^

1 (1^^^%^^^

I^B

1

>

- --i^

111 t<l

0

r

< or en

LU -* ?^

^^^

ILl

o

JaHy

n

_i

jmi^H&.

h-

[Q

■■^^^

11 .

3

i

r^^H

O

LL

i

r^'B

^

n «

>

Q O h-

Z O

4

y=^

u

o

QQ

i^^^ll

ILJ H 1-

z

1

^

^■1

^^^^B

t n

n

J

^rr— T-î,,.^^

>^

•^^

^^^s

n .\-'

ï

MÉMOIRES

DELA

MINORITÉ

D £

LOUIS X I

MÉMOIRES

DELA

MINORITÉ

D E

LOUIS XIV,

Corrigés O augmentés de -plufieurs chofes fort confi- dérabîes , qui manquent dans les autres Editions^

Avec une Préface nouvelle , qui fcrt d'Indice & de Sommaire.

Par M. le Duc D. L. R.

Tome II.

•^■

A TREVOUX,

Aux dépens de la Compagnie,

M. D C C. L I V.

*"^ ** «il» ♦* ** *<* <i* v\t <i* fl* ^•^i i^: *'* ^;t «ic •snv -a» -irN- vft^ •>/;«• -ti^^v tAc* tA-î" ''iw •5<w -jA^ •^î* -jftc -^ v/w •>r.>?

MEMOIRES

D E

M. D. L. R...

La prison des Princ es.

%^^t^ E Roi avoic accordé la

^ L, 2 P^^'^ ^^ Parlement de Pa-

feC^^'Sil ^'^s > ^ ^ ^^^^ ^^^^^ ^^^ ^- voientpris Ton parti en Pannée 1649.

de la plus grande part des peuples Pavoit reçue avec trop de joye, pour lairtèr lieu d'appréhender qu'on les pût porter une féconde fois à la trou- bler. Le Cardinal Mazarin raffermi par la protedtion de Mr. le Duc Tome //• A

% M E M O 1 p. E s

d'Orléans , &c de Monficur le Prin- ce 5 commençoic à ne plus craindre les effets de la haine publique , &C CCS deux Princes fe proraetcoient , qu'il auroit une reconnoillànce pro- portionnée à fes obligations ôc à fes promeffes. Monlieur le Duc d'Or- léans en attendoic les effets fans in- quiétude 5 content de la parc qu'il avoir aux affaires , 5c des efpérances qu'on donnoit à l'Abbé de la Ri- vière 5 de le faire Cardinal, Mais Monfieur le Prince n'étoit pas fi aifé à farisfaire ; fes fervices paffés , c^ ceux qu'il venoic de rendre avec tant de fuccès au fiége de Paris , portoient bien loin fes prétentions , Ôc elles commençoient à embarralïèi* le Cardinal.

La Cour écoic encore à Corn-, piegne , &c quelques raifons qu'il y^ eût pour la ramener à Paris , Iç.; Cardinal ne pouvoir fe réioudjre .^î y retourner, de peur d'expofer fa

D E M. D. L. R. 5

peifonne à la furie d'un peuple , qui avoic témoigné depuis peu tant d'animofité contre lui. Il falloic néanmoins fe déterminer à quelque chofe , ôc s'A lui paroilîoit dange- reux de fe fier à Tes ennem.is , il ne l'étoic pas moins de témoigner de les craindre. Dans ces irréfolutions, perfonne n'ofoit lui donner con- feil , & il n'en pouvoit prendre lui-mêm.e , Monfieur le Prince crut que pour achever fon ouvrage , il devoir aller à Paris , afin que félon la difpofition il trouveroit les efpfits 5 il eût l'avantage d'y rame- ner la Cour ou de la porter à pren-' dre d'autres mefures. En effet , tV y fut reçu , comme il avoir accou- tumé de l'être au retour de fes plus gloricufes campagnes. Cet exemple ayant ralTuré le Cardinal, on ne balança plus pour retourner à Paris : Monfieur le Prince y accompagna le Roi , de en arrivant au Palais A 2

4 M E î^f O I R E s

Royal 5 la Reine lui dit publiquc- jïient , qu'on ne pouvoit aflèz re- connoître fes fei'vices , qu'il s'étoic olorieufement acquité de la parole qu'il lui avoit donnée de i-écablir Tautorité du Roi , de de maincenir Mr. le Cardinal. Mais la fortune changea bicn-tot ces paroles en deS' effets contraires.

Cependant Monfieur le Prince croit dans une liaifon particulière avec Mr. le Duc d'Orléans y il avoio elfayé de l'établir par les extrêmes déférences , qu'il avoit affedté de lui rendre durant la guerre , & il les continuoit encore avec le mênie foin : mais il ne garda pas long.- temps de femblables mefures avec le Cardinal Mazarin ; cc bien qu'il ne fut pas encore réfolu de romprt ouvertement avec Ijltî , il fit afTeî connoitre par des railleries piquan- tes 5 &c par une oppoiition continuel- le à fcs avis , qu'il le croygi.t pei

DE M. D. L. R. j

digne de la place qu'il occupoit , 6c qu'il fe repentoit même de la lui avoir confervée. On attribue cetre conduite à des motifs bien diffe- rens ; mais il eft certain , que le premier fujet de leur méfincelligen- ccavoic com.mencé durant la guer- re de Paris , oii Moniieur le Prince crut 3 que le Cardinal vouloit: adroitement rejetrer fur lui la haine des peuples 5 en lefaifant palTer pc3ur Pauteur de tous les maux qu'ils avoient foufferts : de forte que ce Prince crut en devoir ufer ainiî en- vers le Cardinal , pour regagner dans Popinion du monde ce qu'il y avoir perdu par la prote6licn qu'il avoit donnée à un homme géné- ralement haï j en Pempêchant de fortir du Royaume , t5^ de céder à mauvaife fortune. Outre que fe fouvenant' de Pabartement ' que le Cardinal avoit montré pendant les derrjçrs défordres , il fat petfuadé^

6 Mémoires

qu'il fuffiloit de lui faire peur , 8c de le méprifer , pour lui attirer de nouvelles affaires , & pour l'obliger de recourir de nouveau à lui , avec la même dépendance que par le paffé. Il s'imagina peut-être encore fur le bon traitement que la Reine lui a voit fait à Saint Germain , qu'il ne lui feroit pas impoiïible de lui faire appercevoir les défauts du Car- dinal 5 èc de s'établir auprès d'elle après l'y avoir détruit. Enfin , quel- les que fufTent les véritables caufes de ce changement , Mr. le Prince réfolut de fe reconcilier avec les Frondeurs y croyant ne pouvoir mieux lever les imprefïions , que le monde avoit prifes contre lui , qu'en fe liant avec des gens dont les peuples ëpouioient aveuglément les affec- tions de les fentimens.

Le nom de Frondeurs avoit été donné du commencement à ceux du Parlement, qui étoient oppofés

D E M. D. L. R. 7

aux volontés de la Cour ; mais de- puis le Duc de Beaurorc , le Coad- juteuL' de Paris, le Marquis de Noir- jnoutier ôc Laigucs , s'étant joints à cette cabale , s'en rendirent les Chefs j auiquels Ce joignirent après Madame de Chcvreuie , & Mr. de Châteauneuf j avec leurs amis. On crût que Mr. le Prince n'eut jamais intention de fe mettre à leur tête contre la Cour , mais feulement de regagner , comme j'ai dit , l'efpric xles peuples , de fe rendre par-là re- doutable au Cardinal , & de faire par ce moyen fa condition plus avantageufe avec lui. Jufques-là il avoit paru irréconciliable avec Mr. le Prince de Conti & Madame de -Longueville ^ &c même dans le Trai- té de paix de Paris il s'emporta contre eux avec une aigreur extrê- me , foie que ce fut pour faire fa Cour 5 ou par un fentim.ent de ven- geance , pour s'être féparés de lui, A 4

s Mémoires Outre cela , il fut diredement cori" traire au rétablidemcnt de Ton frère & de ion beau- frère dans leurs Gou- vcrnemens y &c par une très -mé- chante politique , il s^oppofa à l'in- tention qu'on eût à la Cour de donner le Mont-Olimpe & Charle- ville à Monlieur le Prince de Conti, & le rcrtraignit à accepter Dam- villiers.

Ce procédé extraordinaire parut aufTi rude à ce Prince Se à Madame «ie Longueville quil Tétoit en effet. Se dans cet embarras ils chargèrent .tous deux le Prince de Mariillac , fils aîné du Duc de la Rochefr>u- cault , qui avoit alors toute leur confiance , d'écouter les propofi- tions que PAbbé de la Rivière prin- cipal Miniftre de Moniieur le Duc d'Orléans , leur fit faire par le Mar- quis de Flamarin, fçavoir ; Que Son AltefTe Royale entreroit dans leurs •intérêts contre Moniieur le Prince;

b E M. D. L. R. 9

^ue Mr. le Prince de Conri aiiroic l'entrée au Confeil avec Damvilliers pour Place de fureté j & que lui dc le Duc de Long;ueviUe feroicnc rétci- blis dans les fonctions de leurs char- ges 5 pourvu que Mr. le Prince de Conti renonçât au Cardinalat en fa- veur de l'Abbé de la Rivière. Cette affaire fut conclue à l'heure même par le Prince dc Marfillac , qui la trouvoit d'autant plus avantageufc a ce Prince , qu'étant déjà réfoki de changer de condition , il ne per- doit rien en renonçant à la préten- tion d^être Cardinal , & qu^l obte- îioit par le moyen de Monlicur tout ce que la Cour lui refafoit. Et ce qui étoit encore plus conlîdérable , c'étoic qu'en liant l'Abbé de la Ri- vière par fon plus grand intérêt , il attachoit par le même moyen Mr. le Duc d'Orléans à foûtenir en tout temps &c en toutes rencontres Mr. le Prince de Conti ôc Madame de Longueyille. A 5

10 Mémoires

Ce Traité conclu , fans que Mr le Prince y eut aucune part , lui fit bien-tôt fouhaiter de fe reconcilier avec Ton frère de fa fœur. Pour montrer qu'il entroit ijncerement dans les intérêts de fes proches j il prit prétexte d'éclater contre le Car- dinal , fur le refus qu'on fit au Duc de Longueville du Gouvernement du Pont- de - TArche , après le lui avoir promis -, ce qui réjouît infini- ment les Frondeurs, Mais foie que Mr. le Prince ne pûc fe fier à eux , ou qu'il ne voulût pas être long- temps mal à la Cour , il fe raccom- moda dans huit jours avec Mr. le Cardinal , qui lui fit perdre de nou- veau les Frondeurs , qui s'emportè- rent contre lui , fans garder aucunes des mefures qu'ils dévoient à fou mérite & à fa qualité ; car ils fe plaignirent publiquement , que ce que Monfieur le Prince venoit de faire , étoit une fuite des mêmes

D E M. D. L. R. II

artifices , donc il s'étoic déjà fcrvi pour les turprendre. Ils renouvelle- rent i'aftaire de Noifi près de Saine jiGermain , Madame de Longue- ^ ville avoit été quelque temps , & ou Moniieur le Prince de Conti de le Duc de Lon^ueville l'étant allé voir 5 le Duc de Rets &: le Coadju- teui* s'y rendirent fous prétexte de vifiter aufïi cette Princeflè 5 mais en ^ effet , pour les porter , comme ils firent , à le lier avec les Frondeurs» Ils foùtenoienc que Mr. le Prince avoit fçLi tout ce traité , ô^ qu'il avoic pris avec eux les mêmes enga- gemens que Tes proches *, & ajou- toienc que la fi-iite avoit bien fait voir qu'il ne leur avoit donné fa parole (a), que pour les pouvoir plus facilement facrifier aux inte- A 6

(a.) Ils difoient qu'il a'voit âonné en- vole k Bi-cufel é" k Longaeil de fe mettre k Lr tête des Frondeurs.

11 Mémoires rets &: à la haine du Cardinal. Ces bruits femés dans le monde , y fai- foient quelque împrefTion , 6c le peuple recevoit toutes celles qui lui venoienc des Frondeurs , fans les examiner. Ainfi , Mr. le Prince fe vit .abandonné dans un inftant de tout ce qui s'étoit joint à lui contre le Cardinal , excepté de fa famille, qui ne lui fut pas inutile par la confidération Madame de Lon- ;gueville fe trouvoit alors , à caufe àq l'opinion qu'on avoit de fon am- bition èc de fa fermeté ôc encore plus de fa haine déclarée contre le Cardinal , qui pour ces raifons gar- -doit bien plus de mefures avec elle qu'avec fes frères.

Il arriva en ce temps-là une que- telle particulière , qui fut fur le point de renou-vcller la générale. Le Duc de Beaufort croyant que le Marquis de Jarzay , 6c d'autres gens dépenda;is du Cardinal ,

DE M. D. L. R. 1 5

avoient afFcclé de le morguer aux Tuilleries pour perfuader que fon crédit parmi le peuple étoit fini avec la guerre , il le réfolut de leur faire un affront public. Ua foir qu'ils foupoient enfemble dans le jardin de Renard , il y alla avec beaucoup de gens , chaflk les vio- lons , renverfa la table & les plats avec tant de dél ordre & de con- fuiion 5 que le Duc de Candale , Bouteville ^ St. Mefgrin &: plufieurs autres qui écoient du fouper , cou- rurent fortune d'être tués, de Jarzay y fut blelTé par des domeftiques du Duc de Beaufort. Toutefois cette affaire r/eut pas les fuites qu'elle devoit avoir vraifenriblablement. Plufieurs d'entre ceux qui avoienr part à cette offenfe , firent appeller le Duc y mais il ne crut pas les devoir fatisfaire dans une conjonc- ture comme celle ou il fe trouvoir. Mr. le Prince y prit les intérêts de

14 Mémoires la Couu ôc ceux du Cardinal avec la même chaleur qu'il avoir eue dans les autres temps , mais le Car- dinal perdant aifément le fouvenir des bienfaits de Mr. le Prince., confervoit celui des mécontente- mens qu'il en avoit reçus , de fous prétexte d'un raccommodement îincere , il ne perdit point d'occa- iion de fe prévaloir avec induftrie de fa trop grande confiance. Ayant donc pénétré que les delleins de Mr. le Prince ne tendoient qu'à lui faire peur, comme j'ai déjà dit; il crût le devoir entretenir dans cette penfée , en affedant de témoi- gner de le craindre pour pouvoir venir à bout avec moins de foup- çon du projet qu'il faifoit contre fa liberté. Dans cette vue , tous fes difcours ôc toutes fes adions faifoient paroitre fon abattement : il ne parloit que d'abcndonner les affaires , de de forcir du Royaume,

DE M. D. L. R. i|

ôc les chofes paiTerent (i avant qu'il convint de ne plus donner de Gou- vernemens de Province , de Char- ges dans la Maifon du Roi , ni d'Offices de la Couronne fans l'ap- probation de Mr. le Prince , de Mr. Ton frère , &c de Mr. de de Madame de Longueville , à qui l'on rendoit aulTi compte de l'ad- miniftratiou des Finances. Ces pro- mets fi étendues , &c données en termes généraux , faifoient tout l'effet qu'il pouvoit défirer. Elles ébloui (îbient Mr. le Prince &c tous fes amisj elles confirmoient le mon- de dans l'opinion , qu'on y avoic conçue de la crainte du Cardinal t elles faifoient même défirer fa con- fervation à fes propres ennemis > croyant trouver mieux leurs avan- tages dans la foibleffe de fon mi- niftére, que dans un Gouvernement plus ferme & mieux réglé. Enfin ^ il gagnoir par avec beaucoup

î6 Mémoires

d'adrefle tout le temps qui lui étoît neceflaire pour tous les dedeins qu'il pouiToit former contre Mr. le Prince.

Mais pendant qu'il donnoit tou- tes les démonftrations publiques de vouloir entrer, non-feulement dans les lentimens de Mr. le Prince , mais encore dans tous les intérêts de fes amis , il y étoit fous main directement contraire , ainfi qu'il le montra dans une rencontre , qui fe préfenta , Mr. le Prince obtint pour la Maifon de la Rochefoucauk le même rang (a) , qui avoit été accordé à celle de Montbazon, ôc à quelques autres. Car le Cardinal fit demander par Mr. le Duc d'Orléans une pareille grâce pour (b) celle d'Albret^ & fufcira en même temps une affemblée de Noblefle pour s'y

( a ) Le talouret four U f rince (je de ^arjillac.

( b ) Four Madame de Vons .

D E M. D. L. R. 17 oppofer ( a ). Enfin , foie qu'il en craignît véritablement les fuites , ou qu'il en fit le femblant , il aima mieux révoquer ce qu'on avoit déjà fait en faveur des Maifons de Foix , de Rohan 6c de Luxembourg , que de maintenir ce que Mr. le Prince avoit obtenu pour celle du Prince de Marfillac. Tout cela aigrifToit bien Monfieur le Prince , mais ne lui faifoit rien foupçonner de ce qui alloît éclater contre lui : de bien qu'il fût mal fatisfait du Cardinal , il ne prenoit toutefois aucunes nie- fures pour le perdre , ni pour s'em- pêcher d'être perdu ; & il eft cer- tain que jurqu'à fa prifon , jamais fujet n'a été plus fournis que lui à l'autorité du Roi, ni plus dévoué aux intérêts de l'Etat -, mais le m.alheur de la France , de le iien propre y le

(21) Cette affemhlee fe tint chez, le Ma^. réchal àe VHcpital , (^ fut fuivie de Ia ré-vocaticn des tdboHYsîi (accordés depuis I4 1ie;rence.

i8 Mémoires contraignirent bien - tôt à changei: de fentimenr.

Le traité de mariage du Duc de Mercœur , fils aîné du Duc de Vendôme avec une des Nièces du Cardinal Mazarin en fut une des principales caafcs , ëc renouvella toute l'aigreut qui fembloit être alïoupie entre ce Minillre ôc Mr. le Prince. Il y avoit donné les mains devant la guerre de Paris , foit qu'il n'en eût pas prévu les fui- tes , ou que par une trop grande déférence pour la Cour , il n'eut ofé témoigner à la Reme , qu'il les prévoyoit : mais enfin , Madame de Longueville ennemie de la Mai- fon de Vendôme , craignant que les prétentions de rang du Duc de Longueville ne fufiènt troublées par l'élévation du Duc de Mercœur, fe fervit des premiers momens de fa réconciliation avec fon frère , pour lui faire connoître que ce ma-

e E M. D. L. R. ip

riage fe faiioit diredement contre leurs communs interêcs y ôc que le Cardinal laiTé de porter le joug qu'il venoit de s'impoier , voudroit prendre de nouveaux appuis pour ne dépendre plus de lui , 3c pour pouvoir manquer impunément à fes engagemens , & à la reconnoit- fance qu'il lui devoir. Monfieur le Prince fut aiie à perfuader là-deiTus, de il le fut encore davantage à pro- mettre à Mr. le Prince de Conti , &c à Madame de Loi>gueville , qià'il fe joindroit à eux , pour empêcher ce mariage , quoiqu'il eût promis à la Reine d'y confentir , comme je viens de dire. Je ne fçai ii ce fut par cette raiton , qu'il vouloit que les premières difficultés viniîent de la part de Monfieur fon frère -y ou fi ce fut pour retarder de quelques momens la peine qu'il avoir à fe déclarer contre les fenrimens de la Reine : mais enfin , on fçûc bien-tôi^

10 Mémoires qu'il ne poavoic approuver cette alliance , ôc dès lors auffi le Cardi- nal réfoluc de fe venger de lui , & d'avancer le deflein de l'arrêter. Il y rencontroit de grands obftacles i qu'il fâlloit néceilàirement furnnon- ter : la liaifon particulière de Mr. le Duc d'Orléans de de Mr. le Prince, cultivée par les foins de l^Abbé de la Rivière , en étoit un très-confi- dcrable -, on ne pouvoir divifer ces deux Princes , fans ruiner cet Abbé, oC fans perfuader en même temps à Monfieur le Duc d'Orléans que Monfieur le Prince avoit manque à Ton devoir envers lui , en quelque chofe afTez coni^dérable , pour lui faire naître le defir de le voir périr. Et ce crime imaginaire n'étoit pas fi facile à ruppofer. Il falloit encore fe réconcilier avec les Frondeuri^ ôc que ce fut par un traité fi fecref i que Monfieur le Prince n'en put avoir de foupçon. Le peuple ôc le

DE M. D. L. R. 2 2

Parlemwiir le dévoient ignorer aulïi ; car autrement les Frondeurs fe fe- roient rendus inutiles à la Cour , & ^uroient perdu leur crédit , qui n'é- toit fondé que fur l'opinion qu'avoic le peuple qu'ils étoient irréconcilia- bles avec le Cardinal. Je ne puis dire fi ce fut fon habileté , qui lui fit in- venter les moyens qu'on employa contre la liberté de Mr. le Prince ; mais au moins je puis affurer qu'il fe fervit adroitement de ceux que la fortune lui préfenta ^ pour vaincre les difficultés qui s'oppofoient à un deffein périlleux. Enfin un nommé Jolly 5 créature du Coadjuteur de Paris y fournit alors de la matière à tous les défordres qui ont fuivi.

Parmi les plaintes générales qui fe faifoient contre le Gouverne- ment , le Corps des Rentiers de l'Hôtel de Ville de Paris paroi (Toit le plus animé. On voyoit tous les jours un nombre de bonnes familles-

iz Mémoires

réduites à la dernière nécefficé, fuî- vre le Roi ôc la Reine dans les rues & dans les Egliies , pour de- mander juftice contre la dureté des Surintendans , qui prenoient tout leur bien.Qiielques-uns s'en plaigni- rent au Parlement , &c entr'autres ce Jolly y parla avec beaucoup de chaleur contre la mauvaife admi- aiiftration des Finances. Et il arriva que lendemain allant au Palais pour cette même affaire , on tira quel- ques coups de piilolet dans le car- rolîe il étoit, dont néanmoins il ne fut pas bleffé. On ne put dé- couvrir 1 auteur de cette adion, 8c il eft difficile de juger i\ la Cour la fit faire pour punir Jolly , ou ii les Frondeurs la firent eux-mêmes de concert avec lui , pour avoir un fujet d'émouvoir le peuple & de faire une fédition. D'autres on cru, que ce furent des ennemis dudic Jolly, qui av oient voulu lui faire

D E M. D. L. R. 23

plus de peur que de mal. Mais quelque deflein qu'on ait eu en cet- te rencontre , elle fut auiïi-tôt ré- pandue dans Paris , comme un effet de la cruauté du Cardinal ; ôc la Boulaye qui étoit attaché au Duc de Beaufort , parut en mem.e temps au Palais 5 demandant juftice au Parle- ment de cet attentat contre la liber- té publique. Peu de gens furent per- fuadés que Ton zèle fut aulTi définte- reffi, qu'il le vouloit faire croire, Sc peu aufïi fe difpoferent à le fuivre : ainfl le tumulte ne fut ni violent ni de longue durée. La préfence de la Boulaye fit croire avec quelque vraifemblance 5 que ce qui s'étoit paffé, étoit un artifice des Frondeurs^ pour intimider la Cour , &: pour s'y rendre néceilairesi mais j'ai fçû de- puis d'un homme digne de foi à qui la Boulaye l'a dit , que dans le mo- ment qu'il y eut quelque apparen- ce de (édition dans l'affaire de Jol-

i4 Mémoires ly 5 le Cardinal lui donna un ordre d'aller au Palais , d'y paroître em- porté contre la Cour, d'entrer dans les fentimens du peuple, de fe join- dre à tout ce qu'il voudroic entre- prendre , & ( ce qui ell: horrible à penfer ) de tuer Monlieur le Prince, s'il paroilToit pour appaiier l'émo- tion : mais le défordre finit trop- tôt, pour donner lieu à la Boulaye d'e- xécuter unfi infâme deilcin, fi ce qu'il a dit, eft vrai.

Cependant foit que les efprics factieux du peuple ne fuflent pas entièrement appaifés , ou que la crainte du châtiment les fit radèm- bler le foir même une féconde fois, pour chercher les moyens de s'en garantir ; ou foit encore plus vrai- femblablement que le Cardinal dans la vue d'arrêter Monlieur le Prince , voulût auparavant le rendre irré- conciliable avec les Frondeurs , & que pour en venir plus facilement à

bout ,

0 E M. D. L. R. 25

bouc , criit devoir les faire paroicre coupables du crime que je viens de dire : il lui tic écrire , le foir même que le Confcil fe tenoit au Palais Royal, un billet par Servien, qui lui domioic avis que la fédicion du ma- tin avoit été fufcitée par les Fron- detirs , pour attenter à la perfonne ; qu'il y avoit encore une alTemblée dans l'irie du Palais, vis-à-vis du cheval de bronze pour le même def^ fein ; & que s'il ne donnoit ordre à fa fureté , il couroit un grand dan- ger. Monfieur le Prince fit voir cet avis à la Reine , à Mr. le Duc d'Or- léans 5 6c à Mr. le Cardinal , qui en parut encore plus furpris que les autres. Enfin , après avoir confulté ce qu'on de voit faire pour en fça- voir la vérité , il fut réfolu que fans expofer la perfonne de Monfieur le Prince à aucun danger, on remene- roit par le pont-neuf fes gens & foia carroft , com.me s'il écoit dedans \ Tome II, B

i6 Mémoires ce qui fut exécuté. Quand le car-- roire fut devant le cheval de bron- ze 5 des inconnus y tirèrent quelques coups de moufqueton, 6c bleiTerent un laquais du Comte du Duras, qui étoit monté derrière. La nou- velle en fut auffi-tôt portée au Pa- lais-Royal 5 & Monfieur le Prince demanda juftice au Roi & à la Rei- ne contre les Frondeurs, Le Cardi- nal fe furpaila lui même en cette occalion ; Ton foin (Sd fon zèle fem- blei'ent aller encore plus loin que celui des plus proches parens, 6c des plus paiïionnés amis de Mon- iteur le Prince. Il crût d'autant plus aifément que le Cardinal prenoit Tes intérêts avec chaleur , qu'il lui fembloit qu'il étoit de fa prudence de ne pas perdre une fi favorable occafion de s'ac- quitter aux dépens de fes anciens ennemis, de ce qu'il devoit à la protedioii qu'il avoit reçue de

D E M. D. L. R. ly

Monfieur le Prince contre tout le Royaume. Ainfi aidant à fe trom- per lui même , il recevoit Pempref- lement du Cardinal, comme une marque de Ton amitié & de fa re- connoifTance , bien que ce ne fût qu'un pur effet de fa haine fecrette , éc du defir d'acheminer plus fu- rement Ton entreprife.

Cependant les Frondeurs y voyant naître contre eux une il prompte ôc Cl dangereufe accufation , crurent d'abord que c'étoit un concert de Monfieur le Prince ôc da Cardinal pour les opprimer. Ils témoignèrent de la fermeté dans ^ette rencontre ; & bien qu'on fît courir dans le monde , que Monfieur le Prince fe porteroit à toute forte de violen- ce contre eux, néanmoins le Duc de Beaufort, fans s'étonner de ce bruit, alla chez le Maréchal de Gram- mont , Mondeur le Prince fou- poit -, ôc quelque furprife qu'on eût B 2,

zS Mémoires

de Ton arrivée , il y paîïà le refte du foir 3 ôc parut le moins embarrafTé de la Compagnie. Le Coadjuteur Se lui employèrent tous les moyens qu'ils purent auprès de Monfieur le Prince ôc de Madame de Loncrue- •ville > pour leur prouver leur inno- cence j &c le Marquis de Noirmou- tier propofa même de leur part au. Prince de Marfîllac , de s'allier de nouveau à toute la Maifon de Con-. contre le Cardinal, Mais Mr. le Prince, qui n'ccoit pas moin» aigri par le peu de refpeâ: qu'ils lui avoient gardé dans tout ce qu'ils lui avoient publié de l'affaire de Noifi 5 que parcequ'il croyoit qu'ils avoient eu deflTein de l'ajGTaffiner , ferma l'oreille à leurs juftifications. Et Madame de Lonsiueville fit la même chofe , animée par l'intérêt de la Maifon , Sz plus encore par le re(Tènriment particulier qu'elle avoiï contre le Coadjuteur, pour avoir

D E M. D. L. R. 29

donné des avis &c des confeils con- tre elle au Dv.c ion mari.

Les choies ne pouvoient plus de- meurer dans les termes , elles étoient alors , 2^ il falloir ou que Moniieur le Prince fe fie jurtice lui- même du confenteinent delà Cour, ou qu'il la demandât au Parlcmcnr. Le premier parti croit trop violent , ôc il ne convenoit pas au delTèin caché du Cardinal j & l'événemenc de l'autre étoit trop long &c trop douteux. Néanmoins comme l'in- tention du Cabinet étoit de mettre l'affaire entre les mains du Parle- ment, pour mortifier Moniieur le Prince par le retardement , & par le déplaiiir de fe voir aux pieds des Juges 5 dans la condition de fup- pliant aufïi-hien que fes ennemis , le Cardinal ne manqua pas de pré- textes apparens , pour l'y conduire adroitement, & pour avoir ainiî touc le temps dont il avoit bcfoin. Il lui B 3

Mémoires repréfenta que ce feroit renouvelleir la guerre civile , que d'attaquer les Frondeurs par d'autres voyes , que celles de la juftice , qui devoir être ouverte à tous les criminels \ que l'affaire dont il s'agilloit , étoit de trop grand poids , pour être décidée ailleurs qu'au Parlement , & que la confcience & la dignité du Roi ne permettoicnî pas d'employer d'au- tres moyens ; que l'attentat étoit trop vifible pour être difficile à vérifier > qu'un tel crime méritoit un grand exemple , mais que pour le donner furément, il falloit garder les ap- parences 5 & fe fervir au moins des formes ordinaires de la juftice. Monfieur le Prince fe difpofa fans peine à fuivre cet avis , fe confiant en la bonté de fa caufe , &: plus en- core en fon crédit , dont il préten- doit fe fervir en tout cas , fi le fue- cès de l'autre ne répondoit pas à fon attente. Il fit donc fa plainte au

D E M. D. L. R. 31

Palais félon les formes ordinaires , de dans tout le cours de cette affaire le Cardinal eut le plailir malicieux de le conduire lui-même dans tous les pièges qu'il lui avoir tendus. Cependant le Duc de Beauforc & le Coadjuteur dem.anderent d'être re- çus à fe juftificr , 6c cela leur ayant été accordé , les deux partis quittè- rent pour un temps les autres voyes, pour fe fervir feulement de celles du Palais. Mais Monfieur le Prince connut bien-tôt par la manière donc les Frondeurs foutenoient leurs affai- res 5 que leur crédit y pouvoir ba- lancer le lien 5 il ne pénétroit pas néanmoins dans la diiïimulatlon du Cardinal, & malgré les impreffions que lui en donnoient Madame fa fœur ôc quelques-uns de fes amis, il croyoit toujours que le Cardinal ■agiiïoit de bonne-foi. Les cliofes de- meurèrent quelques jours en ces termes j ^<. Taigreur augmentoir de B 4

32 Mémoires tous les cotés : les amis de Mr. le Prince , ôc ceux des Frondeurs , les acccmpagnoienc tous les jours au Palais 3 & les chofes fe maintenoient ainfi avec plus d'égalité, qu'on n'en dévoie attendre entre deux partis , dont les Chefs étoient fi inégaux. Mais enfxn le Cardinal efperant de recouvrer fa liberté en l'ôtant à Mr. le Prince , jugea qu'il étoit temps de s'accommoder avec \çs Frondeurs y ëc que fans craindre de leur donnei" lin moyen de fe reconcilier avec Mr. le Prince , il pouvoit en fureté leur otfrir la protection de la Cour , & prendre enfemble des mefures con- tre lui. Monficur le Prince en four- îiit même alors un prétexte allez plaufible ; car ayant fcii que Ma- dame de Lon^ueville ménaiicoic fecrettement , & depuis quelque temps 3 le mariage du Duc de Ri- chelieu & de Madanje de Pons, il les mena à Trie , de voului; autori-

ï) E M. D. L. R. 5 5

fer cette cérémonie de fa préfence , êc prit il hautement la proteccioii des nouveaux mariés contre leurs proches fa) , que le Cardinal n'eue pas de peine à donner un Tens cri- ininel à toute cette conduite , ôc à perfuadei- que les foins que Mr. le Prince ôc Madame de Longue ville avoient pris pour ce mariage , re- gardoient moins l'établilîement de cette Dame 5 que le dcfïein de s'af- furer du Havre dont Ton mari étoît Gouverneur fous Padminirtration de la Dame d'Aii^uillon fa tante. Le Cardinal trouva moyen d'aigrir auiTi Mr. le Duc d'Orléans , fur ce

B ;

faj C'eJ} <jue Madame d'Jîiguillon , ^tli "jouloit marier le Duc de Kichelieu , fon- neveu , avec une des nièces du Cardi- nal , ^rétendoit faire ca^tr le mari.ige de Madame de Fcns , quoi ofu'' elle fut de con- dition tres-égalc att jeune Duc , Ô" '^i^'iie de Vaine de la Maifon d'All^ret. Elle s'a}- felloiî dîi Fi^can,

^4 Mémoires que Mr. le Prince ne lui avoit rien dit de ce mariage : de puis il prit des mefures avec Madame de Che- vreufe , qui fe fervant habilement de l'occalion , lui propofa d'abord tout ce dont il n'avoit ofé fe dé- couvrir le premier à elle contre la liberté de Mr. le Prince. Ils en con- vinrent en général , mais les parti- cularités de ce traité furent m.éna- gées par Laigues , que ce Prince avoit défobligé fans fujet , quelque temps auparavant > de qui en avoit toujours confervé depuis un pro- fond reifentiment. Il eut alors l'a- "^'antage de régler les conditions de la prifon de Mr. le Prince , ôc de montrer combien il importe aux perfonnes de ce rang , de ne rédui- re jamais ceux qui font au-dellous d'eux à la néceflité de fe venger. Mais il refloit encore un obllacle difficile à furmonter, c'étoit de faire entrer Mr. le Duc d'Orléans dans le

D E M. D. L. R. 3 5 dedein de perdre Mr. le Prince , vu la confiance aveugle qu'il avoic depuis vingt ans aux confeils de l'Abbé de la Rivière , qui avolt tant d'intérêt de s'y oppofer. Ma- dame de Chevreufc fe charcrea de vaincre cette dernière difficulté ; & pour en venir à bout , elle fe plaignit à Mr. le Duc d'Orléans du peu de fureté qu'il y auroit défor- mais à prendre des mefures parti- culières avec lui ; que toutes fes pa- roles étoient rapportées par l'Abbé de la Rivière à Mr. le Prince Qc à Madame de Longueville , & que s*étant livré à eux de crainte d'être troublé à R.ome dans fa prétention du chapeau , il les avoit rendus ar- bitres du fecret & de la conduite de fon maître. Elle lui perfuada inême 5 qu'il étoit entré avec eux dans toute la négociation du ma- riage de Madame de Pons ; & que toutes chofes fe faifoier:: tellement B 6

!^6 Mémoires de concert enfemble , que Madame la Princenc la Mère n'avoit aiTifté avec tant de chaleur Mademoifelle de Saugcon clans le deflein qu'elle avoit d'écre Carmélite , que pour éloigner cette fille de la préfence ôc de la confiance de Mr. le Duc d'Orléans, & pour empêcher qu'elle ne lui fît lemarquer la conduite de l'Abbé de la Rivière , <k fa dépendance aveugle de la Maifon de Condé. Enfin Madame de Chevreufe fcat fi tien aigrir Mr. le Duc d'Orléans ôc contre Mr. le Prince , 6c contre la Rivière , qu'elle le rendit dès lors capable de toutes les impreffions, de de tous les fentimens qu'on lui voulut donner.

Le Cardinal de Ton côté, renou- vella artificieufement au Duc de Rohan une proportion , qu'il lui avoit faite autrefois , pour engager Mr. le Prince à prétendre la charge de Connétable , à quoi il n'avoir

DE M. D. L. R. 37

jamais voulu entendre , pour éviter de donner jaloufie à Mr. le Duc d'Orléans. Et bien que Mr. le Prin- ce la rejettât cette féconde fois , par la même coniidération , le Cardinal fçût tellement fe prévaloir des conférences particulières qu^il eut fur ce fujet avec le Duc Rohan, qu^il leur donna toutes les appa- rences d'une négociation fecrete , que Mr. le Prince m.énageoit avec lui fans la participation de Mr. le Duc d'Orléans (a) , &c en quelque

{a) Le Cardinal, dit Mr. le Prince dans un de Tes Manifeftes , qui preioyoit bien que Mr. le Duc d'Orléans étoit four demander Vépee de Ccnnétahls , afin de fe confeyvcr dans la Majorité du IX ci la friticipale fonâicn de fa Lieutenance Géné- rale , employa fes artifices ordinaires , pour m* engager k la potirfuiire ; partie pour nous c o;mnettre tous deux dans la demande àe cette Charge ; partie pour en tirer de moi quelque récompcnje. l^ncore me la fit-il offrir par le Duc Rohan , a conit-' tionqueje cedajfekfon Neveu Mancin^

58 Mémoires façon contre Tes fentimens. De forte que ce Duc ayant reçu toutes ces impreiuons , de voyant un procédé qui lui paroi(ïoit tout cnfemble peu fincere ôc peu refpedtueux de la part Mr. le Prince , il fe crût dégagé de tout ce qu'il lui avoit promis , & confentit dès l'heure , fans ba- lancer, au deffein de le faire arrêter prifonnier.

Le jour qu'ils choifirent pour l'exécution , fut celui du premier Confeil. Ils refolurent aufïi de s'af- furer du Prince de Conti ôc du Duc de Longueville , croyant remé- dier par à tous les défordres ,

tout ce que je f retendais fur V Amirauté , ou que je lui donnajje le bâton de Grand- Maître. Si cette épée de-voit être pré- judiciable a l'Etat entre mes ?7jains , éf* me donner moyen de pajjer d'un état par- ticulier a la Royauté , m'en dtv oit-il faiye la proportion , ^ s'obliger lui-même de 4a faire agréer à S. A. K. pour les intérêts de laquelle je refufots d'y entendre f

DE M. D. L. R. 55?

que pouvoir produire une telle en- trepnfe. Depuis quelque temps y ces Princes, à l'inftance de Madame de Longucville, avoient évité de fe trouver tous trois enfemble au Pa- lais-Royal 5 & ils le faifoient bien plus par complaifance pour elle 5 que par aucune perfuadon que cette conduite fut neceflaire à leur fureté. Ce n'eft pas qu'ils n'eufifenc reçu plusieurs avis de ce qui étoit à la veille de leur arriver , mais Mr. le Prince y faifoit trop peu de réflexion pour s'en fervir > 6c les recevoit même quelque fois avec une raillerie aigre , évitant d'entrer en matière pour n'avouer pas qu'il avoit pris de fauffes mefures. De forte que fes plus proches parens & fes amis craignoient de dire leurs fencimens là-delTus. Néanmoins le Prince de MarfiUac , ( que l'on nommera déformais le Duc de la Rochefaucauk 5 à caufe de la mor:

40 M E l^î O I R E s

de Ton père , arrivée en ce même temps ) voyant les divers procédés de Mr. le Duc d'Orlcans envers les Frondeurs , & envers Mr. le Prince, die à Mr. le Prince de Conti le jour qu'il fut arrêté , que la Rivière était aflurément gagné de la Cour, ou perdu auprès de Ton Maître , & qu'ainfi il n'y avoit pas un moment de fureté à la Cour pour Mr. le Prince 5 & pour lui. Et le jour d^'auparavant , il dit à la Mouflayc que le Capitaine de fon quartier lui écoit venu dire , qu'on Pavoit envoyé quérir de la part du Roi , èc qu'étant dans la Galerie du Pa- lais-Royal 5 Monsieur le Tellier lui avoit demandé , le peuple n'approuveroit pas que le Roi fît quelque action éclatante pour réta- blir Ion autorité : à quoi l'autre répondit , que pourvu qu'on n'ar- têtât point Mr. le Duc de Beaufort , il n'y avoit rien à quoi l'on ne con-

D E M. D. L. R.

fentît. Sur cela , le Capitaine vint trouver le Duc de la Rochefoucauk, 6c lui dit qu'on vouloir perdre Mr. le Prince , ôc que de la façon qu'il voyoit prendre les mefures , ce devoit être dans très-peu de temps, La Mouflaye promit de le dire , mais Mr. le Prince dit qu'il ne lui en a jam.ais parlé. Cependant le Cardinal ajoute la raillerie à tout ce qu'il préparoit contre Mr. le Prince , lui difânt , qu'il vouloir ce jour même lui facriher les Fron^ deurs^ èi qu'il avoir donné les or- dres pour faire arrêter le nommée des Couchéres , qui étoit le princi- pal auteur de la fédition de JoUy , & qui commandoit ceux qui atta- quèrent Ton carrofTè fur le Pont- neuf; mais que dans la crainte que les Fror^denrs fe voyant ainfi dé- couverts , ne fiffcnt quelque effort , pour le retirer des mains de l'Offi- aer <jui le deyolt mener au Bois ds

42. Mémoires Vincennes , il falloir que Mr. le Prince prie le foin d'ordonner les Gendarmes C5: les Chevaux- légers du Roi 5 pour le conduire fans dé- fordre. Mr. le Prince eut alors la confiance qu'il falloit pour être trompé y il s'acquitta éxaétement de fa commiffion , de prit toutes les précautions néceffaires pour fe . faire mener furement en prifon. Le Duc de Longue ville étoit à Cbaillot 5 de le Cardinal lui manda par Prioleau Ton Agent , qu'il par- ieroit le jour même au Confeil , de la furvivance du- Vieux-Palais de Rouen en faveur du fils de Mr. de Beuvron dépendant de lui, & qu'il la lui remettroit entre les mains , afin que cette MaifQn la tînt de lui. Le Duc fe rendit aufïi-tôt au Palais- Royal , le foir du i 8. Janvier i 650. & Mr. le Prince , Mr. de Conti 3c lui étant entres dans la Galerie de i'appartenienc de la Reine ^ ils y

D E M. D. L. R. 43 furent arrêtés par Guitsult Capitai- ne de fes Gardes, Quelque temps après, on les nt monter dans un car- rofle du Roi, qui les attendoit à la petite porte du jardin. Leur efcorte fe trouva bien plus foible , qu'on n'avoit cru : elle étoit conTimandée par le Comte de Mioilans Lieute- nant des Gendarmes; Ôc Cominges, Lieutenant de Guitault Ton oncle , les gardoit. Jamais des perfonnes de telle importance ne furent con- duites en prifon par un fi petit nombre de gens , car il n'y avoic que feize hommes à cheval , avec ce qui étoit en carrofTe avec eux. Tout le monde fçait comm.e le carrofTe s'étant rompu encre Paris & Vincennes , ils demeurèrent qua- tre ou cinq heures par le chemin > belle occafion pour ceux qui au- roient voulu entreprendre de les délivrer , mais perfonne fe vait en devoir de le faire.

