1868 10 ma 1869 10 ma 1869. 10 mai 1869 9 ma 1870 8 mai 1871. 8 mai 1871. 8 ma 1871 6 ma 1872 0 ma 1872 0 ma i 1872 12 ma 1875 12 ma 1875 4 ma 1874 4 ma 1874 4 ma i 1874 10 ma i 1875 10 ma i 1875 10 ma i 1875 8 ma i 1876 14 ma 1877 14 ma 1877 II ma 1877 6 mai 1878. G mai 1878. — 8 — CLASSE DES BEAUX-ARTS. M. J. Portaels, directeur pour 1878. » J.-B.-J. Liagre, secrétaire perpétuel 50 MEMBRES. Ncctltiai «le Peinture: Nommé le 1er décemb. 1845. — À er décemb. 1845. — 1er décemb. 1845. Elu le 8 janvier 1847. — 4 janvier 1855 — 7 avril 1870 — 7 avril 1870 — 6 janvier 1876 — 10 janvier 1878 M. De Keyser, Nicaise; à Anvers .... » Gallait, Louis; à Schaerbeek .... » Verboeckiiovein , Eugène ; à Schaerbeek . » De Braekeleer, Ferdinand; à Anvers . » Portaels, Jean; à Bruxelles » Slingeneyer, Ernest; à S'-Josse-len-Noode. » Robert, Alexandre; à S'-Josse-ten-Noodc. » Guffens, Godiried; à Schaerbeek . . . » Willejis, Florent, C; à Bruxelles . . . Section de Sculpture : M. Geefs, Guillaume; à Schaerbeek . . . Nommé le Ier décemb. 1845. » Simoms, Eueène: à Bruxelles 1er décemb. 1845. » Geefs, Joseph; à Anvers Elu le 9 janvier 18i6. » Fraikin, Charles Auguste; à Schaerbeek. — 8 janvier 1847. Section «le Gravure i M. Frainck, Joseph; à S'-Josse-ten-Noode . Élu le 7 janvier 1864. » Leclercq, Julien; à Lokeren — 12 janvier 1866. Section il' Architecture I M. Balat, Alphonse; à Ixelles Elu le 9 janvier 1862. — 9 — M. De Man, Gustave; à Ixellcs Élu le 12 janvier 1865. » Patjli, Adolphe; à Gand — 6 janvier 187o. » Schadde, Joseph; à Anvers — 10 janvier 1878. Section de Musique : M. Vieuxtemps, Henri; à Bruxelles .... Nommé le ier décemb. 1845. » Le chevalier de Burbure, Léon; à Anvers. Elu le 9 janvier 1862. >. Gevaert, Auguste F. ; à Bruxelles ... 4 janvier 1872. i) Le baron Limnander, Armd; à Bruxelles . — 4 janvier 1872. » Samuel, Adolphe; à Gand 8 janvier 1874. Section des Sciences et des Lettres dans leurs rapports avec les Beaux- Arts : M. Alvin, Louis J.: à Ixclles Nommé le 1er décemb. 1845. » Fétis, Edouard; à Bruxelles Elu le 8 janvier 1817. » De Busscher, Edmond; à Gand . ... 5 janvier 1854. » Siret, Adolphe; à S'-Nicolas — 12 janvier 1866. » Liagre, J.-B.-J.; à Bruxelles 5 mai 1874. » Stappaerts, Félix ; à Bruxelles .... 6 janvier 1876. CORRESPONDANTS (10 au plus). four la Peinture : M. De Biefve, Edouard; à Bruxelles . . Elu le 9 janvier 1816. » Dyckmans, Joseph L.; à Anvers .... — 8 janvier 1847. » N .'.... four la *U'u!|»ture : M. Jehotte. Louis: à Bruxelles Elu le 9 janvier 1816. four la Gravure : M. Demannez, Joseph; à Sl-Josse-ten-Noode. Elu le 10 janvier 1878. finir l'Architecture: » IN four la Musique : M. Terry, L.; à Liège Élu le 8 janvier 1874. » Badoux, Théodore; à Liège — 8 janvier 1874. — 10 — l>oui' lr m SfieitfPK cl les I.eMrex ilnns lcur.« rnp'iartK avec les llcaux-ArtN M. Pinchart, Alexandre; à Bruxelles .. N Élu le 4 janvier 1878. 50 ASSOCIES. Pour In Peinture M. Hache, Louis; à Londres . . . » Robert Fleury, Joseph N. ; à Paris » Gérome, Jean Léon; à Paris . . » Madrazo, Frédéric; à Madrid. . » Cogmet, Léon; à Paris .... « Bendemann, Edouard; à Dusseldorf )> Meissomer, Jean L. E. ; à Paris . » Hébert, Aug. Ant. Ernest; à Paris » Becker, Charles; à Berlin . . . » Frith, William Powell; à Londres » Von Piloty, Charles ; à Munich . » Baudry, Paul; à Paris .... Elu le 8 janvier 1847. 7 janvier 1864. 12 janvier 1863. 12 janvier 1865. 9 janvier 1868. 9 janvier 1868. 7 janvier 1869. 12 janvier 1871 8 janvier 1874 8 janvier 1874 6 janvier 1875" 10 janvier 1878 S'oîu' lu Sculpture : M. Dumont, Alexandre Augustin; à Paris. . » Le comte de Nieuwerkerke, Alf. ; à Paris . » Cavelier, Pierre Jules; à Paris .... » Jouffroy, François; à Paris » Drake, Frédéric; à Berlin » Moisteverde, à Rome » Bonis assieux, J.; à Paris ... . . » Guillaume, Eugène; à Paris Elu le 22 septemh. 1852 — 22 septemb. 1852 7 janvier 1846 — 1 1 janvier 1866 — 11 janvier 1866 — 8 janvier 1874 — 6 janvier 1S75 6 janvier 1876 Pour In Gravure : M. Henriquel Dupont, Louis P.; à Paris » Mercuri, Paul; à Rome .... Oudiné, Eugène André; à Paris Élu le 8 janvier 1847. — 8 janvier 1857. — 8 janvier 1857. — H — 31. Mandel, Edouard; à Berlin Élu le 12 janvier 1865. » François, Alphonse; à Paris — S janvier 1871. » Stang, Rudolphe; à Dusseldorf. 8 janvier 1874. Pour l'Architecture : M. Donaldson , Thomas L. ; à Londres .... Elu le 6 février 1846. » Viollet-le-duc, E. E.; à Paris — 8 janvier 1863. » Leins, C; à Stuttgart — 7 janvier 1864. » Daly, César; à Paris — 12 janvier 1863. » Labiiouste, Théodore F. M.; à Paris .... — 9 janvier 1868. » Le comte Vespignani, Virginio; à Rome . . . — 12 janvier 1871. » Le chevalier Von Ferstel, Henri; à Vienne. . — 8 janvier 1874. » N ' Pour la Musique : M. Laciiner, François; à Munich Élu le 8 janvier 1847. » Thomas, Ch. L. Ambroise; à Paris — 8 janvier 1863. » Verdi, Joseph; à Naplcs — 12 janvier 1863. n Gounod, Félix Charles; à Paris — 4 janvier 1872. » Basevi, Abraham: à Florence — 4 janvier 1872. » Hiller, Ferdinand, à Cologne — (i janvier 1876. » Massé, Victor; à Paris — 4 janvier 1877 » N Pour les Sciences et les Lettres dans leurs rapports avec les Beaux-Arts: M. Ravaisson, Félix J. G.; à Paris Élu le 10 janvier 1836. Schnaase, Charles; à Wiesbade — 12 janvier 1866. » Gailiiabaud, Jules; à Paris — 9 janvier 1868. » Mariette, Auguste Edouard; au Caire ... — 6 janvier 1870. » Lubke, Guillaume; à Stuttgart — 9 janvier 1873. » Vosmaer; à La Haye — 9 janvier 1873. » Delaborde, le vicomte Henri; à Paris ... — 8 janvier 1874. » Le radja Sourindro Mohun Tagore; à Calcutta . — 4 janvier 1877. Secrétaire adjoint de l'Académie : Le chevalier Edmond Marchai.. 12 NÉCROLOGIE. CLASSE DES SCIENCES. Gloesener, M.; membre, décédé à Liège le 11 juillet 1876. Broncniart, Adolphe; associé, décédé à Paris le 18 février 1876. von Baer, Ch.-Eru.; associé, décédé à Dorpat le 28 novembre 1876. Bellinck, Auguste; associé, décédé à Namur le 14 janvier 1877. Parlatore; associé, décédé à Florence le 9 septembre 1877. Le Verrier, IL; associé, décédé à Paris le 23 septembre 1877. Begnault, Victor; associé, décédé à Paris le 17 janvier 1878. Fries, Elias; associé, décédé à Upsal le 8 février 1878. Secchi (Le Père); associé, décédé à Borne le 26 février 1878. Mater, Jules; associé, décédé à Heilbronn le 20 mars 1878. CLASSE DES LETTBES. Mathieu, Ad.; membre, décédé à Ixelles le 13 juin 1876. Groen von Prinsterer , C. ; associé, décédé à La Haye le — 1876. Pertz, George-Henri; associé, décédé à Munich le 7 octobre 1876. Wolowski, Louis; associé, décédé à Paris le 1877. De Smet (Le chanoine), J.-J.; membre, décédé à Gand le 11 février 1877. Grandgagnage, J.-J.; membre, décédé à Embour (Liège) le 19 février 1877. de Godefroy Menilglaise (Le marquis); associé, décédé à Paris le 20 juillet 1877. Guillaume (Le baron) , G.; membre, décédé à Ixelles le 7 novembre 1877. Thiers, Ad.; associé, décédé à Paris le 3 septembre 1877. Boulez, J.-E.-G.; membre, décédé à Gand le 16 mars 1878. CLASSE DES BEAUX-ABTS. de Coussemaker, Edmond; associé, décédé à Lille le 10 janvier 1876. David, Félicien; associé, décédé à Paris le 26 août 1876. Mauou, J.; membre, décédé à Saint-Josse-len-Noode le 5 avril 1877. Païen, Auguste; membre, décédé à Sainl-Josse-ten-Noode le 16 avril 1877. Bovy, Antoine; associé, décédé à Paris le . . septembre 1877. Ricci, Frédéric; associé, décédé à Conegliano le 10 décembre 1877. Martinet, L.-A. ; associé, décédé à Paris le . . décembre 1877. ERBATUM. Van Hasselt, A.; membre, décédé à Saint-Jossc-ten-Noode le 1er décembre 1874. La Nécrologie (t. XL1) et ['Annuaire de l'Académie (1876) indiquent erronément le 1" décembre 1875. \* TABLE DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XLII. CLASSE DES SCIENCES I. Bibliographie analytique des principaux phénomènes subjectifs de la \ision, depuis les temps anciens jusqu'à la fin du XVIII" siècle, suivie d'une bibliographie simple pour la partie écoulée du siècle actuel; par .1. Plateau. ~2. Recherches sur les phénomènes de la digestion et suc la structure de l'appareil digestif chez les Myriapodes de Belgique; par Félix Plateau. !ï. Notes d'algèlirc et d'analyse; par Eugène Catalan. 4. Sur quelques formules relatives aux intégrales culériennes; par Eugène Catalan. CLASSE DES LETTRES. fi. Histoire de l'infanterie wallone sous la maison d'Espagne (1500-1800); par le baroi Guillaume. \*> BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII' SIÈCLE, D'UNE BIBLIOGRAPHIE SIMPLE POUR LA PARTIE ÉCOULÉE DU SIÈCLE ACTUEL J. PLATEAU, MEMBRE DE L ACADEMIE ROYALE DE BELGIQUE, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES.. DE L'ACADÉMIE DE BERLIN, ETC. I Présentée à la classe des sciences dans les séances des 6 janvier, 3 mars, 7 avril et lo mai 1877 Tome XL11. AVANT-PROPOS. Pour pouvoir tirer de cette Bibliographie tout le parti possible, il est indispensable de connaître le plan que j'ai suivi. L'ouvrage est partagé en six sections. La première est relative à la persis- tance des impressions sur la rétine, c'est-à-dire à celte propriété en vertu de laquelle l'impression produite au fond de l'œil par la lumière émanée d'un objet, se conserve avec sa forme et sa couleur pendant un petit inter- valle de temps après que l'objet a cessé d'agir sur l'organe. La deuxième section comprend les images qui se montrent après une contemplation prolongée, et qui, tout en gardant la forme de l'objet sur lequel les yeux ont été fixés, ont une couleur différente, qu'on a généralement con- sidérée comme étant toujours complémentaire de celle de cet objet. La troisième section se rapporte aux phénomènes qui se manifestent après qu'on a regardé des objets d'un grand éclat, ou même simplement des objets blancs bien éclairés ; ces phénomènes consistent en ce que l'image passe alors par une suite de couleurs diverses. Les trois sections ci-dessus embrassent tous les principaux effets de suc- cession. La quatrième section est consacrée à l'irradiation, c'est-à-dire à l'accrois- sement apparent que présentent les objets lorsqu'ils ont plus d'éclat que le champ sur lequel ils se projettent, et à leur diminution apparente dans le II AVANT-PROPOS. cas inverse. Plusieurs savants ont cherché à faire dépendre Pirradialion uni- quement de causes non subjectives; mais je ne partage pas leur opinion, et conséquemment j'ai maintenu la section dont il s'agit. La cinquième section a pour objet les teintes subjectives qui apparaissent pendant la contemplation même des objets, et qu'on désigne souvent aussi sous le nom de phénomènes de contraste. Enfin la sixième section concerne les ombres colorées; elle rentre, en réalité, dans la précédente; mais je l'en ai séparée, par la raison que les ombres colorées ont souvent été traitées à part, et que leur étude a reçu un développement particulier. A ces trois dernières sections appartiennent les principaux effets de simultanéité. Il semblerait plus naturel de commencer par les phénomènes qui accom- pagnent la contemplation ; mais l'étude de ceux-ci étant en quelque sorte facilitée quand on la fait précéder de celle des phénomènes de succession, j'ai préféré l'ordre qui donne cet avantage. Au lieu d'analyser en totalité chaque ouvrage, Mémoire, etc., ce qui aurait entraîné de nombreuses répétitions, je me suis attaché à ne reproduire de chacun d'eux que ce qui n'était pas déjà connu. Il résulte de là que parfois l'article analytique relatif à un long Mémoire se trouve n'avoir que quelques lignes, et que certains Mémoires ou Notes, qui ne contenaient rien de neuf, ont été passés complètement sous silence. On voit, d'après cette disposition, que mon travail doit offrir, pour chacune des branches dans lesquelles il se divise, le développement progressif de la science. J'ai fait exception à la règle ci-dessus dans quelques cas particuliers : par exemple, lorsqu'un fait ou un principe avancé d'abord par un auteur, l'a été ensuite par un autre d'une manière beaucoup plus précise ou plus explicite. J'ai fait encore exception à la même règle pour toute la troisième section; en voici les motifs : les phénomènes dont il s'agit dans cette section sont AVANT-PROPOS. ,„ variables avec les circonstances, cl, dans des circonstances qui semblent les mêmes, la succession des couleurs ne se montre pas identique chez diffé- rents observateurs; or les physiciens qui s'occupent de recherches théo- riques sur ces phénomènes, devront considérer comme essentiel d'avoir un ensemble nombreux d'observations, afin d'examiner quels sont les effets qui se sont produits le plus souvent dans différents yeux, quels sont ceux qu'on peut regarder comme exceptionnels, etc. En outre, et ce point est d'une extrême importance, les expériences qui provoquent les phénomènes cités dans celte même section sont dangereuses : c'est à la suite d'une expérience imprudente de ce genre, que s'est développé chez moi le germe de l'affec- tion qui a fini par me priver complètement de la vue; je ne saurais donc engager trop fortement les physiciens et les physiologistes à s'abstenir de semblables essais, qui ne présentent qu'un intérêt bien minime à côté des maux qu'ils peuvent entraîner; les observations faites jusqu'ici sont d'ail- leurs assez multipliées pour qu'on se dispense d'en entreprendre de nou- velles. J'ai donné conséquemment , dans cette troisième section, l'analyse entière de toutes les publications que j'ai rencontrées, sans m'inquiéter de ce que chacune d'elles pouvait avoir de commun avec l'une ou l'autre des publications antérieures. Lorsque, parmi les observations contenues dans un même travail à ana- lyser, les unes devaient figurer dans une section et les autres dans une autre section, j'ai reproduit dans chacune de ces sections l'indication du travail, savoir la date, le titre, etc. Quand un livre a eu plusieurs éditions, je fais, autant que possible, usage de la première , à moins que les suivantes ne contiennent des additions ou des changements importants. Je suis loin de me flatter que mon ouvrage soit complet pour la période qu'il embrasse; mais le grand nombre de recherches auxquelles je me suis livré, me permettent d'espérer, du moins, qu'il y a peu d'omissions. iv AVANT-PROPOS. J'ai arrêté mes analyses à la fin du XVIIIe siècle, parce que j'ai été effrayé de la quantité et de l'étendue de celles qui restaient à faire; d'ailleurs les travaux appartenant au siècle actuel sont plus connus. Cependant, pour faciliter les recherches aux savants qui s'occupent des mêmes particularités de la vision, j'ai réuni, à la fin de chaque section, les titres de toutes les publications qui se rapportent à celle-ci , depuis le commencement de notre siècle; je me suis borné à ranger les articles par ordre de dates, sans les analyser; seulement, pour presque tous, j'ai ajouté quelques mots sur leur contenu. L'ensemble de ces articles constitue ainsi une bibliographie simple pour la partie écoulée du XIXe siècle. J'ajoute que là , comme dans la partie analytique de la troisième section, j'ai inscrit tous les articles sans me préoc- cuper de leur nouveauté par rapport à ceux qui les précèdent. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE U VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE. PREMIÈRE SECTION. PERSISTANCE DES IMPRESSIONS SUR LA RÉTINE. Ktai'S.ÏSr Arbtote. Sur (es songes, chap. II et III. Les organes des sens conservent les impressions qu'ils ont reçues; c'est ainsi qu'un corps qui a reçu une impulsion, continue à se mouvoir, et qu'un ébranlement produit en un point de l'air ou de l'eau se propage dans ces fluides; si l'on a regardé pendant longtemps quelque chose de blanc ou de vert et qu'on porte ensuite les yeux sur un autre objet, celui-ci paraît de la même couleur que le premier « ; si l'on a dirigé les regards vers le 1 On sait aujourd'hui que lorsqu'on a regardé longlcmps du vert et qu'on porte les yeux ailleurs, ee n'est pas du verl, mais du rouge que l'on voit. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que celte erreur sur un fait aussi simple a été reproduite par Ptoléméc, et, plus tard, par Alhazen, et même par Kepler, sans doute sur la foi d'Aristote. A cause de la singularité de cette même erreur, je ne. me suis pas borné à rapporter l'assertion d'Aristote, mais j'ai rapporté également celles des trois autres, dont chacun présente d'ailleurs la chose d'une manière plus ou moins différente. 2 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE soleil ou vers quelque autre objet éclatant, et qu'on ferme ensuite les yeux, on voit d'abord l'objet tel qu'il est, puis il devient rouge, etc.; si, après avoir contemplé des objets en mouvement, tels qu'une rivière, surtout si elle coule rapidement, on porte la vue sur des objets en repos, ceux-ci semblent se mouvoir. Ces impressions conservées sont la cause des songes : elles se font sentir avec plus d'intensité pendant le sommeil, lorsque l'esprit et les sens n'agissent plus. Environnante ans LuCRÉCEt J)e rmlm naiUm. Dans le IVe livre, Lucrèce expose la théorie d'Épicure sur la vision : Les objets lancent incessamment dans l'espace de légères émanations de leur propre substance, émanations qui conservent la forme et la couleur de ces objets, et qui, en pénétrant clans nos yeux, nous procurent la sensation de ces mêmes objets. Lucrèce les nomme simulacra. Les songes sont dus à ce que quelques-uns de ces simulacres, plus subtils que les autres, s'insinuent jusqu'à lame et affectent celle-ci, en sorte qu'elle les perçoit encore pendant le sommeil. A ce propos, Lucrèce s'exprime ainsi, à partir du vers 772 : Quod super est, non est mirum simulacra moveri, Brachiaque in numerum jactare et cœtera membra : Nain fit ut in somnis facere hoc videatur imago; Quippe ubi prima périt, alioque est altéra nata Endo statu, prior hœc gestum mutasse videlur : Scilicel ici fieri céleri ratione putandum est. S'il avait ajouté que, dans les nombreux simulacres qui se succèdent, la différence d'attitude de chacun d'eux au suivant devait être peu considérable, de manière à rendre les changements suffisamment graduels, il aurait énoncé complètement le principe sur lequel repose le Fantascope ou Phénaki&ti- cope; au moyen de cet instrument, on le sait, une succession rapide de figures dessinées dont chacune se lie à la suivante par la persistance des impressions, produit l'apparence d'une figure en mouvement. DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. PduD,i»°Biè1c?e.!é Sénéque. Naturelles qumtimes, lib. I, § 3. Quelques-uns attribuent l'arc-en-ciel à ce que, dans la partie du ciel où il pleut, l'image du soleil est réfléchie par chacune des gouttes qui tombent; ces images innombrables qui passent ainsi se confondent, de sorte que l'apparence n'est pas celle d'un grand nombre d'images intermittentes, mais d'une seule allongée et continue. n« siècle. Ptolémée. Optique, livre II. Si un disque est peint de diverses couleurs suivant des directions passant par le centre, et qu'il tourne sur lui-même avec une grande vitesse, il parait d'une couleur unique, savoir de celle qui résulterait du mélange des pre- mières. C'est qu'un même rayon visuel ne demeure sur aucune d'elles et tombe successivement sur toutes, de sorle que, par suite de la rapidité de cette succession, il ne peut les distinguer les unes des autres; toutes les couleurs apparaissent donc à la fois sur toute la surface du disque, comme si elles n'en formaient qu'une. Si des points colorés sont peints à différentes distances du centre, chacun d'eux donne lieu, lors de la rotation du disque, à l'apparence d'un cercle présentant la même couleur. Dans ces phénomènes, la couleur semble occuper à la fois tous les lieux par où elle passe, et des effets iden- tiques se reproduisent continuellement. La même chose a lieu à l'égard des étoiles filantes, qui, à cause de la rapidité de leur course, o firent l'aspect de longues traînées lumineuses Lorsqu'on a regardé pendant longtemps un objet coloré et vivement éclairé, et qu'on porte ensuite les yeux sur un autre, celui-ci parai! avoir quelque chose de la couleur du premier; c'est que la vue conserve longtemps l'impression des couleurs très-brillantes '. Fio„d".r„net'e' Boèce. Cité par Haller dans une note du § 544 des Prœlectiones academicœ ment «lu VI1'. 1 ri 1 de Boerhaave. Haller dit , sans indication plus précise , à propos de la persistance des 1 Je dois la connaissance exacte de ces curieux passages à M. l'abbé Moigno (lui a en l'obli- geance d'en prendre copie pour moi dans le manuscrit latin, à la grande Bibliothèque de Paris. Tome XLII. 2 4 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE impressions: Exemplum litionis liabel olim Bocthius. Il parait donc que Boèce a mentionné l'apparence produite par un corps en ignition mû dans l'obscurité; c'est, à ma connaissance, l'auteur le plus ancien qui ait signalé ce phénomène; on verra, plus loin, que ce même phénomène présente un inté- rêt particulier, en ce qu'il a servi à Scgner et à D'Arcy pour la mesure de la durée de la sensation. Fin dU x« siècle, Avicenne. Cité, sans indication d'ouvrage, par Porta dans son traité de ou commencent nt * O ? 1 du XK Refractione , page 1 40. Le passage dont il s'agit se trouve probable- ment dans les Commentaires d'Avicenne sur Aristote, mais je n'ai pu me les procurer. Avicenne énumère les causes qui peuvent faire qu'un objet simple paraisse double ou multiple, et il range parmi elles la rapidité du mouvement: par exemple, lorsqu'un feu est mû circulaircment; car alors, les esprits visuels transportant au sensorhon commune une série d'images qui se succèdent rapi- dement, ce même scnsorium n'a pas encore jugé l'une d'elles que la suivante lui arrive, et ainsi de suite, de sorte qu'elles se montrent toutes ensemble circulairement rangées. vers hoo Alhazen. Opticœ thésaurus, Baie, 4 572 '. Lib. I, cap. 1. Si l'on regarde pendant longtemps un objet blanc bien éclairé par la simple lumière du jour, et que l'on dirige ensuite les yeux vers un endroit obscur, on y verra une image de l'objet avec sa couleur et sa figure; si l'on ferme les yeux, on la verra de même; puis cette image dispa- raîtra, et l'œil reviendra à son état naturel. La même chose aura lieu si l'on a regardé un objet exposé au soleil, ou si la vue s'est fixée pendant longtemps sur un objet blanc éclairé par une vive lumière artificielle, ou bien encore si, de l'intérieur d'une maison, on dirige la vue, pendant le jour, vers une large ouverture qui regarde le ciel. Si l'on a considéré pendant longtemps une prairie couverte d'herbes épaisses et éclairée par le soleil, et qu'on porte ensuite les yeux vers un endroit obscur, on y verra du vert; et si, dans cette 1 C'est la dalc de la publication de la traduction latine; l'original est en arabe. DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. 5 disposition des yeux, on regarde des objets blancs placés dans une faible lumière, leur blancheur paraîtra mêlée de vert; si Ton ferme les yeux, on éprouvera également une sensation de vert. Enfin ces sensations s'évanoui- ront. De même, si l'on a tenu les yeux fixés pendant longtemps sur un objet coloré en bleu, en rouge, ou en une autre couleur vive, et exposé au soleil, et qu'on dirige ensuite la vue sur des objets blancs placés dans une faible lumière, leur blancheur paraîtra mêlée de la couleur de l'objet que l'on a regardé *, lbid. Cap. V. C'est le cristallin qui est le siège de la vision; cet organe fonctionne à la fois comme corps transparent et comme corps sentant; la lumière et les couleurs lui font éprouver certaines modifications, d'où résulte la sensation, et ces modifications persistent, mais pendant peu de temps, après que la cause qui les a fait naître a cessé d'agir. Lib. III, cap. III et VI. Le temps est un élément nécessaire pour la vision parfaite : un corps qui passe rapidement devant un trou par lequel on regarde, n'est point perçu, ou ne l'est pas nettement. Lib. III, cap. Vil, nos G6 et 67. L'apparence produite par un corps en ignition mû circulairement, provient de ce que le passage du corps d'un point à un autre de la courbe qu'il décrit étant presque instantané, l'œil ne peut plus distinguer le mouvement de ce corps. De même une roue qui tourne très-rapidement parait immobile. C'est encore ce qui a lieu pour une 1 Comme l'ouvrage d'Alhazen est curieux sous le rapport du style, je vais rapporter ici une partie du passage original, ou du moins de la traduction latine de ce passage : Et itcrùm invenimus, quando inspiciens inspexerit corpus mundum album, super quod oriebatur lux diei : et fuerit illa lux fortis, quamvis non sit lux solis : et moretur in aspectu diù : deinde convertat visum suum ad locum obscurum : inveniet formam lucis illius in illo loeo, et inveniet cum hoc figuram cjus : deindè si clauscrit visum, inveniet in ipso formam illius lucis : deindè auferctur hoc, et reverletur oculus in suam dispositionem. Et similiter cril dispositus visus, quando inspexerit corpus, super quod oriebalur lux solis. Et similiter quando inspexerit corpus clarè album, sujpeF quod oriebatur lux ignis, quando lux ignis fuerit fortis, et moretur in aspieiendo ipsum : deindè recesscrit ad locum obscurum : inveniet iterum in eo idem hoc in suo visu. Et similiter quando aspiciens fuerit in domo, in quâ fuerit foramen amplum discoopertum ad ccelum : et aspexerit ex illo loeo cœluni in lucc diei : et moretur in aspieiendo ipsum : deindè revertalur visus ejus ad locum obscurum in domo : inveniet formam lucis, quam comprehendebat ex foramine cum figura foraminis in loeo obseuro : et si clauseï it oculum suum, inveniet itcrùm in eo forinain illam. 6 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE toupie, quand même elle est peinte de diverses couleurs : car alors celles-ci se confondent, et présentent l'apparence d'une couleur unique. Ptolémée avait déjà signalé des effets semblables (voyez à l'article Ptolé.mée) ; si je les mentionne de nouveau, c'est à cause de l'emploi de la (oupie, qui offre un moyen simple de les produire. xiii« siède. Albert le Grand. Cité , sans indication d'ouvrage , par Porta dans son traité de Refraclione , page 1-41. C'est probablement dans les Commentaires d'Albert le Grand sur Aristote que se trouve ce passage, mais je n'ai pu consulter ces Commentaires. L'auteur place, comme Avicenne (voyez à ce nom), la rapidité du mou- vement parmi les causes qui peuvent multiplier l'apparence d'un objet, et il cite, comme exemples, qu'une goutte qui tombe présente l'aspect d'une ligne, et qu'une baguette mue rapidement fait voir un cercle. La manière dont il explique ces effets est analogue à celle d' Avicenne. ieo4. Kepler. Ad vitellionem paralipomena quibus astronomiœ purs oplica tra- ditur, Francfort, pp. 169 et 170. Les images des couleurs vives demeurent dans les yeux après la contem- plation, et se mêlent aux couleurs que les yeux reçoivent ensuite, de manière à donner lieu à une teinte résultant de leur ensemble. i6is. Le père d'Aguillon. Francisai Aguilonii opticorum libri sex, Anvers. Lib. I, prop. 52, p. 55. Ce ne sont point les images qui persistent dans l'œil après la disparition des objets qui les ont produites : ces images s'éva- nouissent nécessairement avec leur cause; ce qui se maintient pendant quelque temps, c'est un mouvement imprimé à l'organe, une certaine altéra- tion qu'il a subie; Aristote s'est donc trompé en attribuant les songes à la conservation des images perçues [tendant la veille. Lib. IV, prop. 137, p. 347. Il arrive souvent que les corps lancés avec une grande rapidité ne sont point aperçus : c'est ce qui a lieu, par exemple, pour une balle de fusil. C'est que le corps est emporté avant que la percep- tion de l'impression produite dans l'œil ait pu se faire. DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. 7 Lil). IV, prop. 138. Les corps qui se meuvent très-rapidement paraissent occuper à la fois toul l'espace qu'ils décrivent; si cet espace est trop grand pour être parcouru dans un temps insensible, une portion seulement en paraîtra occupée par le mobile; si celui-ci est un point, on le verra comme une ligne d'une certaine longueur qui se transporte dans le sens du mouve- ment. C'est ce qui se montre très-bien dans les étincelles lancées par le bois enflammé. 1639 «. Gassendi. Vita Peireskii, Paris 1641, lib. V (voyez aussi Pétri Gassendi opéra omnia, Lyon, 1658, t. V, p. 317). Observation de l'image qui persiste dans les yeux après que, de l'inté- rieur d'un appartement, on a contemplé une fenêtre, avec une particularité qui se rapporte aux couleurs accidentelles de succession. (Voir, à la même date, dans la deuxième section.) 164u. Michaelius. De oculo, seu de nalura visas, libellas, Dordrecht, à la fin des ■ Paralïpomena. Ce n'est pas sur la rétine, mais bien dans l'imagination, que les images persistent après la contemplation des objets. A l'appui de celte proposition, l'auteur rapporte les faits suivants : 1° Assis dans une chambre, en face d'une fenêtre, il regarde fixement celle-ci pendant quelque temps, puis ferme les yeux, et voit très-nettement l'image de la fenêtre; alors, appuyant les doigts sur ses deux yeux, il fait mouvoir violemment ceux-ci, ce qui lui donne de vives sensations de lumière scintillante, qui finissent par envahir la totalité des rétines; et cependant l'image de la fenêtre demeure parfaitement distincte. Or, si c'était sur la rétine que l'image persiste, la lumière produite par l'agitation des humeurs de l'œil empêcherait de la percevoir; l'éclat de cette lumière masquerait, ou, tout au moins, affaiblirait l'impression. 2° L'auteur a plusieurs fois observé qu'une image persistante, après s'être évanouie, renaissait : par exemple, la série des images colorées qu'on 1 C'est In date inscrite à la fin de l'ouvrage. 8 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE croit voir se succéder dans les yeux fermés après qu'on a regardé le soleil, se reproduit une seconde, et môme une troisième fois. C'est qu'il y a une sorle de lutte entre l'imagination et le jugement : ces deux facultés résident dans deux parties distinctes du cerveau; or, quand l'âme juge, elle attire vers le siège du jugement les esprits qui occupaient celui de l'imagination, et cette dernière se trouve alors affaiblie; puis quand, à son tour, le juge- ment devient moins actif, l'imagination reprend le dessus. ic63. Boyle. Experiments and observations upon colours (voir aussi The philo- phical works of llie honourable Robert Boyle, etc., 2e édition ', publiée à Londres en 1738, t. II, p. 4). L'auteur a connu un homme qui, ayant regardé avec trop d'attention le soleil dans un télescope sans employer de verre obscur, eut l'œil tellement affecté, que depuis, toutes les fois qu'il le dirigeait vers une fenêtre ou quelque objet blanc, il croyait voir paraître un globe de lumière à peu près de la même grandeur que le soleil. Lorsqu'il en parla à Boyle, il y avait dix ans que cet effet persistait à se montrer. igg7. Le Père Fabri. Synopsis optica in qua, etc., Lyon. Propos. XVI, Coroll. IV, p. 21. L'effet produit par un charbon allumé mû avec rapidité, est dû à ce que l'impression déterminée au fond de l'œil par l'objet lumineux, dure pendant un certain lemps. Ce serait doue la première fois qu'on aurait attribue nettement v\n effet île ee genre à la persistance des impressions. JC74. Le Père Milliet Deciiales. Cursus seu Mundus Malliemalieus, Lyon, t. III, partie optique, lib. II, propos. LXIII2. A propos du fait que les objets qui se meuvent très-rapidement paraissent occuper à la fois tout l'espace qu'ils décrivent, l'auteur rapporte l'exemple suivant, outre beaucoup d'autres déjà connus : une corde qui vibre semble ' Je renvoie à la seconde édition, parce que je n'ai pu consulter la première. 2 Je n'ai pu me procurer que la 2e édition, et le passage en question s'y trouve pp. 448-450. DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. 9 remplir tout l'espace sur lequel s'étendent ses vibrations, de sorte que, celles-ci devenant de plus en plus petites, on voit l'espace en question se rétrécir graduellement, jusqu'à ce que la corde se montre de sa véritable largeur. L'auteur attaque les explications du genre de celles d'Alhazen et du Père d'Aguillon, et substituant à ces causes obscures la persistance des impres- sions, il cite à l'appui de ce principe les laits suivants, dont le premier est relatif au sens du loucber : Un enfant promet à un autre de lui donner quelque chose, si celui-ci parvient à détacher de son front une pièce de monnaie que le premier y appliquera; tous les moyens sont permis, hors celui d'employer la main, ou de se frotter le front contre quelque objet. Alors le premier enfant appuie fortement et pendant longtemps la pièce sur le front de l'autre, puis il l'enlève adroitement, et c'est chose extrêmement plaisante que de voir les grimaces, les secousses, les sauts auxquels se livre l'enfant trompé, pour faire tomber la pièce qu'il croit adhérente à son front. Des personnes qui avaient regardé pendant Irop longlemps une éclipse de soleil à l'œil nu, ont vu continuellement devant elles, pendant un mois entier, une image jaunâtre du soleil. Dans une ouverture pratiquée au volet d'une fenêtre, on peint une figure quelconque, en employant une couleur brillante, telle que le rouge; puis, la chambre étant complètement obscurcie, on tient pendant quelque temps les regards fixés sur cette figure; si alors on ferme les yeux, on continuera à la voir, et elle gardera pendant quelque temps sa couleur, puis celle-ci passera au jaune, au vert, et ainsi de suite. La persistance des impressions explique encore ce fait que, lorsqu'un corps présentant beaucoup d'aspérités et de creux tourne rapidement sur lui- même, sa surface semble parfaitement unie; c'est ce que l'on voit, par exemple, en travaillant des objets au tour. i6«a. Zahn. Oculus artifîcialis teledioplricus , etc., Herbipolis. Fundamentum I, Syntagma I, cap. VI. L'auteur ayant observé sans précautions suffisantes une éclipse de soleil, 10 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE vit ensuite, pendant plus d'un mois, sur tous les objets qu'il regardait, une grande tache dont le milieu était noir et l'extérieur jaune et couvert de stries entre-croisées. Le caractère de ce phénomène n'est pas assez tranché pour décider s'il appartient à celte section ou à la suivante; je l'ai donc rapporté dans toutes les deux. d?xvH«,sr™« Mariotte. Traité des couleurs , IIe partie, 4e Discours : Des apparences des couleurs qui procèdent des modifications internes des organes de la vision (OEuvres, La Haye, Édit. de 1740, p. 318 à 320). Observation de certains phénomènes qui se manifestent dans les yeux lorsque, en marchant, on regarde le soleil à demi caché sous l'horizon; idem après qu'on a regardé une fenêtre. Ces phénomènes appartiennent à la fois à la section actuelle, à la deuxième et à la troisième. (Voir ces deux dernières à l'article Mariotte.) Si, lorsqu'on passe d'un lieu très-éclairé dans un lieu obscur, on ne peut distinguer les objets ni apercevoir leurs couleurs, c'est, en partie, à cause des impressions qui sont demeurées dans les yeux. igoi «. Newton. Vie de Locke, publiée en 1830 par Lord King (voir aussi la Bibliothèque universelle, 1831, t. XLVI, Sciences et Arts, p. 354). Newton avait regardé de l'œil droit, pendant un instant très-court, l'image du soleil réfléchie par un miroir, puis avait dirigé ses yeux vers une partie obscure de l'appartement, pour observer l'impression résultante et les cercles colorés qui l'entouraient. Après avoir répété cette opération à trois reprises, il avait acquis la singulière faculté de reproduire à son gré le spectre lumineux, sans regarder le soleil, et par le seul pouvoir de sa volonté. Cela lui devint de plus en plus facile, et la chose arriva à un point tel, qu'il ne pouvait plus regarder un objet éclairé, sans y voir une tache ronde et lumineuse; de plus, l'œil gauche qui n'avait pas reçu l'impres- sion des rayons du soleil, participa aussi graduellement à la faculté de repro- ' C'est la date d'une lettre adressée à Locke, à propos du fait analogue rapporte par Uoyle. DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. H duire l'image de cet astre. Pour remettre ses yeux dans leur état normal, Newton s'enferma pendant trois jours dans sa chambre qu'il avait rendue obscure, et chercha, par tous les moyens en son pouvoir, à distraire son imagination de l'idée du soleil; mais, pendant plusieurs mois encore, le spectre recommençait à se montrer toutes les fois que l'auteur se mettait à méditer sur ces apparences, même à minuit, lorsqu'il était couché et entouré de ses rideaux. 1704 Newton. Optics, livre I, partie 2, prop. V, expér. X. Après avoir réuni en une image blanche, à l'aide d'une lentille, les diffé- rents rayons colorés séparés par un prisme, on fait glisser devant la lentille un instrument en forme de peigne à larges dents, dont chacune, en passant, intercepte nécessairement une partie des rayons colorés. Alors, si le peigne se meut avec lenteur, on voit l'image formée au foyer de la lentille se colorer successivement de teintes diverses, résultant du mélange des rayons qui pas- sent dans les intervalles des dents; mais si l'on fait mouvoir le peigne avec une rapidité suffisante, toute coloration disparait dans l'image focale, qui redevient complètement blanche '. C'est que, lorsque les différentes couleurs se succèdent dans cette image avec une grande rapidité, la sensation de cha- cune d'elles demeure imprimée dans le sensorium jusqu'à ce que toute la série des autres ait passé et que celle-là revienne de nouveau, de sorte que les impressions de toutes ces couleurs existent à la fois dans le sensorium, et produisent ainsi, par leur mélange, une sensation commune. Ibid., ibid. Expér. XI, XII et XIII. Newton varie, en combinant de plu- sieurs autres manières le peigne mobile ci-dessus avec des prismes, l'expé- rience de la production d'une impression blanche par la succession rapide des impressions colorées. Ibid. Livre III, question 16. Newton se demande si, de ce que les mou- vements excités par la lumière au fond de l'œil persistent après la disparition de l'objet qui les a fait naître, il ne résulte pas que ces mouvements sont de nature vibratoire. 1 Cette expérience l'ait partie de la série de celles par lesquelles Newton prouve la composi- tion de la lumière blanche. Tome XLII. 5 12 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE 1758. Jurin. An essay upon distinct and indistinct vision, § 222. (Ce Mémoire est inséré à la fin du Traité d'optique de Smith : A compleal System of oplics, Cambridge.) L'auteur explique par les petits mouvements de l'œil et la persistance des impressions, l'apparence rayonnante que présentent les étoiles : d'après lui, la vision parfaite n'ayant lieu que jusqu'à une certaine limite d'éloignement des objets, l'image d'une étoile n'est pas concentrée en un point, mais occupe un certain espace sur la rétine; or, dans les petits mouvements de l'axe de l'œil, cette image tombe successivement sur différentes parties de la rétine, et si cette succession est assez rapide, la lumière de l'astre paraîtra se pro jeter de différents côtés à la fois. !74o. Segner. De ruritate luminis, Gœttingue, pp. 5 à 8. L'auteur se propose de déterminer approximativement la distance qu'on peut supposer entre deux particules lumineuses consécutives. Pour cela, il rappelle d'abord le principe de la persistance des impressions, d'où résulte que la vision d'un objet peut être continue, quoique la lumière qui en émane agisse sur l'œil par impulsions successives, si ces dernières sont assez rap- prochées pour que l'impression produite par l'une d'elles n'ait pas encore disparu lorsque la suivante arrive. Par exemple, si l'on agite rapidement un bâton de droite et de gauche devant les yeux, il cachera, dans ses passages successifs, les différentes parties des objets plus éloignés, et cependant ces objets se verront aussi distinctement que si aucun obstacle n'interceptait la lumière qu'ils envoient à l'œil. L'auteur rappelle aussi l'expérience du corps lumineux mû rapidement en tournant, et qui présente l'aspect d'une ligne courbe ou, ajoute-t-il, d'une surface courbe. Il fait remarquer ensuite que si un charbon ardent tourne avec une vitesse moindre, il ne produit plus l'apparence d'une circonférence lumineuse complète, mais seulement d'un arc lumineux, parce que, en un point quelconque de la circonférence, l'im- pression s'évanouit avant que le charbon ait décrit une révolution entière, mais qu'elle persiste pendant qu'il parcourt un arc plus ou moins étendu selon sa vitesse. On peut, en partant de ce fait, obtenir la valeur du temps pendant lequel persiste l'impression produite par un objet : on n'a qu'à DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. 15 donner au charbon la vitesse précisément suffisante pour que le cercle lumi- neux paraisse complet; la durée de la sensation est alors égale à celle d'une révolution du charbon. L'auteur a fait usage de celte méthode, et a trouvé la durée dont il s'agit égale à près d'une demi-seconde; mais, pour être plus sûr de ne pas se tromper, il adopte comme valeur un dixième de seconde, ou six tierces. Ainsi, en supposant que la lumière émanée d'un point n'arrive à l'œil qu'après des intervalles successifs de six tierces, la vision de ce point sera parfaitement continue. De là et de la vitesse connue de la lumière, l'auteur déduit que la distance entre deux particules lumineuses consécutives peut s'élever à cinq demi- diamètres de la terre. C'est la première fois qu'on a essayé île mesurer la persislancc des impressions. 1743 Boerhaave. Prœlectiones academicie , in proprias inslitationes rei med/'cœ edidit et notas addidit AWertus Jf aller, Turin, t. III, p. 147, § 541. L'œil ne peut voir à la fois qu'un seul objet, et même il ne voit distincte- ment qu'un point de celui-ci; s'il nous semble que nous embrassons d'un seul regard plusieurs objets, cela tient, d'une part, à ce que l'œil possède la propriété de les parcourir tous avec une incroyable vitesse, et, d'autre part, à ce que l'impression produite par chacun d'eux persiste pendant que l'œil passe aux autres, ce qui nous fait paraître toutes ces impressions simul- tanées. «7;si. Hamberger. Physiolugia medica, léna, § 993. La rétine, à cause du grand nombre de vaisseaux qu'elle contient, doit être élastique; et comme le mouvement des plus petites parties des corps élastiques ne cesse pas immédiatement après l'impulsion qui l'a fait naître, on comprend que celui des libres élastiques de la rétine peut persister au delà du moment où elles ont reçu une image; or, tant que dure le mouvement de ces fibres, celui des esprits sensitifs, et conséquemment la perception qui en résulte, doivent également durer. En outre, de même qu'une action plus ou moins énergique détermine, dans les plus petites parties des autres corps ii BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE (Mastiques, un mouvement plus ou moins durable, de même la perception dure d'autant plus longtemps que la lumière qui a agi sur la rétine était plus intense. t732> Melyill. Essays and observations physical and literary, Edimbourg, t. II, 4770, p. 12 : Observations on light and colonrs. Page 76, dans la note. Si l'on agite une baguette blanche en lui donnant un mouvement angulaire rapide de droite à gauche et de gauche à droite, tout le secteur décrit parait blanchâtre; mais il semble terminé par deux baguettes plus blanches. C'est qu'aux deux extrémités du mouvement, la baguette a un moment de repos, et envoie à l'œil beaucoup plus de lumière dans le même temps. Si Ton fait en sorte que la baguette soit, pendant ce mouvement, agitée en outre de petites et rapides vibrations, ce que l'on obtient en la frappant contre un corps solide immédiatement avant de lui donner son grand mouve- ment angulaire, alors le secteur paraît divisé par un grand nombre de baguettes presque aussi blanches que les deux extrêmes, et ressemble ainsi à un éventail. C'est que, dans l'une des moitiés de chacune de ses petites vibra- tions, la baguette se meut en sens contraire du grand mouvement angulaire, d'où résultent des temps d'arrêt ou de ralentissement, pendant lesquels l'impression produite sur l'œil doit être plus intense. i-o8. Dufieu. Manuel physique, ou manière courte et facile d'expliquer les phé- nomènes de la nature, pp. 379 et 380, Lyon. L'auteur étend la persistance des impressions aux autres sens : par exemple, lorsqu'une étincelle nous brûle, la cuisson dure encore un moment après l'extinction de l'étincelle; le roulement continu qu'on produit avec le tambour est le résultat d'une série de chocs isolés qui se succèdent rapidement. m». Poiitereield. A (réalise on Ihe eye , the manner and phenomena of vision, Edimbourg, t. II, p. 422. Un objet qui se meut très-rapidement n'est pas vu, à moins qu'il ne soit 1 C'est la dule de la lecture du Mémoire. DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. Ui fort lumineux. Un boulet de canon ne s'aperçoit pas lorsqu'il passe transver- salement devant l'œil ; mais il devient visible si Ton dirige la vue le long de la ligne qu'il décrit; c'est qu'alors son image demeure plus longtemps au même endroit de la rétine, qui, par conséquent, en reçoit une impression plus sensible. i7C2. Musschenbroer. Introductio ad philosophiam naturalem, Leyde, t. II, § 1820. L'auteur a partagé la surface plane supérieure d'une toupie d'Allemagne en parties peintes des sept couleurs principales, dans la proportion où les montre le spectre solaire; lorsque la toupie était mise en rotation, la surface dont il s'agit paraissait d'une couleur cendrée, c'est-à-dire approchant d'un blanc imparfait. C'est, je pense, la première fois qu'on a essayé d'obtenir du blanc par la rotation rapide d'un disque peint des sept couleurs prismatiques. 1705. Scopoli. Entomologia Carniolica, dans l'introduction. Afin d'avoir un moyen de définir les couleurs des papillons, l'auteur emploie un procédé fondé sur la persistance des impressions : un petit disque de bois muni d'un axe est divisé en huit secteurs égaux, dont on couvre un nombre déterminé avec des couleurs primaires; lorsqu'on donne à l'appareil un mou- vement de rotation rapide, il paraît d'une teinte unique. Scopoli dit qu'il a employé cette méthode, mais (pie l'inventeur est le Père Poda. i76jî. D'Arcy. Mémoire sur la durée de la sensation de la vue (Mém. de l'Acad. des Sciences de Paris, année 1765, volume publié en 1768). La persistance de la sensation de la vue, entre autres erreurs qu'elle intro- duit dans nos observations, peut raccourcir en apparence la durée de certains phénomènes, tels que le passage d'un corps opaque sur un disque lumineux : le corps opaque a déjà commencé à entrer que nous ne le voyons pas encore, à cause de la persistance de la sensation que produisait la portion éclipsée du bord lumineux ; il n'en est pas de même à la sortie du corps opaque, el, par |(> BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE conséquent, le temps du passage sera raccourci, pour l'observateur, de toute la durée de la sensation; etc. L'auteur entreprend de mesurer la durée de la sensation de la vue, et il emploie pour cela le même procédé que Segner (voir à la date 1740), dont il ne connaissait pas les recherches. Il décrit avec détails son appareil et ses expériences. L'appareil consistait en un système de rouages mû par un poids, et portant une espèce d'aiguille à laquelle on pouvait attacher un charbon ardent ou un autre corps lumineux; au moyen de volants, on faisait varier à volonté et l'on régularisait la vitesse de rotation de l'aiguille, et l'instrument était muni d'une sorte de compteur pour évaluer cette vitesse. Les observations ont été faites la nuit, l'observateur étant placé à vingt-huit toises de distance de la machine. L'auteur conclut de ses expériences que la durée de la sensation est de 8 tierces. Il plaça deux charbons à des distances différentes du centre de rotation; alors, en diminuant la vitesse jusqu'à ce que les anneaux ne fussent plus par- faits, la discontinuité sembla se faire remarquer plus tôt dans le grand que dans le petit. La durée de la sensation a été trouvée la même soit qu'on regardât l'instru- ment à la vue simple, soit qu'on employât une lunette ou une pinnule. Enfin, en changeant la distance de l'observateur à l'appareil, il n'en résulta non plus aucune différence dans la valeur de cette durée. Dans ces expériences, si l'observateur ferme les yeux pendant quelque temps, puis les ouvre brusquement, l'anneau parait interrompu, parce que l'œil n'a, dans cet instant, que la perception actuelle du petit espace qu'occupe le charbon ou le corps lumineux. L'auteur a adapté à l'instrument un disque de carton percé d'une petite ouverture; en regardant par cette dernière un objet éloigné, et faisant tourner le disque avec une rapidité suffisante, l'objet se voyait d'une manière parfai- tement continue; seulement il paraissait plus terne. Dans une autre expérience, D'Arcy a placé une lumière derrière le disque ci-dessus; la vitesse nécessaire pour voir cette lumière d'une manière conti- nue était un peu moindre que dans les expériences sur le charbon ardent, de sorte que la durée de la sensation, dans cette circonstance, pouvait être éva- DE LA PERSISTANCE DES IMPRESSIONS. 17 liiée à 9 tierces : ce qui paraîtrait indiquer, dit l'auteur, que la vitesse ne serait pas la même pour produire la sensation apparente d'un cercle lumi- neux, que pour donner la sensation continue d'un point lumineux devant lequel tourne le disque opaque dont nous avons parlé. D'Arcy se proposail d'examiner encore, en faisant celle fois les expériences au soleil, si l'éclat plus ou moins grand de l'objet, sa couleur, et la distance de l'observateur, exerceraient une influence sur la durée de la sensation, mais il n'a pu faire que quelques-unes de ces expériences; il a reconnu (pic la sensation produite par les corps blancs éclairés par le soleil avait à peu près la même durée que celle du charbon ardent. L'auteur se proposait aussi de déterminer si la durée de la sensation eavl)ame\\, 2'"° édition, Londres; voir |>. 172 de ce travail.) Nouveau photomètre. Brevvster. On the combinalion of prolongea direct luminous impressions on the refîna with their complementary impressions. (Philos. Magaz., 5mc série, t. XXII, p. 434.) Phénomène observé le matin , peu après le réveil. 1844. Masson. Études de photométrie électrique. (Comptes rendus, (. XVIII, p. 289.) Estimation de l'intensité relative de la lumière de l'étincelle électrique. 1845. Masson. Études de photométrie électrique, l" et 2",c Mémoires. (Ann. de chim. et de phys. de Paris, 3mc série, (. XIV, p. 129.) Développements. Emsmann. Optische Tauschung, welche sich an dem Abplattungsmodelte zeigt, sobald dièse durcit die Schwungmasc/iine in Bewegung geselzt wird. (Ann. de Poggendorff, t. LX1V, p. 326.) Illusion de l'espèce de celles étudiées par Rogrt, Parada; et Plateau; voir aux années 1821, 1828 et 1830. Dopi'ler. Zwei Abhandlungen ans dem Gebiete der Oplik. Prague. (Voir le deuxième de ces Mémoires.) Disque tournant percé de l'entes radiales; éclairement régulièrement intermittent. 1846. Mvller. Anwendung der stroboskopischen Scheibe zur Versinnlicliung der Grund- gesetzeder Wellenleltre. (Ann. de Poggendorff, I. LXV1I, p. 271.) Application du Phénakislicope. Coates. Ocular speclra. (Proceed. of ihe Americ. philos. Soc, t. IV, p. 239.) Les images qui persistent dans l'œil ne décroissent pas d'une manière indéfinie. 34 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1846. Matteucci. Examen de la constitution de la partie trouble de la veine liquide. (Comptes rendus, l. XXII, p. 200.) Emploi tle l'étincelle électrique. Anderson. On some neio and curions curies generated bij the images reflected from plane mirrors in a staleofrapid rotation round a fixed axis. (Edinb. New philos. Journ., t. XL, p. 59.) Le litre indique suffisamment l'objet de l'article. 1847. Dove. Ueber Darstellung des Weiss ans Complemenlarfarben, und ùber die opti- schen Erscheinungen welche in rolirendeii Polarisalions-Apparaten sich zeigen. (Ami. de Poggendorff, t. LXXI, p. 97; voir le n° 1 de ce Mémoire.) Dépolarisation de la lumière par la rotation de l'appareil polarisant Ueber subjective Farbenerscheinnugen bei einem Farbenkreisel, und eine darauf gegriindele Méthode, seine Umdrehungsgeschioindigkeit zu beslim- men. (lbid., ibid., p. 112.) Tige noire passant devant un disque tournant à secteurs colorés. Beschreibtmg eines Stephanoskop. (Ibid., ibid., p. lia.) Héseau à lignes droites tournant. Bravais. Sur les phénomènes optiques auxquels donnent lieu les nuages à particules glacées. (Comptes rendus, t. XXIV, p. 902.) Prisme creux plein d'eau et tournant rapidement sur lui-même. 1848. Harless. Physiologische Beobachlung und Experiment. Nuremberg, voir p. 45. Mélange dis impressions de deux couleurs inégalement distantes de l'oeil ; expérience qui réalise celte condition. ïaylor. Ou the apparent motion of the figures in certain patients of blue and red ivorsted. (Philos. Magaz., ô""- série, t. XXXIII, p. 545.) Explication des Cœurs dansants par la persistance des impressions. 1849. Forbes. Hints towards a classification <>f culours. (Philos. Magaz., 5,"c série, (. XXXIV, p. 101; voir p. 100.) Calcul des largeurs de secteurs rouges, jaunes et bleus supposés devant donner du gris par la rotation. Swan. On the graduai production of lu mi nous impressions on the eue, and olher phenomena of vision. (Proceed. of the Roy. Soc. of Edinb., I. Il, p. 230.) Emploi du disque percé tournant , lois qui lien! l'éclat apparent d'une lumière do couru- durée au temps pendant lequel elle agil sur l'œil. DU PHÉNOMÈNE ET DE SES APPLICATIONS. 55 1849. Antoi:\e. Résonnance multiple et phénomènes optiques produits par les corps vibrants. — Théorie de l'archet. (Ann. de chim, et de phys. de Paris, 3mc série,!. XXVII, p. 191.) Aspect d'une corde qui rend le son fondamental et son octave aiguë, etc. Fizeau. Sur une expérience relative à la vitesse de propagation de la lumière. (Comptes rendus, I. XXIX, p. 90.) Rayon lumineux lancé entre les dents d'une roue tournante et revenant à la roue après une réflexion sur un miroir éloigné. J. Plateau. Réclamation weyen eines von Doppler angegebenen Instruments. (Ann. de Poggendorir, t. LXXVIII, p. 284.) Voir le 2m<- des articles J. Plateau 1856. Note sur une nouvelle application curieuse de la persistance des im- ]>ressions sur la rétine. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, t. XVI, lre partie, p. 424.) Changements graduels de couleurs. Deuxième Note sur de nouvelles applications curieuses de la persistance des impressions sur la rétine. (Ibid., ibid., p. 588.) Diflérents Anorthoscopes. Troisième Note, idem. (Ibid., 2"'c partie, p. 30.) Modification du Phénakisticope. Quatrième Note, idem. (Ibid., ibid., p. 254.) Apparences après la contemplation d'une spirale tournante. 1850. Masson. Éludes de photométrie électrique, 3"'e Mémoire. (Ann. de chim. et de phys. de Paris, 5mc série, t. XXX, p. 5.) Suite de l'article de 1845. Aiugo. Note sur le système d'expériences proposé en I85S, pour prononcer définiti- vement entre la théorie des ondes et la théorie de l'émission. (Comptes rendus, t. XXX, p. 489.) Appareil a plusieurs miroirs tournants. Foucault. Méthode générale pour mesurer la vitesse de la lumière dans l'air et dans les milieux transparents ; etc. (Ibid., ibid., p. 551.) Application du miroir tournant. Tome XL1I. G 36 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1850. Fizeau cl BréGuet. Noies sur l'expérience relative à la vitesse comparative de la lumière dans l'air et dans l'eau, (lbid., ibid., pp. 562 et 771.) Emploi du miroir tournant. Seccni. Sopra un nuovo fotometro deslinato specialmente a misurare l'intensité rela- liva delta luce délie stelle. (Atti dell' Accademia pontificia de' Nuovi Lincei, sessione I, anno IV.) Application du principe de Talhot. Stevelly. An attempl to explain tlie occasional distinct vision of rapidly revolving coloured seclors. (Rapport de l'Assoe. britann., 2"10 partie, p. 21.) Réapparition des secteurs lors d'un mouvement rapide des yeux. Swan. On tlie iimils to tlie velocity of revolving Lighthouse apparatus caused by the lime required for the production ofluminous impressions on tlie eye. (Ibid., ibid., p. 191.) Une lumière quelconque exige environ 0",1 pour produire tout son effet sur l'œil. 1851. Billet-Sélis. Sur les moyens d'observer la constitution des veines liquides. (Ann. dechim. et de phys. de Paris, 5mc série, t. XXXI, p. 326.) Disque tournant percé; superposition de la veine et de son image renversée produite par un miroir concave. Tyndall. On tlie pliœnomena of a waler-jel. (Philos. Magaz., 4e série, t. I, p. 105; voir p. 109.) Kil de platine incandescent placé successivement derrière la partie continue et derrière la partie discontinue de la veine. Loomis. On the apparent motion of figures of certain colours. (Procccd. of tlie Amer. Assoc., 1852, p. 78.) liole de la persistance des impressions dans le phénomène des Cœurs dansants. SiPiSTEDEN. Eine optisc/te Stelle aus den Alten. (Ann. de Poggendorff, t. LXXXIV, p. 448.) Passage curieux de Lucrèce Biff. Einige Bemerkungen ûber die Erscheinung der Auflôsung des /liissigen Slrahls in Tropfeu. (Ann. der Clietn. und Pliarm. de Liebig et kopp, t. LXXVIII,p. 162.) Emploi judicieux de l'étincelle électrique. Rozet. Détermination de la vitesse de la pluie. (Comptes rendus, t. XXXIII, p. 581.) Pluie vue à travers la fenêtre d'un wagon eu marche. DU PHENOMENE ET DE SES APPLICATIONS. 37 1 8 f> 1 . J. Plateau. Rapport sur un Mémoire présenté à l'Académie de Belgique par M. Monligny et intitulé : Phénomènes de persistance des impressions de la lumière sur la rétine. (Bullct. de l'Acad. de Belgique,!. XVIII, 2me partie, p. 4.) Voir le premier des articles Monligny 1852 ; explicalion plus complète d'un phénomène. 1852. Billet. Sur la constitution de la lumière polarisée cl la vraie cause des change- ments qui s'introduisent dans la différence des phases de deux rayons polarisés issus d'un rayon naturel. (Biblioth. univ., 4me série, t. XIX, Archives des sciences, p. 296.) Emploi proposé d'un disque tournant percé, dans lequel les vides sont égaux aux pleins. Anonyme. Le Fanlascope décrit par un ancien. (Ibid., ibid., p. 302.) Voir l'article Sinsteden 1 851 . Moigno. (Journal Cosmos, n° 5, p. 116.) Même sujet. J. Plateau. Sur le passage de Lucrèce où l'on a vu une description du Fantascope. (Biblioth. Univ., 4m0 série, t. XX, Archives des sciences, p. 500.) Rectification à l'article de Sinsleden. (Journal Cosmos, n° 15, p. 507.) Même sujet. Moigno. Stéréo-fantascope, ou Bioscope de M. J. Duboscq. (Ibid., n° 30, p. 703.) Combinaison du Stéréoscope et du Phénakisticope. Phénomènes de persistance des impressions de la lumière sur la rétine. Extrait du rapport de M. Plateau sur un Mémoire de M. Monligny. — Explicalion de la scintillation. (Ibid., n° 51, p. 18; voir p. 21.) Arago. De la scintillation. (Annuaire du bureau des longitudes, p. 565, voir p. 441 : Deuxième sciulillomètre.) Développement de l'image d'une étoile suivant une droite de longueur angulaire déterminée. Martin de Brette. Projet d'appareil pour l'application de la lumière électrique à l'éclairage. (Journal l'Institut, n° 945, p. 27.) Continuité apparente d'un éclairage intermittent. Montigny. Phénomènes de persistance des impressions de la lumière sur la rétine. (iMém. de l'Acad. de Belgique, savants étrangers, t. XXIV.) Divers moyens d'obtenir la réapparition des parties d'un objet mù rapidement, etc. 38 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1852. Montigny. Procédé pour rendre perceptibles et pour compter les vibrations d'une lige élastique. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, t. XIX, lre partie, p. 227.) Application d'une expérience de Melvill; voir à l'année 1752. IIelmholtz. Ueber die Théorie der zusammcngeselzlen Farben. (Ann. de Poggen- dorff, (. LXXXVII, p. 45; voir pp. 58 et 61.) Gris neutre par la rotation d'un disque bleu et jaune; pourquoi le mélange matériel donne du vert. Unger. Ueber die Théorie der Farbenharmonie. (Ibid., ibid., p. 121.) Analogie entre les accords de couleurs et les accords musicaux. Vai.f.ntin. Ueber die Dauer der Tasteindriicke. (Archives de Yierordt, 1 lmp année, pp. 458 et 587.) Roue contre les dents de laquelle on pose légèrement le doigt, et dont on augmente progressive- ment la vitesse. Grove. On a mode ofreviving dormant impressions on the retina. (Philos. Magaz., 4mc série, t. III, p. 455.) Influence d'une lumière intermittente. 1853. J. Plateau. Réclamation belreffend Helmholtz's Théorie der zusammengesetzten Farben, und Unger's Théorie der Farbenharmonie. (Ann. de PoggendorfT, t. LXXXVIH,p. 172.) Voiries articles Helmhollz et Unger 1852. Poppe. Das verbesserle Interferenzoskop, etc. (Ibid., ibid., p. 225.) Application du disque percé tournant. Rollmann. Ueber eine neue Anwendung der stroboskopischen Scheiben. (Ibid., t. LXXXIX, p. 246.) Combinaison du Thaumatrope et du Phénakisticope. Fechner. Ueber einige Erscheinungen des Sinnengeddchlnisses. (Centralblall de Fechncr, 1rc année, p. 775.) Effets singuliers de persislance ou de réapparition des impressions. Uchatius. Apparat zur harslellung beweglicher Bilder an der Wand. (Bullel. de l'Acad. de Vienne, I. X, p. 482.) Appareil ingénieux pour projeter sur un écran les effets du Phénakisticope. Vers 1854. Faraday. Une expérience citée par M. du Monccl dans sa Notice Sur l'appa- reil d'induction électrique de Riihmkor/f, cl consistant à montrer, au moyen de la fluorescence, la discontinuité de la lumière produite dans l'œuf électrique. (Mena, de la Société des Sciences de Cherbourg, l. III.) DU PHÉNOMÈNE ET DE SES APPLICATIONS 39 1854. Emsmann. Ueber die Dauer des Lichteindrucks. (Ann. de Poggendorff, t. XCI, p. 611.) Durées pour les différentes couleurs. Schafhautl. Abbildung und Beschreibung des Universal-Vibralions-Pholomelers. (Mém. de l'Acad. de Munich, t. VII, 1855, p. 465.) Objet lumineux ou éclairé vu à travers un écran percé oscillant. 1855. Lissvjois. Noie sur un moyen nouveau de mettre en évidence le mouvement vibra- toire des corps. (Comptes rendus, t. XLI, p. 93.) Procédé fondé sur la réflexion d'un rayon de lumière par le corps vibrant. Note sur une méthode nouvelle applicable à t'élude des mouvements vibratoires. (Ibid., ibid., p. 814.) Applications du mémo procédé. Maxwell. Expérimente on colour as perceived by the eye, with remarks on colour blîndness. (Transact. de la Sot-, roy. d'Edimbourg, t. XXI, 2me partie, p. 275.) Étude du mélange des couleurs au moyen de disques tournants à secteurs colorés; consé- quences Czeumak. Physiologisclie Studien, 2me partie. (Bttllet. de l'Acad. de Vienne, t. XV, p. 425; voir p. 463 : Das Slereophoroskop, et p. 516 : Ein Pliorolyl fur den Tastsinn.) Combinaison du Phénakislicope et du Stéréoscope. — Phénakisticope pour le sens du toucher. 1856. Maxwell. On the theory of compound colours with référence to mixtures of bine and yellow licjhl. (ttapp. de l'Assoc. Britann., 2mc partie, p. 12.) Emploi de disques tournants à secteurs colorés. Van Breda. Eenige waarnemingen over de zoogenaamde nabeelden. (Verslagen en Mededeelingen der Koninglijke Acad. van Welensch. van Amsterdam, afdeeling Natuurkunde, t. V, p. 342.) L'image persistante dans les yeux fermés et couverts parait s'agrandir ou se rapetisser lorsque l'observateur s'éloigne ou se rapproche de l'objet; etc. Monticny. La cause de la scintillation ne dériverait-elle point de phénomènes de réfraction et de dispersion par l'atmosphère? (Acad. de Belgique, t. XXVIII des Mém. couronnés et des savants étrangers; voir p. 8 de ce Mémoire. Modification du 2mt scintillométre d'Arago. 40 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1857. Lissajois. Mémoire sur l'élude optique des mouvements vibratoires. (Ann. de chim. et de pli} s. de Paris, 5mo' série, (. LI, p. 147.) Développement, généralisation el applications des méthodes des articles de 1855. Melsens. Recherches sur la persistance des impressions de la rétine. (Bullet. de I'Acad. de Belgique, 2mc série, t. III, p. 214.) L'auteur ne voit pas les changements de grandeur apparente observés par Van Breda ; voir à 1856; etc. Tvbdall. On the sounds produced b\j the combustion ofgases in tubes. (Philos. Magaz., 4mc série, t. XIII, p. 475.) Emploi du miroir tournant; projection sur un écran. 1858. Feddersen. Beilràge zur Kennlniss des electrischen Funkens. (Ann. de Poggcndorff, t. CII1, p. 69.) Emploi du miroir tournant. Grailich et Weiss. Ueber das Singen der Flammen. (Bulle!, de I'Acad. de Vienne, t. XXIX, p. 271.) Emploi du miroir tournant. Helmholtz. Ueber Nachbilder. (Amllichcr Bericlit ùber die 548lc Vers, deulseher Naturf. und Aertzte in Carlsruhe, p. 225.) Procédé le meilleur pour observer la persistance des impressions. Peterin et Weiss. Untersuchungeh ûber das Tonen der Flammen flûssiger und fesler Kôrper. (lbid., t. XXXII, p. 68.) Emploi du miroir tournant. Oppf.l. Ueber den wahren Grundder Schwierigkeit,millelstFarben-Spindeln,u. s. iv. cin reines Weiss zuzammen-zuselzen. (Frankfurt Jahresbericht, 1858-59, p. 57.) C'est que, sur un disque tournant, par exemple, chaque teinte n'occupe qu'une portion de la surface. D'Alméida. Nouvel appareil stéréoscopi(ptc.(C.om\->les rendus, t. XLVII, p. 61.) Projection des deux images au même endroit d'un écran, et vision alternative de chacune d'elles par l'un et par l'autre œil. Stevei.ly. (Journal l'Institut, 1859, n° 1309, p. 38.) Singulière réapparition de l'image d'un objet. DU PHENOMENE ET DE SES APPLICATIONS. 41 1858. Willcocks. Remarks on an oplical illusion. (Proeeed. of the Acad. of Nalur. Se. of Philadelphia, p. 19.) Apparences qui se manifestent dans l'observation d'un objet en repos par l'œil en mou- vement. Rogers. On sonorous Fiâmes. (Philos. Magaz., 4mc série, t. XV, p. 404.) Emploi d'un disque tournant noir avec un seeleur blanc. Brewster. On Ihe duralion of laminons impressions on certain points ofthe retina. (Rapp. de l'Assoc. britann., 2mc partie, p. 6.) Durée plus grande pour une suite de poinls situés prés des procès ciliaires. Th. Rose. Apparatus for illustraling tlie persistance of images on the retina. Voir l'article 1859 Hunl. 1859. Gorham. Tlie rotation of coloured dises applied to facilitate the study of the laws of harmonions colouring, etc. (Quaricrly Journ. of microscopical science, t. VII, p. 69.) Karbenkreisel muni d'un disque noir à découpures, auquel on imprime de petits déplacements ; voir 1854 Busolt. Hunt. On the cinephantic colour top. (Proeeed. of (lie philos. Soc. of Glascovv, t. IV, 1855-60, p. 252.) Idem ; grande variété d'effets. SwAN, On the graduai production of luminous impressions on the eye, part. 2. (Proeeed. of the royal Soc. of Edinburgh, t. IV, 1857-62, p. 198.) Emploi du disque percé tournant, avec une modification ingénieuse. Volkmann. Dus Tachisloskop, ein Instrument ivelches bei Untersuchung des momen- tanens Sehens den Gebrauch des elektrischen Funkens ersetzt. (Bcricht iiber die Verhandl. der Kônigl. Sachs. Gesellsch. der Wissensch. zu Leipzig, p. 90.) Appareil pour obtenir une vision sensiblement instantanée. Magnus. Hydraulische Unlersuchungen , 2'"e parlie. (Ann. de Poggcndorff, t. CVI, p. 1 ; voir à partir de la page 12.) Emploi du miroir tournant, du disque percé tournant et de l'étincelle électrique. Lissajous. Note sur l'étincelle d'induction. (Comptes rendus, t. XLIX, p. 1009.) Observation dans un miroir en mouvement. 42 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1859. Becquerel (Edmond). Recherches sur divers effets lumineux qui résultent de l'action de la lumière sur les corps. (Ann. de chim. et de phys. de Paris, omc série, I. LV, p. 5; voir p. 79; et t. LVII, p. 40.) Phosplioroscope ; emploi d'un disque tournant à larges ouvertures. 1860. August. Ueber eine neue Art stereoskopischer Erscheinungen. (Ann. de Poggen- dorff, t. CX, p. 582.) Aiguille tournant devant les deux yeux et réfléchissant un point lumineux. Heuiholtz. Physiologische Optik. Leipzig, § 22. Étude générale. Dove. Ueber einen besondern Farbenkreisel des Herrn Lohmeier in Hamburg. (Bullet. del'Acad. de Berlin, p. 491.) Appareil semblable à ceux de Rose, Gorham et Hunt; voir à 1858 et 1859. Goodchild. Trochcïdoscope. (Practical iMechanical Journal, n° d'avril, p. 4.) 1861. Buewster. On the compensation of impressions moving over the retina. (Rapp. de l'Assoc. britann., 2"'c partie, p. 29.) Transport subit des yeux d'objets mus rapidement vers des objets semblables animés d'une moindre vitesse. Shavv. Description of a new optical instrument called the Stereotrope. (Philos. Magaz., 4e série, t. XXII, p. 557.) Combinaison du Stéréoscope et du Phénakisticope. Swan. On the graduai production of luminous impressions on the eye, part 2, beiug a description of an instrument for producing isolaled luminous impressions on the eye of exlremely short duralion and for measuring their inteusity. (Transaci. de la Soc. roy. d'Edimbourg, t. XXII, p. 55.) Voir l'article 185'J Swan; détails de construction. RooD. Upon some experiments connected wilh Doue's theory of lustre. (Journal de Silliman, 2""' série, t. XXXI, p. 559; voir p. 545.) Imitation de l'éclat par la vision de certaines surfaces à travers un disque tournant à larges ouvertures. Volkmann. Ueber den Eiufluss der Extension eines Lichlreizes auf dessen Erkenn- barkeit. (Gotting. Nachrichtcn, p. 170.) Portion de secteur noir sur un disque blanc, et de secteur blanc sur un disque noir; la visi- bilité de la zone grise, dans la rotation rapide du disque, dépend non-seulement de la largeur angulaire du secteur, mais aussi de la longueur de celui-ci suivant le rayon. DU PHENOMENE ET DE SES APPLICATIONS. 43 1861. Albert. Beitràge zur Physiologie der Netzhaut. (Àbhandl. derSchlesischer Gesells- scbaft, p. 49 ; voir §§ 20 à 22.) L'addilion du blanc à certaines couleurs en change la nature: emploi de disques tournanls à secteurs alternativement blancs et colorés. Cornélius. Die Théorie des Sehens und raiïmliclien Vorslellensvom pltysikaiischen, physiologischen und psychologisclien Standpunkle ans betrachlet. Halle, 2me section , clinp. IV, n°" 509 à 315. Feddersen. Ueber die eleklrische Flascheiientladung. (Ann. de Poggendorlï, t. GXIII, p. 437.) Projection au moyen d'un miroir concave tournant. 1802. Foucault. Détermination expérimentale de la vitesse de la lumière; parallaxe du soleil. (Comptes rendus, t. LV, pp. 501 et 792.) Application du miroir tournant. Melde. Ueber cinen neuen Apparat zur Darstellunrj von Schwingungscurven. (Ann. de Poggcndortf, (. CXV, p. 117.) Modification du Kaléidopbone. Aubert. Unlersuchungen ûber die Sinnesthàligkeiten der Netzhaut. (Ibid., ibid., p. 87; voir p. 107; et l. CXVI, p. 249; voir pp. 225 cl 261.) Effets curieux lors de la rotation rapide d'un disque blanc portant un secteur coloré étroit, etc. — Après un cclairemeni instantané, l'image persistante est souvent précédée d'un court inter- valle d'obscurité. Feddersen. Ueber die elektrische Flaschenentladung, suite. (Ibid., I. CXVI, p. 152.) Voir l'article de 1861 . Zôllner. Ueber eine neue Art anorlhoscopisc/ter Zerrbilder. (Ibid., t. CXVII, p. 477.) Anamorphoses avec une fente immobile; incertitude si la persistance des impressions intervient. Oppel. Vorlàufige Notiz iiber eine eigenthiimliche Augentâuschung im Bezug auf Rotationsriclitungen. (Frankfurï Jabresbericht, 1861-62, p. 56.) Apparence de mouvement inverse dans une roue dentée qui tournait avec une vitesse modérée. Felici. Esperienze sulla velocità délia clettricità e sulla durata délia scintilla. (Nuovo Cimento, t. XV, p. 359.) Emploi d'un appareil analogue au disque percé tournant. 1865. Van der Mensbrijggiie. Note sur la théorie mathématique des courbes d'intersection de deux lignes tournant dans le même plan autour de deux points fixes. (Acad. de Belgique, t. XVI des Mém. couronnés et des Mém. des savants étrangers.) Voir le second des articles J. Plateau Itiits. Tome XL1I. 7 44 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1863. Ladorde. Étincelle d'induction appliquée à différents phénomènes. (Journ. Les Mondes, science pure, 1. 1, p. 252.) Applications d'un éclairement régulièrement intermittent. Cludet. Chromaloscope stellaire. (Ibid. ibid., p. 685.) Scinlillomètre analogue à celui de Monligny de 1856. Rood. On certain appearances produced by revolving dises. (Journ. de Silliman , 2me série, t. XXXV, p. 357.) Aspects d'un disque à secteurs blancs et noirs pour différentes vilesses de rotation. Felici. Nuove esperienze sopra la velocità délia eleltricità e sulla durata délia scintilla. (Nuovo Cimenlo, t. XVII, p. 28.) Appareil de 1862 perfectionné ; nouvelles expériences. Vlacoyich. Sulla durata délia scintilla eletlrica. (Ibid., ibid., p. 556.) La théorie de l'auteur sur la décharge électrique est confirmée par les expériences de Felici. Helmholtz. Die Lelire von den Tonempfindungen als pkysiologische Grundlage fur die Théorie der Musik, \" partie, ebap. V, § 4 '. Emploi du microscope à vibrations. Paalzow. Ueber die Lichlerscheinungen bei der Entladung der Leydener Batterie, wenn sie in einem rolirenden Spiegel belraclitet icerden. (Ann. de Pog- gendorll', t. CXVIII, p. 178.) Application du miroir tournant. LiPi'icit. Bemerkung zu Melde's Lelire ion den Schwingungscurven. (Ibid., t. CXX, p. 660.) Discussion de priorité. Schei^ke. Zur Farbencinpfindunçj. (Arcliiv fur Opblhalmologie, t. IX, 5mc partie, p. 39.) Sensibilité moindre pour certaines couleurs dans les parties périphériques de la rétine ; emploi de disques tournants à secteurs colorés. Fick. Ueber den zeitlichen Verlan f der Erregung in der Netzhaut. (Arcliives de Reicbcrt et Dubois, p. 759.) Dépendance entre la loi de la génération et celle du decroissement d'une impression. 1864. Montigny. j\"o/e sur un nouveau scinlillomètre. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, 2"'" série, t. XVII, p. 260.) Autre disposition de son scinlillomètre de 1850. 1 Une traduction française a paru en 1808, sous le titre: Théorie physiologique de la musique fondée sui- tes sensations auditives. Le passage cité commence à la page 113 de cette traduction. DU PHENOMENE ET DE SES APPLICATIONS. 45 1 864. Montigny. ISole sur celle question posée par Arago: La scintillation d'une étoile est- elle la m é me pour les observateurs diversement placés .'(Ibid., ibid.,p. 443.) Application du sciiuillomètre de l'article précédent. Dove. Ueber clen Unterschied (1er auf derPaletle des Malers entslehenden Mischfar- ben und deraufdem Farbenkreisel hervorlrelenden. (Ann. de Poggendorff, t. CXXI, p. 142.) Emploi d'un prisme bi-réfringeill pour obtenir le mélange dp deux couleurs sans l'influence de 1'absorplion. Kônig. Ueber ein Mit tel den wechselnden Dichlirjkeitszusland der Luft in tônenden Orgelpfeifen sichlbar darzustellen. (Ibid., t. GXXII, pp. 242 et 060.) Emploi du miroir tournant. BniJCKE. Ueber den Nutzeffect interinittirender Netzhautsreizungen. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. XLIX, 2°" partie, p. 128.) Dans un cas particulier, le temps exigé pour la formation complète d'une impression a éléde 0",186. 1805. Jean. Expérience d'optique. (Journ. Les Mondes, t. VII, p. 52.) Effet d'un éclaircmeui intermittent. Lucas. Théorie mathématique de la vision des corps lumineux. (Ibid., t. IX, p. 540.) Génération et décroisscment des impressions; etc. Wolf. Recherches sur l'équation personnelle dans les observations de passages, sa détermination absolue, ses lois et son origine. (Comptes rendus, t. LX, p. 1208.) Rôle de la persistance des impressions dans le phénomène. Ff.rnet. Sur les courants d'induction et la lumière stratifiée. (Ibid., t. LXI, p. 257.) Emploi du miroir tournant. Claidet. On moving photographie figures illustrating some phœnomena of vision connected with tlie combinalion of the stéréoscope and the phenakisticope , by means of photography. (Rapp. de l'Assoc. Brilann., 2me partie, p. 9.) Combinaison du Stéréoscope et du Phenakisticope. Laing. (Mecbanic's Magazine, nouvelle série, t. XIII, p. 190.) Combinaison du Stéréoscope et du Phenakisticope. Rood. On the combinalion which lakes place ivhen lighl of différent tints is pre- sented to the right and lefl eije. (Journ. de Silliman, 2"R' série, t. XXXIX, p. 254.) Comparaison des résultats de la combinaison de deux couleurs par le Stéréoscope et par un disque tournant. 40 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1865. Mach. Ueber die Wirkung der raûmlichen Vertheilung des Lichtreizes auf die Netzhaut. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LU, 2Q,e partie, p. 503.) Apparences curieuses qu'offrent les disques tournants portant certains dessins blancs et noirs. Déduction. Bemerkungen ùber intermittirende Lichlreize. (Archives de Reichert et Dubois, p. 629.) Cylindre tournant partagé en espaces blancs et noirs; aspect différent, pour une faible vitesse et un même petit rapport entre le blanc et le noir, suivant que les alternatives sont en petit ou en grand nombre. Aubert. Physiologie der Netzhaut. Breslau, §§ 50 à 55, 76, 77, 82, et 152 à 155. Étude générale. Schefflf.r. Die physiologische Oplik. Brunswick, 1. II, §63, et § 67 n° 3. 1866. LaiNdeuer. Illusion optique. (Journ. Les Mondes, 2me série, t. II, p. 9.) La durée de la sensation parait n'être pas la même aux différents points de la rétine. J. Plateau. Recherches expérimentales et théoriques sur les figures d'équilibre d'une masse liquide sans pesanteur, 7"'e Série. Mena, de TAcad. de Belgique, t. XXXVI; voir le § 59 de ce Mémoire.) Emploi du disque percé tournant. Rood. On the green tint produced by mixing blue and yellow poivders. (Journ. de Silliman, 2mc série, t. XLI, p. 569.) Observation au speclroscope sur ce vert et sur le gris du à la rotation d'un disque bleu et jaune. Mach. Ueber den physiologischen E/fecl raùmiich vertheiller Lichlreize, 2m° et 5,m' Mémoires. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, l. LIV, 2mc partie, pp. 151 et 595.) Développements théoriques; voir l'article de 1865. Topi.er. Das Princip der stroboskopischen Scheibcn als vortheilliafles Hùlfsmitlel zur optischen Analyse tonender Kôrper. (Ann. de Poggendorff, t. CXXVIII, p. 108.) Application du disque percé tournant. Vibroskopische Beobachtungen ùber die Schwingungsphasen singender Flammen (der chemischen Harmonica) mit Benutzung des Schliere)iap- parates. (Ibid., ibid., p. 126.) Idem. C. F. Miller. Yersuche ùber den Vcrlaufder Netzhaulermùduug. Zurich. Vérification expérimentale d'une hypothèse de Hehnhollz concernant la marche de la fatigue de la rétine. DU PHENOMENE ET DE SES APPLICATIONS. 47 1866. Ki'ndt. Ueberdie Erzeugung von Klangfîguren in Orgelpfeifen und iiber die Wirkung tonendcr Luftsaùlen auf Flammen. Ann. de Poggendoriï, t. CXXVII1, p. 537.) Emplois du miroir tournant et du disque percé tournant. Beobachtung der Schwingungsform tônender Platten durch Spiegelung. (Ibid. ibid., p. 610.) Plaque vibrante en verre étanié réfléchissant de nombreux points lumineux. 1867. Pepper. L'Eïdoscope. (Journ. Les Mondes, 2me série, t. XIII, p. 178.) Combinaison de la lanterne magique et de deux disques perforés tournants. Felici. Esperienze per delermiiiare la legge die oscillazione di un corpo elaslko. (Ann. délie. Univ. Tosc. t. IX.) Emploi du disque percé tournant et d'un appareil de projection. Rollett. Zur Physiologie der Contrastfarbcn. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, I. LV, 2me partie, p. 741 ; voir p. 758.) Teintes de contraste observées au moyen de disques tournants. Dove. Oplisc/ie Notizen; iiber die Vereinigung prismatischer Farben zu Weiss. (Ann. de Poggendorff, t. CXXXI, p. 651.) Disque noir à secteurs à jour tournant devant un fond blanc et regardé à travers un prisme. Trêves. Sur le magnétisme développé par induction dans les barreaux d'acier. (Comptes rendus, t. LXVII, p. 321.) Application de la méthode de Lissa jous. Seguin. Expériences sur l'étincelle électrique. (Ibid., ibid., p. 994.) Emploi du miroir tournant. Terquem. Sur l'harmonica chimique. (Bullet. de la Soe. des sciences naturelles de Strasbourg, lrc année, pp. 9 et 71.) Emploi du miroir tournant. Saint-Loi p. Théorie des miroirs tournants. (Ibid., ibid., pp. 28 cl 53.) Le titre indique suffisamment l'objet de l'article. Monoyer. Idée d'une nouvelle théorie entièrement physique des images consécutives. (Ibid., ibid., pp. 58 et 65.) Phosphorescence de la rétine. Lucas. Miroirs transparents donnant lieu à de singulières illusions d'optique. (Journ. Les Mondes, 2me série, t. XVI, p. 59.) Disque tournant à secteurs alternativement pleins et vides, les secteurs pleins étant des miroirs. 48 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1868. Langlois et Angiers. Kinéscope. (Ibid., t. XVII, p. 56.) Modification du Phénakistioope. Woodward. Synthesis of white light from the colours of the spectrum. (Philos. Magaz., 4mc série, t. XXXV, p. 261.) Spectre solaire projeté sur un écran au moyen d'un miroir oscillant. Fletcher Barrett. On a simple method of exhibiting the combinalion of rectan- gular vibrations. (Ibid., t. XXXVI, p. 217.) Modification du Kaléidophone. Mach. Einfache Démonstration der Schwingungsgesetze geslrichener Saiten. (Ann. de Poggcndorff, t. CXXXIV, p. 511.) Apparence produite lors des vibrations simultanées de deux cordes placées à angle droit l'une au-dessus de l'autre. Ueber die Abhàngigkeil der Netzhautstellen von einander. (Vierteljahres- schrift fur Psychiatrie, etc.) Eftel extrêmement remarquable produit par un cylindre tournant portant certaines figures noires et blanches; déduction. S. Exner. Ueber die zu einer Gesiclitswahrnehmung nôthige Zeit. (Btillet.de l'Acad. devienne, t. LVIII, 2mc partie, p. 601.) Détermination de ce temps pour un papier blanc éclairé par la lumière du gaz; procédé très- ingénieux. 1869. Hugo. Pyrhélioscope synoptique. (Comptes rendus, t. LX VIII, p. 967.) Spectroscope tournant, pour l'observation des protubérances solaires. Marey. Mémoire sur le vol des insectes et des oiseaux. (Ann. des Se. natur., 5mo série, zoologie, t. XII; voir à partir de la page 60 de ce travail.) Figure décrite, pendant le mouvement des ailes d'un insecte , par un point brillant disposé à l'extrémité de celles-ci. Cnos. La photographie des couleurs. (Jotirn. Les Mondes, 2°"' série, t. XIX, p. 503.) Application du principe du Phénakisticope. Lavaud de Lestrade. Phénomènes qui accompagnent larotation des tubes de Geissler. (Ibid., ibid., p. 487.) Apparence étoilée, etc., provenant de l'intermittence de la lumière. Bertsch. Expérience sur l'intermittence du courant et sur la persistance des images sur la rétine. (Ibid., ibid., p. 609.) Disque tournant portant des dessins et soumis à un éelairement intermittent. DU PHENOMENE ET DE SES APPLICATIONS. 49 1869. Rabâche. L'anneau de Saturne. (Ibid., t. XX, p. 444.) L'aspect de l'anneau de Saturne est dû à une illusion. Maxwell. Zootrope perfectionné. (Ibid., ibid., p. 58b.) Modification du Pliénakislicope. F. Plateau. Réflexions et expériences sur le vol des coléoptères. (Bibliolb. Univ., Arcbiv. des se, n"° période, t. XXXVI, p. 193.) Trace laissée dans l'œil par une aile de coléoplère fixée à un appareil tournant. Rood. On the nature and duration of the discharge ofa Leydenjar connected with an induction coll. (Journ. de Silliman, 2mo série, (. XL VIII, p. 1 53.) Emploi du miroir tournant. Villari. Sludi acustici sulle fiamme. (Nuovo Cimente-, 2"'c série, t. I, p. 552.) Emploi du disque percé tournant, pour l'observation d'une flamme de gaz soumise à l'influence d'un diapason. BimcKitARDT. Eine Relie f-Erscheinuncj. (Ann. de Poggendorfï, t. CXXXVII, p. 471.) Disques tournants portant certaines ligures noires. Biff. Versuche ùber den Sloss des Wasserslralils. (Ibid., ibid., p. 497.) Emploi de l'étincelle électrique. Vieuordt. Das Pendcl als Messapparatder Dauer der Geskhtseindrikke. (Archives de Pfliiger, 2mc année, p. 121.) Pendule portant une plaque percée d'une fente verticale, laquelle, dans les oscillations, passe derrière une autre lente verticale fixe. Burchardt et Faber. Versuclie ùber die zu eiuer Farbenempfindung erforderliche kleinste Zeil. (Ibid., ibid., p. 127.) Emploi de l'appareil décrit dans le Mémoire ci-dessus; la lumière qui traverse les l'entes est colorée par des verres de différentes teintes. Lamansky. Bestiinmung der Winkelgeschwindigkeit der Blickbewegung, respective Augenbeweguug. (Ibid., ibid., p. 418.) Emploi d'un disque percé tournant devant l'image d'une flamme. Rupp. Ueber die Dauer der Nachempfindung an den seitlichen Theilen der Nelzhaul. kônigsberg. Les impressions persistent plus longtemps sur les parties latérales de la rétine; emploi d'un disque tournant partagé en secteurs blancs et noirs. Woinow. Zur Farbenempfindung (Archiv fur Oplitbalmologie, t. XVI, 1870, p. 212; voir p. 214.) Emploi d'un disque tournant pour des expériences concernant la vision indirecte des objets colorés. 50 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1869. Woinow. Zur Frage ùber die Intensilàl der Farbenempfindungen. (Ibid., ibid., p. 251.) Emploi des disques tournants pour des expériences sur la perceptibilité des couleurs. 1870. Melde. Berichtigung das Universalkaleidàphon be ire /feu. (Ann. de Poggendorff, t. CXLI, p. 520.) Discussion de priorité. Tôi'ler et Boltzmann. Ueber eiae nette oplisc/ie Méthode die Schwingungen lôneu- der Luftsàulen zu analysirend. (Ibid., ibid., p. 521.) Application d'un éclairement régulièrement intermittent. M ach. Ueber einen Apparat zur lleobachtung der Schatlbewegung. (Anzeiger de l'Acad. de Vienne, n° 1.) Application d'un éclairement régulièrement intermittent. Ueber die Beobachtung von Schwingungen. (Ibid., n° VI.) Application d'un éclairement régulièrement intermittent. Necmann. Beobachtungen ùber die Schwingungen gestrichener Suite». (Ballet, de l'Acad. de Vienne, t. LX1 , 2rae partie, p. 89.) Application d'un éclairement régulièrement intermittent. Lamansky. Ueber die Grenzen der Emp/indlichkeit des Auges fur Speclralfarben. (Archiv fur Opfitltulmologie, t. XVII, lre partie, 1871, p. 125; voir p. 152.) Valeurs relatives, pour le rouge elle bleu, du temps nécessaire au maximum d'impression; procédé d'Exner. k. Exner. Ueber die Curven des Anklingens und des Abklingens der Lichlemp- findungen. (Ibid., t. LXII, p. 197.) Lois de la formation et de l'évanouissement des impressions. S. Exner. Bemerkungen iiber înlermillirende Netzhautreizung. (Archives de Pl'liï- ger, 5mc année, p. 214.) Marche de l'impression pendant qu'on regarde un disque tournant à secteurs blancs et noirs; déductions. Hofmann. Optisclie Erscheinung auf forldauernden Lichleindrurk gegrùndet , und Vorfùhrung von Burkhardl's Belieferscheinungen. (Zeilschrift fur Nalur- wiss., t. II, 2m" partie, p. 20a.) Quincke. Uarstellung von Schwingungen fur physikalische Vorlesungen. (Carl's Reperlorium fùrExperimental-Physik, etc., (. VI, p. 122.) Application du principe du Phéuakislicope. DU PHÉNOMÈNE ET DE SES APPLICATIONS. 51 1871. Cornu. Sur la détermination de la vitesse de la lumière. (Comptes rendus, t. LXXIII, p. 8S7.) Perfectionnement de la méthode de Fizeau. Watson. Expérimente on certain vibralorg phenomena. (Journ. Nature, t. III, p. 454.) Applications du disque percé tournant. Rood. On the duration of (lashes oflightning. (Journ. do Silliman, 3"°' série, 1. 1, p. 13.) Emploi d'un disque tournant blanc à dessins noirs. On the amoHiit of lime necessarg for vision. (Ibid., t. II, p. 159.) Uue durée de 0",00000000-i suffit. On the nature and duration of the discharge of a Legden jar connected with an induction coil, 2m0 partie. (Ibid., ibid., p. 160.) Emploi du miroir tournant. Durée de 0",0000000-i. Kurz. Ueber optische Erscheinungen , welche durch zieei rasch sich drehende Kôrper hervorgerufen werden. (Ami. de Poggendorfï, Supplément, t. V, p. G53.) Autre explication de l'apparence décrite par Emsmann; voir à 1845. Faits analogues. Mach. (Tageblatt der 44'" Versammlung Deutscher Naturforschcr ttnd Aerzle in Rostock, pp. 49 et 53.) Applications du miroir tournant et du principe du Phénakisticope. Obermayer. Ueber die Amcendung eines Elektromolors zur slroboskopischen Be- stimmung der Tonhbhe. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LXIIi, 2me partie, p. 249.) Emploi du disque percé tournant. Baxt. Ueber die Zeit, ivelche nôthig ist, damil ein Gesichlseindruck ztim Be- ivusstsein kommt, und iiber die Grosse (Extension) der bewussten Wahr- nehmung bei einern Gesichlseindrucke von gegebener Dauer. (Arcliiv. de Pllùger, 4mc année, p. 325.) Expériences sur le temps nécessaire à la perception complète d'un nombre déterminé de leltres noires sur fond blanc ; etc. IIelmholt/.. Ueber die Zeit, welche nôthig ist, damil ein Gesichlseindruck zum Bewusstsein kommt. (Bullet. de l'Acad. de Berlin, p. 333.) Relation des expériences de Baxl ; expériences ultérieures avec l'étincelle électrique. Tome XLH 8 52 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1871. Woikow. Zur Diagnose der Farbenblindheil. (Aicliiv. fur Ophthalmol., t. XVII, 2mo partie, p. 241.) Emploi de disques tournants à secteurs colorés pour juger du daltonisme. Zizmann. Die Bilder der strobuskopischen Scheiben objectivirt. (Polytechnischcs Jotiin. de Dingler, t. CXCIX, p. 231.) Projection , au moyen d'une lanterne magique, des effets du Pliénakislicope. Lalenta magica zum Objekliviren der Bilder der stroboskopischen Scheiben. (Polytechn. Centralisait, Leipzig, p. 503.) Idem. 1872. Young. Noie on récurrent vision. (Jottrn. de Siiliman, 5me série, t. III, p. 262.) Réapparitions de l'image d'un objet après un éelairement instantané. Rood. On the nature and duralion of the discharge of a Leyden jar connected with an induction coil , Zmc partie. (Ibitl., t. IV, pp. 249 et 571.) Emplois du miroir tournant et d'un disque percé tournant. Mayer. On a melhod of delecting the phases of vibration in the air surrounding a sounding body, etc. (Ibitl., ibid., p. 587.) Emploi du miroir tournant. On a simple and précise melhod of mcasuring the wave lenglhs and veloci- ties ofsounds in yases , and on an application of the method in tlie inven- tion of an acoustic pyrometer. (Ibid., ibid., p. 425.) Idem. Smith. Instantaneousness oflighlning (Jourii. Nature, t. VI, p. 242.) Disque tournant à secteurs colorés observé à la lueur des éclairs. Villam. Sulla composizione ottica dei movimenti vibratori di due o più coristi oscillanli in piani paralleii od ortogonali. (Nnovo Cimente-, 2me série, t. VII-VIII, p. 141.) Modification du procédé de Lissajous : courbes de vibration visibles dans l'espace. Mach. Spectrale Untersuchung eines longitudinal tonenden Glasslabes. (Ann. de Poggendorff, t. CXLVI , p. 516.) Figures produites en projetant sur une corde vibrante un spectre à bandes d'interférence mises elles-mêmes en vibration par un moyen particulier. Ueber die stroboskopische Beslimmung der Tonhbhv. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LXVI, 2m* partie, p. 267.) Emploi du disque percé tournant combiné avec un cylindre tournant qui porte certaines raies DU PHÉNOMÈNE ET DE SES APPLICATIONS. 53 1872. Mach. Optisçh-akustisclte Versuche. — Die spectrale und stroboskopische Unter- suchung tônender K'orper. Prague '. Applications du miroir tournant, des courbes d'intersection de deux lignes mobiles, d'un éclai- renient régulièrement intermittent, etc. Kônig. Die manometrischen Flammen. (Ann. de Poggendorff, t. CXLVI, p. 161.) Emploi du miroir tournant. DoBnowoLSKY. Deitràge zur physiologischen Optik. (Archiv fur Ophthalmologie, t. XVIII, p. 53; voir p. 87.) Disque tournant blanc portant une zone de secteurs noirs étroits, et observé successivement à l'œil nu, à travers un verre rouge, el à travers un verre bleu; etc. Janouscuek. Einige Beobachtungsweisen derLuftschwingungen\km\. de Poggen- dorff, t. CXLVH.p. 468.) Particules de silice flottant à l'intérieur d'un tuyau sonore el observées dans un miroir vibrant. Dvorak. Ueber Analoga cler persônliclien Differenz zvoischen beiden Augen und den Netzhautsteilen desselben Auges. (Bullel. de la Soc. roy. de Prague, séance du 8 mars.) Effet produit par des impressions répétées et non simultanées sur les deux rétines ou sur des parties difl'érentes d'une même rétine. Ueber eine nette Anwendung des Geselzes der gegenseitigen Einwirkung benachbarter Netzhautstellen. (Ibid.) Application de la loi deMacb; voir le premier article Mach 1863. Lafond. Curieuse expérience. (Journ. Les Mondes, 2mc série, l. XXIX, p. 559.) Ëclairement d'une toupie-caméléon par un tube de Geissler. Laborde. Moyen de mesurer avec plus de précision la vitesse de la lumière. (Ibid., ibid., p. 565.) Modification de la méthode de Fizeau. Terqdem. Sur quelques modifications à apporter aux procédés employés pour observer les courbes acoustiques de M. Lissajous. (Journ. de Physique de D'Alméida, t. I,p. 235.) Lentille additionnelle permettant d'employer une quantité de lumière beaucoup plus grande. J. Plateau. Sur la mesure des sensations physiques et sur la loi qui lie l'inten- sité de ces sensations à l'intensité de la cause excitante. (Bullet. de l'Acad. de Belgicpie, 2me série, I. XXXIII, p. 576.) Application du principe de Talbot. 1 II y a , par erreur, dans le titre, 1873 au lieu de 1872. 54 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1872. J. Plateau. Un mot au sujet du Mémoire présenté par M. Delbœuf et intitulé: Étude psychophysique, etc. (Ibid., t XXXIV, p. I41.) Iulerprélatiou d'un passage de la Noie ci-dessus. 1875. Delboeuf. Étude psychophysique. Recherches théoriques et expérimentales sur la mesure des sensations, et spécialement des sensations de lumière et de fatigue. (Acad. de Belgique, t. XXIII des Mém. couronnés et autres Mém., collect. in-8°.) Application du principe de Talbot. Cornu. Détermination nouvelle de la vitesse de la lumière. (Comptes rendus , t. LXXVI, p. 358.) Résultais obtenus; voir l'article de 1871. Sur la détermination de la vitesse de la lumière par la méthode de la roue dentée. (Journ. de Physique de D'Alméida, t. II, p. 172.) Moyen d'obtenir une valeur approximative dans des conditions restreintes. Deprez. Sur un nouveau procédé permettant de déterminer optiquement la vitesse des projectiles. (Comptes rendus, t. LXXVI , p. 819.) Trajectoire lumineuse et formée, en apparence, de deux portions superposées, l'une droite, l'autre sinueuse. Cazin. Sur les étincelles électriques composées. (Ibid., ibid., p. 875.) Emploi d'un disque tournant percé de l'entes étroites. Liss.uous. Sur le Phonoplomètre. (Ibid., ibid., p. 878.) Emploi d'une lunette à oculaire vibrant. Bourboi'ze. Sur un procédé destiné à constater les nœuds dans un tuyau sonoi-e. (Ibid., t. LXXVII, p. 4099). Membrane de caoutchouc portant un petit miroir sur lequel se réfléchit un rayon de lumière. Osselin. Note relative à un système d'objectifs pour lunettes astronomiques à grand diamètre. (Journ. Les Mondes, 2m" série, t. XXX , p. 589.) Portions d'objectif animées d'un mouvement de rotation. Smith. Mechanical combination of colours. (Journ. Nature, t. VIII, p. 262.) Appareil tournant pour le mélange des couleurs mêmes du spectre solaire. Woodward. Simple rnethod ofstudying ivave motion. (Ibid., ibid., p. 506.) Application du Phénakislicope. DU PHÉNOMÈNE ET DE SES APPLICATIONS. 35 1875. Mayer. On the expérimental détermination of the relative intensilies of sounds , and on the measuremenl of the poivers of varions substances to reflect and to transmit sonorous vibrations. (Journ. de Silliman, 3mc série, t. V, pp. 44 et 123.) Emploi du miroir tournant. Rood. Observations on the durât ion and multiple character of flashes ofiighlning. (Ibid., ibid., p. 105.) Emploi du disque percé tournant. Marangoni et Stefanelli. Monografia délie bolle liquide, 2mc partie. (Nuovo Ci- mente-, 2rac série, t. IX , p. 25G; voir le n° II, §§ 12 et 15 de ce Mémoire.) Emploi d'un éclairement instantané pour l'observation de la rupture des bulles. Righi. Sulla composizione dei moii vibrato ri. (Ibid., t. IX, p. 1G0,et t. X, pp. 19 et 12S.) Extension des expériences de Lissajous à la composition de plus de deux mouvements vibratoires. Mach. Ein neuer akustischer Vcrsuch. (Journ. Lotos, nu d'août.) Procédé qui permet de trouver le nombre de vibrations successives que doit recevoir l'oreille de la pari d'un son déterminé quelconque pour qu'elle puisse juger celui-ci comme son et non comme bruit. Ein mikrostroboskopischer Versuvh. (Ibid., ibid.) Application du microscope à la détermination des nombres de vibrations. Pfaundler. Ueber einen Apparat zur Démonstration cler Zusammenselzung belie- biger rechlwinklig aufeinauder slattfindender Schwinguugen. (Bullct. de l'Acad. de Vienne, t. LXVI1I, 2"'° partie, p. 424.) Emploi de l'un des procédés décrits dans l'article J. Plateau 1831. 1874. Terquem. Sur la transformation du Vibroscope en Tonomètre, et sur son emploi pour la détermination du nombre absolu des vibrations. (Comptes rendus, (. LXXVIII.p. 125.) Deux diapasons placés à angle droit, dont l'un porte une lentille et l'autre un point brillant. Chautard. Pyromètre acoustique. (Ibid., ibid., p. 128.) Emploi du miroir tournant Burgue. Sur la détermination delà vitesse delà lumière. (Ibid., ibid., p. 1115.) Disque tournant blanc portant un secteur noir étroit, et éclairé à une grande distance par une lumière intermittente. Cornu. Détermination de la vitesse de la lumière et de la parallaxe du soleil. (Ibid., t. LXXIX, p. 1561.) Emploi précis de la mélhode de la roue dentée. S6 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1874. Ingus. Transmission de la lumière pendant une bourrasque. (Journ. Les Mondes, 2™ série, (. XXXIII, p. 588.) Dédoublement apparent d'une lumière éloignée. Dobleuk. Phénomènes optico-acous tiques. (Ibid., t. XXXV, p. 140.) Réflexion d'un rayon de lumière sur un pelit miroir vibrant. Lissajous. Phonoptomètre. (Journ. de Physique de D'Alméida, t. III, p. 265.) Nouveaux détails; voir l'article de 1873. Montigny. La fréquence des variations de couleur des étoiles dans la scintillation est généralement en rapport avec la constitution de leur lumière, d'après l'analyse spectrale. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, '2mc série, t. XXXVII, p. 165.) Observations avec son scintillomètre de 1801. Nouvelles recherches sur la fréquence de la scintillation des étoiles dans ses rapports avec la constitution de leur lumière, d'après l'analyse spec- trale. (Ibid., t. XXXVIII, p. 500.) Idem. Wullnep.. Studien ùber die Entladungen des Indue tionsstr ornes in mit verdûnnten Gasen gefàllten Bàumen. (Ann. de Poggendorrï', Jubelband, p. 52.) Emploi du miroir tournant. Kohn. Unmittelbare manometrische Flammen. (Ann. de Poggendorff,,!. CLI, p. 521 .) Emploi du miroir tournant Poske. Ueber die Bestimmung der absoluten Schwingnngszahl eines Tones und die Abhàugigkeit der Tonhôhe von der Amplitude. (Ibid., t. CLII, p. 448.) Emploi du disque percé tournant. Kunkel. Ueber die Abhàugigkeit der Farbenempfindung von der Zeit. (Archives de Pfluger, l. IX, p. 197.) Modification du procédé d'Exner ; voir l'article 1868 Exnerj valeurs relatives pour le rouge , le vert et le bleu. Schôn. Einfluss der Ermùdung au f die Farbenempfindung. (Arcliiv fur Ophtltal- mol., t. XX, 2me partie, p. 275.) Nature de la courbe qui exprime cette influence. Rood. On an oplical melhod of studying the vibrations of solid bodies. (Journ. de Silliman, 5",e série, t. VIII, p. 126.) Observation, à l'aide d'une lunette, du lieu des points d'intersection apparents de deux fils d'acier minces et courts fixés à deux corps vibrants. DU PHENOMENE ET DE SES APPLICATIONS. 57 1874. M AVER. Researches in acoustics. (Ibid., ibid., p. 170; voir n° 8, p. 180.) Représentation curieuse de certaines vibrations d'une molécule d'air. Researches in acoustics , suite. (Ibid., ibid., p. 241.) Application du disque percé tournant aux phénomènes de l'audition. Gorini. Un caso es Iraor dinar io di lunga persistenza délie immagini nelV occhio- urnano. (Ann. di Ottalm., t. III, p. 164.) L'auteur, qui s'était endormi en lisant , a vu, à son réveil , sur le mur de la chambre, l'image plus ou moins confuse des ligues de l'imprimé. 1875. Deciiarme. Nouvelles flammes sonores. (Comptes rendus, t. LXXX, p. 1602.) Emploi du miroir tournant. Allard. Sur la transparence des flammes et de l'atmosphère, et sur la visibilité des feux scintillants. (Ibid., t. LXXXI, p. 1096.) Rotation d'un système de lentilles à éclats. Spottiswoode. On a neiv revolving polariscope. (Philos. Magaz., 4",c série, t. XLIX, p. 472.) Prisme de Nicol fixe , et prisme à double image tournant. Expérimenta on stratification in electrical discharge through rare- fied gases. (Proceedings de la Soc. Roy. de Londres, séance du 10 juin.) Emploi du miroir tournant. Mayer. A redeternrination of Ihe constants of tlie law Connecting tlie pitch of a sound with tlie dura lion of ils residual sensation. (Journ. de Silliman , 3raR série, t. IX, p. 267.) Évaluations plus précises; voir le dernier article 1874 Mayer. Rtcco. Sulla sticcessione e persistenza délie sensazioni dei colori. (Atli délia R. Accademia di seienze, lettere ed arli in IModena, t. XVI.) Les impressions des couleurs les moins réfrangibles se foi ment plus vile et persistent moins longtemps que celles des autres; expérience curieuse. Bresima. Veber eine einfaclie Méthode zur Vergleichung ziveier tônender Luflsaulen durch schtvingende Flammen. (Ann. de Poggendorff, t. CLV, p 465.) Emploi du miroir tournant. Mach. Veber einen Polarisationsapparat mil rotirendem. Zerleger. (Ibid., t. CLVI , p. 169.) Rayon polarisé traversant un système tournant formé d'un analyseur et d'un prisme, puis une lentille qui projette l'image. Morton. Ein neues Chromatrop. (Ibid., t. CLVII, 1876, p. 150.) Disques colorés tournants, pour différentes expériences. 58 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE 1875. S. Exner. Experimmtelle JJntermchung der einfachsten psychischen Processe, 5"" Mémoire. (Archives de Pfltiger, t. XI, p. 405.) Détermination de la plus peliie différence de temps perceptible entre deux impressions succes- sives; divers cas. 4me Mémoire. (Ibid., ibid.,p. 581.) Considérations sur le siège des phénomènes subjectifs. 1876. Allard. Sur la transparence des flammes et de l'atmosphère, et sur la visibilité des phares à feux scintillants, rapport de M. Ed. Becquerel. (Comptes rendus, t. LXXXII, p. 1500.) La loi du décroissement d'une impression lumineuse est analogue à la loi du refroidissement de Newton. Lalanne. Sur la durée de la sensation tactile. (Ibid., ibid., p. 1514.) Expériences analogues à celles de Valenlin; voir à 18b"2 '; les durées respectives des sensations de la vue, de l'ouïe et du toucher sont du même ordre. Mercadier. Sur la composition optique des mouvements vibratoires rectangulaires de période et de phase quelconques. (Journ. de Phys. de D'AIméida , t. V, p. 509.) Perfectionnement de l'appareil de Lissajous; voir à 1835 et 1837. Sur les lois du mouvement vibratoire des diapasons. (Comptes rendus, l. LXXXII1, p. 800; voir le procédé optiepte.) Nouvel emploi de l'appareil. Lavaud de Lf.strade. Nouveau moyen de recomposer la lumière du spectre solaire. (Journ. Les Mondes, 1877 , 2me série, t. XLI1, p. 579.) Passage rapide du spectre projeté sur un écran. Montiuny. Recherches sur les variations d'intensité de la scintillation des étoiles selon l'état de l'atmosphère, particulièrement aux approches et sous l'in- fluence de la pluie. (Bullcl. de l'Acad. de Belgique, 2""' série, t. XLII, p. 255.) Nouvelles observations avec son scintillomèlre de 1861. Loudon. Recomposition of the component colours of white lirjht. (Philos. Magaz., 5rac série, t. I, p. 170.) Spectre solaire réfléchi par un miroir oscillant. Spottiswoodk. Observations on stratified discharges by nieans ofa revolving mirror. (Procecdings de la Soc. Boy.de Londres, t.XXY, p. 75.) Emploi du miroir tournant. 1 M. Lalanne dit que ses expériences sont effectuées depuis trente-quatre ans , ce qui les placerait en 1812, c'est- à-dire avant celles de Valenlin. DU PHÉNOMÈNE ET DE SES APPLICATIONS S9 187G. Worthington. On tbe forms assumed bij drops of liquida falling vertically on 3 Porta. De refractione optices parte libri novem. Naples, Lib. III, prop. 7, p. 76. Lorsque après être demeuré dans les ténèbres, on expose tout à coup les yeux à la lumière, on éprouve de la douleur; et si, au contraire, après s'être promené au soleil, on entre tout à coup dans un lieu sombre, on est comme aveugle. Ces effets proviennent, dans le premier cas, delà contraction de la 1 C'est la date de la traduction latine; l'original est en arabe. 4 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS pupille, et, dans le second, de ce que cette même pupille ne peut se dilater assez tôt. Quoique Porta explique ces faits par les variations de la pupille, je les ai rapportés ici parce qu'ils doivent être, et ont été en effet plus tard, rattachés aux phénomènes dont il s'agit dans celte section. (Voyez 1738Jirin, 1765 Sciierffer.) •613. Le Père D'Aguillon. Francisai Aguilonii opticorum libri sex. Anvers, Lib. I, prop. 52, pp. 56 et 57. Lorsqu'on a regardé une fenêtre fixement pendant quelque temps, el qu'on ferme les yeux, on conserve l'image de cette fenêtre, mais d'une manière contraire : c'est-à-dire que les parties par lesquelles la lumière avait passé paraîtront obscures, tandis que les barreaux opaques paraîtront lumi- neux. Les espaces lumineux de la fenêtre se montrent obscurs dans celle image, parce que les parties de l'organe qui y correspondent ont été affaiblies par la lumière qui les a frappées; au contraire, les parties de l'organe corres- pondantes aux barreaux n'ayant pas souffert, ceux-ci se montrent lumineux dans l'image à cause de l'afflux des esprits animaux, lesquels sont lumineux. lésa. Bacon (François). Sylva sylvarum, or a natural history , etc. Londres, Centur. IX, § 871. La raison pour laquelle, lorsqu'on passe subitement d'une grande lumière dans un lieu obscur ou vice versa, on voit moins bien d'abord qu'après quelque temps, c'est que les esprits visuels sont brusquement troublés, et ne peuvent faire leur office que lorsque l'ordre y est rétabli. 1039 .. Gassendi. Vila Peireskii. Paris, 1641 , Lib. V. (Voyez aussi Pétri Gassendi opéra omnia. Lyon, 4 658, t. V, p. 317.) Pciresc a observé très-fréquemment le phénomène suivant : lorsqu'il avait regardé une fenêtre formée de châssis de bois et de carreaux de papier, il en portait ensuite la forme dans les yeux, mais avec cette particularité, que lorsqu'il tenait les yeux fermés, les châssis lui paraissaient noirs et les car- reaux blancs, comme ceux de la fenêtre réelle, tandis que s'il ouvrait les 1 C'est In date inscrite à la fin de l'ouvrage. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 5 yeux et les portait sur une surface modérément éclairée, les carreaux se montraient ; lors obscurs, et les châssis présentaient l'éclat de la surface. Pour expliquer ce phénomène, il admettait que la lumière émanée de la fenêtre s'imprimait dans son œil d'une manière analogue à ce qui arrive lorsque le phosphore de Bologne s'imprègne de la lumière qu'il a reçue du soleil. Cette persistance des images étail surtout prononcée après le sommeil. Gassendi parait considérer ces effets comme particuliers aux yeux de Peiresc ; mais ils sont généraux, et chacun peut les observer avec plus ou moins d'intensité, en s'y prenant convenablement. (Voyez 1768 Fiunklin.) 1C43 iMichaelius. De oculo, seu de natura visas, libellas. Dordrecht, à la fin des Paralipomena. L'auteur a plusieurs fois observé qu'une image qui succède à la contem- plation d'un objet, après s'être évanouie, reparait de nouveau. C'est que, selon lui, ce n'est pas sur la rétine, mais bien dans l'imagination, que les images persistent (voir à la même date dans la première section); or il y a une sorte de lutte entre l'imagination cl le jugement; ces deux facultés résident dans deux parties distinctes du cerveau, et, quand l'âme juge, elle attire vers le siège du jugement les esprits qui occupaient celui de l'imagina- tion, de sorte que celte dernière se trouve alors affaiblie; puis, quand, à son tour, le jugement devient moins actif, l'imagination reprend le dessus. C'est, je pense, la première fois que des réapparitions de l'impression ont été signalées. itiCô. Boyle. Expérimenta and observations upon colours. (Voyez aussi The phi- hsophical works of llte honourable Robert, Boyle, etc. 2me édit. publ. à Londres en 1738, t. II, pp. 3 et 4 '. L'auteur a souvent observé qu'après avoir regardé le soleil à travers un télescope où l'image était suffisamment obscurcie pour que l'éclat en fût supportable, l'impression produite sur la rétine étail telle que s'il dirigeait ensuile l'œil sur une flamme, celte dernière lui paraissait d'une couleur toute différente de celle qui lui était propre. Si, après cela, il ouvrait et fermait 1 Je n'ai pas eu en main la première édition, c'est pourquoi j'indique les pages de la seconde. 6 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS plusieurs fois de suite l'œil affecté, la nouvelle couleur semblait changer ou s'affaiblir graduellement. Pour obscurcir l'image du soleil, l'auteur employait un verre coloré. Or, on doit regarder comme probable, d'après cela, que la nouvelle couleur qu'il voyait ensuite en regardant une flamme, était la complémentaire de celle du verre. Les changements qui se manifes- taient en ouvrant et fermant successivement l'œil affecté, étaient sans doute les passages successifs de l'impression complémentaire à l'impression primitive, et vice versa, comme on le voit dans l'article de Gassendi qui précède. Ces considérations m'ont engagé à placer ici le passage dont il s'agit; si elles sont fondées, ce serait la première fois qu'on aurait mentionné la production d'une image accidentelle colorée appartenant à cette section '. Il se pourrait, du reste, que le phénomène appartint à la section suivante. kjco. Zahn. Oculus artificialis teledioptricus etc. Herbipolis. Fundament. I, Syntagma I, Cap. VI. L'auteur ayant observé sans pré- cautions suffisantes une éclipse de soleil, vit ensuite, pendant plus d'un mois, sur tous les objets qu'il regardait, une grande tache dont le milieu était noir, et l'extérieur jaune et couvert de stries entre-croisées. C'est que les rayons solaires avaient pour ainsi dire brûlé une partie de la rétine. Le caractère de ce phénomène n'étant pas tel qu'on puisse décider s'il appartient à cette section ou à celle de la persistance des impressions, je l'ai rapporté dans toutes les deux. Fundam. I, Synt. 2, Cap. XIII. Sur une feuille de papier ou autre surface plane enduite d'une couleur claire et vive, comme la couleur de feu que donne le minium, on colle une figure découpée à jour, et peinte d'une autre couleur un peu sombre, telle que le bleu. On expose cet appareil soit à la lumière du jour, soit à celle du soleil, soit à celle d'une chandelle bien claire, et l'on lient les yeux invariablement fixés pendant quelque temps sur la figure découpée; puis on les porte subitement sur la partie libre du papier coloré, et l'on y voit pendant quelque temps la représentation de la figure 1 Voici le passage original : « I linve often observed, upon looking al the son tliro' a télescope, darteened so as to » inakc (lie splendor of Unit luminary supportable, the impression upon the rctina , would » ncvertheless be so vivid and permanent, tbat if aflerwards I lurned the eye, therein made • use of, towards a (lame, il would appear of a colour very différent from ils natural onc. And » if I several Unies successivcly shut and opened (lie same eye, tbis new colour seemed ebanged » or impaired by degrees; lill at lenglh the flame nppeared to nie of the same colour il did to • olber speetators. » ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 7 découpée, mais d'une manière tout à fait contraire : car ce qui était bleu dans cette figure sera d'une couleur de feu intense dans l'image; et ce qui , dans la figure, était clair et de couleur de feu, sera d'un bleu sombre dans l'image '. Fund. I, Synt. 2, cap. XVI, quaest. XII. L'auteur explique le fait que lorsqu'on passe brusquement de l'obscurité à la lumière et vice versa, on ne peut rien voir, en disant que, dans le premier cas, les esprits de la rétine sont encore imprégnés de l'image de la lumière d'où l'on sort, de sorte que les objets éclairés ne peuvent produire d'impression distincte que lorsque cette image se sera évanouie; tandis que, dans le second, la pupille dilatée dans les ténèbres, et exposée subitement à la lumière, admet celle-ci en trop grande abondance, d'où il résulte que la vue en est blessée, et qu'on est obligé de se couvrir les yeux. duDxviT='s;i;rcie. Mariotte. Traité des couleurs, IImc partie, ime discours: Des apparences des couleurs qui procèdent des modifications internes des organes de la vision. (OEuvres. La Haye, édit. de 1740.) Page 318. « Si l'on regarde, pendant 10 ou 12 secondes, la lumière 1 J'admettais difficilement que les portions couleur de feu dans la figure découpée pussent donner lieu ensuite à du bleu, quand on porte les yeux sur une autre partie du papier., laquelle est aussi couleur de feu. En conséquence, j'ai fait répéter l'expérience par deux personnes différentes; l'une a vu, dans l'image accidentelle , les portions dont il s'agit d'une couleur grise violacée, et l'autre d'un rose violacé sombre; Zahn n'a donc que partiellement raison. Quoiqu'il en soit, son expérience offre un premier fait un peu mieux caractérisé que celui de Boyle (voir à 1663), d'une image accidentelle colorée appartenant à celle section. Voici, du reste, le passage latin; je le prends dans la deuxième édition, publiée à Nuremberg en 170-2; je n'ai pas eu la première à ma disposition. Ce passage contient probablement des fautes d'impression, qui ne sont pas corrigées par l'errata placé à la fin du volume : . Buffox. Dissertation sur les couleurs accidentelles. (Mena, de l'Acad. des Se. de Paris, année 1743; volume publié en 1746.) Lorsqu'on regarde fixement et longtemps une tacbe rouge sur un fond blanc, on voit naître autour de la tacbe une bordure d'un vert faible, et si l'on porte l'œil sur un autre endroit du fond blanc, on y voit une tache d'un vert tendre tirant un peu sur le bleu , de même forme et de mêmes dimen- sions que la tache rouge. Celte apparence s'évanouit ensuite peu à peu. Dans les mêmes circonstances, une tache jaune fait naître autour d'elle une bordure d'un bleu pâle, et lorsqu'on jette les yeux en un autre endroit du fond blanc, on voit une tache bleue de mêmes forme et dimensions, qui subsiste peut-être plus longtemps que la tache verte résultant de la contem- plation du rouge. Une tache verte donne lieu de la même manière à une bordure blanchâtre 12 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS très-légèrement teinte de pourpre, puis à une tache de pourpre pâle qui ne dure pas à beaucoup près aussi longtemps que les précédentes. Une tache bleue donne lieu à une bordure blanchâtre un peu teinte de rouge, puis à une tache d'un rouge pâle, qui ne dure pas plus longtemps que l'apparence pourpre produite par la tache verte. L'auteur mentionne aussi les apparences déjà connues (voyez l'article précédent), résultant de la contemplation d'un objet noir sur un fond blanc, et d'un objet blanc sur un fond noir. C'est la première fois que le phénomène des images accidentelles colorées produites par la contemplation d'objets colorés a été nettement décrit. L'auteur nomme ces apparences couleurs accidentelles. Les couleurs accidentelles paraissent être à différentes distances , selon qu'on les projette sur des objets plus ou moins éloignés. Lorsqu'on a poussé la contemplation d'un petit carré coloré jusqu'à ce qu'il paraisse se transformer en un rectangle étroit (voyez l'article 1743 Buffon, dans la cinquième section), l'image accidentelle qui en résulte ensuite subsiste fort longtemps, et reste dans l'œil même après qu'on l'a fermé. Les couleurs qui résultent du mélange des couleurs accidentelles avec les couleurs naturelles, mélange qu'on obtient en projetant l'image acciden- telle sur un fond coloré, sont les mêmes que celles qui proviennent du mélange des couleurs naturelles entre elles. J761. Le Père Sciierffer. De coloribus accidentalibus. C'est le premier Mémoire que l'auteur a publié sur ce sujet. Je n'ai pu consulter ce Mémoire même; mais celui dont on trouvera l'indication plus loin en est la reproduction, augmentée seulement de quelques observations nouvelles. (Voyez les Inslitutiones opticœ du même auteur, première partie, p. 75.) i76o'. Franklin. New expérimente and observations. Londres 1769, p. 469, et Journal de physique de Rozier 1773, t. II, p. 383. L'auteur décrit une expérience qui est à peu près identique avec l'obser- vation île Peiresc rapportée par Gassendi (voyez à la date 1639). Seulement 1 Cette date est celle de hi lettre de Franklin qui contient le passage dont il s'agit. ACCIDEiYf ELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 13 il ne s'agit pas de carreaux de papier, et, en outre, d'après l'auteur, si l'on tient simplement les yeux fermés, les carreaux de la fenêtre paraissent obscurs et les châssis brillants; mais si l'on renforce l'obscurité en couvrant les yeux avec la main, l'apparence devient immédiatement inverse: les carreaux paraissent brillants et les châssis obscurs; si l'on retire la main, les choses reprennent leur premier état. Je cite ce passage quoiqu'il ne renferme à peu près rien de nouveau, parce qu'il a servi plus tard à l'exposition de certaines idées théoriques. (Voyez à la date 1776, le premier article De Godart.) Lorsqu'on a regardé longtemps avec des lunettes vertes, et qu'on les ôte, le papier blanc d'un livre semble avoir une nuance rougeâtre. Si les lunettes étaient rouges, la nuance paraîtrait verdâtre. ires. Le Père Scuerffer. Abhancilung von dru zufàlligen Farben. Vienne. (La traduction française de ce Mémoire se trouve dans le Journal de phy- sique de Rozier, année 178o, t. XXVI, pp. 175 et 273.) §§ VIII à XL Les couleurs accidentelles sont complémentaires de celles qui les ont fait naître. Pour le prouver, l'auteur les compare aux résultats de la construction indiquée par Newton pour le mélange des couleurs. § III. Leur explication repose sur le principe suivant : « Si un sens reçoit une double impression, dont une est vive et forte, mais dont l'autre est faible, nous ne sentons point celle-ci. Cela doit avoir lieu principalement quand elles sont toutes deux d'une même espèce, ou quand une action forte d'un objet sur quelque sens est suivie d'une autre de même nature, mais beaucoup plus douce et moins violente, que cela vienne de ce que l'organe de ce sens est fatigué, et, pour ainsi dire, relâché, et qu'il lui faille quelque temps pour se remettre en état de transmettre aux nerfs des impressions même faibles, ou bien de ce que le mouvement et l'ébranlement violent des moindres parties de cet organe ne cessent pas aussitôt avec l'action de l'objet extérieur. » C'est pour cela qu'en passant d'un lieu bien éclairé dans un lieu sombre, il semble d'abord qu'il y fait entièrement nuit, parce que la lumière faible qui s'y trouve ne peut agir sur les yeux qui viennent de recevoir l'impres- sion d'une lumière intense, etc. 14 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS § IV. Ainsi lorsqu'on a regardé un carré blanc sur un fond noir, cl qu'on porte les yeux en un autre endroit de ce même fond, la faible lumière qu'il réfléchit agira bien moins sur la partie de la rétine qui a été affectée par la lumière émanée du carré blanc, que sur le reste de l'organe, et il en résul- tera l'apparence d'un carré plus sombre que le fond. L'effet sera plus pro- noncé encore si l'on jette les yeux sur une surface blanche : la lumière plus forte frappera d'autant plus vivement les fibres qui sont encore fraîches, et l'impression correspondante à celles qui sont fatiguées en deviendra, par opposition, d'autant moins sensible. § V. Le même principe explique de la même manière le phénomène inverse qui résulte de la contemplation d'un objet noir sur un fond blanc. § VIII. Par la même raison encore, si l'œil est demeuré fixé sur un objet vert, et qu'il se porte ensuite sur une surface blanche, il n'est plus en état de ressentir vivement une impression moins forte de rayons verts. « Or, à la vérité, toutes les modifications de la lumière sont réfléchies par la surface blanche; mais les vertes sont en beaucoup moindre quantité, en comparai- son de celles qui frappaient l'œil en venant de la tache verte. » La sensation que la partie affectée de l'œil recevra alors , sera donc du blanc moins une certaine quantité de vert, ou une couleur de pourpre pâle. Même raisonnement pour les autres couleurs. § V. Une preuve que les couleurs accidentelles dépendent d'une modifi- cation partielle de la rétine, qui persiste pendant quelque temps après la contemplation de l'objet, c'est que les images accidentelles paraissent d'au- tant plus grandes qu'on les projette sur des surfaces plus éloignées. De plus, lorsqu'une personne myope a ainsi imprimé dans son œil une image accidentelle, elle la voit nettement dessinée, même à une distance de dix pieds. S XV. L'auteur a essayé inutilement de reproduire les apparences de croisée et de rectangle étroit dont parle Bufi'on (voyez à la date 1743, dans la cinquième section). Il pense que ce dernier se sera fatigué les yeux par ses expériences au point de ne pouvoir plus les tenir assez tranquilles pour que les axes visuels se rencontrent sur le carré coloré : en admettant que les axes se soient coupés en deçà ou au delà de l'objet et que, de plus, les yeux aient ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. *•> éprouvé de petits mouvements qui aient fait changer à l'image sa place sur la rétine, il peut être résulté de cette double cause quatre images représentant quatre panneaux de fenêtre avec leur croisée. § XVII. Quand on a considéré les figures colorées plus longtemps que de coutume, leur image accidentelle se montre aussi dans les yeux fermés. Pour expliquer ce fait, on pourrait adopter une autre théorie des couleurs acci- dentelles, théorie que voici : Comme l'objet coloré que Ton regarde envoie à l'œil, outre les rayons principaux qui constituent sa couleur, des rayons de toutes les autres espèces, il se peut que ces derniers pris ensemble causent à l'œil un mouve- ment modéré qui , par cela même, persiste ensuite plus longtemps que le mouvement violent qui est produit par la couleur réelle de la ligure. Or ces rayons de toutes les couleurs, excepté de celle de l'objet, constituent évidem- ment la teinte de l'image accidentelle. On peut aussi faire rentrer dans la première théorie le fait de la vision des couleurs accidentelles dans les yeux fermés, en remarquant qu'il passe à travers les paupières une quantité notable de lumière, et que, dans un tel état d'obscurité, cette lumière pourrait remplacer celle d'une surface sur laquelle on jetterait les yeux. Enfin peut-être résulte-t-il quelque effet de la lumière qui est absorbée parles parties opaques de l'œil quand on regarde fixement la figure, comme cela arrive à beaucoup de corps que l'on expose au soleil. Peut-être que pour apercevoir les couleurs accidentelles avec les yeux fermés, il suffit que le peu de lumière qui pénètre alors à travers les pau- pières, mette en mouvement les particules lumineuses qui déjà se trouvent éparses dans l'œil. L'auteur a exposé ainsi aux rayons solaires les nerfs optiques, la rétine, et même la choroïde d'un œil de bœuf; mais il n'a pu les trouver ensuite lumi- neux; il fait, du reste, remarquer que cela prouve peu, parce que ces parties étaient nécessairement dans un autre état que chez l'animal vivant. La lumière qui passe à travers les paupières est rougeâtre, et si on la con- sidère pendant quelque temps et qu'on jette ensuite les yeux sur une mu- raille blanche, on y voit la couleur verte accidentelle. 16 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS § XX. Les expériences faites sur les couleurs accidentelles à la lueur d'une chandelle, donnent d'autres résultats qu'à la lumière du jour. Par exemple, un carré jaune sur du papier blanc donne ensuite, sur un autre endroit de ce même papier, une image accidentelle d'un vert jaunâtre : c'est que la lumière de la chandelle est jaune, et que par conséquent le papier se teint aussi de cette couleur, de sorte qu'en se mêlant à la couleur acciden- telle bleue, il en résulte un vert jaunâtre, etc. Les couleurs accidentelles ne se montrent pas toujours immédiatement après qu'on a cessé de regarder l'objet coloré. II faut souvent attendre quelque temps, et on doit alors tenir l'œil aussi immobile que possible. Les images accidentelles disparaissent ordinairement pour reparaître de nouveau à plusieurs reprises, en diminuant toujours d'intensité. § XXIV. Les couleurs accidentelles se combinent entre elles comme les couleurs réelles: ainsi le bleu accidentel mêlé au rouge accidentel donne du violet. Pour mélanger ainsi deux couleurs accidentelles, l'auteur place à côté l'un de l'autre, sur un fond noir, deux petits carrés colorés, par exemple l'un jaune et l'autre vert; puis il regarde fixement pendant quelque temps le milieu de chacun de ces carrés, en passant alternativement et à plusieurs reprises de l'un à l'autre, sans remuer la tête; enfin il dirige les yeux vers une muraille blanche; où il voit trois carrés accidentels juxtaposés, dont celui du milieu résulte évidemment de la superposition des couleurs accidentelles correspondantes à celles des deux carrés; dans le cas ci-dessus, ce carré du milieu est violet. Quant aux images latérales, elles dépendent de ce que tandis que l'œil se fixe, par exemple, sur le carré jaune, que je suppose à gauche de l'autre, il voit indirectement à droite le carré vert, qui donnera de ce côté une image accidentelle rouge; et de même tandis que l'œil se fixe sur le carré vert, il voit indirectement à gauche le carré jaune, qui donnera de cet autre côté une image accidentelle bleue. Lorsque les deux carrés contemplés étaient l'un rouge, l'autre vert, Scherffer n'a pu distinguer, comme image du milieu, qu'une ombre obscure. § XXX. Il est difficile, lorsqu'on observe une image accidentelle, de main- tenir l'œil â une même hauteur; la plupart de ceux à qui l'on fait faire ces expériences, se plaignent de ce qu'au moment où ils voient l'image le plus distinctement sur la muraille, elle commence aussitôt à descendre. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 17 § IL Les couleurs accidentelles se montrent beaucoup mieux lorsque les objets colorés qui les ont fait naître se détachaient sur un fond noir, que lorsqu'on les voyait sur un fond blanc. § XI. L'image accidentelle d'un objet coloré placé sur un fond noir ou blanc, parait obscure ou ombrée si on la projette sur une surface de la même couleur que cet objet ', de même qu'on ne voit sur un fond blanc qu'une tache sombre, après avoir regardé une tache blanche sur un fond noir. Lorsque l'objet que l'on regarde est placé sur un fond coloré, et qu'on jette ensuite les yeux sur une surface blanche, celle-ci se teint de la couleur accidentelle du fond. Ainsi un carré rouge sur une surface jaune donne lieu à une image verte sur un fond bleu. § XVIII. Lorsque, après avoir regardé une figure blanche sur un fond coloré, on porte les yeux sur une surface blanche, l'image accidentelle paraît teinte de la couleur même de ce fond, et se montre très-foncée; elle se détache, du reste, sur la couleur accidentelle de ce même fond. Ainsi une figure blanche sur un fond rouge produit ensuite, sur une surface blanche, une tache d'un rouge foncé, sur un champ vert; etc. « On en conclura que la partie de l'oeil sur laquelle tombe la figure, souffre moins que les autres de la couleur du fond, et que par conséquent elle est en état de recevoir l'impression de celte espèce de rayons quand on la porte sur une surface blanche; mais que cependant il faut que cette couleur paraisse bien plus foncée qu'elle ne serait naturellement puisqu'elle a déjà été affaiblie en partie par la blancheur de la figure. » § XXVIII. On peut faire servir les couleurs accidentelles à un amusement de la manière suivante : on représente en peinture un objet quelconque, une tête, par exemple, en lui donnant des couleurs complémentaires des natu- relles; ainsi le visage sera vert-bouteille, le blanc des yeux sera noir et la prunelle blanche, elc. Si alors on regarde fixement pendant un temps suffisant un même point de cette figure, et que l'on jette ensuite les yeux sur une surface blanche, on y verra la figure représentée avec ses couleurs naturelles. 1 Ce que dit ici Scherffer est vrai lorsque l'objet coloré était posé sur un fond noir; mais si le fond était blanc, l'image accidentelle de l'objet projetée ensuite sur une surface de la même couleur que lui paraîtrait d'un gris plus clair que celte surface. Tome XLII. 3 18 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COLLEURS § XXIX. Le fait observé par Halley (voyez à la date 1704. dans la cinquième section) est probablement dû à ce que ce savant ayant eu les yeux fixés pendant longtemps sur Peau verte, la couleur accidentelle rouge se montra lorsqu'il vint ensuite à regarder le dessus de sa main. Quant au dessous de cette même main, qui lui paraissait vert, cela tenait sans doute à ce que la réflexion plus abondante de la couleur verte de l'ean empêchait, en cet endroit, la couleur accidentelle de paraître. § XXX. C'est aussi par les couleurs accidentelles qu'il faut expliquer ces arcs colorés accessoires que Langewilb a remarqués au bord intérieur de l'arc- en-ciel. (Philos. Transact, n° 375.) Ces arcs sont les images accidentelles de ceux qui forment l'arc-en-eiel véritable , et ils se montrent toutes les fois qu'après avoir regardé fixement ce dernier pendant quelque temps, on jette les yeux un peu au-dessous sur le nuage. § XXXI. Enfin c'est encore à une cause de ce genre qu'on doit attribuer un fait rapporté par Beccaria : tandis que celui-ci faisait, à l'aide d'un cerf- volant, des expériences sur l'électricité des nuages, le Dr Laneri l'avertit qu'on voyait, autour du cerf-volant et même d'une partie de la ficelle, un petit nuage éclatant dont la grandeur variait , qui disparaissait quelquefois entièrement, etc. 177S. Le Père Scherffer. Instilutionum opticarum partes quatuor. Vienne, Pars I, caput II, art. III. § XCIX. L'auteur prouve par l'expérience que la grandeur absolue que nous attribuons à une image accidentelle, est proportionnelle à la distance de l'œil au plan sur lequel nous la projetons : après avoir regardé fixement, d'une distance connue, un petit cercle rouge placé sur un fond noir, il porte les yeux sur une surface blanche dhisée en pouces carrés, et placée à une autre dislance connue; puis il examine combien de pouces occupe sur cette surface le diamètre de l'image accidentelle. Il a toujours trouvé ainsi que le diamètre du petit cercle rouge était à celui du cercle accidentel vert, à très-peu près comme la dislance, du premier à l'œil était à celle de la surface blanche sur laquelle on regardait le second. L'auteur tire de là celte conclusion, (pie nous rapportons toujours l'objet ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 19 que nous voyons ou que nous croyons voir, au plan dans lequel se coupent les axes optiques. Pour le montrer d'une manière plus concluante encore, il suspend , à une certaine distance d'une surface blanche verticale, un fil à plomb sur lequel est marqué un point noir. Ensuite, après avoir regardé fixement le petit cercle rouge, il dirige d'abord les axes optiques sur ce point noir, de manière que l'image accidentelle verte soit ainsi rapportée à un plan imaginaire passant par' le fil , puis il dirige les axes optiques vers un point de la surface blanche : l'image ayant été mesurée dans les deux cas à l'aide d'un compas, les deux diamètres se sont trouvés aussi à très-peu près entre eux comme les distances à l'œil du fil et de la surface blanche. 177-i Rozier. Journal de physique de Rozier, t. VI, p. 486 '. Dans un appartement suffisamment obscur, posez à vos pieds une bougie allumée, et, tenant vos yeux verticalement au-dessus d'elle, regardez fixe- ment la flamme pendant quelque temps; puis placez-y subitement un élei- gnoir, levez vos regards vers le mur de l'appartement, et tenez-les fixés sur le même point sans cligner les yeux. Bientôt vous verrez paraître vers ce point une obscurité beaucoup plus grande que celle du reste de l'apparte- ment. Peu à peu dans le milieu de cette obscurité se manifestera une couleur rougeâtre, elle s'animera insensiblement, finira par acquérir la couleur de la flamme, et se'montrera scintillante. Continuez à fixer vos regards de la même manière, vous verrez cette flamme se détacher du mur, et venir comme en roulant très-près de votre œil. Si vous détournez la tête, elle semblera fuir, mais elle reviendra comme la première fois, si vous persistez de nouveau à fixer votre vue. !77« De Godart. Premier Mémoire d'optique, ou explication d'une expérience de M. Franklin. (Journal de physique de Rozier, t. VII, p. 509.) L'expérience de Franklin dont il s'agit est celle que j'ai rapportée dans celte section à l'année 17Gu. Les fibres de la rétine éprouvent en tout temps un certain degré de mou- ' Cet article de Rozier forme la continuation de relui de Mongez Sur une dégradation des couleurs. (Voyez à l'année 1775 dans la troisième section.) 20 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS vement; dans l'obscurité la plus profonde, on voit de légères images con- fuses et mouvantes, changeant continuellement de formes et de nuances. Ces fantômes augmentent d'intensité par l'action des objets extérieurs; on peut s'en convaincre en les observant dans un lieu obscur , après être resté quelque temps au grand jour. Et si , dans ce cas, au lieu de laisser errer ses yeux sur différents objets avant de passer dans l'obscurité, on les a tenus fixés pendant quelque temps sur un objet fort éclairé, alors ce ne sont plus des formes vagues qui flotteront devant les yeux , ce sera l'image de l'objet môme que vous avez considéré; c'est qu'alors l'objet a produit son impression sur une partie déterminée de la rétine. La vision est le résultat d'une différence notable entre le mouvement de la rétine excité par l'objet actuel, et celui dont elle se trouve agitée sponta- nément, ou qu'elle conserve des impressions antérieures. De là trois sortes de visions , deux positives et une négative. La première des positives est celle qui résulte de l'excès des impressions des objets présents sur le mouve- ment antérieur de la rétine. La seconde est celle qui est occasionnée par l'excès du mouvement que la rétine conserve des impressions antérieures sur celui que les objets présents lui impriment. La négative est celle où ces deux sortes de mouvements sont égaux, ou ne se surmontent pas assez pour faire une sensation particulière, c'est-à-dire que leurs impressions se confondent et n'offrent rien de distinct. Ainsi loisqu'on regarde un trou obscur, tous les objets qui l'entourent sont vus distinctement, parce qu'ils impriment à la rétine un mouvement plus fort que le sien propre; c'est une vision positive; mais on ne peut distinguer le fond du trou, parce que la faible lumière qu'il réfléchit imprime aux fibres visuelles un mouvement qui ne surpasse pas assez celui dont elles sont agitées, ou qui lui est égal; c'est une vision négative. Lorsqu'on passe d'un endroit fort éclairé dans un autre qui l'est beaucoup moins, les objets qui se trouvent dans ce dernier ne commencent à se laisser voir (pie lorsque les mouvements spontanés de la rétine, augmentés par l'action antérieure de l'endroit éclairé , se sont suffisamment affaiblis, et à mesure que cet affaiblissement continue, les objets se distinguent de mieux en mieux. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 21 Au contraire si, après être demeuré quelque temps dans l'obscurité, on passe tout à coup au grand jour, l'impression des objets surpasse tellement les mouvements spontanés de la rétine, que les yeux en sont blessés; les couleurs de ces objels paraissent alors notablement plus vives et plus bril- lantes. La dilatation que la pupille a éprouvée dans l'obscurité entre pour quelque chose dans cet effet, mais la première cause y contribue beaucoup. L'auteur cite, à l'appui de cette assertion, les expériences suivantes. Arrêtez quelque temps la vue sur un coussin jaune garni de flocons bleus , puis détournez-la un peu; tous les endroits de la rétine qui auront reçu les images des flocons, seront affectés d'un jaune beaucoup plus vif que celui du reste du coussin; et cela parce que le bleu donnant un moindre mouvement à la rétine que le jaune, il y a, dans ces endroits, une plus grande différence entre le mouvement objectif et le mouvement organique. Si, au contraire, ces endroits avaient été plus agités que le reste de la rétine, l'effet aurait été opposé : que l'on se place dans une chambre où la lumière ne pénètre que par une petite ouverture, et que l'on regarde lixemcnt cette dernière pen- dant quelque temps; si alors on passe au grand jour, on remarquera que la vision des objels qui viendront se peindre sur la partie affectée de la rétine, sera bien inoins sensible que celle des autres. Regardez pendant quatre ou cinq minutes une maison blanche ayant les fenêtres ouvertes, et sur laquelle le soleil donne obliquement, de sorte que le fond des ebambres soit obscur, puis retirez-vous dans un endroit sombre, mais non complètement privé de lumière; vous y verrez la maison toute noire, et les fenêtres seront remplies par les objels du lieu dans lequel vous vous trouvez. La maison sera noire, parce qu'elle sera vue négativement, la lumière du lieu ne l'emportant pas assez sur ce qui reste du mouvement violenl produit par celte maison, pour qu'il en résulte une sensation; tandis que, dans les endroits correspondants aux fenêtres et où la rétine n'a pas été vivement affectée, l'impression duc aux objets présents surpasse assez les mouvements organiques de la rétine pour donner lieu à des sensations distinctes; ces objets seront donc vus positivement. Mais si l'endroit dans lequel vous vous relirez est totalement dépourvu de lumière, les fenêtres seront noires, et la maison rouge ou lumineuse. En effet, dans ce cas, 22 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS l'ébranlement que la rétine a reçu de la partie blanche de la maison agit seul et n'a aucune impression étrangère à vaincre pour se faire sentir; les fenêtres doivent paraître noires, puisque l'endroit où vous êtes est supposé complètement obscur. C'est pour les mêmes raisons qu'après avoir fixé les yeux sur le soleil ou sur la flamme d'une chandelle on voit une tache noire sur tous les objets de la chambre où l'on se trouve; et si l'on passe dans un lieu complètement obscur, ce n'est plus une tache noire que l'on aperçoit, mais une image lumineuse plus ou moins vive. Ce qui précède explique tout naturellement l'expérience de Franklin. Lorsqu'on a simplement les yeux fermés, les carreaux de la fenêtre parais- sent sombres, parce que la faible lumière qui passe à travers les paupières agissant sur des endroits de la rétine qui conservent le mouvement qu'elles ont reçu de ces carreaux, il en résulte une vision négative. Au contraire, les châssis doivent paraître brillants, parce que les endroits correspondants de la rétine ayant été moins ébranlés, la lumière qui traverse les paupières sur- passe suffisamment leur faible mouvement pour produire une vision positive. Mais lorsqu'on renforce l'obscurité en plaçant les mains sur les yeux, les carreaux doivent alors paraître lumineux, parce que les endroits correspon- dants de la rétine conservent l'impression de ces carreaux, et les châssis doivent paraître noirs, parce que les endroits qui y correspondent n'ont pas reçu d'impression. Si l'on ôte les mains, les choses reviendront à leur premier état, par les mêmes causes. *"<; De Godart. Deuxième Mémoire d'optique, ou recherches sur les couleurs accklente'les. (Journal de physique de Rozier, t. VIII, p. 1.) C'est une loi de l'économie animale que nos sensations varient d'après la diversité de la tension de nos fibres. Ainsi l'auteur, ayant la fièvre, entendait un son extrêmement aigu et perçant, comparable à celui des trompettes; à mesure que la maladie diminua, ce son changea de caractère; il parut appro- cher de celui du violon, puis d'une basse; puis il ressembla au bruit d'un torrent, puis enfin au murmure d'un ruisseau. Les épilepliques, dans le com- mencement de leurs accès, voient d'abord des couleurs brillantes, qui augmen- ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 23 lent d'éclat à proportion que les fibres se raidissent davantage, jusqu'à ce que tout leur paraisse être en feu et qu'ils entendent en même temps un siffle- ment excessivement aigu. Ainsi les fibres de la rétine fourniront différentes couleurs selon qu'elles seront plus ou moins tendues. L'échelle des tons de la vision correspondants à ces tensions croissantes est la suivante : Noir, bleu, vert, rouge, jaune, blanc. L'auteur rapporte, pour le prouver, des expériences qui appartiennent les unes à la cinquième section, les autres à la troisième. Voici l'une des expé- riences en question : Mettez-vous à lire au soleil, de façon que quelques rayons puissent entrer directement dans vos yeux; les lettres deviendront bleues, puis d'un beau vert, puis d'un rouge obscur qui passera au rouge écarlate, et deviendra de plus en plus éblouissant. Jl n'y a nul doute que si l'on continuait l'expé- rience, ce rouge passerait au jaune, puis enfin au blanc; en effet, l'auteur, ayant soumis le rouge à l'expérience précédente, lui a vu prendre une cou- leur écarlate d'un brillant inexprimable, puis ensuite il l'a vu pâlir; mais il n'a pas osé pousser l'expérience plus loin, de crainte de se gâter la vue. Pour que ces expériences réussissent bien, il faut que le soleil ne soit pas trop élevé sur l'horizon. L'auteur pose en principe que quand la rétine perçoit une impression, le Ion delà vision est en raison directe du ton de cette impression, et en raison inverse de Y intensité et du ton du mouvement organique. Ce principe se rattache à celui que l'auteur a mis en avant dans son premier Mémoire (voyez l'article précédent-, savoir que la vision est le résultat d'une différence entre le mouvement objectif et le mouvement orga- nique. En effet, ces mouvements, peuvent être considérés relativement à l'intensité et relativement au ton. En premier lieu, comme l'intensité du mouvement organique dépend sur- tout du degré de lumière qui éclaire le milieu, il en résulte que, l'impression d'un objet étant donnée, le ton de la vision est d'autant plus élevé que la lumière du milieu est moindre, et vice versa. Voici des faits à l'appui: 24 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COLLEURS l'image qui reste dans l'œil après qu'on a regardé fixement le soleil ou une bougie, est de couleur différente selon le degré de clarté de l'endroit où l'on se trouve: dans un lieu complètement privé de lumière, c'est une lueur plus ou moins vive et comme phosphorique ; moins d'obscurité laisse voir une image pourpre; celle-ci est bleu-verdàtre s'il fait un peu plus clair; plus de jour encore donne un bleu décidé; enfin l'image est noire dans un endroit fort éclairé. La maison blancbe éclairée par le soleil (voyez l'analyse du Mémoire pré- cédent) donne ensuite une image qui n'est lumineuse que dans une obscurité complète. Un carton blanc éclairé par le soleil et se projetant sur un fond obscur parait au bout de quelque temps se garnir d'une bordure pourpre, et si ce carton est percé , l'ouverture se remplit également de celte couleur. L'auteur rapporte encore d'autres faits, mais qui me paraissent étrangers à notre sujet. En second lieu, quant à l'effet du ton du mouvement organique sur le ton de la vision , l'auteur fait remarquer que les couleurs s'avivent en général lorsqu'elles sont vues par un o;il qui vient de considérer celles d'un moindre ton, et qu'elles se ternissent dans le cas opposé. Ainsi un objet noir sur un fond blanc donne ensuite sur ce même fond une tache d'un blanc plus brillant, et un objet blanc sur un fond noir produit ensuite sur ce fond noir une tache d'un noir plus foncé. De là la théorie des couleurs accidentelles, car il en résulte que si l'on jette les yeux sur du blanc après avoir regardé un objet coloré, le ton de la vision de ce blanc devra être d'autant plus abaissé que celui de la couleur de l'objet était plus élevé: ainsi si fou a regardé du bleu, qui est le degré de l'échelle des tons immédiatement après le noir, le mouvement organique qui en résultera sur la portion affectée de la rétine fera baisser d'un degré la sensation du blanc, et Ton verra une image jaune. Si l'on a regardé du vert, qui est élevé de deux degrés au-dessus du noir, la sensation du blanc bais- sera de deux degrés et l'on verra du rouge, et ainsi de suite. La bordure teinte de la nuance accidentelle, qui se montre autour de l'objet coloré pendant qu'on le regarde (voyez fart. 1743 Buffon dans la cinquième section), résulte de la vacillation des yeux ou des mouvements de la tète, qui, dérangeant la vue de dessus l'objet, donnent lieu à un commen- cement d'image accidentelle. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 25 L'auteur propose, pour observer les couleurs accidentelles d'une manière facile, un procédé qui consiste à regarder, pendant un temps suffisant, la flamme d'une bougie à travers des liquides colorés, puis à fermer les yeux ou à les couvrir. Dans ce cas, les couleurs accidentelles apparaissent dans l'obscurité, et l'explication précédente ne semble pas s'y adapter; mais ce sont alors les sensations vagues de lumière dont la rétine est affectée dans les ténèbres qui jouent le rôle du fond blanc; car, lorsque l'organe est complètement sous- trait aux excitations extérieures, les fantômes que l'on aperçoit sont blan- châtres, ce dont on peut se convaincre lorsqu'on s'éveille pendant la nuit. L'auteur prévient, de la manière suivante, une objection, et avance une autre hypothèse pour l'explication des couleurs accidentelles: « Quoique la manière dont j'ai rendu raison de la loi (pie suivent les couleurs accidentelles soit appuyée sur des faits assurés, ou sur ce qui arrive certainement dans l'économie visuelle lorsque les impressions subséquentes ou secondaires diffè- rent notablement de celles qui les ont précédées, néanmoins si l'on jugeait que, dans le cas des couleurs accidentelles produites à ma façon, le résultat de cette différence fût trop peu de chose pour causer un changement de ton dans la sensation, voici une autre théorie de ces phénomènes contre laquelle cette difficulté n'a pas de prise : c'est de dire tout uniment qu'une fibre ébranlée par un objet reste incapable de donner la sensation d'un autre aussi longtemps qu'elle conserve l'impression du premier, et que les diffé- rentes couleurs étant exprimées par des portions d'une même fibre d'autant plus courtes que le ton de la couleur est plus vif, c'est la partie qui n'a pas joué, qui, excitée par le blanc à le faire, donne la couleur accidentelle. » L'auteur n'a pu parvenir à reproduire l'apparence de croisée dont parle Buffon (voyez à la date 1743, dans la cinquième section), mais il a très- bien vu le cadre et le rectangle; il les explique, mais d'une manière peu claire, par les mouvements des yeux ou de la tète. 1770. De Godaut. Troisième Mémoire d'optique, ou suite de celui sur les couleurs accidentelles. (Journal de physique de Rozier,t. VIII, p. 269.) Ce Mémoire renferme une suite d'observations à l'appui de la théorie Tojie \LU. 4 26 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS' exposée dans leTprécédent. Si, après être demeuré pendant quelque temps en plein soleil, on passe dans un endroit obscur, les yeux sont alTectés d'une impression verdàtre. C'est que la vive lumière du soleil a déterminé dans la rétine un mouvement organique qui s'élève au ton vert, et qui devient sen- sible dans les ténèbres. Après avoir lu assez longtemps au soleil de manière que ses rayons don- nent sur le livre, si l'on passe à l'ombre, les lettres sont vertes et le papier estrougeàtre. Lorsque les lettres perdent leur couleur verte, on la fait renaître en plaçant le papier très-près des yeux. Ce fait est une conséquence du pré- cédent, quant à la couleur des lettres, et le papier parait rougeàtre parce que le mouvement organique de la rétine étant au ton vert, il doit produire sur le blanc la couleur accidentelle rouge. Si l'on a lu moins longtemps au soleil, les lettres paraissent ensuite bleues et le papier jaunâtre. Les lettres sont bleues parce que les fibres ne sont parvenues qu'au ton bleu, et le papier est jaunâtre, parce que le mouve- ment organique étant au Ion bleu, il doit produire sur le blanc la couleur jaune. « Si vous êtes resté quelque temps au soleil, et que vous baissiez peu à peu un livre que vous tenez à la main, comme pour lire, dès que les rayons solaires commenceront à raser la page, le blanc du papier prendra une teinte rouge; le rouge parait également dans l'ombre que vous faites avec un doigt. » Si vous regardez un papier blanc avec des lunettes vertes à la lueur de la flamme d'une bougie, le rouge ne parait pas lorsque vous les ôtez, mais il parait si c'est la flamme que vous avez regardée. C'est que, dans le premier cas, l'impression verte est trop peu intense. Ayant les yeux fermés, levez la tète vers le soleil pour que ses rayons donnent obliquement sur vos paupières, puis couvrez vos yeux exactement; vous verrez le plus beau bleu que l'on puisse imaginer. Si vous tenez la tète plus élevée, et que vous restiez plus longtemps dans cette position, c'est une couleur verdàtre que vous apercevrez ensuite. Dans le premier cas, les rayons solaires ont produit une impression jaune doré, qui, donnant sur le blanc que prend la rétine dans l'obscurité, excite la couleur bleue accidentelle. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 27 Dans le second cas, ces rayons ayant agi plus vivement et plus longtemps, ont monté la rétine au ton rouge, qui donne ensuite le vert accidentel. « Les couleurs accidentelles produites en plein soleil prennent toutes une teinte plus ou moins rouge lorsque Ton transporte le papier ou le fond blanc dans une médiocre obscurité. » C'est que les objets colorés que Ton a regardés ont agi si vivement sur la rétine qu'ils y ont déterminé le ton vert, qui donne ensuite, sur le blanc médiocrement éclairé, la couleur accidentelle rouge. Le phénomène n'a pas lieu dans une obscurité complète. C'est qu'alors il n'y a pas assez de blanc pour la production de la couleur accidentelle rouge. • ?