44 Mémoires

On voulut arrêter en même temps le Duc de la Rçchefoucault <Sc la MouiTaye , 6c l'on envoya Mr. de la Vrilliere porter un ordre à la DuchefTe de Longueville , d'aller trouver la Relire au Palais-Royal , l'on avoir deiîcin de la retenir ; mais le Duc de la Rochcfoucauk la fit réfoudre de partir à l'heure même , 3c d'aller en diligence en Normandie , pour engager le Par- lement de Rouen , ce la Norman- die 5 de prendre le parti des Prin- ces 5 &: pour s'afîurer des amis ôc des Places du Duc Ton mari, &: du Havre de Grâce. Le Duc de la Rochefoucault l'accompagna en ce voyage ; mais cette Princelle , après avoir efîayé inutilement de gagner le Parlement , fe retira à Dieppe , qui ne lui fervit de retraite que jufqu'à la venue de la Cour , qui fut fi prompte , & la prella de telle force que pour fe garantir d'ccre

DE M. D. L. R. 45

jlrrêcée par les bourgeois de Dieppe, de par PleiTis-Belliere , qui y éroic allé avec des troupes de la parc du Roi 5 elle fut contrainte de s'em- barquer , de de pâlïèr en Hollande pour aller à Scenay , le Maréchal de Turenne s'éroit retiré dès la prifon des Princes. Le Duc de la Rochefoucaulc partit de Dieppe cinq ou iix jours devant la DucheiTe de Longueviile , Se s'en alla dans fon Gouvernement de Poitou , pour y difpQfer les chofes à la guerre , &c pour eflayer avec les Ducs de Bouillon 5 de Sr. Simon ^ de de la Force de renouveller les méconten- temens du Parlement , & de la ville de Bordeaux , Si de les obliger à prendre les intérêts de Mr. le Prince , puifque les Manifeftes de la Cour ne lui imputoient pas de plus grands crimes , que d'avoir protégé hautement les intérêts de Bordeaux.

4^ Mémoires

Pour ce qui elt des raifous qui ont obligé le Cardinal à arrêter Mr. le Prince 5 je fuis perfuadé , qu'il n'y en a point eu de bonne (a) , 6c que toutes les régies de la Politique ctoient contre ce delTein-là , comme les évenemens l'ont fait voir. Outre que jufque-là Mr. le Prince n'avoic pas même été foupçonné de la moindre penfée contre l'Etat. Je crois donc , que non feulement le Cardinal a voulu être par le maître de la Cour -, mais encore qu'il n'a pu foutirit la manière ai- gre 5 & méprifante avec laquelle le Prince de Condé le traitoit en public 5 afin de regagner dans le monde , ce que leur reconciliation lui avoit ôcé. Il faifoit la même chofe dans les Confeils particuliers pour le détruire dans l'efprit de la

(a) Caiifla periculi , non crimen ul- lum fed gloria viri. In ^gricoU,

D E M. D. L. R. 47

Reine , &z y prendre le pofte qu'il y occupoir. Enfin , Paigreur aug- mentant encre Mr. le Prince de lui , il le hâta de le perdre pour ne lui pas donner le temps de Ce reconci- lier avec les Frondeurs, Il conduifîc fi adroitement cette affaire , que le Prince de Condé crût non feule- ment que les préparatifs y que l'on faifoit pour l'arrêter , regardoienc les Frondeurs ; mais même dans cette vûe-là , il donna lui-même les ordres pour fe faire conduire plus fiirement en prifon. La chofe fut exécutée d'un confentement Ci général des peuples y que la Duchefïè de Longueville étant retirée , fans être connue , dans une maifon par- ticulière 5 pour attendre les chofes neceflaires pour partir , vit allum.er les feux de joye , ôc paroître les autres marques de la réjouiflance publique pour la détention de fes frères «Se de fon mari.

4^ Mémoires

L'autorité de la Coui: fembloit plus affermie que jamais par la prifoii des Princes , Se par la recon- ciliation des Frondeurs, La Nor- mandie a voit reçu le Roi avec une foumifïion entière , de les Places du Duc de Longueville s'éroient rendues fans réfiftance. Le Duc de Richelieu fut chafl'é du Havre j la Bourgogne fit comme la Norman- die ; Bellegarde , le Château de Dijon 5 ôc St. Jean de Laune , imi- tèrent les Places de Mr. de Longue- ville y le Duc de Vendôme fut pourvu du Gouvernement de Bour- gogne i le Comte d'Harcourt de celui de Normandie ; le Maréchal de l'Hôpital de celui de Champa- gne Ôc de Brie ; le Comte de 'St. Ai- gnan de celui de Berry j Montrond (a) ne fut pas donné, parce qu'il ji'y avoir point de Garnifon j ccl' .:

(à) Place forte en Berry.

T> t M. D. L. R. 40

de Clermonc ôc de Danivilliers Ce l'évolterencj &c Marliii qui comman- doic l'armée de Catalogne , fut ar- rêté prifonnier , & perdit Tcrrofe , dont il étoit Gouverneur. Il n\' ^t que Stenay feul , qui demeura lans le parti des Princes. Prerque :ous leurs amis voyant tant de mal- leurs 5 fe contentèrent de les plain- Ire 5 fans fe mettre en devoir de es faire ceflèr,

La PrincelTe de Condé, Se le Duc d'Anguien étoient par ordre iu Roi à Chantilly j la Duchefle de ^ongueville & le Maréchal de Tu- •enne s'étoient retirés à Stenay ; le )uc de Bouillon à Turenne j le 3uc de la Rochefoucault à Ver- euil en Angoumois ; le Duc de >L. Simon à Blaye , & le Duc de la 'orce à la Force. Ces Mcfl^eurs-là émoignerent d'abord un zèle é^ai »our Mr. le Prince j & lorfqueles )ucs de Bouillon 3c de la Roche- '

Tome //, G

jo Mémoires Foucault firent le projet de la guerre de Guienne , le Duc de St. Simon , à qui ils en donnèrent avis , oftric de recevoir Mr. le Duc d'Anguien dans fa Place ; mais quand ils fu- rent près de commencer la guerre , il manqua tout net à fa parole ; & le Duc de la Force qui avoit de moin- dres engagemens dans le parti , prie des prétextes pour ne fe pas décla- rer. Le Duc de la Rochefoucaulc <|ui n'avoit point de Places dans fon Gouvernement , ni de troupes , fut néanmoins le premier qui prie les armes. Et jugeant de quelle im- portance il étoit au parti de faire voir qu'on prenoit les armes , non- feulement pour la liberté de Mr. le Prince , mais encore pour la con- fervation de celle de fon fils , il en- voya Gourville à Madame la Prin- ceflè Douairière qui étoit reléguée à Chantilly", & gardée par ua Exempt, aulïi-bien que Madame la

a E M. D. L. R. 51

PrincefTè , fa belle-fille , pour lui dire Pétac des choies, & kii faire comprendre que la perfonne de Mr. le Duc d'Anguien étant expo- fée à toutes les rigueurs de la Cour, il falloit l'en garantir , pour le ren- dre un des principaux inftrumens; ie la liberté de Mon heur fon père : ^ue pour ce dedèin , il étoit nécef- aire , que lui cc Madame fa nîerc .e rendirent fecreremcnt à Brezé en A.njou 5 le Duc de la Roclitfou- :ault offroit de les aller prendre avec :inq cents Gentilshommes pour les nencv à Saumur , ii le de(ïcin qu'il ivoit fur cette Place réuiïifToit ; ou zn tout cas 5 pour les conduire à Turenne , le Duc de Bouillon fc ioindroit à eux pour les accompa- gner à Blaye , en attendant que lui ^ le Duc de Saint Simon eulfeix îchevé de difpofer le Parlement de Bordeaux à les recevoir. Qiielque *vantagesfe que fùc cette pronoii- C z

52. M E îvl O I R E s

tion 5 il écoit néanmoins mal-aifc de prévoir fi elle feroit luivie oa i€jectée par Madame la Princefle Doiiairicre , dont Thumcur inégale, timide & avare, éroic peu propre a entreprendre , ik à foûtenir un tel dcfièin» Toutefois, bien que le Duc de la Rochefoucauk fut incertain du parti qu'elle pi-endroit , il fut contraint cependant de fe tenir en état d'exécuter ce qu'il avoit en- voyé propofer , ôc d'afTembler fes^ amis fous un prétexte , qui ne fîc rien connoine de Ton intention , afin d'être prêt à partir dans le temps de l'arrivée de Gourville ^ qu'il attendoit à toute heure. Il crût n'en pouvoir prendre de plus fpé- cieux que celui de l'enterrement de Ion perc , dont la cérémonie fe de- voir faire à Vcrteuil , l'une de Tes maifons. Il convia pour cet efict toute la NobleiTe des Provinces voi- £ues , ôc manda à tout ce qui pou-

D E M. D. L. R. 5 5

voltpoi'cer les armes clans fes ter- res , de s'y trouver j de forte qu'en très-peu de temps , il alîèmbla plus de deux mille chevaux &: huit cenc homm.es de pied. Outre ce corps de NûblelTe 6c dlnfaïuerie , Beins Colonel Allemand ayant promis de ie joindre à lui avec Ton régiment , le Duc de la Rochefoucault , fe vit en état d'exécuter en mêmie temips deux defîèins confidérables pour le parti qui fe formoit : l'un étoic ce- lui qu'il avoit envoyé propofer à Madame la Princefle Douairière , 3c l'autre étoit de fe failir de Sau- mur. Ce Gouvernement avoit été donné à Guitault après la mort du Maréchal de Brezé , pour récom- penfe d'avoir arrêté Mr. le Prince. C'eft une Place qui fe pouvoir ren- dre très-im-portante dans une guerre civile 5 étant fituée au milieu du Royaume , ôc far la rivière de Loire çntre Tours de Angers. Un GentiU C 3

54 M I M G t R ï 5

homme nommé de Mons y com- mandoit fous le Maréchal de Biezé, &: fçachanc que Cominges , neveu de Cluitauit y alloit avec des ordres du Roi 5 Se menoit deux mille hom- mes de pied , pour l'alTiéger s'il re- fufoit de fortir , il différa fous des prétextes qu'il prit de remettre la Place entre les mains de Cominges , Bc manda cependant au Duc de la Rochefoucault , qu'il l'en rendroic anaitre , & qu'il prendroit Ton parti, s'il vouloit y mener des troupes. Le Marquis de Jarzay offrit auffi de fe jetter dans la Place avec {es smis, ôc de la défendre, pourvu que le Duc de la Rochefoucault lui pro- mît par écrit de le venir fecourir dans le temps qu'il lui avoit mar- qué. Le Duc accepta ôc (igna ces conditions d'autant plus volontiers- que les deux deflèins dont je viens de parler , convcnoient enfemble , ^ fe pouvoient exécuter en mêmiC temps. Dans cette vue , le même

D E M. D. L. R. 55

Duc fît afTembicr route k Nobleilè , qui étoit venue à la cérémonie de renterrement de fou père , cc leur dit : qu'ayant évité d'être ariêtc pri- fonnier à Paris avec Moniîeur le Prince , il fe crouvoit peu en fureté dans fes terres, qui étoient envi- ronnées de gens de guerre , qu'on avoic affeclé de dirperfer tout au- tour fous le prétexte du quaitier- d'hyver , mais en effet , pour le pouvoir furprendre dans fa maifon: qu'on lui offroit une retraite aiTurée dans une Place voifme , &c qu'il de- mandoic à fes véritables amis de l'y vouloir accompagner , laiiTant aux autres la liberté de faire ce qu'ils voudroient. Plufieurs parurent em- barrafles de cette propofition , & prirent divers prétextes pour fe re- tirer. Le Colonel Beins fut un des premiers qui lui manqua de parole, mais il y eut fept cent Gentilshom- mes qui lui promirent de le faivrs C 4

Mémoires avec ce nombre de cavalerie , ôC avec l'infanterie qu'il avoit tirée de les terres. Gourville Pétant venu joindre fur la route de Saumur , lai rapporta que Madame la Prince(ïe avoit approuvé fon confeil ; mais qu'étant obligée de garder bien des inefures pour la Cour , il lui falloit au temps &c beaucoup de précau- tions pour exécuter un delTein dont les fuites étoient fi grandes j qu'elle étoit peu en état d'y contribuer de fon argent , ôc que tout ce qu'elle pou vûÎl faire alors , étoit de lui en- voyer vingt mille livres. Le Duc de lâPvOchefoucault voyant fon pre- mier dcflein retardé , fe réfolut de continuer celui de Saumur , mais bien qu'il y arrivât huit jours de- vant la fin du temps que le Gou* verneur lui avoit promis de tenir , il trouva néanmoins la capitulation faite 5 & que Jarzay n'avoit point épçécutécedontil éioit convenu avec

D E M. D. L. R. 57 luij deforte qu'il Fut obligé de retour- ner fur Ces pas. Il dé6c dans fa mar- che quelques compagnies de cava- lerie des troupes du Roi , oc étant arrivé chez lui , il congédia la Mo- bleflè qui l'avoir fuivi , c-: en re- partit bien-tôt après , parce que le Maréchal de la Meilleraye marchant à lui avec toutes (es troupes , il fur contraint de fe retirer à Turenne chez le Duc de Bouillon , après avoir jette dans Montrond cinq cent hommes de pied &: cent che- vaux qu'il avoit levés &: armés avec une diligence extrême. En arrivant à Turenne , le Duc de Bouillon de lui eurent nouvelle que Madame la Princefie avoit fuivi le confeil qu'on lui avoit donné de partir fe- cretement de Montrond avec le pe- tit Duc d'Anguien , & qu'elle ve- noit à Turenne pour être de - menée par eux à Bordeaux , ils avoient beaucoup d'am.is difbofcs à

j8 Mémoires les recevoir. Mais ils fçLuent auiTî que le Duc de Saint Simon ayant leçu des lettres de la Cour , &: fça- chant la prife de Bellegarde , n'écoic pas dans les mêmes fencimens , de que ce changement foudain avoic refroidi tous les amis de Bordeaux, qui jufques-là avoient paru les plus zélés pour les intérêts de Mr. le Prince. Néanmoins Langlade , dont le Duc de Bouillon s'étoit fervi dans cette négociation , les ayant raffermis avec beaucoup de peine ôc d'adreiïe , il revint en donner avis au Duc de Bouillon, qui aflem- bla trois cent Gentilshommes de Tes amis 5 pour aller recevoir Madame la Princeffe , ik le Duc de la Ro- chefoucault manda les fiens , qui arrivèrent à Turenne au nombre de trois cent , conduits par le Marquis ^e Sillery , bien que le Maréchal de la Meillerayc les menaçât de les faire pilier par fes troupes , s'ils al-

D E M. D. L. R. 5^

loient trouver ce Duc. Outre Tes amis 3 le Duc de Bouillon leva mille deux cent hommes d'infanterie de fes terres , de fans attendre le Mar- quis de Sillery , ils marchèrent ainfi vers les montagnes d'Auvergne , par devoit pafler Madame la Princefïè conduite par Chavaignac. Les Ducs de Bouillon de la Ro- chefoucault attendirent deux jours en un lieu nommé la Bonne , Madame la Princefle de Monfieur Ton fils arrivèrent enfin , après des fatigues infupportables à des per- fonnes d'un âge Ti peu capable d'en foufRir. On les conduifit de-là à Turenne, s'étoient rendus à mê- me tem.ps les Comtes de Meille^ de Coligny , Guitault , le Marquis de CelTau , Beauvais , Chantorny , Briole , le Chevalier de Rivière , ôc beaucoup de perfonnes de qualité &c d'Officiers des troupes de Mr. le Prince , qui fervnent durant toute C 6

io M î M O I R E S

cette guerre avec beaucoup de fîdé- licé &c de valeur. La PrincelTe de le petic Duc y demeurèrent huit jours, pendant lefquels on prit Brive-la- gaillarde , & la Compagnie des Gendarmes du Prince Thomas :, qui étoit de cent maîtres. Ce féjour à Turenne qui étoit nécefïaire pour difpofer les efprits de Bordeaux , chancelkns Se découragés par U conduite du Duc de Saint Simon , & pour y pouvoir aller en fureté , donna loifir au Général de la Va* lette 5 frère naturel du Duc d'Efper- non 5 qui commandoit Tarmée du Roi y de fe trouver fur le chemin de Madame la PrincefTe pour lui empêcher le paiïage : mais étant de- sneurée à une maifon du Duc de Bouillon nommiée Rochefort, le Duc de la Rochefoucault de lui marchè- rent au Général de la Valette j avec toutes les troupes qu'ils avoient le- vées dans leurs terres , de fix cent

D E M. D. L. R. 61

Gentilshommes de leurs amis. Ils le joignirent à Montelard enPerigord, mais il lâcha le pied fans combat- tre , ôc fe retira par des bois à Ber- gerac, après avoir perdu tous Tes bao;aees. Madame la Princeflè re- prit après cela le chemin de Bor- deaux fans rien trouver qui s'oppo- sât à Ton palïàge. Il ne reftoit plus qu'à furmontcr les di facultés qui fe trouvoient dans cette ville. Elle étoit partagée en diverfes cabales. Les créatures du Duc d'Efpernon , de ceux qui fuivoient les nouveaux fentimens du Duc de Saint Simon , s'étoient joints avec ceux qui fer- voient la Cour , &z entr'autres avec le Sieur de la Vie , Avocat-Général au Parlement de Bordeaux , homme habile & ambitieux. Ceux - fai- foient tous leurs efforts 3 pour faire fermer les portes de la ville à Ma^ dame la PrinceiFe. Néanmoins dès qu'on Icûc à Bordeaux qu'elle de-

ti Mémoires voit arriver avec Monfieur Ton fils , à Lormond près de la ville , toui le monde donna des marques publi- ques de réjouïfrance. Il en forcit un très-grand nombre au-devant d'elle, on couvrit les chemins de fleurs , & le bateau qui les menoitfut fuivi de tous ceux qui étoient fur la ri- vière 5 les vaiflèaux du Port les fa- luerent de toute l'artillerie , ôz ils entrèrent ainfi à Bordeaux nonobf. tant l'effort qu'on avoit fait fous main pour les empêcher. Cepen- dant bien que le Parlen'ient de les Jurats ne la viflent point en Corps , il n'y eut prefque point de parti- cuUers qui ne lui donnaifent des afïurances de fervice ; mais avec tout cela 5 la cabale de la Cour , de celle de Mr. d'Efpernon empê- chèrent 5 que les Ducs de Bouillon & de la Rochefoucaulc ne fullènc reçus dans la ville , dès les premiers jours. Ils en padcrenc deux ou trois

DE M. D. L. R. 6^

dans le Fauxbourg des Chartreux , tout le peuple alla en foule les voir 5 & leur oifiir de les faire en- trer par force. Ils n'acceptèrent pas ce parti-làj Se fe contentèrent , com- me j'ai dit 5 d'entrer enfsmble dans la ville deux jours après Madame la PrinceiTe , & cela fur le foir pour éviter le défordre. Il n'y av oit point alors d'autres troupes du Roi dans la Province , que celles que com- mandoit le Général de la Valette ^ lefquelles étoient près de Libourne. Celles des Ducs de Bouillon 6c de la Rochefoucault confilloient en cinq ou fîx cent Gentilshommes de leurs amis , & l'infanterie qu'ils avoient pu tirer de leurs terres. Ainfi n'é- tant point troupes réglées , il étoit impo(I]ble de les retenir , & chacaa étoit fur le point de fe retirer. On jugea donc , qu'il falloit eiïàyer au- paravant de rencontrer le Général de la Valette , ^c pour cet effet on

^4 M E M O I R I s

marcha avec toutes les troupes vers Libounie , il étoit : mais en ayant eu avis , il Ce rcïira & évita le combat une féconde fois , ju- geant bien que la Nobiellè étoit fur le point de s'en retourner j &c qu'en ne combattant point , il fe rendort certainement le maître de la Cam- pagne.

Eu ce temps-là , le Maréchal de la Meilleraye eut ordre de marcher vers Bordeaux avec Ton armée , par le pays d'entre deux mers , ^<: le Roi s'avança vers Libourne. Ces nouvelles firent hâter les Ducs de Bouillon ôc de la Rochefoucault de faire leurs levées m.aleré les empechemens qu'ils recevoient , de par le manque d'argent , & par le grand nombre de gens du Parle- ment Se de la ville qui traverfoient fous main leurs dcfiTeins. Les chofes Vinrent miême à une extrémité , qui penfa caufer de grands défor-

D £ M. D. L. R. (>5 dres j car un Omcier Efpagnol étant venu trouver Madame la Princefle de la part du Roi d'Eij^agnc , ôc ayant apporté vingt ou vingt-ciiiq[ mille écus 5 pour iubvenir aux plus prellans befoins , le Parlement qui juiques-là avoit toléré Madame la Princeiiè &c Ton fils dans la ville , ôc qui ne s'étoit point encore expli- qué en leur faveur comme le peuple, crût qu'il Tuffifoit de s'oppofer à la réception de cet Envoyé d'Ef- pagne dans Bordeaux , pour jufti- fier par une feule action toute la conduite padee , &c afin que privant ^infi le parti du fecours qu'il atcen- doit d'Efpagne , il le réduisît à la nécciïité de recevoir la loi , qu'on lui voudroit impofer. Le Parlement s'étant donc affemblé , ordonna , que cet Efpagnol forriroit de Bor»- deaux à l'heure même : niais le peuple ayant connu quelles feroienc les fuites de cet hncK ? pnc ^iliU^^

é'ê Mémoires tôt les armes , inveltit le Palais , de menaça d'y mettre le feu , ii le Parlement ne révoquoit ce qu'il venoit de réfoudre.

D'abord on crut diffiper facile- ment cette émotion , en faifant pa- roître les Jurats; mais le trouble augmentant fur le retardement qu'on apportoic à la révocation de l'Arrêt , le Parlement envoya donner avis aux Ducs de Bouillon. ôc de la Rochefoucâuk de ce dé- fordre , ôc les prier de le faire celïèr. Ils ne furent pas fâchés , qu'on eût befoin d'eux en cette rencontre ; mais outre qu'il leur importoit extrêm.ement pour jetter les fonde- mens de leur parti , que le peuple obtînt la caiîation de l'Arrêt 3 avant que de lai (Ter le Palais libre , ils craignoient encore que paroifTant régler les mouvemens de la fédition, l'on ne leur imputât de l'avoir caufcc. Ainlî ils réfillerent d'abord

h 1 îvî. D. L. R. 67 à faire ce que le Parlement deriroit d'eux j mais voyant enfin que les cho- fes s'échauffoient à un point , qu'il r/y avoit plus de temps à perdre » ils coururent au palais , fuivis de leurs gardes, ôc s'abar.donnant par- mi ce peuple irrité , comme il étoic- fur ^c point de brûler le Palais ., ils arrêtèrent fa fureur j & fe rendirent médiateurs entre le Parlement & lui. Ainfî l'Envoyé d'Efpagne eut dès-lors toute la liberté qu'il defi- roit. Enfuite les Généraux ius^erenr qu'il étoir néceflaire de faire une revue générale des Bourgeois , pour leur faire connoitre leurs forces , & les difpofer peu-à-peu à fe réfoudre

de foûtenir le iiécie. Ils voulurent o

eux-mêmes les mettre en bataille ^ bien qu'ils eufTent reçu plufieurs avis , qu'il y avoit des gens gagnés pour les affaiïiner. Néanmoins par- mi les falves continuelles , qui leui' furent faites par plus de douz^.

€S M E Î,I O I R E s

inille hommes , il n'arriva aucun accident qui leur donnât lieu de croire cet avis. On nt enfuite com- mencer quelques dehors à Bor- deaux ; mais comme il venoit peu d'argent crETpagne , on ne pût met- tre aucun ouvrage en défenfe ; car dans toute cette guerre , on n'c^ tou- che deii Etpagnols que deux cent vingt mille livres 5 le refte ayant été pris fur le convoi , ou far le crédit fie Madame laPrincefiè, ou celui des Ducs de Bouillon 6c de la Rocher foucault , ou de Monficur Laîné. Néanmoins en très-peu de temps. 0:1 leva près de trois mille hommes de pied 5 5c fept ou huit cent che- vaux •; on prit Caftelnau , qui efl à quatre lieues de Bordeaux , &z on fe feroir étendu davantage , fans les nouvelles qu'on eut de l'approche du Maréchal de la Meilleraye du côté d'entre les deux mers , & de celle du Duc 4'^rpernon , qui vint

B E M. D. L. R. G(^

Joindre le Général de la Valette, Sur CCS avis les Ducs de Bouillon & de la RochcfoLîcauk dépêchèrent le Marquis de Sillery en Elpagne , pour faire fçavoir Pétac des clioies , & pour fciire venir promptenient le fecours , qu'on en avoit promis. Cependani: on laiila une garnifon dans Caftelnau , & on fe retira avec le refte des troupes à Blanquefort, qui eft à deux lieues de Bordeaux. Ce fut en ce lieu - que le Duc d'Efpernon vint attaquer les Quar- tiers. Les Ducs de Bouillon & de la Rochefoucault étoient retournés à Bordeaux , <3<: Chambon Maréchal de Camp commandoit les troupes , qui étoient de beaucoup plus foi- bles que celles du Duc d'Efpernon. Néanmoins , bien qu'il ne put dé- fendre l'entrée de Ton Quartier , les marais & les canaux , qui en envi- ronnoient une partie, lui donnèrent moyen de fe retirer fans être ram-

70 Mémoires pu 5 & de fauver les troupes & tout Te basase- Sur le bruit de ce com- bat 5 les Ducs de Bouillon ôc de la Rochefoucaulc partirent de Bor- deaux avec un grand nombre de Bourgeois , & ayant joint leurs troupes retournèrent vers le Duc d'Efpernon , dans le deilèin de le combattre , Ci les mêmes canaux ne les avoient empêchés de venir aux mains. Tout fe pafl'a en efcarmou- ches 5 le Duc d'Efpernon perdit beaucoup d'Officiers & de Soldats ; du côté de Bordeaux , il y eut peu de gens de tués , Guitault Cham- bellan de Monlieur le Prince y fuc blefle : Se depuis cela les troupes du Maréchal de la Meilleraye , ôc celles du Duc d'Efpernon , ferrèrent Bor- deaux de plus près. Ils reprirent même Tlfle de Saint George qui eft dans la Garonne , à quatre lieues au-defîus de la ville , on avoir commencé quelque fortification.

9 £ M. D. L. R. 71

Elle fut défendue trois ou quatre jours avec allez de vigueur , parce- que tous les jours on y faifoit en- trer un régiment frais. Le Général de la Valecte y fut blefTé , & mou- rut peu de jours après. Mais enfin les bateaux qui y avoient amené des troupes , ik qui dévoient ramener celles qu'on reievoit, ayant été cou- lé à fonds 5 par une batterie que le Maréchal de la Meilleraye avoit faic iredcr fur le bord de la rivière , la î-ayeur prit les foldats, & même les Dfîiciers de telle forte qu'ils fe rendirent tous prifonniers de guer- re ', &c ainh ceux de Bordeaux per- iirent tout à la fois cette lue , 6c 1200. hommes de leur meilleure nfanterie. Ce déiordre de l'arrivée lu Roi à Libourne , qui fit aufïi- ôc attaquer le château de Vaire , à ieux lieues de Bordeaux , apporte- en c une grande confternation dans a ville i le Parlement de la ville fs

71 Mémoires voyant à la veille d'être afiiégcs pat le Roi 5 manquoient de toutes les chofes nécefiaires pour fe défendre j nul fecours ne leur venoit d'Efpa- crwQ , &: leur crainte avoit enfin ré- duit le Parlement à s'afïèmbler , pour délibérer s'il enverroit des Dé- putés demander la paix , aux con- ditions qu'il plairoit au Roi j lorf- qu'on apprit que Vaire étoit pris , êc que le Gouverneur , nommé Ri- clion 5 s'étant rendu à difcrétion , avoir été pendu. Cette févérité , par laquelle le Cardinal croyoit jet- ter la terreur &: la divifion dans Bordeaux , fit un elfet tout contrai* ïe -y car cette nouvelle étant venue dans un temps , oi'i, comme je viens de dire , les efprits étoient étonnés êc chancelans , les Ducs de Bouil- lon 8c de la RocheFoucault fçurenc fi bien fe prévaloir de cette con- jondure , qu'ils remirent leurs af- faires en meilleur état , en faifant

pendre

o E M. D. L. R. 73

pendre aufTi le Commandant de rille Saint George , qui s'étoic aulïî rendu à eux à difcrétion. Mais afin que le Parlement & le peuple par- tageafîènt avec les Généraux une action , qui n'étoit pas moins né- cciïaire , qu'elle paroiiroit hardie , ils firent juger Canoles ( c'étoit le nom de ce Commandant ) par un Confeil de guerre , préfidoienc Madame la PrincelTe Se Mon/leur le Duc d'Anguien , Se qui écoit com- pofé non - feulement des Officiers des troupes , mais encore des deux Députés du Parlement qui y afïif. loient toujours , Se des trente-fix Capitaines de la ville. Tous con- damnèrent d'une voix ce pauvre Gentilhomme qui n'avoit d'autre :rime que fon malheur j Se le peu- ple animé lui donna à peine le :emps d'être exécuté , qu'il voulut déchirer fon corps en pièces. Tome IL D

74 Memoire's

Cette aclion étonna la Cour , raflura les Bordelois , ôc dirpola de telle forte les chofes dans la ville , qu'on s'y réfolut d'attendue le fiégc, .t<c de fe défendue courageufement , fe liant en leurs propres forces Se aux promeiîès des Efpagnols, qui les aifuroient d'un prompt &c puiiïant fecours. Dans ce deflèin on fe hâ- ta de faire un Fort de quatre petitj baiiions à la Baftide , qui eft vis-à- vis de Bordeaux de l'autre côté d( la rivière. On travailla avec foir aux autres fortifications de la ville mais comme beaucoup de Bourgeoi: avoient des maifons dans le Faux- bouvp^ de Saint Surin ils ne voulu rent pas permettre qu'on les brûlât ni même , qu'on en rasât aucune bien qu'on leur repréfentât, que o Fauxbourg feroit attaqué le premier Se qu'il étoit capable de loger tout Vinfanterie du Roi : de forte qu tout ce qu'on pût faire ^ fut d'ei

v> E M. D. L. R. 75

couper les avenues , ôc de percer les maifons , ce qui ne fut fait , que pour contenter le peuple, & non pas pour efperer de défendre un lieu de grande garde avec des Bourgeois , ôc G peu de troupes qui reftoient , lefquelles ne montoienc pas à fcpt ou huit cent hommes de pied, ôc trois cents chevaux. Néan- mois comme Pon dépendoit du peu- ple Se du Parlement , il fallut les fa- tisfaire contre les régies de la guer- re 5 ôc entreprendre de défendre le Fauxbourg de Saint Surin , qui eft ouvert de tous les côtés. La porte de ville qui en eft la plus proche 9 sft celle de Dijon : elle fut trouvée Ci mauvaife , parce qu'elle n'eft dé- ; fendue de rien, 6^ qu'on y arrive de plein pied, qu'on jugea à propos de jïa couvrir d'une demi-lune: mais j :omme l'on manquoit de tout , on j Te fervit d'une petite hauteur de fu- 'j-nier, qui étoit devant la porte, D t

7<^ Mémoires laquelle étant efcaupée en forme de demi-lune , fans parapet , ni fans folié 5 fe trouva néanmoins la plus grande défenfe de la ville.

Le Roi étant demeuré à Bourg ("a), le Cardinal Mazarin vint à l'armée; elle étoit de huit mille hommes de pied 5 ôc de près de trois mille che- -vaux : on réfolut d'attaquer le Faux- bourg de Sr.Surin : d'autant plus fa- cilement que n'y ayant que les ave- nues de gardées, on pouvoit fans pé- ril gagner les maifons , entrer pai-là dans le Fauxbourg , ôc couper mê- me ce qui défend roit les barricades de l'Eglife, fans qu'on pût fe retirer dans la ville. On croyoit de plus , que la demi-lune ne pouvant être défendue , on fe logeroit à la porte de Dijon dès le premier jour. Poui cet effet, le Maréchal de la Meille- yaye fit attaquer les barricades de le:

(à) Petite itlle entre la Garonne ç^ L Dordogne , appellee dam le fais Bcttr^- fur-Mer.

D E M. D. L. R. 77

maifons en même temps , Se Pal- luau avoir ordre auiïi d'entrer par le Palais Galien , de de couper entre le Fauxbourg &c la ville droit à la demi-lune. Mais le Maréchal de la Meilleraye ayant fait donner devant que Palluau fat arrivé , il trouva plus de réiiftance qu'il n'avoit cru. L'efcarmouche avoir commencé dès que les troupes du Roi s'étoient ap- prochées ; on avoir mis force mouf- queraires dans les hayes Se dans les vignes, qui couvroient le Faux- bourg ; ils arrêtèrent d'abord les troupes du Roi avec grande perte ; Choupes Maréchal de Cam.p y fut bleiïe 5 Se plufieurs Officiers tués. Le Duc de Bouillon étoit dans le Cimetière de l'Eglife de St. Surin, avec ce qu'il avoir pu faire forrir de Bourgeois , pour rafraîchir les poir- tes. Se le Duc de le Pvochefoncault étoit à la barricade, le faifoit la principale attaque : elle fut empor- D 5

yS Mémoires tée ; Beauvais , Chafferat , &c le Che- valier de Todias y furent pris-, le feu fut très-grand de part & d'au- tre , il y eut cent ou fix vingts hom- mes de tués du côté des Ducs , ôc fept ou huit cents du côté du Roi j néanmoins le Fauxbourg fut em- porté ', mais on ne pafla pas outre ; Se on fe réfolut d'ouvrir la tran- chée, pour prendre la demi-lune, & de faire une autre attaque par les allées de TArchevêché. J'ai déjà dit 5 qu'il n'y avoit point de fofïe à la demi-lune j de forte que pouvant :ctre emportée facilement , les Bour- geois ne voulurent point entrer en garde, Ôc fe contentèrent de tirer de derrière leurs murailles. Les affié- geans l'attaquèrent trois fois avec leurs 'nrieilleures troupes, ils entrè- rent même dedans; mais ils, en fu- rent repoufTés par le Duc de la Rd- chefoucault , qui y mena les Gardes du Prince de Condé , ôc les fiennesj

D E M. D. L. R. 79

dans le temps que ceux qui défen- doienc la demi-lune y avoient plié. Il y avoic ti'ois ou quatre OfHciers de Navaille qui y furent pris , de le refte chaffé ou tué. Les alliégcs fi- rent trois grandes forties , à chacu- ne dcfquelles ils nettoyèrent la tranchée , & brûlèrent le logement des ennemis. La Chappelle-Biron , Maréchal de Camp des troupes du Duc de Bouillon , fut tué à la der- nière. Enfin , après treize jours de tranchée ouverte , le fiégc n'étoit pas plus avancé que le premier jour.Mais comme ceux de Bordeaux avoient trop peu d'infanterie, pour relever la garde des portes atta- quées 5 Se que ce qui n'avoit point été tué , ou bleffé , étoit prcfque hors de combat par la fatigue de treize jours de garde , les Ducs de .Bouillon &: de la PvOcheFoucault les firent rafraîchir par la cavalerie , qui mit pied à terre ; ô: ils y de- D 4

^So Mémoires

meuuerent eux-mêmes les quatre ou cinq derniers jours fans en partir , afin d'y retenir plus de gens par leur exemple.

Cependant Mr. le^Duc d'Orléans & les Frondeurs voyant que non feulement on transféroit les Princes à Marcouiïi , mais auiïi qu'on fe difpofoic de les mener au Havre , ôc craignant que la chute de Bor- deaux ne rendit la puiflance du Cardinal plus formidable j ne vou- lurent point attendre l'événement du fiége 5 ôc firent partir des Dé- putés pour s'entremettre de la paix. Ce furent les Sieurs le Meufnier dC Bitaud 5 conduits par le Coudrai- Montpenfier de la part de Mr. le Duc d'Orléans. Ils arrivèrent à Bourg pour faire des propofitions de paix au Roi. Ils en donnèrent avis au Parlement de Bordeaux ; ôc de part ôc d'autre on convint* de faire une trêve de quinze jours*

D E M. D. L. R. Si

Dès qu'elle fut réfolue , le Coudrai- Moiitpenlier ôc les deux Députés de Paris entrèrent dans la ville , pour y porter les chofes au point qu'ils defiroient. La Cour delîroic la Paix 5 craignant l'événement du fiége de Bordeaux , dont la réfif- tance étoit d'autant plus opiniâ- tre , qu'il efperoit le lecours d'E& pagne , dc celui du Maréchal de la Force > qui étoit fur le point de le déclarer. D'autre part , comme le Parlement , ennuyé des longueurs ^ du péril du fiége , fouhaitoit la paix ; les cabales de la Cour , Se du Duc d'Efpernon , agirent puif- fam.ment , pour y difpofer le refte de la ville ; l'infanterie étoit ruinée, ôc le fecours que j'ai dit , avoic manqué trop fouvent pour s'y de- voir encore attendre 5 tout cela enfemble fit réfoudre le Parlement à envoyer des Députés à Bourg. Il convia Madame la PrincefTe , & D 5

il Mémoires les Ducs de Bouillon de de la Ro- chefoucault , d'y en envoyer auilî j mais comme ils n'avoicnt tous deux d'autre intérêts , que la liberté des Princes j 3c qu'ils ne pouvoient defi- rer la paix fans cette condition-là, ils fe contentèrent de ne s'oppofer point à une chofe , qu'aufTi bien ils ne pouvoient empêcher. Ils rcfu- ferent donc d'y envoyer perfonnc > de prièrent feulement les Députés de ménager leur fureté , & la liberté de Madame la PrincelTe , du DuC d'Anguien & de tout ce qui avoir été dans fon parti , avec le réta- blillement de chacun. Les Députés allèrent à Bourg & conclurent la Paix 5 fans en communiquer les articles à Madame la Princeflè , ni aux Ducs de Bouillon & de la Ro- chefoucault. Les conditions étoient, <iue le Roi feroit reçu dans Bor- deaux en la manière qu'il a accou- tumé de l'être dans les autres villes

D E M. D. L. R. S3

de fon Royaume : que les troupes qui avoienc foùtenu le fiége forti- roient, de pourvoient en fureté aller joindre l'armée de Mr. de Turennc à Stenay ; que tous les privilèges de la ville de du Parlement feroienc maintenus i Se que le château Trom- pette demeureroit démoli. On per- mit à Madame la PrincelTej 5c au Duc d'Anguien, d'aller à Montrond, oii le Roi entretiendroit une très- petite Garnifon pour la fureté de Madame la Princeflè , qui la clioi- firoit de fa main. Le Duc de Bouil- lon fc retira à Turenne , & le Duc de la Rochefoucault qui étoit, com- me j'ai dit 5 Gouverneur de Poitou , fe retira aufli chez lui fans faire les fondions de fa Charge , ôc fans avoir aucun dédommagement pour fa maifon de Verteuil , que le Roi avoit fait lafer. Madame la Prin- cefTe d'Anguien , & les Ducs de Bouillon ôc de la Rochefoucault , D 6

S4 Mémoires partirent enfemble de Bordeaux > pour aller à Courras. Le Maréchal de la Meilleraye , qui alloic à Bor- deaux 5 rencontra fur l'eau Madame la Princeile , & lui propofa de voir le Roi de la Reine , lui faifant efpe- rer que le Roi accorderoit peut-être aux prières , ou aux larmes d'une femme ., ce qu'il avoit crû devoir refufer , lorfqu'on le lui avoit de- mandé les armes à la main. Enfin y iionobftant la répugnance ^ que Ma^ dame la Princefle avoit d'aller à la Cour 5 les Ducs de Bouillon ôc de la Rochefoucault lui confeillerent de fuivre l'avis du Maréchal de la Meilleraye , afin qu'on ne pût au moins lui reprocher d'avoir oublié aucune chofe pour la liberté de fon mari. Outre qu'ils jugeoient bien , qu'une entrevue comme celle-là , qui ne pouvoit avoir été concertée avec \ts Frondeurs ^ ni avec Mr. le Duc d'Orléans a leur donneroic fans

D E M. D. L. R. 85

cloute l'inquiétude, de pourroit pro- duire des etfecs confidérables» Le Maréchal de la Meilleraye retourna à Bourg porter la nouvelle de l'ache- minement de Madame la Princeflè & de ia fuite. Ce changement foudain furprit Mademoifelle, ôc lui fît croire qu'on traitoit beaucoup de chofes fans la participation de Monfieur. Elle y fut encore confir- mée parce que les Ducs de Bouil- lon de de la Rochefoucauit eurent de grandes conférences féparémenc avec le Cardinal Mazarin , dans le deiTein de le réfoudre à donner la liberté aux Princes , ou de le rendre fufped à Monfieur. Ils lui repréfen- toienr que les Princes lui en feroient d'autant plus obligés , qu'ils fça- voient bien qu'il n'éuoit pas en état d'y être contraint par la guerre ; qu'il lui croit allez glorieux , que toute l'Europe vît qu'il avoit ruïnéj de réubli Mr. le Prince 5 quand il

t6 Mémoires avoit voulu ; que le procédé des Frondeurs lui dévoie faire connoî- tre 5 qu'ils fe vouloient rendre mai-. très des Princes , afin de les perdre j & de le perdre lui-même enfuit^ avec plus de facilité j ou pour leur donner la liberté , &: les engager^ par - à travailler enfemble à U ruine de la Reine & à la Tienne § que la guerre étoit finie en Guien-î; ne 5 mais que le defir de la recom- mencer dans tout le Royaume ne finiroit jamais qu'avec la prifon des Princes j & qu'il en devoit d'au- tant plus croire ceux qui lui par^ loient, qu'ils ne craignoient pas d^ le dire à lui-même , pendant qu'il les avoit entre Tes mains , <Sc qu'ils n'a- voient autre fureté que fa parole ; que les cabales fe renouvelloient de toutes parts dans le Parlement de Paris & dans tous les autres Parler mens du Royaume , pour procurer la liberté aux Princes , ou pour les

DE M. D. L. R. §7

oter de Tes mains -, que pour eux , ils lui déciaroien: qu'ils favorife- roient tous les defîeins qu'on fe- roic pour les tirer de prifon y mais que tout ce qu^ils pouvoicnt faire pour lui 5 croit de fouhaiter que préférablement à tous autres ils lui en euflent l'obligation. Ce difcours fie l'effet qu'on dedroit j il ébranla le Cardinal j il donna de la jaloufîe à Monfieur , & aux Frondeurs ; il leur ôta l'efpérance d'avoir les Prin- ces entre leurs mains , de les fit enfin réfoudre de fe réunir avec eux 5 de de chercher de nouveau les moyens de perdre le Cardinal.

Pendant que les chofes fe paf. foient ainfi , & que les foins de la Cour étoient employés à pacifier les défordres de la Guienne > Mr. de Turenne tiroit de grands avantages de l'éloignement du Roi. Il avoir obligé les Efpagnols de lui donner le Commandemcm de leurs troupes

88 Mémoires

3c de celles de Mr. de Lorraine 5 il y avoit joint tout ce qu'il avoit pu conferver de celle de Moniieur le Prince : il écoit maître de Stenai, ôc n'avoit point d'ennemis oppofés,. Ainli, rien ne l'empêchoit d'entrée en France , ôc d'y Faire des progrès conhdérables , que la répugnance , que les Efpagnols ont accoutumé d'avoir pour les dcHeins de cette nature , dans Itfquels ils daignent également de h^zarder leurs trou- pes, pour des avantages qui ne les regardent pas diredement , ôc de fe mettre en état qu'on leur puilïè oter la comm.unication de leurs pays i de forte qu'ils crurent faire beaucoup d'afïiéger Mouzon , qu'ils prirent enlin après un mois de tran- chée ouverte. Néanmoins Mr. de Turenne furmonta toutes leurs -dif»- ficuliés 5 & il les fie ré'oudre avec d'extrêmes peines à marcher droit à Paris , efperant que fa préfence

D E M. D. L. R. 8p îvec fes forces &c l'éloignement du Roi , y apporceroit allez de troubles 3c de confulion , pour lui donnei* j*eu d^entreprendre beaucoup de chofes. Les amis de Moiifieur le Prince commencèrent alors à for- tner des entreprifes pour le tirer de prifon y le Duc de Nemours s'ccoit déclaré ouvertement pour fes inté- rêts 5 Se tout fembloic contribuer au delTeiii de Moniieur de Turenne. Pour profiter donc de cette conjonc- ture 5 il entra en Champagne , ôc prit d'abord Château - Porcien ôc Rétel qui firent peu de réfiftance. Il s'avança enfuire jufqu^à la Ferté- Milon j mais y ayant appris qu'on avoit transféré les Princes au Havre- de- Grâce , les Efpagnols ne voulu- rent pas pafier outre , &c il ne fut plus au pouvoir de Mr. de Turenne de s'empêcher de retourner avec Parmée à Stenay. Cependant il don- na fes ordres , pour fortifier Rétel ^

^o Mémoires ôc y laiflà Delll-Pontl avec une gar- ni fon Efpagnole , ne croyant pas pouvoir mieux choiiîr, pour confier une Place qui étoic devenue très- imporrante , que de la donner à un homme , qui en avoit défendu glorieufement trois ou quatre des plus confidérables de Flandre. Le bruit de ces chofes fît hâter le re- tour de la Cour ; & les Frondeurs qui avoient été unis au Cardinal , tant que les Princes étoient demeurés à Vincenncs , & à Marcouili , dans Pefpérance de les avoir en leur pou- voir, la perdirent entièrement en les voyant conduire au Havre. Ils ca- chèrent toutefois leur relTentiment contre lui , fous les mêmes appa- rences, dont ils s'étoient fervis pour cacher leurs liai Tons ; & bien que: depuis la prifon des Princes ils euf- fent eflàyé de tirer fous main tou,^ les avantages poffibles de leur recon^ ciliation avec le Cardinal 3 ils afFeç-

D E M. D. L. R. 5^2

DÎent toujours , 8z de Ton confen* ;n^nt , de faire croire qu'ils n'a- ôient point changé le deilein de le I érdre , afin de conlerver leur cré- Lic parmi le peuple. De forte que e qu'ils firent dans le commence- lient de concert avec le Cardinal , eur fervir contre lui-même , quand Is fouhaiterent tout de bon de le uïner.Ce qui augmenta encore leur laine , fut la fierté avec laquelle le Cardinal traita tout le monde à "on retour. Il fe perfuada aifément qu'ayant fait conduire les Princes au Havre , 3c pacicifié la Guienne 5 il devoit être au-deffus des cabales ; de forte que négligeant ceux dont il avoit le plus de befoin , il ne fon- gea qu'à aifembler un corps d'ar- mée 5 pour reprendre Rétel ôc Châ- t€au-Porcien. Il en donna le Com- mandement au Marquis du Plciïis- Praflin , & le fit partir avec beau- coup de diligence ^ pour inveftis

92. Mémoires Rétel , réfolu de fe rendre à l'armé vers la fin du fiége , pour en avoi toute la gloire. Cependant Mr. d Turenne donna avis aux Efpagnol du dcllèin du Cardinal , ôc telll Tonû lui ayant promis de tenir ui temps afifez confidérable , il prit de mefures avec eux pour le fecourir Son de(ïein étoit de marcher ei diligence à Rétel , & de faire di deux chofes l'une , ou d'obliger li Marquis du Pleflis à lever le fiége ou de charger les quartiers de for armée féparés ^ mais la lâcheté oi l'infidélité àt Délit- Pomi rendit nor feulement Çts defieins inutiles, mai; le contraignit de combattre avec défavantage , d<. lui fit perdre la bataille. Car DelU-Poml s'étant ren- du fix jours plutôt qu'il n'avoir pro- mis, le Marquis du Plefifis fortifié des troupes fraîches qui l'avoient joint, marcha une journée au-de- yanc cje Mr. de Turenne , qui ne

DE M. D. L. R. 5?^

ouvant éviter un combat inégal , : donna avec beaucoup de valeur 3 lais avec un très- malheureux fuc- ès. Il rallia ce qu'il pût de fcs trou- es 5 ôc au- lieu de fe retirer à Ste- ay , il fembloit que fa préfence k principalement néceffaire , pour affermir les efprits étonnés de la erte de la bataille , il alla trouver le ]omte de Fuenfaldagne , non-feu- ?ment pour prendre enfemble leurs nefures (lir les affaires préfentes ; nais aufïi pour ne lailTer pas ima- giner aux Efpagnols , que ce qui lui /enoit d'arriver , fôt capable de lui !n faire prendre aucunes fans leur participation. Après cette vidoire , ie Cardinal qui s'étoit avancé juf- :^u'à Rétel , retourna à Paris en triomphe , ôc parut fi enflé de cette profpérité, qu'il renouvella dans les efprits le dégoût ôc la crainte de fa domination.

^4 Mémoires

On remarqua alors , que la foi tune difpofa tellement de l'évém ment de cette bataille , que Mr. d Turenne qui l'avoit perdue , devir par - nécefTaire aux Efpagnols ôc eut le Commandement entier d leur armée ; & le Cardinal, qi s'attribuoit la gloire de cette aclioi l'éveilla Tenvie 6c la haine publiqu contre lui. Les Frondeurs jugèrent qu'il cefTeroit d'avoir befoin d'eux éc craignant d'être facrifiés à Mr. 1 Prince , ils entrèrent dès - lors e traité avec le Préfident Viole. Ai naud , Montreuil , fecrétaire d Prince de Conti , 6c plufîcurs au très entamèrent des négociation avec Monfieur le Duc d'Orléans le Coadjuteur , Madame de Chè vreufe , & les Fondeurs , comm^ aufli avec Monfieur de Beaufort à Madame de Montbazon ; d'autre traitèrent avec le Cardinal.

D E M. D. L. R. ^5 Dans ce temps*là la PrincefTe Pa« atine avoir plus de part que per- bnne à la confiance des Princes , ôc ; celle de la Ducheffe de Longue- dlle 'y elle avoic commencé toutes :es négociation des Princes , tanc ivec les Frondeurs , qu'avec le Car- Linal , & pareillement avec Mada- ne de Clievreuie , dont la fille dé- çoit époufer le Prince de Conti , S^ ivec Madame de Montbazon & le Duc de Beaufort : elle étoit dépofi- aire de leurs traités , quelque op- jofés qu'ils pudent être. Se voyant lonc chargée de tant de chofes con- raires à la fois , &: craignant de ievenir fufpecte aux uns ou aux lutres , elle manda au Duc de la Rochefoucault , qu'il vint à Paris fans être connu , hc qu'elle lui di- roit l'état des chofes , pour prendre enfemble la réfolution de conclure avec l'un ou l'autre parti. Le Duc de la PvQchefoucauk fe rendit à Pa^

(^G MekoirEî ris avec une extrême diligence , 3a demeura toujours caché chez lu Princefife Palatine , afin de pouvoi; examiner avec elle ce que de toute parts on lui venoit propoier. Lin terêt général des Frondeurs étoi Péloignemcnt & la ruine entière di Cardinal \ à quoi ils demandoien que les Princes contribuafTent ave eux de tout leur pouvoir. Madam de Chevrcufe deliroit ^ que Mr. 1 Prince de Conti épousât fa fille qu'après la chute du Cardinal o\ mit Mr. de Château-neuf dans 1 place de Premier Miniftre , moyen liant quoi l'on donneroit à Mr. 1 Prince le Gouvernement de Guien ne avec la Lieutenance générale d^ cette Province , Se Blaye pour celu de fes amis qu'il choifiroit j & l Gouvernement de Provence pou Mr. le Prince de Conti. Le Duc Beaufort «3^ Madame de Montbazoï n'avoienc aucune connoiflànce

ce

DE M. D. L. R. 97

:s chofes , Se ils faifoient aufïî un aité particulier , que les autres ;noroient , lequel confiftoit feule- lent à donner de l'argent à Mada- le de Montbazon , & à lui faire 3tenir pour Ton fils la furvivance , i la récompenfe de quelques-unes ^s Charges de Ton père. Le Coad- teur paroi iloit fans autre intérêt ae celui de fes amis , mais outre a'il croyoit rencontrer toute {a. :andeur dans la perte du Cardi- û 5 il avoir une grande liaifon 7ec Madame de Chevreufe, &: l'on foit 5 que la beauté de Mademoi- lle fa HUe avoir encore plus de Duvoir fur lui. Mf. de Château- îuf ne voulut point paroître dans ; traité ; mais comme il avoit toû- urs été également attaché à Ma- ame de Chevreufe , Se devant Se )rès fa prifon , ç*a toujours été iffi conjointement , qu'ils ont pris lUtes leurs mefures , tantôt avec le Tme II, E

5)S Mémoires Cardinal , ôc apiès avec les enn rnis ^ de foi-te qu'on fe conten de la parole , que Madame de Ch vreufe donna pour lui. Mais cor me il écoic dans une étroite liaii( avec les plus confidérables perio lies de la Maiion du Roi , ôc q dans le Parlement il avoit beaucoi d'amis dont il pouvoit difpoiei il confentit qu'ils villent fecrett ment Madame la Princelïe Palatii Ôc qu'ils lui promidènt d'entrer av lui dans tous Tes engagemens. pouvoit encore beaucoup fur b prit de Monfieur le Duc d'Orléan ôc le Coadjuteur , Madame de C\ vreufe, &c lui l'avoient entîereme difpofé à demander la liberté c Princes.

Les choies étant ainfi préparée Monfieur le Prince , qui en éc( cxadement averti , fembloit voul( conclure avec les Frondeurs» M; le Duc de la Rochefoucauk voys

D E M. D. L. R. 5^

les négociations également avancées de tous les côtés , &: jugeant que Ci l'on concluoit avec les Frondeurs , es Princes ne pou voient for tir fans jne révolution entière , ôc qu^au rontraire le Cardinal ayant les :leFs du Havre , il les pouvoic met- ire en liberté en un moment , il empêcha la PrincelTe Palatine de ■"aire ratifier à moniîeur le Prince le :raité des Frondeurs , pour donner :emps au Cardinal de confidérer le péril il s'alloit jetter. Le Duc la RocheFoucault le vit trois ou qua- :re fois en fecret \ ils le délirèrent cous deux ainfi , parce que le Car- dinal ne vouloit pas que perlonnc eût connoiflance de cette nésocia- cion , de peur que Moniteur & les Frondeurs ne fe hatalTent d'éclater contre lui : d>i le Duc de la Roche- Foucault la tenoit d'autant plus ie- crete , que les Frondeurs deman- doienc comme une condition de

E 2

100 M E M O î R E s

leur traité , que le Duc de la Ro- chefoucault le Cigràzi, ce qu'il ne Youloit ni ne de voit faire , tarH qu'il auroit lieu d'cfperer , que h traité avec le Cardinal pouvoii être fincere de fa part 6c de cell< des. Princes. Il reçût même ur plein -pouvoir de la Duchelïe d< Longueville , pour réconcilier tou- te la Maifon avec le Cardinal pour vi-i qu'il mît les Princes en liber té. Cependant les Frondeurs , qu avoient fçû que le Duc de la RO' chefoucâult négocioit particulière- ment, le preflèrent pour lui fain ligner leur traité avec Monfieur l Prince , & témoignèrent de l'inquie tude du retardement qu'il y appor toit ; de forte que fe voyant dan- la nécellité de conclute prompte^ ment , ou avec l'un ou avec l'autir< parti, il fe réfolut de voir encore uiv fois le Cardinal, 6c après lui avoii rcprefenté les mêmes chofes , qu^ii

D E M. D. L. Pv. ICI

ui avoir dites à Bourg , & le péril n\ il alloit êcrc par la declararion de vlonfieur le Duc d'Orléans , du Parlement de des Fror}deurs , & par 'absndonnement prefque gênerai le Tes créatures , il lui déclara, que es chofes étoient en tels terraes , [ue s'il ne lui donnoit ce jour-là tne parole précife 8c pofîtive de la iberté des Princes , il ne pourroic >lus traiter avec lui , ni différer de e joindre à tous ceux qui deiiroienc "a perte. Le Cardinal voyoit beau- oup d'apparence à ce qu'on lui di- bit ; néanmoins le Duc de la Ro- hefoucauk ne lui parla que gene- alement des cabales qui s'élevoient :ontre lui , fans entrer dans le dé- ail d'aucunes j & il le fit ainfi, pour le manquer pas au fecret qu'on lui tvoit confié, 8c pour ne rien dire \u\ pût nuire au parti , qui s'al- oit former pour la liberté des ?nnces , fi le Cardinal la refufoit. E 3

IGZ M I M O 1 R E S

De forte que le C?.rdinal ne vo yant rien de particuîarifé , ciCit qu< le Duc de la Rochefoucault lu grofïiffoit les objets afin de le fain conclure j ôc il crut que ne lui nom mant pas même de Tes propres enne mis 5 il n'avoit rien d'afsûré à lu dire. Cependant Paigreur éclata d toutes parts : Mr. le Duc d'Or îéans 5 qui fuivoit alors les fenti ment de Mr. de Châteauneuf, d Madame de Chevreufe , ôc di Coadjuteur , Te déclara ouverte ment de vouloir la liberté desPrin ces 5 qui de leur côté prefToient Duc de la Rochefoucault de con dure le traité avec le Frondeurs de de fe joindre avec eux. Cette de datation de Mr. le Duc d'Orléan: donna une vif^Lieur nouvelle ai Parlement d^ au peuple , ôc mit l( Cardinal dans la confternation. Lei Bourgeois prirent les armes , on fil ,1a garde aux portes , ôc en moins de

D E M, D. L. R. 105

V Heures, il ne fat plus au pouvoir u Roi ôc de la Reine de fortir de aris. LaNoblefle voulut avoirparc la liberté des Princes j & s'aiTcm- la en ce même-temps pour la de- lander. On ne fe contentoit pas e faire fortir les Princes , on vou- )it encore la vie du Cardinal ( a). îr. de Chateauneuf Garde des çeaux s'étoit joint aux intérêts des rinces , & efperoit que leur liber- t 8c Péloignement du Cardinal le nidroit maître des affaires : le î^la- E 4

(à) Ce fut en ce temps-la que la Villa ifiribua des jetions qui d'un coté rcpréfcn- nent la hache ^ Us verges ai^fnoriales du ^ardinal avec cette légende autour , qnod uit honos , criininis eft vindex , c'cfl-a- 'ire: ce qui a été autrefois une inavquz l'honneur ^ de puljjancs ^ eft pour punir es crimes de Maa^yi'in : é^ au revers , un ttol ^ avec cet hé-niifitche- ,Çi\i\i cer!:aî:a:c ata tyiannis , i e. telle ef la àeftinée des Varans. ï6<i.

104 Mémoires réchal de Villeroi , Ôc prefque tout la Maifon du Roi appuyoient 1 Garde des Sceaux : une partie de Miniftres , ôc beaucoup des plij particuliers amis du Cardinal , fai loient aufli la même chofe : la Du chefïe deChevreufe y contribuoitd tout Ton pouvoir , ôc elle en avoi beaucoup dans toutes les cabale; Mr. de Châteauneuf a toujours et lié à fes intérêts depuis Se devant f prifon 5 & c'a été conjointcmen qu'ils ont pris toutes leurs mefures tantôt avec le Cardinal , tantôt ave fes ennemis. Elle avoit une grand liaifon avec le Coadjuteur , mais I. beauté de Madcmoifellede Clievreu fe fa fille y avoit encore plus de pou voir : Mademoifellc , Se le Coadju- teur affifté de Madame de Chevreu fe &: du Garde des Sceaux , étoîen maîtres de rcfprit de Mr. le Du(' d-'Orléans. Ils avoient outre cela d( puilTantes cabales dans le peuple, &

D E M. D. L. R. lo;

dans le Parlement qu'ils faiioient agir félon leur belbin. La Duchei- fe de Chevreufe de Monfieur de Châreauneuf n'étoient point encore fulpedts au Cardinal ; il ignoroit la Dicpoiition du mariage de la fille le la Duchelle avec le Prince de Honti ; il fe fouvenoit qu'elle avoic )lus contribué que perfonne à la )rifon des Princes, en difporanc vlr. le Duc d'Orléans à y conientir, k Tobliseant de n'en rien dire à 'Abbé de la Rivière qu'elle ruina infuite. Il eut d'autant moins de lefiance des confeils qu'elle lui lonna, que Ton abattement & fes :raintes ne lui permettoientpas d'en uivre d'autres, que ceux qui al- oient à pourvoir à fa fureté. Car l fe reprefcntoit fans ce(ic qu'étant tu milieu de Paris, il devoit tout -^prehender de la fureur d'un peu- )le , qui avoir bien ofé prendre les trmes pour empêcher le Roi d!en

E s

jo6 Mémoires fortir. Madame de Chevreufe fe fer- vit avec beaucoup d'adreflè de difpolîdon il écoit, de délirant en effet Ton éloignement pour achevé^ le mariage de fa fille, ôc pour éta- blir Mr. de Châteauneuf , elle ie ménagea il bien fur tout cela , qu'en efïct elle eut beaucoup de part à la réfoiution quHl prit de fe retirer. Il fortit le foir de Paris , à cheval , fans trouver d'obftacle, ôc , fuivi de quelques-uns des fiens, il. alla à Saint Germain. Sa retraite n'adou- cit point les efprits des Parifiens , ni du Parlement 3 on craignit qu'il ne fdt allé au Havre , pour enlever les Princes , Se que la Reine n'eût deiîèin en même temps d'emmener le Roi hors de Paris : de forte que non feulement les gardes des portes Ôc des rues près du Palais Royal fu- rent redoublées j mais il y avoic toute la nuit des partis de Cavale- rie par la ville , pour empêcher le

D E M. D. L. R. 1C7 Roi &c la Reine de fortir. Un foiu que la Reine avoit efFedivemenc deflein de l'emmener, un des princi- paux Officiers de la Maifon du Roi en donna avis à Mr. le Duc d'Or- léans 5 qui à l'heure même envoya de Souches , fupplier la Reine de ne perfiller pas davantage dans un def- fein (i périlleux , & que tout le monde étoic refolu d'empêcher. Mais quelques proteftations que la Reine pûc faire , on n'y voulut point ajouter foi , de il fallut que de Souches vifitât le Palais Royal , pour voir (i les chofes paroi iîoienc uirpofées à une fortie j & qu'il en- trât enfuite dans la chambre du Roi 5 afin de pouvoir rapporter qu'il l'avoit vu couché dans Ton lit. Le Parlement de Ton coté faifoic tous les jours de nouvelles inilances pour la liberté des Princes , & les réponfes de la Cour étant ambi- guës 5 elles aigriiïbicnt les cfprits au E 6

joS Mémoires lieu de les appaifer. On avoît crû éblouir le monde en envoyant le Maréchal de Gramont trouver les Princes , Se lui même Tavoit été des belles apparences de ce voyage j mais comme il ne devoit rien pro- duire pour leur liberté , on vie bien-tôt , que ce n'étoit que pour gagner temps. Enfin , la Reine vo- yant augmenter le mal de tous cô- tés , Ôc ne fçachant point certaine- ment, fi le Cardinal prendroit le parti de délivrer les Princes , ou de les emmener avec lui j de plus , craignant que les efprits aigris de tant de remifes , ne fe portaflènten- iin à d'étranges extrémités , elle fe refolut de promettre au Parlement la liberté des Princes fans plus de retardement. Le Duc de la Roche- foucault fut choifi pour aller porter au Havre au Sieur de Bar , & qui les gardoit, cet ordre fi pofirif , ôc qui détruifoit tous ceux qu'il au-

DE M. D. L. R. icp

roit pu avoir au contraire. Mr. de la Vrilliere , Secrétaire d'Etat , ôc Cominges, Capitaine des Gardes de Id Reine , eurent charge de l'ac- compagner , pour rendre la chofe encore plus folemnelle , & laifTer noins lieu de douter de la finceri- é de la Renie. Mais tant de belles ipparcnces n'éblouirent pas le Duc le la Rochefoucault : il reçût avec oye une fi avantsgeufe commilTion; nais en partant il dit à Mr. le Duc Orléans , que la fureté de tant déc- rits ôc de tant de paroles Ci folem- ellement données , dépendoit du 3in qu'on apporteroit à garder le Pa- lis-Royal 5 d'autant que la Reine fe roiroit dégagée de tout du moment u'elle feroit hors de Paris. £n efFet> n a fçu depuis , qu'elle envoya en iligencc donner avis de ces chofes a Cardiii-1 qui étoit prêt d'arriver 1 Havre, d< lui diie que fans avoir ^ard à fes promeflès , Ôc à l'écrit

iio Mémoires figné du Roi , d'elle & des Secré- taires d'Etat 5 dont le Duc de la Rochcfoucault de Mr. de la Vrillie- re étoient chargés , il pouvoit dif- pofer à Ton gré de la deftinée des Princes ; que cependant elle cher- cheroit tous les moyens de tirer le Roi hors de Paris. Mais cet avis m fit pas changer de deflein au Cardi- nal. Bien qu'il fôt en fon pouvoir Sa laifîer exécuter cet ordre-là^ ou d'ar- rêter prifonniers le Duc de la Ro- chcfoucault 5 & ceux qui l'accom- pagnoient , il prit le parti de voii lui-même les Princes. Ce que je fçai de cette entrevue , efl: que d'aboi d le Cardinal voulut fe juftifîer au- près d'eux 5 en leur difant les fujets qu'il avoit eus de les faire arrccer : 3c qu'enfuite il leur demanda leui amitié , ajoutant avec fierté ^ qu'ils étoient libres de la lui accorder ou refufer (a) j ôc que quoiqu'il en fiit, fa) Precibus conrumacibus. j^jw. i.

D E M. D. L. R. m

ils pouvoient dès ce moment fortir du Havre , ôc aller il leur plai- roir. Apparemment ils lui promi- rent tout ce qu'il voulut j il dîna avec eux , de auiïi - tôt après les Princes ôc le Maréchal de Gramonc partirent du Havre, 6c allèrent cou- rber à trois lieues de-là , dans une maifon nommée Grofmenil fur le chemin du Havre à Rouen , le Duc de la Rochefoucault , la Vril- liere , Cominges , Ôc le Préfident Viole arrivèrent un moment après ^ avec les ordres de la Cour dont je viens de parler.

Les Princes recouvrèrent ainfi leur liberté treize mois après l'avoir per- due. On peut dire que Mr. le Prince fupporta cette difgrace avec beau- coup de confiance , oC qu'il ne per- dit jamais une occafion de travail- ler lui-même à faire ceffer fon m.al- heur. Il fut abandonné de plufieurs de fes amis j mais on peut dire

ïii Mémoires

auiïi 5 que jamais homme n'en trouve de plus fermes de de pîuî fidèles , que ceux qui lui refterenr. Jamais perfonne de fa. qualité n's été acculé de moindres crimes , ni arrêcé avec moins de fujer. Mais ù nai (lance , Ton mérite , 6c Ton inno- cence qui dévoient avec juftice em- pêcher fa prifon , étoient de grandi fujfts de la faire durer, G la frayeiâ du Cardinal , ôc tout ce qui s'éleva en même temps contre lui , ne lui eufïent fait prendre de fauffes mefu- res dans le commencement de dans la fin de cette affaire.

(P.

W^

E M. D. L. R. 115

RELATION

De ce qui fe p<z(î;i depuis la pri^

fin des Princes , jtifqu'^ la>

Guerre de Guienne.

LA prifon de Moniicur le Prince avoir apporté un nouveau luftre à fa gloire. Auffi arriva-t-il à Paris avec tout l'éclat , qu'une liberté fi avantageufement obtenue lui pou- voit donner. Mr. le Duc d'Orléans ôc le Parlement l'avoient arraché des mains de la Reine ; le Cardinal Mazarin étoit à peine échappé de celles du peuple , ôc fortoit du Royaume , chargé du mépris & de la haine publique. Enfin ce miême peuple 5 qui un an auparavant avoit fait des feux de joye du malheur de Monfieur le Pnnce , avoic tenu

Sî4 Mémoires la Cour aiTicgée dans le Palais Royal 3 pour procurer fa liberté (a). Sa difgrace avoit changé en com- paflîon 5 Taverfion qu'on avoir eue auparavant pour Ton humeur , &C pour fa conduite, & tous efperoient également que fa préfence rétabli- roit l'ordre & la tranquillité de l'Etat. Les chofes étoienr difporées de la forte , lorfque ce Prince ar- riva à Paris , avec le Prince de Conti , & le Duc de LongueVille j une foule innombrable de peuple vint au devant de lui jnfqu'à Pon- toife -, il rencontra Monficur le Duc d'Orléans à la moitié du chemin , qui lui préfenta le Duc de Beau- fort de le Coadjuieur , & fut con- duit au Palais Royal au milieu

(a) Neque illis judicium nut veritas^j quippe eodem ( anno ) diveiTa pari cer- taminepoftulantibus. Hi/t. i. Tarn pro-' num in mifericordiam , quam immo- dic.um fcçvitia fuerat. Uf,d.

D E M. D. L. R. îij' le ce triomphe , &c des acclamations )ubliques. Le Roi , la Reiiie , de vlï. le Duc d'Anjou y croient de- neurés avec les feuls OfHciers de eurs maifons 5 & Mr. le Prince y ut reçu comme un homme qui toit plus en état de faire grâce que e la demander. Plufieurs ont cru [ue Mr. le Duc d'Orléans 6ilui n- hrent en ciFet une bien plus ;rande à la Reine de la laiiTer ouir plus long-temps de Ton auto- ité y car il étoit facile alors de la ui faire ôter par le Parlement du ;onrentement de tous les partis , la Ilour n'étant ni en état , ni même 'u volonté de s'y opporer *, tant la tiite du Cardinal y avoit laiffi l'incertitude 6c de confcernation. 2c chemin fi court ôc fi aifé lui ermoit pour toujours celui de Ton retour en France j il ôtoit tout d'un :oup à la Reine Pefperance de le iQÏx rétablir dans le Miniftére, Les

ii6 Mémoires moyens en étoient aifés , comme je viens de dire , 8c on pouvoii fans peine faire pafl'er par un arrêt la Régence à Mr. le Duc d'Orléans ôc remettre non feulement entre fe; mains la conduite de l'Etat , mai: aufïi la perfonne du Roi , qui man- quoit feule, pour rendre le part des Princes aufïi légitime en appa- rence , qu'il eût été puiflànt en efrér Mais foit que Mr. le Prince n( faifant que d'arriver comme er triomphe , en eût encore Pefpri tout plein , de qu'il crût que et chani^ement Ci foudain de fa fortune ' meritoit d'être goûté quel que temps, avant que d'entreprendre de i grandies chofes ; ou foie que U grandeur de cette entreprife l'em- pêchât d'en connoitre la facilité; ou bien que la connoiflant il nft pût fe réfoudre à lai (1er transférer toute la puiiïance à Mr. le Duc d'Orléans , qui étoit lui-même cm

B E M. D. L. R. 117

elle des Frondeurs , donc Mr. le 'rince ne vouloir plus dépendre ; u (oit plus vraifemblablement en- ore qu ils crûllent Pun & l'autre , ue quelques négociations com- mencés , & la foiblefle du Gou- ernemenc , établiroienc leur auro- par des voyes plus douces & lus légitimes que celles que je viens e dire ; enfin , ils laifïèrent à la .eine Ton titre & Ton pouvoir.

Ceux qui regardoient leur con- uite 5 & qui en jugeoient félon s vues ordinaires , remarquoienc u'il leur étoit arrivé ce qui arri- i fouvent en de femblables occa- ons 5 & même aux plus grands Dm.mes , qui ont fait la guerre à urs Souverains , qui eft de n'a- DÎr pas fçû fe prévaloir de certains Lomens favorables ôc décififs (a),

'j

(a) Agendum audendumque , dum egim autoritas fluxa ; opportunes agnis conatibus tranfiîus rerum Tficit.

iiS A'Iemoiris dans lefquels ils les pouvoient op primer entieremenr. Ainfi le Du de Guife aux premières barricade laiifa fortir de Paris le Roi , aprè Tavoir tenu comme afiiegé dans 1 Louvre un jour ôc une nuit : ain le peuple de Paris , aux dernière barricades, pafla toute fa fougue demander l'élargiflfemenc de Brou' fel ôc de Blancmefnil , fans fong< à fe faire livrer le Cardinal , qu* pouvoir fans peine arracher d Palais Royal , qu'il tenoit bloqU' Enfin 5 quelles que fullènt les ra fons des Princes , ils lailTerei échapper une conjoncture h impo tante , & cette entrevue fe pal en civilités ordinaires , fans t moigner d'aigreur de part Se d'aj tre 5 de fans parler d'affaires.

Mais la Reine defuoit trop ic patiemment le retour du Cardin pour ne tenter pas toutes forte' voyes y pour y difpofer Mr. le PrL

V E M. D. L. R. iip

:e ; elle lui fît oifiir par la PrincefTc ;^akdne une liaifon étroite avec lui^ k de lui procurer toute forte d'à- 'antages. Mais comme Tes termes 'toieiu généraux , il n'y répondit [ue par des civilités qui ne Ten-' ;ageoient pas. Il crût même que 'étoit un artiiîce de la Reine pour enouveller contre lui l'aigreur eé- .erale, U pour Texpoier a retomber .ans les premiers malheurs , en le endant fuipect au Duc d'Orléans , u Parlement , de au peuple par niQ liaiion fecrette. Il conhderoit ncore , qu'il étoit forti de prilon ar un traité figné avec Madame e Chevreufe , par lequel le Prince e Conti devoit époufer fa iîlle j & ue c'étoit principalement par cette lliancc que les Frondeurs de le )oadjuteur de Paris prenoient con- ance en lui. Cette confidération liioit auffi le même effet envers î Garde des Sceaux de Chafleavî-

Tzo Mémoires neuf 5 qui tenoit alors la première place dans le Confeil , Se qui écoii infeparablement attaché à la Du- clielie de Chevreufe. D'ailleurs cette Cabale rubfiftoic encore ave< les mêmes apparences de force S de crédit j elle lui offrit aufTi l choix des établi (Temens pour lui d pour fon frère ; Mr. de Chafteau neuf venoit même de les rétabli tous deux 3 Se le Duc de Longue ville, dans les fondions de leui Charges. Enfin , Mr. le Prince trou voit du péril &c de la honte à rorr pre avec des gens, dont il avoir reç tant d'avantages , 6c qui avoient puifl'amment contribué à fa liberté Si ces réflexions firent balance Mr. le Prince , elles ne changeret point le defiein de la Reine : eM defira toûjrurs avec la même ardeii*f d'entrer en négociation avec lui efperant ou de l'attacher veritabk ment à fes intérêts , Se aflurer

«> E M. D. L. R. m

à le retour du Cardinal j ou de le rendre de nouveau rufped à tout :e qui avoir pris fon parti. Dans ;ettc vue elle prefTa la Princefïè ^alatine de faire expliquer Mr» le *rince fur ce qu'il pouvoir deiirer 'our lui 8c pour Tes amis y & lui onna tant d'efpéranccs d'obtenir DUtes chofes, quil fe réfolut enfin e traiter , ôc de voir fecretement ervien ôc Lionne chez la Princefîè alatine. Il voulut audi que le Duc e la Rochefoucault s'y trouvât 5

il le fit de la participation du rince de Conti , & de la Ducheflè e Longueville. Le premier projet u traité , qui avoir été propofé ir la Princeilè Palatine , étoit qu'on onneroit la Guicnne à Mr. le rince , avec la Lieutenance Géné- ile pour celui de fes amis qu'il judroit ; le Gouvernement de Pro- mce pour le Prince de Conti ; l'on feroit des gratifications à

Tom II, F

111 Mémoires

ceux qui auroieiit fuivi Tes intérêts ; qu'on n'éxigeroic de lui , que d'al- leu dans fon Gouvernement , avec ce qu'il choidroix de fes troupes pour fa fureté ; qu'il y demeureroic fans contribuer au retour du Cardi- nal Mazarin ; mais qu'il ne s'op- poferoit pas auffi à ce que le Roi feroit pour le faire revenir ; &c que quoi qu'il arrivât , Mr. le Prin€( ieroit libre d'être fon ami ou foi ennemi , félon que fa conduite lu donneroit fujet de l'aimer ou de l haïr. Ces mêmes conditions furen non feulement confirmées , mai encore augmentées par Servien & Lionne ; car fur ce que Mr. 1 Prince vouloit joindre le Gouvé nement de Blaye à la Lieutenanc' Générale de Guienne pour le Du de la Rochefoucault 5 ils lui c donnèrent toutes les efpérancc qu'il pouvoit defirer. Il eft vce qu'ils demandèrent du temps poi*

D E M, D. L. R. 11$

■aîter avec Monfieur d'Angoulê-

le du Gouvernement de Proven-

I ; , ^ pour achever de difpofer la

' eine à accorder Blaye : mais ap-

iremment ce fut pour pouvoir ren-

•e compte au Cardinal de ce qui

paffoit 5 & recevoir fes ordres.