«i Ktutzenstein. Afhandling om det menneskelige ('j)ies achromati&ke Beskaf- fenhed. (Sur» l'achromatisme de Fœil humain.) (Nouvelle collect. des Mém. de la Soc. roy. Danoise des Se, l,e partie, p. 131, Copenhague.) Chaque couleur imprime aux libres ner\euses de la rétine un mouvement vibratoire, dont la vitesse nous donne la notion de celle couleur, de même que la vitesse des vibrations des nerfs auditifs nous renseigne sur les sons. Pendant la contemplation prolongée d'un objet rouge posé sur un fond blanc, on voit naitre, on le sait, autour de cet objet un bord de couleur verte, et si alors on enlève l'objet, on voit à sa place une image verte, agrandie de la largeur du bord ci-dessus; un objet jaune donne un bord bleu et une image bleue, etc. L'explication probable de ces faits est la suivante : on ne peut douter que les libres nerveuses, dès qu'elles sont mises directement en vibration par la lumière colorée émanée de l'objet, ne communiquent une partie de leur mouvement aux fibres voisines; telle est la cause de l'appa- rence d'un bord coloré (voyez, pour plus de détails à l'égard de ce bord, l'article 1781 Rratzenstein dans la cinquième section). Quand l'objet est enlevé, le mouvement vibratoire qu'il produisait dans les fibres persiste pendant quelque temps, mais affaibli, moins rapide, et donne ainsi la sensa- tion d'une couleur différente de celle de l'objet. Un objet blanc sur un fond noir s'entoure d'un bord plus noir que le fond, et laisse après lui une image également plus noire. C'est que la vive lumière émanée de l'objet blanc imprime aux fibres de la rétine un mouvement 28 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS énergique qui les fatigue et les rend moins sensibles aux faibles rayons envoyés par le fond noir, et que cette diminution de sensibilité a lieu aussi dans les fibres qui ne reçoivent le mouvement que par communication laté- rale. Avec un objet noir sur un fond blanc, les effets sont opposés, et cela par les raisons contraires. i7««. Darwin (Robert Waring). New expérimenta on the ocular spectra oflight and colours. (Pbilos. Transacl., t. LXXVI, année 1786, part. 2, p. 313.) Pages 313-317. L'auteur nomme en général spectres oculaires, les images qui succèdent à la contemplation des objets, et il les divise en quatre espèces: 1 ° Les spectres par défaut de sensibilité; 2° Les spectres par excès de sensibilité ; 3° Les spectres oculaires directs (ce sont les apparences résultant de la persistance des impressions sur la rétine. Voyez la première section); i° Les spectres oculaires inverses. La rétine est dans un état actif, et non passif, durant l'existence des spec- tres oculaires; car si cela n'était pas, les spectres devraient ou persévérer dans le même état, ou diminuer graduellement, tandis qu'on les voit, dans des circonstances convenables, paraître et disparaître alternativement, ou éprouver des cbangements successifs de couleurs. L'expérience qui montre ces changements de couleurs est la suivante : on regarde fixement, pendant une minute, le centre d'une figure composée de zones concentriques de couleurs différentes, placée sur un fond blanc et exposée au soleil ; puis on ferme les yeux, et l'on tient la main au-devant, à environ un pouce de distance, de manière qu'il ne passe ni trop ni trop peu de lumière à travers les paupières. Les zones colorées se forment en superposant une série de disques en soie, dont les couleurs sont successive- ment, en commençant parle plus grand : bleu, jaune, rouge, vert et indigo, et dont les diamètres respectifs sont: quatre pouces, trois pouces, deux pouces, un pouce et un demi-pouce. Le dernier doit présenter une petite tache d'encre au centre, et c'est sur cette tache qu'on lient les yeux fixés. Les spectres que Ton voit ensuite dans les yeux fermés et abrités comme on l'a ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 29 dit ci-dessus , sont fort beaux, et présentent de continuels changements de couleurs. Si quelqu'un tourne rapidement sur un pied jusqu'à s'étourdir et tomber, les speclres des objets ambiants continuent pendant quelque temps à se mon- trer en mouvement; ce fait vient encore à l'appui de l'activité de la rétine pendant l'existence des spectres oculaires. L'auteur ne dit pas s'il entend parler ici des spectres que l'on verrait, par exemple, en fermant les yeux après avoir tourné sur soi-même, ou s'il attribue aux spectres oculaires le mouvement que semblent prendre, clans cet état d 'alourdissement, les objets eux-mêmes que l'on cherche à regarder. J'ai néanmoins donné l'analyse du passage, parce qu'il a été attaqué plus lard par Wells. (Voyez à 1792.) Pages 317-320. Spectres par défaut de sensibilité. L'auteur comprend sous ce nom les images obscures qui succèdent à la contemplation des objets blancs ou lumineux. Ils dépendent du principe suivant : LÎNE IRRITATION MOINDRE nV.XCITE PAS AUSSI AISÉMENT L'ACTION DE LA RÉTINE, LORSQUE CET ORGANE VIENT D'ÊTRE SOUMIS A UNE IRRITATION PLUS FORTE. Parmi eux se range encore l'effet qui se produit quand on passe du grand jour dans un appartement obscur. Aussi la pupille se dilate alors autant que possible, et se contracte ensuite en quelque degré à mesure que la sensibilité revient. Il faut placer dans la même catégorie le fait suivant : on regarde fixement pendant quelque temps un morceau de papier blanc d'un pouce carré, posé sur un grand morceau de soie couleur de paille, puis on porte les yeux sur un autre endroit de cette soie, et l'on y voit une image d'un jaune plus pro- noncé que le reste; c'est que la partie correspondante de la rétine ayant été pendant un certain temps exposée au stimulus d'une grande quantité de lumière blanche, est devenue moins sensible à une plus petite quantité de celte même lumière, et par conséquent ne voit que les rayons jaunes dans cette partie de la soie couleur de paille; cette dernière couleur résulte, en effet, principalement d'un mélange de jaune et de blanc. Les spectres par défaut de sensibilité sont la source d'un genre de muscœ volitanles, ou taches noires qui semblent flotter devant les yeux : si le spectre git au-dessus du centre de l'œil, on dirige la vue de ce côté, dans 30 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS l'espoir de la ramener au centre de l'organe, et de voir ainsi le spectre plus distinctement, et alors celui-ci paraît se mouvoir de bas en haut. Lorsque le spectre se trouve au-dessous du centre de l'œil, on cherche encore à le saisir, et, dans ce cas, il semble descendre. On ne doit donc pas attribuer ces muscœ volilanles h quelque chose qui flotterait dans l'humeur aqueuse. Parfois le spectre, lorsqu'il est produit par un objet lumineux circulaire, prend une forme oblongue, parfois aussi il se divise en deux spectres cir- culaires. Cela provient de ce que l'on change l'angle des axes optiques, d'après la dislance des autres objets sur lesquels on suppose le spectre pro- jeté1. Si le spectre n'est produit que dans un seul œil, sa forme demeure invariable, et il ne se double pas. Des faits analogues s'observent dans d'autres organes. On ne saurait entendre des sons faibles pendant quelque temps après qu'on vient d'en entendre de forts; on éprouve des frissons quand on enlre dans une atmo- sphère tempérée après être demeuré un certain temps dans une chambre très-chaude; l'estomac et les organes digestifs des personnes habituées au grand stimulus des liqueurs spiritueuses, ne sont plus excités par celui des aliments ordinaires, et il en résulte des indigestions et l'hypocondrie. Pages 320-323. Spectres par excès de sensibilité. Ils s'expliquent par ce principe : La rétine est plus aisément mise en action par use irritation plis grande, lorsqu'elle vient d'être soumise a une irritation moindre. Parmi eux se rangent les images lumineuses qui succèdent à la contem- plation des objets obscurs. Par exemple, si l'on regarde fixement une fenêtre pendant quelques minutes au commencement du crépuscule du soir, ou dans un jour sombre, et si l'on change ensuite un peu la position des yeux, on verra sur les vitres des raies lumineuses, qui présenteront la forme des châssis obscurs. Celle expérience rentre dans la classe des faits déjà connus; mais je la cite à cause de la facilité de son exécution, cl parce qu'on doit souvenl la faire sans y songer. Autres fails qui se rattachent au même principe : on tient les yeux fermés el parfaitement couverts pendant quelques minutes dans un jour bien clair, 1 Voyez la nolcdc la page il. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 31 puis on les découvre subitement sans les ouvrir; on voit alors une lumière rouge ou cramoisie. C'est la lumière qui passe à travers les paupières et que Ton distingue à cause de l'accroissement dans la sensibilité de la rétine. Si, après avoir regardé fixement une tacbe noire sur un papier blanc, on ferme les yeux, on voit un spectre rouge; cette couleur est encore due à la lumière rouge qui passe à travers les paupières et qui agit sur un endroit plus sen- sible de l'organe. Si l'on fait cette expérience à la lumière d'une cbandelle, le spectre parait jaune, à cause de la grande quantité de rayons jaunes (pic produit la cbandelle et qui passent aussi à travers les paupières. Ces pbénomènes peuvent servir à l'explication du fait historique rappelé par Voltaire (voyez cinquième section, année 1757), car un observateur qui regarderait fixement pendant une minute, dans un jour clair, les points noirs d'un dé, et qui fermerait ensuite les yeux par hasard, verrait des dés avec des points rouges. Darwin rapporte d'une manière inexacte le fait historique, et suppose que le prince crut voir les taches de sang sur les dés. Quand on sort d'un lieu obscur où l'on est demeuré longtemps, la lumière du jour est insupportable; aussi la pupille se contracte d'abord autant que possible, et se dilate ensuite graduellement, à mesure que la rétine s'habitue au stimulus de la clarté du jour. La scintillation d'une étoile brillante ou d'une cbandelle éloignée provient peut-être encore de la même cause : lorsque nous continuons à regarder ces objets lumineux, leur partie centrale pâlit graduellement, à cause de la dimi- nution de sensibilité de la portion correspondante de la rétine; en même temps la mobilité de l'œil fait que leurs bords tombent perpétuellement sui- des parties de l'organe qui venaient d'être exposées à l'obscurité de la nuit, et étaient par conséquent beaucoup plus sensibles; d'où l'apparence de bril- lantes scintillations. Faits analogues dans d'autres organes : la sensation de cbaleur occa- sionnée par la température ordinaire de l'atmosphère et celle de nos vête- ments, au sortir d'un bain froid; la douleur que l'on ressent aux doigts en les approchant du feu après avoir manié de la neige; le danger de donner toute de suite une nourriture abondante ou du vin à ceux qui ont souffert la famine. 52 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COLLEURS Pages 324-327. Spectres oculaires directs. Je les mentionne ici quoiqu'ils appartiennent à la première section , pour conserver l'ordre que l'auteur établit entre les quantités successives de stimulus; ils dépendent de ces principes : Une quantité de stimulus un peu plus grande que la quantité naturelle excite la rétine a une action spasmodique, qui cesse après un petit nombre de secondes. ijne quantité de stimulus un peu plus grande que la précédente excite la ré- tine à une action spasmodique, qui cesse et revient alternativement. (Voyez, pour les spectres oculaires directs, l'article Darwin dans la pre- mière section.) Pages 327-329. Spectres oculaires inverses. Le sont les couleurs acci- dentelles proprement dites, ou les apparences colorées succédant à la con- templation prolongée des objets colorés. Ils sont régis par le principe suivant: Quand la rétine a été mise en action par un stimulus un peu plus fort que celui qui est mentionné en dernier lieu, elle tombe dans une action spasmodique de nature OPPOSÉE. H parait qu'il se passe alors dans l'œil quelque chose d'analogue à ce qui arrive dans nos grands muscles , lorsque quelques-uns d'entre eux ont été longtemps ou violemment en action, tandis que leurs antagonistes ont été en extension; dès que l'action des premiers cesse, le membre s'étend en sens contraire pour se soulager, et il survient des pandiculations ou des bâille- ments. De même après que l'organe de la vision a été fatigué par une cer- taine action, il prend spontanément un genre d'action opposé. Ainsi la contemplation d'un objet : Rouge donne ensuite un spectre vert, Vert rouge, Orangé bleu, Bleu orangé, Jaune violet, Violet jaune. Si l'on veut observer un de ces spectres dans les yeux fermés, on abritera les paupières avec la main, de manière à y laisser tomber un peu mais pas trop de lumière. L'auteur reconnaît comme Scherffer que la teinte des spectres est sem- ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 33 blable à celle que l'on obtiendrait par la combinaison de toutes les couleurs primaires excepté celle qui a fatigué l'œil, et, pour s'en convaincre par l'expérience, il décrit le procédé suivant: Supposons qu'il s'agisse de connaître la teinte résultant du mélange des couleurs primaires moins le rouge. On divise un disque de carton en secteurs dont le nombre et les largeurs respectives soient tels que, si l'on donnait à ces secteurs les couleurs prismatiques, et si l'on faisait ensuite tourner le disque avec rapidité, on obtiendrait du blanc. Mais au lieu de peindre ainsi les secteurs, on supprime d'abord celui qui correspond au rouge, en étendant les autres proportionnellement, de manière à compléler le cercle; ensuite, comme l'orangé est un mélange de rouge et de jaune, et que le violet est un mélange de rouge et d'indigo, on devra, pour supprimer complètement le rouge, remplacer l'orangé par du jaune, et le violet par de l'indigo. Peignant alors le disque avec ces modifications, et le faisant tourner, on oblicnt une teinte verte, correspondante, avec une grande exactitude, à celle du spectre inverse du rouge. Pages 329, 330 et 338-344. Lorsqu'on contemple un spectre inverse dans les yeux fermés cl abrités, et qu'il s'affaiblit, on peut le raviver en étant la main de devant les yeux, pour admettre plus de lumière. On est porté ainsi à conclure que non-seulement la partie fatiguée de la rétine prend spontanément un mode d'action opposé dès que le stimulus est enlevé, mais, en outre, qu'elle demeure capable d'être mise en action par l'ensemble de toutes les couleurs, moins celle qui l'a fatiguée. Ce dernier principe explique les faits suivants : le spectre inverse se forme avec plus de facilité lorsqu'on porte l'œil sur une surface blanche, ou qu'on laisse passer la lumière à travers les paupières, (pie lorsqu'on se couvre com- plètement les yeux. Quand on voit un spectre inverse dans les yeux fermés et découverts, si l'on vient à les couvrir, le spectre disparait souvent pendant quelques instants, jusqu'à ce que la rétine devienne sensible à un stimulus plus faible. Souvent le spectre observé dans les yeux fermés et découverts, présente une couleur particulière : ainsi le spectre produit par un petit morceau de papier rouge placé sur une feuille de papier blanc Tome XLII. H U BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS et exposé au soleil, de vert qu'il était clans les yeux fermés et couverts, se changeait en jaune quand on retirait les mains de devant les yeux; il reprenait ensuite immédiatement sa couleur verte si Ton replaçait les mains, pour redevenir jaune si on les ôtail, et ainsi de suite. C'est que, cette partie de la rétine étant devenue insensible aux rayons rouges, élait alors affectée par les rayons différents de cette couleur qui passaient en plus grande abondance à travers les paupières, c'est-à-dire par les rayons jaunes. Quoiqu'une certaine quantité de lumière étrangère facilite la formation du spectre inverse, une trop grande quantité lui est au contraire nuisible, parce qu'alors le stimulus devient assez puissant pour exciter l'action des parties mêmes de l'organe qui sont fatiguées; la quantité de lumière la plus favorable varie avec la clarté du jour et l'énergie du spectre. Tous les spectres obscurs, tels que les noirs, les bleus ou les verts, ob- servés dans les yeux fermés et couverts, se changent en spectres rougeâtres, si, après quelque temps, on découvre les paupières, et cela à cause de la lumière rouge qui passe à travers ces mêmes paupières. Lorsqu'on a produit un spectre direct, soit en regardant des objets qui ont plus d'éclat que la lumière ambiante, tels qu'une chandelle le soir, ou le soleil couchant, soit en regardant un objet bien éclairé à travers un tube obscur (voyez l'article Darwin dans la lre section), on le convertit sur-le-champ en spectre inverse par l'admission d'une lumière étrangère, et on le fait repasser à l'état de spectre direct par l'exclusion de celte même lumière. Par exemple, lorsqu'on a, dans les yeux fermés et couverts, le spectre direct jaune du soleil couchant, ce spectre se change immédiatement en bleu, c'est- à-dire en spectre inverse, si l'on regarde le ciel; dès qu'on referme les yeux, le spectre redevient jaune, et ainsi de suite, aussi vite qu'on peut ouvrir et fermer les yeux. Le fait observé par Melvill que les scintillations de Sirius sont quelquefois colorées, peut s'expliquer en admettant qu'elles étaient dues au spectre direct du firmament bleu sur les parties de la rétine fatiguées par la lumière blanche de l'astre. Lorsqu'un spectre direct est projeté sur une couleur plus sombre que la ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 55 sienne, il se mêle simplement avec elle; mais s'il est projeté sur une couleur plus éclatante, il se change immédiatement en spectre inverse, dont la teinte se mêle avec cette couleur; ainsi le spectre direct jaune du soleil couchant de- vient bleu sur le ciel, et sa teinte change avec la couleur ou l'éclat des nuages sur lesquels on le projette. Au contraire, un spectre inverse demeure tel, quel que sojt l'éclat ou l'obscurité de la couleur sur laquelle on le projette, et sa teinte se combine avec cette couleur. Exemples : le spectre inverse d'un objet jaune se montre, sur un papier blanc, d'un bleu verdàtre clair; sur un fond noir, il devient d'un violet foncé; le spectre inverse d'un objet bleu se montre d'un jaune pâle sur le blanc, et d'un orangé obscur sur le noir '. Ces mélanges s'expliquent en admettant que la rétine est mise en action par le stimulus direct des couleurs extérieures, en même temps qu'elle exerce l'action spontanée d'où résultent les spectres. Le changement du spectre direct en spectre inverse par l'action d'une cou- leur plus éclatante, rentre dans l'effet général d'une lumière étrangère, et si des couleurs plus sombres ne produisent pas cet effet, c'est que leur stimulus est trop faible. Pages 330-332. UN STIMULUS UN PEU PLUS CONSIDÉRABLE QUE LF. PRÉCÉDENT FAIT TOMBER LA RÉTINE DANS DIF- FÉRENTES ACTIONS SPASMOD1QUES SUCCESSIVES. Les phénomènes dépendant de ce principe appartiennent à la troisième section. (Voyez, dans celte troisième section, l'article Darwin.) UN STIMULUS UN PEU PLUS CONSIDÉRABLE ENCORE DÉTERMINE UNE ACTION Sl'ASMODIQUE PERMA- NENTE, QUI CONTINUE PENDANT QUELQUES JOURS. Même remarque. Page 332. UNE QUANTITÉ DE STIMULUS ENCORE PLUS CRANDE , PRODUIT UNE PARALYSIE MOMENTANÉE DE l'organe DE LA VUE. Le fait que l'auteur cite à l'appui de ce principe appartient à la 5me section. (Voyez, dans cette 5",e section, l'article Darwin.) 1 Je rapporte ici quelques-uns des exemples donnés par l'auteur, parce que les teintes dont il s'agit ne &oul pas parfaitement d'accord avec ses principes. 56 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COLLEURS Pages 333-337. Faits divers et remarques se rattachant à tout ce qui précède : Un carré de papier rouge d'environ six pouces de côté étant placé sur un papier blanc d'environ un pied carré, donnait, dans l'œil fermé, un spectre vert sur un fond rouge; la même chose avait lieu lorsque le papier rouge était posé sur un fond noir. Si le papier intérieur était blanc et l'extérieur rouge, le spectre était rouge sur un fond vert. Le papier intérieur étant violet foncé et l'extérieur blanc, le spectre se montrait jaune sur un fond violet. Ces faits proviennent de la cause suivante : tandis que les rayons émanés de la portion colorée de la figure agissent avec toute leur force sur l'endroit de la rétine où ils peignent l'image de cette portion colorée, et y déterminent la production de leur spectre inverse, plusieurs de ces mêmes rayons éparpillés dans l'œil tombent sur les autres parties de l'organe, mais en quantité trop petite pour y causer beaucoup de fatigue, et y déterminent ainsi la produc- tion de leur spectre direct. Un carré de papier rouge de six pouces de côté posé sur un carré de papier bleu d'un pied, donnait, dans les yeux fermés, un spectre bleu sur un fond rouge; c'est-à-dire que les couleurs des deux spectres étaient réci- proquement les mêmes que celles des deux objets. C'est que les rayons épar- pillés provenant du papier rouge intérieur produisaient leur spectre direct sur les parties extérieures de l'organe, et que les rayons éparpillés provenant du papier bleu extérieur produisaient aussi leur spectre direct sur la partie intérieure de la rétine, au lieu que ces parties de l'organe aient donné res- pectivement les spectres inverses des couleurs qui les avaient frappées. Lorsque le papier intérieur était bleu et l'extérieur jaune, le spectre était d'un jaune brillant sur un fond d'un bleu brillant. L'éclat des spectres pro- vient ici de ce que chacun d'entre eux est à la fois le spectre inverse de l'ob- jet correspondant, et le spectre direct de l'autre, de sorte que les rayons directs et les rayons éparpillés concourent à l'effet total. Un carré de papier rouge n'ayant qu'un demi-pouce de côté, placé sur un morceau d'un pied carré de papier violet foncé, donnait un spectre vert, avec un halo d'un bleu rougeàtre. Lorsque le carré rouge était de deux pouces, le spectre était d'un vert plus foncé, et l'extérieur plus rouge. Enfin ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION ~û lorsque le carré rouge avait six pouces de côté, le spectre était bleu sur un fond rouge. Ici, selon les différents rapports de grandeur des deux parties, la teinte du spectre intérieur offre différentes combinaisons de la couleur du spectre inverse du rouge et de celle du spectre direct du violet. Les halos proviennent de ce cpie l'objet intérieur étant très- petit, les rayons éparpillés qui en émanaient ne pouvaient s'étendre loin sur l'image du papier exté- rieur. Un carré d'un demi-pouce de papier bleu sur un carré de six pouces de papier jaune donnait un spectre jaune entouré d'un halo bleu. Il résulte de l'ensemble de ces faits que la teinte du spectre inverse d'un objet conligu à d'autres objets éclairés, est influencée par la couleur de ces derniers. Le résultat est une teinte composée de celle du spectre inverse de l'objet, et de celle du spectre direct des objets circonvoisins, en proportion de leur quantité et de leur éclat respectifs. Pour prouver que les rayons éparpillés dont il a été question ci-dessus, se mêlent en réalité avec les rayons directs, l'auteur dit qu'on n'a qu'à regarder, à travers un tube opaque d'un pouce de diamètre et d'environ deux pieds de longueur, une muraille peinte, en portant un œil au tube et laissant l'autre ouvert; on verra ainsi (pie, par l'exclusion de la lumière latérale, la por- tion de la muraille vue à travers le tube parait comme éclairée par le soleil, comparativement au reste '. Pages 337-341. Nouveaux faits relatifs à l'influence d'une lumière étrangère : Si l'on regarde un fond blanc après la contemplation prolongée d'un objet rouge, le spectre vert que l'on aperçoit peut être considéré et comme le spectre inverse du rouge, et comme le spectre direct de la lumière blanche, moins le rouge qui a fatigué l'œil. Or, quand on regarde un objet coloré pendant le jour, où il y a beaucoup de lumière latérale, celle-ci, d'après les faits exposés plus haut, doit contribuer, par ses rayons épar- pillés, à la production subséquente du spectre inverse de l'objet, puisque ce spectre inverse est en même temps le spectre direct de ces rayons, déduc- tion faite seulement de la couleur qui a fatigué l'œil. C'est pour cela qu'il 1 On ne \ oit pas bien la liaison entre ce fait et le principe qu'il est destiné à appuyer; mais je donne le sens exact du passage. 38 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS est difficile d'obtenir, dans le jour, le spectre direct d'un objet coloré, à moins que cet objet ne soit très-éclatant, comme le soleil couchant, ou que Ton n'intercepte la lumière latérale à l'aide d'un tube obscur. Et, par suite, il est difficile d'obtenir le spectre inverse lorsqu'il n'y a point de lumière latérale pour concourir à sa formation. C'est ce que l'on peut observer en regardant un papier coloré à travers un tube obscur, ou en regardant la flamme d'une chandelle pendant la nuit. Page 341. Faits divers : Le bord plus brillant que l'on voit se balancer d'un côté ou de l'autre d'un objet coloré placé sur un fond blanc et regardé pendant quelque temps, dépend des petits mouvements de l'œil. En efïet, il en résuite que, certaines parties de la rétine correspondant tantôt au bord de l'image de l'objet, et tantôt au fond blanc, ces parties sont par conséquent moins fatiguées par la couleur de l'objet que la partie cenlrale de l'organe, et doivent ainsi perce- voir avec plus de vivacité la lumière colorée émanée du bord de cet objet. La fatigue de l'œil augmentant, le bord en question [tarait d'une couleur plus foncée que la teinte primitive de l'objet, parce qu'on le compare à la partie centrale de celui-ci, laquelle, à cause de la fatigue de l'œil, se montre alors plus pâle. Il paraît que sur la partie centrale de l'œil les spectres s'affaiblissent plus tôt que sur les autres parlies, peut-être à cause de sa plus grande sen- sibilité. Expérience : tracez trois cercles concentriques, ayant successivement pour diamètres un pouce et demi, un pouce et un demi-pouce; colorez en bleu le petit cercle intérieur et la zone extérieure, et colorez en jaune la zone intermédiaire; alors placez celte figure au grand jour, regardez-en le centre pendant une minute, et fermez les yeux; le spectre de la zone exté- rieure paraîtra le premier, puis celui de la zone intermédiaire, et enfin celui du cercle intérieur; puis ce dernier disparaîtra, et les autres suivront dans l'ordre inverse de leur apparition. On voit encore de ces disparitions succes- sives de spectres après avoir regardé le soleil, si l'œil n'est pas demeuré im- mobile. (Voyez l'article Darwin dans la 3me section.) Les résultats des expériences sur les spectres oculaires deviennent très- ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 39 variables lorsque, après avoir contemplé l'objet qui doit donner un spectre, on porte les yeux sur d'autres objets, même pendant un seul instant, avant de les fermer, pour voir le spectre du premier; car la lumière émanée de ces objets agit comme un stimulus sur la rétine fatiguée, et empêche pendant un certain temps l'apparition du spectre désiré, ou mêle son propre spectre avec lui. Il en résulte qu'on n'aperçoit alors pendant quelques secondes qu'un champ obscur, ou qu'on voit des couleurs que l'on n'attendait pas. Il arrive quelquefois, quand les globes des yeux ont élé frottés rudement avec les doigts, qu'on voit des étincelles brillantes qui se meuvent rapide- ment dans le spectre que l'on observe. Cet effet est semblable à celui que produit un coup sur l'œil, et doit être attribué probablement à une accéléra- tion du sang artériel dans les vaisseaux vidés par la pression qu'ils ont éprouvée. Quand les yeux ont été fatigués par les expériences sur les spectres et que celles-ci ont été faites le dos tourné au jour, on peut ordinairement voir la circulation du sang dans les yeux; pour cela, il faut se couvrir les pau- pières pendant une demi-minute, jusqu'à ce que le dernier spectre qu'on observait soit évanoui, puis se tourner vers le jour, retirer les mains de dessus les paupières, et les recouvrir tout de suite encore un peu; la circula- tion devient alors très-distincte. Il est quelquefois nécessaire, pour faciliter l'expérience, de se frotter les yeux avec une certaine force après les avoir fermés, et de retenir son haleine autant qu'on le peut, pour accumuler plus de sang dans les yeux. L'auteur, parlant du fait rapporté plus haut, que lorsque deux couleurs eontigué's sont opposées l'une à l'autre, les spectres inverses qu'elles pro- duisent sont le plus brillants, conseille l'application de ce fait aux livres im- primés en petits caractères, au\ petites graduations des thermomètres, etc. : si ces caractères sont orangés sur un fond indigo, rouges sur un fond vert, etc., ils paraîtront beaucoup plus distincts que s'ils étaient blancs ou noirs. En effet, le spectre inverse du caractère étant de la même couleur que le fond, la mobilité de l'œil ne produira point de lignes colorées sur les bords de ce caractère, lignes qui sont la principale cause de la vision confuse de ces petits objets. La beauté des couleurs voisines dont les spectres inverses 40 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COLLEURS sont réciproquement semblables à cbacune d'entre elles, résulte de cette plus grande facilité que l'œil éprouve à les voir distinctement, et il est probable que, dans l'organe de l'ouïe, une circonstance analogue constitue le plaisir que nous procure la mélodie. Lorsqu'on regarde fixement pendant un temps suffisant un objet coloré placé sur un fond blanc, et qu'on augmente ensuite la dislance de l'œil à l'objet, on voit celui-ci entouré d'un espace coloré de la teinte opposée. C'est un effet dû au grossissement apparent du spectre inverse de l'objet, par l'accroissement de la distance. ■ 7«7. Anonyme. Dissertation sur les couleurs accidentelles. (Journal de physique de Rozier, t. XXX, p. 407.) §§ IV-VIII. L'auteur propose une théorie qui diffère trop peu de la seconde de celles dues à Scherffer (voyez à l'année 1765, l'analyse du § XVII du Mémoire de Scherffer), pour que j'en donne ici l'analyse. § IX. II avance ensuite une autre hypothèse, savoir que la couleur acci- dentelle est due à l'affaiblissement des vibrations de l'organe, après la sous- traction de l'objet. Ainsi, parlant du fait, mal compris par lui, qu'un objet rouge amène une image accidentelle d'un vert bleuâtre, il suppose que ces vibrations, dans toute leur force primitive, donnaient la sensation du rouge, puis qu'affaiblies jusqu'à un certain degré, elles donnent celle du vert, et qu'enfin, plus affaiblies encore, elles donnent celle du bleu, ou seulement du violet. § XII. Du reste, l'auteur n'a pu parvenir à observer lui-même les couleurs accidentelles comme les autres les voient. Un petit carré de papier rouge sur un fond blanc lui a donné ensuite, lorsqu'il regardait un autre endroit de ce fond, une image circulaire, d'un blanc plus brillant, entourée d'une auréole rougeâtre. Ce Mémoire est écrit d'une manière si peu claire, el avec un tel décousu, qu'il est difficile de ne pas croire à un dérangement dans les idées de l'auteur; à moins d'admettre qu'une singulière erreur typographique ait substitué à un certain nombre de paragraphes du Mémoire, le même nombre de paragraphes pris dans un Mémoire différent. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 41 1792 Wells. An essay upon single vision ivith two eyes : logelher ivilh experi- ments and observations on several other subjects in opties. Londres. Pages 65-73. La tache colorée que l'on voit après la contemplation d'un objet lumineux, parait constamment simple, que la surface sur laquelle on la projette touche le visage ou qu'elle soit placée à la plus grande dis- tance. C'est que les parties des deux rétines sur lesquelles cette image est imprimée sont aussi celles qui reçoivent les peintures des objets situés à l'intersection des axes optiques; or comme des objets ainsi placés paraissent toujours simples, il doit en être de même de la tache. Darwin s'est trompé lorsqu'il a avancé le contraire. (Voyez à la page 30.) L'auteur a répété l'expérience plus de cent fois, et toujours avec le même résultat '. Il y a plus, c'est que la tache ne peut jamais paraître doublée, quelque moyen que l'on emploie pour y parvenir: si, par exemple, on la projette sur un morceau de papier blanc , et que l'on presse l'un des yeux de haut en bas, de bas en haut ou de côté, le papier paraîtra double, mais la tache conservera son unité, et se maintiendra à la place où la voit l'œil non dérangé. On pourrait croire que, dans ce cas, le dérangement forcé opéré dans l'un des yeux trouble ses fondions, et y fait disparaître la tache, de sorte que celle-ci n'est plus aperçue que par l'autre œil; l'expérience suivante a prouvé à l'auteur que les choses ne se passent point ainsi : il regarda d'un œil seulement l'objet qui devait déterminer la tache, de manière que celle-ci n'existait ensuite que dans cet œil ; puis il dirigea les deux yeux sur le milieu d'une feuille de papier placée à quelques pieds de distance, et, continuant ù fixer son attention vers le même point, il poussa successivement de différents côtés l'œil dans lequel la tache était imprimée ; or celte tache ne resta pas moins immobile, et conserva invariablement sa place sur le milieu de l'image du papier vue par l'œil non dérangé. Ces deux dernières expériences conduisent l'auteur à conclure que la situa- tion apparente de la tache ne dépend ni de la seule position des yeux, ni de la seule position des muscles de l'œil, ni d'une affection quelconque du nerf 1 Darwin a reconnu plus tard son erreur. Le Mémoire sur les spectres oculaires a été repro- duit dans la Zoonomie d'Erasme Darwin; j'ai eu sous la main la 5e édition qui es! de 1 80 1 , et j'y ai trouve, t. Il , p. :ïô5, l'erreur en question nettement corrigée Tome XLI1. (i 4-2 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS oplique ; et comme, d'un autre côté, cette situation apparente est affectée par les mouvements volontaires de l'œil, on doit nécessairement l'attribuer à Yaction des muscles qui effectuent ces mouvements. On voit alors pourquoi la lâche ne bouge pas lorsqu'on change, par une pression extérieure, la position de l'œil dans lequel elle existe; c'est que Y état d'action (slate of action) des muscles de cet œil correspond toujours nécessairement à celui des muscles de l'autre œil qui est supposé demeurer immobile , et que la pression extérieure ne change évidemment rien à ce même état d'action. Ce qui est vrai pour la situation apparente d'une semblable tache, doit également l'être pour la situation apparente d'un objet réel qui envoie son image à un point donné quelconque de la rétine, celle-ci dépend donc aussi seulement de l'état d'action des muscles de l'œil. De là on déduit la vraie raison pour laquelle les objets paraissent doubles quand on pousse l'un des yeux hors de sa place. En effet, comme les images de ces objets tombent alors, dans cet œil, sur des points de la rétine différents de ceux qu'elles occupaient auparavant; el comme la pression extérieure n'a introduit aucun changement dans la situation apparente donnée par chaque partie de la rétine les objets seront vus par ce même œil exactement dans les mêmes directions qu'ils auraient eues avant la pression, si leurs images étaient alors tombées sur les points de la rétine qu'elles occupent en dernier lieu. Ces objets doivent donc être vus dans des directions différentes par les deux yeux, et, par conséquent, paraître doubles. L'auteur déduit encore des faits et des considérations qui précèdent d'autres conséquences relativement à la théorie de la vision simple. Pages 94-97. L'auteur l'ait servir les images accidentelles à la recherche de la cause pour laquelle les objets semblent tourner autour de nous, après que nous avons tourné nous-mêmes rapidement pendant quelque temps. Et d'abord, en rappelant les opinions des savants qui l'ont précédé, il examine celle de Darwin (voyez page 29). Il ne la comprend pas com- plètement; mais, dans tous les cas, si le mouvement apparent des objets environnants dépend d'une manière quelconque de leurs spectres, le phéno- mène ne devra pas avoir lieu si l'on tient les yeux fermés pendant qu'on tourne sur soi-même, pour ne les ouvrir qu'après; or les mouvements appa- rents ont lieu tout aussi bien dans celte, circonstance. ACCIDENTELLES ORDINAIRES DE SUCCESSION. 43 Dans l'état d'étourdissement pendant lequel les objets semblent se mou- voir, les yeux que nous croyons être en repos se meuvent en réalité eux- mêmes, et c'est là la cause véritable du mouvement apparent que nous attribuons aux objets. Pour appuyer cette opinion, l'auteur rapporte entre autres l'expérience suivante : il détermina dans ses yeux une lâche colorée, en regardant, pendant quelque temps la flamme d'une chandelle; puis, après avoir tourné sur lui-même jusqu'à s'étourdir, il cessa subitement ce mouve- ment, et dirigea les yeux sur le milieu d'une feuille de papier attachée au mur de la chambre. Alors la tache se montra pendant un moment sur le papier, puis elle parut se mouvoir d'un côté, et le papier de l'autre, quoiqu'il semblât à l'auteur que ses yeux ne bougeaient pas. Lorsque le papier et la tache se furent éloignés jusqu'à un certain point, ils se réunirent de nouveau subitement pour se séparer encore, et ainsi de suite plusieurs fois, les limites de la séparation se rapprochant graduellement, jusqu'à ce qu'enfin tous deux parussent en repos, la tache se montrant au milieu du papier. En répétant l'expérience, l'auteur put constater qu'il voyait toujours la feuille de papier marcher en sens contraire du mouvement qu'il s'était donné à lui-même, tandis que, par conséquent, la tache colorée marchait dans le sens de ce dernier mouvement. Lorsqu'il inclinait la tête de côté, les mouvements avaient lieu dans le sens vertical. Il suit de tout cela que les yeux étaient réellement en mouvement, alors qu'ils paraissaient à l'auteur être en repos; car sans cela les positions relatives de la tache et du papier n'auraient pu être altérées !. iï'jg Voigt. Beobachtungen und Versuche iiber farbiges Lu ht, Furben und ihre Mischung. (Journal de Gren, t. III, p. 235.) Voigt admet, comme d'autres l'avaient fait avant lui, qu'un rayon coloré est une combinaison chimique de lumière et de calorique, et que les diffé- 1 Quoique l'auteur ait fait toutes ses expériences sur les images colorées qui succèdent à la contemplation d'un objet très-lumineux , tels que la flamme d'une chandelle, j'ai placé dans cette 2mc section, et non dans la 3'"", l'article qui les concerne, parce que les phénomènes qu'il s'agissait d'observer n'ont aucun rapport avec les changements de couleur que pourrait éprou- ver l'image, et parce que d'ailleurs ces mêmes phénomènes se produiraient évidemment aussi avec les images accidentelles ordinaires. U BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES COULEURS rentes couleurs sont dues aux proportions relatives du calorique par rapport à la lumière. Partant delà, Voigt déduit de ses expériences sur le mélange des cou- leurs par la rotation des disques (voyez l'article Voigt dans la première section), des nombres plus ou moins hypothétiques pour représenter les quantités relatives de calorique contenues dans une partie des teintes du spectre solaire, ces teintes étant supposées de même intensité. 11 avance, d'après un cas particulier, la loi suivante : si l'on range à la suite les uns des autres, les nombres désignant les quantités relatives de calorique de deux couleurs et de leurs teintes accidentelles, ces dernières étant placées dans un ordre inverse par rapport aux deux premières , les quatre nombres forment une proportion arithmétique, dans laquelle, par conséquent, la somme des moyens est égale à celle des extrêmes. Voigt con- sidère cette somme comme constante pour tous les cas, et il s'en sert pour compléter l'ensemble de ses nombres proportionnels. D'après la loi ci-dessus, si l'on a regardé pendant quelque temps une cer- taine couleur, il suffit, pour avoir la couleur accidentelle subséquente, de retrancher de la somme constante en question la quantité de calorique cor- respondante à la première couleur; le reste donnera la quantité de calorique correspondante à la seconde, et déterminera conséquemment celle-ci. Nous ne jugeons des couleurs que par comparaison : par exemple, lors- qu'on regarde à travers des lunettes vertes, la comparaison avec l'état anté- rieur fait d'abord juger verdâtres tous les objets; mais si l'on continue, l'idée de la comparaison s'efface, et les objets paraissent reprendre leurs teintes naturelles. C'est par une comparaison, en vertu de la loi indiquée plus haut, que si, après avoir contemplé un objet coloré on porte les yeux sur du blanc, on juge ce blanc d'une autre couleur. ri:, ou négatives , dues aux objets colorés; c'est pourquoi je cite ici le Mémoire en question. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 5o 1860. Helmiioi.tz. Physiologùche Oplik. Leipzig; §§ 23, 29 et 31. Elude générale; l'auteur penche pour la théorie de Scliertl'er. Osann. Ueber Ergânzungsfarben. (Wùrzlnirg, Naliirwissenschafiliche Zeilschrifi, p. 61.) ' Fechner. Elemenle der Psychophysik. Leipzig, t. II, p. 509. La marche oscillaloire de l'impression est la marche normale. Oppel. Zur Théorie einer eigenlhûmlichen IXeactionslhatigkeit des inenschlichen Auges in Bezug aufbewegle ISetzhautsbilder. (Jahresbericht des Frankfur- ter Vereins, 1859-60, p. 54.) Zôllner. Ueber eine nette Art von Pseudoskopie , und titre Bezielatngen zu den von Plateau und Oppel beschriebenen Bewegungserscheinungen. (Ann. de Pog- gendorff, t. CX, p. 500.) Les apparences inverses qui succèdent à l'observation d'objets en mouvement, sont purement psychiques. 1861. Laurence. Some observations on the sensibitity of the eye to colour. (Philos. Magaz., 4™ série, t. XXII, p. 220.) Action sympathique d'un œil sur l'autre. Newcomr. On some illusions and otlter phenomena attendant on vision tltrough coloured média. (Journ. de Silliman, t. XXXI, p. 418.) Curieuse preuve que les couleurs accidentelles ne résultent point d'un faux jugement; théorie particulière. Cornélius. Die Théorie des Sehens und râumlichen Vorstellens, vom physikaliscken, physiologischeu und psychologischen Staudpunkle ans belrachtet. Halle; 2,ne section, chap. IV, n°" 314-522, et o™ section, chap. II, n°' 455 et 456. 1862. Aurert. Untersuchungen ùber die Sinneslhâligkciten der Nelzhaut. (Ann. de Pog- gendorll', t. CXV, p. 87; voir p. 108, et t. CXVI, p. 249.) Étude générale des phénomènes des couleurs accidentelles au point de vue de la relation entre l'action objective et l'excitation subjective. 1863. Seguin. De l'influence de la lumière blanche sur les images accidentelles des objets colorés. (La Presse scientifique, t. I, p. 543.) Burckhardt. Ueber Contrastfarben. (Ann. de Poggendorff, t. CXVIII, p. 503.) Tache noire sur fond blanc observée en armant les deux yeux de verres de couleurs respective- ment différentes , et en doublant l'image 56 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1863. Maria Bokowa. Ein Verfahren, kùnstliche Farbenblindheit hervorzubringen. (Zeil- schrift fur ralioneile Meclicin, t. XVII, p. 161.) Imitation du daltonisme pour le rouge, au moyen de certains verres rouges tenus pendant long- temps devant les yeux. 1865. Burckhardt. Die Conlraslfarben im Nachbilde. (Ann. de Poggendorff, I. CXX1X, 1866, p. 529.) Image accidentelle d'un petit objet incolore ou coloré placé sur un fond coloré. Bruche. Ueber Ergànzungs-und Contras t far ben. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, l. LI, 2me partie, p. 461.) Les couleurs accidentelles semblent n'être pas toujours complémentaires dis réelles; discussion. Scheffler. Die physiologische Oplik. Brunswick; 1. II, §§ 66 et 67. Befell. Trugbilder. Eine Anleilung Erscheinungen avf oplischer Tàuschung beruhend, nacli Belieben lier vorzuru feu, etc. Slùtlgart. Amusement optique, application d'une idée de Scherffer. 1866. Scheffler. Die Slalik der Netzhaut und die pseudoskopisclie Erscheinungen. (Ann. de Poggendorff, t. CXXVII, p. 105; voir p. 122.) A cause de la relation avec le principe des oscillations de l'impression. Engelmann. Ueber Scheinbeivegung in Nachbildern. (Jenaer Zeitschrift fur Med., t. III, p. 443.) Mouvement apparent dans l'intérieur de l'image accidentelle de la fenêtre d'un wagon en marche. 1867. Dove. Oplische JSotizen; Ueber subjective Farben durch eleklrische Beleuchtung. (Ann. de Poggendorff, I. CXXX1, p. 654.) l)i>que tournant à secteurs à jour, éclairé par une lumière jaune permanente, puis par une étincelle électrique. 1868. Monoyer. Idée d'une nouvelle théorie entièrement physique des images consécutives. (Bullet. de la Soc. des Se. de Strasbourg, lre année, pp. 58 et 65.) Phosphorescence de la rétine. S. Exner. Ueber einige neue subjective Gesichtserschcinungen. (Archiv. de Pflùger, lre année, p. 575.) Image accidentelle produite par une couleur homogène, et projetée sur une autre couleur homogène. 1869. Bf.nson. Contras! and admixture of colors. (Scienlific American, t. XX, p. 257.) La désignation des couleurs complémentaires, et, par suite, des couleurs accidentelles, manque en général d'exactitude. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 57 1870. Mauangoni. Nuovo metododi sviluppare nell' occhio le immagini accidentait abba- glianli. (Nuovo Cimento, 2me série, t. III, p. 152.) Procédé donnant de nombreuses oscillations de l'impression. DvorÂk. Versucfie iïber die Naclibilder von Reizverânderungen. (Bullet. de I'Acad. deVienne, I. LXI.p. 257.) A cause de la relation de ces phénomènes avec le principe des oscillations de l'impression. Czer.mak. Ueber Schopenhauer's Théorie der Farbe. (Ibid., t. LXII, p. 593.) Voir l'article 1810 Scbopenhauer. Adamuk et Wbroow. Beitràge zur Lehre von den negaliven JSachbildern. (Archiv fur Ophthalmologie, t. XVII, lrt' partie, 1871 , p. 135.) Étude des images accidentelles sur les différentes parties de la rétine. 1871. Dubrumaut. Sur quelques particularités des perceptions visuelles objectives et sub- jectives. (Comptes rendus, t. LXXJII, p. 752.) Dans la contemplation d'un objet coloré, l'image subjective existe toute formée sur la rétine et superposée à l'image objective. Becker. Zur Lehre von den subjvcliven Farbenerscheinungen. (Ann. de Poggen- dorff, t. V du Supplément, p. 505.) Objections contre la théorie de Seherfler. 1872. Young. Note on récurrent vision. (Journ. de Silliman, 5'"° série, t. III, p. 262.) Réapparitions de l'image d'un objet après un éelaiiemenl instantané. Davis. On récurrent vision. (Philos. Magaz., 4mc série, t. XLIV, p. 526.) Même sujet ; l'image récurrente d'un objet coloré présente une teinte à peu près complémentaire' Marangoni. Nette Méthode die Blendvngsbilder im Auge zu entwickeln. (Ann. de Pog- gendorff, t. CXLVI, p. 115.) Reproduction de l'article de 1870, avec quelques changements. S. Exner. Ueber den Erregungsvorgang im Sehnervenapparate. (Bullet. de I'Acad. de Vienne, t. LXV, 3mo partie, p. 59.) Expériences curieuses sur la première image accidentelle qui se montre après la contemplation d'un objet très-éclatant; conséquences théoriques. Hering. Zur Lehre vom Lichtsinne, i'e communication : Ueber successive Lichlin- dttetion. (Ibid., (. LXVI, 5rae partie , p. 5.) Expériences en opposition avec la théorie de la lumière intérieure et de la fatigue. Tome XLII. 8 58 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1873. Ragona. Su taluni nuovi fenomeni di colorazione soggettiva. (Mcm. de FAcad. de Modène, t. XIV, p. 7.) Couleur bleuâtre observée dans les yeux fermés, lorsque, sur un chemin de fer, le train pénètre dans un lunnel. Mach. Physikalisehe Versuche uber deii Gleichgeœichlssinn des Menschen. (Ballet, de l'Acad. de Vienne, t. LXVIII, 3me partie, p. 124.) A cause de la relation de certains phénomènes avec le principe des oscillations de l'impression. Hering. Zur Lchrc vom Liehtsinne, 2mc communication: Ueber simullanen Licht- conlrast. (Ibid., ibicl., p. 186.) Dépendance entre les phénomènes de succession et ceux de simultanéité. Zur Lehre vom Liehtsinne , 3me communication : Ueber simultané Lichtin- duction und ûber successiven Contrast. (Ibid., ibid., p. 229.) Nouvelles expériences contre la théorie de la lumière intérieure et de la fatigue. 1874. Hering. Zur Lehre vom Liehtsinne, o'"c communication : Grundzùge einer Théorie des Lichlsinnes. (Ibid., t. LXIX, 5'"° partie , p. 179.) Théorie chimique de la sensation de la lumière. Zur Lehre vom Liehtsinne, 6,nc communication : Grundzùge einer Théorie des Farbensinnes. (Ibid., t. LXX, 5"'e partie, 1875, p. 169.) Théorie chimique de la sensation des couleurs réelles et des couleurs subjectives. Schôn. Einfluss der Ermùdung auf die Farbenempfîndung. (Arcbiv fur Ophtbal- mologie, t. XX, 2mc partie, p 273.) Mesures pour le vert, le rouge et le bleu de la lumière spectrale. 1875. Oger. La vérité sur le redressement des images. (Journ. Les Mondes, t. XXXVIII, p. 159.) Explication déduite des images accidentelles. Delboeuf. Théorie générale de la sensibilité. (Acad. de Belgique, Mém. couronnes et autres Mém. Collection in-8°, t. XXVI, 5inc fascicule; voir p. 93 , dans la lrc note.) Essai d'explication de l'effet de la spirale tournante (voir l'art 1849 J. Plateau) en partant d'un principe autre que celui des oscillations de l'impression. J. Plateau. Sur les couleurs accidentelles ou subjectives. (Bttllet. de l'Acad. de Belgique, 2m" série, t. XXXIX, p. 100.) Défense de la première partie delà théorie de l'auteur: voir les articles J. Plateau 1833 et 1854. i BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 59 1875. Mach. Grundlinien der Lehre von den Bewegungsempfindungen. Leipzig; voir p. 25. A cause de la relation entre l'un des phénomènes décrits et le principe des oscillations de l'im- pression. S. Exner. Experimentelle Untersuchung der einfachsten psychischen Processe, 4,n,e Mémoire. (Archiv. de Pfluger, t. XI, p. 581.) Considérations sur le siège des phénomènes subjectifs. 1876. Hartshorne. On some disputed points in physiological optics. (Proceedings of the American philos. Society, i. XVI, p. 218; voir p. 221.) Les couleurs accidentelles sont un phénomène d'interférence. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII' SIÈCLE. SLIVIE DTNE BIBLIOGRAPHIE SIMPLE POl'R LA PARTIE ÉCOULÉE DL SIÈCLE ACTUEL; VA II J. PLATEAU, MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, CORRESPONDANT DE LINSTITl'T DE FRANCE, DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES, DE L'ACADÉMIE DE BERLIN, ETC. TROISIEME SECTION. IMAGES QUI SUCCÈDENT A LA CONTEMPLATION DOBJETS D'UN GRAND ÉCLAT OU MÊME DOBJETS BLANCS BIEN ÉCLAIRÉS. (Présentée a la classe ries sciences dans la séance du 7 avril 187". Tome XLI1. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII' SIÈCLE TROISIEME SECTION. IMAGES QUI SUCCÈDENT A LA CONTEMPLATION D'OBJETS D'UN GRAND ÉCLAT OU MÊME D'OBJETS BLANCS BIEN ÉCLAIRÉS. Je reproduis ici, à cause de son extrême importance, un passage de l'avant-propos placé au commencement de la première section et concernant l'ouvrage entier. Les expériences qui font l'objet de cette troisième section sont dange- reuses; c'est à la suite d'une expérience imprudente de ce genre, que s'est développé chez moi le germe de l'affection qui a fini par me priver complètement de la vue. Je ne saurais donc engager trop fortement les physi- ciens et les physiologistes à s'abstenir de semblables essais , qui ne pré- sentent qu'une importance bien minime à côté des maux qu'ils peuvent entraîner. D'ailleurs les faits observés jusqu'ici sur cette matière sont, je pense, assez nombreux pour qu'on puisse se dispenser d'en recueillir de nouveaux. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT .roi, s^iT^i den,i Aristote. Sur les Songes , chap. 2 *. avant J.-C. Seconde moitié du IVe siècle. 1!>93. 1644. Si Ton a fixé ses regards sur le soleil ou sur un autre objet éclatant, et qu'on ferme ensuite les yeux, on voit d'abord une image de l'objet tel qu'il est, puis cette image devient rouge, puis pourpre , puis enfin s'évanouit. Themistius. Sur les Songes. Dans les mêmes circonstances que ci-dessus, l'auteur dit qu'on voit d'abord une certaine couleur, telle que le blanc ou le vert, puis que cette couleur se convertit en rouge, puis en pourpre, puis successivement en d'autres, puis enfin en noir. Porta. De refractione optiees parte libri novem. Naples. Livre VII, prop. 10, p. 170. Après avoir regardé le soleil ou sa lumière réfléchie par un miroir ou un corps poli, tous les objets que l'on regarde paraissent d'abord jaunes, puis rouges, puis verts, et enfin bleus. Livre IX, prop. 5, p. 195, et prop. 6, pp. 195 et 196. L'auteur, en parlant du même fait, n'indique plus que les couleurs successives jaune, vert et bleu. Ces effets proviennent de ce que la couleur la plus rapprochée de la lumière même est le jaune, et que la plus rapprochée de l'obscurité, au contraire, est le bleu. Ainsi l'image lumineuse du soleil, en s'affaiblissant, a du passer du jaune au bleu. Descartes. Dioptrice et Meleora. Amsterdam, chap. 6, § IV. Si l'on a regardé fixement le soleil ou un autre objet très-éclatant, on voit ensuite, même lorsqu'on lient les yeux fermés, l'image persister pen- dant quelque temps, en présentant une série de couleurs différentes, qui se succèdent en s'affaiblissant. C'est que les filets du nerf optique ébranlés par un mouvement inaccoutumé, ne peuvent revenir au repos aussi rapidement qu'à l'ordinaire; et comme l'agitation qu'ils conservent après que l'on a 1 L'édition que j'ai consultée est celle de Du val, Paris, 1639; le passage dont il s'agit se trouve dans le t. II , p. 101. A LA CONTEMPLATION D'OBJETS ÉCLATANTS. S fermé les yeux n'est cependant plus assez forte pour reproduire une image aussi éclatante que celle de l'objet lui-même, cette agitation se manifeste seulement par une série de couleurs plus faibles et. comme délayées; les changements successifs qu'elles éprouvent, montrent bien que la nature des couleurs ne consiste qu'en une diversité de mouvements. Michaelius. De oculo, seu de natiira visas, libellas. Dordrecht. A la fin des Paralipomena. L'image que l'on croit voir, dans les yeux fermés, après avoir regardé le soleil, est d'abord simplement lumineuse, puis devient rouge, verte, et enfin noire, et l'on peut même observer ainsi successivement toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ; le phénomène se reproduit ensuite une seconde, et même une troisième fois. Ces images n'existent que dans l'imagination , et leurs réapparitions successives tiennent à une sorte de lutte entre l'imagination et le jugement. (Voir, à ce sujet, l'article Michaelius dans la lre section.) Le Père Kircher. Ars magna lacis et ambrée. Rome. (Autre édition, Amsterdam, 1671; les indications de pages ci-dessous sont relatives à cette dernière édition; je n'ai pu consulter la première.) Page 54. Si l'on a regardé fixement le soleil et qu'on dirige ensuite les yeux vers des objets sombres, on les verra d'abord blancs, puis successive- ment jaunes, rouges, verts, et enfin bleus, la vue passant ainsi de la lumière aux ténèbres par l'ordre naturel des couleurs !. Page 118. Ayez un lieu dans lequel la lumière ne puisse pénétrer que par une seule ouverture exposée aux rayons du soleil , et appliquez à cette der- nière un papier transparent , sur lequel vous aurez peint en noir une figure quelconque. Regardez alors pendant quelque temps cet objet, puis fermez l'ouverture, de manière à vous placer dans des ténèbres complètes, et tenez devant vos yeux un papier blanc ; vous y verrez se succéder des couleurs 1 On sait que les anciens physiciens considéraient les différentes couleurs comme résultant d'un mélange, en proportions différentes, de lumière et d'obscurité. 6 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT variées, passant du jaune au rouge, etc. Puis se montrera la figure dans une position renversée; quelquefois aussi elle paraîtra droite '. L'idée de cette expérience, ou peut-être l'expérience elle-même (l'auteur ne s'exprime pas nettement à ce sujet), avait été communiquée au Père Kircher par Joseph Bonacursius ; le premier l'a ensuite exécutée ou répétée. La cause qui imprime ainsi les couleurs et les images dans l'œil, est ana- logue à celle par laquelle le phosphore de Bologne exposé au soleil s'imbibe d'une lumière qu'il reproduit ensuite dans l'ohscurité. L'image de l'objet parait renversée dans l'expérience dont il s'agit, parce que, dans rohscurité, la pupille se dilate, et qu'alors l'image est renvoyée du fond de l'œil à travers la pupille selon des lignes qui ne se croisent pas: cette image représente ainsi l'objet sur le papier blanc dans la position que cet objet occupe au fond de l'œil, c'est-à-dire dans une position renversée 2. Quant à la diversité des couleurs qui se succèdent, elle provient de l'affai- blissement graduel de la lumière ainsi imprimée dans l'œil : la couleur la plus lumineuse, le jaune, se montre d'abord, à cause de la grande quantité de lumière absorbée, puis, cette lumière s'alïaiblissant, vient le rouge, et ainsi de suite. 1 Le passage original nu me paraissant pas assez clair quant aux apparences et aux couleurs qui se succèdent, je vais le rapporter ici : in ipsa charla primo intueberis veluti auvorum quundam consurgentem croceo primo, deinde rubro, mox puniceo, omui denique (quœ in iridé] colorum yenere depietum orbem intue- beris, et postea tandem figurant fenestrœ inversant, quœ tandem in cœruleum colorem pul- clierrimum , rubro inlenso initia m degenerabit. Imago vero, quœ primo in lacido circulo nigra, modo fluva, subinde recta, el nonnunquam inversa comparebit. Quœ simulucra tandem in timbrant densissimam vergent, et sic, spirilibus consumtis , speciebusque evanescentibus , imago origini suœ, id est tenebris, redditu, oculos subter/'ugiet. Et plus loin : Diversilus vero colorum eonlingil juxtu grudus in prœcedenle libro declaratos ; primo enint croceus color occurrel , qui fit oh lacis oculo impressœ copiant; qua , per grudus quosdam déficiente, color quoque ex croceo in rubram, ex rubro in puniceum , ex hoc in cœruleum, et tandem in tenebras vergens , vna cum luce speciebusque evanescet. - Ce renversement de l'image, dont le Père Kircher parle comme d'une chose qu'il a vue, constituerait, s'il pouvait avoir lieu, un fait inexplicable dans toutes nos théories actuelles. Je n'ai pas besoin d'insister sur ce que, dans le grand nombre d'expériences qui ont été faites depuis sur la persistance des impressions et les couleurs accidentelles, semblable renverse- ment ne s'est jamais produit. A LA CONTEMPLATION D'OBJETS ÉCLATANTS. 7 «ces. Boyle. Expérimente and observations upon colours. (Voyez aussi The philo- sophical works of the honourabte Robert Boyle, ete., 2me édition, publiée à Londres en 1738, t. M, p. 4'.) Après avoir rapporté les apparences résultant, pour lui, de la contempla- tion du soleil dans un télescope muni d'un verre coloré, apparences dont j'ai rendu compte dans la section précédente à l'article Boyle, l'auteur ajoute qu'il a observé le même effet après avoir regardé la lune dans un télescope sans employer de verre coloré, c'est-à-dire qu'en dirigeant ensuite l'œil affecté sur une flamme, celle-ci lui paraissait vivement colorée d'une teinte étrangère. Comme l'objet contemplé dans ce cas était blanc, l'apparition de cette cou- leur étrangère appartient à la section présente, et j'ai rapporté ce passage, parce qu'il montre la production d'apparences colorées après la contempla- tion d'un objet blanc d'un éclat bien inférieur à celui du soleil. 1674. Le Père Milliet Dechales. Cursus seu Mandas Mathematicus. Lyon, t. III , partie optique, livre 2, propos. LXIII 2. Dans une ouverture pratiquée au volet d'une fenêtre, on insère une figure transparente peinte d'une couleur vive, telle que le rouge, puis, la chambre étant complètement obscurcie, on tient pendant quelque temps les regards fixés sur cette figure. Si alors on ferme les yeux, on continuera à la voir; elle gardera pendant quelques instants sa couleur, puis elle passera au jaune, puis au vert, et ainsi de suite. 1688. Zahn. Oculus artificialis leledioptricus , etc. Herbipolis. Fundament. 1, syntagma 2, Cap. XIII. Si, après avoir regardé fixement le soleil, on dirige la vue sur des objets sombres, on verra d'abord du blanc, puis successivement du jaune, du rouge, du vert, et enfin du bleu. 1 Je renvoie à la seconde édition, parce que, n'ayant pas eu la première à ma disposition, je ne pourrais indiquer la page. 9 Je n'ai pu me procurer que la deuxième édition, et le passage en question s'y trouve à la page 448. 8 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT La vue procède ainsi, par un ordre naturel, de la lumière aux ténèbres, jusqu'à ce qu'elle soit ramenée à l'état normal. Fund. 1 , synl. 2, Cap. XV, qusest. 1. L'auteur demande pourquoi l'image du soleil persévère dans les yeux, et, après avoir dit un mot de l'opinion de Descartes (voyez à la date 1844), il ajoute que, selon lui, l'effet provient de ce que les filets du nerf optique sont altérés et en quelque sorte brûlés par la forte lumière concentrée sur la rétine. Ibid., quaest. 2. L'auteur demande, en outre, pourquoi, lorsqu'on a regardé, le soleil, on voit ensuite, sur les autres objets, non une seule image de cet astre, mais plusieurs. La cause en est dans les mouvements des yeux, d'où résulte que la même image se trouve imprimée séparément sur plusieurs endroits de la rétine. Dc-ier tiers Mariotte. Traité des couleurs , 2n,e partie, 4me Discours : Des apparences du XVIIe siccIb . des couleurs qui procèdent des modifications internes des organes de la vision. (OEuvres, La Haye, édit. de 1740.) Page 318. « Lorsqu'on a regardé des nuées fort éclairées, ou qu'on a lu longtemps dans un livre au soleil, les yeux s'éblouissent, en sorte qu'en regardant un objet médiocrement illuminé, on ne le voit pas bien. Cet éblouissement dure assez longtemps. » « Si on ferme alors les yeux ou qu'on regarde du noir, il paraît du verd; mais si on regarde du blanc, il parait rouge, en sorte qu'en regardant des fleurs blancbes, on peut croire qu'elles sont rouges. » « Ces couleurs se changent peu à peu en s'affaiblissant, et on voit quel- quefois sur la fin du verd bordé de rouge, en tenant les yeux fermés; si on regarde alors un grand objet blanc médiocrement illuminé, on y voit du rouge bordé de verd. » « Si en marchant vous regardez le soleil à demi caché sous l'hori- zon, son image tombera en plusieurs endroits sur la choroïde ' à cause du mouvement, et si ensuite vous regardez ailleurs, vous verrez trois ou quatre petites obscurités, et en fermant les yeux il vous paraîtra trois ou quatre 1 Suivant Mariotte c'est la choroïde, et non la rétine, qui perçoit les images. A LA CONTEMPLATION D'OBJETS ECLATANTS. 9 demi-soleils ; mais si en peu de temps vous avez regardé le soleil deux ou trois fois, vous verrez sept ou huit de ces demi-soleils, dont quelques-uns seront blancs, et les autres verds ou rouges, etc. Ces différentes couleurs procèdent de l'affaiblissement successif des impressions. » Page 319. Si l'on a regardé fixement une fenêtre plus longtemps que pour l'expérience rapportée à l'article Mariotte dans la deuxième section , pendant 15 à 20 secondes, par exemple, on obtient, dans les yeux fermés et couverts, une image dans laquelle les traverses sont blanches et les car- reaux d'un rouge obscur. «694. De la Hire. Dissertation sur les différents accidents de la vue, prem. partie, § LXX. (Mém. de l'Acad. des Se. de Paris, t. IX, publié en 1730.) Si l'on ferme les yeux après avoir regardé le soleil , on voit d'abord une tache rouge; cette tache devient ensuite jaune, puis verte, et enfin bleue. Si l'on ouvre les yeux et qu'on les porte sur des objets différemment colorés, la tache parait aussi de couleurs différentes par la comparaison de celles qui l'environnent et par son mélange avec elles; ainsi la tache qui paraissait jaune ou bleue les yeux étant fermés , parailra verte si l'on regarde du bleu ou du jaune. Ces images proviennent d'un très-fort ébranlement de la rétine; la partie de cette membrane qui a été violemment ébranlée, ne peut plus recevoir l'impression des rayons qui viennent des autres objets. C'est pourquoi l'on voit sur les objets une tache de la figure du soleil ou de celle qu'il a prise en passant par quelque ouverture. La couleur de la tache change ensuite peu à peu à mesure que l'ébranlement des fibres de la rétine diminue. «699. Malebranche. Réflexions sur la lumière et les couleurs, efc.(Mém. de l'Acad. des Se. de Paris.) Si, après avoir regardé le soleil, on ferme les yeux ou qu'on entre dans un lieu obscur, on verra se succéder différentes couleurs: du blanc d'abord, du jaune, du rouge, du bleu, et quelques-unes de celles qui se font par le mélange de ces dernières , et enfin du noir. L'auteur, qui adopte la théorie ondulatoire, explique ces faits eu admet- Tome XLI1. 2 10 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT tant qu'après la contemplation du soleil, les vibrations de la rétine, très- promptes d'abord, deviennent peu à peu plus lentes, et que, de ces diffé- rences de vitesse, résultent les différentes couleurs qui se succèdent. 1743. Buffon. Dissertation sur les couleurs accidentelles. (iMém. de l'Acad. des Se. de Paris, volume publié en 1746.) L'auteur rapporte qu'un de ses amis ayant un jour regardé une éclipse de soleil par un petit trou, porta pendant plus de trois semaines l'image colorée de cet astre sur tous les objets. De plus, sur un fond jaune brillant, celte image paraissait pourpre, et, sur un fond bleu, elle paraissait verte. L'au- teur a vu souvent aussi les mêmes couleurs après avoir regardé le soleil ; l'image qui se montrait alors à lui , finissait par se convertir en une tache noire , qui diminuait peu à peu de grandeur, et se réduisait enfin à un point noir. 1735. Nollet. Leçons de physique expérimentale, t. V, pp. 509 et 510. L'image du soleil qui persiste dans les yeux fermés, passe par les cou- leurs suivantes : blanc, jaune, rouge, vert, bleu ou violet, et enfin noir. Quelquefois ces couleurs se font voir sans ordre et à diverses reprises. On peut expliquer cette succession de couleurs en admettant que lorsqu'on a regardé un objet éclatant qui envoie à l'œil une lumière composée, les impressions dues aux différents éléments simples qui entrent dans la composition de cette lumière, persistent inégalement sur la rétine. i7ss De Bergen. De maculis et faculis à solis aspeclu in oculo residuis. (Nova acta Acad. Naturœ curiosor., t. I, publié en 1757, p. 188.) Si l'on regarde un instant le soleil et qu'on dirige les yeux ailleurs, on voit une tache noire, qui, s'alïaiblissant peu à peu, disparaît enfin complè- tement dans l'intervalle d'un quart d'heure; si, au contraire, après avoir regardé le soleil on ferme aussitôt les yeux, on voit une image ronde et lumineuse, qui, rouge d'abord, devient orangée, puis jaune, puis verte, puis bleue, et enfin violette; cette dernière disparaît ensuite graduellement. Si l'on ouvre alors les yeux, on n'aperçoit plus de tache. A LA CONTEMPLATION D'OBJETS ECLATANTS. Il Les causes de ces phénomènes paraissent être les suivantes : on sait que lorsqu'un objet a été exposé à la lumière du soleil, sa surface retient généra- lement pendant quelque temps une certaine quantité de cette lumière; il peut donc en être ainsi du fond de l'œil; mais les particules ignées contenues dans la vive lumière du soleil el ainsi retenues par la portion de la rétine où s'est formée l'image, mettent celte portion dans un état d'agitation tel, qu'elles lui ôtent la faculté d'être impressionnée par la lumière plus faible que réflé- chissent les autres objets; c'est pourquoi on voit une tache noire quand on ouvre les yeux. Au contraire, quand on les ferme, l'image parait lumineuse parce que ces mêmes particules ignées sont assez abondantes pour exciter, dans l'œil ainsi obscurci , une sensation de lumière. Maintenant celte lumière est formée de rayons composés, et, à mesure que les particules ignées se dissipent, ces rayons composés se transforment en rayons simples, en sui- vant les lois de la réfrangibilité qui s'observent dans la génération des rayons colorés par un rayon composé. En effet, les rayons de moindre réfrangibilité sont moins distants de la ligne suivant laquelle se dirige la lumière com- posée, et ainsi il leur faut moins de temps pour atteindre cette ligne. Au contraire les rayons de plus grande réfrangibilité sont plus distants de cette môme ligne, et il leur faut plus de temps pour y arriver. On voit donc pourquoi, dans la disparition graduelle de l'image solaire, le rouge doit se montrer le premier, puis l'orangé, et ainsi de suite, dans l'ordre naturel, jusqu'au violet '. 1 Comme tout cela est bien obscur, je vais rapporter le passage original qui concerne l'ex- plication du changement des couleurs : t Oculis vero post aspectum solis clausis, ideo apparet solis imago sub specie jubaris, quia particulse igncœ, formantes imagincm, satis densaj cteopiosae sunt, ut in obscurato bulbo et in tenebris sensu m luminis excitare possint. Hoc lumen ex radiis composilis seu dissimilari- bus constat; quamprimum vero colores oriuntur, successive sese excipientes, indicium est igneas lias parliculas dissipari ac compositos radios in simplices mutari, et quidem legibus refrangibilitatis conformiter, quœ in generatione radiorum coloialorum ex radio composilo observantur. Radii nempe colorati minoris refrangibilitatis minus distant a linea conjunctionis in qua lumen composilum emcigil, et bine quoque minori temporis intervalle ad eandeni Iincam verguul; radii majoris refrangibilitatis magis distant ab bac linea, et plus temporis im- pendunt antequam ad communein axin accédant. Quare ratio in promptu est eur, disparente jubare, rubor prius in orbita colorafa, postca successione nalurali sequentes colores oriantur; et evanescente postremo, scilicci uolaceo et indico, tola dispareat orbita colorata. • 12 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT mo. Portekfield. A Treatise on the Eye , the M anner and Phœnomenaof vision. Edinburgh. L'auteur rapporte ce que dit De la Hire sur les images colorées qui suivent la contemplation du soleil (voyez à la date 1694); mais, outre le rouge, le jaune, le vert et le bleu mentionnés par De la Hire, il ajoute en dernier lieu le violet. 1763 Haller. Elemenla physiologiœ corporis humani, t. V, sect, IV, § VIII, p. 480. La contemplation prolongée du soleil ou d'un corps trop éclatant laisse dans les yeux une succession d'images dont les teintes suivent Tordre dé- croissant des intensités des différentes couleurs, savoir jaune, vert, bleu et enfin violet. 1764. iEpiNUS. Observaliones quœdam ad opticam pertinentes. (Mém. de l'Acad. de S'-Pétersbourg, 2e série, t. X, p. 282.) Lorsque le soleil est près de l'horizon, ou lorsque sa lumière est affaiblie par l'interposition de légers nuages , si on le regarde fixement pendant en- viron un quart de minute , les images qui persistent alors dans l'œil, passent d'une manière presque constante par les modifications qui suivent : Si l'on ferme d'abord les yeux, on voit une tache irrégulièrement circu- laire d'une couleur de soufre, et bordée de rouge. Si l'on ouvre alors les yeux et qu'on regarde une surface blanche, l'intérieur de la tache paraît d'un brun rougeâtre, et la bordure est bleue. Après environ une minute, si l'on ferme encore les yeux, l'intérieur paraît d'un beau vert, et le bord a pris une autre nuance de rouge. Les yeux étant de nouveau ouverts, et les regards dirigés sur du blanc, l'intérieur se montre plus rouge, et la bordure d'un plus beau bleu. Après environ une seconde minute, les yeux étant fermés, le vert de l'intérieur lire sur le bleu, et la bordure offre encore une nouvelle nuance de rouge. Dans les yeux ouverts et toujours dirigés sur du blanc, le fond sera encore rouge et la bordure bleue, mais les nuances ne seront plus les mêmes. Enfin après quatre ou cinq minutes, l'intérieur de la tache, dans les yeux fermés, est tout à fait bleu, et la bor- A LA CONTEMPLATION D OBJETS ÉCLATANTS 13 dure est d'un beau rouge; dans les yeux ouverts l'intérieur est rouge et le bord d'un bleu brillant. Les couleurs alors demeurent les mêmes, en chan- geant seulement de nuances, jusqu'à ce que, s'affaiblissant graduellement, tout finit par disparaître. La bordure qui entoure l'image, est due à une communication de l'im- pression produite par le soleil aux parties environnantes de la rétine. Lorsqu'on projette la tache sur un fond blanc, elle disparaît quelquefois pour reparaître et disparaître encore à plusieurs reprises. L'auteur a remar- qué qu'elle disparaissait toujours lorsqu'il s'efforçait de l'examiner attentive- ment, et qu'elle reparaissait lorsque cet effort cessait. i76«. Le Père Sciierffer. Abhandlung von den zufàlliyen Farben. Vienne. (La traduction française de ce Mémoire se trouve dans le Journal de phy- sique de Rozier, année 1 785 , t. XXVI, pp. 4 75 et 273.) § XXII. Quand on regarde longtemps pendant la nuit la flamme d'une chandelle, elle finit par prendre une teinte presque rouge, et si alors on jette les yeux sur la muraille, on voit d'abord l'image de la flamme dans sa couleur naturelle avec un bord sombre. Cette image disparait et reparaît plusieurs fois, et sa couleur se change peu à peu en un rouge clair, puis, après une nouvelle disparition , elle parait verte, puis d'un mélange de vert et de bleu foncé, puis à la fin toute l'image ne paraît plus qu'une ombre. Un nuage blanc éclairé fortement par le soleil, parait bordé de pourpre si on le regarde assez longtemps; et si l'on tourne ensuite les yeux sur une muraille blanche, on la verra d'abord, pour un instant, d'un bleu foncé, ensuite verte, puis d'un orangé mêlé de rouge, et enfin de couleur de pour- pre, et cette dernière impression demeure le plus longtemps. A l'aide d'une lentille d'environ quatre pouces de diamètre, l'auteur a concentré les rayons solaires sur un papier blanc dans un espace de 8 à 9 lignes de diamètre. Regardant alors fixement le cercle lumineux , il lui vit bientôt prendre une teinte bleue obscure, après quoi le bord du cercle se teignit fortement en pourpre. Ne pouvant supporter plus longtemps l'éclat de celte lumière, l'auteur tourna les yeux sur une muraille blanche. Là se montra un cercle d'un bleu foncé, mais qui se changea bientôt en vert; il 14 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCEDANT fut suivi d'un cercle orangé, qui peu à peu devint pourpre ; ce dernier dura beaucoup plus longtemps, et montra de temps à autre un bord bleuâtre. Lorsque tout eut disparu, les cercles colorés se montrèrent de nouveau, mais en suivant l'ordre inverse. § XXIII. La même expérience répétée en recevant le cercle brillant sur des papiers rouge, jaune, bleu ou vert, donna ensuite, sur la muraille blanche, les mêmes couleurs et dans le même ordre. Seulement, dans chaque cas, la teinte représentant la couleur accidentelle correspondante à la couleur du papier, avait un peu plus d'éclat et de durée : ainsi, lorsque le papier était rouge, c'était la couleur verte qui se montrait plus prononcée, durait plus longtemps, et ainsi des autres. §§ XXIV-XXVI. Pour expliquer ces successions de couleurs, l'auteur admet que chaque espèce de rayons lumineux agit sur des fibres différentes de la rétine. Alors, quand on regarde le cercle brillant du § XXII, la cou- leur bleuâtre qui s'y développe et qui est plutôt un obscurcissement qu'une véritable couleur, provient de l'affaiblissement de l'organe, causé par l'ébranlement violent et subit de toutes les fibres de la rétine. Cependant lorsque l'œil est forcé de supporter cet éclat plus longtemps, les rayons les moins puissants finissent par ne plus produire d'effet sensible sur les fibres correspondantes, tandis que les plus forts conservent encore de l'action ; de là la couleur rougeâtre qu'on voit se répandre surtout sur le bord du cercle. Maintenant, si l'on tourne l'œil ainsi fatigué sur une muraille blanche, on pourra considérer ce qui s'y passe comme le résultat du mélange des couleurs accidentelles correspondantes aux différents éléments de la lumière '. Or on conçoit que celles qui correspondent aux rayons les moins puissants disparaissent Ls premières: ainsi le jaune et l'orangé accidentels, et peut-être aussi une partie du rouge, qui provenaient du violet, de l'in- digo, du bleu et même du vert pâle, s'évanouissent d'abord, et le mélange de celles qui restent donne nécessairement le bleu. On verra donc d'abord sur la muraille un cercle bleu; ensuite L rouge accidentel, qui correspond au vert réel, sort à son tour du mélange, et celui-ci devient alors vert; ainsi au 1 L'auteur a prouve (voyez, dans la deuxième section, l'article 1765 SclierIFerj que tes cou- leurs accidentelles peuvent se combiner comme les réelles. A LA CONTEMPLATION D'OBJETS ÉCLATANTS. 15 cercle bleu en succédera un vert, et ainsi de suite. A la fin il ne restera que la couleur accidentelle du jaune pâle, qui esl la couleur du soleil, et la der- nière teinte de l'image sera pourpre. Quant au bord bleuâtre de cette dernière image, il provient probable- ment de deux causes, d'abord d'une dilatation graduelle de l'œil après l'état forcé de contraction résultant d'une lumière trop vive, et, en second lieu, de l'apparition répétée du premier cercle coloré, qui se fait voir ainsi autour du dernier, jusqu'à ce que celui-ci disparaisse entièrement. § XXVII. Lorsque le cercle pourpre se montrait sur la muraille, l'auteur, en fermant les yeux, voyait un petit cercle orangé. 1772. Priestley. The hislory and présent state of discoveries relating (o vision, light and colours. Londres, p. 804. L'auteur esl informé par M. Hey qu'une personne guérie par ce dernier d'une amaurose complète, la première fois qu'elle aperçut le feu, le vit sous une couleur bleuâtre. « Cette observation , dit l'auteur, s'accorde avec celle de M. De la Hire et d'autres, savoir que la dernière et la plus faible impres- sion produite par les images d'objets très-lumineux est bleue. » 177S. Mongez. Lettre sur une dégradation des couleurs. (Journal de physique de Rozier, t. VI, p. 481.) L'auteur combat l'explication hasardée par Beguelin du phénomène qui épouvanta Henri IV. (Voyez à la date 1771, dans la 5e section.) Si l'on jette les yeux sur le soleil, et qu'on les ferme aussitôt, on aperçoit une tache verte bordée de rouge; plus on a regardé l'astre pendant longlemps, plus la tache verte diminue, et plus le rouge augmente. Enfin si l'on ose regarder le soleil fixement jusqu'à éprouver une douleur, et qu'on ferme les yeux en appliquant les deux mains dessus, on voit alors l'image rouge d'abord, puis orangée, jaune, verte, bleue, indigo, et enfin violette, par conséquent dans l'ordre des couleurs du spectre. La lumière vive du soleil ayant frappé longtemps le nerf optique, le tend au dernier degré, pour ainsi dire. Ce nerf faisant alors l'office d'une corde d'instrument, rendra le ton le plus fort, le plus aigu, des couleurs, c'est-à-dire le rouge; mais, à mesure 1776 1776. 16 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT que la fatigue de l'œil diminue, la tension diminue également, et le ton des couleurs baisse dans la même proportion; au rouge succédera donc l'orangé, etc. Quand on n'a fait que jeter les yeux sur le soleil, le nerf optique n'est tendu que médiocrement, et l'on ne voit alors qu'une tache verte bordée de rouge. Quand on a , au contraire, osé regarder le soleil pendant quelque temps, de manière à déterminer la tension qui doit donner le ton rouge, cette cou- leur se montre aussi sur tous les objets que l'on regarde , et c'est ce qui fit voir à Beguelin la gazelle couverte de taches rouges 1. De Godart. Premier Mémoire d'optique , ou explication d'une expérience de M. Franklin. (Journal de physique de Rozier, t. VII, p. 509.) Regardez pendant quatre ou cinq minutes une maison blanche éclairée par le soleil, puis retirez-vous dans un lieu complètement privé de lumière; vous y verrez une image de la maison qui vous paraîtra rouge. De Godart. Deuxième Mémoire d'optique , ou recherches sur les couleurs accidentelles. (Ibid., t. VIII, p. 5.) L'auteur, voulant baser une théorie des couleurs accidentelles de succes- sion sur la comparaison des fibres de la rétine avec les cordes sonores et des couleurs avec les tons de la musique, et cherchant à établir l'échelle des tons de la vision résultant des tensions croissantes des fibres visuelles, rapporte, entre autres expériences, la suivante : Si l'on regarde fixement et longtemps une feuille de papier blanc éclairée par le soleil, elle semble d'abord se ternir, puis elle prend une couleur jau- nâtre, qui devient bientôt bleuâtre, puis d'un bleu décidé. Ce bleu prend ensuite une teinte rougeàtre, qui cède enfin la place à un rouge sombre. Si alors on se retire dans un lieu obscur, on voit bientôt l'image du papier, qui disparaît et reparaît plusieurs fois en s'affaiblissant et en changeant chaque fois de nuance : d'abord jaune pâle, elle se montre ensuite jaune doré, puis 1 L'auteur fait sans doute allusion ici à l'article de Beguelin que j'ai analysé dans la 5e sec- tion, mais on voit que le fait est rapporté par Mongez d'une manière tout à fait inexacte, et que son explication ne pourrait s'adapter au fait tel qu'il a été observé. À LA CONTEMPLATION D'OBJETS ÉCLATANTS. 17 jaune verdâlre, puis verte , puis violette, puis bleue, enfin pourpre et brun rougeatre. « Ces alternatives se font en manière d'ondulation accompagnée de diffé- rentes couleurs, c'est-à-dire que si le centre prend la couleur jaune, il est entouré d'autres couleurs qui disparaissent à proportion que la centrale s'élargit ou germe du fond, et qui reparaissent dans les intervalles de chaque retour, de sorte qu'on voit des ombres tantôt rouges, tantôt vertes, tantôt bleues, avant que la couleur dominante ait regagné le dessus, ou ait repris la forme de la main de papier. » « Le même phénomène se laisse observer si, ayant resté longtemps au grand jour, vous vous retirez dans un endroit sombre. L'impression centrale est d'un clair bleu ou d'un bleu verdâlre, lequel est environné d'une cou- ronne verte, celle-ci d'une rouge. Le bleu disparaissant, le vert renaît du centre, s'élargit, germe du fond, et est pendant ce temps entouré d'un cercle rouge; celui-ci occupe à son tour le centre, ayant le vert pour circonfé-' rence; alors reparaît l'impression du bleu, mais affaiblie dans ses teintes, et ainsi consécutivement, de sorte que, par cet affaiblissement gradué, le bleu cesse le premier de paraître, ensuite le vert, et que l'impression rouge reste la dernière; du moins c'est là l'ordre que je pense avoir le plus souvent observé, car il y a quelque anomalie dans la succession de ces apparences. » Kratzenstein. Afhandling om det menneskelige 0ies achromatiske Beskaf- fenhed. (Sur l'achromatisme de l'œil humain.) (Nouvelle collect. des Mém. de la Soc. Roy. Danoise des sciences, lre partie, p. 131, Copen- hague.) Chaque couleur communique aux fibres nerveuses de la rétine un mouve- ment vibratoire dont la vitesse nous donne la notion de cette couleur, de même que la vitesse des vibrations des nerfs auditifs nous renseigne sur les sons; après la contemplation d'un objet suffisamment lumineux, l'image qui persiste dans les yeux montre, en succession, une octave entière de cou- leurs. Tome XLIL 5 18 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT 1786 Darwin (Robert-Waring). New expérimente on tlic ociilar speetra of liglit and colours. (Philos. Transact., t. LXXVI, part. 2, p. 313.) Pages 330 et 331. Quand l a rétine a été mise en action par un stimulus un peu plus considérable que celui qui produit les spectres oculaires inverses, elle tombe dans différentes actions spasmo- diques successives. (Voyez, pour l'intelligence de ce principe, l'article Darwin dans la deuxième section.) Si Ton regarde le soleil à midi, aussi longtemps que les yeux peuvent supporter aisément son éclat, le disque devient d'abord pâle, avec un crois- sant lumineux qui semble se balancer d'un de ses bords à l'autre à cause de la mobilité de l'œil; ensuite tout le disque devient bleu, entouré d'un halo blanc. Si alors on ferme les yeux en les couvrant avec les mains, on voit un spectre jaune, qui, après quelques instants, devient bleu. L'auteur a regardé fixement, à la distance d'un pied, un morceau de soie rouge d'environ un pouce carré placé sur du papier blanc et exposé au soleil ; puis, après qu'il eut fermé et couvert ses yeux, le spectre du morceau de soie lui parut d'abord d'un vert sombre, et celui du papier se montra rouge. Les deux spectres disparurent ensuite, puis celui de la soie reparut bleu, puis, après une seconde disparition, il devint jaune, et enfin rouge, tandis que celui du papier varia du rouge au vert. Ces successions de spectres différemment colorés ne furent pas exacte- ment les mêmes toutes les fois que l'auteur répéta l'expérience, quoiqu'il eût cherché à rendre les circonstances identiques. Il pense que cela tenait à ce qu'il faisait trop d'expériences à la fois, de sorte que l'oeil n'était pas toujours entièrement débarrassé des spectres précédents. Les phénomènes décrits ci-dessus sont analogues aux violentes actions des muscles dans les maladies convulsives, telles que l'épilepsie. Pages 331 et 332. UN STIMULUS UN PEU PLUS CONSIDÉRABLE QUE LE PRÉCÉDENT DÉTERMINE (NE ACTION SPASMODIQUE PERMANENTE DE LA RÉTINE, QUI CONTINUE PENDANT QUELQUES JOURS. L'auteur a fréquemment observé que lorsqu'il regardait longtemps le soleil de midi, jusqu'à ce que son disque lui parût d'un bleu pale, il voyait pen- dant plus de deux jours un spectre d'un bleu vif sur les autres objets; ce A LA CONTEMPLATION D'OBJETS ÉCLATANTS. 19 spectre se présentait constamment lorsqu'il dirigeait son attention sur lui, et souvent aussi sans cela. Quelquefois la couleur du spectre se mêlait à celle des objets sur lesquels il était projeté. Dans les yeux fermés et couverts, le spectre paraissait d'un jaune sale. Le spectre bleu qui se montrait sur les objets éclairés était probablement dû à ce (pie cette partie de la rétine était devenue insensible à la lumière blanche, et le spectre jaunâtre qui apparais- sait dans les yeux fermés était le spectre direct du soleil. (Voyez l'article Darwin, dans la première section.) Ces phénomènes sont analogues au tétanos et à certains spasmes catalep- tiques, et Ton peut juger par là du danger qu'il y a pour l'œil à regarder trop longtemps des objets très-lumineux. Page 342. Lorsque, après avoir regardé le soleil, on voit dans l'œil fermé plusieurs spectres ou des lignes lumineuses, effets qui résultent de ce que l'œil n'était pas immobile pendant la contemplation de l'astre, certaines par- ties de ces images étant plus vives, et d'autres étant produites près du centre de l'œil, les dernières disparaissent plus tôt que les autres, de sorte que le nombre et la forme des spectres varient continuellement tant qu'ils existent. La plus grande vivacité de quelques-uns de ces spectres provient aussi de la mobilité de l'œil , d'où résulte que quelques parties de la rétine ont été plus longtemps exposées aux rayons solaires. (Voyez, dans la deuxième section, article Darwin, une expérience que l'auteur cite pour montrer que les spectres produits sur les parties centrales de la rétine disparaissent plus tôt que les autres. ju xvuïc siède. Venturi. lndagine fisica sui colori. (Réimprimé à Modène en 1801 '.) Lorsqu'une' couleur contemplée, qu'elle soit homogène ou composée, excède un certain degré d'intensité lumineuse, son image accidentelle offre une succession de couleurs différentes. Celle qui suit la contemplation du soleil un peu voilé, de la flamme d'une chandelle le soir, ou d'un papier blanc sur lequel on concentre les rayons solaires au moyen d'une lentille, montre la succession suivante : blanc, jaune, rouge, indigo, bleu, vert, après quoi elle s'évanouit, et la même succession de teintes, moins le blanc, s'observe après la contemplation d'une couleur homogène quelconque, pourvu 20 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES IMAGES SUCCÉDANT etc. 4 qu'elle ait un éclat suffisant. On doit conclure de là que les sensations de diverses couleurs ne proviennent pas de fibres d'espèces différentes, mais de mouvements divers de la même fibre. Lorsqu'une couleur quelconque a une intensité lumineuse suffisante, elle paraît blanche. L'expérience consiste à décomposer, dans une chambre obscure, un rayon solaire au moyen d'un prisme, à faire tomber le spectre sur un écran percé d'une petite ouverture qui ne laisse passer que les rayons d'une seule couleur, et à recevoir ceux-ci directement dans l'œil placé der- rière l'écran : l'image lumineuse vue ainsi se compose d'un anneau ou auréole de la couleur du rayon soumis à l'expérience, et d'un espace central sensi- blement blanc. Quand, après la vive action de celte lumière, l'œil est amené dans une obscurité complète, l'anneau ci-dessus prend la couleur harmo- nique (voyez l'article Venturi dans la deuxième section), et l'espace central montre la même succession de teintes qui suit'la contemplation d'une lumière blanche, savoir jaune, rouge, indigo, bleu, vert. 1 J'ignore la date de la première publication. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE POUR LE SIÈCLE ACTUEL, JUSQU'À LA FIN DE 1876. 1800-1805. Ritter. Beitràge zur nàlieren Kenntnia des Galvanismus. Jena, t. II, §§ 98 et 99. 1804. Troxler. Prœliminarien zur physiologischen Optik. (Ophllialmolog. Bibliolh. de Himly, t. II, 2",e partie, p. 54, et 5rac partie, p. 1 ; voir spécialement p. 47 de la Zm° partie.) Considérations physiologiques. 1810. Goethe. Zur Farbenlehrc , l. I, pp. 14-18. Succession des couleurs ei leur durée dans les yeux de l'auteur. 1816. M Eine Bemerkung ùber das besondere, von Herrn Acharius beschriebene Meleor, welches vor einigen Jaliren in Schweden gesehen worden ist. (Ann. de Gilbert, t. LU, p. 342.) Explication, par les images accidentelles du soleil coucuanl, d'un phénomène qui avait paru extraordinaire. 1819. Purkinje. Beobaclitungen und Versuche zur Physiologie der Sinne, t. I : Beitràge zur Kenntniss des Sehens in subjecliver Hinsicht. Prague; chap. XIV: Die Blendungsbilder. Couleurs après la contemplation d'une flamme. 1821. Anonyme. Ueber physiologe Farbenerscheinungen, insbesondere das phosphorische Augenliclit als Quelle derselben betreffend. (Goethe, Zur rSaturwùsen- schaft ùber/iaupt, 1823, t. II, p. 20.) Les phénomènes qu'on voit après avoir regardé le soleil ont leur origine dans l'inflammation d'une matière phosphorique contenue dans le pigment noir de la choroïde. 22 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1826. B. Prévost. Sur une apparence de décomposition de la lumière blanche par le mou- vement du corps qui la réfléchit. (Mém. de la Soc. de Genève, l. III, 2me partie, p. 121. Le volume porte la date 1825.) Couleurs observées lors du passage rapide et réitéré d'une surface blanche dans un rayon solaire. 1830. Hiort. De funclione relinœ. Christiania, 2me partie ■; voir en particulier les §§ II à 14. Théorie particulière. Propriété des images formées en dehors de l'axe optique. 1831. Brewsteh. A treatise on Oplics. (Lardner's Cabinet Cvclopsedia); p. 507 de la 2mc édition publiée en 1835. Couleurs après la contemplation de l'image du soleil produite sur un écran blanc au moyen d'un miroir concave. 1836. Capitaine. Mémoire sur la vision et l'audition. (Journ. des Débals, feuilleton du 10 août.) Osann. Ueber Ergânzungsfarben. (Ann. de Poggendorff, I. XXXVII , p. 287; voir p. 297.) Couleurs qui succèdent à la contemplation d'un objet noir sur fond blanc , quand on projette l'image sur du noir. 1838. Fechner. Ueber die snbjecliven Complementarfarben , 2me partie. (Ann. de Poggen- dorff, t. XLIV, p. 515; voir p. 527.) Influence d'une lumière intermittente. Ueber eine Scheibe zar Erzeugung subjectiver Farben. (Ibid., I. XLV, p. 227.) Couleurs qu'on observe en regardant un disque tournant avec une vitesse modérée et portant des dessins noirs sur fond blanc; théorie. 1839. Szokalski. Essai sur les sensations des couleurs dans l'état physiologique et patho- logique de l'œil. (Ann. d'Oculistique , l. II, pp. 1 1, 37, 77 et 165.) Idée théorique. 1840. Fechner. Ueber die subjective», Nachbilder und IScbenbilder. (Ann. de Poggendorff, t. L, 2,ne partie, p. 201 , 5me partie , p. 427, et 6n,<; partie, p. 445.) beaucoup de faits intéressants. Les différentes couleurs exigent des temps différents pour la for- mation de leurs impressions et de même pour la disparition de celles-ci. 1 La première partie a été publiée en 1820; elle n'a trait qu'indirectement aux phénomènes subjectifs. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 23 1841. Knocheniiaier. Ueber Blendungsbilder. (Ibicl., (. LUI, p. 346.) Nombreuses expériences sur les couleurs successives après la conlemplalion d'objets blancs ou colorés fortement éclairés et d'objeis lumineux. Fischer. Ueber die unwillkùrliche fliegende Bcwegung der Blendungsbilder der Sonne. (Bericlit Qber die Verhandl. der Naturforschendën Gesellsch. in Basel, t. V, 1843, p. 238.) Voir l'article 1HI0 M.; explication plus dé.laillée. 1842. Fischer. Ueber die chromatischen Erscheinungen der Blendungsbilder. (Ibid., ibid., p. 240.) Caractères qui distinguent d'une part les images accidentelles ordinaires, et, d'aulrepart, celles qui succèdent à la vue d'objets très-lumineux. 1844. Transon. (Journ. l'Inslilut, n° 556, p. 284.) Apparence rouge que prennent les points d'une pièce de domino quand on fait pirouetter celle-ci. 1849. Robinson et Lord Ross. Sur les nébuleuses observées récemment dans le réflecteur de sir pieds. (Ibid., n° 828, p. 366.) Couleurs après l'observation de Sirius dans le grand télescope de Lord Ross. 1850. Zantedeschi. Délie dotlrine di Giambatlista Venluri inlorno ai colori accidentali od imaginarj. (Mcm. dell' Istil. Vcnclo, 1855, t. V, p. 545.) Analyse et éloge du travail de Venluri ; voir à la lin de la partie analytique de celle section. 1851. Seguin. Premier Mémoire sur les couleurs accidentelles. (Comptes rendus, t. XXXIII, p. 642.) Couleurs après la contemplation des objets blancs. Brucre. Untersuclmnijeii iiber subjective Farben. (Ann. de Poggendorfî, t. LXXXIV, p. 418; voir p. 456.) Couleurs successives après qu'où a regardé le soleil à travers un verre coloré ou à l'œil nu, et après la contemplation d'un objet blanc fortement éclairé. 1854. Seguin. Recherches sur les couleurs accidentelles. (Ann. de chim. et de phys. de Paris, t. XLI, p. 415.) Développement de l'article de 1851. Scoresby. An inquiry into sotne of ihe circu instances and principles which regulate the production of piclures on t/ie retina of the hunian ege, wilh their mea- sure of endurance, their colours and changes, 2mo partie. (Proceedings de la Soe. Roy. de Londres, t. VII, 1854-55, p. 117.) Influence des différentes circonstances sur les couleurs des images dans les yeux fermés. 24 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 1856. Moigno. (Journ. Cosmos, 5me année, t. IX, p. 39.) Bandes colorées qu'on aperçoit sur un papier blanc sur lequel passent rapidement des bandes de lumière solaire et des bandes d'ombre. 1857. Melsens. Recherches sur la persistance des impressions de la rétine. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, 2rae série, t. III, p. 214.) Couleurs après la contemplation de la flamme d'une Carcel. Mouvements apparents de l'image, etc. Fôrster. Ueber die Hemeralopie und die Anwendung eines Photometers im Gebiele der Ophthalmologie. Breslau , p. 30. 1858. Seguin. Note sur les couleurs accidentelles. (Comptes rendus, t. XL VII, p. 198.) Couleurs après la contemplation d'un objet blanc; idem après l'observation d'une forte étincelle électrique. Aubert. Ueber die durch den eleklrischen Funken erzeugten Nachbilder. (Unter- sucliungen zur Naturlehre des Menschen und der Thiere; de Moleschott, t. V, p. 279.) 1859. J. Smith. On the production ofcolour and the theory of light. (Rapp. de l'Assoc. Brilann., 2me partie, p. 22.) Apparence de couleurs sur des cartons blancs et noirs tournants. 1860. J. Smith. On the Chromascope. (Rapp. de l'Assoc. Brilann., 2me partie, p. 65.) Cartons découpes à jour et tournant avec une vitesse modérée à une forte lumière, telle que celle du soleil. Helmholtz. Plnjsiologische Optik. Leipzig, § 23; voir spécialement p. 489 de la traduction française. Étude générale du phénomène. 1861. Brewster. On certain affections of the retina. (Philos. Magaz., i"" série, t. XXI, p. 20.) Couleurs qui se manifestent lors d'une vision intermittente. Laurence. Soute observations on the sensibility of the eye to colour. (Ibid., t. XXII, p. 220.) Action sympathique d'un œil sur l'autre. J. Smith. The Chromascope and whal il reveals. — The prism and Chromascope. (Rapp. de l'Assoc. Brilann., 2mc partie , p. 33.) Apparence de couleurs par la rotation de cartons découpés à jour. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 25 1861. Cornélius. Die Théorie des Seliens und râumliehen Vorstellens , vont physikali- schen, physiologischen und psychologischen Standpuukte aus belrachtet. Halle, 2me section, cliap. IV, nos 525-525.) 1862. Aubert. Unlersuchungen ûber die Sinnesthàtigkeilen der Nelzhaut. (Ann. de Pog- gendorff, t. CXV, p. 87, et t. CXVI, p. 249; voir p. 251.) Couleurs qui succèdent à l'observation d'une forte étincelle électrique. 1865. Schefflek. Die phy&iologische Optik. Brunswick, t. II, § 66, n"' 16-22, et § 67. 1866. Laborde. Sur les impressions persistantes de la lumière. (Comptes rendus, t. LXIII, p. 87.) Couleurs qui se montrent dans l'observation d'une lumière blanche intermittente. 1867. Rollktt. Zur Lettre von den Contrastfarben und dem Abktingen der Farben. (Bttllet. de l'Acad. de Vienne, t. LV, 2me partie, p. 424.) Grande plaque de verre coloré avant en son milieu un disque opaque , et appliquée au volet de la chambre obscure; observation dans les yeux Fermés et couverts, après une contemplation de courte durée. 1868. Monoyer. Idée d'une nouvelle théorie entièrement physique des images consécutives (Bullet. de la Soc. des se. natur. de Strasbourg, lr* année, pp. 58 et 65.) Phosphorescence de la rétine. 1870. Seguin. Mémoire sur les images accidentelles des objets blancs. (Comptes rendus, t. LXX.p. 522.) Ordre des couleurs successives. Marangoni. At/oro Melodo di sviluppare neW occhio le immagini accidentait abba- glianti. (Nuovo Cimcnto, 2me série, t. III, p. 152.) Procédé donnant de nombreuses oscillations de l'impression. S. Exni r. Bemerkungen i'tber inlermitlirende Nelzhautsreizung. (Arcliiv. de Pflu- ger, 5me année, p. 214; voir p. 250.) Couleurs pendant la contemplation d'un disque à secteurs blancs et noirs tournant avec une cer- taine vitesse. 1871. Becker. Zur Lehre von den subjecliven Farbenerscheinungen. (Ann. de Poggen- dorff, t. V du supplément, p. 505.) Dans les yeux fermés < t couverts, l'image accidentelle d'un objet blanc n'a pas une teinte inverse, comme celle d'un objet coloré : argument contre la théorie de la fatigue. 1872. Davis. On récurrent vision. (Philos. Magaz., 4m0 série, l. XLIV, p. 526.; L'image récurrente d'un objet blanc est bleuâtre; voir, dans la 1™ section, l'article 1872 Youug Tome XLII. 4 26 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1872. Marangoni. iV eue Méthode die Blendungsbilder im Auge :u entwickeln. (Ann. de Poggendorft, t. CXLVI, p. US.) Reproduction do l'article de 1870, avec quelques changements. 1873. Lamey. (Journ. Les Mondes, 2me série, t. XXXII, p. 442.) L'image qui resle dans les jeux de l'auteur après l'observation du soleil couchant, devient poly- gonale par le clignotement des paupières. 1874. Hering. Zur Lehre vom Lichtsinne, 6"'e communication : Grundzûge einer Théorie des Farbensinnes. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LXX, 5me partie, 1875, p. 169.) Explication des images colorées successives par une théorie chimique de la sensation des couleurs. 1875. Ricr.ô. Sulla successione e persistenza délie sensazioni dei colori. (Atti délia R. Ac- cademia di scienze, lettere e arti in Modena, t. XVI.) Nombreuses expériences; les impressions des couleurs les moins refrangibles se forment plus vite et persistent moins longtemps que celles des autres. 1876. Hartshorne. On some disputée points in physiological oplics. (Proceedings of the American philos. Society, t. XVI, p. 218; voir p. 221.) Les images colorées qu'on voit après avoir regardé le soleil, fournissent un argument contre la théorie de la fatigue de la rétine. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII' SIÈCLE, SUIVIE D'UNE BIBLIOGRAPHIE SIMPLE POUR LA PARTIE ÉCOULÉE DU SIÈCLE ACTUEL; par J. PLATEAU, MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, DE LA SOCIETE ROYALE DE LONDRES, DE L'ACADÉMIE DE BERLIN, ETC. QUATRIEME SECTION. IRRADIATION. ( Présentée a la classe dos sciences dans la séance du 7 avril 1877.) Tome XLI1. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DliS PRINCIPAUX PHENOMENES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII* SIÈCLE. QUATRIEME SECTION. IRRADIATION. temière : moitié PERSE. SfifftVfi ///. du lrr siècle de uolie ère. (Test probablement à un efl'el d'irradiation qu'il l'ait allusion clans ces deux premiers vers : juin clarum mane fenestras Intrat et anguslas entendit lumine rimas '. 1 Dans le précis historique placé au commencement de mon Mémoire sur l'irradiation, publié en 1839, j'avais indiqué Epicure comme ayant mentionné un effel d'irradiation, savoir la différence de grandeur que parait présenter de loin une flamme, lorsqu'on l'observe succes- sivement pendant le jour et pendant la nuit. J'avais trouvé la traduction et l'explication de ce passage d Epicure dans la physique de Gassendi (sect. Il , lib. Il, Cap. V). Depuis, ayant examiné le passage même, avec l'aide d'une personne versée dans la connaissance de la langue grecque, j'ai reconnu que Gassendi avait intercalé dans sa traduction des mots qui ne se trouvent pas dans le passage original, et celui-ci m'a paru trop vague et trop obscur pour qu'on put y voir nettement une allusion à l'irradiation. 4 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Fin du xv« siède. Lionardo da Vinci. Traltato délia piltura. Paris, 4 651 '. Page 91 , chap. CCCVIII. De plusieurs objets également sombres, de même grandeur, de même forme, et placés à la même distance de l'œil, celui qui sera vu sur un cbamp plus éclatant ou plus blanc paraîtra plus petit. Exemples : des branches d'arbre, une lance, projetées sur le disque du soleil; ces objets sont tellement diminués, qu'ils deviennent invisibles. Les objets vus de loin semblent perdre les proportions de leurs parties, parce que les portions les plus claires envoient leurs images à l'œil par des rayons plus puissants; ainsi une femme qui portait un vêtement noir et une coiffure blanche étant regardée de loin par l'auteur, lui paraissait avoir la tête deux fois aussi large que les épaules -. Page 101, chap. CCCXXXII. L'œil qui a une pupille plus grande voit les objets plus grands. Ainsi, lorsqu'on regarde un astre par un petit trou percé dans une carte à l'aide d'une aiguille, l'astre semble perdre autant de sa grandeur que l'ouverture par laquelle on le voit a perdu de la sienne 3. is95. MjEstlinus. Disput. de pass. planel. Thés. 148 4. Observation première d'un phénomène qui a été plus tard attribué à l'irra- diation, savoir la projection apparente d'une étoile sur le disque de la lune. Tycho Braiié. Cité par Kepler dans les paralipomena, p. 218 (voyez plus bas, à la date 1604). Kepler dit qu'on trouve le fait ci-après dans les observations de Tycho; mais comme le recueil de celles-ci n'a été publié que longtemps après les 1 Léonard de Vinci florissait à la fin du XVe siècle; mais son traité de la peinture resta manuscrit jusqu'en 1631. 2 Cet effet est trop prononcé pour qu'il puisse être attribué à la seule irradiation; on doit croire que Léonard de Vinci était plus ou moins myope. 3 II parait, d'après De la llirc (voyez dans le tome IX des Mémoires de l'Acad. des Se. de Paris, le Mémoire sur les différents accidents de lu vue, § LXVIII), qu'Arislote avait déjà dit que ceux qui ont la prunelle très-dilatéc voient les objets plus grands; mais je ne sais si railleur grec applique cela à quelque fait d'irradiation; j'ai cherché en vain le passage. 4 Je n'ai pu me procurer cet ouvrage ni en trouver l'indication dans la Bibliographie de De Lalande; j'en prends le litre tel qu'il est cité dans la lettre de Schickard à Gassendi De Mer- curio sub sole viso, p. 14 (voyez 103:2 Schickard). DE L'IRRADIATION 5 paralipomena , j'ignore quel est l'ouvrage de Tycho auquel Kepler fait allusion. Il est arrivé plusieurs fois que cinq ou six personnes mesurant à la même époque le diamètre de la lune lumineuse, les valeurs ont varié de l'une de ces personnes à l'autre. iGoo. Tyciio Braijé. Lettre écrite à Clavius et citée par Kepler, p. 285 des paralipomena; j'ignore dans quel ouvrage elle est consignée. Tycho s'étonne de ce que Clavius ait pu voir une éclipse totale de soleil en lo60; car ses propres observations ne permettent pas d'admettre que le soleil soit entièrement caclié par la lune, même lorsque celle-ci est le plus près de nous. Je cite cette opinion de Tycho, parce qu'elle se rattache à ce qui suit. 1G02. Tycho Brahé. Tychonis Brahe Dani Astronomiœ instaurâtes Progymnas- mata. Prague, cap. I '. Dans les éclipses de soleil, la lune paraît perdre environ un cinquième de son diamètre, et cela par quelque raison optique, à cause de la force de la lumière solaire. D'après cela, Tycho donne une double (aide des demi-diamètres lunaires, l'une des colonnes correspondant à l'opposition, et l'autre à la conjonction; dans celle-ci les valeurs sont d'un cinquième plus petites que leurs corres- pondantes dans la première -. 1 Je n'ai eu enlre les mains que l'édition de Francfort, I(ii8, qui contient une seconde par- tie ou tome. Le passage et la table dont il s'agit s'y trouvent pp. 102 et 105 de la I" partie, (voyez, pour les dates des publications de Tycho Brahé, la Bibliographie astronomique de De Lalande). 2 Ce qui excuse Tycho d'avoir construit une pareille table, et de n'avoir pas vu que l'illusion était en majeure partie oculaire et ne pouvait en rien influer sur la question de savoir si une éclipse de soleil peut être totale ou non, c'est qu'il avait employé, outre l'observation oculaire directe, cet autre procédé connu alors des astronomes, qui consistait à faire passer la lumière des astres par une petite ouverture, et à recevoir sur une surface blanche placée dans un lieu obscur leurs images ainsi produites. (Voyez les paralipomena de Kepler, pp. 39, 40, 285 et 28C.) Or, dans ce procédé, le diamètre de l'ouverture détermine des erreurs qui sont dans le même sens que celles de l'irradiation et de la diffraction, et, en outre, l'irradiation exerce aussi plus ou moins d'influence. 6 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE *eo4. Kepler. Ad ViteUionem paralipomena, quibus astronomiœ pars optica traditur. Francfort, pp. 39, 200, 217-221, 285, 286, 445 et 446. Tous les objets lumineux paraissent amplifiés, et cela d'autant plus que les objets juxtaposés sont plus sombres. Ainsi le contour extérieur du croissant lumineux de la lune parait appar- tenir à un cercle beaucoup plus grand que celui qui termine le reste du disque éclairé par la terre. Pendant une éclipse de lune, en 1603, des per- sonnes qui distinguaient le bord extérieur de la partie éclipsée observèrent un effet analogue. Dans les éclipses de soleil, on est quelque temps avant d'apercevoir le commencement du phénomène, puis une échancrure d'une certaine étendue se manifeste tout à coup; les cornes que présente ensuite la portion visible du soleil semblent émoussées; enfin l'étendue de la partie éclipsée se montre toujours trop petite, à cause de l'empiétement de la partie lumineuse. Ces phénomènes proviennent de deux causes : 1° Les rayons lumineux émanés d'un point très-éloigné se réunissent dans l'œil avant d'avoir atteint la rétine, de sorte qu'éprouvant ensuite une nouvelle séparation , ils vont peindre sur cette membrane non un point, mais une petite surface. De là l'extension des limites des images, et l'empié- tement apparent des objets lumineux sur les objets obscurs juxtaposés. Cependant, pour que celte cause détermine l'illusion dont il s'agit, il faut que la rétine ait une sensibilité telle, qu'elle puisse être affectée non seule- ment dans le point qui correspondrait à une vision distincte, mais aussi tout autour de ce point, par l'ensemble des rayons qui forment le pinceau lumi- neux dilaté. Aussi l'illusion varie avec les individus. Relativement à cette cause, comme cela doit être, Kepler ne dislingue pas l'irradiation d'avec les effets résultant de la myopie. 2° Si l'on expose successivement un papier blanc et un papier noir au point d'intersection des rayons solaires réfractés par un globe de verre, l'es- pace que ces rayons occupent sur le papier paraîtra beaucoup plus large sur le blanc que sur le noir. Ce fait, réuni aux phénomènes rapportés plus haut, semble prouver que l'impression produite dans les esprits visuels par l'image de l'objet lumineux sur la rétine éprouve une dilatation. DE L'IRRADIATION. 7 L'image d'un objet très-lumineux reçue dans les esprits visuels s'étend sans doute dans ces esprits, à cause de l'analogie de nature qu'il y a entre eux et cette image, de même que s'élendrail une goutte de liqueur rouge qu'on laisserait tomber sur la surface de l'eau; tandis que l'image d'un objet noir se contracte au contraire dans les esprits visuels, comme une goutte d'eau qui tombe sur de la poussière. Comme, en décrivant l'expérience ci-dessus, Kepler ne dit pas qu'il faille s'éloigner du papier exposé au foyer des rayons solaires, il est probable que c'est in production de l'illusion à une petite distance dans ce cas qui lui a suggéré l'idée de la seconde des deux causes auxquelles il attribue l'irradiation. Il s'ensuivrait donc qu'il aurait constaté la production de l'irradiation à une petite distance '. Pourquoi les personnes myopes voient-elles les astres plus distinctement à l'arrivée de l'aurore que dans la profondeur de la nuit? C'est que : 1° dans ce dernier cas, la pupille est plus ouverte et la lumière émanée du point lumi- neux entrant alors en plus grande abondance dans l'œil, produit une im- pression plus forte. 2° Les espaces du ciel interposés entre les astres ont aussi leurs radiations sur la rétine; or, pendant la nuit, les radiations laté- rales des astres l'emportent sur celles de ces espaces et les font disparaître; mais à l'arrivée de l'aurore, c'est l'effet contraire qui a lieu. Quoique Kepler ne parle ici que des personnes myopes, j'ai analysé ces passages parce que d'abord, comme je l'ai dit plus liant, l'auteur ne distingue pas nettement les effets de la myopie d'avec les autres, et ensuite parce que le phénomène qu'il cherche à expliquer se produit plus ou moins dans tous les yeux. Il résulte de tout ce qui précède que lorsqu'il s'agit de mesurer le diamètre de la pleine lune ou la quantité d'une éclipse, les astronomes ne doivent pas s'en rapporter à l'observation oculaire directe; mais qu'ils doivent en même temps avoir recours à d'autres procédés plus certains. 1 Par un oubli dont il serait sans intérêt, pour le lecteur d'exposer ici la cause, je n'ai parlé, dans le précis historique placé au commencement de mon Mémoire Sur l'irradiation, que de la première des deux sources auxquelles Kepler attribue ce phénomène. En outre, j'ai indique Descartes comme ayant le premier attribué l'irradiation à une extension de l'impression, tandis que la première idée de cette explication appartient à Kepler. Un examen plus attentif de l'ouvrage de ce dernier m'a fait reconnaître nies erreurs que je m'empresse de réparer ici. On verra également, à l'année 1650, qu'avant Descartes, le P. Cas- telli avait émis une opinion analogue. 8 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Tyclio Brahé s'est trompé dans ce qu'il a dit relativement au diamètre de la lune projetée sur le soleil (voyez à la date 4602); car la différence qui se montre à l'œil entre le diamètre de la lune lumineuse et celui de la lune obscure dans les éclipses de soleil ne provient pas seulement d'une diminu- tion apparente que ce diamètre subit dans le dernier cas, mais aussi d'une augmentation apparente qu'il éprouve dans le premier. En outre, le contour extérieur du soleil éprouve également une dilatation dans l'oeil. Enfin il faut bien distinguer, dans les éclipses, les effets provenant de la vue et ceux qui en sont indépendants; les premiers varient avec les individus, les seconds sont identiques pour tout le monde dans le même lieu; à ces derniers ap- partient la question de savoir si l'éclipsé sera totale ou non. Il est donc inu- tile de construire des tables comme celles deTycbo (voyez aux dates 1600 et 1602), tables qui ne représentent ni la ebose réelle, ni les illusions de la vue cbez tous les observateurs. II existe un procédé à l'aide duquel on peut mesurer d'une manière cer- taine les véritables quantités des éclipses, sans avoir à craindre les erreurs résultant de la vue. II consiste à produire l'image des astres sur une surface blancbe dans un lieu obscur, à l'aide d'une petite ouverture par laquelle pénètre leur lumière. Ce procédé, qui a été indiqué aux astronomes par Reinholdus, Gemma et Mœstlinus, donne aussi, par son emploi direct, des valeurs fausses aux diamètres de la lune et du soleil , etc. ; mais on en déduit les valeurs véritables, en faisant subir une correction aux résultats l. i6io Galilée. Syriercus Nuneius. Florence. (Voyez aussi Opère di Galileo Galilei. Florence 1718, t. II, pp. 14, 15 et 18.) L'auteur émettant l'hypothèse d'une atmospbère lunaire, cite à l'appui le fait de l'amplification apparente du croissant lumineux relativement à la par- tie obscure du disque (voyez 1604 Kepler), fait qu'il explique conséquem- menl par cette atmospbère. Dans un autre endroit, du reste, il attribue le même fait à l'irradiation. 1 Je n'indique pas ici celte correction, parce qu'elle n'a pas rapport à l'irradiation; l'erreur à laquelle Kepler l'ail allusion provient du diamètre de la petite ouverture. DE L IRRADIATION. 9 Les lunettes, qui grossissent considérablement tous les autres objets, agissent beaucoup moins sur les étoiles fixes et les planètes, à l'exception de la lune; c'est qu'à la vue simple, ces astres se montrent entourés d'une chevelure brillante qui nous les fait paraître beaucoup trop grands. Aussi les étoiles et même les planètes semblent d'une excessive petitesse lorsqu'on commence à les voir après le coucher du soleil. Outre la lumière du crépuscule, l'interposition d'un léger nuage, d'un voile noir ou d'un verre coloré, dépouille aussi les astres de leur irradiation. Or la lunette enlève éga- lement celte chevelure lumineuse, en même temps qu'elle accroit le corps réel de l'astre. L'effet résultant doit donc être un moindre grossissement. 1611- Galilée. Continuazione de! Nunzio sidereo; quatrième lettre à Julien de Medicis (voyez aussi les œuvres de Galilée déjà citées, t. II, p. 4-3). L'auteur conclut du grand éclat et de la grande irradiation que les étoiles fixes conservent dans la lunette, qu'elles ont une lumière propre, et il pense que leur scintillation provient de rémission de cette même lumière. 16H-. Galilée. Le/fera al Padre Christoforo Grienberger. (Ibid. pp. 4-67-471.) L'irradiation peut masquer entièrement la figure d'un corps lumineux. Ainsi la flamme d'une chandelle, qui, de près, se voit sous la forme d'une petite langue lumineuse, perd entièrement cette figure et devient rayonnante quand on l'observe de loin. Vénus, lorsqu'elle affecte en réalité la forme d'un croissant, se montre cependant ronde et rayonnante comme les autres astres. L'irradiation est d'autant plus grande que l'objet est plus éclatant : exem- ple, Mars, et surtout Mercure, qui sont plus rapprochés du soleil que Jupiter et Saturne, ont aussi une irradiation plus forte, car il est plus difficile de la leur enlever et de distinguer, dans la lunette, leur figure véritable. Les objets brillants manifestent leur irradiation lorsqu'ils sont placés au delà d'un certain éloignement, et celui-ci est d'autant plus petit que l'objet ' C'est la date que porte la lettre. 2 Date de la lettre. Tome XLII. iO BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE a plus d'éclat. Or la lunette rapproche les images des objets; elle doit donc diminuer l'effet de leur irradiation. L'irradiation est d'autant plus grande par rapport à l'objet et a d'autant plus d'influence pour en masquer la figure réelle, que cet objet est plus petit; car une chevelure lumineuse d'une grandeur déterminée doit altérer bien plus la figure d'un petit objet que celle d'un objet de grandes dimen- sions, de même que les poils cachent totalement les détails de la conforma- tion extérieure d'un loir, et déguisent peu ces mêmes détails chez un cheval. Exemple : tandis qu'à l'œil nu on ne peut distinguer la figure de Jupiter, celle de la lune se montre nettement dessinée. L'irradiation de la lune masque, même dans la lunette, les petites inégalités qui doivent denteler sa circonférence. Expérience à l'appui, consistant à observer, à des distances successivement croissantes, d'abord à l'œil nu, puis avec la lunette, deux objets lumineux de forme semblable , mais l'un à bords unis, l'autre à bords dentelés. i6i2'. Galilée, hloria e dimostrazioni intornoalle macchie solari, etc. Rome 1613, terza lettera (OEuvres de Galilée déjà citées, t. II, p. 153.) Si Vénus passait sur le disque du soleil, elle devrait paraître beaucoup plus petite que lorsqu'elle se montre brillante sur un ciel obscur; car, dans ce dernier cas, elle est amplifiée par sa propre irradiation, et, dans le pre- mier, elle serait considérablement diminuée par l'irradiation du soleil. La non-existence des lunettes n'excuse pas complètement les astronomes qui ont assigné à Vénus un diamètre beaucoup trop considérable; car ils pouvaient observer cette planète pendant le jour, alors qu'elle se montre dépouillée de son irradiation. 161 3 Le Père D'Aguillon. Froncisci Aguilonii opticorum libri sex. Anvers, Livre IV, p. 223. La cause pour laquelle les objets lumineux vus de loin paraissent plus grands qu'ils ne sont, est probablement la réfraction des rayons qu'ils en- 1 C'est la date que porte la lettre. L'ouvrage se compose de (rois lettres éeriles à Mare Velscr. DE L'IRRADIATION. Il voient, occasionnée par la densité de l'air, comme il arrive au soleil et à la lune , lorsqu'on les voit près de l'horizon , à travers les vapeurs de l'atmo- sphère. iGio. Le Père Scheiner. Oculus , hoc est fundamentum opticwn. QEniponti, pp. 132 et 133. L'auteur explique l'irradiation seulement à l'aide de la première des deux causes assignées par Kepler. Si l'on cache en partie la flamme d'une chandelle de manière à n'en laisser voir que la moitié ou le quart, celle portion observée de loin paraîtra aussi grande que si la flamme entière était visihle. C'est la forme ronde de la pupille qui l'ait que tous les corps lumineux observés de loin semblent arrondis: exemple, le croissant de Vénus. Autres faits d'irradiation analogues à ceux que décrit Galilée. tcoi. Mario Guiducci. Discorso délie comète. Florence. (OEuvres de Galilée déjà citées, t. II, pp. 2o4-257.) Ce discours est écrit par Mario Guiducci, mais il reproduit les idées de Galilée. Quelques astronomes ont avancé que les lunettes agrandissaient d'autant moins les objets que ceux-ci étaient plus éloignés, et ont cité comme exemple les étoiles fixes. L'auteur cherche à prouver (pie c'est à l'irradiation qu'il faut attribuer le peu d'action apparente des lunettes sur ces astres. Que l'on suive à l'aide de la lunette une étoile telle que le Chien, depuis la nuit jusqu'en plein jour, on la verra toujours de la même grandeur, tandis qu'à la vue simple, elle semblera diminuer graduellement de dimensions jusqu'à disparaître totalement. Ce que l'on voit dans l'instrument est donc l'objet réel, dépouillé de rayons étrangers. Si quelqu'un voulait obstinément conclure l'immensité de la distance des étoiles du peu d'accroissement qu'elles reçoivent de la lunette, on pourrait lui prouver qu'une chandelle allumée placée à la hauteur de cent ou deux cents brasses est parmi les étoiles fixes, car elle ne recevrait également de la lunette qu'un accroisse- ment très-faible. On trouve dans les écrits de quelques savants une explication de l'irra- J2 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE diation, consistant à admettre que les étoiles, les flammes et tous les corps lumineux, enflamment et rendent brillant l'air environnant, et que l'œil placé a une distance suffisante confondant l'objet avec l'auréole brillante ainsi produite, le juge par conséquent plus grand '. Cette opinion est erronée; l'air ne s'enflamme ni ne s'illumine, et l'irradiation , si elle n'est pas engen- drée dans l'œil même, est au moins produite à sa surface; elle est peut-être due à une réfraction dans l'humeur que les paupières maintiennent sur la partie antérieure de l'œil; elle est sans doute de la même nature que ces longues traînées lumineuses qui semblent s'échapper du haut et du bas d'un objet brillant quand on ferme en partie les yeux. La lunette agrandit le corps réel de l'astre, sans agrandir l'auréole de l'ir- radiation; cela est tout simple, car il n'y a que les images qui passent par les lentilles de l'instrument qui puissent être grossies par lui, et l'irradiation a son siège à l'œil même de l'observateur. 1619. Sarsius 2. Libra astronomica ac philosophica. Perusiœ 3. L'auteur assimile la lumière diffuse des comètes à l'irradiation des pla- nètes, et comparant, sous ce point de vue, la comète de 1618 avec Mercure, il en conclut qu'elle ne devait pas être beaucoup plus éloignée du soleil que cette planète. 11 paraît défendre l'explication de l'irradiation, attaquée dans le discours ci-dessus: l'air chargé de vapeurs peut s'éclairer par un objet lumineux, • J'ai retrouvé cette singulière explication dans des ouvrages plus récents, niais je n'ai pu découvrir qui lavait avancée le premier. Seulement on en trouve le germe dans Alexandre d'Apbrodisée, qui écrivait au commencement du troisième siècle : il se demande, dans le 57r de ses problèmes, pourquoi une pièce de monnaie et un fruit placés dans l'eau, paraissent plus grands qu'ils ne sont. C'est, dit-il, parce que l'eau qui les enveloppe participe de leur couleur, et trompe ainsi la vue. C'est par la même raison, ajoutc-t-il, que le soleil, la lune et les planètes paraissent plus grands à leur lever ou à leur coucher, car ils communiquent leurs qualités 5 l'air qui les entoure. J'ai consulté cet ouvrage, dans une traduction latine publiée à Baie en 1520, cl intitulée : Alexandri Âphrodisei, super nonnullis physicis quœstionibus solulionum liber. 5 Sarsius est un pseudonyme; l'auteur véritable est le P. Grassi. 3 Je n'ai pas eu cet ouvrage entre les mains; j'ai trouvé les passages dont il s'agit ici, en partie dans le Saggialore de Galilée (voyez 1625), et en partie dans la Ratio pondent m etc., de Sarsius. (Voyez 10:20.) DE L'IRRADIATION. 13 témoin l'aurore, le crépuscule, les parhélies, les couronnes; lorsque la lune est cachée par un toit , on voit l'air éclairé par sa lumière longtemps avant que l'astre se montre. On peut donc attribuer à l'éclairement de l'air une partie au moins de l'auréole lumineuse qui entoure les astres. Il n'est pas vrai dédire que la lunette dépouille les astres de leur irradia- tion; Galilée lui-même avoue que les étoiles fixes conservent dans cet instrument leur apparence rayonnante, et, parmi les planètes, Mars et Vénus ne s'en montrent jamais dépouillées. En elïet, si ces rayons ont leur source à la surface de l'œil, on ne voit pas pourquoi la lumière qui a passé à tra- vers l'instrument ne les produirait plus. Enfin, comme l'auteur a prouvé que les astres peuvent être amplifiés par l'illumination de l'air, l'effet qui en ré- sulte ayant lieu au delà de l'instrument, doit aussi être grossi par lui. Si donc les étoiles ne sont pas grossies par la lunette, il faut en chercher la cause ailleurs. 1623. Galilée. // saggiatore. Rome. (OEuvres de Galilée déjà citées, t. II, pp. 299, 329 et 392-400.) Les nébuleuses sont des amas de petites étoiles invisibles pour nous, mais dont les irradiations en se réunissant produisent l'apparence d'une petite surface blanchâtre. Plusieurs feux voisins l'un de l'autre et observés à une grande distance, semblent comme un seul, à cause de la réunion de leurs irradiations; lors- qu'on voit de loin l'image du soleil dans la mer ridée par un léger vent, elle semble continue, quoiqu'elle soit formée en réalité d'un grand nombre de parties séparées. L'auteur combat les objections de Sarsius : les savants dont celui-ci a dé- fendu l'opinion prétendent que l'air non-seulement s'éclaire par le voisinage de l'objet lumineux, mais aussi s'enflamme, ce dont Sarsius ne parle pas. Il s'agissait, dans le discours sur les comètes, de l'air entourant l'objet lumi- neux et rendu brillant par son inflammation, et Sarsius parle de l'air chargé de vapeurs placé à une distance quelconque de l'objet lumineux, et rendu lumineux sans inflammation. En admettant l'opinion de Sarsius, on arrive- rait à conclure que le soleil levant doit paraître aussi grand que toute l'au- rore. D'ailleurs celte lumière due à l'éclairement de l'air chargé de vapeurs 14 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE est tellement inférieure à celle de l'objet lumineux lui-même, qu'il est im- possible de les confondre, etc. L'irradiation es! due à une réflexion sur les bords humides des paupières. Sarsius prétend que la lunette ne dépouille pas les astres de leur irradiation; or comment se fait-il, par exemple, que Vénus, qui, depuis la création du monde, a pris mille et mille fois la forme d'un croissant, n'a jamais été vue ainsi par personne, mais s'est toujours montrée d'une même figure, jusqu'à ce que la lunette eût accusé les changements? Ici l'autour revient sur l'influence plus ou moins grande de l'irradiation, selon la grandeur de l'objet. L'étendue de la chevelure lumineuse dépend plutôt de la constitution de l'œil que des dimensions de l'objet, car si l'on rapproche les paupières de manière à voir s'élancer de celui-ci des rayons très-longs, ces rayons paraissent s'étendre également, soit qu'ils proviennent de la lune, de Vénus, d'une torche, etc. Cela étant, que l'on se figure une chevelure d'une grandeur déterminée au milieu de laquelle on place un objet lumineux très-petit; la figure en sera complètement déguisée, mais cela n'aura pas lieu à l'égard d'un grand corps comme la lune, autour duquel il pourra ne rester que peu ou rien de la chevelure lumineuse. Maintenant la lunette en agrandissant le corps réel de l'astre sans agrandir la chevelure, produit absolument le même résultat. C'est ainsi que le disque de Jupiter paraît comme une lune; mais le disque excessivement minime d'une étoile, malgré le grossissement de la lunette, n'égale pas l'espace rayonnant et ne peut paraître privé de chevelure, quoiqu'on puisse assez bien distinguer son petit globe; de sorte que plus la lunette grossirait, plus celui-ci se montre- rait distinct. C'est ainsi qu'il faut entendre que la lunette dépouille les astres de leur irradiation. une Sarsius '. Ratio ponderum librœ et sïmbellœ, etc. Paris, pp. 183 et sui- vantes. Il a été mal compris par Galilée : il admet pleinement que le diamètre apparent des astres n'est pas augmenté par une addition d'air illuminé; il a 1 Vo)cz la note relative à la date 1619. DE L'IRRADIATION. 15 seulement voulu prouver à l'auteur du Discorso délie comète , que Pair pou- vait s'illuminer, et que par conséquent l'argument consistant en ce que l'air ne s'éclaire pas, était nul. iG5o. Le Père Castelli. Extrait d'une lettre. (OEuvres de Galilée, édition de Flo- rence, 1852, t. IX, p. 206 ».) « Nous pouvons aussi assigner la raison très-claire pour laquelle nous voyons les étoiles et nos lumières terrestres enguirlandées et couronnées de chevelures resplendissantes si grandes, qu'avec celte addition, elles nous paraissent d'un diamètre vingt à trente fois plus grand que celui avec lequel elles nous paraîtraient si notre vue pouvait se limiter sur leur petit corps nu. Cela ne vient pas d'autre chose que de l'ébranlement que -produisent les rayons limités de l'objet lumineux dans l'œil sur la tunique urée, lesquels n'ébranlent pas seulement les parties de l'uvée qu'ils touchent précisément , mais émeuvent et ébranlent les parties de la même uvée qui leur sont con- tiguës, adjacentes et répandues tout à l'entour, et ainsi nous font paraître l'objet plus grand qu'il ne devrait paraître. » lest. Gassendi. Mercurius in sole visas. Paris 2 (Pet ri Gassendi opéra omnia, Lyon 1658, t. IV, pp. 499 et suiv.) L'auteur observe le passage de Mercure sur le soleil, en recevant sur un tableau, dans une chambre obscure, l'image des deux astres produite par l'objectif d'une lunette, et il remarque avec élounement l'extrême petitesse de la planète. Il l'attribue à ce que celle-ci se montre ainsi dépouillée de son irradiation, et il en conclut que l'on doit rabattre beaucoup plus qu'on n'au- rait pu le croire de la grandeur apparente des astres. L'explication la plus simple qu'on puisse donner de l'irradiation des astres, c'est de dire que chacun d'eux est environné d'une atmosphère si vivement 1 Je n'ai j>:is eu à ma disposition celte édition des œuvres de Galilée ; j'ni pris le passage que je donne ici, dans l'ouvrage deTrouessart : Recherches sur quelques phénomènes de la vision, etc., Brest, 1854, p. 556. 2 C'est une lettre adressée à Schickard. 16 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE illuminée, que l'œil la confond avec le corps de l'astre. (L'auteur donne ailleurs une autre théorie : voyez les articles suivants de Gassendi). •G32. Schickard. Pars responsi ad epistolas P. Gassendi, insignis philosophi galli de Mercurio sub sole viso etc. Tubingse. Schickard répond que Mercure a dû paraître trop petit, et il en donne plusieurs raisons : la principale est la diminution apparente des corps opaques projetés sur un champ lumineux; mais Schickard ne l'attribue pas à l'irradiation oculaire, il l'explique en disant que la lumière ayant la pro- priété de se répandre et de se dilater dans tous les sens, les corps opaques qu'elle touche doivent nécessairement paraître un peu entamés *. Il rapporte, à l'appui de son opinion, l'expérience suivante : lorsqu'on regarde de loin un bâton placé transversalement devant la flamme d'une chandelle, il parait fortement échancré au-dessus et au-dessous par la flamme. iGô-2. Galilée. Dialoghi quattro sopra i due massimi sislemi del mondo, Florence, Dial. 3e \ L'auteur donne en quelque sorte le résumé de ce qu'il a dit sur l'irradia- tion dans ses autres ouvrages. Les objets plus lumineux sont plus amplifiés par l'irradiation, parce qu'ils réfléchissent sur la pupille une lumière plus forte et plus abondante. Nouveaux exemples de l'influence de l'éclat de l'objet : si l'on regarde suc- cessivement Jupiter et le Chien à travers une très-petite ouverture, telle qu'un trou percé clans une carte à l'aide d'une aiguille fine, on les verra lous les deux considérablement diminués; mais cette diminution sera bien plus forte pour l'étoile que pour la planète. Quand Vénus et Jupiter sont éloignés lous deux du soleil de 25° à 30°, la première parait à l'œil nu huit ou dix fois 1 Voici ses propres paroles : nosti lucis hune esse tiaturam, ut se undiqtiaque diffundal et umpli/icel. Dumvero ita se didil, neeessario fit ut opaca contigua nonnihit amputentur et prœcidantur. - Je n'ai eu en main que la traduction latine de cet ouvrage, publiée à Lyon en 1041, et inti- tulée : Galilœi syslema cosmicum, etc. Les passages dont il est question ici se trouvent, dans cette dernière, pp. i>47-!2G(.>. DE L IRRADIATION. !7 plus grande que le second, tandis qu'avec le télescope elle n'en parait guère que le quart , etc. Ici Galilée dit qu'il attribue l'irradiation soit à une réfraction dans l'hu- meur qui baigne la partie antérieure de l'œil, soit à une réflexion sur les bords des paupières, soit à une autre cause. Procédé pour mesurer, à la vue simple, le diamètre angulaire des étoiles, en les dépouillant de leur auréole: il consiste à placer entre l'œil et l'étoile un cordon tendu perpendiculaire- ment au rayon visuel, et à chercher une position telle que l'astre paraisse exactement caché par le cordon ; connaissant l'épaisseur de celui-ci et sa distance à l'œil, on en déduit l'angle visuel sous-tendu. Galilée trouve ainsi que le diamètre d'une étoile de première grandeur (évalué à celte époque à deux ou trois minutes), doit se réduire à cinq secondes au plus. Le procédé dont il s'agit repose sur celte considération (pie, dès qu'un écran opaque placé devant un objet brillant atteint une largeur angulaire suffisante pour que celui-ci ne puisse plus envoyer de rayons dans l'œil, l'auréole de l'irra- diation cesse de pouvoir se produire, de sorte que la mesure angulaire ainsi déterminée ne comprend pas cette auréole. Gassendi. Epislola prima de apparente magniiùâim solis humilis et sublimis. Paris 1642. (OEuvres déjà citées, t. III, pp. 421 et 422.) Les variations dans la grandeur de la pupille selon le plus ou moins d'éclat de la lumière amènent des variations correspondantes dans la gran- deur de l'image formée dans l'œil. C'est pour cela qu'à l'arrivée du jour, les étoiles diminuent de grandeur et disparaissent, pour se montrer de nouveau toutes les fois que l'œil est plongé dans l'obscurité, même eu plein midi, par exemple au fond d'un puils ou pendant une éclipse de soleil. L'auteur a trouvé le diamètre apparent de la lune successivement moindre , en le mesurant d'abord la nuit, puis à l'aurore, puis immédiatement après le lever du soleil, puis enfin en plein jour. 1 C'est la date que porte la lettre. L'ouvrage se romposc île quatre lettres sur ce sujet. Tojie A LU. s 18 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE 1657. Descartes. La dioptrique. Leyde, discours sixième, pp. 67 et 68. L'irradiation est due à une extension de l'impression sur la rétine; cette impression se propage dans les filels du nerf optique. Ainsi qu'on l'a vu, Kepler indique, comme seconde cause de l'irradiation, une dilatation de l'impression dans les esprits visuels et le P. Castelli avance que la lumière, en même temps qu'elle ébranle les parties de Yuvée qu'elle louche directement, ébranle aussi les par- tics adjacentes ; mais l'explication de Dcscarles est plus précise et se conforme davantage aux idées modernes. 1640'. Gassendi. Epistola secundo, de appar. magnit. etc. Paris, 1642. (OEuvres déjà citées, t. III, pp. 422-431.) Développement des principes sur lesquels reposent les idées émises dans la première lettre. (Voyez à la date 1636 2.) L'auteur répondant à une objection de Licetus 5, dit que tous les objets paraissent en réalité moindres à midi que le matin et le soir; dans le cas d'objets peu lumineux, la différence est trop petite pour qu'on s'en aperçoive d'après la seule estimation des yeux; mais elle se manifeste lorsqu'on emploie un instrument de mesure; enfin, relativement aux objets plus éclatants, la différence se montre à la simple vue. Nouveaux exemples : Vénus vue pendant le jour et à une heure avancée du crépuscule; la flamme d'une lanterne observée de loin, depuis le jour jusqu'à la nuit. L'auteur revient sur les mesures qu'il a prises du diamètre de la lune depuis la nuit jusqu'en plein jour; l'instrument employé était le radius astronomicus. Voici les valeurs : La nuit °° ■ A l'arrivée de l'aurore 56' |. Lorsque le jour était déjà clair 54' f. 1 C'est la date que porte la lettre. - Gassendi s'appuie sur les notions les plus erronées relativement à la vision : le fond de l"œil fait l'office d'un miroir concave sur lequel viennent se former les images, qui, pour cette raison, seraient renversées, niiiis le cristallin les redresse, etc. s De Quœsitis pe.r Epïslolas etc., t. I, p. ir.ii. Je n'ai pas analysé le passage de Licetus, parce qu'il ne se rapporte en aucune manière à l'accroissement apparent des objets lumineux. DE L'IRRADIATION. 19 Après le lever du soleil, mais tandis que eet aslre était encore plongé dans les vapeurs de l'horizon . 54' |. Lorsque le soleil brillait de tout son éclat .... 55'. Enfin l'auteur a pris aussi, le même matin, à l'aide du même instrument, la mesure du diamètre solaire , lorsque l'astre était élevé de trois degrés, et a trouvé 33' ', tandis que ce diamètre ne devait être à cette époque que de 30' 12". Horrox. Venus in sole visa. Gedani, 1062. L'auteur ayant observé en 1639 le passage de Vénus sur le soleil , par le procédé que Gassendi avait employé pour le passage de Mercure (voyez 1631 Gassendi), et ayant trouvé aussi le diamètre de la planète considéra- blement moindre qu'on ne le supposait, répond aux arguments que Scbickard avait adressés à Gassendi à propos de Mercure (voyez 1632 Scbickard) et qui pouvaient s'appliquer également à l'observation de Vénus. Les corps opaques, comme le bâton dans l'expérience de Scbickard, ne paraissent entamés que lorsqu'on les regarde directement et à l'œil nu. L'auteur explique cet eiïct d'irradiation à la manière de Galilée par une réfraction dans l'humidité des yeux; mais si, au lieu de regarder le bâton de cette manière, on en observe l'ombre sur la muraille, cette ombre ne parait pas moins large que le bâton lui-même, sauf la diminution, soumise à une loi géométrique, que peut y apporter la grandeur de la flamme. Or ce sont aussi les ombres de Mercure et de Vénus qui ont été projetées dans la chambre obscure sur l'image du soleil, image dont l'éclat était assez modéré pour que les yeux pussent le supporter aisément, et que l'on ifeùt pas à 1 C'est vers 1G4I que l'ouvrage fui achevé, mais il ne parut qu'en 1062; Hevelius le fil im- primer alors à la suite de sa dissertation sur le passage de Mercure (voyez la Biographie uni- verselle, article Horrox). L'ensemble des deux dissertations a pour litre : Johannis Hevelii Mercurius in sole visas. Gedani, anno christiano MDCLXI, où les yeux puissent être frappés par les éclairs, on voit, à chacun de ceux-ci, la flamme de la chandelle se contracter, pour se dilater de nouveau après. C'est que, chaque fois que l'éclair frappe les yeux, la pupille se con- tracte, pour se dilater de nouveau. Quoique les causes assignées par l'auteur aient élé mises en avant par Kepler et Gas- sendi, j'ai cru devoir rapporter ce passage, parce que 1° Plempius combine ces deux- causes; 2° la manière dont agit, selon lui, l'accroissement dans l'ouverture delà pupille, peut, à la rigueur, se concilier avec la théorie actuelle de la vision, tandis que les idées de Gassendi étaient, à cet égard, des plus fausses. Gassendi. Physica, sect. II, livre II, chap. V. (OEuvres citées, t. I, pp. 572-575 et 580, 581.) L'auteur explique un passage d'Épicure en admettant que ce philosophe ait fait allusion aux différences de grandeur que parait présenter une flamme observée de loin successivement pendant la nuit et pendant le jour; mais le passage en question est trop vague pour qu'on puisse avec qttehjue certitude l'interpréter de cette manière. (Voyez la note de la page 3.) Preuve nouvelle de l'irradiation de la lune: si l'on ohserve à la vue simple une étoile qui s'avance vers la lune, et si, à l'instant où elle a paru se cacher derrière le disque lumineux de cet astre, on regarde à travers une lunette, on verra de nouveau l'étoile séparée de la lune, et on distinguera entre les deux astres un intervalle d'un ou (\qu\ doigts, de sorte que l'occultation n'aura lieu que quelques minutes après. Des effets analogues se produisent lorsque l'étoile se dégage du disque lunaire. Pour obtenir la valeur du diamètre lunaire exempt de l'erreur due à l'ir- radiation, l'auteur emploie une méthode fondée sur la mesure de la largeur des ombres projetées par la lune. Il paraît admettre ici que l'action plus ou moins forte de la lumière sur la rétine concourt avec les variations dans l'ouverture de la pupille, pour faire varier les dimensions de l'image dans l'œil. 1 J'ai placé cet ouvrage de Gassendi à la date 1G58, parce qu'il n'a été publié que dans les opéra omnia de ce philosophe, et qu'il ne porte pas de date particulière. 24 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE 1639. Huygens. Christiani Hugeuii syslema saturniam. Hagse comitis, p. 7. L'auteur observant les étoiles fixes à l'aide d'une lunette dont l'oculaire était légèrement enfumé pour leur enlever leur irradiation, n'a jamais pu leur trouver de diamètre sensible; il les a toujours vues, même les plus brillantes, comme de simples points. Le diamètre apparent qu'elles pré- sentent à l'aide du procédé d'Hevelius (voyez à la date 1 64-7) est probable- ment dû à une illusion de la vue : la petite ouverture du diaphragme n'enlève sans doute pas complètement leur chevelure lumineuse, mais la réunit seu- lement en un espace plus petit et sensiblement circulaire. 1667. Le Père Fabri. Synopsis optica, in qua, etc. Lyon. Propos. VIII, XIV, XVII et coroll.; 1, XVIII et coroll. 1, % 3. La raison pour laquelle les objets blancs et lumineux vus de loin parais- sent amplifiés, c'est que, la pupille se dilatant beaucoup lorsqu'on regarde des objets éloignés, un grand nombre de rayons sensiblement parallèles tombent alors plus obliquement sur les bords du cristallin, et éprouvent ainsi une réfraction plus considérable, d'où résulte une extension des limites de l'image sur la rétine. Aussi lorsqu'on fait avancer le doigt ou une lame opaque entre l'œil et l'objet, on voit, de ce côté, se contracter les limites de celui-ci, le corps opaque interceptant les rayons latéraux qui étendaient l'image sur la rétine. Si l'objet est noir, ses limites paraissent au contraire s'étendre sous l'influence du corps opaque, interposé , parce que ce corps intercepte les rayons latéraux des objets éclairés juxtaposés, qui resserraient les limites de l'image noire. C'est pour la même raison que les objets blancs éloignés paraissent dimi- nués lorsqu'on les regarde à travers un petit trou. C'est encore à cause des changements dans l'ouverture de la pupille que nous voyons les étoiles la nuit, et non le jour. Nous jugeons plus rapprochés les objets vivement éclairés, et plus éloi- gnés au contraire les objets obscurs, parce que l'angle visuel est amplifié pour les premiers, et diminué pour les seconds. Une flamme ou un autre objet vu de loin paraît arrondi , parce que les rayons qui en émanent arrivant physiquement parallèles à la surface convexe DE L'IRRADIATION. 2S et rondo du cristallin, doivent produire une image approchant de la forme circulaire; d'ailleurs l'éloignement de l'objet occasionnant une dilatation de la pupille, les rayons qui éprouvent alors une réfraction plus grande sur les bords extrêmes du cristallin doivent étendre circulairement les limites de l'image. Gassendi et Plempius (voyez ces articles) avaient déjà eu recours à la dilatation de la pupille; mais, en premier lieu , ils ne s'en étaient servis que pour expliquer les effets pro- duits dans l'obscurité, tandis que le Père Fabri l'applique à la généralité des phénomènes; et, en second lieu, ce dernier qui, ainsi que Plempius, essaie de concilier l'effet de la dilatation de la pupille avec la vraie théorie de la vision, donne sur ce sujet beaucoup plus de développements. 1674. LE pERE Milliet Deciiales. Cursus seu mundus malhematicus. Lyon, partie opticpie, livre I, propos. 2(> *. L'auteur cherche la raison pour laquelle on voit les étoiles plus petites dans les lunettes qu'à la vue simple. Il admet que ces astres, à cause de leur distance, paraissent trop grands à l'œil nu , et cela en vertu de la pre- mière des deux causes assignées par Kepler (voyez à la date 1604); or la lunette envoie l'image exactement sur la rétine, et par là détruit l'ampli- fication ci-dessus; si donc la diminution qui en résulte l'emporte sur le grossissement dû à la lunette, l'astre paraîtra plus petit. Les étoiles qui se montrent les plus grandes à l'œil nu ne le sont pas tou- jours en réalité: une étoile plus petite qu'une autre, mais plus brillante, paraîtra plus grande. En effet, dans l'image confuse résultant sur la rétine de la dilatation des pinceaux envoyés par une étoile peu éclatante, les parties les plus éloignées du centre sont formées par des rayons trop faibles pour produire la vision , d'où résulte qu'on perçoit une image plus petite que si l'astre avait plus d'éclat; aussi lorsqu'une personne myope se sert de ses besicles concaves pour regarder les étoiles, elle les voit beaucoup moins différentes entre elles, quant à la grandeur, que lorsqu'elle les regardait à l'œil nu. 1 Je n'ai eu entre les mains que la 2"'e édition; le passage dont il s'agit s'y trouve pp. 5'JO et 400. Tome XLII. 4 26 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Si l'on regarde de loin et d'un œil deux objets juxtaposés l'un blanc, l'autre noir, le premier paraît empiéter un peu sur le second. Si alors on tient devant l'œil, et de manière à cacher en partie l'objet noir, un corps opaque dont le bord soit parallèle à la ligne de contact des deux objets , et qu'on le fasse mouvoir graduellement de façon qu'on voie le bord en question se pro- jeter de plus en plus près de la ligne de contact du blanc et du noir, cette ligne semblera à la fin éprouver un mouvement de recul. C'est que le corps opaque intercepte ceux des rayons émanés de l'objet blanc le long de la ligne de contact, qui, suivant la théorie de Kepler, produisaient une diffusion de cette même ligne. Puisque les lunettes dépouillent les astres de leur chevelure factice, il s'ensuit qu'on peut déduire des éclipses de soleil les véritables diamètres du soleil et de la lune. i08i>. Zahn. Oculus arlificialis teledioptricus , etc. Herbipolis. Fundamentum 4 , syntagma 3, cap. VII. Le fait que les objets très- lumineux paraissent amplifiés quand on les voit de loin, provient peut-être de ce que, lorsqu'on ignore la distance de l'objet éloigné, on ne peut se former une idée nette de sa grandeur; or si l'objet est très-lumineux, son éclat fera qu'on le jugera plus rapproché et plus grand '. Fund. 1, synt. 3, cap. VIII, qiuest. IV, V et VII. Ici l'auteur assigne à l'irradiation la première des deux causes indiquées par Kepler, mais avec des modifications provenant de ce qu'il connaît l'adaptation de l'œil aux dif- férentes distances. Il admet (propos. XI) que, dans cette adaptation, la rétine s'approche ou s'écarte du cristallin. Or, quand l'objet éloigné est blanc ou lumineux, la force de sa lumière est suffisante pour que les pinceaux lumi- neux tombant dilatés sur la rétine après leurs points de concours, excitent 1 L'auteur ne me paraissant pas clair, je vais rapporter le passage original : « Et si » distantia objecti longius dissili omnino sit incognita , nihil cerli de ejus magnitudinc decemit » animus. Ilinc forte etiam ratio est quarc ignea ae valde lucida corpora remota apparcant » jnsto majora. Nam quia, propler exquisitius lumen qnod ejaculantur, ipsorum distantia simul » ciiiii angulo visorio non probe innotescit, sed obluminis fortitudincm propinquiùs judicatur, • cliam subcodem angulo majus existimatur. » DE L'IRRADIATION. 27 l'organe à les percevoir; et il résulte de celte intensité de sensation et de l'homogénéité de la lumière émanée de l'objet, que Ton ne sent pas la néces- sité de faire mouvoir la rétine vers le cristallin, et que l'on perçoit par con- séquent une image amplifiée. L'auteur se demande ensuite pourquoi le fer chauffé au rouge blanc paraît plus volumineux que lorsqu'il est froid. C'est que, dans le premier cas, pour les raisons précédemment exposées, on n'approche pas la rétine du cristal- lin, tandis que, dans le second, la faiblesse et la dissimilitude des rayons font que la rétine va chercher l'image la plus distincte, qui est en même temps plus petite. Pourquoi les corps lumineux éloignés paraissent-ils souvent de forme ronde, quoiqu'ils aient en réalité une autre figure? C'est ce qui a lieu, par exemple, pour la flamme d'une lampe, dont la figure réelle est conique, etc. Cela provient de la dilatation des pinceaux lumineux dont les rayons diver- gent dans tous les sens après leurs points de concours dans l'humeur vitrée, et se dilatent circulairement avant de tomber sur la rétine. icoo. De la Hire. Observation d'une éclipse de VOEU du Taureau, etc. (Mém. de l'Acad. des sciences de Paris.) L'auteur explique le phénomène de la projection de cette étoile sur le disque de la lune, en faisant remarquer que ce dernier astre paraît toujours plus grand qu'il n'est en effet, et en admettant que l'étoile s'est montrée à travers cette fausse lumière apparente. En d'autres termes, il explique le phénomène par l'irradiation de la lune '. i75«. Jurin. An essay upon distinct and indistinct vision. (Ce Mémoire est inséré à la fin du traité d'optique de Smith : A compléta System of optiks, Cambridge.) L'auteur admet , comme l'avait fait Kepler, que, dans un œil normal, les rayons partis d'un point situé à une trop grande distance, se réunissent avant 1 II paraîtrait , d'après Jurin , que De la Hire n'est pas le premier qui ait attribué ce phéno- mène à l'irradiation, et qu'il faudrait remonter à Galilée; mais je n'ai pu trouver le passage de ce dernier qui s'y rapporterait. 28 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE d'avoir atteint la rétine. Il examine avec beaucoup de détails les apparences que doivent présenter d'une part les objets selon lui trop éloignés, de l'autre les objets trop rapprochés pour la vision parfaite, et il applique les résultats qu'il obtient aux phénomènes d'irradiation. Il se propose à lui-même plusieurs objections, auxquelles il répond : 1° §§ 4.2-49. D'après sa théorie, le bord de la pleine lune devrait paraître d'un éclat décroissant à partir d'une distance d'environ quatre minutes de la circonférence. Si cet effet ne se montre point et si le bord de la lune semble plutôt d'un éclat supérieur au reste, c'est, d'une part, à cause de la distri- bution des taches obscures du disque lunaire, qui paraissent être réparties en moindre proportion vers les bords de l'astre, et, de l'autre, parce que, vers ces bords, l'élévation des terres cache les parties obscures dont il s'agit, qui sont probablement des mers. Enfin le contraste dû à l'obscurité du ciel environnant, est une dernière cause qui tend à augmenter l'éclat apparent de la circonférence de l'astre. 2° §§ 50-52. D'après la même théorie, le diamètre apparent de la lune devrait être, à l'œil nu, de 4' plus grand que ne le donnent les observa- tions faites à l'aide desluneltes, et par conséquent les anciens astronomes auraient dû trouver le diamètre moyen de la lune beaucoup trop considérable. iMais les personnes habituées à observer des objets très-éloignés acquièrent la faculté de modifier la conformation de leurs yeux, de manière à voir ces objets beaucoup plus distinctement que ne peuvent le faire les autres hommes. En outre, il se peut que les observations des anciens astronomes qui sont venues jusqu'à nous, n'aient pas été le produit de leurs jeunes années, mais que ces astronomes les aient faites lorsqu'ils étaient devenus fameux et avancés en âge; or on sait qu'avec l'âge, les yeux deviennent plus propres à voir nettement les objets éloignés. Il se peut aussi qu'alors quelques-uns d'entre ces astronomes aient corrigé les résultats qu'ils avaient obtenus dans leur jeunesse. §§ 208-220. L'auteur cherche à prouver, en s'appuyant sur la théorie des accès de Newton , que le petit cercle qui correspond sur la rétine à l'image d'un point lumineux trop éloigné pour la vision parfaite, se compose d'anneaux lumineux concentriques, dont l'éclat va en décroissant depuis le DE L'IRRADIATION. 