: s'expliquèrent aufïi de la repu-

lance &que la Reine avoit au ma-

ige du Prince de Conti avec Ma-

» moifelle de Chevreufe j mais on

; leur donna pas lieu d'entrer plus

; ant en matière là-deffiis , de on

lu- ht feulement connoître , que

1 ngagement qu'on avoit pris avec

] ^dame de Chevreufe , étoit trop

i ind pour chercher des expediens

} ur le rompre. Ils n'infifterent pas

î cet article , ôc l'on fe fépara ;

c forte qu'on pouvoit croire rai-

1 inablement , que la Uaifon de

l Reine &c de Mr. le Prince étoic

f le point de fe conclure. L'un

t l'autre aboient prefqu'également

F %

124 Mémoires

intérêt , que cette négociation fiit

fecrete j la Reine devoit craindre

d'augmenter la défiance de Mr. 1<

Duc d'Orléans &c des Frondeurs

ôc de contrevenir fi-tot , oc fan

aucun prétexte , à toutes les Décls

rations , qu'elle venoit de donne

au Parlement contre le retour d

Cardinal. Mr. le Prince de fc

coté n'avoit pas moins de préca\

tions à prendre -, le bruit de fc

traité faifoit croire à fes amis , qu

Tavoit fait fans leur participatioi

de fourniiToit dès Hieure un jui

prétexte au Duc de Bouillon de

Maréchal de Turenne de quiti

fes intérêts : il fe rendoit irrécon^

îiable avec les Frondeurs , ôc la E

chelTe de Chevreufe, Ôc renouvell

tout d'un coup 5 au Parlement ,

au peuple limage afïreufe d^

dernière guerre de Paris. Enfr

cette affaire demeura quelque zcù

fans éclater -, mais celui qu'on a^

D E M. D. L. R. I2J

H-is pour la conclure , produific )ien-t6t des lu jets de la rompre , k. de porter les chofes dans les xtremités nous les avons vues iepuis. Cependant l'aiïemblée de 1 Noblefïe ne s'étoit pas leparée , 'ien que les Princes fu(lent en lî- lerté 5 elle conrinuolt toujours fous ivcrs prétextes , demandant d'a- >ord le rétablilTement de leurs riviléges , & la réformation de 'lufîeurs abus : mais Ton véritable Din étoit d'obtenir les Etats-Géné- aux 3 qui étoit en .effet le plus flùré ôc le plus innocent remède , u'on pût apporter, pour remettre Etat fur Tes anciens fondcmens > ont la puilïance trop étendue des ivoris femble l'avoir arraché de- uis quelque temps. La fuite n'a ue trop fait voir , combien ce pro- tt de la NoblefTe eût été avanta- ,eux au Royaum.e. Mais Mr. le )uc d'Orléans ôc Mr. le Prince r.e F ;

ii6 Mémoires connoiflant pas leurs vrais intérêts S: voulant même fe ménager entr( la Cour &c le Parlement , au-liei ^'appuyer les demandes de la No blefiè 3 de de s'attirer par le rite d'avoir procuré le repos public fcngercnt feulement aux moyens d -difTiper l'allemblée ^ &: crurent avoi fatisfait à tous leurs devoirs en ti tant parole de la Cour , de fait tenir les Etats fix mois après I majorité du Roi. Sur une fi vair promefîè Pallemblée fe fépara > l \qs chofes reprirent le chemin qu je vais dire.

La Cour étoit alors partagée e plufîeurs Cabales y mais toutes s'a< cordoient à empêcher le retour d Cardinal j leur conduite néanmoir étoit très- différente : les Frondem fc déclaroient ouvertement cohtj lui ; m^ais le Garde des Sceau de Châteauneuf paroiflbit étroia ment lié à la Reine , bien qu'il fl

D E M. D. L. R. 117

e plus dangereux ennemi du Car- iinal. Il croyoic cette conduite l'autanc plus fûre pour l'éloigner , 'k pour occuper ia place , qn'A iffecloit d'entrer dans les ientimens ie la Reine , pour hâter ton retour. l.a Reine rendoit exactement comp- :e au Cardinal de toutes choies , lurant fa retraite ôc Ton éloigne- ■nent ; & Ton abfence avoit même lugm.enté Ton pouvoir ; mais com- ne fes ordres venoient lentement 'a) 5 de que l'un étoit fouvent détruit par l'autre , cette diverfité apportoit une confufion aux affai- res 5 l'on ne pouvoit remédier. Cependant les Frondeurs preiroient LC mariage du Prince de Conti , & Ae Mademoifelle de Chcvreufe \ les moindres retardemens leur étoient fuipeds , & ils foupçonnoient déjà F 4

( a ) Ex diftantibus terrarum fpatiis conûlia poft res affcrebantur. tîiji. 3.

iz8 M E M O ï R î s

Madame de Longueville &c le Diît de la Rochcfoucault , d'avoir def- fein de le rompre , de peur que Mr. le Prince de Conti ne fordt de leurs mains pour entrer dans celles de Madame de Chevreufe , & du ■Coadjuteur de Paris, Monfieur k Prince augmentoit encore adroite- ment leurs foucons contre fa focur, Ôc contre le Duc de la Rochefou^ cault 3 croyant bien que tant qu'il? auroient cette penfée ils ne décou- -vriroient jamais la véritable caufc du retardement du Mariage , qui .etoit en effet , que le traité dont j'ai parlé , de Mr. le Prince avec le Reine n'étant ni achevé ni rompu ik ayant eu avis que Monfieur de Châteauneuf dévoie être chaflé il voulut attendre l'événement toutes ces chofes , pour faire le ma- riage 5 le Cardinal étoit ruïm par le Garde des Sceaux -, ou poill fgiire fa Cour à la Reine en le rpn^

î> E M. D. L. R. 1Z9

pant (a } 5 fi le Garde des Sceaux ëtoic chalîé par le Cardinal. Cepen- dant on envoya à Rome, pour avoir difpenfe fur la parenté :- le Prince de Conti rattendoit avec impatien- ce 5 & parce que, la perfonne de Mademoifelle de Chevreuie lui plai- tbi: 3 de parce que le changement decondicionavoit aumoinsla grâce le la nouveauté j ce qui étoit pour ui un charme inévitable. Il cachoic :ûutefois ce fentiment-là à Tes amis ivec tout l'artifice dont il étoit ca- )able j mais il craignoit fur routes :hores , que Madame de Longue- dlle ne s'en apperçût , de peur de uïner par-là les efpérances vaines Le la paffion honteufe & ridicule , lont il vouloit qu'on le crut touché. Dans cet embarras il pria fecrete-

(à) Temporibus infîdiari videbatur ^ t omnia ex proprio ufu ageret , & hue tque illuc , unde fpes major affuidet otcncis , fe defiederec. F.^ten. Hijf. u

130 Mémoires ment le Préfident Viole , qui devoît d refier les articles de fou mariage d'accorder tous les points qu'or vou droit contcfter , ôc de fur mon- ter toutes les difficultés. Dans c( temps-là même le Garde des Sceau: de Cbâreauneuf fut chaflï , & h Premier Préfident prit fa place Cette nouvelle furprit &C irrita le Frondenrs , & le Coadjuteur enne mi particulier de ce Magiftrat ail précipitamment à Luxembourg ei avertir Mr. le Duc d'Orléans , 5 Mr. le Prince qui y étoient enfem ble. Il éxaî^era devant eux la con duite de la Cour avec toute Pai greur polTible , & il la rendit fi fuf pe6te à Mr. le Duc d'Orléans , qu( l'on tint fur l'heure un Confeil , ci fe trouvèrent plufieurs perfonnes d* qualité , pour délibérer fi l'on iroi à Pinftant même au Palais arraclie; les Sceaux au Premier Préfident & fi l'on émouvroit le peuple poiu

DE M. D. L. R. 151

foûtenir cette violence. M dis Mr. le Prince y fat entièrement contraire , foit qu'il s'opposât par raifon ou par intérêt ; il y mêla même quel- que raillerie , difant qu'il n'étoic pas aflez brave , pour s'expofer à une guerre qui fe feroit à coups de pierres de de pots de chambre. Les Frondeurs furent piqués de cette ré- ponfe 5 de fe confirmèrent par - dans l'opinion qu'ils avoient que Mr. le Prince prenoit des mefures fecretes avec la Cour , &: que l'éloi- gnemenc de Mr. de Châteauneuf , ôc le retour de Mr. de Chavigny Secrétaire d'Etar , qui avoit été rap- pelle en ce temps -là, avoient été concertés avec lui , bien qu'en effet il n'y eût eu aucune part. Cepen- dant la Reine rétablit Monfieur de Chavigny dans le Confeil. Elle crût que revenant fans la partici- pation de perfcnne , il lui auroic l'ooligation tguce entière de fon rc- F 6

1^1 Mémoires tour ; ôc en effet tant que Chavigny clpera de gagner créance fur Ton cf- prit, il parut éloigné de Mr. le Prin- ce 5 & de tous fes principaux amis; mais dès que les prenniers jour^ lui eurent fait connoître , que rien ne pouvoit changer le cœur de la Rei- ne pour le Cardinal , il renoua £è- cretemenc avec Monfîeur le Prince , ôc crût dès ce moment-là, que cette liaifon le porteroit à tout ce que fbn ambition démefurée lui fat- foit délirer. Sa première penfée fut d'obliger Monfîeur le Prince de dé- clarer à Mr. le Duc d'Orléans le traité qu'il avoit fait avec la Reine, afin qu'il lui aidât à le rompre. En- fuite il exigea de Mr. le Prince, d'ôtcr à Madame de Longueville, êc au Duc de la Rochefoucaulc , la connoiflànce particulière & fecrct^ de fcs delTeins , bien qu'il dût â l'une & à l'autre la confiance que Mr.. le Prince prenoit en lui.

D E M. D. L. R. 15.5

Pendant que Chavigny agifloic ainfi, Péloignement de Mr. de Châ- teauneuf avoit augmenté les dé- fiances de Madame de Chevreufe touchant le mariage qu'elle fou- haitoit ardemment j elle ne fe trou- voit plus en état de pouvoir procu- rer à Monfieur le Prince , & à Tes amis l'établitlèment auquel elle s'é-^ :oic engagée y ôc cependant. Ma- dame de Rhodes écoit convenue de fa part avec le Duc de la Rochefou- caultj que ces mêmes établifîèmens,. 5c le mariage , fe dévoient éxécutei: 2n même temps , ôc être des mar- ques réciproques de la bonne foi des deux partis j mais fi d'un coté Madame de Chevreufe voyoit di- oiinuer fes efpérances avec Ton cré- dit , elle les reprenoit par les témoi- gnages de palïion que le Prince de Conti dormcit à Mademoifelle de Chevreufe. Il lui rendoit mille foins, qu'il cachoic à fes amis , de parri»

154 Mémoires culierement à fa fœur. Il avoir des converfations tiès-loni^ues , & très- particulières avec Laigucs &c Noir- mou (lier j amis intimes de Made- moifclle de Chevreufe , defquelle* contre fa coutume , il ne rcndoii plus compte à perfonne. Enfin , ù conduite parut (i extraordinaire que Mr. le Préfident de Nefmond ferviteur particulier de Monfieur h Prince , fe crût obligé de lui don- ner avis du delTcin de Monfieur 1( Prince de Conti. Il lui dit qu'il al- loit époufer Mademoifelle de Che- vreufe fans fa participation , ôc ian: dirpenfe : qu'il fe cachoit de tous fe; amis pour traiter avec Laigues ; ôc que s'il n'y remédioit prompte- ment , il verroit Mademoifelle de Chevreufe lui ôter fon frère , & achever ce mariage dans le temps qu'on croyoit qu'il avoir plus d'in- térêt de l'empêcher. Cet avis le re- tira de fon incertitude ; ôc fatls

DE M. D. L. R. 15/

concerter fa penfée avec perfonne ^ il alla chez le Prince de Conti , de commençant d'abord la converfa- rion par des railleries (3.) fur la grandeur de Ton amour , il le finie difant de Mademoifelle de Che- vreufe , du Coadjuteur , de Noir- mouftier , &c de Caumartin , tout ce qu'il crût le plus capable de dé- goûter un amant ou un mari. Il n'eue pas grande peine à réiiffir dans Ton deffein ; car foit que Mr. le Prince de Conti crût qu'il difoit vrai , ou qu'il n'osât témoigner qu'il en doii- roit 5 il le remercia à l'heure même d'un avis fi falutaire , &c prit réfo- lution de ne fonger jamais à Made-

( a ) Qu'étant à'aujfi belle taille cju'il étott , il ai^oit raifon de 'vouloir chercher encore (Quelque agrément ; que [on mctrici^ ge alloit orner fa tête de mitres , d^'ar-^ mées & de bonnets a cornes ^ ^ mettre dans fon parti l'EgUfe , la NobleJJe , ^ le tien-Btdt, Vie de Mr. de Tureniic.

1^6 Mémoires moifelle de Chevreufe. Il fe plaignîi même de Madame de Longueville; & du Duc de la Rochefoucault de ne l'avoir pas averti plutôt d< ce qui fe difoit d'elle dans U monde- On chercha dès lors les moyen* de rompre cette affaire fans aigreur; mais les intérêts en étoient trqj grands , de les circonftances tro| piquantes , pour ne pas renouvelle] ôc accroître l'ancienne haine de Madame de Chevreufe ôc des Fron- deurs contre Mr. le Prince, &c con- tre ceux qu'ils foupçonnoient d*a}« voir part à ce qu'il venoit de faire. Néanmoins , le Préfident Viole fuC chargé d'aller trouver Madame de Chevreufe 5 pour dégager avec quel- que bienfeance , Mr. le Prince 6^ le Prince de Conti des paroles qu'il avoient données pour le mariage i ils la dévoient aller voir enfui te tun de Tautre un jour après : mais

DE M. D. L. R. 137

'bit qu'ils eulTent peine de voir une I erfonne à qui ils faifoient un fl jsnfible déplaifir; ou foie que les I eux fieres qui s^aigrifToienc tous :s jours pour les moindres cliofcs, î fiiflcnt aigris alors pour la ma- tière dont ils dévoient vifiter Ma- .emoifelle de Chevreufe j enfin , 41- eux ni le Préiident Viole, ne ï virent j Se l'affaire fe rompit de sur côté 5 fans qu'ils eflayallènt de ;arder aucune mefure , & de fauver a moindre apparence. Je ne puis lire 3 ce fut de la participation 'fe Chavigny 5 que Mr. le Prince ifcepta l'échange du Gouverne- nent de Guienne contre celui de 3ourgogne -y mais enfin ce traité foc :onclu par lui , fans parler de ce p'il avoit demandé pour fon frère, 5our le Duc de la Rochefoucault, 5^ pour fes autres amis.

Cependant les confeils de Cha- tfigny aycient eu les fuccès qu/Il

13 s Mémoires deduoic j il avoit feul la confîana de Mr. le Prince, & il l'avoit port( à rompre foii traité avec la ReiiK contre l'avis de Madame de Lon gueville , de la Prirxefle Palatine ôc des Ducs de Boni lion & de l Rochefoucault. Servieii Ôc Lionn- fe trouvèrent brouillés des deu; côtés pour cette négociation , ê furent chafTés enflure. La Rein nioit d'avoir jamais écouté la pro pofition de Blaye ; & elle accufoi Servien de Pavoir faite exprès pour rendre les demandes de Mi le Prince fi hautes , qu'il lui fy impoiTible de les accorder. Pou Mr. le Prince , il fe plaignoit d Servien , ou d'êcre entré en matier avec lui , de la part de la Reine fur des conditions Se dont elle n'a- voit pas eu de connoiflance j ou 4< lui avoir fait tant de vaines propo- fitious , pour l'amufer fous l'appa.

E M. D. L. R, 13^

cnce d'un traité fincere (a) , & ^ui n'étoit en effet qu'un deilèiii n-émédité de le ruiner. Enfin , nen que Servien fut foupçonné les deux partis , cela ne diminua )oint l'aigreur, qui commençoic i naître entre la Reine &c Mr. le ^rince ; elle écoit prefque égale- nent fomentée de tout ce qui les ipprochoit (h) : on perfLiadoit à la ^eine , qre la divifion de Mr. le ^rince , &c de Madame de Che- /reufe , alloit ré'inir les Frondeurs aux interêcs du Cardinal j dz que les chofes fe trouveroient bien-tôc aux mêmes termes elles étoient lorfqu'on arrêta Mr. le Prince. Lui d'autre côté étoit poufTé à rompre avec la Cour , par beaucoup d'in- térêts différens. Il ne trouvoit plus de fureté avec la Reine , 6c crai-

(2l) Imagine pacis deceptum. o4-/?n. i; (h) Anxii odiis , qua: praviïas anii" eorum augebat. /i//?. i.

140 Mémoires gnoit de retomber dans fes pre- mières difgraces. Madame de Lon- guevillc fçavoît , que le Cardina l'avoic brouillée irréconciliable- ment avec Ton mari , &c qu'aprè les împrcfïions , qu'il lui avoir don- nées de fa conduite , elle ne pou voit l'aller trouver en Normandie fans expofer fa vie , ou fa liberté Cependant, le Duc de Longuevilli vouloir la retirer auprès de lui pa toutes fortes de voyes -, &c elle n'a voit plus de prétexte d'éviter o périlleux voyage , qu'en portan fon frère à quitter la Cour avpt éclat 5 &: à fe préparer à une guerr< civile (a). Le Prince de Conti n'a voit point de but arrêté ; il fuivoi toutefois les fentimens de fa fœui:

( a ) S'h/ia^i'aant que dans un /emp de confufion ^ de défordre , 07i aurai bien autre chofe a faire (ju^a prendre gard k fa conduite. Vie de Monfieiir d*« Turenne.

D E M. D. L. R. 141

ans les connoître , ôc vouloit la ;uerre , parce qu'elle l'éloignoit de à profeiTîon , qu'il n*aimoit pas. -e Duc de Nemours la confeilloit Lvec empreiremenc ; mais ce fenti- nent lui venoic moins de fon am- bition , que de fa jaloufie contre vlr. le Prince j il ne pouvoit fouf- Hr , qu'il vît & qu'il aimât Ma- lame de Châtillon -, mais comme 1 ne pouvoit l'empêcher , qu'en les réparant pour toujours , il crût que la guerre feroit toute feule ce effet- : de ce fut auiïi ce feul motif, qui la lui fît délirer. Les Ducs de Bouillon Ôc de la Rochefoucaulc en étoienc bien plus éloignés j car ils venoient d'éprouver par une expérience toute récente, à com- bien de peines & de difficultés infurmontables on s'expofe , pour foûtenir une guerre civile contre la perfonne du Roi : ils fçavoienr, de quelle infidélité on eft menacé,

ï4i Mémoires lorfque la Cour y attache des ré- compenfes (a) , &: qu'elle fournil aux interefles le prétexte de rentre! dans leur devoir ; ils connoilToieni encore la fcibleffe des Efpagnols combien vaines ôc trompeufes foni leurs promedes , de que leur vra intérêt n'écoit pas 3c que Monfieur l( Prince , ou Monfieur le Cardinal . fe rendît maître des affaires , mai: feulement, de fomenter le détordre entr^eux , pour fe prévaloir de noî divifions (b). Le Duc de Bouillor joignit encore fon intérêt particuliei à celui du public , & efperoit avoii quelque mérite vers la Reine , s'il contribuoit à retenir Monfieur U

(3.) Fruftra fidem fperari , ciim pra?mia perfidia; reputantur , fimulqiie immeiifa pecunia & potentia obveriaiitur. Cru- ciatu aut pra:mio cunda pervia cfle. K^nn. 15'. j

(h) Noftris illis difTenfionibus ac di£- cordiis elati. ht jigricoU. Spcfque ex malis noftris. Bijt, 4.

D E M. D. L. R. 14^

dnce dans fou devoir. Le Duc i la Rochefoucaulc ne pouvoic is témoignei' fi ouvertement la ré- jgnance qu'il avoit pour cette lerre 5 il étoit obligé de fuivre les ntimens de Madame de Longue- Ile 5 de ce qu'il pouvoit faire alors, oit d'eiïayer de lui faire defîrer la lix. Mais la conduit^^ la Cour ,

celle de Mr. le Prince , fourni- nt bien-tôt des flijets de défiance î part de d'autre , dont la fuite a é funeile à l'Etat , 6c à tant d'il- ftres familles du Royaume , ôc a lïné 5 prefqu'en un moment , la us grande ôc plus éclatante fcrtu- î j qu'on ait vue fur la tête d'un ajet.

Pendant que les chofes fe difpo- tient de tous côtés à une rupture itiere , Mr. le Prince envoya le larquis de Sillery en Flandres fous rétexte de décaler Madame de ongueville , de le Maréchal de

ï44 Mémoires

Turenne des traités" qu'ils avoien faits avec les Efpagnols , pour pro curer fa liberté j mais en effet avoit ordre de prendre des mefure avec le Comte de Fuenfaldaigne ôc de predentir quelle alTiftance 1 Prince pourroit tirer du Roi d'Ei pagne , s'il étoit obligé de faire I guerre. Fuenfaldaigne répondit cela , félon la coutume ordinaire d( Efpagnols , en promettant en gém ,ral beaucoup plus qu'on ne lui pou voit raifonnablement demander , ( n'oublia rien pour engager Moi: fieur le Prince à prendre les arme D'un autre côté la Reine avoit fa une nouvelle liaifon avec le Coac juteur dont le principal fondemer étoit la haine commune qu'i avoient pour Monfieur le Prino Ce traité dcvoit être fecret par H^ terêt de la Reine , ôc par celui d< Frondeurs , puifqu'elle n'en pouv( attendre de fervice , que par

créd:

D E ^I. D. L. R. 143, ledit qu'ils avoienc fur le peuple , Li'ils ne coniervoienc qu'aucanc u'on les croiroic ennemis du Car- inal. Les deux partis trouvoienc paiement leui- fLiretéà perdre Mon- =ur le Prince. On oiîric même à Reine de le tuer , ou de l'arrêter ifonnier j mais elle eut horreur de .première propoiition , ôc confen^ : volontiers à la fecond'e. Le oadjuteur & Lionne le trouvèrent lez le Comte de Montréfor , poiu:, )nvenir des moyens d'exécuter tte entreprife : ils demeurèrent accord , qu'il le falloic tenter ; ais ils ne réfolurent rien pour le mps 3 ni pour la manière de l'éxé- iter. Or foit que Lionne en crai- nt les /uites pour l'Etat , ou que mlant empêcher le retour du Car- nal 5 il confiderât la liberté dc: ionfieur le Prince, comme le plus and obftacle qu'on y put appor- r; il découvrit un jour au Maré^^ Tmç //. Q

i4<j Mémoires chai de Grammont , qu'il croyo fon ami , tout ce qui avoit été réfi lu contre Monlieur le Prince ch< , le Comte de Montréfor : le Mar chai ne conferva pas mieux le fecr , <jue Lionne , car il le dit à Ch vigny 5 après Tavoir engagé j toutes fortes de fermens à ne point révéler (a) : mais Chavigi en avertit à l'heure même Monfie le Prince. Il crût quelque temp .qu'on faifoic courir le bruit de l' rêter pour l'obliger à quitter V ris ; & que ce feroit une foible d'en prendre l'allarme (b) , voya

(a) Tant ejl vraye la maxime de Tac ^ue fins les amis font illuftres , moins font fidèles. Amicorum quanto quis ç ri or , minus fidus. Hifi. 3.

( h ) La plupart des Grands négligi d'examiner le fond des affaires , 0> de ie nonchalance leurs ennemis en prent^ eccafion de les perdre. Segnitia ducis , Tatercule en parlant de la confpirat d'Jij:miniîi5 ççmre Fftrus , iu oçcalion-

DE M. D. L. R. 147

ec quelle chaleur le peuple pre-

'it les intérêts, & fe trouvant

reflamment accompagné d'un

mbre infini d'Ofïicers d'armée ,

ceux de fes troupes , de Tes do-

•ftiques , & de fes amis particu-

rs. Dans cette confiance ("a) il

changea rien en fa conduite ,

e de n'aller plus au Louvre;

is cette précaution ne le pût ga-

itir de fe livrer lui même entre

mains du Roi par une impru-

ice 5 qu'on ne peut allez blâmer

Car il fe trouva par hazard aa

G 1

eiis ufus eft , Iiaud imprudenter fpe- uus , neminem celerius opprimi ^ m qui nihil timeret ; & frequentif* im initium effe calamitatis , fecuri- m. a) Ubi vires fuas refpexerat , f^uri-

d) Effecit quod mifernmum efl: , ut à accidit, id etiam merito accidiffe •atur, & cafus in culpam craareât.

14S Mémoires Coiîrs dans Ton carofie, au mèi temps que le Roi y pailoit en i'é\ îiant de la Challè, fuivi de Tes G; des de de fes Chevaux-legers. C te rencontre, qui dévoie pen Moniieur le Prince , ne produifi rheurc. aucun effet; le Roi coi jiua Ton chemin, fans que pas de ceux qui étoient auprès de 1 osLit lui donner confeil ; &z M< fieur le Prince forcit du Cours, p< ne lui pas donner le temps de { mer quelque deHein contre lui.- .peut croire, qu'ils furent fuq également d'une (1 extraordins -avanture , 3c qu'ils connurent bi tôt après , que chacun d'eux a^ fait une faute confiderable (aj" Roi de n'avoir pas pris fur le dis la réfolution de l'arrêter -, de M ilcur le Prince , de s'être expof n

( a. ) Uterque pari culpa , T

D E M. D. L. R. 149

tel péril fans l'avoir connu, que .•rqn'il ne le pouvoir plus éviter. .-Reifte & les Frondeurs fe confo^ ent aiiémént d'une ii belle occa- n perdue, dans l'erpcrance de •ir bien-toc réuinr leur projet. Cependant , les a\is continuels, i/on donnoit de toutes parts à ôiifiçur le Prince 5 comn^iCncerent foi perfuader qu'on fongeoic en ër à s'âiTurer de fa perfonne, ?.ns cette vûe-là il fe reconcilia ec Madame de Longueviile l<. le ne de la Rochetoucault j mais il ; laiilà pas d'être quelque-temps LIS prendre de nouvelles précau- >ns pour fe î^arantir , quoiqu'on it faire, pour l'y faire réfcudre (a), .ifin 5 fa defîinée voulut, qu^après ^oir rende opiniâtrem.ent à tant ^conjeclures apparentes , 6:- à tant

5

(a) Prcsvalebant fau eonfiliis. Pf.urc.

ifi. 1.

ijo Mémoires

d'avis certains , il prit l'allarme fai fujet 5 6c fie par une nouvelle fam ce qu'il avoit refufé de faire par confeil de fes amis ; car étant coi ché dans fon lit , ôc caufant av( Vineuil , il reçût un billet d'u Gentilhomme nommé le Bouchei ' qui PavertiiToit 5 que deux Cori pagnies des Gardes avoient pris 1 armes , ôc qu'elles alloient marchi vers le Fauxbourg Saint- Germai Cette nouvelle lui fit croire, qu'ell 'dévoient inveflir l'Hôtel de Condt de forte que fans fonger , qu'c €mployoit fouvent ces Compagni( à garder les portes, pour faire payt les entrées , ( comme en effet elh ii'étoient commandées alors , qn pour ce de(fein-là , ) il crût qu'o en vouloitt à fa perfonne , &c qu' devoit fortir de Paris en diligenc (a). Il monta donc à cheval ave

(a) Foycz, fon Manifejle a la fin de ci Mémoires.

D E M. D. L. R. 151

ute la précipiraticn poiTible , de anr (eulemcnc fuivi de lix oufepr, fortit par le Fauxbourg Saint-Mi- .el , &z demeura quelque temps ms Ile grand chemin , pour atten- e des nouvelles du Prince de onti qu'il avoir envoyé avertir : ais une féconde allarme plus ridi- ile. encore que la première , l'obli- ■a d'ûbandonner Ton porte. Il ek ai , qu'il entendit un allez grand )mbre de chevaux, qui marchoienc i trot vers lui ; de forte que cro- tnt 5 que c'étoit un efcadron , qui cherchoit , il fc retira vers Fleuri :cs de Meudon : mais il fe trouva Lie ces troupes , qui lui nrent quit- r le champ de bataille , n'étoient itre chofe , que des coquetiers qui ^rchoient toute la nuit (a) pour

G 4

(a) Orta feditio ludicro initio '

onclamatum repente, legionem ad pra?- um venire, fed erant agminis coactores: ^niti dempfere foliciîudinem. ^H//?. 1.

i^x Mémoires

arriver à Paris. Dès que Moni'ieu le Prince de Conti fçut que Mon fieur Ton frère étoit parti , il en don na avis au Duc de la Rcchefou cauk 3 qui alla joindre Monfieur ( Prince : mais Mr. le Prince l'obli gca à Pheure mênie de retourner Paris 5 pour rendre -compte de { part à Monf-jeur le Duc d'Orlénn du fiîjec de fa fortie, ôz de fa re traire à Saint Maur.

Ce départ de Monfieur le Princ produifif dans le monde ce que le grandes nouvelles ont acoutûmé d produire : chacun fît des projet difi'érens : l'apparence d'un chancje nient donna de la joye au neupl (a) 3 3c de la crainte à ceu:: qu

Ava,72îUYe aHjft pïaJfante , çhs ccJl^ de Bourpà^^-ûons , qui prirent des chnrdoh four des lances. Commines , ch. ii. di }< Livre de fes Mémoires.

(a) Vujgus , ut mos cil, cujufqiK motus novi cupidiim. Ann. i. Ut eft vul- gi!s mmabile (ubiàs. Hifi. i.

D E M. D. L. Pv. 155

.'relent érablis : le Coadjuceuu , Ma- lame de Chevreufe , Ôc les Frc^i- {e:rrs crûrent que l'éloignement de vlonfieur le Prince les unilïoit avec a Cour 3 Se augmentoit leur confi- lération par le befoin qu'on aurait L*eux : la Reine prévoyoit fans dcu- e les malheurs , qui ménaçoient 'Etat ; mais elle ne pou voit s'aiiii- ;er d'une guerre civile , qui poii- oic avancer le retour du Cardinal. .ir. le Prince craignoic les fuites L^une il grande affaire , C< ne. pou- 'oit fe réfoudre dt'embraller un 11 afte defTein. Il fe déiîoit de la legé- été de ceux qui le pouflcient à la ;uerre5 ^^ jugeoit bien qu'ils ne lui ideroient pas long - temps à en butenir la pefanteur. Le Duc de bouillon le dérachoit fans éclat de es intérêts , &c le Maréchal de Tu- •cnne s'éroit déjà expliqué de n'y prendre déformais aucune part. Le ^uc deLongueviiie vouloit demeu-

if4 Mémoires rei" en repos ; outre qu'il étoit trop mal fatisfait de Madame fa femme, pour contribuer à une guerre , dont il la croyoic la principale caufe. Le Maréchal de la Morhe s'étoit déga- gé de la parole qu'il avoit donnée de prendre les armes. Eufin , tant de raifons, de tant d'exemples auroiem. fans doute porté Mr. le Prince àl fuivre l'inclination qu'il avoit de s'accommoder avec la Cour, s'il eût pu prendre confiance aux paroles de la Reine , &c à celles du Cardinal mais l'horreur de fa prifon lui étoiï encore trop préfente , pour s'y ex- pofcr fur de tels gages , dont fa propre expérience lui avoit fait Ci fouvent connoître la valeur. D'ail- leurs Madame de Longueville , qui étoit tout de nouveau preflfée par fon mari , de l'aller trouver en Nor^ mandie , ne pouvoit éviter ce voya- ge , C\ le traité de Mr. le Prince étoit achevé. Parmi tant de fentimens

D E M. D. L. R. Ijy

rontraires , le Duc de la Rociiefou- :auk vouloic tout à la fois garantir vladame de Longueville de la per- ecution de Ton mari , & porter Mr. e. Prince à traiter avec la Cour. :'. Les chofes étoient néanmoins •loignées de cette diipoiition-là ; ians les premiers jours , que Mr. le ^rince arriva à St. Maur , il avoic •efufé de parler en particulier au Vlaréchal de Grammont y qui étoic /enu de la part du Roi lui deman- ier le fujet de Ton éloignement , ôc e convier de retourner à Paris , lui ^remettant toute sûreté. Monfieui: .e Prince lui répondit devant tout e monde , que bien que le Cardi- nal Mazarin fut éloigné de la Cour» Se que Servien , le Tellier^ & Lion- ne s'en furent retirés par ordre de la. Reine , l'efprit ôc les maximes du Cardinal y régnoient encore -, ôc qu'ayant fouffert une fi rude & fi in- jufte priion, il avoit éprouvé que fon G 6

Iy6 M F. MOIRES

innocence ne pouvoit établir ia fu- reté (â) : qu'il efperoit la trouver dans la retraite , il conferveroit les nriêmes fentimens qu'il avoit fait paroicre tant de fois pour le bien de TEtat 5 i'c pour la gloire du Roi. Le Maréchal de Grammont fut fur- pris (S^ piqué de ce difcours , ayant crû entrer en matière avec Mr. le Prince , ôc commencer quelque né- gociation entre la Cour ex: lui : mais il ne pouvoit pas raifonnablemeiat fe plaindre , que Monfieur le Prince refusât d'ajouter foi aux paroles , qu'il lui vcnoit porter pour fa fùre- ; puifque Lionne l'avoit choifi , pour lui confier la réfolution qu'on avoit prife chez le Comte de Mon^ tréfor 5 de l'arrcter une féconde fois.: Madame la Princefle, Mr. le Prince de Conti &: Madame de Loneue-

(a) Plerurnqiie innocentes recenii m vidia' impares, Ann. z.

D E M. D. L. R. i;7

J le rendirent à Sr. Maur aufli- . que Mr. le Prince, &c dans les ncmiers jours cette Cour ne fut pas noins grofTe & moins remplie de lerfonnes de qualité , que celle du loi : tous les divcrtiiîemens même 'y rencontrèrent , pour lervir à la »olitiquc ] de les bals , les comé- lies 3 le jeu , la chafiè , & la bonne hère y attiroient un nombre infini ie ces gens incertains , qui s'offrent oûjours dans les commencemens [es partis (a) , & qui les trahiffent )U les abandonnent d'ordinaire fe- on leur crainte (b) ou leur inrcrêr. 3n jugea néanmoins , que ce grand lombre pourroit rompre les miem- cs qu'on auroit pu prendre d'atta- juer Saint Maur >-& que cette foule 'g 6 (a) Ur in novo obfequio aa cundla >elli munia acres erant. Iltjl. 3.

(b ) Piofperis lebus cercatuii ad obTe- .^uium , advciTarn fortiinam ex a-c^uo de- raclabant. Hr/f, z.

ijS Mémoires inutile 6c incommode en toute autre rencontre , pouvoir fervir en celle- ci 5 &c donner quelque réputation aux affaires (a.).

Jamais la Cour n'avoit été parta- gée de tant de diverfes intrigues qu'elle l'étoit alors : les penfées de la Reine , comme j'ai dit , fe bor- ïioient au retour du Cardinal ; le< Frondeurs propofoient celui de Mr. de Châteauneuf , car il leur iem- bloit fort nécellaire pour bien dej defifeins : ils jugeoient qu'étant une fois rétabli , il pourroit plus aifé- ment traverfer fous main le retour du Cardinal , 8c occuper fa place s^il venoit à tomber. Le Maréchal de Villeroi contribuoit autant qu'il lui étoit poflible , à y difpofer la Reine ; mais cette affaire-là , con> me toutes les autres , ne fe pouvoiç

(a) Meigna pars ibi congrcgata , quod âefenfoiibus auxiliiim ob miiltiniHineiu erat. Hifl. 3.

D E M. D. L. R. 1^9

éioudre fans le confentemenc du Cardinal.

Pendant qu'on attendoit Tes or- dres à la Cour fur les chofes pré- sntes 5 Monlîeur le Prince balan- oit encore fur le parti qu'il devoit rendre , & ne pouvoit fe détermi- er ni à la paix ni à la guerre. Le )uc de la Rochefoucault , voyant, ant d'incertitude dans Pefprit de ce •rince , crût qu'il fe devoit fervir e cette conjond;ure , pour garantir ^ladame de Lon^ueville d'aller en >îormandic , de pour porter Mr. le ^rince à écouter les propositions l'accommodement. Dans cette pen- ce il fit voir à Madame de Longue- 'ille 5 qu'il n'y avoit que Ton éloi- çnement , qui la pût empêcher de aire le voyage qu'elle craignoit y jue Monfieur le Prince fe pouvoic lifément lalTer de la protedion |u'il lui avoit donnée jufques alors, lyant un prétexte aufïi fpecieux^

j6o Mémoires que celui de réconciiier une fem^ me avec Ton mari , &c iur tout sll croyoit s'attacher par-ià Monfieui de Longueville -, qu'on l'accufoit fomenter elle feule tout le défor- dre ', qu'elle fe trouveroit refponfa- ble en plufcurs façons , & envers fon frère de envers le monde , d'al- lumer une guerre , dont les événe- mens feroient funeftes à fa famille. à l'Etat , & qu'elle avoit pref- que également intérêt à la conier- vation de l'une de de l'autre. Il lui repréfentoit encore , que les exceiïl* ves dépenfes que Moniieur le Priiv ce feroit obligé de foûtenir , ne lui lailleroient ni le pouvoir , ni peut- être la volonté de fubvenir à la fienne ; ôc que ne tirant rien de Mr. de Longueville , elle fe trouv&r roit réduite à une infupportable nér ceiïité j de qu'enf n pour remédier à tant d'inconvcniens 5 il étoit d'avi$ qu'elle priât: Monfic«r Piûnce de

D E M. D. L. R. TOI •onver bon, que Madame la Prin- :i\e , le Duc d'Anguien , de elle fs •rir^îlleni; à Moritrond , pour ne smbarrader point dans une mar- ne précipicée (a) , s'il fe trouvoic bligé de partir ; de pour n'avoir as le fcrupule de participer à la pé- lleufe réfolution qu'il alloit preu- ve 5 ou de mettre le feu dans le .oyaume par une guerre civile ; u de confier fa vie , fa fortune , : fa liberté à la foi douteufe du Cardinal Mazarin. Ce confeil fut pprouvé de Madame de Longue- ille -, & Mr. le Prince voulut cp'ii ît fuîvi bien- tôt après. Le Duc de Nemours commençoit à evenirde fon premier emportemenr, '<. bien que toutes fes paî^oriS fub- iflaflènt encore, il ne s'y laidoitpas roîidairs avec toute Pimpétuofite

1 îneiTe muîierum comitatiii , qua: 5ac£iTi luxa , bellum formidùie moieii- ar. Jli;)i. 3.

i6i Mémoires qu'il avoic fait d'abord. Le Duc de la Rochefoucault voulut fe ier« vir de cette occafion pour le faire entrer dans Tes fentimens : il lui fit connoître , que jamais leurs intérêts ne pouvoient fe rencontrer dans une guerre civile : que Mr. le Prince pouvoit bien détruire leur fortune par de mauvais fuccès -, mais qu'il n'étoit pas de condition à protîtei des bons : que la même réfléxior qui empêchoit Monlieur le Prince de prendre les armes , l'empêche- roit audi de les quitter , s'il les pre- noit une fois : qu'il ne trouveroii pas aiiement la fureté à la Cour, après l'avoir offenfée , puifqu'il n'y en avoir pu rencontrer en un temps, il n'avoit encore rien fait contre elle : qu'enfin , outre tout ce qu'il avoit à ménager dans l'humeur difr- ficile de Mr. le Prince , il devoir conliderer qu'en l'éloignant de Pa- ris 3 il s'en éloignoit auffi lui-même.

D E M. D. L. R. 1^3

?<: mettroic la deftinée enxre les nains de [on rival. Ces raifons rouverent le Duc de Nemours dif- )ofé à les recevoir j Se Coït qu'elles ui euilènt donné des vues qu'il n'a- 'oit pas encore , ou que par une le- ;éreré ordinaire aux perfonne-s de on âge 5 il fe portât à vouloir le ontraire de ce qu'il avoit voulu a) 5 il fe réfolut enfin de contri- )uer à la paix avec le même em.- >re(ïement qu'il avoir eu jufques-là »our la guerre. Il prit donc des me- ures avec le Duc de la Rochcfou- ault 5 pour agir de concert dans ce nême dciîèin.

Cependant , la Reine écoit de plus ;n plus animée contre Monfieur le ^rince ; les Frondeurs cherchoient à- e venger de lui par toutes fortes de noyens , mais ils perdoient leur :rédir parmi le peuple , par l'opi-

(oi) TJbi formido inceiriffet ^ facilis. nuiatu. Hifi. t.

164 Mémoires nion qu^on a voit de leur liai fort avec la Cour. La haine du Coadji.t- t€ur éclara particulièrement contre le Duc de la RochcFoucault : il lui attribuoit , comme j'ai dit , la rup- ture du mariage de Mademoiiclle de Chevreufe ; &c croyant toutes chofes permifes pour le perdre , il n'oublioit rien pour y engager le Duc de Longueville par des voyes extraordinai-res Se honteufes. Son carolîè fut même attaqué trois fois la nuit , fans qu'on ait pu fcavoir ouels 2:ens avoienr part à de h fré- quentes rencontres. Néanmoins tou- te cette animonté ne l'empéchoit pas de travailler à ion bur^conjoiii temcnt avec le Duc de Nemours & Madame de Longueville même y donna les mains , dès qu'elle fut afïurée d'aller à Montrond. Mais- les efprits croient trop écliauffés pour écouter la raifon ; &z tous les partis ont éprouvé à la fin , que ni

D E M. D. L. R. i(^; les uns 5 ni les aiuues n'avoienc bien connu leurs vénrables intérêts. La Cour même , que la fortune feule a foûtenue , a fait fouvenc des fautes :onhdérables ; &z dans la iliite on a vu 5 que l'une ôc Pautre cabale s 'é- coic plus maintenue par les men- quemens de celle qui lui étoir op- pofée 5 que par fa bonne conduite (a). Cependant, Monfieur le Prince employoit tous fes foins à juftiiîer fes intentions au Parlement ôc au peuple 3 ôc voyant bien que la guer- re qu'il alloit entreprendre man- quoit de prétexte , il efTayoic d'en trouver dans le procédé de la Rei- ne 5 qui avoir rappelle auprès d'elle Servien & le Teliier, après les avoir éloignés à fa recommandation. Il tâ- çhoii aufïi de perfuader au monde , que leur retour étoit moins pour

(a) Fortuna non minus farpe quam ratio aftuit. FUJI. 3. Non minus vitiis hoflium oii.im yirtute f\ionim, Hrfi. 4.