29 plus intérieur jusqu'au plus extérieur. C'est pour cela que les étoiles semblent plus petites au crépuscule que pendant la nuit, caria lumière envi- ronnante efface les anneaux extérieurs. Par la même raison encore, dans le phénomène de la projection apparente d'une étoile sur le disque lunaire, la forte lumière de ce dernier efface la partie extérieure de l'image de l'étoile, qui, ainsi diminuée, doit paraître alors à quelque distance en dedans du limbe. § 222. L'apparence rayonnante des étoiles est due aux petits mouvements de l'œil ; car il résulte de ces petits mouvements que l'image de l'étoile, com- posée de ses anneaux lumineux concentriques, tombe successivement sur différentes parties de la rétine, et, si cette succession est assez rapide, la lumière doit paraître s'étendre des différents côtés à la fois. Grandjean de Fouchy. De almosphœra Lunari. (Philos. Transact., t. XLI, p. 261.) La lune paraît de 30" plus petite en diamètre dans les éclipses de soleil, que lorsqu'elle se montre pleine et dans le même degré d'anomalie. L'auteur ne dit pas s'il suppose qu'on emploie ou non une lunette. On peut constater l'irradiation de la lune, en plaçant un bâton entre l'œil et cet astre : l'épaisseur du bâton parait diminuée dans la portion qui se pro- jette sur la lune. Cette diminution est moindre si un léger nuage passe devant la lune. Delisle. Extrait d'une lettre écrite de Pélcrsbuurg le 24 août 17 45 , et adressée àCassini. (Mém. de l'Acad. des sciences de Paris, 1743, p. 4-19.) Il s'agit, dans celle lettre , île la détermination de la parallaxe du soleil par le passage de Mercure sur le disque de cet astre. Page 423. « mais pour en conclure la demeure apparente du centre de Mercure sur le soleil, il me semble qu'il faut avoir égard aux différentes longueurs et qualités des lunettes que l'on emploie; car j'ai remarqué que, dans le dernier passage, l'intervalle du temps que le diamètre apparent de Mercure a employé à sortir du soleil, avait paru d'autant plus grand que les lunettes que l'on y a employées ont été plus longues, comme on peut le voir par la petite table ci-jointe. » (Suit un tableau.) 30 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE L'effet en question de la longueur des lunettes est très-probablement lié à la cause qui augmente en apparence le diamètre des corps lumineux et diminue celui des corps obscurs placés au-devant d'eux, cette dernière illu- sion étant d'aulant plus prononcée dans les observations avec les lunettes, que celles-ci sont plus courtes. 1748. Le Monnier. Extrait des observations de la dernière éclipse annulaire du soleil, du 25 juillet 1748, observée en Ecosse, etc. (Mém. de l'Àcad. des sciences de Paris, 1748.) L'auteur a mesuré soigneusement pendant cette éclipse, à l'aide d'un micromètre à fils, le diamètre angulaire de la lune obscure projetée sur le soleil, et n'a trouvé qu'une seconde de différence entre ce diamètre et celui de la lune lumineuse déduit, pour le même instant, des tables de Halley. Il en conclut que la correction à introduire relativement à l'irradiation dans le calcul des éclipses, correction dont la valeur était déjà alors un sujet de discussion parmi les astronomes, n'est pas à beaucoup près aussi grande qu'on se l'était imaginé, qu'elle est au contraire à peine sensible. Celle observation de Le Monnier a cela d'important, qu'elle offre le premier exemple d'une mesure de précision prise à l'aide d'une lunette, dans laquelle l'influence de l'irra- diation s'est montrée extrêmement faible. i7si. Hambf.rger. Physiologia medica, Jena. L'auteur admet, comme cause de l'irradiation, la propagation latérale de l'ébranlement dans les fibres de la rétine; il ajoute : § 999. Cependant la manifestation du phénomène exige que l'œil soit dans l'obscurité. On sait, en effet, qu'un objet dont l'éclat est suffisant en soi pour produire une impression sensible, n'est point perçu lorsque, près de son image, une grande partie de la rétine est affectée par une lumière assez intense; si donc, pendant l'observation d'un objet très-lumineux, une portion étendue de la rétine est assez vivement éclairée, l'ébranlement com- muniqué aux parties contiguës à l'image ne sera point perçu, et la grandeur de l'objet ne paraîtra pas augmentée. DE L'IRRADIATION. 31 1733'. Le Gentil. Mémoire sur la grandeur apparente des corps opaques, vus sur un fond lumineux ou autrement. (Mém. de l'Acad. des sciences de Paris, 1.784, Mémoires, p. 469.) L'auleur entreprend de prouver par des mesures, que les corps opaques vus sur un fond lumineux perdent de leur grandeur apparente, et il atlri- bue cette diminution à l'inflexion de la lumière qui rase leurs bords. Il prend d'abord une lame de cuivre médiocrement polie, d'un pouce de largeur et de cinq à six de longueur, et la dispose de manière que l'une de ses moitiés soit éclairée, tandis que l'autre se projette sur la flamme d'une grosse bougie; puis il place devant ce système, à une dislance de six pieds à peu près, une lentille d'environ sept pouces de foyer, et reçoit sur une surface blanche située à la distance convenable, l'image des deux parties de la lame. Alors il trouve, par des mesures soigneusement prises et répétées sur cette image, que la partie de la lame qui se projette sur la surface lumineuse de la flamme, parait d'un vingtième de ligne plus étroite que la partie éclairée. Il substitue ensuite à la lame de cuivre deux petits disques du même métal; il les dispose l'un derrière l'autre de manière à laisser entre eux un inter- valle d'environ deux pouces, puis, plaçant une bougie en avant du système, il soulève l'un de ces deux disques, jusqu'à ce que le bord inférieur de l'image lumineuse qu'il produit sur la surface blanche, rase le bord supérieur de l'image également lumineuse produite par l'autre disque, et même empiète un peu sur cette dernière. Cela fait, et, sans toucher aux disques, l'auteur transporte la bougie derrière eux, de manière qu'ils se projettent tous deux sur la flamme; alors, dans l'image qui en résulte, on aperçoit distinc- tement une petite séparation entre les bords des deux disques obscurs. Enfin, l'auteur observe, à l'aide d'une lunette, un globe placé sur le dôme des Invalides, en saisissant, en premier lieu, le moment où le globe parait projeté sur le soleil, et, en second lieu, celui où il est, au contraire, éclairé en plein par cet astre; l'auteur trouve ainsi le diamètre du globe moindre 1 C'est la date de la première lecture du Mémoire, il a clé lu une seconde fois plus tard. 32 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE d'environ six secondes dans le premier cas que dans le second. Il remarque, du reste, que lorsque le globe se projetait sur le soleil, les bords en parais- saient tranchés avec une extrême netteté. 11 dit en terminant : « Il résulte tou- jours de toutes ces expériences, que les corps opaques, vus sur un fond lumi- neux, éprouvent à nos yeux une diminution réelle, lorsque nous mesurons leurs diamètres apparents avec quelque instrument, dans cette position, et que celte diminution est d'environ 5 à 6 secondes. » 1702. De LalÀnde. Observation qui prouve que le diamètre apparent de Vénus ne diminue pas sensiblement , lors même qu'il est vu sur le disque lumi- neux du soleil. (Mena, de l'Acad. des sciences de Paris, 1762.) L'auteur a déterminé soigneusement le diamètre de Vénus projetée sur le soleil, au moyen du temps qu'elle a employé à sortir. Il a comparé ensuite la valeur obtenue avec celle qui résultait de mesures prises par Short sur Vénus lumineuse, à l'aide d'un micromètre objectif, et il n'a trouvé qu'une différence d'un quart de seconde; encore cette différence était-elle à l'avan- tage de Vénus obscure; elle est d'ailleurs assez faible pour pouvoir être attribuée aux erreurs d'observation. J'ai fait voir dans mon Mémoire sur l'irradiation, §§ 55-40, que, dans les mesures prises à l'aide d'un micromètre à double image, tel que le micromètre objectif dont Sliort s'est servi, l'erreur due à l'irradiation oculaire disparait complètement. D'un autre côté, l'irradiation n'a également aucune influence sur la valeur du diamètre de Vénus déduite du temps que la planète meta sortir du soleil; voilà pourquoi De Lalande n'a pas trouvé de différence, et son observation est importante en ce qu'elle offre le premier exemple constaté de cet effet d'un micromètre à double image. De 176* à 1780 Du Séjouiî. Nouvelles méthodes analytiques pour calculer les éclipses de soleil, etc. (Ces recherches forment une série de Mémoires insérés dans les Mémoires de l'Acad. des sciences de Paris de 1 764 à 1780.) L'auteur arrive à cette conclusion, (pie le diamètre du soleil est agrandi par l'irradiation, dans les lunettes, d'environ 3 l- secondes. Je cite ce résultat à cause de l'influence qu'il a exercée en astronomie, et du grand nombre d'observateurs qui l'ont adopté depuis, cl s'en sont servis dans le calcul des éclipses. DE L'IRRADIATION. 53 1770. De Lalande. Explication du prolongement obscur du disque de Vénus, qu'on aperçoit dans ses passages sur le soleil. (Mém. de l'Acad. des sciences de Paris, pour l'année 1770.) Plusieurs astronomes ont observé, dans les passages de Vénus, des appa- rences singulières : lors du premier contact intérieur, la planète a présenté, pendant plusieurs secondes, comme un prolongement, une protubérance, joignant son bord à celui du soleil; ensuite, aux approclies du second contact intérieur, un semblable ligament s'est élancé du bord de Vénus pour joindre celui du soleil, plusieurs secondes avant le contact apparent. Ces phénomènes sont dus à l'irradiation du soleil, qui ajoute un anneau lumineux apparent au disque réel de cet aslre; en effet, il en résulte qu'à l'entrée de la planète, le contact intérieur apparent précède de quelque temps le contact intérieur réel; or, pendant cet intervalle, une partie du bord du soleil étant toujours en réalité masquée par le corps de la planète, cette partie ne peut envoyer de rayons à l'observateur, et, par conséquent, l'anneau d'irradiation doit être interrompu en cet endroit; de là l'apparence d'un prolongement noir du disque de Vénus, prolongement qui disparaît totalement dès que le con- tact réel a eu lieu et qu'ainsi aucun point de la circonférence réelle du soleil n'est plus éclipsé. 1782. W. Herschel. On the diameler and magnitude of the Georgium Sidus ; ivith a description of the dark and lucid disk and periphery micro- meters. (Philos. Transact., 1783, part. I, p. 4. Voyez aussi, pour l'intelligence de la description du micromètre, le tome de 1782, part. I, p. 163.) L'auteur, en essayant un nouveau procédé micrométrique qu'il a imaginé pour la mesure des astres dont le diamètre est très-petit comme celui de la planète dont on lui doit la découverte, fait quelques observations sur des effets d'irradiation. Le procédé dont il s'agit consiste à comparer l'image de la pla- nète, vue de l'œil droit dans un télescope newlonien, avec un disque lumi- neux artificiel convenablement placé, que l'observateur regarde directement, Tome XLII. 5 M BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE et en même temps, de l'œil gauche. On modifie la grandeur, l'éclat et la dis- tance du disque artificiel, jusqu'à ce que celui-ci paraisse identique avec l'image de la planète. Connaissant alors le diamètre absolu du disque, sa dis- tance à l'œil, et le pouvoir amplifiant du télescope, il est aisé d'en déduire le diamètre apparent de l'astre. Les disques artificiels dont l'auteur a fait usage, étaient formés en découpant, dans des morceaux de carton, des ouvertures circulaires de différents diamètres variant par dixièmes de pouce, depuis deux pouces jusqu'à cinq, et en plaçant, par derrière, des papiers transpa- rents éclairés par une lampe. Il a employé aussi, dans ses expériences, au lieu de disques pleins, des anneaux lumineux très-déliés. Ayant éclairé plusieurs disques à la fois, l'auteur observa qu'un très-léger accroissement dans l'éclat de l'un d'entre eux suffisait pour le faire paraître égal en diamètre à un autre qui en différait d'un ou même de deux dixièmes de pouce. Il y avait donc, dans le procédé en question, une source d'erreur, savoir l'amplification apparente du disque artificiel provenant de la vive impression qu'il faisait dans l'œil. Mais si un cercle lumineux empiète sur l'espace obscur environnant, un espace lumineux autour d'un cercle obscur empiétera à son tour sur celui-ci. De là une méthode pour découvrir la quantité de l'illusion causée par l'éclat de l'objet, et pour fournir une correc- tion applicable à de semblables mesures, correction qui serait dans un sens lorsque la mesure aurait été prise à l'aide d'un disque ou d'un anneau lumi- neux, et dans le sens opposé lorsqu'elle aurait été obtenue à l'aide d'un disque ou d'un anneau obscur. 11 ne parait pas que Herschel ait poussé plus loin ses recherches à cet égard, et qu'il ait employé la méthode dont il donne l'idée. 1794. Chiminello. Délia nécessita di far entrave la diversa irradiazione del lame lunare nel ealcolo délie oecutlazioni délie stelle. (Saggi di Padova, t. III, 2e partie, p. CIL) L'auteur, en observant, le 26 novembre 1787, l'occultation d'une étoile de Castor, vit celle-ci demeurer comme attachée au limbe de la lune pendant 5 à 6 secondes avant de disparaître. Il reconnaît là un effet de l'irradiation, DK L'IRRADIATION. 55 laquelle, dit-il, varie avec le pouvoir de la lunette, et il appelle l'attention sur la grande durée du phénomène dans l'observation ci-dessus; il l'attribue à ce que, lors de cette observation, la direction du mouvement relatif de l'étoile avait une assez grande obliquité par rapport à la tangente au limbe lunaire au point d'immersion; il l'ait remarquer que cet effet de l'irradiation doit persister d'autant moins que la direction du mouvement relatif de l'étoile s'éloigne davantage de la tangente en question; enfin il signale la nécessité de faire entrer ces variations d'obliquité dans le calcul des occultations. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE POUR LE SIÈCLE ACTUEL, JUSQU'À LA FIN DE 1876. 1804. Troxler. Ueberdas Verschwinden gegebner Gegenstànde innerhalb misères Gesichts- kreises. (Ophthalmologische Bibliothek de Ilimly, t. Il, 2""-' partie, p. 1.) Ces objels paraissent remplacés par la couleur du fond, en vertu d'une propagation de l'impres- sion de celui-ci. 1805. Sciiroter. Lilienthalische Beobachlungen der tien entdecklen Planeten] Ceres, Pallas und Jutio, etc. Goettingue, §§ 53 à 61, et 116. 1810. Goethe. Zur Farbenlehre. Tubinguc, t. 1, p. 5. On peut supposer qu'en présence d'un objet noir, la rétine, à l'étal de repos, est contractée, ce qui n'a pas lieu en présence d'un objet lumineux. 1811. Biot. Traité élémentaire d'astronomie physique, 2™e édition, t. II, p. 554. L'irradiation est nulle dans les mesures prises avec un micromètre à double image. 1815. Arago. Sur l'Irradiation, Noie inédite. (OEuvrcs complètes, t. XI, p. 555.) L'augmentation apparente du croissant de la lune ne serait-elle pas due au non-achromatisme de l'œil et à l'indistinction des images? 1814. Delamure. Astronomie théorique et pratique, l. II, chap. 26, § 197, et t. III, chap. 29, § 12.) Doutes sur l'existence de l'irradiation oculaire. 1820. De Zacii. Éclipse annulaire du soleil, lel septembre 1820. (Correspondance astro- nomique, t. IV, p. 171.) Idem. 1821. Vallée. Traité de la science du dessin. Paris, livre IV, chap. VI et VII. Propagation de l'impression ; application de l'irradiation au lavis. Ais'ONyme Ueber physiologe Farbenerscheinungen , insbesondere das phosphorische Angeniichl als Quelle derselben betreffend. (Goethe, Zur Naturivissen- schaft ùberhaupl, 1825, t. II, p. 20.) L'augmentation apparente des objets clairs et l'inverse pour les objets sombres résultent de l'inflammation d'une matière pliospliorique contenue dans le pigment noir delà choroïde. 58 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 1822. Brewster. On some remarkable affections of the retina, as exhibited in Us insen- sibility lu indirect impressions and lo llie impressions of attenualed light. (Edinb. Journ. of Science, (. III, 1825, p. 288.) Expériences analogues a celles de Troxler (voir à 1804), et variées de différentes manières. 1826. J. Mùller. Zur vergleichenden Physiologie des Gesichtssinnes. Leipzig, p. 400. Rorinson. Détermination of Ihe longitude of llie Armagh observalory, etc. (Mém. of the Astronom. Soc. of London, l. IV, 2me parlie, 1831, p. 293.) Distinction entre l'irradiation des lunettes et l'irradiation oculaire. 1830. Gergonne et de Zach. Lettres sur la projection apparente des étoiles sur la lune dans les occultations. (Biblioth. Universelle, t. XLIII, Sciences et arts, p. 545.) Relations de faits de celte nature, dont un observé en plein jour et à l'œil nu. Hiort. De functione relinœ. Christiania. 2me partie', §§ 6 et 61. Propagation de l'excitation aux Gbres environnantes. 1831. Robinson. On Irradiation. (Mem. of the Astronom. Soc. of London, t. V, p. 1.) Influence de l'éclat de l'objet et de celui du champ environnant, sur l'irradiation oculaire. Joslin. On Irradiation. (Transact. of the American Philos. Soc, t. IV, nlle série, 3rae partie, p. 340.) L'irradiation est due à la réfraction dans le cristallin ; elle n'est pas la même dans toutes les directions autour de l'axe visuel. 1832. Brewster. On the undulalions excited in the retina by the action of luminous points and Unes. (Philos. Magaz., 3me série, t. I, p. 169.) A cause de la relation des phénomènes avec le principe de la propagation de l'impression. Bessel. Durchgang des Mercurs durch die Sonne. (Aslronomische Nachrichten, t. X, p. 187.) Absence de ligament noir dans l'observation avec un héliomèlre. 1833. J. Plateau. Sur les couleurs accidentelles. (Supplément au Traité de la lumière de J. Herscbel, traduit par Verhulst et Quetelet, p. 490.) Rôle de l'irradiation dans la partie de la théorie de l'auteur qui concerne l'espace. Sur le phénomène des couleurs accidentelles. (Ann. de Chim. et de Phys. de Paris, t. LUI, p. 386.) Idem. 1 La première partie a été publiée en 1826; elle n'a trait qu'indirectement aux phénomènes subjectifs. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 39 1837. J. Plateau. Réponse aux abjections publiées contre une théorie générale des appa- rences visuelles dues à ta contemplation des objets colorés. (Correspondance math, et pfays. de Queielet, t. IX, p. 97.) Iilem. Optique. (Btillet. de l'Acad. de Belgique, l. IV, p. 555.) Résumé du travail de l'auteur sur l'irradiation; voir, à 1859, le I" article J Plateau. 1859. Ar\go. Communication faite au Bureau des longitudes. (OKuvres complètes, t. XI, p. 214.) En mesurant le diamètre apparent d'un disque au moyen d'un instrument à double image, l'auteur n'a pas trouvé d'irradiation sensible Comptes rendus, t. VIII, note de la page 883. L'irradiation provient à la fois des aberrations de réfraogibililé et de sphéricité de l'oeil, et de l'indistinction des images. J. Plateau, Mémoire sur l'irradiation. (Mém. de l'Acad. de Belgique, t. XI.) Étude générale du phénomène et de ses lois; défense du principe de la propagation de l'im- pression. Note sur l'irradiation. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, l. VI, 1" partie, p. 501.) L'irradiation se manifeste au même degré avec une lumière inonochromalique ; elle ne dépend donc pas de l'aberration de réfrangibilité de l'œil. Deuxième Note sur l'irradiation, (lbid., ibid., 2mc parlic, p. 102.) L'irradiation ne dépend pas non plus de l'aberration de sphéricité de l'œil et de l'indistinction de la vision. 1840. Fechner. Ueber die subjecliven Nachbilder und Nebenbilder. (Ann. de Poggendorlî, t. L, p. 195.) Objections contre la théorie défendue par J. Plateau (\oir à l'année précédente); conjectures sur la cause de l'irradiation. 1842. Valz. Éclipse solaire du 8 juillet. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, l. IX, 2me partie, p. 288.) L'irradiation pourrait être due à l'indistinction de la vue, uon apparente toutefois. 1845. Ruete. Lehrbuch der Ophthalmologie. Brunswick, p. 79. L'irradiation est due à une transmission, par l'intermédiaire du cerveau, des éléments rétiniens excités aux éléments adjacents. 1847-48. Powell. Beads in annular éclipses. (Monlhly Notices of the Aslron. Soe. of London, t. VIII, p. 28.) Explication de certaines apparences causées par les échanerures du bord de la lune. * 40 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 1848. Valent!:*. Lehrbuch der Physiologie. Brunswick, 2mc édition, t. II, 2rae partie, §§3819-582o. Propagation latérale de l'impression ; l'effet produit, pour les myopes, au delà de leur distance de vision distincte, n'est pas de l'irradiation. 1848-49. Shortrkde. Remarks on irradiation. (Ibid., t. IX, p. 146.) Article trop peu explicite. 1849. Powell. On irradiation. (Mem. of the Astronom. Soc. of London, t. XVIII, p. 69.) L'irradiation est un effet de la diffraction au boid de la pupille. 1850. Pétrie. On llie powers of minute vision. Results from expérimenté for determining Ihe best sort of station-marks, etc. (Rapp. de l'Assoc. Britann., 2me partie, p. 183.) Dislances auxquelles on peut voir distinctement des objets éloignés noirs sur fond blanc et blancs sur fond noir, etc. 1851. Haidinger. Das Interferenz-Scliachbretlmuster und die Farbe der Polarisations- bûschel. (Bullet. del'Acad. de Vienne, (. VII, p. 589; voir p. 596.) L'irradiation ne se produit que dans le cas d'une accommodation imparfaite, et alors on y voit des couleurs. Dove. Ucber die Ursachen des Glanzes und der Irradiation, abgeleitet ans chroma- tischen Versuchen mit dem Stereoskop. (Ann. de Poggendoriï, t. LXXXIII, p. 169.) Pour une distance donnée, le pouvoir d'accommodation de l'œil n'est pas le même à l'égard du blanc qu'à l'égard du noir. 1852. Trolessart. Note concernant ses recherches sur la théorie de la vinion. (Comptes rendus, t. XXXV, p. 154.) L'irradiation est due à ce que, par suite des imperfections de la structure de l'œil, l'image d'un point lumineux sur la rétine est multiple, du moins à de très-grandes ou à de très-petites distances. Vallée. De la vision considérée dans tes influences, eu quelque sorte moléculaires, exercées dans les réfractions, et du phénomène de l'irradiation. (Ibid., ibid. p. 679.) L'irradiation est due à ce que l'image d'un point lumineux est entourée d'une auréole formée par des rayons en dehors du pinceau ellicace. Fliednlr. BeobachluiKjen ûber Zerslreuungsbilder im Auge, sowie ïiber die Théorie des Seliens. (Ann. de Poggendoriï', t. LXXXV, p. 521 ; voir p. 548.) L'irradiation est due à uu défaut d'adaptation et aux aberralious de l'œil. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 41 1852. Welcker. Veber Irradiation und einige andere Erscheinungen des Sehens. Giessen. L'irradiation résulte des cercles de dilfusion au delà el en deçà de la distance de vision dislincte. L'auleur est myope. 1855. Fliedner. Zur Théorie des Sehens. (Ann. de Poggendorff, I. LXXXVI1I, p. 29.) Développement de la théorie exposée dans l'article de 1852. Meyer. fjeber die sphàrische Abiveichung des menschlichen Auges. (Ibid., t. LXXXIX, p. 540.) L'irradiation est due à l'aberration de sphéricité de l'œil. Cramer. Bijdrage tôt de verklaring der zoogenaamde irradiatie-verschynselen. (Ncderlandsch Lancel, ôme série, ô°" année, 1855-54, p. 50 1.) L'irradiation est due à un défaut d'adaptation. 1854. Trouessart. Recherches sur quelques phénomènes de la vision. Brest. Voir pp. 130 et 556. Développement de la théorie indiquée dans l'article de 1852. Alter. On certain physical properties oflight produced b\j the combustion of diffé- rent mêlais, in the electric spark, refracted by a prism. (Journ. de Sî 111— man, 2me série, t. XVIII, p. 55.) Effet de l'irradiation sur l'aspect du spectre d'une forte étincelle électrique. Burckhardt. Zur Irradiation. (Verhandl. der Schweizer Naturforscli. Gesellschafl in Basel, lrc livraison, p. 154.) L'irradiation estdue au défaut d'accommodation et aux aberrations de l'œil. 1855. L. Smith. A Memoir on météorites. A description of five new meteoric irons, etc. (Journ. de Silliman, 2me série, t. XIX, p. 522; voir p. 540 ) Blrckiiaiidt. Veber den Gang der Lichtslrahlen im Auge. (Verliandl. der Natur- forseh. Gesellscltalï in Basel, 2mt livraison, p. 269.) Voir l'article de 1854. 1856. Fick. Einige Versuchr iiber die chromatische Abiveichung des menschlichen Auges. (Archiv fur Opluhalmologie, t. II, 2""' partie, p. 70.) L'irradiation est due en partie à une cause purement psychique, en partie à l'aberration chro- matique de l'œil. Van Breda. Eenige ivaarnemingen over de zoogenaamde nabeelden. (Verslagen en mededeelingen der Koningl. Akad. van Wetensch. van Amsterdam, afdceling Naluurkunde, t. V, p. 542.) On peut expliquer l'irradiation en admettant que l'observateur juge plus loin de lui les objets plus lumineux. Tome XLII. 6 42 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1857. Volkmann. Uebcr Irradiation. (Berichle der kônigl. Sachs. Gesellsehaft der Wis- scnsch. t. IX, p. 129.) Un li I noir Irès-fin vu devant un fond blanc par un œil liien accommodé, paraît élargi comme un lil blanc devant un fond noir, etc. 1858. Respighi. Sulla irradiazone oculare. (Mém. de l'Inst. de Bologne, t. IX, p. 515.) L'irradiation est due aux aberrations de sphéricité et de réfrangibililé de l'œil. 1859. Arago. De l'influence des lunettes sur les images. (Mém. inédit, OEuvres complètes, t. XI, p. 505; voir p. 307.) L'auteur, qui employait une lunette à double image, n'a trouvé que des différences insignifiantes entre les diamètres de deux disques égaux, l'un blanc sur fond noir, l'autre noir sur fond blanc, et n'a pas non plus observé de changement en diminuant l'éclat du disque blanc. 1860. Helmholtz. Physiologische Oplik. Leipzig, § 21, n° III. L'irradiation est due aux aberrations de réfrangibililé et de sphéricité de l'œil, et, dans la plupart des cas, à une adaptation inexacte. 1 86 1 . Paye. L'irradiation peut-elle réconcilier V hypothèse des nuages solaires avec les faits observés pendant tes éclipses totales? (Comptes rendus, t. LIf, p. 85.) Réponse négative; discussion. Volkmann. Ueber die Irradiation, ivelche auch bei vollslandiger Accommodation des Auges statt liât. (Bullet. de l'Acad. de Munich, t. II, p. 75.) Même avec une accommodation parfaite, l'image d'un point est représentée sur la rétine par un petit cercle de diffusion ; expériences. Corneliis. Die Théorie des Sehens und ràumlichen Vorstellens , vont pliysikalis- chen, physiologischen und psychologischen Standpunkle aus betrachtel. Halle, 2°" section, chap. III, n°" 206-219. Aubert. Beilràgc zur Physiologie der Netzhaul. (Abliandl. der Sehlesischer Gesell- sehaft, p. 49 , §§ 4-8.) Disparition des petits objets vus indirectement. Secchi. AstronomischelSachrichten, t. LIV, p. 263. Exemples de forte irradiation. 1862. Ai bert. Vntersuchuugen iiber die Sinnesthâligkeilen der Netzhaut. (Ann. de Pog- gendorff, t. CXVI, p. 249.) La disparition des petits objets, lors de la vision indirecte, paraît résulter d'une lutte entre l'action objective et l'excitation subjective de la rétine. 1865. Troiessart. Lettre au rédacteur. (Journ. L'Institut, n° 1563, p. 596.) Observations ultérieures à l'égard de la théorie développée dans l'article de 1854. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 43 1863. J. Plateau. Sur tin phénomène de couleurs juxtaposées. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, 2rac série, t. XVI, p. 1 59.) Rôle probable de l'irradiation dans l'apparence que présente, à une certaine dislance, une bande colorée étroite sur un fond étendu d'une autre couleur. Réponse aux observations présentées par M. Chevreul. (Comptes rendus, t. LV1I, p. 1029.) L'irradiation parait jouer un rôle dans l'apparence que présente, à une distance convenable, une série de bandes étroites alternativement de deux couleurs. Pope. Beilràge zur Optik des Auges. (Arcliiv fur Ophthalmologic, t. IX, Irc partie, p. 41 ; voir p. 60.) L'auteur voit un point lumineux sous la forme d'une croix, et explique par là l'irradiation. Volkmann. Physiologische Vntersuchungen un Gebiete (1er Optik, 1" livr. Leipzig. Voir l'ait. 1857 Volkmann. Modification de l'expérience; intervention de causes psychiques. 1864. Chevreul. Sur la généralité de la loi du contraste simultané; réponse aux observa- tions de il. Plateau. (Comptes rendus, t. LVIII, p. 100.) Difficulté d'arriver à la cause des phénomènes; renvoi à un Mémoire de l'auteur. 1865. Scheffler. Die Physiologische Optik. Brunswick, t. Il, §56. L'irradiation a la même cause que le rayonnement apparent des points lumineux. 1866. Scheffler. Die Statik der Netzhaul vitd die pseudoskopische Ersclteinungen. (Ann. de PoggendorfT, t. CXXVII, p. 105; voir p. 121.) Théorie fondée sur les aberrations de l'œil et sur les déplacements des bâtonnets de la rétine. 1867. Powalky. Discussion nouvelle du passage de Vénus de 1769, en vue de la détermi- nation de la parallaxe solaire. (Connaissance des temps; additions, p. 3; voir p. 2a.) Le ligament noir, dans les passages de Vénus, est du, au moins en partie, à l'irradiation oculaire. 1868. Stone. A rediscussion oflhe observations of the transit of Venus. (Monlhly Notices of the Astron. Soc. of London, t. XXVIII, p. 255.) Idem. Some remarks and suggestions arising from the observations of the transit of Mercury across the sun 's disk. (Ibid., t. XXIX, p. 15.) Les instants des contacts internes réels sont ceux de l'apparition et de la rupture du ligament noir. Remàrks. (Ibid., ibid., p. 47.) Idem. U BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1869. Stone. On some points connectée with the rediscussion of the observations of the transit of Venus, 1769. (Ibid., ibid., p. 236.) Critique de la discussion de Powalky; (voir à 18G7); discussion de l'auteur. Faye. Sur les passages de Vénus et la parallaxe du soleil. (Comptes rendus, t. LXVIII, p. 42.) Influence de l'irradiation. 1873. Le Roux. Sur l'irradiation. (Comptes rendus, t. LXXVI, p. 960.) L'irradiation n'existe pas, pour l'auteur, sur la fovea centralis. Abbott. On the bluck drop in the transit of Venus. (Philos. Magaz., 4me série, t. XLVI, p. 375.) L'instant de l'apparition du ligament noir est celui du contact optique; expériences. 1874. Wolf et André. Recherches sur les apparences singulières qui ont souvent accom- pagné l'observation des contacts de Mercure et de Vénus avec le bord du soleil. (Ann. de l'Observatoire de Paris, Mémoires, t. X, p. B. 1.) L'irradiation oculaire n'a qu'une inDueiice insignifiante quand l'observation est faite avec une bonne lunette parfaitement mise au point Devic. Sur l'observation d'un phénomène analogue au phénomène de la goutte noire. (Comptes rendus, t. LXXIX, p. 96.) Aspect que présente un damier lorsqu'on l'observe en tenant la tète de manière que la ligne des deux yeux soit parallèle aux diagonales des carrés. Forbes. The coming transit of Venus. (Journ. Nature, t.X, p. 28.) Avec une lumière modérée, l'irradiation est un phénomène mental. 1876. André. Sur le passage deVènus du 9 décembre 1874. (Comptes rendus, t. LXXX11, p. 205.) La différence entre les diamètres apparents de Mercure et de Vénus, observés avec une bonne lunette, suivant que ces astres se projettent sur le fond du ciel ou sur le soleil, est due à la diffraction. De la diffraction dans tes instruments d'optique; son influence sur les observatiotis astronomiques. (Journ. de Physique de d'Alméida, t. V, pp. 265 et 504.) L'irradiation est un simple phénomène de diffraction. J. Plateau. Sur les couleurs accidentelles ou subjectives, deuxième Note. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, 2mc série, t. XLII, pp. 535 et 684.) Défense de la théorie de la propagation de l'impression. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII' SIÈCLE, SUIVIE D'UNE BIBLIOGRAPHIE SIMPLE POUR LA PARTIE ÉCOULÉE DU SIÈCLE ACTUEL; PAU J. PLATEAU, MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES, DE L'ACADÉMIE DE BERLIN, ETC. CINQUIEME SECTION. PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. (Présentée a la classe des sciences dans la séance du 7 avril 1877.) Tome XLII. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII» SIÈCLE. CINQUIÈME SECTION. PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. Aristote. Sur les météores, livre III. Chap. III '. La partie du ciel qui borde immédiatement un halo blanc , parait plus noire, à cause de la blancheur de celui-ci. Chap. IV -. Le jaune qu'on voit dans l'arc -en -ciel, n'y est pas en réalité, c'est une apparence qui résulte de la juxtaposition du rouge et du vert 3. Dans les étoffes bigarrées , certaines couleurs varient extrêmement par leur juxtaposition avec telle ou telle autre, par exemple le pourpre placé sur de la laine blanche ou sur de la noire. 1 L'édition que j'ai consultée est celle de Du Val, de Paris, 1039. Le passage dont il s'agit se trouve dans le tome I, p. 8 1 1 . 2 Ibid., même tome, p. SIS. 3 J'ai pris, dans ce curieux passage d'Aristote, tout ce qui était clairement exprimé; il s'étend assez au long sur cette production du jaune par la juxtaposition des autres couleurs, mais cette partie me parait complètement inintelligible. 4 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Aristote. Sur les songes, chap. III l. Un petit feu est offusqué par le voisinage d'un grand. Aristote énonce ce fait, auquel il ajoute qu'une douleur ou un plaisir modéré est effacé par une douleur ou un plaisir très-vif, pour montrer comment les impressions con- servées par les sens, et qui, selon lui, produisent les songes, sont masquées dans la veille pendant que les sens et l'esprit sont en action. (Voyez l'article Aristote, au commencement de la lre section.) Problèmes, sect. 31, probl. 29 -. •Pourquoi, lorsque nous plaçons la main devant une lampe ou le soleil, voyons-nous plus distinctement? Est-ce parce que la lumière de la lampe ou du soleil affaiblit nos yeux par son grand excès, tandis que, lorsqu'elle est arrêtée par la main , elle ne peut plus nuire à la vision, qui se fait alors d'une manière plus complète ? du0iVsiTci'e!e Galien. De l'usage des parties du corps humain, livre X, chap. III. L'auteur, voulant prouver qu'une vive lumière offense la vue, cite, entre autres, les exemples suivants : ceux qui, au grand jour, veulent distinguer quelque chose de loin, tiennent la main ou quelque autre objet opaque au-dessus des yeux contre les sourcils; de l'intérieur d'un puits profond on voit les étoiles en plein jour; une flamme quelconque placée au soleil perd tout son éclat. vers iioo. Alhazen. Optica> thésaurus. Basileae, 1572 3. Lib. 1, cap. II, n° 2. Une vive lumière peut nous empêcher de voir cer- tains objets : ainsi, pendant le jour, nous ne voyons pas les étoiles, à cause de l'éclairement de l'atmosphère. Si nous regardons pendant la nuit un lieu éclairé par le feu et dans lequel se trouvent de petits objets, et si nous nous 1 Édition citée, t. II, p. 104. * Ihid., t. IV, p. 242. : C'est la date de la publication de la traduction latine. L'original est en arabe. DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. S plaçons de manière que le feu soit intermédiaire entre ces objets et nous, ils cesseront d'être visibles. Si alors on cache le feu à notre vue, nous dis- tinguerons aussitôt les objets dont il s'agit, qui disparaîtront de nouveau si on enlève l'écran qui nous dérobait la vue du feu. Lorsqu'un corps poli qui présente des sculptures délicates est exposé au soleil, la vive lumière réfléchie à l'œil par certaines parties de ces sculptures nous cache les autres détails, qui reparaissent dès que le corps est placé dans une lumière modérée. Lit». 1, cap. V, n" 32. L'occultation d'une lumière faible par le voisinage d'une lumière vive, a lieu également pour les couleurs : des points bruns sur un corps blanc paraîtront noirs à cause de l'éclat du blanc, et ces mêmes points paraîtront presque blancs s'ils sont sur un corps très-noir: enfin si le corps n'est ni très-blanc ni très-noir, la couleur des points se montrera telle qu'elle est; de même des points verts sembleront obscurs sur un corps jaune, et, sur un corps noir, ils paraîtront d'une couleur semblable à celle de l'origan. du xv siècle lLionardo da Vinci. Traltalo délia pittura. Paris, 1651. Page 6, cbap. XXVIII. Au soleil couchant, lorsque les nuages se teignent de la couleur de cet astre, les objets blancs paraissent rougeàtres dans leurs parties éclairées, et prennent la couleur de l'air dans leurs parties ombrées, de sorte qu'on les croirait de deux couleurs. Paçe 19, chap. LXXIX. Les reflets en peinture sont jugés plus ou moins clairs selon qu'ils se détachent sur un champ plus ou moins sombre. Si le champ est plus obscur que le reflet, celui-ci sera très-prononcé, à cause de la grande différence des deux teintes; mais si le champ est plus clair que le reflet, celui-ci semblera obscur relativement à la teinte claire qui lui est juxtaposée, et il deviendra insensible. Page 20, chap. LXXXII. L'effet précédent provient de ce que, dans le contraste de deux objets d'inégale obscurité, le moins sombre fait paraître 1 Léonard de Vinci florissait à la fin du XVe siècle; mais son Traité de la peinture n'a été imprimé qu'en 1651. fi BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE l'autre plus foncé; et, dans le contraste de deux objets d'inégale blancheur, le plus blanc fait paraître l'autre moins blanc qu'il n'est. Page 26, chap. XCIX. Pour obtenir un ton très-sombre, placez à côté un blanc très-vif, et réciproquement. Le voisinage d'une couleur peut en rendre une autre plus agréable, comme le vert à l'égard du rouge; ou produire l'effet opposé, comme le vert près du bleu. Page 30, chap. CX. Il peut arriver qu'un lieu éclairé nous paraisse obscur, et que nous n'apercevions aucunement ni les formes ni les couleurs des objets cpii s'y trouvent : c'est ainsi qu'on ne peut rien distinguer à travers les fenêtres d'une maison suffisamment éloignée. Mais si l'on pénètre dans l'intérieur, tous les objets se montrent vivement éclairés. C'est que quand l'œil est placé dans l'air clair, la pupille se contracte, tandis qu'elle se dilate dans un lieu plus sombre !. Page 31, chap. CXII. Une couleur uniforme ne peut paraître telle, que lorsqu'elle est environnée de la même couleur. Cela se voit évidemment lorsque le noir est juxtaposé au blanc : chacun des deux parait plus vif dans le voisinage de l'autre que dans son milieu. Page 37, chap. CXXXIX. Un objet blanc paraît d'autant plus blanc qu'il se projette sur un champ plus obscur, et d'autant plus obscur qu'il se détache sur un champ plus blanc : ainsi la neige qui tombe paraît obscure quand nous la voyons sur le ciel, et d'une vive blancheur quand nous la voyons sur le fond obscur de la fenêtre d'une maison. Page 37, chap. CXL. De plusieurs objets égaux en clarté, celui-là se montrera le moins clair qui sera vu sur un champ plus blanc, et récipro- quement : l'incarnat parait pale sur un fond rouge, et une couleur pâle sem- blera rougcâtre sur un fond jaune. Enfin les couleurs seront jugées diffé- rentes de ce qu'elles sont par l'effet du champ qui les environne. Page 38, chap. CXLVI. Les vêtements noirs font paraître la carnation plus blanche qu'elle n'est, les vêtements blancs la font paraître obscure, les 1 L'effet dont il s'agit s'explique encore assez généralement aujourd'hui par les variations dans la grandeur de la pupille ; mais j'ai cru devoir citer ce passage, parce que l'opposition de l'éclat du mur qui environne les fenêtres observées extérieurement, est pour beaucoup dans le phénomène, s'il n'en est pas la cause principale. DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. 7 vêtements jaunes lui donnent du coloris, et les vêlements rouges la rendent pâle. Page 4-0, chap. CLVI. La lumière du feu teint tous les objets en jaune; mais on ne peut s'en apercevoir que par la comparaison d'autres objets éclai- rés par l'atmosphère. Cette comparaison peut se faire à la fin ou au commen- cement de la journée, ou bien encore lorsque, dans une chambre obscure, un objet reçoit à la fois un rayon de jour et un autre parti de la flamme d'une chandelle. Page 44, chap. CLXII. Pour faire acquérir à une couleur le plus de per- fection possible, il faut la placer dans le voisinage de la couleur directement contraire : ainsi il faut placer le noir avec le blanc, le jaune avec le bleu, le vert avec le rouge. Galilée. Sidereus Nuncius, Florence. (Voyez aussi Opère di Galileo Galilei. Florence, 1718, t. H, p. 16.) Lorsque, peu de temps avant ou après la conjonction, l'on peut observer la partie obscure de la lune, on ne remarque d'abord qu'une périphérie déliée et d'une très-faible clarté, qui en dessine le contour sur le champ obscur du ciel; mais si l'on se place de manière que quelque obstacle éloigné, comme une cheminée, cache aux yeux le croissant lumineux, alors tout le reste du disque parait très-visiblement éclairé. C'est que, dans le pre- mier cas, le voisinage de la partie brillante faisait disparaître la lumière beaucoup plus faible du reste, excepté sur le bord, où elle se montrait davan- tage à cause de la juxtaposition du ciel obscur. Le père D'Aguilloin. Francisci Aguilonii opticorum libri sex. Anvers. Livre I, prop. 61, p. 65. La lumière qui sert à la vision est celle qui est renvoyée à l'œil par les corps non polis; quant à celle qui émane directement du corps lumineux, loin d'être avantageuse à la vision, elle peut lui être très-nuisible dans trois circonstances : 1° lorsqu'elle est éclatante; 2° lors- qu'elle occupe une grande portion de l'espace; 3° lorsqu'elle est voisine de l'oeil. En effet, cette lumière, étrangère offusque celle qui apporte à l'œil les images des objets. Comme exemple de l'avantage qu'il y a à abriter l'œil de cette S BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE même lumière, l'auteur cite entre autres ce fait, que les personnes qui ont les yeux plus profondément placés, ont la vue plus perçante. Livre V, prop. 49, p. 389. L'auteur cherche les raisons pour lesquelles une lumière vive en offusque une autre de moindre intensité, et après avoir, comme Aristote, rattaché ce fait à ce qui a lieu pour les autres sens, il ajoute cette seconde cause : une lumière vive n'éclaire pas seulement la partie de la tunica aranea qui est frappée par les rayons qu'envoie le corps lumi- neux au centre de la vision; mais toute cette membrane en est éclairée, de sorte que les parties de celle-ci sur lesquelles tombent des lumières plus fai- bles, ne les voient pas. Selon l'auteur, c'est la tunica aranea, c'est-à-dire la capsule du cristallin, qui est la partie sentante de l'œil. 1648 Plempius. Ophlhalmographia, sive tractalio de oculo. 2e édition. Louvain, livre IV, publ. 48-51, pp. 165-168 '. La raison pour laquelle la vision est plus distincte lorsque l'œil lui-même est placé dans l'obscurité, c'est qu'il se passe sur la rétine la même chose que sur le papier blanc de la chambre obscure : on sait que, sur ce dernier, les images des objets extérieurs se peignent vives et distinctes si l'on a pris soin d'exclure toute lumière étrangère, tandis que, dans le cas contraire, elles se montrent faibles et comme lavées. C'est ainsi qu'il faut expliquer le fait avancé par Galien, que, du fond d'un puits, on voit les étoiles en plein jour. Du reste, il n'est pas nécessaire pour cela de descendre dans un puits, il suffit d'adapter à l'œil un long tube. A la même cause se rattache encore cet autre fait, que les hommes dont les yeux sont placés profondément ont la vue plus perçante : l'auteur a connu des personnes ainsi conformées, qui, en se couchant sur la terre et en fixant leur attention sur le ciel, pouvaient, sans aucun autre moyen, voir les étoiles en plein jour. 1 Je n'ai eu en main que cette seconde édition, et je la cite senle, parce qu'elle est de l'auteur lui-même qui \ a introduit plusieurs choses nouvelles, de sorte que j'ignore si les mêmes pas- sages existaient dans la première édition. DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. 9 1658. Zahn. Ocidus artificialis teledioplricus , etc. Herbipolis, Fundamentum I, syntagma 2, cap. IX. Plus les couleurs juxtaposées sont différentes, plus elles se montrent vives, parce que les contraires placés l'un près de l'autre paraissent davantage. Lorsqu'on juxtapose par ordre les couleurs simples et celles qui en sont immédiatement composées, il en résulte un ensemble agréable à la vue. On regardait alors comme couleurs simples le blanc, le jaune, le rouge, le bleu et le noir. Cela aura lieu, par exemple, avec les couleurs suivantes : jaune, orangé , rouge et violet placées dans cet ordre. C'est que les couleurs intermé- diaires sont toujours agréables à l'œil, et que l'on procède ainsi d'un inter- médiaire à un autre '. En effet, l'orangé est intermédiaire entre le jaune et le rouge, et ce même rouge est intermédiaire entre l'orangé et le violet. On voit par là que lorsque, dans une peinture quelconque, on veut qu'une couleur se fonde graduellement dans le blanc ou dans le noir, il faudra suivre un certain ordre de teintes. L'auteur a construit pour cela une table dans laquelle on trouve, par exemple, que pour fondre graduellement le vert dans le blanc, il faut juxtaposer les teintes dans l'ordre suivant : vert, jaune, blanc jaunâtre, blanc; et pour passer au noir, au contraire, les teintes doivent être: vert, bleu, bleu noirâtre, noir. Beaucoup de peintres commettent, dans le jeu des lumières et des ombres, de graves erreurs qu'ils évite- raient s'ils se conformaient à ce qui précède. Les couleurs juxtaposées tranclienl d'autant plus l'une à l'égard de l'autre qu'il y a moins d'analogie de composition entre elles : ainsi les couleurs sim- ples tranchent beaucoup, puisqu'elles n'ont rien de commun; le blanc jau- nâtre, l'orangé, le violet et le bleu noirâtre étant juxtaposés, se montrent plus tranchés que si on les plaçait à côté des couleurs dont ils se composent immé- diatement ; enfin le blanc et le noir tranchent plus que toutes les autres couleurs, parce que ce sont les plus éloignées l'une de l'autre, et qu'elles s'excluent mutuellement d'une manière complète. 1 Voici les paroles de l'auteur : Ratio est, quia eum medii colores semper sint graliores, ab imo média nie ad alium proximum ajquè mediautem proceditur. Tome XLII. 2 \0 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE 1C94. De la Hire. Dissertation sur les différents accidents de la vue. Première partie. (Mém. de l'Acad. des Se. de Paris, t. IX, publié en 1730.) § V. L'influence exercée sur une couleur par son entourage, peut causer des erreurs dans l'estimation de la dislance d'un objet; en effet, l'un des élé- ments qui nous sert à juger de cette distance est le plus ou moins d'éclat de la couleur de l'objet ; or cet éclat varie beaucoup suivant que l'entourage est clair ou obscur. §§ XIII et XIV. Les personnes qui ont les humeurs de l'œil colorées, ne peuvent s'apercevoir de cette coloration, à moins qu'elle ne soit très-consi- dérable et ne survienne tout à coup. C'est que ces personnes manquent de points de comparaison. C'est ainsi que lorsqu'on regarde à travers un verre légèrement coloré, en interceptant la lumière qui passerait à côté, on cesse, au bout de fort peu de temps, de voir les objets teints de la couleur du verre; l'expérience réussit mieux encore en tenant d'abord les yeux assez longtemps fermés et ne les ouvrant qu'après avoir placé le verre coloré par-devant. C'est ainsi également que l'on a peine à se persuader qu'on voit tous les objets de couleurs différentes au jour et à la chandelle. Pour pouvoir faire la comparaison de ces deux lumières entre elles, il faut fermer les volets d'une chambre pendant le jour, et y allumer des chandelles ; puis se placer dans un lieu voisin éclairé de la lumière du soleil, et regarder, par l'ouverture de la porte, l'intérieur de la chambre ci-dessus : tous les objets qui s'y trouvent paraîtront teints d'un jaune rougeâlre *. § LXXI. « Il arrive quelquefois qu'après qu'on a lu longtemps au grand soleil, on voit toutes les lettres de couleur rouge fort vive. Cette apparence ne peut venir que du fort ébranlement de la rétine par la réflexion du soleil sur le papier blanc, ce qui fait comme une grande lumière au travers de laquelle on voit le noir des lettres. Ces lettres paraissent rouges par la même cause qui fait que la planète de Mars parait rouge, car son corps lumineux est couvert de plusieurs taches noires. » « Toutes les expériences qui ont été faites sur les couleurs nous prou- vent que les corps noirs un peu transparents paraissent rouges quand ils sont 1 Je cile ces passages parce qu'on s'est servi plus tard de cette propriété de l'œil, pour expli- quer les couleurs accidentelles qui appartiennent à la section actuelle. DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE II exposés contre une grande lumière, et les corps blancs paraissent bleus sur un fond noir. C'est la raison qu'on rend ordinairement de la couleur bleue qui parait au ciel, et c'est aussi celle qu'on peut donner de l'apparence rouge du soleil et de la lune dans l'horizon; car alors leur lumière paraît au travers des corpuscules des vapeurs dont la partie obscure est tournée vers l'œil. Ce sera aussi par la même raison que si l'on regarde longtemps au soleil de l'écriture blanche sur un fond noir, cette écriture paraîtra bleue. » § LXXII. Il y a des physiciens qui pensent que si l'on ne peut voir de l'extérieur les objets placés dans une chambre en regardant à travers la fenêtre, tandis que du dedans on voit fort bien à l'extérieur, cela tient à la différence qui existe entre l'air libre et celui qui se trouve dans la chambre. Cette opinion n'est pas soutenable, et la vraie raison de ce phénomène c'est que, lorsque nous sommes à l'extérieur, les objets fortement éclairés qui nous environnent ébranlent si vivement la rétine, qu'elle ne peut pas l'être sensiblement par ceux qui sont dans la chambre et dont l'éclairement est beaucoup plus faible. 1704. Halley. Optique de Newton, livre I, part. 2, prop. X. Newton rapporte l'observation suivante, qui lui a été communiquée par Halley. Ce dernier était descendu à une grande profondeur dans la mer sous une cloche à plongeur, et la lumière du soleil pénétrait dans celle-ci à travers la masse d'eau et une petite fenêtre de verre. Dans ces conditions, il remarqua que la partie supérieure de sa main, qui recevait ce rayon de soleil, paraissait de couleur rose, tandis que l'eau qu'il voyait au- dessous de lui et la partie inférieure de sa main lui paraissaient vertes. Newton explique cel effet en admettant que l'eau de la mer transmet plus aisément les rayons rouges et réfléchit, par contre, plus aisément les autres; mais cette explication ne peut plus guère être admise aujourd'hui , et l'on doit regarder comme bien probable que le phénomène dont il s'agit est un effet de couleurs accidentelles simultanées. t743. Buffon. Dissertation sur les couleurs accidentelles. (Mém. de l'Acad. des Se. de Paris, volume publié en 1746.) Pages 151 et 152. Lorsqu'on regarde fixement et longtemps une tache rouge sur un fond blanc, on voit naitre autour de celte tache une bordure d'un vert faible. Une tache jaune donne lieu, dans les mêmes circonstances, 1737 M BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE à une bordure d'un bleu pâle; une lâche verte produit une bordure blan- châtre très-légèrement nuancée de pourpre; une tache bleue s'entoure d'une bordure blanchâtre. Page 154.. « En regardant fixement et fort longtemps un quarré d'un rouge vif sur un fond blanc, on voit d'abord naître la petite couronne de vert tendre don! j'ai parlé; ensuite, en continuant à regarder fixement le quarré rouge, on voit le milieu du quarré se décolorer, et les côtés se charger de couleur et former comme un quadre d'un rouge beaucoup plus fort et beau- coup plus foncé que le milieu; ensuite, en s'éloignant un peu et continuant toujours à regarder fixement, on voit le quadre de rouge foncé se partager en deux dans les quatre côtés, et former une croix d'un rouge aussi foncé; le quarré rouge paraît alors comme une fenêtre traversée dans son milieu par une grosse croisée et quatre panneaux blancs, car le quadre de cette espèce de fenêtre est d'un rouge aussi fort que la croisée; continuant toujours à regarder avec opiniâtreté, cette apparence change encore, et tout se réduit à un rectangle d'un rouge si foncé, si fort et si vif, qu'il offusque entière- ment les yeux; ce rectangle est de la même hauteur que le quarré, mais il n'a pas la sixième partie de sa largeur; ce point est le dernier degré de fatigue que l'œil peut supporter.» Les mêmes phénomènes se produisent avec les autres couleurs. L'auteur a fait faire ces expériences à plusieurs per- sonnes, qui ont vu les mêmes apparences '. Voltaire. Essay sur l'histoire générale, et sur les mœurs et l'esprit des nations, chap. CXLII 2. A propos de ce fait rapporté par quelques historiens, que Henri IV jouant aux dés avec le duc de Guise vit, ainsi que les assistants, des gouttes de 1 J'ai rapporté les paroles mêmes de Buffon, parce qu'elles ne me paraissent pas parfaite- ment claires, et que, d'ailleurs, les physiciens qui ont cherché depuis à ohscrver ces appa- rences décroisée et de rectangle étroit, n'ont pu réussir à les faire naître. 2 C'est l'ouvrage qui, dans les OEuvrcs complètes de Voltaire, porte simplement le titre : Essai sur les mœurs cl l'esprit des nations; le passage dont il s'agit s'y trouve au cha- pitre CLXXI. L'ouvrage a paru en premier lieu en 1754. (Voyez la Biographie universelle, article Voltaire), sous le litre : Abrégé d'histoire universelle; mais comme cette première édi- tion était tronquée, et que je n'ai pu me la procurer, j'ignore si le passage en question s'y trouve, et j'ai cité, pour cette raison, l'édition de 1757, que j'ai eue entre les mains. DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. tô sang sur la table, Voltaire suppose que ce sont les points noirs des dés qui parurent rouges : « les points noirs, dit-il, quand ils font un angle donné avec les rayons du soleil, paraissent rouges, c'est ce que tout homme peut éprouver en lisant. » C'est, je pense, la première mention d'un effet de ce genre, effet mal indiqué, du reste, par railleur, et mieux étudie plus lard (voyez l'art. 1771 Beguelin). i76s. Le Père Scherffer. Abhandlung von den zufâlligen Farben. Vienne. (La traduction française de ce Mémoire se trouve dans le Journal de phy- sique de Bozier, année 1785, t. XXVI, pp. 175 et 273.) § XV. Lorsqu'on regarde longtemps un objet blanc sur un fond coloré, le bord de la figure se teint de la couleur accidentelle du fond; ainsi un carré blanc placé sur un fond rouge prend un bord verdàtre; et ainsi des autres. Le même effet se produit si la figure est elle-même colorée : par exemple, si c'est un carré bleu sur un fond vert; seulement alors on dis- lingue moins bien la teinte de ce bord; la couleur accidentelle qui s'y mêle à la couleur réelle du carré étant faible en comparaison de cetle dernière, le bord en question paraît seulement, en général, prendre plus d'éclat. L'au- teur pense qu'il faut chercher la cause de ces phénomènes dans des contrac- tions et extensions de l'image qui se forme sur la rétine lorsqu'on regarde la figure, et qui proviennent des variations dans l'ouverture de la pupille, ou d'aulres causes intérieures à l'œil. En effet, le bord coloré dont il s'agit change continuellement : il est tantôt large, tantôt étroit, il disparait entièrement pour reparaître ensuite, etc. Or s'il arrive que l'image grossisse un peu dans l'œil, son contour empiétera nécessairement sur le fond, et la couleur accidentelle de celui-ci s'y mêlera. L'auteur a essayé inutilement de reproduire les apparences de croisée et de rectangle étroit dont parle Buffon (voyez l'art. Buffon). Il pense que ce dernier se sera fatigué les yeux par ses expériences au point de ne pou- voir plus les tenir assez tranquilles pour que les axes visuels se rencontrent sur le carré coloré. En admettant que ces axes se soient coupés en deçà ou au delà de l'objet, et que, de plus, les yeux aient éprouvé de petits mou- vements qui aient fait changer à l'image sa place sur la rétine, il peut être ii BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE résulté de cette double cause quatre images représentant quatre panneaux de fenêtre avec leur croisée. § XVI. Quand on regarde une figure blanche sur un fond coloré, elle paraît légèrement teinte de la couleur du fond en dedans de sa périphérie. 1771. Beguelin. Sur la source d'une illusion du sens de la vue, qui change le noir en couleur d'écarlate (Nouv. Mém. de l'Àcad. de Berlin, année 1771, volume publié en 1773, p. 8.) Lorsque, ayant le visage tourné vers le soleil, on regarde des caractères noirs sur un papier blanc, en tenant celui-ci verticalement de manière qu'il ne reçoive pas la lumière du soleil, au bout de quelques minutes les carac- tères paraissent du plus bel écarlate. Ce phénomène est dû à la lumière qui pénètre dans l'oeil après avoir traversé les paupières et s'être ainsi colorée en rouge. Celte sensation de rouge n'est pas perceptible aux endroits occupés par le papier blanc, à cause de la quantité trop grande de lumière qu'ils envoient à l'œil; mais elle le devient sur les caractères noirs. Quatre conditions sont nécessaires à la réussite de l'expérience : 1° Il faut que le soleil éclaire les paupières; en effet, si, tandis que l'illusion se manifeste, on place les yeux dans l'ombre à l'aide de la main tenue horizontalement sur le front, les caractères redeviennent subitement noirs. 2° 11 faut que les rayons du soleil ne tombent pas sur le papier; lorsque celui-ci est vivement éclairé, la pupille doit se resserrer considérablement, et la quantité de lumière rouge qui peut pénétrer dans l'œil devient trop faible; c'est sans doute là la cause qui fait alors disparaître l'illusion. 3° Les positions des yeux et du soleil doivent être telles, que la lumière qui a traversé les paupières puisse pénétrer par la pupille; aussi l'expérience ne réussit-elle plus lorsque le soleil est trop élevé sur l'horizon, et même lorsque cet astre est à une hauteur convenable, on peut détruire la sensation rouge en baissant suffisamment les yeux. 1° Il est nécessaire que le soleil ait éclairé les paupières pendant deux minutes au moins; mais, chose singulière, bien que le phénomène se forme gra- duellement et qu'on puisse observer la progression du changement du noir en rouge, la réapparition du noir en abritant les yeux est complètement instantanée. DES PHENOMENES ORDINAIRES DE CONTRASTE. 15 Au lieu d'avoir le soleil en face, l'auteur s'est placé devant un mur blanc qui réfléchissait les rayons solaires sur ses yeux, et les lettres noires ont pris alors une teinte bien marquée de rouge, quoique moins forte que dans les expériences précédentes, Il en conclut comme possible que la lumière de plusieurs bougies suffirait pour produire le phénomène d'une manière sen- sible. L'auteur pense que le phénomène dont il s'est occupé pourrait peut-être servir à expliquer le fait des gouttes de sang que Henri IV vit paraître sur la table ou sur les dés (voir l'article 1757 Voltaire) '. i77C. De Godart. Deuxième Mémoire d'optique, ou recherches sur les couleurs accidentelles. (Journal de physique de Rozier, t. VIII, p. 5.) L'auteur voulant baser une théorie des couleurs accidentelles de succes- sion sur la comparaison des fibres de la rétine avec les cordes sonores, et des couleurs avec les tons de la musique, et cherchant à établir l'échelle des tons de la vision résultant des tensions croissantes des fibres visuelles, rap- porte, entre autres, une observation identique à celle de Begueliu (voyez plus haut); seulement il voit, dans les mêmes circonstances, les lettres devenir d'abord bleues, puis vertes, puis d'un rouge obscur qui s'éclaircit peu à peu et passe à un rouge écarlale de plus en plus éblouissant. Le rouge soumis à la même expérience s'est d'abord terni, puis est devenu d\\n beau rouge doré, puis a passé à une couleur écarlate d'un brillant inexprimable, puis a pâli; mais l'auteur n'a pas osé continuer. Un carton blanc éclairé par le soleil et se projetant sur un fond obscur, paraît, au bout de quelque temps, se garnir d'une bordure pourpre; et si ce carton est percé, l'ouverture se remplit également de cette couleur. C'est que l'impression du blanc du papier est si vive, qu'elle détermine dans les fibres de la rétine un mouvement capable de donner la sensation rouge aux endroits qui ne reçoivent que peu de lumière. 1 J'ai donné l'analyse de cet article de Beguelin, quoique, d'après la théorie de l'auteur, le phénomène en question n'appartiendrait pas aux apparences accidentelles; niais ce phénomène se rattache à une série d'autres faits qui ont reçu des explications différentes, et qui appartien- nent plus directement à ces mêmes apparences (voir l'article suivant). 16 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE La bordure teinte de la nuance accidentelle qui se montre autour d'un objet coloré pendant qu'on le regarde (voyez l'article 1743 Buffon), résulte de la vacillation des yeux ou des mouvements de la tête, qui, dérangeant la vue de dessus l'objet, donnent lieu à un commencement d'image acciden- telle. L'auteur n'a pu parvenir à reproduire l'apparence de croisée dont parle Bulïon, mais il a très-bien vu le cadre et le rectangle; il les explique, bien que d'une manière peu claire, par les mouvements des yeux et de la tête. 1770 De Godart. Troisième Mémoire d'optique, ou suite de celui sur les couleurs accidentelles. (Journal de physique de Rozier, t. VIII, p. 269.) Après avoir lu assez longtemps au soleil de manière que ses rayons don- nent sur le livre, si l'on passe à l'ombre, les lettres paraissent vertes et le papier rougeàtre. Si l'on a lu moins longtemps au soleil, les lettres paraissent ensuite bleues, et le papier jaunâtre. « Si vous avez resté quelque temps au soleil , et que vous baissiez peu à peu le livre que vous tenez à la main, comme pour lire, dès que les rayons solaires commenceront à raser la page, le blanc du papier prendra une teinte rouge; le rouge parait également dans l'ombre que vous faites avec un doigt. » (Voyez, pour la théorie de ces différents pbénomènes, la deuxième sec- tion, à l'article du Mémoire dont il s'agit.) i78i. Kratzenstein. Afhandling om det menneskeliye Oies achromaliske Beskaf- fenhed. {Sur l'achromatisme de l'œil humain.) (Nouvelle collection des iMémoires de la Société royale danoise des sciences, lrepart., p. 131. Lopenbague.) Cbaque couleur imprime aux fibres nerveuses de la rétine un mouvement vibratoire, dont la vitesse nous donne la notion de cette couleur, de même que la vitesse des vibrations des nerfs auditifs nous renseigne sur les sons. Pendant la contemplation prolongée d'un objet rouge sur un fond blanc, on DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. 17 voit naître, on le sait, autour de cet objet un bord de couleur verte; un objet jaune donne un bord bleu; etc. L'explication probable de ces faits est la suivante : on ne peut douter que les fibres nerveuses, dès qu'elles sont mises directement en vibration par la lumière colorée émanée de l'objet, ne com- muniquent une partie de leur mouvement aux fibres voisines; mais ce mou- vement communiqué doit s'affaiblir et se ralentir à mesure qu'il se propage plus loin de son origine, d'où résulte, au bord de l'image colorée dans l'œil, un ensemble de couleurs prismatiques, lesquelles sont mélangées à cause du peu d'espace où les mouvements se propagent. Aussi lorsque l'image princi- pale est rouge, et produit, par exemple, 1000 vibrations par seconde dans les nerfs, les fibres voisines exécuteront, dans le même temps, 900, 800, 700 vibrations, et fourniront par ordre le jaune, le vert, le bleu, dont le mélange formera le bord vert. Si l'objet est jaune , il suit de la lenteur rela- tive des mouvements communiqués, que, sur le bord, il y aura un mélange de vert, de bleu et de violet, ce qui produira un bord bleu, etc. Un objet blanc sur un fond noir montre un bord plus noir que le fond; c'est que la vive lumière émanée d'un Ici objet imprime aux fibres de la rétine un mou- vement énergique qui les fatigue et diminue la sensibilité aussi bien de celles qui reçoivent le mouvement par simple communication latérale, que de celles qui sont directement excitées; le long du bord de l'image, la rétine est donc devenue moins sensible aux faibles rayons émanés du fond noir, d'où le bord plus noir que ce fond. Un objet noir sur un fond blanc s'en- toure d'un bord plus blanc que le fond, et cela par les raisons contraires. Darwin (Robert- Waring). New expérimenté on the ocular spectra of light and colours. (Philos. Transact., t. LXXVI, part. 2, p. 313.) Page 336. Si l'on regarde des deux yeux la muraille peinte d'une ebambre, en armant l'un des yeux d'un tube opaque d'environ deux pieds de longueur et d'un pouce de diamètre, la partie du mur vue à travers le tube paraît comme éclairée par le soleil comparativement au reste. De là l'avantage d'employer un tube obscur pour regarder des tableaux un peu éloignés. Tomk XLII. 18 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Pages 345-347. L'auteur, partant du fait observé par lui, que, lorsque deux couleurs voisines sont opposées Tune à l'autre, comme le rouge et le vert, les spectres inverses qu'elles produisent sont les plus brillants (voyez l'article Darwin dans la 2e section), conseille l'application de ce fait aux livres imprimés en petits caractères, aux petites graduations des thermomètres ou des cadrans, qui sont destinés à être vus d'une certaine distance; si ces carac- tères sont orangés sur un fond indigo, rouges sur un fond vert, etc., ils paraî- tront beaucoup plus distincts que s'ils étaient blancs ou noirs. En effet, le spectre inverse du caractère étant de la même couleur que le fond, la mobilité de l'œil ne produira point de lignes colorées sur les bords de ces caractères, lignes qui sont la principale cause de la vision confuse de ces petits objets. La beauté des couleurs voisines dont les spectres inverses sont réciproque- ment semblables à chacune d'entre elles, résulte de cette plus grande facilité que l'œil éprouve à les voir distinctement, et il est probable que, dans l'or- gane de l'ouïe, une circonstance analogue constitue le plaisir que nous pro- cure la mélodie. 1789. Monge. Mémoire sur quelques phénomènes de la vision. (Ann. de chimie, t. III, p. 131.) Lorsqu'on regarde à travers un verre rouge, les objets rouges et les objets blancs paraissent blancs les uns et les autres, au lieu de paraître rouges comme il semble qu'on devrait s'y attendre. Cette illusion est d'autant plus frappante que les objets sont plus éclairés, qu'ils sont plus nombreux, et qu'il y en a parmi eux un plus grand nombre qu'on sait être naturellement blancs. L'auteur possède un verre jaune, au travers duquel le papier teint en jaune avec de la gomme-gutte paraît aussi absolument blanc. Il semble que le phénomène analogue doit avoir lieu avec des verres de toute autre couleur, c'est-à-dire que quand le verre ne laisse passer que des rayons homogènes d'une certaine couleur, les corps qui ne réfléchissent que des rayons de cette couleur devraient paraître blancs. Cependant des verres bleus, verts et violets qui ont été essayés, n'ont pas présenté de semblables résultats, ce qui provient probablement de ce que ces couleurs peuvent être produites de plusieurs manières, savoir par des rayons homogènes, ou par DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE. 19 le mélange de rayons différents. Par exemple, il pourrait arriver que le verre ne laissât passer que des rayons violets homogènes, tandis que le corps violet qu'on regarderait au travers devrait sa couleur à un mélange de rouge et de bleu, ou réciproquement. L'illusion ci-dessus parait devoir conduire à celte conclusion que, dans le jugement que nous portons sur les couleurs, il entre, pour ainsi dire, quelque chose de moral, et que nous ne sommes pas déterminés uniquement par la nature absolue des rayons que les corps réfléchissent, puisque l'im- pression que produit un même rayon, donne, selon les circonstances, la sen- sation du rouge ou celle du blanc. Il est probable que nous sommes déter- minés plutôt par la relation de quelques-unes des affections des rayons de lumière, que par les affections elles-mêmes considérées d'une manière absolue. Faits à l'appui : Si, pendant le crépuscule du malin, le ciel étant serein, on produit une ombre bleue sur une feuille de papier blanc à l'aide d'une bougie allumée, et qu'on vienne à éteindre subitement la bougie, la feuille entière se trouve dans le même cas où était auparavant la partie ombrée, c'est-à-dire qu'elle ne reçoit que la lumière bleue de l'atmosphère, et cependant ce papier, au lieu de paraître bleu, paraît blanc. Lorsque l'intérieur d'un appartement n'est éclairé que par la lumière du soleil transmise au travers d'un rideau rouge, et que ce rideau est percé d'un trou de deux ou trois lignes de diamètre par lequel la lumière directe peut s'introduire, si l'on reçoit ce faisceau de lumière blanche sur un papier blanc, la partie du papier qu'il éclaire, au lieu de paraître blanche, parait d'un très-beau vert, Réciproquement, si, dans les mêmes circonstances, le rideau est vert, l'image du soleil sur le papier parait d'un très-beau rouge. Cette observation a été communiquée à l'auteur par Meusnier. On pourrait peut-être expliquer ces différentes illusions par les considéra- tions suivantes. Tous les objets colorés envoient à l'œil, outre des rayons de leur couleur propre, une plus ou moins grande quantité de lumière blanche; cette quantité varie avec l'obliquité des surfaces, et contribue à nous faire juger de cette obliquité, et par conséquent des enfoncements et des saillies 20 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE que présentent les objets. Or, lorsque, par exemple, on regarde à travers un verre rouge, la lumière blanche envoyée en plus ou moins grande quantité par les différentes parties des surfaces colorées, est décomposée, et il n'en arrive à l'œil que la partie qui correspond à la couleur du verre; ces rayons sont donc alors les seuls qui, par leur nombre, déterminent notre jugement sur l'obliquité des surfaces ; ils exercent conséquemment, dans la vision, la fonction que nous sommes accoutumés à voir exercer aux rayons de lumière blanche; et comme cela a lieu d'une manière uniforme pour tous les objets que nous avons alors sous les yeux, nous sommes entraînés, pour ainsi dire, par la multitude des témoignages, et nous sommes forcés de prendre cette lumière pour de la lumière blanche. Aussi l'illusion n'a-t-elle jamais lieu lorsque le nombre des objets que l'on peut apercevoir au travers du verre rouge est peu considérable, ni lorsque les objets sont plus colorés : par exemple, si le verre rouge est placé à l'extrémité d'un tube, un objet isolé soit blanc, soit rouge, est vu rouge à travers ce système, et non plus blanc. Dans l'expérience de Meusnier, la multitude des objets que nous aperce- vons dans l'appartement nous forçant à prendre pour de la lumière blanche la lumière colorée renvoyée par tous les points des surfaces de ces objets, la lumière blanche elle-même renvoyée par la petite image du soleil, doit nous paraître d'une autre couleur, puisqu'elle excite en nous une sensation différente. i78o. Meusnier. (Voyez l'article précédent.) i79i. Le Gentil. Mémoire sur la couleur qu'affectent les objets peints eu rouge ou en jaune, lorsqu'on les regarde à travers des verres rouges ou jaunes. (Ann. de chimie, t. X, p. 225.) L'auteur décrit une série d'expériences qui lui ont donné des résultats tout différents de ceux qu'avait observés Monge (Voyez ci-dessus à l'art. 1789, Monge.) Il a regardé à travers des verres rouges un carton blanc exposé au soleil, et portant quatre cercles rouges colorés respectivement avec du minium, du vermillon, du carmin et de la laque, un cinquième orangé coloré avec un DES PHÉNOMÈNES ORDINAIRES DE CONTRASTE 21 mélange de gomme-gutte et d'orpin doré, él aussi un sixième jaune coloré avec la gomme-gutte seule. Or, le carton lui parut décidément rouge, quoique d'un rouge pale, et ce rouge sembla même augmenter jusqu'à un certain point, en regardant le carton plus longtemps. Quant aux cercles rouges, orangé et jaune, ils se montrèrent aussi d'un rouge plus ou moins affaibli selon leur nature respective, mais plus foncé que le carton. Le carmin et la laque paraissaient les plus rouges. Une bande de carton blanc ayant été peinte avec du minium sur la moitié de sa largeur, de manière à présenter deux bandes juxtaposées l'une blanche et l'autre rouge, fut disposée de telle sorte, que la moitié de sa lon- gueur était vue par l'œil gauche à travers un verre rouge, et que l'autre moitié était vue par l'œil droit sans verre intermédiaire. Cette dernière paraissait blanche et rouge, comme cela devait être, mais l'autre paraissait rouge, et à peu près de la même teinte sur ses deux parties. Si les teintes rouges se montrent affaiblies dans les expériences rappor- tées plus haut, cela tient sans doute à la faiblesse de la lumière envoyée par les objets. C'est en effet ce que prouvent des essais faits sur des objets blancs et rouges plus éclatants : ainsi l'image blanche du soleil réfléchie par une surface polie de verre ou de métal et regardée à travers un verre rouge, parait très-rouge, et il en est de même de l'image rouge de cet astre que l'on peut obtenir par la réflexion sur un morceau de verre enfumé ; dans ce dernier cas, le verre rouge ajoute même à la vivacité de la couleur de l'image. On arrive à des résultats analogues en regardant successivement, à travers un verre rouge, des images du soleil plus ou moins éclatantes formées au foyer de différentes lentilles et reçues sur un carton blanc, et aussi en regardant des objets à l'aide d'une lunette dont l'objectif est rouge. La nature du verre rouge a quelque influence sur les résultats : par exemple, dans un mélange de groseilles rouges et blanches exposé au soleil, l'auteur distinguait bien mieux les premières d'avec les secondes à travers certains verres qu'à travers d'autres. 22 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PHÉNOMÈNES etc. Enfin Fauteur, en regardant le jaune de gomme-gutte à travers un verre jaune, l'a vu absolument jaune de citron. J'ai donné l'analyse de ce Mémoire, quoiqu'il n'y soit pas question de phénomènes subjectifs proprement dits, à cause de sa relation avec le Mémoire de Monge et avec la théorie du contraste. 1796. Voigt. Beobachtungen und Versuche iiber farbiges Licht, Farben und ihre Mischung. (Journ. de Gren, t. III, p. 235.) Si Ton a plusieurs disques circulaires partagés en secleurs diversement colorés, et tels que les couleurs uniformes résultant respectivement de leur rotation rapide soient différentes; que ces disques aient des diamètres iné- gaux, qu'on les superpose sur un même axe par ordre de grandeur décrois- sante, de façon qu'il reste une zone libre de chacun d'eux; enfin qu'on fasse tourner rapidement leur ensemble, les teintes uniformes des zones se montrent notablement modifiées par leur influence mutuelle. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE POUR LE SIÈCLE ACTUEL, JUSQU'A LA FIN DE 1876. 1801. Anonyme. Supplément à la ô'n0 édition de l'Encyclopœdia Britannica, l. I, p. 444, article Accidentai coloitrs; voir p. 446. Le liséré qui se montre autour de l'objet coloré contemplé, est dû à une dilatation de la pupille. 1805. Himly. Einiges ùber die Polaritàt der Farben. (Ophlhalmologische Biblioth., (. I, 2me partie, p. 1 ; voir p. 11.) Inversion subite de la teinte subjective qui entoure un objet coloré posé sur un fond blanc, dès qu'on enlève cet objet. 1804. Troxler. Prceliminarien zur Physiulogischen Oplik. (Ibid., t. II, 2mc parlie, p. 54, et 5rac partie, p. 1 ; voir spécialement p. 48.) 1805 (an xiii). Prieur de la Côte-d'Or. Extrait d'u n Mémoire ayant pour titre: Considé- rations sur (es couleurs et sur plusieurs de leurs apparences singulières. (Ami. de chimie de Paris, t. LIV, p. 5.) Quand deux couleurs composées sont voisines, chacune d'elles parait perdre une certaine quan- tité de l'autre. Teinte apparente d'une bande étroite de papier blanc appliquée sur un champ coloré translucide. 1806. Laplace Voir Haûy, Traité élémentaire de physique, 2mc édition, t. II, p. 271. Une petite bande blanche sur un Tond coloré parait de la teinte complémentaire, parce que les rayons de même couleur que le fond et qui entrent dans la composition du blanc ue la petite bande, sont comme attirés par l'image de ce tond. 1807. Th. Young. A course of lectures on natural pltilosopliy, t. I, p. 455. Lorsqu'une portion de la rétine est excitée par une couleur, les portions environnantes perdent de leur sensibilité pour cette couleur. 24 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1810. Goethe. Zur Farbenlehre, I. 1, pp. 14, 23 à 26 et 54, 35. Lorsqu'une portion seulement Je la rétine reçoit une sensation de clarté, d'obscurité ou de couleur, celte sensation appelle dans son voisinage la sensation opposée, alin que l'œil éprouve un sentiment de totalité. 1811. Van Breda. Thèses philosophicœ inaugurales. Leyde, thèse III. Idée théorique. De Grottiii'ss. Ueber die zufâlligen Farben des Schattens, und ùber Newtons Far- benlheorie. (Journ. de Schweigger, t. III, p. 148.) Extension de la théorie de Scherffer sur les phénomènes de succession (voira 176'j dans la 2rae section) au contraste des couleurs; expérience curieuse. 1815. Béer. Bas Auge, oder Versuch das edelste Geschenk der Schôpfung vor der hochst verderblichen Einflûssen unsers Zeitalters zusichern. Vienne, pp. 1 à 8. 1820. Mumcke. Ueber subjective Farben und gefàrbte Scliatlen. (Journ. de Schweigger, t. XXX, p. 74.) Images d'un petit objet réfléchies sur la face antérieure et sur la postérieure d'un verre coloré épais. — La couleur bleue du ciel est de nature subjective. 1821. Vallée. Traité de la Science du dessin. Paris, livre IV, chap. V, VI et VII, et note XIV.) Explication, par la théorie de Monge (voir à 1789), des couleurs des nuages; défense de cette théorie; application des effets de contraste au lavis. 1825. Anonyme. Notice sur la dixième session de la Société helvétique des sciences natu- relles réunie à .Soleure. (Biblioth. univers., I. XXIX, Sciences et arls, 1'° note de la page 520.) Phénomène curieux de contraste. Purkinje. Beobachtungen und Versuche zur Physiologie der Sinne, t. II : Ncue Beitràge zur Kenntniss des Sehens in subjectiver Hinsic/it. Berlin, p. 106. Auréoles subjectives. 1826. Tu. Smith. Account of a singular phenomenon in vision. (Edinb. Journ. of Sciences, lr0 série, t. V, p. 52.) Apparence d'une bande de papier blanc vue en doublant l'image, lorsque l'un des yeux est éclairé latéralement. 1828. Chevreul. Mémoire sur l'influence que deux couleurs peuvent avoir l'une sur l'autre, quand on les voit simultanément. (Mém. de l'Acad. des Sciences de Paris, 1852.) A chacune des deux couleurs s'ajoute la complémentaire de l'autre. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 25 1830. Lehot. Nouvelle explication des couleurs accidentelles. (Ann. des Sciences d'obser- vation de Saigcy et Raspail, t. III, p. 529.) La bordure complémentaire qui accompagne la contemplation d'un objet coloré, est due aux petits mouvements des yeux ou de la lète. Tourtual. Ueberdie Erscheinungen des Schatlens und deren physiologische Bedin- gungen nebst Bemerkungen ùber die wechselseitigen Verhàltnisse der Farben. Berlin. Hiort. De Functione retinœ. Christiania, 2m0 partie1; voir, en particulier, les §§ 7, 8, 54 et 5o. Chaque couleur tend à être expulsée de la rétine par son opposée; quand celle-ci ne peut rem- placer la première, elle se produit alentour; de là les halos dans les jeux fermés. 1831. Geugonne. Essai théorique stir les couleurs accidentelles. (Ann. de Malhém. pures et appliquées de Gergonne, t. XXI, p. 284.) Application de la théorie de Scherffer à un effet de contraste. Brewster. A (réalise on Optics. (Lardner's Cabinet cyclopœdia), p. 309 de la 2ra0 édition, publiée en 1835. Les couleurs de contraste sont, en quelque sorte, les harmoniques de celles qui les provoquent. 1832. Arago. Notices scientifiques : Des comètes en général et en particulier. (Annuaire du bureau des longitudes, p. 1S6; voir p. 249.) La couleur bleue ou verte que présentait le soleil à travers le brouillard extraordinaire de 1831, n'était peut-être qu'un effet de contraste. Brewster. On the undulations excited in the retina by the action ofluminous points and Unes. (Philos. Magaz., 3m0 série, t. I, p. 169; voir p. 171.) Remarques sur l'expérience de Th. Smith (voir à 1826); l'action d'une vive lumière sur une portion de la rétine diminue la sensibilité des autres portions, surtout pour le rouge. Th. Smith. Investigation of certain remarkable and unexplained phenomena of vision, in ivhich they are traced to funclional actions of the brain. (Ibid., ibid., pp. 249 et 345.) Voir l'art, de 1826, développements. Necker. Observations on some remarkable oplical phenomena seen in Svritzerland; and on an oplical phenomenon which occurs on viewing a figure ofa cristal or geometricul solid. (Ibid., ibid., p. 329; voir p. 555.) Changements de couleur que présentent le sommet du Mont-Blanc et ceux des montagnes voisines au coucher du soleil. ' La première partie a été publiée en 1826; elle n'a trait qu'indirectement aux phénomènes subjectifs. Tome XLII. 4 26 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1833. J. Plateau. Sur le phénomène des couleurs accidentelles. (Ann. de Chim. et de Phys. de Paris, t. LUI, p 586.) Principe des oscillations suivant l'espace. Sur les couleurs accidentelles. (Traité de la lumière de J. Herschel, tra- duit par Verhulst et Quetelet, supplément, p. 490.) Idem. J. Herschel. A trealise on Astronomy. Londres. (Voir Bibliolh. univ., t. LIV, partie scientifique, p. 1 S4.) Dans plusieurs étoiles doubles, la couleur de la plus petite parait être simplement due au contraste avec celle de la plus grande. Brewster. Observations on t lie action of lightupon the relina,ioilh an examination of Ihe phenomena described by M' Smith of Fochabers. (Philos. Magaz., nouvelle série, t. II, p. 168.) Réfutation de l'opinion de Smith (voir l'art. 1S32 Smith). Osann. Beschreibung einer einfachen Vorrichlunrj zur Hervorbringang sogenannter complementarer Farben, und Naclnceisung dass die hiermil hervorge- brachlen Farben objectiver Natur sind. (Ann. de Poggendorff, t. XXVII, p. 694.) Petit disque blanc sur fond coloré, vu par réflexion sur une plaque de verre à travers une ouver- ture dont on s'éloigne graduellement jusqu'à ce qu'on n'aperçoive plus que le petit disque. 1834. Gherard. De visionequœduobus simul ocuiis vel alierutro tantum exercetur; item de nonnullis prœstantibus phœnomenis visionis quœ fit ope vilrorum colora- torum, deque coloribus quos vocanl accidentâtes eorumque theoria. (Novi Comment. Acad. Scient. Institua Bononiensis, t. I, p. 549; voir p. 562.) 1835. Tomlinson. On the accidentai colours of certain solutions on mercury. (Thomson's Records of gênerai science, t. I, p. 459.) Couche de liquide coloré sur une couche de mercure; les deux images des objets réfléchis sont de teintes complémentaires. On accidentai and complemenlary colours (Ibid., t. II, p. 21.) Variâmes de la même expérience. 1856. Tomlinson. A theory of accidentai and complemenlary colours. (Thomson's Records of gênerai science, t. IV, p. 208.) Surface blanche regardée à travers un tube de papier coloré; etc. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 27 1837. J. Plateau. Réponse aux objections publiées contre une théorie générale des appa- rences visuelles dues à la contemplation des objets colorés. (Corresp. math, et phys. de Quetelet, t. IX, p. 97.) Pourquoi, lorsqu'on contemple pendant longtemps un objet placé sur un fond blanc ou coloré, cet objet semble se recouvrir, avec plus ou moins d'intensité, de la teinte du fond. 1838. Fechner. Ueber die subjecliven Complementarfarben. (Ann. de Poggendorff, t.XLIV, p. 221.) Réfutation de l'opinion d'Osann (voir l'article 1833 Osann). — Nécessité d'un certain rapport d'éclat pour la production d'une teinte de contraste intense. Idem, 2rae et 3me partie. (Ibid., ibid., p. 515; voir p. 530.) Les images accidentelles sont entourées d'une auréole complémentaire; etc. Dove. Versuche ùber subjective Complementarfarben. (Ibid., t. XLV, p. 158.) Ombres étroites projetées sur les faces antérieure et postérieure d'un verre coloré posé sur un miroir métallique. 1839. Chevreil. De la loi du contraste simultané des couleurs. Paris. Applications; voir 1828 Chevreul. Szokalski. Essai sur les sensations des couleurs dans l'état physiologique et patho- logique de l'œil. Annales d'Oculistique, t. II, pp. 11, 37, 77 et 165; voir p. 165.) Tendance de l'organe à compléter sa fonction pour l'espace, comme pour le temps (voir l'article Szokalski dans la 2me section). Forbes. The colours of the atmosphère considered ivith référence to a previous paper. (Transact. de la Soc. Roy. d'Edimbourg, t. XIV, 1840, p. 375; voir p. 381.) Conjecture relative à l'expérience de Muncke sur la couleur bleue du ciel (voir l'article 1820 Muncke). 1840. Fechner. Ueber die subjecliven Nachbilder und Nebenbilder. (Ann. de Poggendorff, t. L, 4me partie, p. 453, et 5mo partie, p. 445.) Lors de la contemplation prolongée, à la clarté du soleil, d'un objet coloré posé sur fond blanc, le fond paraît se teindre graduellement de la couleur de l'objet, etc. Tourtual. Bericht ûber die Leislungen im Gebiele der Physiologie der Sinne, im Besondern des Gesichtssinnes. (Archives de Moller, p. I; voir p. LXXXI.) Changement apparent d'éclat du milieu et des bords d'un petit objet coloré, placé sur un fond noir ou blanc, etc. 28 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1841. Schaffgotsch. Ueber einige Apparale fur subjective Farbenersclieinungen. (Ann. de Poggendorff, t. L1V, p. 193.) Le noir ne se colore point par contraste; une cerlaine quantité de lumière blanche est nécessaire. Les couleurs de contraste sont dues aux oscillations du regard. 1842. Arago. Remarques sur la communication de M. de Vico. (Comptes rendus, t. XV, p. 750.) L'invisibilité d'un objet peu lumineux dans le voisinage d'un objet éclatant paraît tenir à ce que la lumière de ce dernier est diffusée par les Dbres de la cornée. 1844. Tourtual. Beobachlungen iiber den Einfluss des undeutliclien Seltens au f die Ent- slehung subjectiver Farben. (Medicinisches Correspondenzblatt rheinischer und westfàlischer Aerzte, t. III, p. 123.) Selwyn et Brewster. A notice explaining the catise of an oplical phenomenon. (Rapp. de l'Assoc. Britann., 2me partie, p. 8.) Apparence blanchâtre aux intersections de barres noires sur fond blanc. 1845. J. (J. R.). Phenomena produced by the juxtaposition of certain colours in certain circums tances. (London Polytechnic Magaz., t. II, p. 171.) 1847. Ragona. Su taluni fenomeni che presentano i cristalli colorati. (Raccolta fisica-chi- mica ital., t. II, p. 207. Venise.) Images de deux dessins noirs sur fonds blancs, observés simultanément, l'un par réflexion sur une plaque de verre coloré, l'autre par transmission à travers celte même plaque, etc. Dove. Ueber Darstellung des Weiss ans Complementarfarben, und iiber die oplischen Erscheinungen, welche in rotirenden Polarisationsapparaten zich zeigen. (Ann. de Poggendorff, t. LXXI, p. 97; voir le n° 5 de ce Mémoire.) Courbe lumineuse colorée subjectivement sur un kaléidophone. 1851. Meyer. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. VII, p. 454.) Vision simultanée à travers deux tubes noircis dont l'un est fermé par un diaphragme percé d'une petite ouverture. Brùcke. (Ibid., ibid., p. 455.) Considérations théoriques sur l'apparence observée dans le cas ci-dessus. Untersuchungen iiber subjective Farben. ( Ann. de Poggendorff, t. LXXXIV, p. 418.) Théorie de l'expérience de Smith (voir l'art. 1832 Smith). — Petit disque noir devant un grand verre coloré fermant une ouverture du volet d'une chambre obscure : la teinte apparente de ce disque est, suivant la couleur du verre, complémentaire de celle-ci, ou à peu près de même nature; etc. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 29 1852. Béer. Ueber (las ûberzâhlige Rolh im Farbenbogen der totalen Reflexion. (Ibid., t. LXXXV1I, p. 113.) Confirmalion de l'opinion d'Herschel, que ce rouge est du au conlrasle. 1854. Seguin. Recherches sur les couleurs accidentelles. (Ann. de chim. et de phys. de Paris, t. XLI, p. 413; voir p. 420.) Auréoles complémentaires autour des images accidentelles. Image accidentelle d'un objet blanc ou noir posé sur un fond coloré, etc. Czermak. Physiologische Sludien, lre parlie. (Bullct. de l'Acad. de Vienne, t. XII, p. 322; voir p. 364 : Eine Modification des Scfieiner'schen Versuches.) Légère coloration complémentaire de l'espace circulaire vu à travers l'un des petits trous quand l'autre est recouvert d'un verre coloré. 1855. Meyeu. Ueber Contrast oder Complemenlarfarben. (Ann. de Poggendorff, t. XCV, p. 170.) Moyen de voir nettement la couleur de contraste sur une large bande de papier blanc posée sur un fond coloré. Ueber den die Flamme eines Lichts umgebenden Hof, etc. (Ibid., t. XCVI, p. 255; voir spécialement p. 261.) Hypothèse sur la cause de la diminution de sensibilité de la rétine près de l'image d'un objet très-lumineux. Czermak. Physiologische Studien, 2mc partie. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. XV, p. 425; voir p. 457 : Eine Modification eines Scheiner'schen Versuches.) Appareil perfectionné (voir l'article 1854 Czermak). 1857. Chevreul. Explication de la zone brune des feuilles du géranium zonale. (Comptes rendus, t. XLV, p. 397.) Le ton rougeâtre de cette zone est dû au contraste. Melsens. Recherches sur la persistance des impressions de la rétine. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, 2me série, t. III, p. 214; voir p. 235.) Coloration complémentaire à l'intérieur de l'image subjective d'un anneau lumineux. Ragona. Su taluni nuovi fenomeni di colorazione soggettiva. (Atti délia Accad. di Scienze e Lettere di Palermo, t. III, 1859.) Voir l'art. 1847 Ragona. Paalzow. Ueber subjective Farben und die Entstehung des Glanzes. (Bullet. de l'Acad. de Berlin, p. 390.) Production de l'éclat au moyen des teintes de contraste. 30 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 1858. Fournet. Note sur certaines colorations de la lune et du soleil. (Comptes rendus, t. XL VU, p. 189.) Colorations dues au contraste avec le fond ou les nuages environnants. 1859. Aiugo. Mesures de Saturne et de son anneau. (OEuvres complètes, t. XI, p. 590; voir p. 402.) L'auteur pense que la cause de la disparition d'objets faiblement éclairés dans le voisinage d'un objet éclatant provient d'une diffusion de la lumière par les petites irrégularités de struc- ture de la cornée. 18G0. Chevreul. Remarques sur une question relative à la loi du contraste simultané des couleurs. (Comptes rendus, t. LI, p. 448.) Dans les expériences analogues à celles de Beguelin (voir l'art. 1771 Beguelin), on observe toujours un effet de contraste simultané. Goodchild. Trocheidoscope. (Practical Mechanical Journal, n° d'Avril, p. 4.) Helmholtz. Physiologische Optik. Leipzig, §§ 24 et 52. Les couleurs de contraste paraissent être dues à une simple erreur du jugement. Ueber Contras terscheinung en im Auge. (Verhandlungen des Naturhisto- risch-Medicinischen Vereins zu Heidelberg, t. II, 1859-62, p. 52.) Idem. Osann. Ueber Ergànzungsfarben. (Wurzburg Naturwissenschaftliche Zeitschrift, p. 61.) Fechner. Ueber einige Verhàltnisse des binocularen Sehens. (Abhandl. der math, phys. Classe der Sâchsischen Gesellschaft, t. V, 1861, p. 557; voir p. 545.) Expérience du genre de celle de Th. Smith (voir à 1826). Ueber die Contrastempfindung. (Berichte ùber die Verhandlungen der Kôniglich sâchsischen Gesellschaft der Wisscnschaften , zu Leipzig, p. 71.) Faits et considérations tendant à établir que les ellels du contraste simultané ne sont pas dus seulement à une erreur du jugement. Einige Bemerkungen gegen die Abhandlung Prof. Osann 's : Ueber Ergàn- zungsfarben. (Ibid., p. 146.) Les couleurs de contraste sont bien de nature subjective; expériences. Zoli.ner. Ueber eine neue Beziehung der Relina zu den Bewegungen der Iris. (Ann. de Poggendorff, t. CXI, p. 481.) Élude des apparences qui se montrent lorsque l'un des yeux est éclairé et l'autre dans l'ombre ; etc. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 51 1860. Zôllneu. Nachtrag zncler Abhandlung : Ueber cine neue Deziehung' der Relina, etc. (Ibid., ibid., p. 660.) L'auleur ignorait les travaux antérieurs sur la même matière. 1861. Laurence. Some observations on the sensibilily of the eye !o colour. (Philos. Magaz., &m° série, t. XXII, p. 220.) Idée théorique. Rose. Présentations of colour prodnced under novel conditions. (Rapp. de l'Assoc. britann., 2mc partie, p. 32.) Disque tournant blanc à figures noires éclairé à la fois par la lumière du jour affaiblie et par une lumière artificielle intermittente. Dove. Ueber binocular Sehen, und subjective Farben. (Ànn. de PoggcndorIT, t. CXIV, p. 163.) Aspect curieux d'un échiquier vu obliquement par réflexion dans un miroir en verre de couleur. Superposition partielle de deux images colorées l'une objectivement, l'autre subjectivement par contraste. Fechner. Ueber den seillichen Fenster-und Kerzenversuch. (Bcrichteùbcr die Ver- handlungen der Kônigl. Sachsisch. Gesellsch. der Wissensch. zu Leipzig, t. XIII, p. 27.) Réfutation de l'opinion de Zôllner (voir à 1860); doutes sur l'explication de Brewster (voir à 1853); celle de Brucke doit être préférée (voira 1851,1e 2e article de Briicke). Cornélius. Die Théorie des Sehens undrâumlichen Vorstellens,vom pliysikalischen, physiologisclien uud psychologischen Standpunkte ans betraclttct. Halle, 2mo section, chap. IV, N0' 526-530. 1862. Aurert. Untersuchungen ûber die Sinneslhàtigkeiten der Nelzliaut. (Ann. de Pog- gendorff, t. CXV, p. 87; voir p. 108; et t. CXVI, p. 249; voir p. 259.) Fait qui prouve que les effets de contraste se produisent sans qu'il y ait mouvement des jeux; etc. 1863. J. Plateau. Sur un phénomène de couleurs juxtaposées. (Bullct. de TAcad. de Bel- gique, 2mo série, t. XVI, p. 159.) Bande colorée étroite sur un fond étendu d'une autre couleur. Chevreul. Nouvelles expériences sur le principe du contraste simultané des couleurs et de leur mélange, en réponse à un Mémoire de M. Plateau Sur un phénomène de couleurs juxtaposées. (Comptes rendus, t. LVII, p. 713.) Les résultats des expériences de J. Plateau dépendent d'un principe autre que celui du contraste simultané. 32 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 1865. J. Plateau. Réponse aux observations présentées par M. C/ievreul. (Ibid., ibid., p. 1029.) Dans le cas d'une série de bandes étroites parallèles alternativement de deux couleurs, le phéno- mène opposé au contraste se manifeste déjà à une distance où les bandes sont encore parfai- ment distinctes. Bur.ckiiar.dt. Ueber Contras tfarben. (Ann. de Poggendorff, t. CXVIII, p. 303; voir p. 308.) Tache noire sur fond blanc observée d'un œil à travers un verre coloré taudis que l'autre œil est fermé, et tandis qu'il est ouvert et qu'on double l'image. 1864. Chevreul. Sur la généralité de la loi du contraste simultané, réponse aux obser- vations de M. Plateau. (Comptes rendus, t. LVIII, p. 100.) Difficulté d'arriver à la cause des phénomènes; renvoi à un Mémoire de l'auteur. 1865. Burckhardt. Die Contrastfarben im Nachbilde. (Ann. de Poggendorff, t. CXX1X, 1866, p. 529.) Teinte de l'image accidentelle d'un petit objet incolore ou coloré placé sur un fond coloré. Brùcke. Ueber Ergdnzungs-und Contrastfarben. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LI, 2m0 partie, p. 461.) Les teintes de contraste semblent n'être pas toujours complémentaires de celles qui les pro- voquent; recherches à ce sujet. Mach. Ueber die Wirkung der ràumlichen Verlheilung des Lichtreizes auf die Netzhaut. (Ibid., t. LU, p. 303.) L'inteusité de l'excitation d'un point de la rétine dépend en partie des excitations des points environnants. Scheffler. Die Physiologische Optik. Brunswick, t. II, §§41, 65, 66 et 67. 1866. Mach. Ueber den physiologischen Effecl ràumlich ver limiter Lichlreize, 2m° et 3'no Mémoire. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LIV, 2ra0 partie, pp. 131 et 393.) Voir 186a Mach. 1867. Chevreul. Observations sur divers phénomènes de vision, à propos d'une commu- nication de M. Decharme. (Comptes rendus, t. LXV, p. 612.) Pour qu'une auréole complémentaire se montre nettement autour d'un objet coloré, il faut que la surface environnante envoie une lumière blanche modérée. IIollett. Ueber die Aenderung der Farben durch den Conlrast. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LV, 2m0 partie, p. 344.) Anneaux de papiers colorés posés sur des fonds colorés étendus. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 33 1867. Hollett. Zur Lehre von den Conlrastfarben und dem Abklhujen der Farben. (Ibid., ibid., p. 424.) Grande plaque de verre coloré ayant en son milieu un disque opaque, et appliquée au volet de la chambre obscure ; contemplation de courte durée, succession de couleurs dans les yeux fermés et couverts. Zur Physiologie der Conlrastfarben. (Ibitl., ibid., p. 741.) Dépendance entre l'intensité de la teinte de contraste et l'éclat du champ sur lequel elle se déve- loppe; expériences. 1868. Brain. Photographies de feuillage, et couleurs de contraste. (Journ. Les Mondes, 2™ série, t. XVII, p. 62.) Couleurs de contraste dans l'image d'une fenêtre produite dans la chambre obscure, lorsque la moitié de l'objectif est recouverte d'un verre coloré. Mach. Ueber die physiologische Wirkung raumlich verlhviller Lichtreize, imQ Mé- moire. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LVII, 2m0 partie, p. 11.) Les différents points de la rétine exercent les uns sur les autres une action mutuelle. Ueber die Abhdngigkeit der Nelzhautstellen von einander. (Vicrteljahres- schrift fur Psychiatrie.) Loi du contraste d'intensité; elle s'applique aussi au contraste des couleurs. 1869. Benson. Contrast and admixlure of colors. (Scientific American, t. XX, p. 257.) Voir l'article Benson dans la 2mc section. 1870. Okely. Concomitant sounds and colours. (Journ. Nature, t. I, p. 557.) Accords de couleurs déduits des accords musicaux. Hermann. Eine Erscheinung simultanen Contrastes. (Archives de Pflûger, 3™ année, p. 13.) Apparence inverse de celle observée par Sehvyn et Brewster (voir à 1844). 1871. Dubr.unf.uit. Sur quelques particularités des perceptions visiielles objectives et sub- jectives. (Comptes rendus, t. LXXIII, p. 752.) L'auréole complémentaire autour d'un objet coloré n'est que le prolongement de l'image acci- dentelle de cet objet, image qui est formée pendant la contemplation même. Ward. Optical phenomenon. (Journ. Nature, t. IV, p. 68.) Phénomène analogue à celui décrit par Smith (voir à 1832). Becker. Zur Lehre von den subjectiven Farbenerscheinungen. (Ann. de Poggen- dorff, Supplément, t. Y, p. 305.) Les phénomènes de contraste ne sont pas dus à une simple erreur du jugement. Tome XLI1. S 34 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1871. Dove. Ueber die snbjecliven Farben an den Doppelbildern farbiger Glasplatten. (Bullet. de l'Acad. de Berlin, p. 151.) Expériences qui montrent que la teinte subjective de l'une des images est complémentaire de la teinte objective de Vautre. 1872. Hemng. Zur Lehre vom Lichtsinne, lre communication : Ueber successive Lichlin- duclion. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LXVI, ome partie, p. 5.) Expériences qui prouvent que les auréoles ne sont pas dues à la lumière intérieure et à la fatigue. DvoÙÀk. Ueber Analoga der pers'onlichen Di/ferenz zwischen beiden Augen und den Netzhautslellen desselbeu Auges. (Bullet. de la Soc. Boy. de Prague, séance du 8 mars.) 1 875. Bagona. Su laluni fenomeni di colorazione soggelliva. (Mém. de l'Acad. de Modène, t. XIV, p. 7.) Voir les art. 1847 et 1837 Ragona; récréation optique. Valliionesta y Vendhell. Clasificacion y contraste de los colores segun el S' Che- vreul. Barcelone. Voir l'article 1839 Clievreul. Hering. Zur Lettre vom Lichtsinne, 2me communication, §§ 8 à 11 : Ueber simulta- nen Lichtcontrast. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LXVIII, 5rae partie, p. 186.) Expériences qui prouvent que l'effet du contraste n'est pas du à une simple erreur du jugement. 1874. Knobel. Mars. (Journ. Nature, t. IX, p. 385.) Effet de contraste sur la planète Mars. Von Bezold. Die Farbenlehre im Hinblick auf Kunst und Kunslgewerbe. (Voir : Ibid., t. X, p. 221.) Contient un chapitre sur le contraste des couleurs. Heiung. Zur Lehre vom Lichtsinne, 5mc communication : Grundzûge einer Théorie des Lichtsinnes. (Bullet. de l'Acad. de Vienne, t. LXIX, omc partie, p. 179.) Les effets du conlrasle entre le blanc et le noir résultent d'une modification réelle des parties correspondantes de la rétine (voir l'art, de 1875). Zur Lehre vom Lichtsinne, 6me communication : Grundzûge einer Théorie des Farbensinnes. (Ibid., t. LXX, 5me partie, 1875, p. 1G9.) Idem pour le contraste des couleurs. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 35 1875. Chbvbecl. Études des procédés de l'esprit humain dans la recherche de F inconnu, à l'aide de l'observation et de l'expérience, etc. Deuxième Mémoire : L'enseignement devant l'élude de la vision et de la loi du contraste simul- tané des couleurs. (Comptes rendus, t. LXXX, p. 693.) Élude philosophique de la question. Stilling. Beitràge zur Lehre von den Farbenempfindungen. (Ausserordentlichcs Beilageheft zu den Klinischen Monatsblàltern fur Augenheilkunde XIIIe année.) Arguments contre l'opinion de Helmhollz ( voir à 1860). 1876. J. Plateau. Sur les couleurs accidentelles ou subjectives, deuxième Note. (Bullet. de l'Acad. de Belgique, 2mc série, t. XLII, pp. 555 et 684.) Les teintes de contraste sont dues à ce que la réaction de la rétine se propage au delà de l'image de l'objet. Haiu'suohne. On some disputed points in physiological Optics. (Proceedings of the American philos. Society, t. XVI, p. 218; voir p. 221.) Les teintes de contraste sont un phénomène d'interférence. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JUSQU'A LA FIN DU XVIII* SIÈCLE, SUIVIE D'UNE BIBLIOGRAPHIE SIMPLE POUR LA PARTIE ÉCOULÉE DU SIÈCLE ACTUEL; PAU J. PLATEAU, MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROÏALK DE BELGIQUE, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES, DE L'ACADÉMIE DE BERLIN, ETC. SIXIÈME SECTION. OMBRES COLORÉES. Présentée à la classe des sciences dans la séance du 7 avril 1877.) Tome XLU. BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE DES PRINCIPAUX PHÉNOMÈNES SUBJECTIFS DE LA VISION, DEPUIS LES TEMPS ANCIENS JL'SQU A LA FIN DU XVIII- SIÈCLE. SIXIEME SECTION. OMBRES COLORÉES. Findu xv sièdc>. Lionardo da Vinci. TruUalo délia pittura , Paris, 1651. Page 6, chap. XXVIII. Au soleil couchant, lorsque les nuages se teignent de la couleur de cet astre, les objets blancs paraissent rougeâtres dans leurs parties éclairées, et prennent la couleur de l'air dans leurs parties ombrées, de sorte qu'on les croirait de deux couleurs. Page 40, chap. CLV. Quand un objet blanc est placé dans une vaste cam- pagne, toutes les ombres qui se produisent sur lui sont azurées. C'est que toute la partie de l'objet qui reçoit à la fois la lumière du soleil et celle de l'atmosphère, doit participer de la couleur du soleil et de celle de l'air, tandis que la partie sur laquelle la lumière du soleil est interceptée, ne peut parti- ciper que de la couleur seule de l'air. Page 40, chap. CLVI. La lumière du feu teint tous les objets en jaune, (') Léonard de Vinci florissait à la fin du XVe siècle, niais son traité de la peinture n'a clé publié qu'en 1654. 4 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE mais on ne s'en aperçoit que par la comparaison avec d'autres objets éclai- rés par l'atmosphère. Cette comparaison peut se faire à la fin ou au commen- cement de la journée, ou bien encore lorsque, dans une chambre obscure, un objet reçoit en même temps un rayon de jour et un rayon provenant de la flamme d'une chandelle. Page 98, chap. CCCXXVIII. Les ombres des corps produites sur un mur blanc par la lumière rougeâtre du soleil couchant , sont toujours bleues. Même raison que dans le chap. CLV. i67i'. Daniel Major. De vive Cœruleâ. (Miscellanea curiosa medico-physica Acad. Nalurse Curiosor. Anni MDCLXXII, pp. 11 et 12. Le volume a été publié en 1673.) La neige, qui nous semble simplement blanche, renvoie cependant à nos yeux la couleur bleue du ciel. On s'en assure au moyen de l'expérience suivante : par une journée d'hiver, lorsque le ciel est serein et que les objets extérieurs sont couverts de neige, on reçoit l'image de ces objets, à l'aide d'une lentille, dans une chambre obscure. Alors toutes les parties de la neige qui sont éclairées directement par le soleil se montrent blanches dans celte image; mais toutes celles qui sont dans l'ombre paraissent d'un bleu de saphir. A l'air libre, la grande quantité de lumière étrangère qui arrive à l'œil de tous côtés, empêche d'apercevoir cette teinte bleue. 1672. Otto de Guericke. Expérimenta nova Magdeburgica de vacuo spalio. Amsterdam, lib. IV, cap. XII, p. 142. La couleur bleue des parties élevées de l'atmosphère est formée de blanc et de noir : à la hauteur où cesse l'existence des vapeurs aqueuses et où conséquemment l'air devient pur, le blanc finit et le noir commence, car cet air pur transmet la lumière sans la réfléchir; or la couleur bleue existe entre le noir et le blanc, comme on le voit en mettant en contact une goutte de lait et une goutte d'encre; à l'endroit de leur jonction, elles produisent une couleur bleue. C'est ainsi que pendant le crépuscule du matin on peut produire une ombre tout à fait bleue sur un papier blanc ; il suffit de placer, entre ce 1 Date de la lettre qui renferme l'observation. DES OMBRES COLOREES. 5 papier et une chandelle allumée, le doigt ou quelque autre objet opaque; l'ombre qu'il projettera sur le papier, au lieu d'être noire, sera parfaitement bleue '. 1745. Buffon. Dissertation sur les couleurs accidentelles. (Mém. de l'Acad. des se. de Paris, année 1743, volume publié en 1746.) Pages 457 et 158. L'auteur, qui ignore que l'observation des ombres colorées au lever et au coucher du soleil a été faite avant lui, rapporte celte observation comme nouvelle; il a vu les ombres tantôt bleues, tantôt vertes, et il est en effet le premier qui ait observé ces dernières. I7S2*. Melvill. Observations on light and colours. (Essays and observations phy- sical and literary , t. II, Edimbourg, 1770, p. 83.) Pour vous convaincre que, dans des circonstances convenables, la cou- leur bleue de l'atmosphère peut se voir sur les corps qu'elle éclaire, exposez aux rayons du soleil, dans un jour serein, une feuille de papier blanc sur laquelle vous placerez un corps opaque; l'ombre de ce corps paraîtra très- sensiblement bleuâtre, comparée avec le reste du papier qui reçoit les rayons directs du soleil. i7i>2. Mazeas. Observations sur les couleurs engendrées par le frottement des surfaces planes et transparentes. (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1752, volume publié en 1754.) Page 260. La lumière de la lune, et celle d'une bougie placée à 6 pieds 1 Comme la liaison entre cette expérience et les idées précédemment émises ne me parait pas très-claire, je rapporterai ici le passage original : Cœruleus color in superiori aëris parte, orilur ex nigro et albu; ubi enim aër, à rarissimis aquosis humoribus desinit tel omninà punis fil, ibi déficit album, et incipit nigrum (ille namque punis aër absque repérai ssione vel resplendescenlià lacent et lumen libéré trans- mitlit, ergo niger, id est sine omni colore appuret). In medio autem nigri et albi cœruleus color existil, sicut gutta lactis et gutta atramenti ad invicem positœ; in loco conjunctionis inter medio, cceruleum efjîciunt colorent ; sic potest manè, tempore crepusculi , umbra plané cœrulea in chartà albà produci , quandô nimiriim inter supposilam charlam et accensam candelam digitus, vel aliud quid, ita tenettir ut umbram super chartam projiciat, tune umbra ista non nigra, sed perfecté cœrulea apparebit. 2 C'est la date de la lecture du Mémoire. 6 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE de distance d'un mur blanc, allaient toutes les deux frapper un corps opaque, qui n'était éloigné du mur que d'un pied. Ces deux lumières produisaient ainsi deux ombres du même corps; or l'ombre que déterminait la lune, et qui était éclairée par la bougie, se montrait rouge, et celle que faisait naître la bougie, et qui recevait la lumière de la lune, était bleue. L'auteur essaie l'explication suivante : « Les couleurs qui sont ici produites par l'affaiblissement de la lumière, me paraissent devoir être regardées comme une conséquence de l'action des corps sur cette même lumière; suivant qu'elle sera plus ou moins forte, elle sera plus ou moins attirée par le corps opaque, et par conséquent les rayons d'une espèce se sépareront des autres, et nous donneront par conséquent la sensation des couleurs qu'elles doivent nous imprimer par leur nature. » 1754 et 1753. Millot. Cité par Buffon, dans Y Introduction à l'histoire des minéraux, partie expérimentale (voyez l'art. 1773 Buffon). Les faits observés par l'abbé Millot sont renfermés dans deux lettres qu'il écrivit à Buffon en août 1754 et en février 1755. Ce n'est pas seulement au lever et au coucher du soleil que les ombres se colorent : l'auteur a obtenu à midi des ombres d'un fort beau bleu en rece- vant, par une fenêtre, la lumière venant d'une ouverture que laissaient entre eux les nuages. Les nuages s'étant joints, le bleu disparut. Sur la muraille d'une galerie de la maison qu'il habitait, muraille qui recevait à la fois la lumière de deux fenêtres, l'une au midi, l'autre au cou- chant, l'auteur a vu se former des ombres colorées presque à toute heure du jour, mais surtout vers dix heures du matin. Quand la lumière était tel- lement ménagée que les ombres projetées par les deux fenêtres étaient éga- lement prononcées, celle qui était opposée à la fenêtre de l'ouest était bleue et violette, l'autre tantôt verte, tantôt jaunâtre; celle-ci était accompagnée d'une espèce de pénombre, formant d'un côté une bordure bleue, et de l'autre une bordure verte, rouge ou jaune, selon l'intensité de la lumière. L'auteur a vu souvent l'azur du ciel se peindre, comme dans un miroir, sur une muraille où la lumière tombait obliquement. DES OMBRES COLOREES. 7 17G| Eberhard. Commenlalio de colore aëris. (Nova acla Academiae naturse curio- sorum, appendice au t. II.) Page 265, § VIII. L'auteur a éclairé, comme l'avait fait Mazeas, une surface blanche par les lumières combinées de la lune et d'une chandelle; mais ce qu'il y a de particulier dans son expérience, c'est qu'il a fait en sorte que les ombres se recouvrissent en partie, et il remarque (pie celte partie commune était noire. L'auteur avait placé sans doute la chandelle à une distance de la surface éclairée trop petite pour qu'il vit distinctement la couleur des deux ombres, car il n'a bien vu que celle que produisait la chandelle, et qui lui a paru parfaitement bleue; l'autre, dit-il, était pâle. Il rapporte cette expérience, avec d'autres d'un genre différent, pour prouver que la sensation du bleu peut être excitée en nous par un mélange en proportions convenables, de lumière blanche avec du noir. Il attribue donc à ce mélange la couleur bleue des ombres. Otto de Guericke (voyez à la date 1672) l'avait fait avant lui; mais Eberhard prétend, de plus, que si, dans ce mélange, la quantité de lumière blanche varie, le résultat devra présenter des couleurs différentes; el, pour appuyer celte opinion, il cite entre autres l'expérience suivante : Page 270, § XI. Le 6 novembre à 7 heures du matin, par un ciel serein, l'ombre d'un corps opaque placé à la distance de trois doigts, paraissait ver- dàtre; à la distance d'un doigt, elle se montrait bleue, et en la regardant de plus près, on la voyait parfaitement noire. Un quart d'heure après, la cou- leur verte s'effaça peu à peu et l'ombre parut simplement de la couleur bleue du ciel. I7G4. ^Epinus. Observationes quœdam ad opticam pertinentes. (Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 2e série, t. X, p. 292.) Quand, au crépuscule du matin ou du soir, on projette une ombre sur du papier blanc à l'aide d'une chandelle allumée, cette ombre est toujours d'un très-beau bleu, que le ciel soit serein ou non. Si on la projette sur une surface jaune, elle devient d'un beau vert. L'auteur a observé quelquefois les ombres vertes produites par le soleil couchant, quoiqu'elles fussent reçues sur une surface blanche; mais alors 8 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE l'air était parsemé de nuages teints de couleur rouge ou plutôt orangée; d'où il est difficile de douter, selon lui, que la couleur verte des ombres n'ait été le résultat du mélange de leur couleur bleue avec les rayons jaunes réfléchis par les nuages. L'auteur explique comme Léonard de Vinci (voyez à ce nom) les ombres bleues au lever et au coucher du soleil, et il fait dépendre de la même cause celles que produit une chandelle, en remarquant l'analogie de couleur entre la lumière de cette chandelle et celle du soleil à l'horizon. Ne peut-on pas conclure de là que la lumière du jour est bleue par elle- même? Cela serait hors de doute, si l'on pouvait comprendre comment il se fait qu'un objet blanc éclairé par la seule lumière du jour ne paraît pas bleu. 1763 Le Père Scherffer. Abhandlung von clen zufàlligen Farben. Vienne. (Ce Mémoire a été traduit en français par Bernouilli, et inséré dans le Journal de physique de Rozier, année 1785, t. XXVI, p. 175.) § 1. Les ombres colorées prouvent que la lumière du jour est bleue. On peut obtenir des ombres bleues en plein midi, et non-seulement par un ciel serein, mais aussi par un ciel couvert. Pour cela, on produit une ombre double à l'aide de la lumière du jour modérée par des rideaux et de celle d'une chandelle. L'ombre produite par la chandelle paraît bleue, et l'autre paraît jaune. Ainsi la lumière que nous renvoie l'atmosphère, même par un ciel couvert, est bleue; quant à l'ombre jaune, sa couleur provient évidem- ment de ce qu'elle est éclairée par la lumière jaune de la chandelle. 17G7. Beguelin. Mémoire sur les ombres colorées. (Mémoires de l'Acad. de Berlin, p. 27.) L'ombre n'étant qu'une négation de lumière, elle ne peut avoir de couleur par elle-même; si donc elle se montre colorée, ce ne peut être que parce qu'elle reçoit de quelque part une certaine quantité de lumière colorée. L'auteur part de là pour exposer, comme la plupart des auteurs qui pré- cèdent, et avec beaucoup de développements, la même théorie que Léonard de Vinci. Mais pourquoi les ombres ne sont-elles bleues qu'au lever et au coucher DES OMBRES COLOREES. 9 du soleil, puisque l'air envoie des rayons bleus à toute heure du jour? C'est qu'en plein jour, la lumière trop vive du soleil qui environne l'ombre nous empêche de percevoir cette faible sensation de lumière bleue. L'auteur rap- porte, à l'appui de ces explications, les expériences suivantes : Se trouvant en rase campagne, dans l'après-midi, à une heure où le soleil était encore élevé de quatre degrés au-dessus de l'horizon, et ayant reçu sur le papier blanc de ses tablettes l'ombre de son doigt, celle-ci lui parut d'un gris obscur tant qu'il tenait le papier verticalement opposé au soleil; mais lorsqu'il le couchait de telle manière que les rayons solaires le rasaient très-obliquement, le papier éclairé prenait une teinte bleuâtre, et l'ombre du doigt parais- sait d'un beau bleu clair. Un quart d'heure après, l'ombre commença à se montrer bleue lorsque les rayons solaires éclairaient perpendiculairement le papier; mais la couleur était plus vive quand les rayons tombaient sous une inclinaison de 45 degrés. Même à une moindre inclinaison du papier, l'ombre du doigt tenu horizontalement présentait une bordure plus bleue à sa limite qui regardait le ciel, et une bordure rouge à la limite qui était tournée vers la terre. Pour voir les bordures, il faut que le corps opaque soit très-près du papier; plus il en est voisin, plus la bordure rouge est sensible; à la distance de trois pouces, toute l'ombre est bleue. La bordure rouge, ou plutôt jaune rougeâlre, résulte très-probablement de l'interception des rayons bleus réfléchis par le ciel : de même que l'intercep- tion de la lumière solaire laisse voir dans l'ombre la clarté bleue de la lumière du ciel, de même l'interception de cette dernière ne laisse voir que la clarté jaune rougeàtre produite ou par les rayons du soleil levant et couchant, ou par le simple reflet des corps terrestres circonvoisins. C'est à cause de cela que celte bordure ne paraît que pour une très-petite dislance du corps opaque à la surface qui reçoit l'ombre. Lorsque l'auteur tournait ses tablettes vers la terre tapissée de verdure, mais de manière que le soleil pût éclairer le papier et y projeter des ombres, celles-ci ne se montraient jamais bleues ou vertes, sous quelque obliquité des rayons que ce fût. Lorsque le soleil ne fut plus élevé que d'environ deux degrés, les ombres étaient d'un très-beau bleu , même quand les rayons tombaient perpendicu- Tome XLII. 2 10 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Iairement sur !e papier; la couleur semblait s'embellir encore quand on incli- nait le papier d'environ 45 degrés; mais au delà de cette inclinaison, la colo- ration de l'ombre allait en diminuant, et lorsque les tablettes étaient tournées horizontalement vers le ciel, l'ombre n'était plus ou presque plus colorée : c'est qu'alors il y a trop peu de différence entre la partie éclairée du papier et celle qui est dans l'ombre, de sorte que la perception des rayons bleus n'est presque pas plus sensible sur la seconde que sur la première. L'auteur n'a jamais vu d'ombres vertes que lorsqu'il recevait l'ombre bleue sur une surface jaune; il pense que les ombres vertes observées par Buffon tenaient à la couleur jaune rougeâtre qu'avait alors le ciel vers le couchant, et que c'était probablement de la combinaison de cette couleur avec le bleu envoyé par d'autres parties de l'atmosphère que résultait la couleur verte. Peut-être aussi provenait-elle du reflet occasionné par un treillage qui n'était qu'à trois pieds de la muraille. L'auteur n'a cependant jamais observé ce reflet auquel il s'attendait de la part de la verdure voisine d'un mur exposé au soleil couchant. L'auteur a observé une fois des ombres bleues à trois heures après-midi, dans le mois de juillet; mais c'est que le ciel était enveloppé d'un léger brouil- lard qui affaiblissait la lumière du soleil. Les ombres produites par le soleil couchant commencent à être bleues, lorsque la hauteur de l'astre n'est plus que de 7"8\ Cette observation a été faite au commencement d'août; peut-être le résultat serait-il différent en d'autres saisons. Outre les ombres bleues dont il s'agit dans ce qui précède, et qui sont produites par l'interception des rayons directs du soleil, on peut en observer de semblables presque à toutes les heures du jour, dans un appartement qui ne reçoit la lumière solaire qu'après sa réflexion sur quelque corps blanc, sur un mur, par exemple; il suffit pour cela que, de l'endroit sur lequel ou fait tomber l'ombre, on découvre quelque partie du ciel serein. Même lorsque le soleil éclaire directement l'appartement, on pourra encore obtenir des ombres bleues à loutes les heures du jour, en affaiblissant convenable- ment la lumière solaire à l'aide de rideaux, et l'on pourra se convaincre que la couleur bleue disparaît précisément aux endroits d'où l'œil ne peut plus apercevoir aucune partie du ciel. DES OMBRES COLORÉES. H L'auteur, après avoir rapporté aussi l'observation connue des ombres bleues produites au crépuscule du matin par la lumière d'une bougie, remarque que, dans tous les endroits où la lumière du jour ne pénétrait pas et qui ne recevaient que celle de la bougie, ainsi que dans tous ceux où celte dernière lumière n'arrivait pas et qui n'étaient éclairés que par le jour nais- sant, les ombres étaient parfaitement exemptes de coloration. On ne peut adopter la théorie de Mazeas (voyez à la date 1752) : com- ment cette théorie expliquera-t-elle pourquoi le même degré de lumière étant exposé à l'action du môme corps opaque, produit tantôt une ombre bleue, tantôt une ombre ordinaire? Pourquoi aussi, dans l'observation de Mazeas, le môme corps opaque ne sépare-t-il que des rayons bleus de l'un des corps lumineux, et des rayons rouges de l'autre? L'auteur explique d'après ses propres idées les faits dont il s'agit. 1775' Bergmann. Physikalischc Beschreibung der Erdkugel, t. II, p. 20. (L'ouvrage original est en suédois.) Au lever et au coucher du soleil, les corps opaques produisent très-près d'eux une ombre noire; reçue à un pouce de distance, cette ombre est bleue, et plus loin elle est verte. 1775. Buffon. Introduction à lliisloire des minéraux, partie expérimentale 2. Les ombres ne paraissent jamais vertes, au lever ou au coucher du soleil, que quand l'horizon est chargé de beaucoup de vapeurs rouges. L'auteur expose la même théorie que Beguelin, dont il ne parle pas (voyez à la date 1767). i77c. De Godart. Troisième Mémoire d'optique, ou suite de celui sur les couleurs accidentelles. (Journal de physique de Rozier, t. VIII, p. 270.) Les ombres bleues ou vertes qui se produisent au coucher du soleil, peuvent dépendre de ce que l'œil s'est fixé pendant quelque temps sur le ciel jaunâtre 1 C'est la date de la publication de l'original. 2 L'édition des œuvres de BuITon que j'ai consultée, est de 1824, et le passage dont il s'agit se trouve dans le tome V, p. 588. 12 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE ou rougeâlre du couchant, avant de regarder les ombres, de sorte que celles-ci se revêtent alors de la couleur accidentelle correspondante à cette lumière colorée; ou bien encore les rayons du soleil couchant donnant dans les yeux, montent la rétine au ton bleu ou au ton vert, et cette couleur paraît alors dans les ombres, comme elle paraît sur les lettres, lorsqu'on lit au soleil (voyez, dans la deuxième section, les analyses relatives aux deuxième et troisième Mémoires de De Godart). « Il arrive quelquefois que les ombres restent vertes ou bleues pendant près d'une demi-heure, et qu'elles se montrent telles sans que l'œil ait été tourné vers le ciel. »> « Dans ces cas, le soleil se trouve dans un horizon si fortement teint de rouge et de jaune, qu'il colore la muraille blanche à l'opposite, et la couleur de celle-ci se communiquant à la rétine, le blanc de la portion ombrée excite alors la couleur accidentelle qui lui compète, c'est-à-dire que l'ombre est verte si la muraille est rouge, et bleue si elle est teinte en jaune, parce que blanc sur rouge donne vert, et blanc sur jaune donne bleu. » 1778. Moxgez. Observations sur une décomposition de lumière faussement appelée ombres bleues. (Journal de physique de Rozier, t. XII, p. 127.) L'auteur partant du fait déjà indiqué par ^Epinus (voyez à la date 1764), mais qu'il ne connaissait pas, savoir qu'à l'aide de la lumière d'une bougie on peut obtenir des ombres colorées lorsque le ciel est entièrement couvert, attaque la théorie qui attribue les ombres bleues à la couleur de l'atmo- sphère. Il a fait ses expériences en hiver, près d'une fenêtre située au Nord- Ouest. Sur 61 jours d'observation, il a vu trois fois les ombres sensiblement vertes lorsqu'elles s'évanouissaient à l'approche d'un trop grand jour, et ces trois fois le ciel était absolument couvert. Mais il pouvait produire des ombres tirant beaucoup sur le vert, en allumant plusieurs bougies à la fois, et en faisant l'expérience plus longtemps après le lever du soleil. La seconde ombre, celle qui était produite par le jour et éclairée par la bougie, se montrait plus ou moins rouge, variant selon la position du corps opaque par rapport aux deux lumières, depuis le lilas tendre, jusqu'à un DES OMBRES COLOREES. 15 rouge sale et obscur. Plus le bleu de la première ombre augmentait, plus le rouge de la seconde diminuait, et vice versa. Les ombres bleues se combinent avec les autres couleurs. En recevant ces ombres sur des surfaces colorées, ou en les faisant tomber sur des taffetas colorés et les observant de l'autre côté, on reconnaît que l'ombre devient verte avec le jaune, violette avec le rouge, etc. L'auteur conclut de ses expériences « que cette ombre bleue est une vraie couleur, un vrai rayon lumineux bleu, puisqu'il peut procréer différentes couleurs par son mélange avec d'autres couleurs. Enfin que les ombres, au moins les ombres colorées, ne sont, ou qu'une décomposition de la lumière, ou que la lumière elle-même très-affaiblie et n'ayant pas assez d'activité pour paraître avec tout son éclat. » 178-2. H. F. T. Observations sur les ombres colorées. Paris. Première partie. De ce qui est nécessaire pour avoir des ombres colorées (pp. 6-12). Deux choses sont nécessaires à la production des ombres colorées : la première, c'est qu'il y ail deux lumières, et la seconde, qu'il y ait entre ces deux lumières un certain équilibre, un certain rapport de clarté. En effet, quant à la première condition, une seule ombre n'étant qu'une privation de lumière, elle ne peut être que noire, tant qu'elle n'est point éclairée d'une autre lumière d'où elle puisse tirer sa couleur. Ainsi, une chandelle allumée dans une chambre obscure et sans feu ne donne que des ombres noires; mais il n'en est pas toujours de même lorsqu'un feu y brûle, ou qu'on y allume une deuxième chandelle. La clarté de la lune produit, lorsqu'elle est seule, des ombres noires; mais, si on la combine avec celle d'une bougie, les ombres qui en résultent sont colorées, etc. Quant à la seconde condition, une ombre produite par une trop grande clarté et éclairée d'une trop faible, est toujours noire. C'est pour celte raison que les ombres dues à la lumière directe du soleil, ne sont ordinairement colorées que pendant un petit espace de temps après le lever et avant le coucher de l'astre. 14 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Les différentes nuances des couleurs des ombres dépendent aussi de celte proportion relative des lumières. D'un autre côté, une ombre produite par une trop faible clarté et éclairée par une trop forte, disparait; ainsi la clarté d'une chandelle n'est pas suffisante pour produire une ombre en plein soleil. Deuxième partie. Des différents moyens de produire des ombres colorées, et de leurs diverses couleurs (pp. 13-16). Les ombres colorées se présentent dans une foule de circonstances, elles sont presque aussi communes que les ombres noires; il y en a de toutes couleurs, de jaunes, de rouges, de violettes, de bleues, de vertes. Chapitre I. Des ombres colorées produites par la lumière directe du soleil (pp. 16-38). Pour que l'ombre produite par le soleil levant ou couchant soit d'un beau bleu, il faut tenir le corps opaque assez près de la surface blanche; plus on l'en éloigne, plus la couleur s'affaiblit. Lorsque le ciel est cbargé d'une cer- taine quantité de vapeurs rouges, les ombres sont vertes; en toute autre cir- constance , elles sont bleues. Quand il n'y a que la partie la plus basse de l'horizon qui est cbargée de vapeurs rouges, les ombres sont d'abord bleues, puis vertes. Dans tous les cas, dès que la partie inférieure du disque solaire est près de toucher l'horizon, les ombres deviennent toujours d'un vert terne, et l'on sait qu'en ce moment le soleil paraît toujours rouge. C'est la lumière de l'atmosphère qui donne à toutes ces ombres leur couleur. Les ombres, au coucher du soleil, sont bleues au grand air avant de l'être dans l'intérieur d'un appartement. C'est que, dans l'appartement, la lumière atmosphérique est plus faible qu'en plein air où elle arrive de tous côtés, et que, par conséquent, l'équilibre nécessaire entre les deux lumières ne peut s'établir que lorsque celle du soleil est considérablement affaiblie. L'auteur explique le fait observé par l'abbé Millol (voyez à la date 1754 et 1755), et consistant en une ombre bleue produite à midi vis-à-vis d'une ouverture laissée entre les nuages. L'ombre s'est d'abord montrée bleue, quoique à midi, parce que la lumière du soleil étant très-affaiblie par les DES OMBRES COLORÉES. 15 nuages, il y avait l'équilibre requis entre cette lumière et celle de l'atmo- sphère; et le bleu disparut lorsque les nuages se joignirent, parce qu'alors la lumière du soleil était devenue trop faible pour l'équilibre en question. Le 20 février, entre deux et trois heures après-midi, l'auteur a vu les ombres se colorer en violet clair. Le ciel était parsemé de nuages dont plu- sieurs avaient assez peu de densité pour qu'en passant devant le soleil ils ne fissent qu'affaiblir sa lumière sans l'intercepter entièrement; c'est alors que les ombres devenaient violettes. Elles étaient projetées sur une muraille blanche tournée directement vers le soleil, par les branches d'un espalier qui était attaché à cette muraille. Le soleil donnant, vers les dix heures du matin, au fond d'une petite chambre dont la porte était à demi ouverte, l'ombre de cette porte avait un bord bleu, qui, lorsque le soleil commençait à se cacher derrière un nuage, se changeait pour un instant en jaune rou- geâtre, puis devenait noir. Dans cette observation, l'équilibre provenait de ce que l'ombre était considérablement affaiblie par différentes causes, telles que, d'une part, la distance de plusieurs pieds qui existait entre elle et la porte, et, d'autre part, la lumière du soleil, qui, après avoir éclairé la muraille, se réfléchissait dans la chambre et envoyait des reflets sur l'ombre. Une heure avant le coucher du soleil, la lumière de cet astre donnait sur une muraille au fond d'une chambre après avoir traversé une vitre et un rideau de mousseline; l'ombre d'une petite baguette produite par celte lumière et reçue sur la muraille blanche à trois pieds du sol, était violette; à six pieds de hauteur, elle était sans couleur. En ouvrant ou fermant la porte de la chambre et les volets des autres fenêtres, et en changeant la hauteur de la baguette au-dessus du sol, l'ombre se montra tantôt noire, tantôt violette; tantôt il y avait trois ombres, l'une rouge, une autre vert jaunâtre et la troisième violette. A l'appui de la nécessité d'un équilibre entre les lumières qui produisent les ombres colorées, l'auteur cite encore des effets qui se sont montrés dans une chambre où il n'y avait qu'une fenêtre dont une vitre était ouverte et l'autre fermée et par laquelle pénétrait le soleil. Quand la lumière de cet astre était affaiblie par de minces nuages, il y avait deux ombres, l'une produite par le soleil et l'autre par l'atmosphère; l'une des deux 16 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE était verte, et l'autre violette, et cet effet avait lieu soit qu'on employât la lumière qui passait par la partie ouverte de la fenêtre, soit qu'on employât celle qui traversait la vitre. Quand le soleil était un peu moins couvert, la première lumière ne donnait qu'une ombre noire, mais la seconde donnait encore les deux ombres colorées. Enfin, quand le soleil était encore plus clair, l'ombre n'était plus ni double, ni colorée, même après le passage de la lumière à travers la vitre. L'auteur explique l'un des faits observés par l'abbé Millot, savoir que l'azur du ciel se peint souvent sur une muraille où la lumière tombe obli- quement, en admettant que lorsque les rayons solaires rasent cette muraille, les inégalités de celle-ci donnent lieu à une foule de parties ombrées qui peuvent alors se colorer en bleu par la lumière atmosphérique. Les couleurs variées que présentent quelquefois les nuages vers le lever et le coucher du soleil, sont probablement dues aux mêmes causes que les couleurs des ombres : car lorsque la lumière solaire éclaire fort obliquement ces nuages, ils doivent avoir à leur surface beaucoup de parties ombrées, qui sont alors éclairées parla lumière atmosphérique; or l'auteur montrera plus loin que cette lumière peut produire, en même temps et dans le même lieu, des ombres différemment colorées. Chapitre II. Des ombres colorées produites par la lumière réfléchie du soleil (pp. 39-52). Il suit du principe d'équilibre posé par l'auteur, qu'il suffira d'affaiblir suffisamment la lumière solaire, pour obtenir des ombres colorées à toute heure du jour, et l'un des moyens qui se présentent pour cela, c'est la réflexion de cette lumière. L'auteur a déterminé ainsi des ombres colorées lorsque le soleil était très- élevé sur l'horizon, en réfléchissant sa lumière, à l'aide d'un miroir placé à une distance convenable, sur un mur blanc non exposé aux rayons directs de l'astre. Les ombres, dans ce cas, se sont montrées tantôt bleues, tantôt violettes. Pour une distance trop petite ou trop grande du miroir, l'ombre n'est plus colorée, mais les limites de distance varient avec l'état de l'atmosphère: tantôt la distance la plus convenable est une centaine de pieds, tantôt une DES OMBRES COLORÉES. 17 dizaine seulement. Les expériences de l'auteur le conduisent à penser que les ombres produites de cette manière ne sont bleues que lorsque le ciel est serein, et qu'elles sont violettes lorsque Pair est chargé de vapeurs. L'auteur a essayé inutilement d'obtenir des ombres colorées en affaiblissant la lumière solaire par d'autres moyens , savoir en lui faisant traverser un certain nombre de glaces ou une lentille concave. Chapitre III. Des ombres colorées produites par la lumière de l'atmosphère et éclairées par le soleil (pp. 53-66). L'auteur a observé les ombres colorées de celle espèce au coucher du soleil, c'est-à-dire à l'heure où sa lumière est assez affaiblie pour permettre de distinguer l'ombre due à l'atmosphère. Dans des circonstances qu'il décrit, l'auteur a vu l'ombre due à l'atmosphère et éclairée par le soleil, une fois d'un bleu clair, souvent jaune, quelquefois rouge pâle. Cette dernière couleur se montre toujours lorsque l'astre est assez près de l'horizon. Dans tous les cas, l'ombre due au soleil et éclairée par l'atmosphère s'est toujours montrée bleue. Enfin si, un instant avant la disparition du soleil de dessus l'horizon, « on tient horizontalement une petite baguette à trois » ou quatre lignes d'un fond blanc, cette baguette donne alors en même » temps des ombres de toutes les couleurs rangées les unes au-dessus des » autres; l'ombre verte est la première en allant du haut en bas; » ensuite la bleue, la violette, la rouge, la jaune : toutes ces couleurs sont » ternes et sans éclat. » Ces ombres sont alors produites par les rayons réfléchis dans différentes régions plus ou moins élevées de l'atmosphère, et sont éclairées par le soleil. L'auteur a vu aussi, pour la même position du soleil, des ombres de diverses couleurs en tenant la baguette verticalement, lorsqu'il faisait l'expérience au fond d'une chambre dans laquelle la lumière du soleil et celle de l'atmosphère ne pénétraient que par l'ouverture de la porte, qui regardait le couchant. Chapitre IV. Des ombres colorées produites par la seule lumière de l'atmo- sphère (pp. 66-87). « Les ombres colorées produites de celle manière sont en très-grand Tome XLII. 5 18 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE » nombre : il en paraît à toute heure; mais c'est dans l'intérieur des appar- » lements qu'il faut les chercher. Là, la lumière atmosphérique réfléchie de » différents points du ciel se trouve, pour ainsi dire, presque toujours en » équilibre avec elle-même, et ainsi presque toujours propre à produire des » ombres colorées. Il y a de ces ombres de toute couleur. On les voit rare- » ment seules, mais presque toujours accompagnées d'une deuxième, et » quelquefois d'une troisième ombre, quand le jour vient de plusieurs » endroits. De deux ombres du môme corps, il est rare qu'il n'y en ait » qu'une colorée. Les deux ombres colorées sont ordinairement de diffé- » rentes couleurs; et lorsqu'il s'en joint une troisième, elle est aussi pour » l'ordinaire d'une couleur différente des deux autres. » L'auteur a fait les observations relatives à ces sortes d'ombres colorées, dans un vestibule dont il donne la description, et présentant plusieurs portes et plusieurs fenêtres. Pour la production des ombres doubles et colorées, il n'est pas indispen- sable que la lumière du jour entre à la fois par plusieurs fenêtres: dans une chambre où il n'y a qu'une fenêtre qui regarde le nord-est, et vis-à-vis de laquelle se trouvent des maisons, lorsque l'auteur place une chaise à dossier à quelque distance du fond de la chambre, qui est éloigné delà fenêtre de quinze pieds, l'ombre des barres de la chaise est toujours double, et ces ombres sont souvent colorées. L'une d'elles est due au jour qui entre par le dessus de la croisée de la fenêtre, et l'autre au jour de dessous. Quand les vitres de dessous sont ouvertes, l'ombre inférieure de chaque barre est tou- jours colorée, quelquefois jaune, quelquefois violette. L'ombre supérieure est souvent aussi colorée : tantôt bleue, tantôt jaune, tantôt verdâlre, tantôt tirant sur le violet. Chapitre^ V. Des ombres colorées produites par les lumières artificielles (ppï 87-103). Si, vers l'une des extrémités d'une chambre complètement obscure, on allume deux petites bougies placées l'une plus haut que l'autre, les deux ombres produites par un objet placé à un pied environ de la muraille oppo- sée, seront l'une jaune, l'autre violet rouge. La couleur de cette dernière, DES OMBRES COLOREES. 19 du reste, n'est pas toujours la même. Quelquefois l'ombre jaune provient de la bougie la plus élevée, et l'ombre violetle de la bougie la plus basse, et d'autres fois c'est le contraire; il arrive même que les deux ombres échangent subitement leurs couleurs; cette métamorphose a lieu lorsque, par une cause quelconque, la lumière d'une des bougies devient plus vive ou moins vive que l'autre. Si l'on produit une ombre double à l'aide des lumières combinées du feu et d'une chandelle, l'ombre due à la clarté du feu et éclairée par la chandelle est toujours bleue; l'autre paraît tantôt d'un violet rougeàtrc, tantôt d'un rouge tirant sur le violet, tantôt jaune, etc. Ces diverses nuances dépendent de l'éclat des lumières, de la proportion qui existe entre elles, et des dis- tances auxquelles on reçoit les ombres. Si l'on allume une seconde chandelle, les ombres qu'elles déterminent toutes deux sont ordinairement jaunes. Dans une circonstance, quand l'une des ombres jaunes tombait en partie sur l'ombre bleue produite par le feu, l'auteur a vu celte partie prendre une couleur verte. Chapitre VI. Des ombres colorées produites par la lumière de l'atmosphère cl une lumière artificielle (pp. 103-116). De deux ombres, l'une produite par le jour et l'autre par le feu, la première s'est montrée ordinairement jaune et l'autre bleue; mais, d'après le rapport de clarté des deux lumières, les ombres prenaient différentes nuances : si la clarté du feu était trop faible, l'ombre jaune était d'un jaune sale tirant sur le brun, et quelquefois d'un jaune orangé. Dans des circon- stances où il y avait une troisième ombre, celle-ci s'est montrée d'un violet rougeâtre. De même avec une bougie et le jour convenablement affaibli, si cela était nécessaire, les deux ombres étaient l'une bleue, l'autre jaune; quand on plaçait la bougie de manière que les deux ombres se recouvrissent, l'ombre unique résultante était d'un bleu presque noir. En laissant les deux ombres séparées et allumant une seconde bougie convenablement disposée, les trois ombres étaient l'une bleue, une autre d'un jaune clair, et la troi- sième d'un violet rougeâtre. L'auteur ayant produit, à l'aide de deux chandelles, une ombre double sur 20 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE la partie de la muraille qui était au-dessous de la fenêtre de l'appartement, ces ombres se montrèrent noires ; mais, en plaçant un miroir derrière Tune des chandelles de manière à renvoyer sa lumière sur l'ombre produite par l'autre, il a vu les deux ombres se colorer alors faiblement, l'une en bleu, l'autre en jaune. Quand il les faisait tomber l'une sur l'autre, l'ombre unique résultante était d'un bleu plus foncé. Les couleurs de ces ombres dépendaient en partie de la lumière atmosphérique, car elles ne paraissaient nullement le soir. Chapitre VII. Des ombres colorées produites par la clarté de la lune et une lumière artificielle (pp. 116-122). Les lumières combinées de la lune et d'une chandelle donnent une ombre bleue et une jaune; celle-ci lire sur le rouge quand la chandelle est trop éloignée. Les lumières combinées de la lune, d'une lampe et d'une chan- delle, donnent une ombre bleue, une jaune et une violette; cette dernière est celle que produit la chandelle. Troisième partie. De la cause des différentes couleurs des ombres. Chapitre II. Des différents genres d'ombres colorées (pp. 14.2-155). Les ombres vertes au coucher du soleil doivent probablement celte couleur au mélange du rouge jaunâtre provenant de la partie inférieure du ciel au couchant, avec le bleu provenant du reste de l'atmosphère. C'est le rouge qui, se trouvant ici mêlé avec le jaune, est cause que ces ombres ne sont jamais d'un beau vert. L'auteur a fait tomber, à l'aide d'un miroir, la lumière du soleil qui se couchait dans des vapeurs rouges, sur une muraille où elle ne pouvait donner directement. Cette lumière était orangée, et il se produisait deux ombres, l'une bleue et l'autre rouge. Un jour que la couleur bleue des ombres s'était changée en vert au moment où la partie inférieure du disque solaire avait atteint l'horizon, l'au- teur fit tomber l'ombre d'une baguette au fond d'une chambre vis-à-vis de la porte qui s'ouvrait directement au couchant; mais cette ombre était bleue. DES OMBRES COLOREES. 21 C'est que la lumière rougeâtre qui entrait par la porte était en trop petite quantité. Lorsqu'on fait tomber une ombre colorée sur une surface colorée, la cou- leur de l'ombre participe de celle de la surface : ainsi lorsqu'une ombre reçue sur un fond blanc est bleue, si l'on substitue un fond jaune au fond blanc, l'ombre paraît verte; sur un fond rouge, clic parait violette, etc. Lorsqu'on fait tomber une ombre d'une certaine couleur sur un fond de la même cou- leur, celle de l'ombre reste la même. Chapitre III. De la couleur de l'air (pp. loo-lll). « L'expérience semble démontrer que la couleur bleue des ombres éclairées de la lumière atmosphérique ne dépend pas de la couleur de l'air. Toutes les ombres éclairées de cetlc lumière ne sont pas bleues : on a vu par quantité d'expériences rapportées dans le chapitre quatrième de la deuxième partie, que la lumière de l'atmosphère produit souvent des ombres de différentes couleurs dans le même temps et dans le même endroit. Les ombres pro- duites par une lumière artificielle et éclairées de la lumière atmosphérique, sont quelquefois d'un beau bleu quoique le ciel soit couvert. D'ailleurs toutes les ombres bleues ne dépendent pas de l'air ni de la lumière atmosphérique, puisqu'une ombre produite par la clarté du feu et éclairée de la lumière d'une chandelle, a aussi cette couleur. Ce n'est donc pas dans la couleur de l'air qu'il faut chercher la cause des ombres bleues au coucher du soleil, mais dans la lumière même ; c'est aux propriétés qu'elle a de pouvoir se modifier de différentes manières qu'il faut avoir recours pour expliquer ce phénomène; c'est dans ces mêmes propriétés, dont quelques-unes ne nous sont peut-être encore point connues, qu'il faut puiser pour trouver la cause non-seulement des ombres bleues, mais de toutes les ombres colorées en général, et pouvoir expliquer pourquoi elles sont tantôt d'une couleur, tan- tôt d'une autre, suivant les diverses circonstances. » On le voit, l'auteur avoue son impuissance à trouver la cause des couleurs des ombres. 22 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE Chapitre IV. Remarques sur la production des ombres colorées (pp. 171- 185). « La lumière qui produit l'ombre contribue aussi à sa couleur; car sans cela pourquoi toutes les ombres éclairées de la même lumière n'auraient-elles pas la même couleur? Pourquoi l'ombre éclairée de la lumière d'une chan- delle et produite par celle du feu serait-elle bleue, tandis qu'elle serait jaune ou violette, si elle était produite par la clarté d'une autre chandelle? Pourquoi l'ombre produite par la flamme d'une chandelle et éclairée de la lumière de l'atmosphère serait-elle toujours bleue, puisqu'elle pourrait être jaune, bleue ou violette, suivant les circonstances, si elle était aussi produite par la lumière atmosphérique? » Ainsi les couleurs des ombres sont dues tant à la lumière qui occasionne l'ombre, qu'à celle qui l'éclairé. L'auteur a voulu savoir si les couleurs des ombres ne provenaient pas de ce que les environs d'une ombre se trouvaient éclairés d'une lumière plus forte que l'ombre même. Pour cela, après avoir produit des ombres jaunes et violettes au moyen de deux bougies (voyez le chapitre V), il étendit une bande d'étoffe noire de chaque côté des ombres, et celles-ci ne perdirent pas leur couleur. 11 plaça ensuite une chaise au milieu de la porte qui était ouverte, et reçut l'ombre d'une de ses barres sur un morceau de papier blanc plus étroit que la barre même et tenu à peu de dislance de la chaise ; les ombres conservèrent leur couleur, quoiqu'il n'y eût aucun corps autour d'elles qui pût réfléchir quelque lumière. L'auteur colla un morceau de papier noir au milieu d'un miroir, puis recul sur ce miroir la lumière d'une bougie, de manière à la réfléchir sur une muraille qui n'était éclairée que d'une lumière atmosphérique assez faible. Le morceau de papier noir formait, au milieu de cette lumière réfléchie, un endroit plus obscur qui ne recevait que la lumière atmosphérique, et qui se montra coloré en bleu. Chapitre V. Observations sur les différentes couleurs des ombres (pp. ISS- SU). L'auteur pense que les différentes couleurs des ombres dépendent surtout du rapport d'éclat entre la lumière qui produit l'ombre et celle qui l'éclairé. DES OMBRES COLOREES. 23 Il regarde comme probable, d'après une grande partie des expériences rap- portées dans les chapitres précédents, que Tordre dans lequel se placent les couleurs des ombres en supposant que Ton fasse croîlre le rapport ci-dessus, est le suivant : jaune, rouge, violet, bleu, vert; c'est-à-dire que les ombres jaunes correspondent au cas où la lumière qui éclaire l'ombre est la plus forte par rapport à celle qui produit cette ombre; que si la première de ces deux lumières vient à diminuer ou l'autre à augmenter, l'ombre deviendra rouge ; et ainsi de suite. L'auteur qui ne présente ce qui précède que comme une simple hypo- thèse, rapporte aussi des faits qui ne s'accordent pas avec elle. 1783. Flaugergues. Lettre à M. Formey. (Histoire de l'Académie de Berlin, 1783, p. 52.) L'auteur, cite une expérience à l'appui de l'idée avancée par Beguelin (voyez à la date 1767), que si les ombres déterminées par le soleil ne paraissent pas bleues à toutes les heures du jour, c'est à cause de l'éclat trop vif de la lumière qui les environne. Cette expérience consiste à exposer perpendiculairement aux rayons solaires, dans une campagne découverte, un carton noir présentant en son milieu une bande blanche; puis à faire tom- ber sur ce carton l'ombre d'une règle placée à deux ou trois pieds de dis- tance, de manière que cette ombre couvre exactement la bande blanche. Si l'on regarde cette bande un peu obliquement à la dislance de sept à huit pas, elle paraîtra du plus beau bleu. Cette expérience réussit à toutes les heures du jour. 1783. M"e Lemasson Le Golft. Lettre à M. l'Abbé Mongez. (Journal de physique de Rozier, t. XXIII, part. II, p. 206.) Dans les mois de juin et de juillet 1783, régna, au Havre, un brouillard à travers lequel, à midi, la lumière du soleil éclairait les corps blancs d'une légère teinte de feuille sèche, et donnait des ombres bleues. Les bords de ces ombres étaient plus bleus que le milieu, de sorte que celles qui étaient produites par des corps étroits, tels que des branches d'arbre, paraissaient plus bleues que celles qui étaient dues à des corps plus larges, les bords 24 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE étant moins éloignés l'un de l'autre. Les ombres étaient d'amant plus bleues qu'elles étaient produites par un corps plus éloigné. Quelquefois elles avaient une nuance verdàtre. Cette couleur bleue des ombres ne provenait pas de l'azur du ciel, car le ciel alors n'était pas bleu, mais d'un gris tendre. Deux heures avant le coucher du soleil, on pouvait regarder cet astre à l'œil nu; il paraissait rouge, tel qu'on le voit à travers un verre enfumé. 1785. Opoix. Suite des observations sur les couleurs. Troisième mémoire. (Journal de physique de Rozier, t. XXIII, part. II, p. 401.) L'auteur explique les ombres colorées en les faisant dépendre de l'inflexion de la lumière qui rase les corps. Mazéas avait déjà indiqué, quoique d'une manière vague et confuse, une opinion analogue (voyez à la date i 752); mais Opoix rattache celte explication à une théorie des couleurs qui lui est propre : d'après une partie de celle-ci, la lumière solaire contient, outre les rayons colorés combinés, d'autres rayons colorés non combinés, qui sont épars et disséminés dans cette lumière composée, et qui, à cause de leur isolement, sont plus aisément écartés les uns des autres par la réfraction ou par l'inflexion près des corps. Parmi ces rayons, les violets sont en beaucoup moindre proportion que les autres, de sorte que, dans l'inflexion près des bords d'un corps, les bleus domineront parmi les plus déviés, et iront teindre de leur couleur l'ombre de ce corps. De là les ombres bleues, dont la teinte deviendra visible le malin et le soir, quand la vivacité et l'éclat de la lumière directe seront moins considérables. Quant aux ombres vertes, on pourrait les attribuer au mélange d'une certaine quantité de rayons jaunes que quelques circonstances feraient tomber sur l'ombre bleue: ainsi, la partie de l'horizon où le soleil se lève ou se couche est souvent enflammée dans une étendue considérable, et envoie une grande quantité de rayons où le jaune domine; ces rayons parlant des points de l'horizon très-éloignés les uns des autres, peuvent alors tomber sur l'ombre. Mais les ombres verles s'expliquent plus naturellement par les deux causes suivantes : DES OMBRES COLORÉES. 25 1° Une augmentation passagère dans la densité de l'atmosphère, d'où résultent un plus grand pouvoir réfractif , et une plus grande déviation des rayons; alors ce ne sont plus les rayons bleus, mais les verts qui tombent sur les ombres. 2° Le mur qui reçoit l'ombre peut être assez éloigné du corps qui la projette pour être hors du point de convergence des rayons bleus, et se trouver dans celui des rayons verts. La réflexion de l'atmosphère sur les ombres contribue peut-être à la production des ombres bleues, mais ce ne saurait être leur véritable cause. Outre des arguments déjà avancés par d'autres, l'auteur fait remarquer que quand le soleil est à l'horizon, le ciel n'est pas bleu, ou n'est que d'un bleu très-faible. Pour voir des ombres de toutes les couleurs, il suffît de se promener dans une chambre avec une feuille de papier à la main, en projetant sur ce papier l'ombre de l'autre main. « En avançant plus ou moins la main, en écartant plus ou moins les doigts, on voit l'ombre se colorer diversement, suivant la position où l'on se trouve. Si l'on parcourt divers appartements, on observe que, dans tous les reflets de lumière, l'ombre de la main et des doigts réflé- chit quelques couleurs, et souvent des couleurs très-décidées. La lumière dans les appartements, surtout dans les reflets, ayant perdu beaucoup de sa force, les rayons colorés ont plus de disposition à s'en séparer, et à se peindre sur les ombres qu'elle forme. » « Les ombres de la lumière directe sont, par cette raison, moins souvent colorées, la force d'impulsion des rayons colorés les empêchant appa- remment de se prêter davantage à l'inflexion qui les détermine sur les ombres. » L'auteur fonde l'existence des rayons colorés non combinés épars dans la lumière composée, sur des faits tels que les suivants : « Lorsque le soleil est à l'horizon, toute la lumière qu'il répand sur la terre est jaune l'œil qui reçoit directement la lumière du soleil, remarque encore, parmi ces rayons jaunes, une certaine quantité de rayons diverse- ment colorés comme des rayons rouges, verts et bleus, lesquels se trouvent mêlés sans ordre avec la lumière jaune qui domine alors. Ces rayons rouges, Tome XLU. 4 26 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE verts et bleus disséminés dans la lumière s'observent encore mieux si Ton ferme à moitié les yeux; les cils des paupières rompant la vivacité de la lumière, permettent sans doute à l'œil de remarquer en plus grande quantité et plus aisément ces rayons colorés En regardant attentivement la lame d'un couteau au soleil, on voit une multitude de points colorés rouges, jaunes, verts et bleus sur la surface de cette lame. On observe les mêmes points colorés sur une pièce de monnaie et sur les métaux. » etc. 1787. Anonyme. Dissertation sur les couleurs accidentelles. (Journal de physique de Rozier, t. XXX, p. 407.) La partie qui concerne les ombres colorées comprend les §§ XX à XXVI; mais elle est inintelligible, soit qu'il faille croire à un dérangement dans les idées de l'auteur, soit que cela résulte d'une singulière erreur de typographie qui aurait fait substituer à un certain nombre de paragraphes de l'ouvrage, le même nombre de paragraphes pris dans un Mémoire différent. 