ï66 Mémoires l'ofFenfer , que pour concerter celui du Cardinal. Ces bruits femés par- mi le peuple y faifoient quelqu'im- prefïîon. Le Parlement étoit pluî partagé que jamais ; le Premier Pré- (ident étoit devenu ennemi de Mf. le Prince , croyant qu'il avoit con- tribué à lui ôter les Sceaux -, Se ceu> qui étoient gagnés par la Cour , fc joignoient à lui : mais la conduite des Frondeurs étoit plus réfervée ; ils n'ofoient paroître bien intention- nés pour le Cardinal ; toutefois ils le vouloient fervir en effet.

Les chofes étoient en ces termes, lorfque Monfieur le Prince quittai Saint Maur pour retourner à Paris , croyant êcre en état de s'y mainte- nir contre la Cour, & que cette conduite fiere ôc hardie donneroit de la réputation à fes affaires. Il fit partir en même temps Madame la PrincefTe , Mr. le Duc d'Anguien, ^ Madame de Longueville , pour

D t M. D. L. R. iGy

lier à Montrond , dans la réfolu- ion de s'y rendre bien-toc après , c de repaflèr en Guienne , l^on toit bien difpofé à le recevoir. H voit envoyé le Comte de Tavanes fes troupes , qui fervoient dans armée de Champagne , avec ordre e les faire marcher en corps à Ste- ay aullî-tôt qu'il le lui manderoit; avoir pourvu à fes Places , & voit deux cent mille ecus d'argent omptant : ainfi il fe prépara à la uerre , bien qu'il n'en eut pas cn- ore entièrement formé le deiïein. néanmoins dans cette ville il efTa- oit d'engager des gens de qualité ans fes intérêts , Ec entr'autres le )uc de Bouillon (5c le Maréchal de rurenne. Ils étoient l'un &: l'autre articulierement amis du Duc de la vochefoucault , qui n'oublia rien 'our leur faire prendre le même •artij qu'il fe voyoit obUgé de uivre. Le Duc de Bouillon lui ^a-

ï68 Mémoires rut alors irréiolu , voulant ti'ouvei ies fùrecés de fes avantages , paro qu'il Te déiioic prefque égalemen de la Cour (Se de Monfieur le Prin ce , ôc vouloir voiu l'affaire enga gée.5 avant que de fe déclarer. A" contraire , le Maréchal de Turenn lui parla toujours d'une même ma niere depuis fon retours de Srena} Il lui dit 5 qu'il ne s'étoit jamais r loué 5 ni plaint de Monlieur le Prin ce , pour ne pas donner lieu à de éclairciiTemens dans lefquels il n vouloit point entrer j qu'il croyo; n'avoir rien oublié pour contribue à la liberté de Monfieur le Prince mais qu'il prétendoit aulTi que Tei: gagement qu'il avoir avec lui , di finir avec la priion *, de qu'ainfi pouvoit prendre des liailo'ns nou vellcs félon fon inclination , ou Ct intérêts. Il ajouta encore , qp Monfieur le Prince ne l'avoit mi nagé fur rien depuis fon retour.

Paris

D E M. D. L. R. i6^

rîs; & que bien loin de prendre ; mefures de concerc avec lui ,

lui faire part de Tes defleins , il n étoic non-feulemenc éloigné ; lis encore il avoir mieux aimé lier périr ces mêmes troupes , qui noient de combattre pour lui , <5c i étoient à Monfieur de Turen-

5 que de dire un mot pour leur re donner des quartiers-d'hyver. : furent les raifons , avec lefquel- i le Maréchal de Turenne refufa

fuivre une féconde fois la fortu-

de Moniîeur le Prince. Mais le \c de Bouillon , qui vouloit éviter

s'expliquer avec lui , fe trou- •it bien embarraifé pour s'empê- er de répondre précifément : Mr.

Prince & lui avoient choifi le jc de la Rochefoucault , pout- re médiateur entr'eux ; mais il ne mlut être garant des paroles, ni : l'un 5 ni de l'autre , & qu'il ju- :oit bien qu'un pofte comme ce- Tqïïiç /a h

170 Mémoires

lui-ià, eft toujours délicat partr des gens , qui doivent eonvenir fu tant d'importans de differens artich (â) y il les engagea à fe dire eux mêmes leurs fentimens en fa préfer lence. Il atriva contre l'ordre d femblables éclaircifTemens (b) , qc

(a) Il ?iefant point fe mêler d'être a iitre entre les Grands , qu'on ne fait ajj: fort , four mettre a la raifon celai , qui ; ^joudra pas déférer au jugement du Médi. teur. Aibitria captans ^dit Patercule, qu bus ii le debenc interponere , qui ne parentem coërcere poffunt. Hift. z.

(h) Qîii ^ félon la remarque de Taciit aigrijjent plutôt les efprits qu'ils ne l adoucijfent. Paulatim inde, dit-il , en pa îant de l'entrevue d'Arminius ^ Flavi. fon frère , ad jurgia prolapfi. Ann. Dans un autre endroit du même livre , ait que ces fortes d'entretiens font topi]ou mêlés de je ne fçai quoi , qui montre qt ton a du rejfentiment ; ou du moins qH*c le dijfîmule. Scrmo , qualem ira &: di/Ti mulatio gignit. ^ puis il ajoute : difccl feruntque apertis odiis ; c^ ils fe fépart vent ennemis déclarés, ( Germanicus ( Viion }.

DE M. D. L. Pv. 171

ur converfation finit fans aigreur, . qu'ils demeurèrent fatisfaits l'un ; Tautre lans être liés , ni engagés rien. Il fembloit alors , que le rincipal but de la Cour, & de lonfieur le Prince fut de fe rendre Parlement favorable ; les Fron* mrSy affedoient de paroître fans atre intérêt que celui du public 5 lais fous ce prétexte ils choquoient lonfieur le Prince en toutes cho- is , ôc s'oppofoient directement à DUS fes delTeins. Dans les eom- lencemens ils agilfoient encore vec quelque retenue 5 mais fe oyant ouvertement appuyés de la ]our, le Coadjuteur trouva de la anité à paroître ennemi déclaré de /ïonfîeur le Prince (a) : dès-Jors lon-feulemcnt il s'oppofa fans gar- ter de mefures à tout ce qu'il pro- H i

f a ) iTt mdgnis inimicitiis clarefce- et. Hift. 1.

jyi Mémoires pofoit ; mais encore il iValla plus ai palais 3 fans être fuivi de Tes amis ôc d'an grand nombre de gens ar niés. Ce procédé fier ôc infolen déplût avec raifon à Monfieur 1 Prince , & il ne trouva pas moin înfupportable de fe faire fuivre a Palais 3 pour difputer le pavé ave le Coadjuteur , que d'y aller feul t d'expofer ainfi fa vie ôc fa libert entre les mains de fon plus dange reux ennemi. Il crut donc , qui devoit préférer fa fureté à tout l refte , 6c fe réfolut de n'aller plu au Parlement fans être accompagn de tout ce qui étoit dans fes inte rets. La Reine fut bien-aife de voi naître ce nouveau fujct de divifioi entre deux hommes, que dans foi cœur elle hailToit prefque égale menti elle s'imaginoit afï'ez quelle, en pourroient être les fuites , pou efpcrer d'être vengée de l'un pa, l'autre, ou de les voir périr lom

D E M. D. L. R. 173

eux: néanmoins elle donnoit tou- fs les apparences de fa protedion Li Coadjuteur, ôc elle voulut qu'il ic efcorté par une partie des Gcn- arnies de des Chevaux-legers du loi 5 Se par des Officiers «Se des fol- lats du Régiment des Gardes. Mr. , e Prince écoit fuivi d'un grand j lombre de perfonnes de qualité, oC le plufieurs Officiers , &: d'une fou- I e de gens de toutes fortes de pro- j 'effions 5 qui ne le quirtoient plus depuis fon retour de Saint Maur. Cette confuiicn de gens de diluè- rent parti, qui fe trouvoient tous snfemble dans la grand^falle du Palais 5 fit appréhender au Parle- ment de voir arriver un dcfordre , qui pourroit envelopper tous ks particuliers dans un même péril, d: que perfonne ne feroit capable d'appaifer. Le Premier Préfidenr, pour prévenir ce mal , réiolut de prier Monfieur le Prince de ne fe H 3

174 Mémoires plus faire accompagner venant a Palais i êc rr>eme un jour que Mr. 1 Duc d'Orléans ne s'y étoic poir trouvé 5 & que Monlicur le Princ 6c Monlieur le Coadjureur s'y rer dirent avec tous leurs amis , leo nombre , avec l'aigreur qui pan dans les efprits, augmenta la craint du Premier Préiidenr. Mr. le Princ ayant dit quelques paroles piquan tes 5 qui s'adrefloient au Coadju teur 5 celui-ci répondit fans s'éton ner , &c ofa dire publiquement qu les ennemis au moins ne l'accufe roient pas d'avoir manqué à fc promefîès j 3c que peu de perfonne fe trouvoient aujourd'hui exempte de ce défaut (a). Il défignoit par-1; Monfieur le Prince , Ik lui repro choit non feulement d'avoir man- qué aux engagemens qu'il avoit pri: avec les Frondeurs pour le mariag(

( a ) Rixantes flagitia invicem objeda^ veie, neuccr falfo. H//?. I.

D E M. D. L. R. 175 i ion fïere avec Madcmoiielle de hcvreufe j mais encore le voyage ; '.\oifi y lorfque Mi\ le Prince de orici j Madame 6<: Mademoifelle z Longueville , de Meilleurs de .ets y jetterent les fondemens de la uerre de Paris 5 &c que Monfieur le nnce promit de fe mettre à leur ke 5 non pas pour chafTer le Car- .inal 5 félon l'intention publique , liais feulement pour faire fa condi- ion meilleure avec lui , de avoir linfi le mérite de le garantir du nal 5 qu'une cabale fi puilïànre lui Douvoit faire (a ). Ces bruits femés dans le monde par les partifans du Coadjuteur , de renouvelles encore avec tant d'audace devant le Parle- ment alfemblé , &: devant Mr. le Prince même, le dévoient apparem- ment trouver plus fenfible à cette H 4

(a) Quo glifcentibus periculis fublî- dii laus augeretur. jî?m. i;.

ly^ Mémoires Injure qu'il ne le parut alors -, mai^ il fur maître de Ion reffentimena êc ne répondit rien (a) au difcouM du Coadjuteur. En même temps -qp vint avertir le Premier Préfidenfii que la grandTalle étoit remplie d gens arme's, & qu'étant piqués dan des intérêts fi oppofés , il allok ai; river quelque grand malheur, fi Vqi n'y apportoit promptement du re méde. Alors le Premier Préfiden <lit à Monfieur le Prince , que 1; Compagnie lui feroit obligée , s*i lui plaifoit de faire retirer ceux qa l'a voient fuivi ; qu'on étoit allem^ h\é pour remédier aux défordres d^ TEtat 5 3c non pas pour les augmen- ter ; & que perfonne ne croiroit , ■que la liberté d'opiner fût auHi en- tière qu'elle devoit être, tant qu'on vcrroit le Palais qui devoit être l'afi-,

(a) Qux quanquam dcerba , toléra- bantur tnmcn. ^nn. z. Qii^le magn» kx filcntium cù. H/Jl\ i.

D E M. D. L. R. 177

c de k Jullice , fervir de Place-d'ar- nes à tout ce qui étoic capable .'exercer le tumulte & la fédition. loniîeur le Prince offrit fans héfî- 5 de faire retirer fes amis , &c ria le Duc de la Rochefoucault de ?s faire fortir fans dc-fordre. Le ^oadjureur fe leva , ôc dit qu'il aï- Dit aulîi renvoyer les fîens ; & en ffec 5 il fortit de la Grand'Charn- re 5 pour leur aller parler. Le Duc .e la Rochefoucault marchoit à \uit ou dix pas derrière lui , &z il toit encore dans le parquet des iuifliers , quand le Coadjuteur pa- ut dans la crrand^falle : à fa vue eut ce qui tenoit ion parti y mit 'épée à la main , fans en fçavoir la aifon j 6c les amis de Monfieur le 'rince firent la même chofc. Cha- :un fe rangea du coté qu'il fervoit ,. k en un inilant les deux troupes ne urent féparées que de la longueur le leurs épécsj fans que parmi tant Us

ïyS Mémoires

de braves gens , ôc animés par tant de haines différentes , il s'en trouvât aucun qui allongeât un coup d'cpée^ ou qui tirât un coup de piftolet (a), Le Coadjuteur voyant un Ci grand défordre j s'en voulut retirer , &c re- tourner dans la Grand'Chambre : mais en arrivant à la porte qui va de la falle au parquet des HuilIierSj il trouva que le Duc de la Roche- foucault s'en étoit rendu maître. Il elïàya néanmoins de l'ouvrir avec effort ; mais comme elle ne s'ou- vroit que par la moitié , de que le Duc de la Rochefoucault la tenoitj îl la referma dans le temps que le Coadjuteur rentroit , en forte qu'il l'arrêta ayant la tête paffée du côté du parquet ôc le corps dans la falle. Cette occafion pouvoit tenter le Duc de la Rochefoucault après tout

(a) Utrimque infen/î , arma primo cxpedieie , dein miitua formidine , non ulua jurgium proceffum eft. Ann. 2.,

DE M. D. L. R. 1755 :e qui s'étoit paflè cncr'eux , les rai- sons générales ôc particulières le coudoient à perdre Ion plus mortel :nnemi : outre la facilité de s'en v^enger , en vengeant Mr. le Prince ie la honte & du reproche qu'il i^enoit d'endurer , il voyoit encore :jue la vie du Coadjuteur devoit ré- pondre de l'événement du défordre ' iju'il avoir caufé : mais il confidé- roit aufïi qu'on ne fe battoir point encore dans la falle , ôc que perfon- ne ne venant contre lui , pour dé- fendre le Coadjuteur , il n'avoir pas le même prétexte de l'attaquer qu'il auroit eu , (i le combat eût été comm.encé. Les gens mêmiC de Mr. le Prince , qui étoient près du Duc de la Rochefoucault , ne s'imagi- noient point de quel poids étoit le fervice qu'ils pourroient rendre à leur maître en cette conjoncbure. Enfin y l'un pour ne vouloir point faire une adlion qui parût cruelle , H 6

lîo Mémoires & les autres pour être irréfolus daiK une grande affaire , 3c incapableî de la foutenir ( a ) , ils donnerem temps à Champlatreux , fils du Prçr inier Préiident , d'arriver avec or- dre de dégager le Coadjuteur , & de le tirer ainli du plus grand péril, il fe (oit jamais trouvé. Le Duc de la Rochefoucauk le voyant entre les mains de Champlatreux, retour* na dans la Grand'Chambre prendre fa place j &c le Coadjuteur y arriva dans le même temps avec tout le trouble , qu\m accident comme ce- lui qu'il venoit d'éviter , lui dévoie eau fer. Il commença par fe plain-^ dre à l'affemblée de la violence de. Ja Rochefoucauk , d^ dit qu'il avoic été près d'être aifairmé , ôc qu'on, ne l'a voit tenu à la porte que pour Texpofer à tout ce que fes ennemis.

(â) Inutili cundationc agendi tem- pora confumcntes. Hiji. 3.

D E M. D, L. R, î8r uroient voulu entreprendre contre i perionne. Le Duc de la Roche- 3ucault répondit qu'il falloir fans oute que la peur lui eut ôté la li- crcé de juger de ce qui s'étoic allé dans ce moment-là > qu'autre- ment il auroit vu qu'il n'avoir pas Il deflein de le perdre , puifqu'il e Tavoit pas fait , ayant eu long- ( rmps fa vie entre Tes mains ; qu'en ffet 5 il s'étoic rendu maître de la orte 5 & l'avoir empêché d'entrer , l'ayant pas crû pour remédier à fa rainte , devoir expofer Monfieur le ^rince & le Parlem.ent à une fédi- ion 3 que Tes gens avoient émue en e voyant arriver. Ce difcours fuE néme fuivi de quelques menaces )ucrageures qu'il lui fit publique- ncnt 5 de forte que le Duc de Brif- kc , beau- frère du Duc de Rets, e crût obligé de répondre. Le Duc ie la Rochefoucaulc & lui réfolu- :ent enfemble de fe battre ie joui'

iSi Mémoires

même fans fécond : mais comme [ fujec de leur querelle fut publié elle fut accordée à l'heure même pa Mr. le Duc d'Orléans. Cette affaire qui apparemment devoit produir tant de fuites , finit même ce qii pouvoit le plus contribuer aux iordres ; car le Coadjuteur évita d retourner au Palais (a) j & ainli n fe trouvant plus étoit Monfieu le Prince , il n'y eut plus lieu d craindre d'accident pareil à celu qui avoir été (i près d'arriver. Néan moins , comme la fortune a fouven plus de part aux événemens que h conduite des hommes , elle fit ren- contrer Mr. le Prince Se le Coadju- teur dans le temps qu'ils fe cher- choient le moins, ôc en un état hier différent de celui ils avoient été au Palais j car un jour que Mr. le

(a) Qus cafus obtulerat in fapien- tiam vertenda ratus. A^rfi. i. i

D E M. D. L. R. 183

hlncQ en fortoit , ayant le Duc de Li Rochefoucauk dans fon carolTe, v Taivi d'une foule innombrable de îeuple j il rencontra le Coadjuteur evêtu de les habits Pontificaux , ôc nenant la procefïion avec plufieurs ! .-halles de reliques. D'abord Mr. le ^rince s'arrêta , pour rendre plus de iéférence à TEglife , de le Coadju- eur continuant Ton chemin fans i'émouvoir , fe voyant vis-à-vis de Vlonfieur le Prince , lui fit une pro- ronde révérence , de lui donna fa oénédidtion , de au Duc de la Ro- chefoucauk aufïi : elle fut reçue de l'un de de l'autre avec toutes les ap- parences de refpect , bien que pas un des deux ne fouhaitât qu'elle eût l'effet que le Coadjuteur defi- roit. En ce même temps , le peuple qui fuivoit Mr. le Prince , ému par une telle rencontre , cria mille in- jures au Coadjuteur 5 de fe prépa-*^

184 Mémoires roic à le mettre en pièces ( a ) , fi Monfieur le Prince n'eût fait derccn- dre fes gens pour appaifer ce tu- multe 5 ôc remettre chacun en Ton devoir.

GUERRE DE GUIENNE.

CEPENDANT 3 toutes chofes con- tribuoicnt à augmenter les dé- fiances de les foupçons de Mr. le Prince. Il voyoit que la majorité du Roi alloit rendre Ton autorité abfolue ; il connoiHoit l'aigreur de la Reine contre lui , ôc voyoit bien que le coniidérant comme un obf- tacle au retour du Cardinal , elle n'oubliroit rien pour le perdre , oa

l

(a) Manus intentantes . . . fimiil in-^ gruunt : jamque exitii certus , adcurfii . feoriinij qui cum (principe) advcne* rant, protedus eft. Arjn. i.

D E M. D. L. R. 185

>our l'éloigner. L^amitié de Mr. le )uc d'Orléans lui paroifToit un ap- )ui bien foible ôc bien douteux , •our le foLitenir dans un temps fi ifficile ; & il ne pouvoir croire u'elle fut long - temps Tnicere 5 uifque le Coadjuteur avoir roCi- Durs beaucoup de crédir auprès de û.

Tant de fiijets de craindre pou- oienr bien avec raifon empêcher Gonfleur le Prince de fe trouver au 'arlement le jour que le Roi y de- oit être déclaré majeur ; mais tout ela n'auroit pu encore le porter a ompre avec la Cour , & à fe reti- er dans Tes Gouvernemens, fi Von ût laiiTé les chofes dans les term-es u elles étoient , ou conrinué de amufer de quelque négociation. /Ir le Duc d'Orléans vouloir em- ècher une rupture ouverte, croyant z rendre nécefiàire aux deux partis, '<, vouloit prefqu'égâlement éviter

i8(j Mémoires

de fe buoailleL" avec Pun ou avec l'autre : mais la Reine étoit d'ur fentiment bien contraire : nul retar- dement ne pouvoit fatisfaire fon ef prit irrité , & elle recevoit toute: les propofitions de traité , comm< autant d'artifices , pour faire dure: Péloignement du Cardinal. Datj: cette vue , elle propofa de rétabli Monfieur de Châteauneuf dans le affaires , de redonner les Sceaux ai Premier Préfident Mole , & les Fi nances à la Vieuville. Elle crut avei raifon , que le choix de ces troi Miniftres , ennemis particuliers Monfieur le Prince , aclièveroit lui ôter toute efpérance d'accom- modement.

Ce deffein eut auiTi bien- tôt In fuccès qu'elle avoit fouhaité , car ii fie connoître à Monfieur le Prino^ qu'il n'civoit plus rien à ménageji avec la Cour , & avança ai nfi en un moment toutes les rélolutionjl

D E M. D. L. R. 1B7 u'il n'avoir pas prifes de lui-même, alla à Trie chez le Duc de Lon- uevilîe , après avoir écrit au Roi )s raifons qui l'empêchoient de fe rouver auprès de fa perfonne le )ur de fa majorité. Cette lettre lui at rendue par Monfieur le Prince e Conti 5 qui refta à Paris pour {lifter à cette cérémonie. Le Duc e k Rochefoucâult y demeura uiïi fous le même prétexte ; mais n effet , pour conclure avec le Duc e Bouillon qui offrci: de fe décla- er pour Mr. le Prince , de de join- .re à Tes intérêts le Maréchal de rurenne , & le Marquis de la For- e, aufli-rôt que Monfieur le Prince .uroit été reçu dans Bordeaux ^ '< que le Parlement fc feroit dé- :laré pour lui , en donnant un arrêc l'union. Le Duc de la Rochefou- :ault lui promit pour Mr. le Prince es conditions fui vantes :

i88 Mémoires

De lui donner la Place de Stena^ avec Ton domaine , pour en jouï aux mêmes droits que Monfieur l Prince , jufqu'à ce qu'il lui eût fai rendre Sedan , ou qu'il l'eût mis ei polTefïion de la récompenfe que 1 Cour lui avoit promife pour l'échan ge de cette Place.

De lui céder fes prétentions fu le Duché d'Albrct.

De le faire recevoir dans Belle garde avec le commandement de I, Place y ôc de ne point faire de traité fans y comprendre l'article du ran| de fa Maifon,

De lui fournir une fomme d'ar gent dont ils conviendroient poui lever des troupes & pour faire k guerre.

Le Duc de la Rochefoucaulr lu; propofoit encore d'envoyer Mr. de Turenne à Stenay , à Clermonc ,. ôc à Damvilliers , pour y comman- der, les vieilles troupes de Mr. le

DE M. D. L. R. 18^

ince qui s'y dévoient retirer , lef- lelles jointes à celles que les Efpa- lols y dévoient envoyer de Flan- e 5 feroient occuper le même pofte Mr. de Turenne, que Madame de >ngue ville & 'ui y avoient tenu rant la prifon des Princes. Il eut arge de Mr. le Prince de lui dire fuite , que Ton delTein étoit de (Ter Monileur le Prince de Conti , adamc de Longueville , & Mr. de ^m.ours à Bourges 3c à Montrond •ur y faire des levées , 3c fe ren- e maîtres du Berry , du Bourbon- »îs, & d'une partie de l'Auvergne, ndant que Mr. le Prince iroit à irdeaux , il étoit appelle par le .rlement , ôc par le peuple & ' Efpagnols lui fourniroient des )upes , de l'argent , 3c des vaif- lux , fuivant le traité du Marquis Sillery avec le Comte de Fuen- daigne , pour faciliter la levée s troupes qu'il de voit faire en

1^0 Mémoires

Guienne : que le Comte du Doigno- entroit dans fon parti avec les Pla ces de Brouage , de , d'Oleron ôc de la Rochelle ; que le Duc d Richelieu feroit des levées en Xaii tonge ôc au pays d'Aunis -, le Mai quis de la Force en Guienne -, le Du de la Rochefoucault en Poitou de e Angoumois j le Marquis de Moi tefpan en Gafcogne ; Mr. d'Arpj joux en Roliergue j ôc que Mr. d Marfîn , qui commandoit l'armt de Catalogne, ne manqueroit pas c reconnoidànce.Tant de belles appj rences fortifièrent le Duc de Bouille dans le defTein qu'il avoit de s'er gager avec Mr. le Prince , & il c donna fa parole au Duc de la R( chefoucault aux conditions que j'; dites. Cependant , Mr. le Prince r pût engager avant le Duc de Loi gueville , ni en tirer aucune paro pofîtive 5 foit qu'il fut irréfolu ou qu'il ne voulût pas appuyer u

D E M. D. L. R. 19Î

uti , que fa femme avoir formé , 1 enfin qu'il crût qu'étant engagé 'CC Monlieur le Prince , il feroic itraîné plus loin qu'il n'avoit ac- tûtumé d'aller.

Mr. le Prince arrivant à Chan- ly 5 apprit qu'on prenoit des mè- res contre lui , de que malgré les (lances de Mr. le Duc d'Orléans , Reine n'avoit pas voulu retarder : vingt-quatre heures la nomina- )n des trois Miniftres. Voyant me la nécefîîté de fe retirer en :u de sûreté , il en donna avis à r. le Duc d'Orléans , & manda à r. le Prince de Conti , Se aux ucs de Nemours & de la Roche- ucault 3 de fe rendre le lendemain ElTone , pour prendre enfemble le .emin de Moncrond. Ce départ le tout le monde prévoyoir de- lis fi long-temps que Monfieur le ince jugeoit néceffaire à fa sûre- , ôc que la Reine avoit toujours

r^i Mémoires

fbahaité comme un acheminemeiv au retour du Cardinal , ne lailL pas d'éconner les uns ôc les autres' chacun fe repentit d'avoir mis le chofes au point elles étoicnt ôc la guerre civile leur parut alor avec tout ce que Tes événemens on d'horrible &c d'incertain. Il fat me me au pouvoir de Monfieur le Dui d'Orléans de fe fervir utilement dt cette conjon(5ture , & Mr. le Prino demeura un jour entier à Anger ville chez le Préfident Perrault pour y attendre ce que ce Duc lu vouloit propofér. Mais comme k moindres circonftances ont d'ordi naire trop de part aux plus grande affaires , il arriva en celle-ci , qu< Mr. le Duc d'Orléans ayant difpoC la Reine à donner quelque fatisfao tion à Mr. le Prince , fur le fujé des trois Miniftres , il ne voulu pas prendre la peine de lui écrire ai ,îà main à l'heure même , de différi

d'iiï

D E M. D. L. R. 195

'un jour de lui en donner avis, •e force que CroilTi, qui lui dévoie Drter cette dépêche à Angerville , i il écoit en état d'entendre à un xommodement, le trouva arrivé à 3urges5 les applaudilïèmens des îuples & de la NoblelTe avoienc fort augmenté Tes efpérances , l'il crût que tout le Royaume al- it imiter cet exemple , ôc fe dé- arer pour lui.

Le voyage de CroilTi ayant donc é inutile , Mr. le Prince continua (îen , ôc arriva à Montrond , adame la Princelïè & Madame : Longueville Pattendoient. Il y ;meura un jour pour voir la Place, dl trouva la plus belle , & au silleur état du monde. Ce jour- même 5 il dreiTa une ample inf- idion pour traiter avec le Roi Bfpagne , furent compris Çqs js conlidérables amis. Monfieur liné fut clioifi pour cette négocia- Tomc II, l

ic)4 Mémoires

lion. Enfuitc , Mr. le Prince donni çle l'argent à Monlieur fon frère , ^ à Monfieur de Nemours , pour fai^ des levées dans les Provinces voiiî nés , laillanc avec eux Vineuil In tendant de Juftice pour commence à lever la taille fur le Berri & fur l Bourbonnois. Il recommanda fo^ de ménager la ville de Bourges, 4 de la maintenir dans la dirpolitio il Tavoit laifTée. Le lendemain îl partit de Montrond avec le Du de la Rochefoucault , chez qui pallà , ôc trouva beaucoup de N^ç blellè qui le fuivit. Il fe rendit av^ç afièz de diligence à Bordeaux 3 9 Madame la PrincelTe ôc Mr. le Du d'Anguien arrivèrent bien-tôt aprè Il y fut reçu de tous les Corps de I .ville avec beaucoup de joye , ôc eft difficile de dire , fi ces peupj« bouillans, de accoutumés à lare volte 5 furent plus touchés de l'écl& de fa iiaiffance ôc de fa réputation

DE M. D. L. R. 19;

ue de ce qu'ils le confîderoienc )mme le plus puilTant ennemi du uc d'Efpernon. Il trouva le Parle- enc dans la même dirpoficion ,

qui donna en fa faveur tous les rrêts qu'il pût defîrer.

Les chofes étant li heureufemcnc mmencées , il crût n'avoir rien de us important à faire que de pren- t tous les revenus du Roi à Bor- anx Se de fe fervir de cet argent , lur faire promptement Tes levées , 7eant bien que la Cour marche- it à lui en diligence avec ce .'elle auroit de troupes , pour ne donner pas le temps de mettre

fiennes fur pied. Dans cette vue , ieftribua fon argent à tous ceux i étoient engagés avec lui , ôc les îfïà tellement d'avancer leurs le- °s 5 que cette précipitation leur vit de prétexte 5 pour en faire de ifàvaifese

I 1

je, 6 Mémoires

Peu de jours après Ton arrivée, le Comte (lu Doignon le vint trou- ver, ôc fe déclara ouvertement poui fon parti j le Duc de Richelieu & le Marquis de la Force firent h même chofe , &c le Prince de Ta> rente qui s'étoit rendu à Taille bourg 5 lui manda qu'il entroit au{] dans fes intérêts. Monfieur d'Arpa joux fut plus difficile , Se il eut en core en cette occafion la même cor duite , dont il avoii déjà reçu de récompenfes durant la prifon di Princes ; car il demanda des cond tions qu'on ne lui pût accorder Se traita avec la Cour, quand il v tomber les affaires de Monfieur Prince.

Cependant , le Duc de la Rc chcFoucauk donne avis au Duc d Bouillon de ce qui s'étoit paf au Parlement de Bordeaux , &c l\ mande que les conditions qu'il avo delirécs étant accomplies , on attein

DE M. D. L. R. 197

oit l'exécution de fes promeflès.

c Duc évita alïèz long- temps de

fpondre nettement , voulanr tout à

fois fe ménager avec îa Cour,

ai lui faifoit de grandes avances ,

; ne point rompre avec Monfieur

Prince , dont il pouvoit avoir

îfoin. Il voyoit aufîi que Mr. de

urcnne qu'il avoit cru infépira-

e de fes intérêts , lui refufoit de

joindre à ceux de Mr. le Prince:

je le Prince de Tarentc y étoit en-

é fans lui ; & que le Marquis de

Force demeuroit uni avec Mr. de

urenne. Il jageoit encore , que

étant pas fuivi de fon frère , ni

•s autres que j'ai nommés dont il

'oii répondu au Duc de la Roche-

ucault 5 fa confidération & fa sû-

feroient moindres dans le parti

l'il alloit prendre j &: que Mr. le

ince ne témoigneroit pas plus de

connoifTance pour les cbcfes que

r, de Turenne de lui pourroient

1 5

î^S Mémoires

faire à l'avenir , que pour ce qui! sivoient fait par le parfé. Il voyoi de plus qu'il faudroit refaire ui nouveau traité avec Mr. le Princô moins avantageux que celui dor lis étoient déjà convenus. Enfin toutes ces raifons jointes aux pro meflès de la Cour , &c appuyée -^e toute Pinduftric de Madame 4 Bouillon 5 qui avoir beaucoup d pouvoir fur Ton mari , l'empêche rent de fuivre fon premier defîein ^ de Ce déclarer pour Monfieur 1 Prince ; mais pour fortir de cet ent: barras , il voulut fe rendre vnéàtà teur de Ton accommodement ave la Cour. Et après avoir eu des con fcrences particulières avec la Rein fur ce fujet , il renvoya Gourville qui lui avoit été dépêché par 1 Duc de la Rochefoucauît , offir'^ Mr. le Prince tout ce qu'il avoit de mandé pour lui , & pour Tes amis ^vec la difpofuion du Gouverna

D E M. D. L* R, i5>9

eut de Blaye , fans exiger de lui ancres conditions que celles que Tvien êc de Lionne lui avoient in^andées dans le premier projet - traité qui fe fit à Paris à la for* ; de fa prifon.

D'ailleurs Monfieur de Châceau- iuf faifoit faire d'autres propoli- 3n5 d'accommodement par le mê-p e Gourville j mais comme elles loient à empêcher le retour du ardmal, il ne pouvoic pas balan- •r par fes ofcs celles que la Reine i avoit fait faire par le Duc de Duillon. Il s'engageoit feulement demeurer infcparablemenc uni à lonfieur le Prince après la chute u Cardinal , de à lui donner dans s affaires toute la parc qu'il pou- oit defu-er. On lui offroit encore q;.la part de la Cour , de confentir «ne entrevue de lui de de Mr. le )uc d'Orléans à Richelieu , pour y xaminer enfemble les conditions I 4

loo Mémoires d'une paix fincere , dans laquelle il fembloit que la Cour vouloic agh de bonne foi. Mais pour le mal- heur de la France , &c pour celui de Mr. le Prince 5 il ferma l'oreille j tant de partis avantageux , irrité d{ ce que les offres de la Reine fe fai- foient par l'entremife du Duc d( Bouillon. Car il s'étoit attendu qUi ce Duc & Ton frère feroient d*ui grand poids dans fon parti, d'autan que perfonne ne pouvoit loûreni comme eux les poftes de Bellegard' Se de Stenay; & d'ailleurs les vieille troupes qu'il y avoit laifîees , pou être commandées par Monfieur Turenne , devenoient par-là inutî les 5 & couroient fortune de fe difïî per y ou d'être défaites. Il confidé roit encore que les mefures qu*i avoit prifes avec les Efpagnols , di côté de Tes Places de Champagne n'auroient aucun effet , & que fe U'oupes a ôc les Efpagnols mêm<

D E M. D. L. R. 201

'auroient aucun autre Chef qui

i ût remplir ce pofte avec la même

jftime qu''on avoir pour Mr. de

l'urenne. Toutes ces raifons tou-

, hoienr fenliblement Mr. le Prince,

: bien qu'il elTayâc de cacher fon

.'(Tentiment , il ne lailTa pas de ré-

ondre alTez féchement au Duc de

ouillon 3 qu'il n'étoit pas honnête

'écouter des proportions qu'on ne

ouloit pas effe6luer ; qu'il ie dé-

larât comme il avoit promis ; que

Ir. de Turenne le rendît à la têre

e Tes troupes , qui avoient marché

Stenay , &c qu'alors il feroit en cat d'entendre les offres de la Cour, c de faire un traité glorieux. Gour- ille fut chargé de cette réponfe, c de dire à Mr. le Duc d'Orléans ;s raifons qui lui faifoient refufer entrevue de Richelieu. Les prin- ipales éioient que le but de cette onférence n'étoit pas de faire la aix mais feulement de l'empêcher

2 02. Mémoires de pouvoir faire la guerre : que datul le temps ou tous les Corps de l'Etal ëtoient fur le point de fe déclarei contre la Cour , de que les Efpaf gnols préparoient des fecours conft dérables d'hommes , d'argent & dj vaif[èaux , on le vouloir engager i une négociation publique, dont il leul bruit empêcheroit fes levées! & lui débaucheroit tous ceux qa étoient prêts de fe joindre à foj parti. Outre ces raifons générales il y en avoit encore de particulic res qui ne lui permettoient pas d< confier fes intérêts à Mr. le Dm d^Orléans , dont la liaifon étroife avec le Coadjuteur de Paris , foj ennemi déclaré , lui étoit fufpedte.; ainfi que celle de ce Prélat avec U Cour 5 qui venoit de lui promettra le Chapeau de Cardinal, Incident { qui lui fit prendre une étrange réfo* lution» Car voyant que le Coadju- teur , &: par intérêt ôc par vanicé.^

I D E M. D. L. R. 205

Te6toit de le traveiTer fans ceiîè ^

forma le deiTein de le faire enle- er dans Paris. Quelqu'impofTible. ue parût cette cntreprife , Gour- ille s'en chargea , après en avoir ;çu un ordre ligné de Monfieur le rince ; de fans doute le Coadju- :ur eut été pris un foir qu'il alla à Hôtel de Chevreufe , s'il en fut Mrti dans fon carrofîè ; mais Payant rtivoyé avec Tes gens , il n'y eut âs moyen de fçavoir certainement ^lui qui le ramena. De forte que affaire fut retardée de quelques )urs & découverte enfui te -, car il (l très-rare que ceux dont on eft bligé de fe fervir en de telles ren- ontres , aycnt alTez de difcrétion , our fe contenter de la connoiflan- e qu'on leur veut donner , ou alTez .0 fidélité & de fecret pour l'éxé- oter sûrement. -

Les chofes fe difpofoient ainfide DUS côtés à faire la guerre ; Mr. de I 6

104 Mémoires Châteauneuf qui étoit alors Che du Confeil , avoir fait marcher h Cour à Bourges , 6c la préfence dt Roi avoit d'abord mis cette vill< dans Ton obéïdance : au bruit d( ces heureux commencemens , Mr. h Prince de Conti , Madame de Lon- gueville , 6c Mr. de Nemours fu- rent obligés de partir de Montronc avec leurs troupes pour fe retirei en Guiennc. Ils laillèrent le Che- valier de Rivière à l^extrémité , &c k même jour il mourut , regretté d( tous ceux qui le connoiiloient j cai outre qu'il avoit toutes les qualités néceiTaires à un Gentilhomme, on verra peu de perfonnes de fon âge, qui ayent donné autant de preu- ves de conduite , de fidélité , 6c de défintérefîèment en des rencontres aufli hazardeufes , que celles il s'étoit trouvé.

Le Marquis de Pergan demeura! pour commander dans la Place, qui

ï) E M. D. L. R. 205

toit bloquée par un petit Corps l'armée logé à Saint Amand , donc ^alluau étoit Lieutenant -Général. >a Cour s'étoit enfuite avancée à 'oiriers , & Mr. de Châteauneuf iififtoit , pour la faire marcher à ^ngoulême , jugeant que la guerre /ayant autre prétexte que le retour .u Cardinal , il falloit profiter de on abfence , & qu'il fuftifoit pour 2S intérêt de TEtat , èc encore plus ►our les fiens particuliers, défaire lurer Ton éloignement. Il repréfen- oit encore , que la prélence du Roi toit un puilTant remède pour rete- lir les peuples dans la naiflance des léfordres (3.) ; qu'en s'approchant le Mr. le Prince , qui n'étoit point LJGTuré de la Guienne , ni du Parle- nenr de Bordeaux , on difilperoit lirémenc Tes de(Tcins , qui au con- :raire , s'atfermiroient par l'éloigne-

' (a) Sueti .adversùm fortuita afpedii ?îincipis refoveri. Tac. Jînn. 15.

xc6 Mémoires ment de la Cour. Mais les confeils de Châteauneuf écoient trop fuf- pe6ts au Cardinal , pour être fuivis à Poitiers , fans avoir été examinés à Cologne : & comme il fallait at» tendre fes ordres , leur retardement & leur diverfité cauferent des irré- folutions continuelles , &c tinrent la Cour incertaine à Poitiers , jufqu'à fon retour , qui fut bien-tôt après» j De l'autre part, le Baron de Batte-r ville étoit arrivé dans la rivière de Bordeaux avec la flotte d'Efpagne ^ compofée de huit vailleaux de guerw re , & de quelques brûlots. Il for^^ tifioit Talmont, il y avoir utt Corps d^infanterie de quinze cent hommes. La ville de Xaintes s'éroic rendue fans réfillance ; Taillebourg qui a fon port fur la Charante > étoit aflez bien fortifié, ôc Mr. le Prince étoit maître de la rivière ]i\(^' qu'à Angoulême, excepté Coiguac; Le Com.te de Jonfac , Lieutenant

D E M. D. L. R. 107

e Roi en Xaintonge , de Gouver- eur particulier de Coignac , s'y :oit retiré , afin que cette Place lui idât à rendre fa condition meiU ;ure dans le parti il entreroic > e içachant auquel il fe devoit join- re. Dans cette incertitude , il entra n commerce de lettres avec Mr. le rince , de lui écrivit aflez de cho- ;s , pour lui donner lieu de croire a'il ne demandoit qu'à fauver les pparences , & qu'il remetroit bien- ot fa ville entre Tes mains , li l'on aifoit mine de l'alliéger. Cette fpérance plutôt que l'état des for- es de Mr. le Prince , qui étoienc dors très-petites , lui fit prendre a réiûlution de marcher à Coignac. l voyoic de quelle importance il ui étoic de donner réputation à Tes irmes ; mais il fçavoit bien auffi 5 :fiQ manquant de troupes , & de :out ce qu'il faut pour faire un fiége , il n'y avoit que celui -

loS Mémoires feul 3 il pûc précendre de rciiilîr. De forre que fondant routes les ef. pérances fur ce Gouverneur , il fji parcir le Duc de la Rochcfoucauli de Bordeaux , pour aflèn^bler ce qu: fe trouveroit fur pied , qui n'étoic er tout 5 que trois régimens d'infante- rie de trois cent chevaux , avec or- dre d'aller invertir Coignac , I( Prince de Tarente fe devoir rcnd« avec ce qu'il avoir de troupes. L( bruit >de leur marche s'étant répan- du dans le pays , on retira en dili- gence à Coignac tout ce qui piil erre tranfporté de la Campagne . Se beaucoup de Nubleiîe s'y retira auffi 5 pour témoigner fon zèle au fervice du Roi , Se plus apparem- ment encore , pour garder eux-mê- mes ce qu'ils y avoient fait porter. Ce nombre confidérable de Gentils- hommes retint aifémcnt les Bour- geois 5 & les fit réfoudre à fermer les portes de la ville , dans l'efpé-

D E M. D. L. R. 205) ice d'être bien-tôt fecourus par Comte d'Harcourt , Général des )upes du Roi , qui s'avançoic vers X. Mais comme ils avoient peu confiance au Comte de Jonfac , qu'ils le foupçonnoient prefque alement d'être foible , ôc d'être gné par Mr. le Prince , ils l'obfer* rent de fi près , qu'on peuc dire ftl Te réfolut enfin de défendre la ace 5 parce qu'on lui ôta le pou- >ir de la rendre.

De fut en cela feul que la Noblefïè moigna quelque vigueur ; car arant huit jours , que les gens de ir. le Prince demeurèrent devant oignac , fans arm.es , fans muni- ons 5 fans Oîïiciers , &: fans dif- pline, de outre cela, fatigués par es pluycs continuelles , qui em- Drterent le pont de bateaux qu'on voit fait fur la Charante , pour la ommAinication des quartiers ; ja- mais ceux de dedans ne fe prévalu-

110 Mémoires

rent de ces défordres , fc tenan renfermés avec les Bourgeois , 6 fe contentant de faire tirer par der licre les murailles. Mr. le Princ étant néanmoins averti , que .1; Ville étoit fur le point de fe rendre partit de Bordeaux , & fe rendi au Camp avec le Duc de Nemour« Le lendemain de fon arrivée , l Comte d'Harcourt averti, quel pont de bateaux étoit rom.pu , ô que Nort Maréchal de Camp, étoi retranché dans un Fauxbourg l'autre côcé de la rivière avec cinç cent hommes , fans qu'il pût êtïi fecouru , marcha à lui avec dcu: mille hommes de pied des Garde Françoifes &c Suiflès , & avec le Gendarmes & les Chevaux-Lesicr; du Roi , les Gardes ôc de la No- blelTe. Il força Nort dans fou quar» tier 5 fans trouver prefque de réil- ftance , ôc fecourut ainfi Coignac à la vue de Mr. le Prince , qui étoit

D E M. D. L. R. 211

•oé au - delà de la rivière. Le omte d'HarcoiUT fe contenta avoir fauve la Place , ôc laifla tirer Monfieur le Prince , fans le ivre.

Bien que ce fuccès fût peu coniî- ;rable de foi-même , il augmenta fanmoins les efpérances du Com- d'Harcourt , de donna de la re- ptation à fes armes. Il fe crût ime en état de faire des progrès, : fçachant que ie Marquis d'hilif- ic avoit remis la Rochelle en Po- éïlîanceduRoi 5 excepté les tours ui ferment le port , il fit defleiii 'y aller avec fes troupes , s'alTurant ar la bonne volonté des habitans , fur la haine qu'ils portcient au ]omte du Doignon leur Gouver- leur. Il avoit fait fortifier les tours , >t' y tenoit une Garnifon Suiflè , e défiant prefque de tout le monde> k croyant trouver parmi cette na- ion plus de fidélité , que dans la

m Mémoires fîenne propre. Mais la fuite lui fi bien-toc voir , que fes mcfare étoient faufifes ; car la peur &c Vin terêt 5 qui rendent ces fortes d gens aufïi infidèles que les autres fournirent aux Suifles des prétexte de faire encore plus que ce qui àvoit appréhendé des François. 1 eft certain , que cette défiance di Comte du Doiçnon fut la ruïne d^ parti de Mr. le Prince, qui fan cela auroit marché d'abord à 1 Rochelle avec toutes fes troupes pour rétablir fes anciennes fortifi cations , & pour y faire le /iége d la guerre , avec toute la commo dite 5 qu'une fituation , commt celle-là lui pouvoir apporter : ai lieu que pour ménager l'efprit ja- loux &c incertain de cet homme il fut contraint de demeurer inutile à Tonay - Charante , de de voir perdre la Rochelle, fans ofer même propofer de la fecourir. Il eft vrai

D E M. D. L. R. Z15

{Tî 5 que le peu de i-éfiftance de Gainifon des tours ne lui donna s grand k>iiir d'en former le {{hm ; car le Comte d'Harcourt mt arrivé avec Tes troupes à la Dchelle , aiTiilé du Marquis d'Ef- lac , pourvu nouvellement des Duvernemens du Comte du Doi- lon, il trouva les habitans difpofés lui donner toute l'afTiftance qu'il . pouvoit attendre. Cependant ; tours étoient en état de l'arrêter lelque temps , fi les Suiflès euflent é auffi braves èc auiïi fidèles , le ce Comte l'avoitcru. Mais au :u de répondre à ce qu'il en tendoit , ils crûrent fe devoir ra- leter par une trahifon j & après une fîftance de trois jours , le Comte Harcourt leur ayant mandé qu'il ; leur feroit point de quartier , .Is ne poignardoicnt Balle , leur ommandant , ils n'eurent point horreur d'un tel ordre , &c com-

ii4 Mémoires

mencerent à l'exécuter : mais Baffe croyant trouver plus de compaiTio auprès du Comte d'Harcourt que parmi fes propres Soldats ,'^ï jetta tout blefTé qu'il étoit du hai des tours dans le Port , ce Ge néral le fit achever en fa préfence fans fe laifler fléchir par les prière des Officiers , qui domandoiei fa grâce , ni par un fpedtacle pitoyable. La perte de cette Plac nuifit à la réputation des armes d Mr. le Prince j car on attribua a peu de confiance qu'il avoir en fi troupes ce qui n'étoit qu'un égar qu'il avoit fallu avoir aux ombrage du Comte du Doi^non. Il fut vi vement touché de cette nouvelle ôc s'imaginant, que toutes les autre Places fuivroient cet exemple , fe retira à Brouage, d'où il ne fot tit plus jufqu'à ce qu'il eût fait (b] traité avec la Cour , dont appa rcmmment il a eu fujet de fe re pentir,

D E M. D. L. R. 215

Le Comte d'Harcourt encouragé r ces bons fuccès , ôc fortifié par s troupes , qui avoient joint fou "née j fe réfoluc de Marcher à r. le Prince , qui étoit à Tonay- larante. Mais lui jugeant bien, r le nombre , &c par le peu de "cipline de Tes troupes , qu'il )ic de beaucoup inférieur à l'Ar- ;e du Roi , ne crût pas la devoir endre dans le lieu il étoit , paiTant de nuit la rivière fur un nt de bateaux , il fe retira à la rgerie , qui n'eft qu'à demi-lieuë

Tonay-Charante. Les ennemis contentèrent d'avoir défait deux :adrons le jour d'auparavant , &

donnèrent tout le temps qui

necelTaire , pour faire fauter la ir de Tonay - Charante , Se fe irer à la Bergerie fans être poufle.

Comte d'Harcourt perdit alors e belle occafion de le combattre ns fa retraite , ôc à demi pafTé.

21 6 Mémoires Il en eut encore le même jour ut plus avantageufe , donc il ne pas fe prévaloir ; car il arriva Mr. le Prince fe repofa entiereme: fur un Maréchal de Camp , à q il avoit donné ordre de brûle, ou de brifcr le pont de bateau: ôc fur cette aflurance , il mie j troupes en divers quartiers de quelques-uns étoient éloignés < fien d'une lieuë dz demie, fa craindre qu'on pût aller à lui , rivière étant entre deux. Mais PC ficier, au lieu de fuivre éxacbeme fon ordre , fe contenta de dctacl les bateaux , de de les lai lier al au cours de Peau. De forte qu'éts repris par les gens du Comte d'Hî court , ils refirent le pont dans u heure , Ôc à Pinftant même il pafler trois cent chevaux èc quelq infanterie , pour garder la tête « pont. Cette nouvelle fut portée Mr, le Prince à la Bergerie , ôc

Cl

D E M. D. L. R. ii7

ût d'aurant plus que le Comcc Harcourt marcheroit au milieu î Tes quauciers , pour les tailler i pièces l'un après l'autre , qu'il geoit que c'étoic le parti qu'il oie à prendre. Cela l'obligea de ander à fes troupes de quittée ars quartiers , ôc de revenir çn ligence à la Bergerie , & de ce s il marcha vers Tonay-Charante ec les Ducs ne Nemours & de Rochefoucault , fes Gardes , ôc qui fe trouva d'Officiers & de )lontaires auprès de lui , pour ir le deflèin des ennemis , & :her de les amufer jufqu'à ce que ax de fes gens , qui étoient plus )ignés 5 le fuflent venu joindre. :rouva vrai l'avis qu'on lui avoic nnè. Se que les trois cent chevaux )ient en bataille dans la prairie i borde la rivière : mais il vit . :n que les ennemis n'avoient pas le deflein qu'il avoit appréhend^^ Tome //. K

zi8 Mémoires ou qu'ils avoient perdu le teniD de Péxécucei" , puîfque n'étant pa palfés lorfqu'ils le pouvoient fan en être empêchés , il n'y avoit pa d'apparence qu'ils le fiflent en 1 préience. L'on eicarmoucha que que temps fans perte confidérabl de part &c d'autre , &c l'infanter: étant arrivée , il fit faire un Ion retranchement vis-à-vis du poi de bateaux , laiflant la prairie ôc rivière entre le Comte d'Harcou ôc lui. Les deux armées demeuri rent plus de trois femaines dai les mêmes logemens , fans rie entreprendre ; 6c elles fe content' rent de vivre l'une & l'autre dai un pays fertile & toutes chof étoient en abondance.

Cependant , les longueurs Duc de Bouillon, ôc toute fa coj duite 5 firent bien juger à Monfiôi le Prince , qu'il n'avoir plus ricni mgnager avec lui , ni avec Mr. (

D E M. D. L. R. 2 1^

urenne j & pour cette raifon , il niiporta contre eux avec une greur extrême, quoique leurs en- igcmens euflent été diftérens. Car

eft vrai que le Duc de Bouillon oit convenu avec le Duc de la ochefoucaulc , ôc enfuite avec [r. Laine , de toutes les condi- DUS que j'ai dites , & qu'il crut -n pouvoir dégager pour les rai- 'HS que j'ai marquées. Mr. de urenne au contraire, s'étant en- erement féparé des intérêts de Lonfieur le Prince , dès fa fortie de ifon 5 ignoroit même , à ce qu'il dit depuis , les traités Ôc les enga- ^mens du Duc de Bouillon,

Monfieur le Prince fe voyant ans la nécefïité d'envoyer promp- ment un homme pour foûtenir le 3fte 5 qu'il avoir deftiné à Mr. de urenne , jetta les yeux fur le Duc e Nemours, dont la nailTance &l la sieur extrême pou voient en quel*- K z

iio Mémoires que force fupplécr à la capacité, dt Mr. de Turenne. Il le fit donc paît tir en diligence pour aller en Flaw àve ; mais n'ayant pu fupportet W incommodités de la Mer, il fu» contraint d'aller par terre , avei beaucoup de temps & de péril >i caufe des troupes qui ramenoienti Cardinal- en France. Il renvoy; auffi le Duc de la Rochefoucaol a Bordeaux , pour dirpofcr Mon lieur le Prince de Conci à s'en aile à Agen affermir les efprits des peu i pics 5 qui commençoient à change dclentiment furie nouveau progrè des armes du Roi. Il le charge^ encore de propofer au Parlemen de Bordeaux 5 de confentir que.t Baron de Batteville ôc les Efpagn<:rt fuflent mis en poiTedion de la Vitt ^ du Château de Bourg , qu'il offroient de fortifieri^^P <. ^^' [^ Sur ces entrefaites j^ôîitrailte vint trouver Monfieur le Prince il

D E M. D. L. R. 22 1

i part de Mr. le Duc d'Orléans j our voir l*état de Tes affaires , ôç our l'informer -que le Parlement e Paris étoit prêt de fe joindre à . A. R. pour empêcher le retour Il Cardinal Mazarin , & que dans ;tte affaire, Sadite AlcefTe vouloic ^ir de concert avec lui. Fontrail- s lui propofa aulli une réconcilia- ia»i avec le Coadjuteur , difant , je Mr. le Duc d'Orléans la deii- )it ardemment. îvloniieur le Prin- : ne répondit rien de poiltif fur cet •ticle 5 foir qu'il ne pût pas pren- re de mefures certaines avec le Çfâdjuteur ; foit qu'il crût que cel- s qu'il prendroit , ne feroient pas )prouvées de Madame de Lon- 4eville ôc du Duc de la Roche- ùcault 3 à qui il avoit promis de 2 fe point r-econcilier avec le Co- ijuteur , que de leur confentc- ent. Il dit néanmoins à Fontrail- S, qu'il feroit ce que Mr. d'Or- K 3

zii Mémoires léans fouhaitoit quand les cho(c fer oient plus avancées y Ôc loiTqu cette réconciliation pourroit êcr utile au bien commun du parti.

Dans ce même temps , le Comi de Marfin joignit Monfieur le Prir ce à la Bergerie, ôc lui amena mil hommes de pied ôc trois cei chevaux des meilleures troupes i l'armée de Catalogne qu'il con mandoit. Pluiieurs ont blâmé ce te action comme une trahi for pour moi , fans la condamner nii défendre, je dirai feulement qi Marfm s'écant attaché depuis loni temps à Monfieur le Prince il ave reçu de lui le Gouvernement c Bellegarde qui étoit une de { Places, ôc qu'enfuite il Pavoit ne feulement maintenu dcins le fervic mais même il avoit obtenu par fc crédit laVice- Royauté de Catalodtl Ôc le Gouvernement de Tortofc il fer voit le Roi avec bcaucoi

D E M. D. L. R. 115

e. fîdelicé ôc de bonheur. Cepen- ant îvionlîeur le Prince fut ai-rê- priionnier fans que Maulîn, qui it aufïi arrêté , fûc chargé d'autre :jmç. 5 que d'être fa créature. Ou onna même fon Goiivernement de 'prcofe à Launay - Gringeliniere , ai le lalifa prendre peu après. La rifon de Marfin dura autant qufî :lle de Monfieur le Prince > ôc 3rès en être forti 3 il demeura quel- ue temps fans charge Se fans em- loi : mais les affaires de Catalogne épériflànc , ôc la Cour ne fçachanc Il trouver un homme capable de :s foûtenir, Marlin fut propofé une xondc fois par Ivloniieur le Priu- 2 , 6<: le Duc de la Rochefoucaulc iX fit l'ouverture de fa part à Mr. i, Tellier, fans que Mariin fit au- une diligence de fon côté. Il ne ;i fuc pas poiTible de retarder fou oyage de Catalogne , pour atten- ire l'événement des chofes douteu- K 4

114 Mémoires

fes qui fe pafloient à la Cour , ^ ^ui dévoient plus apparemment 1 terminer par un accommodement que par une guerre civile. Il paf$i donc pour fon nouvel emploi dont il avoit toute l'obligation Moniieur le Prince, qui lui avoi encore donné tout nouvellement-J Gouvernement de Stenay , vai quant par la mort de la Mou(îày4 Ainfi l^adion de Marfm peut avo: deux faces bien différente : ceu qui le regarderont abandonnai une Province que le Roi lui avç; confiée , le trouveront infidèle : ceu qui le confidéreront courant à fc preifantes & quafi indifpenfaW^ obligations , le trouveront un foi

honnête-homnie ^â). Peu de gér

.. ,H ... uuV.ù>:^^Av..v- -.:.. .., ^-.^

l'a) _M, ae'JaKochefoucauh parle j, ^tàtot félon l'es intérêts de (on parti , qk Jeton la rai/on ^ la politique. ^ Çjzr y a t-it un deioîr plus indifpcnfaùls , ^ue et lui' de' préférer V intérêt du frime a Vinu

D' E M. D. L. R. 21 3-

ie bon fens ofeironc dire , qu'il eft roupable ; peu de gens de bon fehs >reronc le déclarer innocenr. Enfin , :èux qui lui feront contraires , i6c :€ux qui lui feront favorables' , 'accorderont à le plaindre , les uns l'une faute qu'il a faite par une në- dTité inévitable ; les autres de ce [u'il a dégagé fes grands devoirs ^ une faute. ''^^ *\ ^4 ^': ^ ^ La Cour étoit alors î Poiriers , omme j'ai dit , de Mr. de Châreau- teuf occupoit en apparence la pre- niere place dans les affaires , bien

'et d'un parficulier ? A qui h Ccntede ^A^rfin étoît4l plus obligé, au Roi qui lui voit donné le Gowvernenient de Catalc- ne y ou a MonficuY le T rince , qui V ai oit î^é de fa recom?nandation ? Celui qui ma recommandé , fera donc de meilleure ondition que le F rince. Pour moi , je fuis \llrfuadé que fous le Minijîcre du Cardinal e Richelieu , le Comte de Aiarfn auroit hj[é pour criminel de Uz.c-M.iicfté dam yutei les formes^

Il 6 Mémoires que le Cardinal en fût toujours le maure en effet. Néanmoins , la fa- çon d*aeir de ce Vieillard , ferme & déciiive , familière & diredc- ment oppofée à celle du Cardinal commençoit à faire approuver foi Miniftére , &c gagnoit même quel que créance dans l'efprit de la Rci ne. Le Cardinal en étoit trop bici averti pour lui laifler prendre d< plus profondes racines , & il y a ap parence qu'il jugea que fon retou étoit un remède abfolument cefîaire au mal qu'il appréhendoi pour fon particulier , puifque dan tout le refte il s'accommodoit mî» aux intérêts de l'Etat ; & qu'en effe il acheva de fournir à Mr. le DUt d'Orléans , ôc au Parlement de Pa ris 3 le prétexte de fe déclarer con- tre la CouT. Le Maréchal d'HOj quincourt eut ordre d'aller recevôJ le Cardinal Mazarin fur la frontiff re de Lu^iem bourg avec deux milli

D E M. D. L. R. 217 chevaux , &c de l'efcorter jufques feioic le Roi. Il traverfa le Royau- me 5 fans avoii" trouvé d'empêche- ment, ôc ai'iiva à Poitiers aufîi maî- tre de la Cour qu'il l'avoir jamais été. On afFeda de donner peu de parc à ce retour à Mr. de Château- îieuf, fans toutefois rien changer aux apparences dans le refte , ni lui donner aucunes marques de défa- veur. Le Cardinal même lui fit quelques avances ; mais lui , crai- gnant de fe commettre , &c jugeant oien qu'il ne pourroit être ni sûr , iii honnête à un homme de Ton âs'e & de fon expérience , de demeurer d-ans les affaires fous fon ennemi , & qu'il feroit fans cède expofé à toutes les mxortifications qu'il lui voudroit donner, il prit prétexte de fe recirer fur ce que la réfohitioii étant prife par fon avis , de faire marcher le Roi à Angoulême , on chanî^ea ce deiîèin fans le lui corn» K 6

ii8 Mémoires muniquer , & on prit en même îemps celui d'aller faire le liége d'Angers , bien qu'il fut de fcnti> ment contraire : de force qu'ayanl pris congé du Roi > il fe retira â Tours. La Cour partit bien - tôt après 5 pour aller à Angers , k Duc de Rohan avoit fait fculevcj le peuple : de cette Province s'écori déclarée pour Moniieur le Princei. dans le même temps que Mr. k Pue d'Orléans 3c le Parlement di Paris fe joignirent à lui contre lej intérêts de la Cour.

Il fembloit que toute la Fi-aïKf ëtoit en fufpens , pour attendre l'é A/énement de ce fiége > qui pouvoi: produire de grandes fuites , fi fi défenfe eut été aflèz vigoureufe^ ou aiîez longue pour arrêter le Roi; Car outre que Mr. le Prince eut p4 s^aiïurer des meilleures Places def Provinces voiiînes, il cil encore cer- lain que Tcxemple de Mr. le DiK

D £ M. D. L. R. 11 p

L'Orléans & du Parlement , auroic fuivi par les plus confid érables ]orps du Royaume. En effet , il la }our eût été contrainte de lever ce ége , elle fe fut trouvée en de gran- es extrémités , &: la perfonne du voi eut été bien expofée , fi cela fut rrivé dans le temps que le Duc de •lemours entra en France avec l'ar- .lée de Flandre & les vieilles trou- •es de Mr. le Prince , fans trouver le réliftance. Cette armée pâda la •eine à Mante , le Duc de Beau- ort avec les troupes de Mr. le Duc /Orléans fe joignit au Duc de Ne- Qours ^ de tous enfemble marche- ent avec un Corps de fept mille lommes de pied , Se trois mille che- 'aux vers la rivière de Loire , ils itoient aflurés des villes de Blois &z l'Orléans. Mais foie que Angers ne lit pas en état de fe défendre , pa? a divifion des Bourgeois ; foit que e Duc de Robaii ne votilur^as ha^

230 Mémoires

zarder fa vie 8c fa fortune fur k fc chancelante d'un peuple étonné ji remit la Place entre les mains Roi , fans beaucoup de réfiftancc & eut permillion de fe retirer à Pari auprès de Mr. le Duc d'Orléans.

Les chofes étoient en ces termes lorfque Mr. le Prince partit de 1 Bergerie , après y avoir demcur plus de trois femaines , fans que 1 Comte d'Harcourt , qui étoit d Pautre côté de la rivière à Tonay Charante , de maître du pont de ba teaux , eût rien entrepris contre lu Néanmoins , comme il étoit d beaucoup inférieur à Parm.ée d Roi en nombre 6c en bonté de troU pes ^ il voulut éviter les occafion d'être contraint de venir à un com bat il inégal. De forte qu'il alla la Beniette , éloignée de trois licuë des troupes du Roi , afin d'avoi plus de temps pour prendre foi parti , fi l'on marchoit droit à lui

D E M. D. L. R. 151 l y demeura quelque temps 5 fans [u'il fe parsiit rien de ccniidéuable : nais voyant, que bien loin de faire es prcgiès dans le pays il étoir, [ ne fe ti-ouvoic pas feulement en tat d'y relier en préfence du Com- ed-'Harcouit , il tourna toutes [qs enfées à conferver la Guienne , de fortiiicr les villes qui tenoient Dn parti. Il réfolut donc d'y mair- her avec Ton armée , de crut pou- oir maintenir quelque temps la Caintonge , en laiflànt d'un côté le ]omte du Doignon dans les Places > -S Efpagnols à Talmonc , ôc le l 'rince de Tarente dans Xaintes &C iTaillebourg , pour en hâter les For- ifications. Ayant ainii donné fes >rdres , il fît marcher fon infanterie <. fes bagages à Talmont, pour al- 2r par mer à Bordeaux, & après '.voir fait la première journée une ort grande traite avec toute fa ca- 'aleiic, il s'arrêta la féconde à Salât

252. Mémoires Andras à quatre lieues de Bordeaoji croyant être hors la portce des en nemîs. Mais le Comte d'Harcoui qui l'avoic fuivi avec une diligenc extrême , arriva à la vue de fo quartier , lorfqu'il y fongeoit 1 moins , & l'auroit ailbrément forc( Il les premières troupes eufient entî dedans fans marchander ; au lié qu'elles fe mirent en bataille vis-â vis de Saint Andras , pendant qn les autres attaquèrent le quartier d Baltazar , qui les repoulîa avec v: gueur , de vint joindre Mi\ le Prin ce qui étoit monté à cheval a premier bruit. Ils furent quelqtî temps en préfence , mais la niii étant obfcure , il n'y eut point â combat , Se Mr. le Prince le retir fans rien perdre , plus redevable d fon falut à la trop grande précatt tion de fes ennem,is , qu'à la lienn propre. Le Comte d'Harcourt ne J luivit pas plus avant , &c Monfieu

i) 1 M. D. L. R. 233 î Prince perfiftant dans le deiîèiii u'il avoit d'aller à Bergerac , de de i faire fortifier , palîa à Libourne a) 5 dont le Comte de Maure étoit gouverneur , 6c v laillà Tes ordres •our continuer quelques dehors. Le Maréchal de la Force arriva au mê- ;ie temps que lui à Bergerac , avec on fils le Marquis de Caitelnau , [p.i commandoit dans la Place ^& le >uc de la Rochefoucault, qui écoit evenu de la haute Guienne avec Aï. le Prince de Conti , s'y rendit uili.

j.Ce fut en ce même temps , que ^mmencerent à paroître à Bor- leaux les fa(5lions ôc les partialités , \m ont ruiné le parti de Monfieur e Prince en Guienne , qui ont di- dfé m ai Ton , Ôc féparé de Tes in- erêts.fes plus proches, &c qui Pont

f a J^ îfitïetû^ 'mar'ctm par

Idoitar'd'^^^'Wl' WAn^tèène'^ 'vers l'an

234 Mémoires enfin réduit à cherchei: une retrait parmi les Efp.igiiols , à qui il a fan vc plulieurs Fois la Flandre. Je dir^ en Ton lieu , le plus fuccinctemei que je pourrai , les caufes d'un grand changement , lorfquc j'e rapporterai les effets. Maintenai je palTè au récit de ce que Mor fieur le Prince fit durant cet intcj vale. Son principal foin étoit c réparer promptement les Places c Guienne , mais il s'attachoit part culiçrement à mettre Bergerac e état de fe défendre ; il y emplo) quelques jours avec beaucoup d'aj plicaiion 5 pendant lefquels il rcçi nouvelles que fes aftaircs dépéri foient en Xaintongej que le Conv du Doignon étoit renfermé dai fes Places , n'oflmt en fortir poi fes défiances ordinaires ^ que;. Prince de Tarcnte de fon côté avo reçu quelque défavantage dans u combat , qui s'étoit donné aupr(

D £ M. D. L. R. 231 e Pons i que Xaintes, qu'il çroyoic n état de foucenir un grand fiége ai" les travaux qu'on y avoir faits j : par la Garnilon qui croit compo- se de Tes meilleures troupes , s'é^ )it touterois rendue fans faire graii- e réfiftance ; & que Tailltbourg toit aiïiegé &c prêt de fuivre l'exem- le de Xamtes. Il fut encore infoimé ue le Marquis de St. Lucallèmbloit n Corps pour s'oppofer à celui de /londcur le Prince de Conti , qui voit pris Caudecode & quelque utre Ville de peu d'importance. 3e dernier mal étoit le feul , ou il •ouvoit apporter quelque remède 5 nais comm.e le Marquis étoit encore .'loiî^né de Monfieur de Conti , il :rût ne devoir pas padcr dans la laute Guienne , fans êtue informé )luS particulièrement de l'état des ifeires de Bordeaux : de forte qu'il nanda à Madame la PrincelTe ôc à Viadame de Lona;ueville de fe ren*

1^6 Memoii^es dre à Libourne, il arriva en mêj^< temps qu'elles. Il y demeura <ii jour feulement, & dorna les ordre qui dépendoient de lui pour empê cher le progrès du mal que J divifion commençoit à faire naîq dans fou pcirti de dans fa familh Il partit enfuite avec le Duc de 1 Rochcfoucauh pour aller joindr le Prince de Conti , qui étoit Scaffort 5 à quatre lieues au-4e(& d'Agen ; mais ayant appris par i^: Courier près de Libourne , que Si Luc marchoit vers StafFort , il cru que fa prefence y feroit d'un grani fecours. Il y alla donc en diligencç 6c trouva Monfieur de Cojiti qu radèmbloit fes quartiers , dans 1 créance que Saint Luc le devoi combatre. Comme ce Marquis ctoi à Miradoux avec les. régimens 4- Champagne de de Lorraine, & qi^- fa cavalerie étoit logée féparéme^i dans des villages ôc des fermer.

D E M. D. L. R. 237

(e refolut en un inftanc de mar- er toute la nuit , pour lui enlever . quartiers de cavalerie , &c partit l'heure même avec le Duc de la Dchefoucalt : de bien que le che- n fut long de mauvais , il arriva Vant le jour à un pont , les ncmis avoient un Corps de Garde douze ou quinze maîtres. Il les poufTer d'abord , & ceux qui {auverent , donnèrent Tallarme à ites leurs troupes , ôc les firent Miter à cheval. Quelques efca- 3ns firent ferme près de Mira- ux ; mais il les rompit fans peine. / eut fix régimens défaits , il prit lucoup d'équipage &c de prifon- Ts 5 ôc puis il fe retira à Mira- ux 5 qui eft une petite ville fîtuée la hauteur d'une montagne , nt elle n'occupe que la moitié , tjui pour toutes fortifications n'a 'un méchant foffë , 3c une fimple iraillc les maifons font acta-

t^2 M E M 6 I T». E s

chées. Dès que le jour fat venu Saint Luc mit toutes Tes troupes e bataille dans Pefplanade , qui e devant la porte de la ville. Mr. I Prince attendit au bas de la mor tagne celles que Monfieur de Con lui amenoit, lefquelles arriverai bien -tôt après : mais comme montée eft aflez droite de fort loj gue 5 Se que les terres y font gra{î en hyver , Se coupées par des fo(ï ôc par des filions , Mr. le Prince \ bien qu'il ne pouvoir aller en b caille aux ennemis , fans fe mett en defordre , Ôc fe rompre lui-mên avant que d'arriver à eux. Il contenta donc fur l'heure de fai avancer fon infanterie , 6c de chafl ^vec beaucoup de feu les ennemi de quelques poftes qu'ils avoie occupés. Il y eut aufTi deux ou trc efcadrons qui combattirent , - toute la journée fe pafla en efa wioucbes , fans que St. Luc quiti

D E M. D. L. R. 23^

hauteur , ni que Mr. le Prince treprîc de l'aller attaquer en un u il avantageux , n'ayant point Canon , & n'en pouvant avoir e le lendemain. Il donna les ires pour en faire venir deux xes ', & cependant , jugeant bien e le bruit de Ton arrivée étonne- t plus les ennemis , que l'avan- ce qu'il avoit remporté fur eux , donna la liberté à quelques pri- miers, pour en porter la nouvelle Saint Luc ; ce qui fit bien-toc ^et qu'il avoit defiré :^car les dats en prirent l'épouvante , &c la .ifternation fut fi grande parmi Officiers , qu'à peine atrendirent- la nuit 5 pour cacher leur retraite, fe fauver à Leytoure. Monfieur

Prince qui avoit prévu cette raite , mit des Corps de Garde près des ennemis , qu'il fut averti s le moment qu'ils m>archerent j lis on peut dire que fon extrême

^40 Mémoires diligence l'empêcha de les défait entièrement ; car fans attendre qu l'infanterie fut engagée dans 1 cheriiin , il lui auroit été faci) de la tailler en pièces , il la charge fur le bord du foffé de Miradou> de en entrant l'épée à la main dai les bataillons de Champagne & Lo raine , il les renverfa dans le folï? demandant quartier , & jettar kurs armes. Mais comme on i pouvoit aller à cheval à eux, i curent moyen de rentrer dsn Miradoux , bien moins pour (fi fendre la Place que pour' fauV leur vie. Mr. le Prince de Cor combattit toujours auprès de M le Prince , qui fui vit le Marqu de Saint Luc Se le refte des fuyati jufqu'auprès de Leytoure> & revr invertir Miradoux , Marins }A réchal de Camp Se Cominges Meft de Camp , étoient entrés avec pli ficuirs OtEciers. Morificur le Priirï

I

D £ M. D. L. R. 241

s fit iommer , croyant que des nis bactus qui écoient fans muni- 3ns de guerre de fans vivres , çntreprendroient pas de défendre le 11 méciiante Place. En effet , ; offirirent d'abord de la rendre ^ ais Monlieur le Prince , qui ne )uloit pas laifler fauver une (i nme infanterie, &c qui comptoic )ur rien d'être maicre d'un lieu ; nulle confidération , s'attacha les vouloir faire prifonniers de lerre, ou à les obliger à ne fervir : lix mois : mais ces conditions ir parurent (i rudes , qu'ils ai- crent mieux fe défendre , ôc ré* irer ainfî la honte du jour préce* ;nt , que de l'augmenter par une lie capitulation. Ils trouvèrent ême que les habitans avoient des viJes , Se jugèrent bien que Mr.

Prince n'étoit pas en " état de ire des lignes : ils crûrent qu'on iurroit aifément leur envoyer de

Tçmç /A L

z^i Mémoires

;1^ poudre , de la mèche & jc

-plomb} comme eu effet le Marqu

de Saint Lmc y en fit entrer la m

fùiv.ante >, & continua toujours^ a

lpS^;îafr^îchir, des chofes necefTaii

-tant que le (lége dura, quelq

,(oi\^-i >^U;Oi^, pi^îc , de Tempêch'

îCepèt^dant ,, Mr. le Prince renvfl

Mr. de Conti à Bor-deaux , ôc co

;nuc bien- toc ^ qu'il auroit mie

fait de recevoir Miradoux aux ce

ditions qu'on lui avoic offerte

que de s'engager à un iiége , ms

quant comme il £aiioit , de tou

xhofcs -Ôc n'étant pas même affi

d'avoir du C^on. Néanmoin

comme- on'.eflyfouvcnt oblige .

continuel: de- fcns froid ce que J.'

a comnxQi^çç en ;Colere , il vou

foûtcnir- (îba delîèi^^^jirfqu'au hq}.

c roy anc.c tonner )£5j€nnemi s. \\.t

donc iAgçn V ^eu;£, pièces, 4^

de dixi livres ,.^ r$'v\tre de douz

avec un.très-,petii; n^ibre de b(

D E M. D. L. R. 245 îts-^tle calibre : mais il crut qu'il

tîî auroic aflfez pour faire brèche, : les emporter d'aflauc , avant que ; Comte d'Harcourt , qui marchoit

iai , pût être arrivé. En effet, 11 prit dès maifons affez près de 'porte , ou l'on mit les deux pièces 1 batterie ': elles firent d'abord ^aucoup d'effet dans la muraille , rais aufli les boulets manquèrent icn-rôt ; de forte qu'on étoit con- aînt de donner de l'argent à des »ldats pour aller chercher dans le ){lë les boulets qu'on avoir tirés, es ennemis fe défendirent a(fez iferi pour le peu de munition u*îls avoienc , ôc ils firent deux >rties avec beaucoup de vigueur, îifin , la brèche commenç oie à itOicre raifonnable , & la muraille :ànt tombée avîïc des maifans qui

'tfencHcnt , afvoft fait une grande ^Yérture ; mais tout ce débris fer- it d'un nouve^au rêtranchemcnr. L 2.

aux afïiégés ; . c^j: le ioh ;de h mai fon , oLi Te fit la brèche 5 étant tom dans la cave , ils y miEeiac le feu &• fe, l'Qtf ancherenc de l'amre coté de forte que cette Gave ardent devint, un folTé qui ne fe pouvo: paflèr. Cet obftacle retint. Mpi^l Prince , Se il ne voulut pas hazap dcr une attaque , qui auroitikt doute rebuté fes troupes , Se au^ mente le courage des ennemis, i réfolut de faire battre un autre er droit, lesmaifons n'avoient pdb de caves ; & il y avoit un jour qi l'on commençoit à y tirer, lorfqit reçût avis que le Comte d'Harcou iTiarchoit à lui , & qu'il arrivera le lendemain à Miradoux. Leu forces étant trop différentes por bazarder un combat , cela Ic^ii rétoudre à lever le Siège , Se hi retirer à Staffort , il arriva- âf avoir été pourfuivi. Cette; VEl n'cil ni plus grande , ni meilleu

D E M. D. L. R. 14 j

iQ Mitadoux , mais comme le omre d'Harcourt éroic au-delà de Garonne , &c qu'il ne la pouvoit iffer qu'à un lieu nommé Auvi- fs 5 Mr. le Prince ayant l'autre du pays libre , fépara les quar- ^rs, dans la créance que c'étoit fez. d'en mettre quelques-uns pics Auvilars, & de commancîer qu'on ît^hât continuellement des partis ; ce c6té-là 5 pour être averti de me ce que les ennemis voudroient itreprendre. Mais il ne prévit pas le de nouvelles troupes & de >uveaux Officiers exécutent d'or- nairecequi leur eft' commandé , une manière bien difFéiente de ce a'ont accoutumé de faire des gens jrouvés : & cet ordre - qui auroic iffi pour mettre un Camp en ir^té , penfa eau fer la perte de fonceur le iPrince , & réxpofer h honte d'être furpris & défait.

Car enfin de tous les partis corh- mandés , pà!s un ne fui vie [on ordi^ & au lieu U'appreildre des nou- velles du' Comtc^ d'Harcôurt , "il allèrent piller les villages voififts de forte qu'il patïà la rivière , ^ marcha en bataille au milieu àc quartiers de Monfieur le Prince Se arriva à un quart de lieue de lui fans que perfonne en prît TallariTii jii lui en vînt donner avis. Enfi des gens pouflés lui ayant apport cette nouvelle avec le trouble ordi naire 5 il monta à cheval , fuivi 6 Marfin , du Duc de la Rochefoi cault , & du Marquis de Monte pan , pour voir le deifein des eniK mis i mais il n'eut pas fait cinq cei pas qu'il vit leurs efcadrons qui*'J détachoient pour aller attaquer ^ft quartiers. Dans cette extrémité , n'eut point d'autre parti à ptendtl que d'envoyer faire monter à ch< val fes quartiers les plus éloignés

D E M. D. L. R. 247

î devenir joindre ce qu'il avoir nfaïuerie campée fous StafFoit 'il fît marcher à Boue , pour y (Ter la Garonne en bateau , &: fe lirer à Agen. Il envoya tous Tes gages au Port-Sainte-Marie , &. fla im Capitaine & foixante Mouf- ejaires à StafFort 5 6c une pièce

caoon de douze livres qu'il ne t emmener. ^>p ,,j..|,

Le Comte d'Harcourt ne fq fer- ^pas mieux de cet avantage , qu'il oit fait de ceux qu'il avoit eu à pnay-Charante ik à Saint Andras ; r au lieu de fuivre Mr. le Prince^

de. le charger dans le defqr-> 4^^ d'une retraite fans Cavalerifs ,. contraint de pafler la Garonne , )ur fe mettre à couvert , il s'arrêta )ur inveftir le quartier , le plus •oche de StafFort nommé lç,Per-^ iï\ , ou évoicnt logés trois ou qua- e cent chevaux des Gardes de l©nfieur le Prince ôc des Généraux, L 4

éc lui donna ainfi douze ou txe^J heures, dont il perdit la plus gxOT «ïe partie à Boue à faire paiîer^l rivière à les troupes avec un defîpn dre incroyable , de toujours en ét,s d'être taillé en pièces , G on Teut^ai taqué. Qiielque temps après qi: Mr. le Prince fut arriva à Agen a^^c toute Ton infanterie, on vit quelqijt efcadrons paroître de l'autre côj^^ la rivière , qui s'ctoient ava^ç( pour prendre des bagages , qi ctoient prêts de palTer Peau : m^ ils furent repoufTés avec vigue^ car foixante maîtres du régimçf ■de Montefpan, qui donnèrent tOji ie temps ncccfTairc à des bateaux ciiargés de Moufquetaires , d'arri Tcr , ôc de faire recirer les ennemi Ce jour mêmev^iônfieur le Princ fçût que fa cavalerie étoit arrivée Sainte- Marie fans avoir combattu r rien perdu de Ton équipage , Se qu fes Gardes fe défendoient encor

DE M. D. L. R. i49

iafii le Pergan , fahis qii'ïl'y eût toù- ^fôis apparence de les pouvoir fe- ourir. En etfec , ils fe rendirent pri- Snniers de guerre , le lerîdetiiain : t ce fut tout l'avantage , q^ue' îe ]omte d'Harcourt retira d'une oc- afion fa fortune & la négligeû- edes troupes de Monfieur lePriii- e 5 lui avoient offert une entière idoire. Ces mauvais fuccès furent ién-tôt fuivis de la fédition d'A- en 5 &c obligèrent Mon(ieur le 'rince à tourner Tes principales ef- erances du côté de Paris ,& d'y orter la guerre , comme je dirai t-après.