1787 à 1791. Diogo de Carvalho e Sampayo. Tratado dus cores. Malta 1787. — Disser- laçâo sobre as cores primilivas, 1788. — Brève tratado sobre a compo- siçâo artificial dus cores. (Cet ouvrage est annexé au précédent.) — Elementos de Agricultura. Madrid, 1790-1791. — Memoria sobre a formaçâo nalural das cores. Madrid, 1791. Je n'ai pu me procurer ces ouvrages, et l'analyse suivante de ce qu'ils renferment relativement aux phénomènes subjectifs, est faite d'après celle que donne Goethe dans sa Farbenlehre, t. II, pp. 614-622. L'auteur observa un jour, sur la muraille blanche d'une chambre, des teintes vertes et rouges qui coïncidaient avec l'ombre d'une chaise. La lumière du soleil qui déterminait cette ombre, frappait le mur partie directe- ment, partie après sa réflexion sur le tapis vert qui recouvrait une table. Lorsqu'on enlevait ce tapis, les couleurs disparaissaient, et l'ombre se mon- trait simplement obscure. Si l'on replaçait le tapis, en supprimant au con- traire la portion de lumière qui frappait directement le mur, les couleurs disparaissaient de même. L'auteur répéta ensuite l'expérience, en se plaçant de manière qu'une portion de la lumière solaire tombât sur son uniforme rouge, au lieu de frapper le tapis vert; il se produisait encore dans l'ombre DES OMBRES COLORÉES. 27 des teintes vertes et ronges. L'auteur généralisa ensuite ces effets, à l'aide du procédé suivant : il se procura une série de tubes fermés à une extrémité par un morceau de soie légère, blanche pour les uns, et teinte respectivement de différentes couleurs pour les autres; il disposa ces appareils, qu'il nomme des objectifs, de manière à pouvoir les adapter au volet d'une chambre obscure, et à envoyer ainsi sur un tableau une lumière soit incolore, soit d'une couleur voulue. En plaçant alors en avant du tableau an corps opaque de manière à projeter une ombre simple ou double, selon qu'il employait un ou deux objectifs, il obtint les résultats suivants, pour la teinte de la lumière et pour celle des ombres : Un objectif blanc donne une lumière incolore et une ombre noire. Deux objectifs blancs donnent une lumière incolore et deux ombres incolores. Un objectif rouge avec un blanc donnent une lumière claire et rougeâtre, et deux ombres l'une rouge, l'autre verte. Un objectif rouge avec un vert donnent une lumière faible sans couleur, et également des ombres rouge et verte. En ajoutant un objectif blanc aux deux précédents, l'auteur a obtenu, à l'aide de différents moyens (Goëtc ne dit pas lesquels), du bleu, du jaune, de l'orangé et du violet. Un objectif orangé avec un blanc donnent une lumière tirant sur l'orangé, et des ombres orangée et bleue. Un objectif blanc avec un bleu donnent une lumière bleuâtre, et des ombres bleue et jaune. Un objectif jaune avec un blanc donnent une lumière claire et jaunâtre, et des ombres jaune et violette. Enfin un objectif violet avec un blanc donnent des ombres violette et verdâtre. L'auteur appuie sur ces faits des idées théoriques particulières sur la nature de la lumière : la base de la lumière est un fluide transparent et achromatique; clans ce fluide nage une matière hétérogène et colorée; cette matière est composée de deux principes, l'un qui excite en nous le sentiment 28 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE du rouge, et l'autre qui nous donne le sentiment du vert; le rouge et le vert sont les deux seules couleurs primitives, etc. C'est la première fois qu'on est parvenu à produire à volonté, et d'une manière déter- minée, des ombres d'une couleur donnée. 1705. Wilkens. Ein Beitrag zu den gefàrbten Sehatten. (Journ. de Phys. de Gren, t. VII, p. 21.) L'auteur répèle et varie l'expérience de Mazéas (voyez à l'année 1752); partant d'idées analogues à celles de ce dernier touchant une certaine affi- nité exercée par les corps opaques sur la lumière, il se demande si la nature du corps qui projette les ombres n'influerait pas sur les couleurs de celles-ci; d'après cela, il emploie successivement divers corps soit tout à fait opaques, soit plus ou moins translucides, mais il n'observe pas de différences dans les teintes des ombres. 1794. Rumford. An AccouiU of some Expérimente upon coloured Shadows. (Phi- los. Transact., année 1794, part. I, p. 107.) L'auteur observe les ombres bleue et jaune produites par la combinaison de la lumière du jour et de celle d'une chandelle, en laissant entrer la pre- mière à une heure quelconque de la* journée par un volet entr'ouvert. Eu variant l'ouverture du volet et la distance de la chandelle, on fait passer les deux ombres par différents degrés d'intensité et de teintes. Ce procédé ne diffère pas, au fond, de celui qu'indique Scbcrffer pour obtenir des ombres bleues à toutes les beures du jour (voyez à l'année 1765); mais comme, dans celui de Rumford, la lumière du jour n'entre que par une ouverture verticale de peu de largeur, si l'on se sert d'un corps étroit placé dans ce même sens, les ombres sont nettes et les effets sont très-beaux. Présumant que les couleurs des ombres provenaient de ce que les deux lumières n'avaient pas la même blancheur, l'auteur a fait les expériences suivantes : Il a produit d'abord une ombre double sur un papier blanc à l'aide de deux bougies allumées dans une chambre obscure ; ces deux ombres n'étaient en aucune manière colorées; mais une plaque de verre d'un jaune légère- ment orangé ayant été placée devant l'une des deux flammes, les omhrcs DES OMBRES COLOREES. 29 parurent immédiatement jaune et bleue. Par l'interposition simultanée d'une plaque du même verre devant l'autre flamme , les ombres perdirent leurs couleurs; mais deux plaques devant l'une des flammes et une seule devant l'autre firent aussitôt reparaître les couleurs. Lorsqu'on projette sur un papier blanc une ombre double jaune et bleue par la combinaison de la lumière du jour et de celle d'une bougie, on détruit les couleurs de ces ombres en donnant à la lumière du jour, par l'interposition de verres colorés, une teinte pareille à celle de la lumière de la bougie. On peut même ainsi inverser les couleurs des deux ombres, en rendant la lumière du jour d'un jaune plus intense que celle de la bougie. Si l'on place un verre bleu devant la lumière du jour, les couleurs des deux ombres, tant la jaune que la bleue, prennent une extrême vivacité; mais si l'on transporte le verre bleu devant la bougie, les deux couleurs deviennent au contraire beaucoup plus faibles. Enfin l'auteur ayant placé devant la flamme un verre d'un jaune orangé, l'ombre jaune devint orangée, l'ombre bleue ne changea pas, et toute la sur- face du papier se montra colorée d'un magnifique violet rougeàtre, presque exactement de la même teinte que l'on observe au soleil couchant sur les som- mets neigeux des montagnes éloignées. Ces teintes sont, du reste, très-proba- blement produites, dans les deux cas, par des combinaisons analogues de couleurs : dans l'un , c'est la lumière du ciel serein combinée avec celle du soleil couchant; dans l'autre, c'est la lumière du jour combinée avec celle d'une bougie, rendue plus orangée par son passage à travers le verre coloré. Pour que la teinte violette du papier se montre dans toute sa beauté, il faut placer le verre coloré de manière que la partie de la lumière de la bougie qui le traverse, n'éclaire qu'une portion de ce papier. Si l'on produit, comme plus haut, une ombre double à l'aide de deux bou- gies allumées, et qu'au lieu de placer un verre jaune devant l'une d'entre elles, on y place un verre bleu, les ombres paraissent encore bleue et jaune; mais les couleurs sont inversées : l'ombre qui, dans le cas cité, était jaune, se montre maintenant bleue, et celle qui était bleue se montre jaune. Après avoir fait ces expériences, l'auteur voulut essayer la combinaison de lumières provenant toutes deux du jour, et il ouvrit à cet effet deux trous 30 BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE pratiqués à la partie supérieure des volets de deux fenêtres voisines. L'ombre double produite sur un papier blanc à l'aide de ces deux lumières, montra la succession la plus variée de couleurs différentes. Il faisait du vent, des nuages flottaient dans l'atmosphère, et il semblait que chacun d'entre eux apportât en passant une autre succession complète de teintes variées et har- monieuses. Ces faits conduisirent l'auteur à penser que les couleurs des ombres pou- vaient, dans plusieurs cas, n'être qu'une illusion due au contraste ou à quel- que effet engendré dans l'œil par les couleurs voisines. L'expérience suivante confirma cette opinion : deux larges ombres incolores étant produites à l'aide de deux lampes d'Argand et d'une règle servant de corps opaque, l'au- teur dirigea sur le milieu de l'une d'elles un tube noir d'environ un pouce de diamètre et douze de longueur, et, appliquant un œil au tube tandis que l'autre était fermé, il tint son attention fixée sur l'ombre pendant qu'une autre personne interposait un verre jaune devant la lampe qui déterminait cette ombre, puis le retirait, et répétait le même manège à plusieurs reprises. Or, quoique cette personne vît l'ombre en question se colorer d'un beau bleu chaque fois qu'elle interposait le verre jaune, l'auteur n'apercevait pas la plus légère nuance de couleur, et ne pouvait dire si le verre était présent ou non. Mais dès qu'il retirait l'œil du tube et voyait ainsi l'ombre en ques- tion avec tout son entourage, elle lui paraissait d'un beau bleu comme à l'autre personne. Ainsi les yeux peuvent encore nous tromper, même quand il s'agit de décider s'il y a présence ou absence de couleurs. Une particularité très-remarquable que présentent les deux couleurs de l'ombre double, c'est l'harmonie parfaite qui semble toujours exister entre elles. Il paraît très-probable qu'en poursuivant ces expériences sur les ombres colorées, on parviendrait à la connaissance de la nature réelle de l'harmonie des couleurs, ou des circonstances dont elle dépend, et que l'on pourrait construire des instruments propres à produire une harmonie pour les yeux, plus convenables que ceux qui ont déjà été proposés dans ce but. C'est la première fois qu'on a tait dépendre les ombres colorées d'une cause subjective, ou, en d'autres termes, qu'on les a expliquées par l'influence des couleurs juxtaposées. DES OMBRES COLOREES 31 i70G. Voigt. Bcobachtungen und Versuche iiber farbiges Lieht, Farben und ihre Mischung. (Journ. de Gren, t. III, p. 23 S.) Nous ne jugeons des couleurs que par comparaison, et c'est à cela qu'est dû le phénomène des ombres colorées. Les teintes de ces ombres sont régies par la même loi que les couleurs accidentelles de succession : que l'on ait, par exemple, sur une surface blanche, deux ombres d'un même objet respec- tivement produites par deux lumières l'une colorée, l'autre celle du jour; si l'on retranche du nombre constant (voyez l'article Voigt dans la deuxième section) celui qui représente la proportion de calorique appartenant à la lumière colorée, le reste représentera la proportion appartenant à celle des deux ombres dont la couleur est purement subjective , et l'on pourra ainsi déterminer cette couleur à priori. BIBL10GHAPH1E SIMPLE DU PHÉNOMÈNE POUR LE SIÈCLE ACTUEL, JUSQU'À LA FIN DE 187(5. 1801 (an X). Hassenfrvtz. Premier Mémoire sur les ombres colorées. (Joiirn. de l'École polytechnique, t. IV, onzième cahier, p. 272.) Étude des couleurs des ombres dans différentes circonstances. 1805. Petrini. Lettera suite ombre colorale. (Nuovo Giornalc cli Pisa, t. II, lr0 partie, p. 45, et 2mc partie, p. 205.) Memoria sopra i colori îmmaginarj dcll'ombre. (Ihitl., 3œ' partie, p. 57(>. | Ricerclie sulla produzione ile'colori immaginarj nell'ombre. (Mém. de la Soc. Italienne, t. XIII, 1807, p. 57.) La couleur de l'ombre est toujours complémentaire de celle du champ environnant. 1810. Goethe. Zur Farbenlehre, t. I, pp. 27 à 35. Pour qu'une ombre se colore, il faut que l'espace qui l'entoure soit coloré; cette couleur appelle alors, dans la portion de la rétine correspondante à l'ombre, la sensation de la couleur opposée. 1811. De Gkottiiuss. Ueber die zufàlligen Farben des Schattens, und i'iber die Newton sche Farbentheorie. (Journ. de Schweigger, t. III, p. 148.) Une ombre unique produile dans une lumière colorée, est noire; si l'on développe une deuxième ombre au moyen d'un peu de lumière du jour, les deux ombres se colorent et présentent des teintes opposées. 1811-15. ScintANK. Ueber die btauen Schatlen. (Mém. de l'Àcad. de Munich, 1811-1812, p. 295; 1813, p. 51.) La couleur des ombres bleues est due a la diffraction. 1820. Muncke. Ueber subjective Farben und çjcfarble Scltatten. (Journ. de Schweigger, t. XXX, p. 74.) La couleur de l'ombre projetée par une lumière colorée est de nature subjective. Tome XLI1. S 34 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1821. Anonyme. Ucber physiologe Farbenerscheinungen, insbesondere das phosphorische Augenlicht als Quelle derselbcn betreffend. (Goethe, zur Nalurwissenschaft ùberhaupt, 1823, t. II, p. 20.) Les couleurs des ombres sont dues à l'inflammalion d'une matière phosphorique contenue dans le pigment noir de la choroïde. 1826. Trechsel. Sur les ombres colorées. (Biblioth. Universelle, t. XXXII, Sciences et arts, p. 5.) La coloration d'une ombre est impossible, s'il n'y a pas d'autre lumière que celle qui projette cette ombre. Zschokke. Die farbigen Schatten, ihr Enlstehen und ilir Gesetz. Aarau. La lumière blanche seule détermine une ombre noire; or une couleur ne constituant qu'une partie de la lumière blanche, et la partie ne pouvant produire le même effet que le tout, une lumière colorée doit projeter une ombre qui est elle-même colorée. 1828. Boirgeois. Sur un nouveau phénomène d'optique. (Bullet. de Férussac, t. IX, p. 179.) Ombres doubles produites par les différentes couleurs du spectre solaire et par de la lumière blanche. B. Prévost. Son opinion sur la blancheur. (Voir Biblioth. universelle, t. XXXVII, Sciences et arts, p. 50o.) La blancheur n'est qu'une sensation relative; application aux ombres colorées. 1829. Reade. On the nature of light and shadoxv, demonstrating that a black shadoiu can be rarefied, wilhout réfraction, into ail the colours of llie rainbow. (Philos. Magaz, nlle série, t. V, p. 109.) Expériences qui réalisent celte transformation d'une ombre noire; le noir est une couleur tout aussi bien que chacune de celles du spectre. 1830. Tourtual. Uebcrdie Erscheinungen des Schattens und deren physiologische Bedin- gungen, nebst Bemerkungen ûber die wechseheitigeu Verhàllnisse (1er Farben. Berlin. Hiort. De functionc retinœ. Christiania, 2mc partie1 ; voir, en particulier, le § 10. La teinte de l'ombre qui ne reçoit que de la lumière blanche s'explique comme les halos autour des images accidentelles (voir l'article Hiort dans la o""' section). 1831. Gergonne. Essai théorique sur les couleurs accidentelles. (Ann. de mathématiques pures et appliquées de Gergonne, t. XXI, p. 284; voir p. 500.) Application de la théorie de Scherffer aux ombres colorées. La première pari ie a été publiée en 1826; elle n'a trait qu'indirectement aux phénomènes subjectifs. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 33 1856. Tomlinson. A Iheory of accidentai and complementary colonrs. (Thomson's records of gênerai science, t. IV, p. 288.) Divers moyens de produire des ombres colorées. Cooper. On accidentai colonrs and colonred shadows. (Ibid., ibid., p. 427.) Difficulté théorique lorsqu'une ombre produite au moyen d'une lumière colorée est projetée sur une surface d'une autre couleur. Osann. Ueber Ergànzungsfarben. (Ann. de Poggendorff, t. XXXVII, p. 287; voir p. 299.) La teinte d'une ombre colorée est objective ; on le prouve en regardant cette ombre à travers un tube noir qui cache l'espace environnant. Pohxmann. Théorie der farbigen Schatten vollslândig entwickelt und durch Ver- suche begrùndet. (Ibid., ibid., p. 519.) Extension de la théorie de Scherffer aux ombres colorées; étude des ombres colorées naturelles. 1857. Osann. Einige naclilràgliche Bemerkungen zu meinem Anfsalz iïber Ergànzungs- farben. (Ibid., t. XL1I, p. 72.) Nouvelle preuve que la teinte d'une ombre colorée est objective; ombre produite dans une lumière verte, et éclairée de la lumière jaune de l'alcool salé; l'ombre parait jaune. 1858. Fechner. Ueber die subjecliveti Complemenlarfarben. (Ibid., t. XLIV, p. 221 ; voir p. 229.) Procédé le meilleur pour la production des ombres colorées ; expérience curieuse ; etc. Dove. Versuche ùber subjective Complementarfarben. (Ibid., t. XLV, p. 158.) Ombres étroites projetées sur les faces antérieure et postérieure d'un verre coloré posé sur un miroir métallique. 1859. Szokalski. Essai sur les sensations des couleurs dans l'état physiologique et patho- logique de l'œil. (Ann. d'Oculistique, t. II, pp. 11, 57, 77 et 105; voir p. 170.) Faits connus. 1840. Reade. Remaries on the permanent soap film and on thin plates. (Philos. Magaz., 5me série, t. XVII, p. 52; voir p. 54.) Les couleurs des ombres sont dues à des condensations et dilatations de la lumière. Fechner. Ueber die subjectiven Nachbilder und Nebenbilder, 4mc partie. (Ann. de Poggendorff, t. L , p. 455.) Négation d'un fait avancé par Pohlmann (voir à 1830) ; l'ombre subjective produit une image acci- dentelle complémentaire, etc. 36 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE. 1841. Sciuffcotsch. Ueber einirjc Apparale fur subjective Farbenerscheinungen. (Ibid., t. LIV, p. 195.) Nécessilé d'un peu de lumière blanche pour la coloration subjective des ombres. 1 844. TotiRTLAL. Beobachtungen iiber den Einflvss des undeutlichen Seliens au f die Entste- hung subjectiver Farben. (Mediciniscbes Correspondenzblatt rbéinischer und Weslphàlischer Aerztc, t. III, p. 123; voir p. 12G.) 1851 . BnucKE. Unlersucliungen liber subjective Farben. (Ann. de Poggendorff, t. LXXXIV, p. 418; voir p. 428.) Points de vue particuliers sous lesquels on peut envisager la théorie des ombres colorées. 1 8154. Czermak. Pliysiologisclie Sludien, lrc partie. (Biillcl. de FAcad. de Vienne, t. XII, p. 322; voir p. 5G4 : Fine Modification des Sclieiner'sclien Versuches.) Coloration complémentaire de l'une des images de l'épingle quand l'un des petits trous est recou- vert d'un verre coloré. 1855. Czermak. Pliysiologisclie Studien,^™ partie. (Ibid., I. XV, p. 425; voir p. 457 : Fine Modification eines Sclieiner'sclien Versuches.) Appareil perfectionné: voir l'article précédent. 1857. Ragona. Sa taluni nuovi fenomeni di colorazione soggettiva. (Atli délia Accad. di scienze c leltere di Palermo, t. 111, 1859.) Bizio. Intomo aile ombre colorate. (Memorie dell' Istiluto Veneto di scienze, Ict- tere ed arli, t. VII, p. 395.) Ombres observées dans certaines circonstances; conjectures singulières. 1858. Chevreul. Note sur quelques expériences de contraste simultané des couleurs. (Comptes rendus, t. XLVII, p. 190.) Nécessité d'un peu de lumière blanche pour la coloration subjective des ombres. 1859. Barinet. Sur les ombres bleues du 27 mai 1859. (Ibid., t. XLVIII, p. 1007.) La couleur de ces ombres était un simple effet de contraste, l'atmosphère étant chargée d'un brouillard à travers lequel la lumière du soleil prenait une teinte rougeàlre. Foirnet. Recherches sur les ombres colorées qui se manifestent à diverses heures, en diverses saisons, et sur les applications du phénomène. (Ibid., ibid., p. 1 105, et t. XLIX, pp. 24 et 121.) Exemples nombreux avec l'indication des causes. Poey. Expériences sur les ombres prismatiques observées à La Havane en rapport avec la déclinaison du Soleil, et l'état atmosphérique. (Ibid., t. XLIX, p. 5G2.) Variations de la leinle des ombres suivant ces circonstances. BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHENOMENE 37 1839. Nardo. Nota sulle ombre colorate ollenule col solo concorso di Iitci bianclic. (Nitovo Cimenlo, t. IX, p. 552.) Les couleurs des ombres sont de nature objective. Pour obtenir des ombres colorées au moyen de deux lumières blanches, il suffit que ces lumières diffèrent par l'intensité ou par l'angle d'incidence. 1860. Magrini. Sulle ombre colorate studiale cl al signor Bassolini [Rapporto]. (Atli dell' Istiluto Lombardo di scienze, lettere cd arli, Milano, t. II, p 318.) Suivant Bassolini, la couleur bleue des ombres est due à un fluide sui generis répandu dans l'at- mosphère '. (Ibid. p. 345.) La coloration initiale des ombres a une cause objective Helmholtz. Plnjsiologisclie Optik. Leipzig, § 24. La coloration subjective des ombres est due à une erreur du jugement. Osaisn. Ueber Ergânzungsfarben. (Wûrzburg, Nalurwissenschaftlichc Zeitselirifi, p. CI.) Feciinur. Einige Bemerkungen gegen die AbhancHung Prof. Osann's: Ueber Ergân- zungsfarben. (Leipziger Bcrichte ûber die Verhandl. der kônigl. sàchsis- chcn Gcsellscli. dcr Wisscnsch., p. 146.) La couleur de l'ombre projetée dans une lumière colorée est bien de nature subjective; expé- riences. Oppel. Ueber farbige Schatten bewirkt durch weisses Licltt. (Jahresbericht dos Frankfurter Vereins, 1859-60, p. 65.) Examen du travail de Nardo (voir à 1859). Oppel n'a pu produire d'ombres colorées au moyen de deux lumières blanches inégales en intensité. 1861. Laurence. Some observations on the sensibilily of tlie ege to colour. (Philos. Magaz., 4"'c série, t. XXII, p. 220.) Lors d'une seule ombre dans une lumière colorée, celte lumière ne doit pas être trop intense. 1865. Scheffler. Die physiologische Optik. Brunswick, t. II, § 66, n° 14. 1875. Whitmell. Coloured sliadows. (Journ. Nature, 1. XI, p. 406.) Couleurs des deux ombres projetées par deux étincelles simultanées entre des électrodes de dif- férente nature. 1 Le Mémoire de Bassolini n'a pas été publié. 38 BIBLIOGRAPHIE SIMPLE DU PHÉNOMÈNE. 187o. Stilling. Beitràge zur Lehre von den Farbenempfindungen, (Ausserordenlliches Beilageheft zu den klinischen Monalsblàttern fur Augcnheilkunde, XINmc année, 1er et 2me articles.) Emploi des ombres colorées pour juger de la sensibilité de l'œil aux couleurs; application au daltonisme. Schrôder. Farbige Schalten. (Klinische Monatsblatt. fur Augenheilkunde , XIIlme année, p. 554.) Objection contre une assertion de Stilling. 187G. Hartshorne. On some disputed points in physiological Optics. (Proceedings of the American philos. Society, t. XVI, p. 218; voir p. 221.) Les ombres colorées sont un phénomène d'interférence. Nota. — Je trouve, dans l'article de Pohlmann (voir à 1836), que von Mùncliow, dans une conférence tenue quelques années auparavant à Berlin, à la réunion des Naturforscher, a proposé une explication particulière des ombres colorées. Elle consiste à admettre que lorsqu'un espace est traversé par de la lumière colorée sauf une portion qui ne reçoit que de la lumière blanche, la première a la propriété d'absorber dans la deuxième la portion de même couleur, et de ne laisser conséquemment se propager que la couleur complé- mentaire. SUPPLÉMENT  L'OUVRAGE ENTIER, COMPRENANT L'ANNEE 1877. PREMIÈRE SECTION. Ajouter à l'article Aristote : Sur les sons (De audibilibus) , t. II, p. 790 de l'édition citée dans la 3me section. Les chocs nombreux et séparés imprimés à l'air par des cordes, nous semblent produire un son unique et continu, parce que, à cause de la petitesse de leurs intervalles, l'oreille ne peut saisir les interruptions. Il en est ici comme pour les couleurs : celles-ci, bien que séparées entre elles, paraissent unies et continues lorsqu'elles se meuvent avec rapidité. 1875? Lovering. On a new way of illuslrating the vibrations oflhe air in organ pipes. (Proceedings of the American Association, t. XXIII; voir leJourn.de Silliman, 1875, 5rae série, t. IX, p. 219.) Modification d'un appareil de Kouig pour le cas d'un auditoire nombreux. 187G. Thompson Lowne. On some phenomena connectée icitli vision. (Proceedings de la Soc. Roy. de Londres, t. XXV, 1877, p. 487.) Wouthington. A second paper on the forms assumed by drops ofliquids falling verlically on a horizontal plate. (Ibid., ibid., p. 498.) Voir le premier article, même année, à la fin de la 1" section. 40 SUPPLEMENT A L'OUVRAGE ENTIER, 1877. Gariel. La persistance des impressions sur la rétine, expériences diverses exécutées à l'aide du Phénakisticope de projection. (Journ. de phys. de d'AIméida , t. VI, p. 90.) Recomposition de la lumière, observation des flammes sensibles, etc. Duboscq. Expériences de projection où l'on utilise la persistance des impressions sur la rétine. (Ibid., ibid., p. 215.) Projection des phénomènes de polarisation, l'analyseur tournant rapidement. Terquem. Sur la projection des figures de Lissajous obtenues au moyen de diapa- sons. (Ibid., ibid., p. 532.) Courbes plus grandes et plus lumineuses. Luvini. Miroir tremblant pour la recomposition des couleurs du spectre. (Journ. Les Mondes, 2me série, t. XLIII, p. 427.) Spectre renvoyé sur un écran blanc par le miroir oscillant. L.mtD de Lestrade. Recomposition de la lumière spectrale. (Ibid., ibid., p. 828.) Remarques sur le procédé de Luvini. Luvini. Recomposition de la lumière spectrale. (Ibid., t. XLIV, p. 97.) Défense de son procédé. Lavai d de Lestrade. Miroir tournant pour la recomposition, des couleurs du spectre. (Ibid., ibid., p. 416.) Description de l'appareil. Montigny. Notice sur les variations d'intensité de la scintillation et sur les change- ments de couleurs qui caractérisent ce phénomène. (Bullct. de l'Acad. de Belgique, 2mc série, I. XLIV, p. G94.) Continuation de ses recherches; voir aux années I8oG. 1864, 1871 et 1870. B aurett. The effecl of inaudible vibrations upon sensilive /lames. (Journ. Nature, t. XVI, p. 12.) Emploi du miroir tournant. Guthrie. Noie lue à la séance du 5 novembre de la Société de Physique de Londres. (Ibid., t. XVII, p. 56.) Lignes obscures sur la surface apparenta de deux longues cordes vibrant simultanément l'une devant l'autre; application. Spottiswoode. On strati/ied discharges. (Procccdings de la Soc. Roy. de Londres , t. XXV, p. 547.) Emploi du miroir tournant. COMPRENANT L'ANNEE 1877. M 1877. Spottiswoode. On stratified discharges. — Slraliped and unslratified forms of the Jar discharge, (lbid., t. XXVI, p. 90.) Idem. Me Leod. On some figures exhibiling the motion of vibrating bodies and on a new metliod for delermining the speed of machines. (Ibid., ibid., p. 157.) Image d'un poiul lumineux en mouvement vue dans un miroir vibrant. Thompson Lowne. On the quantitative relation of light to sensation. — .4 contri- bution to the physiology of the retina. (Journ. of anatomy and physiology, t. XI, 4me partie, p. 707.) Emploi d'un disque tournant blanc ou noir, portant, dans le premier cas, une portion de secteur noir, et, dans le second, une portion de secteur blanc. Sang. On the curves produced by refleclion front a polished revolving wire. (Procee- dings de la Soc. Roy. d'Edimbourg, t. IX, p. 502.) Courbe remarquable par les changements qu'elle subit suivant les positions de l'œil et de la source lumineuse. Peiuce. Note on the sensation of color. (Journ. de Silliman, 5me série, t. XIII, p. 247.) A mesure que l'éclat d'une lumière croit, sa couleur, quelle qu'elle soit d'abord, tend vers une teinte limite, la même pour toutes. Rood. On the effecl produced bij mixing white icilh colored light. (Lu à l'Académie nationale des sciences, séant à Washington, en avril.) On the photometric comparison of light of différent colors. (Lu à la même Académie, séant à New-York, en octobre. Voir le Journ. de Silliman, 1878, 5me série, t. XV, p. 81.) Comparaison entre des cartons colorés et des disques tournants à secteurs blancs et noirs. Riccô. Relazione fra il minimo angolo visuale e l'intensità luminosa. (Atti délia R. Accad. di scienze, Iettere ed arli in Modena, t. XVII; voir § 5.) Application du principe pliotométrique de Talbot. Alcune eleganti esperienze ottiche. (Mem. délia Soc. degli Spettroscopisti Italiani, t. VI.) Effets de couleurs dans les figures de Lissajous. KiniiNE. (Centralblatt der medicinischen Wissenschaften, janvier n° 5.) Images persistant sur la rétine d'un animal après la mort de celui-ci. Tome XL1I. (î 42 SUPPLÉMENT A L OUVRAGE ENTIER, 1877. Mach et Sommer. Ueber die Fortpflanzungsgeschwindigkeil von Explosionsschall- wellen. (Bullet. de I'Acad. de Vienne, t. LXXV, 2me partie, p. 101; voir pp. 111 et 117.) Ligne blanche tournant rapidement derrière une Tente étroite immobile et donnant ainsi l'appa- rence d'un point blanc oscillant ; ligure de Lissajous obtenue par la réflexion de ce point sur un petit miroir fixé à un diapason. Kunkel. Ueber die Erregung der Netzhaut. (Archiv. de Pflùger, !. XV, p. 27.) Faits relatifs à la génération des impressions. DEUXIEME SECTION. 1876. Dônhoff. Beilràge zur Physiologie. — IV. Ueber oscillirende Gesiclitsempfindungen. (Archiv fur Anal., Physiol. und wiss. Medizin, 4me livr., p. 459.) Le mouvement apparent que semblent prendre les objets après qu'on a tourné sur soi-même . présente des oscillations. 1877. Rosenstiehl. De l'emploi des disques rotatifs pour l'étude des sensations colorées. (Comptes rendus, t. LXXXIV, p. 1155.) Remarques relatives aux teintes des images accidentelles. Weinhold. Ueber die Farbenwahrnehmung . (Ann. de Poggendorfï (Wiedemann), 1878, t. Il, p. 631.) Théorie de HeringmodiGée (voir aux années 1872, 1875 et 1874). TROISIÈME SECTION. 1705. Nuguet. Un Mémoire sur les couleurs '. Les couleurs, au point de vue de l'orga- nisme, ne sont autre chose que l'ébranlement d'un nomhre plus ou moins grand des fibres nerveuses. La succession des couleurs observées dans les yeux fermés après la contemplation d'un objet éclatant, est due à ce q-ue le nombre des fibres excitées va en diminuant par degrés. 1852. Capitaine. Considérations sur les sens et leur classification. Thèse présentée à la faculté de médecine de Paris. Couleurs successives dans les yeux fermés , après la contemplation prolongée d'un objet gris foncé sur fond blanc. 1842. Pickford. Beilràge zur Kentniss des Sehens in subjectiver Hinsic/it. Heidelberg, p. 54. 1 Je n'ai pas eu ce Mémoire à ma disposition; j'ignore donc quel est le titre exact et le lieu de la publication; je le cite d'après Pickford. COMPRENANT L'ANNEE 1877. 43 1875. Woinow. Beilrâge zur Farbenlehre. (Archiv fur Ophihalmol., t. XXI, p. 225; voir p. 227.) Effets perçus après que l'image du soleil a été reçue sur la partie périphérique de la rétine. 1870. Albert. Grundzùge der physiologischen Opiik. (Handbuch (1er gesammten Augen- bcilkunde, public par Grafe el Sàmiscb, t. II, 2me partie.) 1877. Cintolesi. Sopra un fenorneno. d'oltica fisiologica; Nota preliminare. (Nuovo Cimento, 3me série, t. II, n° de novembre-décembre.) Une surface blanche vue à travers un disque tournant percé de fentes radiales, paraît uniformé- ment violette pour une certaine vitesse de rotation du disque. QUATRIEME SECTION. 1877. Ricco. Relazione fra il miuimo anrjolo visitait1 e l'intensité luminosa. (Atli délia R. Accad. di scienze, lettcre cd arli in Modena, t. XVII; voir les préli- minaires.) Nouvel argument à l'appui île l'action des éléments rétiniens les uns sur les autres. CINQUIÈME SECTION. 1876. Aubert. Grundzùge der physiologischen Optik. (Ilanilbucli der gesammten Augen- heilkunde, publié par Gràfe et Sàmiscb, t. II, 2rac partie.) 1877. Chevreul. Sur un phénomène de l'insolation de l'œil, qui n'a point encore été expli- qué. (Comptes rendus, t. LXXXIV, p. 895.) Explication, par le contraste, d'un phénomène dont parle Voltaire (voira 1757). Rood. On a construction for thesludy of Ihe conlrast ofcolors. (Lu à l'Aead. natio- nale des sciences séant à New- York, en octobre.) RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES DE LA DIGESTION ET SUR LA STRUCTURE DE L'APPAREIL DIGESTIF CHEZ LES MYRIAPODES DE BELGIQUE; Félix PLATEAU, Membre de l'Académie royale de Belgique, professeur ■• ITniversité de Gand, etc. ( Mémoire présenté à la classe des sciences de l'Académie royale dans la séance du 8 janvier 1876. Tome XL1I. RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES DE LA DIGESTION ET SUR LA STRUCTURE DE L'APPAREIL DIGESTIF CHEZ LES MYRIAPODES DE BELGIQUE. AVANT- PROPOS. 1. Le Mémoire actuel est une suite naturelle aux Recherches sur les phéno- mènes de la digestion chez les insectes, publiées en 1874 !j il fait partie d'une série de travaux entrepris, à peu près simultanément, sur la digestion, dans tout l'embranchement des Arthropodes. Au début de mes études sur les Myriapodes, j'avais l'intention de borner mes observations aux seules fonctions digestives; mais je ne lardai pas à voir combien l'appareil digestif lui-même était imparfaitement connu. G. Newport disait, il y a trente ans : « The Myriapoda hâve been more neglected by 1 Mèm. de l'Açad. roy. de Belgique, t. XLI, 1874. 4 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES naturaliste than almost any other division of the Articulata l. » Bien que, depuis cette époque, des hommes de talent se soient occupés spécialement de cette classe intéressante, la remarque de Newport est restée vraie. Obligé, par conséquent, d'acquérir, par mes travaux personnels et non dans les tra- vaux des autres, une connaissance anatomique détaillée des organes de la digestion des Myriapodes, j'ai voulu faire profiter la science de mes résultats. Un certain nombre d'entre eux sont entièrement nouveaux, d'autres sont des rectifications d'erreurs plus ou moins importantes recopiées dans tous les traités généraux. « ... La physiologie ne saurait se déduire exclusivement des dispositions » organiques que nous fait connaître le scalpel de l'analomiste 2. » Cette phrase résume toute l'utilité que je crois pouvoir attacher aux observations et aux expériences décrites dans mon travail. Elles m'ont permis, comme pour les insectes, de déterminer avec sûreté le rôle de presque toutes les parties du tube digestif des Myriapodes. Cependant, pour soumettre des animaux à des recherches physiologiques, il faut, non-seulement les avoir vivants, mais, de plus, lorsqu'il s'agit d'articulés, il faut pouvoir disposer facilement d'un grand nombre d'individus. Tel est le motif qui m'a fait limiter le champ de mes investigations aux principaux types des Myriapodes de Belgique. L'appareil digestif des Myriapodes n'étant, sous une forme simple, qu'une copie de celui des insectes, je devais trouver et j'ai trouvé, en effet, les phé- nomènes de la digestion en général semblables 5. Si donc, au point de vue 1 A list of the species of Myriapoda, order Chilopoda, contained in the cabinets of the British Muséum (Ann. ofnat. hist., vol. XIII, 1844, p. 94). 2 Ci,. Bernard cl Blanchard. Rapport sur le prix de physiologie expérimentale (Comptes rendus de l'Acad. des Se. de Paris , t. LXXX , 1875, p. 1501). 3 L'impression du Mémoire actuel était votée par l'Académie (séance du 8 janvier 1876), lorsque je fus averti par un article des Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris (numéro du 5 janvier 1876, p. 97) de la publication toute récente d'un Mémoire de M. Jousset de Bellesme, intitulé : Recherches expérimentales sur la digestion des insectes et en particulier de la Blatte. Paris, 1875. Ceci explique pourquoi les expériences de M. Jousset sur les insectes (je parle plus loin de celles qu'il a faites sur le Scorpion) ne figurent en rien dans ce travail. J'ai, du reste, discuté les recherches de ce savant dans ma Note sur les phénomènes de la digestion chez la Blatte américaine (Periplatieta americana) (Bullet. de l'Acad., 2e sér., t. XLI). DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. S physiologique, et comparativement à mon travail précédent sur les insectes, la publication actuelle ne renferme rien de bien neuf, elle a, du moins, l'importance d'une confirmation et le mérite de faire sortir les fonctions digestives des 3Iyriapodes de l'inconnu. Je n'ai presque pas besoin d'insister sur les difficultés d'exécution. Déjà grandes pour les insectes, on comprend combien elles étaient sérieuses poul- ies petits animaux dont il est ici question. Dans bien des cas, elles m'ont empêché de pousser mes investigations aussi loin que je l'aurais désiré. Un dernier mot quant à la disposition du texte. Afin de diminuer, autant que possible, le volume du Mémoire, j'ai rejeté dans des notes en petits carac- tères, au bas des pages, beaucoup d'explications importantes. J'engage le lecteur à ne point les négliger; elles sont souvent indispensables pour l'intel- ligence du travail. RECHERCHES SUR LES PHENOMENES CHAPITRE I. MYRIAPODES CARNASSIERS (CHILOPODES). FAMILLE DES LITHORIDES. §2. Lilhobius forficatus, Lin. INDICATIONS ICONOGRAPHIQUES 1817. G.-R. Treviranus. Vcrmischle Schriften (Zweiter Band), pi. V, fig. 4. Tube digestif du Lilhobius forficatus, fig. 6. Fragment de la tunique musculaire du tube digestif du même. 1824. Léon Dcfour . . Recherches anatomiques sur le Lilhobius forficatus et la Seutigcra lineata (Ann. des se. nat., lresér., t. II), pi. V, fig. I. Tube digestif du Lilhobius forficatus. 1858. C.-G. Carus. . . Traité élémentaire aVanatomie comparée (Trad. franc., atlas), pi. VI, fig, 22. Tube digestif du Lilhobius forficatus (d'après Treviranus). . De Myriapodum partibus genitalibus (Thèse), pi. I, fig. 1 et 2. Extrémité pos- térieure du tube digestif et insertion des tubes de Malpighi chez le Lilhobius forficatus. . Uebcrdie Gesclilechts Verhàllnisse der Myriapoden (Archiv pur Anatomie, etc., de J. Miiller, p. 258) , pi. XII, fig. 1 et 2. Reproduction des figures de l'ou- vrage précédent. 1841. F. Stein. 1842. F. Stein. Divisions du tube digestif. Très-commun dans une grande partie de l'Europe, d'une dissection rela- tivement facile, pris par beaucoup d'auteurs comme type de l'ordre des ' Ne concernent que le tube digestif et ses annexes chez les Lilhobius. On trouvera les indi- cations iconographiques ayant trait aux Scolopendrides au § 3 : Cryptops. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 7 Chilopodes, le Lilhobius forficatus a fait le sujet de recherches anatomiques répétées. Son appareil digestif a été décrit, non-seulement par Treviranus et Léon Dufour, dont on trouve les travaux accompagnés de figures cités dans les Indications iconographiques qui précèdent; mais il en a encore été donné des descriptions sans dessins par Marcel de Serres ' et M. Ludwig Koch -. Ces travaux originaux ont été reproduits, comme toujours, dans une série d'ouvrages sur les Myriapodes et de traités d'anatomie comparée qu'il est inutile d'énumérer. Je ne puis cependant me dispenser, pour des raisons sérieuses, de débuter, à mon tour, par une description succincte du canal intestinal de l'espèce en question; les idées du lecteur seront ainsi fixées et la nomenclature adoptée dans le cours de ce Mémoire, pour les subdivisions, sera dépourvue de toute ambiguïté. Je me suis déjà efforcé de prouver dans mes Recherches sur les phéno- mènes de la digestion chez les insectes, par l'étude des fonctions des diffé- rentes parties du tube digestif de ces animaux, que plusieurs des termes usités pour désigner ces parties étaient mauvais 3; c'est pourquoi j'avais été heureux de pouvoir mettre en usage la nomenclature employée par M. Gegen- baur dans son Manuel d'anatomie comparée *, parce qu'elle ne préjuge rien des fonctions et est donc toujours applicable. Je la suivrai encore ici, la fai- sant accompagner des anciens termes, en note ou dans le texte, chaque fois qu'il sera nécessaire. Le tube digestif des Lithobies est sensiblement rectiligne (fig. 1, pi. I); il se compose de trois portions bien nettes : 1° Un intestin buccal l' étroit d'une façon absolue, cependant assez large pour un Myriapode chilopode, débutant par une portion pharyngienne légère- ment évasée , cachée par les pièces de la bouche et la partie supérieure de la 1 Suite du Mémoire intitule : Observations sur les usuges des diverses parties du tube intestinal des Insectes (Annales du Muséum, t. XX. Paris, 1815), p. 250. 2 Die Myriapodengallung Lithobius. Niirnbcrg, 1862, pp. 8 et 9. 3 Recherches , etc., op. cit., § 16, pp. 115 à 115. 4 Traduction française de M. C. Vogt, pp. 375 à 591. Paris, 1874. s Répondant à l'ensemble de ce qu'on a nommé chez les Insectes : OEsophage, jabot , pro- ventriculus , ingluvies, premier estomac, gésier, cardia, etc. 8 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES tête et se renflant de nouveau un peu à sa terminaison postérieure, mais sans constituer de jabot proprement dit (fig. 14, pi. I); 2° Un intestin moyen x plus large, comprenant presque toute la longueur du canal; cylindrique ou à peu près lorsqu'il est plein, étranglé parfois en certains points à l'état de vacuité partielle. Ces étranglements qui n'ont rien de fixe ont induit en erreur des auteurs qui ont décrit des parties distinctes là où il n'y en avait pas. L'intestin moyen a pour limite postérieure l'inser- tion des tubes de Malpighi; 3° Un intestin terminal - étroit, cylindrique, droit, aboutissante l'anus. Les annexes sont : 4° Deux glandes volumineuses situées sur les côtés de l'intestin buccal; nous les appellerons provisoirement glandes antérieures ; 2° Les tubes de Malpighi au nombre de deux. Maintenant que nous avons rappelé, en quelques mois, la disposition géné- rale de l'instrument, passons à l'étude détaillée de la structure et surtout des fonctions de toutes ses parties. II. — \:i(nr< «le ralliiirnlation, manière «le «alslr et «le dévorer In proie. Les Lithobies sont, on le sait, carnassières 3 et lucifuges; on les rencontre sous les pièces de bois, les amas végétaux décomposés, les pierres reposant sur la terre humide; elles recherchent l'humidité par besoin. De Geer * avait, en effet, remarqué, il y a longtemps, que les individus qu'on tâcbe de con- server vivants dans des vases secs y meurent très-vite; seulement De Geer semble ne pas les avoir nourris. L'essai était donc à tenter dans de meil- leures conditions. Dans le but de me procurer les excréments de ces ani- maux, j'ai répété l'expérience du savant suédois; j'ai mis des Lithobies au 1 Ventriculus, estomac, estomac membraneux, estomac chylifique, troisième estomac, ventricule chylifique, intestin chylopoiétique, duodénum, etc. 2 Intestin, intestin grêle, duodénum, iléon, gros intestin, réservoir stercoral, côlon, rectum , etc. 3 M. Gervais fait Lithobie du féminin, j'ai suivi cet exemple. 4 Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, t. VII, p. 561. Stockbolm, 1778. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 9 fond d'un bocal de verre sec, placé dans un lieu obscur; les animaux étaient abondamment pourvus de nourriture. Malgré celte précaution, la moitié des individus sont morts au bout de quarante-huit heures et je n'ai pu main- tenir les autres à l'état vivant qu'en projetant, de temps en temps, dans le vase quelques gouttes d'eau. Au contraire, la captivité dans le même bocal, mais dont le fond était garni d'un lit de sable humide n'incommodait nullement les Lithobies que j'y ai élevées; elles s'y portaient très-bien et, fait à signaler, y vivaient en bonne intelligence, bien qu'il y eût en présence de grands exemplaires et d'autres petits (d'un centimètre environ). Cette dernière particularité a son importance, car elle prouve d'abord que, dans la première expérience, les accidents étaient bien dus à la sécheresse, et ensuite elle démontre la faus- seté de la prétendue observation suivant laquelle ces animaux ne cohabite- raient jamais. Dans mes nombreuses chasses, j'ai fréquemment trouvé plu- sieurs Lithobies sous la même pierre ou le même tas de végétaux pourris. Si quelques-uns d'entre ces animaux sont parfois les victimes des autres, ce ne sont jamais que les très-petits individus. Le Lithobius forficatus se nourrit incontestablement d'animaux vivants ; lesquels? Les travaux antérieurs ne nous donnent que des notions vagues à cet égard. Ainsi, parlant des Scolopendres en général et ne désignant pas les espèces, Geoffroy i indique comme nourriture : « des podures et d'autres petits insectes », de Geer - « des insectes et des vers », M. Gervais 5 « des insectes, des acarus, des araignées, etc. » Les seuls faits un peu précis tou- chant les Lithobius en particulier sont fournis par de Geer i qui a vu une Lithobie tuer une mouche, et M. Ludwig Roch s qui, en captivité, nourris- sait ces Myriapodes de mouches domestiques et qui a observé que les grandes espèces mangent quelquefois leurs congénères plus petits. 1 Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, t. Il, p. 674. Paris, 1762- 2 Mémoires, etc., op. cit., t. VII, p. 556. 3 Hist.nat. des Ins. aptères, i. IV, p. 251. Paris, 1847. 4 Mémoires, etc., op. cit., t. VII, p. 557. 5 Die Mijriapodengattung Lithobius, etc., op. cit., p. 19. Tome XL1I. 2 10 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES Je pouvais arriver à la solution de la question, et par l'expérience et par l'examen du contenu du tube digestif d'un grand nombre d'individus. Les expériences, bien simples, du reste, ont consisté à garder des Litho- bius forficatus en captivité dans de bonnes conditions (voir plus haut, p. 9), en présence d'une petite faune dans laquelle ils n'avaient qu'à choisir. Dans une première série, les articulés placés auprès d'eux étaient des mouches domestiques d'abord, puis des animaux habitant précisément les lieux humides et obscurs où les Lithobies se rencontrent : de jeunes porcel- lions (P. scaber), de petits iules (Blaniulus guttulalus), des notiophiles (iV. semipunctatus), de petits staphyliniens, enfin de petites araignées. Chose curieuse, au bout de six jours, ils n'avaient encore dévoré que les mouches; tous les autres articulés, semblant cependant constituer leurs proies naturelles, avaient été épargnés, bien qu'ils n'eussent aucune retraite où se cacher '. Dans une deuxième série, les Lithobies ont eu à leur disposition un fau- cheur (Phalangiwm opilio), de jeunes épéires (E. diadema?), de petits hémiptères (PItytocoris), des mouches domestiques et des cousins communs. Les mouches et les cousins ont seuls servi à la nourriture, le faucheur a été respecté, les épéires et les hémiptères sont morts, non de morsures, mais roulés dans le sable par les mouvements désordonnés des Lithobies qui leur passaient constamment sur le corps. Le second procédé, l'examen du contenu du tube digestif des individus vivant en liberté, procédé qui m'a donné, comme on le verra, d'excellents résultats avec d'autres espèces, ne m'a fourni pour les Lithobies, malgré un grand nombre d'observations, que des faits insignifiants. Tout ce que je puis assurer, c'est que j'ai acquis ainsi la preuve que M. Ludwig Koch ne s'était pas trompé, qu'ils mangent, au besoin, de très-petits individus de leur espèce. Quoi qu'il en soit, il me semble qu'on peut conclure des expériences décrites plus haut, des habitudes nocturnes bien connues et de la grande agi- 1 Excepté les iules qui s'étaient retirés dans l'épaisseur du sable humide recouvrant le fond du bocal. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 11 lité des Lilhobius qu'ils ne se nourrissent pas de préférence des porcellions, petits coléoptères et petites aranéides qui habitent avec eux les lieux où on les rencontre cachés durant le jour; mais qu'ils se mettent activement en chasse pendant la nuit pour surprendre les mouches, les cousins ou autres diptères posés dans les herbes et sur les plantes basses. La manière dont les Lithobies saisissent et dévorent les Insectes est très- intéressante à observer !. M. Ludwig Roch a déjà dit dans son beau travail : Die Myriapodengat- tung Lilhobius (p. 19), comment ces animaux montrent une agilité remar- quable à saisir leur proie, la maintiennent entre leurs forcipules et la dévorent par bouchées rapides; sa description, que je ne puis reproduire ici tout au 1 Elle ne peut être bien comprise qu'à la condition d'avoir une connaissance exacte de la composition de la bouche de ces Myriapodes. On me permettra donc de rappeler brièvement, dans cette note, la disposition d'organes dont j'aurai à déterminer les fonctions dans le texte. La tète est très-aplatie et la bouche située complètement à sa face inférieure, ce qui néces- site une attitude spéciale durant le repas. La bouche des Chilopodes comprend des pièces buccales proprement dites, appendices des somites céphaliques, et des pièces buccales acces- soires portées parles deux premiers somites thoraciques, de véritables pattes modifiées. C'est pour avoir négligé ce petit principe fondamental qu'on a laissé s'introduire dans beaucoup d'ouvrages, et même d'ouvrages récents, une confusion de termes qui m'oblige à joindre une synonymie à certaines parties de ma description. Procédant d'avant en arrière on observe ( fig. 22, pi. II) : A. D'abord les appendices des somites céphaliques ou pièces buccales proprement dites, ce sont : 1° Une lèvre supérieure ou labre, fixe, solide (a); 2° Une paire de mandibules (Prolognath.es dans la nomenclature de M. Milne Edwards pour les crustacés) chitinisées, dentées et portant chacune un bouquet de soies (6); 5° Les mâchoires de la première paire (Dentognathes. M. Edw.) fort peu résistantes et frangées de petites soies (c); 4° Les mâchoires de la deuxième paire (Tritognathes. M. Edw.) plus grandes, peu résis- tantes aussi et frangées de soies plus longues (d). B. Ensuite les appendices des deux premiers anneaux thoraciques ou pièces buccales acces- soires. ■1° Les pieds-mâchoires de la première paire, première paire de pattes thoraciques ou pattes prothoraciques, faisant songer par leur forme aux palpes des Insectes (e) (ce sont les palpes de Léon Dufour et de Kutorga, les palpes de la lèvre inférieure de Treviranus, les palpes maxillaires de C.-L. Koch et de M. Ludwig Koch , etc. ). 2° Les pieds-mâchoires de la deuxième paire, deuxième paire de pattes thoraciques ou 12 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES long, ne me semble cependant pas entièrement exacte. J'ai pris la précau- tion d'enfermer des Lithobies avec des mouches dans un bocal assez étroit pour observer les mouvements à l'aide d'une loupe; je crois donc, en toule sûreté, pouvoir décrire les choses comme suit (fig. 21, pi. I) : Le Myriapode saisit brusquement la proie entre les forcipules t et la blesse en lui en enfonçant les pointes dans le corps; puis il prend une altitude par- ticulière, nécessitée par la position infère de la bouche : l'ensemble du corps restant horizontal, la tête et les trois anneaux thoraciques sont relevés à 45°; la mouche est maintenue presque verticale, l'abdomen en haut, non par les pattes ambulatoires qui ne jouent ici aucun rôle, mais par les forcipules qui l'entourent alors comme deux bras. pattes mésollioraciques (/'), dont l'ongle terminal est devenu un volumineux crochet mobile percé, près de son extrémité, d'un orifice servant à l'écoulement d'un liquide vénéneux; orifice situé sur la face du crochet qui regarde la bouche proprement dite. Nous leur conserverons le nom de forcipules adopté dans beaucoup de travaux. Les hanches de ces pattes, soudées sur la ligne médiane, simulent une fausse lèvre inférieure (g) dentée au bord antérieur (Mandibules dcTreviranus, Léon Dufour et Carus, mâchoires de Straus-Durckheim, maxilles de Kutorga, palpes labiaux de C.-L. Koch , et de M. Ludwig Koch, etc.). Voyez, du reste, pour une synonymie plus étendue de ces organes : Anton Stuxberg, Om mundelarnes Bygnad hos Lithobius forficalus, p. 44 (ôfvers. K. Vet.-Akad.-Forh, 1875, K : o. 1. Stockholm ). I Tous les Chilopodes saisissent probablement leur proie de la même façon que les Litho- bies. Cependant Lcemvcnhoek rapporte qu'ayant placé une grosse mouche à portée d'une Scolopendre de l'Inde qu'il conserva quelque temps vivante, l'animal s'en saisit d'abord avec les pattes du milieu du corps et la fit passer ensuite d'une paire de pattes à l'autre, jusqu'à la tète (*). Ceci est admissible : mais ce qui l'est moins c'est l'expression générale dont se sert M. Gcr- vais en parlant de ces animaux : « Ils les saisissent avec leurs pieds de derrière » (*') et la phrase suivante de M. Lucas : « Celles (les espèces) du vrai genre Scolopendre se servent, en même temps, pour retenir leur proie, de leurs crochets postérieurs et de ceux dont la bouche est armée.... » (***). II y a évidemment là un fait mal interprété , une erreur de termes, ou même une faute de copiste- ainsi Kutorga, qui a observé les mœurs de la Scolopendra cingulata, Latr., dit claire- ment : « Jlismaxillis (forcipules) Scolopendra alia animalia captât » (****), procédé parfaite- ment d'accord avec la manière de faire des Lithobius. (*) Epistolae ad Societatem Regiam anglicam (Continuatio arcanorum naturae). Epistola, 124, p. 175. Leyde, 1719. (") Bist. >iat. des lus. aptères , etc., Op. cit., t. IV, p. 251. (•") Histoire naturelle des Crustacés, des Arachnides et des Myriapodes , Paris , 1840, p. 814. (•"•) Scolopendrac mursilaittis unalome. Observalionibus zoologicis ataue physiologicis Ulustrata, p. 4. S'-Pétm- bourg, 1834. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 13 Les pieds-mâchoires de la première paire (palpes des auteurs) exécutent des mouvements rapides et dirigent vers les pièces buccales proprement dites la partie à dévorer du corps de la victime. Les mandibules vraies agissent seules dans la formation des bouchées; à cet effet, elles coupent, par coups pressés, téguments, muscles et viscères indistinctement, taillant en plein et sans choix dans la matière qui se trouve à leur portée. Les morceaux sont poussés dans la bouche par le fait de la courbure et du pinceau des man- dibules, et probablement aussi par les mâchoires vraies de première et de deuxième paire, frangées aussi de soies fines (voyez la note de la page 11). Lorsque l'abdomen de l'insecte a disparu, la Lithobie, arrivée au thorax dont les téguments sont plus résistants, change de procédé, elle le creuse en en enlevant tous les muscles et l'abandonne entièrement vidé. M. Ludwig Koch ' décrit des mouvements des hanches des forcipules (fausse lèvre inférieure) que je n'ai pas vus et considère les pieds-mâchoires de la première paire (faux palpes) comme des organes destinés à pousser les bouchées dans la cavité orale ; ce que l'observation à la loupe ne confirme nullement. Ainsi que je l'ai dit, les forcipules maintiennent la proie, les pieds-mâchoires de la première paire la dirigent dans son ensemble. Les Lithobius mangent fort vite, j'en ai vu dévorer une mouche en cinq minutes. M. Ludwig Koch 2 a constaté qu'un seul individu pouvait avaler trois de ces diptères en l'espace d'une heure. On pouvait déduire à priori de cette rapidité et de cette gloutonnerie que la mastication proprement dite n'existe pas, et que, comme chez les Coléoptères carnassiers dont j'ai relaté la manière de manger dans un travail précédent 3, les bouchées se retrou- vent entières dans le tube digestif. L'ouverture immédiate de l'animal après un repas montre l'exactitude de cette hypothèse : les bouchées de formes assez irrégulières ont généralement \ millimètre dans les différents sens; ces dimensions, eu égard à la taille du Lithobius forficalus et au diamètre de l'œsophage, sont relativement grandes. 1 Die Myriapodengattung Lithobius, etc., op. cit., p. 19. 2 Ibid.f id. 3 Recherches sur les phénomènes de ta digestion chez les Insectes , op. cit., p. 8. U RECHERCHES SUR LES PHENOMENES C. — La proie meurt-elle empoisonnée? Il nous reste, pour terminer l'étude de tous les actes préparatoires, à élu- cider cette question : La morsure des Lilhobies est-elle venimeuse comme celle des Scolopendres proprement dites i? Remarquons que cette question n'a rien d'oiseux; si on pouvait raisonna- blement conclure de ce qui existe chez les Scolopendres que la morsure des Lithobies est venimeuse, quoique à un moindre degré, on ne l'a jamais dé- montré par des expériences convenables. De Geer vit, il est vrai, une mouche mordue par une Lithobie mourir presque instantanément « ce qui semble, dit-il, être une marque que leur morsure est venimeuse 2. » M. Ludwig Koch crut constater que cette morsure ne tue pas les insectes à beaucoup près aussi vite que celle des araignées ; selon lui , la mort n'est probablement que le résultat de la forte pression exercée par les forcipules 3. Telles sont les seules observations directes que la lecture des auteurs m'ait fait découvrir. Voici maintenant les expériences que j'ai effectuées : Un Lithobius forftcalus vivant et agile est piqué au sommet d'un bouchon de liège étroit, vertical, à l'aide d'une fine épingle traversant le troisième anneau du corps, la tête du Myriapode dépassant horizontalement le bou- chon. Dans celte situation l'animal furieux mord naturellement tout ce qu'on lui présente. Ceci étant, on saisit par les ailes, avec une petite pince, sans la blesser aucunement, une mouche domestique vivante et on la tient à la portée des forcipules du Lithobius. Celui-ci lui enfonce les pointes de ses crochets dans le corps. On enlève la mouche, immédiatement après la morsure, et on la dépose sur la table afin d'observer les phénomènes consécutifs. ' Consultez relativement à la morsure des Scolopendres : Van Beneden et Gervais, Zoologie médicale, t. I, Paris, 1859. Bertrand d'Hers, Thèse de zool. médicale, n° 94. Montpellier, 1843 (cité parles précédents). Dr Worbe, Bulletin de la Société médicale de Paris , p. 92, 1824 (idem). Moquin-Tandon, Éléments de zoologie médicale, p. 234. Paris, 18G0. Dr Bandlin, Die Gifte und ihre Gegengifte , III Band, pp. 14 à 17. Basel, 1875. * Mémoires, etc., op. cit., t. VII, p. 557. 3 Die M griapodengattung Lithobius , etc., op. cit., p. 19, DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 15 Toutes ces opérations se font sous une grande loupe à pied articulé per- mettant de mieux voir les détails. En offrant, coup sur coup, de nouvelles victimes à la Lithobie, on con- state, d'une manière générale, que les trois, quatre ou cinq premières mouches meurentàpeu près immédiatement, que la cinquième ou la sixième n'est plus que malade, remue encore les pattes pendant longtemps ou même se traîne à une petite distance; enfin, qu'à la septième ou à la huitième, le Myriapode refuse obstinément de mordre la proie qu'on lui présente. Les premières mouches meurent très-vite ; il ne s'écoule souvent pas plus de 3 à 4 secondes entre la morsure et l'instant où on réussit à dégager le diptère et, cependant, il m'est bien rarement arrivé de déposer sur la table autre chose qu'un cadavre. La Lithobie ne se borne pas à presser la mouche entre ses forcipules, comme le suppose M. Ludwig Roch, elle pique parfaitement et il suffit de regarder, avec une forte loupe, les poinls touchés pour voir deux blessures saignantes. Ajoutons, comme complément, 1° que j'ai constaté que la lésion produite par la fine épingle qui traverse le corps de la Lithobie n'est pour rien dans l'épuisement que l'animal manifeste à la fin de l'expérience f, puisque, remis en liberté, il prouve, par ses allures rapides, qu'il se doute à peine du sup- plice apparent qu'on lui a infligé-; 2° que de simples blessures assez pro- fondes faites à l'aide d'aiguilles à des mouches domestiques ne produisent aucun des phénomènes graves qui suivent une morsure de Lithobie et ne les empêchent même souvent pas de prendre leur vol. On peut, je pense, déduire de ces expériences, que la morsure du Litho- bius forficatus, est mortelle pour les insectes auxquels il s'attaque, que ses effets sont presque aussi rapides que ceux de la morsure des araignées, enfin, comme pour d'autres animaux venimeux 3, que la quantité de poison dispo- 1 La durée totale de l'expérience est peu de chose; une vingtaine de minutes, au plus, si l'expérimentateur est expéditif. 2 Supplice apparent, car tous les entomologistes savent combien le fait de traverser le corps d'un insecte par une épingle fine cause ordinairement peu de désordres. 3 Le Scorpion, par exemple : M. Jousset de Bellesme, dans son Essai sur le venin du 16 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES nible n'étant pas illimitée, les morsures répétées épuisent le Myriapode qui bientôt ne réussit plus à tuer et refuse de faire usage d'armes devenues inutiles. Le Lithoblus ne parvient pas à percer la peau d'insectes d'une taille un peu supérieure à celle de la mouche domestique. C'est ainsi qu'un individu moyen de 25 millimètres i ne put réussir à blesser une grosse mouche bleue (Calliphora vomitoria) que je lui présentais. A plus forte raison, les efforts du Myriapode échouent-ils sur l'épidémie humain; j'ai trop manié de Litho- blus vivants pour en douter 2. D. — Passage (les aliments par l'Intestin buccal. Comme cela devait être chez un animal qui avale gloutonnement de fortes bouchées (voyez page 13), ïintestin buccal est relativement large. Fréquem- ment coloré en violet par du pigment, il débute par un pharynx évasé dont le labre soutient le bord supérieur; puis vient l'œsophage qui augmente de diamètre dans sa moitié postérieure (fig. Il, pi. I), mais sans constituer de jabot proprement dit. Cet élargissement se constate très-bien sur un tube digestif laissé en place dans le corps de l'animal; il disparaît, au contraire, par les tractions qui ac- compagnent une dissection plus complète. Une série d'auteurs ne citent pas de jabot, ou même nient son existence : Scorpion (Ann. des Se. nat.-zoologie, Ve sér., t. XIX, art. il, p. 15, 1874), rapporte ce qui suit : « Un petit Scorpio-ocritanvs de 5 centimètres de long, dont la vésicule pouvait contenir environ » 5 déeimilligrammes de venin est laissé à jeun quaranlc-huit heures. Au bout de ce temps, je » lui présente des mouches que j'ai soin de lui enlever au fur et à mesure qu'il les pique. » Seize mouches successivement piquées meurent en quelques secondes; les quatre suivantes n succombent en une vingtaine de secondes; enfin les deux attires survivent quelques minutes » à leur blessure. Le Scorpion renonce à piquer la vingt troisième. » Et plus loin, p. 19 : « Je » donne successivement à un très-petit scorpion des mouches à piquer. Les quatorze premières » meurent rapidement , quatre autres meurent encore, mais plus lentement; la dix-neuvième » et la vingtième survivent à la piqûre. » 1 La taille de l'espèce oscille entre 1 4 et 27 millimètres; certains individus peuvent atteindre davantage. 2 II est curieux de voir de Geer avouer qu'il n'a « jamais osé les prendre avec la main nue » (Mémoires, etc., op. cit., t. VII, p. 557). DE LA DIGESTION CHEZ. LES MYRIAPODES. 17 Marcel de Serres ', Treviranus 2, MM. Rymer Jones 5, Ludwig Koch 4, Milne Edwards s. Léon Dufour admet un jabot rudimentaire et suppose une élaboration préliminaire des aliments dans son intérieur6. Toutes les opinions à priori sur un organe n'ont pas grande valeur, tant qu'on n'en étudie pas les fonctions. Dans un véritable jabot, tel que celui des Coléoptères carnassiers7, par exemple, les bouchées s'accumulent et le dis- tendent. Ici, rien de semblable, l'observation de l'intestin buccal, par la vivi- section d'une Lithobie qui vient de manger, montre que les aliments ne font que le traverser sans s'y accumuler jamais et passent directement dans l'intestin moyen. La colonne alimentaire contenue momentanément dans le pharynx et l'œsophage chemine sous l'influence des contractions très-visibles de la tunique musculaire. Bien que cette colonne oscille d'avant en arrière et d'arrière en avant, elle ne peut retourner dans la bouche et doit fatalement passer dans l'intestin moyen, par suite de la texture de la cuticule qui tapisse l'œsophage. En ouvrant l'œsophage et employant un grossissement relativement fort, on observe, en effet, que cette portion du canal est doublée intérieurement d'une cuticule mince, transparente, formant, lors de la vacuité de l'organe, un assez grand nombre de plis longitudinaux. Vers la deuxième moitié, c'est-à- dire dans le faux jabot, cette cuticule est garnie, entre les plis, de petites épines chitineuses dont les pointes sont tournées vers l'intestin moyen (fi g. 23, pi. II), organisation qui rappelle ce qu'on connaît chez les Insectes carnassiers; seulement, ici, sous la cuticule, existe, en outre, une couche de petites cellules épithéliales sans grande importance, à protoplasme incolore et à noyaux bien nets. La cuticule ne dépasse pas l'intestin buccal. 1 Suite du Mémoire, etc., op. cit., p. 250. 2 Vermischte Schriften, etc., op. cit., p. 23. 3 Myriapoda (Cyclopedu of anatomy de Todd, vol. 111 , 1 847 ) , p. 549. 4 Die Myriapodengattung Lithobius, etc., op. cit., p. 8. '■> Leçons sur la physiologie, etc., t. V, p. GiO (en note). 6 Recherches an atomiques sur le Lithobius, op. cit., p. 85. 7 Voyez mon mémoire précédent : Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes, p. 10. Tome XLII. 3 18 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES Outre les débris d'alimenls, on voit souvent dans l'œsophage de nombreux grains de sable. Nous retrouverons ce sable, non-seulement dans l'intestin moyen du Lithobius. mais aussi mélangé au contenu du tube digestif de presque tous les Myriapodes. Enfin, on constate parfois des collections de bulles d'air, fait qui a déjà été vu chez des Insectes Lépidoptères et Ortho- ptères ' et que j'ai réobservé chez les Cryptops et les Iulus. E. — Digestion dans l'Iutestln moyen. L'intestin moyen (ventricule chylifique, etc., des auteurs), sensiblement recti ligne et cylindrique, constitue, à lui seul, la plus grande partie du canal. On se demande comment on a pu dire et répéter que la texture est la même d'une extrémité à l'autre du tube digestif des Litbobies, tant il est facile de constater, pour l'intestin moyen, une composition spéciale des parois différente de celles des portions qui précèdent et qui suivent. La tunique musculaire est bien développée , elle a été décrite et figurée par Treviranus 2 et a fait commettre à Marcel de Serres une erreur natu- relle à son époque, erreur que je n'aurais peut-être pas signalée si elle n'était passée dans le domaine classique, grâce au Manuel d'Anatomie com- parée de M. von Siebold. Marcel de Serres, prenant évidemment pour de grosses cellules saillantes, le profil des bandes musculaires transversales de l'intestin moyen, telles qu'on le voit à un grossissement faible (fig. Il, pi. I), dit : « ces cellules arrondies fort rapprochées les unes des autres, rendent » l'aspect du ventricule semblable à une espèce d'épongé 3 » . M. von Siebold, se basant sur ce passage *, parle des «grosses et nombreuses cellules qui, selon » Serres, recouvrent la tunique externe de l'intestin des Lithobius 5. » 1 Voyez mon Mémoire, Recherches sur les phénomènes de lu digestion chez les insectes, etc., op. cit., pp. 42 et 45. - Vermischte Schriften, etc., op. cil.., I5d II, p. 24, pi. V, fig. G. 3 Suite du Mémoire, etc., op. cit., p. 2ii0. 4 En tant que la traduction française de Spring et Lacordaire que j'ai seule consultée ne renferme pas de faute d'impression ou de traduction en cet endroit. 5 Manuel d'analomie comparée. Traduction française, t. I, p. 444 en note (Paris, Roret, 1849). DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 19 Il n'y a, en réalité, aucune trace de follicules sécréteurs à la surface externe de l'intestin moyen. L'élément secrétaire est exclusivement repré- senté par un épithélium (intérieur par conséquent) entrevu par Treviranus l, mais dont la description devait encore être faite. Cet épithélium (fig. lô, pi. II) est composé d'une seule couche de grosses cellules qui, lorsqu'elles sont détachées, prennent spontanément la forme sphé- rique. Le protoplasme est ordinairement chargé de nomhreux granules, les uns incolores, les autres d'un jaune brunâtre. Dans un seul cas j'ai rencontré l'épi- thélium à peu près blanc, et le protoplasme cellulaire presque hyalin ; l'acide acétique m'a permis alors, avec plus de facilité, d'observer les noyaux des cellules qui sont grands, elliptiques et un peu granuleux (fig. 46, pi. II). L'épithélium en question diffère surtout de ceux des intestins buccal et ter- minal par le volume beaucoup plus considérable de ses cellules. Il offre la plus grande analogie avec le revêtement épithélial de l'intestin moyen des autres Chilopodes. Il sécrète, durant la digestion, un liquide brun dont le pouvoir colorant est intense et dont la réaction est généralement neutre. Je n'ai observé que bien rarement une très-légère alcalinité. Enfin, pour terminer ce qui concerne la texture des parois, je répéterai ce que j'ai déjà dit plus haut: la cuticule ou intima ne dépasse pas l'intestin buccal. Ainsi que cela a été ohservé chez des Insectes et, par moi même, chez les autres Myriapodes, l'épithélium de l'intestin moyen est donc à nu. Ce fait a son importance pour l'interprétation de ce qui va suivre. Les aliments passent rapidement dans l'intestin moyen, sans séjourner dans l'œsophage. Si l'on tue un Lilltobius immédiatement après la fin d'un repas, ce qu'on trouve encore dans l'intestin buccal est insignifiant, tandis que l'intestin moyen est distendu. Les corps avalés y resteront longtemps à subir le travail digestif et ne le quitteront que pour être définitivement expulsés à l'état d'excréments. Même chez les individus élevés en captivité, on trouve du sable mélangé au contenu de l'intestin moyen ; mais ce n'est presque rien comparativement à la quantité relativement énorme de grains de quartz et de petits débris 1 Vermischle Schriften, Bd. II, p. 24. 20 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES calcaires accompagnant toujours les matières en digestion chez les Lithobies vivant à l'état libre. Je doute fort qu'on puisse voir là quelque chose d'ana- logue à l'acte instinctif des oiseaux qui avalent de petits cailloux, pour aider à la trituration des aliments dans le gésier. Je crois simplement qu'il faut attribuer la présence du sable à la voracité des Lithobies dévorant brutale- ment des proies qui se sont naturellement recouvertes d'un peu de terre en se débattant. La masse alimentaire, quelle qu'elle soit, se teint toujours en brunâtre, quelquefois en brun verdàtre, par le liquide digestif que sécrète l'épithélium. Léon Dufour indique cette coloration; mais c'est la seule observation physio- logique qu'il ait faite touchant la digestion des Lithobies l. La réaction des aliments en digestion, soit qu'on les essaye tels qu'on les trouve en ouvrant le canal, soit qu'on les broie, au préalable, avec une goutte d'eau distillée, pour éviter les erreurs dues à la coloration brune dont nous venons de parler, est neutre à tous les papiers. Cette absence d'acidité que j'ai constatée un grand nombre fois 2 nous prouve que, comme chez les Insectes 5, les sucs digestifs des Myriapodes chilopodes ne sont pas assimi- lables au suc gastrique des vertébrés 4. Ayant réussi des digestions artificielles chez les Coléoptères carnassiers, j'ai naturellement voulu répéter ce genre d'expériences chez les Lithobies. Avant de décrire ma manière d'opérer, je tiens à rendre à qui de droit le mérite d'une priorité incontestable. Lors de la publication de mon travail sur la digestion des insectes, je croyais être le premier qui eût tenté des diges- tions artificielles avec les liquides des animaux articulés, mais j'ai constaté depuis que mon illustre ami, M. Emile Blanchard, avait obtenu antérieure- ment la digestion de la chair des mouches à l'aide du liquide sécrété par les glandes stomacales du Scorpion 5. Si je n'ai plus le mérite de l'idée première, 1 Recherches analomiques sur le Lilhobius forfîcatus, etc., op. cit., j). 86. 8 J'ai sacrifie, pour mes recherches sur la digestion, une telle quantité de Lithobies que j'avais presque dépeuplé des jardins où elles pullulaient. 3 Voy. mon Mém., liech. sur les phénom. de la digestion chez les Insectes, etc., op. cit., p. 1 18. 4 Nous verrons plus loin g 0 que, chez les Myriapodes qui se nourrissent de substances végé- tales (lulus), le contenu du tube digestif peut être acide. :' Organisation du règne animal. Arachnides, p. (3G. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 21 il me reste au moins celui d'avoir fait l'expérience, avant tout autre, sur les Insectes et les Myriapodes !. Vu les petites dimensions absolues de l'intestin moyen du Lithobius for- ftcatus, il ne pouvait être question d'isoler une quantité suffisante de suc digestif pur, même en sacrifiant un grand nombre d'exemplaires, ce qui, du reste, eût été pratiquement inutile à cause du temps nécessité par les dissec- tions. J'ai préféré agir d'une manière plus simple et employer, comme milieu, le contenu des intestins moyens d'individus en pleine digestion. Ces matières imbibées du liquide actif devaient agir parfaitement. Première expérience. — ■ Deux verres de montre sont placés dans une boîte de porcelaine à couvercle, dont le fond contient une petite couche d'eau, de façon à obtenir une atmosphère humide. L'un des verres de montre reçoit le contenu, broyé avec une goutte d'eau distillée, des intestins moyens de deux Lithobius et quelques fragments de muscles du vol (M. tboraeiques) de mouche domestique. L'autre verre de montre ne renferme que de l'eau distillée et également quelques fragments de muscles du vol de mouche. On laisse durer l'action vingt et une heures; la température de la chambre est de + 21° c. Au bout des vingt et une heures, les fragments de muscles de mouche pro- venant des deux verres de montre sont placés, en deux groupes distincts, sur une même plaque de verre. Ceux qui n'avaient été soumis qu'à l'action de l'eau seule étaient devenus très-blancs; ceux qui avaient séjourné dans le liquide de l'intestin moyen étaient brunâtres. A l'œil nu, ces fragments ne 1 Je pourrais ajouter : et sur les Crustacés. Ces observations, en portefeuille, seront publiées plus tard. Au point de vue de la priorité, on m'opposerait peut-être le travail de M. S. Basch (Unler- suchungen iiber das Chilopoetische und uropoetisehe System der Blutta orienlalis (Sitzb. deb K. Acad. Wien, 1858, publié en 1859) dans lequel l'auteur dit que le liquide sécrété par les glandes salivaires de la Periplaneta orienlalis additionné d'eau aiguisée de j-^ d'acide cblorbydrique a la propriété de transformer la fibrine en produits solubles. L'auteur s'est complètement- mépris et sur le rôle des glandes salivaires des Orthoptères et sur la région du tube digestif où s'opère la digestion proprement dite. Enfin l'addition d'acide chlorhydrique est une faute et l'expérience perd ainsi toute valeur. 22 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES semblent guère avoir subi de modifications. Deux verres à couvrir de même diamètre et, par conséquent, sensiblement de même poids, sont déposés sur les deux groupes de fragments. L'examen microscopique révèle immédiate- ment une différence remarquable : 1° Les fibrilles des muscles soumis à l'eau pure sont en grande partie séparées les unes des autres, mais elles ont conservé leur intégrité indivi- duelle; elles ont encore beaucoup de résistance et la pression ne les désagrège pas (fig. 48, pi. III); 2° Les fibrilles des muscles ayant subi l'action du liquide de l'intestin moyen sont dans un état de désagrégation avancé. Il y a non-seulement eu séparation longitudinale des fibrilles les unes des autres, mais séparation transversale des éléments de chacune d'elles; ces derniers se sont gonflés, ont pris une forme sphérique, et l'on a, sous les yeux, des chapelets de gra- nules en grande partie dissociés et que le moindre mouvement de la plaque couvrante réduit en bouillie de granulations n'ayant plus aucune relation entre elles (fig. 49, pi. III). Deuxième expérience. — Le mode d'opérer est le même, seulement, la matière à digérer se compose de très-petits fragments de muscles de bœuf; l'action dure dix-sept heures; la température est encore de + 21°. Après les dix-sept heures, il y a une différence d'aspect, même à l'œil nu; le fragment de muscle de bœuf soumis à l'eau pure est blanc, mais résistant, comme au moment de la mise en expérience; le fragment soumis au liquide de l'intestin moyen est brunâtre et complètement mou; ce n'est plus qu'une petite masse visqueuse. Au microscope on constate aussi qu'il y a eu une action évidente : le fragment qui a séjourné dans l'eau a encore toute son apparence histologique ordinaire; les fibres offrent un strié transversal net (fig. 50, pi. III). Le fragment qui a subi l'action du liquide digestif, au con- traire, n'a plus de strié transversal visible que dans le milieu de la masse, là où le liquide n'a pas encore pénétré suffisamment; partout ailleurs, les fibrilles sont devenues granuleuses, fiasques et transparentes, se réduisant en bouillie pour le moindre attouchement (fig. 51, pi. III). Le liquide sécrété par les parois de l'intestin moyen du Lilhobius forfi- DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 25 calus doit donc être considéré comme agissant énergiquement sur les matières albuminoïdes. Si je n'ai pas réussi à obtenir de dissolution complète, c'est que les expériences se faisaient dans des conditions qui n'étaient pas exacte- ment celles de la nature; le liquide digestif était additionné d'un peu d'eau, les fragments de muscles n'étaient pas divisés d'une manière aussi ténue qu'ils l'eussent été par le Myriapode, enfin la durée de l'action a été forcé- ment reslreinte, pour ne pas avoir à compter avec une cause d'erreurs graves, la putréfaction '. La sécrétion de l'intestin moyen des Coléoptères carnassiers émulsionnant activement les graisses, nous étions en droit de nous attendre à un effet ana- logue chez le Lithobius. Nos prévisions se sont vérifiées : en broyant le con- tenu de plusieurs intestins moyens avec une très-petite quantité d'eau et filtrant au travers d'un tampon de coton, on obtient un liquide qui, agité avec de l'huile d'olive, donne lieu à une émulsion bien caractérisée. Ainsi qu'on devait le supposer d'après le régime alimentaire, la recherche du glucose dans le contenu de l'intestin moyen ne fournit pas de résultat. Le liquide digestif des Lithobies ne caille pas le lait. Enfin, j'ai constaté dans les matières digérées et imbibées de suc digestif, la présence de sels minéraux : un chlorure, probablement le chlorure de sodium, un sulfate et, surtout, du carbonate de calcium. Ce dernier sel se rencontre toujours, à l'état de très-petits cristaux, dans les verres de montre où des gouttes de bouillie digérée étendues d'eau se sont desséchées sponta- nément. La forme qu'il affecte est assez exceptionnelle; ce sont de petites masses irrégulières groupées deux à deux (fig. il, pi. II). Elle a déjà été figurée, parmi les sédiments urinaires du lapin, dans le bel atlas de 0. Funke'2, et j'ai pu lever tous les doutes, malgré les faibles dimensions des cristaux, en les transformant, par des opérations inutiles à décrire ici et, du reste, très- simples, en sulfate, en eblorure et en oxalate de calcium. Ce carbonate de calcium peut provenir du liquide même sécrété par les 1 J'ai fait durer, au maximum, les expériences vingt et une heures. Au bout de trente-trois heures, les liquides de l'intestin moyen manifestaient des symptômes de décomposition. 2 Atlas der physiologischen Chemie. Leipzig, 1853 (pi. XIV, fig. 5; milieu et portion supé- rieure de la figure). n RECHERCHES SUR LES PHENOMENES parois de l'intestin moyen. On sait, en effet, que le suc pancréatique des ver- tébrés en contient 1 ; il peut avoir aussi sa source dans le gravier avalé par le Myriapode. J'ai inutilement recherché les phosphates. La digestion étant terminée et l'absorption des matières albuminoïdes dis- soutes et des graisses émulsionnées ayant eu lieu au travers des tuniques de l'intestin moyen, un phénomène nouveau très-curieux va se passer. Les matières qui ont résisté au travail digestif, débris de téguments d'insectes, grains de sable, substances terreuses, etc., cheminent quelque peu vers la fin de l'intestin moyen mais ne le quittent pas encore; elles forment une colonne noirâtre assez longue, continue ou fragmentée en tronçons. En fen- dant le tube digestif, on peut souvent enlever facilement ces tronçons à la pince. Si on les soumet à l'examen microscopique, on trouve avec étonne- ment qu'ils sont enveloppés chacun par une fine membrane limite, transpa- rente, jaunâtre, résistante, quelque peu striée iongitudinalement, mais sans structure cellulaire (fig. 66 et 67, pi. III). Cette membrane est de nature chitineuse, elle peut, par exemple, subir impunément, pendant plusieurs heures, l'action d'une solution concentrée de soude caustique. On pourrait se méprendre sur son origine. En effet, pour expliquer la pro- venance d'une enveloppe semblable entourant les résidus de la digestion chez les Arachnides du genre Phalangium, M. Milne Edwards dit qu'elle résulte « probablement d'une mue de la tunique épithélique » du tube digestif -. On ne saurait rien admettre de pareil ici, Pépithélium étant trop facile à reconnaitre pour le confondre avec une membrane absolument sans struc- ture. On ne peut, non plus, croire à la mue d'une cuticule qui n'existe pas (page 19). Il faut donc supposer, comme l'a, du reste, fait avec beaucoup de raison, M.Tulk, à propos également des phalangides, qu'il y a sécrétion, sur place, de l'enveloppe en question \ (Voyez encore, à ce sujet le § 4. B. et une note du § 9.) 1 Gonop-lÎESANEz. Traité d'analyse zoochimique. Traduit, franc. § 240, p. 443. Pari>, 1875. 2 Leçons sur la physiol. et l'anal, comparée île. l'homme et des animaux, t. V, p. 380 (en note). 3 / rpon the anatomy of Phalangium opilio (Ann. and Mac of na t. histoiiv, vol. XII, 1 845) p. 248. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 2o F. — Intestin terminal. L'intestin terminal (fig. 70, pi. III), généralement appelé rectum pour l'espèce qui nous occupe en ce moment, s'étendant de l'insertion des tubes de Malpighi à l'anus, offre quatre caractères qui frappent de prime-abord : sa brièveté qui a été signalée dans toutes les descriptions, l'absence de cir- convolutions qui le différencie ainsi nettement des intestins terminaux des Cryptops, des Himantarmm et des Geophilus, le développement de sa tunique musculaire déjà indiqué par Marcel de Serres x, le pigment violet qui lui donne fréquemment, comme à Tœsopbage, une teinte améthyste 2. Léon Dufour 3 a cru voir, près de sa terminaison anale, un faible cœcum que je n'ai pas retrouvé. Il est parcouru, ainsi que celui des autres chilopodes, par de fortes tra- chées et j'ai constaté, de plus, qu'il est tapissé par un épithélium formé de petites cellules à protoplasme incolore, très-peu granuleux et à noyau bien visible sans le secours de réactifs, enfin je crois pouvoir affirmer l'existence d'une cuticule très-mince. On doit admettre que l'épithélium peu important dont nous venons de parler n'ayant plus à produire de liquide à action digestive, puisque les résidus de la digestion sont entourés, dès l'intestin moyen, d'une enveloppe insoluble, ou n'est qu'une couche chitinogène ou ne sécrète qu'un liquide lubrifiant facilitant le passage des excréments. Kutorga 4 avait, en effet, déjà observé que chez la Scolopendra cingulata, ceux-ci sont secs et durs. Chez les Lithobies je les retrouve avec un aspect analogue dans l'intestin terminal. Ils résultent de la division en tronçons plus ou moins courts de la colonne de résidus de l'intestin moyen et affectent souvent la forme d'ellipsoïdes (fig. 69, pi. III). Ils sont encore évidemment entourés de leur membrane d'enveloppe résistante et si on les écrase, on y trouve les lambeaux de l'enveloppe en question, une matière granuleuse noirâtre, des débris de téguments d'arti- 1 Suite du Mémoire, etc., op. cit., p. 250. 2 Ce pigment peut faire entièrement défaut chez certains individus. 5 Recherches analomiques sur le Lithobius forficalus, etc., op. cit., p. 80. 4 Scolopendrae morsilanlis anatonw, etc., op. cit., p. 7. Tome XLII. 4 26 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES culés (fig. 68, pi. III), des globules graisseux, des concrétions informes et toute la collection des grains de sable avalés par ranimai. M. J. Davy i a indiqué de l'urate d'ammonium en abondance dans les excréments de la Scolopendra morsitans -. Celte combinaison de l'acide urique, assez fréquente chez les insectes 3, provient des tubes de Malpighi dont nous dirons un mot plus bas. N'étant pas parvenu à me procurer les excréments des Lithobies en quan- tité suffisante, j'ai dû me borner à quelques essais chimiques sur les petites masses retirées directement du tube digestif et je n'ai pas réussi parce que, ainsi que je le montrerai à propos des tubes Malpighiens, la sécrétion des produits uratiques, en un temps donné, est bien moindre chez les Lithobius que chez beaucoup d'Insectes. G. — Des glandes antérieures *. Les glandes antérieures des Lithobies, dites salivaires par la plupart des auteurs, sont tellement apparentes qu'elles ont été indiquées au sommaire- ment décrites par tous ceux qui, depuis Treviranus, se sont occupés de l'ana- 1 On the température ofthe Spider and on the urinary excrétion ofthe Scorpion and Cen- tiped. — (Edimburg, Philos, journ., t. XLIV, p. 585, 1848). Je n'ai pu me procurer le mémoire original; je cite d'après les Leçons sur la physio- logie, etc., de M. Milne Edwards, t. V, p. 450 (en note). 2 On sait que, sous l'ancien nom de Scolopendra morsitans, il faut comprendre, aujour- d'hui, une série d'espèces différentes. 3 Sericaria mori (chenille), id. (papillon), Melolontha vulgaris? Vanessa urticae (chenille), Bombyx lanestris (id.), Bombyx qùercûs (id.), Yponomeuta evonymella (id.), Meloe violaceus. Voyez, à ce sujet, mon mémoire : Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les insectes ) p. 108. 4 Avant de me former une opinion à l'égard des glandes antérieures des Lithobius, j'ai natu- rellement voulu connaître les recherches qui avaient été faites sur les glandes analogues d'un type de plus grande taille, les Scolopendres proprement dites ; mais, peines perdues ! Je regrette de devoir l'avouer pour l'honneur de la science , il y a peu de questions plus embrouillées; on ne trouve ni deux auteurs ni deux figures d'accord, et on quitte cette étude bibliographique que je vais essayer de résumer, l'esprit fatigué et dans l'impossibilité de discerner la vérité. Première confusion quant au nombre : J. Miillcr (*) ne figure qu'une seule paire de glandes (*) Zur Anatomie der Scolopendra morsitans (Isis. Bel. XXII, pi. II, 6g. 5. Leipzig, 1829). DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 27 tomie de ce genre de Myriapodes. Cependant, ce que Ton connaissait de ces organes était bien peu de chose. On savait qu'ils constituent deux glandes volumineuses en forme de grappes que Treviranus prit pour des corps grais- seux *, colorées en violet 2; mais on ignorait jusqu'au parcours de leurs canaux excréteurs 3 et personne n'avait cherché à s'assurer si leur sécrétion possède réellement les propriétés de la salive des articulés, des Insectes, par exemple. Je crois donc qu'on ne lira pas sans intérêt le résultat de mes recherches sur ces organes. Les glandes antérieures du Lithobius forfîculus sont situées de chaque côté de l'œsophage, depuis la tète jusqu'à l'origine de l'intestin moyen (fig. 1, pi. I). Elles ont la forme de longues grappes et se composent de nombreux lobules formés eux-mêmes d'acini sphériques au ellipsoïdaux incolores rem- grandes et compactes; Gaede (*) représente deux paires de glandes petites, en grappes; Kutorga (**) et Slraus-Durckheim ('**) en signalent trois paires. Deuxième confusion quant à l'endroit où aboutissent les canaux excréteurs : pour Gaede, les canaux aboutissent dans la bouche; pour Kutorga il y a, de ebaque côté, un canal se rendant à la forcipule et deux canaux s'ouvrant dans la cavité buccale; pour Straus, il y encore trois canaux pénétrant l'un dans la pince ou la mâchoire du même côté, le second clans la lèvre et le troisième dans la mandibule ! ! Enfin, troisième confusion quant au rôle : J. Millier dit qu'elles sont salivaires ou venimeuses, Gaede les appelle Salivaires et les regarde cependant comme produisant le liquide vénéneux, Kutorga les nomme simplement salivaires, Straus les réunit toutes sous le nom de venimeuses. On avouera que c'est à n'y plus rien comprendre et, si l'on m'objecte, que ce sont là tous tra- vaux bien vieillis, je puis répondre qu'il n'y en a pas d'autres; au point que les auteurs des traités généraux récents d'anatomie comparée les plus estimés, MM. Milne Edwards, Harting (****), Gegcnbaur, etc., ont dû s'en contenter et que la lecture des quelques lignes qu'ils consacrent à ce sujet nous laisse dans le doute le plus absolu. Je ne puis qu'engager les naturalistes à même de le faire par leur lieu de résidence, à reprendre la question anatomiquement et physiologi- quement sur des Scolopendres de grande taille, en exemplaires frais, et je traiterai donc des glandes antérieures des Litbobies sans chercher à établir des points de comparaison impos- sibles. (*) Beilrâge zur Anatomic der Insectcn fWlEDEMANN's ZOOLOGISCHES MAGAZ1N), Bd. 1, stllk 1, p. 87. Kiel, 1817. (") Scolopendrœ morsitantis anatome, etc., op. cit., pi. t, fig. 4. (*") Traité pratique et théorique d'anatomie comparative, t. II. Paris, 1843 , p. 33. ("") Leerboek van de Groitdbeginselen der Dierkunde, !»<« tleel, Morphologie, p. 43"2. Tiel, 1871. 1 Vermischte Schriften, etc., op. cit., Zweiter Band, p. 25. - Léon Dufouii, Recherches analomiques sur le Lithobius, etc. , op. cit. p. 85. 3 Ludwig Koch, Die Mi/riapodengaltung Lithobius, etc., op. cit., p. 8. 28 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES plis de petites cellules à sécrétion (fig. 24, pi. II). L'éclairage oblique, ou même par réflexion, fait voir un canal excréteur central sur lequel s'em- branchent les canaux secondaires des lobules. Un tronc trachéen principal et ses ramifications régnent le long de chaque glande et accompagnent les canaux excréteurs (fig. 25, pi. II). Enfin les glandes sont, comme je le rap- pelais plus haut, pigmentées en violet 1. Un grossissement suffisant montre que ce pigment est renfermé dans de nombreuses cellules spéciales adhérant fortement à la surface des acini. Lorsqu'on soumet les glandes à la pression, sous un lame de verre à couvrir, le contenu des acini s'écoule, par suite de la déchirure de ceux-ci, mais les cellules violettes à tunique plus solide résis- tent et restent intactes. Ces cellules ne sont pas assimilables à celles du corps adipeux; le corps adipeux des Lithobius est brun et non violet; les cellules qui le composent sont énormément plus volumineuses et remplies de globules graisseux brillants à contours foncés (fig. 26, pi. II). Quant aux canaux excréteurs, voici comment je me suis assuré du lieu où ils déversent le produit : après les avoir dégagés jusqu'à la tête, et l'animal étant couché sur le dos, on enlève d'abord les forcipules et l'on constate que cela n'amène aucune lésion ou traction des canaux; donc, en premier lieu, l'ait très-important, ces canaux ne s'ouvrent pas dans les crochets. Ensuite, on saisit avec une pince le groupe des pièces buccales proprement dites, mandibules et mâchoires et, le tirant à soi avec précaution, on entraine du même coup les deux canaux excréteurs avec leurs glandes (fig. 24, pi. II); l'œsophage reste en place, tenant par le pharynx à la lèvre supérieure. Donc, non-seulement les canaux ne déversent pas leurs produits dans les forcipules, mais ils ne s'ouvrent pas non plus dans l'œsophage; ils aboutissent à la base des pièces de la bouche proprement dite. Morphologiquement, les glandes antérieures se comportent, par consé- quent, comme des glandes salivaires. Voyons s'il en sera de même physiolo- giquement. Le liquide sécrété par les glandes antérieures n'est jamais acide. Soit en (') Le pigment |>cut manquer entièrement chez quelques individus; dans ce cas, les cellules superficielles, ordinairement violettes, sont incolores et leurs granulations jaunâtres (fig. 2d, f.). DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 29 broyant simplement ces glandes, soit en les écrasant avec un peu d'eau, soit en les comprimant directement sur des papiers réactifs, on ne constate jamais qu'une sécrétion neutre ou légèrement alcaline, comme la liqueur qui s'écoule de la bouche lorsque l'animal mord. Le liquide obtenu en broyant les glandes avec un peu d'eau n'abandonne pas de cristaux par évaporation spontanée; il reste une matière d'apparence grasse qui conserve pendant des mois la coloration violette des cellules à à pigment. J'ai montré, dans mes Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les insectes l, que les glandes salivaires vraies des Insectes proprement dits, possèdent la propriété caractéristique des glandes salivaires des verté- brés. En effet, en broyant plusieurs de ces glandes avec de l'empois d'amidon clair, on peut, après un temps variant de trente minutes à deux heures, sui- vant les espèces, déceler, par les différents réactifs en usage, la présence du glucose dans le mélange. J'ai répété maintes fois cette expérience décisive sur les glandes anté- rieures des Lilhobies, employant, parfois, jusqu'à huit glandes à la fois pour un centimètre cube d'empois, faisant varier la durée du contact entre qua- rante-cinq minutes et deux heures, à des températures de l'atmosphère ambiante dont la plus basse fut de +15° c. et la plus élevée de 24°; mais le résullat a toujours été négatif. Aucun des réactifs, liqueur de Barreswil, liqueur de Lagrange "2, potasse caustique, réactif de Bôtlcher, etc., etc., n'indiquait de trace de sucre. Ajoutons que j'opérais parallèlement et en même temps sur des quan- tités égales du même empois d'amidon, additionnées d'une goutte de salive humaine et que tous les réactifs y indiquaient la transformation en glucose. Double preuve, d'une part de la sensibilité des liquides employés et, d'autre part, de la non-identité de la sécrétion des glandes antérieures des Lithobies et de celle des glandes salivaires des Insectes et des vertébrés. ' Pages 47, 66, M 7. 2 Voyez au sujet de la formule et du mode d'emploi de cette liqueur : Lagrange, note sur une modification des liqueurs de Fehling et de Barreswil, employée au dosage du glucose. (Comptes rendus, t. LXXIX, p. 1005, 1874.) 50 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES Physiologiquement, les glandes antérieures des Lithobies ne sont donc pas des glandes salivaires, dans l'acception stricte du mot. Seraient-ce donc les glandes venimeuses ? On arriverait alors forcément à cette conclu- sion que l'écoulement du poison n'a pas lieu, suivant l'opinion admise, par les crochets forcipulaires, mais par l'orifice buccal, comme M. Ludwig Koch l'a supposé '. Je me suis occupé de la question au point de vue anatomique dans la série des Myriapodes chilopodes et au point de vue expérimental chez les Lithobius; cependant, afin de ne point allonger le travail actuel outre mesure, j'ai préféré en faire le sujet d'une notice spéciale que je publierai à part. Je me bornerai à énoncer ici que tout semble prouver que les glandes antérieures des Lithobies et des autres chilopodes ne sont point les organes producteurs d'un liquide venimeux. D'autres glandes spéciales, dont je tairai la position maintenant, jouent ce rôle particulier. Les glandes antérieures restent donc bien des annexes de l'appareil diges- tif. Quoique la nature de leur fonction ne soit pas élucidée, on peut leur conserver le nom de glandes salivaires, en se basant sur leur structure et leur position; mais en n'oubliant pas toutefois que leur sécrétion diffère certainement de la salive des insectes. II. — Tubes de Itlnlplghl. On sait, depuis longtemps, que les tubes de Malpighi des Lithobius sont au nombre de deux ; ils aboutissent isolément à droite et à gauche de la limite postérieure de l'intestin moyen, après s'êlre assez fortement dilatés sous forme de poche allongée (fi g. 70, pi. III). Ils sont très-fins, blancs par réflexion, jaunâtres par transmission. Leur organisation diffère peu de celle de ces mêmes tubes chez les Insectes. Ainsi que chez la plupart des Myriapodes que j'ai étudiés, les cellules sécrétoircs sont petites ; tantôt elles sont accom- pagnées de granules incolores (fig. 80", pi. III), tantôt le tube est clair et (') Die Myriapodengattung Lithobius, etc., op. cit., p. 19. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 31 les cellules sont très-visibles (fig. 80fr, pi. III). Ces différences peuvent s'observer entre les tubes d'individus différents, ou entre des segments suc- cessifs d'un même tube. De même que pour les Insectes dont j'ai fait ailleurs l'histoire des tubes malpighiens !, ces organes ont été successivement considérés, chez les Chilo- podes, comme intestins grêles (Gaede), comme intestins en cœcum (Kutorga), comme organes biliaires (Marcel de Serres, Treviranus, Léon Dufour, Ger- vais, Rymer Jones, etc.), enfin comme urino biliaires (Straus Durckheim). Il eût été parfaitement inutile de recommencer la longue discussion de faits et d'expériences qui remplit de nombreuses pages de mon travail sur la digestion des Insectes. Ces glandes tubulaires constituent ici, comme chez les hexapodes, un appareil dépurateur urinaire 2; il me suffira de résumer les résultats qu'elles m'ont fournis. Les tubes de Malpighi du Lithobius forficalus sont toujours très-peu chargés de sédiments. C'est en vain, la plupart du temps, qu'on y chercherait la présence de concrétions quelconques en les observant à l'état frais. L'artifice que j'ai employé souvent, avec succès, consiste à les laisser se dessécher librement sur une plaque de verre. Dans ces circonstances, les cellules dis- paraissent, les tubes deviennent transparents comme le verre et le micro- scope permet d'y découvrir soit de petites concrétions informes, soit de petits cristaux (fig 81, pi. III) provenant de la cristallisation, pendant la dessic- cation lente, des éléments cristallisables primitivement dissous. Ces cristaux formés ainsi spontanément au sein du liquide des tubes ne répondent en en aucune façon à l'urate d'ammonium observé par Davy dans les excréments des Scolopendres (voyez plus haut, page 26), mais, chose curieuse, à l'acide urique pur, non en combinaison 5. ' Voyez mon Mémoire : Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes, etc., pp. 27 à 35, 40, 41, 45, 57, 59, 61 à 65, 84, 92 à 97, 106 à 115. 2 J. Muller (Zitr Anatomie der Scolopendra morsitans, etc., op. cit., p. 550) s'est élevé le premier, dès 1829, quant aux Myriapodes, contre la dénomination de vaisseaux biliaires donnée aux tubes malpighiens de ces animaux. Ce sont, dit-il, des organes excréteurs. 3 Pour l'urate d'ammonium, voyez : Robin et Veiideil, Traité de chimie analomique. (Atlas pi. XVIII, fig. 1.) 0. Funke, A lias der physiologischen Chemie, pi. IV. fig. 5, et pi. XIII, fig. 5 et 6. 32 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES En traitant ensuite les mêmes tubes par le procédé emprunté à M. Si- rodot lf procédé que j'ai largement utilisé pour les insectes, c'est-à-dire en broyant les tubes malpigbiens avec un peu d'eau dans le creux d'une lame de verre à concavité, ajoutant une petite goutte d'acide acétique et couvrant avec une lame de verre mince, on obtient, au bout d'une heure à une heure et demie, de petits cristaux d'acide urique de même forme que les précé- dents, mais tout aussi rares. Cette si petite quantité de matière uratique est cause qu'on ne parvient pas à obtenir la coloration rouge de la murexide, facile cependant à déve- lopper à l'aide des tubes de Malpighi de certains Insectes (Carabus auratus, Melolontha vulgaris, etc.). Les tubes de Malpighi des Lithobius sécrètent donc, toutes proportions gardées, beaucoup moins d'acide urique, en un temps donné, que ceux d'autres articulés et telle est l'une des raisons pour lesquelles je n'ai pu en déceler dans leurs excréments (voyez p. 26). Gonup Besanez, Trailè d'Analyse zoo-chimique, tract, française, fig. 59. Lehmann, Précis de Chimie physiologique, trad. française, fig. 4. Fjiey, Trailè d' histologie, irad. française, fig. 26. Pour l'acide urique sous la forme où nous l'avons observé chez le Lilhobius, voyez : Robin et Verdeh,, op. cit., pi XI, fig. 1, pi. XII, pi. XIII, pi. XIV, fig. 1. 0. Funke, op. cit., pi. IV, fig. 2. Gonup Besanez, op. cit., fig. 00. Frey, op. cit., fig 24. Lehmann, op. cit., fig. 5. Odling, Cours de Chimie pratique, trad. française, fig. 55. Sirodot, Recherches sur les sécrétions chez les Insectes. Thèse, Paris, 1859, pi. XIV, fig. 4, et pi. XVI, fig. 9. Enfin mon Mémoire précédent, Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes, fig. 18, 19,43 et 49. 1 Voyez le Mémoire de M. Sirodot dont le litre est indiqué ci-dessus. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 33 FAMILLE DES SCOLOPENDRIDES. §3. Cryplops Savignyi, Leach; C. agilis, Meinert; C. hortensis, Leach '. INDICATIONS ICONOGRAHIQUES. N. B. — Le tube digestif des Cryptops, inconnu avant mes recherches, n'a jamais été représenté. Comme le genre Cryptops est rangé par tous les zoologues modernes parmi les Scolopendrides, je donne, ci-dessous, les indications iconographiques concernant les Scolopendra proprement dites; mais en faisant observer, dès maintenant, qu'il y a, entre le canal alimentaire des Cryptops et celui des Scolopendres, des différences capitales, de sorte que ce dernier ne saurait être considéré comme le type de l'autre. 1817. Gaede . . Beitrâge zur Analnmie der Inseclcn (Wiedemann's zoologisches Magazin. Band I, St. I, p. 87), pi. I, fig. 7. Glandes antérieures de Scolopendra morsitans (Scolo- pendre d'Amérique). 1829. J. Muller . Zur Analomie der Scolopendra morsitans (Isis von Oken, Band XXII), pi. Il, fig. 5. Tube digestif de Scolopendra morsitans. 1834. Kutorga. . Scolopendrae morsilantis anatome , pi. I, fig. 2. Tube digestif de Scolopendra cingu- lala, Latr., fig. 4. Glandes antérieures de la même. 1857. J.-V. Carus. Icônes zootomkae (Wirbellosen Thiere), pi. XII, fig. 2. Tube digestif de Scolo- pendra cingulala (d'après Kutorga). 1872. Maiiii.m. - . Leerboek van de Grondbeginselen der Dierkitnde , derde deel, tweede afdeeling, fig. 324.. Tube digestif de Scolopendra cingulala (d'après Kutorga). A. — Nature de l'alinicutation. On sait que les Cryptops, comme les Géophilides dont nous aurons à parler plus loin § i , sont privés d'yeux. Leurs pièces buccales sont sensiblement de même forme que celles des Lithobies. Cette grande analogie nous autorise à admettre qu'ils capturent et tuent leur proie par les mêmes procédés. Ils sont très-carnassiers et même ' Voyez, au sujet de la distribution de ces animaux en Belgique, mon travail : Matériaux pour la faune belge, 2e note, Myriapodes (Bullet. de i.'Acad. royale de Belgique, 2e série, t. XXXIII, n° 5, 1872), pp. C, 7, 8 et pi. I, fig. 1, 2, 3. Tome XLII. S 34 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES voraces : ayant placé un C. Savignyi dans une boîte contenant déjà un Himantarium Gervaisii, je trouvai, le lendemain, ce Géophilide en partie dévoré. L'examen du contenu du tube digestif du Cryptops m'y fit décou- vrir les débris de la victime; il avait avalé indistinctement les muscles , les téguments, les pattes entières, et l'état de division incomplète de ces frag- ments indiquait une absence presque totale de mastication proprement dite. De nombreuses bulles gazeuses étaient associées aux matières en digestion. Les espèces du genre Cryptops sont loin d'avoir toutes identiquement les mêmes mœurs. Les différences dans les habitudes générales des articulés sont très-utiles à connaître pour saisir les causes de l'alimentation spéciale de chaque espèce en particulier. Les lignes suivantes sont, comme on le verra, une démonstration intéressante de ce fait. Il résulte de mes observations que, des trois espèces bien distinctes qu'on observe en Relgique, deux d'entre elles, les C. Savignyi et C. hortensis sont essentiellement souterraines; le C. Savignyi se rencontre dans la terre ordinaire des jardins, de préférence au pied des murs, à des profondeurs variables, mais toujours assez grandes (50 centimètres et plus). Le C. hor- tensis descend bien moins bas et se trouve surtout dans les terres très-meu- bles, la terre de bruyère, la tannée employée par les jardiniers , etc. Quant à la troisième espèce, le C. agilis, elle habite, au contraire, sous les pierres, comme les Lithobies. Je me suis efforcé de déterminer l'alimentation de chacune d'elles par l'examen attentif du contenu du tube digestif. Je classerai les résultats pour les rendre plus clairs. 1° Espèces souterraines. Des grains de sable sont toujours associés, en quantité plus ou moins grande, au contenu du canal alimentaire. C. Savignyi. (Vivant profondément dans les terres un peu compactes.) La nourriture se compose de jeunes Lombrics (Lumbricus communia , Hoffm.) dont on retrouve les soies caractéristiques en quantité énorme '; de petits acariens quelquefois avalés 1 Voyez, pour les figures des soies du Lumbricus communia et d'autres : D'Udekem, Mémoire sur les Lombricins, lrc partie. (Mém. de l'Acad. royale de Belgique, t. XXXVI, 1865) pi. IV, DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 55 entiers, de Géophilides (Geophilus, Himantarium , etc.) reconnaissables aux articles de pattes, d'antennes, etc., parfois de petites araignées 2. C. hortensis. (Vivant peu profondément, dans les terres légères.) Je n'ai réussi à déter- miner, jusqu'à présent, parmi les débris d'articulés avalés, que des articles de pattes d'araignées. 2° Espèce habitant sous les pierres. Crains de sable associés à la nourriture, quelquefois absents. C. agilis. Nourriture composée de petites larves d'insectes, même de larves velues (espèces indéterminables). B. — Description du (abc digestif. Ainsi que je l'ai déjà dit, au début de ce paragraphe, le tube digestif des Cryplops est resté inconnu jusqu'à présent. L'intérêt que j'attachais à l'étude de cet appareil s'est accru tout à coup considérablement dès qu'une première dissection m'eut révélé une composition spéciale et, j'ose le dire, toute nou- velle pour un Myriapode. fig. G et 7. — E. Claparède, Histologische Unlcrsuchungenùbcr tien Regenvmrm (Zeitschr. fiii* wiss. Zoologie, XIX Bd. i869), pi. XLIII, fig. 2, XLIV, fig. 2, et XLV, fig. 2. 3 En dévorant des Lombrics, le C. Savignyi avale évidemment tout ou partie des matières renfermées dans le canal digestif de ces annélides, par conséquent des substances végétales en décomposition et même des spores de cryptogames. C'est ce qui était arrivé à un des Cryptops que j'ai étudiés : son intestin buccal contenait, en grande quantité, de petits groupes d'un végétal cryptogamique, rougeàtre à la lumière directe, jaunâtre par transmission et dont je donne le dessin fig. 27, pi. II. Notre savant botaniste M. A. Bellynck, ayant bien voulu en examiner un échantillon, m'écrivait : « Nous avons ici, sans aucun doute, des fragments de » Mycélium moniliforme d'un champignon asconiycète (Peziza?). L'animal aura avalé des » spores de ce champignon, et les mauvaises conditions dans lesquelles elles ont germé sont » cause de l'état morbide de ce mycélium. » La présence de végétaux cryptogamiques dans l'intestin des articulés, et même des Myria- podes en particulier, n'est pas un fait extraordinaire. Leidy (Proceedings of Nalural science of Philadelphia, 1849), Ch. Robin (Histoire naturelle des végétaux parasites qui croissent sur l'homme et sur les atiimaux vivants. Paris, 1853) Moulinié(ibiiL) en ont signalé un nombre assez considérable (onze espèces pour les Myriapodes); mais, d'abord, tous ces végétaux, de l'avis de M. Ch. Robin, appartiennent au groupe des algues et, ensuite, les Myriapodes chez lesquels on les a observés sont circonscrits dans l'ordre des Cbilognathes. Le cas que je signale chez les Cryptops est donc probablement neuf, puisqu'il s'agit d'un champignon et d'un Myriapode Chilopode. 36 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES Le tube digestif des Cryptops, à peu près identique chez nos trois espèces indigènes et, probablement, chez toutes celles du genre, est un peu plus long que la distance exacte de la bouche à l'anus. (Chez un C. Savignyi de 46 mil- limètres de longueur, le canal alimentaire avait 67 millimètres i.) Cela tient à des sinuosités de deux genres différents; les unes, peu accusées, sont quelques légères ondulations générales dans le plan vertical, l'autre très-importante est une circonvolution nette décrite par l'intestin terminal (voir plus loin p. iO). Chez certains individus, il est si intimement enveloppé par un tissu adi- peux jaune abondant, résistant et adhérent, qu'il est très-difficile de l'isoler. On y parvient cependant avec des précautions convenables; mais il est matériellement impossible de conserver autre chose que des tronçons des tubes de Malpighi. Le canal alimentaire est encore divisible en les trois portions ordinaires; intestin buccal, intestin moyen, intestin terminal; seulement, il présente deux caractères marquants qui frappent immédiatement l'observateur : 1° Au lieu d'offrir un intestin buccal court, comme celui des Lithobies et des Scolopendres dont on a rapproché les Cryptops dans les classifications zoologiques, il possède, au contraire, un intestin buccal très-long comme celui des Géophilides, mais beaucoup plus large. 1 On pourrait concevoir des doutes sur l'exactitude de la détermination de l'espèce, en me voyant parler ici d'un C. Savignyi de 46 millimètres de longueur et en lisant dans mon travail sur les Myriapodes de Belgique (*) : « atteint jusqu'à quatre centimètres de longueur a; alors que certains auteurs lui donnent seulement : M. Gervais 20 millimètres ("), C. L. Koch • \ 1 millimètres (***) et M. Snellen van Vollcnhoven 20 millimètres (****), et que des ouvrages signalent même le C. Savignyi comme plus petit que le C. horlensis. Ce sont les auteurs en question qui, ou bien n'ont vu que des jeunes, ou bien ont commis une erreur grave. On s'en assure aisément en remontant aux sources : l'espèce C. Savignyi a été créée par Leach en Angleterre; or, le spécialiste Newport qui décrit les Myriapodes du lii'itish Muséum, sur des exemplaires anglais types (*****) dit, ce qu'on semble trop avoir oublié : « Crypl. hortensi simillima sed Major... Long, une 1 JL. » Il lui assigne donc une taille plus forte que celle du C. Iwrtensis et une longueur de 45 millimètres bien voisine des 40 ou 46 millimètres que j'ai toujours observés. (") Matériaux pour la faune belge, etc., op. cit., p. 7. (") lli.it. nat. des Ins. aptères, etc., op. cit. , t. IV, p. 292. ('") Die Uijriapotlen gelrcu nach (1er Natur abgebililet und besclirieben, t. II, p. 35. (*"*) De Dkren l'an Piederland, Gclcde Dieren. Haarlem, 1860. (Dimensions d'après la fig. 2 de la pi. 7 de l'Atlas). (•"") Catalogue ofllic Mijriapoda in tbe Collection u[ the British Muséum. l'art I, Chitopoila, p. 59. London, 18bU DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES 57 2° Sur la limite de l'intestin buccal et de l'intestin moyen existe un organe comparable, jusqu'à un certain point, à l'appareil valvulaire (gésier) des Insectes ou à l'estomac triturant de certains Crustacés. Passons actuellement à l'étude des détails : Intestin buccal. II se rapproche de celui des Géophilides par sa grande longueur, puisque, dans un tube digestif de 67 millimètres, il en mesurait 45, c'est-à-dire à peu près les deux tiers (fig. 2", pi. I); mais il s'en éloigne, au contraire, beaucoup par son diamètre. L'intestin buccal des Géophilides est, en effet, excessivement étroit, capillaire (§ 4 B, et § 5), tandis que chez les Cryplops, il offre une ampleur assez considérable pour faire douter au pre- mier abord de notre interprétation (2 millimètres de diamètre C. Savignyi). Cette interprétation est cependant parfaitement d'accord avec tous les détails anatomiques, histologiques et physiologiques que j'ai pu relever. Plus étroit à son origine et vers sa terminaison que dans la région moyenne, l'intestin buccal joue, dans cette même région, un des rôles du jabot des Insectes carnassiers; c'est-à-dire que les aliments s'y accumulent avant de passer dans les sections suivantes. Comme le jabot des Insectes en question, il offre des diamètres apparents très-différents suivant les circonstances; rétréci chez les Cryptops à jeun, large, distendu chez ceux qui viennent de manger. 11 se termine, ainsi que l'intestin buccal des Insectes pris comme terme de comparaison, par un appareil valvulaire (gésier) ou faux organe triturateur. Ses parois fort minces et transparentes, au point de laisser voir souvent, d'une manière facile, la nature des substances avalées, sont revêtues exté- rieurement d'une couche musculaire dont les éléments transversaux qui sont les plus visibles acquièrent surtout de l'importance vers le tiers postérieur (fig. 2a, pi. I). Il est tapissé intérieurement par une intima ou cuticule simple, sans appendices saillants, excepté dans l'appareil valvulaire que nous allons décrire. Je n'y ai point vu d'épilhélium. Appareil valvulaire (gésier). Les naturalistes qui m'ont fait l'honneur de lire mon travail antérieur sur la digestion des Insectes se rappelleront que j'ai été amené à substituer au nom de gésier, généralement employé, le 58 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES terme ft appareil valvulaire emprunté à M. Milne Edwards. Mes nombreuses observations prouvent que « l'appareil valvulaire n'est point un organe tri- » turateur auxiliaire des pièces buccales, car chez les Coléoptères carnas- » siers et les Locustiens où il affecte une forme classique, les matières » animales ou végétales qui l'ont traversé se retrouvent, après le passage, en » parcelles de même forme et de même grandeur qu'avant l'opération i » . Sa fonction, très-importante, du reste, consiste à ne permettre qu'un passage graduel des matières digérées, de l'intestin buccal dans l'intestin moyen. Ces quelques lignes d'explication étaient nécessaires pour justifier l'expression dont je me sers et pour nous faciliter la détermination ulté- rieure des fonctions de l'organe en question chez les Cryptops. Cet organe est absolument nouveau chez les Myriapodes. Cependant, en lisant le passage que Straus Durckheim consacre, dans son Traité pratique et théorique d'anatomie comparative 2, au tube digestif de la Scolopendra mor- silans, on serait tenté de croire qu'il existe aussi chez les Scolopendres pro- prement dites. Straus Durckheim dit : « un jabot succenturié suivi d'un » gésier très-petit, fort musculeux, replié sur lui-même, dans lequel la » muqueuse forme des plis saillants irréguliers et cornés sur leur bord, » constituant un appareil de rumination destiné à broyer une seconde fois » les aliments » Mais l'auteur s'est évidemment trompé, car l'analomie des Scolopendres ayant donné lieu à plusieurs travaux que j'ai déjà cités et même à une monographie assez détaillée (Kutorga), on n'aurait pas manqué de signaler une portion aussi apparente et aussi intéressante du canal alimen- taire. Ajoutons que le gésier des Cryptops ne répond nullement à la description reproduite plus haut. Chez les trois espèces de Cryptops que j'ai disséquées, l'intestin buccal, à son extrémité postérieure, après un rétrécissement, se renfle brusquement en une petite poche, ovoïde chez les C. hortensia et agilis (fig. 28 et 30, pi. II), sphérique chez le C. Savignyi (fig. 2, pi. I et 31, pi. Il), à parois très-mus- culaires et dont le contenu est des plus inattendus. 1 Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes, etc., op. cit., p. 118. Voyez aussi les pages 18, 19, 72, 75, 74, 104, 105, 106. a Tome II, p. 32. Pans, 1843. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES 39 La cuticule chitineuse qui tapisse l'organe est hérissée de prolongements dont la nature n'est pas identique chez les trois espèces. Chez le C. Savignyi, dont je parlerai en premier lieu, ces prolongements sont de deux formes différentes; les uns, les plus nombreux, sont de longues soies raides, trans- parentes, incolores, frangées sur leurs bords et subdivisées en pinceaux à leur extrémité. Les autres sont trente-huit à quarante pointes dures, brunes, couvertes de petites épines secondaires, comme étaient jadis certaines massues à pointes de fer multiples. Les soies naissent à toutes les hauteurs sur les parois du sac globuleux et convergent par groupes vers l'ouverture anté- rieure; les pointes épineuses implantées sur une seule ligne circulaire consti- tuent, dans un gésier intact, une sorte de couronne (fig. 31, 32, 33, pi. II). Le fait le plus extraordinaire, c'est que tous ces appendices, soies et pointes épineuses, sont dirigés, non vers l'intestin moyen qui suit, mais vers l'orilîce d'entrée du gésier, c'est-à-dire vers l'intestin buccal. Si nous cherchons des analogies, nous en trouverons certainement, au point de vue morphologique, sinon fonctionnel, d'abord dans l'estomac armé de pointes épineuses, de soies, etc., des Mysis si bien décrit par notre illustre confrère M. P.-J. Van Beneden ', ensuite et surtout, dans le sac mus- culaire globuleux garni, au dedans, de soies raides dirigées en avant qui termine, suivant MM. Leydig et Weismann, l'intestin buccal de la larve sin- gulière de la Corethra plumîcornis Meig 2. Chez les C. agilis et horlensis , l'armure interne du gésier est moins importante; elle ne comporte plus que de longues soies simples, effilées au bout et non subdivisées (fig. 29, pi. II). Toutes sont encore dirigées vers l'orifice antérieur. Afin de conserver une preuve matérielle et indiscutable de la singulière disposition que je viens de décrire, des préparations du gésier et du tube digestif entier des Cryptops ont été déposées dans les collections de l'Univer- sité de Gand. 1 Recherches sur les Crustacés du littoral de Belgique (Mém. de l'Acad. royale de Belgique), t. XXXIII, 1861, pp. 41 et suiv., pi. II, fig. 2. 2 Weismann. Die Métamorphose der Corethra plumicornis (Zeitschu. f. wiss. Zool., XIV Band, 1 Heft, 1806), pi. III, fig. I. 40 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES J'exposerai plus loin le résultat de mes observations touchant la fonction de l'organe. Intestin moyen. — L'intestin moyen qui suit le gésier ou appareil valvu- laire (fig. 2, pi. I) est relativement très-court, si on le compare à celui des Insectes carnassiers et des autres Myriapodes chilopodes. Sa limite posté- rieure est, comme toujours, indiquée par l'insertion des tubes malpighiens. Malgré cette brièveté, notre interprétation reste exacte, le microscope mon- trant entre cet intestin moyen et celui des Lithobius, des Himantarhmi et des Geophilus une analogie frappante. Ici, comme chez les Myriapodes cités, la cuticule fait défaut et l'épithélium à nu, se détachant au moindre attouche- chement, se compose d'une couche de cellules délicates légèrement ovoïdes en place, sphériques lorsqu'elles flottent librement, à protoplasme aussi trans- parent que le verre et chargé, très-irrégulièrement de granulations fines, brillantes, d'un jaune verdâtre, parfois incolores, tantôt rares, tantôt abon- dantes, quelquefois de globules graisseux plus forts, mais en petit nombre (fig. 52, pi. III). La ressemblance est si grande que, sauf un détail que je signalerai au point voulu, un œil, même exercé, ne peut distinguer l'un de l'autre des lambeaux des intestins moyens de C. agilis et d'Himantarium Gervaisii. Intestin terminal. — L'intestin terminal, plus court encore et très-muscu- leux est, ainsi que cela s'observe généralement, riche en gros troncs trachéens. En disséquant avec les plus grandes précautions, pour éviter toute traction longitudinale, on observe qu'il décrit, comme l'intestin terminal des Himan- tarium et des Geophilus, une anse ou circonvolution très-marquée (fig. 2, pi. I; fig. 71, pi. III); c'est là un fait anatomique important chez les Myria- podes et sur lequel je reviendrai dans le § 8. Glandes antérieures. — De môme que chez les Lithobies chez lesquelles nous les avons déjà décrites et chez les Himantarium, deux longues glandes antérieures acineuses garnissent les côtés de l'origine de l'intestin buccal. Elles sont proportionnellement assez petites; les acini qui les composent DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. M (fig. 40, pi. II) ellipsoïdaux et incolores sont à peu près identiques à ceux des Himantarium; ils renferment des cellules sécrétoires à contours indécis mais à noyaux brillants et très-visibles. Le canal excréteur de chacune de ces glandes en occupe Taxe et s'ouvre encore une fois dans la bouche et non dans les forcipules. On peut, en effet, arracher ces dernières sans léser en rien les canaux des glandes antérieures. Ces canaux excréteurs offrent une petite particularité à signaler; leur paroi est lisse, dépourvue des bosselures et de l'épithélium important qu'on y remarque chez les Himantarium. En écrasant les glandes sur des fragments de papiers réactifs, on constate que le liquide qu'elles sécrètent est neutre. Tubes de Malpighi. — Ces annexes glandulaires par lesquelles nous ter- minerons la description du tube digestif sont au nombre de deux. Les tubes s'élargissent assez notablement en s'approchant de leur point d'insertion sur la limite des intestins moyen et terminal, mais sans former de poches ou de réservoirs comme chez les Lithobies. Leurs cellules sécrétoires (fig. 82, pi. III) sont très-petites; par transparence elles prennent une teinte brunâtre. La dessiccation lente sur une plaque de verre fait apparaître dans les tubes Malpighiens quelques petits cristaux indéterminables, probablement uratiques. Il était, du reste, peu important de pousser plus loin les recherches sur des organes se retrouvant avec les mêmes fonctions chez d'autres Myria- podes chilopodes moins difficiles à se procurer. C. — Rôle des principales parties du tube digestif. Un fait sur lequel j'ai déjà appelé l'attention du lecteur, c'est, non-seule- ment la grande longueur, mais l'ampleur de l'intestin buccal dont toute la portion principale qui précède le gésier ou appareil valvulaire peut donc, ainsi que le jabot de certains insectes, servir de réservoir à de grandes quan- tités d'aliments. Or on s'assure, et je l'ai démontré en effet expérimentale- ment, que, chez les Insectes maxillés à jabot spacieux, celui-ci est plus qu'un réservoir; il est le siège de phénomènes digestifs importants. C'est ainsi que, Tome XLII. 6 42 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES chez les Dytiques et les Carabes, les matières albuminoïdes y sont trans- formées en substances solubles et assimilables analogues aux peplones, que chez les Acridiens qui se nourrissent, au contraire, de substances végé- tales il y a, dans le jabot, production abondante de sucre aux dépens de la fécule '. Il doit en être probablement de même chez tous les articulés à intestin buccal spacieux, et les Cryptops viennent confirmer la thèse. Les substances animales avalées par ces Myriapodes séjournent longtemps dans l'intestin buccal; toutes les fois où on les examine après un temps suffisant, on con- state qu'elles ne se composent plus que de débris insolubles, grains de sable, soies, poils, fragments de téguments chitineux, etc. L'aspect propre, nettoyé, si je puis m'exprimer ainsi, de ces éléments inassimilables, prouve que les matières albuminoïdes, muscles, etc., ont été dissoutes sur place. D'où provient le liquide digestif ? Ce ne peut être de l'intestin buccal lui- même, puisque, pas plus que chez les Dytiques et les Carabes, je n'y ai vu d'épithélium sécrétoire. Ce problème que j'ai déjà posé dans mon 3Iémoire sur la digestion des Insectes 2 était resté pour moi sans solution à cette époque, bien que j'eusse de fortes raisons de croire, sans oser l'exprimer, que le liquide en question venait de l'intestin moyen qui suit et coulait dans l'intestin buccal 3, en filtrant au travers de l'appareil valvulaire, tandis que ce dernier maintenait les aliments. Actuellement, des observations suivies et des expériences faites sur les Crustacés décapodes et que je publierai plus tard , m'ont prouvé clairement que c'était là l'expression de la vérité ■*. Dès lors, le rôle du faux gésier s'explique facilement, comme on va le voir : l'animal mange et avale gloutonnement beaucoup de nourriture; celle-ci 1 Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes, op. cit., pp. 18, 69, \ 1 7. 2 Recherches, etc., op. cil., p. 1 8, note 2. 3 N'oublions pas que la station des articulés est ordinairement horizontale. 4 Le prétendu estomac des Crabes et des Écrevisse% n'est qu'une dilatation de l'intestin buccal (Gcgcnbaur, Man. d'anal, comp., trad. franc., p. 37a); il ne s'y fait aucune sécrétion locale digestive, cependant les aliments albuminoïdes y sont dissous, transformés en une sorte de peptone par des liquides provenant des portions suivantes du tube digestif et filtrant au travers des fentes de l'appareil valvulaire appelé, jusqu'à présent, pylorique, tandis que celle nicinc valvule retient les aliments, lout le temps nécessaire, dans le faux estomac. Je ne puis DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 43 s'accumule dans l'intestin buccal ; les fibres musculaires circulaires du gésier sont contractées; de même qu'un tamis, celui-ci ne peut livrer passage qu'aux substances liquides ou demi-liquides. Un suc digestif abondant et dont j'ai trouvé la réaction neutre, sécrété par l'épitliélium de l'intestin moyen, coule, au travers du gésier, dans l'intestin buccal et dissout les matières albuminoïdes qui peuvent alors, ou passer dans l'intestin moyen, ou, ce qui est bien plus probable, vu l'étendue de la surface de l'intestin buccal, être absorbées sur place. Ceci fait, deux ordres de phénomènes étaient possibles, ou bien, comme chez la larve de la Corethraplumicornis, la diges- tion dans l'intestin buccal étant terminée, l'animal rend par la bouche une pelote constituée par toutes les parties chitineuses et solides ayant résisté au travail digestif * ; ou bien, les fibres musculaires du faux gésier se relâchent et, son diamètre augmentant un peu, les résidus de la digestion dans l'intestin buccal suivent un trajet normal, passant, malgré les épines et les soies de l'appareil valvulaire, dans l'intestin moyen. Chose curieuse, bien que la direction de ces épines et de ces soies semble devoir s'y opposer, au moins partiellement, c'est le deuxième fait qui se passe. Un heureux hasard a voulu que nous assistions plusieurs fois à ce passage. La figure 30, planche II, montre un gésier de C. Hortensis dans lequel s'engagent les débris d'une araignée. De plus, en examinant le con- tenu de l'intestin moyen qui suit, comme on sait, immédiatement le gésier, on y retrouve les grains de sable, les soies et les débris souvent assez gros et intacts provenant d'opérations semblables antérieures. J'ai repré- senté (fig. 33, pi. III) l'aspect du contenu d'un intestin moyen de C. Savî- gnyi. m'étendre davantage sur ces résultats de nies recherches sans déllorer une publication future. On m'objectera probablement , surtout après avoir lu ce que je dis pages 28 à 30 des glandes antérieures des Lilhobies, que j'oublie le liquide sécrété par ces glandes, que, chez la Corethra plvmicoriiis (larve) on a précisément admis que la digestion dans l'intestin buccal se fait sous l'influence de la sécrétion des glandes salivaires. La réponse est facile, chez les Coléoptères carnassiers, Dytiques, Carabes, chez les Crustacés décapodes, il y a, je l'ai démontré expérimen- talement pour les premiers et le démontrerai dans un travail ultérieur pour les autres, diges- tion évidente, et, cependant, les (/landes antérieures ou salivaires manquent. 1 Weismann, op. cit., p. 9. U RECHERCHES SUR LES PHENOMENES On le voit, il ne s'agit donc encore une fois ici, comme chez les Insectes, que d'une sorte d'appareil valvulaire l; le terme de gésier est faux ; les soies, les pointes épineuses, n'ont aucunement pour but une division inutile des aliments; cette division n'a pas lieu, ainsi que le prouve l'état des débris après comme avant le passage; et, enfin, cette division ne pourrait se produire, car l'action de l'armure intérieure rappellerait la fable du serpent et de la lime; elle s'userait en vain sur les grains de silex et les fragments plus durs qu'elle de téguments chitineux. Les corps de toute nature qui passent ainsi dans l'intestin moyen peuvent y former une colonne compacte et continue; ils sont probablement accom- pagnés d'une certaine quantité de matières assimilables qui doivent y subir une nouvelle élaboration, telle qu'émulsion de graisses, etc. Cependant, les faibles dimensions de cette partie du canal, chez les Cryptops, ne m'ont point permis de faire des expériences directes. Ce qui glisse ensuite par l'intestin terminal représente les excréments proprement dits. 1 M. Meinert, dans son travail sur les fourmis du Danemark, considérait le gésier des fourmis comme servant à la régularisation des mouvements des aliments et non comme organe tritu- rateur (*). M. Auguste Forel a confirmé cette opinion; il a démontré la fonction exclusivement valvulaire du gésier de ces animaux par des expériences ingénieuses consignées dans son beau mémoire sur les fourmis de la Suisse (**). Je cite ces faits ici parce qu'ils n'ont pu trouver place dans mes Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes. (•) Bidrag lil danske Myrers, etc., 1860 (cité par Forelj. (**) Les fourmis de la Suisse. Bâle, Genève, Lyon, 1874, p. M. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 45 FAMILLE DES GÉOPHILIDES. (Nous y étudierons successivement les deux genres nettement distincts Himantarium et Geophilus.) § 4- Himantarium Gervaisii, Nob. '. INDICATIONS ICONOGRAPHIQUES. 1841. Gervais. . Études sur les Myriapodes (Ann. des se. nat. zoologie, 3' sér., t. II, p. 51), pi. V, fig. 19. Terminaison du tube digestif et tubes de Malpighi du Geophilus Walcke- naerii (Himantarium Gabrietis , Lin.). Cette espèce ou variété locale (voir la note), par sa grande taille (? 65 mil- limètres au maximum) et l'abondance des individus, m'était en quelque sorte indiquée pour des recherches suivies. Sauf une courte notice de M. Gervais sur YH. Gabriel is , l'anatomie du genre Himantarium était à faire. Les descriptions et les dessins que je donne de l'appareil digestif, dans ce Mémoire, doivent donc être considérés comme absolument neufs. A. — Mœurs, alimentation. Aveugle, comme tous les Géophilides, X Himantarium Gervaisii a des habitudes souterraines bien caractérisées. S'il m'est arrivé d'en capturer des exemplaires sous des planches, des pierres, etc., l'immense majorité des 1 Je renvoie à mon travail : Matériaux pour la faune belge. Myriapodes (Bullet. de l'Acad." hoyale de Belgique, 2e série, t. XXXIII, n° 5, 1872), pp. 8 à H, pi. II, fig. 1 à 9, pour les carac- tères zoologiques de YH. Gervaisii, très-voisin de 17/. subterraneum de Leach, dont il n'est peut-être qu'une variété locale. Il est excessivement commun en Belgique, surtout dans les jardins de Gand. 46 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES individus a été trouvée dans l'épaisseur du sol meuble des jardins, à une profondeur variant de 20 à iO centimètres; ils se rassemblent surtout là où on a enterré des feuilles et autres débris végétaux. J'ai éprouvé de telles difficultés à déterminer le mode d'alimentation de cette espèce que j'ai désespéré un instant d'arriver à une solution quel- conque. Sans vouloir fatiguer le lecteur de mes essais infructueux, il me faut, cependant, lui donner succinctement une idée de quelques-uns d'entre eux afin d'appuyer de preuves le résultat final. 1° Il est presque inutile de recourir au procédé habituel de l'examen du contenu du canal intestinal des individus vivant en liberté. J'évalue au moins à une centaine le nombre de ceux que j'ai successivement sacrifiés dans ce but à diverses saisons de l'année; mais je n'ai généralement trouvé que des matières visqueuses dont je parlerai plus loin et des grains de sable abon- dants. S'il y avait, bien que très-rarement, de petits débris d'articulés, ils étaient indéterminables. 2° J'ai fait des expériences telles que la suivante : on introduit dans une série de petits tubes à essais de 6 centimètres de long et de 1 centimètre de diamètre intérieur, les substances ci-après : 1er tube. . . . Petits fragments de viande de veau crue. 2' TUBE .... Une série d'articulés vivants, mais auxquels on a arraché les ailes ou des pattes, ou qu'on a mutilés autrement pour les empêcher de fuir : cousins, mouches domestiques, cloportes de petite taille, éphé- mères, petite chrysalide de lépidoptère diurne, petites araignées. 3e tube .... Racines de gazon. 4e tube .... De la terre ordinaire, celle même dans laquelle les Himantanum ont été trouvés. 5e et 6« tubes . De la terre de bruyère légère. Au goulot de chacun de ces tubes est attaché un fil d'une vingtaine de centimètres. On met, dans un large bocal de verre, un premier lit de sable blanc, humide, sur lequel on couche horizontalement trois des tubes, un second lit de sable, puis encore trois tubes horizontaux et, enfin, un dernier lit de sable (comme dans la fig. 54-, pi. III). Les fils de tous les tubes sortent du sable et sont réunis en faisceau, de façon que, par un seul effort, on puisse relever tous les tubes à la fois. On lâche dans le bocal neuf Himcmtarium DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 47 très- vifs. Le vase est fermé par une toile métallique et déposé, pendant huit jours, dans une cave obscure. Dans ces conditions, les Myriapodes cheminant dans le sable en quête de nourriture, on pouvait espérer les retrouver, au moins en majeure partie, dans celui des tubes qui renfermait une alimentation à leur convenance. Au bout d'une semaine donc, on relève les tubes et voici le résultat inat- tendu, mais qui s'est répété sensiblement de même chaque fois : Tube à viande crue 0 .... ) \ Matières animales, pas A'Wmaniarium. Tube à articulés 0 .... ) Tube à terre ordinaire 4 individus. \ Tube à terre de bruyère . ... 4 individus. > Matières végétales décomposées, 8 llimaiitarium. Tube à racines de gazon. ... 0 .... / Un seul Himantarium dans le sable du bocal. N'y avait-il pas là de quoi désespérer, en effet? Tout dans l'organisation des Myriapodes en question annonce qu'ils doivent être carnassiers et, lors- qu'on les met en apparence à même de manifester librement leurs instincts, ils fuient les matières animales et recherchent les substances végétales autour desquelles ils se groupent. On eût été trompé à moins et je suis, je pense, excusable si, égaré par ce qui précède, j'ai fait, à l'aide de garance, etc., de vains efforts dont je fais grâce au lecteur, pour m'assurer si, par une étrange exception, les Himan- tarium ne se nourrissaient pas de végétaux décomposés. Cependant le nœud de la question était ailleurs. Si les Himantarium avaient refusé de toucher aux articulés nombreux qui leur étaient offerts, c'est que, en raison de la faiblesse de leurs pièces buccales et de l'étroitesse excessive de leur œsophage, ils ne peuvent, malgré leurs grandes dimensions relatives, que s'adresser à des proies presque microscopiques. Leur nourriture se com- pose donc de très-petits insectes, ainsi que le prouve l'expérience décisive suivante : Des Himantarium Gervaisii, choisis parmi les plus robustes, sont aban- donnés, pendant quinze jours, dans un bocal ne contenant que du sable humide bien lavé et de petits débris végétaux lavés également. Us ont donc 48 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES été totalement privés de nourriture animale pendant deux semaines. En les retirant, au bout de ce temps, on les trouve encore vivants et on constate aisément, grâce à la transparence des téguments, que leur tube digestif est vide et rétréci par l'abstinence. On les transporte ensuite dans un vase rempli de terre fraîche renfermant une nombreuse série d'animaux choisis parmi les plus petits de ceux qui vivent dans les détritus, la terre humide, etc. : très- petits jeunes de cloportes et de porcellions, très-petits lombrics , très-petites larves d'insectes et, enfin, beaucoup de podurelles. Dans ces conditions les Himantarium devaient manger et mangèrent, en effet. Les ayant sacrifiés et ouverts quelques heures plus tard, je trouvai, vers la fin de l'intestin moyen de chacun d'eux, une masse visqueuse brune com- posée de débris organiques très-lénus, mélangés d'un grand nombre de soies fines. Telle est la grande difficulté de ce genre de recherches qu'il me fallut comparer à ces soies les appendices de même genre de toutes les espèces d'articulés mises à la portée de nos Myriapodes. Les soies des podurelles seules se trouvèrent identiques. Nous sommes donc autorisés à conclure de là que X Himantarium Ger- vaisii ne se nourrit que de très-petits articulés, que parmi ceux-ci il faut ranger les podurelles, que la division des aliments est poussée assez loin pour rendre ordinairement la détermination des corps avalés impossible, enfin, accessoirement, que, comme beaucoup d'Arthropodes, ils peuvent subir un jeune très-prolongé. /)'. — Composition du tube digestif et fonctions de ses parties. Le tube digestif des Himantarium est presque identique à celui des Geo- philus proprement dits. Par la longueur de l'intestin buccal , la texture de l'intestin moyen, il se rapproche, comme je l'ai déjà donné à entendre, de celui des Cryptops ; mais il y a , cependant, de grandes différences à signa- ler, par exemple l'absence d'appareil valvulaire ou faux gésier. Le canal est des plus simples, un peu plus long que le corps ' et netle- 1 Voyez plus loin , Intestin terminal. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 49 ment divisé en trois sections : intestin buccal, intestin moyen, intestin ter- minal. Ajoutons une paire de glandes antérieures, une paire de tubes mal- pighiens (fig. 3, pi. I). Intestin buccal, — N'offrant aucune trace de jabot ni de gésier, il ne peut porter que le nom d'œsophage. En disséquant un Himantarium, on est frappé, non-seulement de la longueur de cet œsophage, puisqu'il a beaucoup plus du tiers du canal entier, mais, surtout, de son petit diamètre; chez les grands individus, il n'a guère plus de ~ de millimètre de largeur. Cette étroitesse capillaire, jointe à la faiblesse des forcipules, explique suffisam- ment, ainsi que je l'ai déjà dit, pourquoi les Himantarium ne capturent que de très-petits animaux et divisent leur nourriture en fragments excessive- ment ténus. L'œsophage des Géophilidcs en question , comme celui de tous les Myria- podes de la même famille, est donc très-différent de l'intestin buccal si ample des Cryptops. Aussi les aliments le traversent rapidement et ne s'y accumu- lent jamais, ainsi qu'ils le font, au contraire, chez les animaux étudiés dans le paragraphe précédent. L'examen microscopique montre : une tunique musculaire nécessairement assez forte pour faire parcourir aux substances avalées un long trajet par un tube aussi étroit, une tunique propre très-mince, l'absence d'épithélium, si ce n'est au voisinage de l'intestin moyen où les éléments épithéliaux de cette seconde portion débutent par quelques traînées longitudinales ', une cuticule hyaline offrant un plissement en long, mais ne portant ni épines, ni saillies d'aucune sorte. Intestin moyen. — L'intestin moyen, un peu plus long que la moitié du tube digestif, est rectiligne, spacieux, d'un égal diamètre partout, d'un mil- limètre ou un peu plus (fig. 3, pi. I). L'épithélium coloré qui le tapisse le rend opaque et permet de l'entrevoir, comme une ligne obscure, au travers des téguments du Myriapode vivant. Sa limite antérieure n'est indiquée que 1 Histologiquemcnt, il n'y a donc pas de passage brusque de l'intcslin buccal à l'intestin moyen. Tome XLII. 7 50 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES par l'augmentation brusque de la largeur du canal alimentaire (fig. 15, pi. 1), sa limite postérieure est marquée, suivant la règle, par l'insertion des tubes malpighiens (fig. 3, pi. I). La tunique musculaire est très-forte; les fibres transversales peuvent, dans certaines circonstances, déterminer une série d'étranglements nombreux et irréguliers. Les bandes ou cylindres musculaires longitudinaux offrent des ramifications à angle aigu telles qu'on en a observées chez les Insectes et les Crustacés '. Il n'y a point de cuticule interne. Ainsi que je l'ai constaté chez les autres Myriapodes, l'épithélium de l'intestin moyen est à nu; aussi se détache-l-il avec une facilité excessive. Ses éléments cellulaires sont, je l'ai déjà dit dans le paragraphe précédent, identiques à ceux de la même région chez les Cryplops; la seule différence réside dans leur groupement que je vais essayer de faire comprendre. Vu par réflexion (fig. 55, pi. III), l'intestin moyen semble présenter à sa surface un dessin assez régulier constitué par des taches blanches losan- giques ou polygonales limitées par des lignes obscures. Par transparence, au contraire (fig. 56), on le dirait rempli d'énormes vésicules séparées par des couches granuleuses. Voici à quoi cela tient : Si on fend dans la lon- gueur un tronçon d'intestin moyen et si on le laisse, sous l'influence de la contraction de la tunique musculaire, s'enrouler à l'envers, l'épithélium à l'extérieur, on voit alors (fig. 57 et 58, pi. III) que la tunica propria est naturellement soulevée de distance en distance, de façon à donner lieu à des crêtes saillantes qui, en s'entrecoupanl, forment les côtés d'alvéoles ou de godets peu profonds dont les parois et le fond sont revêtus par la couche de cellules épilhéliales sécrétoires. Le résultat de ces replis est une surface totale de sécrétion beaucoup plus grande. Le contenu de l'intestin moyen observé en pleine digestion est toujours inévitahlcment mélangé de cellules épithéliales. C'est une colonne entière ou fragmentée de matières visqueuses dont la teinte varie, suivant les individus, du vert au noir, en passant par tous les tons du brun et même par le violet. 1 Leïdig. Truite d'histologie du l'homme et des animaux, trad. franc , p. 586 et fig. 178 cl. Paris, I8C6. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. M On y constate les cellules épithéliales précitées, une poussière de granules colorés résultant de la rupture de ces mêmes cellules, de fins globules de graisse émulsionnée, dans des circonstances favorables, des traces de débris de petits articulés, enfin des grains de sable. L'ensemble m'a toujours offert une réaction légèrement alcaline. Malgré le faible volume de matière que peut renfermer un intestin moyen d'//. Gervaisii et bien que la dissection des Géophilides ne puisse passer absolument pour un jeu, j'ai voulu, en sacrifiant un grand nombre d'indi- vidus* (parfois jusqu'à dix par séance), tenter quelques expériences physio- logiques qui me paraissaient d'autant plus utiles, qu'elles étaient plus diffi- ciles à préparer. C'est ainsi, d'abord, que, comme contre-épreuve des essais par lesquels j'ai démontré l'alimentation animale des Myriapodes susdits, j'ai constaté : 1° au micro-spectroscope, l'absence totale de chlorophylle, bien que la tein- ture alcoolique de la terre de bruyère dans laquelle ils se complaisent m'ait fourni le spectre caractéristique de cette substance; 2° l'absence de sucre que j'ai décelé souvent avec facilité dans le contenu du tube digestif des insectes qui se nourrissent de végétaux; 3° l'indifférence parfaite du liquide sécrété sur l'empois d'amidon : aucune formation de glucose. Tous les essais de nature à indiquer optiquement ou chimiquement une nourriture soit végétale, soit mixte, n'aboutissent donc qu'à des résultats négatifs. Quant à ce qui concerne les effets du liquide digestif sur les aliments animaux, voici ce que j'ai pu obtenir : 1° Une expérience de digestion artificielle calquée sur celles effectuées à l'aide de l'intestin moyen du Lithobius fortipcalus décrites pages 21 et 22, et dans laquelle les substances soumises simultanément d'une part au liquide provenant des Himankirium et, d'autre part, à l'eau pure, étaient de très- petits fragments de muscles de veau, de muscles de porc et de muscles de mouches domestiques, m'a donné un demi-résultat, ce que je considère comme déjà remarquable dans des circonstances aussi pénibles. La chair délicate de veau était positivement attaquée, mais celle de porc trop grasse et les muscles de mouche ne m'ont point paru plus altérés que par l'eau pure ; S2 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES 2° Comme chez tous les articulés dont j'ai étudié la digestion, le liquide de l'intestin moyen ne caille pas le lait; 3° Il émulsionne très-convenablement l'huile. Enfin, le contenu de l'intestin moyen délayé avec un peu d'eau distillée et évaporé spontanément abandonne quelques petits cristaux qui, d'après l'examen au microscope et les réactions chimiques, ne sont autres que du chlorure de sodium. Les matières albuminoïdes transformées, les sels dissous, les graisses émulsionnées, passent au travers des parois pour être assimilés. Le Teste du canal alimentaire n'a plus de fonctions digeslives, comme le prouve un phénomène singulier, mais incontestable, que j'ai déjà signalé à propos des Lithobies (p. 25) : la colonne entière de résidus ou ses fragments, s'enveloppe sur place d'une membrane très-fine, homogène, qu'on retrouve sous forme de lambeaux chiffonnés et transparents lorsqu'on écrase le tout entre deux plaques de verre. Il ne saurait, ici, non plus, être question d'une mue de cuticule qui n'existe pas; mais supposons un instant, pour prévenir toute objection, que je me sois grossièrement trompé et qu'il y ait une couche cuticulaire revê- tant l'épithélium; voici un nouveau fait pour infirmer l'hypothèse de la mue : L'animal peut n'avoir eu que peu de nourriture à sa disposition; alors, il m'est arrivé de trouver vers le milieu de la longueur de l'intestin moyen un cylindre court, composé de grains de sable et de résidus, enveloppé encore une fois par une membrane hyaline, absolument comme la chair d'un boudin dans son enveloppe membraneuse. Il y aurait donc eu chute de la cuticule à la hauteur du cylindre en question et rien de semblable ne se serait passé ni en deçà, ni au delà. Cela est tout simplement invraisem- blable! J'en reviens donc, comme pour les Lithobies, à l'idée bien plus naturelle d'une sécrétion sur place qui envelopperait les corps à expulser dès que la digestion est terminée. (Voir l'avant-dernière note du § 9.) Intestin terminal. — D'après ce que nous venons de voir, son rôle doit se borner à l'expulsion des excréments. Aussi est-il court et à tunique mus- culaire forte. Il est parcouru par de beaux troncs trachéens et présente un épithélium insignifiant de très-petites cellules transparentes. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 53 Chez Y Himantarium Gabrielis , M. Gervais a décrit J et représenté - l'intestin terminal comme faisant une anse de peu de longueur mais « fort évidente » . L'observation est parfaitement exacte et je me permettrai même de renchérir sur le savant français; une dissection soignée m'ayant montré non une anse, mais quatre, chez cette grande espèce (fig. 72, pi. III). Notre Himantarium indigène offre une disposition tout à fait analogue, les cir- convolutions étant seulement moins nombreuses (iîg. 73, pi. III). Je rappel- lerai donc, avec l'auteur que je viens de citer, que les Glomérides ne sont pas les seuls Myriapodes dont l'intestin terminal est contourné sur lui-même. (Voyez pp. 40, 56 et § 7, § 8.) Ces circonvolutions nous expliquent pourquoi le canal digestif des Himantarium est plus long que le corps. Glandes antérieures. — Elles s'éloignent fortement par leur texture de celles des Geophilus proprement dits (voyez § 5), pour se rapprocher, au contraire, de celles des Cryptops. Ce sont deux glandes acineuses très-allongées situées, un peu dorsale- ment, de chaque côté de l'intestin buccal et de l'origine de l'intestin moyen (fig. 3, pi. I). Elles sont incolores et étranglées de distance en distance par des brides de tissu adipeux qui les maintiennent solidement en place. En les étudiant à l'état frais (fig. 34, pi. II), on voit qu'elles sont com- posées de nombreux lobules formés eux-mêmes d'acini groupés. Un canal excréteur commun recevant obliquement les canaux secondaires des lobules occupe l'axe de chaque glande. Il est bosselé dans toute sa longueur par la présence d'un épithélium remarquable constitué par de grosses cellules ellip- tiques très-nettes, jaunâtres à contenu légèrement granuleux. En soumettant une de ces glandes à l'action de l'acide acétique très-faible pendant quarante-huit heures, les acini se contractent un peu, mais il devient possible d'analyser plus intimement la texture hislologique. Les lobules et les acini se circonscrivent nettement, on y distingue beaucoup mieux les cellules sécrétoires et on parvient à voir jusqu'aux canalicules excréteurs des acini s'ouvrant dans les canaux secondaires des lobules (fig. 35, pi. II). 1 Hist. nat. des Ins. aptères, t. IV, p. 9. 2 Ann, des Se. nul. (zoologie), 3e série, t. II, pi. S, fig. 19, I8ii. 54 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES Les deux canaux excréteurs principaux s'accolent immédiatement à l'œso- phage qu'ils accompagnent dans toule sa longueur et dont il est difficile de les isoler, bien que j'y sois parvenu cependant. Si l'on fait cette opération, puis si l'on enlève avec précaution, d'abord la partie dorsale de la tète, ensuite les forcipules avec leurs hanches, on constate que, comme chez les Lithobius, les Cryptops, les Geophilus, les canaux excréteurs des glandes aboutissent dans le voisinage des mâchoires, c'est-à-dire dans la bouche et non dans les crochets forcipulaires (fig. 36, pi. II). Ces glandes antérieures écrasées sur des papiers réactifs montrent une sécrétion neutre. En en broyant un certain nombre avec de l'empois d'amidon clair et laissant durer le contact pendant quatre heures à la température de -f- 25° c, je n'ai pas obtenu d'action. La production de glucose caractéristique des véritables glandes salivaires des Insectes fait donc défaut chez les Géophi- lides comme chez les Lithobides. Tubes de Malpighi. — Il y en a deux, ainsi que chez tous les Chilopodes étudiés dans ce travail. Blancs par réflexion, légèrement jaunâtres au micro- scope, ils ont un épithélium de très-petites cellules qui, pour certaines posi- tions du foyer, se montrent toutes inclinées vers l'extrémité close de ces tubes (fig. 83, pi. III). A l'état frais, je n'y ai jamais observé ni concrétions ni cristaux. En les laissant se dessécher spontanément on peut y constater quelques rares petites concrétions indéterminables. Enfin , l'action de l'acide acétique faible sur les tubes broyés (procédé déjà décrit) fait apparaître, après cinq ou six heures, un fort petit nombre de cristaux microscopiques d'acide urique. Nous venons de voir que la production de substances urinaires est peu abondante. M. Sirodot, dans son beau travail Sur les sécrétions chez les Insectes, avait observé que l'abstinence prolongée accompagnée de repos forcé exagérait le dépôt de matières solides dans les tubes malpighiens des Insectes l. J'ai pu vérifier ce fait chez les Jlimantarium. Des individus qui 1 Sirodot, pp. 92, 95, 99, 100. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES Sd avaient été privés de nourriture pendant deux semaines de séjour dans un vase peu spacieux, avaient leurs tubes de Malpighi chargés de concrétions rares mais notablement plus nombreuses qu'à l'état normal. è °- Geophilus longicomis, Leach. INDICATIONS ICONOGRAPHIQUES. 1817. Treviranus. Vcrmischtc Schriflen (Zweitcr Band), pi. VII, fig. 5. OEsophage et glandes antérieures de Geophilus longicornis. Sauf un passage de Treviranus et la figure que je cite ci-dessus, il n'a rien été publié, à ma connaissance, sur le tube digestif des Geophilus pro- prement dits. La seule raison évidente de ce silence est la difficulté que pré- sente la dissection d'animaux d'un aussi faible diamètre. Préparé de longue main, par de nombreuses recherches sur l'anatomie des petits arthropodes, j'ai pu cependant aborder les Geophilus sans trop de peines; mais je n'ai guère su aller au delà de l'anatomie; les expériences déjà difficiles pour les Hiuiantatium devenaient, ici, impossibles. Ainsi qu'on le verra par la description suivante, il n'y a de différence bien marquée entre le canal alimentaire des Himanturium et des Geophilus qu'en ce qui concerne les glandes antérieures. Intestin buccal Çûg. i, pi. 1). — Il est très-long, ayant plus du tiers de la longueur totale et, comme l'avait déjà vu Treviranus ', excessivement étroit. Son diamètre, inférieur à celui d'un tube malpighien du même animal, n'est que de -^ de millimètre au plus. Sa cuticule interne ne porte aucun appendice, et je n'y ai pas vu d'épithélium. 1 Op. cit., [>. 57. 56 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES Treviranus avait cru pouvoir conclure de l'étroitesse de l'œsophage que les Géophilides ne se nourrissent que de liquides; nous avons vu (§ précé- dent), par les Himanlarium, qu'il n'en est rien, que les proies sont seule- ment très-petites et la nourriture très-divisée. Intestin moyen. — Il ne diffère pour ainsi dire pas de celui de YH. Ger- vaisii; sa longueur est environ la moitié de celle du tube digestif entier. L'épithélium est le même que dans le genre précédent. La petite quantité de liquide obtenu en broyant l'intestin moyen est parfaitement neutre. Intestin terminal. — Il est proportionnellement un peu plus long que celui des Himanlarium , se rétrécit sensiblement à partir du milieu et nous présente une circonvolution accusée (fig. Il, pi. III), comparable à celle que j'ai signalée dans le genre qui précède. Je n'y ai observé qu'un épithé- lium insignifiant de très-petites cellules incolores. Glandes antérieures. — Elles ont déjà été figurées et décrites très-exac- tement, quant à leur aspect extérieur, par Treviranus. Ce ne sont plus des glandes en grappes comme chez les Lithobius, les Cryptons, les Himanlarium ; ce sont des glandes en tubes et il est assez intéressant de voir ainsi les glandes antérieures des Gêophilus établir la transition à celles des Juins et des Glomeris. Situées sur les côtés de l'origine de l'intestin moyen, elles sont constituées chacune par un long tube en cœcum (fig. 4, pi. I et fig. 39, pi. II), replié en boucle vers le milieu de sa longueur et maintenu dans cette position par du tissu adipeux. En rompant ces attaches, il est facile de dérouler les glandes qui mesurent alors six millimètres environ. Leur épithélium qui se continue dans les canaux excréteurs se compose d'une seule couche de cellules irré- gulières à protoplasme jaunâtre (fig. 38, pi. II). Ainsi que le montre la fig. 37, les canaux excréteurs, très-longs et étroits, longent l'œsophage et aboutissent, comme chez les Himanlarium, à la base des mâchoires. Ils sont, par conséquent, encore une fois indépendants des forcipulcs qu'on enlève aisément sans les intéresser en rien. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 57 Tubes de Malpighi. — Au nombre de deux. Leurs cellules secrétaires sont proportionnellement assez grandes quoique toujours bien moindres que celles de la plupart des Insectes. Au voisinage de l'insertion des tubes, elles pren- nent toutes la direction oblique que j'ai indiquée chez les Hhnantarhim. A l'état frais, je n'y ai vu ni cristaux ni concrétions (fig. 84, pi. III). Au point où chacun des tubes s'ouvre dans l'intestin, il se renfle en réser- voir, à peu près comme chez les Lithobius (fig. 74, pi. III). Tome XLII. 58 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES CHAPITRE II. MYRIAPODES SE NOURRISSANT DE MATIÈRES VÉGÉTALES (CH1LOGNATHES OU DIPLOPODES). FAMILLE DES IULIDES. § 6. lulus Londinensis, Leach. lulus sabulosus, Lin. lulus terrestris, Lin. INDICATIONS ICONOGRAPHIQUES. 1809-1811. Ramdohb. Abhandhmg iiber die Verdauungswerkzeuge der Insectcn (Atlas), Zweites Heft, pi. XV, fig. 1. Tube digestif d'Iulus terrestris. 1817. Treviranus. . Vermischtc Schriften. Zweiter Band,pl. VIII, fig. 6. Tube digestif d' lulus terrestris. 184-7. Rvmer Jones . Myriapoda (Cyclopedia of Anatomy, etc., de Todd. Vol. VIII, p. 544), p. 549, fig. 311. Tube digestif de Y lulus terrestris (d'après Treviranus). 1866. Leydig . . . Traité d'histologie de l'homme et des animaux. Trad. fr., p. 524, fig. 233 A. Tube de Malpighi à'Iulus terrestris. A. — De In dissection des Iules. Par suite de la dureté de leurs téguments et de la facilité avec laquelle ces animaux se brisent en tronçons, les Iules ont toujours passé pour des Myriapodes d'une dissection pénible. Ramdohr J en faisait une œuvre de patience et enlevait les anneaux un à un. Treviranus 2, plus expéditif, plon- 1 Abhandlung, etc., op. cit., p. 148. 2 Vermischte Schriften, etc., op cit., p. 40. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 59 geait les individus pendant quelque temps dans du vinaigre afin de dis- soudre les éléments calcaires du squelette cutané. Le procédé de Ramdohr prend un temps trop considérable pendant lequel les tissus s'altèrent. Celui de Treviranus qui ramollit effectivement les tégu- ments au point de les rendre très-maniables , a l'inconvénient grave de créer une impossibilité absolue quant aux expériences physiologiques. Après des essais assez multipliés, j'ai fini par trouver le moyen suivant, qui, entre des mains un peu exercées, donne de très-bons résultats : l'animal est tué par la vapeur d'éther ou de chloroforme; dans ces conditions, il meurt en général étendu. Ensuite, le tenant entre le pouce et l'index de la main gauche, on fend rapidement, à l'aide de ciseaux fins, tous les anneaux, depuis la tête jusqu'à l'extrémité postérieure, en suivant la ligne médiane ventrale; puis, le retournant, on répète la même opération tout le long de la ligne médiane dorsale. Il n'y a plus alors, l'Iule étant déposé sur une plaque de liège à sec, ou, dans l'eau, au fond d'un petit bassin à dissection, qu'à écarter avec des épingles fines les deux moitiés du Myriapode qui s'ouvre ainsi, dans la longueur, comme une boîte, laissant voir le tube digestif intact *. Ma méthode permet, comme on voit, d'éviter la nécessité de percer les téguments en y enfonçant des épingles ou des aiguilles, ce qui, neuf fois sur dix, amène la rupture de l'Iule. Son avantage le plus marqué est la célérité; je parviens à isoler ainsi le tube digestif d'un Iule de taille moyenne aussi vite que celui d'un Lithobhis ou d'une chenille. B. — Allmentatlou. Il est reçu que les Iules se nourrissent de matières végétales; mais la notion est générale, vague, et je n'ai rien trouvé de précis dans les travaux consacrés à ce groupe d'animaux. Ceci m'autorise à exposer avec quelques détails ce que j'ai observé moi-même. 1 Dans le cas où il s'agirait d'étudier le système nerveux ou le vaisseau dorsal, on fendrait l'Iule suivant deux lignes latérales. 60 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES Je ne crois pas qu'aucun Iule se nourrisse naturellement de feuilles vertes à la manière des chenilles de Lépidoptères. Une de nos plus petites espèces, le Blaniulus gultulatus (Gervais), dévore les fraises au printemps !, Avant et après la saison des fraises, il se contente d'une nourriture moins recherchée; c'est ainsi que j'en ai rencontré en abondance dans des bulbes gâtés de Gladiolus communis. Vlulus Londinensis, si commun dans les tas de feuilles mortes et de végétaux décomposés, mange le tissu végétal en putréfaction et, si on le met à même de choisir entre des végétaux verts et frais et des débris de végétaux pourris, il s'adresse de préférence à ces derniers : un individu placé dans une boîte avec des feuilles vertes de poirier, de lilas, de vigne, du gazon, etc., rongea exclusivement un vieux pétiole desséché et brun de feuille de poirier. Vlulus sabulosus se rencontre sous les amon- cellements de feuilles sèches d'orme, de frêne, de chêne, de hêtre et s'en nourrit. M. Gervais 2 a trouvé Vlulus lucifugus dans le tan des serres du Muséum de Paris. Pour faire avaler des végétaux verts aux Iules, il faut les élever en cap- tivité et ne leur donner que cela. J'ai pu ainsi obliger Vlulus Londinensis à se nourrir de laitue; mais les animaux étaient languissants. Il y a même des espèces qui, à l'exemple de certaines chenilles, se laisseraient plutôt mourir d'inanition que de modifier leur régime. J'ai conservé pendant quinze jours, dans un large bocal, un /. terrestris auquel je donnais abondamment du gazon, des feuilles de pissenlit, de fraisier, de violette et d'autres plantes basses, de la mousse. Il avait fini par rester roulé sur lui-même et, lors- qu'enfin, je le sacrifiai et l'ouvris, je trouvai son tube digestif contracté, diminué de diamètre (fig, 5, pi. I). L'intestin terminal renfermait un peu de matières excrémentitielles, l'intestin moyen ne contenait qu'une sorte de graisse jaunâtre que le microscope montra formée de globules assez volu- mineux. La nourriture des Iules consiste donc généralement en végétaux décom- posés et non en végétaux verts et vivants. 1 Delà l'ancien nom d' Jutas fragariarum, donné par Laraark. 2 Hist. nat. des Im. aptères, etc., op. cit., t. IV, p. 146. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 61 Cette alimentation végétale m'a amené à répéter une expérience faite jadis par MM. Alessandrini, Bassi et Blanchard 4 qui, nourrissant des Insectes avec des feuilles ou autres substances saupoudrées soit de garance, soit d'indigo, virent l'appareil trachéen et quelques autres parties prendre, à la longue, une teinte rose ou bleue. Chez Ylidus Londinensis , après quinze jours d'un régime composé de détritus végétaux abondamment saupoudrés de garance, le seul tissu qui ait légèrement changé de couleur est l'épithélium de l'intestin moyen; il avait acquis une teinte de rouille. La coloration résidait dans les granules qui nagent dans le protoplasme des cellules épithéliales. Je n'ose même pas affirmer que ce fait fût dû à la garance. Les trachées étaient restées incolores. Les Iules avalent, en même temps que leur nourriture, une grande quan- tité de terre, grains de sable, débris calcaires ou d'autres roches décompo- sées, etc.; particularité déjà signalée chez les Myriapodes chilopodes étudiés dans les pages précédentes et que nous retrouverons chez les Glomeris. Les pièces buccales des Iules ont été décrites plusieurs fois; je citerai, parmi les bonnes descriptions, celle de M. Fr. Meinert dans ses Danmarks Cldloynather 2. Elle me dispense de la nécessité de m'étendre sur ce sujet. Je me bornerai à rappeler que les mandibules ou organes buccaux de la pre- mière paire peuvent seuls être considérés comme servant à la division des aliments. Les dentelures chitineuses dont elles sont garnies étant obtuses, l'animal ne coupe rien d'une façon nette; il ronge. Il n'y a pas de mastication véritable; de même que chez les Glomeris, on retrouve, dans le tube digestif, les aliments à l'état de petites lanières végé- tales d'un millimètre de longueur environ et, si l'on coupe transversalement un intestin moyen d'Iule en digestion, on voit, fait qui s'observe chez des Insectes, que ces lanières sont disposées parallèlement en bottes ou en fais- ceaux. Elles prennent probablement cette position favorable à la progression sous l'influence naturelle des contractions de la tunique musculaire du canal. 1 Blanchard, De lu circulation du sang et de la nutrition chez les Insectes. (Comptes rendds, t. XXXIII, 1831, p. Ô67.) 2 Nalurhistorisk. Tidsskrifl, 5 R, S B, S. 1. Kjôbenhaven. 1868, p. 2. 62 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES C. — Description dn tube digestif et fonctions de ses différentes parties. Il n'existe, à ma connaissance, que deux descriptions authentiquement originales et accompagnées de figures de l'ensemble du tube digestif des Iules. Ce sont celles de Ramdobr ' et de Treviranus 2. Quant à la description que donne Marcel de Serres 3, je la soupçonne d'avoir été faite d'après Tre- viranus. Je ne parlerai nécessairement pas des traités d'anatomie comparée qui tous ont emprunté aux mêmes sources. MM. Rurmeister 4, von Siebold 5, Leydig 6, se sont quelque peu occupés des glandes dites salivaires, mais ne les ont pas représentées. Enfin M. Ley- dig 7 a examiné les tubes de Malpighi et leur sécrétion. Comme ni les figures, ni les descriptions de Ramdobr et de Treviranus ne sont d'accord, d'où résultent nécessairement des confusions et des erreurs regrettables, comme, en outre, le plus récent de ces travaux date de 1817 et a déjà été signalé comme fautif, il était intéressant et presque nécessaire de refaire une étude générale. Ramdobr et Treviranus divisent le tube digestif des Iules en quatre par- ties, un œsophage, un estomac, un intestin grêle et un gros intestin. Il n'y a cependant ici que les trois sections ordinaires : Intestin buccal, moyen et terminal, et les différences que l'on constate entre les deux figures publiées par les auteurs cités tiennent, quant au dernier tiers surtout, à l'état de dis- tension plus ou moins considérable du canal. Intestin buccal. — Ramdobr le représente renflé en jabot; pour Trevi- ranus, il est à peu près cylindrique. A la petite échelle qu'il a adoptée Ram- 1 Abhandlung iiber die Verdauungsiverkzeuge der Inseclen, p. 148. (Atlas pi. XV, fig. 1.) Halle, 1811. 2 Vermischte Schri/ten, etc., op. cil., p. 43, pi. VIII, fig. 6. 3 Sur les usages du vaisseau dorsal (suile). (Mési. du Muséum, t. V, Paris, 1819), p. 114. 4 Die respirationsorgane von lulus (Isis. 1854), colonne 156. s Manuel d'anatomie comparée. Traduit par Spring et Lacordaire, t. I, 2e partie, p. 444. 0 Zum (eineren Bau der Artliropoden (Aitcuiv. de Muller, 1855), p. 447. 7 Ibid., p. 4(56 et Traité d'histologie. Traduction française, p. 524, fig. 255 A. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 65 dohr est exact, bien qu'il n'y ait pas de jabot véritable. Voici la cause de cette apparence : Fraîchement mis à nu et examiné à un faible grossissement (fig. 6, 7 et 16, pi. I), l'intestin buccal, étroit au voisinage de la bouche, paraît fortement renflé dans sa moitié postérieure et semble acquérir là un diamètre supérieur à celui de l'origine de l'intestin moyen; mais on ne tarde pas à s'assurer, par des grossissements plus forts et la dissection, qu'il se compose d'un simple tube conique (fig. 17, pi. I), plus étroit, au contraire, que l'intestin moyen et recouvert d'une épaisse couche translucide, formée en majeure partie, de petits globules, comme un tissu graisseux, et de très- nombreux troncs trachéens (fig. 17 et 19, pi. I). Parfois on voit ce tissu disposé en une série de côtes longitudinales (fig. 16), et si l'on plonge la pré- paration dans l'alcool , il devient blanc laiteux et les côtes s'accusent davan- tage (fig. 18, pi. I). Avec un peu d'attention, on voit que le même tissu, mais en couche très-mince, se continue à la surface de l'intestin moyen, y soutenant aussi le réseau trachéen; enfin, en le comparant au tissu adipeux proprement dit des Iules, j'observe une si grande ressemblance que je crois pouvoir affirmer que du tissu adipeux constitue, avec les trachées, l'enve- loppe de l'œsophage. Incolores chez 17. Londinensis, les parois de l'intestin buccal sont forte- ment pigmentées en violet foncé chez les /. sabulosus et /. terrestris (fig. 1 7, pi. I). Elles sont tapissées intérieurement par une cuticule transparente sans appendices saillants. Ce qui prouve bien que cette partie ne joue aucunement le rôle de jabot, c'est que les aliments ne s'y accumulent jamais. Quand on tue ranimai pen- dant un repas, on trouve dans l'œsophage une simple colonne de débris végétaux et de grains de sable. Ainsi que chez les Insectes et d'autres Myria- podes, des bulles d'air peuvent s'y observer. Beaucoup d'Insectes dégorgent quand on les saisit ou les tourmente, un liquide qui n'est ni la salive, ni le produit de glandes spéciales, mais une petite quantité soit du contenu de l'œsophage ou de l'intestin moyen, soit du liquide sécrété par les parois de ce dernier. Les Iules sont dans le même cas; seulement, lorsqu'on les manie, il faut prendre des précautions spéciales afin de ne pas commettre l'erreur de considérer comme liquide dégorgé par la 64 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES bouche l'humeur qui suinte de leurs foramina repugnaloria. J'ai constaté un grand nombre de fois que la toute petite gouttelette de liqueur que les Iules émettent ainsi par la bouche, tantôt incolore, tantôt jaunâtre (/. sabu- losus) est toujours légèrement acide et possède, de plus, un pouvoir décolo- rant très-marqué; la tache rose produite sur le papier de tournesol bleu devenant en peu de temps parfaitement blanche en séchant !. Ainsi que je le montrerai plus loin, ni la sécrétion des glandes dites salivaires, ni la nourriture des Iules ne sont acides; le liquide digestif de l'intestin moyen possède seul cette réaction , c'est donc lui qui est rendu en petite quantité par la bouche. Intestin moyen. — L'intestin moyen est toujours d'une grande longueur, égalant ou surpassant la moitié du canal total. Sa limite postérieure est indiquée par la disparition brusque de son épithélium, l'insertion des tubes de Malpighi, la présence d'un bourrelet plus accusé et l'apparition d'une cuticule appartenant à l'intestin terminal. Il nous offre d'abord, une couche mince de tissu adipeux riche en trachées innombrables, puis une tunique musculaire dont les éléments circulaires en se contractant énergiquement par places déterminent une telle variété d'aspects qu'il est presque impossible de rencontrer deux tubes digestifs identiques, même chez les individus appartenant à la même espèce. En effet, le Myriapode vient-il de manger copieusement, l'intestin moyen est presque lisse, on ne distingue de saillies circulaires que vers son tiers postérieur. Le bourrelet valvulaire qui le sépare de l'intestin terminal est effacé (fîg. 7 et 8, pi. I). La digestion dans l'intestin moyen est-elle, au con- traire, terminée depuis un certain temps et la plus grande partie des matières est-elle passée dans l'intestin terminal, l'intestin moyen devient presque moniliforme; les étranglements et les renflements sont nombreux; tantôt très-régulièrement espacés, tantôt irrégulièrement; le bourrelet valvulaire terminal est très-accusé (fig. 9, pi. I). L'intestin moyen est le siège des actions digestives proprement dites; sa 1 M. Gervais cite cependant le liquide dégorgé pour 17. lucifugus comme alcalin. 11 le prend fautivement pour la salive (Hist. nat. des Ins. aptères, t. IV, p. 14(î). DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 65 tunique propre est, à cet effet, tapissée au dedans par un épithélium cylin- drique (fig. 59, pi. III) dont les éléments se détachent avec une facilité désespérante pour celui qui veut les étudier en place. Les cellules, encore fixées, sont en massues allongées (fig. 60, pi. III); détachées et flottantes, elles s'allongent encore et prennent des formes très-bizarres (fig. 61, pi. III); on y distingue un noyau brillant et des granulations ou globules très-fins de couleur verte ou d'un vert jaunâtre chargeant le protoplasme. La facilité avec laquelle l'épithélium tombe prouve déjà l'absence d'une cuticule sur-jacente, je n'ai pas réussi non plus à démontrer ce revêtement d'une manière directe. La cuticule manque donc dans l'intestin moyen des Iules, comme dans celui des autres Myriapodes. Lorsqu'on a enlevé l'épithélium par des frottements et des lavages, on retrouve l'empreinte plus ou moins polygonale des insertions des cellules épithéliales (fig. 62 et 63, pi. III). Ces empreintes pourraient facilement être prises pour un épithélium pavimenteux; j'ai commis moi-même l'erreur au début de mes recherches, c'est pourquoi j'ai tenu à prémunir le lec- teur contre cette illusion '. L'épithélium que nous venons de décrire sécrète abondamment un liquide digestif brun ou jaune verdâtre qui imbibe toutes les matières renfermées dans l'intestin moyen. La réaction de ce liquide essayé soit pur, soit étendu d'eau, est toujours légèrement acide -. Surpris par un fait aussi exceptionnel, j'ai, non-seulement répété mes essais à satiété, mais j'ai voulu m'assurer si l'acidité ne provenait pas de la nourriture : des décoctions des feuilles sèches de hêtre, tilleul, chêne, des mousses, etc., que mangeaient mes Iules, s'étant trouvées parfaitement neutres, il faut admettre que la réaction acide est bien propre au liquide digestif. Je le répète , en présence de la neutralité ou de l'alcalinité faible que j'ai 1 M. Leydig {Traité d'histologie. Trad. franc., p. 579) a cité une erreur analogue concernant t'Ecrevisse. Les empreintes des cellules sur la cuticule, celte fois, ont clé regardées comme des cellules véritables. 2 Excepté chez les individus malades par suite d'une alimentation qui ne leur est pas natu- relle. Ainsi, chez les /. Londinensis nourris de laitue, le contenu de l'intestin moyen était neutre. Tome XL1I. 9 66 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES constamment rencontrées jusqu'ici dans les sécrétions du tube digestif de tous les Insectes * et de tous les Myriapodes autres que les Iules, l'acidité du liquide de l'intestin moyen de ces derniers est une exception des plus remar- quables. Rien que ce fait vienne rompre l'uniformité de mes résultats anté- rieurs, je le considère comme heureux, en ce sens qu'il prouve l'exactitude parfaite de toutes mes autres observations. (Voir à ce sujet le § 9.) Malgré son acidité faible le liquide digestif ne caille pas le lait. L'état de décomposition des végétaux avalés par les Iules et la faible capa- cité de leur canal intestinal sont probablement les causes pour lesquelles je n'ai réussi à retrouver ni le sucre par les réactions chimiques, ni la chloro- phylle par le micro-spectroscope. Terminons par cette remarque que la sécrétion acide de l'intestin moyen m'a offert plusieurs fois la propriété décolorante observée pour la liqueur dégorgée par la bouche. Cette liqueur émane donc, comme je l'ai déjà avancé, de l'intestin même. Intestin terminal. — Ramdohr nous le représente formé de deux portions à surfaces lisses. Treviranus le figure coupé transversalement de nombreux sillons. La seule inspection des figures qui accompagnent notre travail actuel montre que ces différences résultent de l'état de plénitude ou de vacuité de cette portion du tube digestif. En réalité, l'intestin terminal se compose de deux parties un peu diffé- rentes. La première, large, très-musculaire, variant beaucoup d'aspect par l'effet des contractions des fibres musculaires annulaires. C'est la seule que Ramdohr et Treviranus aient vue. La seconde, très-courte, beaucoup plus étroite, à parois transparentes, est renfermée entièrement dans l'espèce de boîte constituée par le dernier anneau du corps et les valves anales (fig. 75, pi. III). Cette dernière partie, ou rectale, présente la particularité d'être tou- jours courbe, se raccordant ainsi à l'anus qui est infère. La courbure en ques- tion donne parfois lieu à une anse véritable, comme je l'ai observé chez 17. terreslris. Ce fait qui a échappé jusqu'à présent aux observateurs, quoique 1 Recherches sur tes phénomènes de la digestion chez les Insectes, etc., op. cit., pp. 97 à 105. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 67 peu important en apparence, rattache cependant le tube digestif des Iules à celui des Gloméris cité partout pour ses circonvolutions. Au point de jonction de l'intestin moyen et de l'intestin terminal, l'épithé- lium du premier cesse brusquement, une saillie annulaire formée par une sorte de sphincter fait l'office de valvule, puis immédiatement apparaît le revêtement cuticulaire qui tapisse tout l'intestin terminal. Cette cuticule, lisse dans presque toute son étendue, porte, près de l'origine de l'intestin terminal, c'est-à-dire immédiatement après la valvule, un certain nombre de rangées d'appendices chitineux aplatis et arrondis au bout comme de petites spatules; tous sont dirigés vers l'extrémité postérieure de l'intestin. J'en ai compté treize rangs chez 17. sabulosus. Ils ont évidemment pour but d'empê- cher le retour des matières digérées vers l'intestin moyen (fig. 77, pi. III). Dans l'intestin terminal on retrouve les mêmes lanières végétales, les mêmes grains de sable, etc., que dans la portion qui précède; seulement le tout est ordinairement coloré en noirâtre et n'offre plus de réaction acide. La réaction est neutre, peut-être, quelquefois, très-légèrement alcaline. Au moment où les Iules rendent leurs excréments, les valves anales s'écar- tent fortement de façon à convertir en un orifice circulaire la fente qui les sépare au repos. Ces excréments sont en forme de petits corps ovoïdes, solides, noirs ou très-foncés, d'un millimètre de longueur environ. L'examen microscopique montre qu'ils ne sont point enveloppés par une membrane fine, comme nous l'avions observé chez les Lithobius et les Himanlarium (fig. 78, pi. III). En les écrasant avec un peu d'eau, on les trouve composés de filaments végétaux, de grains de sable gros et petits, de concrétions brunes, de globules d'aspect graisseux, et de petits cristaux de carbonate de calcium x (fig. 79, pi. III). J'y ai vainement cherché les octaèdres d'oxalate de calcium qu'on rencontre de temps en temps dans les tubes malpighiens. Glandes antérieures dites salivaires. — Ramdohr les figure comme deux longs tubes flexueux aboutissant à leur extrémité postérieure à deux réser- 1 Ces petits cristaux proviennent de la terre même avalée par les Iules. Je les ai retrouvés dans celle qu'habitait, chez moi, VIulus londinensis. 68 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES voirs allongés. Treviranus décrit et représente trois tubes salivaires de chaque côté de l'intestin buccal, six en tout, par conséquent. Burmeister, frappé de ce désaccord, reprit le sujet en 1834 et constata que Ramdohr avait raison quant au nombre, mais sa description est incomplète et inexacte. M. von Siebold n'a vu non plus que deux tubes; la phrase suivante de la traduction française de son Manuel d'analomie comparée : « J'ai vu ces deux canaux » chez VIulus sabulosus se confondre ensemble à leur extrémité postérieure » de manière à former un arc » est probablement mal rendue; nous verrons plus loin comment il faut comprendre les choses. Enfin, M. Leydiga donné, mais en quelques lignes, la disposition exacte J. Ni M. Burmeister, ni M. von Siebold, ni M. Leydig n'ont publié de figures ni détaillé suffisamment leurs descriptions, de sorte que je crois fort utile de combler ces deux lacunes. Les glandes antérieures sont au nombre de deux, placées sur les côtés du tube digestif et s'élendant depuis la bouche jusque vers le tiers postérieur ou même la terminaison de l'intestin moyen (fig. 6 et 7, pi. I). Chacune de ces glandes est un très-long tube cylindrique de 0mm,2 de diamètre environ, un peu sinueux, s'ouvrant dans la cavité buccale par un col étroit (fig. M, pi. II), suivant l'œsophage auquel il adhère pendant un petit trajet, puis lon- geant le tube digestif sans y être directement uni, jusque près de l'origine de l'intestin terminal; arrivé là, il se replie brusquement en anse (c'est évidem- ment à cela que fait allusion le passage de M. von Siebold que je citais plus haut) 2, revient sur lui-même, suit d'abord parallèlement la première moitié en y adhérant intimement, puis s'enroule plus ou moins autour d'elle pour se terminer en cœcum non loin de son point de départ (fig. 6 et 7, pi. I). Un de ces appareils, déroulé complètement, atteint facilement la longueur totale du corps du Myriapode. Ces deux glandes en tubes, d'un blanc laiteux par réflexion, d'un jaune ocreux par transparence, sont tapissées dans toute leur longueur par un épi- tbélium constitué par des cellules dont M. Leydig a signalé la petitesse, mais 1 On trouvera en note, p. G2, les titres et les pages de ces publications. 2 Tandis (pie la phrase française ferait croire rjuc la glande salivaire de droite s'unit, sous forme d'arc, à celle de gauche. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 69 sans les décrire autrement. Ce sont de petites cellules plates, losangiques, incolores, à noyaux très-brillants. L'examen répété des tubes glandulaires ne m'y a jamais fait découvrir ni granulations, ni concrétions, ni cristaux, ni dépôts quelconques (fig. 42, pi. II). En les écrasant entre deux plaques de verre sur des fragments de papiers réactifs, on constate que la réaction du liquide sécrété est neutre ou très- légèrement alcaline. Leur petit volume et la difficulté avec laquelle on les isole complètement ne m'ont point permis d'autres expériences; je ne puis donc que suppose)', avec mes devanciers, que ces glandes sont salivaires. Le régime végétal des Iules milite, du reste, en faveur de celle opinion. Nous retrouverons des organes très-analogues à ceux-ci chez les Glu- mer ts (§ 7). Tubes de Malpighi. — Très-fins, entortillés autour du tube digestif dans presque toute sa longueur, maintenus par d'innombrables trachées, les tubes malpighiens sont fort difficiles, non-seulement à isoler, mais à compter. Ramdobr en a indiqué quatre et j'ai trouvé ce chiffre exact. Suivant en cela la règle générale, ils s'ouvrent dans le tube digestif sur la limite entre l'intestin moyen et l'intestin terminal (fig. 76, pi. III). Leur épithélium sécrétoirc qui a déjà été figuré par M. Leydig l, chez 17. terrestris est composé, comme chez la plupart des autres Myriapodes, de très-petites cellules légèrement jaunâtres (fig. 85, pi. III). On peut y renconlrer : 1° de petites octaèdres d'oxalatc de calcium que M. Leydig avait signalés avant moi chez 17. terrestris et que j'ai retrouvés assez abondants chez 17. Londinensis (fig. 87, pi. III) -; 2" des concrétions ou groupements calculeux dont la forme arrondie indique un urate et même très-probablement l'urate de sodium (fig. 86, pi. III) 3. 1 Traité d'histologie, etc., op. cit., p. 324, fig. 235 A. - La présence d'octaèdres d'oxalatc de calcium dans les tubes malpighiens a été fréquem- ment constatée chez les Insectes : Chenilles deSphinx convolvuli (H. Meckel), de Bombyx rubi (Leydig), de VHoplitis Milhanseri (Schlossbergcr), de la Vanessa urlicae, du Bombyx lanestris, du Bombyx quercùs , de YYpoiwmeula evonymella (Kôlliker), du Sericuria mori (Sirodot), larves de Dy lisais (par moi-même). (Voyez pour les titres des ouvrages, etc., mon Mémoire : Recherches sur les phénomènes de là digestion chez les Insectes, etc., op. cit., p. 41 . 3 Voyez Robin et Verdeil, Traité de chimie anatomique (Atlas), pi. XI, fig. 5. 70 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES Les expériences de micro-chimie viennent démontrer l'exactitude de cette dernière hypothèse. D'un côté, en broyant les tubes malpighiens de 17. Londinensis avec un peu d"eau dans le creux d'une lame de verre à concavité, ajoutant une petite goutte d'acide acétique et couvrant, on obtient, au bout d'une demi-heure, de petits cristaux d'acide urique (fig. 89, pi. III); d'un autre côté, en broyant des tubes malpighiens secs, avec de l'acide chlor- hydrique très-étendu et laissant évaporer spontanément, il se dépose des cristaux qui, repris par l'eau pure et recristallisés, se trouvent être du chlorure de sodium (fig. 88, pi. III). La sécrétion des tubes de Malpighi des Iules est donc, en tous points, comparable à celle de bien des Insectes et, par conséquent, urinaire. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 71 FAMILLE DES GLOMERIDES. § 7- Glomeris limbata, Latr. {Glomeris marginata, Leach.) INDICATIONS ICONOGRAPHIQUES. i837. Brandt. Beilràge zur kcnnlniss des innern Bancs voit Glomeris marginata (Archiv fur Anato- mie, etc., de J. Millier), pi. XII, fig. 2. Tube digestif de Glomeris limbata, fig. 3. Glandes antérieures de la même. Les travaux anatomiques concernant le tube digestif des Glomeris se réduisent, si je ne m'abuse, au seul et unique Mémoire de Brandt auquel, du reste, tous les ouvrages récents continuent à renvoyer. Mes dissections personnelles m'ont prouvé que les observations du savant Myriapodologiste sont, en général, très-exactes, mais n'ont pas été poussées assez loin; la texture microscopique, les fonctions des diverses parties et même certains détails moins délicats ont élé négligés. N'oublions pas, en outre, que l'œuvre de Brandt date de près de quarante ans et que cela seul devait engager à la reprendre. « Les Glomérides sont des Myriapodes dont le faciès rappelle assez bien celui des Cloportes et plus particulièrement celui des Armadilles, à coté desquels les entomologistes de la fin du dernier siècle les ont souvent placés '. » Leurs mœurs ont été étudiées par plusieurs naturalistes parmi lesquels je citerai Brandt 2 d'abord, ensuite M. Aloïs Humbert 5. Il résulte de 1 Gebvais, Hisl. nat. deslns, aptères, etc., op. cit., t. IV, p. 66. 2 Observations sur le genre de vie et la physiologie des espèces du genre Glomeris (Recueil de Mémoires relatifs à l'ordre des Insectes Myriapodes. Saint-Pétersbourg, 1841). 3 Etudes sur les Myriapodes. Note sur l'accouplement et la ponte des Glomeris (Mitthei- lungen der Schweiz entom. Gesellsch., Bd. 5, Heft 10). 72 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES. ces investigations, ainsi que des miennes propres, que les Gloméris se nour- rissent de végétaux et principalement de mousses 1. L'examen du contenu de la cavité digeslive indique un mode de division des aliments analogue à celui qui est mis en usage par les Acridiens, par exemple, chez les Insectes et les Iules parmi les Myriapodes; c'est-à-dire que la plupart des fragments ont la forme de lanières étroites; les plus grandes mesurent lnm,,5 de long sur Omm,l de large, dimensions qui ne permettent pas de supposer une mastication proprement dite et qui obligent fréquem- ment ces débris à se placer parallèlement en hottes. Rrandt et M. Humbert avaient déjà observé que les Gloméris avalent de la terre. Ce fait, bien qu'étrange, n'a rien de nouveau pour nous, les Iules et bien d'aulres Myriapodes, ainsi qu'on l'a vu par les pages précédentes, sont dans ce cas; seulement, chez les Gloméris femelles, l'acte en question a, vers le moment de la ponte, un but déterminé complètement en debors de la digestion et dont je dirai un mot plus loin. Position et trajet du tube digestif. — Depuis le travail de Brandt -, le tube digestif des Gloméris est cité partout comme présentant une exception remarquable; il n'est pas rectiligne, mais exécute une forte circonvolution très-accusée. C'est avec le plus vif intérêt que j'ai vérifié l'exactitude de cette observation; il y a cependant autre chose encore à signaler : déroulé, ce tube est, quant aux caractères généraux , un véritable tube digestif d'Iule. M. Gervais lui donne à tort « près de trois fois la longueur du corps 3, » c'est moins de deux fois qu'il faut dire; en effet, il ne mesurait que 31 millimètres chez un individu frais de 19 millimètres de longueur. La lecture du texte de Brandt montre parfaitement que les courbures du canal ont lieu dans un plan vertical, mais sa figure indique le contraire. J'ai représenté (fig. 12, pi. I), à un faible grossissement, le tube digestif en place, tel qu'il se présente au moment où on ouvre l'animal par la face ventrale et (fig. 13, pi. 1), par un ' Brandt, Recueil, etc., p. 105. Humbeiit, Eludes, etc., p. 532. - Beitrage zur Kennlniss des innern Baues von Gloméris, etc., op. cit., p. 322. 3 Jlist. nul. des Insectes aptères, etc., op. cit., t. IV, p. 7. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 73 ruban, la courbe décrite. Je reviendrai sur l'importance anatomique de cette disposition au § 8, page 80. Subdivisions du tube digestif. — Brandt admet un œsophage, un estomac, un intestin grêle, un gros intestin, un rectum, deux glandes salivaires, deux tubes malpighiens. Pour comprendre nettement quelles sont les subdivisions réelles et les affinités, il faut dérouler le canal. Celui-ci, comme je le dis quelques lignes plus haut, n'est plus alors qu'une tube digestif d'Iule dans lequel on observe de fausses divisions supplémentaires dues à des rétrécissements locaux auxquels ne correspondent, lorsqu'on ouvre le canal sous le microscope, aucune texture histologique ou structure macroscopique différentes de celles des parties voisines (fig. 11, pi. I). En résumé, l'appareil digestif se compose : 1° d'un intestin buccal ou œsophage court; 2° d'un intestin moyen spacieux, situé, comme le dit Brandt, à gauche de l'axe du corps; 3° d'un intestin terminal comprenant une portion longue, rétrécie dans sa partie moyenne, coudée, et qui, se portant à droite, décrit une circonvolution dans un plan vertical pour se diriger ensuite vers l'anus, enfin une petite portion rectale courte; 4° de deux glandes dites salivaires; 5° de deux tubes de Malpighi. Détails, structure microscopique , fonctions des différentes parties. — L'intestin buccal se réduit à un simple œsophage à parois très-musculeuses s'ouvrant, sans valvule ni sphincter, dans l'intestin moyen. Il est tapissé inté- rieurement par une cuticule chitineuse transparente, lisse, un épithélium sécrétoire y fait défaut, tandis que, dès l'origine de l'intestin moyen, on voit apparaître brusquement un revêtement sécréteur important (fig. 20, pi. I). On se rappelle que l'œsophage des Iules affecte, en apparence, l'aspect d'un jabot assez dilaté par suite d'une couche épaisse enveloppante d'un tissu fort analogue au tissu adipeux et intimement lié à un réseau trachéen d'une richesse extrême qui s'y ramifie. Chez nos Gloméris qu'on doit regarder comme des Iules ramassés, le tissu en question n'enveloppe plus l'intestin buccal, mais forme deux petites niasses blanches nettement limitées, pyri- Tome XL1I. 10 74 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES formes, recevant chacune un arbuscule de trachées et situées à droite et à gauche de l'origine de cet intestin buccal (fig. 20a, pi. I). Ces petites masses m'ont vivement intrigué au début; j'ai cru à des glandes s'ouvfant dans l'œsophage; mais une étude plus approfondie m'a fait voir qu'elles ne peu- vent être ramenées histologiquement à des glandes, qu'elles sont indépen- dantes du tube digestif, bien qu'elles l'avoisinent, enfin que leur tissu gra- nuleux se prolonge en traînées multiples le long des troncs trachéens. La forme et la brièveté de l'intestin buccal nous prouvent que les aliments ne font que le traverser et passent directement dans l'intestin moyen. L'intestin moyen plus court et aussi beaucoup plus large que celui des Iules est bien la portion la plus vaste de l'appareil digestif. Il est limité pos- térieurement par l'insertion des tubes malpighiens, mais présente, avant ce point (fig. 10, pi. I), un rétrécissement annulaire. Sa face ventrale est recouverte par un reseau de trachées et de tissu graisseux. On se souvient que les Iules ont l'intestin moyen caractérisé par un épi- thélium cylindrique important, coloré en vert ou jaune verdâlre. Les Gloméris nous offrent aussi, dans la portion similaire du canal, un épithélium sécré- toire, mais dont les cellules très-grandes, cette fois, sont couchées à plat et ont un aspect transitoire entre l'épitliélium cylindrique et l'épithélium pavi- menteux (fig. 64 et 65, pi. III). Leur protoplasme est chargé des mêmes granulations jaunc-verdàtre que chez les Iules, leur noyau généralement obscur est apparent sans le secours de réactifs et contient un nucléole bril- lant excentrique. J'ajouterai, pour prévenir des divergences dans les appré- ciations de ceux qui pourraient les observer après moi, que ces cellules sont très-facilement altérées par l'action de l'eau dans laquelle se fait la dissection. L'épithélium que je viens de décrire sécrète abondamment un liquide digestif jaune brunâtre visqueux, filant, difficilement miscible à l'eau, teignant le papier blanc en jaune citrin et absolument neutre à tous les papiers réactifs, qu'on l'essaye pur ou étendu. Ce fait est très-remarquable à côté de l'acidité constante du liquide digestif de l'intestin moyen des Iules; quel- que étrange que cela puisse paraître, il ne saurait, cependant, subsister aucun doute à cet égard, la capacité de l'intestin moyen des Gloméris et l'abondance DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 75 du liquide m'ayant permis de varier les essais de toutes les manières possibles. Lorsque la Gloméris vient de manger, l'intestin moyen est uniformément distendu par un mélange de débris végétaux, de grains de sable, de grains calcaires, etc., dont j'ai déjà parlé, imbibés du liquide sécrété sur place; mais lorsque la digestion est effectuée, que le sphincter annulaire qui termine cette section s'est relâché, et qu'une partie des aliments a passé dans l'intestin terminal, la portion antérieure de l'intestin moyen, celle qui est la plus voi- sine de l'œsophage, se vide de matières solides, mais on la trouve remplie par le liquide digestif visqueux qui peut y exister en si grande quantité, qu'il y a saillie locale et formation d'un faux jabot, comme sur la figure 10, planche I. C'est une preuve de plus des précautions qu'il faut prendre pour éviter de signaler, dans des descriptions faites à la légère, des parties anato- miques qui n'existent pas. On ne connaît bien le tube digestif d'un articulé qu'après des dissections répétées à tous les états de la digestion et par l'étude microscopique des parois. Terminons par cette remarque qui a sa valeur : dans l'intestin moyen, toutes les parties vertes des végétaux restent vertes. Intestin terminal. — Longue portion. — L'intestin terminal est tapissé par une cuticule fine et transparente, mais les rangées de lamelles saillantes chitineuses qui marquent son origine chez les Iules manquent ici. Quels que soient les coudes, les circonvolutions, les rétrécissements ou les augmentations de diamètre que présente la longue portion de l'intestin terminal, la texture histologique des parois est la même d'un bout à l'autre. C'est un intestin terminal d'Iulide, possédant une tunique musculaire forte, pouvant déterminer, surtout dans le dernier tiers, des anneaux successifs, une tunique propre, un épithélium sans importance aucune, à l'état de petites cellules incolores et, du reste, recouvert par l'intima ou cuticule dont il vient d'être question. Le contenu est, en apparence, le même que plus haut, mais un examen attentif montre que les grains quartzeux et calcaires y sont proportionnelle- ment beaucoup plus abondants; ce qui prouve que l'assimilation des matières solubles a eu lieu pendant le séjour dans l'intestin moyen. Les débris végé- 76 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES taux verls restent encore d'un vert intense jusqu'à la fin. Cette dernière particularité montre que chez les Myriapodes, comme chez les Insectes où je l'ai démontré au micro-spectroscope, le fait curieux signalé par M. Chau- tard reste vrai, la chlorophylle résiste au travail de la digestion l. La réaction du contenu de l'intestin terminal est toujours neutre. Portion courte ou rectale. — Elle n'offre absolument à considérer que sa grande brièveté et son diamètre moindre que celui de l'intestin terminal. « Les excréments sortent sous la forme de petits crottins cylindriques d'environ 1 \ millimètre de largeur sur 2 ou 3 millimètres de longueur 2. » M. Gervais avait observé dès 1844 que les œufs des Gloméris sont ren- fermés chacun dans une boulette de terre 3, M. Fabre a supposé que ces bou- lettes pouvaient être façonnées par les mâles i; mais c'est à M. Humbert que nous devons l'explication de ce fait intéressant. Ce sont les femelles qui enveloppent chaque œuf de matières terreuses expulsées par l'anus. « Pen- » dant cette opération, dit M. Humbert, la femelle est étendue soit sur le » côté, soit plus volontiers sur le dos; elle tient la boulette déjà commencée » suspendue à une petite distance au-dessus de l'anus, au moyen du der- » nier article de quelques-unes des pattes postérieures. On voit les bords de » l'anus s'écarter, les valves légèrement chitineuses qui le bordent se rejeter » sur les côtés et les parties charnues du rectum faire saillie au dehors en » se retournant un peu. En même temps, une certaine quantité de matière » terreuse est expulsée dans un état demi-liquide et poussée contre la bou- » lette dont elle vient grossir le volume , etc. 5. » Je ne puis reproduire 1 Voyez à ce sujet mon Mémoire, Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes, etc., op. cit., pp. 55, 56, 61, 89 et 119. CiiAUTAnD, Examen speclroscopique de la chlorophylle dans les résidus de la digestion (Comptes iiendus, t. LXXVI, p. 103, 1875). Ibid., t. LXXV1I, p. 597, 1873. » Les spectres de la chlorophylle, 2e édition, pp. 73, 74, 75, 78. Nancy, 1875. - Aloïs ttuanERT, IVote sur l'accouplement et la ponte des Gloméris, etc., op. cit., pp. 543 et 544. 5 L'Institut, 1844 (Bul. de la Soc. piiilomatique) et Hist. 7iat. des Ins. aptères, t. IV, p. 25. 4 Recherches sur l'anatomic des organes reproducteurs et sur le développement des Myria- podes. Thèse. Paris, 1855, p. 11. 8 Op. cit., pp. 540 et suivantes. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 77 ici tout ce que l'auteur donne de détails sur cette phase curieuse des mœurs des Gloméris; je lui emprunterai cependant encore quelques lignes : « ...tandis » que les excréments proprement dits contiennent une grande quantité de » tissu cellulaire végétal plus ou moins bien conservé, les matières servant » à la composition des boulettes sont presque exclusivement terreuses. Il est » donc plus que probable que, peu avant la ponte, la femelle ingère une » quantité relativement considérable de terreau qui ne fait que traverser le » canal intestinal et en ressort sous la forme d'une pâle assez fluide sans » avoir aucunement concouru à la nutrition. ' » Bien que restant d'accord avec M. Humbert pour le fond, je tiens à rap- peler que chez les Gloméris, d'après mes observations, les matières terreuses sont, en tout temps, avalées en quantités notables. Glandes antérieures ou salivaires. — C'est Brandt qui a signalé les glandes antérieures des Gloméris, mais ni la description, ni la figure qu'il en donne ne sont exactes. On les découvre aisément, de cbaque côté de la partie postérieure de la tète, comme des tubes singulièrement contournés sur eux-mêmes; mais on ne peut se faire une bonne idée de leur structure qu'après les avoir dégagées en enlevant les différentes parties de la tête par fragments. Dès lors, on s'assure immédiatement (lig. 43, pi. II) que leur composition est la môme que chez les Iules. Un long tube est replié en anse vers le milieu de sa longueur, la seconde moitié revient le long de la première en lui restant à peu près parallèle; l'une des extrémités s'ouvre dans la bouche, l'autre, très-voisine de celle-ci, se termine en cœcum; seulement, comme tout dans l'appareil digestif des Gloméris est plus ou moins ramassé, le tube glandulaire, au lieu d'être placé longitudinalement sur les côtés du canal, est fortement contourné sur lui-même, exécutant des replis sinueux. Complètement déroulées, ces glandes sont proportionnellement presque aussi longues que celles des Iules; elles mesuraient 9 millimètres chez un indi- vidu de 15 millimètres de longueur. Brandt et, après lui, les traités d'ana- tomie comparée qui tous parlent de tubes courts, sont donc dans l'erreur. 1 Op. dt., p. 544. 78 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES Histologiquement, c'est aussi la même structure que chez les Iules, le même épithélium délicat, composé, il est vrai, de cellules plus petites, allon- gées transversalement ou simplement arrondies (fig. 44, pi. II). Le diamètre du tube glandulaire est de 4 de millimètre. Ces glandes écrasées sur des papiers réactifs de différentes natures ne modifient en rien leur coloration ; le liquide qu'elles sécrètent est donc neutre. Leur petit volume ne m'a évidemment permis aucune expérience sérieuse sur leur rôle physiologique. Je ne vois pas d'inconvénient à les considérer comme salivaires, mais je n'en ai nulle preuve. M. Leydig, dans une lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire, à la date du 29 juin 1875, me dit que, d'après ses notes, il y aurait encore chez les Gloméris une deuxième paire de glandes acineuses. Bien que prévenu et malgré une attention soutenue, je n'ai pas réussi à les découvrir. Tubes de Malpighi. — Les tubes de Malpighi sont au nombre de deux seulement, s'ouvrant de chaque côté près de l'origine de l'intestin terminal '. Ils sont assez longs, plus larges que chez les Iules, mais repliés un grand nombre de fois sur eux-mêmes, de façon à ne recouvrir que les côtés de la première moitié de l'intestin terminal, là où l'intestin fait une anse; particu- larité que Brandt avait déjà remarquée -. Ainsi que chez la majorité des Myriapodes, leur épithélium se compose de très-petites cellules (fig. 90, pi. III). Je n'y ai vu, à l'état frais, aucune trace de concrétions ou de cristaux, pas même les cristaux d'oxalale de calcium observés chez les Iules. L'action de l'acide acétique, par le procédé habituel, ne détermine que la formation de très-petits cristaux fort rares d'acide urique, suffisants cependant pour signaler les tubes comme organes urinaires 3. ' C'est surtout en étudiant les points d'insertion des tubes nialpighiens qu'on arrive à une notion nette de leur nombre; c'est également ainsi que je me suis assuré, à plusieurs reprises, qu'il n'y en a que deux simples, et non quatre s'ouvrant deux à deux par des orifices communs. 2 Beilrâge zur Kennlnis des innnern Buttes von Gloméris, etc., op. cit., p. 523. 3 Bhakdt, /ou/., les regardait comme organes hépatiques; opinion toute gratuite, mais assez générale à celle époque (1857). DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 79 CHAPITRE III. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS. (Je grouperai, pour plus de clarté, les résultats de mes recherches en deux paragraphes; un résumé anatomique et un résumé physiologique.) § 8. Résumé anatomique. Le lecteur voudra bien se rappeler qu'il ne s'agit ici que des types prin- cipaux des Myriapodes de l'Europe moyenne, que tous les faits anatomiques dont il est parlé ci-dessous ont été observés et vérifiés par nous sur des ani- maux frais, enfin que, pour les petits détails, il est nécessaire de retourner au texte des pages précédentes. Le tube digestif des Myriapodes se rapproche plus de celui des Insectes que de celui de toute autre classe d'Arthropodes. Il est toujours nettement divisé en trois portions successives; un intestin buccal, un intestin moyen, un intestin terminal. Les annexes glandulaires sont, d'une façon constante, deux glandes antérieures dites salivaires et des tubes malpighiens au nombre de deux ou de quatre. L'intestin buccal est tantôt court et assez large, sans toutefois jamais se renfler en jabot (Lilhobius, lulus, Glomeris), tantôt très-long et spacieux (Cryplups), tantôt, enfin, très-long encore, mais d'une étroitesse capillaire (Himantarium, Geophilus). Ses parois comprennent : une tunique musculaire, une tunique propre, un épilhélium de peu d'importance et qui peut manquer, une intima ou 80 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES cuticule chitineuse, lisse d'ordinaire, portant quelques petites pointes chiti- nisées dirigées vers l'intestin moyen chez les Lithobius. Généralement, l'intestin buccal s'ouvre directement dans l'intestin moyen, parfois même sans passage brusque; chez les Cryptops seuls, on observe, en cet endroit, un appareil valvulaire ou faux gésier sphérique ou ellipsoïdal, très-musculeux et dont l'intérieur est garni de nombreuses soies et même de pointes épineuses (C. Suvignyi), toutes dirigées vers l'œsophage ou intestin buccal proprement dit. Ajoutons que l'intestin buccal peut être pigmenté en violet, comme chez les Lithobius forficatas, Iulus sabulosus et lulus terrestris. L'intestin moyen est toujours, celui des Cryptops excepté, la portion la plus spacieuse du canal intestinal. Il est cylindrique, rectiligne ou à peu près, situé dans l'axe du corps ou, dans le cas spécial des Gloméris, déjeté à gauche. Ses parois se composent : d'une tunique musculaire, d'une tunique propre, d'une couche épithéliale sécrétoire importante, uniformément répartie ou revêtant des replis saillants internes de l'intestin (Himantarium). L'épi- thélium de l'intestin moyen est à nu, il n'y a pas de cuticule. L'intestin terminal est généralement court; il s'allonge chez les chilo- gnathes et parmi ceux-ci, présente son maximum de longueur relative chez les Gloméris. M. Gervais s'était déjà élevé contre cette assertion que l'intestin des Gloméris seules, dans toute la classe des Myriapodes, présentait une circonvo- lution; il avait signalé les Zephronia et les Spherotherium très- voisins, du reste, des Gloméris, comme offrant la même disposition, et avait découvert également un intestin terminal tortueux chez Y Himantarium Gabrie/is. H résulte de mes recherches personnelles, que, loin d'être l'exception, un intestin terminal décrivant une anse ou, au moins, une courbe est la régie à peu près générale. On peut donc, pour les Myriapodes étudiées par M. Gervais et par moi, grouper les dispositions de l'intestin terminal comme suit : DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 81 / Glomeris. I occupant un graud espace . . . . / Zcphronia. Circonvolution très-accusée . . . . ) ' Spherotlierium. ) I Cryptops. \ de peu d'étendue 1 Himantarium. \ Geopliilus. Simple courbure finale lulus. Ni circonvolution, ni courbure Lithobius. La dernière portion de l'intestin terminal est fréquemment plus étroite que la partie originaire. Les parois de l'intestin terminal sont constituées par une tunique muscu- laire forte, une tunique propre, un épitliélium insignifiant qui peut manquer, une cuticule interne qui, chez les Iules, porte, près de l'origine de cette région intestinale, plusieurs rangs de petits appendices chitineux, arrondis, dirigés vers l'anus. L'intestin terminal est toujours parcouru par de gros troncs trachéens; il peut être pigmenté en violet (Lithobius), Les [/landes antérieures sont toujours au nombre de deux; leurs canaux excréteurs s'ouvrent constamment dans la cavité buccale proprement dite. Elles sont construites suivant deux types essentiellement différents : les glandes acineuses, en grappes {Lithobius, Cryptops, Himantarium), les glandes en tubes (Geophilus, lulus, Glomeris). Les glandes acineuses, ordinairement incolores, peuvent être colorées en violet par suite de la présence de cellules superficielles spéciales à pigment (Lithobius); elles sont courtes, ramassées (Lithobius), ou très-longues et étroites (Cryptops, Himantarium). Les glandes en tubes sont toujours repliées en boucle, en anse ou en circonvolutions plus compliquées; elles sont tapissées, ainsi que leur canal excréteur, par un épitliélium très-simple. On peut les classer ainsi : Canal excréteur très-long .... Glande formant une simple boucle Geophilus. Glande repliée sur elle-même vers le milieu de sa longueur . . lulus. Glande repliée aussi, mais à circonvolutions compliquées . . . Glomeris. Canal excréteur court .... ! Tubes de Malpiçjhi. — Il y en a deux chez les Lithobius, Cryptops, Himantarium, Geophilus, Glomeris, quatre chez les lulus. Ils varient peu de diamètre dans toute leur longueur, ou se renflent en Tome XLII. {{ 82 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES réservoirs (Lithobius, Geophilus), à leur point d'insertion qui est toujours la limite entre l'intestin moyen et l'intestin terminal, quelle que soit la forme du tube digestif. Leur coloration est jaunâtre par transparence; les cellules sécrétoires, habituellement petites, sont, d'une manière absolue, beaucoup moindres que chez la plupart des Insectes. § y. Résumé physiologique. Ainsi que je l'ai dit dans l'Avant-propos de ce travail, le tube digestif des Myriapodes étant une sorte de copie de celui des Insectes, mes observations sur ce groupe d'animaux ne pouvaient conduire, à quelques exceptions près, qu'à des résultats calqués sur ceux que les Insectes m'avaient fournis; avec cette différence, cependant, que des difficultés d'exécution beaucoup plus grandes devaient considérablement restreindre le champ expérimental. Quoi qu'il en soit, j'espère qu'on trouvera l'ensemble suivant satisfaisant et qu'il sera considéré, eu égard aux obstacles surmontés, comme une bonne suite à mes Recherches sur les phénomènes de la digestion chez les Insectes. Les Myriapodes sont carnassiers ou se nourrissent de végétaux '. Les Myriapodes carnassiers (Chilopodes) se nourrissant de proie vivante : mouches, cousins (Lithobius), lombrics, géophilides, araignées, larves d'in- sectes (Cryplops), podurelles et probablement d'autres insectes très-petits (Himantariwnî) qu'ils saisissent entre les crochets forcipulaires et qu'ils tuent par la double piqûre empoisonnée, produite par ces mêmes crochets. Les effets du poison des Lithobius sur les mouches domestiques sont presque aussi rapides que ceux de la morsure des araignées. La victime tuée, ces animaux la dévorent rapidement; les forcipules maintenant la proie, les pattes-mâchoires de la première paire (faux palpes) la dirigeant d'une manière convenable vers la bouche, et les mandibules coupant à coups pressés, intervenant seules dans la formation des bouchées. 1 Wngn, dans un travail consacré surtout auPlatyulus, Gervais, (Polyzonium, Brandi), admet que des Chilognathes peuvent se nourrir de substances animales et végétales. Ces obscr- vations sont à vérifier (Itev. zoul. pur lu Soc. Cuvierienne , 1859). DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 85 II n'y a guère de choix dans cet acte; généralement le Myriapode avale tout, muscles, téguments, pattes, antennes, etc., plus une certaine quantité de terre (sable siliceux, débris calcaires, etc.). Tantôt, et cela suivant le diamètre de l'intestin buccal, les bouchées sont volumineuses (Lithobius, Cryptops), tantôt, la nourriture est très-divisée (Himantarium, Geophilus). Chez les Myriapodes qui se nourrissent de végétaux (Chilognathes), l'ali- mentation se compose de végétaux décomposés (/nias, Polydesmus) l, de bois mort (Pollyxenus),o\\ de végétaux inférieurs verts, mousses {Glomeris). Ils rongent, et la matière alimentaire se rencontre, le plus souvent, dans leur tube digestif sous forme de petites lanières qui peuvent se disposer en bottes. Tous, comme ceux du groupe précédent, avalent de la terre, mais en quantité beaucoup plus grande. Les aliments ne font que traverser assez rapidement l'intestin buccal chez les Lithobius, Himantarium, Geophilus, lulus et Glomeris. Chez les Cryptops seuls, en raison de la grande capacité de cette région du canal et de l'obstacle opposé momentanément par l'appareil valvulaire, ils s'y accumulent, comme dans le jabot des Coléoptères carnassiers, et y sont soumis à l'action d'un liquide digestif à réaction neutre, provenant de l'in- testin moyen et filtrant au travers de l'appareil valvulaire. La digestion, ou, du moins, une de ses phases principales étant terminée dans l'intestin buccal des Cryptops, la tunique musculaire de l'appareil valvulaire se relâche, et les résidus, sable, débris de téguments, poils, etc., traversent celui-ci malgré les soies et les pointes chitineuses, pour arriver, enfin, dans l'intestin moyen où on les retrouve avec les mêmes formes et les mêmes dimensions, preuve évidente que, de même que chez les Insectes, l'appareil valvulaire n'a d'un gésier triturateur que l'apparence. A l'exception de ce fait particulier au genre Cryptops, les phénomènes diges- tifs principaux se passent, chez les autres Myriapodes, dans l'intestin moyen proprement dit. Là les matières avalées sont imbibées d'un liquide abondant jaunâtre ou brunâtre sécrété par la couche épithéliale. Ce liquide est neutre, quelquefois légèrement alcalin chez les Lithobius, Cryptops, Himantarium, 1 Ce qui est indiqué ici au sujet de l'alimentation des Polydesmus et PoUijxenus est le résultat de quelques observations trop peu importantes pour prendre place dans les pages précédentes. 84 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES Geophilus, Glomeris, qui rentrent ainsi dans la règle que j'ai trouvée géné- rale pour les Insectes. Chez les Iulus seuls, qui nous offrent ainsi un caractère spécial et vraiment remarquable, le liquide en question est légèrement acide '. Comme celui des Insectes, le liquide digestif des Myriapodes n'a aucune analogie avec le suc gastrique des Vertébrés (l'acidité chez les Iules exceptée). Il ne caille pas le lait, émulsionne les graisses, et, chez les Myriapodes car- nassiers, dissout manifestement les matières albuminoïdes. 1 Je croyais, lors de la publication de mes Recherches sur les phénomènes de la digesliun chez les Insectes, avoir suffisamment multiplié les preuves de l'absence constante d'acidilé dans le tube digestif de ces articulés pour convaincre le lecteur. J'ai su, depuis, qu'on ne fait pas facilement accepter un fait en désaccord avec des idées reçues et que mes résultats étaient quelque peu mis en doute (*). On m'excusera donc si je reviens sur ce sujet à propos de l'acidité du tube digestif des Iules. 1° N'est-il pas évident que si, aveuglé par une idée préconçue, ou trompé par une mauvaise méthode, j'avais mal vu pour les Insectes et les autres Myriapodes, j'aurais encore mal vu pour les Iules et avancé une sécrétion neutre, alors qu'elle était acide ? 2° Ce que je n'ai pas dit dans mon Mémoire précédent de crainte d'être accusé de pédantisme mais qu'on me force à dire ici, c'est que c'est par nombreuses centaines que je pourrais compter les individus disséqués et que pas un, pour ainsi dire, n'a été ouvert sans que les réactions de telle ou telle partie du canal intestinal fussent essayées. 5° Mes réactifs étaient muliples, très-sensibles et se confirmaient l'un l'autre. J'emploie un papier de tournesol très-fin préparé soigneusement. J'ai toujours pris la précaution de regarder la tache par transparence, en tenant le papier devant une fenêtre; on se met ainsi à l'abri des causes d'erreurs dont la plus importante est la teinte jaunâtre de tant de liquides animaux. Ajoutez les contre-épreuves avec du papier de tournesol rougi (par la vapeur d'acide chlorhy- drique et longtemps exposé à l'air dans l'obscurité pour être très-sensible à la moindre alca- linité) et avec du papier au bleu de violettes qui devient rose pour les acides faibles, vert poul- ies matières alcalines. C'est après avoir épuisé ces essais différents, faits avec soin, qu'on peut avancer qu'un liquide est acide, ou ne l'est pas. Telle est la manière dont il faut agir et telle est celle dont j'ai agi. 4° J'ajouterai, quoique je regrette de devoir faire entrer ma personnalité dans le débat, que rompu, pour ainsi dire depuis l'enfance, aux expériences délicates, élève d'un chimiste de grande réputation et ayant enseigné, moi-même, la chimie pendant plusieurs années, j'étais préparé à aborder des difficultés bien autres que la simple détermination de l'acidité ou de l'alcalinité d'un liquide animal (**). (') A l'époque oii j'écrivais ces lignes, le travail de M. Jousset de Bellesme n'avait pas encore paru. (Voyez la note de la page 4.) (") Voyez, du reste, le travail que j'ai publié pendant l'impression de ce Mémoire [Note sur les phénomènes île lu digestion chez la Blatte américaine [Periplaneta americana . h), BtJLLET. de i.'Acad. boy. de Belgique, t. XL1, 18711). travail qui confirme l'exactitude de toutes mes recherches antérieures. DE LA DIGESTION CHEZ LES MYRIAPODES. 85 Je n'ai pu, chez les Myriapodes qui se nourrissent de végétaux, répéter les expériences que j'avais laites sur les Insectes phytophages. J'ai expliqué pourquoi dans le texte. Les matières dissoutes, sels, sucre? les substances analogues aux peptones et les graisses émulsionnées passent, par un phénomène osmotique, au tra- vers des parois minces de l'intestin moyen, dont la surface est généralement énorme en proportion de la taille de l'animal, et se mélangent au sang pour être assimilées. Quelques substances résistent au travail de la digestion, telles sont, abso- lument comme chez les Insectes, la chitine des téguments des Arthropodes et des Annélides, la cellulose végétale, la chlorophylle. Elles constituent, avec le sable avalé par les Myriapodes, la masse des excréments qui, sous l'influence des contractions de la tunique musculaire, vont passer lentement de l'intestin moyen dans l'intestin terminal, pour être définitivement expulsés par ce dernier. Tous les détails semblent indiquer, en effet, qu'une fois les opérations dans l'intestin moyen terminées, la digestion est finie et qu'il ne se passe plus que des actes mécaniques. Chez les Myriapodes carnassiers, la chose est évidente; nous en avons, comme preuves, la brièveté de l'intestin terminal, la cuticule qui le tapisse au dedans, l'absence d'épithélium ou bien un épithélium insi- gnifiant, enfin, une enveloppe membraneuse très-mince, mais résistant à des agents chimiques énergiques, qui enveloppe la colonne d'excréments ou ses tronçons et s'oppose à toute action digestive nouvelle [Lithobms, Himan- larium). Cette enveloppe se forme sur place dans l'intestin moyen et est certainement le résultat d'une sécrétion spéciale !. 1 Je me suis souvent posé la question : quels sont les éléments histologiques qui sécrètent cette enveloppe? Ce ne peuvent être les cellules qui produisent, en même temps le liquide digestif. On a déjà signalé chez les Insectes, les chenilles, par exemple, l'existence, dans i'inteslin moyen, d'un épithélium comprenant deux espèces de cellules différentes (*), les unes en massue ou en cylindre, les autres globuleuses. Là serait, peut-être, la clé de la solution, mais, malheu- reusement, mes recherches ont été vaines à cet égard, aussi bien chez les Myriapodes que chez les Insectes. (*) Duncan. Insecl metamorphosis. A lecture delivered before llie Britisli Association. 1872.) Nature anglaise, vol. 7. KS72, n. 159, p. 33. flg. 3. 86 RECHERCHES SUR LES PHENOMENES Chez les Myriapodes qui se nourrissent de végétaux, les lulus et surtout les Glomeris, la longueur beaucoup plus grande de l'intestin terminal, l'absence de membrane autour des excréments, permettraient, à la rigueur, de supposer, sinon une digestion dans cette portion du canal, du moins la continuation de l'absorption au travers des parois. Quoi qu'il en soit, chez tous les Myriapodes examinés, même chez les Iules, le contenu de l'intestin terminal est neutre ou très-légèrement alcalin. Les excréments sont rendus sous forme de petites masses isolées, ovoïdes, entourées ou non d'une membrane, suivant les groupes. J'ai signalé, d'après M. Humbert, l'usage que les Glomeris femelles font des matières terreuses rendues par l'anus. Enfin, certains genres de Myriapodes (Uiinanfarium, lulus et probable- ment d'autres) peuvent, ainsi que beaucoup d'Insectes, résister Ionglemps à la privation de nourriture. La paire de glandes antérieures, acineuses ou en tubes que possèdent tous les Myriapodes, sécrète un liquide incolore, neutre ou légèrement alcalin. La disposition de leurs canaux excréteurs, qui s'ouvrent toujours dans la bouche et d'autres caractères, prouvent que , même chez les Myria- podes carnassiers, ce ne sont pas des glandes venimeuses. On peut leur conserver le nom de (/landes salivaires, faute de mieux, mais leur sécrétion, du moins chez les Lilhobius et les Himantariiim, n'a pas la propriété carac- téristique de la salive vraie des Vertébrés et des Insectes, elle ne transforme pas la fécule en glucose. Autant qu'on peut en juger, les tubes de Malpighi des Myriapodes se comportent exactement comme ceux des Insectes. Ils produisent de l'acide urique, des urates (urate de sodium, par exemple), de l'oxalate de calcium. Ce sont donc encore des organes dépura teurs urinaires. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. Fig. 1. Tube digestif du Lilkobius for/icalns, a, intestin buccal, b, moyen, c, terminal, d, glandes antérieures, e, tubes de Malpighi; X 4. — 2. Tube digestif du Cryptops Savignyi, a', appareil valvulaire ou faux gésier (les autres lettres comme dans la figure 1 ); X 3. — 3. Tube digestif d'Hiniantarium Gervaisii (les lettres comme dans la ligure I); X 2. — 4. Tube digestif du Geophilus longicornis (les lettres comme dans la figure 1); X 4. — 5. Tube digestif d'/u/us terrestris chez un individu ayant refusé de manger depuis quinze jours; X S. — 6. Tube digestif d'Iulus Londinensis (les lettres comme dans la figure I); X 5- — 7. Tube digestif d'Iulus sabulosus (les lettres comme dans la figure 1); X S. — 8. Intestin moyen b, et terminal c d'Iulus Londinemis peu de temps après un repas copieux. — 1). Intestin moyen 6 et terminal c d'Iulus Londinensis.La digestion dans l'intestin moyen est terminée, ses parois contractées ; les matières ont passé dans l'intestin terminal dont la surface est devenue lisse. — 10. Tube digestif de Glomeris lïmbala (les lettres comme dans la figure I); X ;*. — II. Intestin terminal déroulé de Glomeris limbata; X 4. — 1:2. Glomeris limbala ouverte. Tube digestif en place. — 13. Kuban montrant la courbe décrite par le tube digestif des Glomeris. — 14. Intestin buccal et origine de l'intestin moyen du Lilkobius forficalus ; X 20. — 15. Intestin buccal et origine de l'intestin moyen de Y Himantarium Gervaisii; X 30. 88 EXPLICATION DES PLANCHES. Fie. 16. Intestin buccal encore enveloppé de tissu adipeux chez l'Iulus sabulosus; X 20. — 17. Intestin buccal mis à nu. htlus sabulosus; X 20. — 18. Intestin buccal d'iulus Londinensis après l'action de l'alcool sur l'enveloppe. . — 19. Tissu adipeux et trachées enveloppant l'intestin buccal des Iules; X 500. — 20. Intestin buccal de Glomeris limbata, a, masses de tissu adipeux se prolongeant en traînées le long des troncs trachéens. — 21. Lithobius forficatus dévorant une mouche domestique. PLANCHE II. Fie. 22. Pièces de la bouche, du Lithobius forficatus : a. Labre ou lèvre supérieure. Pièces buccales proprement dites 6. Mandibules. c. Mâchoires de la première paire. yns BrjijcëlZes àn.rte I Aca< PI. H. ira. (le I AckI PI in ;/,-! .fi 7rf ^9 ..•:.;:v.'- ,v"''" ai. /M ■w 0 86 0 . 81. 82 Ï\ 0 ; , '--S /'*£ ' ■ ' -'Je'-- <■ â7 «fc..JL V^ ■W ' ?° D #? #5 i DOT ■>.-.. * TABLE DES MATIERES. Pages. § 1. — Avant-propos 5 CHAPITRE I. MYRIAPODES CARNASSIERS (CHILOPODF.s). Famille des Litholiides. § 2. — Lithobius forficatus • . . . (i A. — Divisions du tube digestif Ib. B. — Nature de l'alimentation; manière de saisir et de dévorer la proie . . 8 C. — La proie meurt-elle empoisonnée? 14 D. — Passage des aliments par l'intestin buccal I(i E. — Digestion dans l'intestin moyen 18 F. — Intestin terminal 2Ii G. — Des glandes antérieures , . . 2f> H. — Tubes de Malpighi 30 Famille des Scolopendrides. § 5. — Cryptops Saviynyi, C. ucjilis, C. hortensis 35 A. — Nature de l'alimentation Ib. B. — Description du tube digestif 53 C. — Rôle des principales parties du tube digestif 41 Famille des Géopkilides. § 4. — Himantarium Gervaisii 45 A. — Mœurs, alimentation Ib. B. — Composition du tube digestif et fonctions de ses parties 48 § 5. — Geophilus longicornis 55 94 TABLE DES MATIERES. CHAPITRE II. MYRIAPODES SE NOURRISSANT DE MATIÈRES VÉGÉTALES (cHILOGNATHES OU DIPLOPODEs). Famille des Iulides. §6. — Iulus Londinensis , 1. sabulosus, 1. terrestris 58 A. — De la dissection des Iules Ib. B. — Alimentation 59 C. — Description du tube digestif et fonctions de ses différentes parties . . 62 Famille des Glomérides. § 7. — Glomeris limbata 71 CHAPITRE III. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS. § 8. — Résumé anatomique 79 § 9. — Résumé physiologique 82 Explication des planches 87 NOTES D'ALGÈBRE ET D'ANALYSE; EUGÈNE CATALAN, ASSOCIÉ DE L'ACADÉMIE. ; Présentées à la Classe des sciences, ilaiis les séances des li avril, t> mai, 11 novembre 187(5 et 7 avril IS7 7. Tome XLII. NOTES D'ALGÈBRE ET D'ANALYSE. SUR LES DÉRIVÉES DE LA FONCTIOiN (4 — x*f 5. 1. Si l'on désigne par y celle l'onction, le calcul direct donne du _5 rf« b ,i\. 7 j£-«(l-*V, jJ-^ + iJO-rf)-», g = (6x»+9x) (!-»;«)-%... On est donc conduit à supposer ^ = p»(1-^ 2 ' O Pn étant un polynôme à coefficients entiers, du ne %re, dans lequel les exposants sont de même parité. On conclut, de la formule (4), #+'.v r. . .. rfP. ^ = L(1 _ xi) ~*i + {in + 1} xP"J (1 ~ *!)~ 4 NOTES D'ALGEBRE Par conséquent, la loi supposée est vraie, et il existe, entre deux poly- nômes consécutifs, P„_,, P„, la relation 2. On a dP P„ = (t-ati)-f^ + (2»-l)a;P„_J (2) (IX -i „- 1.3.S...(2fl— 4) „ =(!_!«) 2 = S i-C ^2"; (5) 7 V ; ~, 2.4.6...2p ' V ' puis, en prenant la dérivée tt : tf*" *■ 2.4.6...2p ' v r ' v / i v y v 3. La comparaison des formules (1), (4) donne sJi±i„, 1.5.5... (2p — 1) P„ = (l_z2) * I 2 4.6 2p 2P(2P-<)"-(^P-w-*-1)^~"i ou, si l'on développe (1 — n?)~t' : p _ y 1 .5.5-(2p-ï )2p(2p- \ )-(2p-»H-t ) ,„_„ y (2w+l)(2n-l)-(2n-ag+S) " ^ 2.4.fi...2p X ^( ' 2.4.6...2r/ ' Ainsi , le produit des deux séries est le polynôme entier P„. De là résulte que si l'on suppose 2y; + 2», on aura y i+il-Pl.â.5...(2p-1)2p(2p-l)...(2p-M-t-1) (2>M-4)(2n— l)...(m-2p+5— «) _Q ^ 2.4.6...2p ' 2.4.6...(s + n— 2p) Soient, par exemple, m=3, s= 5. On doit trouver 1.3 7.5 1.5.5 7 4.3.5.7 „ „„ „ -—.4.5.2. .6.5.4.- + -.8.7.0=0; 2.4 2.4 2. 4. G 2 2.4.6.8 (*) Dans cette nouvelle somme , la variable 2p doit être égale ou supérieure à n. La série dérivée (i) est convergente en même temps que la série primitive (5). ET D'ANALYSE g ou 5.5.7.3 — 5.0.3.7.2 + 3.5.7.7 = 0; ou enfin 5— .10-4-7 = 0; etc. 4. L'égalité (1) peut être écrite ainsi : .^=p„(i-iV-=p.[1^-+(^m^...]. . m Conséquemment, le produit des séries (3), (i), à coefficients fraction- naires, est une série à coefficients entiers (*). 5. De# = (l — a?2) -, ou on déduit (1 — a-2) y' — xy = 0, (* — a%"— 3a#'-y=o, (i — x2)*/"'— 5xî/" — 4*/'=0, (t — x2) y" — 7xy'" — 9y" = 0, (1— x2)!/'" — (2«— l)x,»/"-" — (n — 1)2y»-2» = 0; (8) puis, en vertu de l'équation (1), P„-(2n — 1)xP._,-(»-1)«(| _x2)P„_2 = 0 (9) Comparant avec la formule (2), on a donc (par le changement de n en n — i): ■^-"^ 00) (*) Si m =5, l'égalité (7) devient 1 , 1.5 1.3.5 i I -+- - a;2 -t- — a;' h a;6 -*- - 2 2.4 8 . 4 . 6 S = (9a; -t- Gx*) (1 -+■ -la;' -t- 10a;' -t- 20a;6 h- 35a;8 H ) ; [' 1.3. 1.3.3. 1.3. S. 7 "in. 5 135 t In^+ï^*+ro#+î^ïir+"jxlj^-*->-*'*ixï-«-B-^+---] '"!!-+• 6a;3) (1 -t- 4a;' -t- 10a;1 -t- 20a;6 h- 35a;8 h ); = 9a; -t- 42a;5 -*-114a;5-*- 240x'-h 455a;« - ce qui est exact. d'où NOTES D'ALGEBRE Pn = n*fPn_,dx-t-Cn (H) Quand n est impair, C=0. Quand n est pair, on voit, par la relation (9), que C„ = (>j — l)2 C„_2. Donc C„==(»- ])*(n — 5)2...52.Co. D'ailleurs, P2 = 2r2 + 1 : C2 = 1 , puis C„ = [1.5.5...(h- I)]2 (npuir). (12) 6. Soit AB(5 xs le terme général de P„. D'après la formule (11), De même. A„,f — n — A„_iif_i. A;l-l, s-l (M — i) A„_2 ,_s, S — \ Or, n puis A„_!+li , = (n — s •*• i f- • A„_ ,, 0 . s est pair (1); donc A,_,,0 = C„_s = [1 . 5 . 5 ...(«- s - i)]1; _\n(n — l)...(w — s + l)2] [l .5.S...(» — s — I)]2 1.2. 5. ..s (13) (14) Telle est la valeur des coefficients de a?', dans P„. On peut la réduire à la forme plus simple 1.2.5...» A,,,, 2— •C„,,. Cn.,,!^. (15) 7 . Remarque, n étant pair, a..» = 1,2'25;""c.,- = [i.5.s. ..(»-<)]' (10) ET D ANALYSE. 7 Par conséquent, m étant un nombre entier quelconque, la fraction .(»»+ l)(m+2)...2m 2m est réductible à un nombre impair (*). 8. A cause de la formule (15), on a 1.2. 5. ..m-, p« = — -|; -2C».>-C»-«.^-(-x)' (17) Si » est pair, on doit attribuer à s les valeurs 0, 2, 4 , .... m; et, si n est impair, supposera = 1,3,5,....». 9. Dans le produit des séries 1.3.8... (fy— l)2p(2p — l)...(2p — «-4-1 2~ 2(-«) 2.4.G...2p (2m ■+- 1) (2» — I) . . . (2« — -lu -h 3) 2.4.6...2r/ supposons, comme précédemment (2), 2/j-f-2s; donc, par la formule (15), y ^p\.ô.S...{-2p—i)-lp(ïp — l)...(1p — n+\) (2w-t-l)(2»- J). ..(«-+- 2p-«-5— s) -' ( 2.4.(i...2p ' 2.4.6...(s + «— 2p) 1.2. 3... « — — ^ — c»,.-c„_,,»-». (*) Plus généralement: si p es< un nombre premier, la fraction (m-4- 1) (m -t-2) ...pm p'« est réductible à un nombre entier, non divisible par p. En d'autres termes : Dans le produit {m -+- i) (m + 2) ... (mp — \),le nombre premier p est m — 1 fois facteur; ce qui est visible. 8 NOTES D ALGEBRE Pour simplifier cette remarquable sommation, j'observe que : 1.3.5...(2d— 1} 1.2.3...2» , ip, 2/>(2p-l)...(2p-«+l) i.a.j...^ i; 2p/2p-l)...(2p-«+l =„,. a, ' X 1.2.5...» X , ' w ■ 2.4.6...2p ' 4P(1.2.5.../))2 1.2...» 2» -i- I ) (2n — 1) . . .(» -+■ p -t- 5— s)_ 1 (2h -t- 1) (2» — 1) ...(»-♦- p -t- 5 — s) 2.4.6...(s+m— 2p) 8-±ï-P 28 1.2, La relation précédente devient donc, après suppression d'un facteur commun , „ !+* 1 (2«+l)(2n— 1 )...(»+ m+3— s) 1 Dans celle-ci, la variable /> doit satisfaire aux conditions Soient, par exemple, n = 9, s=5. On peut faire ;î = 5, 6, 7; et Ton doit trouver 1 19.171 19 1 1 •^jj • Cio.sXCio.oX — — ^jj C12|0X Ci2|9X — -+- -^i Cu,7XCu>s = — C9|SX C4iî; ou , successivement : 252.10 19.17 924.220 5452 . 2002 _ 126 . 6 ôû ' 2 2^ 2" 2* ' 63.5 231.110 429.1001 _ 63.3 TÔ24'19"1 1024 H ÎÔ24 4~~ ' 63.5.19.17 -65.5.256 = 231 .110.19 — 429.1001, 5.5. 19. 17 — 3.5.256 = 11 .110.19 — 143.143, 5(1615 — 768) = 121 (190 — 169) 3.847 = 121 .21, 77=11 .7. ET D ANALYSE 9 10. La détermination de */'"', et par suite celle de Pn, peuvent être pré- sentées d'une autre manière. Posons i _ i (1-+-xf2 = M, (1 — x) 2 = t>; (19) nous aurons du 1 -| dru 1.5 -I dhi 1.5.5 -Z — = 1-f-x) 2, -7-=— (l + i », 5-= = 1-t-x %... dx 2V (<). u z -t- , « (2) Z -t- I H a z-i-1-\ z -+- 5 -t- Ce développement résulte d'ailleurs des équations dans lesquelles 1(r)-9(-+l) = — 4-tt ,, -■*-■■ (°) Pour évaluer y, ou sommer la série, prenons la dérivée de x ly (x'-.v)' = (ft - l)x- * z- +- ^ + li8>5^(fe+1) - - Multiplions par x°—k les deux membres de cette équation, et prenons encore la dérivée; nous aurons X X* L v •' J 4. A 1.2.k(k -h 1) )U xy" -•- %' — 2/ = 0 (') Telle est l'équation qui, intégrée, ferait connaître?/. 3. On tire, de l'équation (6) : ,_lf x a:' "1 y — kV +1.(* + 1)+ i.1.{k + i){k + i) I ou y'=-i, n "+* "Z ■ ^2»-2, n-l • Cj i 4- — . C2„_4 n_2 • C< , + • • -f- . Co = 4" 0 2. 4. 6.. .2» 5.5.7...(2ra + l) Par exemple, 1 i i i t ^m,5 -+- — c8,t • t>»,i "+• t:Cc,3 • C4 2 -+- — Cj » . Cc :,-+- — CSi i . C8 . •+- — - C,0>5 •) 5 7 9 Il 2.4.6.8.10 5.5.7.9.11' OU OU etc. 1 1111 4» 252 -h -.70.2+ -20.6 -4- -6.20 + -2.70 h 252 = 5 5 7 9 11 7.9. 11 ■ 12 4 12 49 — 252 -t-- 140 h f 11 «J 7 7.9. 11 (3) ET D'ANALYSE. 15 IV. UNE INTÉGRALE DOUBLE. 1 . Dans une Note qu'il a bien voulu me communiquer, et qui est encore inédite, M. Le Paige démontre cette nouvelle relation entre les Nombres de Bernoulli : - (27 + 1 ) B2„_, = C2,„2 B, . B2,_; + C4/,, . B3 B„,_5 + ■■ ■ + C2„2 B„_s B,. . (I ) (*) D'après Plana : 0 Dans le second membre de l'égalité (A), substituons, à chacun des nombres de Bernoulli, la valeur résultant de cette formule; nous aurons ±(29 + i)B2,_1=:i6/,"/"° d-^l p, (2) 0 0 en supposant P = l(7-l)C,,iîx^'-3 + 2(7-2)C%,tx3^-s+5(7--3)Ci/,6xsy'-'+---(7--l)lx2'' >(3) 2. Les coefficients 1.2 w ' 1.2.5.4 ' w ' 1.2... 6 se réduisent à 27(2y— 1)2y — 2 2? (2y — 1 ) (2g - 2) (2y — 5) (2y - 4) 2?(2y — I) (2y — 2) ... (2y — 6) 4 1 ' 4 1.2.3 ' 4 1....S '"' Par conséquent, P = 2,/(27-i)[cî,-2,1^î,-5H-c2,/_!,3.xy'-5 + c.2,_2,5.aCy--'-4-... + (V,.,**-W (') Bulletin de l'Académie, mai 1876. 16 NOTES D ALGEBRE La quantité entre parenthèses est la somme des termes de rang pair, dans le développement de (x -f- y)2''-2. Autrement dit, cette quantité égale [[(x +&)*'-* — (x — y )*»-']. Donc P-ly^-l^X + y^-^-jflpM], (4) puis ± p, + 1, v, = 4?(2g _ d// (ei_1)(eu_7;) **; 0 0 ou, par le changement de q en q -f- 1 : 7 y (e,sr* — i)(«*** — i) 4(qn-i)(2an-l) ' 0 n 3. Remarque. — Si l'on considère la surface ayant pour équation z (p*1 — 1)(e2«— \) laquelle est asymptotique au plan xy ; le volume de l'espace limité par cette surface et par les plans coordonnés est , non-seulement fini, mais commen- surable. 4. Remarque. — Si, dans les deux expressions de P, (3), (4), on suppose x =y = 1 , il en résulte cette identité : I (<7 - 1 ) C2î>2 + 2 (7 - 2) C*,,, -t- 5 (7 - 5) C„., -»- . . . + (q — i) i . C„, , = q [3q - 1 ) 4'"1. (6) Par exemple, 10.9 10.9.8.7 10.9.8.7 10.9 1 .4. h 2.5. h 5 .2. -t- 4. I . = 5. 9. 64. 1.2 1.2.3.4 1.2.5.4 1.2 (*) On doit prendre le signe — si q csl impair. ET D ANALYSE 17 V. UNE DÉCOMPOSITION DE FRACTION RATIONNELLE. 1. La théorie exposée dans tous les Traités d'Algèbre donne, successi- vement : A p=n A P=» R **.(v ,.\P £ ir Mp' \ > (X _ „)" (x - 6)» £,(*-«)> £,(* -6)-' r z -i~" o3" __=(a_6)-.[i+_] =gA, (2) • Ap = (— 1)-P C,„_p_,,„^, (^ _ 6j2np, (3) (x-a)"(x-by = P4 (~ ' r" Csn"-'' -' L(a-fc)*-'(x-a)' + (6 -«)*-> (x - 6)"J' (4) Par exemple, t 4.5r 1 1 -î (x — a)3 (x — 6)3 _ ÎTâ L(« — 6)6(x— h)"** (6 — aY(x — b)] -_ r j l 1 1 L(a - 6)4 (x — af ■*" {b — a)4 (x — bfj "*" L(a — 6)3(x — a)3 + (6 — a)3 (x — 6)3J ' OU [a- b)s = 6 (s - a)' (x - 6)s [(x - 6) — (x - a)] — 5 (a - 6) (x - a) (x - 6) [(x - 6)1 + (x - a)*1 + (o - 6)* [(x - bf — (x - a)5]. 2. En général, la relation (4) devient, si l'on fait disparaître les déno- minateurs : (a - bf =2 (- I)"-" <*-fMi, »-p (« - *F (* - «)""" (* - &)""" [(* - '->)" + (« — *)]•(») Tome XLII. ô 18 NOTES D'ALGÈBRE Pour x = 0, cette identité se réduit à (a - 6f =2 ' (- i)"-" C2„_„_,, _„ (a - 6)" (aft)-» [a* + (- b)>] ; ou, par le changement de b en — 6 : (a + 6)»» = ^ CSll_,_1>(_ (a + 6)" (ab)"-" (a" + 6") (*); ou enfin (o + 6)m=2 „_, a" J. ) Cette formule du binôme est un cas particulier de celle-ci : (a + &)*+■»-« = a' [(a + 6)»"1 +■ j (a + 6)*"' 6 + PP\ (.« + &)''"3 &*+••• + C,^.,, ,_, 6»- '] J lai H (8) + 6«[(a + /»)"-' + | (a + b)"^a+ ^l^J(a+6)"-3a2+ ••• + C„+,^, „_,«'-' J,] que Ton peut déduire du Problème des partis (**). (*) A cause de (—1 )""''. (—1 )"-" = -t- 1. (**) Mélanges mathématiques , p. 73. ET D'ANALYSE. *9 VI. SUR UNE FONCTION TRANSCENDANTE. 1. Dans le Mémoire intitulé : Recherches sur quelques produits indéfinis. j'ai considéré la fonction F (r/) = r/ -t- 9* -t- r/ -+- r/8 -+- • ••, (I) dont l'illustre Jacobi s'était occupé. On va voir que F («y) représente la somme (inconnue) d'une série analogue à celle de Lambert. 2. Lemme. Soit N un nombre entier. Soit j_y< qn qn ^si r/33 93s l-<743 1-r/29 l-931 l-^3 l-ry3 20 NOTES D ALGEBRE ou, pour abréger, a, b, c, d, ... étant des nombres premiers, impairs et inégaux. Si chaque fraction est développée en série, la somme de toutes ces séries prendra la forme A,7, -<- Ajç2 h h Anq" -i ; ainsi f- —^— = — 1(1— q). 22 NOTES D'ALGEBRE VII. SUR LA SÉRIE HARMONIQUE. 1. Si, dans la dernière équation de la Note VI, on suppose q = 1, les deux membres deviennent infinis; en sorte que la transformation précédente n'est pas applicable à la série harmonique : 1 t 1 î i h 1 1 1 — 2 5 4 5 Afin de simplifier, néanmoins, le calcul de i i i S„=l H 1 H • • • H . 2 5 n je groupe ainsi les termes du second membre t i i 1 H 1-- H H 2 4 8 1111 — i 1 1 5 6 12 24 1 I 1 1 1 H • • • 5 10 20 1 1 — i i- • • • 7 14 Soit i un nombre impair quelconque, non supérieur à n. Le quotient de n par i est compris entre deux puissances de 2, consécutives; de manière que Cela posé, les fractions n 2* < - < 2X+I. i 111 1 » ' àT Ti ' 2*7 ET D ANALYSE. 23 ont pour somme Donc 1/11 1 \ 1 2*+i — 1 -In 1 i----h = •• i \ 2 4 2a/ » 2a ■=» l aœ+l i en supposant, pour plus de régularité, n impair. 2. La formule (10) abrège, singulièrement, le calcul de S„. Soit, par exemple, n = 101. On trouve 127 1 63 1 31 /Il i \15 H 1 1 \ 7 101 64 3 52 5 16 \7 9 11/8 VIS 13 25/4 11 1 \ 3 / 1 1 1 1 ►-•■• -t- • H 1 (-•■• H 27 29 49/2 \al 55 101 Ainsi, au lieu de cent additions de termes appartenant à la série harmo- nique, il en reste seulement 2 + 6 -{- 11 -}- 25 = 44. 3. On simplifie la formule (1) en prenant « pour variable. A cet effet, divisons n par 1, 2, 2% 2% ..., 2*, 2"+l, ... Soient, en général, a, a -f- 2, a -f 4, ... b les nombres impairs compris entre ~ et ^r,. Nous pouvons écrire : °g°(\ 1 1\ 2*^ — 1 ^-2.t-ïTi*--i-ï)-p- (2)r) L'exemple ci-dessus est une application de cette dernière formule. (*) Soit, suivant la notation de Legendre, E( x+i j = q, le plus grand entier contenu dans -jf+j"- Le nombre des fractions -, -, ...,- égale q ou q -+- 1 , selon que E f—J est pair ou impair. 24 NOTES D ALGEBRE VIII. SUR L'ÉQUATION DEULER : y (c -t- nx) dx - {y -t- a + bx + nx2) dy = 0. I. L'intégration de cette équation, déjà simplifiée par Le Besgue (*), peut l'être encore, de la manière suivante. J'observe, en premier lieu, que si n = 0, on rend l'équation homogène en posant a + bx = z. Supposant donc n différent de zéro, et remplaçant y par ny, on a (c \ , r a b 1 , y\ — -i-x]dx — «h 1 — x -t- x*\dy = 0; \n I L n n J ou, par un simple changement de notation : y {x — c) dx = [y -t- (a; — «) (x — b)\dy (1 ) Telle est donc la forme à laquelle on peut réduire l'équation d'Euler. IL Soit l'équation (4) devient y(*-c) r): y -t- (x — a) (x — 6) dx du (x — o) (x — b) (x — c) u (u ■+- c — a) (u -t- c — b)' (2) ou, si l'on fait u -\- c = v : dx rfv (x — «) (x — 6) (x — c) (v — a)(v — 6) (v — c)' (3) (4) (') Journal de Liouville, tome X. (**) Transformation employée par Euler. ET D'ANALYSE. 23 III. Les quantités a, b, c étant supposées inégales, on a ! =5 d , (x — o) (x — 6) (x — c) ■" (a — 6) (a — c) (x — o) OU 1 1 -^ c — b (x — a)(x — b) (x — c) (a — b)(b - c) (c — «)*—«' donc l'équation (4-) devient /c — b a — c 6 — a\ , le— h o— c 6 — o\ , + + rfx= + r+ *; . . . (5) \x — « x — o x — c/ \v — a v — o c — cl de sorte que l'intégrale cherchée est (c — 6)1 i-(a— e)l t -*-V> — ")' = const. ... (6) v — o t? — 6 v — c IV. D'après la formule (3) : .'/ (-': — c) 1) — c = ■ B — « = (x — «) v — 6 = (x — 6) y ■+- (x — «) (x — b) y -+• (c — a)(x — 6) »/ -f- (x — a) (x — /)) .V + (c — &>(*— «) »/ -+- (x — a) (x — b) x—a_ tj+(x — a)(x — b) x—b_y-i-(x—a)(x — b) x — c _ ,y-*-(x — a) (x — 6) v — « j/-+-(c — a)(x — 6) v — b y+(c — b)(x — a)' u— c~ y A cause de (c — b) h- (a — c) + (b — a) = 0 , l'intégrale (6) devient donc (c - b) I [y + (c — a) (x — 6)] + (a — c) [ [y ■+• (c — 6) (x — a)] -h (6 - a) I .y = const. ; ou, sous une forme plus simple : Tome XLII. I (7) 26 NOTES D'ALGÈBRE IX. SUR LES NOMBRES DE BERNOULLI ET D'EULER. Dans le petit Mémoire qui porte ce même titre, après avoir supposé „ X X* X* tgx = G1--t-G3— — -h- G, 1 1.2.5 1.2.3.4.5 x • = I ■+- G2 — - ■+- G4 - cosx 1.2 1.2.5.4 j'ai donné la relation G,.-Ci_I,1Gj_1-t-C1_1,3Gi_3-C|._5,.sG1_5 + -..=0, (S) qui permet de former G,, G3, G4, ..., en partant de G, = 1. Mais le calcul exige des additions et des soustractions : il serait abrégé si fou n'avait à faire que des additions (*). Tel est l'objet de la présente Note. Si l'on fait d'où résulte on a et, par conséquent, I I -»- sinac y = tg x h = 1 cos x cos x 1 -+- sinx- 2 -+- 2sinx y'=i{* + y*Y> gi + g/- + -.. + g,+i 1 '^1.2...» l[l + (l-1-G1^G^+....G,+lïï£-+...)] (') Mélanges mathématiques, p. 131. (1) ET D'ANALYSE. 27 Développant le second membre, et identifiant, on trouve G,+, = £ [G, + C„ , G, G,_, + C„ , Gs G,_, + • • ■ + C, , G_ , G, + G,] ; . . . (2) formule beaucoup plus commode que celle qui résulte de l'égalité (S). A cause de G„ = 1, on peut l'écrire sous la forme symbolique : Gi+1 = i [G + G]'. II. Le calcul précédent, appliqué à la fonction z = [gx, donne z' = 1 -f- z\ Ainsi, les nombres pairs G-, G5, ... se déduisent, les uns des autres, au moyen de la formule Gj./+i = C2l/,| . G, Gjj_i ■+- Cs,/5 G3 G4,_3 -t- • • • -h Cj,)( Gj,_i G(, .... (3) dans laquelle G, = 1. Ces nombres, liés aux coefficients de Bernoulli par l'équation ne diffèrent pas des nombres /y,, y3, */,,..., que j'ai considérés autrefois (*). III. L'équation .'/ = H' + .'/'), trouvée ci-dessus, conduit, très-facilement, à deux relations entre les nom- bres G, que nous croyons nouvelles. En effet, à cause dey = 1 pour x = 0, on conclut, de cette équation, « — \ i are tg -=-i, ?/-+- 1 2 (*) Mélanges mathématiques, p. 128. 28 NOTES I) ALGEBRE ou c'est-à-dire ac x2 x3 x' G, - -4- G2 —r + G3 _ -+- ■ • ■ + G, 1 1.2 1.2.5 1.2.. .i r x x2 x'-1 -iTc, /o;\ G3 /x\3 I [2+^+G«û+'''+Gi-'ix^1)+;'j[Ty.+â5y+'"i Lorsque i est ;?mV, le coefficient de x\ dans le second membre, est I 1 /1\3 1 /'Y-' 1 2T^7(?"-3r)JG''-,Gl"t"\2)l.2...(/-5).1.2.ôG'-3G3 + --+y 1.1.2...(t-3)G,G'-sî donc G, = i C„, G,_, G, + [0 C,,, G,_3 G, -t- ■ • • + (iy -' C, , G, G,.,; ou bien Gas = i CÎSil Gs,_, G, + (if C„, G2,,..3 G, + • • ■ + (i)*-' C?„ , G, G^,. . . (4) Si l'exposant i est impair, on trouve d'abord, par un calcul semblable au précédent, G, = i C, , G, . , G, + (if C,, 5 G,_, Gs + • • • + d)'-* G, , G2 G,,, + (I)'"1 G, , puis (2-' - 1) G,- = 2'- 2 C„ , G,_, G, ■+- 2'-* C,.,3 G,-_3 G3 h + 2C,,, G2 G,_t, ou (i" - 1) G„+1 = 2'2'"1 (Vh,, G,, G, + 22"-3 G2,/+,,3 G„_, G, + • • • + 2 C2,f ,,s G, G„_,. (S) A cause de GSî = E3çJ l'équation (4) peut donner les nombres d'Euler au moyen des nombres de Bernoulli; l'équation (5) fait concourir les uns et les autres à la détermination d'un nombre de Bernoulli, dont le rang est donné. IV. En supposant, comme nous venons de le l'aire, i successivement pair et impair, et en combinant, de diverses manières, les formules (2), (3), on obtiendrait d'autres relations entre ces deux catégories de nombres; mais elles ne diffèrent pas de celles que nous avons publiées autrefois. ET D'ANALYSE. 29 X. SUR L'ADDITION DES FONCTIONS ELLIPTIQUES. Dans une Note sur ce sujet, imprimée il y a trois ans, nous disions : « Pour » transformer, en une différentielle exacte, le premier membre de l'équation ilx dy A(.r) A (y) » il a suffi de le multiplier par '«> (I) A (x) A (y) — à sin x sin y cos x eos y * = — ^7 — — ^-' -=A(,.) (2) I — c sin* x si iv y » Conséquemment, r^j+-^yly(x) est aussi une différentielle exacte, la » fonction y étant arbitraire; et, si dx dy l «p(l) = rfV, -A(x) A (y). » on />ewi adopter, comme intégrale de l'équation (1), V = const. ("). » Nous allons faire, à quelques cas simples, l'application de celte remarque. I. Si l'on prend y (/) = >.- = [a (/*)]*, on a ,iv r dx dlJ irA(')A. + £eesm2(t (fi) D'ailleurs : sinxcos»/A(r/) + sin»/cosx A(x) tsr w s= ; ' cos x cos?/ — sin x sin y A (x) A (y) [sinxcos?/ A(?/) -t- sin?/cosxA(x)J [cosxcos?/ — sinxsin?/A(x)A(?/)] sin 'i/J. = 2 — j— — ■ a .. — > (d — rsin'xsin-»/)- donc l'intégrale de l'équation (1) est, si l'on veut, sinxcos?/ A(y) -+- sinî/cosx A(x) 8 cos x cos y — sin x sin y A (x) A (y) [sinxcos?/A(î/)-t- sin?/eosxA(x)] [cosxcosi/ — sinxsin?/ A(x)A(?/)] _ -t-c2 ■ — i-r-j ri— i eonsl, (/) (1 — c sin x sur»/)- 111. Prenons ? (à) = nr^-^= ,* + ,^„^ nous aurons ,/v = - \ 1A/ =dn[ri, («) ('!-+- «sinV)A(/i) ou I MKasinxsiny rsinxcos?/A(y) -4- sin»cosxA(x)l n(x>+-n(y)— -arclg- ,. . ,-j\ J—f J— } '{ , ■ =«>««,>...> u„ > u„+l >...>], converge ou diverge en même temps (pie la série I (/, ■+- I Mj •+- • • • -4- I U„ -4- • • • Lemme IL a étant une quantité positive, inférieure au nombre entier p; le produit p -t- \ p h- 2 H -4- 1 p — ap+ 1 — a n — a croît indéfiniment avec n. (*) Comptes rendus, t. XLV; Cours d'Analyse, par Sturra, t. II, p. 52C. 4 SUR QUELQUES FORMULES Démonstration. Considérons la série dont le terme général serait * »-/)+! ■ 1- n ■+■ i Le produit de ce ternie, par son rang, est (m — p + i )«„_,,+, = 1 Conséquemment, n + 1\ »-''+' ■i \ -(l-WO i -H a/ Km [(« — p -»- 1) m„_,,+1] = I fe,+*] = I + '/ : la série est divergente (*). Donc, d'après le premier lemme, le produit P est divergent. Théorème. « étant une quantité positive quelconque, on a a. a la a(«— 1). in- i) I 1.2 1 . 2 . . . n 2a (A) Démonstration. Le reste de la série est, par une formule connue (* R = a. (a — 1 ) . . . (a -+- n) 1 1 . 2. . .(n -+- 1) (1 -h 9)" Soit /; le nombre entier immédiatement supérieur à a : on peut écrire «(a— 1)...(q — p-t- 1) (p — g) (p + 1 — a) ... (H — a) 1 _ 1.2...p (P'+l)(p + 2)...(» + <) (l + e)"**-*" Des trois facteurs de R, le premier est constant; le deuxième a pour limite zéro (Lemme II); le troisième ne surpasse pas l'unité. Donc dm R = 0. (*) Cours d'Analyse de l'Université de Liège, p. 12. (*') Idem, p. 570. RELATIVES AUX INTEGRALES EULERIENNES. II. a étant un nombre entier, et « une quantité positive, non entière, je mul- tiplie . _, » 4- a (» 4- aW» 4- a — I ) . . . (n 4- a -t- I — ») I -+- x)-W! = I h -a; -+- ■ • • 4- 2 — x'' 4 I 1.2.../) par \ x/ 1 x 1 . 2 ... 7 x'' x" Dans le produit des seconds membres, le coefficient de œp a pour expres- sion : 'S' (n -t- a)(» -H « - 1) ... (« -H a -4- 1 —y) — /) à "" i.2...(P + o ()' Le produit des premiers membres est (l-f-œ)aB+aar"". Le coefficient de xv égale donc le coefficient de xn+v dans le développement de (1 + x)-n+sl; savoir : (2m -h «) . . . (n 4- a -f- \ — p) 1 . 3 . . . (p -»- n) Conséquemment, (2n -t- a) (2n -+- a — 1) . .. (» 4- a 4- 1 — p) ë," (m -+- a) (M 4- a — l)...(«4-a4- \ — p — t) \ . 2 . . . (p 4- n) â I . 2 ... (p 4- 0 et, si l'on divise tous les termes par c + «H" + « y 'j--^ -«-»-» -p) . (2n 4- a) [In -4- a — I ) . . . [n 4- a 4- I ) 'S' (m 4- « — p) . . . (» 4- a 4- 1 — p — i) (p4-*)(p+2)...(p4^j" =,à ""'_ (P+ l)...(p4-0~" (*) La notation Cn>, représente le nombre des combinaisons de n lettres, prises i « i. Suivant l'usage, on suppose C„i0= 1. SUR QUELQUES FORMULES III. Le premier membre égale r(2w + a + i)_r(p -+-« + !)_ r(2w-H«-<-i)np+ >)r(«) ^ b(p + m) ... r(n + a + d) ' np + i) r(n-+-«-+-i)r(p + «-+- i)r(»)~B(» + «+i,«) Ainsi , pour n e/ p entiers positifs : B(p -*-!,») ='S'C (w -4- a — p) . . . (» -4- a -4- 1 — p — l) B(n-*-a-t-l,n) S ' (p-t-l)---(P -*-*') IV. Dans l'égalité (C), supposons /; = «; nous aurons (**), par une simple inversion de facteurs : B (2n -4- a -4- 1, « -4- 1) _ ! -4- 1, II -4- a -4- 1) 1 1.2 (*) Si l'on n'introduit pas, aux deux termes, le facteur r(«)> la fraction devient B (2n -4- * -4- 1 , p -4- 1) B(»-4-«-4- l,p-4- H -4- i) Donc, conformément à un théorème d'EuIcr : B (3n -4- * -4- 1 , f) -4- I ) B (jJ-4- 1, ») B(li-4-*-4- 1, p-4-»-4- 1) B(H-4-«-4- l,«) (Mélanges mathématiques, p. 152.) (") Voir la note précédente. RELATIVES AUX INTEGRALES EULÉRIENNES. 7 ou, d'après le théorème démontré ci-dessus (1) : B(g»^^H + «) (D) B (2m -*- 1 , M -t- a + 1 ) Par exemple, pour « = £ : ''m~) — " — i\=v* (E) B(2h -4-1, »-»- -) Cette formule a une grande analogie avec celle (pie Ton trouve dans mon Mémoire Sur la constante (l'Euler et la fonction de Binet : b(2»-i-1, »+ i) lim ^=1/2 (*'); (E') ! \Zn + ~, n B2« + -, n+ \ mais il est facile d'arriver à une relation qui les comprend toutes deux, comme cas très-particuliers. (*) Cette relation (D) ne diffère pas de celle-ci : [n + 2 + j;ii + 3 + a; 2n -+- x~\ n -+- 1 n -4- 2 2n — 1 | que j'ai donnée à la suite d'un remarquable Mémoire de M. Edouard Lucas (Nouvelle Corres- pondance mathématique, t. II, p. 338). Ce Mémoire a été l'occasion du travail actuel. (**) Journal de Rcsal, t. I", p. 235. Du reste, les égalités (E), (E') s'accordent; car 2n+- b(2ii-h-, n-t-1 >(2» + |,n B[2n-H, n-t- -] H-4-- b(2«-+- I, n + -] et, en conséquence, B(2/i-+-^, n-t-lj B ( 2n + 1 , n -+- - j 2ft + g Uni — . Uni : = Km -• 1 \ ' n-t-- 2 B(2n-+-1, n+ -] b{2b + -, n-4-1 ou J/2 . 1/2 = 2. SUR QUELQUES FORMULES V. A cet effet, considérons la série divergente 1 t 1 1 h _ 1 ■+- a 2 + « D-*-a analogue à la série harmonique. La somme d'un nombre-déterminé de termes, commençant par — -, est i i i li + a 11 + 1 + « an -t- (3 ' a étant un nombre entier, donné, et (3, une constante telle, que an-j-fi fasse partie de la progression Il -h et, n -t- 1 -+- et , M •+- 2 -t- a , ... D'après une formule connue (*), Uni I n •+■ a n ■+- 4 -+- a a« -t- (3 Lan Soit maintenant (i) p = i -+- « + 1 + ou, ce qui est équivalent, ] p = 1 î + il M -t- 1 -+- « 1 -4- an - II an -t- (3 (2) (*) Truite élémentaire des séries, t. XXIII. (") Celte formule prouve, une fois de plus, que, même dans une série divergente, la somme d'an nombre indéfiniment grand de termes peut avoir une limite. On peut consulter, sur ce sujet, les Mélanges mathématiques, pp. 357 et suiv. RELATIVES AUX INTÉGRALES EULERIENNES. Le second membre est compris entre i i i r V \H ■*■ x n -+- 1 ■+- a et cette même quantité diminuée de \ 2 ' \ [il -4- «)2 (il -+- I -¥- aï (an -»- (3)2_ Quand /* augmente indéfiniment, la partie soustractive tend vers zéro; donc lim 1 P = y 1 a; puis lim V = a> (5) Il est visible que )_r(u»-«-p-4-y+i) r(«M-+-3-+-l) r(on+pH-y-«-t)r(n4-a)r(o ) B(»-*-ao ) Ainsi ,■ B (w + a, y) /(«< = «' (1>) B(on +p + l, y) Si l'on suppose : i a = -2, s = l, [5 = 0, r=-> cette relation générale se réduit à b(*i+|,»+ i) lim — ■ -=V~1 (E) [-lu +■ I, n + — De même, pour i il t) P n ' on retrouve la formule (E') (*). (*) Nous disions, dans le Mémoire cite : « /.e rapport des intégrales B (2p -+- I, f* -*■ J,), B (2P : -*" i i f* •+ I) qui tendent vers zéro, tend lui- même vers V% » La formule (F) csl la généralisation de celle remarque. Tome XLI1. 9 SUR QUELQUES FORMULES VI. Dans l'égalité B(p+i,«) _Vr [n + a — P) ■■■ [n ■*-« + i —p — i) B(« + «-»-!,«) S, (p + l)...(p + «) je change jo+l, » + «+4, h en p, q, ni; ce qui donne, en faisant varier i de 0 « l'infini (*) : B(?,m) à ""' p(/'+ \)...{p-\ +i) Celle relation, comme la précédente, paraît d'abord soumise à de nom- breuses restrictions. Néanmoins, elle est générale, c'est-à-dire qu'elle subsiste si /;, q, m étant des quantités positives, le second membre est un polynôme ou une série (**). Démonstration. 1° Le nombre ni étant quelconque, la série (G) est tou- jours convergente. Il y a deux cas à distinguer, suivant que q — p = =f c, c désignant une quantité positive (***). Si q — p== — c, ou p = q-\-c, les termes de la série (G) sont, en valeur absolue, respectivement inférieurs à ceux de la série convergente m m (m — I) I -t- - -+- — '- h = 2™ A) I 1.2 (") Si, comme nous l'avons supposé jusqu'à présent, m est un nombre entier, les termes qui devraient suivre le (m-t-l)' mc sont nuls. Dès lors, la restriction i ^ m devient inutile, au moins dan ^ ce cas. (") Nous reproduisons ici, en les complétant cl les simplifiant, les démonstrations et les cal- culs dont nous avons fait usage dans les Mélanges mathématiques, pp. loi et suiv. En outre, nous conservons la notation C,,,,, qui ne représente plus un nom lire de combinaisons, si »i n'est pas entier positif. (***) Abstraction faite du signe, c = a. RELATIVES AUX INTEGRALES EULÉRIENNES. \[ Si q — p = -f- c , le produit [q — p) {q — p — *) ■ • ■ {q — p -*- i — 0 = c (c — i) . . . (c + î — i) est moindre que donc la série (G) est encore convergente. 2° Si p surpasse q, (q - p) (q - p — 1) . . . (q — p -f- 1 - /) = ( (;j — 7) (p -+- 1 - q) . . . (p -+- ■/ — 1 — y) -( 1).r^ + t'-'?)rWr(f/)_ iv»(p + «-?.?)_, 1v-„A*'-*~'(» -«M*» r (p - 7) r (p + 0 r (q) " ' b (p - ?, ?) b

-'*;§ <- V<±* OU b (p — ' ' B (7 -t- t, m) â P (P + I ) • ■ • (p — 1 + 0 D'ailleurs, pour q — 1) ...(«» — i -+- 1) "^2 C™.'-^7T— 7^ ,„_, , ,-. (1) B («p -+- p, m) g! '"' ' p (p + 1 ) . . . (p — 1 + i) Dans cette égalité, faisons croître p indéfiniment. Si Ton admet que la limite d'une somme est égaie à la somme des limites des parties compo- santes (**), on trouve B(p, m) 'S° ap(ap — 1)...(op — i-+-d) /(,/! = > C,„ ; // mi (m — 1 ) l»nn/ "' ; =\ C„„,.«'=l -4--a+— ^ V+.-, . . (2) B(op + p,«i) ,é I 1.2 l ; ou enfin B (p, m) 15 («p -H p, »l) (*) Mélanges mathématiques, p. 101. Si nous reproduisons les formules (G,), (H,), c'est parce qu'elles nous serviront plus loin. (*') Ce principe, comme l'on sait, n'est pas toujours vrai (Cours d'Analyse..., p. 00). H SUR QUELQUES FORMULES Cette formule est la proposition (F). Mais, comme la série (2) est diver- gente si a surpasse l'unité, les transformations précédentes sont inadmissibles. Remarque. La série (1), d'où nous venons de déduire la série (2), reste convergente pour de grandes valeurs de/;, à la condition que ces valeurs soient constantes. Le dernier résultat n'est donc pas contradictoire avec la démonstration donnée plus haut (VI, 2°). IX. Avant d'aller plus loin, j'entrerai dans quelques détails sur une intégrale eulérienne, réductible à l'intégrale elliptique f~ dx _ = = F, (}/£). 0 Si l'on l'ail, suivant l'usage, siir

in tp = V \ — eos'x = sinx 1/2 — sin'x, rf«p = 2 — cosxrfx 1/2 — sur .r puis A0=|/2FJ(\/i). On a donc, entre les transcendantes r({-), F,((/|-), cette relation simple r - *>'»-*.(Vi (*) Elle subsiste pour toute râleur de in, supérieure à ~. ") Elle est cependant peu connue. Je ne l'a î trouvée, ni dans le Calcul intégral de M. Ber- trand, ni même dans la Théorie de la fonction gamma, par Henri Limbourg. Legendrc démontre la formule (N), mais d'une manière un peu obscure. 16 SUR QUELQUES FORMULES X. Dans la Note citée plusieurs fois, j'ai donné certains développement de 1 , déduits de la formule (G); en particulier : 77 V2I \2 .4/ \2 . 4 . 0/ l ; On en peut trouver d'autres, qui, combinés avec celui-ci, conduisent à des résultats intéressants. Prenons, par exemple : m = £ , q = £, p = i; nous aurons ■n i ou t\ l\ V2I 2.4 2.4 2.4.6 2.4.6 »ï-; !_,_«■_,( 'V-V '■• ~2.il V2.4.6 ou encore 4-;-®,+'(ii4),+B(ri^ + -- (2' L'élimination de -, entre les égalités (1), (2), donne celte formule assez curieuse : / I V ( I • 5 V /1.3.oV2 „ . V> . 4/ \2 . 4 . 6/ \2 . 4 . 6 . 8/ w Plus généralement, prenons p= 1, q = m : H ( I, m] iS" 'Sf m — i ' , in f==2c----c- •■■= ' + 2 - -<(: ') B (m, m) ,?J S m De même, H(I,mi) lî (/» -t- I, m) Je la trouve dans mes noies do 1857. = 1+2 (C»'.')'- RELATIVES AUX INTEGRALES ELLERIENNES. 17 Mais donc , I H (/h -+- I, »i)=- B(hi, m); 15(1, m) '^T Éliminant B(w'™ , entre les égalités (4), (2), on trouve m =2 (2«-«i)(C„.,,)! (Q) Pour m = i, cette formule devient é. 'L2.4.6... Si J ce qui ne diffère pas de (P) (*). XI. Des formules (I), (2), du paragraphe précédent, on déduit encore : B(1, m) iS° i 'S° I B(m. m] S m ,5 i Mais F (m) i » (L»0 = — -^-==-; r(»» -i- 1) »' donc = »rf r(C._,ll_,),i . (R) li {m, m (*) Ln relation (Q) équivaut à celle-ci : i=» I — (C m ^ (C„,,f)s = 2 2 i'(C '2. dont la vérification est facile, au moins quand m est un nombre entier. Tome XL1I. 3 18 et, si m ifi SUR QUELQUES FORMULES iî i i 4 ' i 1 + i i:3y 1/3. 7\* î /5.7. il y2 y i r5. / . ..(4t- in Mais lA i i H 4 F V, (N); donr I ( I /5\* I /5.7\! 1/5.7.1 = - ! I + Pi Va 1\ i f -2 H/ 3 U .8/ 4 U.8. 12 (S) Si »î = f, on trouve, de la même manière, 10 /O 0 9B -,- \4 4 â, i-t- 1 L.4.8. 12... 'd J ' Et comme ■V* ~V« Hl i ;>•(!)] (ttJ/2/ n^M1'^)' nu a v/î lw( . 1 /l\'2 I / 1 . o \ 2 l/l.o. 9 V- lii I -4- - 2 U/ 5\4.8y 4U.8.12y ) ('J La Formule connue est r ( i , i , ; i , i . 5 - 1,1.5.:,- [Legekdre, Traité des fondions elliptiques, 1. 1", p. (i5. RELATIVES AUX INTEGRALES EULERIENNES. 1<> XII. Dans la relation B [q, m) = vip — q m [m - I) (p — q) [p — q — 1] B(p,m) 1 7 1.2 = 1. Nous aurons, à cause de B (1, m) = - : m I — m m (ni — I ; ( I — m) m m (m — I) [m — 2) 1 1 — n») m (m -i- 1) (II,) lllUllII. Ill) = I -4- I + 11 — m 1.2 m(m-Hl) I . _> . ô ut(m + l)(fli+2 r»(i» — 1) I m (m — l)(m — 2) I ~\ »)[ï 1 »i I . '2 m + I I . -2 . ô m OU B (h), jh) I — lilT 1 IH I ilUm— I) I m [m-- |)(»( — 2) I //( Ll — '" I '» 1.2 w-t- 1 1.2.5 m- 2— ■}(■ Pour m = l , ni = |, cette formule, conjuguée de (R), donne les résul- tats suivants : / /i\ ri ll i .5 i i .ô. 7 i -i F, V -ï ri II II 1.51 4 1 *- t- ■+-••• I. |_5 4 5 4.87 1.8.1211 J • (S,) En les combinant avec (S), (T), on trouve encore *_r, l m .:>\- l H .3.9 >\'i/ ôU.8 4 U .8.12/ J |_5 i 3 4 8 7 I I I I I 1.51 4 -S . 1 2 I I hB§r-4fcD' I II 1.51 — i — _ -| 5 4 I 1 . 8 d 5.7 I '. sTkï 9 "h ■} etc 4» 20 SUR QUELQUES FORMULES, etc. XIII. Dans la formule ma [m, ut) ~?, t supposons que m soit un nombre entier. Le premier membre égale r(2m) i ' ^Sm— l,m- 1- m Le second membre, développé, devient im—\\\ im — i m — 2\*1 /wi — 1\* I I 1/2 \ I 2/5 V 1 / »H — I »* Par conséquent, 1 /m— l\» I /m — I m — 2\- 1 (m— 1\» I Il est assez facile de démontrer que, si m es/ premier, («,„_,, ,„_, — 1 es* divisible par m. Donc , m e'tan* mm nombre premier : Im—iyi Im — I m — 2\H /«i — 1\2 ' I -h — h- . --+-••■ + = entier. \ i / 2 \ 1 2/3 \ 4 / m — i Soit, par exemple, m = 7 : H\\- I /« . 5\M /(i.5.4\-l /(i.a\2l /G\s 1 (') La réciproque n'est pas vraie : pour ut = !(, /S'\- I /8.7\M , 8 . 7 . 0\ - 1 ,8.7.0.d\- I /8.7.6\'i f8.7\«l /8\s I '-(t) Hn) 5+(rxï)ï+(nro) i+(rrJ Hn) Hr) s= 28» r>G5 • nfie?' h 1 = entier. 5 (i HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE SOUS LA MAISON D'ESPAGNE (1500-1800); le Baron GUILLAUME, LIEUTENANT GÉNÉRAL, AIDE DE CAMP Dl' ROI; MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, ETC.. ETC. « Aucune injustice ne dégoûta les Wallons « de faire plus que leur devoir. Aussi ' l'on se fiait à eux seuls. » Le ihism de Ligne. (Mémoire présenté à la classe îles lettres de l'Académie dans la séance du 7 février 1876. Tome XLII. PRÉFACE. J'ai publié successivement, entre autres monographies militaires, Y His- toire de l'organisation militaire sous les ducs de Bourgogne , Y Histoire des bandes d'ordonnance , YHistoire des gardes wallones, et Y Histoire des régi- ments nationaux sous la maison d'Autriche; j'offre aujourd'hui au public YHistoire de l'infanterie wallone sous la maison d'Espagne. Ce dernier travail complète la série historique des anciennes institutions militaires de la Belgique. L'infanterie wallone, longtemps confondue avec la célèbre infanterie espa- gnole, a fait honneur au nom belge, non moins que la cavalerie flamande, les gardes wallones et les régiments nationaux, sous la maison d'Autriche. Sa bravoure et sa fidélité lui ont mérité une grande renommée qui a retenti dans l'Europe entière. Nos pères qui ont servi dans cette vaillante milice ont justifié partout et toujours la flatteuse appréciation que César fit des Belges. h PRÉFACE. J'ai choisi pour point de départ de ma narration l'époque de la création des régiments wallons et j'ai cru devoir continuer mon récit jusqu'à la fin du siècle dernier, embrassant ainsi toute la période historique pendant laquelle des régiments wallons ont été au service de l'Espagne, c'est-à-dire pendant près d'un siècle après que nos provinces étaient passées sous la domination de la maison d'Autriche. HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. CHAPITRE I. HISTOIRE DE L'iNFANTERIE WALLONE, DEPUIS LABDICATION DE CHARLES -QUINT JUSQU'A LA PACIFICATION DE GAND. (1S86-IS76.) 1. État de l'infanterie wallone avant le régne de Charles -Quint. — § ± État de l'infanterie wallone sous l'empereur Charles-Quint. — § 3. État de l'infanterie wallone créée au commencement du régne de Philippe II. — § 4. Rétablisse- ment des corps wallons par le duc d'Albe. Campagne de 1368. — § S. Campagnes de 1572 à 1576. — § G. Manière de combattre de l'infanterie wallone. § 1. Etat de l'infanterie wallone avant le règne de Charles-Quint. La création des régiments wallons, de cette glorieuse infanterie qui, pen- dant plus d'un demi-siècle, fut, suivant l'expression pittoresque du maréchal comte de Mérode-Westerloo, « un des piliers de la puissance espagnole ', » remonte aux premières années du règne de Philippe II. Si l'on voulait donner des ancêtres à l'infanterie wallone, on les trouverait ' Mémoires du feld-maréchal comte de Mérode-Westerloo. Bruxelles, 1840; 2 vol. in-8°. 2 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE dans ces vaillantes milices communales qui, lors de la lutte que soutinrent les vieilles citées flamandes contre les tendances monarchiques de leurs princes, déployèrent tant de courage et de persévérance. Mais les régiments wallons, dont aujourd'hui j'entreprends d'écrire l'histoire, n'ont pas hesoin, pour rehausser leur gloire, d'invoquer d'anciens titres : ils ont eux-mêmes fait une assez abondante moisson de lauriers pour occuper légitimement une place des plus honorables dans les annales militaires de la Belgique. Avant d'aborder l'histoire de cette infanterie wallone qui régna en quelque sorte sur tous les champs de bataille de l'Europe pendant une longue période historique, il convient de jeter un rapide coup d'œil sur l'état de l'infanterie avant la création des premiers régiments wallons. Jusque vers l'époque de l'avènement de Charles-Quint, la constitution des armées, bien qu'elle tendit à se modifier, différait essentiellement du système sur lequel repose aujourd'hui l'organisation des forces militaires. Sauf quel- ques corps particuliers et privilégiés qui ne représentaient que la garde personnelle du souverain, il n'existait d'ailleurs aucunes troupes perma- nentes, dans l'acception moderne du mot. A l'approche d'une guerre, on soudoyait dans le pays et plus souvent à l'étranger, des bandes de merce- naires qu'on licenciait communément à la paix. Les princes les plus opu- lents prenaient à leur service quelques-uns de ces célèbres condottieri qui, à cette époque, faisaient métier de la guerre et qu'on voyait, d'une cam- pagne à l'autre, passer dans des camps différents, toujours prêts à servir la cause du plus offrant et dernier enchérisseur. Bien que le service des vassaux fût encore, pendant les XVIe et XVIIe siècles, une obligation inscrite dans les constitutions nationales, cette milice avait perdu beaucoup de son importance et de son prestige depuis que les princes se livraient à des guerres lointaines ; aussi ne réclamait-on plus son concours que dans des circonstances toutes particulières où il fallait pour- voir à la défense du territoire national ' , de sorte que les vassaux féodaux de même que les milices communales se virent insensiblement supplantées 1 Le service de la noblesse fut réclamé en 1039. Le ban et l'arrièrc-ban furent encore con- voqués en 1572, en 1G38, en 1G55 et en 1G;>8. (Placards de Flandre et Placards de Brabanl, passim.) SOUS LA iMAISON DESPAGNE. 3 par les troupes soudoyées qui présentaient d'ailleurs l'avantage d'être mieux exercées à la pratique de la guerre et surtout mieux disciplinées. Les prédécesseurs de Charles-Quint, dès qu'ils commencèrent à faire la guerre en Italie, reconnurent, comme déjà l'avaient reconnu les autres sou- verains de l'Europe, la nécessité de recourir aux troupes mercenaires et ils prirent à leur service cette infanterie suisse qui s'était acquis une juste célé- brité par sa résistance contre l'Autriche et surtout par ses succès contre la gendarmerie de Charles le Téméraire. Les fantassins espagnols et belges, qui combattirent en Italie à côté des Suisses, adoptèrent naturellement leur discipline et leur manière de com- battre; ils la perfectionnèrent bientôt en introduisant des mousquetaires dans les rangs des picquiers '. Ce fut l'origine de ce fameux corps d'infanterie qui, pendant un siècle et demi, jouit d'une réputation de valeur incontestée et fut tout à la fois la terreur et l'admiration de l'Europe. Ce qui se passa en Belgique lorsque, à la mort de Philippe le Beau, le duc de Gueldre reprit les armes pour soutenir ses prétentions sur une partie des territoires qui alors faisaient partie des domaines de la maison de Bour- gogne, prouve qu'à cette époque les seules troupes qui existassent dans le pays consistaient uniquement en quelques bandes d'ordonnance et en d'infi- niment petites garnisons dans les forteresses 2. En présence du danger qui menaçait le territoire, les états des provinces accordèrent quelques aides extraordinaires et le gouvernement ordonna la levée des troupes nécessaires 1 Ce fui le duc d'Albe, eomruc on le verra plus loin, qui introduisit ce perfectionnement pendant la guerre des Pays-Bas, mais Charles-Quint avait néanmoins des arquebusiers dans ses armées. C'est à eux qu'on attribue la victoire de Pavie; aussi furent-ils, depuis lors, très- recherchés (Von allerlei Kriegswehr-Senfflenberg , MS. du Dépôt de la Guerre de France, t. V, p. 2). Lorsque Charles-Quint vint châtier les Gantois, en 1540, il avait avec lui quatre cents piétons picquenaircs , hallcbardiers et arquebusiers. ( Relation des troubles de Garni , publiée par JI. Gachard, pp. 62 et 65.) 2 M. Henné, dans sa savante Histoire du règne de Chartes-Quint, dit qu'en 1508 il y avait deux mille piétons entretenus d'une manière permanente à la charge du prince (t. I, p. 129) et que ce corps fut porté h dix mille hommes (t. III , p. 58). Cette dernière assertion est dou- teuse. Les états auxquels on en fil la demande ne paraissent pas y avoir consenti (id., t. Ier, p. 177). 4 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE pour protéger les frontières '. Le comte Henri de Nassau, seigneur de Bréda, leva un corps de deux cent cinquante cavaliers pour couvrir le Brabant et le pays de Namur; Floris d'Egmont, seigneur d'Iselstein, enrôla sept à huit cents piétons qui, réunis à la bande d'ordonnance du même seigneur, marchèrent sur Arnheni; Philippe, bâtard de Bourgogne, rassembla trois mille fantassins et quelques cavaliers pour le siège de Wagueningen et pour fournir des garnisons à la Gueldre; le seigneur de Chièvres, Guil- laume de Croy, eut mission de protéger la frontière du comté de Namur contre les insultes des Français qui encourageaient les entreprises du duc de Gueldre : il rassembla, dans ce but, un petit corps de cent cinquante hommes d'armes, de quatre cents archers à cheval et d'un millier de fan- tassins. Enfin, plusieurs capitaines allèrent faire des levées en Allemagne et l'Empereur envoya un petit corps de ce pays sous la conduite de son prévôt des maréchaux, Jeronimus Relier 2. A l'aide de ces armements le duc de Gueldre fut vigoureusement repoussé; le calme se rétablit pour quelque temps et on licencia toutes les troupes nouvellement levées, mais en 1512, la paix avec la France ayant été rompue, il fallut recourir à des moyens de défense analogues; la régente des Pays-Bas obtint des états géné- raux les aides nécessaires pour l'entretien de mille chevaux et de six mille piétons. Cette petite armée, réunie à un contingent anglais assez important, tint en échec, à la frontière, les vieilles bandes de la Palice, de Bussy d'Amboise et de Bayard, jusqu'à l'arrivée de l'empereur Maximilien qui amena des troupes allemandes, prit la direction des opérations militaires, battit les Français à Guinégate, le 7 août 1513, reprit Térouanne et Tournai, et conclut la paix qui fut signée le 7 août 1514. On voit par cet exposé de ce qui se passa pendant la minorité de Charles- Quint que sous les prédécesseurs de ce monarque non-seulement il n'existait pas de régiments wallons, mais qu'il n'y avait guère d'infanterie entretenue d'une manière permanente en dehors de la garde personnelle du prince et de quelques soldats préposés à la garde des forteresses. 1 Ordre du jour du 3 nini 1507 qui enjoint aux hommes de 18 à 50 ans de se mettre sus, pour résister aux Gueldrois. 2 Henné, Histoire du règne de Charles-Quint, passim. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. S § 2. Etat de l'infanterie wallone sous l'empereur Charles-Quint. Pendant la plus grande partie du règne de Charles-Quint, lorsque le pays se trouva menacé, et il le fut souvent, on recourut encore, comme par le passé, soit aux milices communales, soit aux levées en masse de la popu- lation '. Voici une suite de dispositions qui viennent à l'appui de ce que nous avançons : Un placard du 25 novembre 1521 ordonne aux hommes de 18 à 50 ans de se tenir prest pour aller au secours de la ville de Tournai 2; une instruction de 1522 de l'Empereur à Marguerite prescrit d'établir des rôles de tous les hommes propres au service; une ordonnance du 9 juin 1543 appelle les hommes de 20 à 50 ans à prendre les armes ; sous la date du 14 novembre de la même année il y eut une levée de quatre mille cent piétons pour renforcer les garnisons de la Flandre et l'Artois, sous les ordres du comte du Rœulx, capitaine général de la province 5, etc., etc. Quant aux troupes réclamées pour les besoins de la guerre, elles étaient engagées au mois et licenciées à la conclusion de la paix * ou plus tôt quand 1 A l'exception de quelques seigneurs tels que Charles de Lannoy, Jean de Hennin, premier romle de Boussu, Louis de Flandre, seigneur de Prael, le baron de Draeek , le comte Charles de Lalain et Charles de Trazegnies, les Belges ne prirent guère part aux expéditions maritimes de Charles-Quint. Cependant Chotin, dans son livre Sur les expéditions maritimes de Charles- Quint, parle d'un poste composé de Flamands pendant la campagne de Tunis; on avait, dit-il, ramassé les mendiants et les vagabonds (p. 81). 2 Dix-huitième compte de Jacques de Gavre, seigneur de Frezin, du 1er octobre 1521 au 50 septembre 1522. Aux Archives du royaume. 3 Dépêches de guerre n° 567 aux Archives du rovaume. Après le règne de Charles-Quint on trouve encore des levées d'élus ou du ban et de l'arrière- ban aux dates suivantes : 10 mars 1605; décembre 16-24; 16 juin 1652; 15 septembre 1658. (Archives générales. Audience. Conseil d'État, liasses noa 1052, 1146, 1150, 1157. — Biblio- thèque de Bourgogne, MS. n° 12294, fol. 516. — Placards de Flandre et Placards de Brabant, passim.) 4 On constate, d'après tous les historiens, que lorsque Philippe II organisa la défense du pays au moment de son départ pour l'Espagne, il ne fut pas question d'entretenir des corps d'infanterie. Tome XLII. 2 6 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE on n'avait plus d'argent pour les solder. Des capitaines recevaient des com- missions pour faire des enrôlements dans les localités qui leur étaient spé- cialement désignées; ils formaient ainsi des enseignes ou compagnies dont ils étaient les chefs absolus. L'enseigne resta, jusque vers les dernières années du règne de Charles- Quint , l'unité de corps; son effectif varia de deux cents à cinq cents hommes. L'enseigne wallone fut d'abord de cinq cents têtes; l'enseigne de l'infanterie basse-allemande (ainsi nommait- on les enseignes composées de piétons fournis par les contrées de langue teutonique, c'est-à-dire par le Limbourg, les cantons allemands du pays d'Outre-Meuse et les quartiers allemands du Luxembourg1) l'enseigne d'infanterie basse-allemande, disons-nous, était moins nombreuse; l'enseigne flamande n'avait que trois cents hommes 2. On voit par la composition de l'armée aux Pays-Bas peu après l'invasion du Luxembourg et de l'Artois par les troupes françaises : 4° Qu'on appelait encore à cette époque les vassaux tenus au service militaire; 2° Que tous les piétons étaient formés par enseignes ou par compagnies 3. Les capitaines, avons-nous dit, étaient les chefs absolus de leurs compa- gnies. On conçoit que ce système présentait beaucoup et de graves inconvé- nients; il annihilait souvent l'action du commandement supérieur et donnait naissance à des querelles incessantes entre les capitaines qui se considéraient comme des chefs de corps indépendants. Pour mettre un terme à ces abus et faire cesser des prétentions qui para- lysaient l'action descbefs des armées, l'empereur Charles-Quint résolut d'éta- blir, à l'imitation de ce qui existait dans les troupes allemandes, l'unité de régiment 4. Les enseignes de l'infanterie basse-allemande furent les premières qui furent organisées sur ce pied. Le plus ancien exemple qu'on en trouve date de l'année 1537 : ce fut le comte Henri de Bréderode qui leva un régi- * Henné, Histoire du règne de Charles-Quint, t. III, pp. 45 et suivantes. 2 Ibid., t. III, pp. 48 et 49. 3 Voir ce document intéressant dans les Études sur les tribunaux militaires, par M. de Robaulx de Soumoy. 4 Le régiment allemand se composait de vingt-cinq enseignes (Fronsperger Kriesbuch, liv. III, p. 66. Francfort, 1866). SOUS LA MAISON DESPAGNE. 7 ment de cinq enseignes présentant un effectif de deux mille hommes '. En 1544, on forma, sous le prince Guillaume d'Orange, un régiment de vingt enseignes à l'effectif de huit mille hommes -; enfin, sous la date du 22 mars 1552, on trouve des patentes de colonels de régiments d'infanterie hasse- allemande délivrées au comte Lamoral d'Egmont, au prince Guillaume d'Orange, à Philippe de Croy,duc d'Arschot, et à Philippe d'Orley, prince de Seneffe 5. Ce nouveau système fut introduit successivement dans les troupes d'in- fanterie wallone; on le trouve appliqué, du temps de Charles-Quint, aux régiments wallons du duc d'Arschot et du seigneur de Trélon 4, mais il est incontestahle qu'il ne fut rendu général, pour les Wallons, qu'en 1556, c'est-à-dire par le successeur de Charles-Quint. Cela résulte d'une lettre du conseil d'État adressée le 21 juin 1599 au cardinal André, gouverneur général des Pays-Bas. On lit dans ce document que , contrairement à l'opinion des chefs de corps wallons qui invoquaient un placard de l'Empereur pour justifier leurs prétentions : « Souvent ceulx allèguent le placcard de l'Em- » pereur qui n'en sçavent le contenu, estant certain que du tems d'icelluy il » n'y a eu colonelie wallone et que la première qui se dressa fut en » l'an 1556 5. » 1 Dépêches de guerre, n° 1259. 2 Ibid. 3 Archives de l'audience, n° dlIC. * C'est du moins ce qu'affirme M. Henné dans son Histoire du règne de Charles-Quint , t. III, p. 50. 5 L'importance de ce document pour l'histoire de l'infanterie wallone nous engage à le reproduire ici textuellement : « Monseigneur, nous avons reccu les lettres de Vostre Allèze du xiiijc de ce mois avec le » mémoire y joint sur la difficulté suscitée par la nation walonne pour le regard de la juridic- » tion, et nous a extrêmement despieu qu'en ceste conjoincture Vostre Altèze soit travaillée » comme elle l'est desja et par trop en tant d'aultres endroietz. Or pour satisfaire à ce qu'elle » nous commande, nous avons visité tant les vieulx placcars des feuz l'empereur Charles et » roy dernier qu'aultres nouveau Ix sur le fait de ceste juridiction et treuvons que s'en est usé » fort diversement, et que souvent ceulx allèguent le placcart de l'Empereur qui n'en scavent » le contenu, estant certain que du tems d'icelluy il n'y a eu colonnelie walonne, et que la » première qui se dressa en l'an 56 en laquelle et aultres subséquentes se trouvent, avoir » esté establiz personnes pour la justice et le chastoy de ceste nation, mais aussi n'a l'on laissé 8 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE En effet la plus ancienne patente de colonel wallon qu'on rencontre dans les archives porte la date du 10 avril 1556; elle est adressée à Charles de Brime u , comte de Megen. Ce premier régiment se composait de six ensei- gnes luxemhourgeoises; il fut licencié peu de temps après sa création. L'effectif de l'enseigne wallone fut fixé, vers la même époque, à trois cents hommes; on descendit ensuite à deux cent cinquante, puis à deux cents. » pourtant de mectre ung auditeur gênerai et un prevost gênerai qui ont cognu des mesuz » signamment quand le eolonnel et aultres officiers ne faisoient leur dcbvoir ou n'avoicnt » prévenu. Et à ce propos, il souvient à moy marquis qu'estant eolonnel des valons je chastioye » par chemin et en marchant ceulx qui commectoient chose digne de reprehension , mais » qu'estant arrivé au camp, le maréchal général avec son auditeur et aultres officiers les chas- » tioyent sans qu'il me souvienne y avoir eu contradiction et dit le conseiller Salinas qui a esté » auditeur général du tems de feu le duc de Parme qu'il cognoissoit et ehastioit des Walons » comme des Espaignols et aultres, oires qu'il en communiequoit préalablement aux colonels » et capitaines pour les contenter et leur donner plus grand appaisement, et au contraire de ce » nous trouvons comme desja s'est dit que lesdicls colonnels avoient leurs officiers de justice » de manière qu'il s'en est usé maintenant d'une sorte et maintenant d'une aultre, mais quoi » qu'il en soit, nous ne tenons ces loix pour perpétuelles et immuables et que le prince ne » puisse les altérer et changer et mettre tel nouveau ordre que bon luy semblera, ce qu'ayant » fait le feu rny par l'instruction dressée au Sr don Hernando Carillo par où il luy donne autho- » rite generallement sur toutes nations excepté la seulle allemande, nous ne voyons pourquoy » les coronelz walons n'ayentà s'y conformer et obeyr, oires que nous confessons qu'il y a des » considérations pregnantes pour lesquelles le prince ne pourroil aultrement user, pour éviter » les desgoustz et altérations qui naissent de ce nouvel ordre qu'est ce que nous avons peu » trouver sur ceste matière et pour en dire nostre advis à Vostrc Altèze sur sa très-humble » correction, voyant ce que se passe au camp et que d'ung petit feu s'en pourroit allumer ung » grand, il nous semble que Vostre Altèze fera prudemment de n'en donner aucune décision « se contentant seullement que les deliclz se punissent par lesdicts coronnelz et leur justice, et » qu'à faulte d'iceulx ledict don Hernando et l'auditeur gênerai y mectent la main , demeurant » Vostre Altèze libre de commander que le chasloy se face de qui elle scaura avoir offensé » quand et par qui bon luy semblera, à quoy lesdicts coronnelz n'auront que contredire, et que » cependant ledict don Hernando se tempère pour éviter aultre plus grand inconvénient que » pourroit sourdre le tout jusques à la venue de nos princes qui en meilleure et plus asseurée « saison pourront ordonner ce qu'ilz jugeront pour leur plus grand service. Et nous recom- » mandant très-humblement aux bonnes grâces de Vostre Altèze, nous prions le créateur luy » donner, monseigr très-longue et heureuse vie. De Bruxelles, le xxic de juing 1589. Richv. » De Vostre Altèze , très-humbles et très-obeyssans serviteurs ceulx du conseil d'Eslat estant à » Bruxelles. » Signé VeiiReyken (*). (*) Archives du royaume, papiers d'État, Reg. Lettres missives, de janvier-juin 1599. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 9 L'enseigne de l'infanterie basse-allemande conserva toujours un effectif plus nombreux que l'enseigne wallone. Quant au nombre des enseignes des régiments bas-allemands, il resta également plus grand : le régiment de Martin van Rossum avait et conserva quinze enseignes et ceux du comte d'Egmont et du baron Van Holl en avaient dix. Voici, pour l'époque où nous sommes arrivés, c'est-à-dire à la fin du règne de Charles-Quint , la composition organique de l'enseigne wallone et de l'enseigne d'infanterie basse-allemande. Enseigne wallone. Un capitaine. Un porte-enseigne. Un clerc des montres (revues). Deux sergents ou guidons. Un fourrier. Un chirurgien. Un tambourin. Un fifre. Deux hallebardiers pour la garde du capitaine. Deux cents à trois cents soldats. Enseigne basse-nllemande. Un capitaine. Un porteur d'enseigne. Un sergent de bataille. Un chapelain. Un clerc des montres. Deux sergents ou guidons. Un fourrier. Un chirurgien. Un tambour. Un fifre. Quatre à huit hallebardiers pour la garde du capitaine. Quatre cents soldats. dO HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Quant aux états-majors des régiments wallons et des régiments bas-alle- mands , ils étaient composés de la manière suivante : Régiment wallon ' Un colonel avec sa garde de huit hallebardiers. Un lieutenant- colonel avec sa garde de six hallebardiers. Un clerc ou secrétaire. Un prévôt avec six hallebardiers et deux valets. Un chef du guet. Un maître des hautes-œuvres et un valet. Un gardien des bagages. Un pourvoyeur de vivres. Deux tambour et fifre. Régiment bas-allemuiid ". Un colonel avec sa garde de huit hallebardiers. Un lieutenant-colonel avec sa garde de quatre hallebardiers. Un chapelain. Un clerc ou secrétaire. Un écoutète avec un hallebardier. Un prévôt et son lieutenant, un clerc et un sergent de jus- tice, six hallebardiers, six à huit exécuteurs de justice. Un geôlier. Un maître des hautes-œuvres et son valet. Un sergent ayant la police des prostituées qui accompa- gnent le régiment. Un maître du guet et son hallebardier. Un quartier-maître. Un maître des vivres. Un chirurgien. Deux tambour et fifre. 1 Cette composition de l'état-major d'un régiment wallon est tirée des patentes des colonels des régiments d'Arschot et de Trclon (Archives de l'audience, liasse n° 1111.) 2 Cette composition de l'état-major d'un régiment d'infanterie basse-allemande est tirée des patentes des colonels des régiments d'Arcnberg, de Brederode, d'Egmont, d'Orange, de Van Rossum et de Van Holl. (MS. de la Bibl. royale, n° 2044, fol. 341.) SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 11 Les soldats s'équipaient et s'armaient à leurs frais. Pour obtenir de l'uni- formité à cet égard , les armes furent parfois fournies , vers la fin du règne de Charles-Quint, par les arsenaux de l'Empereur, mais les capitaines, dans ce cas, en remboursaient le prix. Les arquebuses remplacèrent successivement les arcs et les arbalètes ; au commencement du XVIe siècle la moitié d'une enseigne avait l'arquebuse, un quart avait des piques et un quart des hallebardes. Quant à l'habillement, le soldat devait s'en pourvoir, mais cette dépense lui était remboursée au moyen d'une indemnité annuelle. Chaque enseigne recevait un nombre de payes proportionné à son effectif : l'enseigne de cinq cents hommes avait six cents payes; celle de quatre cent vingt-cinq ou de quatre cents hommes avait cinq cents payes; celle de trois cents hommes recevait trois cent soixante-quinze, quatre cents ou quatre cent vingt payes. La différence entre le nombre des payes et celui de l'effectif des compagnies servait à solder les cadres et à fournir les hautes payes : ainsi le capitaine avait dix payes , son porte-enseigne en avait cinq , leurs hallebardiers une et demie chacun, les sergents, les fourriers, le clerc, le chirurgien, le chapelain, en avaient deux; les tambourins et les fifres une et demie, etc. Le restant des payes supplémentaires était réparti entre les anciens soldats et les gentilshommes qui servaient en sus de l'effectif et qui pouvaient avoir jusqu'à concurrence de cinq payes. Disons enfin que la paye, c'est-à-dire la solde du simple soldat était, vers cette époque, de 7 gros par jour, soit 5 florins et 20 patards par mois. Le colonel d'un régiment wallon recevait par mois 375 livres, le lieute- nant colonel 100, le prévôt et le chef du guet 25 livres ou cinq payes, le maître des hautes-œuvres 15 livres, etc. Dans les régiments d'infanterie basse-allemande, le colonel recevait 375 livres par mois, le lieutenant-colonel 62 livres 10 sols; le prévôt 45 livres ou neuf payes, le chef du guet 35 livres, le maître des hautes- œuvres 20 livres, etc., etc. Il est à remarquer que la solde des Wallons fut toujours moins élevée que celle de l'infanterie de toutes les autres nations au service de l'Espagne (Espagnols, Italiens, Irlandais). Un capitaine n'avait que 80 florins par 12 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE mois au lieu de 100, et un soldat ne recevait que 6 florins par mois au lieu de 7 et 8 qu'on accordait aux autres nations 1. Il y avait aussi quelques différences dans la composition des compagnies et des états-majors. Ces différences dans l'organisation et dans la solde constituaient ce qu'on appe- lait le pied wallon. § 3. État de l'infanterie wallone créée au commencement du règne de Philippe IL Après les notions que nous venons de donner sur l'état de l'infanterie wallone et de l'infanterie basse-allemande vers la fin du règne de Charles- Quint, nous abordons la recherche de ce que cette arme devint après l'abdi- cation de l'Empereur. On constate que parmi les troupes qui combattirent à S'-Quentin et sur- tout à Gravelines 2, il y avait de l'infanterie wallone et que notamment les enseignes que commandait Jacques de Bryas rivalisèrent de bravoure avec l'infanterie espagnole. Mais ces troupes qui, du reste, étaient en très-petit nombre 3 furent, comme c'était la coutume, licenciées après la signature de la paix de Cateau-Cambrésis (3 avril 1559) 4. Il est positif que la gouvernante générale des Pays-Bas, Marguerite d'Au- triche, n'avait, en fait d'infanterie permanente en dehors des petites garni- sons des villes, que sa garde personnelle, c'est-à-dire cinq à six cents 1 Voir les instructions générales de Philippe IV au gouverneur général, données en 1632 (MS. de la Bibl. royale, n° 1614a). — Règlements du 23 juillet 1668 et de l'année 1678. 2 On trouve dans YHi&toitia de lus armas de mfanteria y caballeria, du comte de Clonard, une intéressante relation des combats de Sl-Quenlin et de Gravelines et un juste hommage rendu à la bravoure et à la haute intelligence militaire de l'infortuné comte d'Egmont (t. III et IV). 3 Rahutin, Guerres de Belgique, 710, 711. 4 Aussi lorsque, en 1562, des troupes furent envoyées en France, le contingent belge fut composé exclusivement de cavalerie; l'infanterie, qui comptait six mille hommes, venait d'Espagne et d'Italie (Slrada, liv. III, p. 161). SOUS LA MAISON D'ESPAGÏSE. 10 Wallons, et quelques arquebusiers à cheval, commandés par Philippe de Lannoy, seigneur de Beauvoir *. Lorsque les troubles religieux devinrent menaçants, cette princesse fit lever trois régiments wallons dont elle donna le commandement au comte Gilles de Berlaimont, seigneur de Hierges, à Jean deCroy, comte du Rœulx, et au comte Charles de Mansfelt 2. Vers la même époque elle fit encore lever deux régiments d'infanterie basse -allemande sous Jean de Ligne, comte d'Arenberg, et Charles deBrimeu, comte de Megen3. Peu de temps après ces premiers armements, deux régiments wallons furent encore levés par Philippe de Noircarme, seigneur de Ste-Aldegonde, dans le Hainaut, et par Philippe de Lannoy, dans le Brabant 4. 1 Ce petit corps avait été formé dans les circonstances suivantes : après le licenciement des troupes étrangères qui suivit la paix de Catcau-Cambrésis, le comte de Mansfelt, qui comman- dait à Bruxelles, décida le magistrat à voter une levée de mille cinq cents hommes, dont un tiers serait à la solde du souverain et les deux autres tiers à la solde des habitants. Cette levée s'opéra avec rapidité. La partie soldée par le gouvernement fut levée dans le pays wallon et mise sous le commandement de Philippe de Lannoy. Quant aux deux autres tiers, la commune leur donna pour chefs le vicomte de Bruxelles, seigneur de Licdekerkc, et messire Florent de t'Serclaes. — Les arquebusiers à cheval au nombre d'une centaine étaient commandés par Georges de Ligne, sire d'Estambruges. 2 Bernardino de Mcndoça. — Van Mettcren. — Les patentes de colonels de ces seigneurs sont des mois de novembre et de décembre 15GG. (Papiers de l'audience, n° 1113.) Le régiment de Mansfelt fut levé dans le Luxembourg et celui du seigneur de Hierges dans la province de Namur. — En rendant compte de ces nominations, Marguerite d'Autriche dit au roi qu'elle avait été déterminée à ces choix, parce que Hierges et Mansfelt sont de bons catholiques et parce que leurs compagnies ont été formées par leurs pères. (Lettre du 18 décembre 156G.) 3 Mcndoça. — Van Metteren. — Strada. — Correspondance de Philippe II. * D'après le comte de Clonard , Historia organica de las armas de infanleria, t. III , p. 404, deux autres régiments wallons, celui de M. de Licques et celui de M. de Bournonvillc, auraient été créés en 1560. Nous pensons que c'est une erreur, et que ces deux régiments sont de création plus récente, c'est-à-dire de 1572, comme on le verra plus loin. La levée des corps wallons et bas-allemands ne fut pas la seule mesure militaire que prit Philippe II en vue de réprimer les troubles des Pays-Bas. Dès le mois de juillet 1506, il avait autorisé la duchesse de Parme à lever le nombre de gens de guerre dont elle pourrait avoir besoin pour empêcher les prêches. (Lettre française du 51 juillet. Correspondance de Marguerite d'Autriche.) Quelques jours après, il l'avait autorisée à retenir en wartgelt trois mille chevaux et d'apercevoir (engager) dix mille piétons allemands. (Ibid., Lettre du 15 août 1566.) Le 5 octobre il lui réitéra cet ordre. [Supplément à Strada, t. II, p. 461, Lettre espagnole du 1" octobre 1560.) Un peu plus tard, il prescrivit, la levée des piétons qui étaient aperçus. (Lettre française du 27 novembre 1566, Tome XLI1. .1 ii HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Ces régiments étaient composés les uns de six enseignes, d'autres de huit et de dix; celui du comte d'Arenberg n'en avait que cinq; chacun d'eux avait on état-major désigné sous le nom de hauts officiers, comprenant le colonel , et le lieutenant-colonel avec leur garde personnelle de hallebar- diers, le prévôt, le chef du guet, le chapelain, etc., etc. l. Un règlement contenant « les articles de guerre que les soudarts wallons » debvront jurer et observer pour les tenir en bonne discipline militaire » fut publié le 3 janvier 1567. C'est un code pénal militaire en trente-neuf articles -. Les capitaines nommaient les officiers inférieurs de leurs enseignes, à l'ex- ception des sergents et des fourriers qui étaient élus par les soldats. Ce fut à dater de celte époque que le gouvernement pourvut régulièrement à l'armement des troupes, mais toujours aux frais des capitaines. Un règlement du 27 mai 1566 5 fixa à 1,322 livres le montant de la solde d'une enseigne, mais on conserva, en général, les tarifs qui avaient été établis à la fin du règne de Charles-Quint. Les régiments qu'avait fait lever Marguerite d'Autriche et qui peuvent être considérés comme les premiers régiments de cette infanterie wallone qui s'acquit une si grande renommée de vaillance, furent employés à la répres- sion des premiers troubles qui préludèrent à une guerre longue et cruelle Correspondance de Marguerite d'Autriche.) Cet ordre fui réitéré le 2G janvier 15G7 (Archives du royaume), et au mois de mars 1 507, il donna de nouvelles instructions à la gouvernante, pour qu'elle retint en ivurtgelt et aperçut encore en Allemagne cinq mille chevaux et dix mille piétons. (Lettre française du 50 décembre 1506 et du 5 mars 1567, Ibid.) En même temps qu'il faisait faire ces préparatifs militaires du côté du Pays-Bas, il enjoignait à don Gaspar de Tolède, son capitaine général de la mer, de transporter en Lombardie toute la vieille infanterie espagnole qui était dans le royaume de Naples, de Sicile et de Sardaigne, et il faisait mettre en ordre et augmenter la cavalerie légère qu'il avait en cette province (Gachard). 1 Dépêches de guerre aux Archives du royaume, Kcg. n° 568. — Il est à remarquer que même après la réunion des enseignes en régiments, il resta toujours quelques enseignes ne comptant dans aucun corps. A la fin du XVIIe siècle, il y avait encore cinq enseignes walloncs portant le nom de compagnies ordinaires de Charles-Quint. 2 Audience n° 1115. — Avant cette époque le gouverneur général donnait un règlement spécial ou des articles briefs à chaque corps d'infanterie. (Robaulx de Soumoy, Notice sur les tribunaux militaires, p. 49.) 3 Audience n° 1115. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. |g dont nos provinces furent le sanglant théâtre pendant plus d'un demi-siècle : Philippe de Noircarmes se rendit à Tournai pour combattre les religion naires; il avait avec lui huit enseignes de Wallons et trois cents hommes d'armes. Il attaqua l'ennemi qui était très-supérieur en nombre et lui tua mille cinq cents à deux mille hommes. Il entra dans Tournai avec onze enseignes d'in- fanterie et s'empara du château le 2 janvier 1567. Il se dirigea ensuite sur Valenciennes avec ses huit enseignes wallones qui avaient été renforcées de huit enseignes du régiment que lui-même avait levées dans le Hainaut. Il avait en outre sous ses ordres les régiments wallons de Gilles de Berlaimont et du comte Charles de Mansfelt qui étaient de huit enseignes; quinze cents hommes d'armes des ordonnances et vingt et une pièces de canon comman- dées par Jacques de la Cressonnière, gouverneur de Gravelines. La ville fut immédiatement cernée et, après trois jours de résistance, elle se rendit à discrétion. Noircarmes revint à Bruxelles après celte expédition et reçut immédiate- ment l'ordre d'aller s'emparer de Maestricht et de Bois-le-Duc, ce qu'il exé- cuta avec non moins de succès qu'il en avait eu pendant la campagne précédente. De Maeslricht, il gagna la Hollande pour attaquer, de concert avec le comte de Megen1, les troupes qui avaient été rassemblées par Bréderode et dont le nombre était évalué à quatre mille ou cinq mille hommes. Ces troupes furent défaites près d'Amsterdam -. D'un autre côté, le jeune comte Charles de Mansfelt était entré dans Anvers avec seize enseignes wallones5. Enfin, le 14 mars 1567, le seigneur de Beauvoir, Philippe de Lannoy, avait battu les sectaires à Austruwcel, avec son régiment. On a vu que les régimens wallons créés par Marguerite d'Autriche étaient au nombre de cinq, savoir : Celui île Cilles de Berlaimont, baron tic flicrges. Celui de Jean de Croy, conile du Rœulx. 1 La gouvernante l'avait autorise à augmenter son régiment de cinq compagnies. (Lettre du •H janvier 1507.) 2 Lettre de la gouvernante au marquis de Berghes du 24 mai 1567. 3 Van Metteren, f° 50. 16 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Celui de Charles de Mansfelt. Celui de Philippe de Noircarmes, seigneur de S1(!-Aldegonde. Celui de Philippe de Lannoy, seigneur de Beauvoir. Ces régiments, sauf celui de Philippe de Lannoy qui resta la garde per- sonnelle de la gouvernante, n'eurent qu'une existence fort courte. Le duc d'Albe, avant même qu'il fût arrivé dans le pays, avait résolu de les licen- cier. Dans une lettre du 28 juin 1566 ', datée de S'-Jean de Maurienne, il rappelle au roi Philippe II que, précédemment déjà, il lui avait écrit à ce sujet. Il ne croyait pas pouvoir compter sur des régiments nationaux pour assurer l'exécution de ses sinistres projets -. Le renvoi de ces corps qui toutefois fut limité aux régiments wallons et ne s'étendit pas aux régiments d'infan- terie basse-allemande des comtes d'Arenherg et de Megen, fut donc une des premières mesures qu'il prit, dès son entrée en fonction 3. Cette réforme s'appliqua en réalité à quatre régiments 4. § 4. Rétablissement des corps wallons par le duc d'Albe. Campagne de 1S68. Le duc d'Albe, qui avait mis tant d'empressement à se débarrasser des régiments wallons, dut bientôt se rendre à la nécessité de les reconstituer : par lettres patentes datées de la veille de Pâques 1568, il délivra des com- missions de colonels de régiments wallons à Jean de Croy, comte du Roeulx, pour dix enseignes ; à Gilles de Rerlaimont, baron de Hierges, pour dix ensei- 1 Le duc d'Albe n'arriva à Bruxelles que le 22 août. 2 Van Metteren, f° 53. 3 Mendoça , t. Ier, p. 59. 4 Lcllrc du duc d'Albe au roi du 19 octobre 1571. (Correspondance de Philippe II, publiée par M. Gacliard.) SOUS LA MAISON DESPAGNE. 17 gnes; à Gaspar de Robles-Billy pour cinq enseignes, et à Antoine de Blondel, seigneur de Beauregard, pour cinq enseignes. Le 19 août suivant, Philippe de Lannoy reçut également une patente de colonel de six enseignes '. Enfin les levées de troupes se multiplièrent successivement, de sorte que lorsque le duc d'Albe entra en Hollande pour la campagne de 1568, il avait plus de qua- rante enseignes de Wallons dans son armée 2. La levée de ces régiments wallons était motivée par l'invasion que Guil- laume d'Orange tenta d'effectuer dans nos provinces et qui commença en effet le 20 avril 1568, par l'attaque infructueuse de Rureinondc et par l'en- trée dans la Frise du comte Louis de Nassau qui obtint d'abord quelques succès et battit les troupes espagnoles à Heyligerlée (23 mai) où périt si héroïquement, à la tête de son régiment d'infanterie basse-allemande, Jean de Ligne, comte d'Arcnberg. Dès que le duc d'Albe avait eu connaissance des projets hostiles des con- fédérés, il s'était hâté d'augmenter ses ressources militaires; on voit qu'en effet l'ordre de lever de nouveaux régiments wallons coïncide exactement avec la date où le duc reçut le premier avis des desseins du prince d'Orange. Le licenciement encore récent des premiers régiments wallons avait rendu disponible quantité d'officiers et de soldats aguerris, de sorte que les nou- veaux corps créés par le duc d'Albe se constituèrent rapidement et purent prendre part à la guerre que le duc en personne fit en Frise pendant les six derniers mois de l'année 1568. Les régiments de Gaspar de Boblcs-Billy et du baron de Hierges se firent remarquer par leur bravoure à la bataille de Jemmingen et contribuèrent puissamment à la défaite du corps d'armée de Louis de Nassau. Un détachement de cinq enseignes wallones commandées par Jacques de Bryas se distinguèrent également sous Maestricht et au ravi- taillement de Middelbourg. D'un autre côté, le régiment d'infanterie basse- allemande du comte de Megen qui était à Arnheim rendit d'excellents services lors de l'attaque du château de Borxmer. Pendant le cours de cette campagne, le duc avait créé encore plusieurs régiments wallons : Christophe de Mondragon en leva un de six enseignes et 1 Archives de l'audience, liasse n° 11 14. — Van Meltcren. 2 VanMcltercn, f° 62. 18 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE seize compagnies de vieux Wallons tirés des garnisons furent réparties en trois régiments. Six furent données à Philippe de Lannoy ' et cinq à chacun des deux seigneurs Jacques de Bryas et Charles de Largilla 2. B. de Mendoca, qui assista, dans l'état-major du duc d'Albe, à toutes les opérations de cette campagne, s'exprime de la manière la plus flatteuse sur le compte des troupes wallones : « C'étaient , dit-il , tous vieux soldats dont les » colonels comme les capitaines étaient des personnes de grande valeur et » d'une expérience consommée 3. » Après la campagne de 1568, dont les succès éclatants faisaient espérer que pendant un temps assez long les confédérés ne renouvelleraient pas leurs tentatives, le duc licencia une partie des régiments wallons4, surtout ceux qui avaient été formés au moyen des soldats tirés des garnisons et qui avaient pour chefs Philippe de Lannoy, Jacques de Bryas et Charles de Lar- gilla 5. En 1569, le duc d'Albe envoya en France, au secours des catholiques, un corps d'armée commandé par le comte Pierre-Ernest de Mansfelt. On y comptait , indépendamment de quatre cornettes de reîtres et de mille cinq cents chevaux, quatorze enseignes d'infanterie wallone, entre autres, le régi- ment de Charles de Mansfelt. Ces troupes assistèrent, le 3 octobre, à la bataille de Moncontour. Elles s'y conduisirent vaillamment : c'est à l'énergie, c'est à la bravoure qu'elles déployèrent que les catholiques durent la victoire. 1 Archives de l'audience, liasse n° 1-114. — Van Metteren. — La patente de ce seigneur est du 19 août 1568. 2 Mendoca. — Voici, d'après le comte de Clonard , les noms de dix régiments wallons qui auraient été créés en 1568 : De la Motte, Gaspar de Roblcs, M. de Blondcaux, M. de Lalaing, Ch. de Mondragon, M. de Montigny, Verdugo, comte d'Egmont, comte de Boussu, comte de Megen. 3 Mendoça, t. Ier, p. 183. 4 Mendoca, t. I", p. 225. B A cette époque on voit figurer parmi les troupes qui faisaient la guerre dans les Pays-Bas un tercio de Flandre : ce n'était ni un corps wallon ni un corps bas-allemand. Le duc d'Albe l'avait fait lever en Espagne par douze capitaines qu'il avait envoyés des Pays-Bas. (Mendoça, t. Ier, p. 166. — Histoire du duc d'Albe, liv. VI.) Ce tercio de Flandre était commandé par Lopez Figuora et ce fut dans ses rangs que servit Michel Cervantes, l'auteur de l'immortel don Qui- chotte. Cervantes était passé dans ce régiment après la bataille de Lépantc; il fit avec lui la campagne de l'Archipel en 1572 et celles de la Goulottc et de Tunis en 1573. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 19 Le comte de Mansfelt perdit un bras à cette bataille. Le roi de France Charles IX écrivit à ce seigneur pour le remercier des services qu'il lui avait rendus; il l'appelait le protecteur de sa couronne ]. La princesse Anne, fdle de l'empereur Maximilien II, passa par les Pays- Bas en 4570, pour se rendre en Espagne où elle allait épouser Philippe II. Elle s'embarqua à Flessingue le 25 septembre et eut pour garde d'honneur, pendant la traversée, le régiment wallon de Christophe Mondragon qui avait été porté à huit enseignes et était resté à De venter depuis la fin de la cam- pagne de 1568 pendant laquelle il s'était illustré -. § S. Campagnes de 1572 à 1S76. Après la prise de La Brille (avril 1572), événement inattendu qui fut le signal du renouvellement de la guerre avec les confédérés, le duc d'Albe, que l'arrivée tardive de son successeur, le duc de Médina Celi, avait retenu aux Pays-Bas, prit les mesures nécessaires pour soutenir avec honneur la lutte qui s'annonçait. Entre autres troupes , il leva successivement cinq nouveaux régi- ments wallons de six enseignes, sous le commandement d'Edouard de Bour- nonville, seigneur de Câpres, de Christophe Montdragon, de Philippe de Lannoy, seigneur de Beauvoir, de Philippe de Recourt, baron de Licques, et d'un autre seigneur dont le nom n'est pas indiqué dans la correspondance du duc d'Albe avec Philippe II 3. 1 Mcndoça. — Les historiens français ont omis de constater l'utile concours que les troupes belges prêtèrent à l'armée catholique dans cette circonstance. M. Martin, dans son Histoire de France, ne daigne pas même mentionner la présence du comte de Mansfelt et des troupes wal- lones à la bataille de Moncontour. 2 Mendoça, 1. 1", p. 240. 3 Ibid., p. 2G3. — Correspondance de Philippe II, t. II, p. 246. — Le chef de ce régiment était probablement Antoine Blondel, seigneur de Beauregard, que le comte de Clonard désigne sous le nom de Blondeau. 20 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Le régiment de Philippe de Recourt fut porté peu de temps après à dix enseignes de même que celui de Christophe de Mondragon ! ; le régiment de Jean de Croy, comte du Rœulx, avait également été augmenté et porté à douze enseignes 2. Le nombre des régiments d'infanterie basse-allemande fui porté à trois dont les colonels étaient Gilles de Berlaimont, baron de Hierges, Charles de Brimeu, comte de Megen, et Maximilien, comte de Boussu, cpii eut l'ancien régiment du comte d'Arenherg. En résumé, à la reprise des hostilités, il existait sept régiments wallons, savoir : Celui du comte du Rœulx qui fut porté à 12 enseignes. Celui de Christophe Mondragon qui fut porté à 10 » Celui de Noircarmes qui était de 10 » Celui de Gaspar de Robles-Billy qui était de 10 » Celui d'Oudard de Bournonville, seigneur de Câpres, qui était de 6 » Celui de Philippe de Lannoy, seigneur de Beauvoir, qui était de 6 » Celui de Pli. de Recourt, baron de Licques, qui fut porté à . . 10 » Il existait en outre trois régiments d'infanterie basse-allemande : Celui de Gilles de Berlaimont, baron de Hierges. Celui de Charles de Brimeu, comte de Megen, Celui du comte Maximilien de Boussu. Presque tous ces régiments prirent part aux opérations de la campagne de 1572 3. La plupart assistèrent aux sièges de Harlem, de Zulphen et d'Alkmaer, au blocus de iMons et aux combats qui furent livrés dans les environs de cette place contre le corps d'armée de Genlis et contre celui du prince d'Orange qui cherchaient l'un et l'autre à porter secours aux assiégés. Lorsque ceux-ci furent enfin contraints à accepter une capitulation, ce fut le régiment de Philippe de Ricourt, baron de Licques, qui eut l'honneur d'entrer le premier dans la place conquise en franchissant la brèche. 1 Ces augmentations sont du mois d'août 1572. (Registre de l'audience, liasse n° -1115.) 2 Mendoça. 3 Mcndoça , t. Il, p. 40. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 21 De nouvelles levées de régiments wallons eurent encore lieu à la fin de l'année 1573 et au commencement de l'année suivante : Charles-Philippe de Croy-Havré forma un régiment de vingt enseignes; George de Ligne/ comte de Fauquenberg, en forma un de dix enseignes; Alonzo Lopez Gallo et le seigneur de Champagnie ' un de cinq, et Mario Carduini un de quatre -. Enfin François Verdugo remplaça comme colonel d'un régiment de sept enseignes, Robert de Harchies, seigneur de Molain, qui commandait un corps wallon levé par l'archevêque de Cambrai et dont le duc d'Albe avait sollicité le concours. D'après un document 3 dressé par le duc d'Albe , à l'époque où il quitta le gouvernement général, c'est-à-dire vers la fin de l'année 1573, il existait alors cent quatre enseignes de wallons réparties en dix colonelles dont les chefs étaient : Gaspard de Robles-Billy 10 enseignes. Gilles de Bcrlaimont, baron de Hierges i » Clirislophe Mondragon 13 >, Jean de Croy, comte du Rœulx 15 » Baron de Laittres 5 » Alonzo Lopez Gallo G » François Verdugo 7 » Pli. de Lannoy, seigneur de Beauvoir Il » Oudard de Bournon ville, seigneur de Câpres l.'i >. Ph. de Recourt, baron de Licques 15 » Plus, sous Henri de Viennes, baron de Chcvraulx. ... 1 » Quant à l'infanterie basse-allemande, elle était composée de trente-deux compagnies formant trois régiments dont les chefs étaient : Le comte Maximilien de Boussu 16 enseignes. Lancelot de Berlaimont 4, comte de Megen 10 » Gilles de Bcrlaimont, baron de Hierges (5 » 1 La patente du seigneur de Champagnie, datée du 22 février 1574, dit que ce régiment est levé pour renforcer la garnison d'Anvers. 2 Papiers de l'audience, liasse n° H 16. — Correspondance de Philippe 11, t. III, p. 24. 3 Correspondance de Philippe II, t. II, p. 437 et n° ccclii. 4 Lancelot de Bcrlaimont était devenu comte de Megen en épousant la veuve de Charles de Brimeu. Tome XLII. 1 22 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Plusieurs des régiments wallons disparurent bientôt. Ce fait est révélé par une lettre du 16 septembre 1574 du grand commandeur de Castille adressée au Roi. Il résulte de ce document qu'on n'entretenait plus , à cette époque, que sept régiments wallons dont les chefs étaient : Jean de Croy, comle du Rœulx. Gilles de Berlaimont, baron de Hierges '. Gaspard de Robles-Billy. Christophe de Mondragon. François Verdugo. Alonzo Lopez Gallo. Mario Carduini. Voici ce que disait, à la même date, le gouverneur général des Pays-Ras, sur le compte des troupes wallones : « Sans contester que les Wallons se » battent aussi bien que les Allemands et coûtent moins, il y a ceci à dire » que beaucoup passent aux ennemis et que parmi eux il y a des Liégeois, » des Français et des Lorrains sans qu'on puisse les distinguer et les recon- » naître; et ils commettent, sans comparaison, beaucoup plus de désordres » et d'insolences que toutes les autres nations réunies. Jamais l'Empereur » notre maître, ni Votre Majesté, dans les guerres qu'ils ont soutenues contre » les Français, n'eurent à leur service autant de Wallons qu'il y eu a » aujourd'hui, par la raison que, quoiqu'il y ait parmi eu de braves gens, » quand on recrute tant de monde dans des provinces qui ne sont pas très- » grandes, il doit y avoir nécessairement dans le nombre beaucoup de mau- » vais sujets. J'ajouterai que les trois régiments de Ras-Allemands (des » comtes de Roussu, de Megen et de Hierges) sont encore presque tous » vassaux de Votre Majesté 2. » C'est sans doute à cause de l'opinion peu favorable, comme on le voit, que le grand commandeur de Castille avait des soldats wallons, qu'il laissa décliner cette milice dont son prédécesseur, le duc d'AIbe, faisait tant de cas. 1 il avait reçu ce régiment en 1574, tout en conservant son régiment d'infanterie basse-alle- mande. - Rapport du 1G septembre 1574 dans la Correspondance de Philippe II. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 23 On lit en effet dans un Mémoire des choses passées aux Pays-Bas, attribué au comte Philippe de Lalaing ', que le grand commandeur « ne se servait de » nulz du pays pour l'infanterie que soubs estrangers, aiant, à faute de leur » donné moien laissé perdre et aller à néant, les régiments des sieurs de » Havrech (Havre) Monstreuil et Cbampagnie qu'il avait fait lever au com- » mencement, du moins tost après sa venue. » Quoi qu'il en soit, les régiments wallons prirent part à toutes les cam- pagnes que les Espagnols firent aux Pays-Bas jusqu'à la pacification de Gand (1576) -. Partout ils se signalèrent par leur bravoure. A la bataille de Mook (14 avril 1574) où périrent héroïquement les comtes Louis et Henri de Nassau, ils se couvrirent de gloire et, chose extraordinaire, bien que ce soit en grande partie à leur conduite que l'on dut la victoire, pas un seul soldat ne fut blessé. « Les Wallons, dit B. de Mendoça, le plus véridique et » le mieux renseigné de tous les historiens des guerres de Flandre, combat- » tirent avec infiniment d'ardeur et avec l'audace qu'ils avaient montrée » lorsque, en d'autres occasions, conduits par leurs colonels, ils avaient eu » à se mesurer avec les confédérés r>. » Les régiments wallons assistèrent ensuite pendant cinq mois au siège de Leyde et n'échappèrent pas sans pertes considérables à l'inondation qui les força à abandonner cette entreprise (octobre 1374). Ces rudes campagnes avaient considérablement réduit les effectifs des corps wallons. En consultant une situation des forces de l'armée qui porte la date du 14 janvier 1575 i, on voit qu'à cette époque le régiment de Bobles- Billy était réduit à mille quatre cents hommes; le régiment de Hierges à six cents; le régiment de Lopez Gallo à sept cents; celui de Mario Carduini à quatre cents; celui de Verdugo à mille quatre cents; celui de Mon- 1 Gaehnrd, La Bibliothèque nationale à Paris, p. 139. 2 Si les mutinés espagnols pénétrèrent dans Anvers en 1574 et commirent dans celte ville les plus grands désordres, ce fut parce que le gouverneur Requesens ordonna aux Wallons qui y étaient en garnison, notamment le régiment de Champagnie, de s'éloigner et de laisser le champ libre aux mutins. (Lettres du grand commandeur des 28 avril et 28 juin 1574 dans la Corres- pondance de Philippe II, t. III.) 3 Mendoça, t. II, p. 221. 4 Correspondance de Philippe II, t. III, p. 2i5. 24 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE dragon à deux mille cinq cent vingt ; celui du comte du Rœulx à mille quatre cents. En résumé le nombre des régiments se trouvait réduit à sept et l'effectif des enseignes ne présentait plus que la moitié tout au plus du chiffre organique. Quant aux trois régiments d'infanterie basse-allemande, ils étaient également réduits de plus d'un tiers. Cette situation fâcheuse n'empêcha pas les Wallons de prendre la plus grande part à l'expédition hardie qui fut exécutée dans la nuit du 28 sep- tembre 1575 et où l'on vit l'armée espagnole traverser à gué le bras de mer qui sépare l'ile de Schouwen de la côte, se rendre maîtresse de l'île et assiéger Zierickzée '. § 6. Manière de combattre de l'infanterie wallone. Avant de continuer l'histoire de l'infanterie wallone, nous croyons devoir donner quelques indications relatives à la manière de combattre de cette milice dont les dispositions tactiques différaient essentiellement des forma- tions modernes. L'infanterie wallone combattait généralement par escadrons ou bataillons carrés pleins. Le nombre des rangs et par conséquent des files variait selon les circonstances et surtout selon la disposition du terrain, de dix-sept "à quatre-vingts. Un escadron était formé, parfois de trois régiments, c'est-à- dire de quatre à cinq mille hommes 2. Les quatre premiers rangs étaient armés de piques; venaient ensuite deux rangs d'hommes armés de hallebardes, puis encore deux rangs armés de piques. Le centre de l'escadron était composé exclusivement de hallebardiers. Dans certains cas , les soldats étaient à trois pieds de distance entre les 1 Mendoça. — Van Metteren. — Strada. — Correspondance de Philippe II, t. III, p. 566, qui constate la participation de mille cinq cents Wallons à celte entreprise hardie. 2 Mendoca. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 25 rangs et à sept pieds d'intervalle les uns des autres; plus ordinairement, sur- tout quand on avait à résister à une cavalerie redoutable, les soldats étaient à un pas les uns des autres. Par ces intervalles passaient les hallebardiers qui venaient secourir les piquiers. Le duc d'Albe, pour donner à l'infanterie une protection plus efficace contre l'action de la cavalerie, introduisit dans les corps d'infanterie des bommes armés de mousquets , arme qui précédemment n'avait été employée que pour la défense des places *. Comme cette arme était très-lourde et difficile à manier, on ne pouvait en faire usage en campagne qu'en l'appuyant sur une espèce de fourchette en bois que le soldat plantait devant lui 2. Philippe de Clèves, dans son Instruction sur toute manière de guerroyer, nous apprend que de son temps déjà des arquebusiers étaient placés aux flancs du bataillon, sur quatre de front, afin que les piques pussent les pro- téger en les dépassant. Lorsque le premier rang des arquebusiers avait fait feu, il se retirait en arrière des trois autres rangs, démasquant ainsi le second rang qui s'avançait, faisait feu, puis se retirait à son tour au quatrième rang et ainsi de suite. Devant chaque bataillon ou escadron on plaçait les enfants perdus, c'est- à-dire un certain nombre d'arquebusiers qui tiraillaient en se tenant deux par deux 3. L'infanterie était habituellement protégée sur son front par des retranche- ments en terre ou tout au moins par des charrettes ou par des ribaudequins; le duc d'Albe couvrait les flancs des escadrons par des arquebusiers et des mousquetaires * ; en 4568, pendant la guerre de Flandre, on plantait devant ces mousquetaires certains engins qu'avait inventés Bartholomé Campi, ingé- nieur renommé de l'époque s. Les arquebusiers combattaient aussi par corps isolé lorsqu'il s'agissait 1 Mendoça, t. H, p. 49. — Clonard, Historia délia in feinter ia, etc. 2 Mendoça. 3 Philippe de Clèves, p. 77. — Montlue. — L. d'Avila. 4 Mendoça, 1. 1", p. 180. s Ibid., t. I", p. 181. — On y trouve une description détaillée de ces engins. 26 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE d'enlever une position1 ou de harceler la cavalerie; ils agissaient, dans ce cas, en tirailleurs, c'est-à-dire en ordre dispersé; ils se ralliaient lorsqu'ils étaient trop pressés par l'ennemi 2. Les arquebusiers wallons étaient très-renommés ; à la bataille de Pavie ils avaient déjà rendu de grands services ; ce fut le motif qui , à partir de cette époque, les multiplia dans les armées étrangères. Cependant les arque- buses présentaient un grand inconvénient; elles étaient hors de service lors- qu'il pleuvait. Charles-Quint en avait éprouvé les désavantages à l'expédition de Tunis. Quoi qu'il en soit, les arquebusiers wallons étaient tellement renommés qu'on les employait même à couvrir les flancs des escadrons allemands 3. 1 Mendoça, t. I, p. 20G. 2 Ibid., p. 208. s Ibid., p. 185. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 27 CHAPITRE IL HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE PENDANT LE GOUVERNEMENT DU CONSEIL D ETAT. (1S76-IS83.) 1. Mutinerie des soldats wallons. — 8 i Création de nouveaux régiments wallons. — § 3. Bataille de Gcmbloux. — § 4. Les Wallons après la bataille de Gcmbloux. — Les malcontents. — § 5. Tous les corps wallons rentrent successive- ment sous l'autorité du Roi. Mutinerie des soldais wallons. A la mort du grand commandeur de Castille qui avait succédé au duc d'Albe, l'administration du pays fut exercée au nom du Roi par le conseil d'État (22 mars au 31 octobre 1576). Le conseil d'Etat avait convoqué les états généraux dès le mois de sep- tembre. Cette assemblée ne larda pas à s'emparer du gouvernement du pays et à poser tous les actes de l'autorité souveraine. Elle siégea pendant neuf années (1576-1585). Pendant celte longue période si pleine d'agitation et de troubles où l'on prononça la déchéance du souverain, où se produisirent une foule de compétitions à l'autorité et où s'accomplirent les trahisons les plus audacieuses, il y eut nécessairement de nombreuses fluctuations dans la constitution des forces militaires et dans la composition des régiments wallons. La nature de la guerre qui se faisait aux Pays-Ras avait beaucoup relâché les liens de la discipline; l'état permanent de détresse des finances empêchait d'ailleurs de solder les troupes; de là des excès et des mutineries qui non- 28 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE seulement compromettaient le succès de toutes les opérations militaires, mais qui causaient aux populations des maux excessifs. Aussi le gouverneur général voyait-il dans ces excès la principale cause de la réprobation, de la haine dont les Espagnols étaient l'objet dans les Pays-Bas. « Quand même, » disait-il au Roi, les naturels nous aimeraient comme leurs enfants, et que » la haine pour notre nation ne fût pas le péché originel du pays, tant de » mutineries dont ils sont les témoins et les maux qu'ils en ressentent, ne » suffiraient-ils pas pour nous faire abhorrer ] ? » C'étaient surtout les soldats espagnols qui se mutinaient; ils l'avaient fait à la suite de la prise de Harlem, après la bataille de Mook, après la levée du siège de Leyde et on avait eu la plus grande peine à les ramener dans le chemin du devoir. En 1576, le conseil d'État épuisa tous les moyens de leur faire entendre raison sans y réussir et le saccagement d'Anvers avait été le résultat final de leur rébellion. Vers cette époque, les soldats wallons, qui jusque-là s'étaient toujours très-honorablement conduits, se mirent à imiter les Espagnols2. Ce fut au siège de Zierickzée qu'ils se révoltèrent à leur tour contre l'au- torité de leurs chefs. On a vu que ce siège avait été entrepris au mois de septembre 1575. Parmi les troupes qui firent partie de cette expédition, dont la conduite avait été confiée au colonel Christophe Mondragon, se trouvaient les régiments wallons du comte du Rœulx, de François Verdugo et de Christophe Mon- dragon le plus nombreux de tous, car il comptait dix-huit compagnies. Ces régiments avaient fidèlement servi pendant toute la durée de l'expédition; dans toutes les circonstances, ils avaient montré leur bravoure habituelle; aussi lorsque la ville de Zierickzée se fut rendue, est-ce à eux qu'on en avait confié la garde. Malheureusement une mutinerie éclata parmi les corps espagnols qui faisaient partie de l'armée de Mondragon et quelques jours 1 Correspondance de Philippe II. 3 Le comte Philippe de Lalaing, dans son Mémoire sur les choses arrivées aux Pays-Bas, dit : « les Espagnols firent aussi tant, par voies extraordinaires, qu'ils induirent les Wallons à » faire le mesme : chose loultesfois jamais usitée entre ceulx de ladicte nation. » Gachard, La Bibliothèque nationale à Paris, p. 140. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 29 après la reddition de la place (juin 1576), les Wallons se laissèrent aller à imiter les Espagnols et à réclamer tumultueusement l'arriéré de leur paye. Le colonel Jlondragon, en voyant la misère de ses soldats, avait le pres- sentiment de ce qui allait arriver. Dans une lettre qu'il écrivait au conseil d'État, le 8 juillet 1576, au sujet de la mutinerie des Espagnols, il appelait l'attention du conseil sur la triste situation de son régiment wallon : « je vous » veux bien dire , écrivait-il , que ceulx de mon régiment sont bien nuds , » povres et en nécessitez et qu'ils ont servi longtems et bien fidèlement » comme sont obligez ; il est juste que Sa Majesté le reconnaisse. » A peine cette lettre était écrite que Mondragon recevait avis que les soldats de son régiment s'étaient révoltés; qu'ils avaient chassé leurs officiers et annoncé que si, dans les quarante-huit heures, on ne les avait payés, ils étaient décidés à abandonner tous les postes qu'ils occupaient dans les îles hollandaises et à aller, comme venaient de le faire les Espagnols, se dédom- mager en pillant quelque bonne ville du Brabant. Ils s'étaient d'ailleurs donné un chef; ils avaient nommé des officiers et tenaient prisonnier en son logis le brave Mondragon, leur commandant. Des négociations s'ouvrirent entre ces soldats insoumis, leur colonel et le conseil d'État. On traitait en quelque sorte de puissance à puissance et avec une certaine courtoisie dans les formes : le conseil d'État conjurait mes- sieurs les soldais du régiment de Mondragon de ne point ternir la gloire qu'ils avaient acquise par leurs conquêtes et de ne pas effacer de la mémoire du monde leur gloire qui devrait être éternisée... Les mutinés, de leur côté, écrivaient à monseigneur leur colonel en le saluant, qu'ils étaient résolus à mourir, plutôt que de renoncer à une seule des cboses qu'ils réclamaient. Ils écrivaient aux très-excellents et très-honorés seigneurs du conseil d'Etat que, depuis le 12 mai 1572, jour de la création du régiment, jusqu'en 1576, ils n'avaient, pour ainsi dire, jamais été payés; qu'en conséquence ils persis- taient dans toutes leurs prétentions, décidés qu'ils étaient à mourir plutôt que d'y renoncer *. Certes on ne peut jamais excuser la révolte de soldats qui sont sous les 1 Correspondance de Philippe II , t. IV, pp. 659 et suivantes. Tome XLII. 5 50 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE drapeaux, mais on ne peut se dispenser de reconnaître que la manière dont les soldats wallons étaient traités par l'administration espagnole explique leur mutinerie dans les circonstances où elle s'est produite à Zierickzée : non- seulement ils n'avaient pas été payés depuis plus de quatre ans, ce qui les avait réduits au dénùment le plus absolu, ainsi que le constate, du reste, le colonel Mondragon dans sa correspondance avec le conseil d'État, mais ces malheu- reux abandonnés voyaient traiter différemment les soldats espagnols qui, à tout instant, se mettaient en rébellion contre leurs chefs. Cette partialité injuste se trouve révélée dans une lettre que le conseil d'État écrivit au baron de Rassenghien le 22 septembre 1576 : « Roda, dit-il, a volu tellement » maîtriser seul les deniers venus tant d'Espagne que d'Italie, qu'il n'a volu » que en fussent baillez fors aux Espagnolz, si que tous les aultres gens de » guerre sont pour touts amutinez, comme encore le sont les Walons de » Zierukzéc. ' » Les négociations avec les mutinés continuèrent jusqu'au 3 du mois de septembre sans que l'on parvint à se mettre d'accord; elles furent interrom- pues par l'arrestation du conseil d'État qui était soupçonné de pactiser avec les Espagnols. Ce coup d'État ou plutôt ce coup de main fut exécuté par le seigneur de Glymes qui était lieutenant du baron de Hèze, colonel d'un régiment wallon levé récemment par ordre des états de Rrabant - et dont il avait fait entrer quatre cent cinquante soldats dans Rruxelles. Le seigneur de Glymes, ser- gent-major du régiment de Hèze, à la tète de cent cinquante d'entre eux, avait envahi le palais où siégeait le conseil d'État et avait arrêté tous les membres présents. Ils furent relâchés quelques jours après et reprirent leurs fonctions, mais ils avaient perdu toute autorité et ce furent, en réalité, les états de Rrabant et les magistrats de Bruxelles, au nom desquels l'arrestation des membres du conseil avait eu lieu, qui gouvernèrent jusqu'au moment où les états généraux s'emparèrent définitivement de l'autorité 3. 1 Correspondance de Philippe II, p. 591. 2 Ce régiment avait été levé pour être employé « contre les émotions et séditions des gens de guerre ». 3 Correspondance de Philippe II, t. IV, p. 405. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 31 Les prétentions des mutinés ne firent qu'aller en augmentant. Dans ces circonstances les états généraux tâchèrent d'attirer les Wallons et les Bas- Allemands à leur service en leur payant leur solde arriérée. Le 1 7 octobre des instructions avaient été données à divers commissaires , avec l'approba- tion du conseil d'État, pour entrer en communication avec les mutinés et « attirer au service de Sa Majesté et desdits états quelques compagnies sous la charge de MM. de Boussu, de Hierges et de Megen '. » Des démarches analogues avaient été faites auprès des Wallons 2 qui presque tous passèrent, avec leurs chefs, au service des états généraux. Dès le 1er octobre les députés des étals avaient demandé avec instance au conseil d'État que le colonel Mondragon fût destitué et remplacé à la tête de son régiment wallon par le seigneur de Glymes. Le conseil, qui sans doute se souvenait de la conduite de Glymes à son égard, fut d'avis d'ajourner cette mesure. Ce fut aussi à l'instigation des étals que les colonels de Robles- Billy et Verdugo furent arrêtés par leurs propres soldats 5. Création de nouveaux régiments wallons. Le conseil d'État, pendant les huit mois de son administration, avait fait un assez grand nombre de nominations de colonels de Wallons et renouvelé les patentes des anciens chefs. Les archives de l'audience mentionnent les suivantes : Guillaume de Hornes, seigneur de Hèze, pour un régiment de dix enseignes. Le baron de Rêves (Adrien de Rubempré). Le comte du Rœulx. Le comte de Mansfelt. Christophe Mondragon. 1 Actes des étals généraux de 4576, t. I, p. 27. 2 Mendoça, t. 11, p. 453. 3 Ibid. 52 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLON E Florent de Berlaimont, seigneur de Floyon '. Jean de Withem, baron de Bautersem, pour un régiment de dix enseignes 2. Georges de Lalaing, baron de Ville, pour un régiment de dix enseignes 3. Philippe d'Egmont pour un régiment de dix enseignes 4. Celui du seigneur de Floyon. Paul de Noyelles pour un régiment de onze enseignes K. Robert de Melun, vicomte de Gand et de Richebourg, pour un régiment de huit enseignes 6. On était parvenu à faire cesser momentanément la mutinerie des soldats wallons, mais non celle des soldats espagnols, qui s'étaient échappés de la Hollande, avaient jeté la terreur dans le Brabant et dans la Flandre et menaçaient de s'emparer d'Anvers où commandait le seigneur de Cham- pagnie. Quatre enseignes du régiment de Floyon et quatre du régiment de 3Iondragon voulurent défendre l'entrée d'Anvers ; elles furent battues à Waelhem le 20 octobre par les Espagnols que commandait Julien Romero 7. Les états avaient envoyé dans Anvers sept enseignes du régiment de Phi- lippe d'Egmont, huit du régiment de Jean de Withem, trois du régiment du seigneur de Hèze, enfin, trois du régiment de Namur levé par ordre des états de la province. Mais ces troupes de nouvelle levée étaient mal disciplinées, nullement aguerries et ne tinrent pas devant l'intrépidité et l'audace des vieux soldats espagnols. Elles abandonnèrent les postes dont la garde leur avait été confiée et finirent, du reste, par être massacrées par les vainqueurs 8. Le marquis d'Havre qui les commandait, soit qu'il ait été retenu par des considérations ou des calculs politiques, soit pour toute autre cause, ne chercha guère à ramener ses soldats à l'exécution de leurs • Les patentes de ces colonels sont du 4 août 1576. 2 Sa patente est du 18 septembre. 3 Sa patente est du 19 septembre. * Sa patente est du 21 septembre. N Sa patente est du 5 octobre. — Van Metteren dit que le régiment de Noyelles fut levé par les états de Flandre pour se défendre contre les mutinés espagnols, f° 120. — Le 2 mai 1577, les états généraux demandèrent, et don Juan accorda, que le régiment de Noyelles et celui du comte du Rœulx fussent licenciés. (Actes des étais généraux, t. I, p. 175.) 6 Sapatcnte est du 9 octobre. 7 Van Metteren, f° 123. 8 Van Metteren, f° 124. — Mémoires de Champagnie, p. 133. SOUS LA MAISON D ESPAGNE. 33 devoirs; le comte d'Egmont fut fait prisonnier dans la déroute de son régi- ment. Le pays se trouvait alors dans une véritable anarchie et menacé d'une ruine complète par les soldats espagnols mutinés et les soldats wallons qu'on n'était pas parvenu à satisfaire, à cause de la détresse des finances. On con- state, par les actes des états généraux, l'état pitoyable dans lequel se trouvaient les soldats wallons que chacun des partis qui se disputaient l'autorité tâchait d'attacher à sa cause. La correspondance des généraux est pleine de doléances sur l'impossibilité d'employer au rétablissement de l'ordre des troupes réduites à l'état le plus misérable. Les états généraux avaient ordonné au baron de Hierges, le 18 janvier 1577, de se rendre d'Ulrecht au secours de Maestricht avec ses Wallons; le baron de Hierges répondit qu'il lui était impossible d'exé- cuter cet ordre si on ne commençait pas par payer ses soldats j. En même temps le comte de Boussu écrivait d'Utrecht que les régiments de La Marck et de Mario Carduini étaient dans le plus grand besoin; que déjà deux com- pagnies, poussées par la faim, avaient quitté leurs positions 2. Peu de jours après, le prince d'Orange, qui cherchait à détacher les troupes wallones du parti du roi, faisait offrir l'argent nécessaire pour payer les régiments du baron de Hierges, de Verdugo et de Carduini 3. Dans ces tristes conjonctures on en était venu, dans chaque province, à lever des troupes pour réprimer les excès de l'armée 4. Ce fut la guerre du pays contre l'armée du roi; elle fut marquée par d'horribles désastres. Les états généraux, dès qu'ils s'étaient emparés du pouvoir, avaient édicté quelques mesures relatives à l'infanterie wallone : un règlement du 27 mai 1566 s avait fixé à 1,322 livres le montant de la solde d'une compagnie; une décision des premiers jours de 1577 augmenta légèrement les soldes et le montant total des frais d'une enseigne fut porté à 1,653 livres. D'après ce règlement nouveau le capitaine eut par mois 63 livres de 40 gros, le lieute- 1 Actes des étals généraux, t. I, pp. 106 et 110. 2 lbid., p. 106. 3 lbid., p. 115. 4 Archives de l'audience, liasse 1 1 17.— Groen van Prinsterer.— Résolution des états généraux. 8 Dépèches de guerre, n° 569. 54 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE nant 33 livres et le sergent 8 livres; le caporal 5 livres, le corselet 8, les mousquetaire, clerc et fourrier 3, les tambours et fifre 1, non compris une paye de soldat pour chacun d'eux; enfin la paye du soldat fut portée à 7 livres. Le personnel des états-majors de régiment reçurent une augmentation proportionnée *. Mais à quoi servait-il d'augmenter le tarif des soldes, puis- qu'on manquait continuellement d'argent pour les payer? Il serait sans doute intéressant, mais il est bien difficile, sinon impossible, de se rendre compte de la destinée de chacun des régiments wallons et des régiments d'infanterie basse-allemande dans les circonstances troublées que traversa le pays à partir du moment où le conseil d'État et les états des pro- vinces entrèrent en lutte et cherchèrent, tout en affectant de rester fidèles au roi , à confisquer l'autorité souveraine. Voici sur cet objet quelques faits que l'on peut déduire des documents conservés dans nos archives et des récits souvent assez confus des histo- riens : Le duc d'Arschot avec son régiment avait occupé Anvers après le départ des Espagnols qui eut lieu le 26 mars 1577 ~2. Lorsque don Juan se fut emparé du château de Namur, lui et ses fils, dont chacun commandait un régiment wallon, passèrent dans le parti des états 3. Gaspard de Robles-Billy était resté en Frise avec son régiment. Par une lettre adressée le 24 novembre 1576 aux états généraux, les officiers et sol- dats de ce corps dénoncèrent que leur colonel ayant fait des démarches auprès d'eux pour les soustraire à l'autorité desdits états, ils l'avaient arrêté 4. Les états avaient approuvé cet acte de rébellion dont peut-être ils étaient les instigateurs et ils s'étaient empressés de donner le commandement du régi- ment à Frédéric Perrenot de Champagnie s. Ce fut ce régiment qui, au mois de septembre 1577, défit les Allemands de Van Endem qui voulaient s'emparer 1 Archives de l'audience. Liasse 1118. 2 Van Mellcren, f" 154. 3 Van Metteren, f° 158. 4 Actes des étals généraux de 1576, t. I, p. 52. — Van Metteren, f 127 V. 5 Sa patente est de février 1577. — On a vu que précédemment , en 1574, il avait déjà eu un régiment wallon de cinq enseignes. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 55 d'Anvers d'après les ordres de don Juan; ce fut encore ce régiment qui fit la conquête de Berg-op-Zoom et s'empara de Steinbergen et de Thoien le 31 janvier 1578 ». Le régiment de François Verdugo s'était également défait de son chef qui eut pour successeur Guillaume de la Marck, seigneur de Lumay. En juillet 1577, don Juan avait demandé le licenciement des régiments de Floyon 2, d'Egmont, de Hèze et de Berzèle, ce qui naturellement ne lui fut pas accordé 3, et tous ces corps passèrent au service des états. Par une lettre du 15 février 1577, le marquis d'Havre rendit compte aux états généraux qu'il avait licencié plusieurs régiments 4. D'un autre côté, le baron de Hierges avait proposé le 13 mars de licencier son régiment d'infan- terie basse-allemande ainsi que celui du comte de Megen où la désertion s'était produile 5. On voit qu'il est extrêmement difficile de savoir positivement quels sont les régiments wallons et ceux d'infanterie basse-allemande qui existaient à cette époque. Des historiens ont affirmé qu'à la bataille de Gembloux il n'y avait de régiments wallons que dans l'armée des états et que celle de don Juan n'en renfermait pas 6. Stratla, au contraire, constate qu'il y en avait un certain nombre dans l'arrière-garde de don Juan. Cela paraît probable, car Charles de Mansfelt, Mondragon, Gilles de Berlaimont et d'autres seigneurs qui commandaient des régiments wallons, étaient restés fidèles au prince et quelques-uns d'entre eux avaient, sans doute, entraîné leurs soldats avec eux. On voit, du reste, que, après la bataille de Gembloux, Gilles de Berlaimont alla occuper Bouvignes avec le régiment de Charles de Mansfelt et quatre autres compagnies wallones 7. 1 Mémoires de Champagnie. 2 Ce régiment fut cassé par une décision des états généraux du lfi juin. (Actes des états généraux , pp. 1S2 et 21 G. 3 Actes des états généraux de 1576, t. I, p. 192. 4 Actes des états généraux de 1576 , p. 128. 'J Ibid., t. I, p. 146. 6 Van Metteren, entre autres historiens. 7 Strada, t. II, p. 552. — La composition de l'enseigne wallone fut modifiée. Un arrêté du 56 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE § 3. Bataille de Gembloux. Philippe II avait nommé gouverneur général des Pays-Bas son père naturel, don Juan, le glorieux vainqueur des Turcs à Lépante; mais les différents partis qui s'agitaient dans le pays devaient rendre stériles les intentions conciliantes qu'avait ce prince en arrivant en Belgique. Il fit son entrée à Bruxelles le 1er mai 1577 et suspendit les hostilités. Mais le prince d'Orange ne négligea rien pour faire naître la défiance de la nation à l'égard du nouveau gouverneur général, dont la présence contrariait ses visées ambi- tieuses. On a prétendu que don Juan dissimulait ses projets; qu'il se propo- sait de gouverner lyranniquement d'après les instructions secrètes de Phi- lippe II et sans tenir aucun compte des traités qu'il avait conclus avec les mandataires de la nation, avant d'entrer en Belgique, traités qui stipulaient des garanties pour que les provinces restassent en possession de leurs anciens privilèges. Il est difficile de démêler la vérité à cet égard. Toujours est-il que don Juan constata bientôt qu'au milieu des intrigues qui l'environnaient, son gouvernement était impossible; il chercha alors à se procurer les moyens de faire respecter son autorité; de là, sa correspondance avec des chefs alle- mands, correspondance dont on s'empara et qui parut être la preuve mani- feste de ses intentions hostiles. Les choses en vinrent au point que, pour se conseil de guerre à Bruxelles portant la date du 18 janvier 1577 fixa cette composition de la manière suivante : Capitaine 1 Lieutenant 1 Sergeuls 2 Caporaux 4 Gentilshommes corselets . . 8 Mousquetaires 10 A reporter ... 26 Report. ... 26 Clerc 1 Fourrier 1 Tambours et fifres .... 4 Corselets 28 Soldats 200 Total .... 260 hommes. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 57 soustraire aux insultes qu'on ne lui épargnait guère, il se retira dans le châ- teau de Namur '. Alors il s'ensuivit une effroyable confusion : les états nommèrent le prince d'Orange Ruwaert du Brabant, tandis que le parti aristocratique qui n'avait nulle sympathie pour l'adversaire acharné de ses croyances religieuses, appela l'archiduc Matbias au poste de gouverneur général. Don Juan sortit alors de Namur et battit l'armée des étals à Gembloux, le 31 janvier 1578. Dès le mois de septembre précédent, les états avaient ordonné de rassem- bler leurs troupes sous Philippe, comte de Lalaing, qui, depuis la rupture avec don Juan, avait succédé à Philippe de Croy, duc d'Arschot -. Les états avaient dans leur parti les anciens régiments wallons, les vieux, dit l'historien Van Metteren, mais tous ces corps ne firent point partie de l'armée qui combattit à Gembloux. Il n'y eut là que les régiments de Cham- pagnie, de Guillaume de la Marck, seigneur de Lumay, de Mario Carduini, de Montigny, d'Egmont, de Hèze et de Glymes, et le régiment d'infanterie basse-allemande du comte de Boussu 3. Quelque temps après cet ordre de préparer l'armée, lorsque les états virent les forces de don Juan s'augmenter par le rappel des soldats alle- mands et l'arrivée des Italiens qu'amenait Farnèse, ils convoquèrent pour le 1er mars 4 578, non-seulement les bandes d'ordonnance, mais encore tous les fieffés. Don Juan ne leur laissa pas le loisir de rassembler toutes ces troupes : le 25 janvier il leur déclara la guerre, au moment où ils venaient d'inaugurer l'archiduc Matbias comme gouverneur général et le prince Guillaume d'Orange 1 Voir à ce sujet l'intéressant Mémoire sur les affaires arrivées aux Pays-Bas attribué à Philippe de Lalaing et inséré par M. Gachard dans (a Bibliothèque nationale à Paris. 2 Le duc d'Arschot avait été nommé chef de l'armée le 2 octobre 1576, et Philippe de Lalaing son lieutenant. Le duc d'Arschot conserva ce commandement jusqu'au A mai 1577. Philippe de Lalaing, lorsqu'il prit le commandement de l'armée, avait pour maréchal de camp Antoine de Gongnies, seigneur de Vendcgise-au-Bois, et pour général de cavalerie Robert de Melun, vicomte de Gand. Valentin de Pardieu, seigneur de la Motte, était chef de l'artil- lerie. 5 Van Metteren. — Mémoires d'Emmanuel de Lalaing. Tome XLII. 6 58 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE comme son lieutenant '. Le 30 du même mois eut lieu la bataille de Gem- bloux, comme nous l'avons dit. Le régiment wallon de Philibert-Emmanuel de Lalaing, baron de Montigny, qui, avec celui de Guillaume de Hornes, seigneur de Hèse, formait Pavant- garde de l'armée des états, s'était avancé dans la direction de Namur, mais après une reconnaissance qui révéla la situation des forces dont disposait don Juan, cette avant-garde se replia sur le gros de l'armée et l'on se retira vers Gembloux 2. Dans ce qu'on appelait la bataille, c'est-à-dire le corps principal de l'armée, se trouvaient les régiments de Champagnie et de Boussu avec les Allemands et les Italiens; les régiments d'Egmont et de laMarck se trouvaient à l'arrière- garde 3. L'armée des états fut battue et dispersée. Les Wallons et surtout le régi- ment de Montigny furent cités pour le courage qu'ils déployèrent, mais ils finirent par être entraînés dans la déroute générale qui termina cette triste journée. 1 Actes des étals généraux de 1S7S, p. 330. 2 Emmanuel de Lalaing dit dans ses mémoires que le régiment de Hèse n'avait pas quille Bruxelles. 5 Toutes les enseignes étaient de cent cinquante hommes (Cornejo — Chapuys). i SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 39 § 4. Les Wallons après la bataille de Gembloux. — Les malcontents. Ce serait sortir du cadre dans lequel nous devons nous renfermer et qui consiste uniquement dans la recherche des faits relatifs à l'histoire de l'infan- terie wallone que de décrire l'anarchie et le désordre qui suivirent la défaite des troupes des états à Gemhloux : tandis que don Juan, avec des renforts d'Italiens, profitait de la victoire qu'il venait de remporter pour se rendre maître de quelques villes, les états appelaient à leur aide le duc d'AIencon avec une année française et en même temps les partisans du prince d'Orange faisaient venir le palatin Jean-Casimir avec une armée allemande. Pendant que ces trois partis acharnés les uns contre les autres couvraient la malheureuse Belgique de désolation et de ruines, un quatrième parti s'orga- nisait dans les provinces wallones pour la défense de la foi catholique. Ce nouveau, ce quatrième parti, prit le nom de malcontents et rallia à sa cause les débris des régiments wallons échappés à la bataille de Gemhloux. Ces régiments qui étaient ceux de Philibert-Emmanuel de Lalaing, baron de Montigny, du comte d'Egmont, de Guillaume de Hornes, seigneur de Hèse, de Valentin de Pardieu, seigneur de la Motte, avaient été envoyés dans les villes frontières du côté de la France, mais on les y avait laissés sans solde pendant cinq à six mois, à l'instigation du prince d'Orange qui voulait arriver à la destruction complète de l'infanterie wallone dans laquelle il voyait un obstacle à la réalisation de ses projets ambitieux '. C'est alors que leur chef, le baron de Montigny, s'était rallié au parti des malcontents avec ses troupes qui formaient un corps de six à sept mille hommes. Le baron de Montigny s'empara de quelques villes de la Flandre et notamment de Menin qui devint le quartier général de son armée. Si quelques régiments wallons s'étaient jetés dans le parti des malcontents, tous n avaient pas suivi cet exemple; plusieurs étaient restés fidèles au Roi. 1 Voir le rapport sur les choses arrivées aux Pays-Bas de Philippe de Lalaing. (Gachard, La Bibliothèque nationale à Paris.) 40 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Le régiment du comte du Rœulx ne déserta pas la cause de don Juan et prit plus tard une part glorieuse au siège de Maastricht; il en fut de même des régiments que commandaient la plupart des fds du comte de Berlaimont. Nous avons dit précédemment que Gilles de Berlaimont, baron de Hierges, s'empara de Bouvignes avec ses Wallons; on constate aussi que Lancelot de Berlaimont, comte de Megen, fut chargé d'attaquer Sichem dont il s'empara le 22 février 1578. Les Bas-Allemands étaient à l'avant-garde et ce furent les Wallons qui montèrent à l'assaut les premiers !. Le régiment de Jacques de Glymes, qui avait été envoyé à Philippeville, défendit cette ville pour les états, mais il finit par capituler le 21 mai 1578 et alors il passa sans vergogne dans le parti du Roi; un corps de Wallons, dont le nom du chef n'est pas connu, défendit Diest, puis, après la reddition de la ville, passa dans l'armée de don Juan 2. On voit aussi que le régiment de Philippe de Recourt, baron de Licques, fut envoyé par don Juan, quelque temps après la bataille de Gembloux, pour soumettre à l'obéissance la ville de Matines où une révolte s'était produite. Il résulte d'un passage de Strada 3 qu'avant le retour dans l'armée royale des Wallons qui faisaient partie, sous le baron de Montigny, de l'armée des malcontents, événement dont il sera question incessamment, il existait cinq régiments wallons : un que commandait Claude de Berlaimont, seigneur de Haultpenne et quatre sous la charge du comte du Rœulx. Ce furent ces der- niers qui remplacèrent à Namur, à Mons et à Maestricht les corps espagnols qui, vers cette époque, furent renvoyés dans leur pays 4. ' Strada. 2 Ibid., t. II, p. 558. 3 Ibid., liv. XI II, p. 207. * Ibid., liv. XIII , p. 217. — Les archives de l'audience mentionnent pour les années 1578 et 1579 les régiments wallons suivants : 10 avril 1578, les régiments Florent de Berlaimont, seigneur de Floyon, dix enseignes; Gilles de Berlaimont, seigneur de Hierges, dix enseignes; Le comte du Uœulx, dix enseignes. 26 novembre 1578, Claude de Berlaimont , seigneur de Haultpenne , dix enseignes. Et en 1579, 29 mars, Valenlin de Pardieu, dix enseignes; D'Aubremonl, seigneur de Manuy, dix enseignes. 10 août, Charles de Glymes, seigneur de Florennes, dix enseignes. (Audience, liasse u° 1119.) SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. M Lorsque Alexandre Farnèse eut remplacé don Juan d'Autriche dans le gou- vernement général des Pays-Bas et dans le commandement de l'armée, il chercha, en exécution des intentions manifestées par Philippe II *, à recon- stituer une armée nationale; dans ce but il s'efforça de ramener dans le parti du Roi les Wallons qui avaient embrassé la cause des malcontents. Ce fut Valentin de Pardieu, seigneur de la Motte, qui pendant quelque temps s'était lui-même trouvé parmi les troupes du baron de Montigny, mais qui, rentré dans le parti du Roi, avait été investi du gouvernement de Gra vélines, ce fut ce seigneur, fort renommé par son adresse et son esprit subtil, que Farnèse chargea de cette négociation délicate. Après plusieurs mois de tentatives infructueuses pour amener les Wallons à composition, une convention fut enfin signée le 6 avril 1579. Le baron de Montigny promit la soumission de tous les corps wallons et la restitution des places dont elles s'étaient emparées, à condition que les troupes étrangères seraient définitivement renvoyées du pays et qu'une somme de 205,000 florins serait consacrée à payer aux Wallons ce qui leur était dû 2. L'exécution de cette convention fut assez longtemps différée par la diffi- culté qu'éprouva le prince de Parme de se procurer l'argent nécessaire 5. Finalement les Wallons de Montigny se rangèrent sous les drapeaux de Far- nèse vers l'époque du siège de Maestricht. 1 Strada, t. II. — Correspondance de Philippe II. 2 Archives du royaume. Papiers d'État et de l'audience, liasse a' 18o. 3 Les Archives du royaume possèdent tous-les documents relatifs à cette affaire. Ils sont fort curieux à consulter. On y constate, entre autres choses piquantes, que le haron de Montigny était tout aussi disposé à vendre ses troupes au duc d'Anjou et au prince d Orange qu'au roi son maître. Ce fut l'adresse parfois machiavélique de Farnèse qui amena le résultat auquel on parvint. 42 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE § 5. Tous les corps wallons rentrent successivement sous l'autorité du roi. Philippe II, en consentant au départ des troupes étrangères, y avait mis pour condition, avons-nous dit, que Farnèse lèverait, en leur place, de nou- velles troupes wallones f. Aucun document officiel n'a pu nous renseigner sur la manière plus ou moins complète dont cette recommandation fut exécutée. Pendant la période si pleine d'événements politiques et militaires qui s'étend depuis la réconci- liation des Wallons jusqu'à la mort de Farnèse 2, on voit des Wallons prendre part à presque toutes les expéditions militaires, mais il est toujours très-dif- ficile de découvrir les noms des colonelies dont il font partie. Ce qui ne paraît pas douteux, c'est que le nombre des régiments ne fut pas constant et varia, suivant les circonstances, de cinq à neuf pour les corps wallons et de deux à quatre pour les corps d'infanterie basse-allemande. Strada dit qu'en 1588, à l'époque où Farnèse préparait contre l'Angleterre une expédition qui aboutit à un grand désastre et pour l'armée et pour la flotte de l'Espagne, il restait sept régiments wallons et deux régiments d'infanterie basse-allemande 3. Les colonels des régiments wallons étaient : Emmanuel de Lalaing, marquis de Renty. Pierre de Hennin Liclard, comte de Boussu 4. Oclavio de Mansfelt 5. " Strada, liv. XIII, f- 203. - Farnèse mourut le 5 décembre 1592, à l'abbaye de S'-Vaast à Arras , en revenant de son expédition en France. 3 Strada, t. IV, p. 339. 4 En 1591 il eut le régiment du marquis de Renty, mort l'année précédente, régiment qui était de quinze enseignes. s Octavio Mansfelt mourut en juillet 1591. Le 1er octobre suivant son régiment, qui était de douze enseignes, fut donné à Claude La Bourlolte. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 43 Valentin de Pardieu de la Motte aux Bois. Robert de Ligne, comte d'Aremberg, baron de Barbançon. Claude de Rye, marquis de Varenbon, baron de Balaneon '. Antoine Grener, seigneur de Werpe. Les colonels des régiments d'infanterie basse-allemande étaient : Le comte d'Aremberg. Feu Claude de Berlaimont, seigneur de Haultpenne. Mais dans l'intervalle de huit années qui sépare la réconciliation des Wallons et le départ des troupes espagnoles de l'époque où fut préparée l'expédition conlre l'Angleterre, il y eut un état permanent de guerre où l'on voit figurer un assez grand nombre de colonels wallons qui se succédèrent probablement les uns aux autres sans qu'il soit possible de trouver des indi- cations complètes à cet égard. Un rapide exposé des événements militaires auxquels les soldats wallons ont pris part, depuis 1580 jusqu'en 1588, comblera autant que possible la lacune qui vient d'être signalée. Après le départ des troupes espagnoles qui eut lieu en février 1580, l'armée de Farnèse se trouva réduite aux corps wallons qu'il avait fallu réorganiser et compléter par de nouvelles levées. Ces corps, particulièrement ceux que commandait le comte du Rœulx -, furent répartis dans les garni- sons principales, c'est-à-dire à Namur, Maestricht, Philippeville, Diest, Sichem, etc. Les Wallons inspiraient alors peu de confiance, non-seulement parce qu'ils étaient de nouvelle levée, mais parce que leurs chefs se trouvaient plus ou moins compromis dans les différents partis qui, à cette époque, divisaient la nation. C'est ainsi qu'en 1581 plusieurs officiers, et, entre autres, Guillaume de Hornes, seigneur de Hèze, qui commandait deux régi- ments wallons, le sien et celui du comte d'Egmont, alors prisonnier, furent condamnés pour trahison et décapités 3. C'est ainsi encore qu'on avait vu 1 C'était un régiment bourguignon. 2 Jean de Croy, comte du Rœulx, mourut en 1581 et fut remplacé par son frère Eustache qui prit le titre de comte du Rœulx. 5 Le seigneur de Hèze fut décapité le 8 novembre 1581. M HISTOIRE DE L'INFANTERIE VVALLONE Emmanuel de Lalaing, baron de Montigny, abandonner le parti des états et se faire le chef des malcontents, puis passer dans le parti du Roi après avoir longtemps hésité, soit à livrer ses troupes au duc d'Alençon, soit à embras- ser la cause du prince d'Orange. Citons encore Jacques de Glymes qui, chargé de défendre Philippeville pour les états, avait livré la ville à don Juan et était passé avec son régiment wallon dans les rangs du vainqueur.... On comprend que Farnèse ne pouvait avoir une grande confiance dans des troupes dont les chefs donnaient souvent l'exemple d'une fidélité douteuse; aussi le rôle des Wallons est-il fort effacé pendant la période dont nous nous occupons. Diest et Sichem étant retombés au pouvoir des états en juin 4580, on imputa la reddition de ces places à la conduite des Wallons qui étaient chargés de les défendre '. Par contre, ce furent les soldats wallons du baron de Montigny qui reprirent Condé 2, et l'infanterie basse-allemande de Claude de Berlaimont, seigneur de Haultpenne, qui s'empara de Breda le 27 juin 1581. Les Wallons assistèrent en assez grand nombre au siège de Tournai qui a été immortalisé par le courage de madame la comtesse de Lalaing; deux de leurs colonels, Pontus de Noy elles, seigneur de Bours, et Ohigny, s'y firent tuer en cherchant à entraîner leurs soldats qui paraissent avoir montré un peu de mollesse dans cette circontance 5. On voit encore figurer des Wallons au siège d'Audenarde, en juillet 1582; Lamoral de Licques, un de leurs capitaines, y fut mortellement frappé d'un boulet 4; des Wallons prirent part aussi aux combats livrés contre le duc d'Alençon qui avait fait une nouvelle tentative pour s'emparer de nos pro- vinces (janvier 1583); à la bataille de Steenhergen (17 juin 1583) où l'armée de ce prétendant mal avisé fut complètement battue. Dans cette aiîaire les Wallons et les Bas-Allemands se conduisirent brillamment, de môme qu'au siège de Dunkerque (juillet) et de Nieuport où l'on constate la « Strada, t. 111, p. 241. 2 Ibid., p. 257. 5 Ibid., p. 298. 4 Ibid., p. 354. SOUS LA MAISON D ESPAGNE. 45 présence des soldats du baron de Montigny f, de Claude de Berlaimont, de Valentin de Pardieu et du marquis de Varembon. C'est à cette époque que Farnèse sollicita et obtint le retour de quelques régiments espagnols ; il avait d'ailleurs à pourvoir au remplacement du corps wallon qui venait d'être envoyé en Allemagne sous la conduite de Charles de Ligne, comte d'Arenberg, dans le but de soutenir les prétentions d'Ernest de Bavière au siège archiépiscopal de Cologne, contre Gebbard Truchsesqui, après avoir épousé Agnès de Mansfelt et renoncé à la religion catholique, voulait néanmoins conserver son archevêché et était naturellement soutenu dans ses prétentions par le parti de la réforme. Les Wallons et les Bas- Allemands, représentés dans le corps expéditionnaire par les régiments d'Oc- tavio Mansfelt, de Philippe de Recourt de Licques, du marquis de Varembon, du comte d'Arenberg et d'autres encore, se distinguèrent d'une manière brillante pendant cette guerre, surtout au combat qui fut livré près de Bonn. Malheureusement on a pu leur reprocher d'avoir parfois souillé leurs vic- toires par les excès auxquels s'abandonnaient, trop souvent à cette époque, les soldats victorieux 2. Quoi qu'il en soit, ces succès et l'arrivée des troupes élrangères hâtèrent la soumission des grandes villes des Pays-Bas, d'où furent définitivement chassés les Français du duc d'Alençon. Cependant Malines et Anvers étaient restés au pouvoir des états et du prince d'Orange. Malines fut repris le 19 juillet 1585 par les Wallons du marquis de Renty, du baron de Licques et de Pardieu de La Motte. Anvers, à son tour, finit par se rendre le 20 août. Quatre régiments wallons contribuèrent à cette conquête. Strada nous dit que douze enseignes de soldats wallons faisaient partie du cortège d'Alexandre Farnèse lors de son entrée solen- nelle dans la ville 3. C'était un hommage rendu à leur valeur, car les Wallons avaient com- battu au siège d'Anvers avec leur bravoure ordinaire, mais, si l'on en croit les plaintes qu'ils produisirent après que la place fut rendue, on les traita avec 1 Montigny prit à cette époque le litre de marquis de Renty. - Strada , t. III, p. 401. — Bulletin de la Commission royale d'histoire, t. I, p. 149. 3 Strada, t. IV, p. 118. Tome XL1I. 7 46 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE peu de justice. « C'est la coutume, disaient-ils, que le Flamand combatte et » que l'Espagnol en ait le fruit et que, de quelque côté que tombe le sort de la » guerre, le Flamand passe toujours pour vaincu *. » Le fait est qu'on leur devait vingt-deux mois de solde et qu'on leur en offrait deux, transaction qu'ils finirent par accepter, tellement était grande leur misère. Néanmoins ils se plaignirent énergiquement et se montrèrent peu disciplinés. On doit cependant constater, à leur éloge, que malgré les excitations de l'ennemi qui chercha à profiter de leur mécontentement bien légitime pour leur faire trahir leur devoir, ils restèrent fidèles à leur serment et continuèrent à faire leur service avec dévouement 2. Aussi Farnèse leur pardonna-t-il facilement cette sédition ; seulement deux capitaines, qui s'étaient montrés les plus récalcitrants, furent privés de leurs compagnies et envoyés en Frise pour y servir à leurs frais. Strada fait remarquer que Farnèse, ayant le projet de faire entrer les Espagnols dans la citadelle pour leur en laisser la garde, eut soin de ne pas y placer des Wallons qui peut-être n'auraient pas consenti à confier à des étrangers la sûreté de cette position importante 3. ' Strada, liv. XVI, p. 128. 2 Ibid., p. 151. 5 lbid., p. 155. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 47 CHAPITRE III. HISTOIRE DE L INFANTERIE WALLONE DEPUIS LA PRISE D ANVERS JUSQU'A LA FIN DU XVIe SIÈCLE. (1386-1600 ) 1. Campagnes d'Alexandre Farnèse dans le Nord; expéditions de 1593 en Allemague et en France, g 2. Campagnes de 1394 et de 1596. — § 3. Campagnes en Allemagne. § L Campagnes d'Alexandre Farnèse dans le Nord; expéditions de 4S95 en Allemagne et en France. La prise d'Anvers avait mis fin au gouvernement, depuis longtemps illu- soire, du conseil d'État. Farnèse tourna alors ses armes vers le Nord, fit faire le siège de Bréda, de Gueldre et de Venloo qui se rendirent en juin 4 586, puis il entreprit le siège de Zutphen et enfin celui de L'Écluse, opérations auxquelles les Wallons prirent une bonne part '. Un de leurs colonels, Valentin de Pardieu de la Motte aux Bois, perdit un bras au siège de L'Écluse. Le combat d'Engelen qui fut livré le 43 juillet 4587 par Claude de Ber- laimont, seigneur de Haultpenne, avec le concours de plusieurs régiments wallons et bas-allemands, notamment le régiment d'Antoine Grenet, seigneur de Werpe, et le régiment du comte de Megen, fut une journée très-bonorable pour les troupes belges ; malbeureusement elle devint fatale à Claude de Ber- laimont qui y trouva une mort glorieuse. 1 Strada, t. IV, p. 269. 48 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE L'année suivante fut celle où Ton essaya d'opérer une descente en Angle- terre, projet que, comme nous l'avons dit déjà, échoua misérablement. Peu de troupes belges, dix enseignes seulement, faisaient partie de cette armée d'invasion '; tous les régiments nationaux avaient été laissés dans les garni- sons. Peu de temps après le désastre que subirent, en cette circonstance, les armées de terre et de mer de l'Espagne, Farnèse dut envoyer de nouveau des troupes en Allemagne pour secourir l'archevêque de Cologne et pour l'empêcher de faire la paix avec Schenck. Ce fut Charles de Croy, prince de Chimay, qui avait joué un rôle considérable dans les événements qui s'accom- plirent dans la Flandre jusqu'à l'époque de sa réconciliation avec le Roi (1584), ce fut, disons-nous, le prince de Chimay auquel échut le comman- dement du nouveau corps expéditionnaire. Il ne parait pas que l'infanterie wallone ait fait partie de ce corps, mais l'histoire constate qu'au cours des opérations, Charles de La Rourlotte alla renforcer le prince de Chimay avec sept compagnies de Wallons qui rendirent d'excellents services 2. Elle con- state aussi qu'un corps de Wallons qui était au service de l'archevêque passa dans l'armée du prince de Chimay qui assiégea Ronn et y fit son entrée le 26 septembre 3. Après la prise de Ronn, les mêmes troupes, conduites par le comte Pierre- Ernest de Mansfelt, allèrent prendre Wachtendonck, puis Gertruydenherg. Ce furent les Wallons qui, le 10 avril 1589, entrèrent les premiers dans cette place *. Quelques mois après, le 17 septembre, le baron de Montigny, marquis de Renty, et Octavio Mansfelt, avec sept à huit cents hommes, cher- chèrent à s'emparer de Tholen et de Rerg-op-Zoom , mais cette tentative échoua. En 1590, le comte Philippe d'Egmont fut envoyé avec des troupes wal- lones au secours de la ligue, en France. Ce corps se conduisit bravement à 1 Van Metteren. Cet auteur dit, à cette occasion, que quatre-vingts compagnies flamandes furent passées en revue près de Dixmude, f° 502 v°. 2 Strada, t. IV, p. 44. 3 Ibid., p. 415. * Ibid., p. 427. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 49 la bataille d'Yvry (14 mars). Le comte d'Egmont se fit tuer, mais l'armée d'Henri IV resta victorieuse ', Pour réparer cet échec, Farnèse résolut de se rendre lui-même en France avec des forces considérables parmi lesquelles se trouvaient les bandes d'or- donnance, les régiments wallons de Jacques de Hennin, comte de Boussu, de Robert de Ligne, baron de Barbançon, de Emmanuel de Lalaing, marquis de Renty, de Charles de Croy, prince de Chimay, de Claude de La Bourlotte et d'Antoine Grenet, seigneur de Werpe, et les régiments d'infanterie basse- allemande des comtes de Berlaimont et d'Arenberg 2, Farnèse partit au mois d'août et, par une marche habilement combinée, parvint à débloquer Paris. 11 s'empara ensuite de Corbeil, puis ramena son armée aux Pays- Bas par une retraite qui lui fit non moins d'honneur que sa marche en avant 3. Toutefois il avait perdu le tiers de ses troupes par la famine et par la maladie. Les archives de l'audience renseignent plusieurs nominations qui eurent lieu en 1591 parmi les colonels des régiments wallons : Le comte de Boussu reçut, le 31 janvier, la patente de colonel du régi- ment de quinze enseignes wallones qu'avait commandé feu Emmanuel de Lalaing, marquis de Renty. Robert de Ligne d'Arenberg, baron de Barbançon, reçut le commande- ment du régiment de seize enseignes wallones qu'avait commandé feu le comte d'Egmont tué, avons-nous vu, à la bataille d'Yvry. Claude de La Bourlotle obtint le commandement du régiment wallon de douze enseignes, laissé vacant par la mort récente d'Octavio Mansfelt *. Maurice de Nassau, profitant de l'absence de Farnèse et de l'éloignement de la plus grande partie de l'armée, avait tâché de reprendre les territoires que Farnèse lui avait enlevés dans le Nord. Il s'empara donc assez facilement de Zutphen et de Deventer. Dès que le duc de Parme fut rentré de son expédition en France, il chercha 1 Van Mettercn, f° 527 V. 2 lbhl, 328. 3 lbid. 4 Liasse de l'audience, n° 1125. 50 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE à remédier à ces désastres et envoya vers Nimègue un corps de troupes dans lequel se trouvaient les régiments de feu Octavio Mansfelt et de Rerlaimont '. Mais les événements avaient pris en France une tournure telle, que Farnèse crut devoir s'y rendre de nouveau avec une armée. Il se mit en marche dans les derniers mois de Tannée 1591 ; au mois d'avril suivant il passa la Somme, fît lever le siège de Rouen le 17 et emporta Caudebec le 27. Il eut néan- moins quelques combats malheureux : dans celui du 10 mai, les deux bandes d'ordonnance que commandait le prince de Chimay et le comte de Roussu furent presque anéanties 2. C'est au retour de cette expédition que Farnèse mourut à l'abbaye de S'-Vaast \ Campagnes de 1594 et de JS96. Alexandre Farnèse fut remplacé dans le commandement de l'armée par Charles de Mansfelt, le plus illustre des généraux belges de l'époque. En 1593 eut lieu une nouvelle expédition en France. On était de plus en guerre avec l'Angleterre et avec la Hollande. C'étaient donc trois ennemis puissants avec lesquels on allait avoir à lutter. Tout le pays aurait dû s'armer, mais il était tombé dans un tel état d'apathie qu'on ne pouvait espérer de lui une résolution un peu virile. Dès le mois de février 1593, Charles de Mansfelt était parti pour la France; les régiments wallons, fort affaiblis par les expéditions précédentes, furent, tant bien que mal, complétés par des recrues. Le contingent belge fît sa jonction avec les forces du duc du Maine le 15 mars. On s'empara de Noyon le 31, puis de S'-Valery, mais l'indiscipline des troupes qu'on ne pouvait payer, empêcha toute entreprise ultérieure. 1 Van Mettcren, f° 354. 2 Ibid., 1° 339. 3 Farnèse mourut le 4 décembre 1592. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 51 Pendant ce temps, Maurice de Nassau continuait de remporter des succès dans les Pays-Bas; il avait mis le siège devant Gerlruidenberg. Le vieux prince de Mansfelt fit ce qu'il put pour s'opposer aux succès de l'ennemi, mais ses ressources militaires avaient été fort diminuées par l'envoi en France d'une partie de l'armée. Outre quelques corps espagnols et alle- mands, il n'avait à sa disposition que les régiments wallons du seigneur de la Motte, de Rasse de Gavre, seigneur de Frezin, et du prince de Cliimay, et l'infanterie basse-allemande des comtes de Soltz, d'Arenberg et de Berlai- mont. II forma un nouveau régiment wallon qu'il donna au marquis d'Anvers et réunit ses troupes dans les environs de Turnhout, mais il ne parvint pas à empêcher la chute de Gertruidenberg. Sur ces entrefaites, l'archiduc Ernest était arrivé pour exercer le gouver- nement général des Pays-Bas. Philippe II lui avait accordé un renfort consi- dérable de troupes espagnoles et italiennes. Ce secours était d'autant plus nécessaire que les corps qui se trouvaient dans les Pays-Bas étaient en pleine décomposition tant l'indiscipline et la démoralisation avaient fait de progrès. Les régiments wallons, comme les autres, avaient été entraînés dans la révolte et la désertion !. Voici le triste tableau qu'a tracé d'Assonleville, un des membres éminents du conseil privé, de la situation dans laquelle se trouvait l'armée : « La » milice, disait-il, est en tout et partout tant corrompue, qu'il n'y a nulle » forme, règlement ni conduite, y obstant une licence effrénée de faire ce » que chacun veut, sans obéissance, respect, justice ni chastoi, ayant perdu » la plupart des capitaines et soldats, l'honneur et volonté de bien faire, ne » servant les gens de guerre qu'à épuiser et consumer les trésors de Sa » Majesté, lui faire perdre réputation, manger et affoler son peuple, se trou- » vant icelle chargée de très-grandes mises, la plupart inutiles, et ses sujets » appauvris et désespérés par une infinité de capitaines, enseignes, officiers » et gens débauchés et de nul service, avec une multitude de femmes, enfants, » goujats et bagage de toute manière, n'apportant que désordre, empèche- 1 C. Coloma. 52 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE » ment et confusion, y joint les exactions que chacun fait impunément *. » Le premier soin du nouveau gouverneur général fut de tâcher de recon- stituer l'armée nationale; il introduisit des changements dans la composition des régiments wallon?. On trouve dans les archives de l'audience que Eu- stache d'Ongnies, seigneur de Gruyson, et Antoine Coequel furent chargés de lever deux nouveaux régiments 2. Mais les événements ne laissaient pas le temps d'accomplir les réformes qu'il jugeait nécessaires pour rendre à l'armée le prestige qu'elle avait toujours eu précédemment. Rien qu'à cette époque, Henri IV fut en train de se rendre maître de tout le royaume de France, Philippe II, qui se considérait toujours comme pré- destiné à comhatfre les ennemis de l'église catholique, voulut qu'on continuât à lui faire la guerre. Charles de Mansfelt, avec un faible corps d'armée dans lequel figuraient les régiments wallons de La Rourlotte et du comte de fioussu, chercha à continuer ses opérations. Il se montra comme toujours général habile, s'empara le 9 mai 1594 de la Capelle, et livra, devant Laon, un combat où l'infanterie wallone se distingua beaucoup, mais là se borna la campagne. Sur ces entrefaites, l'archiduc Ernest, étant venu à mourir, fut remplacé provisoirement par le comte de Fuentes qui parvint à relever un peu le moral des troupes et les conduisit à la victoire. II s'empara de Doullens, arrêta les progrès de Maurice de Nassau en Frise et fit assiéger Cambrai par de La Rourlotte qui, avec le courage énergique de son régiment wallon, se rendit maître de cette place. Au commencement de l'année suivante l'archiduc Albert vint prendre le gouvernement général de nos provinces et son premier soin fut de réorga- niser l'armée qu'il réunit, à cet effet, dans un camp près de Valenciennes. Dans le dénombrement des troupes qui étaient rassemblées dans ce camp on trouve les régiments wallons de La Rourlotte, d'Eustache d'Ongnies, seigneur 1 Advertissement touchant le redressement des pays de pur deçà , donné à Son Altesse par M. le conseiller d'A ssonleville, incontinunt d'abord après l'arrivée d'y celle en ces pays. (Archives du royaume, Documents historiques , t. XVI, p. 17. 2 Dans les Actes des états généraux de 1600, publiés par M. Gachard, il est dit que les archiducs venaient de le nommer colonel d'un régiment de deux mille hommes, à lever moitié en Artois, moitié eu Hainaut, p. 524. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 53 de Gruyson ', du comte de Buquoy, de Jean-Charles de Gavre, baron de Fresin et d'Antoine Cocquel. Ces cinq régiments présentaient un effectif de six mille hommes 2. L'archiduc Albert entra en campagne dès le commencement du mois d'avril 1596; deux régiments wallons furent envoyés à Cateau-Cambrésis pour menacer La Fère; les autres marchèrent avec l'armée. Le régiment du colonel de La Bourlotte s'empara facilement de Calais, ce qui fit tomber La Fère au pouvoir des Espagnols. Ce fut encore un triomphe pour l'infanterie wallone 5 qui, peu de jours après, se distingua de nouveau au siège d'Ardres. Les troupes furent réparties alors dans les différentes forteresses de la fron- tière méridionale : le colonel Antoine Cocquel occupa Hesdin comme com- mandant. Ses Wallons passèrent sous le commandement de Charles deLalaing, sire d'IIachicourt. L'archiduc Albert entreprit le siège de Hulst dont il chargea le colonel La Biche. Cet officier, cité parmi les plus braves Wallons, prit le comman- dement de cette place après l'avoir conquise. L'archiduc, étant rentré dans les Pays-Bas, après cette heureuse campagne, fit plusieurs changements dans son armée : le régiment d'infanterie basse-allemande du colonel Tesselingen fut donné au seigneur de Barbançon dont le régiment wallon fut dissous et réparti dans les autres corps wallons qui n'étaient plus qu'au nombre de quatre, savoir : celui de Charles de Lalaing, sire d'Hachicourt, celui de Jean de Gavre, baron de Fresin, celui du comte de Buquoy, enfin celui d'Eustache d'Ongnics, seigneur de Gruyson. Au commencement de l'année suivanle, eut lieu le comhat de Turnhout (24 janvier); deux régiments wallons s'y battirent vaillamment. Claude de Bys, comte de Varax, qui était maître de camp général de l'armée, fut tué dans ce comhat. Le traité de Vervins, signé le 2 mai 1598, ramena momentanément la paix entre la France et l'Espagne, mais il restait un ennemi redoutable : les Provinces-Unies personnifiées dans Maurice de Nassau. 1 Sa patente de colonel est du 27 avril 1596. (Audience, liasse n° 1125.) 2 Verstraten, Histoire militaire de la Belgique, t. IV, p. 47G. 3 C. Coloraa. Tome XLII. 8 M HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE § 3. Campagnes en Allemagne. L'histoire de l'infanterie wallone serait incomplète si Ton se bornait à observer ce qui se passait à cette époque dans les provinces des Pays-Bas. En 1594, l'Allemagne était menacée par le débordement des invasions turques. L'empereur Rodolphe, pour opposer une barrière au torrent qui déjà avait envahi presque toute la Hongrie, fit un appel pressant au gouver- neur général des Pays-Bas pour obtenir qu'on lui envoyât des généraux expérimentés et des soldats !. « La Relgique, dit avec raison l'historien du » comte de Tilly, passait alors pour la meilleure école militaire de l'Europe. » Pas un gentilhomme qui ne se fit gloire d'y avoir fait ses premières armes, » pas un capitaine qui ne tînt à honneur de s'y être formé sous les leçons » des d'Albe, des Juan d'Autriche, des Farnèse. C'est là que s'étaient » aguerris ces redoutables bandes wallones, la gloire de l'Espagne, la ter- » reur de ses ennemis, dont la vieille renommée vint s'ensevelir avec » Fuentes, dans les champs de Rocroy. C'est là que s'était créée cette pépi- » nière féconde en vaillants et habiles généraux d'où sortirent successivement » Charles de Mansfelt, Basta, Bucquoy, Tilly et tant d'autres chefs illustres » dans la guerre de Trente ans 2. » Citons encore comme un témoignage de la réputation de supériorité mili- taire dont jouissaient les troupes wallones, la page suivante de l'historien Sismondi : « Les Italiens, comme les Espagnols, comme les Wallons, en face de l'en- » nemi, unissaient un calme, un aplomb imperturbables à une bravoure » éprouvée. Leurs capitaines étaient toujours assurés de la précision de tous » leurs mouvements, de l'exécution scrupuleuse de tous les ordres qu'ils don- » liaient. Rien ne les troublait jamais, pas plus l'enthousiasme que la peur. Il 1 Archives du royaume. Secrctairerie d'État allemande, correspondance de Rodolphe. 2 Comte de Villermont, Tilly ou la guerre de Trente ans. SOUS LA MAISON DESPAGNE. oS » y avait dans ces vieilles bandes peu d'élan, peu d'inattendu, peu d'inven- » tion; mais le déploiement complet de toutes les forces, de toute l'énergie » d'un homme calme, pouvait être calculé avec autant de précision que la » portée de son mousquet. Les armées de Henri IV ne ressemblaient nulle- » ment à celles de Philippe II. Pendant quarante ans de guerres civiles (les » Pays-Bas en avaient eu au moins autant), la France avait usé tous ses » vieux soldats et elle n'avait point formé de vieux corps qui fussent » empreints de leur esprit Il n'y avait donc dans les armées françaises » point d'esprit et d'honneur de corps, point d'habitude de servir ensemble, » point de confiance de chacun dans le sangfroid, dans la stricte obéissance » de tous ses camarades et partant lorsque venait le moment du danger, » point d'obéissance, point d'immobilité Aussi, après tant de combats qui » auraient dû les éprouver et les aguerrir, les fantassins français étaient » encore les plus mauvais qui parussent en bataille. Leur infériorité était » reconnue, était avouée, quand on les comparait soit aux Espagnols, aux » Italiens et aux Wallons de Philippe, soit aux Anglais, aux Allemands et » aux Suisses qui servaient dans leurs propres armées. Aucun général français » n'osait se hasarder en campagne s'il n'était appuyé par quelque corps » auxiliaire de l'une ou de l'autre de ces trois nations. Les Anglais que » Henri IV demandait avec tant d'instances à Elisabeth et qu'il croyait si » essentiel de réunir dans ses armées quoiqu'ils ne fussent jamais plus de » trois ou quatre mille et qu'il ne dût pas être difficile de les remplacer par » autant de Français, avaient eu, ce me semble, moins que ces derniers, » l'occasion d'acquérir des habitudes militaires 1 > Ces appréciations si flatteuses pour les milices wallones et dont on pour- rait trouver de nombreux témoignages dans les historiens de presque tous les pays, expliquent l'empressement que tous les souverains mettaient à sol- liciter le concours des soldats wallons chaque fois qu'ils se voyaient engagés dans une guerre sérieuse comme celle qu'avait à soutenir l'Allemagne pour se débarrasser des invasions turques -. 1 De Sismondi, Histoire des Français. 2 « En la Flandre, » dit aussi Basta, « il suffise de nommer ceste province es discours de ii guerre, comme la plus parfaite eschole des valeureux et prudens guerriers. » 56 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Le gouverneur général des Pays-Bas satisfit à la demande de l'empereur Rodolphe par l'envoi de Charles de Mansfelt avec un corps de troupes parmi lesquelles se trouvaient deux mille hommes d'infanterie wallone. Charles de Mansfelt, élevé par l'empereur à la dignité de prince et de commandant de l'armée impériale en Hongrie, justifia pleinement la con- fiance que l'on avait dans sa valeur et dans ses talents militaires : il battit les Turcs et, avec ses Wallons, leur prit la place importante de Strygonie-Gran. Malheureusement huit jours après son triomphe, il fut enlevé par une épi- démie qui décimait son armée (12 août 1595). Le duc de Mercœur (Philippe-Emmanuel de Lorraine Vaudemont), qui prit alors le commandement des armées impériales, se hâta de s'adresser aux Wallons pour former le corps d'élite dont il voulait se faire suivre en Hongrie et pour avoir un lieutenant capable de le seconder dans sa mission difficile. Un Belge illustre, le comte de t'Serclaes Tilly, qui avait fait ses premières armes dans le régiment wallon d'Octavio de Mansfelt et qui devint plus tard le héros de la guerre de Trente ans, fut l'officier général auquel le duc de Mercœur s'adressa et qu'il chargea de lever deux régiments wallons, l'un d'infanterie et l'autre de cavalerie. Comme à la même époque le gouvernement général des Pays-Bas faisait, pour son propre compte, des enrôlements nécessités par la guerre contre les Provinces-Unies, Tilly ne parvint à recruter qu'une partie des troupes qu'il avait mission de conduire en Hongrie. Le faible contingent qu'il put emmener n'en rendit pas moins de très-grands services, notamment dans une bataille livrée dans la vallée de Lormos où il dispersa, par l'énergie de ses attaques, un corps nombreux de Turcs; il se distingua aussi pendant la belle retraite que le comte de Mercœur fit de Canissa à Raab, en présence de toute l'armée turque. Mais ces combats n'étaient que le prélude des grands événements mili- taires qui allaient s'accomplir quelques années plus tard, en Allemagne, en Bohème et en Hongrie et dans lesquels les Wallons devaient conquérir la grande renommée militaire qui en fit les soldats les plus redoutés de l'Europe. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 57 CHAPITRE IV. HISTOIRE DE INFANTERIE WALLONE DEPUIS SA RÉORGANISATION FN 1600, JUSQU'AU COMMENCEMENT DE LA GUERRE DE TRENTE ANS. (1600-1618.) 1. Réorganisation de l'infanterie wallone. — § 2. Bataille de Nienport; siège d'Ostemle; guerre de Juliers. - § 3. Les Wallons en Allemagne. — § 4. Les Wallons en Italie. § 1. Réorganisation de l'infanterie wallone. Nous arrivons à une époque importante de l'histoire de l'infanterie wallone. On a vu que sous l'influence de circonstances diverses, elle était fort dégé- nérée de ce qu'elle avait été pendant les campagnes du duc d'Àlbe. Dès que l'archiduc Albert se trouva en quelque sorte le souverain du pays, il s'occupa, de concert avec les états généraux, de la réorganisation de l'armée nationale '. 1 Dans une lettre adressée au président de la Commission royale d'histoire relative à sa visite aux Bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, M. Gachard parle d'un mémoire adressé à l'archiduc Albert, au mois d'avril 4600, et qui traite du rétablissement de l'infanterie wallone, laquelle, selon l'auteur, coûterait moins que les gens de guerre étrangers et assurerait mieux la défense et en même temps la tranquillité du pays. II rappelle la bravoure connue des Belges, l'estime que faisait d'eux Charles-Quint, les services qu'ils lui rendirent, et il dit, à cette occasion, que l'Empereur s'étant trouvé au centre de l'Allemagne entouré d'ennemis et exposé aux plus grands dangers, ce furent les Belges qui volèrent à son secours et le délivrèrent. [Bulletin de la Com- mission royale d'histoire, t. IX, p. 2C9.) §8 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Voici les bases de cette réorganisation : l'ensemble des forces militaires, pour les temps ordinaires et sans préjudice des augmentations que les cir- constances pourraient exiger, fut fixé, outre les garnisons ordinaires de villes et places de guerre, à dix mille hommes de pied, naturels des pays patrimo- niaux, c'est-à-dire Wallons, Bas-Allemands et Bourguignons, et à trois mille hommes de cavalerie, représentés par les bandes d'ordonnance. Le nombre des régiments d'infanterie qui depuis plus de trente ans avait été ordinairement de sept, fut réduit à cinq. Chacun d'eux devait être com- posé uniformément de dix compagnies de deux cents hommes '. La première compagnie d'un régiment était appelée la compagnie colonelle; elle avait pour capitaine le colonel même qui recevait une patente spéciale pour ce commandement et cumulait la solde de capitaine avec ses émoluments de colonel. Chaque compagnie comprenait : Un capitaine. Un lieutenant. Deux sergents. Cinq fourrier, chirurgien, chapelain et tambours. Huit caporaux. Trente-cinq mousquetaires. Cinquante corselets. Quatre-vingt-dix-huit arquebusiers. Le nombre des mousquetaires fut augmenté plus tard. On lit à ce sujet dans une lettre de Philippe III, du 40 septembre 1616 : « J'ai appris que Votre Altesse a ordonné que dans les compagnies d'infanterie wallone il y eût cinquante mousquetaires, tandis que les compagnies espagnoles n'en ont que trente. » L'archiduc Albert répondit au roi : « Le nombre des mousquetaires a été augmenté dans les compagnies d'infanterie wallone parce que cette nation manie le mousquet mieux de toute autre. » L'archiduc aurait pu ajouter que les compagnies d'infanterie wallone étant de deux cents hommes, les cinquante 1 Comte de Clonard, t. IV, p. 269. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. S9 mousquetaires ne formaient que le quart de l'effectif, tandis que les trente mousquetaires des compagnies espagnoles qui n'étaient que de cent hommes, formaient à peu près le tiers de l'effectif. Chaque régiment d'infanterie avait un état-major où figuraient : Un colonel. Un lieutenant. Un sergent-major. Un adjudant. Un quartier-maitre. Un tambour-major. Un prévôt. Un clerc. Quatre hallcbardiers. Avant le nouveau pied qu'introduisit l'archiduc Albert, les soldes men- suelles étaient fixées comme suit : Capitaine 95 florins. Aller ou lieutenant 45 » Sergent 17 i » Chapelain, tambour et fifre 10 florins. Fourrier et chirurgien 15 » Arquebusier 7\ » Corselet 10 florins. Mousquetaire 12 En outre, une compagnie complète avait une indemnité de 20 p. °/0 et les caporaux chacun 2 philippus * en sus de la solde de mousquetaire. D'après un tanteo, espèce de budget établi par les états généraux, les soldes furent fixées au taux suivant : Colonel 400 florins. Lieutenant 200 » Sergent-major 100 » Adjudant 50 » 1 40 philippus faisaient 100 florins. 750 florins 50 » 50 » 20 » 70 » 940 florins 60 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Report Quartier-maître. ....... Prévôt Tambour- major Hallebardiers. . Clerc et officier . De sorte que 1 etal-major d'un régiment coûtait. Les soldes des compagnies furent fixées au taux suivant : Capitaine 200 florins. Lieutenant 100 » Deux sergents, à 50 florins 60 » Fourrier, chirurgien, chapelain et deux tambours, à 10 florins 50 » Huit caporaux, à 15 florins 120 » Trente-cinq mousquetaires, à 12 florins 420 » Cinquante corselets, à 11 florins 550 » Quatre-vingt-dix-huit arquebusiers, à 10 florins . . 980 » Chaque compagnie coûtait donc 2,480 florins. Les dix compagnies coûtaient 24,800 » Solde de 1 etat-major 940 » On voit que le régiment coûtait 25,740 » Et que les cinq régiments coûtaient 128,700 fl. par mois. L'archiduc adopta ces tarifs, sauf en ce qui concerne les mousquetaires et les corselets dont les soldes furent portées respectivement à!5etàl2j- florins. Indépendamment des cinq régiments d'infanterie wallone, il y avait l'infan- terie des garnisons ordinaires qui n'était pas enrégimentée, mais formait des compagnies plus ou moins nombreuses suivant l'importance de la ville à garder. Il y avait : Des compagnies de trois cents hommes à Thionville et à Gravelincs. Une compagnie de deux cents hommes à Philippeville. Des compagnies de cent cinquante hommes à Damvillers, Montmédy, Arras, Bapaume, Hesdin et Tournai. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 61 Des compagnies de cent vingt -cinq hommes à Marienbourg , Avesnes, Lan- drecies, le Quesnoy et Charlemont. Des compagnies de cent hommes à Namur, à S'-Omer et à Hesdin. Des compagnies de cinquante hommes à Renty et à Bouchain. C'étaient là les vieilles et ordinaires garnisons; elles présentaient un effectif de deux mille huit cent vingt-cinq hommes et occasionnaient une dépense annuelle de 303,036 florins. Eu égard à l'état de guerre dans lequel on se trouvait en 1600, il y avait des garnisons extraordinaires dans un grand nombre de villes, savoir : Des compagnies de trois cents hommes à Lingen et à Gueldre. Des compagnies de deux cents hommes, à Waes (quatre), à Hulst (trois), à Maeslrich (deux), à Leeuwe, Dambrugge, Ordam, Limbourg, Dam-S'- Georges, Cazant, Isenduquc et S'-Philippe. Des compagnies de cent cinquante hommes à Strate et à Blankcnberghe. Une compagnie de cent vingt-cinq hommes à Vcnloo. Des compagnies de cent hommes, à Bois-le-Duc (deux), à Bouchain et à Malines. Des compagnies de cinquante hommes à Hoogstraeten , Wouwe, Carpen et Weerth. Des compagnies de vingt-cinq hommes à Helmont, Eyndoven, Boxtel et Hesewyck. Ces compagnies extraordinaires présentaient un effectif de cinq mille quatre cent vingt-cinq hommes et occasionnaient une dépense de 53,484 florins par mois. Voici quelle était la constitution des compagnies de garnison. La compa- gnie de trois cents hommes avait Un capitaine. Un lieutenant. Deux sergents. Six caporaux. Deux tambours. Un trésorier. Un fourrier. Dix appointés. Quarante-huit mousquetaires. Quarante-huit corselets. Cent quatre-vingts arquebusiers. Tome XL1I. 9 62 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Pour les compagnies d'un moindre effectif, les cadres étaient les mêmes; les chiffres des caporaux, des appointés, des mousquetaires, des corselets et des arquebusiers variaient seuls. Les soldes mensuelles étaient : pour le capi- taine 10" florins, pour le lieutenant 47 florins, pour le sergent 20, pour le caporal 14, pour le tambour 9, pour le trésorier et le fourrier 10, pour l'appointé 14, pour le mousquetaire 9, pour le corselet 8 et pour l'arque- busier 7 livres ou florins. Lorsque les soldats voyageaient isolément pour se rendre du lieu où ils avaient été recrutés, au corps auquel ils appartenaient, on leur payait 6 à 7 patars par jour de marche pour éviter qu'ils ne fussent une charge pour les habitants. Cette mesure avait été vivement recommandée par les états généraux. Quelque temps après cette réorganisation et en vertu d'un ordre venu de la cour d'Espagne, mais qui avait été provoqué par l'archiduc *, les régiments wallons et bourguignons durent prendre le nom de tertio ou terce ~ comme les régiments espagnols et italiens; le titre de colonel fut changé en celui de meslre de camp et celui de lieutenant-colonel en celui de sergent -major. En même temps, les prérogatives des chefs de corps, des anciens colonels, furent amoindries; il ne leur fut plus permis, comme par le passé, de choisir leurs officiers; ce choix fut réservé au souverain pour tous les offices exercés en vertu d'une patente royale. Ces changements excitèrent des plaintes très-vives parmi les anciens colo- nels wallons qui étaient alors le comte de Fresin, le comte de Ruquoy, les seigneurs de Gruyson et de Catrix et le marquis de Varembon, chef d'un régiment bourguignon. Ce dernier se retira et son régiment fut donné à son frère Claude de Rye, comte de Varax; plusieurs lieutenants-colonels préfé- rèrent aussi de se retirer que de prendre le titre de sergent-major 5. 1 Le rapport de l'archiduc relatif à cet objet est daté de Nieuport le C mars 1602. 2 Le terze ou lercio, dit le général Bardin dans son Dictionnaire de l'armée de terre, donne l'idée de ce qu'était un régiment avant qu'il fût divisé en bataillons. Le terze était à la fois un bataillon et un régiment, portait le nom de son commandant ou de son colonel, ou de son pays. 11 était composé, partie de piquiers, partie d'arquebusiers. — En manœuvres, les piquiers y étaient en carré plein que bordait un double rang de mousquetaires. 3 Voir à ce sujet : Christophe de Bonours, Mémorable siège d'Ostende. Bruxelles, 1078, à la Bibliothèque royale, et les Mémoires guerriers de Charles-Alexandre de Croy. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 63 En suite de la nouvelle organisation, les régiments de Charles Bonaventure de Longeval, comte de Buquoy *, d'Eustache d'Ongnies de Gruyson 2, de Nicolas de Catrix 5, de Jacques Bruquet, seigneur de Thoricourt, prirent le nom de tertio, le 1er mai 1602; celui du marquis de Varembon, qui passa au baron de Balançon 4, prit ce nom le 24 juillet; celui de Charles de Lalaing de Hachicourt 5 prit le nom de tertio le 28 février 1603 6. Les réformes dans l'organisation de l'infanterie wallone, qui devaient réduire cette milice à cinq régiments ou tercios, ne furent pas toutes exécutées, ou du moins elles ne le furent pas immédiatement. C'est ainsi qu'en 1605 il existait encore sept tercios wallons dont les chefs étaient : le comte de Boussu, Bené de Chalon, le seigneur de Thoricourt, Louis d'Aranda, le sieur de Thorres, le seigneur de Hachicourt et le baron de Fresin. Tous ces tercios n'étaient pas non plus uniformément de dix compagnies; les tercios du comte de Boussu et de Bené de Chalon 7 en avaient douze; celui d'Aranda n'en avait que sept. ' Le comte de Buquoy avait été nommé colonel par patente du 27 avril 1596. Avant été nommé général de l'artillerie en 1603, son tercio wallon fut donné au sieur de Torres ou Thorres. 2 Eustaehe d'Ongnies étant devenu gouverneur d'Ostendc, son tercio fut donné, le 4 juillet 1605, au comte Maximilien de Hennin de Boussu (Archives de l'audience, liasse n° 1127), qui le conserva jusqu'en 1625? 3 Ce régiment était celui que Claude de la Bourlolte avait commandé jusqu'en 1600. De la Bourlotte avait succédé à Oclave de Mansfelt. Nicolas de Calrix étant mort en 1604, le tercio fut donné à René de Chalon à qui on le retira en 1606. Ce tercio fut donné alors au seigneur de La Motlerie, Claude de Lannoy, qui fut remplacé en 1616 par Philippe-Charles de Ligne-Aren- herg, duc d'Arschot, lequel, après quelques mois, fut appelé à lever un régiment bas-allemand dans le Luxembourg. Le tercio passa alors à Bernard de la Fontaine. 4 Archives de l'audience, liasse n° 1 146. Louis ou Jean de Aranda remplaça le baron de Balan- çon le 11 mai 1604. 5 Charles de Lalaing, baron de Hachicourt, prit, à la mort de son frère, le titre de comte de Hoogstraten. Hachicourt et Hoogstraten désignent donc le même régiment. G Le 1er mars 1602, Jacques de t' Serclaes, frère du célèbre Jean de Tilly, fut nommé colonel d'un régiment de dix enseignes liégeoises. (Archives de l'audience, liasse n° 1146.) 7 D'après Van Mctteren, René de Chalon perdit son régiment en 1606 à cause de sa con- duite à L'Écluse; il semble cependant résulter des archives que ce fut Ernest de Mansfelt qui, dans cette circonstance, fut destitué de son grade de colonel. 64 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE § 2. Bataille de Nieuporl; siège d'Oslende; guerre de Juliers. Le traité de Vervins, qui avait fait cesser la guerre contre la France et l'Espagne, n'avait pas arrêté les hostilités de la part des Hollandais, et la guerre aurait continué, de ce côté, avec des succès variés. L'amiral d'Aragon conquit quelques villes, mais par contre les troupes de Maurice de Nassau s'emparèrent de plusieurs positions importantes et notamment des forts Sl-André et de Crevecœur. Ces forts étaient occupés par des soldats du régi- ment bas-allemand de Biglia et du régiment wallon de Catrix qui, n'ayant pas été payés depuis longtemps, ne défendirent pas les postes à la garde desquels ils étaient préposés. En présence des progrès que faisaient les Hollandais, l'archiduc Albert se hâta de rassembler toutes les troupes dont il pouvait disposer, ce qui lui donna une armée de douze mille fantassins et de mille cinq cents chevaux '. Cinq tercios wallons y figuraient 2 ou tout au moins les régiments du comte de Buquoy et de la Bourlotte. Il y avait en outre quelques enseignes d'in- fanterie basse-allemande des régiments des comtes de Bergh et de Ber- laimont, du baron de Barbançon et du régiment bourguignon du marquis de Varembon 5. Le 2 juillet, l'archiduc marcha à la rencontre de l'ennemi : son dessein était de l'empêcher de se retirer à Ostende ou de s'embarquer. Il ne tarda pas à apercevoir un gros détachement de l'armée hollandaise; ses troupes l'attaquèrent; elles mirent à mort mille huit cents à deux mille hommes, s'emparèrent de deux pièces d'artillerie et de plusieurs drapeaux, sans avoir subi aucune perte. Le reste de l'armée ennemie se trouva coupé. Ce premier 1 D'autres relations disent que l'armée de l'archiduc Albert ne comptait que sept mille cinq cents à huit mille fantassins et mille quatre cents chevaux. (Gachard, Bibliothèque de Madrid, etc., p. 144.) 2 Van Mctteren. 5 Monlpleinchant, p. 211. (Éd. de la Société de l'Histoire de Belgique.) SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 63 succès excita l'ardeur des troupes hispano-belges ; aussi presque tous les généraux furent d'avis de livrer bataille *. On livra donc la bataille de Nieuport (juillet 4600) où les troupes de l'archiduc furent battues - et où le colonel Claude de la Bourlotte trouva une mort glorieuse en défendant le fort Isabelle. Un autre officier wallon , Nicolas Catrix, se conduisit valeureusement et reçut, en récompense de sa bravoure, le commandement du régiment de la Bourlotte 5. Au mois de juillet 1601, l'archiduc Albert entreprit le siège d'Ostende qui dura jusqu'au 20 septembre 1604. Lors de l'investissement de la place, le 5 juillet, les régiments wallons de Charles de Lalaing, baron d'Hachicourt i, d'Euslache d'Ongnies, seigneur de Gruyson, de Nicolas Catrix et de Rasse de Gavre, baron de Frezin, de même que le régiment bourguignon deVarembon, formaient h bataille; à l'arrière-garde se trouvaient les compagnies wallones libres et les régiments d'infanterie basse-allemande des comtes de Berlaimont et de Bergh 5. Les Wallons se distinguèrent en mille circonstances pendant ce long siège; les premiers ils montèrent à l'assaut et essuyèrent des pertes considérables. L'ancien régiment wallon de La Bourlotte, qui était passé récemment sous le commandementde Nicolas Catrix, fut presque anéanti et son brave chef fut tué6. Pour rendre hommage à la bravoure que la nation wallone avait déployée, 1 Gachard, Bibliothèque de Madrid, p. 144. 2 Van Mettercn, f° 480. — C'est aux mauvaises dispositions que prirent les généraux espa- gnols qu'on attribua la défaite de l'armée. (Gachard, Bibliothèque de Madrid, p. 142.) 3 Charles-Alexandre de Croy, Mémoires guerriers, p. 14. — D'après Montpleinehamp, ce fut un Wallon, le comte d'Isenghicn , qui sauva le guidon archiducal. 4 Le baron d'Hachicourt (Charles de Lalaing) et le baron de Barbançon (Robert de Ligne) avaient été donnés comme otages aux mutinés de Berg-op-Zoom et semblent n'avoir pas assisté au siège d'Ostende. 3 Christophe de Bonours. En vue du siège d'Ostende , l'archiduc Albert avait chargé Jacques de Tilly, le comte de Biglia, le seigneur de Witzleben et Ernest de Mansfelt de lever des troupes wallones dans le Luxembourg, mais le siège fut terminé avant qu'on fût parvenu à opérer ces levées. Les quel- ques hommes que Mansfelt amena au siège d'Ostende furent versés, au mois d'octobre, dans le tercio de René de Chalon. (Archives de l'audience, liasse n° 408.) 6 Le colonel Catrix fut tué dans la nuit du dimanche qui précéda le 4 avril 1C04. (Mont- pleinchant , p. 347.) 66 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE ce fut à un de ses chefs, le colonel Gruyson, qu'on donna le gouvernement de la place ' lorsqu'on s'en fui rendu maître. Le comte de Buquoy reçut le gouvernement de Bruges et le comte Maximilien de Hennin de Boussu vit récompenser les exploits par lesquels il s'était distingué dans plusieurs circonstances, par le commandement du régiment d'Eustache d'Ongnies, seigneur de Gruyson 2. Après la conquête d'Ostende, le marquis de Spinola continua la guerre contre Maurice de Nassau sur la Meuse et sur le Rhin; il y eut des succès variés. Les régiments wallons prirent part à ces opérations. D'après un document de l'époque 3, les troupes, après avoir été dirigées dans le pays de Waes pour protéger Anvers, furent réparties le 9 juillet 1605 en deux camps : un qui resta en Flandre, sous le comte Frédéric de Bergh, comprenait un tercio espagnol, deux tercios italiens et quatre tercios wallons, ceux de Maximilien de Boussu, de René de Chalon qui avait succédé au colonel de Catrix, d'Antoine Brucquet, seigneur de Thoricourt, et de Louis d'Aranda. Il y avait en outre les régiments d'infanterie basse-allemande de Frédéric de Bergh et du comte de Biglia. L'autre armée, sous le commandement direct du marquis de Spinola, occupa la Frise. Elle comprenait deux tercios espagnols, trois tercios italiens, le régiment bourguignon du baron de Balancon, le tercio wallon de M. de Torres et cinq compagnies du tercio de Charles de Lalaing, baron de Hachi- court. Enfin on y trouvait les deux régiments d'infanterie basse-allemande du comte de Berlaimont et du comte d'Embden. 1 .< Le gouvernement d'Ostende, » lit-on dans une remontrance faite à l'infante par l'arche- vêque de Malines et le duc d'Arschot, « avait été donné à M. de Gruyson, maréchal de camp >. d'un régiment d'infanterie de trois mille Wallons, pour ce qu'il était fort vieux, mais comme » il n'y avait point d'apparence qu'il mourrait bientôt, on lui a fait trouver bon, malgré lui, > de prendre le gouvernement de la ville de Hesdin pour celui d'Ostende qui a été donné à » un Espagnol, inconnu, sans aucun mérite, et par ainsi a été préféré à plusieurs qui sont » plus dignes de cet bonneur que lui, pour l'avoir gagné au péril de leur vie » (Gachard, Bibliothèque de Madrid, p. 153.) 2 Sa patente est du 4 janvier 1605 (Arebives de l'audience, liasse n° 1127). Ce fut lui qui fit construire les batteries qui amenèrent la reddition de la place. s Relation, traduite de l'espagnol , du MS. n° 218G4 de la Bibliothèque royale, insérée, par M. de Robaulx de Soumoy, à la suite de V Histoire de l'archiduc Albert, par Montplcinchant. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 67 On voit qu'il existait en ce moment six tereios wallons et quatre régiments d'infanterie allemande. Les troupes du marquis de Spinola passèrent le Rhin et allèrent assiéger Oldenzeel qui se rendit immédiatement, puis Lingen qui ne résista que cinq ou six jours et fut mise, après sa reddition, sous la garde du tercio wallon de M. de Thorres. L'armée marcha ensuite vers Wesel, les Wallons formant le corps de hataille. On franchit la Lippe et on s'arrèla aux environs de Ruhrort. Peu de temps après eut lieu le siège de Wachtendonck qui capitula le 27 octohre après vingt jours de résistance. L'année suivante (1606) on opéra de nouveau sur le Rhin, en vue d'oc- cuper Breevoorde. Le marquis de Spinola divisa ses forces en deux corps, comme il l'avait fait l'année précédente. Le comte de Buquoy eut le comman- dement de celui de ces corps où se trouvaient les tereios wallons du comte de Boussu et du baron d'IIachicourl, ainsi que le régiment d'infanterie basse- allemande des comtes de Berlaimont et de Biglia. Nous avons vu qu'un corps, commandé par le comte Frédéric de Bergh, était resté en Flandre. Au mois de juin 1606, il tenta de s'emparer de la ville de L'Écluse, par un coup de main. Mille deux cents Wallons et Irlandais avaient été chargés de cette entreprise qui allait réussir, lorsqu'une panique mit les troupes en fuite. On se montra impitoyable pour les officiers qui n'avaient pas fait leur devoir : Ernest de Mansfelt fut privé de son grade de colonel f et deux capitaines wallons, Cruckembourg et de Risoir (ou Razoir), furent décapités. Le corps du comte Frédéric de Bergh fit aussi l'investisse- ment de la ville de Lochem qui se rendit le 23 juillet au tercio wallon de M. de Thorres. Le marquis de Spinola, ayant rallié le corps du comte Frédéric de Bergh à Esquem (en Frise ?), assiégea successivement Groll et Rhinberg et s'em- para de ces deux villes le 14 août et le 1er octobre. L'armée fut alors dissoute à cause de la disette : le comle de Boussu, avec son tercio, se rendit dans la Gueldre; les tereios de M. de Thorres et du 1 Van Metteren applique à René de Chalon la punition qui frappa Ernest de Mansfelt. C'est une erreur que réfutent les documents des Archives, dit l'historien d'Ernest de Mansfelt, le comte de Villcrmont. 68 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE baron d'Hachicourt , restèrent avec le comte de Buquoy à Rhinberg; les autres corps wallons allèrent avec le marquis de Spinola vers Nuys. Peu de temps après ces événements un armistice provisoire fut conclu entre l'Espagne et les Provinces-Unies. Enfin le 9 avril 1609, on signa une trêve de douze ans. La pénurie des finances obligea les archiducs à opérer de grandes ré- formes dans la composition de l'armée ; lorsque éclata la guerre de la suc- cession de Juliers, on se trouva sans ressources pour y prendre part. Cependant comme les archiducs avaient pris ombrage de ce que rélecteur de Brandebourg, appuyé sur les Provinces-Unies, se fut emparé de Juliers, ils demandèrent à l'Espagne l'argent nécessaire pour entretenir sept mille Wallons et six mille Allemands avec lesquels le marquis de Spinola prit Aix-la-Chapelle, Wesel, Rhinberg etMulheim, dont les fortifications furent rasées *. § 3. Les Wallons en Allemagne. En Allemagne la lutte contre les Turcs n'avait pas cessé ; elle était mar- quée par des succès variés. En 1602, l'Empereur avait voulu tenter un grand effort pour vaincre enfin l'ennemi redoutable qui menaçait toute l'Europe. Il expédia au comte de Tilly, sous la date du 7 mai , des lettrés impériales pour la création d'un régiment de trois mille hommes d'infanterie wallone. Une levée aussi considérable ne s'effectua pas sans peine; toutefois le comte de Tilly finit par réussir et dès le 12 septembre il était rendu à Raab avec son nouveau régiment2 qui fut l'un des trois qui, le 22 octobre, reçurent l'ordre de monter à l'assaut des remparts d'Ofen. 1 Bulletins de la Commission royale d'histoire, t. VI, p. 9. 2 Archives du royaume. Audience, liasse n° 548, 5°. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 69 Les Wallons, dit l'historien du comte de Tilly, obéirent avec un admirable élan; mais accueillis par un feu meurtrier, mal soutenus par les Allemands, ils furent obligés de reculer, malgré des prodiges de valeur. A la voix de leur colonel, ils revinrent à la charge avec une nouvelle ardeur et déjà le capitaine Palart, plantant son drapeau sur les murailles, proclamait la vic- toire des chrétiens, quand une balle le renversa. Cette fois, la valeur était vaincue par le nombre. Les braves Wallons, écrasés par un feu terrible, cédèrent en frémissant et tel avait été leur acharnement que de cette vail- lante troupe il n'en revint pas, au dire de Khevenhuller, quatre cents sains et saufs. Leur chef, l'intrépide Tilly, dont l'épée les avait deux fois guidés à l'assaut, était si grièvement blessé à l'épaule gauche que depuis lors il perdit à peu près l'usage du bras et ne conserva que la force nécessaire pour diriger son cheval. L'archiduc Mathias qui commandait l'armée impériale avait suivi du haut d'une éminence toutes les péripéties de la lutte; il rendit hautement hommage au brillant courage des soldats de Tilly et exerça une sévère justice sur les régi- ments allemands qui les avaient lâchement abandonnés en face de l'ennemi '. A l'entrée de l'hiver, les nobles débris du régiment de Tilly furent en- voyés à Schinda afin d'y être licenciés suivant la coutume du temps. Deux ans après le siège d'Ofen, on retrouve de nouveau le comte de Tilly, à la tête d'un corps de soldats wallons, continuant ses exploits contre les Turcs. Un jour que l'armée impériale se trouvait cernée dans une gorge étroite par les Turcs, ce fut Tilly qui parvint, par son exemple et celui de ses soldats, à inspirer une résolution virile aux chefs allemands qui voulaient mettre bas les armes. On brûla les bagages, l'armée se forma en colonne serrée et, profitant de l'obscurité de la nuit, se fraya un passage au travers de l'ennemi. Ce furent les Wallons qui assurèrent , par leur conduite courageuse, le succès de celte audacieuse entreprise -. L'armée parvint enfin à gagner Éperies, après une marche pénible pendant laquelle les Wallons eurent plusieurs fois l'occasion de déployer leur bravoure 3. L'énumération de tous leurs exploits 1 Villermont, Tilly ou la yuerre de Trente ans. 2 Khevenhuller, t. IV. 3 Ibid. Tome XL11. \Q 70 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE nous entraînerait dans des détails que ne comporte pas l'histoire que nous avons entreprise; bornons-nous à citer un fait qui se rapporte à la fin de la campagne de 1605 : vers le milieu du mois de décembre, Tilly, qui gardait avec peine ses positions avec des troupes insuffisantes , fut tout d'un coup assailli, près de Hydweg, par un corps de quatre mille Turcs. Il les chargea si résolument avec un seul régiment wallon , qu'il les jeta dans le Raab, en tua ou noya la plus grande partie et dispersa complètement le reste 2. § 4. Les Wallons en Italie. C'est pendant la trêve de douze ans, conclue entre l'Espagne et les Pro- vinces-Unies et qui devait expirer le 29 avril 1621, que commença la guerre de Trente ans à laquelle les Belges prirent une part si importante et si glorieuse. Avant de suivre les Wallons dans ces expéditions où tant de Belges se couvrirent de gloire, il convient de rendre compte d'une cam- pagne qu'ils firent en Italie en 1617 dans les circonstances suivantes : Le marquis de Villa Franca, gouverneur du Milanais pour l'Espagne, eut à défendre le Montferrat contre les revendications des princes italiens; il s'adressa en 1616 à son maître Philippe III et à l'archiduc Albert pour obtenir des secours; il demanda notamment à ce dernier de lui envoyer quatre mille Wallons. L'archiduc Albert déféra à cette demande et envoya en Italie, entre autres troupes, deux régiments wallons qui furent levés spécialement pour cette expédition. Ces régiments, dont les chefs étaient Claude de Beaufort, seigneur de Coin, et Guillaume Verdugo 2, furent organisés sur le pied de quinze compagnies de deux mille hommes, mousquetaires wallons, ainsi qu'on les désignait à cette époque. Ces compagnies furent recrutées, savoir : 1 Archives du royaume. Correspondance de Malhias. Lettre du 14 décembre IGOo citée par l'auteur de l'Histoire de Tilhj. 2 Les patentes de ces deux colonels sont du 18 février 1617. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 71 Huit dans le duché de Luxembourg. Quatre dans le comté de Namur. Trois dans le Brabant wallon. Cinq dans le marquisat d'Anvers. Cinq dans le comté de Hainaut et dans la prévôté de Valenciennes. Trois dans le gouvernement de Lille, Douai et Orchies. Deux à Tournai et dans le Tournaisis. Les sergents-majors de ces régiments étaient Gaspard-François de Bly- leven et Antoine de Tailly; les capitaines du tercio du seigneur de Coin étaient Charles de Bryas , seigneur de Hernicourt, Charles d'Ongnies, sei- gneur d'Anstain, Pierre de Bonnières, Théodore de Camargo, Diego de Wignacourt, Charles de Salmir, seigneur d'Onthines, Nicolas Bicart dit Cadet, Lancelot de Haussait, Nicolas d'Andelot, baron de Mignot, Antoine de Binderen, Philippe de Loquenghien, seigneur de la Haye, Gérard de Schadick, Eustache de Parlz, seigneur de Pressy et de Ligny, et enfin Guillaume de Haen. Les capitaines du tercio de Guillaume Verdudo étaient Nicolas de .Marche, Pierre de Fraye, Henri de Steenhuys, Ferry de Blois dit Beauregard, Jean de Heyms dit Gowe, Pierre Van der Becken, François Van Tympel, Jean- Baptiste Van der Noot, Gilles Anceau, Simon du Quesnoy ; André de Briarde, seigneur de la Quoye; Nicolas de Laittres, Philibert du Cotterel et enfin Pierre Tel lier l. Le corps de cavalerie qui accompagna les deux tercios wallons fut recruté, savoir : une compagnie à Dusseldorf, une à Duisbourg, une à Venloo, une à Voest, une à Maestricht, deux dans le Limbourg et pays d'outre-Meuse , une à Alost et à Grammont, une à Audenarde. Le mestre de camp Guillaume Verdugo partit le premier avec la compa- gnie colonelle, puis successivement chaque compagnie de son tercio le suivit à une journée d'intervalle. La cavalerie, qui était composée de neuf compa- gnies à cent chevaux cuirassiers, partit ensuite en suivant le même ordre; 1 Du Cornet, Histoire générale des guerres de Savoie, de Bohème, du Palatinat et des Pays- Bas. Éd. annotée par M. de Robaulx de Soumoy et publiée parla Société del' Histoire de Belgique. On remarquera qu'il n'y a que quatorze capitaines pour ebaque régiment, parce que la pre- mière compagnie était celle de mestre du camp, cbef du tercio. 72 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE enfin le tercio du seigneur de Coin (Claude de Beaufort) suivit la cavalerie, sa compagnie colonelle marchant la dernière, sous la conduite de son chef Claude de Beaufort. Celte longue colonne passa par Givet, traversa la Lorraine, l'Alsace, la Suisse, franchit le S'-Gothard et arriva, au mois de mai, dans l'État de Milan. Dès les premiers combats que les soldats wallons eurent à soutenir, ils montrèrent une telle valeur qu'on les baptisa des noms de lions et de braves. On prête même à don Pedro de Tolède ce propos : « Maintenant que tous les Wallons sont arrivés, nous pouvons dormir tranquilles. » Le siège de Verceil, par lequel commença la campagne, fut long et pénible; beaucoup de Wallons et, entre autres, le mestre de camp Claude de Beaufort, s'y firent tuer; mais leurs héroïques efforts furent couronnés par la reddition de la place. Après la reddition de Verceil, le mestre de camp Valentin de Lannoy, successeur du seigneur de Coin, avec une fraction des deux régiments wal- lons, se mit en marche pour arrêter les progrès que faisait le duc de Savoie. Un combat très-meurtrier eut alors lieu; l'ennemi était très-supérieur en nombre, mais il ne parvint pas cependant à vaincre les Wallons qui firent des prodiges de valeur1. Le traité de Madrid du 6 septembre 1617 mit fin à cette lutte qui avait fait couler tant de sang belge; des six mille hommes qui étaient partis quelques mois auparavant, il n'en restait que deux mille sept cents; un des deux mestres de camp avait été tué; les deux sergents-majors et dix capi- taines étaient morts, sans compter les nombreux blessés de tous grades. L'effectif se trouvait tellement réduit que des deux tercios on en forma un seul, qui partit pour Naples en vue d'aider à la réussite d'une intrigue ourdie par l'Espagne contre la république de Venise. Cette intrigue ayant échoué, le régiment de Guillaume Verdugo reçut l'ordre de se rendre en Bohème et de se placer sous les drapeaux du comte de Buquoy où nous le retrouverons plus tard. 1 Voir pour les détails de cette campagne : Chapuis, du Cornet et une notice spéciale que j'ai publiée sous le titre de : Les Belges en Italie en 1617. SOUS LA MAISON D'ESPAGINE. 73 CHAPITRE V HISTOIRE DE L INFANTERIE WALLONE PENDANT LA PREMIERE PERIODE DE LA GUERRE DE TRENTE ANS. (£618-1625.) 1. Part que prennent les Belges à la guerre de Trente ans. — § i. Expédition du comte de Buquoy en Bohème. — § 3. Le comte de T'Scrclaes réorganise l'armée bavaroise. — § 4. Opérations en Bohème des armées impé- riales et bavaroise combinées. — § o. Le comte de Tilly et Ernest de Mansfelt. — § 6. Le comte de Buquoy dans la haute Hongrie; sa mort. Part que prennent les Belges à la guerre de Trente ans. La lutte soutenue par la réformation pendant la première moitié du XVIIe siècle et que l'histoire désigne sous le nom de guerre de Trente ans, a été certainement le plus grand événement de l'Europe orientale moderne. Presque tous les États s'y sont trouvés engagés plus ou moins directe- ment. C'est contre la réformation, dit Schiller, que l'Espagne dirigea toutes ses forces politiques; c'est à cause de la réformation qu'éclata en France une guerre civile qui, pendant quatre règnes orageux, ébranla les fondements de ce royaume, attira l'étranger dans son sein et le convertit en une vaste scène de ravage et de destruction; c'est dans la réformation que les Flamands puisèrent l'horreur du joug espagnol et le courage et la force de le briser; c'est par la réformation que Philippe II justifia à ses propres yeux la haine 74 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE implacable qu'il avait vouée à la reine d'Angleterre, parce qu'elle s'était mise à la tète d'un parti religieux qu'il voulait anéantir et parce qu'elle pro- tégeait ouvertement les sujets protestants de l'Espagne *. Après la guerre de Trente ans, les anciennes alliances des principaux États de l'Europe se trouvèrent profondément modifiées, de même que les rapports des souverains envers leurs sujets et ceux des sujets entre eux. De cette lutte grandiose sortit enfin une société complètement transformée et un ordre politique nouveau. Considérée au point de vue purement militaire, l'influence de la guerre de Trente ans n'est pas moins remarquable : c'est pendant cette période qu'on abandonna successivement les anciennes formes féodales sur lesquelles reposait encore l'organisation des troupes et qu'on adopta définitivement le système des armées permanentes; l'arme à feu remplaça la pique et le bou- clier et fit bannir les masses lourdes et profondes pour les convertir en lignes étendues; la cavalerie, débarrassée d'une partie des énormes armures du moyen âge, commença à recevoir dans les combats la destination qui lui convient le mieux; l'art de la fortification se perfectionna; la tactique et la stra- tégie modernes prirent naissance. Ce fut enfin l'école des hommes de guerre qui apparurent vers la fin du XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe et qui servent encore de modèle, malgré l'avènement du nouveau système de guerre introduit par Napoléon et qui a reçu, dans ces derniers temps, son entier développement par l'application des progrès de l'industrie moderne. « Il ne faut attribuer qu'à l'erreur et à l'ignorance, dit le savant général » Clauswitz, le dédain que l'on affecte de montrer pour les événements de la » guerre de Trente ans et la persistance avec laquelle on soutient que dans » ces événements il n'y a aucune application des principes de l'art et que » dès lors on doit s'en tenir à l'étude des guerres modernes. » L'histoire de la guerre de Trente ans est donc d'un immense intérêt, à quelque point de vue qu'on l'envisage; mais elle a pour les Belges un attrait tout particulier, car la participation de nos ancêtres à cette longue lutte fournit une des pages les plus glorieuses des annales de ces vaillants soldats origi- 1 Schiller, Histoire de lu guerre de Trente ans. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 75 naires des anciens Pays-Bas et que les relations du temps désignent plus spécialement sous le nom de Wallons. En effet, aucune nation peut-être n'a pris à la guerre de Trente ans une part aussi grande, aussi glorieuse que les Belges. A chaque période de cette guerre apparaît à la tête des armées belligérantes un capitaine belge; c'est d'abord le comte de Buquoy, ce héros si noble, si supérieur au misérable calcul d'un intérêt sordide et dont on rapporte plusieurs actions qui mérite- raient d'être mises en parallèle avec la générosité du chevalier sans peur et sans reprocbe. Il fut le chef des troupes impériales pendant toute la guerre de Bohême dont nous allons rapporter les faits principaux et mourut héroï- quement sur le champ de bataille de Neuhausel après avoir contribué, plus que personne, à la dissolution de la ligue protestante qui menaçait le trône impérial. Son adversaire dans la guerre de Bohême est un Belge aussi, le comte Ernest de Mansfelt, cet illustre partisan qui étonna le monde par son audace et son énergie et qui mourut, comme les héros de l'antiquité, debout l'épée à la main. Après Buquoy apparut Tilly, génie militaire de premier ordre, le béros de la période danoise de la guerre de Trente ans. Longtemps il enchaîne la vic- toire, mais un jour cependant la fortune le trahit pour suivre les étendards de son glorieux adversaire, Gustave Adolphe; il meurt alors et lègue le commandement de son armée à Aldringen, le valeureux Luxembourgeois qui s'était élevé de la plus humble des conditions au rang de général et qui mourut à son tour sur le cliamp de bataille. Jean de Weert, un Belge encore, lui succède dans le commandement de l'armée bavaroise. Il a laissé de ses audacieux combats un souvenir impéris- sable : plus de cinquante ans après sa mort, son nom se retrouvait encore dans les refrains des chansons populaires composées dans les pays, théâtres de ses exploits. Dans le même temps que Jean de Weert se distinguait à la tête des armées impériales, le baron de Beck, d'abord berger, puis postillon, puis soldat, commandait en chef les armées espagnoles. Longtemps heureux, ce pauvre enfant de Bastogne que son mérite et sa bravoure avaient élevé au 76 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE généralat, ne put survivre à la première défaite cpie la fortune lui imposa. Ramené sanglant du champ de bataille de Lens, où il avait vu tomber autour de lui les valeureuses bandes wallones, il ne voulut pas laisser panser ses blessures et mourut de désespoir d'avoir été vaincu une fois. Autour de ces guerriers venaient se grouper une multitude d'officiers belges qui donnèrent sans cesse l'exemple de la valeur la plus chevaleresque : c'étaient des Croy, des Mérode, des d'Andelot, des Blondel, des Lamboy, des Morialmé, des Miraulmont, des Van der Straten, etc., etc. ; enfin de nombreux corps levés exclusivement en Belgique se montrèrent dignes des chefs illustres qui les commandaient. Du reste l'histoire a constaté que les généraux allemands eux-mêmes faisaient le plus grand cas des Wallons; que Wallenstein au début de sa car- rière, lorsqu'il n'était encore que colonel, ne voulut admettre que des Fla- mands dans le beau régiment de cuirassiers que l'Empereur lui avait donné. Devenu généralissime des armées impériales et alliées, il continua d'accorder toute sa confiance à nos compatriotes. Papenheim, de son côté, plaçait la cavalerie wallone au-dessus de ses meilleurs escadrons allemands et il lui confiait toujours le poste le plus périlleux. La part si large que les Belges prirent à la guerre de Trente ans et que nous allons exposer dans la suite de notre travail, s'explique très-bien par la situation dans laquelle se trouvaient nos provinces au commencement du XVIIe siècle : depuis cinquante ans une guerre incessante y exerçait ses ravages et cet état permanent d'agitation et de lutte avait nécessairement donné naissance à une race de soldats aguerris toujours prêts à combattre. Deux milices incomparables existaient en Belgique à celte époque : l'infan- terie wallone, dont l'origine se rattache à ces vaillantes troupes des communes devant lesquelles avait si souvent échoué la brillante valeur des hommes d'armes français, jouissait depuis le règne de Charles-Quint d'une renommée conquise héroïquement sur d'innombrables champs de bataille; elle se dis- tinguait par sa bravoure, sa fidélité et sa discipline; c'était, de l'aveu de tous, la première infanterie du monde. Les bandes d'ordonnance, créées anciennement par Charles le Téméraire et reconstituées par Charles-Quint, n'avaient pas cessé de mériter la réputa- SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 77 tion d'être la meilleure cavalerie de l'Europe. Bien qu'elle eût été instituée spécialement pour protéger et défendre les Pays-Bas, on l'avait vue souvent prendre une part glorieuse aux guerres extérieures et presque toujours son concours avait enchaîné la victoire aux drapeaux espagnols. De ses rangs étaient sortis une multitude de vaillants officiers et plusieurs capitaines renommés. La trêve de douze ans qui était venue interrompre les hostilités entre l'Espagne et les Provinces-Unies coïncidant avec les premiers événements militaires de la guerre de Trente ans, la Belgique se trouva, mieux que tous les autres pays, en position de fournir des contingents aguerris pour la lutte colossale qui allait bouleverser l'Europe pendant un demi-siècle et fonder un ordre de choses complètement nouveau. Tous les historiens qui ont retracé les événements de ces campagnes mémorables où se révèle le génie militaire des Gustave-Adolphe, des Tilly, des Wallenstein, etc., ont rendu hommage à la valeur que les troupes wallones et flamandes déployèrent dans toutes les circonstances; toutefois, il est dif- ficile de démêler, dans la confusion de leur narration, la part de gloire que nos pères peuvent revendiquer. D'un autre côté, soit qu'on doive attribuer leurs omissions ou leurs erreurs à l'insuffisance des matériaux qu'ils possé- daient, soit que l'esprit de parti les ait parfois égarés, les historiens de la guerre de Trente ans, et parmi eux Schiller, le plus illustre, ne se sont pas toujours montrés juges impartiaux dans l'appréciation qu'ils ont faite du caractère et de la conduite des héros de cette guerre. Pour n'en citer qu'un exemple, nous rappellerons l'injustice des accusations dirigées contre Tilly : pendant deux siècles, la calomnie a fait peser sur ce héros illustre la responsabilité des horreurs du siège de Magdebourg, tandis qu'il est prouvé aujourd'hui, d'après des rapports officiels et des documents irrécusables, que l'incendie et la destruction de Magdebourg n'ont été ordon- nés ni par Tilly ni même par ses lieutenants, et que ce général a fait, au con- traire, les efforts les plus généreux pour diminuer l'étendue des désastres qui frappèrent celte malheureuse cité. On sait que S. M. le roi de Bavière, ce protecteur éclairé des arts et des lettres, a rendu une éclatante justice au héros flamand dès que son innocence Tome XLII. H 78 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE a été reconnue; il lui a fait élever une statue et le jour de l'inauguration il a prononcé ces paroles : « Le général de Tilly a été grossièrement calomnié » pendant deux siècles , mais les rayons de la vérité ont fini par dissiper les » nuages accumulés par les préjugés autour de cette grande figure '. » Ce serait sortir des limites de notre cadre que de retracer tous les événe- ments de la guerre de Trente ans ; nous nous bornerons à rapporter les épi- sodes de cette lutte où les milices wallones et flamandes se sont le plus dis- tinguées par leur valeur. § 2. Expédition du comte de Buquoy en Bohême. Le soulèvement de la Bohème pour la conservation de ses privilèges et pour la défense des doctrines luthériennes constitue la première période de la guerre de Trente ans. Elle embrasse les événements politiques et militaires qui s'accomplirent en Allemagne depuis le jour (23 mai 1618) où les Bohé- miens, instigués par le comte deThurn et pour se conformer, disaient-ils iro- niquement, à d'anciens usages nationaux, jetèrent par les fenêtres du château de Prague les conseillers de l'Empereur, jusqu'à la célèbre bataille de Prague qui eut pour conséquence immédiate la dissolution de Yunion protestante et aboutit à la ruine définitive du trône de Frédéric, palatin du Rhin, et au transfert de la dignité électorale au duc de Bavière (1623). C'est la participation des Belges à cette campagne de prés de six années qui fait l'objet de ce chapitre. Les Bohémiens, dans l'intérêt de leurs croyances religieuses, avaient appelé au trône le comte Frédéric, palatin du Rhin, à l'exclusion de l'archi- duc Ferdinand de Gratz, désigné par l'empereur Mathias et suspect d'intolé- rance à l'égard de la religion réformée. Décidés à soutenir, les armes à la main, l'acte d'indépendance qu'ils avaient posé par cette élection, les Bohé- 1 Bulletins f/c la Commission royale d'histoire. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 79 miens décrétèrent immédiatement une levée en masse et choisirent pour chef militaire le comte de Thurn, auquel fut adjoint, bientôt après, le comte Ernest de Mansfelt. Le comte de Thurn parvint, non sans de grands efforts, à rassembler deux armées dont l'une fut destinée à marcher à la frontière contre les troupes impériales, tandis que l'autre eut pour mission de contenir et, au besoin, de combattre les ennemis de l'intérieur. L'empereur Mathias, après avoir fait de vaines tentatives pour apaiser la révolte des Bohémiens, reconnut enfin l'imminence du danger qui le mena- çait et l'urgence de se mettre en mesure de résister, par les armes, à ses ennemis dont l'audace augmentait chaque jour. Mais il n'avait guère de troupes organisées à leur opposer; il se trouvait d'ailleurs réduit à se défier de la fidélité de ses sujets. Ce fut donc pour lui une nécessité impérieuse de chercher des secours à l'étranger. Il demanda à son frère, l'archiduc Albert, souverain des Pays-Bas espagnols, un contingent de soldats belges, ainsi qu'un général capable de prendre le commandement de l'armée et la con- duite de la guerre. L'archiduc Albert s'occupa immédiatement de satisfaire à la demande de l'empereur. Les Archives du royaume renferment des documents qui mentionnent que de 1614- à 1617 on fit en Belgique de nombreuses levées de compagnies de Wallons '. On en forma deux régiments d'infanterie de quinze compagnies à l'effectif de deux cents hommes. Le comte de Buquoy et Alexandre de Bournonville, comte de Hennin, furent nommés mestres de camp de ces deux régiments -. Le comte de Buquoy ayant en outre été nommé chef du corps expédition- naire, sur la demande expresse de l'empereur, la conduite de son régiment fut confiée à son sergent-major Claude de Miraulmont qui passa, à cet effet, du tercio de Gulzin où il remplissait les mêmes fonctions, dans le régiment de nouvelle formation. Les compagnies de ces deux corps furent recrutées, 1 Archives de l'audience, liasse n.° 1 181. 2 Les patcnles sont du 14 mars 1618. (Archives de l'audience, liasse n°H48.) 80 HISTOIRE DE LÏINFANTERIE WALLONE en grande partie, dans les provinces wallones et dans le Luxembourg, savoir : Pour le régiment du comte de Buquoy La compagnie colonelle ou mestre de camp » de Gilles de Martigny . » d'Euslache d'Arlois. . » de Jean de Harchies . » de Philippe de Martigny » de Ferdinand de Robles » de Jean de Houchin » de Philippe de Berghes » de Jean de Bruyr . » de Henri de Haere . » de Pierre de la Fosse » de Charlet Boulin . » de François de Mers » de Simon de Hey . » de Théodore d'Alamont à Avesnes. à Maubeuge. à Fontaine-I'Evèque. à Bavay. au Quesnoy. à Lille. dans l'Artois. à Menin. dans le Limbourg. à Namur. à Cambrai. dans le Luxembourg. Pour le régiment de Hennin : La compagnie colonelle . _ . „ ,„,.,, n dans le Brabant wallon. » de Christophe de Bonnours . . . ) » de Louis d'Assignies dans le pays d'Alleu. » d'Antoine de l'Eslaing .... » d'Antoine de Catriz J à Tournai et dans le Tournaisis. » d'Albert de Gavre » de Ferdinand d'Andelot . . . » de François Dormacl, dit Machuré . \ dans le Luxembourg. » de Guillaume de Loquenghien . » d'André de Voocht » de Charles de Postel, dit Hurlebize. \ dans l'Artois. » de Ferdinand de Ghistclles . . . » du vicomte d'Emerin ) , . ... » de Jean de Blazer j » de Voxvrye à Courlrai. Indépendamment de ces deux régiments d'infanterie, il y eut, dans le corps SOUS LA MAISON DESPAGNE. 81 expéditionnaire, un régiment de mille cuirassiers wallons commandé par Jean Barooz, dit Gaucher, seigneur de Marchaulx '. Les dix capitaines de ce régiment étaient : le seigneur de Marchaulx pour la compagnie colonelle 2; Pierre-Esnest de Gavre, baron d'Inchy; Andro- nique de Fiennes, seigneur de Biemègue; Jean d'Isenbourg, seigneur de Grunsow; Jean baron de Mérode de Petersheim; Jean Fauche dit Dompré, seigneur de Nasay; Thierry Lejeune; Henri de Melun, vicomte de Gand; Jean Finoy et Jacques du Plin 3. Indépendamment des deux régiments d'infanterie de Buquoy et de Hennin et du régiment de cavalerie du seigneur de Marchaulx, le contingent belge comptait aussi un régiment d'infanterie basse-allemande sous la conduite de Jean de Nassau-Singen (gendre du prince de Ligne). Enfin on doit ranger parmi les Belges qui prirent part à la guerre de Bohême le régiment de cui- rassiers de Wallenstein qui avait été levé exclusivement dans les Pays-Bas, comme on l'a vu précédemment. Les troupes d'infanterie et de cavalerie destinées à aller servir en Bohême sous le commandement du comte de Buquoy partirent des Pays-Bas à la fin du mois d'avril 1619 i; le régiment de Buquoy précédait le régiment de Hennin. La cavalerie du seigneur de Marchaulx marchait par moitié en tête et à la queue de l'infanterie. On traversa le Luxembourg en passant par Arlon; on gagna la Lorraine et la Souabe et on traversa le Rhin à Brizach les 21 et 22 mai. Le h juin, la colonne traversa Ulm; peu après, elle attei- gnit le Danube sur lequel on navigua à l'aide de radeaux, ce qui donna lieu à quelques accidents assez graves. En passant sous le pont d'Ingolstad sur 1 Sa patente est du 20 mars lf>19. 2 Les patentes des capitaines sont du 14 mars 1619. 3 C'est dans les intéressantes annotations que M. de Robaulx de Soumoy a ajoutées aux Mémoires du seigneur du Cornet, que nous avons puisé les noms des capitaines qui entrèrent dans la composition des régiments envoyés en Bohême. 4 Une partie du régiment de cuirassiers belges de Wallenstein était déjà partie et arriva à la fin du mois de mai. Il y avait dans ce premier détachement six compagnies commandées par le comte Salentin d'Isenhourg, Walrave de Wittenhorst, Charles de Berg-S'-Winoc, seigneur de Rache, Philippe de Mérode, baron de Morialmé, François de Wingarde et Christophe de Poitiers. (Audience, liasse n° 1180.) 82 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE lequel les Wallons aperçurent leur colonel, il y eut une décharge générale des armes en manière de salut. On débarqua à Passau et le 13 juin on fran- chit péniblement les défilés qui donnent accès dans la Bohême. Le comte de Buquoy avait précédé le contingent belge; il était parti des Pays-Bas depuis le mois d'août 1618 et déjà il avait ouvert les hostilités contre les Bohémiens, mais avec des moyens insuffisants. Pendant l'hiver de 1618 à 1619, il alla à Vienne pour prendre part aux conférences de paix, mais dès que lui parvint l'avis de l'arrivée prochaine des premières com- pagnies wallones, il se hâta de regagner Budweis et se prépara à recom- mencer la lutte. Cette place se trouvait étroitement bloquée par les troupes du colonel Kinski, de sorte que pour y faire pénétrer les troupes wallones le comte de Buquoy dut recourir à un stratagème qui réussit complètement : au sud de Budweis se trouvaient des marais très-vastes considérés comme impratica- bles et qui, pour ce motif, étaient faiblement surveillés par les assiégeants. Buquoy les fit reconnaître avec soin, ordonna d'en relier les parties solides par une suite de petits ponts soutenus par une double rangée de tonneaux vides et il parvint ainsi à créer une espèce de digue qui donna passage à cinq cents cuirassiers et à un millier de fantassins. Parmi les officiers de ce déta- chement on remarquait le colonel Pierre de la Croix, seigneur de la Motte, né à Mons, officier très-estimé pour sa valeur et so'n expérience; les capi- taines de Wintershoven et de Wingarde qui, plus tard, devint mestre de camp d'un tercio wallon; le comte Salentin d'Isenbourg qui trouva peu de temps après une mort glorieuse; le comte de Morialmé, les lieutenants des Mazures du régiment de Buquoy, Thys et Wachtendonck du régiment de Wallenstein, et Gilles de Jonghe. C'étaient, en général, des officiers qui déjà s'étaient fait remarquer dans les combats : les capitaines de Wintershoven et de Wingarde, entre autres, étaient revenus tout récemment d'Italie où ils avaient pris une part distinguée à la campagne contre le duc de Savoie. Dès que le comte de Buquoy eut reçu ce renfort, qui n'était qu'une faible partie des troupes qu'il attendait des Pays-Bas, il résolut d'en venir aux mains avec les Bohémiens et surtout avec le comte Ernest de Mansfelt que le colonel Kinski avait fait venir de Pilsen à son aide. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 83 Le 10 juin il s'avança donc dans la direction de cette ville. Arrivé au vil- lage de Nadelilz, il rencontra l'âvant-garde de Mansfelt qui était établie dans une forte position; il ordonna immédiatement à la cavalerie de commencer l'attaque, tandis que Jean de Mérode, baron de Petersbeim, avec un corps de mousquetaires bas-allemands, contiendrait l'infanterie ennemie retranchée dans un jardin entouré de haies vives. La cavalerie wallone, impatiente de se signaler dans un premier combat, charge résolument les escadrons ennemis et les culbute malgré une résistance énergique, mais l'infanterie obtient d'abord moins de succès ne pouvant parvenir à déloger l'ennemi qui était abrité par les haies. M. de Mérode s'opiniàlre à cette attaque et parvient à pénétrer au milieu du jardin à la tête de ses plus braves soldats; il est assailli et fait prisonnier. Bientôt cependant il parvient à s'échapper des mains de l'ennemi et recommence le combat avec une nouvelle ardeur. Les Bohémiens continuent de se défendre vaillamment jusqu'à ce que, avertis de la déroute de leur cavalerie et se voyant abandonnés à eux-mêmes, ils soient forcés de se rendre. Mansfelt ne se croit plus alors en état de prolonger la lutte et ordonne la retraite, mais Buquoy n'entend pas laisser échapper une si bonne occasion de remporter une victoire complète; il recommence l'attaque avant même que toute son infanterie soit arrivée pour le seconder; il lance ses intrépides cavaliers flamands contre les escadrons de Mansfelt qu'on était parvenu à ral- lier; il les enfonce de nouveau et les disperse. Enfin, un ordre mal interprété dans l'armée des Bohémiens décida du sort de la journée. Mansfelt avait ordonné à cinquante hommes de ses gardes du corps, qui se trouvaient à l'aile droite, d'aller occuper un point important en arrière de la ligne de bataille; mais au lieu de cinquante hommes, non-seulement toute la garde, mais encore deux autres compagnies, partirent au galop et découvrirent complètement l'aile qu'ils avaient mission de couvrir. Buquoy, s'étant aperçu de cette faute, se jeta résolument sur le point dégarni si imprudemment, avant que les compagnies qui avaient fait ce faux mouvement en arrière eus- sent pu rentrer en ligne. L'armée des Bohémiens, divisée en deux par cette atlaque, fut battue sur tous les points; vainement Mansfelt, avec l'héroisme qui le distingue, veut se retrancher dans un hameau voisin et tenter une dernière attaque avec les débris de sa cavalerie; il est bientôt réduit à la der- 84 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE nière extrémité et obligé à se retirer précipitamment dans la direction de Pilsen en laissant sur le champ de bataille mille deux cents morts et, entre les mains des vainqueurs, mille cent prisonniers, sept drapeaux, plusieurs canons et des magasins considérables. Les impériaux n'avaient eu que quelques morts et blessés, mais parmi ces derniers se trouvaient deux braves officiers wallons : le lieutenant-colonel de la Motte et le capitaine de Racbe. Le comte de Buquoy se hâta de profiter de sa victoire; en quelques jours il se rendit maître des villes rebelles de Frauenberg, Rudolphstad, Teyn, etc.; puis il marcha sur Gratz. Le même jour où le comte de Buquoy remportait la victoire de Nadelitz à l'aide de sa vaillante cavalerie wallone, d'autres soldats belges entraient à Vienne et sauvaient d'une chute certaine la capitale de l'empire. Le comte de Thurn, qui avait envahi la basse Autriche, à la fin de l'année précédente, avait bloqué les villes de Zwettel et de Laba; il s'en était rendu maître, puis avait marché directement sur Vienne. Le 2 juin , il atteignit le Danube, le franchit près de Fischer, s'empara des faubourgs de Vienne et jeta la consternation dans la population de la capitale. L'empereur Ferdinand, dès qu'il avait appris les projets du comte de Thurn, s'était hâté d'en informer Buquoy, en le prévenant que la garnison dont il dis- posait était insuffisante pour le protéger tout à la fois contre les rebelles de l'intérieur et contre les entreprises du comte de Thurn. Buquoy, obligé de tenir tête à Mansfelt et à Kinski, ne vit d'autre moyen pour secourir Ferdinand que d'ordonner au gouverneur de la forteresse de Krems, sur le Danube, de détacher vers la capitale de l'empire cinq cents cavaliers flamands commandés par le colonel de S'-IIilaire. Cette troupe pénétra dans Vienne précisément au moment où Ferdinand, environné par une bande de conjurés, allait signer les conditions humiliantes qu'on lui imposait. Le son de la trompette retentit soudain dans la cour du château : « les Wallons! ce sont les Wallons! » crie-t-on de toute parts. Alors les conjurés se dispersent comme par enchan- tement, fuient loin du château, abandonnent immédiatement la ville et vont cacher leur effroi dans le camp du comte de Thurn. Ferdinand, sauvé comme par miracle, combla le colonel de Saint-Hilaire SOUS LA MAISON DESPAGNE. 80 de présents et d'honneurs; il l'investit de la dignité hériditaire de grand- amiral en mémoire de ce qu'il était entré dans Vienne par la porte des Pécheurs (Fischerthor). Son régiment reçut plusieurs privilèges particuliers, entre autres, celui de ne pouvoir jamais être ni licencié ni diminué. Aussi, après plus de deux siècles qui se sont écoulés depuis les événements de la guerre de Trente ans, ce corps existe encore dans l'armée autrichienne. Il porte le titre de dragons n° 8 et appartient, depuis 1848, au prince Charles de Prusse J. Peu de jours après la brillante victoire qu'elle avait remportée à Nadelitz sur les troupes de JMansfelt, l'armée du comte de Buquoy s'était renforcée d'une manière notahle par l'arrivée du comte de Hennin-Lietard et du colonel Gaulcher, qui, partis de Belgique le 8 avril 4 619, amenaient des Pays-Bas six mille hommes d'infanterie et mille chevaux cuirassiers, indépendamment du régiment d'infanterie hasse-allemande du comte de Nassau-Singen qui présentait à lui seul un effectif de trois mille hommes, levés également en Belgique, c'est-à-dire dans les quartiers allemands du pays de Liège et du Luxembourg, comme on l'a vu précédemment. ' On lit dans le Militar Schematismus des Osterreichischen Kaiserthumes pour 1855 ce qui suit : « Ce régiment (dragons n° 8) obtint de feu l'empereur Ferdinand II, en récompense de sa » bravoure et de sa fidélité éprouvée en 161 9, les privilèges mentionnés ci-dessous et qui ont été » gracieusement confirmés par S. M. l'empereur Ferdinand I", à l'occasion de la fête séculaire » qui a été célébrée en 1819 : » Le régiment, lorsqu'il est de service, peut traverser, au son de la trompette et étendards » déployés, le château impérial ainsi que la ville capitale et résidence de l'Empereur à Vienne; » il peut se former en bataille sur la place du château (Hofburg) et y établir pendant trois jours » un bureau de recrutement volontaire. » Le régiment fournit ensuite la garde devant la demeure que (pro forma) on préparera au » Hofburg pour le chef de ce corps; les étendards du régiment y seront déposés et il est permis, » en cette circonstance, au commandant du régiment de paraître en tenue de service et sans » être annoncé, devant S. M. Impériale. » Le régiment reçoit en outre l'assurance de ne jamais subir de réduction, ni d'être licencié, » et enfin il possède le privilège spécial de voir incorporer dans un autre régiment, pour y subir » sa peine, tout soldat du corps qui aurait encouru la peine de mort, attendu qu'aucun homme » du régiment ne peut être exécuté. » Ce régiment porta le nom de Dampicrre jusqu'en 1 021 et prit alors celui du colonel de Saint- Hilaire. En 1648, il appartint au célèbre Jean de Weert, l'illustre Luxembourgeois dont il sera souvent parlé dans la suite de l'histoire de la guerre de Trente ans. Tome XLII. 12 86 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Une foule de gentilshommes de différents pays accompagnaient ces troupes. On y remarquait, entre autres, le duc Laurent de Médicis, frère du grand-duc de Florence; le jeune prince Albert de Ligne, le comte de Roulay, etc., etc. Tous venaient apprendre le métier de la guerre à l'école de Buquoy et des autres généraux qui s'étaient eux-mêmes formés précé- demment sous les illustres chefs qui avaient eu la conduite de la guerre aux Pays-Bas. Aidé de ce renfort important, le comte de Buquoy s'empara de Stracko- nilz et de Novigrod, puis marcha, dans les derniers jours de juin, vers la frontière de la Moravie et assiégea, avec une partie du tercio du comte de Hennin, la ville de Gratz où se trouvait une garnison de trois cents hommes. Après vingt-quatre heures d'investissement, cette place capitula, fort heureu- sement pour les impériaux, qui commençaient à manquer de vivres. Les compagnies wallones du comte de Hennin, à qui l'on dut la capitu- lation de Gratz, avaient pour chefs les capitaines Christophe de Bonnours, Adrien de Voocht et Albert de Gavre, baron d'Ugies, fds de Charles de Gavre, baron de Frezin, qui était mestre de camp d'un tercio d'infanterie wallone aux Pays-Bas. Après la prise de Gratz, le comte de Buquoy se dirigea sur Weitracht et s'empara encore de cette position qui lui ouvrait le passage vers l'Autriche. Il remonta alors vers le Nord, rentra en Bohème et prit d'assaut la place de Bechin (11 août 1619) dans le cercle de Tabor et encore quelques autres villes. Ce furent encore quatre cents Wallons du régiment de Hennin qui enle- vèrent la ville de Bechin. Ils étaient commandés par le sergent-major des Mares et le capitaine Charles de Poste], dit Hurtebise. La ville fut surprise, mais le château était très-fort par sa position et, en outre, très-énergiquement défendu. Le sergent-major de Miraulmont et la compagnie d'Eustaclie d'Arlois, du régiment de Buquoy, vinrent renforcer les assiégeants. Pendant la nuit, les Wallons escaladèrent bravement les murailles, de sorte qu'au jour la garnison se rendit et fut employée à renforcer le régiment d'infanterie basse- allemande de Jean de Nassau. Une disette affreuse désolait alors l'armée; elle engendra des épidémies SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 87 graves qui enlevèrent mille à douze cents hommes en peu de jours et amena de grands désordres qui empêchèrent, pendant quelque temps, le comte de Buquoy de poursuivre sa marche victorieuse. La démoralisation était devenue telle, que les troupes se pillaient mutuellement et se battaient entre elles. C'est ainsi qu'un corps de cinq cents à six cents Hongrois de l'armée de Buquoy pillèrent un jour tout le butin qu'avaient fait les Wallons, puis voulurent abandonner l'armée et retourner dans leur pays ou se joindre à Bethlem Gabor. Buquoy les fil poursuivre par la cavalerie wallone de Wallenstein. Tous les Hongrois furent massacrés et les Wallons reprirent le butin dont ils avaient été dépouillés !. Ce fut au mois d'août seulement que le comte de Buquoy put aller mettre le siège devant Piseck où avaient été enfouis tous les trésors de la noblesse de Bohême. Près de cette ville, l'armée fut rejointe par six capitaines du régi- ment de Verdugo qui arrivaient d'Italie. C'étaient André de Bryarde, seigneur de la Coye; Charles de Bryas, seigneur de Hernicourt; Jean Van der Gracht, seigneur de Brehaut; Philibert de Cottereau, baron de Saint-Martin; Jacques de Haynin et Ernest de la Bivière, dit de Herres, baron de Houffalise, qui venaient, en simples volontaires, se ranger sous les glorieux étendards de leur compatriote le comte de Buquoy. En avant de Piseck, à une portée de mousquet de la place, se trouvait un fort que Buquoy fit menacer par un détachement commandé par le capitaine Ernest de la Bivière qui s'avança bravement et eut son cheval tué sous lui. Les défenseurs, après une première décharge, abandonnèrent le fort et se retirèrent derrière tes haies qui entouraient les faubourgs. Le duc Alexandre de Bournonville, comte de Hennin-Lietard, ordonna alors à M. Hubert des Mares, son sergent-major, d'aller, avec les capitaines Ferdinand de Ghistelles, Jean de Houchin, seigneur de Uringen, Christophe de Bonnours et Philippe de Haynin , seigneur de la Vallée, qui commandaient chacun cent mousque- taires choisis dans son régiment et dans celui du comte de Buquoy, débus- quer l'ennemi avant qu'il eût eu le temps de se fortifier. Les troupes alle- mandes reçurent l'ordre de diriger en même temps une attaque par un autre 1 Villermont dans Tilly. 88 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE côté. L'ennemi fut bien vite contraint de déloger et de se réfugier dans la ville. Un feu violent vint alors assaillir les impériaux et fit de grands ravages dans leurs rangs. Le duc de Bournonville, entre autres, reçut un coup de feu à la tête et don Balthasar, comte de Maradas, qui commandait un corps de cavalerie à la solde de l'Espagne, fut atteint d'une balle. Pendant que cette attaque se continuait, le comte de Buquoy reconnaissait les environs de la place, faisait exécuter des tranchées, élever des batteries, enfin préparait tout pour un assaut. Lorsque la ville se trouva complètement cernée, les soldats de chacune des nations qui composaient l'armée impériale rivalisèrent d'audace pour s'en approcher. A la faveur de la nuit, les Allemands parvinrent à incendier une porte, les Wallons avancèrent leurs tranchées jusqu'au bord du fossé, tandis que l'artillerie ne cessait de tonner. Les assiégés se défendaient avec vaillance et ne discontinuaient pas le feu; néanmoins le lendemain, une heure avant la chute du jour, ils se virent contraints à battre la chamade du côté de l'attaque des Wallons. Au bruit des tambours, le sergent-major des Mares et le capitaine de Houchin, qui étaient à la tète de la tranchée, sortent de leurs ouvrages et, du bord du fossé, discutent avec les assiégés les conditions de la capitulation, mais pendant qu'on parlemente, des soldats audacieux pénètrent dans la place, surprennent la garnison et se livrent au pillage. Bientôt ils sont suivis d'autres troupes, une confusion affreuse a lieu et la nuit couvre de ses ombres les horreurs qui, malheureusement à cette époque, accompagnaient d'ordinaire la prise d'une ville ennemie. D'après une relation contemporaine ' il paraît que Içs Allemands étaient entrés par escalade; au lieu d'ouvrir les portes de la ville aux assiégeants, ils se mirent à piller et à s'emparer de nouveau de la part de butin qui revenait aux Wallons, ce qui donna lieu à un effroyable désordre, pendant lequel M. de Carondelet, seigneur de Solre-sur-Sambre, et l'aller de Termont furent grièvement blessés. Peu de temps après la prise de Piseck, le comte de Buquoy fut informé • Relation du voyage du régiment de Hennin. Ce documenta été imprimé par M. de Robaulx de Soumoy dans sa belle édition des Mémoires du seigneur du Cornet. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 89 qu'Ernest de Mansfelt tenait la campagne aux environs de Prague, avec un corps nombreux. Il renonça aussitôt à une tentative projetée contre la ville de Thabor et se décida à marcher au-devant des Bohémiens et de leur livrer une bataille. On était aux premiers jours du mois de septembre, lorsque Buquoy arriva à deux lieues de l'endroit où Mansfelt s'était établi. Il envoya reconnaître la position de son adversaire. Le prince de Falsenbourg, chargé de celte mis- sion, étant arrivé en face de l'ennemi, ne put résister au désir de tomber sur deux escadrons de cavalerie bohémienne placés aux avant-postes. Il prend avec lui Charles de Bryas, seigneur de Hernicourt, André de Bryarde, sei- gneur de la Coye, Jean Van der Gracht et quelques gentilshommes de sa suite, et se précipite sur l'ennemi qui l'accueille par une décharge presque à bout portant. Le maître d'hôtel du prince est tué, le capitaine Van der Gracht a les deux cuisses percées d'une balle, mais les escadrons bohémiens sont enfoncés et culbutés. Dans une autre escarmouche, Charles de Bryas eut son cheval tué sous lui, et le capitaine de Longueval reçut un coup de pistolet dans la joue après avoir fort maltraité l'ennemi qui se tint continuellement caché dans un bois. Le comte de Buquoy établit un camp retranché sous Merowitz, petit vil- lage sur la rive gauche de la Moldau, à portée de canon de l'armée d'Ernest de Mansfelt. La position choisie par l'ennemi était très-forte : une petite élévation de terrain en couvrait le front; la gauche était protégée par une ancienne abbaye environnée d'un bois considérable; la droite s'appuyait à un étang et à un bois qui avait été mis en bon état de défense, tant par des ouvrages de cam- pagne que par la présence d'un corps de mille mousquetaires hollandais avec soutien de cavalerie. Déloger l'ennemi d'une semblable position ne semblait pas possible; aussi Buquoy se borna-l-il à le faire harceler par une suite d'escarmouches où les troupes wallones étaient toujours au premier rang. Ces tentatives pour attirer l'ennemi en rase campagne se renouvelèrent pendant quinze jours, mais Mansfelt ne jugea pas devoir accepter un engagement général et resta obsti- nément derrière ses retranchements. 90 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Sur ces entrefaites, l'archiduc Ferdinand fut élu empereur, mais à peine monté sur le trône des Césars, il vit tous ses États se mettre en révolte contre lui; en outre, le prince de Transylvanie envahit la Hongrie avec une puis- sante armée et chercha à unir ses forces à celle du comte de Thurn. Vienne se trouva ainsi menacée pour la seconde fois. Le comte de Buquoy reçut alors de Ferdinand l'ordre impératif de se retirer dans la basse Autriche. Il leva son camp vers la fin du mois de sep- tembre, repassa par Piseck et se hâta de gagner Budweis dont le comman- dement fut confié au comte de Maradas, puis il s'avança vers l'archiduché avec seize mille hommes environ. Cette retraite s'effectua avec un ordre parfait et toujours en présence de l'ennemi. Un détachement du tercio du comte de Hennin conduit par le capitaine Charles Stassin, seigneur d'Everlange, qui avait remplacé le capi- taine François de Halluin, seigneur de Voxvrye, mort à Budweis, s'empara de Rosenberg. Les impériaux passèrent à Horn, que le sergent-major de Miraulmont, avec vingt hommes de chaque compagnie wallone, prit d'assaut, puis à Rietz, ville qui louche aux confins de la Moravie. Ce fut là que le corps de Dampierre, affaibli par de nombreuses défections, rejoignit l'armée principale. Le comte de Buquoy désirait vivement en venir aux mains avec les rebelles avant d'atteindre les murs de la capitale de l'empire; il traversa la Theys dans celte intention, battit pendant toute une journée les remparts de Znaym, ville située sur cette rivière, mais l'ennemi ne jugea pas à propos d'accepter ce défi. Les impériaux durent donc se résoudre à s'éloigner. Us repassèrent la Theys et gagnèrent le plateau où s'élève le château de Bisam- berg, devant Vienne. De celte position, ils foudroyèrent l'ennemi pendant quelque temps, puis profitèrent de la confusion que leur artillerie avait jetée dans les rangs des troupes de l'Union, pour franchir l'espace qui les séparait encore du Danube. Pendant deux jours, les Bohémiens firent des efforts inouïs pour s'emparer du pont. Le 25 , le comte de Buquoy, supposant que l'ennemi s'était porté sur le village de Fischer pour y passer le fleuve, donna l'ordre à son armée de gagner la rive droite. Un brouillard épais lui dérobait la position de son SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 91 adversaire lorsqu'il fit commencer cette opération; il ignorait donc que toutes les forces des alliés se trouvaient postées devant lui et quand enfin il put découvrir ce qui se passait, une bonne partie de ses troupes avaient déjà traversé le Danube. La situation était des plus critiques : quelques escadrons allemands qui formaient l'arrière-garde furent assaillis par l'ennemi et mis en déroute; une panique gagna toutes les troupes allemandes qui abandonnèrent leurs rangs et se mirent à fuir en désordre, sans même essayer de résister. Depuis longtemps, du reste, ces troupes se conduisaient très-mal et étaient, pour les Wallons, un sujet de mépris. On leur reprochait leurs trahisons incessantes et leur rapacité. Lors de la prise de Piseck et de Bechin, on leur avait confié la garde de ces places, mais immédiatement après le départ de l'armée de Buquoy, ils s'étaient empressés de les rendre à l'ennemi. Dans ces conjonctures, il ne restait plus à Buquoy qu'une seule espérance de salut : l'infanterie wallone était restée intacte; il fait traverser le Danube, lui rappelle, dans la langue de son pays, son ancienne valeur; elle s'élance, arrête la fuite de ses alliés, les force à reprendre leur poste à la tête du pont, rétablit le combat, et par sa contenance ferme et décidée, elle protège le passage de toute l'armée jusqu'à ce que son illustre général, qui n'a pas cessé de parcourir la plaine à la tète de quelques escadrons flamands, ait lui-même gagné l'autre rive du fleuve. Un nouvel incident faillit encore compromettre ce succès : le feu ayant pris à quelques tonneaux de poudre, le bruit de l'explosion troubla tellement les soldats allemands qu'ils lâchèrent pied, comme déjà ils l'avaient fait au pont du Danube. Cette fois encore les Wallons prévinrent les suites fâcheuses de cette fuite; ils s'arrêtèrent, firent bonne contenance, jetèrent de grands cris qui effrayèrent l'ennemi et rétablirent le combat à la faveur duquel toute l'armée impériale s'établit enfin sur la rive droite du Danube. Ce fut, comme on le voit, uniquement à la bravoure et au sangfroid des troupes wallones que le comte de Buquoy et toute l'armée durent leur salut '; 1 Les rudes travaux de la guerre, les dangers et les privations qui en sont la conséquence n'altéraient pas l'humeur enjouée de ces braves soldats. Les Wallons (et c'est un trait distinclif de leur caractère qui s'est conservé jusqu'à nos jours) célébraient dans des chansons les faits militaires auxquels ils avaient pris part.M.deRobaulx de Souraoy,dans son édition des Mémoires 92 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE le comte de Wallenstein et ses cuirassiers flamands se distinguèrent particu- lièrement dans ces différents combats : ils formaient l'arrière-garde pendant toute la retraite et firent crouler derrière eux le pont du Danube. du seigneur du Cornet, a donné plusieurs de ces chansons inspirées aux Wallons pendant la guerre de Trente ans. Nous ne résistons pas au désir de rapporter ici les couplets qu'ils firent après le combat du pont du Danube et où l'on trouve le récit naïf de tous les incidents de ce fait d'armes si honorable pour nos compatriotes : Chanson du Pont de Vienne. 1. Sus, sus, en diligence, Je rechitte au commun, Avecq quelle apparence Advanchoit un chascuu. Le jour xxiii0 D'octobre, se dict-ou , A deux lieues près de Viennes Nous fîsmes un escadron. Voiant sur la campaigne Nos ennemis mutins Desployer leurs enseignes De courage et haultains, L'on fist prendre la teste A nos soldats wallons, Faisant comme un (empeste, Retentir leurs canons. Depuis sept heures du soir. Tout jusques après minuict, Nous vivasmes en espoir D'y faire plus grand bruict; Mais sans ouyr trompeste, Ny du tembour le son, Fismes nostre retraicte, Craindant la trahison. Sitost nostre advaut-guarde Le pont ayant passé, Dessus nostre arriére-guarde L'ennemy at donné, Donnant de telle attaincte Et espouvantement, Qu'ils ont tous fuys de craincte. Sans tarder nullement. Nostre bon conducteur, Le conte de Busquoy, N'at prins nulle frayeur, Volant un tel desroy. Criant de voix haultaine: Courage, mes Wallons, Ceste race mulinne, Aujourd'huy soutiendrons. 6. Alors sans craincte aulcuue, L'on nous fit advaucher Dedans la demi-lune, Afin d'escarmoucher, Donnant d'une furie. Dessus leurs escadrons, De leur cavaillerye Et aussy des piétons. 10. 7. Tandis qu'à ceste affaire Empêchez nous estions, On fist sauter dans l'air Nostre admunition. Vous eussiez veu fuir Ces soldats allemands El dedans l'eaue saillir Sans estre résistais. 8. Perchevant ce désordre , Nostre traistre ennemy S'advanchait en bel ordre, Si on leur eusse penny; Mais la mousqueterie De nos soldats wallons Et nostre artillerie Rompit leurs esquadrons. Alors de primes face, Il nous veinl du secours, Souslenames la place, Tout le reste du jour. Mais sans la vaillantise De nos braves wallons, Pour scur que l'entreprise Eusse eu perfection. 11. Priés doneques, catholicques, L'Éternel tout-puissant, Que la rage héréticque, Nous allions meurtrissant , Afin que par vaillance Nous puissions un jour Abbaisscr la rogance Du conte de la Tour (*j. Prenés doneque patience, Je vous prie, messeigneurs, Ceste persévérance, Du mien petit labeur. Ce que vous veult laisser Le povre La Moisson, Pour servir de laurier A ses aultres chansons. (') Thurn. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 93 L'armée avait fait, du reste, d'énormes pertes : le comte de Buquoy lui- même avait été atteint d'une balle au bras gauche; le sergent-major de Miraulmont avait été blessé à la gorge, le capitaine Henri de Haere, seigneur de Noirmont, était mort, et Adrien de Bonnières, seigneur de Nieurlet, avait eu trois cbevaux tués sous lui. Les régiments de Buquoy et de Bournonville étaient tellement réduits qu'on dut réformer la moitié des compagnies. Le régiment de Buquoy reçut les compagnies conservées du régiment du comte de Hennin qui ne fut reconstitué qu'en 162o, comme on le verra plus loin. Pendant qu'à Vienne l'effroi causé par la présence des Bohémiens com- mençait à se dissiper, grâce à la présence de l'armée du comte de Buquoy, Bethlem Gabor s'était avancé vers Presbourg, avait investi la place ainsi que le château de Petronel situé entre celte ville et Vienne, puis il avait tra- versé le Danube près de Fischamend avec une partie de son armée et mar- chait à grandes journées sur la capitale de l'empire. A l'annonce de cet événement inattendu, Vienne fut de nouveau saisi de terreur, car la réunion de Bethlem Gabor et du comte de Thurn portait, disait-on, à quatre-vingt mille hommes les forces qui menaçaient la capitale. En présence de ce grand danger, le comte de Buquoy seul conserve son sangfroid; il oublie sa blessure et s'élance à la tête de ses vaillants cuiras- siers flamands à la rencontre de Pavant-garde de l'armée hongroise. Son choc est terrible. Au milieu de l'affreuse mêlée qui a lieu, il est reconnu, entouré, atteint de plusieurs coups, mais il parvient cependant à se dégager et rentre dans Fischamend avec ses braves cuirassiers, après avoir fait subir à l'ennemi des pertes considérables. Ce succès fut obtenu par la brillante valeur du colonel Gaulcher et de ses héroïques capitaines Henri-Anne de Mehm, vicomte de Garni; Pierre-Ernest de Gavre, baron d'inchy; Jean de Mérode, seigneur de Pctershem; Jean Fauche, dit Dompré; Adrien de Bon- nières, seigneur de Nieurlet, et Charles deBryas, seigneur de Hernicourt, qui fut blessé. Mais celte victoire ne pouvait conjurer les périls qui s'amoncelaient autour du trône impérial. Vienne semblait ne pouvoir échapper que par un miracle à une catastrophe terrible. Un événement inattendu, providentiel, vint la sauver de nouveau. La mésintelligence ayant éclaté entre le comte de Thurn Tome XLII. 13 94 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE et Bethlem Gabor, les Bohémiens et les Hongrois se séparèrent et retournè- rent dans leur pays. Toutefois, en se retirant, ils voulurent se venger des coups que les Wallons leur avaient portés depuis quelque temps et notam- ment au passage du Danube; dans ce but, ils assiégèrent les forteresses de Crems, de Môlk et de Château René. Crems était une petite ville commerçante, située sur la rive gauche du Danube. Ernest de Mansfelt, qui s'était ménagé des intelligences dans la place, l'attaqua vigoureusement le 3 décembre, fit sauter deux portes et déjà ses troupes criaient ville gagnée, lorsque les défenseurs, commandés par le brave capitaine Louis d'Assignies, seigneur d'Angest, les arrêtent et les forcent à rebrousser chemin et à regagner leur camp de Langenlois, à une lieue de Crems. Les Bohémiens perdirent plus de deux cents hommes à cette affaire; les cinq compagnies wallones qui formaient la garnison de la place déployè- rent beaucoup de bravoure; c'étaient celles des capitaiens d'Assignies, de François Duchastel, vicomte d'Émerin, d'Albert de Gavre, de Jean de Har- chies et du seigneur de Longueval '. La place de Môlk, située également sur le Danube, mais sur la rive droite, fut attaquée par le comte Louis de Starenberg, gouverneur du pays deLintz. Elle était occupée par quatre compagnies wallones, sous les capitaines Jacques de Haynin, Théodore d'Alamont, Ferdinand de Ghistelles et Jean de Houchin. Ces deux dernières venaient de perdre leurs chefs morts de maladie. 1 Voici encore une chanson que composèrent les Wallons à l'occasion de la prise de Crems; nous l'empruntons, comme la précédente, à 1M. de Robaulx de Soumoy : i. Venez Ions peuples désireux, Ouy avez esprict curieux, Et vous poldrez entendre En quel fa<;un, du Pays-Bas, Nous fusnics menez, sans délias. Au pays de Bohemme. 2. Premièrement nous advancbanl A grand paine et travail, marchant Sans relas à toutte heure. Luxembourcn nous avons passé Et puis en Lorraine adressez, Sans faire nulle demeure. La Suisse et l'AIIemaigne aussy, Nous avons passé ainsy, En faisant bonne chière. Puis en Bohemme sommes entrez, Là oit on s'est délibéré De leur livrer la guerre. A. Marchant souhs la faveur de Mars Et aussy de ses estandarts, Comme gens plains d'audace; Soudain on nous list approcher D'une ville sur un rocher . Que l'on appelle Crasse (Krcims). Ce noble comte, de Busquoy Nous list marcher en bel arroy Toute auprès de la ville, Serrant le chasteau viitemcnt, Par les soldais du régiment Du ducq de Bournonville. 6. Le jour de S'-Jan, pour certain, Envers les dix heures du malin, Ceste approche fus! faiete. Et puis sur les sept du soir Toutte l'armée list son dcbvoir De s'y trouver eu feste. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 95 Pendant six semaines, la ville fut étroitement bloquée et sa garnison repoussa plusieurs tentatives d'escalade. Le capitaine de Haynin, qui en était le chef, ne cessa de déployer une vigilance et une fermeté qui sauvèrent la place et obligèrent le comte de Starenberg à abandonner son projet. Le château fort de René qu'occupait le comte Ferdinand d'Andelot avec deux cents mousquetaires wallons du régiment de Buquoy, eut également à se défendre contre les attaques des Bohémiens. Cette petite garnison fit de fréquentes sorties et fatigua tellement l'ennemi qu'il dut se retirer sans avoir obtenu le moindre avantage. Le comte de Starenberg, lorsqu'il avait dû renoncer à son entreprise contre Molk, s'était retiré à Linlz après avoir traversé le Danube à Ips, et comme il se proposait de renouveler ses attaques contre les garnisons impériales, il avait laissé trois cents hommes pour garder le passage du fleuve. Le comte de Buquoy ne voulut pas laisser l'ennemi en possession d'une position qui lui permettait d'inquiéter incessamment ses garnisons. II chargea son sergent-major de Miraulmont de s'en emparer. Cet officier supérieur partit donc un matin avec une petite colonne de Wallons; il plaça le capitaine Charles de Postel, avec une centaine de mous- quetaires, en embuscade dans une abbaye rapprochée du poste des Bohémiens, marcha lui-même, avec vingt-cinq hommes, par des chemins détournés et couverts et se jeta sur le poste qui gardait la porte de Ips. Après avoir été rejoint par Charles de Postel, il attaqua la garnison, la mit en pièces et resta Puis quand ce vcint sur la minuict, Chascun très-bien son ordre fit A entrer en la ville. Lors on nous a faict travailler A faschonner aussy un tranchi Où chascun fut habille. Mais quand reveint le point du jour On leur reeomencha le tour Avecq aspre escarmouche. Car tant par feu que par canons, Rientost faict rendre les avons Et devenir hus-touche. 10. Ccsluy qui fit ceste chanson, Son nom de guerre est La Moisson De Douay , rouge ville, Lequel tout le temps de sa vye Aurait voulu imoler sa vye Devant chasteau et ville. Or voilà doncq jusques à présent, Du temps qu'avons esté absent, Ce que je vous puist dire. Mais ayant passé plus advandt, J'ay espoir, Dieu nie conservant, De pouvoir mieux escripre (*). (*) L'auteur tint parole et célébra successivement tous les faits d'armes de son régiment par des chansons. 96 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE maître de la place dont il confia la garde aux capitaines de Postel et Maxi- milien de Monlbertaut, du régiment de Verdugo. Pendant l'hiver de 1619 à 1620, le comte de Buquoy, qui s'était établi à Mautern, sur la rive droite du Danube, s'occupa de réorganiser et d'augmenter son armée sensiblement affaiblie par les combats et les fatigues de la campagne précédente. A sa demande, on fit dans les Pays-Bas des levées pour compléter les tercios wallons. On leva aussi des troupes dans les États bériditaires avec l'argent que fournirent l'Espagne et Rome, et Buquoy donna presque tous les commandements à de jeunes seigneurs belges qui depuis quelque temps étaient venus en foule briguer l'honneur de combattre sous les ordres de leur illustre compatriote. Parmi ces jeunes cbefs dont précédemment nous avons cité quelques-uns, on remarquait Guillaume de Melun, prince d'Épinoy; le prince Charles- Alexandre de Croy, marquis d'Havre , qui était chef et capitaine d'une des bandes d'ordonnance des Pays-Bas; son frère Ernest, baron de Fenestrange, et son cousin François, baron de Northout; Ernest Suys, baron de Clinge- landl, plus tard comte de l'Empire et général en chef de l'artillerie; Albert d'Arenberg, prince de Barbançon; le chevalier Maximilien de Billehé qui devint l'un des plus brillants généraux de l'Empereur, et mourut héroïque- ment à la bataille de Nordlingen en 1634; Jean Bette, baron de Lède; Fran- çois de Morialmé; Albert de Gavre, baron d'Inchy; Charles des Mazures; le comte de Hennin-Lietard; François de Herzelles; François d'Arlin, seigneur de Borneval, etc., elc. La nouvelle armée fut complètement organisée dans le courant du mois de janvier (1620). Buquoy se mit alors en campagne et, dès le 12 février, surprit à Langenlois le corps d'armée d'Ernest de Mansfelt, commandé momen- tanément par le baron de Fels. Il fondit sur l'ennemi avec deux mille chevaux wallons et cinq compagnies de son régiment sous les ordres des capitaines baron d'Ugies, vicomte d'Émerin, d'Arlois, de Villers et Machuré. Ces troupes étaient commandées par le sergent-major de Miraulmont. Du côté de l'ennemi, six cents hommes restèrent sur le champ de bataille, trois cents furent faits prisonniers; enfin cinq drapeaux et trois canons tombèrent entre les mains des vainqueurs. Les cuirassiers wallons sou- SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 97 tinrent dans cette affaire leur bonne renommée. Voici, du reste, la relation de la journée du 12 février, écrite à l'Empereur par le comte de Buquoy lui- même, le soir du combat : « D'après les ordres de V. M. I. je suis arrivé ici le 10 du courant, » mais le lendemain, entre dix et onze heures du malin, j'ai fait passer le » Danube à une partie de mes troupes, et bien que j'eusse alors à lutter contre » des circonstances tout à fait défavorables, j'ai néanmoins l'honneur de » mander par celle-ci à V. M. I. que l'ennemi, qui avait pris ses logements » à Langenlois, en a été rudement chassé avec une perte d'environ douze » cents hommes tués, de six drapeaux, des deux bannières du colonel de » Stadl et de deux pièces de campagne. » La plupart de mes gens de pied et de mes cavaliers ayant déjà ramené » les prisonniers au delà du fleuve, je ne puis marquer le nombre exact, » mais je crois devoir faire savoir à V. M. I. qu'à eux seuls mes cuiras- » siers wallons en ont fait entrer cent et onze à Stein. » De Mautern, 12-22 février 1620 '. Les débris du corps d'Ernest de Mansfelt furent poursuivis pendant trois jours et rejetés au delà de la ville de Horn. Après cette victoire, le comte de Buquoy s'établit dans la position que l'ennemi venait d'abandonner, à Langenlois. 11 réunit toutes ses Iroupes qui étaient disséminées dans les garnisons voisines et, dès le 1er mars, il se remit à la poursuite des révoltés, dans la direction de Horn. Il apprit bientôt que les Bohémiens se tenaient en force à Eggenbourg, à une demi-lieue de lui. Il mit à l'avant-garde toute sa cavalerie soutenue par cent mousquetaires wallons et donna au reste de ses troupes Tordre de suivre la cavalerie à petite distance. Les cavaliers wallons en vinrent bientôt aux mains avec les cavaliers ennemis; pour proléger leur attaque, le capitaine de Haynin, qui comman- dait les cent mousquetaires de soutien, s'établit dans un petit bois voisin, et comme les Bohémiens avaient pris la même précaution et que ses tireurs faisaient beaucoup de mal aux impériaux, le capitaine de Haynin résolut de 1 Ralhembci'k, Les Belges en Bohême. 98 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE les débusquer. II partagea sa petite troupe en deux colonnes, assaillit l'ennemi de deux côtés en même temps et les expulsa du bois. Ceux-ci, nonobstant les efforts que fit un escadron wallon pour leur couper la retraite, allèrent se rallier sous la protection d'un corps nombreux qui se trouvait un peu en arrière avec deux canons. Les mousquetaires du capitaine de Haynin conti- nuèrent d'avancer ainsi que la cavalerie, et comme ils marchaient de succès en succès, ils se seraient jetés témérairement au milieu de l'armée ennemie, si le comte de Buquoy ne fût intervenu pour les arrêter. Il réprimanda même le capitaine de Haynin d'avoir quitté le poste qui lui avait été assigné et de s'être aventuré en rase campagne; mais cet officier allégua qu'il n'avait fait qu'obéir aux ordres du général Duval de Dampierre. Une altercation assez vive eut lieu à cette occasion entre les deux géné- raux, mais comme en définitive cette désobéissance n'avait amené que de bons résultats, le général en chef s'apaisa. Le jour était à son déclin, Buquoy voulut s'emparer d'un point fortifié, pour assurer la sécurité de ses troupes pendant la nuit; il chargea le capitaine de Haynin de reconnaitre, avec ses cent mousquetaires, un cimetière où l'en- nemi avait placé une partie de son infanterie. Mais cette position se trouvait sur une hauteur et était protégée par des murs assez élevés, et comme en outre elle était bien gardée, il fallut renoncer à l'espoir de l'occuper de vive force. La nuit se passa sans encombre. Le lendemain, au point du jour, les impériaux furent rejoints par le reste de leurs troupes; ils se mirent en bataille et l'artillerie fut disposée dans une excellente position; mais les Bohé- miens qui avaient pour principe, d'après les recommandations que leur avait faites Maurice de Nassau, de n'accepter jamais la bataille qu'en cas de néces- sité absolue, avaient passé la nuit à préparer leur retraite; déjà leurs bagages étaient partis pour Horn et leurs canons s'acheminaient sur Telt. Ils affec- tèrent, du reste, de se mettre en bataille pour mieux dissimuler leurs projets, de sorte que toute la journée se passa encore en petits combats sans résultats importants. Les impériaux avaient devant eux une petite rivière et un village; sur leur droite se trouvait un bois; en outre la pente du terrain à parcourir pour SOUS LA MAISON DESPAGNE. 99 aborder l'ennemi était très-rapide. Le comte de Biujuoy jugea qu'il était dangereux d'attaquer de front une position si bien défendue et il résolut, le lendemain matin, de faire un détour d'un quart de lieue afin de trouver un terrain découvert qui permît à ses troupes de marcher en bataille. Dans ce but, il ordonna à M. de Miraulmont de suivre la lisière du bois avec quatre cents mousquetaires wallons des compagnies d'Albert de Gavre, de Ferdinand d'Andelot, de Gilles de Villers, capitaines du régiment de Btiquoy. Les Bohémiens adoptèrent les mêmes dispositions : ils jetèrent dans le bois, pour tenir tête aux mousquetaires wallons, des troupes légères protégées par une forte réserve, lis occupaient d'ailleurs une hauteur qui leur permettait de maltraiter presque impunément les impériaux. Le sergent -major de Miraulmont se vit obligé d'attaquer cette position, mais l'ennemi résista avec opiniâtreté. On en vint à une mêlée dans laquelle le brave de Miraulmont, les capitaines Robert de Hauteclocque, seigneur de Quatrivaux, et de Wael, ainsi que plus de deux cents mousquetaires wallons trouvèrent une mort glorieuse. Les impériaux durent renoncer à cette entreprise meurtrière et reprirent leur position première en attendant des renforts. Cet échec et surtout la mort de son brave sergent-major de Miraulmont affligèrent beaucoup le comte de Buquoy; il ne voulut pas cependant aban- donner son projet et envoya les capitaines François Du Chaste], Eustache d'Arlois, de Haynin et Théodore d'Alamont avec six cents mousquetaires pour soutenir les capitaines de Gavre, d'Andelot et de Villers qui continuèrent à tirailler dans le bois. La nuit survint sans qu'on eût remporté de succès important; l'armée impériale était harassée par trois jours d'action; elle manquait de vivres, Buquoy la fit retirer à un quart de lieue, ne laissant aux avant-postes que quatre cents chevaux avec un soutien d'infanterie. Le lendemain, une nouvelle tentative eut encore lieu pour attirer les Bohémiens hors de leur position : les capitaines François Dormael, dit Machuré, qui était passé du régiment de Hennin dans celui de Buquoy, et de Haynin, ayant chacun cent mousquetaires, allèrent harceler l'ennemi, mais ce fut encore inutilement. Alors Buquoy se décida à la retraite qui se fit avec beaucoup d'ordre sous la protection des mille chevaux wallons du colonel Gaulcher. Le soir, l'armée impériale rentra à Langenlois. 100 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Quelques jours après, Buquoy revint cependant affronter de nouveau l'ennemi. Il était accompagné des régiments du colonel Gaulcher et de Wal- Ienstein , de quelques autres corps de cavalerie et d'un millier de mousque- taires tant wallons qu'allemands. Le 12 avril, il rencontra deux mille chevaux ennemis près de Silzendorf. Il fit attaquer cette troupe par les deux ailes, la dispersa complètement et enleva six enseignes et six cornetles. Les Bohémiens perdirent six cents hommes dans cette rencontre et, entre autres, le haron Léonard Columnum de Fels et le haron Hangevitz. Le comte de Buquoy fut blessé au talon et eut son cheval tué sous lui. Parmi les officiers qui se distinguèrent le plus, on cita le vicomte de Gand, le haron d'Inchy, les capitaines Jean Fauche, dit Dompré, Guillaume de Carondelet et Andronique de Fiennes. Ces deux derniers moururent de leurs blessures quelques jours après. Le lieutenant-colonel de Crepy du régiment d'infanterie basse-allemande du comte de Nassau et bon nombre de soldats furent également blessés. A la suite de cette journée, le comte de Buquoy se retira de nouveau à Langenlois pour y attendre les renforts qu'on lui promettait de toutes parts. Dans les derniers jours du mois d'avril, le régiment de Guillaume Verdugo qui, après la campagne de Savoie était restée Naples, rejoignit l'armée de Buquoy; il était arrivé à Passau à la fin du mois d'octobre 1619, mais l'en- nemi avait manœuvré de manière à empêcher que ce corps ne rejoignît l'armée de Buquoy. C'était un précieux renfort de soldats aguerris. A peu près à la même époque, arriva d'Italie le régiment de Charles Spinelly. Quelques jours après l'arrivée de celle troupe, les Bohémiens subirent une défaite assez sensible : ils furent assaillis, dans les environs de Schonherg, par la compagnie de cavalerie wallone du vicomte d'Émcrin et les mous- quetaires des capitaines de Villers et Dormael, dit Machuré. La déroule de l'ennemi fut complète et les Wallons en tirèrent beaucoup d'honneur. Le 12 du mois de juin, les Bohémiens, qui étaient parvenus à doubler leurs forces, cherchèrent à prendre une revanche sur les troupes impériales; ils dirigèrent plusieurs attaques contre la position retranchée de Langenlois, mais tous leurs efforts échouèrent devant la bonne contenance des Wallons et des Italiens, à qui était confiée la garde des avant-postes. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 101 Repoussés de ce côté, les Bohémiens tournèrent leurs efforts contre le château de Tain qui était occupé par les compagnies des capitaines Charles de Bardoul, ancien adjudant dans le tercio de Verdugo, et d'Eustache de Pratz. Là, ils furent plus heureux : la garnison wallone dut capituler, mais elle s'était vaillamment défendue et obtint les conditions les plus honorables. Pendant que tous ces petits combats se livraient, un événement inattendu vint tout à coup changer complètement la situation : les deux grands partis reli- gieux qui se partageaient l'empire conclurent la paix à Ulm. L'union évan- gélique abandonna lâchement une cause qui était en quelque sorte la sienne; elle promit de rester neutre désormais et de se borner à garantir à l'Électeur palatin la tranquille possession de ses États héréditaires. Par cet abandon, la Bohème se trouvait livrée à ses seules ressources; Ferdinand II, au contraire, soutenu par Maximilien de Bavière et par la Ligue catholique, se montrait puissant et redoutable, prêt à punir des sujets longtemps rebelles et à arracher la couronne des mains impuissantes de Frédéric V. Le duc de Bavière, qui avait été élu généralissime de la Ligue catholique, se mit immédiatement en campagne (7 juillet) et arriva sur l'Inn le 17 juillet. Après avoir rallié les différents corps de son armée, il partit de Schœrding le 19 et entra en Autriche. L'armée impériale, commandée par le comte de Buquoy, se joignit aux ligués, le 9 septembre, non loin de la ville de Horn. Bien que le duc de Bavière se fût réservé la direction supérieure de ses troupes, il en avait confié le commandement direct à son lieutenant général Jean de T'SercIaes, comte de Tilly, qui était non-seulement le général le plus remarquable parmi les princes catholiques, mais encore le plus grand homme politique qui se soit produit en Allemagne, pendant toute l'époque de la guerre de Trente ans. Avant de suivre les opérations des armées combinées de l'Empereur et du duc de Bavière, placées respectivement sous le commandement de nos deux illustres compatriotes Buquoy et Tilly, il convient de jeter un coup d'œil en arrière et de rappeler les actions militaires principales de l'armée bavaroise dans les rangs de laquelle se trouvaient des soldats wallons qui, sous le rap- port de la bravoure, ne le cédaient pas à ceux de l'armée du comte de Buquoy. Tome XLII. \%, 102 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE § 3. Le comte de T'Serclaes-Tilly réorganise l'armée bavaroise. On a vu précédemment que le comte de Tilly avait énergiquement défendu la Hongrie contre les invasions des Turcs. En 1608, l'Empereur lui ayant donné la mission de lever un corps de soldats wallons, Tilly vint aux Pays- Bas et, dès le mois de juin, il se trouva en mesure de conduire en Bohême un magnifique régiment composé de vieux soldats aguerris au feu '. La mission du comte de Tilly était d'obliger l'archiduc Mathias à cesser ses intrigues contre l'empereur son frère, mais la faiblesse de l'empereur Rodolphe l'ayant porté à céder aux prétentions de son frère, le régiment wallon fut licencié et Tilly rentra momentanément dans la vie privée. En 1610, Maximilien de Bavière, qui ambitionnait de jouer dans les évé- nements du temps un rôle en rapport avec les hautes facultés dont il était doué, chercha à attirer à son service les officiers qui s'étaient fait un renom de valeur et de mérite. Déjà précédemment il avait obtenu du gouverneur général des Pays-Bas l'envoi dans ses États de deux ingénieurs distingués dont l'un était Alexandre De Groote - qui fil exécuter tous les travaux de for- tification de la Bavière. La réputation militaire du comte de Tilly n'avait pas manqué de le frapper; il ne négligea rien pour l'attirer également à son service, le nomma lieutenant général et le chargea de l'organisation de son armée. Cette œuvre achevée, Tilly reçut le commandement des troupes destinées à soumettre la Bohème. Le comte de Tilly n'était pas le seul Belge qui se trouvât parmi les chefs de l'armée bavaroise. On y rencontrait, à la tète de trois cents arquebusiers, Corneille Gaspard de Morlaigne qui, plus tard, passa au service du roi de 1 Villcrmont, Tilly ou la guerre de Trente ans, t. Ier, p. 64. 2 Archives de l'audience, Correspondance de Maximilien, lettre du 16 novembre IC08. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 103 Suède et devint l'un de ses meilleurs généraux de bataille l; Jean-Jacques, comte de Branckhorst, baron d'AnhoIt, qui avait un régiment de trois mille hommes et remplissait, en outre, la charge de waguemestre général de l'in- fanterie, en attendant qu'il devint un des chefs de la Ligue catholique et de l'armée impériale2; Jean Van der Neersen, baron de Fremont, chef d'un corps d'arquebusiers à cheval; Thimon, baron de Linteloo, colonel de quatre cents cuirassiers; le colonel Beninghausen, chef d'un régiment wallon de mille hommes et de cinq cents cuirassiers, et encore beaucoup d'autres offi- ciers distingués. § 4. Opérations en Bohême des armées impériales combinées. La jonction des deux armées bavaroise et impériale que nous avons signalée à la fin du premier paragraphe de ce chapitre, portait à cinquante mille hommes les forces qui allaient marcher sur la Bohême, non compris le corps du marquis de Spinola dont le roi d'Espagne avait promis le con- cours 3. Nous suivrons d'abord les armées alliées en Bohême, puis nous 1 II mourut en 1G48. Il avait un frère, Christophe, qui fut tué étant colonel suédois. 2 11 mourut en 1G50. On ne doit pas le confondre avec le comte de Gronsveld. 3 L'armée de Tilly comptait 50,800 hommes. » de Buquoy » i 9,550 » Total. . . 50,550 hommes. Dans ce nomhrc il y avait 10,500 Wallons et Bas-Allemands, savoir: ARMÉE DE TILLY. INFANTERIE. Le régiment du baron d'Auholt » de Benninghausen CAVALERIE. Le corps de Benninghausen . » de Van der Neersen. , » de Lindeloo . . . » de Herzelles . . . Total. . 5,000 hommes. 1,000 » 500 300 » 400 » 500 » 5,700 hommes. ARMÉE DE BUQUOY. INFANTERIE. Tercio de Buquoy Tercio de Verdugo .... CAVALERIE. Régiment de Wallenslein . . . 800 » de Gaulcher .... 500 » deCroy 500 3,000 hommes. Total. 4,600 hommes. La garde personnelle de Tilly fut toujours composée de Wallons qui, dans une foule de cir- constances, déployèrent la plus héroïque valeur. 104 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE reviendrons aux opérations de Spinola dans le Palatinat, car là aussi nous aurons à constater la belle conduite des soldats wallons. Les opinions des chefs des armées alliées sur la conduite des opérations étaient très-divisées : les généraux de Tannée de la ligue voulaient marcher directement sur Prague, au cœur de la Bohême; le comte de Buquoy consi- dérait ce projet comme dangereux à cause de la saison avancée et des mala- dies qui décimaient les troupes. Il opinait pour qu'on poursuivît l'ennemi, l'armée protestante qui semblait vouloir se jeter sur la Moravie cherchant par là à entraîner les ligués à leur poursuite, dans des pays dévastés et com- plètement épuisés. Le duc Maximilien de Bavière et son lieutenant général le comte de Tilly insistaient, au contraire, pour qu'on se mît immédiatement en marche sur la Bohême. Leur avis prévalut. L'armée de Buquoy, qui était restée cantonnée dans les environs de Langen- lois, se mit donc en marche le 3 septembre. Le 9 les Wallons s'emparèrent de la ville de Horn; ils y perdirent malheureusement un de leurs plus braves ofiieiers, le capitaine Robert de Hauteclocque. Le jour même de la reddition de Horn, l'armée de Buquoy opéra sa jonc- lion avec les troupes du duc de Bavière (9 septembre). Ces forces réunies présentaient un effectif d'un peu plus de cinquante mille hommes; elles se dirigèrent sur Budweis où elles arrivèrent le 12. A Budweis l'armée alliée fut divisée en deux corps : le premier, sous les ordres du duc de Bavière et du comte de Tilly, marcha sur Wodnian. Le second, sous le comte de Buquoy, se dirigea sur Prachadilz. La place de Wodnian se rendit par capitulation; celle de Prachadilz fut prise d'assaut après quarante-huit heures d'investissement; sa garnison fut mise à mort et toute la population eût subi le même sort sans la généreuse intervention des seigneurs de Mérode et de Hennin. Les deux armées marchèrent alors sur Piseck qui était retombé au pouvoir des rebelles. Elles y arrivèrent en même temps, le 27 septembre, et cernèrent la ville. La garnison opposa d'abord une résistance vigoureuse et ne voulut pas entendre parler de capitulation, mais, après quelques jours de siège, les Wallons montèrent inopinément à l'assaut, massacrèrent la garnison et s'em- SOUS LA MAISON DESPAGNE. 10o parèrent de toute la ville dont le pillage leur avait été promis en compensa- tion de l'absence de toute solde. Malheureusement pour cette citée infortunée, les Croates suivaient les Wallons; ils se jetèrent sur les habitants avec une rage barbare; bien peu, dit-on, échappèrent à leur fureur. La ville fut réduite en cendres, le com- mandant militaire fut pendu au-dessus de sa porte, le chef civil fut déca- pité. Le duc de Bavière, les comtes de Tilly et de Buquoy arrêtèrent, l'épée à la main, ces soldats furieux, et sans leur énergique intervention personne peut- être n'aurait eu la vie sauve. Buquoy fit pendre un soldat par régiment; la tradition rapporte qu'il tua lui-même un tambour qu'il ne parvenait pas à faire cesser de battre sa caisse; le pillage n'aurait jamais fini sans cela, parce qu'il était de règle que la cessation du bruit de la caisse devait, au bout de quelque temps, terminer la vengeance et la récompense des soldats '. Quoi qu'il en soit de celte anecdote, il est juste de reconnaître que le comte de Buquoy fit tous ses efforts pour faire cesser les horreurs qui furent commises à Piseck. Voici, du reste, comment s'exprime l'historien Malingre : « Le comte de Buquoy, voyant cela, quoy que tout mal disposé de sa per- » sonne, y accourt comme un lion plein de courage, retire les magistrats » vieux et caducs et les bons anciens bourgeois des mains des soldats, » s'irrite et se courrouce contre les capitaines qui avaient permis cette » insolence -. » « Bien que dans les coutumes de la guerre, fait remarquer à son tour le savant annotateur des mémoires du seigneur du Cornet 5, on n'agit guère autrement, il est certain que rarement on avait montré autant de cruauté que les Croates en montrèrent à Piseck; aussi les traditions locales et d'après elles les historiens ont-ils fait un horrible tableau de la barbarie des milices étrangères. Il convient toutefois de constater que l'horrible châtiment qui fut 1 Mémoires du prince de Ligne. L'auteur ajoute que Buquoy élait inspiré par un sentiment d'humanité qui avait un peu l'empreinte de la dureté, dans un temps où les mœurs étaient encore un peu farouches. 2 Malingre, p. 59G. 5 M. de Robaulx de Soumoy. 10(5 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE infligé à la ville de Piseck était motivé par la conduite honteuse que la gar- nison avait tenue quelque temps auparavant, lorsqu'elle gardait la ville pour l'Empereur. Trop lâche pour combattre l'ennemi qui l'assiégeait, elle avait pendu en dehors des murailles son brave commandant don Martinez de Huerta, puis elle avait ouvert les portes aux Bohémiens. » Le sort cruel infligé à la garnison de Piseck eut, du reste, pour conséquence que les villes de Bakonitz, de Schultenhofen, de Clattau et d'autres places ouvrirent spontanément leurs portes, dès que les Impériaux se montrèrent. On raconte que le duc de Bavière, chaque fois qu'il entrait dans une nou- velle place, disait : « ce sont encore ces diables incarnés de Wallons qui nous ouvrent les portes. » Les Bohémiens tenaient également la campagne dans les environs de Rakonitz et de Pilsen, avec une armée nombreuse, mais ils n'avaient pas jugé à propos d'accepter le combat. Le comte de Thurn s'était retiré le long de la Moldau et, pendant la prise de Piseck, il était resté dans l'inaction près de Brzeznitz, sur la rive gauche de la Lomnitz. D'un autre côté, Ernest de Mausfelt occupait toujours Pilsen avec six mille hommes d'infanterie et deux mille chevaux. Ce fut vers cette ville que le comte de Buquoy dirigea son armée, et pendant les quelques jours qu'il y resta, il fut rejoint par le colonel comte Balthasar de Maradas qui arrivait d'Italie avec un renfort et avait franchi, avec son petit corps d'armée, les passages les plus difficiles et les plus redoutables de la Bohème qu'heureusement l'ennemi ne songea pas à lui disputer. Pendant que les troupes de la ligue faisaient des démonstrations devant Pilsen, l'ennemi se trouvait près de Bokitzan. La petite distance qui séparait les deux armées donna lieu, très-souvent, à des escarmouches qui n'eurent à la vérité aucun résultat utile, mais qui firent perdre beaucoup de monde, sur- tout par l'exaspération qui animait les Wallons contre les Hongrois envoyés par Berhlem Gabor au secours des Bohémiens. Une haine instinclive existait entre ces deux nations; souvent elle s'était manifestée l'année précédente, lorsque Wallons et Hongrois marchaient sous les mêmes drapeaux. Placés maintenant, par suite des événements, dans des partis opposés, ils ne se faisaient jamais de quartier, quand ils se rencontraient. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 107 Après être restés inutilement devant Pilsen pendant onze jours en négo- ciation avec Ernest de Mansfelt qui feignait de vouloir passer dans le parti de l'Empereur, les ligués levèrent leur camp le 22 octobre pour marcher sur Prague. Les Bohémiens quittèrent également leur position de Rokitzan et se retirèrent devant leur adversaire; mais, aux environs de Rakonitz, petite ville située entre Pilsen et Prague, le comte de Buquoy lança avec tant d'à-propos la cavalerie de Wallenstein et les cosaques polonais , soutenus par six cents mousquetaires wallons, que les Hongrois furent mis en déroute et essuyèrent des perles considérables. Le comte de Buquoy, s'étant lui-même jeté au plus fort de la mêlée, reçut un coup de feu dans la région du bas-ventre (4 novembre). Averti par quelques-uns de ses soldats, qui s'étaient échappés des mains de l'ennemi, que le quartier des Hongrois pouvait être enlevé facilement, Buquoy chargea MM. de Mérode et de Hennin de tenter cette entreprise avec mille mousquetaires et cinq cents piquiers wallons. Arrivés à une demi-lieue des Hongrois, cette colonne trouva la route coupée par une inondation que l'ennemi avait faite; les Wallons, qui étaient en tèle, n'hésitèrent pas à franchir l'obstacle bien qu'ils eussent de l'eau jusqu'à la ceinture, mais les autres troupes refusèrent de les suivre, ce qui fit échouer l'entreprise. Après avoir passé plusieurs jours dans les environs de Rakonitz, les géné- raux alliés décidèrent enfin de marcher droit sur Prague; mais bien qu'ils eussent tâché de donner aux Bohémiens le change sur leurs projets, ceux-ci les devinèrent et prirent les devants. Les compagnies wallones des capitaines Eustache d'Arlois, Jean de Har- chies, Gilles de Marligny, seigneur de Villers, Georges Petrifrais et Pierre de Confieras les harcelèrent vivement. Les deux armées se suivirent ainsi jusqu'à environ trois lieues de Prague; là, les Bohémiens prirent une forte position, mais le soir venu, ils se remirent en marche et gagnèrent le château de l'Étoile située sur la Montagne-Blanche à une lieue de Prague. Malgré les précautions qu'ils avaient prises pour dérober leur décampement aux alliés, le colonel Gaulcher en fut averti et aussitôt il se mit à leurs trousses avec son régiment, un régiment bavarois et mille mousquetaires wallons tirés des 108 HISTOIRE DE LINFANTERIE WALLONE tercios de Buquoy et de Verdugo, et commandés par Jacques de Haynin qui avait remplacé le sergent-major Claude de Miraulmont * dont nous avons constaté la mort héroïque. Mais l'ennemi était déjà loin; il fallait se hâter pour le rejoindre; Gaulcher n'hésite pas; il ordonne à l'infanterie, qui n'aurait pu le suivre dans la marche rapide qu'il méditait, de s'établir solidement où elle se trouve et lui- même, sans attendre le régiment bavarois qui tardait à arriver, il se précipite en avant seul avec ses braves Wallons. Après deux lieues de marche rapide, il trouve six mille Hongrois occupés à se rafraîchir dans un village, et ne se doutant nullement que les impériaux sont à leur poursuite. Le colonel Gaul- cher prend rapidement ses dispositions : Ernest de Gavre, baron d'Inchy, attaquera par la gauche, Jean de Mérode, baron de Pelcrsem, agira vigou- reusement par la droite; lui-même s'avancera au centre après avoir laissé une forte réserve hors du village. Tout s'exécute à un signal donné; les Wallons fondent de tous les côtés sur les Hongrois qui n'ont que le temps de prendre la fuite en laissant toutefois aux mains du vainqueur bon nombre de prisonniers et plus de deux cents chevaux. Henri de Melmi, vicomte de Gand, Jean de Fauche, dit Dompré, et Gilles de Martigny, combattirent bravement dans cette rencontre avec l'ennemi, mais Jean de .Mérode se fît remarquer entre tous par sa bouillante valeur; le chef des Hongrois tomba sous ses coups 2. On a vu que le sergent-major de Haynin était resté en arrière avec ses mille mousquetaires. Il passa toute la nuit sous les armes pour favoriser l'entreprise hardie du colonel Gaulcher. Le lendemain matin, il le rejoignit et tous deux se rallièrent à l'armée du comte de Buquoy qui s'était mise en marche vers Prague (4er septembre). Le 7 novembre l'armée des ligués arriva enfin sous les murs de la capi- tale de la Bohème où elle avait été devancée par les Bohémiens qui, avons- nous vu, s'étaient établis à l'Étoile, sur la Montagne-Blanche. Celte position était très-favorable à la défense. Le comte de Buquoy pen- 1 Patente du 10 juillet 10-20. Audience, liasse n" 1130. 2 Malingre, p. 003. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 109 sait qu'il convenait de tourner la position, le duc de Bavière et le comte de Tilly insistèrent, au contraire, pour qu'on procédât immédiatement à une attaque de front. Cette dernière opinion prévalut dans le conseil de guerre qui s'assembla le jour même; une attaque directe et immédiate fut résolue. Avant de décrire les incidents principaux de cette affaire importante où le sort du nouveau roi de Bohème, Frédéric V, allait être décidé sans retour, en moins d'une heure, il convient d'exposer quelles étaient les forces des deux partis et les positions qu'occupaient leurs armées. L'armée bohémienne était mal équipée et surtout très-imparfaitement exercée; en outre elle était mécontente à cause d'un arriéré de solde considé- rable. Elle avait d'ailleurs beaucoup souffert par ses retraites continuelles; enfin, sa force morale était complètement détruite. La position que le prince d'Anholt avait choisie sur la Montagne-Blanche était très-bonne; les derrières de l'armée étaient couverts par la ville de Prague qui, au besoin, pouvait servir de réduit. L'aile droite était appuyée au parc royal; un précipice couvrait l'aile gauche. L'armée ainsi établie ne pouvait donc être attaquée que de front, par une pente accidentée, raboteuse et protégée en outre par des retranchements qui, à la vérité, n'étaient pas achevés lorsque la bataille commença. L'armée bohémienne se composait de onze mille hommes d'infanterie et d'un peu plus de dix mille chevaux; elle n'avait que six pièces de canon 1. Les forces des alliés étaient plus considérables en infanterie, mais, par contre, la cavalerie était notablement moins nombreuse. On comptait dans l'armée impériale quinze mille quatre cents hommes d'infanterie et quatre mille cinq cent cinquante chevaux , dans l'armée des ligués dix-sept mille cinq cents hommes d'infanterie et trois mille chevaux. C'étaient donc trente- deux mille neuf cents hommes d'infanterie et sept mille cinq cent cinquante cavaliers soutenus par seize pièces de canon, que les Bohémiens avaient à combattre. 1 Rapport original du duc d'Anholt (Christian) sur la bataille de Prague, daté de Kustren le 1er janvier 1621. Tome XLII. 1S HO HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE L'armée des Bohémiens était disposée sur trois lignes, avec un poste avancé de cavalerie irrégulière. Les deux premières lignes, établies à trois cenls pas Tune de l'autre, élaient composées alternativement de petits corps d'infanterie et de cavalerie. Les cavaliers hongrois formaient la troisième ligne, c'est-à-dire la réserve. Trois pièces de canon étaient placées en avant de chacune des deux ailes de la première ligne. Les troupes de la ligue prirent les dispositions suivantes : l'armée impé- riale, sous le comte de Buquoy, forma l'aile droite; les Bavarois, commandés par le comte de Tilly, occupèrent l'aile gauche. Toutes ces troupes furent réparties sur trois lignes. Les deux armées se trouvant en présence se saluèrent d'une décharge de l'artillerie, suivant l'usage du temps. Quelques Wallons furent atteints; un brave capitaine alhois, nommé Fourdin, fut tué. Le sergent-major Jacques de Haynin, du régiment de Buquoy, fut chargé d'engager la mêlée avec deux pelotons de mousquetaires; immédiatement après lui, devaient marcher deux régiments wallons commandés par le colonel Verdugo; enfin le brave Gaulcher avait ordre de seconder l'attaque de l'in- fanterie avec ses cuirassiers flamands. lie lendemain, 8 novembre, fut livrée la bataille de Prague. A l'heure con- venue, le comte de Buquoy donna l'ordre aux deux régiments wallons qui formaient la première ligne d'avancer par le centre avec la cavalerie; le corps de droite, qui se trouvait un peu plus en avant que l'autre, était composé des Wallons des régiments de Buquoy et de Verdugo. « Les Wallons, » dit l'his- toriographe Malingre, « avaient été choisis pour être en avant parce que ce » sont gens qui ne reculent jamais. » Ce corps était précédé de deux pelo- tons de mousquetaires commandés par le sergent-major de Haynin. L'un de ces pelotons devait attaquer la batterie de trois canons, l'autre la demi-lune. Sur le flanc droit se trouvaient les régiments de cavalerie de Gaulcher et de Wallenstein. Le second corps, celui de gauche, était composé des Alle- mands de M. de Tieffenbach; derrière, en seconde ligne, on voyait à droite, les régiments de Saxe et de Nassau; à gauche, le régiment de Foucre et les quatre compagnies libres commandées par Pierre de Souhay, seigneur de Florinnes, au comté de Namur, Antoine de Maulde, seigneur de Famillereux, SOUS LA MAISON DESPAGNE. Hl ancien capitaine du tercio wallon de Gulzin, Gabriel de Fisse et Pierre Barré, anciens capitaines du tercio wallon de Marnay. Enfin, au milieu du vaste carré que dessinaient ces quatre masses de la première et de la seconde ligne, se trouvaient les Italiens de Charles Spinelly; en outre, des escadrons de cavalerie occupaient tous les espaces restés libres entre les corps d'in- fanterie. Les troupes du duc de Bavière étaient rangées dans un ordre à peu près semblable, à la gauche du champ de bataille. Les troupes de la première ligne devaient seules agir d'abord; le reste de l'armée demeurait en réserve pour porter le coup décisif si l'on était vain- queur, pour protéger la retraite si la fortune était contraire. Il était midi lorsque toutes ces dispositions furent terminées. Le lieutenant- colonel la Croix de la Motte, du régiment de Wallenstein, vint rendre compte d'une reconnaissance dont il avait été chargé et aussitôt les mous- quetaires wallons de l'extrême droite commencèrent le combat. Le comte de Tilly, qui avait le commandement de toute la première ligne, le général de Lichtenslein, chef de l'artillerie impériale, M. deTieffenbach, qui ce jour-là remplissait les fonctions de sergent-major de bataille, se mirent à leur tête et l'on marcha résolument sur les retranchements de l'ennemi. Les Bohé- miens n'opposèrent pas une résistance sérieuse et reculèrent bientôt, de sorte que les Wallons purent s'emparer assez facilement et de la batterie et de la demi-lune qui protégeaient le front de l'ennemi. Le sergent-major Jacques de Haynin continua de s'avancer, refoula plusieurs escadrons de cavalerie et fraya ainsi le passage aux troupes qui le suivaient. Un régiment hongrois fit mine de résister et accueillit les Impériaux par une décharge tirée presque à bout portant. Les capitaines Gilles de Martigny, seigneur de Villers Poterie, François Dormael, dit Machuré, et de Fontaine tombent alors mortellement frappés; les capitaines Ferdinand d'Andelot, 3Iaximilien de Montherlant et Colins sont blessés, leurs troupes font néanmoins bonne contenance, obligent les Hongrois à se replier et les poursuivent avec ardeur. Mais voici venir le régiment Palatin. C'est de toute l'armée bohémienne le corps le plus renommé par sa bravoure et sa fermeté; on compte sur son héroïsme pour arrêter la marche victorieuse des Wallons. Vain espoir! il H2 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE s'arrête, ses mousquetaires font feu, mais après une première décharge la panique le saisit, tout fuit en désordre, sauf les piquiers dont les Wallons font un horrible massacre. La cavalerie bohémienne qui se trouvait sur la gauche voit la déroute de l'infanterie et veut tenter un effort en sa faveur. Elle fait un circuit pour tourner les Wallons et les prendre à revers; ce mouvement s'exécute avec énergie, le régiment de Tieffenbach qui se trouve sur son chemin est écrasé, mais le brave de Haynin a deviné les projets de l'ennemi; il fait arrêter le capitaine Nicolas de Marche du régiment de Verdugo avec cent mousque- taires, lui ordonne face en arrière... feu, et une décharge bien nourrie dis- perse les escadrons bohémiens. Le colonel Gaulcher avait prévu également le dessein de l'ennemi, il s'élance avec ses cuirassiers flamands et tombe au milieu de la cavalerie bohémienne au moment même où elle était repoussée par les mousquetaires de M. de Haynin. Une mêlée affreuse a lieu; on combat corps à corps, deux vaillants officiers wallons, Jean de Mérode de Petersem et Jean Fauche, dit Dompré, trouvent là une mort glorieuse; le comte de Pongibaud, le vicomte de Gand, Ernest de Gavre sont blessés, une multitude de soldats gisent dans la plaine, mais ces pertes cruelles sont compensées par une victoire complète pour les troupes impériales. Pendant que ces événements se passaient à la droite du champ de bataille, les colonels Micault et de la Motte attaquaient, sur un autre point, la cavalerie bohémienne. Malheureusement ces deux vaillants officiers sont tués dans la première charge et le désordre se met dans leurs escadrons. Le colonel Ver- dugo apprend ce revers; il n'hésite pas ; il laisse au sergent-major de Haynin le commandement de l'infanterie et court rallier la cavalerie. Le comte de Buquoy, quoiqu'il souffrit beaucoup de sa blessure, s'était jeté également au milieu de ses cavaliers pour arrêter leur retraite ; aidé par l'activité et l'énergie de Verdugo, il parvient à reformer les rangs des cuirassiers qui, fidèles à la voix de leurs chefs, retournent à l'ennemi et le dispersent par une charge vigoureuse. Le désordre occasionné par ce retour offensif se communique rapidement à toute l'armée bohémienne. SOUS LA MAISON D ESPAGNE, i 13 A ce moment, le duc de Bavière et le comte de Buquoy ordonnent une attaque générale; les Bohémiens ne peuvent bientôt plus tenir sur aucun point, ils fuient et sont poursuivis jusqu'aux portes de Prague. La bataille était gagnée. Quatre mille morts restèrent sur le champ de bataille. Cinq cents prison- niers, toute l'artillerie et plus de cent étendards furent les trophées de cette victoire qu'on dut en grande partie au courage et à l'énergie des Wallons et de leurs valeureux chefs : « Nous devons en grande partie les résultats de » cette mémorable journée à la grandeur d'àme et à l'expérience du comte de » Buquoy, » écrivait l'Empereur à l'archiduc Albert dans une lettre du 26 novembre 1620. « A la bataille de Prague, » dit à son tour l'historien de Tilly, « ce sont les Wallons de Verdugo qui sauvent la situation par leur » inébranlable héroïsme; ils opposent une immobile muraille de fer aux » attaques des troupes bohèmes un moment victorieuses. » Cette victoire avait été chèrement payée; les Belges eurent à déplorer la mort de plusieurs vaillants olïîcicrs, entre autres le deuxième colonel de la Croix de la Motte, le seigneur de Dompré, Jean de Mérode, baron de Peter- sem, qui était fourrier-major de cinq cents cuirassiers wallons, les capitaines des Masures et de Villers,le lieutenant Jean de Trieu, dit Van den Driessch, deux porte-enseignes du régiment du colonel Gaulcher; les capitaines d'An* delot, de Montbertaud, Colins, dit le Boux, et Fourdin. Beaucoup d'autres furent blessés; le seigneur de Fontaine, Guillaume de Melun, vicomte de Gand, le baron d'Inchy, etc., etc. Au milieu de la triste énumération des calamités et des horreurs que la guerre traînait à sa suite, à cette époque de mœurs encore presque sauvages, on est heureux d'avoir à constater quelques traits de magnanimité : peu d'heures après le triomphe que l'armée impériale venait d'obtenir, on annonça au comte de Buquoy, dans le moment où il faisait panser la blessure reçue à Bakonitz, que la garnison du château royal, situé au sommet de la Montagne- Blanche, demandait à se rendre à lui seul, dont la clémence et la générosité étaient connues. Buquoy ordonna aussitôt au baron Philippe de Mérode, qui venait devoir son frère expirer dans ses bras, d'aller s'y établir avec deux cents hommes. Le baron de Mérode accomplit cette mission avec autant de H-i HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE courage que d'humanité; lui, qui venait de recevoir le dernier soupir d'un frère mortellement blessé par l'ennemi, il défendit la vie des prisonniers contre la fureur des troupes impériales qui voulaient les massacrer. Le lendemain, le comte de Buquoy honora sa valeur en le chargeant d'aller porter à l'archiduc Albert la nouvelle de la victoire remportée sur les Bohémiens. La bataille de Prague avait décidé du sort de la Bohême et tout le pays imita bientôt l'exemple de la capitale en se soumettant à l'autorité de l'Em- pereur. Le duc de Bavière, après avoir laissé dans la ville de Prague une garnison respectable, sous le commandement du comte de Tilly, regagna ses États. Le comte de Buquoy, après avoir été retenu quelque temps à Prague par la blessure qu'il avait reçue, se remit en marche avec ses Wallons et ses Espagnols à la poursuite des débris de l'armée bohémienne. Il assiégea et prit Rarlstein où se trouvaient six cents soldats anglais, faible secours que le roi Jacques avait envoyé à son gendre, puis il entra dans la Moravie avec la plus grande partie de son armée. Pendant le mois de décembre il fit encore plusieurs conquêtes impor- tantes, entra en vainqueur dans les villes d'Iglau, Trebitsch, Briinn et Olmutz, et bientôt toute la Moravie se trouva soumise, malgré la résistance énergique et persévérante des Hongrois. Il ne restait plus de toutes les villes de la Bohême que Tabor et Pilsen qui n'eussent pas fait leur soumission; mais bientôt, comme on le verra plus loin, ces deux places importantes durent suivre l'exemple de tout le pays. Quant à la Silésie, elle se racheta moyennant 300,000 florins. Mais un autre ennemi restait à vaincre. Belhlem Gabor, non satisfait d'avoir conquis la couronne de Transylvanie, méditait de plus vastes projets, et dans ce but ne cessait d'entretenir l'agita- tion dans la Moravie. Le comte de Buquoy voulut l'intimider; il fit occuper quelques défilés de la frontière, ainsi que les ponts de la Moreck et s'avança contre le corps d'armée qui se tenait à Wesely. A la suite d'un engagement dans lequel les Hongrois furent battus, il s'empara de quelques places, mais on était en décembre et bientôt la rigueur de la saison l'obligea à suspendre ses opérations cl à ramener ses troupes dans les cantonnements sur les fron- SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. US tières de la Hongrie. Le régiment de Verdugo occupa Wesely, ceux du prince de Nassau et de Wallenstein allèrent à Skalitz; les Wallons du comte de Buquoy à Kradisch et aux environs. Le comte de Buquoy se rendit alors à Vienne afin de se concerter avec l'Empereur sur les moyens de réduire la Hongrie pendant la campagne pro- chaine et il laissa le commandement de l'armée au brave Guillaume Verdugo. Ce général employa un jour un stratagème singulier pour éloigner les rebelles qui sans cesse venaient faire des démonslrations contre Strasnitz. Il fit partir d'une ville voisine une troupe de tambours battant la caisse à la wallone. Ces tambours firent plusieurs fois le tour des cantonnements des ennemis, afin de leur persuader que des régiments wallons arrivaient par tous les côtés au secours des assiégés. Ce bruit effraya tellement les Hongrois qu'ils abandonnèrent leurs projets, délaissèrent leurs alliés et prirent la fuite par la crainte que leur inspirait la valeur si connue des soldats wallons. A partir de ce moment ils n'eurent plus le désir de tenter des entreprises de ce genre en faveur des autres places qui s'étaient soumises aux Impériaux; ils comprirent qu'il n'y avait rien à espérer en présence d'un adversaire aussi prompt et aussi vigilant. Avant d'entreprendre le récit de la campagne de 1621, nous reporterons nos regards un peu en arrière afin de suivre les opérations du comte de Tilly. § 5. Le comte de Tilly et Ernest de Mansfelt, On se rappelle qu'après la bataille de Prague le comte de Tilly était resté dans cette ville avec une forte garnison, tandis que le duc de Bavière était retourné dans ses États avec son armée. La Bohême paraissait soumise; tous s'humiliaient devant les armes victo- rieuses de l'Empereur, sauf un seul homme, un Belge qui, avec une poignée de soldats indisciplinés, conçut l'audacieux projet de prolonger la résistance. 116 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Cet homme était le comte Ernest de Mansfelt qui, loin de se laisser abattre et décourager, comme tous les chefs protestants, par la défaite essuyée à la Montagne-Blanche, redoubla d'énergie. Il était à celte époque retranché dans Pilsen. Avec une incroyable activité, il s'empara des villes de Plan, Tepel, Joachimstadt, laissa des garnisons dans toutes ces positions, rallia les soldats bohémiens qui, après la défaite de Prague, s'étaient cachés, et poussa ses audacieuses excursions jusque sous les remparts de Prague. Le comte de Tilly, resté seul dans cette ville, se hâta de demander des secours ou renforts au duc de Bavière et en Saxe; les ayant obtenus, il alla assiéger dans Pilsen son infatigable compatriote. La résistance de Mansfelt fut longue et énergique, mais ses soldats, exaspérés par la faim et par la fatigue, trahirent leur général et acceptèrent les offres de Tilly qui promettait de leur payer intégralement la solde arriérée. Dans l'impuissance de pro- longer sa résistance, Mansfelt feignit de se laisser séduire aussi par les promesses d'argent qui lui étaient faites au nom de l'Empereur, mais, à la faveur d'une suspension d'armes, dont on était convenu pendant cette négo- ciation, il se déroba soudain à Tilly et se jeta dans le haut Palatinat avec quelques troupes restées fidèles. Le comte de Tilly entra dans Pilsen dont l'exemple fut bientôt suivi par les autres villes de la Bohême, et, après avoir ramené tout le pays sous l'obéis- sance de l'Empereur, il se mit à la poursuite de Mansfelt. Celui-ci était parvenu assez promptement à rassembler un corps de treize mille hommes d'infanterie et de sept mille hommes de cavalerie, restes des troupes qui avaient été licenciées quelque temps auparavant par les princes ligués; en outre, il avait été rejoint par le duc Frédéric de Saxe-Weimar. Avec ces forces il prit position près du Waidhaus, sur la frontière de la Bohême, s'y retrancha fortement et y attendit son ennemi. Le comte de Tilly arriva devant Waidhaus dans les derniers jours du mois de juin, mais Ernest de Mansfelt le prévint. Il ne voulut pas se laisser attaquer et partit pour Hetzelsdorf. Au commencement de juillet, les deux armées se trouvèrent en présence dans les environs de Waidhaus; elles s'ob- servèrent depuis huit heures du matin jusqu'à neuf heures du soir, mais tout se borna à quelques combats partiels (9 juillet). SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 117 Cependant, à l'instigation du duc de Bavière, tout le haut Palatinat finit par se soumettre à l'Empereur et Mansfelt se vit réduit à une position extrê- mement critique. Il résolut d'en sortir par la ruse : il écrivit au duc de Bavière pour offrir sa soumission moyennant sa grâce et une somme d'ar- gent; il remit même entre les mains des Bavarois, les fortifications de Waid- haus, puis, soudain, trompant la vigilance de ses adversaires, il prit la route du bas Palatinat. § 6. Le comte de Buquoy dans la haute Hongrie: sa mort. Nous avons laissé le comte de Buquoy à la cour de Vienne, concertant avec l'Empereur le plan de la campagne de 4621. Le chef de l'empire était d'avis qu'il y avait nécessité de faire une campagne en Hongrie pour la réduire complètement. Buquoy estimait que cette entreprise était pleine de dangers; il craignait de ne pouvoir faire subsister une armée dans un pays tout à fait ruiné par les guerres qui avaient eu lieu entre les Turcs et les Hongrois. En outre, sa gendarmerie était depuis quatre ans à peu près com- plètement privée de solde et disposée à se mutiner. Ces considérations le portaient à conseiller de chercher à nouer des négociations et à conclure un arrangement. Ces raisons ne convainquirent pas l'Empereur; il insista, fit les plus belles promesses d'assurer la subsistance et la solde de l'armée ; la cam- pagne fut donc résolue. Une autre question préoccupait à cette époque le comte de Buquoy. Il éprouvait un vif désir de revoir la Flandre, sa patrie; peut-être espérait-il un repos après tant de fatigues; peut-être aussi était-il dégoûté de conserver un commandement que la malveillance et l'envie rendaient fort pesant; peut- être enfin son âme était-elle froissée des procédés du duc de Bavière, de l'ingratitude et de l'égoïsme de la maison d'Autriche ? Quoi qu'il en soit, ses sollicitations pour être déchargé du commandement de l'armée ne réussirent pas. L'Empereur appréciait trop bien l'importance de conserver à la tête de Tome XLII. 16 118 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE ses troupes un général aussi expérimenté, pour consentir à son départ et cherchant à se l'attacher par ses largesses, il ajouta au titre de comte de Gratzen, dont il l'avait gratifié précédemment, celui de comte de Rosenherg, splendide domaine situé en Rohême dont il lui abandonna l'entière propriété '. Ferdinand II consentit néanmoins à ce que son général favori retournât en Relgique dès que Rethlem Gahor aurait déposé les armes. 11 fallut céder. Le comte de Buquoy rejoignit l'armée impériale au mois d'avril 1621. Nous avons constaté combien la campagne de 1620, d'ailleurs si heu- reuse, avait affaibli les effectifs de tous les corps. On s'occupa activement à les relever. Le tercio de Hennin fut réorganisé. On leva cinq compagnies nouvelles pour remplacer celles qu'on avait dû réformer 2, et on renforça les autres par une levée de mille cent quatre-vingt-dix-sept bommes; d'autres levées, dans les Pays-Bas, complétèrent les effectifs des tercios de Buquoy et de Guillaume Verdugo, ainsi que des régiments de cavalerie 3. Ces préparatifs terminés, le comte de Buquoy concentra l'armée et marcha sur Presbourg qui se rendit le 2 mai, bien que la place fût défendue par quinze mille hommes et par Betblem Gabor en personne. La chute de Presbourg jeta une consternation profonde dans toute la Hon- grie; aussi une multitude de villes ouvrirent-elles successivement leurs portes devant les soldats victorieux de Buquoy. L'armée impériale se mit alors en devoir de bloquer Neuhausel, la der- nière et l'une des plus fortes places de la Hongrie. Les Hongrois appréciaient très-bien l'importance de cette ville et ils pré- voyaient que sa chute entraînerait la perte de toutes les autres; aussi n'avaient-ils rien négligé pour conserver ce boulevard de leur patrie : des travaux de défense importants l'entouraient; en outre, une garnison nom- 1 Les Belges en Bohème, par Ch. Rhalenbeek. 2 Ce recrutement s'opéra à Valenciennes, Bouchain, Landrecics, Atli et Soignics par les cinq nouveaux capitaines qui étaient Simon de Huy, Philippe de Hemont, Jean de Rêves, Servais de La Cour et Pierre Lauretton. (Audience, liasse n" 1129.) 3 On leva à Cambrai quatre cent cinquante hommes; à Luxembourg trois cents; à Tournai deux cent quarante-sept; à Nivelles deux cents. (Audience, liasse n° 1181.) SOUS LA MAISON DESPAGNE. 119 breuse y était enfermée et retardait, par des sorties fréquentes, les progrès des assiégeants. Enfin des partis nombreux tenaient la campagne et obser- vaient tellement tous les passages praticables, que les convois de vivres et de munitions ne pouvaient arriver jusqu'au camp impérial que sous la protection d'escortes considérables. Le comte de Buquoy était donc obligé, presque chaque jour, de détacher des troupes nombreuses qui eurent souvent l'occasion d'en venir aux mains avec l'ennemi. Malheureusement la plus grande partie de l'infanterie wallone avait été laissée dans la Moravie. Buquoy n'avait avec lui que cinq cents mousquetaires belges commandés parles capitaines de Harchies, de Pratz, d'Andelot et Hanssart, et trois cents cuirassiers flamands du régiment de Gaulcher, commandes par le capitaine Fernand d'EItoufs, qui durent bientôt quitter le camp faute de fourrages. Cette situation était pleine de périls; elle amena, comme on va le voir, un résultat déplorable. Dans un grand fourrage qui eut lieu le 40 juillet, la cavalerie impériale se vit tout à coup assaillie par une nuée de Hongrois sortie de la place de Neu- hausel ; elle fut culbutée. Buquoy, voyant le danger des siens, monte à cheval et, suivi d'une faible escorte, il veut encourager ses troupes par sa présence et par son exemple. Il prend promptement toutes les mesures nécessaires pour résister à l'attaque menaçante qui va avoir lieu, mais il regrette vivement dans ce moment critique l'absence de ses braves Wallons. Il divise sa petite troupe par escadrons et fait charger l'ennemi parle lieu- tenant-colonel Torquati-Conti qui, ce jour-là, commandait le régiment des cuirassiers de Wallenstein ; le succès couronna ces premiers efforts, mais les Allemands, loin d'imiter l'exemple que leur donnent les braves cuirassiers flamands, lâchent pied et abandonnent honteusement leur général au milieu de la mêlée. Vainement Buquoy cherche à rallier celte infanterie, il tombe de cheval atteint d'un coup de lance et d'un coup de pistolet. Sur ces entrefaites le marquis de Gonzague arrive avec quelques troupes pour le soutenir; il fond sur l'ennemi, Buquoy se relève, mais bientôt il est entouré de nouveau par les Hongrois dont le nombre augmente sans cesse; deux nouveaux coups de lance le renversent pour la seconde fois et il meurt 120 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE frappé de Ireize coups mortels, chaque Hongrois ayant déchargé son pistolet sur le corps renversé de ce valeureux capitaine. C'est donc à l'abandon des troupes allemandes que doit être attribuée la mort du comte de Buquoy, abandon d'autant plus honteux, qu'en présence de ces soldats fuyards deux cents mousquetaires wallons restèrent courageu- sement en rase campagne et affrontèrent toutes les attaques de l'ennemi. Ce furent ces braves qui relevèrent le corps inanimé de leur glorieux général et le rapportèrent au camp impérial. « Le comte de Buquoy, » écrivit l'Empereur, « paya en cette occasion » tellement de sa personne, que blessé seize fois, il ne tarda pas à rendre » l'âme. Hors lui, nous n'avons pas grand dommage à regretter. » « Attentif à remplir les devoirs d'un grand capitaine, dit un historien » français ', Buquoy acquit une gloire immortelle dans les guerres de » Bohème et de Hongrie; sa mort fut une perte irréparable pour l'Em- » pereur 2. » A côté de Buquoy était mort, non moins héroïquement que son illustre chef, le capitaine Adrien Blondel, seigneur de Bois d'Esquier, qui n'avait encore que vingt ans et donnait les plus belles espérances. La mort du comte de Buquoy répandit un deuil général; elle fut pour l'empereur Ferdinand II, et surtout pour la cause du catholicisme, une perte irréparable. A peine fut-elle connue, que les adversaires de la maison impé- riale sentirent renaître leurs espérances. La Silésie se souleva, Bethlem Gabor redoubla d'efforts pour chasser les Impériaux de la Hongrie et pour ranimer le courage des rebelles hongrois. Quant à l'armée impériale, la mort de son illustre chef la plongea dans le découragement et elle n'éprouva plus que des revers; elle dut lever précipi- tamment le siège de Neuhausel en y abandonnant ses canons et ses bagages; elle se hâta de gagner Presbourg par la route de Comorn. Ce furent encore les Wallons qui protégèrent cette retraite en défendant avec opiniâtreté un pont de bateaux sur le Danube. Ces braves étaient réduits à quatre cents • Lcvassor, Histoire de Louis XIII. 2 Une tradition rapporte que le jour du combat de Neuhausel, qui devait être le dernier du comte de Buquoy, son cheval refusa de se laisser monter comme s'il eût eu l'instinct du péril. SOUS LA MAISON D'ESPAGINE. 121 mousquetaires et cependant ils étaient toujours la providence de l'armée. Une partie de ce petit corps, commandé par Je seigneur d'Arcy, secondé par les capitaines Platz et Haussart, formait l'arrière-garde; il défendit à outrance le pont dont il vient d'être parlé, et après y avoir soutenu trois assauts, le fit sauter au moment où l'ennemi allait s'y précipiter. Les Wallons qui étaient restés dans la Moravie et dont le comte de Buquoy avait si vivement regretté l'absence sous les remparts de Neuhausel, furent envoyés dans la Silésie pour s'opposer aux entreprises du marquis de Jagerndorff qui, par ses intrigues, avait amené un soulèvement général parmi les populations du pays. Le colonel Gaulcher avec son régiment, appuyé par deux cents mousque- taires wallons, eut à soutenir plusieurs combats contre les troupes de ce chef de partisans; un jour il se trouva cerné par des forces supérieures et échappa comme par miracle : sa cavalerie se jeta au travers des rangs ennemis et se fraya un passage, mais l'infanterie fut taillée en pièces à l'ex- ception toutefois de quelques mousquetaires qui s'étaient emparés de chevaux de l'ennemi et suivirent la cavalerie flamande. Le vicomte François du Chastel d'Emerin, qui était passé récemment du tercio d'infanterie de Hennin dans le régiment de cuirassiers du colonel Gaulcher, trouva là une belle occasion de déployer son audace et son intré- pidité : il se trouvait seul et, pour ainsi dire, sans armes au milieu de la mêlée ; il frappe de droite et de gauche ses ennemis au visage avec le canon de ses pistolets déchargés; chacun se retire interdit d'une telle audace; lui, pique son cheval et se dégage des rangs qui le pressent et parvient à rejoindre les escadrons du colonel Gaulcher. Tous les efforts de l'Empereur se dirigèrent vers la conservation de la forteresse de Presbourg; le seigneur de Lichtenstein, qui remplaçait provi- soirement le comte de Buquoy dans le commandement de l'armée impériale, reçut l'ordre de concentrer toutes ses forces disponibles dans l'île de Schutt et de faire entrer clans la place, pour renforcer la garnison, les régiments de Sultsich et de Nassau qui justifièrent, par leur héroïque résistance, la con- fiance que l'on mettait en eux. Les Wallons, les Flamands et les Italiens furent appelés également à 122 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE prendre part à la défense de Presbourg. Dès leur enlrée dans la ville, les colonels Vcrdugo et de Hennin reçurent l'ordre de lancer leurs troupes contre un poste de Hongrois qui incommodait beaucoup les assiégés. . Celte attaque eut lieu le 30 du mois d'août. Les trois colonnes sortirent eu même temps de la place par des issues différentes; deux de ces colonnes étaient compo- sées de Wallons et commandées par le colonel Guillaume Verdugo et par le sergent-major de Haynin; la troisième, composée de troupes allemandes, devait les seconder; enfin une réserve de soldats napolitains suivait à distance. Le colonel Verdugo marche droit aux retranchements des Hongrois ; les capitaines wallons S'-Maurice, Bardoul, Ferry de Rlois, Colin et Georges de Fraye sont avec lui; ils mènent bravement leurs troupes et emportent les premiers ouvrages. Le sergent-major de Haynin obtient le même succès avec les compagnies des capitaines Louis d'Assignies, de Jean de Harcbie, de Montmédy, d'AHamont et de Gilles Le Brun de Miraulmont, seigneur de la Vigne, mais les uns et les autres se voient arrêtés par les défenses élevées par les Hongrois et ne peuvent parvenir à pénétrer dans leur camp. Les troupes sont résolues cependant à tenter un effort désespéré, mais le général ne veut point imposer à ses héroïques soldats des sacrifices qui peut- être ne seront pas compensés par le succès; il ordonne donc la retraite et rentre dans la place. On laissait sur le champ de bataille les capitaines d'Assignies du tercio de Hennin et de Harcbies, du tercio de Buquoy, l'alfer François Van der Straten, M. de Berlolf et un grand nombre de moindres officiers et de soldats. Bien que celte tentative n'ait pas eu le succès qu'on avait espéré, elle eut cependant un résultat heureux : Betblem Gabor comprit qu'il serait, sinon impossible, du moins extrêmement difficile de s'emparer d'une place aussi énergiquement défendue el qui, par sa position sur le Danube, pouvait être ravitaillée sans grande difficulté. Ces considérations le déterminèrent à lever le siège, le k septembre, et à rejoindre le marquis de Jarderendorff et le comte de Lalour. Il attaqua ensuite, de concert avec ses alliés, plusieurs villes impériales, prit Skalilz et Slratznilz, menaça Wesely, qui ne fut sauvée que par la belle SOUS LA MAISON DESPAGNE. 123 défense de son commandant le capitaine Jean de Heyms, dit Goisse, du tercio de Verdugo. Ce brave officier, après avoir subi un bombardement, fit sauter les remparts de la ville, se jeta au travers de l'ennemi, se fît jour et se replia sur l'armée impériale en détruisant derrière lui tous les passages par lesquels l'ennemi aurait pu inquiéter sa retraite. L'armée impériale s'était retirée derrière la Morava et s'efforçait d'en empêcher le passage, afin de couvrir la Moravie. Elle s'établit à Krimsir ayant en face d'elle, de l'autre côté de la rivière, Bethlem Gabor dont les troupes stationnaient dans les environs de Hradisch. Pendant que les deux armées s'observaient ainsi, M. de Lichtenstein crut pouvoir faire une pointe sur la ville de Leipnick, aux confins de la Silésie. Il choisit, dans ce but, trois mille mousquetaires et deux mille cinq cents cava- liers et désigna spécialement, pour faire partie de l'expédition, les compagnies walloncs des capitaines Gilles de Miraulmont, de Montmédy, Georges de Fraye et Colin. Cette colonne se mit en marche, mais divers incidents firent manquer l'entreprise : on ne parvint pas à faire sauter les portes de la ville et quand on voulut tenter d'escalader les remparts, les échelles dont on s'était munis se trouvèrent être trop courtes. Il fallut donc revenir, mais l'éveil avait été donné aux Hongrois qui arrivèrent avec une masse de cava- lerie pour empêcher le retour du détachement à Kremsir. La bonne conte- nance du colonel Gaulcher fit heureusement échouer ce projet et la colonne parvint à rejoindre le camp impérial non sans avoir livré un grand nombre de petits combats. Vers cette époque, Bethlem Gabor, fatigué de l'insuccès de ses entreprises, intimidé d'ailleurs par l'approche de l'armée polonaise qui venait de faire la paix avec les Turcs, consentit à entrer en négociation. Un traité de paix fut signé en janvier 1622; les Hongrois rentrèrent sous l'obéissance de l'Empereur et le Voïvode de Transylvanie retourna dans son pays avec une forte pension. Après ces événements, la guerre de Bohème, première période de la guerre de Trente ans, se trouvait terminée. Le comte de Buquoy en avait été le héros et les soldats wallons, comme on l'a vu, y avaient pris la plus large part; ils s'étaient couverts de gloire, mais ils avaient été cruellement éprouvés. 124 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Plus de la moitié de leur effectif était resté sur les champs de bataille ou était mort de maladie et de misère. Lorsque les Hongrois se furent soumis et que Bethlem Gabor eut signé la paix, les corps wallons n'avaient plus que faire en Bohême; ils furent dirigés vers le Palatinat où ils devaient cueillir d'autres lauriers et de nou- veau verser généreusement leur sang. Nous les y retrouverons, après avoir rappelé ce qui s'était passé dans les Pays-Bas avec l'expiration de la trêve de douze ans. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 12S CHAPITRE VI. HISTOIRE DE l'iNFANTERIE WALLONE DEPUIS LA TRÊVE DE DOUZE ANS JUSQU'A LA PAIX DES PYRÉNÉES. (I624-16S8.) § 1. La guerre aux Pays-Bas après l'expiration de la trêve de douze ans. — Guerre avec la France. — § 2. Épisodes de la guerre de Trente ans. — § 3. Révolte de la Catalogne. § *■ La guerre aux Pays-Bas après l'expiration de la trêve île douze ans. — Guerre avec la France. Pendant la période qu'embrasse ce chapitre, des événements nombreux et importants se passent sur différents points du théâtre de la guerre et par- tout on trouve des soldats wallons et aussi d'illustres compatriotes qui les commandent. Nous nous occuperons d'abord de la guerre que le gouverne- ment de nos provinces soutint contre les états généraux des Provinces-Unies lorsque, après la trêve de douze ans, tout espoir de conclure la paix fut évanoui; nous reprendrons ensuite le récit des événements principaux de la guerre de Trente ans dans lesquels des Belges ont joué un rôle considérable et ont brillé par leur génie non moins que par leur courage. La trêve de douze ans conclue en 1 609 entre l'Espagne et les Provinces- Unies expira le 21 avril 1621; elle fut prolongée jusqu'au mois d'août, mais alors les hostilités recommencèrent avec la même fureur. Tome XLII. 17 126 HISTOIRE DE LINFANTERIE WALLONE En prévision du renouvellement probable de la guerre, le gouvernement des Pays-Bas avait fait des levées de troupes considérables. Dès le printemps de Tannée 1620, le tercio wallon de Maximilien de Houcbin, seigneur de Gulzin, avait été mis au complet par une levée de mille sept cent quatre- vingt-seize hommes recrutés dans les provinces wallones. Le sergent-major de ce tercio était Diego de Boisot-Tassis qui avait remplacé, en 1619, le ser- gent-major Claude de Miraulmont, dont nous avons rapporté la mort héroïque pendant la guerre de Bohème *. Onze compagnies libres d'infanterie wallone avaient été formées; une de quatre cents hommes avait pour chef Hubert des Mares , qui avait été sergent- major du tercio de Hennin, et dix de trois cents hommes -. Le duc d'Arschot, Philippe Charles de Ligne, avait été autorisé à lever un régiment d'infanterie basse-allemande, de douze compagnies de trois cents hommes 5. Le baron de Balançon (Claude de Bye) avait complété, à quinze compagnies, son tercio bourguignon *; enfin le colonel Sébastien Baur avait levé un corps luxembourgeois de huit compagnies de trois cents hommes. Dans la cavalerie, les préparatifs n'étaient pas moins importants. Trois 1 Les capitaines étaient : Guillaume de Locquenghien qui avait remplace Antoine de Maulde; Gérard de Ladeirière, ancien capitaine du tercio de Thoricourt; Charles Du Chastel, seigneur de Termichy, ancien capitaine du tercio de Lafontaine; Lamoral de Mol; Antoine de T'ScrcIacs; Jacques des Lois, qui avait remplacé Gilles de Martigny passé au tercio de Buquoy; Charles Boullen, qui sortait du tercio de Buquoy et remplaçait Marc de Fiennes; Philippe René d'Yve , seigneur de Warclles; André de Havrech, seigneur de Rosilly, ancien capitaine du tercio de Thoricourt et qui remplaçait Jean de Houchin passé au régiment de Buquoy; Charles de Lan- noy; Jean de Bonnières, qui avait succédé à Valentin de Lannoy; Charles Stassin, successeur deCharles d'L'rsel ; enfin Jean Guyard, qui avait remplacé Jean-Baptiste Perez de Baron. 2 Elles avaient pour capitaines: Pierre Barré, ancien capitaine du tercio de Marnay où il avait remplacé Gahricl du Chasteler; Jean de Bruyn , ancien capitaine du tercio de Buquoy; Gahriel de Fisse, qui avait remplacé le capitaine d'Oyenbrugghe dans le tercio de Gulzin ; Gérard de Souhay; Antoine de Maulde, qui sortait du tercio de Gulzin; Alexandre Schoorman; Pierre Schotte; Frédéric Meus; Antoine Granon et Aicolas de Lannoy. :> Les capitaines étaient : Bernardin d'AIlamont, baron de Bussy; Pierre de Corbeville; Mon- treuil; Schingcn; Bcrninck; Rciflenbcrg; Middelhausen Van Druncn et Henri de Stccnhuys , ancien capitaine du tercio de Verdugo. * Les capitaines étaient : le baron Simon de Poitiers; Hugues de Gcrrudot de Ranconnières; Jean, marquis de Villcmend; Antoine de Bouchant; Jean de Ville; Louis de Meran d'Arboan; Louis de Combaron; Henequcs Galleand, etc., etc. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 127 corps de cinq cents chevaux avaient été formés sous le prince d'Épinoy, le comte Jean de Nassau et le comte d'Isenbourg. Chacun de ces corps se composait de trois compagnies de cuirassiers et de deux compagnies d'arque- busiers à cheval '. En outre, vingt-quatre compagnies libres de cavalerie wal- lone et bourguignonne, les unes de cent, les autres de deux cents chevaux cuirassiers, avaient été créées2. Ces armements, quoique déjà considérables, parurent bientôt insuffisants, et, au commencement de Tannée suivante, on procéda à de nouvelles levées : le lercio wallon de Thomas de Wingarde, dont cinq compagnies formées pré- cédemment, faisaient la guerre dans le Palatinat, fut porté à quinze compa- gnies 5; les tercios de Paul Bernard de Fontaine, seigneur de Gomery, et d'Alexandre de Dournonville, comte de Hennin, furent complétés *. Le pre- 1 Voici les noms des capitaines. Dans le 1er corps : capitaines de cuirassiers, Guillaume de Melun, prince d'Épinoy; Gabriel du Chasteler, seigneur d'Ansermont et François de Custine, seigneur d'Aufflance; capitaines d'arquebusiers : Jean de Carondelet, seigneur de Premecquc, et Herman de Gomicourt, seigneur de Ncufvillcrs. Dans le 2e corps : capitaines de cuirassiers, le comte Jean de Nassau; Jean-François de Ravillc; Charles d'Orsel, vicomte de Vvve. Capitaines d'arquebusiers, Adrien de Maelsen , seigneur de Tilbourg; Christoval de Médina Montaya. Dans le 5e corps : capitaines de cuirassiers, le comte Ernest d'Isenbourg; Adolphe de Eynatten, seigneur de Nieuwenbourg; Charles de Bryas , seigneur de Hernicourt. Capitaines d'arquebu- siers, Jean-Charles d'Aubermont; Jean Van der Gracht, seigneur de Brehault. (Du Cornet, édi- tion de M. de Robaulx de Soumoy.) 2 Les capitaines de ces compagnies étaient: Guillaume, margrave de Bade; Albert de Ligne, prince de Barbançon; Alexandre de Robles, baron de Billy; Jean Verdugo; Valentin Lcvas- seur, seigneur de Guernouval; Maurice de Haveskercke, seigneur de Bugny; Antoine de Rubempré, seigneur d'Aubigny; Emmanuel de Bourgogne, seigneur de Lembecque; Philippe Lamoral de Gand, dit Vilain, comte d'Isenghien; François d'Ongnies, seigneur de Courrières; Marc de Fiennes, seigneur de Lumbre; Jacques de Steclant; Théodore Van Eer\vick,dit Kerken; Jean -Christophe de Scherrick ; Jean - Baptiste Perez de Baron; Pedro de Heredia; François Leroy; Chrétien Stein ; François de Rubempré, baron d'Evcrberg; Jean-Jacques de la Tour S'-Quentin; François de Voisey, dit Cleeron; Claude-François, baron de Rey; Claude de Beauf- fremont, baron de Scey; Marc-François de Rey, baron de Discey. (Du Cornet, édition de M. de Robaulx de Soumoy.) 3 Les capitaines étaient : Lambert Verreycken, seigneur de Ruart; Everard de Plouvy ; Fran- çois d'Allamont, seigneur de Mercey; Jean de Nonancour, seigneur de Pouilly; Philippe de Wignacourt, seigneur d'Esplanques; François de Havrech; Charles Chonart; Frédéric de Maux; Aiiibroise Loetz; Gérard Draeck. 4 Les capitaines du tercio de Fontaine étaient : Pierre Ernest de Chalon; Jean de Wigna- court, seigneur de Plouy; Gilles de Mesmaeker; François de Haveskerke, seigneur de Water- 128 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE mier recruta mille trois cent trente-trois hommes dans l'Artois, dans le Tour- naisis et à Lille, à Douay et à Orchies ; le second en leva mille cent quatre- vingt-dix-sept. Quarante-sept compagnies libres, la plupart de trois cents hommes, furent levées, trente-trois dans la Flandre et dans d'autres pro- vinces, et quatorze dans le Brabant septentrional et dans le Limhourg '. La cavalerie reçut aussi de nouveaux accroissements : le prince de Bar- hancon, Albert de Ligne, leva un corps de cinq cents chevaux 2 et l'on créa en outre dix-neuf compagnies libres de cent cinquante à deux cents chevaux cuirassiers ou arquebusiers \ vliet; AIonzo-Fernandez Castillo; Pallas-François Van der Sterren; Artus Bccquet; Huges de Wasselin; Maximilien de Longueval, sieur de Brnche et Bertrand d'OuItrequin, dit le Jeune, qui sortait du régiment de Thoricourt. (Du Cornet, édition de M. de Bobaulx de Soumoy.) Les capitaines du tercio du comte de Hennin étaient : Antoine de Pompery; Jean de Beumont; Jean d'Eve du comté deNamur; Lancelot de Houdion, seigneur dePipaix; Philippe de Hemond; Gérard de Prouvy ; Simon de Hey; Servais de Lacourt; Pierre Lauretton ; Jean de Besves; Fré- déric de Maulde; François du Moulin; Guilbert de Sl-Genois; Christophe de Bonnours et Jean Bccr. (Du Cornet, édition de M. Bobaulx de Soumoy.) 1 Les capitaines de ces compagnies libres étaient : Hugues de Baillcncourt ; Jean d'Yve, sei- gneur d'Yve; Jean-Gérard de Trazegnies; Guillaume de Namur, seigneur d'Elzée; Gilles-Othon de Trazegnies; Alexandre Schoorman; Octavio Banchy; Pierre Sprangers; Corneille d'Assignies; Charles de Clèves; Jean Van Zuylen, seigneur d'Erpe; Alphonse de Villers au Tertre, sieur de Lyhove; Charles de Malannoy; Servais de Licques, seigneur de Beaufort; Luc Hutoel; Bobert de Catriz; Adrien Triest, seigneur de Lemberghc; Antoine de Vlierden; Pierre de La Fosse; François Van Weynsom; Jacques Boncret; Melchior Van Bever; Charles Corpelz; Ponthus de Wasselin; Louis Vcrreyeken; Jean de Wasservas; Bacs de Gavrc, comte de Beaurieux; Martin de Marche; Jean de Pourre; Georges de Rcsteau; Jean de Failly, seigneur de Bernissart; Jean de Failly, seigneur de Hautecourt; Nicolas de Bourgogne, seigneur de Falay; Georges de Her- sies; François de Beaudrenghien , seigneur de Gomaupont; Jean-Guillaume de Boekoltz; Jac- ques Danneux, seigneur de Boussoit-sur-Sambre; Jean de Willcnhorst, seigneur de Horst,et Philippe Banst. (Du Cornet, édition de M. de Bobaulx de Soumoy.) 2 Les capitaines de ce corps étaient : Albert de Ligne, prince de Barbançon; Frédéric Micault; Philippe de Crequy, seigneur de Coecove, qui avait été précédemment capitaine dans le tercio de Fontaine; Philippe Triest qui, plus tard, devint mestre de camp d'infanterie wallonc, et Philippe Guillaume de la Pierre, seigneur du Fay. (Du Cornet, édition de M. de Robaulx de Soumoy.) 3 Les capitaines de ces compagnies étaient : Hubert-Albert de Guernouval, seigneur de Bles- quin, précédemment capitaine dans le tercio de Fontaine ; Nicolas Legrand; Philippe de Daneux, baron de Crevecœur; Jean de Rubempré, baron d'Everberg; Jean-Adolphe de Palant, seigneur duQucsnoy; Adolphe, baron de Milendonck; Philippe de Mastaing , seigneur de Hcrimez; François de Poulailler, baron de Vangrenaus; Arnold Van Pyck ; Lancelot de Grobbendonck ; Charles de Bourgogne, baron de Wackcn, qui devint plus tard mestre de camp d'un tercio SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 129 Quant aux tercios wallons de Guillaume Verdugo et de feu le comte de Buquoy, ils étaient restés, de même que le tercio bourguignon de Balançon, dans l'armée de Gonzalve de Cordoue qui opérait dans le Palatinat, comme nous le verrons plus loin. Dès la reprise des hostilités, le marquis de Spinola, après une entreprise contre l'Écluse qui ne réussit pas malgré les bons services que rendit le mestre de camp de Fontaine, marcha sur Trêves et s'en empara le 22 janvier 1622. Quelques jours après, le 3 février, la ville de Juliers, à son tour, ouvrit ses portes au comte Henri de Bergh. On forma ensuite le siège de Berg-Op-Zoom. Les tercios de Fontaine, de Bournonville, de Wingarde et de Barbançon assistèrent à ce siège et y subirent des pertes assez considérables ' : Richard de Mérode, seigneur d'Ongnies, qui commandait deux mille cinq cents hommes tirés des garnisons wallones du pays, et M. de Bcmont, sergent- major du prince de Barbançon, y furent tués'2. Sur ces entrefaites l'armée du bâtard de Mansfelt, qui était composée de sept mille cavaliers et de huit mille à neuf mille hommes d'infanterie, cher- chant à se frayer un passage pour gagner les Provinces-Unies, se trouva en présence des troupes hispano-belges le 29 août 1622, à l'endroit dit le Camp de César, près de Fleurus 5. On en vint aux mains. Le champ de wallon; le comte de Hennin; Charles de Disque; Louis de Soria ; Théodore Van Offenberg; Philippe de Spangen; Jacques de Bulleux; Adrien d'Andelot, seigneur de Reusme; Michel de Roisin, baron de Rougy. (Du Cornet, édition de M. de Robaulx de Soumoy.) 1 II est à remarquer qu'il y avait des troupes wallones parmi les défenseurs de Berg-op- Zoom , entre autres les régiments wallons de Philippe de Levin, seigneur deTamare, et d'Adolphe- Philippe de Hornes, baron de Lockercn. (Voir la Relation du siège de Berg-op- Zoom, publiée par la Société de l'Histoire de Belgique.) 2 Spinola fut obligé de lever le siège de Berg-op-Zoom dans les premiers jours du mois d'octobre (1622). 3 Mansfelt, après avoir quitté Sedan, traversa la Meuse près de Mézières, il arriva à Hirson. Sa marche fut signalécà Cordova parleseigneur de Robaulx, gouverneurde Beaumont, qui, en attendant l'arrivée de l'armée , entrava les progrès des bandes dévastratices de Mansfelt. Celui-ci voulut s'emparer de Chimay , mais le courage et l'énergie que montrèrent les femmes de cette petite ville le forcèrent à renoncer à son projet. 11 passa la Sambre à gué près de Maubeuge, échoua dans une entreprise qu'il tenta contre Binche, puis s'avança par la chaussée de Brunehaut dans l'intention de gagner Berg-op-Zoom par la Campine. (Archives du royaume , secrétaircrie d'État allemande.) 130 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE bataille s'étendait de la ferme de Cbassart à S'-Amand. Guillaume Verdugo et Jacques de Haynin, qui commandait le régiment wallon de Buquoy, con- tribuèrent plus que personne à la victoire que remportèrent ce jour-là les troupes de Gonzalve de Cordoue. Ils avaient garni les baies de la ferme de Cbassart de huit cents mousquetaires, afin de servir de soutien à la cavalerie. On plaça en première ligne un immense carré d'infanterie composé de quatre régiments; les Wallons de Verdugo et de Buquoy, le régiment bourguignon de Balançon et un régiment espagnol '. Venaient ensuite trois autres carrés, moins nombreux, dont l'un, le troisième, se composait du régiment du comte d'Isenbourg et des compagnies franches de Charles de Mastaing, seigneur de Cruyshautem, de François d'Allamont, de Louis d'Émil et de Robert de Catrix, compagnies que commandait le capitaine Fourdin. La cavalerie du colonel Gaulcher et d'Ernest de Gavre, baron d'Inchy, se trouvait à l'extrême droite, protégée par les mousquetaires dont il a été parlé plus haut. La gauche de la ligne était couverte par les chariots et les bagages de l'armée et par un corps de cavalerie où se trouvaient les compagnies de cuirassiers du baron de Billy, de Marc de Fiennes et de Charles de Bryas, seigneur d'Hernicourt. On se battit vaillamment des deux côtés, depuis cinq heures jusqu'à dix heures du matin. Grâce à la bravoure des troupes wallones, infanterie et cava- lerie, l'armée de Mansfelt fut battue et dispersée. Dans une lettre particulière, écrite par le colonel Gaulcher à l'audieneier Verreyken et par laquelle il donne des détails sur la bataille de Fleurus, on lit textuellement cet hommage rendu aux qualités de l'infanterie wallone : « Je vous diray que l'on n'a jamais veu infanterie si mieulx battre n'y mieulx » faire que la nostre 2. » Le capitaine Ferry de Blois, seigneur de Beauregard, du régiment de Verdugo, l'aller Jean Del val, de la compagnie colonelle du môme régi- 1 On voulait, par oc mélange de iroupes de nationalités différentes, éviter les susceptibilités qui ne manquaient jamais d'éclater à propos du pas ou l'honneur de marcher les premiers au combat. Depuis Charles-Quint les Wallons avaient ce privilège qui froissait naturellement les Espagnols. Il parait qu'à Fleurus les capitaines wallons déclarèrent qu'ils quitteraient leurs charges, si les Espagnols avaient le pas. (Du Cornet, Guerre du Palatinat. — Chappuys.) 2 Lettre du 31 août H'i-2-2, aux Archives du royaume. SOUS LA MAISON D ESPAGNE. 131 ment; l'adjudant Jean de Laittes, seigneur de Rossignol, du régiment du prince de Balançon, et un autre officier du même corps, furent tués. Les capitaines Adrien de Sailly et Warnier de Meldeman, du régiment de Haynin (Buquoy), et quelques autres officiers, furent blessés, de même que le comte de Seneghem, beau-frère du duc d'Arschot '. Dans la cavalerie plusieurs officiers distingués, entre autres François du Chastel, vicomte d'Émerin, et les capitaines Bardoul et Tliiry, furent tués; le colonel Gaulcher lui-même fut blessé, ce qui ne l'empêcha pas de pour- suivre vigoureusement l'ennemi; il l'atteignit prés de Sf-Trond et lui tua encore beaucoup de monde. Enfin Mansfelt, après avoir perdu plus des trois quarts de ses soldats, son artillerie, ses bagages et sa caisse, parvint à se mettre en sûreté sous les murs de Breda 2. L'année suivante (1623) se passa presque exclusivement en marches et contre-marches : les armées s'observaient. Le seul événement de guerre un peu important fut le siège de Wescl, auquel prirent part huit cents Wallons et quatre cents Bourguignons sous le commandement de Jacques de Haynin. Les pertes considérables que subit ce petit corps (cinquante-huit morts et soixante-douze blessés), attestent l'énergie avec laquelle il combattit 3. L'année suivante, le marquis de Spinola forma le siège de Breda. Les Wallons qui prirent part à ce siège mémorable étaient commandés par Robert de Ligne, prince de Barbançon, mestre de camp d'un tercio d'infan- terie liégeoise , et par le comte de Hennin ; les Bourguignons étaient sous M. de Balançon. Un autre tercio bourguignon était commandé par Claude- François deCusance, baron de Beauvoir *. Dix bandes d'ordonnance, sous le prince de Barbançon et son lieutenant général M. de Bclières, faisaient partie du corps d'investissement. Pendant cette opération, une armée d'observation avait été rassemblée pour couvrir le pays contre les invasions des Hollandais. Les cinq autres bandes d'ordonnance en faisaient partie; la cavalerie légère était conduite 1 Gachard, Les bibliothèques de Madrid et de VEscurial, p. 148. 2 Du Cornet-Chappuys. 3 Ibid. — Le siège fut levé le 24 octobre 1025 en vertu d'une capitulation. 4 Herman Hugo, Siècje de la ville de Breda. 132 HISTOIRE DE L'INFAINTERIE WALLONE par le brave colonel Gaulcher que nous avons vu combattre avec tant de valeur dans une foule d'épisodes de la guerre de Bohème ; Pierre-Ernest de Gavre, baron dTnchy, qui avait aussi été un des plus vaillants officiers de l'armée du comte de Buquoy, commandait les compagnies libres. Ernest de Mansfelt, soutenu par la France et par l'Angleterre, devait venir ravitailler Breda; son approche fit naître les plus vives inquiétudes dans les provinces wallones; aussi l'archiduchesse Isabelle ordonna-t-elle de grandes levées d'Élus '. Toutes les provinces contribuèrent à cette levée qui fut fixée à huit mille quatre cent vingt-quatre hommes dont la conduite fut confiée à Philippe de Crequy, seigneur de Coyhove a, ancien officier, d'origine française, qui avait servi successivement comme capitaine dans le tercio d'infanterie wallone de Paul-Bernard de Fontaine et comme capitaine de cent chevaux cuirassiers sous le prince de Barbançon. Les Élus levés dans la Flandre au nombre de quatre mille cinq cents avaient pour chef Paul- Bernard de Fontaine qui, outre sa qualité de mestre de camp d'un tercio d'infanterie wallone, était superintendant des gens de guerre de la Flandre. Après un siège de douze mois, Breda, n'ayant pu être secouru ni ravi- taillé, se rendit dans les premiers jours du mois de juin 1625. Le baron de Balancon en fut nommé gouverneur. Les états des Provinces-Unies remportèrent à leur tour quelques avan- tages. Frédéric-Henri, frère de Maurice de Nassau, s'empara d'Oldensel en 1626 et de Grolle l'année suivante, après un siège d'un mois. Henri de Bergh, venu au secours de cette ville, fut repoussé deux fois et ne parvint pas à la sauver. L'année suivante, les Hollandais firent des armements considérables contre les Pays-Bas. A celte occasion l'infante Isabelle réclama du secours à l'Allemagne catholique, mais Maximilien de Bavière défendit absolument au comte de Tilly de dégarnir une seule des positions militaires qu'il occu- pait. Ainsi ces armées qui se recrutaient sans cesse dans nos provinces, qui avaient enlevé toute une génération pour des guerres qui n'intéressaient en « Placards de Flandre, t. IV, fol. 1085-1087. 2 Sa patente est du 26 janvier 1C25. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 153 aucune façon la Belgique et n'avaient d'autre mobile que l'ambition de quel- ques potentats , abandonnèrent sans vergogne nos malheureuses provinces à tous les maux de la guerre. L'infante s'adressa aussi à l'Empereur pour en obtenir aide et protection. L'Empereur lui envoya le cointe Wolff de Mans- feltavec quelques régiments de cavalerie, et Wallenstein fit lever deux régi- ments d'infanterie sous le commadement de l'évêque de Verdun et de Van der Nessen, baron de Fremont. Ces corps furent prêts au mois d'août et mis à la disposition de l'infante '. La guerre continua avec des succès variés. Les étals des Provinces-Unies s'emparèrent du fort de Sandvliet et entreprirent le siège de Bois-le-Duc; les Espagnols reprirent, à la vérité, Sandvliet, mais ils ne parvinrent pas à sauver Bois-le-Duc qui tomba aux mains de l'ennemi, vers le milieu du mois de septembre 1629. La correspondance de l'infante - révèle certaines particularités du siège de cette ville qui ne sont pas sans intérêt : le baron de Grobbendonq, gouver- neur de la place, employa un jour un stratagème qui fut couronné d'un plein succès. Il fit cesser le feu des remparts et des forts ; pendant sept jours il ne se tira pas un seul coup de mousquet ni de canon. Les assiégeants attri- buèrent ce silence au défaut de munitions et déjà ils se voyaient maîtres de la ville. La princesse d'Orange, avec une suite nombreuse et brillante, vint au siège pour assister à la reddition. Le jour de son arrivée, le prince d'Orange voulut solenniser, par quelque exploit, la présence de la princesse et des dames de sa compagnie. On discuta qui, des Français ou des Hollan- dais, marcheraient à l'avanl-garde. Les Français, ayant obtenu cet honneur, se portèrent, avec leur furie accoutumée, à l'attaque de la demi-lune située en dehors du fossé. Le gouverneur affecta, pour mieux tromper l'assaillant, de ne défendre cet ouvrage qu'avec quelques arbalètes, arme usitée en Flandre pour les fêtes du Papegay ; aussi les Français s'en emparèrent sans peine. Mais alors le baron de Grobbendoncq fit démasquer une batterie qui , tirant à mitraille, tua plus de trois cents Français. Aussitôt les hommes qui étaient • Villermont, Tilly ou la guerre de Trente ans, t. I, p. 442. 2 Lettres des 13 et 44 août 1G29, rapportées par M. Gachard dans Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 157. Tome XL1I. 18 134 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE embusqués laissant là les arbalètes, firent des décharges de mousquelerie ; bientôt on se battit à l'arme blanche et pins de sept cents Français restè- rent étendus sur le champ de bataille. Les Anglais vinrent au secours de leurs alliés, mais furent également repoussés. Finalement l'armée assiégeante perdit plus de trois mille hommes sans compter les blessés et une foule de gentilshommes qui marchaient au premier rang. Sur ces entrefaites, le marquis de Spinola avait été rappelé en Espagne et remplacé, dans le commandement de l'armée, parle marquis de Santa- Cruz, choix humiliant pour les généraux belges dont plusieurs abandonnè- rent alors la cause de l'Espagne, tandis que d'autres, notamment le comte Henri de Bergh, qui avait espéré remplacer Spinola dans le commandement de l'armée, fomentèrent une conspiration que l'histoire a appelée la Conspi- ration des nobles. Le roi d'Espagne, vers cette époque, annonça l'intention de mener, dès le printemps de l'année 1630, une expédition formidable contre les Hollan- dais et ordonna de faire de grands préparatifs militaires dans les Pays-Bas. Des levées nombreuses eurent lieu dans toutes les provinces du pays et l'in- fante s'occupa activement de mettre tous les cadres de l'armée sur le pied complet. Deux nouveaux régiments wallons furent créés , l'un qu'on donna au comte de Fresin et l'autre à M. de Haynin ; le régiment du comte de Grimberghe fut augmenté à cette occasion l. Enfin on ordonna de faire des levées d'Élus dans les diverses provinces. C'est ainsi que Philippe Lamoral de Gand, comte d'Jsenghien, forma un tercio de dix-sept compagnies, levées dans le Hainaut,dans le Tournaisis, dans l'Artois, etc. 2. L'infante avait demandé de nouveau à l'Empereur de lui donner le comte de Tilly pour chef de ses troupes, mais cette fois encore elle essuya un refus. Nos provinces se trouvaient alors dans le plus triste état. Le marquis d'Aytona, dans une lettre à Philippe IV, écrite de Bruxelles le 24 novembre 1629, signale surtout l'absence de généraux. « Le comte de Bergh, qui est 1 Gâcha rd, Les bibliothèques île Madrid et de VEscurial, p. 164. 2 Placards de Flandre, 2e partie, fol. 272. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 135 » à la tête de l'armée, dit-il, est regardé généralement comme incapable et » ses officiers le signalent comme un traître. Les places sont mal pourvues; »> l'armée est réduite presque à rien, car il n'y a guère plus de mille Italiens » et de deux mille Espagnols; il ne faut pas compter sur les Allemands : un » régiment de la Ligue catholique ou de l'Empereur vaut plus que onze du » Roi. Les Bourguignons sont complètement défaits; les Wallons sont en » petit nombre, les meilleurs d'entre eux allant servir d'autres princes. Il n'y » a ni poudre, ni balles, ni autres munitions de guerre L'armée est » généralement mécontente d'avoir, sans aucun fruit et au contraire avec de » grandes pertes, souffert tant de fatigues et de nécessités dans cette cam- » pagne 1. » Une réflexion assez piquante que nous trouvons dans une autre lettre du marquis d'Aytona est celle-ci : « La manière de faire la guerre aujourd'hui » et particulièrement celle qu'on a avec les rebelles, est réduite à une sorte » de commerce et de marchandises, c'est-à-dire que celui qui a le plus d'ar- » gent est celui qui l'emporte : et ainsi ni la valeur ni l'industrie de ceux » qui servent V. M. n'aboutiront à rien, si V. M. n'envoie de l'argent. » Cette réflexion reproduit sous une autre forme l'aphorisme : L'argent est le nerf de la guerre. Il n'est pas étonnant que dans cette situation l'infante se trouvât impuis- sante à empêcher les Hollandais de pénétrer dans le Brabant et dans la Gucldre, de s'emparer de Venloo et de Ruremonde et d'assiéger Maeslricht (40 juin-22 août 1633). Le seul succès que remportèrent ses troupes fut d'empêcher que Bruges ne tombât aux mains du prince d'Orange, grâce à un secours de soldats wal- lons que parvint à y faire entrer le comte Paul-Bernard de Fontaine. Les états généraux, qui furent assemblés à cette époque, voulurent con- clure la paix avec la Hollande et mettre enfin un terme à une guerre qui avait ruiné le pays; mais les négociations ne purent aboutir. Les états s'oc- cupèrent aussi de l'organisation de l'armée; ils voulaient réduire les dix-sept tercios ou régiments d'infanterie wallone, liégeoise et basse-allemande qui 1 Gacliard, Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 150. 136 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE existaient alors à six tercios d'infanterie wallone et à trois régiments d'infan- terie basse-allemande. Ils demandèrent en outre que chaque régiment ou tercio fut de trois mille hommes, les régiments bas-allemands à dix compa- gnies de trois cents hommes et les tercios wallons à quinze compagnies de deux cents hommes '. Les circonstances du temps n'ont pas permis, semble-t-il, d'opérer les réformes indiquées par les états généraux et qui, pour la plupart, avaient été acceptées par l'infante. Il n'en est pas moins intéressant de rappeler les observations critiques que les états généraux produisirent sur la constitution de l'armée, car elles mettent sur la voie de ce qui existait à cette époque. La réduction du nombre des régiments était motivée en ces termes : « en » considération que le pays n'estoit bastant de loger tous lesdits tercios et » régiments et que le grand nombre des officiers d'iceux estoit cause de la » pluspart des exactions et degast au plat pays 2. » Les états chargèrent quelques membres de rédiger un cahier touchant le rétablissement de la discipline militaire et les remèdes à apporter aux désordres des gens de guerre 3. Ils demandèrent aussi que les colonels des régiments fussent remis en pos- session de leurs anciennes prérogatives; que, comme par le passé, ils pus- sent disposer des charges et de l'avancement selon les grades et les services de chacun. « Ce sera, disaient-ils, le moyen de récompenser la nation wallone » qui se trouve présentement vilipendée des autres, n'en ayant pas une » seule qui prétende le commandement et l'avantage sur elle que pour » tant maintenir cette nation wallone qui forme la plus grande partie de » l'armée, il est essentiel de la laisser sous le commandement de ceux de la » même nation, sans l'obliger à servir dans les troupes de cavalerie où les » officiers sont étrangers et empêcher par ce moyen que la valeur et le cou- » rage de cette belliqueuse nation ne s'altère, à mesure que l'espérance de » l'honneur et de la gloire lui est enlevée... 4. » 1 Actes des états généraux de 1652, publiés par M. Gachard, t. II, p. 263. 2 Ihid., t. II , pp. 84 et 89. 3 Ibid., t. II, p. ÔGO. 4 Actes des états généraux de 1652, 1. 1 , pp. 42 et 576. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 137 Ce témoignage éclatant rendu par les mandataires de la nation aux qua- lités guerrières des Wallons est précieux à recueillir; il prouve que cette brave infanterie n'avait pas dégénéré de ce qu'elle avait toujours été pré- cédemment; il prouve aussi que le système d'injustice et de partialité à l'égard des Wallons, si souvent reproché au gouvernement espagnol, n'avait pas cessé et avait vivement ému le pays. Le peu de succès qu'eurent les états généraux dans les négociations qu'ils avaient entamées avec les Provinces-Unies pour la conclusion de la paix; la mort de l'Infante qui arriva le 2 décembre 1633; enfin la reprise des hosti- lités, toutes ces circonstances furent cause que les vœux émis par les états généraux pour la réorganisation de l'armée et le redressement des griefs des troupes wallones ne se réalisèrent pas. La guerre ayant recommencé, le prince d'Orange Frédéric-Henri s'em- para de Maestricht après avoir pris possession de Venloo et de Ruremonde qui lui furent livrés par la trahison du comte Henri de Bergh. Le mar- quis de Santa-Crux, qui avait été préféré aux généraux belges et n'avait montré qu'une déplorable incapacité, fut alors destitué du commandement en chef des troupes et remplacé par le marquis d'Aytona, qui employa l'hiver de 1632 à 1633 à renforcer l'armée par des levées dans les Pays-Bas, en Bourgogne et en Irlande. Au printemps, il réunit l'armée à Lierre (mai 1633). Il s'était rendu maître, au préalable, de Bouchain. Les tercios wallons de Ribaucourt et d'AIpen prirent part à cette expédition; elle coûta la vie à un adjudant et à un capitaine du régiment de Ribaucourt qui furent assassinés en procédant à l'arrestation de Georges Carondelet, seigneur de Noyelles, qui commandait à Bouchain et dont on avait découvert les relations crimi- nelles avec les Français '. De Lierre l'armée se dirigea sur la Meuse qu'elle traversa près de Mae- seyek et à Ruremonde, mais toute la campagne se borna à la prise de Stevensweert. L'année suivante (1634), le marquis d'Aytona tenta vainement de re- prendre Maestricht. 1 Biographie nationale, au nom Aytona, par M. Gachard. 158 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Sur ces entrefaites arriva le cardinal-infant Ferdinand, le nouveau gou- verneur général des Pays-Bas (4 novembre 1634). Il amenait avec lui une armée de onze mille à douze mille hommes *. La France et la Hollande s'étaient alliées de nouveau pour attaquer les Pays-Bas et se les partager. Pour exécuter ce projet, une armée française entra dans le Luxembourg vers le milieu du mois de mai (1635) et le 20 du même mois gagna la bataille d'Àvin sur les Espagnols que commandait le prince Thomas de Carignan, fils du duc de Savoie; elle s'empara ensuite d'Arschot, de Diest et de Tirlemont où elle commit d'exécrables horreurs; elle allait entrer dans Louvain lorsque Piccolomini la força à la retraite. Deux compagnies wallones commandées par Jean-Conrad d'Aubermont, seigneur de Ribaucourt, et Lancelot de Grobbendonck, seigneur de Wese- mael, rendirent les meilleurs services pendant que Louvain était cerné; elles firent plusieurs sorties et se conduisirent avec beaucoup de bravoure. En présence des dangers qui menaçaient le pays, toute la noblesse avait reçu l'ordre de se rendre à l'armée2. Bientôt le cardinal-infant put reprendre les villes dont les Français s'étaient emparés et il poursuivit l'ennemi qui, ayant commis d'épouvantables ravages et des cruautés sans nom pendant sa courte occupation, fut harcelé avec fureur par les paysans qui en massacrèrent un nombre considérable 3. Enfin cette expédition de la France unie à la Hollande se termina hon- teusement pour les deux alliés qui avaient d'avance fait entre eux le partage de nos dépouilles. « Les peuples des Pays-Bas, » dit avec raison un historien français, « furent sourds à ces promesses de liberté qui s'avançaient avec le » fer et la flamme. Le comte de Buquoy envoya ses Croates au butin sur le » territoire de la Picardie et ce fut après bien des efforts inutiles qu'on par- » vint à défaire un parti considérable (20 novembre). On réussit mieux à » dévaster, par représailles, les villages de Flandre4. » 1 Gachard, Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 168. "- Placards de Flandre, 5' vol., f" 107!). — Placards de Brabanl, 2e vol., f 290. 3 Gachard, ouv. cite. Des quarante mille Français qui étaient entrés en Belgique il en resta à peine six mille qui gagnèrent la Hollande. Le reste avait été tué ou dispersé (p. 174). * Bazin , Histoire de Louis XIII, t. 111, p. 202. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 139 Le cardinal infant avait, à son tour, pris l'offensive et il remporta sur les Français de grands avantages pendant les campagnes de 1636 et 1637. Trois régiments wallons, ceux des comtes de Fresin et de Willerval et du baron deWesemael, faisaient partie de son armée dans laquelle figuraient une foule de gentilshommes belges chargés de fonctions diverses. Après avoir suc- cessivement repoussé l'ennemi sur tous les points, le cardinal s'avança jusqu'à Pontoise. « Il y eut alors à Paris une épouvante dont le souvenir s'est long- » temps gardé dans cette capitale. En ces temps comme depuis, Paris, bien » que éloigné seulement de quelques journées du pays ennemi, se croyait » pourtant hors d'atteinte et même de menace. La guerre devait toujours se » tenir hors de ses murs et ne lui être connue que par des relations et des » commentaires, surtout par des Te Deum. Voilà que le canon grondait à » vingt lieues des tours de Notre-Dame et il n'était bourgeois qui ne fût cer- » tain de l'avoir entendu. On annonçait chaque jour que des partis armés » avaient été vus dans un voisinage encore plus rapproché et Ton ne croyait » plus pouvoir sortir des portes sans rencontrer les Impériaux. Il y avait » surtout un nom que les Parisiens prononçaient avec effroi ; c'était celui » de Jean de Weert ; comme il avait surtout l'emploi des entreprises » hardies, les habitants de Paris en conçurent une peur extrême et se pro- » mirent bien, si jamais il lui arrivait malheur, de le chansonner sans » pitié 1. » L'épouvante qu'inspirait Jean de Weert s'explique non-seulement par les ravages que commettaient ses bandes de Croates partout où elles apparais- saient, mais encore par la soudaineté de l'apparition de ce chef de partisans dans les endroits où l'on s'attendait le moins à le voir et par la hardiesse de ses entreprises. Nous en citerons deux choisies entre une infinité d'autres de même nature : Pendant la campagne de 1636, l'armée espagnole victorieuse venait de franchir la Somme et de s'emparer de Roye. Jean de Weert, qui avait pris les devants selon sa coutume, dit la relation de Vincart à laquelle nous emprun- tons ces détails, aperçut au village de Hem, près de Nesle, une partie de la 1 Bazin, Histoire de Louis XIII, t. III, p. 216. HO HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE cavalerie française qui se rafraîchissait: il y avait là cinq régiments de cava- lerie et deux cents dragons. Le comte de Weerl n'avait avec lui que mille chevaux; il fit demander un renfort à Piccolomini qui lui envoya quelque troupe d'infanterie et de cavalerie. Pendant que ceux-ci étaient en chemin, les Français décampèrent au milieu de la nuit, prenant la direction de Noyon. Jean de Weert, voyant que l'ennemi allait lui échapper et sans considérer l'infériorité des ses forces, attaque leur arrière-garde avec tant d'impétuosité, que cinq cents hommes de celle-ci demeurent sur la place et qu'il fait trois cents prisonniers. Il poursuivit le reste jusqu'à l'Oise, puis rejoignit le quar- tier général du comte de Piccolomini *. Pendant la même campagne, le cardinal infant, désirant forcer les Fran- çais à en venir aux mains avec lui, donna l'ordre à Jean de Weert d'entrer la nuit dans le quartier qu'occupait leur cavalerie. C'était le 4 octohre. Jean de Weert prit deux mille chevaux des siens et un autre régiment de cava- lerie sortit sans bruit de son quartier et envoya un lieutenant-colonel avec quarante hommes prendre langue et savoir où était logée la cavalerie ennemie. Cet officier revint avec neuf prisonniers par le rapport desquels on apprit qu'une division de cavalerie composée de trois régiments du duc de Saxe- Weimar, de deux régiments français et d'un régiment de dragons, occupait le village de Martigny, entre Corhie et Amiens. Jean de Weert se dirigea de suite de ce côté. Le duc de Wurtemberg y avait été amené ce jour-là d'Amiens par le colonel Echevelt qui lui donnait à souper. En attendant ils allèrent à la chasse. Un cavalier qu'ils rencontrèrent leur dit qu'il avait vu, à deux lieues du quartier, sept troupes de cavalerie, mais qu'il ne savait si elles étaient ennemies. Echevelt répondit que c'étaient de ses gens; que l'ennemi était à vingt lieues, et il continua de chasser. La nuit venue, le duc de Wurtemberg se mit à table avec les colonels. Pendant le repas on vint à parler de ce que le soldat avait dit. Un des convives ohscrva que les troupes que celui-ci avait aperçues ne pouvaient être ennemies, à moins que ce ne fût Jean de Weert, lequel était bien capable de s'être approché jus- que-là. Echevelt alors voulut ordonner aux trompettes de sonner le boute- 1 Gachard, ouv. cité , p, 18-2. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. Mi selle, mais le colonel Gassion le rassura, disant : que parle-t-on de Jean de Weert? qu'a-t-il fait en sa vie? et un autre proposa de boire à sa santé. Après qu'ils eurent copieusement mangé et bu à l'allemande, ils allèrent se coucher. Us n'étaient pas encore endormis, lorsque Jean de Weert arriva au quar- tier et disposa son attaque de la manière suivante : il choisit dans chaque compagnie huit soldats et un régiment de dragons tout entier, ce qui pouvait faire huit cenls hommes; il leur ordonna d'entrer avec furie dans le village, tuant, saccageant et brûlant tout. Lui, avec le reste de ses forces, resta à l'entrée du village pour soutenir les assaillants. Ceux-ci, ayant été découverts par la première sentinelle, lui font accroire qu'ils reviennent d'une reconnaissance; ils tombent sur la compagnie qui était de garde et ne laissent en vie aucun des hommes qui la composent. Ils avancent et frappent de même tous ceux qu'ils rencontrent, passant et repas- sant au milieu des régiments, semant la mort sur leurs pas, sans donner le temps aux ennemis de monter à cheval et mettant enfin le l'eu aux quatre coins du village. Le duc de Wurtemberg et les colonels se sauvèrent à grand' peine; le duc s'enfuit en chemise. Tous ceux qui ne purent prendre la fuite furent tués ou faits prisonniers. Les soldats s'emparèrent de tout le bagage et de plus de mille chevaux. Jean de Weert revint auprès du cardinal infant avec cinq étendards enlevés aux ennemis, douze autres avaient été brûlés '. On comprend la terreur des Parisiens, quand ils entendaient raconter de semblables coups de main. Louis XIII se hâta de rassembler une armée considérable entre Senlis et Compiègne, mais le seul avantage qu'elle remportât fut la prise de Corbie, dont les habitants lui ouvrirent les portes. Le cardinal infant, bien qu'il eût à lutter au nord comme au midi, soutint la guerre sans infériorité marquée. Il reprit Venloo le 25 août 1637 etRure- monde le 3 septembre suivant, mais il ne parvint pas à sauver Breda cpii tomba au pouvoir du prince d'Orange le 2 octobre. 1 Relation de la campugne de 1656, par Vincart, analysée dans le rapport de M. Gachard (Bull, de la Commission royale d'histoire, lre série, t, IX, pp. ^75-275). Tome XLII. M 142 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Bientôt après, trois armées françaises sous les maréchaux de Chatillon , de la Force et de Brézé, reçurent Tordre d'agir contre la Flandre, tandis que le prince d'Orange menacerait Anvers et Hulst. Dans ces conjonctures critiques, le cardinal infant, par ordonnance du 30 mai 1638, prescrivit que tous les hommes de vingt à cinquante ans fussent levés, pour concourir à la défense du pays f. Les troupes des états des Provinces-Unies échouèrent dans leur entreprise sur Anvers; elles furent complètement battues àCalloo, le 21 juin, par le général Paul Bernard de Fontaine qui, à la tête des corps wallons, remporta une grande victoire : soixante étendards, dix-neuf canons, deux mille trois cents prisonniers furent les trophées de cette journée. Maurice de Nassau, fds du comte Guillaume, fut tué avec deux mille Hollandais. Les Français, après quelques travaux de circonvallation autour de Saint- Omer, jugèrent que c'était assez pour leur gloire et se retirèrent sans même prendre la ville, se contentant du petit Catelet : ce fut là tout le profit que retira la France de l'immense armement dirigé contre nos provinces. Malgré les succès de celte campagne, les dangers du côté de la France allaient grossissant. Pour la campagne suivante des mesures énergiques furent prises dans nos provinces, on requit de nouveau le service militaire de la noblesse du pays et on fit une levée extraordinaire de dix mille hommes pour compléter les tercios wallons 2 : Le tercio de Ribaucourt reçut . . . . 1,300 hommes. Celui de Brion 1,500 » Celui de Hennin 'JOO » Celui d'Adrien de Grange I,o00 <> 1 Placards de Flandre, t. III, fu 1078. — Le 26' avril 1659, le cardinal infant menaça de traiter de déserteurs les bourgeois qui se soustrairaient à ee service (ibid., !'" 1,086). Les Il et 17 juin, toute la noblesse fut requise (ibid., f" 107!)); le 8 juillet, elle fut remerciée (ibid., f" 1079). 2 D'après les archives de l'audience, liasse n° G8(i, celte levée de dix mille hommes fut répartie de la manière suivante : annn , ■ ■> . . ( 1,300 pour le tercio de Ribaucourt, 2,000 dans le lirabant l ' ' ( 500 pour celui tic Brion. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 145 Report. . . . 5,000 hommes. Le tertio de Wesemael reçut .... 1,500 » Celui de Trameley 1,500 Celui de Villerval 1,500 Celui de Lede 500 Total .... 10,000 hommes. De plus, le lieutenant-colonel Lefebvre eut charge de lever dix compa- gnies d'infanterie basse-allemande. La campagne de 1639 fut assez avantageuse pour l'armée espagnole qui remporta plusieurs succès sur les troupes françaises ; elle gagna la bataille de Tbionville, mais cette victoire n'était pas assez importante pour mcltre le pays à l'abri de nouvelles attaques , qui recommencèrent les années sui- vantes. Il est vrai que le seul bénéfice que les campagnes de 1640, de 1641 et de 1642 procurèrent aux Français fut la prise d'Arras qui n'avait ni garnison, ni gouverneur (9 août). Par contre, ils furent battus à Honne- court le 26 mai 1642. Pendant toute cette période , on n'avait cessé d'augmenter les armements en Belgique et de créer de nouveaux régiments wallons , bas-allemands et bourguignons. Par des patentes, qui portent la date du 16 juin 1640, les comtes de 200 hommes à Matines . . . . ) , . , „ . „.„ . „ J pour le tercio de Bnoii- 200 a Namur j ' (700 pour le tereio de Brion. 1 ,500 pour celui de Lagrange. 500 pour celui de Hennin. 4,100 hommes dans la Flandre . . < „.. , . . ,..„ ' 1 500 pour celui de \ illerval. I 400 pour celui de Trameley. \ 500 pour celui de Wesemael. 1,000 hommes dans l'Artois pour le tercio de Wesemael. . „„„ , , „ . ( 500 pour le tercio de Trameley. 1,000 hommes dans le Hainaut . . „.„ , . , „.„ ( 500 pour celui de Villerval. „„„ , . . ... ( 400 pour le tercio de Villerval. 800 hommes a Lille ! ,„ ' ( 400 pour celui de Trameley. 300 hommes à Tournai pour le tercio de Trameley. 200 hommes dans la Gueldre . . j . , . , .,.,. ..... ; pour le tercio de Lede. oOO dans le Limbourg ....). 114 HISTOIRE DE L INFANTERIE WALLONE Beaumont et de Fauquenberg, furent chargés de lever deux tercios de vingt compagnies de deux cents hommes; Philippe de Lannoy, seigneur de Cour- teville, leva un tercio de dix compagnies !. Le marquis de Trelon et Louis Rover levèrent des régiments d'infanterie liégeoise basse-allemande2; Fran- çois de Chaffroy leva un régiment bourguignon 3 de quinze compagnies; en outre, des patentes de capitaine d'infanterie wallone de deux cents hommes furent délivrées à douze officiers 4. D'un autre côté, le tercio de Tromeley fut versé dans celui du comte de Bassignies5, et M. de la Beaume, comte de S'-Amour, ayant été nommé mestre de camp du tercio de feu le marquis de Varembon 6, fut remplacé par le marquis d'Yenes. Le cardinal infant, étant mort en 1641, avait eu pour successeur comme gouverneur général des Pays-Bas François de Mcllo, comte d'Assumar, qui commanda l'armée pendant la campagne de 1642. Celte campagne ne fut pas sans gloire pour les armes de l'Espagne; à la bataille de Honnecourt qui la termina , l'infanterie hispano-belge se montra invincible pour la dernière fois, car peu de temps après, elle subit, dans les champs de Rocroy, une irréparable défaite. Parmi les troupes qui composaient l'armée du comte d'Assumar, on remar- quait six régiments d'infanterie wallone , dont les chefs étaient le prince Claude-Lamoral de Ligne, les comtes de Fontaine, de Ribaucourt, de Grobbendonck, de la Grange et Philippe de Lannoy, seigneur de Conteville. Ces régiments prirent part à toutes les opérations de la campagne de 1642 : d'abord à l'investissement et à la prise de Lens (19 avril); au siège de la Bassée, où ils formaient. le centre de l'attaque sous le commandement du prince de Ligne, et repoussèrent vaillamment plusieurs sorties de l'ennemi. Ce furent eux qui, après s'être emparés du chemin couvert sous une pluie de 1 Patente du 2 mars tf>42. (Archives de l'audience.) 2 Patentes du 50 décembre 10i2. (Id.). 5 Patentes du 8 janvier 1645. (Id.). 4 Patente du 8 septembre 1042. (Id.). 5 Patente du 28 octobre 1642. (Id.). 6 Patente du l" juin 1042. (Id.). SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. U5 balles, s'y logèrent et s'y maintinrent, en dépit de tous les efforts des assiégés pour les repousser. Ce fut encore eux que Ton choisit pour aller établir les mines qui devaient faire sauter les murailles et préparer le chemin pour monter à Passant; enfin ils contribuèrent plus que personne à amener la reddition de la ville qui ouvrit ses portes le 1 1 mai. Le comte d'Àssumar élait parvenu, par d'habiles manœuvres, à séparer les deux corps français commandés par le maréchal de Gniche et par le comte d'Harcourt. Il voulait les battre séparément et il y réussit. Le 26 mai il attaqua le maréchal de Guiche près du prieuré de Honnecourt, situé sur l'Escaut, aux environs du Catelet. Il était trois heures de l'après-midi lorsque l'action commença. Après plusieurs incidents où chacune des deux armées obtenait alternativement l'avantage, le moment décisif arriva. « Alors, » dit la relation espagnole de Vincart à qui nous empruntons ce récit, « alors s'avancèrent les bataillons » Avalions conduits par le vaillant seigneur prince de Ligne et les autres » braves gentilshommes mestres de camp wallons , le comte de Grobben- » donckj monsieur de la Grange et monsieur de Courteville : déjà, ils étaient » entrés dans le bois, avec la valeur accoutumée de leur nation; ils gravi- » rent la colline, et s'établirent au sommet. Le prince de Ligne, à la tète de » son régiment , s'avança vers la cavalerie ennemie et trois fois soutint la » charge de celle-ci; lui et les autres mestres de camp wallons se maintinrent » au sommet de la colline. Le combat ayant été ainsi rétabli, le baron de » Beck et don Carlos Guasco rallièrent leur infanterie et le comte de Buquoy » sa cavalerie, renforcée de trois détachements que lui avait envoyés le mar- » quis de Velada, et pour la troisième fois ils chargèrent les Français avec » tant de valeur que leur infanterie commença à plier et à jeter ses armes. Le » comte de Buquoy , en même tems, mit le désordre dans leur cavalerie. » Battus sur tous les points, les Français se mirent à fuir Ils perdirent quatre mille morts, trois mille prisonniers, toute leur artillerie, tous leurs drapeaux et leurs bagages et même la fameuse corneUe blanche, étendard royal qui, depuis deux siècles, n'avait jamais été pris par l'ennemi. Après cette éclatante victoire, le comte d'Assumar dut se rendre en hâte vers la Meuse et le Rhin pour arrêter la marche des Hessois et des Weyma- 146 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE rois qui, après avoir battu l'armée impériale du baron de Lamboy, s'avan- çaient vers le Brabant. Il laissa la défense du Hainaut et de l'Artois au baron de Beck et à un corps de troupes dans lequel se trouvait le régiment wallon du comte de Grobbendonck et se mit en marcbe avec le reste de l'armée où se trouvaient, entre autres, les régiments wallons du prince de Ligne, de MM. de la Grange (Bryas) et de Conteville (Lannoy). L'ennemi ne l'attendit pas et se bâta de battre en retraite. Le comte d'Assumar retourna alors du côté de la France avec son armée pour faire face aux troupes du comte d'Harcourt, mais celui-ci , bien qu'il eût reçu de nombreux renforts, ne jugea pas à propos de l'attendre et, abandonnant les positions dont il s'était emparé pendant que le comte d'Assumar se trouvait sur le Rhin , il rentra précipitamment en France '. La campagne était terminée; les soldats belges y avaient recueilli une riche moisson de lauriers. Leurs chefs, le comte de Fontaine, le prince de Ligne, le comte de Buquoy, le baron de Beck, s'étaient couverts de gloire; «le baron de Beck,» dit une relation manuscrite de celte campagne, « se montra, en cette occasion, comme en toutes celles où il s'est trouvé, » rangeant l'armée en bataille, payant de sa personne partout, animant les » nôtres et assurant la victoire à Son Excellence -. » Le comte d'Assumar, à qui le roi Philippe IV avait accordé la grandesse d'Espagne avec le titre de marquis de Tordelaguna, en récompense de ses services, se remit en campagne au printemps de l'année suivante et résolut de s'emparer de la ville de Rocroy, sous les mers de laquelle ses forces se trouvèrent rassemblées au mois de mai 1643. Quelques jours après, eut lieu la célèbre bataille de Rocroy qui fut le pre- mier grand désastre que subit l'infanterie hispano-belge. L'armée de la France, commandée par le jeune prince de Condé et qui comptait quinze mille hommes d'infanterie et sept mille chevaux, vint atta- quer l'armée assiégeante. L'infanterie wallone formait la seconde ligne de l'armée; elle était sous » Relation de la campagne de 1642, par Jean-Antoine Vincait. (Gacliard, Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 191.) 2 Gâcha rd, Les bibliothèques de Madrid et de l Escurial, p. *20j. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 147 les ordres du vieux général Paul-Bernard de Fontaine que la plupart des historiens ont confondu avec le comte de Fuentes de Valdeopero qui avait été un instant gouverneur général des Pays-Bas et était mort depuis trente- trois ans à l'époque de la bataille de Rocroy. La cavalerie belge avait pour chef le duc d'Albuquerque. L'aile droite de l'armée espagnole remporta, au début de la bataille, quelques avantages sur l'aile gauche des Français où les maréchaux l'Hôpital et la Ferté Senneterre s'étaient engagés maladroitement, mais à l'aile gauche, le duc d'Enghien avait électrisé ses troupes par sa brillante valeur et il poussait vivement les Espa- gnols. La déroule de l'aile gauche des Français pouvait entraîner le centre; le duc d'Enghien aperçoit ce danger; une inspiration du génie le pousse en avant; il arrive à la hauteur des lignes de l'infanterie ennemie, les traverse et vient fondre sur les derrières de l'aile victorieuse, en même temps que, par son ordre, le centre et la réserve rétablissent le combat en avant. L'aile droite de l'armée espagnole, un instant victorieuse, se trouve ainsi prise entre deux feux et doit céder, comme l'avait fait l'aile gauche. Dés lors la bataille était perdue. L'élite de l'infanterie espagnole où se trouvait l'infanterie wallone était cependant intacte. Le duc d'Enghien comprit que sa victoire, pour être décisive, devait détruire ce qui faisait la force et le prestige des armées espagnoles, la vieille infanterie, « ces gros bataillons serrés, dit Bossuet, qui étaient semblables à autant de tours, mais à des tours qui savaient réparer leurs brèches. » Il précipite sur cette phalange « qui était demeurée jus- qu'alors inébranlable au milieu de tout le reste en déroute et lançait des feux de toutes parts, » il précipite tous ses escadrons victorieux, tout ce qu'il peut ramasser d'infanterie, toute son artillerie. Trois fois le jeune vainqueur s'efforce de rompre ces intrépides combattants, trois fois il est repoussé par le valeureux comte de Fontaine; un quatrième assaut réussit enfin et après une mémorable résistance les bataillons wallons sont détruits, et leur illustre chef, le comte de Fontaine, meurt à la tête de ses héroïques soldats, en emportant l'admiration de son jeune adversaire qui envie sa mort glorieuse *. 1 Histoire de Louis If, jn i/.ce de Cunclé, t. I, p. 72. — Victor Cousin, Madame de Lon- gueville, u. I j8. — Bossiut, Oiaison funèbre du prince de Condé. 148 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE « Les mestres de camp des régiments wallons, » dit l'historiographe Vin- cart, « combattirent avec tant de bravoure et se défendirent si vaillamment » que du régiment du mestre de camp de Granges (Bryas) six capitaines » furent tués et tous les autres blessés; le régiment du comte de Bassigny » perdit quatre capitaines; celui du comte de Megen trois; celui du prince » de Ligne son sergent-major et celui du comte de Ribaucourt un capitaine » et un grand nombre de soldats; le comte de Megen fut blessé '. » La défaite de l'infanterie wallone fut la conséquence de l'abandon dans lequel la laissa la cavalerie qui, mécontente, dit-on, qu'on lui eût donné pour chef un étranger, le duc d'Albuquerque, refusa de combattre et laissa l'infan- terie exposée seule aux efforts de l'ennemi. Les armées espagnoles, dit H. Martin, ne purent jamais se remettre de ce terrible coup : l'effet moral leur fut plus fatal encore que la perte maté- rielle 2. En effet, les pertes, tant en infanterie espagnole, en infanterie wallone et en infanterie italienne atteignirent à peine le chiffre de trois mille hommes. Il est à remarquer d'ailleurs qu'à l'époque où fut livrée la bataille de Rocroy et plus tard celle de Lens, l'élite de l'infanterie wallone se trouvait éloignée de la Belgique et que les quelques tercios wallons qui étaient encore dans le pays et assistèrent à ces batailles5 avaient été très-affaiblis par les envois successifs en Espague de soldats wallons qui, comme nous le verrons plus loin, s'illus- trèrent dans les combats auxquels donna lieu la révolte de la Catalogne. Ces envois avaient commencé en 1039, c'est-à-dire trois ans avant la journée de Rocroy et avaient continué pendant les années suivantes. D'un autre côté, les vieux régiments, les plus aguerris, ceux de Verdugo et de Buquoy, n'étaient pas rentrés en Belgique. Les vides laissés dans les corps conservés dans le pays avaient été diflicilement comblés par des levées de jeunes sol- dats qui ne représentaient plus la vieille infanterie wallone si célèbre pen- dant la guerre de Trente ans. Il est donc très-vrai, comme le fait remarquer 1 Gachard, La bibliothèque nationale de Paris, p. 281. 2 H. Martin, Histoire de France, t. XII, p. 166. 5 11 est à remarquer qu'à la bataille de Roerov il D'y avait que cinq bataillons wallons (Gachard, La bibliothèque roijale de Paris, p. 2"8). SOUS LA MAISON DESPAGNE. 149 l'historien H. Martin, que l'effet, si désastreux pour l'Espagne, des batailles de Rocroy et de Lens fut d'enlever aux armées de ce pays Je prestige que leur avait donné une longue série de victoires, et peut-être Bossuet et d'après lui beaucoup d'historiens, en disant que les journées de Rocroy et de Lens avaient été le tombeau de l'infanterie wallone, se sont laissés aller à une exa- gération qui s'explique par le désir d'exalter la gloire de Condé. La vérité est que l'élite de l'infanterie wallone se trouvait, à cette époque, en Allemagne et surtout en Espagne, où sa brillante conduite prouva, en une foide d'occa- sions, qu'elle n'avait rien perdu des qualités qui lui avaient conquis une si grande renommée. Après la malheureuse campagne de 1G43 qui avait été si terrible pour l'infanterie espagnole et pour l'infanterie wallone vint la campagne de 1044 qui, comme la précédente, fut désastreuse. Le comte d'Assumar, qui ne se faisait pas illusion sur les chances qu'avait l'Espagne de faire accepter la paix par la France et par les Provinces-Unies liguées, avait tenté les plus grands efforts pour réorganiser les forces qu'il comptait opposer à une nouvelle invasion des provinces beigiques. Les tercios wallons avaient été décimés pendant la campagne précédente, plusieurs avaient même complètement disparu. Il n'en restait que huit, plus deux régiments bourguignons. Le 27 février (1644), un règlement fut adressé à leurs meslres de camp pour le recrutement de leurs tercios. Ces mestres de camp étaient le comte de Lamottrie, Jacques de Hennin, le comte de Buquoy, le comte du Rœulx, le marquis d'Havre, le comte de Trasegnies, le comte de Ribaucourt, le baron d'André, le comte de Bassignies et le comte de Saint-Amour. « Comme nous avons résolu, » lit-on dans le règlement du comte d'Assumar, « de faire lever des recrues pour les huit tercios de » la nation wallone, nous vous envoyons la forme du pied sur lequel nous » avons trouvé convenir qu'elles se fassent '. » Mais cette infanterie ne suffisant pas, on recourut à une mesure qui avait été prise l'année précédente déjà; on fit lever des compagnies d'élus de deux cent cinquante hommes choisis parmi les habitants de 20 à. 50 ans; ces 1 Audience, liasse n" 712. Tome XLII. 20 150 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLON E compagnies devaient défendre les villes et les passages de rivières. La chà- tellenie de Fumes dut former huit compagnies, celle de Berghes-S'-Winoc, huit également, celle de Bourbourg quatre. Un sergent-major commandait les compagnies d'une même chàtellenie. Le comte Lamoral de Hornes et le seigneur de Licques reçurent la mission d'en exercer le commandement général !. L'armée française qui, cette année, envahit la Belgique avait pour chef le duc d'Orléans. Ses lieutenants étaient les maréchaux de la Mailleraye et Gassion; ses mestres de camp généraux le comte de Bantzau et les marquis de Fargy et de Manicamp. En outre, le duc d'Enghien commandait une armée de réserve. L'armée du comte d'Assumar avait pour mestre de camp général le comte d'Isenbourg pour le corps destiné à agir contre les troupes de la Hollande et le comte de Fuensaldana pour le corps qui devait être opposé à l'armée française. Le comte de Buquoy était général de la cavalerie; tous les autres généraux étaient des Espagnols. Les troupes du comte d'Assumar furent réunies dans les environs de Condé et de Quiévrain; le prince de Ligne, qui commandait les bandes d'ordon- nance, s'établit à Chièvres. Le baron de Beck devait défendre le Luxembourg. Le plan des Français était d'attaquer Gravelines, Aire, S'-Omer et Bour- bourg. Le siège de Gravelines fut l'opération importante de la campagne; il com- mença le 1er juin. La garnison, composée de deux mille hommes, fit une défense vigoureuse, ce qu'atteste l'étendue de ses pertes et de celles des Fran- çais, car lors de la capitulation qui eut lieu le 19 juillet, la garnison était réduite à huit cents hommes valides et six cents blessés, tandis que l'ennemi avait perdu quatre mille hommes. Ce fut le poste qu'occupaient les Wallons, les compagnies des capitaines Callo et Van Erp du tercio de Ribaucourt, qui fut attaqué le plus vivement par l'ennemi. Dans une sortie qui eut lieu de la place contre les travaux d'approche des assiégeants , le capitaine Callo se fit ' Audience, liasse n° 715. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 151 remarquer par sa vaillance. Le vainqueur lui-même rendit hommage à la bravoure qu'avait montrée la garnison, car il lui accorda de sortir de la place avec armes et bagages. Le tercio du marquis de Trazegnies défendit S'-Omer et celui de Bassi- gnies se distingua au siège de Bourbourg. Les autres tercios wallons, sauf celui du baron de Saint-André qui con- courut à la défense des postes de Bruges à Gand et de Gand au Sas, faisaient partie du corps d'armée du comte d'Isenbourg, opposé au troupes hollan- daises. D'après la relation de la campagne de 1645 de l'historiographe Vincart ', le gouverneur général des Pays-Bas, marquis de Castel-Bodrigo, fit les plus grands efforts pour rétablir l'armée et il parvint à réunir cinq mille cavaliers. Quant à l'infanterie, dit-il, elle était dans un état déplorable. Les mestres de camp et capitaines reçurent l'ordre de tacher de compléter leurs corps pour le commencement du mois de mai, mais ils n'y parvinrent que très-incom- plétement. Les régiments dont quelques détachements prirent part aux opérations de la campagne avaient pour chefs les comtes de Grobbendonck, de Bruay, de Mouscron, de la Molterie, de Hennin, du prince de Chimay, du baron de Wanghen et de Van der Laen. Les principaux officiers généraux belges était le baron de Beck, mestre de camp général, le comte de Buquoy, général de l'artillerie de l'armée destinée à agir contre les Français, le comte de Saint-Amour, général de l'artillerie de l'armée contre la Hollande, et le prince de Ligne, chef des bandes d'ordonnance. Piccolomini, qui avait le commandement général des forces de l'Espagne aux Pays-Bas, envoya dans la Flandre, sous le baron de Beck, les troupes à opposer aux Hollandais et près de Poperinghe celles qui devaient agir contre l'armée française. Les Français sous le duc d'Orléans étaient rassemblés derrière le canal de la Colme; ils firent de grands efforts pour franchir le cours d'eau que 1 Gachard , Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 258. i52 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE défendaient les Wallons des régiments du baron de Wanghen et de Van der Laen; ils finirent par y réussir, grâce à leur supériorité numérique et ils s'emparèrent de Mardyck, de Bourbourg, de Cassel, de Menin, d'Armen- tières, de Bélhune, de Lillers et de S'-Venant, mais l'énergie que montrèrent, pour leur défense, les bourgeois d'Ypres et de Lille, obligea le duc d'Orléans à renoncer à l'espoir de prendre ces villes. Il résolut alors de rallier l'armée du prince d'Orange et de marcher, de concert avec elle, au cœur de la Flandre. La jonction des deux armées s'effectua le 2 octobre dans les environs de Deynze où les Hollandais avaient passé la Lys. Enfin les forces réunies des puissances alliées franchirent l'Escaut, à Gavre. Bruxelles était menacé. De grandes précautions furent prises pour sa défense. Les bourgeois se montrèrent déterminés à combattre vigoureusement l'ennemi; toute la noblesse du Hainaut et les hommes les plus exercés aux armes de cette province étaient prêts à marcher au secours de la capitale sous la conduite du comte de Buquoy. Les Hollandais voulurent d'abord s'emparer de Hulst où commandait le comte de Hennin et dont la garnison se composait, entre autres troupes, des régiments wallons de la Motlerie et de Mouscron. Les assiégés se conduisirent vaillamment et firent plusieurs sorties dans l'une desquelles les comtes de Hennin et de Mouscron furent blessés !. Lorsque la brèche fut ouverte par- tout et la garnison réduite à cinq cents hommes, la place dut capituler (6 novembre). Pendant que les Hollandais assiégeaient Hulst, les Français cherchaient à s'emparer de Courtrai. Bien que ce ne fût pas une place de guerre, la ville se défendit avec énergie et les Français durent renoncer à leur entreprise. Ceux-ci voulurent alors se rendre maîtres de la Bassée où se trouvaient trois compagnies wallones du régiment du prince de Chimay ; mais, là encore, ils échouèrent. Par contre, un détachement des troupes du roi composé d'Alle- mands, d'Espagnols et de Wallons reprit la ville et le château de Cassel et recouvra Mardyck, par un hardi coup de main. 1 Le comte de Mouscron mourut de ses blessures, quelques jours après la reddition de la ville. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 153 Le dernier épisode de celte campagne pendant laquelle les forces réunies de la France et de la Hollande avaient été presque partout tenues en échec par quelques troupes dont disposait le gouverneur général de nos provinces, mérite d'être rapporté : le maréchal Gassion, voulant profiter du froid rigou- reux qui se faisait sentir, marcha d'Armentières sur Deynse, qu'occupait le comte de Bruay avec les trois cents Wallons, restes de son régiment. Le maréchal Gassion avait avec lui quatre mille hommes. Le comte de Bruay se retira dans le cimetière et il s'y défendit pendant sept heures consécutives avec tant de valeur qu'il contraignit les Français à battre en retraite '. Pendant cette même année on fit en Belgique de grands armements pour la campagne de 1646. Le marquis de Castel-Rodrigo appela à Bruxelles, pour se concerter avec eux, les généraux et les mestres de camp wallons. C'étaient le prince de Chimay, le comte de Grohhcndonck, Charles de Croy, le comte de Bouvroy, le comte Giraldin, le seigneur de Waltenchcul (Bryas) et le seigneur de Wanghen -. La nation témoigna hautement ses sentiments de patriotisme dans les tristes conjonctures où l'on se trouvait. Une sous- cription publique fut ouverte, par l'initiative de quelques nobles-, afin de lever un corps de mille cinq cents hommes et de subvenir, pendant une année, à toutes les dépenses qu'exigerait cet armement3. 1 Bulletins delà Commission royale d'histoire, t. IX, 2mc série. "2 D'après la relation de la campagne de I64C par Vincarl, les mestres de camp des régi- ments wallons, bourguignons et bas-allemands étaient : Le prince de Chimay. Le vicomte de Grobbendonck. Le comte de Croy. Le comte de Rouvroy. Le seigneur de Waltencheul (Bryas). Le seigneur de Wanghen, Le baron de Bois de Lessines. Le comte de Mérode. François Sloppelaer. Le comte du Rœulx. Le marquis de Tiazeguies. Le comte de la Motterie. 3 Placards de Flandre, 5e vol., f° U47. Comme il s'agissait surtout de défendre la religion, l'opération était placée sous la haute direction de l'archevêque de Malines. Si la levée procurait mille cinq cents hommes au moins , on devait en former un régiment sur le pied wallon. Le marquis de Castel-Rodrigo, alors gouverneur général, approuva cette proposition et engagea toutes les villes à suivre l'exemple patriotique que donnait la ville de Bruxelles (Audience, liasse n° 750. — Vincart, Relation de la campagne de 1646). Ce tereio fut commandé par le comte Georges de Brimeu, ancien meslre de camp d'un tereio wallon et amman de Bruxelles (M.). L'appel fait par le marquis de Castel-Rodrigo fut bien accueilli dans le pays : Anvers 154 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE A celte époque, Charles de Lorraine amena en Belgique et vendit au roi d'Espagne ses vieilles troupes. On donna ainsi à des mercenaires étrangers, dit Van der Noot dans ses Considérations sur le gouvernement des Pays- Bas ', l'argent qu'on aurait dû employer à solder des troupes nationales. D'un autre côté, on envoyait sans cesse en Espagne des corps wallons;, il y avait donc cela de bizarre dans la situation que les Wallons, si renommés depuis la guerre de Trente ans, allaient loin de leur pays servir des causes étrangères et que les vides de l'armée aux Pays-Bas étaient comblés par des étrangers. L'armée nationale avait à cette époque des soldats de toutes les nations, d'autant plus que l'usage s'était introduit d'incorporer dans les corps nationaux les prisonniers de guerre, quelle que fût leur nationalité. Or ces soldats étrangers, qu'on avait chargés de défendre le pays, abandonnaient leur poste devant l'ennemi, de façon que tout le poids du service retombait sur quelques Wallons. La guerre continua entre la France et l'Espagne pendant les années sui- vantes; mais elle se borna à la prise de quelques villes jusqu'à la bataille de Lens 2 qui fut livrée le 20 août 1648, et où périt le général Jean Beck, l'illustre Luxembourgeois. Celte bataille, non moins que celle de Bocroy, fut désastreuse pour l'infanterie wallone; elle y fit preuve, suivant le témoignage de l'ennemi, de la plus grande bravoure, mais la fortune lui fut contraire et ses pertes furent considérables. Outre le général Beck qui mourut immédia- tement après la bataille, le prince de Ligne, le comte de Saint-Amour, les barons de Crèvecreur et de Beaufort , les marquis de Bonnières et de Saint- Martin, enfin une foule d'autres officiers de l'infanterie wallone furent tués ou faits prisonniers. On ne voit plus guère figurer les tercios wallons dans les campagnes qui fournit un lercio dont le meslre de camp était Nicolas de Varick, vicomte de Bruxelles, ancien mcslrc de camp d'un tercio wallon ; Alost en fournit un , commandé par le baron Ere (ïermini), grand bailli d'Alost; Gand fournit huit cents hommes qui allèrent remplacer, dans les forts et les redoutes, un égal nombre de soldats qu'on incorpora dans les tercios pour servir en campagne (Audience). 1 Vander Noot, Considérations sur le gouvernement des Pays-Bas. Manuscrit de la Biblio- thèque de Bourgogne. * Commune du Pas-de-Calais. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 15o eurent lieu depuis la bataille de Lens jusqu'à la paix des Pyrénées qui fut signée le 7 novembre 1659 !. ta guerre que Louis XIII avait faite à l'Espagne avait, durant près d'un quart de siècle, ensanglanté nos provinces et enlevé à la Belgique plus de vingt villes sur sa frontière méridionale. § 2. Épisodes de fa guerre de Trente ans. A la fin du chapitre V, nous avons interrompu le récit des événements de la guerre de Trente ans, au moment où la soumission de la Hongrie et du voïvode de Transylvanie permit de disposer pour la guerre du Palalinat des troupes wallones qui avaient fait partie de l'armée du comte de Buquoy. 1 L'état de détresse dans lequel se trouvaient les régiments wallons pendant cette période est constaté dans un document qui existe dans les papiers de la Contadoric de guerre (aux Archives du royaume). C'est une pétition du mestre de camp François Stoppclaer. Elle est conçue en ces termes : « Remontre très-humblement le mestre de camp François Stoppc- » laer que depuis que son tercio est en pied, le payement d'icelluy se diminue si notable- » ment que l'année passée 4G48 il n'a reçu que quelque paye et demie sur livrance; que » pour le futur son traitement se convertira par la grande ruine et déflation de la province » de Flandre, par la continuation de laquelle désolation et diminution si notable le payement » du tercio du remontrant, il est à craindre que lui et ses capitaines seront dans l'impossibilité j> de maintenir en état de service leurs compagnies, moins de les agrandir et recruter en la » présente saison , selon leur bon zèle et obligation. Et comme pour cet effet avec la ponctualité » requise le remontrant a plusieurs fois employé beaucoup du sien, tant pour secourir en la s présente courtresse, les officiers cl soldats de son tercio que subvenir à de grands frais de j> bienséance à quoi l'avancement du service du Roy obligeait le remontrant, lequel parsonmau- » vais payement les grands frais déjà exposés et la perte totale qu'il fait des revenus de son bien » pour être situé aux environs d'Ypres, Courtray et autres lieux, où les armes des ennemis » dominent, ne pouvant continuer ces bons offices, même se maintenir selon sa charge. Mais » afin de ce pouvoir faire et en considération de ses bons et loyaux services qu'il espère avoir » rendus durant le tems de 28 années en toutes les occasions qui se sont offertes durant cedit » tems. 11 supplie très-humblement V. A. S. être servie de faire livrer au remontrant, par » livrances particulières, ses gages de mestre de camp en pied à l'avenant de douze payes par an, » ainsi que se fait au régiment du comte de Meghen et son prédécesseur le mestre de camp >. Haynin, dont les régiments ont toujours été payés de la Flandre comme celui du remontrant ? (anno ICiO-IGSO). » (Sur cette remontrance il a été décidé de lui payer six payes par an.) 156 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Nous allons rappeler rapidement ce qui s'était passé dans le Palatinat avant l'arrivée des Wallons de l'armée qui avait soumis la Bohème. L'archiduc Albert avait cru devoir agir directement contre le palatin du Rhin qui avait accepté, au détriment de Ferdinand, souverain légitime de la Bohème, la couronne de ce pays. Bien qu'il eût fourni déjà un contingent assez nombreux à l'armée impériale qui défendait en Bohème les droits de Ferdinand, il résolut de faire envahir le Palatinat et prépara, en conséquence, de nouveaux armements. Les tercios wallons qui étaient restés en Belgique pendant que ceux de Buquoy et de Verdugo étaient engagés dans la guerre de Bohème, n'avaient pas été tenus au complet et se trouvaient considérablement réduits par des causes que l'on trouve mentionnées dans une lettre du 12 septembre 1622 de l'audiencier Louis Verreyken : « Le mauvais traitement fait aux Wal- » Ions, dit-il, les porte à s'engagera l'étranger, en Allemagne ou en France » (et même dans les Provinces-Unies, aurait-il pu ajouter) où ils sont très- » bien reçus, tandis que l'on est obligé d'engager des Allemands, des » Anglais, des Écossais qui coûtent très-cher, sont hérétiques et ennemis du » service du Roi. Les gens du pays sont logés dans les forts; s'ils sont en » ville, ils n'ont ni plaquettes, ni service (indemnités ou livrances diverses). » Il n'est pas étonnant qu'ils aillent servir au dehors, même à l'ennemi où » il y a des régiments entiers de Wallons et grandissime nombre de gens de » la Campine et font les uns et les autres plus de service que nulle autre » nation qu'il y ait et m'a dit le baron d'Auchy qu'entre l'infanterie du » comte d'Anholt seulement, il y en a bien cinq cents du pays, lesquels tous » n'est croyable qu'ils s'en iraient d'ici, si ce n'était qu'ils se voyent pis » traités que nuls autres '. » L'étal dans lequel se trouvaient les tercios wallons exigea donc que l'on fit des levées extraordinaires pour mettre sur un pied convenable ceux d'entre eux qu'on destinait à l'invasion du Palatinat. 1 « Le mauvais traitement fait aux Wallons qui étaient considérés cependant comme les » premiers soldais de l'Europe, blessait profondément le sentiment national. Ce fut une des » causes de la conspiration des nobles. « (Villcrmont, Tilly ou la guerre de Trente ans, t. I, p. 18.) Voir aussi dans les Considérations sur le gouvernement des Pays-Bas attribuées à Van der Noot le chapitre intitulé de l'armée. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 157 Ces corps étaient le tertio de Maximilien de Houchin, seigneur de Gidzin, et celui du comte de Hennin qui avait été réformé à la fin de la campagne de 1619, dans la Savoie. Le tertio de Gulzin ne recruta pas moins de mille sept cent quatre-vingt- seize hommes dans les provinces wallones; le tertio de Hennin dut en lever trois mille. Le duc d'Arschot fut chargé de lever un régiment d1infanterie basse-allemande de douze compagnies de trois cents hommes et le colonel Sébastien Baur un autre régiment de huit compagnies dans le Luxembourg. Le baron de Balançon compléta son tertio bourguignon de huit compagnies; enfin on leva onze compagnies libres d'infanterie wallone, soit trois mille quatre cents hommes. Indépendamment des corps d'infanterie, on envoya dans le Palatinat au moins trois mille cavaliers levés dans les Pays-Bas, de sorte que sur vingt- cinq mille hommes dont se composait l'année destinée à cette expédition, la Belgique en fournit dix-sept mille deux cent quatre-vingt-seize ou plus des deux tiers. Ce fut le marquis de Spinola qui reçut le commandement de cette armée qui partit de la Belgique le 9 août 1620. Les Palatinois, dans la prévision du danger qui les menaçait, avaient pris quelques mesures de défense; ils avaient levé des troupes et appelé à leur secours le comte Henri de Nassau (frère de Maurice) qui leur amena six mille hommes, tant infanterie que cavalerie. Le marquis de Spinola rendit vains ces armements et les dispersa dans une rencontre qui eut lieu près d'Oppeheim. Mille six cents hommes restèrent sur le champ de bataille, sans les prisonniers qui ne furent guère moins nombreux. D'autres tentatives furent encore faites en faveur des Palatinois, mais tous ces efforts ne purent empêcher Spinola de s'emparer, dans les premiers jours du mois d'octobre, de sept villes et châteaux forts. Le seul avantage que l'ennemi remportât fut d'enlever Guillaume de Melun, prince d'Épinoy, et son régiment de cavalerie qui tomba dans une embassade en cherchant â rejoindre l'armée. Les Pala- tinois ayant cherché à s'emparer de quelques positions sur le Rhiri, afin d'entraver les succès de Spinola, le colonel Claude de Lannoy, seigneur de la Motterie, qui était gouverneur de Maestricht, reçut l'ordre de s'avancer vers Tome XLII. 21 m HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Cologne avec un corps de six mille à sept mille hommes, non-seulement dans le but de déjouer ces entreprises, mais aussi pour renforcer l'armée que des épidémies affaiblissaient chaque jour. Le marquis de Spinola se trouva alors complètement maître du Palatinat. L'ennemi, découragé, voulut tenter quelques entreprises sur des points éloi- gnés. Le 14 novembre, il essaya de surprendre Alzey, mais le colonel Claude de Rye, baron de Balançon, qui commandait dans cette petite ville, faisait bonne garde avec son régiment d'infanterie basse-allemande. Il se défendit courageusement jusqu'à l'arrivée du comte Henri de Bergh, général de la cavalerie , que le marquis de Spinola avait envoyé à son secours. L'ennemi se hâta de se retirer. Le marquis de Spinola se trouva bientôt maître de plus de vingt villes qui s'étaient empressées d'ouvrir leurs portes, ne se souciant pas d'essuyer l'assaut de son armée victorieuse. La garde de presque toutes ces villes fut confiée aux soldats wallons. Le comte palatin, en voyant ses provinces envahies, oublia, pour quelque temps, ses prétentions sur la Bohême et ne songea plus qu'à défendre ses propres domaines. Il appela à son secours tous ses anciens alliés et ses voi- sins. Il réussit à faire marcher une armée assez considérable sous le marquis de Durlach; elle se joignit aux troupes de Mansfelt; au commencement de 1622, et comme on apprit que le comte de Tilly occupait le cours du Neckar, on fit observer ses positions pour profiter d'une occasion favorable. Mais le comte de Tilly n'était pas de ces généraux qui se laissent sur- prendre ni prévenir; il se hâta de rassembler ses cantonnements, se mit à la poursuite de l'ennemi, et Mansfelt ne parvint qu'à force d'adresse et d'au- dace à s'échapper. Vers cette époque la trêve de douze ans entre l'Espagne et la Hollande expira, ce qui exigea le retour de Spinola dans les Pays-Bas. Le commande- ment des armées qui opéraient dans le Palatinat fut donné à Gonzalve de Cor- doue qui réunit ses troupes à celle du comte de Tilly. L'infanterie wallone, ayant été appelée, comme nous l'avons dit précédem- ment, à la garde des villes conquises, n'eut guère l'occasion de combattre en plaine, sauf à la bataille de Fleurus dont nous avons rendu compte. La SOUS LA MAISON DESPAGNE. 