W

L 5

<!3r "W ■ft» '/tff ■»*«• "?!>■' •?!«• "y/W "ww ■ww ^^ -jm- -jfts^ -tw iw

SUITE]

DELA

GUERRE

"de guienne»;

Ef U dernier e de Paris.

%^^^ A guerre fe foûtenoic dàîj X L jlt ^^ Guienne, bien plus psj ^^■^^ la vigilance & par la répç talion du Prince de Condé , qifd par le nombre 6c par la valeur cfî fes troupes ^ & le Comte d'Haïe court avoir déjà rétabli par fa cort-' duire 6^ par fa fortune tout, le Aé(i\ vantc^ge que la défaite du Mat! quis de St. Luc à Miradoux avoï apporté aux armes du Roi. Le fié

^e de Miradbux étoit levé ^ les Ga^ les du Prinpede Qonéé èc trois cm quatre cent chevaux avoient ''^ëïé nis dans le quartier duPergan , 6^ e Prince Coildé lui-même avec e relie de Tes troupeç, avoit été :ontraint de quitter ScafFoit , de . yglTer la-riviere de Garonne à Boue , ' k de fe tetircr à AgeVi : niais les d.ii 1 /liions de cette Ville,- firent allez I ronnoître à ce Prince qu'elle ne de- i iieureroit dans Ton parti , qu'hantant i :ju'elle y feroit retenue par pre- Tence, on par une foite Garnifori. Ce fut auffi pour s'en allurer par zc dernier moyen , que le Prince de Condé réfolut d'y faire entrer îe régiment d'Infanterie de Conti , & de fe rendre maître d'une dés Portes de la Ville , pour ôter au peuple la liberté de refufer la Gar- îiifonj mais comme ce deflein ne fiit pas feçret, il fut bien-tôt répan- du dans la Ville. A l'heure même L 6

zji Mémoires les Bourgeois prirent les armes j 3c firent des barricades. Le Prince d^ Condé en étant averti , montait cheval , pour empêcher la féditipîl par fa préfence & pour demeurai maître de la porte de Grave ju/qu'à ce que le Régiment s'en fût empa- ré j mais l'arrivée des troupes au^ jnenta le defordre , au lieu dc^yS^ paifler, elles entrèrent & firent alfifi dans la première rue; &C bien qu^jlç Prince deCondé &c le Prince deÇpn- ti ôc tous les Officiers voulufîent ap- paifer le defordre 5 ils ne purent, em? pêcher que toutes les rues ne fuITei^ barricadées en un inftanr. Le peuple néanmoins conferva toujours du ref- pec^ pour le Prince de Condé , ôc, pour les Officiers Généraux ; mai$ l'aigreur augmentoit auffi dans tous ies lieux 3 ils n'étoient point. Les. chofesne pouvant plus den^ur^ÇRi en cet érât-ià , ies troupes , commeo j'ai dit 3 tenoient la porte de Çr^ve:^»

c la momêdt la rûê qui y aboutit j î'peuple étoit fous les armes, toutes îs rues étoient barricadées , de des lorps de Garde par tout. La nuit, 5prochoit, qui eût augmenté le efordre, & Prince de Condé ie 2)yoit' réduit à Tortir honteufement îj la Ville", od à la faire piller 6c.^ :^\ev^-y' mais l'un ou l'autre de ce^ a^tis rùî'npit àpparernriient fes af^. 1res t' car s'il quittolt Agen , les ( dupes dii Roi y étoient reçues; s'iL^ ^brûlôit;, "ce tr'aitemem foule voit,. 5fitre lai route la Province , donç^ S' -plus confiderables villes te*^ ôi^nt èiîcore /on' parti. Ces raifons.^j -portèrent à tenter quelque ac-^-^ Hïimodemenr, qui fauvât fon au^. - ^ité en apparente, & qui lui fervîc;, > ^-prétexte de pardonner au peuplq^^ Agen. Le Duc de la Rochefoa-^^ ait park aux principaux des,,, Durgeois, & leé difpofa d'aller à iotel de Villf , pour députer

if4 Mémoires quelqu'un d'entr'eux vers Monfiçui le Priiice pour lui demander par* don , & le fupplier de venir à l'^f femblée Içur.preicrite les moyens^ lui conferver Agen dans la foûmif fion &c la fidélité qu'Us lui avoien jurée. Mcnfieur le Prince y all^, ^ leur dit que Ton intention avoi. toujours été de leur lai(Ter la liberit toute entière ; 6c que les troupe n'étoîent entrées , que pour foub ger les Bourgeois clans la garde 4 la Ville : mais que puifqu'ils nei defu'oient pas ainii , il Ce contentoi' de les faire foitir, pourvu quel Ville fît un Régiment d'Infanteri à Tes dépens , dont on lui nomm^ roit les Officiers. On accepta fag lement toutes les conditions y ff| défît les barricades , les troupes ibi tirent ôc la Ville fut tranquille, ^ foûmife en apparence , comme^ey Pavoit été avp.nt la fédition. L Prince de Condé ne pouvant fe fie

D t M. D. L. R; 255

ces apparences fie quelque réjouç Agen 5 pour remettre la Ville en )n état ordinaire ; & ce fut en ce împs-là qu'il reçût nouvelles, que armée de Flandre , comrnanaée ar le Duc de Nemours , & les trou- es du Duc d'Orléans comman- ées par le Duc de Beaufort , s'é- )ient jointes. Se marchoient vers . rivière de Loire. Cette joye fut éanmoîs mêlée d'inquiétude : d'un- î>té il voyoit au milieu de la Fran-J ^^SMie armée d'Efpagne , qu'il y voit long-temps attendrie, ôc ui pourroit venir fecourir Mon- •diid , ou le vcniî* joindre en Guien- é : mais en miêrre temps il fçût que i divifion des Ducs de Nemours ôc •e Beaufort <' a ) , étoit venue à une xtrémité crès-dargereufe. Ils ne ouvoieî^t compâcir enicmble j ëc durs forces repi;rées n'étoient pas

1^6 Mémoires

fufïirantes pour tenir la campagtB devant Tarmée du Roi, commandlJ par les Maréchaux de Turende 8 d'Hoquincourt , & fortifiée far le troupes que le Cardinal avoit ariiè nées , Se encore plus par le woifivii ge de la Cour. Les ordres du Dd' de Nemours étoient de paflèr la ifî viere de Loire, pour fecourir Mon trond 5 ôc marcher aulli-tôt vers I Guienne j & ceux que le Duc à Beaufort recevoit du Duc d'Orleam y étoient entieremenr oppofés. Mi ne pouvoir confentir que Parme s'éloignât fi fort de Paris, ôc ab prehendoit que le peuple ou le Pat lement ne changeafTènt de fcnrî ment , dès qu'ils verroient l'arrtté' de Mr. de Nemours paflèr 'et Guienne , & celle du Roi demeuré dans leur voifinage. Le Coadjuteâî de Paris, qui avoir alors plus (fi part que perfonne à la confiance ; de Monficur, appuyoit ce confejl

T> E M. D. L. R. 257 ^^augmeatoit encore les craintes i) <Sc les irréfolutions naturelles de e ce Prince. En retenant l'armée u-deçà de la rivière de Loire ^ non Uilement il la rendoit inutile aii tince de Condé , de qu'il écoic nnemi , mais il fe rendoit lui-mê- le plus conlidérable à la Cour ^ en ùCa^K voir a qu'étant maître de la enduite .de Monheur , il pouvoir uiti avancer ou retarder les pro-

uva UC i

3

le tooces fortes de moyens 3 pour (btenic le Chapeau de Cardinal. Zhavigny de Ton coté n'avoir pas te moindres deflTeins -, il prétendoic gouverner Monfieurjen lui faifanc :t?nnoître qu'il gouvernoit Mou- leur le Prince.j, Se sXfsûroit aufïî i^^fe ,rçndre maîtrie de la conduite Igjvionfieur le Prince, en lui fai- ^it ypir^^qu'il l'ecoit de celle de

(a) Novos terrores^cumulat. Ann. 4.;

258 Mémoires Moniîeur. Ses projets ne s'arrê- toient pas làj dès le commencement de la guerre il avoir pris des mefn- res pour être négociateur de I3 paix 5 3c s'étoic uni avec le Duc de Rohan , croyant qu'il lui pouvoir être également utile auprès de Mon- fieur 5 6^: de Monfieur le Prince: il Ci-oyoic audi ayoir pris toutes le^ précautions néçeiîaires envers h Cardinal, par le moyen de Fabei'i

Gcnvcri::u: de Sziaù > ce comim

il ne mcctoit point de bornes à fou ambition- 6c à Tes efpérances , il ne douta point, qu'en faifanc la pab particulière 5 il ne fut choili poui aller avec Je Cardinal Mazarin con* dure la générale. Il crût mêmf'. qu'en fe fervant de la confidératioD^ que Monfieur le Prince lui pouvoit dijnner parmi les Efpagnols , il an*- roit tout le mérite des bons fuccèfl^. & que le Cardinal au contraire fe-i roit chargé de la honte <Sc du blâme

B B M. D. L. "R. 255^ s médians évenemens : & qu'ain- il rennéroit dans les affaires, ou €C la gloire d'avoir fait la paix ^ .'avec davantage d'avoir fait con- îrre que le Cardinal Pauroit cm- chée. Dans cette Mae-là il écrivit alieurs fois au Prince de Condé , ur le prefîèr de quitter la Guien-

j il lui repiéfentoit le befoin îe l'armée avoit de fa préfcr.ce y le la laiiTant détruire , toutes j refïoui'ces étoient perdues i & ïQ faifant des progrès dans le eur du Royaume , 6c à la vue d\x 31 , il rétabliroit en un moment m feulement la Guienne , mais ut le refte de Ton parti. Le Prince ï-Condé fe lailîa perfuader Facile- ent aux raifons de Chavigni : mais

principal motif qui Vy porta 3 «fc Penvie de quitter la Guienne ans un temps , la foibleiTe dtfe& oupes Pobligeoit fans ceiTe à la- Kr le pied devant le Comte d'Har-

i^o Mémoires

court. Il communiqua Ton deffei!

au Duc de la Rochefoucaulc 8i

Marfinj l'un & Tautue lui reprefer

tcrent également ce qu'il y a voit

en craindre & à en efperer fans k

donner de confeil là-deflus 5 mai

tous deux lui demandèrent inftarr

ment de le fuivre. Il choilit le Du

de la Rochefoucault pour Paccom

pagner , de lailTa Marfin auprès d

Prince de Conti , fe reposant enrie

rement fur lui du loin de mainte

nir Ton parti en Guienne , & d

conferver Bordeaux , non feulemec

parmi les divilions qu'on avoit.fo

m entées dans le peuple ôc danél

Parlement, mais auiïi pour empc

char- que les divers intérêts du Pria

ce de Conci Ôc de Madame de Lott

suevillé n'au^mentailencleur méfiîî

-Il

telligeniie, &. ji€ hâf adent la perte a

cette ville 5 les affaires étoient'e

Tétat que je vais dire*.

D E M. D. L. R. 261

Le peuple y étoit divifé en deux

j baies ; les riches Bourgeois en

imporoient une, dont les fenti-

(cns étoient de maintenir l'autori-

i de leurs Magiflrats, &c de fe ren-

c 11 puiilàns & il néceiraires dans

fville 5 que Mr. le Prince ôc le

itlement les confidéraflent comme

nx <^ui pouvoient le plus contrî-

ler à leur confervation. L'autre

«haie étoit formée par les moins

çhes & les plus féditieux de la

.lie 5 lefquels s'étant affemblés plu-

:ui'S fois fans deflein en un lieu

»che du château du Ha , nommé

fiar7Mée , en prirent enfin le nom.

É:^Parlement n^'étoit pas plus uni

!' le peuple j ceux de ce corps

tii étoient contre la Cour , s'é-

oôht; divifés en deux factions :

bne ; s'appelloit la grande Fronde ,

rd'^ucre '/^ -petite. Bien que toutes

€iux s'accordatlent à être dans les

Itérées de Monfieur le Prince >

%Si Mémoires elles étoient fort oppofées dans toi le refte : au commencement , /*/fo; mée a voit été unie avec Tune 'i l'autre Fronde , de s'en écoit aulïî'f parée plufieurs fois , félon les divé intérêts qui ont accoutumé de fat agir les gens de cette forte 5 mats' la fin le Prince de Conti , & la ©^ chelfe de Longueville , s'étant m^ heureufement divifés , augmenï rent à un tel point le crédit Se l*i folence de cette fadion pour fe l'a quérir, qu'ils avancèrent la perte c parti j en defefpérant le Parlenle ôc le refte du peuple , & en do liant lieu à plufieurs conjuration ôc à toutes les autres intelli^encesî la Cour j qui ont enfin remis lît deaux dans l'obéïlfance du Roi. ne parlerai qu'en pallant des fuie qui ont caule tous ces defordr'tf fans entrer dans le particulier < beaucoup de chofes qui fe peuve écrire, Mr. le Prince de Conti

D E M. D. L. R. z($5

étant laide perfuader .par Tes gens agiles par le Cartiinal Mazann , s rompre avec éclat avec la Du- lelTe de LonguevilleViuir-des pré- xtes que la bienféance ■& les inte- cs du Sang lui dévoient faire ea- ler /a) , il^ fomencerefitoen ihaiac m de l'autre la» fureur de7'i^o/*wl?,

Sacrifièrent en tant de rencontres s plus grands avantages du parti, Jeurs palïions de à leurs aigreurs uticulieres , qu'au lieu d'établir or autorité j ôc de fd rendre par-

nécelTaâres à Mr. le Prince , eom- .e chaçQj,! d'eux en avoit le deflein, > dominèrent CQurs aux defordres : au)s,réditions du peuple, qui fu- :nt fi près de les envelopper, qu'ils s réduihrent enfin à la néceffité 'abandonner Mr. le Prince , &: de ibir toutes les conditions , que le

S^J Socium"deLitioni5 cxtitiile niira- ^6'eiMC , quia fliam ipfe nobiliMtem , tiim fangiiir.ehi perditum ibar. ^?in. 4.

i^4 Mémoires' Cardinal voulut leur impofer. i Duc de la Rochefoucaulc étant pei luadé par plufieurs expériences -c[ue leur comtnune grandeur pendoic de leur union , s'étb trouvé plus en état que perfonnet la maintenir entre eux depuis guerre de Paris : mais alors Mad me de Longueville crût mieux troi ver Tes avantages à changer ft plan ; ôc il arriva que les moyei dont elle fe fervit pour en venir' bout , la brouillèrent avec fes frerie Mon fleur le Prince de Gonti étc porté à la Paix par l*ennui & •p^ la lafïitude qu'il avoir d'une guir rc 5 il ne s^'étoit engagé qi pour complaire à Madame de LoJ- gueville , ôc dont il le repentit i- moment qu'il fut mal avec elle (éi Il a allégué depuis , pour fe juftifk que Monfieur le Prince, après avo

(^) Mobilitate ingeaii, Hifi. i. &i'

D E M. D. L. R. iGy

Tné un écrie , il lui promettoic î.ne point traiter fans lui faire oir le Gouvernement de Proven- ,, s'étoit abfolumenr relâché fui- » intérêts. Mais la véritable caufe Ton détachement , fut cette ani- Dlité contre Madame fa fœur, ►nt je viens de parler , <3c qui le ,toit dan* un emportement de co- :e & de jaloufie contre elle , qui t été plus fupportable à un amanc l'a un frère (a). Dautre côté , en- . re que Monheur le, Prince parlâc DÎns que lui de la conduire de adame de Longueville , il n'en ii'ix. pas plus avantageufement îfuadé en Ton cœur j ii fçavoii; la ifon qu'elle avoir faite avec le ac de Nemours , <S<: ce qu'elle oit penfé produire contre fes ^is intérêts j 6c il craignoit enco-

C?i) 'Fratrum non inceflum ; fed în- ftoditum amoiem ad infamiam traxit^

]TQWi: IL M

i66 Mémoires re, qu'elle ne fut capable d'en pren- dre de nouvelles^ qui lui pourroien peut-être caufer de plus grands em. barras. Pour augmentet celui C trouvoit alors Madame de Longue ville 5 il y avoit de plus qu'elle f croyoit irréconciliable avec foi mari , par les mauvais Offices qu'oi lui avoit rendus auprès de lui , t par l'impreiïion qu'il avoit , qu'ell n'eût trop de part en cette guerre Elle avoit aulli tenté inutilement d fe raccommoder à la Cour par 1 PrincefTe Palatine. Se voyant don également ruinée de tous les côtés elle crut ne fe pouvoir rétablir qu'e formant un parti dans Bordeaux qui fut aflez puilTant pour lui don ner une nouvelle confidération en vers la Prince de Condé , ou envet la Cour, Dans cette vue , elle n trouva rien de fi propre à fon def foin 5 que de fe joindre avec l'Nor tih , & d'y engager les plus confi

D E M. D. L. R. tGj

érables. Au contraire , Mr. le rince de Conti , pour fatisfaire fa îngeance , ne fongeoit qu^à ruiner

crédit de Madame fa fœur , par- i les plus confidérables de cette ême fadion , pour (c les acquérir, mant mieux leur foufFrir & leur :rmettre toutes fortes d'excès plu- t que de les laifTer regagner par le perfonne contre laquelle il étoic

fort aigri. De forte que Mr. le rince , qui prévoyoit ce qu'une (i •ande oppofition de fentimens al- it produire dans fon parti , &" qui geoit encore que l'aigreur & la di- fion augmenteroienc par fon éloi- lement ? lailTa Mariin , comme li dit 5 pour remédier autant qu'il Durroit ^ à de fi grands defordres , en tout événement , pour empê- ler que le Prince de Conti & la uchelTe de Longueville n'entre- riiTent rien qui lui pût préjudicier arant fon abfence. Après donc M i

i68 Mémoires qu'il eut réglé.^^yeçMaiTin, & ayec Laifné , ce qui regamoit l'armée de Guienne, les Rebelles de Boideaux ^ celles de fa famiUç , îl,^t,veni| le Prince de Conci à Agen ; çi lui laîiiant la conduite de toutç choies 5 le. pria defviivre \es avis i MarUn & de Laifné. Il témojgp auih en apparence ^beaucoup 4 confiance au Prçfident Viple ; m^j eu effet il ne croyoit lai{ïèr perfor ne à Bordeaux , qui fut véritable ment dans fes intérêts , que les dçjji premiers que je viens de nommer^^, Les chofes étant, en cet état yïU prépara à partir d'Agen pour apj; joindre l'armée de Mr. de Nemour Ce voyage étoit fort long ôc plej, de difficultés qu'on ne ppuvoit vui femblablcment ie promettre de iîji monter : ]e Comte d'H^rcqurt etû près d'Agcn,, ^é^^yi^qK^s^^ ville trop de gens gag^nés de,-. Cour , poup ne, l'avci'tir, pas du de î

D E M. D. L. R. 16^

.^rt de Mr. le Prince : ceux mêmes e Ton 'parti avoienr foupçonné ion oyàge 5 &: le bruit en avoir couru v'ant qu'il fut réiolu : le chem.iu :oit de près de lix vingt lieaës a'il falloir Faire fur les mêmes levaux. Le Comte d'Harcourc pou- oit non - fedlem.ent faire {^jivre ir. le Prince par des p^dïs , mais ncore donner avis en porte à la ]our de fa marche , & mander aux illes 5 Se aux garnifons de s'oppo- îrà fon padage : deplusll ne pou- oit' confier cette atraire à beaucoup ,e gens : & un petit nombre n'ét^oic •as capable de lefuivre avec sare- é : il falloir encore perfuader à tout S m. on de qu'il alloit à Bordeaux , k empêcher les Officiers de l'ar- née de l'y -accompagner , fous des )rétextes qui ne fîiTent rien imagi- ner de Ton deffein. Pour cet effet , A laifia le Prince de Conti à Agen j 5c feignant de vouloir aller à Bok- M j

"lyo M ï M o r R I > deaux pour deux ou trois jours feu- lement 3 il donna ordre à tous le: Officiers ôc à tous les Volontaires de demeurer à Agen auprès de foi frère. Il en partit le jour des Ra^ imeaux à midi avec le Duc de li Rochefoucault , le Prince de Mat fillac 3 Guitault, Chavaignac, Gour ville 3 ôc un Valet de chambre. L Marquis de Lévy l'attendoit ave^ des chevaux à Languais, maifon d\ Duc de Boiiillon , ou étoit aufl Bercenes Capitaine des Gardes di Duc de la Rochefoucault, Commi ■le Marquis de Lévy avoit un Pailè port du Comte d'Harcourt, pou: fe retirer chez lui en Auvergne ave( Ton train , le Prince de Condé, & ceux qui l'accommpagnoient , paf- ferent à fa fuite , comme s'ils eut lent été les mêmes domelHqnes. dont les noms étoient écrits danî Ton paiïèport , bien qu'il fiic à la tin rcfolu de ne s'en point fervir.

D E M. D. L. R. 171

2c qu'il y eut de plus rude dans ce o\ âge, fut l'extraordinaire diligen- e 5 avec laquelle on marcha jour i nuit , Se prefque toujours fur les nêmes chevaux, &c fans demeurer amais deux heures en un même ieu 3 ou pour dormir ou pour re- )aître. On logea chez deux ou trois jentilshommes amis du Marquis le Lévy , pour fe repofer quelques leures, & pour acheter des chevaux j nais ces Gentilshommes foupçon- loient Cl peu Mr. le Prince d'être ce ^u'il étoic 5 que dans un de leurs repas , ou l'on . dit d'ordinaire fes fentimens avec plus de (incérité qu'ailleurs ('a) , il apprit des nou- velles de fes proches qu'il avoit peut-être ignorées jufques-là. Enfin^ après avoir pris fon chemin par la Vicomte de Turenne , de par Char-

U 4

(a.) Quo tempore ad fimpliccs cogi-

tationes patec animii5 & nu da

omnium mens. In Gi^m^

17-2. M E M O ï^ R 'E s

lus en Auvergne , il arriva le farîiédî au foir au Bec-d' Aller (a) à déllx îîcuës de la Charité, il patîà la~rf- vierû'de Loire fans aucun empêché ment 5 quoiqu'il y eut deux Cortt* pagnies de cavalerie dans la Charitis commandées par Bu(ïy Rabuiin. De-là il dépêcha Gourville à Par?^,, pour avertir Son AlteiTe Royale^; ôc Chavigny de marche '; il pafla le jour de Pâques dans Cônes ,00 l'on faifoir garde ; & comme Cour étoit à Gien , il dit par-tout qu'il ailoit avec fes Compagnons fervir fon quartier auprès du Roi; Néanmoins jugeant qu'il ne pou- volt fuivre long-temps le grand che- mln de la Cour fans être connu , il rétolut de le quitter pour prendre celui de Châdlion. Il penfà même avoir fnjct de fe fèpemir de ne l'avoir pas fait {>lïitÔt;'^aif, ayant

.'■ :' Tr c' ^; - >/ . '■ (cl) Ojîium , feu os Ela^nif,

D E M. D. L. R. 273 encontre deux Couriers , il y en vit un qui reconnut Guicault , ôc jeu qu'il ne s'arrétâc pâs pour lui I arler , il parut alFez d'émotion fur m vifage , pour faire juger qu'il )upçonnoit que Mr. le Prince fut . Il s'en éclaircit bien-tôt après ; ir ayant rencontré b Valet- de- lambre de Monfieur le Prince qui :oit demeuré derrière , il l'arrêta , : faifant femblant de le vouloir ler, il apprit que fon foupçon écoic ien fondé. Cet accident fit réfou- re Mr. le Prince non-feulement à uittcr le grand chemin à l'heure lême ; mais encore à laiiTer Ber- snes Capitaine des Gardes du Duc e la Rochefoucault dans des m.a- ares proches d'un pont , pour tuer ^Courier, en cas qu'il prît ce che- l}n.là, qui paroidoit celui qu'il £voit tenir pour aller porter à la !our l'avis de la marche du Prince .e Condé ^ mais., la fortune de cec M 5

274 Mémoires homme lui en fie prendre un autre .Se lui fit porter en diligence à Giei la nouvelle de ce qu'il avoit vt On dépêcha à l'heure même Saim Maure avec vingt maîtres choifîs pour aller attendre Mr. le Piince fu le chemin de Châtillon à l'armé de Monileur de Nemours 3 avec 01 dre de le prendre vif ou mort. L Prince de Condé , qui jugea bien que cette rencontre feroit indubi jablement découvrir Ton paiTIige marcha en diligence vers Châtil Ion j mais comme il falloit faire c jour -là trente-cinq licuës fur le mêmes chevaux , la nécelîité de re paître nous fit perdre beaucoup d tf mps , ôc donna à Sainte Maur celui qu'il lui falloit pour nou joindre. Un autre accident penf, faire prendre encore Monfieur I< Prince j car étant arrivé au canal d< Briare , il rencontra les Maréchauj de Logis de deux ou trois régimeni

D E M. D. L. R. 27 j de cavalerie , qui veiioienc au loge- ment en ce lieu- i ôc comme le corps y arrivoit par diîFérens cotés , il étoit bien difficile de prendre un chemin allure. Chavaignac qui con- noilToit près de un Gentilhomme nommé la Brujîerie , le voulut aller chercher , Se mena Guitault avec lui 5 pour porter quelque chofe à manger au Prince de Condé j mais comme cette journée-là étoit defti- née aux avantures , dans l'inftanc que Chavaignac fortoit de cette maifon , pour aller chercher le maî- tre 5 & pour dire à Guitault d'y en- trer, un Officier des régimens que j'ai dit 5 y arriva , Se tout ce que put faire la maicrefle de la maifon , dans la crainte de voir arriver du defordre chez elle , par la rencontre de gens de différent parti , fut d'en- voyer fa fille au-devant de Guirauk pour l'avertir qu'il étoit entré chez elle un Officier des troupes du Roi.

^i 6

2^6 M E M O I R E s

Comme cela fe pafloit ainfi , Mr. le Prince qui attendoit des nouvel- les de Chavaignac & de Guitaulc j ii'avoit pu demeurer au lieu ib Pavoienc laifie , à caufe de Tarrivée des troupes. Il avoir cnvoyjé fou Valet de chambre à Châdllon., peut avertir le Concierge de tenir la porjj te du Parc ouverte ; ôc ainit il n'^ voit avec lui que le Duc de la Ro* chefoucault , éc le Piince de Marlik lac. Ils marchèrent néanmoins tou- jours vers Châcillon. Le Prince de MarliUac marchoit cent pas devant 2y4on(ieur le Prince , & le Duc de la RocheFoucault alloit après lui à même diftance, afin qu'étant averti par l'un des deux , il eût quelque avantage pour fe fauver. Ils n'eu- rent pas fait grand chemin en ces état - 3 qu'ils entendirent tirer des coups de piftolet du côté c'rojcallé le Valet de chambre , Se çji mêpie temps virent paroitre qua-

B E M. D. L. R. 277 [•e Cavarliers fut: leur main gau-

he , qui marchoient au trot vers ux : ils ne doUcereiK point alors , u ils ne fu (lent fui vis y 6c prenant ^ parti de charger les quatre hom- mes, qui venoicnt, ils y tournèrent ans le dedèindefe faire tuer plutôt [ue d'être pris. Mais s'en étant pprocbés 5 ils reconnurent Cha- ^ignac qui les cherchoit avec trois ieiuils-hommes ; & tous enfeniblc :«riverent à Châtilion fans aucun Éiiger. Le^Prince de Condé y ap- it des nouvelles de l'armée qu'il «iuloit joindre , &: feux, qu'elle étoit z^rs Lory près de la Forêt d'Orléans, i'h\ik lieues de Châtilion ; il fçut rncore qu'il y avoir dix ou douzc- Ihevaux - légers de la Garde du ^oi , &c quelques Officiers logés iansi la ville de Châtilion -, &c cela 'obligea- d'en partir en diligence m ja minuit avec un guide pour Loi'y, Ce guide pcnfa être caufe

lyS Mémoires de fa perce ; car après avoir long, temps marché , il reconnut qu'i n'écoit qu'à une petite lieuë i Gien ; de forte que voulant quittai ce chemin-là , pour prendre celu de Lory , Monfîeur le Prince pat à trente pas du lieu oii Sainte Maurr Pattendoit : &c foit que celui - ci m le connût pas , ou qu'il n'osât le charger , rien ne s'oppofa à for pafiage , ôc il arriva à Lory , ci il apprit des nouvelles certaines d( fon armée , qui n'étoit qu'à deu> lieues de lui. Bien qu'il fe cachai avec les mêmes précautions qu'il avoit fait ailleurs , il fut reconnu, de le Duc de la Rochefoucault aufli, par pluiîeurs habitans du lieu , def- quels il y en avoit beaucoup qui étoient domeftiqucs du Roi tk de Monfieur. Mais cela lui fervit , au lieu de lui nuire ; car il y en eut quelques-uns qui montèrent à che- val avec lui , de l'accompagnèrent

D E M. D. L. R. 275^

iiqu'à l'armée. Il en rencontra

avant -garde dans le commence-

.eTiC de la Forêt d'Orléans j quel-

nés Cavaliers vinrent au qui vive

vcc lui ; mais l''ayant reconnu , ce

Il une joye 6c une furprife pcuu

)i ce l'armée , qui ne fe pouvoir

xprimer. Jamais elle u^avoit eu

\i'X de befoin de fa préfcrice qu'a-

Z'ïS'y 3c jamais elle ne l'avoit moins

ttcndue. L'aio-reur au^mentoic

DUS les jours entre les Ducs de

>Jemours 6c de Beaufort de Von

'oyoit périr avec certitude la feule

eflburce du Parti , par la divifion

les chefs (a) , lorfque la préfence

lu Roi 5 de de fon armée , les

ievoit le plus obliger à préférer

/intérêt public à leurs querelles

particulières (b). Il étoit trop im-

(a) Rébus turbatis , malum extremum

difcordia accellit. J^fin. 4.

( b ) Prava certamina communi utilitate abolere , & pofitis ociis in médium confulcre Hiji. i. Piivata odia j^ublicis «tilicatibus remiïtere, ^?ra, i.

aSo Mémoire s porcanc à Monfieur le Prince de le; terminer , pour n'y travailler pa; avec tout rempreflèment imagina- ble i ôc il lui fut d'autant plus facijc d'en venir à bout , que Ton arriver leur ôtant le commandement , leijj ôtoit auiïi la principale fource à leur jalouiîc 6c de leur haine. Lei chofes étant ainfi , l'armée marché à Lory , l'on fe repofa un jour; il s'en paflà encore trois ou quatre durant Icfquels on alla à Montargis. qui fe rendit fans réfiftance. On quitta de bonne heure ce lieu-là , parce qu'il étoit rempli de bled & de vin , dont on fe pouvoit fervir au befoin : & on le fit encore , pour donner un exemple de dou- ceur 5 qui pût produire quelque effet avantageux pour le parti dans les autres villes. L'armée partit de Montargis , «Se alla à Château- renard j Gourville à arriva en même temps de Paris , pour rappoiter m

D E M. D. L. R. iSï îiicé îés ïcntimens de Tes amis r fa conduire envers Monfieur , ^envers le Parlement. Les avis fcnt bien diffcrens ; car une par- : lui confeilloic de demeurer à rmée , lui repréientant , que les folutions de Monfieiir &z du Par- tient dépendi-oienr to'jjours de ivenement de cette gaerre ; 3c ic larit qu'il feroit à la tête d'une mée viîidrieufe , la puiiTance du ôi. réfideroit en:re Tes mains : au ^' qa^dlàilt à Paris *^1 ôtoic à Tes Dlipes toute la réputation que fa ''i^icnce leur avoic donnée , n^'eii 'iin'anc îaiffer le commandemenc a'aux: mêmes personnes , dont la vifîon 3c rincapâciîé avoienc écé i:' le point de produire tant de éfordrcCa). Chavigny au contraire

(a) P.emanentium frangerctur ani- u? , quanJo fijipecfti duces ; & ipfe , li uni. npud militem iicies , imperia icum in inceno relinqueieç. ii//?. i.

iSi Mémoires mandoic pofîtivement à Monheu le Prince , que fa prefence écpi neceflaire à Paris -, que les cabale de la Cour , de du Cardinal 4 Rets 5 augmentoient tous les joui dans le Parlement j & qu'enfin elk entraîneroient indubitablement M le Duc d'Orléans , fi Mr. le Princ ne venoit lui-même le retirer ci la dépendance il étoit , c mettre le Duc de Rohan &c Chs vigny en poflefïîon d'une place qu'ils ne pouvoient plus difputi fans lui au Cardinal de Rets. L fin des uns de des autres étoit préferablement à toutes choies d'entreprendre quelque chofe d confiderable fur l'armée du Roi &c tout dépendoit d'un heureu événement. Dans ce temps- , l Prince de Condé reçût avis que l brigade du Maréchal d'Hoquir. court étoit encore dans des quat tiers réparés , aflèz proche de Châ

t> E M. D. L. R. 1S5

au-renard , Se que lendemain elle

devoir rejoindre à celle du

aréchal de Turenne. Cela le fit

foudre de marcher à l'heure mê-

e avec toute fon armée, droit à

lie du Maréchal d'Hoquinconrt,

'ant qu'il eût eu le temps de raf-

i mbler les troupes , & de ie retirer

■rs le Maréchal de Turenne j ôc

fuccès répondit à fou attente,

entra d'abord dans deux quar-

^rs 5 qui donnèrent Pallarme aux

itres i mais cela n'em. pécha pas ,

Li'on n'en enlevât cinq tout de

;ite : les quatre premiers ne firent

refque point de réfiftance , mais

Maréchal d'Hoquincourt s'étanc

lis en bataille avec huit cent che-

aux fur le bord d'un ruilîeau 5

u'on ne pouvoir pafier qu'un à

n fur une digue fort étroite 3c

)rt rompue , fit mine de vouloir

ifputer ce pafTage au-delà duquel

coienc les autres quardeis qu'on

2,84 Mémoires alloit attaquer : mais des que î Duc de ^4emoul-s & trois ou quatr autres eurent paflfé le défilé ^1 Maréchal qui jugeoit bien c|u toute l'armée devoit être , j retira derrière le quartier , & .. laiira piller , fe contenranc de, J remettre en bataille , pour efiray( de prendre Ton temps , de de cha; gcr pendant le pillage. Ce qùartiCw ne fit pas plus de réfiftance qi les autres y mais comme les maifoi étoient couvertes de chaume , ( qu'on y mit le feu , il fut aifé a Maréchal d'Hoqu incourt de difce: ner à la clarté, le nombre des trôi pes qui éroienu paflées ; Se vôyai qu'il n'y avoit pas plus de cei chevaux 5 il marcha pour les chai gcr avec plus de huit cent. Le Prif ce de Condé voyant fondre fur n cette Cavalerie , fit promprcméi un efcadron de ce qu'il avoit ave lui, Ôc marcha aux ennemis ave

D E M. D. L. R. 1S5

î nombre fi inégal , qu'il femble ic le hcizaid avoic fait aoiiver en

lieu-là tout ce qu'il y avoic d'Of- i^itïs Généuaux dans Ton armée , >iir lui faire voir ce qu'un mau- is événement était capable de lui ire perdre. Il avoic compofé le

emier rang, il écoit, des Ducs i Nemours , de Beaufort , &c de Rochefoucault , du Prince de iarfillac , du Marquis de Clin- lant qui commandoit les troupes 'Efpagne , du Comte de Tavancs ieutenant-Général , de Guitauk , e Gaucourt , Se de quelques au- <és Officiers : les deux elcadrons rent leur décharge d'alTez après , ms que pas un pliât j mais deux autres ayant chargé aulTi-tqc prè^ ejui du Prince , le Duc de Nemours Ut un coup de piftolec au travers vj; corps , 3c Con cheval fut tué. /cfcadron du Prince de Condé ,

iPOU

uvanc ioûcenir deux charj^es

o

1Î6 Mémoires Il près à près, fe rompit, &: fe retîr cent pas en defordre vers le quaitif qui étoit en feu j mais le Prince t les Officiers Généraux qui étoier avec lui , ayant pris la tête de l'efcs dron, l'arrêtèrent. Les ennemis': contentèrent de l'avoir fait plier fai Penfonccr : il y eut feulement que ques Officiers ôc quelques Cavalie qui avancèrent ; & le Prince c Marfdlac , qui fe trouva douze c quinze pas derrière l'efcadron cji plia 5 tourna à un Officier & le tt de coups d'épée entre les deux efcé drons. Le Prince de Condé , corr me j'ai dit , arrêta le lien de lui i tourner tête aux ennemis , qui t Pavoient ofé puuiTer , de craini qu'il ne fût foûtenu par de l'infar terie. Ce defordre avoit donr temps à un efcadron de trente ma très de paiTer le défilé : le Princ de Condé fe mit auffi-tôt à la tel avec le Duc de la Rochefoucault

D E M. D. L. R. 287

attaquant le Maréchal d'Hoquin- urc par le flanc , le fit charger tête par l'eicadron il avoit (ïé le Duc de Beaufort. Cela ache- de renverfer les ennemis , donc e partie fe jetta dans Bleneau j on pou (là le refte trois ou quatre à'és vers Auxerre , fans qu'ils ;ya{ïènt de fe rallier. Ils perdirent it leur bagage , de on leur prie •is cent' chevaux. Cette déroute : été plus grande , fans l'avis i fut donné au Prince de Condé , Ê Varmée du Maréchal de Turen- paroifloit.

Cette nouvelle le fit retourner à 1 Infanterie , qui s'étoit débandée ur piller (a) ; &c après avoir rallié , troupes 5 il marcha vers le Ma- :hal de Turenne , qui mit Ton ar- ^e en bataille dans de fort gran-

(a) Obftitit vincentibus pravum inter os certamen hofte omilTo fpolia conr itandi. Hifi. 4. '"

aSS Mémoires des plaines, 3c plus près que I portée du moufquec d'un bois d très-grande étendue , par le milie duquel l'armée du Prince de Cor devoir paffer pour aller à lu Ce palTage étoic de foi afTez larg pour pouvoir faire marcher deu cfcadrons de front 5 mais comme étoit fort marécageux , ôc qu'on a voit fait pludeurs fofles pour 1 dedècher , on ne pouvoit arrive à la plaine, qu'en déHlant. LePrir ce de Condé la voyant occupée pi les ennemis, jetta Con Infanterie droit ôc à gauche dans le bois qi la bordoit, pour en éloigner U ennemis j Se cela fit l'effet quf. avoit dehré : car le Maréchal é Turenne, craignant d'être incoasi mode par la mouiqueterie , quitt fon pofte pour en aller prendre u autre qui étoit un peu plus éloigné & plus élevé que celui de Monfiet le Prince. Mais le mouvement

DE M. D. L. R. ig^

u*il fit pour cela ^ fit croire à Mr.