159 cavalerie belge, au contraire, eut fort à faire et elle se distingua en plusieurs occasions, notamment à Wimpfen. Dans cette journée, un jeune officier, Charles de Bryas , seigneur de Hernicourt , qui commandait cent chevaux cuirassiers, donna des preuves d'une grande valeur : sa belle conduite en cette circonstance, comme dans beaucoup d'autres, fut du reste récompensée par l'érection de sa terre de Bryas en comté. Gonzalve de Cordoue, après avoir succédé au marquis de Spinola, avait traversé le Rhin à Worms, et, chemin faisant, assiégé Neustadt. Le château de cette ville ayant été cerné par les tercios wallons de Guillaume Verdugo et de feu le comte de Buquoy, ses défenseurs se hâtèrent de capituler. On a vu que le comte de Tilly, après avoir défait, à Wimpfen, les troupes du margrave de Bade Durlacb (6 mai 1622), et contraint Ernest de iMans- felt à se retirer en Hollande, continua la lutte avec Christian de Brunswick. Il le battit à Stadtloo, puis, vers la fin du mois de septembre 1623, il fit faire le siège de Lepstadt par le mestre de camp général de l'armée catho- lique, le comte Jean de Rietberg, qui, à cette fin, demanda des renforts à Gonzalve de Cordoue. Parmi les troupes qui lui furent envoyées, se trou- vaient huit cents Wallons et quatre cents Bourguignons sous le commande- ment de M. de Hennin , sergent-major du prince de Barbancon. Ces huit cents Wallons étaient tirés des compagnies de Jean-Guillaume d'Argenteau , d'Esseneux, de 3Iartignolle, de François de Recourt et d'Alexandre de Sibricht de Distorff, du tercio de Barbancon. Les quatre cents Bourguignons appartenaient au régiment de M. de Balançon. On les employa d'abord aux travaux d'attaque, ce qui occasionna la mort de cent quatre soldats sans compter soixante-douze blessés. Ce fut M. Fran- çois de Bincourt qui attaqua la droite de la contre-escarpe. L'artillerie de la place fit de grands ravages parmi les assaillants ; François de Rincourt fut tué; toutefois les Wallons parvinrent à conserver leur position, malgré l'abandon où les laissa la fuite honteuse des compagnies allemandes, qui avaient été envoyées pour les aider et les secourir l. Les assiégés capitulèrent le 24 octobre 1623. 1 Mémoires de du Cornet, t. II, p. 208. 160 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Le comte de Tilly s'était couvert de gloire pendant la longue campagne du Palatinat et avait, par ses victoires, jeté le fondement de la grande re- nommée qu'il acquit. A la tête d'une armée qui n'était guère que le tiers des forces de ses adversaires, il était parvenu à empêcher leur jonction; il les avait battus séparément. L'Allemagne, épuisée, semblait pacifiée et toute résistance paraissait avoir cédé devant les aigles victorieuses du général belge qui , à cette occasion , fut comblé d'honneurs et de présents par l'Empereur et par le duc de Bavière. Cependant l'extension donnée à l'autorité impériale par les victoires du comte de Tilly, la prépondérance décisive acquise en Allemagne par la maison d'Autriche, portaient ombrage aux puissances voisines. Sous l'impul- sion de la France, de l'Angleterre, de la Suède et surtout de la Hollande, une coalition se fit entre une multitude de petits princes allemands qui réunirent leurs forces et les mirent sous l'autorité et le commandement de Christian de Danemark. Cette coalition chercha des alliances jusqu'en Transylvanie et à Constantinople. L'armée du comte de Tilly était trop faible pour combattre tant d'ennemis, et l'empire semblait être sérieusement en péril lorsque Wallenstein offrit de former, à ses frais, une armée de cinquante mille hommes. Ses offres ayant été agréées, il envoya Jean de Mérode-Waroux aux Pays-Bas pour lever six mille Wallons. Tilly, de son côté, qui cherchait à empêcher la jonction des armées de Christian et de Mansfelt, demanda des troupes à l'infante Isabelle '. Les Pays-Bas fournirent trois régiments wallons, l'un d'infanterie et deux de cavalerie, dont les chefs étaient Jean de Mérode, Philippe de Mé- rode, baron de Morialmé, et Antoine de Beaufort, seigneur de Boisleux 2. Les Iroupes wallones eurent l'occasion de se signaler dès le début de la guerre qui allait de nouveau couvrir l'Allemagne de ruines. Un corps de mille Wallons qui, sous le commandement de l'illustre Luxembourgeois Aldringen, gardait le passage de l'Elbe, près de Dessau, résista énergique- 1 Villcrmont, Tilly ou la guerre de Trente ans, t. I, p. 297. 2 Mémoires de du Cornet, t. H, p. 244. — Gocthals, dans son Dictionnaire généalogique, dit que Beaufort commandait quatorze cents chevaux au service de l'Empereur. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 161 ment aux efforts d'Ernest de Mansfelt pour s'emparer de sa position. Après quatre jours de combat , les Wallons allaient peut-être plier sous l'effort du nombre des ennemis, lorscpie la cavalerie flamande de Wallenstein vint les soutenir et infliger aux troupes de Mansfelt une défaite sanglante i (25 avril 1626). Ce fut un colonel wallon, le baron Antoine de Beaufort, qui fut chargé de porter à l'infante des Pays-Bas la nouvelle de cette victoire importante 2. La campagne de 1626 fut, pour le comte de Tilly, une suite de brillants triomphes que vint couronner la victoire qu'il remporta à Lutter, sur l'armée de Christian. Il serait monotone de mentionner les nombreuses rencontres avec l'ennemi, où le courage et l'énergie des troupes wallones secondèrent le génie de leur illustre chef, mais nous devons mentionner que ce fut pendant cette campagne que s'introduisit un usage qui, se généralisant peu à peu, finit par altérer complètement le caractère et la qualité des corps wal- lons. Nous faisons allusion à la mesure qu'on prit alors d'incorporer dans les troupes nationales les prisonniers faits sur l'ennemi. Ce fut un coup funeste pour la discipline. Ces étrangers, mercenaires de tous les pays, introduits de force dans les corps belges, désertaient en masse pour retourner dans leurs anciennes compagnies, Iorqu'on leur offrait l'appât d'une prime plus ou moins considérable, et leur exemple devait nécessairement finir par altérer les sentiments de fidélité au drapeau qui avaient toujours été un des traits distinctifs des troupes wallones. Au printemps de l'année 1627, l'infante Isabelle fournit un nouveau con- tingent aux armées qui opéraient en Allemagne; elle prescrivit au comte Ernest d'Isembourg de mener au comte d'Anholt deux régiments d'infanterie et un régiment de cavalerie 3. D'un autre côté, Wallenstein, qui manquait de chefs capables et qui savait par expérience que les Pays-Bas étaient une excellente école de guerre, demanda aussi à l'infante Isabelle de lui envoyer quelques généraux *. ' Villermont, Tilly oit la guerre de Trente ans, t. I, p. 554. a 76., p. 555. » 76., p. 409. * 76., p. 416. Le nombre des Wallons qui furent envoyés aux armées impériales est évalué à plus de dix- huit mille (Hopl). 162 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Les deux armées catholiques, celle de l'empire commandée par Wallen- stein et celle de la ligue dont le comte de Tilly était le chef, s'étendaient le long de l'Elbe; Tilly occupait la gauche, Wallenstein la droite. Il y eut, sur toute l'étendue de cette ligne, de fréquents combats avec les Danois qui partout furent battus. Le roi Christian vit son armée dispersée et lui-même ne parvint à échapper que par une fuite précipitée. Les Wallons, comme toujours, combat- tirent vaillamment. Le beau régiment d'Aldringen surtout, qui servait dans l'armée de Wallenstein, mit de plus en plus en relief la réputation de supé- riorité des soldats belges. Malheureusement de terribles ennemis, la misère et la faim, réduisaient de jour en jour les effectifs. L'armée de Tilly, plus encore que celle de Wallenstein, se trouvait dans le plus affreux dénùment, conséquence de la négligence et du mauvais vou- loir de l'administration. « Cependant, dit l'historien de Tilly, ces vétérans » avaient supporté le poids du jour et de la chaleur; à eux seuls étaient dues » les grandes victoires qui avaient rétabli l'autorité de l'Empereur et refoulé » l'ennemi hors du territoire allemand. Leur sang avait arrosé tous les » champs de bataille, avant qu'il n'existât d'armée.impériale et depuis, com- » bien était inégale la part de lauriers cueillis par chaque armée ! '. » On voit que dans les armées allemandes, comme dans les armées espagnoles, les soldats wallons ont toujours été victimes de la partialité des gouverne- ments qui ne tenaient aucun compte à nos braves compatriotes de tant de preuves de dévouement qu'ils en recevaient chaque jour et auxquels ils ne manquaient pas de faire de chaleureux appels, dès que quelque danger les menaçait. On en verra incessamment une nouvelle preuve lorsque l'Espagne, mise en péril et par les armées de la France et par la révolte de la Cata- logne, ne verra de salut pour elle que dans le courage des Wallons. Malgré le déplorable état de son armée, le comte de Tilly entreprit, vers cette époque, le siège de Stade, seule place que les Danois possédassent encore au sud de l'Elbe, et il la força à se rendre par capitulation, le 6 mai 1628. L'année suivante, Tilly fut nommé généralissime des armées impériales 1 Villermont, Tilly ou lu guerre de Trente ans, t. I, p. 431. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 163 au moment où apparaissait sur la scène militaire le roi de Suède, Gustave- Adolphe. Ces deux grands capitaines étaient dignes de lutter l'un contre l'autre, mais les moyens dont ils disposaient n'avaient pas la même valeur. L'armée de Gustave-Adolphe n'était pas seulement brave, elle était parfaitement disci- plinée et homogène. L'armée de Tilly n'était cpie brave. C'était un ramassis de mercenaires de toutes les nations. L'infanterie wallone, qui servait dans les armées allemandes, avait perdu une partie des qualités qui avaient fait sa réputation. Sa discipline s'était fortement relâchée par les causes que nous avons indiquées déjà. Son personnel, presque entièrement renouvelé par suite de longues guerres et surtout de ses souffrances et de ses fatigues, ne comp- tait plus qu'un petit nombre de vétérans noyés au milieu d'une quantité de recrues sans expérience de la guerre et de la subordination; enfin la plupart des chefs, qui avaient si souvent conduit cette infanterie à la victoire, avaient disparu. Aussi arriva-t-il qu'en moins de six mois Gustave-Adolphe se rendit maître de toute la Poméranie et d'une partie du Brandebourg. Puis il gagna la bataille de Leipzig (7 septembre 1630) qui fut le plus grand désastre que subirent les armées de Tilly, mais qui fournil aux Wallons l'occasion de déployer une fois encore leurs héroïsme La bataille était perdue et l'armée suédoise poursuivait dans toutes les directions les lignes rompues et écrasées de Tilly; seuls, cinq régiments refusent de partager cette fuite. Ces régiments, dit l'historien le plus dévoué à Gustave-Adolphe, se défendent comme des lions, font face de tous côtés et luttent avec une valeur digne d'éloge. La cavalerie suédoise les charge avec fureur, l'infanterie les aborde de ses masses profondes; l'artillerie les couvre de feux. On voit des soldats combattre à genoux après avoir eu les jambes coupées ou rompues. Personne ne demande quartier. Ces régiments résistent jusqu'à la nuit, et quand elle est close, ils se retirent à pas lents vers Halle, emportant, au centre de leur phalange, Tilly, leur vieux général meurtri et mutilé. Ils n'étaient plus que six cents ! Ces régiments étaient des régiments Avalions, les héros des glorieuses expé- ditions de Tilly, les compagnons de ses misères et de ses triomphes. 164 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE L'histoire doit conserver les noms de ces héroïques régiments : c'étaient Balderou, Blanckaert, Gœtz, Dietrichstein et Chiesa. Après la bataille de Leipzig le comte de Tilly continua la guerre contre Gustave-Adolphe, mais il ne devait guère survivre à la défaite de son armée. L'infériorité numérique des forces dont il disposait pour lutter contre l'illustre capitaine qui venait de se révéler à l'Europe ', le dénûment dans lequel on laissait ses pauvres soldats, les intrigues de Wallenstein qui depuis longtemps voyait avec envie la gloire de son collègue, tout concourait à mettre un terme aux succès que le général wallon avait remportés depuis qu'il se trouvait à la tête de l'armée de la ligue. Six mois après la fatale journée de Leipzig, pendant une reconnaissance qu'il faisait le long du Lech, il reçut une bles- sure mortelle et expira à Ingolstad le 30 du même mois. L'esprit de parti a cherché, pendant plus de deux siècles, à ternir la gloire de notre illustre compatriote en lui attribuant les horreurs commises au siège de Magdebourg, mais le comte de Tilly est aujourd'hui complètement dis- culpé de l'accusation qu'ont injustement lancée contre lui Schiller et, après lui, tous les historiens protestants; il est prouvé, d'après des rapports officiels et des documents irrécusables 2, que l'incendie de Magdebourg n'a été ordonné ni par Tilly ni par ses lieutenants et que cet illustre général a fait, au con- traire, les efforts les plus généreux pour diminuer l'étendue des désastres qui frappèrent cette malheureuse cité. Du reste, S. M. le roi de Bavière a rendu un hommage éclatant au héros flamand dès que son innocence a été reconnue. Il lui a fait élever une statue et le jour de l'inauguration, en 1844., il a pro- noncé ces nobles paroles : « Le général Tilly a été grossièrement calomnié 1 Voici un curieux extrait d'un discours du général Tilly à la diète germanique au moment où Gustave-Adolphe mettait le pied sur le sol de l'Allemagne : « La guerre est un jeu où l'on » hasarde plus ou moins, selon la passion du joueur. Tantôt on gagne, tantôt on perd et » quand on gagne beaucoup il arrive ordinairement ou que celui qui gagne continue à jouer » pour augmenter son gain ou que celui qui perd ne veut point quitter le jeu parce qu'il espère » regagner ce qu'il a perdu. A la fin, la chance tourne et le gagnant perd non-seulement ce qu'il » avait gagné, mais encore tout ce qu'il avait sur lui en se mettant au jeu. » (Khevenhuller, Ann. Ferdinandi, p. 1289.) 2 Voir les communications faites à la Commission royale d'histoire par M. de Ram (Bulletins de cette Commission, lrc série, t. III, pp. 83-89, et t. IX, pp. 146-161). SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 165 » pendant deux siècles; mais les rayons de la vérité ont fini par dissiper » les nuages accumulés par les préjugés autour de cette grande figure. » A Tilly succéda, dans le commandement de l'armée, le comte Aldringen, un Belge encore, qui ne démentit pas la glorieuse renommée des soldats wal- lons. § 3. Révolte de la Catalogne. Pendant que nos malheureuses provinces étaient, comme on Ta vu, fort mal défendues par les troupes étrangères qui y avaient été amenées succes- sivement par le cardinal-infant et par Piccolomini, Italiens, Espagnols, Hon- grois, Croates, mercenaires de toutes les nations que les populations avaient à redouter au moins autant que les ennemis, les soldats belges étaient ap- pelés et retenus en Espagne pour y défendre l'intégrité de la monarchie très- sérieusement menacée par les armes de la France et, bientôt après , par la révolte de la Catalogne. C'est la participation des soldats wallons aux combats qui furent la con- séquence de ces événements qui fera l'objet de ce chapitre. La révolte de la Catalogne éclata à l'instigation de la France et sous la protection de ses armées, mais ce fui l'explosion d'un mécontentement qu'avait fait naître, depuis plusieurs années, la politique inintelligente et orgueilleuse du gouvernement espagnol. De toutes les provinces qui naguère avaient constitué les royaumes ibéri- ques, la Catalogne, à peu près seule, avait échappé au joug de l'Espagne. Elle était restée libre et rien ne l'eût humiliée davantage que de devenir une simple province du superbe monarque de l'Espagne et des Indes qui, pour les Catalans, n'avait d'autre autorité qu'un droit de suzeraineté en vertu de son titre de comte de Barcelone. Les Catalans avaient leurs envoyés à Madrid et prétendaient qu'ils fussent traités sur le pied des ambassadeurs étrangers. Ils se gouvernaient par leurs Tome XLII. 22 166 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE propres lois, ne participaient pas aux charges de la Castille, fixaient eux- mêmes les impôts qu'ils devaient payer et dédaignaient les avantages qu'un lien plus étroit avec les autres provinces leur eût procurés en leur ouvrant le commerce des Indes. Philippe IV et son gouvernement résolurent de faire cesser cette situa- tion et de courber la Catalogne, ainsi que ses annexes le Roussillon et la Cerdagne, sous l'autorité centrale. Mais les Catalans n'étaient nullement disposés à abdiquer leurs anciennes franchises; leurs magistrats élus pro- testèrent énergiquement contre les premières tentatives qui furent faites pour les en dépouiller. Le cabinet de Madrid ne se découragea pas devant celte opposition et espéra parvenir à ses fins, par des moyens détournés, mais pendant qu'il continuait à faire une sorte de guerre sourde à la Catalogne, il se vit tout à coup menacé par la France. Une armée, sous la conduite de Henri de Bourbon, père du grand Condé, envahit le Roussillon (juin 4639), mit le siège devant Fontarabie et menaça, tout à la fois, la Biscaye et la Navarre. Les Français ne réussirent pas dans cette première tentative, ils furent même forcés d'abandonner le siège de Fontarabie, mais le prince de Condé ne renonça pas pour cela à l'exécution des plans que Richelieu avait conçus. Ayant reçu des renforts, il se prépara à ouvrir la campagne suivante, avec des forces considérables. La maison d'Espagne, lorsqu'elle se vit menacée par les Français sur son propre territoire, se trouva dans une grande perplexité. Le peu de troupes que son trésor épuisé lui permettait d'entretenir se trouvaient loin du pays engagées dans les combats qui se livraient en Flandre et en Allemagne. Ce qui était resté en Espagne n'inspirait qu'une assez médiocre confiance. Cependant les circonstances étaient urgentes. Philippe IV ne vit de salut pour le pays que dans l'adoption d'une mesure dont jusque-là il n'y avait pas eu d'exemple ; il savait la réputation que les troupes wallones s'étaient acquise sur les champs de bataille des Pays-Bas, de l'Allemagne, de la Bohème, de la Hongrie et de la France; il résolut de les appeler à concourir à la défense de l'Espagne et il pressa vivement l'archiduc Albert de lui envoyer des secours immédiats. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 167 La correspondance du comte-duc Olivarez, premier ministre de l'Espagne à cette époque, est un témoignage aussi irrécusable que flatteur de l'estime et du prestige dont jouissaient les soldats wallons à la cour de Madrid. Le cardinal infant, cédant aux pressantes sollicitations du Roi et de son premier ministre, avait annoncé le prochain départ pour l'Espagne du pre- mier corps expéditionnaire; dès qu'Olivarez reçut cet avis, il écrivit à la cour des Pays-Bas (24 février 1639) : « J'espère que par cet envoi et avec » l'aide de Dieu, Votre Altesse a assuré la Navarre et le Guipuzcoa. Ici nous » nous occupons à faire un bon accueil à ces troupes et on est disposé, eu » égard à ce qu'elles se trouvent hors de leur pays, à les traiter en Espagne » sur le même pied que les Espagnols; à leur procurer tout ce qui pourra « contribuer à leur soulagement et à leur assistance ; à les payer d'une » manière très-ponctuelle *. » Le corps expéditionnaire se composait de vingt compagnies de Wallons commandées par Ghislain de Bryas, valeureux officier qui, durant une car- rière de plus de vingt années de service dans les armées des Pays-Bas, comptait plusieurs actions d'éclat; en dernier lieu, il avait pris Venloo et défendu héroïquement la ville de Gueldre contre les Hollandais 2. On lui donna pour sergent-major (lieutenant-colonel) Charles-Antoine de Calonne, qui, après avoir conquis tous ses grades sur les champs de bataille, était parvenu à celui de lieutenant-colonel d'un régiment d'infanterie basse-alle- mande 3. Ce n'était pas chose facile à cette époque que de faire arriver ces quatre mille hommes en Espagne. La Hollande, qui s'était unie à la France pour attaquer l'Espagne, possédait une flotte nombreuse qui croisait sur les côtes de Flandre; aussi les vaisseaux qui portaient le corps expédition- naire, étant partis de Mardick, furent attaqués par la flotte ennemie à la hauteur de Dunkerque. Ghislain de Bryas se défendit vaillamment et 1 Une visite aux Archives de Munich, par M. Gachard (Bulletins de la Commission royale d'histoire), t. VI, 5e série. 2 Biographie nationale, Notice sur Ghislain de Bryas , par M. de Robaulx de Soumoy. 3 Irid., Notice sur de Calonne, par M. Gachard. — M. le docteur Cormans, dans son prétendu Tableau de l'an 4640, n'a pas craint de qualifier de vagabonds nos compatriotes qui allèrent à cette époque combattre en Espagne (Bull, de la Comm. royale d'hist., lrc série, t. XIII, p. 557). 168 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE malgré une grave blessure à la main, il continua sa route vers l'Espagne; mais son sergent-major de Galonné fut fait prisonnier et emmené en Hol- lande où il subit six mois de captivité. Ayant enfin recouvré la liberté, en payant une forte rançon, il se remit en route pour l'Espagne et rejoignit le tercio wallon de Bryas, en Catalogne. Le léger retard que cet incident avait mis à l'arrivée en Espagne de Ghislain de Bryas et du corps expéditionnaire avait vivement inquiété la cour de Madrid. Dès le 19 mars, le comte-duc d'Olivarez apprenait au car- dinal infant l'anxiété qu'il en éprouvait : « car, lui disait-il, la sûreté de » l'Espagne dépend entièrement de la présence de ces Wallons, et nous » tenons tous que, quand ils seront arrivés, l'ennemi ne songera plus à » nous inquiéter de ce côté ; nous aurons avec eux une force propre à mettre » obstacle à quelque dessein qu'il puisse avoir *. » Deux jours après cette lettre, qui témoignait de l'impatience avec laquelle nos compatriotes étaient attendus, les Wallons, si ardemment désirés, arri- vèrent enfin dans les ports espagnols2 et d'Olivarez se bâta de témoigner sa joie au cardinal infant : « par là, lui disait-il, la Biscaye, la Navarre et la » Galice sont assurées. » A peiné débarqué, Ghislain de Bryas à la tète de ses Wallons prit part à la défense de Salces, petite ville du Roussillon assiégée par les Français. Dans une lettre du 2 novembre adressée au cardinal infant, d'Olivarez rendit compte de leur conduite dans les termes suivants : « Votre Excellence peut » m'en croire, les Wallons qu'EUe nous a envoyés sont ceux qui maintien- » nent le siège de Salces; ils se sont battus comme des lions, se signalant » extrêmement en tout 5. » Cependant le danger ne cessait de grandir : d'une part, l'armée française recevait continuellement des renforts; d'autre part, les Catalans, excités par les agents de Richelieu, prenaient de jour en jour une attitude plus menaçante. 1 Une visite aux Archives de Munich, par M. Gachard. 2 Ce fut Charles de Bonnières, baron d'Auche, du conseil de guerre aux Pays-Bas et gouver- neur de Bapaume, qui fut chargé d'introduire dans les royaumes d'Espagne les Wallons qui débarquèrent à la Corogne et de pourvoir à tout ce qui leur était nécessaire (Gachard, Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 208). 5 Une visite aux Archives de Munich , par M. Gachard. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 169 Aussi, dès le 23 août 1639, le comte-duc Olivarez avait-il écrit au gouver- neur général des Pays-Bas : « Monseigneur, nous avons encore besoin de » cinq à six mille Wallons, ou pour le moins quatre mille, si c'est possible, » pour vivre en paix. Votre Altesse y pourvoira avec la volonté et la ponc- » tualité qu'elle a coutume d'apporter en ce qui concerne le service du Roi et » le sien qui est une même cbose *. » Peut-on désirer un témoignage plus éclatant de la bonne renommée que s'étaient acquise les soldats belges? La plus puissante monarchie de l'Europe, ce vaste empire, dont le chef disait orgueilleusement que le soleil ne se cou- chait pas dans ses États, en était réduite à confier le soin de sa sûreté, la défense de son honneur, à quelques soldats wallons qu'elle appelait à son secours d'au delà des mers, dès qu'un péril la menaçait ! On peut, du reste, se rendre compte de l'état de décadence où se trouvait alors l'Espagne, par ce qu'en dit le comte-duc Olivarez lui-même dans une lettre qu'il écrivait au gouverneur général des Pays-Bas peu de temps avant les événements que nous rapportons : « Votre Altesse ne saurait croire ce » qu'il en coûte, ni l'indolence avec laquelle chacun se mit en mouvement. » Il n'y en a pas un qui le fasse, si ce n'est à prix d'or et de faveurs, comme » s'ils étaient des vassaux du Turc. Je confesse à Votre Excellence qu'au » milieu de tant d'embarras dont la monarchie est accablée, il n'en est aucun, à » mon sens, qui soit aussi grand que celui-là, parce qu'il entraîne après soi » tous les autres : en effet, de là vient que les dépêches se font attendre, que » les ambassades, les dispositions, les chefs, rien ne marche, et que l'exécu- » tion est tardive. Si Votre Altesse voyait ce qui se passe en cela, Elle » reconnaîtrait combien il est impossible que quelque chose réussisse et que » tout ne finisse par se perdre. En un mot, Monseigneur, de l'amour, il n'y » en a point; de la réputation, on n'en tient aucun compte; on ne songe qu'à » se promener dans la grande rue, à aller à la comédie, et tout ce qui se fait, » on n'y parvient qu'à force de bras et en contraignant les gens à servir. » Lors de l'arrivée de l'armée française, les Catalans avaient d'abord témoigné un grand zèle pour la défense du Roussillon, mais le siège de Salces les lassa 1 Une visite uvx Archives de Munich, par M. GacharJ. 170 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE bientôt; la désertion se mit dans leurs rangs et les corps municipaux se relâ- chèrent dans le service des fournitures militaires destinées à l'armée. Ce fut un prétexte pour Olivarez d'agir avec violence contre un peuple à l'égard duquel il cherchait depuis longtemps des motifs de querelle. Il commença par adresser au comte de Santo-Coloma, vice-roi de la Catalogne, une lettre pleine d'insultes; lui ordonna de forcer les hommes d'aller à la guerre, dût-on les y traîner garoltés et d'exiger que les femmes portassent sur leurs épaules le blé, le foin et la paille pour l'armée. « Si les privilèges du pays, ajoutait » le comte-duc, se peuvent concilier avec la maxime que je pose, il sera bon » de les ménager; mais en cas qu'ils apportent seulement une heure de retar- » dément aux affaires, celui qui les allègue se déclare ennemi de Dieu, du » Roi, de son propre sang et de la patrie Les Catalans sont tantôt de » bonne volonté et tantôt revêches ; le salut du peuple et de l'armée est pré- » férable aux lois et aux privilèges de la province Les soldats doivent » être commodément logés et bien couchés ; qu'on ôte les lits aux gentils- » hommes les plus qualifiés du pays, qu'on les réduise plutôt à coucher sur » la dure que de laisser souffrir les soldats '. » Ce dur langage n'était pas de nature à calmer les esprits; une lettre du Roi lui-même vint mettre le comble à l'exaspération des populations cata- lanes. « Il m'a semblé bon de vous dire, lit-on dans la lettre de Philippe IV, » que la province ne peut pas s'acquitter plus mal de son devoir qu'elle ne » fait au regard des assistances qu'elle doit donner. Ce défaut vient de l'impu- » nité. Si vous aviez puni de mort quelques-uns des fuyards de la province, » la désertion n'aurait pas été si grande ; faites arrêter, si bon vous » semble, quelques-uns des magistrats, ôtez-leur l'administration des deniers » publics ; confisquez le bien de deux ou trois des plus coupables, afin » de donner de la terreur à la province » Ces ordres, qui témoignaient combien le gouvernement royal faisait peu de cas des libertés et des privilèges des Catalans, furent exécutés avec la dernière rigueur et provoquèrent la rébellion, surtout lorsque, après la prise de Salces, au commencement de l'année 1640, l'armée fut mise en quartier 1 Lcvassor-Sismondi. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 171 d'hiver dans la Catalogne et le Roussillon, contrairement aux franchises du pays. Une révolte générale allait éclater, Olivarez pensa que la force pour- rait la comprimer, et dans le but de s'en procurer les moyens, il s'adressa de nouveau au gouverneur général des Pays-Bas. « Je supplie Votre Altesse, dit-il dans une lettre du 18 juillet 1640, de » nous envoyer des Wallons, s'il est possible, par cinquante ou cent, afin » que nous en ayons ici quatre mille, ou deux régiments pleins, qui fassent » notre honneur et notre sûreté ' » On se rappellera qu'à cette époque la Belgique se débattait contre les attaques incessantes des Français et des Hollandais, et c'était dans un pareil moment qu'on appelait ses enfants pour aller défendre le gouvernement espagnol contre la légitime révolte de sujets opprimés ! Le gouverneur général des Pays-Bas crut devoir encore céder aux instances si vives d'Olivarez ; il ordonna des levées extraordinaires et fit partir un nouveau régiment d'infanterie wallone de vingt compagnies, pré- sentant un effectif de quatre mille hommes. Ce régiment avait pour mestre de camp Balthazar Philippe de Gand, dit Vilain, comte d'Isenghien, et pour sergent-major le baron André Van der Straten. Le signal de la révolte des Catalans était parti de Barcelone le jour où se célébrait la fête du Saint-Sacrement (7 juin 1640), fête qui attirait une grande affluence de gens de la campagne. Le peuple, excité par les auteurs de la conspiration, pour la plupart agents français, encouragé par la conni- vence des magistrats et le concours de la milice urbaine qui avait été convo- quée en apparence pour maintenir l'ordre, mais qui bientôt fit cause commune avec les émeutiers, le peuple se porta à tous les excès; massacra le vice-roi, don Dalmace de Queralt, comte de Santa-Coloma, égorgea tous les Castillans, puis tourna sa fureur contre les soldats wallons qui, prétendait-on, avaient commis le sacrilège de toucher à l'hostie consacrée, dans une procession. De Barcelone, la révolte s'étendit rapidement dans toute la Catalogne et les fiers habitants des montagnes des Pyrénées chassèrent à coups d'esco- pette les Wallons et les Napolitains au service de Sa Majesté Catholique 2. 1 Une visite aux Archives de Munich, par M. Gachard. 2 Bazin , Hisloire de Louis XIII. — Capefigue, Richelieu , Mazarin, etc. 172 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE A l'instigation de Richelieu, les Catalans s'érigèrent en république et se mirent sous la protection de la France. Louis XIII promit naturellement de les secourir toutes les fois que le roi de Castille essayerait de porter atteinte à leurs privilèges; c'était le triomphe de la politique française, la réalisation des plans machiavéliques de la cour de France; c'était enfin un acheminement à l'absorption et, en effet, le 18 septembre 1641, un acte attribua à Louis XIII la principauté de Catalogne, les comtés de Roussillon et de Cerdagne, et une armée française s'empara de Perpignan et de Salces. — Les Espagnols firent de vains efforts pendant treize années pour reprendre ces provinces; l'insurrection se prolongea jusqu'en 1653 et la Catalogne ne rentra sous la domination de l'Espagne qu'à la paix des Pyrénées, tandis que le Roussillon et la Cerdagne restèrent définitivement annexées à la France. Les régiments wallons de Ghislain de Bryas et du comte d'Isenghien prirent part, et l'on peut dire une part brillante, aux différents combats qui remplirent cette période ; nous nous bornerons à rappeler leurs principales actions. Le marquis de Los Vêlez avait été investi du commandement de l'armée destinée à agir contre les rebelles. Lorsqu'il voulut se porter à Torloze, sur le col de Bolaguer, il fut informé que déjà tous les passages des montagnes étaient occupés par l'ennemi. Désirant être renseigné exactement à se sujet, il chargea Philippe Van der Straten, sergent-major wallon, d'aller avec un détachement assez nombreux faire une reconnaissance minutieuse sur toute la route à parcourir; de frayer de vive force un passage et d'occuper, jusqu'à l'arrivée de la colonne principale, les positions jugées nécessaires pour assurer la marche de l'armée. Philippe Van der Straten remplit cette délicate et périlleuse mission avec beaucoup d'énergie et d'intelligence, et le 7 décembre 164-0, le marquis de Los Vêlez put sortir de Tortoze avec son armée; grâce aux excellentes dispo- sitions qui avaient été prises par Van der Straten, sa marche se fit sans encombre. Toute la campagne de 1641 fut très-heureuse pour les armes espagnoles; au siège de Perpignan, les Wallons firent des prodiges de valeur et à la SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 173 défense de Balaguer, ils soutinrent avec éclat leur réputation militaire. Ils marchèrent ensuite au secours de Tarragone que les Français assiégeaient. Dans une sortie qui donna lieu à un combat très-vif, ils firent prisonniers le mestre de camp général d'Ardenne, trois capitaines, seize autres officiers, quatre-vingts soldats et prirent deux cents chevaux. Après l'heureuse campagne de 1640 et grâce au concours énergique des Wallons, les Espagnols étaient maîtres du Roussillon. Sur ces entrefaites, la France envoya une seconde armée en Espagne sous le commandement du maréchal de la Motte de Houdancourt. L'année 1641 et la première moitié de l'année suivante furent remplies par une suite de combats et de sièges, où chaque parti obtint, tour à tour, des avantages. La défense de Balaguer par les régiments de Ghislain de Bryas et du comte d'Isenghien fut un des faits d'armes qui procurèrent le plus d'honneur aux soldats wallons; aussi le comte d'Isenghien fut-il nommé lieu- tenant général de cavalerie et André Van der Straten mestre de camp de son tercio l. Malheureusement la fin de la campagne de 1642 vit complètement tourner la chance des armes. Les Espagnols perdirent Perpignan et Salces; il n'y eut que Balaguer qui fut énergiquement défendu par le mestre de camp André Van der Straten. Enfin la sanglante bataille de Lereda (octobre 1642) enleva aux Espagnols tous les avantages qu'ils avaient conquis dans les campagnes précédentes -. Pour donner un exemple de l'énergie avec laquelle combattirent les Wal- lons dans cette néfaste journée nous constaterons que parmi les morts qui restèrent sur le champ de bataille se trouvaient Philippe Van der Straten et trois de ses neveux; ils confirmèrent, une fois de plus, par leur mort héroïque, la réputation de bravoure inséparable du nom wallon. Après ce désastre, le marquis de Leganez fut disgracié et arrêté, mais des intrigues de cour le firent bientôt rentrer en faveur. Alors des sentiments de o « Sa patente est du 5 septembre 1G4I, Schoel, Guerre de Catalogne, aux Archives de Simancas. 2 Melo, Histoire de la révolte de la Catalogne, pp. 265 à 266 et 272. - Comte de Clonard, chap. XXV. Tome XLII. 23 174 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE jalousie et de haine éclatèrent contre les chefs wallons dont on méconnut les services en refusant de les récompenser : c'est ainsi que pendant plus de dix ans, le Roi lui-même ordonna vainement qu'on accordât aux officiers wallons ce qui leur était dû de leur solde arriérée. Les corps wallons, qui furent plusieurs fois alimentés par de nouvelles levées qui se firent aux Pays-Ras t, continuèrent de prendre part aux opéra- tions des armées espagnoles; en 1644 ils firent partie du corps qui battit les Portugais près de Montyo et ils assistèrent à la victoire de Talavera. Nous n'avons pas trouvé de traces du retour en Relgique des débris de ces vaillantes compagnies wallones. Les services éminents qu'avait rendus Ghislain de Bryas pendant toute cette guerre, tant à la tête des Wallons que dans les positions élevées qui lui furent conférées, furent recompensés par le roi d'Espagne. De Bryas fut nommé successivement chevalier de Calatrava, commandeur de Molinos et de la Guareta, conseiller de guerre et capitaine général de la cavalerie légère. De plus, à son retour aux Pays-Ras, il vit sa terre de Molenghien érigée en marquisat; enfin il reçut le gouvernement du Luxembourg et de Venloo. Philippe IV avait promis de lui donner trois cents vassaux en ses Pays-Ras; pour remplir cette promesse, il lui accorda l'état de grand bailli héréditaire des bois et forts du Hainaut -. De Calonne reçut également des témoignages éclatants de la satisfaction du souverain. Il était devenu, dès les premiers temps de l'expédition , mestre de camp du tercio de Rryas. Le 7 février 164-8, il fut nommé gouverneur de Fraga, dans la province d'Huesca, puis de Carthagène. On lit dans l'ordre du Roi qui lui confia le gouvernement de cette ville ce qui suit : « Vu l'impor- » tance de cette place et attendu que, dans les circonstances présentes où » notre couronne a tant d'ennemis, il convient de veiller particulièrement à 1 II résulte d'une lettre du président Roose du 6 décembre 10i2 que Philippe IV demandait encore deux mille Wallons pour réparer les perles que les régiments belges avaient faites dans les combats précédents (Archives du royaume, Rcg. n" 457). — En 16i6 on fit encore des levées en Belgique dans le même but (Archives du royaume, Papiers d'État et de l'Audience, liasse nos 723 et 726). 2 Biographie nationale, Notice sur de Bryas, par M. de Robaulx de Soumoy. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 175 » sa sûreté et à sa défense, en y ayant un chef distingué autant par son » grade que par sa valeur et son expérience militaire, qualités qui sont » réunies en vous, Charles-Antoine de Calonne, etc. '. » En 1653, de Calonne avait été élevé au grade de général de l'artillerie et créé chevalier de Saint- Jacques; plus tard il obtint encore le titre de comte de son nom. Quant à André Van der Straten, il reçut le titre de baron en janvier 1646 et d'autres distinctions. Il resta en Espagne où il mourut le 5 septembre 1660. Les envois de troupes belges en Espagne continuèrent pendant plusieurs années encore. C'est ainsi qu'en 1654 le mestre de camp Louis de Gand y conduisit un tercio pour le recrutement duquel on tira des prisons tous les condamnés qui n'avaient pas commis de crimes capitaux. Cette circonstance est constatée dans un placard que nous croyons devoir reproduire - : « Léopold Guillaume, par la grâce de Dieu, archiduc d'Autriche, duc de » Bourgogne, etc., etc., lieutenant gouverneur et capitaine général des Pays- » Bas et de Bourgogne, etc. » Très-chers et bien aimés.... Don Louis de Gand, maître de camp d'un » tercio d'infanterie wallone, au service du Boi monseigneur, nous ayant » requis de lui être délivré tous les prisonniers, les excès et délits desquels » ne seraient capitaux et qui néanmoins pourraient avoir mérité d'être con- » traints à aller servir S. M. de soldat en Espagne, nous vous faisons la pré- » sente afin qu'en conformité vous ayez à lui faire délivrer tous les prison- » niers dignes de ce traitement et procurer que le même soit fait incontinent » par les sièges de justice inférieure sous votre ressort, faisant à ces fins » promptement visiter toutes les prisons et vous administrer les relations » sommaires de leurs charges et causes de leur détention. A tant très- » chers, etc. » De Bruxelles, le 24 avril 1654. (Signé) Léopold d'Autriche. A nos » très-chers et bien aimés les président et gens du conseil provincial de » Flandre. » 1 Biographie nationale, Notice sur de Calonne, par M. Gachard. 2 Placards de Flandre, 5e vol., f" 1072. 176 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Voilà la situation misérable à laquelle on se trouvait réduit; l'infanterie wallone avait complètement disparu du pays au moment où elle aurait dû défendre la patrie envahie par les armées françaises, par les Lorrains et par les Croates de Maximilien de Bavière. Vainement, dans ces conjonctures, chercha-t-on à soulever la nation pour défendre ses foyers ; le placard du 27 août 1655 qui ordonnait la levée du ban et de l'arrière-ban l resta sans effet de même que l'appel que trois ans plus tard (le 18 juin 1658), don Juan d'Autriche adressa de nouveau à la nation 2. Aussi la Belgique fut-elle de nouveau mutilée : le traité des Pyrénées lui enleva le quart de son territoire (7 novembre 1659). 1 Placards de Flandre, 5e vol., f° 1080. 2 Ibid., 5e vol., f° 1082. SOUS LA MAISON DESPAGNE. 177 CHAPITRE VII. HISTOIRE DE L'iNFANTERIE WALLONE JUSQU'A l'aVÉNEMENT DU DUC D'ANJOU AU TRÔNE d'eSPAGNE. (1660-1700.) § 1. Étal de l'infanterie wallone après la paix des Pyrénées. — § 2. Sa décadence. § 1. Etat de l'infanterie wallone après la paix des Pyrénées. Nous sommes arrivés à une époque de décadence pour l'infanterie wallone; elle avait subi des pertes sensibles à Rocroy, à Lens et, en dernier lieu, à la bataille des Dunes; toutefois, ainsi que déjà nous l'avons fait remarquer, ce ne sont pas ces désastres seuls, quelque graves qu'ils aient été, qui amenèrent l'affaiblissement et la ruine de cette infanterie si longtemps célèbre. Ce sont les guerres d'Allemagne et, plus récemment, la guerre de la Catalogne qui absorbèrent l'élite de cette vaillante milice. On peut évaluer à plus de dix-huit mille hommes les contingents de sol- dats wallons que la Relgique fournit successivement aux armées de Ruquoy et de Tilly. Le chiffre des envois de troupes nationales en Espagne, pendant la guerre de la Catalogne, n'est certainement pas moins élevé et l'histoire ne mentionne pas que, sauf quelques exceptions individuelles, ces soldats soient jamais revenus dans leur patrie. Le marquis de Caracena, qui était venu occuper le poste de gouverneur général des Pays-Bas, fut amené, par la pénurie des finances, à opérer des 178 HISTOIRE DE L'INFANTERIE W ALLOUE réductions dans l'armée et ce qui fut conservé se trouvait dans une situation déplorable '. La misère y était telle que les officiers même demandaient l'au- mône 2. Cependant l'Espagne, qui avait à soutenir la guerre avec le Portugal, demanda, comme elle l'avait fait pour réprimer la révolte de la Catalogne, qu'on lui envoyât des Wallons. On réunit alors à grand'peine les hommes nécessaires pour remplir les cadres de quelques régiments qu'on fit partir pour aller, de nouveau, faire une guerre qui n'intéressait en rien le pays 3. Quant aux autres corps wallons, ils restèrent absolument sans soldats ! Aussi le pays se trouvait-il complètement désarmé lorsque, à la mort de Philippe IV, Louis XIV qui était son gendre, se fondant sur l'ancienne législation des Pays-Bas en vertu de laquelle les propriétés possédées par le père à l'époque d'un second mariage ne pouvaient être soustraites aux enfants du premier lit, réclama, au nom de sa femme (la reine Marie-Thérèse que Philippe IV avait eue de son premier mariage) toutes les villes et tous les districts des Pays-Bas espagnols où cette coutume avait été en vigueur. La France fit d'immenses préparatifs pour cette expédition. Louis XIV mit son orgueil à exhiber avec éclat toutes les ressources de sa puissance. Le 1 o mars, il passa une grande revue de ses troupes dans la plaine de Mouchy, aux environs de Compiègne. Voici en quels termes Louvois annonçait cette démonstration au marquis de Pradel qui commandait le corps auxiliaire envoyé en Hollande : « Si les espions de M. le marquis de Castel-Rodrigo » font bien leur devoir, ils l'informeront sans doute qu'il y aura là au moins » dix-huit mille hommes des plus belles troupes du monde. Il y a encore » dix mille hommes de pied et huit mille chevaux épars dans plusieurs villes » du royaume où ils ne sont pas nécessaires, sans y comprendre les gardes » françaises et suisses, les troupes qui sont sous votre commandement, et « D'après un document qui se trouve dans les papiers de la Contadoric des gens de guerre conservés aux Archives du royaume, voici les noms des chefs des tercios wallons qui se trou- vaient dans les Pays-Bas vers l'année 1G60 : le vicomte d'Andriny qui avait l'ancien tercio du duc d'Havre; le mestre de camp Charles de Stassin , Jacques de Hennin , le comte de Frezin, le baron de Crèvecœur, François Stoppelacr, le seigneur de Chercn , le baron de Torcy, le comte de Cruqucmbourg et le comte d'Ursel. 4 Aytzoma. 3 Biographie nationale, Notice sur Caracenu, par M. Gacliard. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 179 » plus de vingt-cinq mille hommes de pied qui tiennent garnison dans les » places frontières *. » C'étaient donc soixante-douze mille hommes environ qui menaçaient le pays. Le marquis de Castel-Rodrigo était en effet attentif et bien informé et il s'efforçait de faire partager ses inquiétudes à la cour d'Espagne. « Vains » efforts, dit l'historien de Louvois; la régente et son ministre étaient du » nombre de ces tristes politiques, auxquels il répugne de prévoir un évé- » nement fâcheux, et qui ne demandent pas mieux que de se laisser prendre » aux douces paroles et aux protestations pacifiques de leurs plus déterminés » adversaires 2. » En présence de l'agression imminente de la France, le marquis de Castel- Rodrigo fit tous les efforts imaginables pour mettre sur pied quelques troupes: on ordonna des admissions exceptionnelles dans les bandes d'ordonnance qu'on avait laissées déchoir comme l'infanterie wallone 3 et l'on décréta une levée de douze mille hommes dans la Flandre pour donner au moins des petites garnisons aux villes de cette province4; mais ces mesures ne suffi- saient évidemment pas pour arrêter les entreprises des Français. Aussi les villes de Lille et de Valenciennes seules firent un semblant de résistance et soutinrent un siège de neuf jours 5; quant à Charleroi, Ath, Tournai, Douai, Armentières, Alost, S'-Vinox, Furnes etCourtrai, toutes ces villes laissèrent leurs portes ouvertes à l'invasion. L'année suivante, Louis XIV fit envahir la Franche-Comté et n'y rencontra pas plus de résistance qu'il n'en avait trouvé dans les Pays-Bas. La Hollande 1 Rousset, Histoire de Louvois, t. I, p. 97. 2 Ibid. 3 Placards de Flandre du o août 1667, 3° partie, f° ),100. * Placards du 19 août 1667, 5e vol., f" 1089. s Parmi les troupes de la garnison de Lille il y avait quelques Wallons à qui fut confiée la garde de la contre-escarpe, depuis la demi-lune des Enfants de la gauche, jusqu'à la demi-lune de la porte des Malades (Brun-Lavainne, Les sept sièges de Lille, p. 210). Le marquis de Risbourg commandait à Valenciennes ; parmi les troupes de la garnison se trouvaient des fractions des régiments wallons du marquis de Lède , du comte de Solre et du sieur Duprez; ce dernier était de nouvelle formation; ses compagnies n'avaient qu'une vingtaine d'hommes. (A. Dinaux, Siège de Valenciennes.) 180 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE et l'Angleterre étant alors intervenues, on signa, le 2 mai, la paix d'Aix-la- Chapelle qui laissa à Louis XIV toutes les villes qu'il avait prises l'année précédente dans les Pays-Ras. Il ne restitua que la Franche-Comté. Les régiments wallons qui s'étaient vu enlever leurs soldats les plus aguerris, chaque fois qu'il avait été question d'envoyer au dehors de nouveaux contingents, n'étaient plus parvenus à se recruter; aussi ne jouèrent-ils qu'un rôle très-effacé dans les guerres dont la Relgique fut le théâtre pendant le dernier tiers du XVIIIe siècle. Le marquis de Castel-Rodrigo voulut, à la vérité, s'occuper d'une réorga- nisation militaire qui protégeât le pays contre de nouvelles agressions que dès lors, en dépit de la paix récemment conclue, on prévoyait comme pro- chaines; il fit un nouveau règlement de solde • et projetait de mettre les lercios wallons sur le pied des régiments allemands, et de leur donner, en matière de justice criminelle, la guemine et le jugement selon Y article bref de l'empereur Charles-Quint, mais les règlements qu'il avait préparés parais- sent n'avoir jamais été mis en vigueur, car tous les moyens, surtout l'argent, manquaient pour réaliser une organisation quelconque. Aussi, pendant la longue guerre que la France et la Hollande se firent dans nos provinces et qui aboutit au traité de Nimègue (mai 1678), ne fut-il plus question de troupes nationales 2. Il résulte d'ailleurs de la correspon- dance des gouverneurs généraux avec la cour de Madrid, qu'il n'y avait poul- ies soldats ni argent, ni pain 5. Avant de signer le traité de Nimègue, le duc de Villa-Hermosa, alors gou- verneur général des Pays-Ras, avait fait examiner par la junte politique4 la question de savoir s'il était préférable de conclure la paix à tout prix ou de continuer la guerre avec le concours des alliés. On trouve dans le décret du duc à ce sujet des détails intéressants sur ce qui s'était passé dans les derniers temps et avait amené la situation déplorable dans laquelle on se ' Règlement du 25 juillet 1668 {Placards de Flandre, 3e vol., f° 1119). 2 Aucune des nombreuses relations de la bataille de Seneffe, bataille qui fut livrée le 11 août 1774, ne mentionne la présence de troupes wallones. 3 Gacliard, Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 348. 4 Décret daté de Bruxelles le 12 mai 1078. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 181 trouvait : « la dépendance où le roi avait été continuellement des alliés » quoique le gouvernement fît les plus grands sacrifices pour eux, » est-il dit dans ce document; « les désastreux effets du peu d'intelligence de leurs » généraux avec ceux du roi, lors de l'affaire de Seneffe; l'ignominieuse » retraite de l'armée; l'avortement de l'entreprise de Léau; la perte de tant » de villes et forteresses sans que l'on ait rien fait avec des troupes supé- » Heures à celles de l'ennemi pour soutenir la réputation de l'armée.... !. » Il est certain que les alliés, le prince d'Orange surtout, n'avaient d'autre vue, en entretenant la guerre aux Pays-Bas, (pie de se rendre maîtres de la plupart des villes de la Flandre -. Le traité de Nimègue (16 août 1678), qui termina la guerre que la France avait faite à la Hollande, fit rendre à l'Espagne : Charleroi, Binche, Ath, Audenarde etCourtrai, que lui avait enlevés le traité d'Aix-la-Chapelle. Par contre, Louis XIV conserva, outre la Franche-Comté, les villes de Valenciennes, de Bouchain, de Condé, de Cambray, d'Aire, de Saint-Omer, d'Ypres, etc., etc.; de sorte que le traité de Nimègue augmenta considérable- ment la force de la frontière française, du côté des Pays-Bas. Ce n'était pas encore assez pour la France. Non content des acquisitions de territoires que lui avaient procurées les traités des Pyrénées et de Nimègue, Louis XIV chercha encore à s'emparer, en vertu de décisions de Cluunbres de réunions qu'il avait instituées, de plusieurs villes et districts des Pays-Bas, et il mit immédiatement la main sur Alost et sur le comté de Chiny. L'Espagne, pour mettre fin à ces agressions perpétuelles, déclara la guerre à la France le 26 octobre 1683. Louis XI V s'empara immédiatement de Cour- trai et de Dixmude et fit assiéger Luxembourg qui se rendit le 4 juin 1684, après une belle défense que dirigea le prince Ernest-Ferdinand de Croy. L'Espagne n'était pas en état de soutenir la guerre; il lui manquait pour cela deux choses essentielles : des armes et de l'argent; aussi consentit-elle à signer une trêve de vingt ans, tout en laissant le Luxembourg aux mains de Louis XIV, qui restitua Courtrai et Dixmude. 1 Gachard, ouvrage cité, p. 542. 2 Lettre datée du 1" septembre !G77, écrite au roi par le duc de Villa-Hermosa (Gachard, ibid.j p. 547). Tome XLII. 24 182 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE § 2. Décadence de l'infanterie wallom. En 1689, sans égard pour la trêve de vingt ans qu'il avait signée quatre ans auparavant, Louis XIV mit de nouveau ses armées en campagne, et jusqu'à la paix de Ryswyk (20 septembre 1697), la guerre désola nos pro- vinces qui étaient devenues les champs clos où les puissances voisines venaient vider leurs querelles. L'infanterie wallone, réduite à l'état le plus misérable, ne paraît pas avoir pris part à cette lutte. Il existait, dit le maréchal comte de Mérode-Westerloo, dix-huit malheureux régiments d'infanterie dont les hommes étaient tout nus et mal armés. Quand le comte de Mérode alla prendre possession du régiment du marquis d'Ennetières, comte de iMouscron, qui venait de donner sa démission, il ne trouva, dit-il, que cent soixante hommes dont plus de la moitié étaient des coquins qu'il fit chasser '. L'électeur Maximilien de Bavière, depuis qu'il était devenu gouverneur général du pays, avait systématiquement désorganisé la vieille infanterie wallone, pour la remplacer par ses propres troupes. Afin de tromper le pauvre roi Charles 11, qui ne se doutait pas de la situation dans laquelle se trou- vaient ses troupes wallones, il eut recours à une supercherie indigne : il avait fait compléter à deux mille hommes chacun des régiments du comte Noyelles 2 et du marquis de Lède, en y plaçant ce qu'il y avait de mieux dans tous les autres tercios wallons, et ces deux régiments étaient partis pour l'Espagne sous le commandement de Jérôme-Albert, dernier comte de Thian, dans le but de faire voir au Roi le bon état de ses troupes aux Pays-Bas 3. 1 Mémoires et souvenirs du feld-maréchal comte de Mérode, t. I, pp. 147 et 195. Le régi- ment du comte de Mérode était celui dont son père avait été autrefois mestre de camp. Il avait ensuite été donné au comte TSerclaes Tilly , puis au comte de Mouscron, lorsque le comte de T'Screlacs passa au service du prince de Liège. 2 Jean Bonavcnture. Il mourut le 11 mai 1696 peu de temps après son arrivée en Espagne. s Mémoires et souvenirs du feld-maréchal comte de Mérode, t. I, p. 163. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 183 Il n'est pas étonnant que, réduits à l'état déplorable où ils se trouvaient, les tercios wallons n'aient pris que très-peu de part aux guerres de la fin du XVIIe siècle. Nous devons mentionner cependant que ce furent trois régiments flamands, ceux de Mérode, de Robeck et de Philippe-Emmanuel de Croy, comte de Solre, qui, lors du siège de Namur (le 30 juin 1692), montèrent les premiers à l'assaut ', mais ils étaient dans les rangs des Français 2. L'historien de l'infanterie espagnole 3 a donné la nomenclature des régi- ments belges qui existaient à la mort de Charles II dans les différents pays où dominait encore la puissance espagnole; il cite, en fait d'infanterie wallone, les tercios du marquis des Champs et du vicomte de Moore, en Espagne, et ceux du marquis de Westerloo, de François de Grouff, du comle de Grob- bendonck, du marquis de Deynze, du prince François de Nassau et du baron de Câpres dans les Pays-Bas. 1 Fieffée, Histoire des troupes étrangères ait service de la France, t. I, p. 234. 2 Ces régiments furent levés par la France en 1688. Le prince de Croy avait été fait prison- nier par les Français au siège de Valenciennes. 3 Le comte de Clonard, Hisloria organica de las armas de infanteria , etc., t. V, p. 54. 184 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE CHAPITRE VIII. HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE PENDANT LE XVIIIe SIÈCLE. (1700-1794.) i 1. Gouvernement du duc d'Anjou. — § 2. Notice sur les régiments wallons restés au service de l'Espagne après le passage de la Belgique sous la domination de l'Autriche. — § 3. Notice sur les régiments wallons au service de Naples. Gouvernement du chic d'Anjou. Nous avons vu dans les chapitres précédents sous l'influence de quelles circonstances l'infanterie wallone était arrivée à un état de décadence tel que cette milice cessa de prendre part aux événements militaires qui ter- minèrent le XVIIe siècle : la guerre de Trente ans; les néfastes journées de Rocroy, de Lens et des Dunes; la guerre de Catalogne et du Portugal l'avaient en partie détruite. La détresse des finances du gouvernement espagnol et l'épuisement du pays avaient rendu sa réorganisation impossible; l'envoi en Espagne, à plusieurs reprises, de régiments qu'on formait en enlevant à des corps déjà fort affaiblis ce qui leur restait de soldats disponibles, toutes ces circonstances expliquent l'anéantissement de l'infanterie wallone et peut- être devrait-on considérer son histoire comme terminée au moment où le dernier descendant de Charles-Quint, le pauvre roi Charles II, cessa de régner. Nous avons pensé, néanmoins, qu'il était opportun de mentionner la renaissance de celte infanterie au début du règne de Philippe V et de suivre même, à travers le XVIIIe siècle, la destinée des régiments wallons qui SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 18§ restèrent au service de l'Espagne, après que nos provinces furent passées sous la domination de l'Autriehe. Nous allons donc, dans le présent chapitre, exposer la réorganisation de l'infanterie wallone au commencement du XVIIIe siècle jusqu'à la bataille de Ramillies qui mit fin au gouvernement du duc d'Anjou dans une partie de la Belgique; nous rappellerons ensuite succinctement l'histoire des régiments wallons qui restèrent au service de l'Espagne jusqu'à l'époque de la révolu- tion française. La politique de Louis IV, en imposant à la faiblesse de Charles II un testa- ment qui appelait un prince français à recueillir la succession espagnole, attira sur la Belgique de nouvelles guerres. A la mort de Charles II (1er novembre 1700) le duc d'Anjou, sous le nom de Philippe V, fut reconnu comme souverain des Pays-Bas par les états de Brabant (20 décembre 1700) qui acceptèrent les dispositions du testament de Charles II, si conformes en tout, prétendaient-ils, aux lois fondamentales du duché de Brabant; quelques jours plus tard, les états de Flandre don- nèrent également leur adhésion parce qu'ils trouvaient, disaient-ils, dans l'avènement de Philippe V au gouvernement des provinces belgiques, une consolation à la douleur que leur causait la mort de Charles II '. Le gouvernement général des Pays-Bas fut laissé à l'électeur de Bavière qui, cédant aux sollicitations du maréchal de Puysegur, l'agent de Louis XIV, fit entrer les troupes françaises dans toutes les places fortes (6 janvier 1701) d'où sortirent les garnisons hollandaises demeurées jusqu'alors en qualité d'alliées2. Les Français furent reçus à Mous par le prince de T'Serclaes Tilly; à Ath par l'adjudant général d'Avalos; à Audenarde par le prince de Steen- huyse; à Charleroi par le quartier -maître général Verboom, et dans les autres places par les gouverneurs mêmes. Le nouveau gouvernement s'occupa immédiatement de l'organisation d'une armée. Ce soin fut confié au maréchal de France de Puysegur. L'Espagne avait alors aux Pays-Bas dix-huit régiments d'infanterie, dont l'effectif était 1 Archives du royaume, Registres des étals de Brabant et registres des états de Flandre. 3 Toutes les troupes réunies aux Pays-Bas, y compris les garnisons et les corps étrangers, ne présentaient guère que cinq mille à six mille hommes (Mal de Puysegur, t. I, p. 91 ). 186 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE à peine de six mille hommes, et quatorze régiments de cavalerie et de dra- gons qui en comptaient deux mille au plus. Dès le 3 mars 1701, une décla- ration ordonna de porter de trente à cinquante hommes l'effectif des compa- gnies des anciens régiments qui figuraient encore dans les cadres de l'armée espagnole 4 et d'augmenter de dix à treize le nombre des compagnies par régiment 2. Immédiatement après, sous la date du 20 février 1702, on augmenta le nombre des régiments; des patentes de colonels d'infanterie wallone furent délivrées au marquis de Lède, à Guillaume Van der Gracht, au comte de Rryas, au comte de Hamal, au comte de Pas-Feuquières, au comte de Salins, au comte de Rupelmonde, au marquis du Sart, au baron de Meert, au baron de Carretany, à don Carracioli, à don Pedro Benavides, à Ferdi- nand de la Faille, au baron de Courrières et au duc de Bisachia pour un régiment de fusiliers wallons 3. Enfin un règlement du 10 avril 1702 4 fixa l'état militaire de l'Espagne à trente-six régiments d'infanterie dont vingt-sept wallons 5. Les chefs des vingt sept régiments désignés par ce règlement étaient : Le marquis de Westerloo. Monseigneur de Grouff (qui remplaça le comte de Lannoy). Le comte de Grobbendonck. François de Nassau. Le marquis de Deynze. 1 D'après le comte de Clonard, ces régiments étaient ceux du comte de Monfort, du chevalier de Lède, de M. Van der Gracht, du prince de Cliimay et du baron de Mous (t. V. p. 115). •■> Placards de Flandre , 4e liv., f 1 478. — Placards de Brabant , 7 vol., f° 98. — Le comte de Clonard, Hisloria organica de las armas de infanleria , etc. Déjà le Luxembourg avait eu à fournir un régiment d'infanterie de mille deux cents hommes. (Ordonnance du lerjanvicrl70l.) 3 Archives de l'audience , liasse n° 1 ,1 72. 1 Clerin, Code militaire des Pays-Bas, p. 345. » De ces trente-six régiments il y en avait six d'infanterie espagnole, trois d infanterie ita- lienne et vingt-sept d'infanterie wallone. Mais celui de Moraykcn parait n'avoir pas existé, car il ne figure pas dans les comptes de payement. Du reste, le comte de Clonard dit qu'on ne forma que trente-cinq régiments dont vingt-six sur le pied wallon. De ces vingt-six régiments six étaient d'anciens corps que l'on trouve mentionnés plus haut à la page 185; trois étaient d'anciens régiments allemands, dont les chefs étaient le baron Wrangel, le comte de Milan et le prince Spinola ; enfin dix-huit étaient de nouvelle création {Le comte de Clonard, t. V, p. 118). SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 187 Le baron de Câpres. Le baron de Wrangel. Le comte de Milan. Le prince de Spinola (comte de Bruay). Le comte de Montfort. Le chevalier de Lède (Philippe-Emmanuel Bette). Guillaume Van der Gracht. Le baron Dumonl (Gages). Don Caraccioli. Le marquis du Sart (Bournonville). Le baron de Courrières. Le comte de Bryas (comte de Molcnghien). Ferdinand de la Faille. Pedro Bonavides. Le comte de Ruppelmonde. Le comte de Grimberghe. Le comte de Sauvage. Le comte de Hamal, Le comte de Pas-Feuquières. Le baron Carrelany. Morayken. Le régiment des fusiliers (Nicolas Pignatelly, duc de Bisachia). D'après les notes que le comte de Bergeyck a rédigées touchant l'état militaire aux Pays-Bas de 1702 à 1703 ', on constate que le nombre des régiments wallons fut en réalité de vingt-neuf. Les trois régiments qui ne figurent pas dans la liste précédente portaient les noms de Jean-François Marschalck, du baron de Peteghem et du baron de Neuville. Les régiments de Westcrloo, de Grouff, de Grobbendonck de Deynze, de Nassau et de Câpres furent portés à deux bataillons le 24 novembre 1 701 2; Tannée suivante on créa encore huit bataillons pour en donner un second aux régiments du baron de la Faille, du baron de Wrangel, du comte de Milan, du prince Spinola et du comte de Monfort, et pour former les trois régiments de Marschalck , de Peteghem et de Neuville. Pour cette levée, qui fut la première application en Belgique du système 1 Archives du royaume. Papiers de la contadorie des gens de guerre, liasse n° 520. 2 Placards de Brabant , 7 vol., f° 100. 188 HISTOIRE DE LTNFANTERIE WALLONE de la conscription, le Brabant fournit mille neuf cent cinquante hommes, c'est-à-dire l'effectif de trois bataillons, la Flandre trois mille deux cent cin- quante hommes, effectif de cinq bataillons *, et le Namurois trois cents hommes 2. Pour recruter les corps de nouvelle formation on avait d'abord fait un appel à tous les anciens militaires qui servaient dans les armées étrangères 3; à la noblesse du pays4; enfin, à défaut de volontaires en nombre suffisant, on fit un tirage au sort entre les hommes de vingt à quarante ans 5. Le maré- chal comte de Mérode-Weslerloo dit à ce sujet. « La France opéra alors un » miracle On vit naître tout d'un coup comme des champignons cin- » quante-deux beaux et bons bataillons de sept cent cinquante hommes » chacun et quarante-neuf beaux et bons escadrons, bien habillés, armés, » montés et équipés et qui ont fait merveille 6. » Chaque régiment d'un bataillon se composait de treize compagnies dont une de grenadiers. Chaque compagnie avait un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant, deux sergents, trois caporaux et quarante-cinq soldats. L'état-major d'un régiment avait un colonel, un lieutenant-colonel, un major, un aide-major, un maréchal des logis, un aumônier et un chirur- gien-major. Les régiments de deux bataillons avaient deux lieutenants-colo- nels et deux aides-majors. Six bataillons formaient une brigade commandée par un major de bri- gade. Généralement l'emploi de lieutenant-colonel était seulement une fonciion que remplissait un capitaine du bataillon, autant que possible le plus ancien. Il y avait dans le bataillon une compagnie qu'on nommait la Heutenanl- ' Placards de Brabant, sous les dates des 12 el 50 mars 1702. "2 Décret du 8 janvier 1702. 5 lbid., 7 vol., f° 99. * lbid., 7 vol., f" 100. - Placards de Flandre, 4e partie, f 1481. S Placards de Brabant, 7 vol., f° 119. - Placards de Flandre, t° 1482. « Mémoires el souvenirs du feld-maréchal comte de Mérode-Westerloo. — 11 est à remar- quer que d'après la lettre du marquis de Bcdmar à Philippe V et au marquis de Torcy des 15 et 10 novembre 1702, le nombre des bataillons fut seulement de quarante-neuf et celui des escadrons de quarante-six. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 189 colonelle de même qu'autrefois il avait existé une compagnie nommée la colonelle. L'emploi de major était également une fonction remplie par un capitaine mais qui ne commandait pas de compagnie. Il était chargé de la police inté- rieure et du service dont il rendait compte au colonel ou à celui qui comman- dait le régiment. Le major recevait des ordres directement des généraux et des directeurs ou inspecteurs aux revues; il tenait la caisse du corps et payait la troupe. La prise de possession du trône d'Espagne par Philippe V donna lieu à une guerre qu'illustra le génie du prince Eugène et de Malhorough ; elle aboutit, dans les Pays-Bas, à la bataille de Ramillies (23 mai 1706) qui livra aux alliés le Brabant et la Flandre et fit perdre la Belgique à la maison d'Espagne. Les régiments wallons qui devaient leur création à Philippe V prirent part aux combats et aux sièges que l'armée française eut à soutenir contre les alliés; à la bataille d'Eckeren plusieurs d'entre eux, et notamment celui du comte de Bryas, se conduisirent très-bien; à la bataille d'Hochstett qui commença la série des revers qu'essuyèrent les armées de Louis XIV, ce fut le régiment wallon du prince d'Iscnghien qui se distingua le plus, prit plusieurs canons à l'ennemi et lui fit un grand nombre de prisonniers; mais en général c'étaient des troupes sans expérience et qui, sauf la bravoure dont elles ne cessèrent de donner des preuves, n'avaient plus les qualités qui, pendant tant d'années, avaient été l'apanage de l'infanterie wallone. Ces régimenls disparurent de la Belgique avec le gouvernement du duc d'Anjou ; le plus grand nombre allèrent servir en Espagne, où nous les sui- vrons dans le paragraphe suivant; plusieurs restèrent pendant quelque temps à la solde de la France d'où ils furent licenciés lors de la conclusion des traités d'Utrecht et de Rasladt qui mirent fin à la guerre de la succession d'Espagne '. 1 Fieffée , Histoire des troupes étrangères an service de la France. — On sait qu'après la bataille de Ramillies , les puissances maritimes, l'Angleterre et la Hollande, s'arrogèrent provi- soirement le gouvernement de 4a Belgique et nommèrent un conseil d'Etat qui exerça l'autorité souveraine au nom de Charles 111 d'Autriche sous la surveillance d'une conférence formée de députés des deux puissances maritimes. Le conseil d'État, par un décret du 4 juillet 1700, Tome XLII. 2d 190 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE § 2. Notice sur les régiments wallons restés au service d'Espagne après le pas- sage de la Belgique sous la domination de l'Autriche. Après la perle des provinces des Pays-Bas par l'Espagne ' cette puissance conserva néanmoins à son service, outre les gardes wallones2, un très- grand nombre de régiments d'infanterie de notre pays. Les archives espagnoles permettent de constater qu'en 1708 ces corps wallons étaient encore au nombre de quinze. Jusqu'alors, les régiments avaient été désignés par les noms de leurs colonels; en 1708 une disposi- tion royale substitua à ces noms ceux de plusieurs des villes des Pays-Bas. Le tableau suivant indique, en regard du nom des colonels des quinze régiments alors existants, le nom qui fut attribué à chacun d'eux 3 : Jean-Théodore de Kessel .... Venloo. Marquis de Wemmel Gand. Pierre-Célestin Cano Hainaut Bruno Cano Oslende. François , chevalier de la Tour. . . Malines. Comle de Tilly Charleroi. Monseigneur de Chambourg . . . Nieuport. José du Smet Fusiliers de Flandre. Charles Doetinghen Bruxelles. ordonna la formation de plusieurs régiments d'infanterie wallone, puis de régiments de cava- lerie. Ces régiments, au nombre de sept pour l'infanterie et de deux de cavalerie, portèrent différents noms. D'après les comptes de l'année 1718, les corps d'infanterie qui existaient à cette époque portaient les noms de Sors, Claude de Ligne , los Itios , Horlop, Muldegliem, Lannuy et Pancarlier; ceux de cavalerie portaient les noms de Ferdinand de Ligne et Holslein (dragons et Westerloo cavalerie). Ces régiments entrèrent, en 1725, dans la composition des régiments nationaux des Pays-Bas , dont nous avons écrit l'histoire. 1 La souveraineté des rois d'Espagne sur les provinces belges dura officiellement jusqu'à la paix d'Utrecbt (Il avril 1715). m 2 Voir l'Histoire de ce corps célèbre que nous avons publiée précédemment. 5 Le comte de Clonard , Historia organiea de las armas de infanleria, etc. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 191 Comte d'Ongnies Gueldre. Pierre Doyc Namur. Antoine Clavijo Bruges. Comte de S'°-Aldegonde Courtrai. Jean-Adam Metz Brabant. Comte de Lannoy Anvers. A ces quinze régiments vinrent s'en joindre beaucoup d'autres qui, pen- dant quelques années, étaient restés à la solde de la France i) car un docu- ment établi en 1715, lorsque eut lieu la réorganisation de l'armée espagnole, mentionne l'existence de vingt-sept régiments dont les noms, avec la date de création de cbaque corps, se trouvent consignés dans le tableau suivant que nous empruntons au savant ouvrage du général comte de Clonard : Le régiment de Venloo dont la création remontait à » de Gand dont la création remontait au » de Ilainaut » » » » d'Ostende » » » » de Malines » » » » de Charleroi » » » » du comte de Witemfeld » » de Nieuport » » de Claude Tréffer » » » du comte de Bournonville (Du Sait) dont la création remontait . . .au » du comte de Goupigny » » » du marquis de Scepeaux » » » du baron Kerpen » » » de Pierre Storfl' » » » des fusiliers de Flandre » » » de Boure dont la création remontait au » de Bruxelles » » » » » de BoudenolF» » » » » de Gueldre » » » » » de Namur » » » » t à 1568. au 18 juin . . 1596 au 1er juin. . 1655. au 14 juin . . 1653. au 1 1 novembre 1667. au 15 février . 1689. au 28 août. . 1689. au 22 mars . 1695. au 8 mars . 1699. 18 décembre 1701. 1" février . 1702. 1 Les régiments restés au service de la France et qui furent congédiés à la paix portaient les noms de Trejfer, Bournonville , Goupigny, Scepeaux, Kerpen, Slorff, Hamal, Pas- Feuquières , Bylandt (Fieffée, Histoire des troupes étrangères au service de la France, t. I, p. 188). 192 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Le régiment de Bruges dont la création remontait au » de Courtrai » » » » » de Brabant » » » » » du comte de Hamal » » » ) 1er février . 1702. » ducomtedePas-Feuquières » » » d'Anvers dont la création remontait au » d'Adrien Byland » » » Quatre de ces régiments, ceux du comte de Byland, du marquis de Sce- peaux, de Boure et de Storff furent dissous en janvier et février 1715. Dix autres régiments furent versés dans différents corps, conformément au tableau suivant 1 : L'ancien régiment de Namur fut fondu dans les régiments de Malines et de Bourgogne le 50 novembre 1714. L'ancien régiment de Claude Treiïer dans le régiment d'Anvers . „ » de Boudcnoff dans celui de Hainaut . . . . » » du baron Kerpcn dans celui d'Ostende . . . » » de Bruges dans celui de Luxembourg . . . » du comte de Bournonville dans celui de Venloo » du comte de Hamal dans celui de Venloo . . » du comte de Goupigny dans celui de Charleroi » du comtedePas-Feuquières dans celui de Charleroi » de Limbourg dans celui de Tolède le 51 » Après la réorganisation de 1715, il resta au service de l'Espagne, indépen- damment des gardes wallones, quatorze régiments d'infanterie désignés sous les noms de : Bégiment de Venloo. » de Gand. » de Hainaut. » d'Ostende. » de Malines. » de Charleroi. » de Luxembourg (précédemment Nieuport). 1 Voir au sujet de la réforme qui eut lieu à cette époque, le rapport que le marquis de Bedmar adressa au roi, sous la date du 22 janvier I71G, rapport où ce ministre rend un écla- tant hommage à la bravoure des troupes wallones et déplore, en termes émus, les réductions qui venaient d'être faites {Histoire des gardes wallones). le 6 février 1715. le 18 le 28 le 28 le 51 mars 1715. le 51 » le 51 » le 51 » SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 193 Régiment des fusiliers de Flandre. » de Bruxelles. » de Gueldre. » de Bruges. » de Courtrai. » de Brabanl. » d'Anvers. En 1718, plusieurs de ces régiments changèrent de noms. Le tableau sui- vant, que nous empruntons au comte de Clonard ', indique ces transforma- tions ainsi que les noms des colonels qui, à cette époque, commandaient les régiments wallons : Anciens noms. Nouveaux noms Vcnloo. Namur. Gand. Flandre. Hainaut. Hainaut. Ostende. Zélande. Malines. Limbourg. Charleroi. Utrechl. Fusiliers de Flandre. Wons. Bruxelles. Bourgogne. Gueldre. Gueldre. Bruges. Arlois. Courtrai. Cambrésis. Brabant. Brabant. Luxembourg. Luxembourg. Anvers. Anvers. Noms des colonels. Comte de Pas-Feuquières. Marquis de Bay. Comte de Bournonville. Franeois-Bruno Cano. Claude Treffer. Nicolas Brodotz. José du Smet. Cbarles Doetinghen. Comte de Beauflers. Charles Vandernoot. Pierre Cano de Boulers. Marquis de Scepeaux. Marquis de Franclieu. Baron de Cerretany. Tous ces régiments étaient composés de deux bataillons. Le régiment des gardes wallones en avait quatre. Le régiment de Cambrésis fut réformé en 1723, mais on créa un nou- veau régiment wallon en 1727 sous le nom de Commerie (7 novembre). 1 Historia organica de las armas de infanteria, etc., t. V, p. 217. 194 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE Api'ès la levée du siège de Gibraltar on réforma encore cinq régiments wallons, savoir ' : Brabant 2 dont l'effectif fut versé dans le régiment de Bourgogne. Ulrecht — — Namur. Mons Anvers. Gueldre — — Hainaut. Luxembourg — — — Zélande. En 1734-, après la conquête du royaume de Naples, quatre régiments wallons, ceux d'Anvers, de Bourgogne, de Hainaut et de Namur, passèrent au service du roi des Deux-Siciles. L'histoire de ces quatre corps fera l'objet du dernier paragraphe de ce chapitre. En 1738, on forma un nouveau régiment wallon sous le commandement d'Ange-Albert Van der Belde; ce nouveau corps prit le nom de régiment de Bruxelles. Dans un relevé des forces militaires de l'Espagne établi en 1739 on voit figurer, indépendamment des six bataillons des gardes wallones : Le régiment wallon de Flandre, composé de deux bataillons et commandé par le marquis de Croix; Le régiment de Brabant, composé de deux bataillons et commandé par le colonel Gaspard de Latour; Enfin le régiment de Bruxelles, également de deux bataillons et com- mandé par Albert Van der Belde. Les régiments de Zélande, de Limbourg et d'Artois avaient donc disparu. Les trois régiments de Flandre, de Brabant et de Bruxelles continuèrent de figurer dans l'armée espagnole jusqu'à la fin du siècle, puis ils disparurent successivement. Celui de Flandre fut versé dans le régiment de Naples le 22 mars 1792, celui de Brabant fut absorbé par le régiment d'Espagne, le 28 novembre de la même année. Celui de Bruxelles survécut quelques mois à tous les autres : il disparut à son tour en vertu du règlement du 2 décembre 1792 qui en répartit les derniers débris dans les corps espagnols3. " Le comte de Clonard , t. V , p. 224. - Le régiment de Conimcric prit alors le nom de régiment de Brabant. •• Le comte de Cloiuiril, t. IV, pp. 140, 144,145,154, 2 17, 21 8, 224, 228, 230, 232, 255, 268,270. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. I9o Les régiments wallons conservés au service de l'Espagne, après que nos provinces étaient passées définitivement sous le gouvernement de la maison d'Autriche, prirent part à presque toutes les guerres qui eurent lieu pendant le XVIIIe siècle : dans l'armée qui, sous notre compatriote le marquis de Lède *, fit, en 1718, la conquête de la Sicile, se trouvaient, indépendamment des quatre bataillons des gardes wallones, les régiments dTtrecht, de Bour- gogne et d'Artois2; dans celle qui passa en Afrique pour reprendre Ceuta aux Maures, figuraient les régiments de Flandre, de Zélande, du Cambrésis et de Luxembourg3; au siège de Gibraltar, en 172", le marquis de Gages, un de nos compatriotes encore, avait parmi ses troupes les régiments de Brabant, de Flandre, d'Anvers et de Mous4. Lorsque, en 1732, l'Espagne voulut reconquérir la place d'Oran, sur la côte d'Afrique, le comte de Montemar comptait dans son armée les régiments wallons de Flandre, de Hainaut, de Namur et d'Anvers s. Plusieurs régiments prirent part aussi aux campagnes d'Italie sous le commandement du marquis de Gages et assistèrent, avec les gardes wallones, à la célèbre bataille de Bitonto, au siège de Gaëte et à toutes les opérations de cette guerre. Quant aux quatre régiments qui étaient passés, en 1735, au service du royaume de Naples, ils se distinguèrent sur un grand nombre de champs de batailles et leurs débris subsistèrent jusqu'à l'invasion française, à la fin du XVIIIe siècle 6. Le paragraphe suivant est spécialement consacré à retracer brièvement l'histoire militaire de ces quatre régiments. ' Jean-François-Nicolas Bette, né au château de Lède, près d'Alost. (Voir Biographie natio- nale.) 2 Le comte de Clonard , t. V, p. 219. 3 76»/., p. 221. * lbid., p. 224. s lbid., p. 225. (; Voir Histoire des quatre régiments au service de Naples, Bulletins de l'Académie, 2e série, t. XXVI II, 1869. 196 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLOINE § 3. Notice sur les régiments wallons au service de Naples. Nous avons dit qu'en 1735 quatre régiments wallons qui se trouvaient au service d'Espagne étaient passés au service du roi des Deux-Siciles. Voici les circonstances qui amenèrent des corps belges à aller dans le royaume de Naples. On sait que Philippe V parvint, par le succès de ses armes, à rattacher à l'Espagne le royaume des Deux-Siciles que ses prédécesseurs de la maison d'Autriche avaient possédé, sans interruption pendant deux siècles, et qu'il donna la couronne de ce nouveau royaume à son fds don Carlos, donation qui fut reconnue et confirmée, peu de temps après, par le traité de Vienne. En envoyant son fils prendre possession du trône nouvellement conquis , le roi Philippe V jugea prudent de donner au jeune souverain un noyau de troupes d'une fidélité et d'une valeur éprouvées, prises dans l'armée espa- gnole. Son choix tomba sur les régiments de Bourgogne, de Hainaut, de Namur et d'Anvers. Ces corps avaient glorieusement combattu dans les différentes guerres que le petit-fils de Louis XIV avait eu à soutenir depuis que le testament du dernier descendant de Charles-Quint l'avait appelé au trône d'Espagne. Employés tour à tour en Italie, en Allemagne et en Flandre pendant la guerre de la succession d'Espagne, ces régiments avaient soutenu avec honneur la réputation des anciens soldats belges; plus récemment, en 1732, ils avaient fait partie du corps d'armée avec lequel le comte de Montemar avait recon- quis Oran, sur la côte d'Afrique; l'année suivante, ils s'étaient encore trouvés dans les rangs de l'armée destinée à opérer en Italie et à conquérir le royaume de Naples. Avant l'entrée en campagne pour celle dernière expédition, toutes les troupes de nations différentes qui, sous le comte de Montemar, devaient concourir à l'opération projetée avaient été réunies au camp de Livourne. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 197 Dans son rapport relatif à la revue des régiments que passa , en janvier 1734, un délégué du roi, se trouvent mentionnés nominativement les régi- ments de Bourgogne, de Hainaut, de Namur et d'Anvers. « Ces courageux Wallons, dit le rapport, se distinguaient entre tous les autres corps. » Pendant le cours de la campagne, ces quatre régiments assistèrent suc- cessivement à l'attaque de la Mirandole, à la bataille de Bitonto,au combat de Capoue, à celui de Pescara; ils furent associés encore à beaucoup d'au- tres faits d'armes qui finalement amenèrent la conquête du royaume de Naples. Ces quatre régiments furent employés ensuite à la conquête de la Sicile; le régiment de Namur fit en outre la campagne de la Lombardie, pendant l'année 1735. Tels étaient les antécédents des régiments de Bourgogne, de Namur, de Hainaut et d'Anvers lorsqu'ils furent désignés pour former le noyau de l'armée du nouveau roi des Deux-Siciles. Ces corps passèrent définitivement dans l'armée napolitaine en 1736; c'est à partir de cette époque qu'on les voit figurer dans les papiers de la secrétairerie de guerre du royaume des Deux-Siciles. Bien que plusieurs de ces régiments, au moment de leur admission au service du roi des Deux-Siciles, eussent déjà passé plus de vingt ans en Espagne et que tous les rapports politiques entre l'Espagne et les Pays-Bas se trouvassent rompus depuis de longues années, par le passage de nos pro- vinces sous la domination de l'Autriche, ces régiments avaient néanmoins conservé dans leurs cadres un grand nombre de Belges. Parmi les noms de familles belges on remarque des Barbançon, des de Calonne, des Dubois, des de Tbiennes, des de Cecil , des du Smet, etc. , etc. Chacun de ces régiments était composé d'un état-major et de deux batail- lons. Dans l'état-major se trouvaient, en fait d'officiers, un colonel, un lieu- tenant-colonel, un sergent-major et un adjudant -major. Dans chaque bataillon il y avait une compagnie de grenadiers et douze compagnies de fusiliers. La compagnie était commandée par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant; elle comptait cinquante soldats avec un cadre inférieur de deux sergents et un tambour. Tome XLII. 26 198 HISTOIRE DE LTNFANTERIE WALLONE L'effectif général de chaque régiment s'élevait par conséquent à mille trois cent soixante-dix-huit hommes, sans les officiers au nombre de qua- rante-trois. Ces corps, dans leur ensemble, présentaient donc un effectif de cinq mille six cent quatre-vingt-quatre hommes de tous grades1. Lorsque la guerre de la succession d'Autriche éclata, en 1741 , le roi d'Espagne Philippe V voulut profiter de l'occasion favorable que la fortune semblait lui offrir, pour tâcher de récupérer les anciennes provinces qui avaient été détachées de la monarchie et que l'Empereur possédait dans la Lombardie. Comme il descendait d'Anne d'Autriche, Philippe V pouvait faire valoir ses prétentions à l'héritage impérial, mais il crut devoir se borner à récla- mer le Mantouan afin d'y établir son troisième fils don Philippe, de même qu'il avait établi le second, don Carlos, sur le trône des Deux-Siciles. En conséquence il envoya en Italie un corps de douze mille hommes sous le commandement du comte de Montemar. Le roi de Naples fournit naturelle- ment un contingent pour cette expédition entreprise dans un intérêt de famille. Les quatre régiments wallons de Bourgogne , de Namur, de Hai- naut et d'Anvers furent désignés pour en faire partie. Ils se concentrèrent autour d'Orbitello, petite villes de la Toscane, et, de cette position, l'armée napolitaine chercha à empêcher les Austro-Sardes de s'emparer des duchés de Modène et de Reggio. La campagne ne fut pas heureuse. Le duc de Montemar, après des efforts infructueux, fut obligé débattre en retraite devant les forces supérieures qui lui étaient opposées. D'un autre côté, le roi don Carlos , menacé de voir sa capitale bombardée par les flottes anglaises, s'il ne rappelait immédiatement les troupes qu'il avait fournies à l'armée de son père, dut céder à la nécessité et attendre une occasion favorable pour rentrer en ligne : ses troupes se séparèrent du contingent espagnol et restèrent en observation sur la frontière du royaume de Naples pendant les campagnes de 1742 et de 1743; mais en 1744, la lutte que l'Espagne avait continué contre l'Autriche ayant amené les belligérants à menacer d'envahissement les propres domaines du roi de 1 Les quatre régiments portaient l'habit blane; le régiment de Bourgogne avait des pare- ments bleus; les trois autres des parements rouges. SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 199 Naples, celui-ci reprit les armes, réunit ses troupes à celles du comte de Gages, cet illustre général belge à qui Philippe V avait confié le commande- ment de son armée, et s'établit dans les états pontificaux, non loin de Velletri. Ce fut contre celle position que les Autrichiens tentèrent, dans la nuit du 10 au 11 août 1744, une surprise qui faillit causer la destruction complète des troupes espagnoles et napolitaines; mais la bravoure héroïque que déployè- rent , dans cetle circonstance suprême , les gardes wallones ainsi que les régiments de Bourgogne, de Namur, de Hainaut et d'Anvers, arrêta l'attaque furieuse de l'ennemi et termina, par une éclatante victoire, un combat qui semblait devoir amener une défaite désastreuse et la prise du roi don Carlos lui-même. Pendant les années 1745 et 1746, les régiments de Bourgogne, de Hai- naut, de Namur et d'Anvers prirent part à toutes les opérations de la guerre qui continua dans la Lombardie entre les Espagnols et les Austro-Sardes. Beaucoup d'officiers se couvrirent de gloire au passage du Tanaro, à Bassi- gnana, au combat du Tidone, aux sièges d'Alexandrie, de Tortone, de Plai- sance et ailleurs. — Une convention de neutralité, que signa le roi don Carlos après ces événements, mit fin à la participation de l'armée napoli- taine à la guerre, que le traité d'Aix-la-Chapelle vint clore en 1748. La conduite des régiments wallons pendant les dernières campagnes avait été digne d'éloges; aussi ces corps jouissaient-ils d'une grande considération. On trouve un témoignage de l'estime dont ils étaient entourés, dans un rap- port qu'adressait, en 1748, à son souverain le maréchal de camp marquis de l'Hospital, ambassadeur de Louis XV auprès du roi des Deux-Siciles. « Les meilleures troupes du roi des Deux-Siciles, » dit le marquis de l'Hos- pital, « sont les régiments wallons qui sont d'ancienne création et qui ont été » donnés en 1734 à Sa Majesté Sicilienne par le roi son père '. » Quelque temps après la guerre de la succession d'Autriche, en 1750, une réduction ayant été faite dans tous les corps de l'armée sicilienne, les compagnies des régiments wallons furent réduites, comme toutes les autres, à trente soldats, mais, en même temps, on créa dans chacune d'elles deux 1 Mémoire sur le royaume de Naples , au Dépôt de la Guerre , à Paris. 200 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE emplois de caporaux, de sorte que l'ancien effectif de cinquante-trois hommes se trouva réduit à trente-cinq. Chaque bataillon eut alors quatre cent cin- quante-cinq hommes et chaque régiment neuf cent dix, non compris les officiers. Cette réforme fut la première que subirent les régiments wallons depuis leur arrivée dans le royaume de Naples. On sait que la mort de Ferdinand VI, arrivée en 1759, appela don Carlos au trône d'Espagne et fit passer la couronne des Deux-Siciles sur la tête de son second fils, Ferdinand IV. Les régiments de Rourgogne, de Hainaut, de Namur et d'Anvers restèrent au service du nouveau roi, mais, ainsi qu'il était facile de le prévoir, la diffi- culté de recruter ces régiments de soldats wallons ou flamands devint une cause permanente de diminution dans l'effectif. On fut donc amené à adopter successivement diverses mesures dont l'effet fut d'abord de restreindre le nombre des compagnies, et ensuite, de fondre les régiments les uns dans les autres jusqu'à ce qu'enfin il n'en restât plus qu'un seul qui disparut à son tour. Telle sera nécessairement toujours la destinée de corps étrangers isolés dans un pays où manquent les éléments d'un recrutement régulier. Sous l'empire des circonstances auxquelles il vient d'être fait allusion, une nouvelle organisation dut, après quelques années, succéder à la réforme qui a été indiquée plus haut. Un décret du 23 mai 1765 décida que désormais chaque bataillon wallon, qui jusqu'alors avait eu treize compagnies, n'en aurait plus que neuf; en même temps l'effectif des compagnies fut porté à quarante-trois hommes, par une augmentation du nombre des sous-officiers, la création des cadets et l'addition de quelques soldats; mais en résumé l'effectif des régiments wallons se trouva réduit à sept cent soixante-quatorze hommes. Pendant les quinze années qui suivirent cette réforme, les royaumes de Naples et de Sicile jouirent d'une paix profonde, et comme il arrive toujours en pareille occurrence, l'armée fut négligée par le gouvernement dont toute la sollicitude se concentra sur d'autres objets que ceux qui intéressent la défense du pays. Les conséquences de cette conduite du gouvernement furent désas- treuses : la discipline militaire commença à se relâcher, l'armée perdit, en grande partie, la considération que ses services lui avaient méritée précé- SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. 201 demment; la désertion se mit alors dans ses rangs et les régiments wallons n'échappèrent pas aux tristes conséquences de cette situation. En 1780, le gouvernement de Ferdinand IV comprit qu'il était entré dans une voie funeste. Le roi, frappé de l'état de décadence où était tombée l'armée, résolut de la relever, de l'augmenter et d'améliorer la position des soldats qui était devenue misérable. De nouveaux régiments furent formés, l'effectif des anciens corps fut augmenté, les soldes améliorées. Deux officiers étrangers, MM. de Pommerœuil et de Salis, furent chargés de celte réorga- nisation. 31. de Salis, officier français qui était passé au service de Naples avec le consentement de Louis XVI, fut nommé inspecteur général de l'ar- mée; à M. de Pommerœuil échut la direction spéciale de l'artillerie. Le moment vint où la diminution de l'effectif des régiments wallons néces- sita une troisième transformation. Par un décret du 18 janvier 1787, le roi ordonna la fusion des régiments de Bourgogne et de Namur. Le nouveau corps, résultat de celte fusion, conserva le nom de régiment de Bourgogne et fut organisé en deux bataillons de cinq compagnies, dont une de grena- diers. L'effectif de la compagnie nouvelle absorha donc l'effectif de quatre compagnies anciennes! Peu de temps après la disparition du régiment de Namur, le 1er mai 1788, le régiment d'Anvers fut supprimé à son tour. Quant au régiment de Hainaut, il reçut une réorganisation semblable à celle du régiment de Bourgogne, mais avec un effectif beaucoup moins élevé. A partir de cette réorganisation, les destinées du régiment de Hainaut sont à peu près inconnues : on présume qu'un des bataillons passa en Sicile, y resta en permanence et fut payé sur le trésor de ce pays, et que l'autre bataillon résida dans les préskies de la Toscane. Toujours est-il que les archives de la secrétairerie de guerre ne renferment aucun document relatif aux revues de ce corps, pour la période de douze années comprise entre les années 1788 et 1800. Il est à remarquer, du reste, que ce régiment, lorsqu'il reçut une nouvelle organisation, ne fut plus désigné sous un nom spécial comme l'était le régi- ment de Bourgogne. Peut-être était-il destiné, dès cette époque, à disparaître comme le régiment d'Anvers. Ce qui semble autoriser cette supposition c'est 202 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE qu'à partir de l'année 1790 la fraction du régiment qui stationnait à Orbi- tello et à Longone, en Toscane, ne se trouve plus désignée dans les docu- ments de l'époque que sous le titre de première fraction du régiment du Hainaut supprimé. Jusqu'en 1788, un des bataillons du régiment de Bourgogne occupa la ville de Naples; l'autre tint garnison à Messines. Après cette date, le corps entier fut réuni à Capoue. D'après une revue qui eut lieu dans cette ville le 11 février 1788, on con- state que l'effectif du régiment s'élevait à cette époque à neuf cent quatre- vingt-seize hommes, non compris les officiers, et que, parmi ces derniers, il y avait encore un grand nombre de Belges. Pendant les longues années de paix qui avaient succédé à la guerre de la succession d'Autriche, les troupes napolitaines servirent à former la garni- nison des nombreuses positions fortifiées qui protégeaient les frontières et les ports, soit à seconder la justice dans la poursuite des malfaiteurs et des bri- gands qui infestaient les montagnes. Trop souvent aussi les soldats avaient servi d'auxiliaires aux feudataires qui cherchaient à se soustraire à l'action du pouvoir central. Ainsi on avait vu les braves Wallons, les vainqueurs de Ceuta, d'Oran, de Bitonto et de Bassignana, confinés dans les présides de la Toscane ou obligés d'escalader les montagnes de la Calabre et des Abruzzes à la poursuite des bandits qui menaçaient sans cesse les propriétés, les voya- geurs et même des villes entières exposées sans défense à leurs déprédations. Mais à partir de 1790, l'armée est une mission plus noble à remplir; elle combattit à Toulon en 1 792, dans la Lombardie en 1 794 et à Rome en 1 799. Ces six années forment la dernière période de l'histoire des régiments belges au service des souverains des Deux-Siciles. Le régiment de Bourgogne, qui était devenu le seul représentant des Wallons dans le royaume de Naples, fit partie du corps de trois mille hommes que le Gouvernement napolitain envoya à Toulon, lorsque celte place eut été livrée aux Anglais en 1793. L'amiral anglais Hood, dans ses rapports sur les événements qui se passèrent à Toulon, non-seulement accorde un éloge collectif à la conduite des troupes napolitaines, mais il signale en outre plu- sieurs faits d'armes particuliers au régiment de Bourgogne. Ces faits sont SOUS LA MAISON DESPAGNE. 203 d'ailleurs confirmés par les maréchaux Forteguerri, Pignatelli et de Gambs, et surtout par le brigadier Micheroux qui avait été précédemment colonel du régiment et avait été remplacé par Joseph Corne. Cet officier général signale, entre autres actions d'éclat, que dans la nuit du 16 au IT décembre 1793, le lieutenant Louis Pousset, du régiment de Bourgogne, commandant de la garde avancée des forts de Mulgrave et de S'-Louis, soutint, avec une persistance héroïque, les feux des colonnes ennemies qui l'atta- quaient. Le 1 5 novembre de la même année, un combat très-vif s'était engagé sur la montagne de Grasse; dans la mêlée on distingua la belle conduite de l'alfer Diez, du régiment wallon. Ce jeune officier et deux autres militaires du même grade, dont les noms sont restés inconnus, se distinguèrent entre tous par leur bravoure. Ce fait d'armes est signalé dans plusieurs documents et notamment dans la correspondance de l'amiral Hood. Le 1er octobre, le capilaine Federici, à la tête de cent Wallons et agissant sous la conduite immédiate de lord Mulgrave, se distingua également dans une attaque de vive force dirigée contre la position ennemie. Enfin, dans les rapports qui font mention de l'attaque de Capobrun, qui eut lieu durant la nuit du \i octobre, attaque confiée aux soldats du régiment de Bourgogne, on trouve de grands éloges pour le capitaine Joseph Morino qui commandait la 3e compagnie de fusiliers. Après l'expédition de Toulon, le régiment resta sur le pied de guerre et vit son effectif augmenter considérablement par l'incorporation de volon- taires de toutes nations. Les compagnies de grenadiers comptaient alors de cent et dix à cent et vingt hommes et celles de fusiliers de cent cinquante à cent soixante. En 1 796, le 3e bataillon fut détaché des deux premiers qui prirent le titre de bataillons de guerre et furent cantonnés, en attendant de nouveaux événe- ments. La politique du Gouvernement français, dirigée à cette époque par le Directoire, tendait à renverser en Italie tous les anciens Gouvernements. A Rome même, la république avait été proclamée. Le roi de Naples, à peu près seul, avait conservé son trône. Il se crut appelé à délivrer l'Italie de la 204 HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE domination française, et, dans ce but, il organisa des forces militaires considé- rables. II parvint à rassembler une armée de cinq mille hommes et dut marcher sur Rome pour y rétablir le gouvernement papal. Le régiment de Rourgogne fit partie d'un des corps de cette armée qui, sous le commande- ment du général Micheroux, ancien colonel des Wallons, pénétra dans les États romains par les Abbruzzes. Cette armée s'empara facilement de Rome, mais, bientôt après cette conquête, trahie et vaincue à Terni, position fort bien choisie par les troupes françaises pour s'y défendre après sa sortie de Rome, elle ne jouit pas longtemps du succès éphémère qu'elle avait remporté; elle fut dispersée et la royauté de Naples s'évanouit comme tant d'autres. Les archives de la secrétairerie de guerre ne renferment plus, à partir de cette époque, aucun renseignement sur le régiment de Rourgogne, et lorsque, quelque temps après la chute de Ferdinand IV, on reorganisa une armée à Naples, des corps complètement nouveaux furent créés et il ne fut plus ques- tion du régiment wallon. Quant au 3me bataillon qui était resté à Gaëte pendant que les deux pre- miers tenaient la campagne, il s'y était recruté, pendant le cours de l'année 4 798, d'un grand nombre d'hommes de toutes les nations; on y avait même versé trois compagnies de milices italiennes de nouvelle levée. Ce bataillon suivit aussi la fortune des autres troupes napolitaines et se fondit dans la nouvelle armée; il en fut de même de quatre compagnies de chasseurs de Rourgogne qu'on vit un inslant à Capoue, en janvier 1799. Ainsi disparurent les derniers débris des quatre régiments wallons de Rourgogne, de Namur, de Hainaut et d'Anvers qui s'étaient illustrés sur un grand nombre de champs de bataille et avaient porté avec honneur le nom belge jusqu'aux extrémités de l'Europe. Leur dévouement monarchique leur avait fait partager la deslinée de Philippe V, les hasards de la politique les envoyèrent mourir au service d'un pays où rien ne pouvait leur rappeler la patrie absente. Mais du moins ils ont laissé dans le royaume de Naples les meilleurs souvenirs et leurs descendants, car il en existe encore, sont toujours fiers de la bonne renommée de leurs pères et, à l'occasion, ils savent la jus- tifier. Lors des événements qui amenèrent, il n'y a que quelques années, la SOUS LA MAISON D'ESPAGNE. Wo chute du royaume de Naples, il y avait encore des Belges dans l'armée de ce pays; plusieurs d'entre eux occupaient même des positions élevées dans l'état militaire du roi François II et se distinguèrent, en 1860, parmi les vaillants défenseurs de la citadelle de Gaëte : le colonel du lSme régiment de ligne, Antoine du Smet, qui périt glorieusement au combat de Reggio, était un descendant de l'ancien colonel du régiment d'Anvers, Joseph du Smet, originaire d'AIost où existent encore aujourd'hui plusieurs membres de cette famille qui a donné à l'Espagne et au royaume de Naples un très- grand nombre de vaillants officiers. Tome XL1I. 27 ANNEXES. LISTE DES NOMS QU'ONT PORTÉS LES RÉGIMENTS ET LES TERCIOS WALLONS, RAS-ALLEMANDS ET ROURGUIGNONS. Aigremont. Nom d'un tercio wallon commandé par Albert de Ligne? André. Nom d'un tercio commandé, en 1644, par le baron d'André. Ausermont. Un tercio wallon de ce nom fut commandé, en 1032, par Gabriel du Chasleler. Ambise. En 1640, il existait un tercio wallon de ce nom. Audriuy. Nom d'un tercio wallon existant en 1661. Ce tercio avait eu précédemment pour chefs le comte de Megen , le prince de Rache et le duc d'Havre. Anvers. En 1592, il existait un régiment wallon commandé par le marquis d'Anvers, ti'iiniiu Nom d'un tercio wallon donné, en 1604, à Jean d'Aranda. Arenberg. Nom que portèrent, en 1566, un régiment wallon et un régiment d'infanterie basse- allemande commandés par Jean de Ligne, comte d'Arenberg. Arenberg. Nom d'un régiment d'infanterie basse- allemande que commandait, en 1591 , Phi- lippe-Charles de Ligne, comte d'Arenberg. Arnajen. Nom d'un tercio wallon qui existait en 1640. Arsrbot Noms que portèrent plusieurs régiments d'infanterie basse-allemande et deux régi- ments wallons : 1 ° En 1 552, Philippe de Croy, duc d'Arschot , était chef d'un régiment d'in- fanterie basse-allemande; 2" le même prince leva, en 1576, un tercio wallon pour les étals; 3° Philippe-Charles de Ligne-Arenberg, duc d'Arschot, reçut en 1616 le régiment wallon de Claude de Lannoy, seigneur de la Motterie; peu de temps après ce régiment fut donné à Paul-Bernard de Fontaine et le duc d'Arschot prit, en échange, un régiment d'infanterie basse- allemande de trois mille six cents hommes. Anberniout. Nom d'un régiment d'infanterie liégeoise qui existait en 1640. 208 NOMS DES RÉGIMENTS ET DES TERCIOS WALLONS, Butaneon. Nom que portèrent deux régiments d'infanterie bourguignone eommandés suceessi- vcment par Claude de Rye, baron de Balançon, et le marquis de Varenbon. Barbançon En 1616, il existait un tercio liégeois de ce nom commandé par Albert de Ligne- Arenberg.— En 1646, il en existait un autre du même nom, commandé par un prince de Ligne. BassUnies. Nom d'un tercio wallon qui existait en 1640 et dans lequel fut versé le tercio de Traraeley, lors de sa réforme en 1642. Bauer. Nom d'un tercio levé dans le Luxembourg, en 1620, par Sébastien Bauer. Beanffort. Nom d'un régiment wallon que Claude de Beauffort conduisit en Savoie en 1617 et dont les débris furent versés dans le régiment de Guillaume Verdugo, après la campagne. itenuniont. Nom d'un tercio wallon de vingt compagnies formé, en 1639, par le comte de Beau- mont. Beauvoir. Nom d'un régiment bourguignon que commandait , en 1622, Claude-François de Cusance. Bénaviues Nom d'un régiment wallon créé en 1702 et commandé par Pedro Bcnavidcs. Berg. Nom d'un régiment d infanterie basse-allemande qui existait en 1600. Berialmout. Nnrn de plusieurs régiments wallons ou bas-allemands dont les cbefs étaient les fils du comte Cbarles de Berlaimont. (Voir ces noms dans la liste des colonels.) Bigiia. Nom que portait, vers 1600, un régiment d'infanterie basse-allemande commandé par le comte de Bigiia. Billy. Nom d'un régiment d'infanterie wallonclevé, en 1368, par Gaspard de Robles-Billv. Ce régiment fut donne, en 1 574, par les états au seigneur de Cbampagnie. Biontiei. Nom d'un régiment wallon de cinq enseignes levé, en 1568, par Antoine Blondel de Beau regard. Bols .le dessines. Nom que portait, en 1646 un tercio wallon commandé par le baron du Bois de Lessines. iious>u. Nom d'un régiment d'infanterie basse-allemande levé, en 1577, par Maximilien de Boussu. Le même nom fut pris, en 1591, par le régiment du marquis de Rcntv, lorsqu'il passa sous le commandement de Pierre de Hennin-Lietard, comte de Boussu. — Le nom de Boussu fut porté également par le régiment de Gruson , lorsque ce corps passa sous Maximilien de Hennin, comle de Boussu. Bourioiie Nom que prit, en 1591, le régiment wallon d'Octavio Mansfelt. Il devint, à la mort de son chef Claude de la Bourlottc, régiment de Catriz, puis régiment de Cbalon, puis de la Motteric, puis d'Arscliot, puis de Fontaine. (Voir ces noms dans la liste des colonels. Bournonvllle. Nom que portèrent plusieurs régiments wallons commandés par les comtes de Hennin. (Voir ces noms dans la liste des colonels.) Bour«. Nom d'un régiment wallon de onze enseignes levé, en 1576, par ordre des états et que commandait Ponlus de Noycllcs, seigneur de Bours. Brcderode. Nom d'un régiment d'infanterie basse-allemande levé, en 1537, par Henri de Bro- de rode. Brlmeu Nom que porta un corps wallon levé, en 1646, par une souscription nationale et com- mandé par Georges de Brimeu. BAS-ALLEMANDS ET BOURGUIGNONS. 209 urion. Nom d'un tercio wallon qui existait en 1638. itiuny Nom d'un tercio wallon commandé, en 16i5, par Gaston de Spinola, comte de Bruay. Kryan. Nom d'un régiment wallon de cinq enseigne-;, formé, en 1508, de soldats tirés des garni- sons ordinaires du pays et dissous après la campagne. Jacques de Bi vas le commandait. Buquoy. Nom que portèrent plusieurs régiments wallons commandés par les comtes et prince de Buquoy. [Voir ce nom dans la liste des colonels.) caionne. Nom que prit, en I6i0, le tercio du comte de Molengliien (Bryas). Câpre». Nom de plusieurs régiments wallons qui existèrent à la fin du XVIe et du XVII1, siècle et étaient commandés par Michel et Jean-François-Benjamin de Bournonville. Cardulnt. Nom d'un régiment wallon de quatre enseignes qui fut levé, en 1574, par Mario Car- duini. ratrlz. Nom que portèrent deux régiments wallons commandés par Nicolas de Catriz vers 16 mes (Jacques de) , colonel de huit enseignes wallones au service des états (I 576). Giymes (Charles de), colonel de dix enseignes wallones au service des états (1579). Gomery (seigneur de). (Voir Paul-Bernard de Fontaine.) Goitegnies (seigneur de Sainte-Gertrude-Machelen), colonel de dix enseignes wallones (1570). Grange (seigneur de). (Voir Bryas.) Grenei (Antoine). (Voir werpe.) Grimberghe (comte de), mestre de camp d'un tercio wallon (1629). Grimbergne (comte de), colonel d'un régiment wallon levé, en 1702, par le duc d'Anjou. Grobbendonck (Antoine ou Lancelot Schetz, comte de), comte de Wesemael, mestre de camp d'un tercio wallon (1658-1646). Grobbendonck (N.), mestre de camp d'un tercio wallon en 1700. g rouir (François de) remplaça le comte de Lannoy en 1700 comme mestre de camp d'un tercio wallon. Gmson (Eustachc d'Ongnies, seigneur de) leva un régiment wallon en 1592. Ce régiment fut donné, en 1605, à Maximilien de Hennin, comte de Boussu. Guiziii (Maximilien de Houchin, seigneur de), mestre de camp d'un tercio wallon de quinze enseignes (1614). Hacbicourt (Charles de Lalaing, baron d). (Voir i.nluiug.) iiamui (comte de), colonel d'un régiment wallon levé, en 1702, pour le duc d'Anjou. ■lurchles. (Voir illolaiu.) Haultepeunc. (Voir Claude de Kerlalniont.) navré (marquis et duc d'), mestre de camp d'un tercio wallon qui avait été celui du prince de Rache (1646). Havre. (Voir Croj.) Hayniu (Jacques, seigneur du Cornet), mestre de camp d'un tercio wallon (1638-1661). Hennin (Jacques, comte de), colonel d'un régiment wallon, en 1589. Hennin (Jacques) commanda le régiment wallon du comte de Buquoy pendant une partie de la guerre de Bohème. Hennin-i.ictard (Pierre, comte de Boussu), colonel d'un régiment wallon de quinze enseignes qui avait été celui du marquis de Renty (1591). uèze (Guillaume de Bornes, seigneur de), colonel d'un régiment wallon de dix enseignes en J 576; il exerça le commandement provisoire du régiment du comte d'Egmont pendant la captivité de ce seigneur et fut décapité, en 1580, pour trahison. DES RÉGIMENTS ET TERCIOS WALLONS, etc. 22S Biergcs (baron de). (Voir Gilles de Beriainiout.) Homes (Guillaume de). (Voir uèze.) flouchln ( Voir Gulzln.) isenghien (Philippe-Lamoral de Gand, dit Vilain, eomte d'). En 1G29, il était mestre de camp d'un tercio de trois mille deux cents hommes en dix-sept compagnies de Lille, Douay et Orchies (nobiliaire des Pays-Bas). isengnien (Balthazar-Philippe de Gand , dit Vilain , comte d'). En 1640, il était mestre de camp d'un tercio wallon qui fut envoyé en Espagne, lors de la guerre de la Catalogne. Eaittres (Nicolas de), seigneur de Bazeilles, commandait, en 1575, un régiment wallon de dix enseignes. Laiaiug (Philibert-Emmanuel de). (Voir Moutigny.) Laiaing (Georges de), seigneur de Ville, leva pour les états, en 1575, un régiment wallon de dix enseignes. Laiaing (Charles de), baron de Hachicourt, devint, en 1596, colonel de l'ancien régiment wallon d'Antoine Cocquel. ta marche (Guillaume de) remplaça , en 1577, François Verdugo, à la tête d'un régiment wallon. La Motie (Valcntin de Pardieu de) commandait un régiment wallon en 1568. Langic (vicomte de) commandait, en 1641, un tercio wallon. Lannoy (Claude de), seigneur de la Mottcrie commandait, de 1606 à 1616, un tercio wallon qui avait été celui de René de Cbalon et qui devint le régiment d'Arschot. Lannoy (Philippe de), seigneur de Beauvoir, commanda un régiment wallon en 1 566 et en 1572. Lannoy (Valentin de), seigneur de Louverghem, prit le régiment wallon de Claude de Beaufort, seigneur de Couin en 1617. ■.aunoy (Philippe de), seigneur de Conteville, commandait, en 1642, un tercio wallon. Largiiia (Charles de). En 1568, il était colonel d'un régiment provisoire de cinq enseignes wal- lones tirées des garnisons ordinaires du pays et qui fut dissous après la campagne. Latour (Gaspard de), colonel du régiment wallon de Brabant, au service de l'Espagne (1759). Latour (François, chevalier de), colonel du régiment de Malines, au service de l'Espagne (1708). Laverne (Denis ou Louis de) de Rodes, colonel d'un régiment d'infanterie bourguignonne (1640). Lède (marquis de). (Voir Betie.) Lefebvre (N.) , colonel d'un régiment d'infanterie basse-allemande levé en 1659. Licques (Philippe de Recourt, baron de), colonel d'un régiment wallon de six enseignes d'abord, puis porté à dix enseignes (1572). Licques (Gabriel de Recourt, baron de), colonel d'un régiment wallon de dix enseignes (1597). Liedekerkc (vicomte de Bruxelles), chef d'un corps wallon en 1566. Ligne (Jean de). (Voir Arenberg.) Ligne (Georges de), comte de Fauquemberg, leva un régiment wallon de dix enseignes en 1 574. Ligne (Alexandre de), prince de Chimay, mestre de camp d'un tercio wallon (1628). 226 NOMS DES COLONELS ET MESTRES DE CAMP Ligne (Claude-Lamoraldc),niestre de camp d'un tercio wallon (1640). Ligne (Philippe-Charles). (Voir Areuberg.) Ligne (Robert de). (Voir Areuberg.) ligne (Albert de). ( Voir Barbauçon.) Louvergbeni. (Voir launoy.) Mansf.it (Charles de) leva, en 1566, un régiment wallon qui fut licencié par le duc d'Albe. En ■1376, il en leva un autre pour les états. niansfeit (Octavio de) commandait un des sept régiments wallons qui existaient vers l'armée 1588. Ce régiment, après la mort de Mansfelt, fut donné à La Bourlotte. iiianuy (seigneur d'Aubremont), colonel d'un régiment wallon en 1579. Mannij (Gorrevod, marquis de), mestre de camp d'un tercio wallon en 1614. «arsenal (Jean-François), colonel d'un des régiments wallons créés, en 1702, par le duc d'Anjou. Meer (baron de), colonel d'un des régiments wallons créés, en 1702, par le duc d'Anjou. Slegen (comte). (Voir Brlmeu et Berlalmont.) Meiun (Robert de), vicomte de Gand et de Richebourg, colonel d'un régiment wallon au service des états (1576). ii.io.ic (Richard de) commandait un corps wallon au siège de Berg-op-Zoom. Mérode. ( Voir Beyuzc et Montfort.) Mérode d'ongnies (comte de), mestre de camp d'un tercio qui avait été celui de Jean-Baptiste Van der Laen. Ce tercio ayant été réformé fut versé dans celui de La Motterie (1640). met* (Jean-Adam), colonel du régiment wallon de Brabant, au service de l'Espagne en 1708. Milan (comte de), colonel d'un des régiments wallons créés, en 1702, par le duc d'Anjou. Mii-auimont (Claude de) commandait le régiment wallon du comte de Buquoy pendant la guerre de Bohème. Moiain (Robert de Harchies, seigneur de), mestre de camp d'un tercio wallon qui passa ensuite sous le commandement de François Verdugo. Molengbien. (Voir Bryas.) Mondes»» (Christophe de) leva un régiment wallon de six enseignes en 1568; ce corps fut porté successivement à huit, dix et dix-huit enseignes. Il passa, en 1576, sous le commande- ment du duc d'Arschot. Montrort (Philippe-François de Mérode, comte de), colonel d'un régiment wallon créé, en 1702, par le duc d'Anjou. Montigny (Philibert-Emmanuel de Lalaing) commandait, en 1568, un régiment wallon. Moor (vicomte de), mestre de camp d'un tercio wallon qui se trouvait en Espagne en 1700. Mouscron (comte de). (Voir EnneUères.) Nassau (François, prince de), mestre de camp d'un tercio wallon (1700). Nassau-eingfeen (Jean-François-Désiré, prince de), colonel d'un régiment d'infanterie basse- allemande pendant la guerre de Bohême. MMI1 N V DES RÉGIMENTS ET TERCIOS WALLONS, etc. 227 nie (baron de), colonel d'un des régiments wallons créés, en 1702, par le duc d'Anjou. «oircarmes (Philippe de Sainte-Aldcgonde) leva, en 1566, un régiment wallon qui fut licencié par le duc d'Albe. oyeiies (Pontus, seigneur de Bours) fut nommé par les états, en 1576, colonel d'un régiment wallon de douze enseignes. Il se fit tuer, en 1581, au siège de Tournai. xoyeiies (Jean-Bonaventure de), mestre de camp d'un tercio wallon qui fut envoyé en Espagne en 1695. obigny . . . ., mestre de camp d'un régiment wallon, tué, en 1581 , au siège de Tournai. ognies (comie d'), colonel du régiment wallon de Gucklre, au service de l'Espagne (1708). Ongnies. (Voir Gruson) orange (Guillaume, prince d') forma, en 1544, un régiment de vingt enseignes d'infanterie basse-allemande. oriey (Philippe, prince de Seneffe), mentionné, en 1552, comme colonel d'un régiment d'infan- terie basse-allemande. Pardleu. ( Voir ta illotte.) Pas-Feuquières (comte de), colonel d'un régiment wallon créé, en 1702, par le duc d'Anjou. peteghem (baron de), colonel d'un régiment wallon créé, en 1702, par le due d'Anjou. Plgnatclly. (IL// Bisacchfa.) Poitiers (Simon de). En 1622, à la bataille de Fleurus, il commandait, en qualité de sergent- major, le régiment wallon de Verdugo ou de Buquoy. itache (Eugène-Louis de Berg-Saint-Winoc, prince de), mestre de camp, en 1649, d'un tercio qui fut donné plus tard au duc d'Havre. Recourt. (Voir fclcqnes.) Renty. (Voir Emmanuel de Laiaing.) Bève (baron de), seigneur de Bièvre, colonel d'un régiment wallon en 1576. Ricuebourg. (Voir Meltin.) itœiiix (comte du). En 1645, il leva un tercio wallon dans la province de Lille. On appelait ce tercio les Houpelala. Itœnlx. (Voir Croy.) itouvroy (comte de), mestre de camp d'un tercio wallon (1646). noyer (Louis), colonel d'un régiment d'infanterie basse-allemande (1642). Rupeimomic (comte de), colonel d'un régiment wallon créé, en 1702, par le duc d'Anjou. nye (Claude de), marquis de Varenbon , baron de Balançon, colonel d'un régiment bourgui- gnon (1588). Ce régiment passa au baron de Balançon de la même famille (1605). Ce dernier fut remplacé par Jean Aranda. sainte-Aidegonde (comte de), colonel du régiment wallon de Courtrai, au service de l'Espagne (1708). 228 NOMS DES COLONELS ET MESTRES DE CAMP saint-.tmonr (La Baume de) reçut, en 1640, le régiment bourguignon de Varenbon. Il fut rem- placé parle marquis d'Yenes? saim- Maurice (Claude-Antoine de), mestre de camp d'un tercio wallon qui se distingua au siège de Lerida , en Espagne. salins (comte de), colonel d'un régiment wallon créé, en 1702, par le duc d'Anjou. Sars (marquis du). (Voir Wolfgang de Bournonviiie.) «îaiivase (comte de), colonel d'un régiment wallon créé, en 1702, par le duc d'Anjou. senricht de Distorfr (Alexandre) commanda un régiment wallon. smct (José du) , colonel du régiment wallon de Hainaut, au service de l'Espagne, puis au service de Naples. soire (comte de). (Voir Croy.) Soiiz (comte de), colonel d'un régiment d'infanterie basse-allemande (1592). Soye. (Voir Yves) Spinola. ( Voir Brnay.) stassin (Charles), mestre de camp d'un tercio wallon de quinze enseignes (1631). stoppeiaer (François), mestre de camp d'un tercio wallon (1640-1661). Terniini. (Voir Ere.) Thiennes (Georges-Jean de), baron de Brouck, mestre de camp d'un tercio wallon. Thoricourt. Voir Bruquel. Tiiiy (comte de) commandait un régiment de trois mille Wallons au service de l'empereur (1602). Tiiiy (comte de), colonel du régiment wallon de Charleroi, au service de l'Espagne (1708). Tisseiing. colonel d'un régiment d'infanterie basse-allemande (1596) qui fut donné au seigneur ' de Barbançon. Torcy (baron de), mestre de camp d'un tercio wallon (1661). Torres (le seigneur de). En 1603, il fut nommé mestre de camp du régiment wallon du comte de Buquoy. Trameiey. mestre de camp d'un tercio wallon (1658). Trazegnies, mestre de camp d'un tercio wallon (1644). TreOer (Claude), colonel du régiment wallon de Limbourg en 1718. Tréion (marquis de), colonel d'un régiment d'infanterie basse-allemande (1552). Tréion (marquis de), colonel d'un régiment wallon liégeois (1642). Tries* (Philippe), mestre de camp d'un tercio wallon (1644). T'serciaes-Tiiiy (Florent de). En 1566, il était chef d'un corps d'infanterie wallone. Celait l'an- cien tertio du comte de Mérode; il fut donné au comte de Mouscron, lorsque T'Serclaes-Tilly passa au service du prince de Liège, puis il fut donné au comte de Mérode-Wcsterloo. rrseï (Philippe-Charles, comte d'), mestre de camp d'un tercio wallon, tué en 1667 au siège de Saint-Ghislain. DES RÉGIMENTS ET TERCIOS WALLONS, etc. 229 van der Becie (Angc-Alberl). En 1728, il fut nommé colonel d'un régiment wallon formé en Espagne sous le nom de Bruxelles. Ce corps exista jusqu'en 1792. van der ciment (Guillaume), colonel d'un régiment wallon créé, en 1700, par le duc d'Anjou. van der Laen (Jean-Baptiste), nommé en 1647 meslre de camp d'un tercio wallon. Van der ivout (Charles), colonel, en 1718, du régiment wallon de Bruges au service de l'Es- pagne. van uoii (baron), colonel d'un régiment d'infanterie basse-allemande (1552). Varenliou. Voir Kye et Balaneon. varick (Nicolas, vicomte de Bruxelles), inestre de camp d'un tercio levé à Anvers en ili'iC. Précédemment il avait commandé un tercio wallon. verdngo (François). En 1574, il remplaça le seigneur de Harcliies de Molain dans le commande- ment d'un régiment wallon de sept enseignes qui avait été levé dans l'archevêché de Cambray et dont le duc d'AIbe avait accepté le concours pour la guerre des Pays-Bas. verdugo (Guillaume). En 1C17, il commandait un tercio wallon de quinze enseigne* qu'il con- duisit en Savoie. Ce corps reçut les débris du tercio de Claude de Beauffort et fit la guerre de Bohême. vienne (Henri de). Voir baron de rbevrauix. vienne (chevalier de), colonel du régiment wallon de Namur au service de l'Espagne, puis au service de Naples. Vilain. Voir Iseugbien. vniervai, niestre de camp d'un tercio wallon (1636). von Rossem (Martin). En 1552, il était colonel d'un régiment d'infanterie basse-allemande. vrangei (baron de), colonel d'un régiment wallon créé, en 1702, par le duc d'Anjou. wacken (Charles de Bourgogne, baron de), mestre de camp d'un tercio wallon au commence- ment du XVIIe siècle. V«'altrneueu\. Voir Uryas. Wargnles (marquis de), mestre de camp d'un tercio wallon (1674). vvemmei (Taye , marquis de) , colonel du régiment de Gand (1708) au service de 1 Espagne. werpe (Antoine-Grcnct , seigneur de). En 1591, il commandait un régiment wallon. Wesemael Voir Cirobbend<:nck. westerioo (Jean-Philippe-Eugène, comte de Mérode, marquis de). En 1699, il était meslre de camp d'un tercio wallon de douze enseignes. Il avait succédé au marquis d Ennetièrcs, baron de Mouscron. wignneonn (Eugène-François , chevalier de), colonel du régiment wallon de Bruxelles au ser- vice de l'Espagne (1718). vvithem (Jean de), baron de Bautersem. En 1576, il était colonel d'un régiment wallon de dix enseignes au service des états. Tome XLII. 30 250 NOMS DES COLONELS ET MESTRES DE CAMP, etc. wrangen (baron de), mestre de camp d'un tercio wallon (1645). wyngarde (Thomas de). En 1621, il leva un tercio wallon de dix enseignes auquel furent ajou- tées cinq compagnies libres. ïenes (le marquis de). Il succéda comme colonel au marquis de Varenbon. Yves (Philippe-René, seigneur de Warilles), mestre de camp d'un tercio wallon. Y ves (Ernest-Victor, baron de Soye), mestre de camp d'un tercio wallon (1674-1684). TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. Aigremont (comte d'). Voir Ligne, Albert. Albuquerque (le duc d'), pp. 147, 148. Aldegonde (seigneur de S,e-). Voir Noircarmes. Aldringen, 160, 162, 165. Allamont (Bernardin d'), baron de Bussy, 126. Allamont (Théodore d'), 80, 94, 99. Allamont (François, seigneur de Mcrcey) , 122, 127, 150. Anceau (Gilles d'), 71. Andelot (Adrien d'), seigneur de Reusme, 129. Andelot (Ferdinand d'), 80, 95, 99, 111, 115, 119. Andelot (Nicolas d'), 71. André (baron d'), 149. Angest (seigneur d'). Voir Assignies. Aniiolt (prince Christian d'), 109. Ansermont (seigneur d'). Voir Chasteler. Anstain (seigneur d'). Voir Ongnies, Charles. Aranda (Louis d') , 65, 66. Arcy (d'), 121. Arenberg (comte d'). Voir Ligne, Jean. Arenberg (Albert), comte de Barbançon, 96. Argenteau (Jean-Guillaume d'), 159. Arlin (François d'), seigneur de Bonneval, 96. Arlois (Eustache d'), 86, 96, 99, 107. Arschot (ducsd') Voir Croy et Ligne. Assignies (Louis d'), seigneur d'Angest, 80,94, 1 22. Assignies (Corneille d'), 128. Aubermont (Jean, Conrad d') seigneur de Ribau- court, 158. Aubermont (Jean-Charles d'), 127. Aufflance (seigneur d'). Voir Custine. Baillancourt (Hugues de), p. 128. Balançon (baron de). Voir Rye (Claude). Barbançon (baron de). Voir Ligne. Bardoul (Charles de), 101, 122, 151. Baron. Voir Perez. Barré (Pierre), 111, 126. Barooz. Voir Gaulcher. Bassignies (comte de), 149, 151. Basta , 54. Bauchy (Octavio), 128. Baur (Sébastien), 126, 157. Bay (marquis de), 195. Bautersem (baron de). Voir Withem. Beaudrenghien (François de), seigneur de Gomau- pont, 128. Beauffort (Antoine de) , seigneur de Boisleux, 154, 160, 161. Beauffort (Claude de), seigneur de Coin, 70, 72. Beauffremont (Claude de), baron de Scey, 127. Beauflers (comte de), 195. 232 TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. Beaufoht (seigneur de). Voir Licques (Servais). Beauhe (de la), comte de S1 -Amour, 144, 149, lui, I Si. Beaumont (comte de), 144. Beauregard (seigneur de). Voir Blois et Blondel. Beairieix (comte de). Voir Gavre (Rasse de). Beauvoir (baron de). Voir Cusance cILannoy. Beck (baron de), 73, 146, 150, 151, 154. Becken (Pierre van der), 71. Becquet (Artus) , 128. Béer (Jean), 128. Belde (Auguste-Albert van der), 194. Belières ,151. Benavidès (Pedro) , 186,187. Bennizeguausen, 105. Bergii (Philippe comte de), 64, 65, 06, 80. Bergh (Henri de), 129, 152, 154, 157, 158. Berlaimont (Claude de), seigneur de Haultpenne , 40, 43, 44, 45,47, 49, 51 , 6i, 65, 67, 88. Berlaimont (Lancelot de), comte de Megen, 21 , 40,47. Berlaimont (Florent), seigneur de Floyon, 52,55. Berlaimont (Gilles), baron de Hicrges, 15, 13, 16, 20,21, 22, 25, 51,52,55, 40. Berloff, 122. Bernenck, 126. Bette (Jean), marquis de Lède, 145. Bette (Philippe- Emmanuel), marquis de Lède, 186, IS7. Biglia, 04, 66, 07. Billehé (Maximilien de), 90. Billy. Voir Robles. Billy (baron de), 150. Binderen (Antoine de), 71. Bisacciiia (duc de). Voir Pignatelly. Blazer (Jean de), 80. Blesquin (seigneur de). Voir Guernouval. Blois (Ferry de), seigneur de Beauregard, 71, 122, 150. Blondel (Antoine de Beauregard), 17, 19. Blondel (Adrien), seigneur de Bois d'Esquier, 120. Blyleven (Gaspard-François), 71. Bockoltz (Jean -Guillaume de), 128. Bois de Lessines, 155. Boisleux (le seigneur de). Voir Beauffort. Boissot Tassis (Diego), 126. Bonnières (Pierre de), 71. Bonnières (Adrien de), seigneur de Nieulet, 95. Bonnières (Jean de), 126. Bonnières (marquis de), 154. Bonnières (Christophe de), 80, 86, 87, 88. Bouchaut (Antoine de), 126. Boudenof, 191, 192. Boulay (comte de), 86. Boulin (Charles), 80. Boullen (Charles), 126. Bourgogne (Charles de), seigneur de Wacken, 128. Bourgogne (Emmanuel de), seigneur de Rcm- becque, 127. Bourgogne (Nicolas de), seigneur de Faloy, 128. Bournonville (Alexandre de), comte de Hennin- Lietard, 85, 87, 88, 90,96, 104, 107, 122, 129, loi. Bournonville (Edouard) seigneur de Câpres, 19, 20, 21. Bournonville (baron de Câpres), 185, 187. Bours. Voir Noyelles. Boussoit-sur-Sambre (seigneur de). Voir Danneux. Bolssu (comte de). Voir Hennin. Bronckuorst (Jean-Jacques baron d'Anholt), 105. Brederode (Henri de), 6. Brehaut (seigneur de). Voir Graciit. Briarde (André de), seigneur de laQuoye,71, 87, 89. Brimeu (Georges de), 155. Brimeu (Charles), comte de Megen, 8, 15, 15, 10, 17, 20,51,55, 71. TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. 253 Bbion, 142. Brodotz, 195. Bbuay (comte de), marquis de Spinola, 151, 155. Bruquet (Jacques), seigneurdeThoricourt,65, 66. Bruxelles (vicomte de). Voir Liedekerke. Bruyn (Jean de), 126. Bruyr (Jean de) , 80. Bryas (Ghislain), 167, 168, 171. Bryas (comte de Molenghien), 186, 187, 189. Bryas (Charles), seigneur de Hernicourt, 69, 71, 87, 93, 127, 150, 189. Bryas (seigneur de Waltencheux), 153. Bryas (Jacques de), 17, 18. Blgny (seigneur de). Voir Havelkerke. Bulleux (Jacques de), 129. Buquoy (comte de), 55, 54, 62, 65, 64, 66, 67, 72, 75, 79, 82, 86,87, 88, 89,90,91, 93, 95, 96, 97, 98, 99, 101, 104, 105, 107, 108, 110, 112, 113, 114, 115, 117, 118, 119, 120, 121, 125, 145, 146,149,150,151, 152. Bi-quoy ( . . . . ),158. Bylandt, 191, 192. Callo, 150. Calonne (Charles-Antoine de), 167, 173, 174, 175. Camargo (Théodore), 71. Cano (Pierrc-Célestin), 190. Cano (François) , 190, 193. Cano (Pierre) , 193. Câpres (barons de). Voir Bocrnonville. Caracena (marquis de) , 177. Caracioli (don), 186, 187. Carduini (Mario), 21, 22,23, 55, 57. Carondelet (Guillaume de), seigneur de Solre- sur-Sambre, 88, 100. Carondelet (Jean de), seigneur de Premecque, 127. Carondelet (Guillaume), seigneur de Noyelles, 157. Carretani (baron), 186, 187, 190. Castel Bodrigo, 151, 155, 178, 179, 180. Castillo (Alonzo Fernandcz), 128. Catrix (Nicolas), 62, 65, 64,65. Catrix (Antoine), 80. Catrix (Robert), 128, 150. Chaffroy (François de) 144. Chalon (René de), 65, 66. Cualo.n (Pierre- Ernest de) , 127. Chambourg (de), 190. Champagnie (Frédéric Perrenot, seigneur de), 21,54,57,58. Chastel (François du), vicomte d'Emerin,80, 94, 96, 99, 100, 121, 151. Chastel (Charles du), seigneur de Termaisnil, 120. Chasteler (Gabriel du), seigneur d'Ansermont, 126,127. Ciievrailx (baron de). Voir Vienne. Chimay (prince de). Voir Croy. Chonart (Charles), 127. Clavijo (Antoine), 191. Clèves (Charles de), 128. Clingelandt (baron de). Voir Suys. Cocql'el (Antoine), 52, 55. !■ Coin (seigneur de). Voir Beauffort. Collin (Jean), 122, 125. Colins, dit le Roux, 111, 115. Combaron (Louis de), 126. Contreras (Pierre de), 107. Corbeville (Pierre de), 126. 25 4 TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. Cordoue (Gonzalve de), 158, 159. Corne (Joseph), 205. Corpelz (Charles), 128. Cottereau (Philibert de), baron de S1 -Mar- tin, 87. Cottrel (Philibert), 71. Courrières (seigneur de). Voir Ongmes (Fran- çois). Courrières (baron de), 180, 187. Courteville (seigneur de). Voir Lannoy. Coyhovf. (seigneur de). Voir Crequy. Crepy (seigneur de), 100. Crequy (Philippe de), seigneur de Coyhove, 128, 152. Cressonnières (Jacques de la), 15. Crèvecoeur (baron de). Voir Danneux. Croix (Pierre de la) , seigneur de la Motte , 82. Croix (marquis de) , 194. Croy (Guillaume de), 4. Croy (Jean), comte du Rœulx, 5, 15, 15, 20, 21, 22,24, 28, 51, 40. Croy (id.), comte du Rœulx , 149, 153. Croy (François de) baron dcNorthout, 96. Croy (Ernest de), baron de Fenestrange, 96. Croy (Charles -Alexandre de), marquis d'Havre, 52, 96. Croy (Eustachede) comte du Rœulx, 45. Croy (Philippe de), duc d'Arschot, 7, 54, 57. Croy (Ernest- Ferdinand, prince de), 181. Croy (Charles de), prince de Chimay, 48, 49, 50, 51, 151, 152, 155. Croy (Philippe-Emmanuel), comte deSolre, 185. Cruyckembourg (comte de), 67. Cruyshautem (seigneur de). Voir Mastaing. Cusance Claude-FraNçois de). Voir Beauvoir. Custine (François de), seigneur d'Aufflance, 127. Dampierre (comte de). Koi>VAL,(du). Danneux (Jacques) , seigneur de Boussoit-sur- Sambre, 128. Danneux (Philippe), baron de Crèvecœur, 128, 154. Delval (Jean), 150. Deschamps, 185. Diez, 205. Discay (baron de). Voir Rey. Deynze (marquis de). V'o<>Mérode. Disque (Charles de), 129. Doetenghen (Charles) ,190, 193. Dompré. Voir Fauche. Dormael (François) , dit Machuré , 80, 96, 99, îoo, m. Doye (Pierre) , 191. Draeck (Gérard), 127. Drinen (Van), 126. Du Ciiastel. Voir Ciiastel. Dumont (baron de Gages), 187, 195, 199. Du Smet (José), 190, 195. Du Smet (Antoine), 205. Eerwick (Théodore van), dit Kcrken, 127. Egmont (Floris d') , 4. Egmont (Lamoral d') , 7, 9. Egmont (Philippe d'), 52, 55, 55, 57, 58, 59, 45, 48,49. Eltoups (Ferdinand d'), 119. Elzée (seigneur d'). Voir Namur. Embden, 66. Emerin (vicomte d"). Voir Ciiastel. Emil (Louis d'), 150. TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. 235 Enisetières (marquis d'), comte de Mouscron, 451, 152, 182. Epinoy (prince d'). Voir Melun. Ere (baron d'), seigneur de Termini, 154. Erpe (Jean Van). Voir Zuylen. EsrLANQUEs (seigneur d'). Voir Wignacourt. Esseneux, 159. Eslang (Antoine d'), 80. Estambruges (seigneur d'). Voir Ligne. Everberg (baron d'). Voir Rubempré. Everlanges (seigneur d'). Voir Stassin. Eynatten (Adolphe d'), seigneur de Nieuwen- bourg, 127. Faille (Ferdinand delà), 186, 187. Falay (seigneur de). Voir Bourgogne. Falsenbourg (prince de), 89. Familheureux. Voir Maulde. Fauche (Jean), dit Dompré, seigneur de Nosay, 81,95, 100, 108, 112, 113. Fauquenberg (comte de). Voir Ligne (Georges). Fay (seigneur de). Voir La Pierre. Federici , 203. Fenestrange (baron de). Voir Croy. Fiennes (Androniquc de), 81, 100. Fiennes (Marc de), seigneur de Lumbre, 127, 150. Finoy (Jean), 81. Fisse (Gabriel de), 111, 126. Florennes (seigneur de). Voir Souhay (Pierre). Floyon (seigneur de). Voir Berlaimont. Fontaine (Paul-Bernard de), seigneur de Gomcry, 115, 129, 152, 135, 144, 147. Fontaine (de) , 111. Fosse (Pierre de la), 80. Fourdin, 110, i 13, 150. Franclieu (marquis de), 195. Fraye (Georges de) , 71 , 122, 123. Fremont (baron de). Voir Neersen. Fresin (baron de). Voir Gavre. Fuensaldana (comte de) , 150. Gages (marquis de) Voir Dumont. GALLo(AlonzoLopez), 21, 22, 23. Gand (Louis de), 175. Gand (Balthazar-Philippe de), dit Vilain, comte dMsenghien, 171, 172, 175, 189. Gand (vicomte de). Voir Gavre. Gand (Philippe-Lamoral de), dit Vilain, comte d'Isenghien, 127, 154. Gaulcher (Jean Barooz), 81 , 85, 95, 99, 100, 107, 108, 110, 121,125,150, 131, 152. Gavre (Albert de), baron d'Ugies, 80, 86, 94, 96,99. Gavre (Rasse de), comte de Bcaurieux, 128. Gavre (Rasse de) , baron de Fresin, 51 , 63, 65. Gavre (Jean-Charles de) , baron de Fresin, 51 , 55, 62,80, 154. Gavre (Pierre-Ernest de), baron d'inchy, 81 , 95, 100, 108,115,150, 132. Gavre (Ernest de) , vicomte de Gand, 112. Geraldin (comte) , 155. Gerrudot (Hugues de Rançonnières), 126. Galleand (Hencqucs), 126. Gbistelles (Ferdinand de), 80, 87, 94. Glymes (Jacques de), 50, 51, 57, 40, 44. 256 TABLE DES NOMS CITÉS DANS LOUVRAGE. Goegnies (Antoine de), seigneur de Vcndegies, 57. Gojiery (seigneur de). Voir Fontaine. Gojiicourt (Herman de), seigneur de Neufvillers, 127. Gracht (Jean van der), seigneur de Brehaut, 87, 89, 127. Gracdt (Guillaume), 186, 187. Grange (Adrien de), U2, 144, 145, 146, 148. Granon (Antoine), 126. Grener (Antoine), seigneur de Werpe, 45, 47, 49. Grijibeughe (comte de), 187. Goupigny (comte de), 191, 192. Grobbendonck (barons de). Voir Schetz. Groote (Alexandre de), 102. Grouff (François de) , 185, 180, 187. Gruzon (seigneur de). Voir Ongnies (Eustache.) Guernonval (Hubert -Albert de), seigneur de Blesquin, 128. Guernonval (seigneur de) Voir Levasselr. Guillaume (margrave de Bade), 127. Gulzin (seigneur de). Voir Holchin. Guvard (Jean), 126. Haciucourt (seigneur de) Voir Lalaing (Charles). Haen (Guillaume de), 71. Haere (Henri de), seigneur de Noirmont , 80 , 95. Halliin (François de), seigneur de Voxvry, 80 , 95. Hamal (comte de), 186, 187, 191 , 192. Harchies (Bobert de), seigneur de Molain , 21. Harchies (Jean de), 80, 9i, 107, 119, 122. Halltpenne (seigneur de). Voir Berlaimont. HAissART(Lancelot), 71, 119, 121. Hauteclocqie (Bobert de), 99, 104. Hautecoirt (seigneur de). Voir Pourre. Haveskerke (Maurice de), seigneur de Bugny, 127. Haveskerke (François de) seigneur de Watcr- vliet, 127. Havre (marquis d'). Voir Croy. Havrecii (André), seigneur de Boselly, 126. Hayrech (François), 127. Haynin (Jacques de), 87, 94, 95, 97, 99, 108, 110, 111, 122, 130, 151, 154, 142, 149, 151, 152, 157, 159. Hesiont (Philippe de), 118, 128. Hennin (Jacques de), comte de Boussu , 27, 42, 49, 50. Hennin (Maximilien de), comte de Boussu, 20, 21, 51, 55,57, 55, 52, 66,67. Hennin-Lietard. Voir Bolrnonville. Hefiidia (Pedro de), 127. Hefiijiez (seigneur d'). Voir Mastaing. Hernicourt (seigneur de). Voir Bryas. Hersies (Georges de), 128. Herzelles (François de), 96, 105. Hey (Simon de) 80, 128. Hf.ymes (Jean de), dit Goisse, 125. Heymes (Jean de), dit Gowe, 71. Hèze (baron de). Voir Hornes. Hierge (baron de). Voir Berlaimont. Holl (van), 9. Hornes (Adolphe-Philippe de), baron de Lokeren, 129. Hornes (Guillaume de), baron de Hèse, 51, 55, 57, 58, 59, 45. Hornes (Lamoral de), 150. Horst (seigneur de). Voir Willeniiorst. HotcniN (Maximilien de), seigneur de Gulzin, 126, 157. HotcniN (Jean de), seigneur de Hucringhcn, 80, 87, 88,94, 126. Hoidion (Lancclot de), seigneur de Pipaix, 128. TABLE DES NOMS CITES DANS L'OUVRAGE. 237 Houffalise (baron de). Voir La Rivière. Huerta (Martincz de), 106. Hueringhen (seigneur de). KoiVHovcbin. Hurtebise (seigneur de). Voir Postel. Hutoel(Luc), 128. IK Inchy (baron d'). Voir Gavre (Pierre-Ernest). Jonche (Gilles), 82. Isenbourg (Eustache, comte d'), 127, 150, 151, 161. Isenbourg (Jean), seigneur de Grunsew, 81. Isenbourg (Salentin d'), 82. Isenghien (comte d'). Voir Vilain et Gand. Keller (Jeronimus), 4. Kerpen (baron de), 191, 192. Kessel (Jean-Théodore de), 190. Labiche, 53. Labourlotte (Claude de), 48, 49, 52, 55, 64, 65. La Croix de la Motte, 111, 113. La Cour (Servais de) 118, 128. Laderrières (Gérard de), 126. Laen (Van der), 151, 152. Lafosse (Pierre de), 128. Laittres (Jean de), seigneur de Rossignol, 131. Laittres (Nicolas de), 71. Laittiies (baron de), 21. Lalaing (Georges de), baron de Velle, 32. Lalaing (Philibert-Emmanuel de), marquis de Renty, baron de Montigny, 57, 38, 59, 40, 42, 43,45,48,49. Lalainc (Philippe de), 25, 28, 57. Lalaing (Charles de), sire d'Hachicourt, 53, 65, 65, 66, 67, 68. La Marck (Guillaume de), seigneur de Lumay, 55, 57, 58. La Motte (seigneur de). Voir Pardieu. Lannoy (Philippe de), seigneur de Courteville, 144, 145, 146. Lannoy (Claude de), seigneur de la Motterie, 149, 151,152, 153, 159. Tome XL1I. Lannoy (Nicolas de), 126. Lannoy (Charles de), 126. Lannoy (Valentin de), 72, 126. Lannoy (Philippe de), seigneur de Beauvoir, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20,21. Lannoy (comte de), 191. Lapierre (Guillaume de), seigneur de Fay, 128. Laquove (seigneur de). Voir Briarde. Largilla (Charles de), 18. Larivière (Ernest de), dit Herres, baron de Houf- falise, 87. Latour (François, chevalier de), 190. Latour (Gaspard de), 194. Latour S'-Quentin (Jean -Jacques de), 127. Lauretton (Pierre), 118, 128. Le Brun de Meraulmont (Claude), seigneur de Vigue, 79, 86, 90, 95, 95, 96,99, 108. Le Brun de Meraulmont (Gilles), 122, 125, 126. Lède (marquis de). Voir Bette. Lefebvre, 145. Legrand (Nicolas), 128. Lejeune (Thierry), 81. Lembecque (seigneur de). Voir Bourgogne. Lemberghe (seigneur de). Voir Triest. 31 238 TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. Leroy (François), 127. Levasseur (Valcnlin), seigneur de Gucrnouval, 127, 128. Levin (Philippe de), seigneur de Taniare, 129. LlCIITENSTEIN, 111, 121 , 125. Licques (Servais de), seigneur de Beaufort, 128. Licques (Lamoral de), 44. Licques (seigneur de), 150. Liedekerke (vicomte de Bruxelles), 15. Ligne (Claude -Lamoral de), 144, 148, 146, 450, 151, 154. Ligne (Jean de), comte d'Arenberg, 15, 10, 17. Ligne (Georges de), comte de Fauquenberg, 21. Ligne (Robert de), baron de Barbançon, 45, 49, 55, Ci. Ligne (Georges de), seigneur d'Estambruges, 15. Ligne (Charles) , comte d'Arenberg, 45. Ligne (Albert de), comte d'Aigremont, 86, 127, 128. Ligne (Robert de), prince de Barbançon, 151. Ligne (Philippe- Charles), duc d'Arschot, 126. Lockeren (baron de). Voir Hornes. Loetz (Ambroise), 127. Lois (Jacques des), 126. Longueval (Maximilien de), seigneur de Broche, 89,94,128. Locquenghien (Guillaume de), 80, 126. Locquenghien (Philippe de), seigneur de La Haye. 71. Lumev (seigneur de). Voir La Marck. Lumbres (seigneur de). Voir Fiennes. Lijhove (seigneur de). 1 oir Villers au Tertre. M Machuré. Voir Dormael. Maelsen (Adrien de), seigneur de Tilbourg, 127. Malannoy (Charles de), 128. Mansfelt (Pierre -Ernest de), 18, 19, 48. Mansfelt (Charles de), 15, 15, 51, 55, 50, 51, 54, 56. Mansfelt (Ernest de), 67, 75, 82, 89, 94, 106, 116, 117,129, 150, 151, 158, 161. Mansfelt (Octavio de), 42, 45, 48, 49, 50, 56. Mansfelt (Wolff de) , 155. Maradas (Balthazar de), 88, 106, 107. Maran (Louis de), d'Arboan, 126. Marche (Nicolas de), 71, 112, 128. Mares (Hubert des), 86, 87, 88, 126. Marschalck (François), 187. Martignolle, 159. Martigny (Gilles), seigneur de Villers, 80, 96, 99,100, 107, 108, 111, 115, 126. Martigny (Philippe) , 80. Mastaing (Philippe de), seigneur de Heriniez , 128. Mastaing (Charles de), seigneur de Cruyshautem, 150. Masures (Charles des), 82, 96, 115. Mallde (Frédéric de), 127, 128. Maulde (Antoine de), seigneur de Familheurcux, 110, 126. Medicis (Laurent de), 86. Médina (Chrisloval de Monlagna), 127. Meert (baron de), 186. Megen (comte de). Voir Brimeu. Megen (comte de), 148. Mello (François), comte d'Assumar, 144,145, 146, 149, 150. Melun (Robert de), vicomte de Gand, marquis de Roubaix, 52. Melun (Anne-Henri), vicomte de Gand, marquis Richcbourg, 81,95, 100, 108. Melun (Guillaume de), prince d'Épinoy, 96, 115, 127, 157. Mérode (Richard de), seigneur d'Ongnies, 129. Mérode (Philippe de), baron de Morialmé, 82, 96, 115, 114, 160. TABLE DES NOMS CITES DANS L'OUVRAGE. 239 Mérode (Jean de), seigneur de Petersheim, 81 , 82, 95, 104, 107, 108, 112,115. Mérode (Jean), comte de Waroux, 160. Mérode (marquis de Deynze), 185, 186, 187. Mérode (comlede), 155. Mers (François), 80. Mesmaeker (Gilles de) , 127. Metz (Jean), 191. Meus (Frédéric), 126. Micault (Frédéric), 112, 128. Micheroux , 205 , 204. Middelhausen, 126. Milan (comte de), 187. Milendoinck (Adolphe baron de), 128. Merailmont. Voir Le Brun. Mol (Lamoral de), 126. Molain (seigneur de). Voir Harchies. Mondragon (Christophe de) , 17, 18, 19, 20, 21 22,24,28,29,51, 55. Mons (baron de), 186. Montberlant (Maximilien de) , 96,111, 115. Montfort (comte de), 186, 187. Montigny. Voir Lalaing. Moistmédy (de), 122, 125. MoNTREllL, 126. Moore (vicomte de), 185. MoRAYKEN, 187. Morialmé (comte de). Voir Mérode. Morino (Joseph), 205. Mortaigne (Corneille-Gaspard de), 102. Motte (de la), 112. Motte (seigneur de la), loir Croix. Motterie (seigneur de la). Voir Lannoy. Moulin (François de), 128. MouscROM (comte de). Voir Ennetières. Nassau (Henri de), 4, 25. Nassau (Philippe de), 17, 25. Nassau (François de), 185, 186, 187. Nassau-Singin (Jean de), 81, 85, 86, 127. Namur (Guillaume de), seigneur d'Elzée, 128. Neersen (Jean van der), baron de Fremont, 105, 155. Neufvillers (seigneur de). Voir Gomicourt. Neuville (baron de), 187. Nielrlet (seigneur de). Voir Bonnières. Nieuwenbourg (seigneur de). Voir Eynatten. Noircarmes (Philippe de), seigneur de Sainte- Aldegonde, 15, 16, 20. Noirmont (seigneur de). Voir Haere. Nonancourt (Jean de), seigneur de Pouilly, 127. Noot (Jean-Baptiste van der), 71. Noot (Charles van der), 195. NoRTiiouT (baron de). Voir Croy. Nosay (seigneur de). Voir Fauche. Noyelles (seigneur de). Voir. Carondelet. Noyelles (Pontus de), seigneur de Bours, 52,44. Noyelles (Jean-Bonavenlure, comte de), 182. Obigny (seigneur d'). Voir Rlbempré. Offenberg (Théodore van), 129. Ognies (comte d'), 191. Ononies (seigneur d'). Voir MÉhODE (Richard). Onbnies (François d'), seigneur de Courrières, 127. 240 TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. Ongnies (Charles d'), seigneur d'Anslaing, 71. Ongnies (Eustache d'), seigneur de Gruzon, 52, 55, 62, 65, 68, 66. Oiiange (Guillaume d'), 17, 57. Orlky (Philippe d'), 7. Oultrequin (Bertrand d'), dit le Jeune, 128. Oyenbrugghe, 126. P-Q Palant (Jean-Adolphe de), seigneur du Quesnoy, 128. Pardieu (Valentin de), seigneur de la Motte, 57, 59,41,4.5,4.5,47,51. Pas-Feuquières (comte de), 186, 187, 191, 192, 195. Perez (Jean-Baptiste, baron de), 126, 127. Petege.m (baron de), 187. Petrifais (Georges), 107. Philippe, bâtard de Bourgogne, 4. Pignatelly (Nicolas), duc de Bisaccbia, 186, 187. Pipaix (seigneur de). Voir Houdion. Plin (Jacques de), 81. Plouvy (Evrard de), 127. Poitiers (Simon de), 126. Pompery (Antoine de), 128. Pongibald (seigneur de), 112. Pontailler (François de) baron de Vangrenaus, 128. Postel (Charles) du Hurtebizc, 80, 86, 95, 96. Poiilly (seigneur de). Voir Nonancourt. Pourre (Jean de), seigneur de Ilautccourt, 128. Pousset (Louis), 205. Premicque (seigneur de). Voir Carondelet. Pratz (Eustache de), 71, 101, 119, 121. Prouvy (Gérard de), 128. Pyck (Arnold van), 28. Quesnoy (seigneur du). Voir Palant. Quesnoy (Simon du), 71. Ranst (Philippe), 128. Raville (Jean-Baptiste), 127. Razoir, 67. Recourt (Philippe de), baron de Licques, 19, 21,40, 15. Recourt (Fnancnis de), J59. Reiffenberg, 126. Remont (de), 129. Renty (marquis de). Voir Lalaing. Resves (Jean), 118, 128. Heumont (Jean de), 128. Rêves. Voir Ruuempré. Rey (Marc-François de), baron de Disccy, 127. RiBAUCoiRT (comte de), 142, 141, 149. Ricart (Nicolas-Charles) dit Cadet, 71. Richebourg (marquis de). Voir Melun. Robeck (prince de), 185. Robles (Alexandre de), baron de Billy, 127. Robles-Billy (Gaspard), 17, 20, 21, 22,25, 51, 54. Robles (Ferdinand de), 80. Roeulx (comte du). Voir Croy. Roisin (Michel de), baron de Rongy, 129. Roncret (Jacques), 128. Roselly (seigneur de), l'or'r Havrecb. Rossignol (seigneur de). Voir Laittres. TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. 241 Rossum (Martin van), 9. Roubaix (marquis de). Voir Melon. Rouvkoy (comte de), 155. Royer (Louis), 144. Ruart (seigneur de). Voir Verreycken. Rupelmonde (comte de), 186 , 187. Rye (Claude), comte de Varax, 55, 62. Rye (Claude de), marquis de Varenbon, baron de Balançon, 43 , 45, 62, 63, 64, 66, 126, 127, 144, 157, 158. Rubempré (Adrien de), seigneur de Rêves, 31. Rubempré (François-Jean de), baron d'Evcrberg, 127, 128. Rubempré (Antoine de) seigneur d'Obegny, 44, 127. S Sailly (Adrien de), 151. Santa-Crux (le marquis de), 154, 157. Saint-Amour (comte de). Voir Beaume. Saint-Génois (Guilbert de), 128. Saint-Hilaire, 84. Saint-Martin (le marquis de), 154. Saint-Martin (le baron de). Voir Cottereau. Saint-Maurice, 122. Saint-Quentin. Voir La Tour. Sainte-Aldegonde. Voir Noircarmes. Sainte-Aldegonde (comte de), 191 Salins (comte de), 186. Salmir (Charles de), seigneur d'Onthines. 71. Sart (comte du), de Bournonville, 191, 192, 195. Sart (marquis du), de Bournonville, 186, 187. Sauvage (comte de), 187. Scepiaux (marquis de), 191, 192, 195. Scey (baron de). Voir Beauffremont. Schadick (Gérard de), 71. Sciierrick (Jean-Christophe), 127. Schetz (comte de Grobbendonck), 185, 186, 187. Schetz (Antoine), baron de Grobbendonck, 144, 145, 151, 155. Schetz (Lancelot), comte de Grobbendonck, sei- gneur de Wesemael, 128, 155, 148. ScHfNGEN, 126. Schoorman (Alexandre), 126, 128. SciioTiE (Pierre), 126. Seniguem (comte de), 151. Sibricut de Destorff (Alexandre), 159. Simon de Huv, 1 18, Soi.re-sur-Sambre, (seigneur de). Voir Caronde- let. Soltz, 51. Soria (Louis de), 129. Soi ha y (Gérard de), 126. Soun\Y (Pierre de), seigneur de Florennes, 110. Spinnelly (Charles), 111. Spangen (Philippe de), 129. Spangere (Pierre), 128. Spinola (comte de Bruay, 104, 129, 151, 154, 157, 158. Steelant (Jacques de) , 127. Stein (Chrétien), 127. Steenhuys (Henri) , 71 , 126. Sterren (Pallas-François Van der), 128. Stoppelaer (François), 155, 155. Stassin (Charles), seigneur d'Everlanges, 90, 126. Storff (Pierre), 191 , 192. Straten (Philippe Van der), 172, 173. Straten (André Van der), 171,172, 175, 175. Straten (André Van der), 122. Suvs (Ernest), baron de Clingelandt, 96. 242 TABLE DES NOMS CITES DANS L'OUVRAGE. Tailly (Antoine de), 71. Tamare (seigneur de). Voir Levin. Tellier (Pierre), 71. Termaisil ou Termichy (seigneur de). Voir Chastel. Termini (baron de). Voir Ere. Termont, 88. Tesselingen, 55. Thian (Jérôme -Albert comte de), 182. Thiry, 151. Thys, 82. Tieffenbach, 110, 111, 112. Tilbourg (seigneur de). Voir Maelsen. Tilly (comte de). Voir T'Serclaes. Tilly, 190. Thoricourt. Voir Briqiet. Tborres, 63, 66, 67. ToRQUATI - CONTI , 119. Trameley, 113, 144. Trazgenies (Gilles ou Othon de), 128. Trazegnies (Jean- Gérard), 128. Trazegnies (comte de), 119, 151 , 155. Treffer (Claude), 191, 192, 195. Trélon, 7. Trélon (marquis de), 144. Triest (Adrien), seigneur de Lemberghc, 128. Triest (Philippe), 128. Trieu (Jean de), dit Jean Van den Drissche, 115. T'.Serclaes (Antoine de), 126. T'Serclaes (Florent de), 15. T'Serclaes (Jean -Tilly), 46, 54, 56, 68,75, 77,78, 101, 102,104, 105, 109,110, 111, 114, 115, 152, 151, 158, 159, 160,161, 162, 165, 164, 165. Tympel (François van), 71. u-v Ugies (baron d'). Voir Gavre (Albert). Ursel (Charles d') , vicomte de Vyve, 126, 127. Val (Henri du), comte de Dampierre, 90, 98. Van Bever (Mclchior), 128. Vangrenaus (baron de). Voir Pontailler. Varenbon (marquis de). Voir Rye. Varick (Nicolas de), 154. Vendegies (seigneur de). Voir Goegnies. Verdigo (François) , 2 1 , 22 , 23 , 28 , 31 , 33, 55. Verdigo (Guillaume), 70, 71, 72, 110, 112, 113, 122,150,159. Verdigo (Jean), 127. Verreycken (Lambert), seigneur de Ruart, 127. Verreycken (Louis), 128. Vienne (Henri de), baron de Chevraulx, 21. Vigne (seigneur de). Voir Le Brun. Ville (baron de). Voir Lalaing (Georges). Ville (Jean de), 126. Villemond (Jean marquis de), 126. Villers ou Tertre (Alphonse de), seigneur de Leyhove, 128. Villers (seigneur de) Voir Martigny (Gilles). VlLLERVAL, 145. Vlierden (Antoine de), 128. Voisex (François de) dit Cleeron, 127. Voociit (André ou Adrien), 80, 86. Voxvry (seigneur de). Voir Halluin. TABLE DES NOMS CITÉS DANS L'OUVRAGE. 243 W Wacdtenoonck, 82. Wacken (seigneur de). Voir Bourgogne. Wael (de), 99. Wallencheux (seigneur de). Voir Bryas. Wanguen (baron de), 151 , 152, 153. Warmeu De Meldeman, 151. Waroux (baron de). T7oi> Mérode (Jean). Wasselin (Pontus de), 128. Wasselin (Hugues de), 128. Wasservas (Jean de), 128. Watervliet (seigneur de). Voir Haveskerke. Weert (Jean de), 75, 159, 140, 141. Wemmel (marquis de), 190. Werpe (seigneur de). Voir Grener. Wesemael (seigneur de). Voir Scbetz. Weynsom (François van), 128. Westerloo (marquis de), 182, 183, 186, 187. Wegnacourt (Jean), seigneur de Plouy, 127. Wignacourt (Philippe), seigneur d'Esplanques, 127. Wegnacourt (Diego), 71. Wellenhorst (Jean de), seigneur de Horst, 128. WlMTETHOVEIV, 82. Witemple , (comte), 191. Wilbem (Jean de), baron de Bautersem, 52. Wrangel (baron de), 187. Wjngarde, 82. Y-Z Yenes (marquis d') , 141. Yves (René d), seigneur de Warellcs, 126. Yves (Jean d'), seigneur d'Yves, 128. Zuvlen (Jean van), seigneur d'Erpe, 128, 150. TABLE DES MATIERES. Pages. Préface ' CHAPITRE I. HISTOIBE DE L'INFANTERIE WALLONE, DEPUIS L'ABDICATION DE CBARLES-QIIINT JUSQU'A LA PACIFICATION DE GAND. (1556-1576.) § -1. — État de l'infanterie wallone avant ie règne de Charles-Quint 1 § 2. — État de l'infanterie wallone sous l'empereur Charles-Quint 5 § 5. — État de l'infanterie wallone créée au commencement du règne de Philippe II . 12 § 4. — Rétablissement des corps wallons par le duc d'Albe. — Campagne de 1568 . . 16 § 5. — Campagnes de 1S72 à 1576 19 § 6. — Manière de combattre de l'infanterie wallone 24 CHAPITRE II. HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE PENDANT LE GOUVERNEMENT DO CONSEIL d'ÉTAT. (1576-1585.) § 1. — Mutinerie des soldats wallons 27 § 2. — Création de nouveaux régiments wallons 51 § 5. — Bataille de Gemhloux , . . . . 56 § 4. — Les Wallons après la bataille de Gcmbloux 59 § 5. — Tous les corps wallons rentrent successivement sous l'autorité du roi . . . . 42 TABLE DES MATIÈRES. 245 CHAPITRE III. HISTOIRE DE L'iNFAMERlE WALLONE DEPUIS LA PRISE D'ANVERS JUSQU'A LA FIN DU XVIe SIECLE. (1 586-1 GOO.) Pages. § \. — Campagnes d'Alexandre Farnèse dans le Nord; expéditions de 1393 en Alle- magne et en France 47 § 2. — Campagnes de 1594 et de 159G 50 § 5. — Campagnes en Allemagne 54 CHAPITRE IV. I1ISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE DEPDIS SA RÉORGANISATION EN 1600 JUSQU'AU COMBENCEMEM DE LA GUERRE DE TRENTE ANS. ( 1G00-16I8.) § I. — Réorganisation de l'infanterie wallonc 57 §2. — Bataille de Nieuport; siège d'Oslende; guerre de Juliers Ci § 3. — Les Wallons en Allemagne 1)8 § 4. — Les Wallons en Italie 70 CHAPITRE V. HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE PENDANT LA PREMIÈRE PÉRIODE DE LA GUERRE DE TRENTE ANS. (161 8-1 625.) § 1. — Part que prennent les Belges à la guerre de Trente ans 73 § 2. — Expédition du comte de Buquoy en Bohême 78 §3. — Le comte de T'Serclaes-Tilly réorganise l'armée bavaroise 102 § 4. — Opérations en Bohême des armées impériales combinées 103 §5. — Le comte de Tilly et Ernest de Mansfelt H a § 6. — Le comte de Buquoy dans la haute Hongrie; sa mort 117 CHAPITRE VI. HISTOIRE DE L'iNFANTERIE WALLONE DEPUIS LA TRÊVE DE DOUZE ANS JUSQU'A LA PAIX DES PYRÉNÉES. (16-24-1638.1 § 1. — La guerre aux Pays-Bas après l'expiration de la trêve de douze ans. — Guerre avec la France 125 § 2. — Épisodes de la guerre de Trente ans 155 § 5. — Révolte de la Catalogne 165 Tome XL1I. 32 246 TABLE DES MATIERES. CHAPITRE VII. . HISTOIRE DE L'iNFANTERIE WALLONE JUSQU'A l'aVÉNEMENT DU DUC d'aNJOL- AC TRÔNE D'ESPAGNE. (1660-1700.) § I. — État de l'infanterie wallone après la paix des Pyrénées 177 § 2. — Décadence de l'infanterie wallone 182 CHAPITRE VIII. HISTOIRE DE L'INFANTERIE WALLONE PENDANT LE XVIIIe SIÈCLE. (1700-1794.) § 1. — Gouvernement du duc d'Anjou 18i § 2. — Notice sur les régiments wallons restés au service de l'Espagne après le passage de la Belgique sous la domination de l'Autriche 190 § 3. — Notice sur les régiments wallons au service de Naples 169 ANNEXES. I. — Liste des noms qu'ont portés les régiments et les tercios wallons, bas-allemands et bourguignons 207 II. — Liste des régiments wallons au service de l'Espagne qui ont porté des noms de province ou de villes des Pays-Bas 215 III. — Liste des colonels et mestres de camp des régiments et tercios wallons, bas-alle- mands et bourguignons 218 Table des noms cités dans l'ouvrage 231 < "ïï 3 2044 093 293 256 Date Due I AUG 21 1959