Prince , qu'il fe retiroit vers ien , &c qu'on le déferoit aifémenc ms le défordre de fa retraite avant a'il pût y arriver. Pour cet effet

fit avancer fa cavalerie , &c fe Ita de faire pafTer le dénié à fix ef* drons pour entrer dans la plaine j ais le Maréchal de Turenne ju- tant bien le défavantage qu'il au- ic de combattre Monfieur le ince dans la plaine , avec des Dupes vidorieufes ôc plus forces le les fiennes , prit le parti de re- urner Tépée à la main fur ces : efcadrons, pour défaire ce qui :oit palfé, de pour arrêter le refle •s troupes au delà du défilé. Mon- :ur le Prince, qui jugea de fon tention, fitrepafler fa Cavalerie ; ainfi le défilé les empêchant de »uvoir aller l'un à l'autre fans un b-grand défavantage , l'on fe con- iita de faire avancer l'artillerie de

Tme II. N

•xç)0 Mémoires .deux côtés, ô: de fe canoner fe îong-cemps; mais le fuccès n'ei fut pas égal ; car outre que celle d Monjieur de Turenne écoît en plu grand nombre &c mieux fervie q,u celle de Tes ennemis , elle avoit er cote la hauteur fa) fur les troupe de Monfieur le Prince , lerqueïii étant ferrées dans le pailagc , qi féparoit le bois , il n'y eut prefqt point de^oups inutiles (b) ; & on- perdit plus de fîx-vingt Cavaliers & plufieurs Officiers, entre leqiie fut Mare frère du Maréchal de Grai cey. On palla ainfi le refle dcL journée. Au coucher -dufnfoleiL,è Maréchal de Turenne fe retira vu Gienj le maréchal d'Hoquincourii

(a) Confertus pedes, difpofir^ atv ta prirlio pi-ovifî. Ann. 4. .

. (b) Neqiic fericndi , neque déclinai ^i providenîia nihil proceiTe yerci: H-^. 4 Jit c'i'toît ur. cuin.'ige flûtvi qn't Cow/i/T/-. Cxdcs magis qùàm pugn

D E M. D. L. R. 191

'■[wi l'avoic joint depuis fa défaite , demeura à l'arriere-2;arde ; de écanc illc avec quelques Ofhciers , poui: ctiLer refcadron ie plus près du. léfilé , il fur reconnu de Monlieur le ^rince , qui lui envoya dire , qu'il eroic bien-aife de le voir , Ôc qu'iL )ouvoit avancer fur la parole. Il k ce que Monfieur le Prince defira, k s'avan<^anc avec quelques Ofîî- ;iers , il rencontra Monfieur le Prin- ;e , iuivi des Duc de la Rochefou-» :ault ôc Beaufort , de de deux ou rois autres. La converfation fe paf- a en civilités ôc en railleries du cô- é de Monfieur le prince , ôc en juf- ificatîons de celui du Maréchal, ur ce qui lui venoic d'arriver, fe )laignant de Mr. de Turenne , )ien qu'on pût dire avec jaftice , [u'il fit ce jour-là deux actions beU es Ôc hardies , dont le fuccès fut :aufe de fon falut de de celui de la jOur : car dès qu'il fçut que la bri»

ipi Mémoires gade du Maréchal d'Hoquincouit, qui le de voit venii" joindre le len- demain 5 ctoit attaquée , il marcha avec très-peu de gens dans le lieu, on le trouva en bataillej & atten- dit tout le jour le refte de Tes trou- pes , s'expofant par-là à être inévi- tablement défait : Mr. le Prince eût été à lui , au lieu de fuivre deux ou trois lieues , comme il fit , le? troupes qu'il avoit défaites la nuit: il fauva encore ce même jour-là le; reftes de l'armée du Roi avec beau- coup de valeur de de conduite,; lorfqu'il retourna fur les fix efc^- drons de Mon(ieur le Prince , qu avoient paflé le défilé, &c anèï^ par cette action , une armée qui fan doute l'auroit taillé en pièces, i elle avoit pu fe mettre en batai^ dans la même plaine , il étoifl L'armée du Roi étant retirée , Mon fieur le Prince fit prendre à la fiep ne le chemin de Chacillon^ & al

D E M. D, L. R. 295

la cette nuir loger dans les quartiers, fur le canal de Briare , près la Bruf- fcrie. Il fe rendit le lendemain à Chatillon avec toutes Tes croupes, dont il lai (la deux jours après le Commandement à Clinchant , &C au Comité de Tavanes, pour' aller à Paris avec les Ducs de Beaùfort Se de la P.ochefoucault. Ce voyage étoit de plus grande importance , qu'il ne lui parut alors j & je fuis perfuadé , que l'envie feule d'aller à Paris, Se d'y recevoir Papplaudifle- ment général que méritoic le fuc- cès d'un fi périlleux voyage , & d'une Cl grande vidoire , lui fit ap- prouver les raifons de Chavigni , qui defîroit en effet d'être appuyé de la perfonne Se de l'autorité de Monfieur le Prince , pour occuper la place que le Cardinal de Rets tenoit auprès de Moniîeur le Duc d'Orléans. Il efpcroit , comme j'ai déjà dit , fe rendre égalcm.ent cou- N 5

it)4 Mémoires fîdérable à ces deux Princes , cft perfuadant à l*un de à l'autre , qu'il ctoit le véritable fujetde leur unioiii & de plus il croyoit que cette voye •étoit la plus fecile pour réiiffir dans ie projet qu'il avoit fait avec Fa- bert. Il prefiTa donc Mr. le Prince /de venir à Paris pour s'oppoier auï efFoits que le Cardinal de Rets faii jbit fur Tefprit de Monfieur , &c poUt profiter de la bonne difpoiition du J^arlement, qui avoit donné un Ar- jêt, par lequel il mettoit à prix la icte du Cardinal Mazarin. De quel- que façon que Monfieur le PrincC fut perfuadé des avis de Chavignyi il ne laifiâ pas de les fuivre ; ilftit reçu à Paris avec tant d'acclama- tions & de témoignages de la joy^B publique, qu'il ne crût pas avoit lujet de fe repentir de fon vôyagél Les cliofes demeurèrent quelque temps en ces termes; mais comm« l'armée manquoit de fourrage vers

D F. M. D. L. R. 25) > ^hâcillon ê-c ^iontargis, (Se qu'on 'oloÏ!: ni l'éloigner ni l'approcher e Pai-is, on la fie marcher à Eftam- es, Ton crac qu'elle pouvoit ijourner un temps conlid érable , \ ec sûreté dz abondance de toutes hofes. Le Duc de Nemours n'étoin ■as encore guéri de fa blefiurc y. 3^-/qu'on vint donner avis au Prin- ^ de Condé, que quelques troupes l.ù Roi commandées par le Comte le ^iio(^ens & le Marquis de Saint vleigrin , Lieutenants - Généraux, narchoient de Saint Germain à iaint Cloud avec deux canons, à iefïein de chafler cent hommes du régiment de Condé, qui s'étoienc retranchés fur le pont, & en avoient ;ompu une arche. Cette nouvelle ht iViffi-tot monter à cheval Monfieur le Prince avec ce qu'il rencontra au- près de lui 3 mais ce bruit s'étanç répandu par la ville , tout ce qu'il y avoit de perfonnes de qualité, le •N 4

ic)6 Mémoires

vinrent trouver à Boulogne , Se fu- rent fuivis de huit ou dix mille Bourgeois en armes. Les troupes d\: Roi contentèrent de tirer quel- ques coups de canon , & fe retirè- rent fans avoir eflayé de fe rendre maîtres du pont *, mais le Prince de Condé voulant profiter de la bon- ne difpofition des Bourgeois , leùi ayant donné des Officiers , les fii marcher vers St. Denis , il avoii appris qu'il y avoit une garnifor de deux cent Suifles ; les troupes y arrivèrent à l'entrée de la nuit , & ceux de dedans en ayant pris l'âî- larme , la donnèrent promptemefe aux aiTiégeans. Car , Monfieur le Prince , étant au milieu de trois cent chevaux compofés de tous les braves ôc de tous les intrépides fon parti , s'en vit abandonné (a) , dès qu'on eut tiré quelques moût

(a) Ante difcrimen féroces, in peri- culo pavidi. H//?,

D E M. D. L. R. 2p7

quetades , ôc demeura lui fcptiéme. ' L( refte Te renverfa en défordre fur ri::fancerie des Bourgeois , qui s'é- bianla , &: qui eut fans doute fuivi ['exemp'e de la Noblelle , ii Mr. le Prince , Se ce qui écoit demeuré au- i près de lui , ne 1/eût arrêtée , ôc ne '' l'eut faite entrer dans St. Denis par ics vieilles brèches qui n^étoient 'poir.t défendues. Alors toutes ces I perfonnes de condition , qui Pa- voient abandonné , revinrent le trouver , chacun alléguant une rai- ton particulière pour excufer fa fuite ( a ) 3 bien que la honte en dût être commune. Les Suifîes vou- lurent défendre quelques barrica- des dans la ville ; mais étant prefTés ils fe retirèrent dans l'Abbaye, ils fe rendirent deux heures après pri- fonniers de gruerre. On ne fit au- N s

fa) Diverfas fugac caufTas obtenden- tes. JÏ7m. iç.^uiim quifque fÎ2gitium aliis obje(ftanies. Hiji. i.

198 Mémoires Gun Jefordres aux habitans , ni aux Couvents , ÔL Mr. le Prince fe retir la à Paris , laiflant Deflandes Capi+ taine de Condé avec deux ceot hommes dans Saint Denis , qui fut jepris dès le foir même par leS troupes du Roi : mais Deflandes fs retira dans TEglife, il fe tint tro.ft jours. Bien que cette adion - iai4 fut confidérablc de foi par aucune circonilance , elle ne lailTa pas difpofer les Bourgeois en faveur Mr. le Prince j ôc ils lui donnoienî des louanges d'autant plus voloi> tiers 5 que chacun le prenoit pou^ témoin de fon courage , &c du péril qu'il croyoit avoir couru dans cec-i te occafion. Cependant le Duc de Rohan ôc Chavigny voulurent fuî* vre leur premier delïein , ôc profir ter d'une conjoncture fi favorable , pour faire des propoficions d'accom- modement : ils croyoient , que Cour accompliroit de bo^ne foi ,

D E M. D. L. R. 299

:outes les chofes dont Fabert ne leur ivoit fait des ouvertures , que pour es engager avec le Cardinal , qui e vouloit fervir d'eux pour entraî- ler Mr. le Duc d'Orléans & Mr. c Prince dans cet abîme de né^o- nations , dont on n'a jamais vu le ^ond , & qui a toujours été fon fa- bc 5 auffi-bien que la perte de (es ennemis (aj. En efrer, dès que les premiers jours de l'arrivée de Mr. Ee Prince furent palTés , les intrigues & les cabales fe renouvellerent de tous cotés ; de foit qu'il fût îa{S d'avoir foutenu une guerre fi péni- ble 5 ou que le féjour de Paris lui donnât l'envie & l'efpérance de la paix 5 il quitta enfin pour un temps toutes les autres penfées^ pour- cher^ cher les moyens de la faire auiïi

(apTènt^tis^'per'ciolloquium 8c pro^ niiila , poftquàm pax & concordiâ fpe- ciolis & iiTuis nominicms .jaftata lunt ^ ,con{ilia ciiraf^ue iiî bos virtit. Hijl. 2.-

300 Mémoires avantagcufe qu'il l'avoir projcttée. Mr. de Rohan ôc Chavigny lui en donnèrent de grandes efpcrances^ pour Tobliger à fe repofer fur eux du foin de cette négociation & à \q$ lailîèr aller feuls avec Goulas à Sr, Germain chargés de fes intérêts & de ceux de Mr. le Duc d'Orléan& On propofa aufli d'y envoyer MK de la Rochefoucaulc , & Monficat le Prince le fouhaitoit pour beaui coup de raifons; mais il s'excufa fm l'opinion qu'il eut , ou que la pah étoit déjà conclue entre Mr. & li Cour par l'entremife fecrette dt Chavigny fans la participation de ^Ir. le Prince; ou qu'elle ne fc con- cluroit point alors , non feulement parce que les prétentions de Mr. \t Prince éroicnt trop grandes , mats encore p?rce que le Duc de Rohan & Chavigny vouloicnt aflurer les leurs 3 par préférence à tout le refte. Ainii le Duc de Rohan , Chavigny,

D E M. D. L. R. 3 CI , k Goulas allèrent à Saint Germain jivec charge exprellc de ne poinc ! 'oir le Cardinal Mazarin , & de ne ien traiter avec lai. Les demandes le Mr. confiftoient principalement L l'éloignement du Cardinal j mais relies de Mr. le Prince étoient plus ftenduës , parce qu'ayant eng<^.gé ians ion parti la ville Ôc le Parie- nent de Bordeaux , & un grand îombre de perfonnes de qualité ,11 avoir fait des traités particuliers avec eux , il s'engageoit de n^'en Faire point avec la Cour , Tans y comprendre leurs intérêts , en la manière que je dirai ci-après. Per- fonne ne doutoit du fiiccès du voya- ge de ces Meilleurs ; il n'y avoir pas auffi d'apparence , qu'un hom- me h?=b le comme Chavigny con- noi(Tàiit la Cour & le Cardinal Ma- !zariîi par tant d^'expérienccs , fe fut en^aiié à imt néi^ociation du poids de celle-là , l'ayant ménagée trois

jûi Mémoires mois 3 fans être afsLiré de l'événe- menc. Cette opinion ne dura pas long-temps, & l'on apprit par le rfi* tour des Députés , que non feuk^ ment ils avoient traité avec le Car- dinal Mazarin , contre les ordres exprès qu'ils en avoient j mais mè. me , qu'au lieu de demander poui Mr. le Prince ce qui étoit porté dans leur inftrudion , ils n'avoient iniifté principalement , que fur PétabliflTe- ment d'un Confeil néceflaire , pref. que en la même forme de celui que le feu Roi avoit ordonné en mourant j moyennant quoi ils dé- voient porter Mr. le Prince à con- fentir , que le Cardinal Mazarin , fuivi de Chavigny , allât traiter la Paix générale au lieu de Monsieur le Prince ; ôc qu'il pût revenir en France après la conclufîon. Comme ces proportions étoient fort éloi- gnées des intérêts de des fentimens de Mr. le Prince , il les reçut aufTi

DE M. D. L. R. 305

vec aigreur contre Chavigny ^ de éfplut de ne lui donner plus defor- lais aucune connoillance de ce u'il traiceroit fecretement avec la ]our. Pour cet effet , il chargea iourville d'une inftrudion dreilée n la préfence de la Ducheiïè de ]hâ,tilion, &c des Ducs de Nemours c de la Rochefoucault, qui portoic e qui s'enfuit.

.Le premier point étoit : » Qu'on :-iie veut plus de négociation palïe

aujourd'hui ; de qu'on veut une réponfe pofitive fur tous les points, •de ouï 5 ou de non , n'étant pas ' poffible de fe relâcher fur aucun.

On veut agir fincerement , ôc par

> conféquent on ne veut promettre y que ce qu'on veut exécuter '<, mais ?,aulïi l'on veut être affuré de ce i^que la Cour promettra.

,,,v z°. On fouhaite que le Cardi- i-âjHâl Mazarin forte préfentememt y du Royaume, d<, qu'il aille à

> Bouillon :

304 Mémoires

" 5°. Q_ue le pouvoir foit donm » à Monfieur 6c à Mr. le Prince » faire la paix générale , & qu'ils ] '^ puilTent travailler préfencementi

îj 4°. Qu'à cet effet on convien >* ne de conditions jr.fl;es & raifo^ » nables, & que Mr. le Prince pu^( » fc envoyer en Efpagne pour de " meurcr d'accord du lieu de I; " Conférence :

» 5°.QLi'on fa(ïe unConfcil com « pofé de perfonnes non fufpedes « dont on conviendra :

V 6°. Qu'on ote le Surintendanr » Se qu'on régie les Finances par ui >i bon Confeil :

" 7°. Qiie tous ceux qui ont fer- 5^ vi Monfieur 5 ou Mr. le Prince. 5^ foient rétablis dans leurs biens ; yy ôc dans leurs Chargt:s , Gouverr 33 nernens , penfîon? ^ afïIgnarionSj »& fcicnt rcafTîgnés' fur des )bc)n4 » fonds , &L Monfieur 6c Meffieurs " les Princes auiïi ;

t E M. D. L. R. 30 j

>' S*=». Que Mr. le Duc d'Orléans fera facisfaic fur les chofes qu'il peut defuer pour lui , & pour les amis :

" 9^. Qiie les troupes de les Of- ficiers 5 qui ont fiiivi Meilleurs les Princes , feront traités comme ils éroicnt auparavant , Se auront les mêmes ran^s qu'ils avoient. » 10°. Qi-i'on odtroyera à Mei- iîeurs de Bordeaux les chofes qu'ils demandoienc avant cette guerre ^ ôc pour lefquelles ils avoient des Députés à la Cour: " 11^. Qii'on accordera quel- que décharge de Tailles dans la » Guienne , dont on conviendra de ' bonne foi :

» 1 1**. Qii'on donnera à Mr. le ' Prince de Conti la permifîîon de > traiter du Gouvernement de Pro- » vence avec Mr. d'Angoulême , 6c •> celle de lui donner la Champagne »» en échange, ou de la vendre à qui

3C6 M E M O I R E s

» il voudra pour lui en donner l*ar- » genr; & que pour le furplus , or »> l'alTiftera d'une fomme d'argent » dont on conviendra : /

»> 15°. Qu'on donnera à Mr. d< » Nemours le Gouvernement d'Au- « vergne :

" 14°. Qu'on donnera au Préfi- » dent Viole la permifïîon de traite: :j d'une charge de Préfident au Mor î^ tier ou de Secrétaire - d'Etat j ■]& » parole , que ce fera la première » 3c une fomme d'argent dès cett( » heure , pour lui en faciliter la ré- " compenfe :

" 15°. Qix'on accordera à Mon- i> fleur de la Rochefoucault le bre- V vet qu'il demande , pareil à celu: a de Meffieurs de Bouillon «Se d< y> Gui mené , & le Gouvernemeni w d'Angoumois de de Xaintongq. » ou la fomme de fix- vingt milk >f écus ; & la permiiïion de traitei w dudit Gouvernement , ou de td w autre qu'il voudra :

D E M. D. L. R. 307 '> 16°. Qu'on donnera au Prince Tarente un brevet pour ion rang , Pareil à celui de Mr. de Bouillon; ::\: qu'on l'en mettra en polTeflionj Se qu'on le dédommagera desper- :es qu'il a fouifertes à la prife ôc m raiement de Taillebourg , fui- vant le mémoire qu'il en don- nera :

" 17*^. Qu'on fera Mcfïieurs de Marfin 6c du Doiçnon Maréchaux de France :

» 18°. Qti'on donnera des Let* très de Duc à Mr. de Montefpan : » 19°. Qii'on rétablira Mr. de Rohan dans Ton Gouvernement d'Anjou & d'Angers, & qu'on lui* donnera le pont de Ce avec le leflcrt de Saumur : îii> 20°. Qii'on donnera à Mr. de k-Force le Gouvernement à Ber- gerac de Sainte-Foi , ôc la furvi- vance de MonHeur de Cafteinau , fon fils :

3o3 Mémoires

» ii°. Qu'on adarcia Monfîèui tt le Marquis de Sillery , de le fan " Chevalier de l'Ordre à la pr< » miere promotion , & qu'on lui e " donnera un brevcr, avec une foh w me de cinquante niille ccus , poi »^ acheter un Gouvernement : m( >' yennant quoi l'on promet de p( » fer les armes , & de confentir c » bonne-foi à tous les avantages 'C " Cardinal Mazarin , ôc à ion f( »^ tour dans trois mois , ou dans » temps que Mr. le Prince ayai " ajufté les points de la paix gén» » raie avec les Espagnols , fera fi y le lieu de la Conférence avec 1( » Miniftrcs d'Eipagne, ^ qu'il ai " ra mandé , que la paix ePi prê^ '^ d^être fignée ; laquelle il ne iign( " ra qu'après le retour du Cardin; " Mazarin : mais que l'argent mer " tionné par le traité , fera demi »' avant fon recour, «

© E M. D, L. R. 505

Le Cardinal écouta les propoli- ns de Gourville , ôc y parût très- ile , foit <^u'il eue intention de les :ordcr , ou qu'il voulût que les Hcultés vinflcnt d'ailleurs ; mais Duc de Bouillon qui craignoic e la paix ne fe fît fans qu'il eut la iché d'Àlbrec 5 qu'on devoit reti-

de Mr. le Prince , pour faire une L'tie de la récompenfe de Sedan , : au Cardinal , que puifqu'il trou- it jufte de faire des grâces à tous

amis de Mon (leur le Prince qui Ment Tes ennemis jurés , il croyoic l'il éîoit encore plus raifonnable

faire juftice à tous fes amis , qui voient alTifté &: maintenu contre ondeur le Prince : qu'il ne troii- )it rien à redire à ce qu'on vouloir ire pour les Ducs de Nemours dc î la Rochefoucault , Marfin , & les itres i mais qu'il. penfoit qu'ayant 1 intérêt au{ïi coniîdérable que la uché d'Albret , on ne devoit rien

5 1 o Mémoires conclure fans obliger Mr. le Prim à le fatisfaire là-delfus. ^'

De quelque efprit que partiflè. ces raifons du Duc de Bouilloî elles empêchèrent le Cardinal i paflèr outre , 8>c il renvoya Gou ville vers Mr. le Prince pour lev cette difficulté. Mais comme da toutes les grandes affaires les reta mens font d'ordinaire très-confid râbles , ils le dévoient êcrc pan culierement dans celle-ci qui étc compofée non - feulement de ta d'intérêts différens , & regardée p tant de cabales oppofées qui la vo loient rompre j mais qui par-defï tout cela étoit conduite par le Prî: ce de Condé d'une part , &: par Cardinal Mazarin de l'autre , le quels pour avoir plu (leurs qualit directement contraires (a) , ne lai

(a) Neque rpeiaflc corrnpciflîmo f •culo taiitain nioderationcm reor ; uc q pacem bel!;' .imerc turbavcrant beilii

D E M. D. L. R. 51Ï

ient pas de convenir en pluiîeurs lofesj &c parriculierement à traiter uces ioncs d'affaires fans y avoir î prétentions limitées-, ce qui fait XQ iorfqu'on leur accorde ce qu-iis ^mandent , ils croyent toujours en >uvoir obtenir davantage (a) ôc fe :rfuadent tellement que tout eft i à leur bonne fortune , que la ba- uce ne peut jamais être allez égale itr'eux 3 ni demeurer a{îez long- mps en cet état-là, pour leur don- jr loiiir de réfoudre un traité &c de conclure. D'autres obftacles fe ■ignirent encore à ceux-ci : l'inte- t du Cardinal de Rets étoit d'em- ècher la paix , parce qu'étant faite .ns fa participation j 6^ MonHeur le

!!cis caritate dcponerent, neque ( homî- ;s } nioribus duTonos in hune confen- im pocuiiïe coalefcere. H.'j'?. 2. (a) Milita concedcndo nihil aliud ef- ciuir , quàm ut acrins ^alia ) expofcan- ir. H//?. ;4-

jii Mémoires Duc d'Orléans & Moiifieurle Prir ce étant unis avec la Our > il de ineuroit expofé &i fans procedior d'ailleurs Châvigni cnfuite du mai vais fuccès de fa négociation, écai piqué contre la Cour , Se conti Mr. le Prince , aimoit mieux qi h paix fe rompît, que de la yp faire par d'autres voyes que . iîenne(a).

Je ne puis dire fi cette conform d'intérêts , qui fe rencontra alo entre le Cardinal de Rets 6c Ch; vigni , les fit agir de concert poi empêcher le traité de Monfieur Prince : ou ii l'un des deux fit ag îvlr. le Duc d'Orléans ; mais j'ai fc, depuis par une perfonnc que je do croire , que , dans le temps qi Gourville étoit à Sainr Germair Monfieur manda au Cardinal Me

zâdj

(a) Bonum publicum privatis fimu taùbus impediçbat. ^rm. 14.

© E M. D. L. R. 51^ arin par le Duc d'Anville qu'il ne onclût rien avec Mr. le Prince ; u'il vouloir feul avoir le mérite e la paix envers la Cour j qu'il coit prêt d'aller trouver le Roi ôc e donner par-là un exemple , qui Toit fuivi du peuple & du Parle- lent de Paris. Il y avoit apparence, u'une propofition comme celle-là •roit écoutée préférablement à tou- •s les autres j & en effet , foit par die que j'ai déjà dite de la manierez î l'efprit de Mr. le Prince ôc du ardinal Mazarin , ou foit, comme

l'ai toujours crû , que le Cardinal a jamais voulu la paix , de qu'il îft feulement {èrvi des négocia- Dns , comme d un piege ou il pon- dit furprendre les ennemis ( a ) > . ifin les chofcs furent fi brouillées

fi éloigîiées en peu de temps , le le Duc de la Rochefoucault ne

(a) Simulationem prorfus faiffe , ad cipiendos tôt illuftres viros. Hi/i. 3.

Tome II. O

3,1.4 Me MO I R E s voulut rplus; <|ne fès gens eurent p,ait à des négociations qui ruï- noient fon parti , ôc chargea Gour- vili.e de tirer une réponfe pcfitive du Cardinal , la féconde fois qu'il alla à Saint Germain avec ordre de 11 Y plus retourner.

Cependant, outre que l'efprit du Prince de Condé n'ëtoit pas tou- jours de foi-même conftam.meni arrêté à vouloir la paix , il étoii combattu fans celle par les di ver: intcrèts de ceux qui l'en vouloien détourner. Les ennemis du Cardî nal Mazarin ne fc croyoient p^â; vengés , s*il demeuroit en France Se le Cardinal de Rets jugeoit bien* que raccommodement de Mr. l l?rince lui ôtcit tout, fbn crédit , 5 l'cxpofoit à fes ennemis ; au lies que la guerre ne pcuvoit durer fan perdre Mr. le Prince, ou éloigner! Cardinal Mazarin : 6c qu'ainfi d( meurant feul auprès de Monfieur I

D E M. D. L. R. jijr

Duc d'Oirléans , il pouvoir Ce ren- dre confîdérable à la Cour , pour eiî :hei- fes avantages. D'autre part les- Eipagnols offioient au Prince tout :e qui étoic le plus capable de le :enter , ôc mettoient tout en u[àge ,. pour faire durer la guerre civile f^ "es plus proches parens , fes amis , Se fes domeftiques mêmes appu- pienc ce fentimenc par leur intérêt particulier : enfin, tout étoit partage m cabales pour faire la paix , oa pour continuer la guerre.

Tout ce qu'il y a de plus rafiné 3c de plus férieux dans la politique, étoic expofé aux yeux de Monfieur .e Prince , pour l'obliger à prendre m de ces deux partis , lorfque Ma- dame de Châcillon lui fit naître le iehr de la paix par des m.oyens plus agréables : elle crût qu'un fi grand 3ien devoir être l'ouvrage de fa beauté ', 5c mêlant de l'ambition fivec le defTein de faire une nouvelle O 1

^i6 Mémoires conquête , elle voulut en même temps triompher du cœur de Mr. le Prince , &c tirer de la Cour tous les avantages de la négociation. ' Ces raifons-là ne furent pas les feules , qui lui donnèrent ces pen- féésj il y ayoit un intérêt de vanité. ^ de vangeance qui y eut autâiïc' de part que le refte ; l'émulation ^ que la beauté ôc la galanterie pro-*^ duifent fouvent parmi les Dames i avoit caufé une aic^reur extrême entre Madame de Longucville S^ Madame de Châtillon (a) : elles avoient long-temps caché leurs Cen» iirAiiis 'y;tn2Lls enfin ils parurent avéi) écïât'de'part & d'autre : 3z Madame de Châtillon ne borna pas feulement

^Ifà) Miiîïèbri xmulatione, jl^jn. i. Kec forma , œtas , opes , miilnim diftabartg? ^ uîraque impudica, infamis , vioIenta| vitiis a'inulabantur. Certamcn acej^w mum utra apiid princip»ejn pr^valerec.

Ann: ti.

D E M. D. L. R. 317

ia viâ;oire à obliger Monlieur de Nemours de rompre , par des cir- conftances très-piquantes ôc très- publiques 3 tout le commerce quil avoit avec Madame de Longueville : elle voulut encore lui ôter la con- noiflance des affaires , &c diipofer feule de la conduite ôc des intérêts de Monfieur le Prince. Le Duc de Nemours 5 qui avoit beaucoup d^en- gagem.ent avec elle , approuva ce deiïtin , &c crût que pouvant régler la conduite de Madam.e de Châtil- lon envers Moniîeur le Prince , elle lui infpireroit les fentimens qu'il lui voudroit donner ; & qu'ainfi il difpoferoit de l'efprit de Moniieur le Prince par le pouvoir qu'il avoic fur celui de Madame de Châtillon. Le Duc de la Rochefoucault de fon côté avoit alors plus de part que perfonne à la confiance de Mr. le Prince , & fe trou voit en même temps dans une liaifon très-étroicc O 3

3li) Ml MOIRES

avec le Duc d-e Nemours & Madar me de Chacillon : il connoiiToit l'ir- léfoluxion de Mr. le Prince pour la paix ; de craignant ce qui eft ar- rivé depuis 5 que la cabale des Ef* pagnols Se celle de Madame d* Longueville ne fe joignirent en* fembie , pour éloigner Moniicur le Prir.ce de Paris , il pouvoir trai- ter tous les jours fans leur partici- pacion , il crût que le dell'cin Madame de Châtillon pouvoit le# ver tous les obftacles de la paix ; ôi dans cette penfée il porta Monfieuè le Prince à s'encracrer avec elle , èc à lui donner Merlou en propre. U la difpofa auiTi à ménager Monlieur k Prince , ccMr. de Nemours , en forte qu*elle .les confervât tous deu:^ ôc ht approuver à Monfieur de Ne* meurs cette liai Ton , qui ne lui de* Toit( pas' être fufpe^te , puifqu'oil vouloir- lui en rendre compte, 5c ne s'en fervir , que pour lui donnet

D E M. D. L. R. 319

!a pinicipale part aux affaires. Cet re

: machine étant, conduite .& réglée

;par le Duc de la Rochefoucrtulc ,

lui donnoic la difpoiidon prefque

entière de tout ce qui lacomporoit;

de ainfi ces quatre perfonnes y trou-

I vaut également leur avantage, elle

|eût eu fans doute à la. fin le luccès

qu'il s'étoit proporé,ri la fortune

ne s'y fiic oppoféc par tant d'acci-

qu'on ne peut éviter (a)

Cependant, Madame de Chatil- lon voulut paroître à la Cour avec l'éclat que fon nouveau crédit lût dey oit donner : elle y alla avec un pouvoir fi général de difpofer des intérêts de Mr. le Prince , qu'on le prît plutôt pour un effet de fa corn- plailance envers elle, ôc pour une O 4

:?( a ) Le fiicch des affaires , dit Seneque , ■n'ejlpas de Lt juvifâiciion du fage. Car fé- lon Vaterrule , la fortune a plus de force -que les confeih. Pra'valent fatàconfifiis. Bifi.i. y- - - '^

^nvfeid^ flater fa vanité, que pour tûiie interttion vérkable de faire un 'âccommodcmcnr. Elle revint à F%- î^s --avec'' de grandes efpérûnces(; lïiais le Cardinal tira des avantagés folides de cette négociation (a) : il "gagnoic du temps, il augmentoit -lies foiipçons des cabales oppofées, '4c amufoit Mr. le Prince à Paris &US l^efpérance d'un traité , pen- dant qu'on lui ôtoit la Guienne , <ju'on lui prenoit fes Places , di que l'armée du Roi commandée par les Maréchaux de Turenne ôc d'Hoquincourt , tenoit la Campai- gne 6c que la lienne étoit retirée dans Eftampes. Elle ne pût même y demeurer long-temps fans recevoir une perte conlidérable : ce fut que le Maréchal de Turenne ayant avis, que Mademoifelle partant par Ef- tarftpes avoit voulu voir l'armée «n

(a) Qui rej[embloii h cdh de la foula ■*vic U renard.

DE M. D. L. R. 311

bataille , fît marcher Tes troupes > «3c arriva au Fauxbourg d'Eftampes , devant que celles de l'armée , qui y étoieiu logées fuflent. en état de défendre leur quartier : il fut forcée de pillé ; 8c les Maréchaux de Tu- xenne ôc d'Hoquincourt fe retire» rent au leur , après avoir tué mille ou douze cent hommes des meil- leures troupes de Mr. le Prince , de emmené pluiîeurs prifonniers.

Ce fuccès augmenta les efpéran-

ces de la Cour , & fit naître le deC-

fein d'afliéger Eftampes avec toute

Tarmée , qui étoit dedans. Quelque

difficile que parût cette entreprife:,

iliéanmcins elle fut reiblue fous Tef-

I pérance de trouver des troupes

I étonnées &c des Chefs divifés ; une

i Place ouverte en plufleurs eedioits :,

fort mal munie , "5^ hors d'état de

' pouvoir être fecouruc , que par Mr*

: de Lorraine , avec qui la Cour cro-

' yoit avoir traité.Par-deffusxout cela

; " O 5

3i>. M E^M b I R E S on confidéra , à mon avis encore înoins l'événement du fi'ége, que la réputation , qu'Hun fi grand def- iein devoir donner aux armes àt Roi ', car bien que l'on continuât de négocier avec emprcllèment , & <[uc Monfieur le Prince eût alors un extrême delir de la paix , on ne la pouvoir pas toutefois raifonnabljSi- ment attendre , jufqu'à ce que fe fuccès d'Eftampes en eût réglé les propoiîtions.

Cependant , les partifans de la Cour fe fervoient de cette conjonc- ture pour gagner le peuple , & pour iairc des cabales dans le Parlement ; ^ bien que Mr. le Duc d'Orléaiis parût alors très- uni avec Monfieut ie Prince , il avoir néanmoins tous les jours conférence particulière avec le Cardinal de Rets , qui s'at- rachoit principalement à détruire coûtes les réfoiutions , que Mr. le Prince lui farfoîr prendre. Le fiége

DE M. D. L. R. 525

d'Eftampes concinuoit toujours ^ 6c

quoique- les progrès de l'armée du

Roi ne fuflent pas confldérables ,

néanmoins les bruits qui fe rcpavi-

doient dans le Royaume lui étoicBC

avantageux , ôc Paris attendoic le

fecours de Mr. de Lorraine comme

le falut du parti. Il y arriva enfin

après tant de remiles > & après avoir

donné beaucoup de foupçon de Ton

accommiodemcnt avec le P.oi (a) ;

'toutefois faprefence difïîpa pour un

temps cette opinion , & on le reçâc

-avec une. Joye extrême. Ses troupes

-campèrent près de Paris , & l'on en

Touffrit les défordtes' faiis fe plai^-

àrCé ' ■.' > ^* ' - - - ' / -^

û; D'abord il y eut quelque froideàr

centre Monfieur le Prince & lui pour

O 6

., (>i) iS'ec uefucre , qui cunlrTuïpicrdrifi- bus- argnei-entaanqucim dolocun&ûh-

*rem , poil fecretas epiilôlns , «^iii'pus pire- tiuni proditionis offerebantur. Hi^. 3.

'314 Mémoires le rang j mais voyant que Monfieur le Prince tenoit ferme, il fe relâcha ide Ces prétentions d'autant plus fa- cilement j qu'il n'avoit fait ces diffi- cultés > que pour avoir le temps de faire un traité fecret avec la Cour, pour lever le (lége d'Eftampes fans ^hazarder un combat. Néanmoins., ^comme l?on n'eft jamais û aifé à être furpris , que quand on fonge ^trop à tromper les autres y il arriva ]<jue Monlieur de Lorraine , cro- yant rencontrer tous fes avantages Ôc toutes fes fûrerés , dans les né- gociations continuelles , qu'il fav- fqi.t avec la Cour avec beaucoup (de mauvaife foi, vit tout d'un coup iparcher Monfieur de -Turenne à lui avec toute l'armée , qui lui manda die décamper à Theure même , & âei s'çï\ ^retourner en Flandre. Les troupes de Mr. de Lorraine n'é- tpient pas inférieures à celles du Roî, & un hommes qui n'eue evi foin que

DE M, D. L. R. 31J

de fa réputation , eût pu raifonna- blenient hazarder un combat. -Mais quelles que fuflent les raifons du Duc de Lorraine , elles lui firent préférer le parti de fe retirer avec honre , Se de fubir ainfi ce que Mr. de Turenne lui voulut impofer. Il ne dit rien de tout ce qui fe palToit fïii' à Monfieur, ni à Monfieur le Prince , & le premier avis qu'ils en eurent , fut que leurs troupes étoient forties d'Efbampes , que 1 armée du Roi s'en étoit éloignée , & que Mr. de Lorraine fe retiroit en Flandres , prétendant avoir pleinement fatis- fait aux ordres des Efpagnols , ôc à la parole qu'il a voit donnée à Mr. Cette nouvelle furprit tout le mon- de 5 6c fit prendre réfolution à Mr. le Prince d'aller joindre Tes troupes, craignant que celles du Roi ne les chargeaiTènt en chemin. Il fortit de Paris avec douze ou quinze che- vaux 5 ôc s'expofant à être rencori-

^iC Mémoires tré par les partis ennemis , il joignit fon armée , ôc la mena loger vers; Ville-juive : elle pafla cnfuice à St« Cloud , elle fît un long fcjouîr.ç pendant lequel non - feulement la •moi (Ton fut perdue ; mais prcfque toutes les maiions de la campagne furent brûlées. Ce qui commença l'aigreur des Parifiens, dont 3.1r. le Prince fut prêt de recevoir de fir- neftes marques à la jpa^iiée de Saint JVntoine. ; " ''^v

Cependant , Gaucourt avoit des conférences fecretes avec le Cardi- liai 5 qui lui témioignoit toujours de defner la paix avec empreflèmenfjj il éroit convenu des princi',>alcs co^ dirions ; mais plus il irtfiftoit fur léj^ moindres , & plus on de voit croire qu'il ne vouloit pas traiter. Ces i% certitudes donnoicnt de riotivell forces à toutes les coh^lts y dcâ'0^ vrâifemblance à tous les divcifc bruits qu'on vouloir ferûer. Jamais

D E M. D. L. R. 317

Paris n^a été plus agité , ôc jamais refprit de Mr. le Prince n'a été plus partagé pour fe réfoudre à la paix à la guerre. Les Efpagnols le vouloient éloigner de Paris pour empêcher la paix , ôc les amis de Madame de Longueville contri- buoienc à ce deflein pour l'éloigner aufïi de Madame de Châtillon. D'ailleurs Mademoifelle avoit en- femble le même but que les Efpa- gnols ôc Madame de Longueville ; car d^un côté elle vouloit la guerre, pour fe venger de la Reine de du Cardinal , qui empêchoient qu'elle n'épousât le Roi j 3c de l'autre elle vouloit ôter Monfieur le Prince à Madame de Châtillon, & avoir plus de part à fa confiance & à fon efti- me : & même pour le gagner par «ce qui lui étoit de plus fendble j elle leva des troupes en fon nom'^ & lui promit de fournir de l'argent pour en lever d'autres.

3i8 Mémoires

Ces promefTes jointes à celles des Efpagnols, oc aux artifices de$ amis de Madame de Longueville.j oterent de l'efprit de Monfieur^le Prince les pcnfées qu'il avoit euas pour la paix. Ce qui, à mon avis , Yen éloigna encore plus, fut non feulement le peu de confiance , qu'il crût pouvoir prendre défoimais en la Cour 5 mais ce qui fera ditHcik à croire d'une perfonne de fa qua- lité ôc de fon mérite, fut une envie démefurée d'imiter Monl-eur dc Lorraine en plufieurs chofcs , ^ particuliercmiCnt en la manière -de traiter fes troupes ôc Ces. Qfticiers,; & il fe perfuada que fi Mr. de Lott raine dépouillé dc fes Etats, ^ avec de bien moindres avantag<3^ que les ficns, s'était rendu fit coniii dérable par fon armée Ôc par fon a i>f gent, qu'ayant des qualirésinfitîif. ment àu-dcnùs de lui , il fcioit.dfl» progrès à. propoitio» ,. 42c, .cepqii4^n

» i M. D. L. R. 329

leneroic , pour y parvenir , une vie ntieremenr conforme! Là>;£qn hu- leur. -' -'-.xA'.U.. ';]:,

C'eft 5 à ce qiv^on a^ cru , Ite véri ta- ie motif 5 qui a entraîné Monileur ; Prince avec les Efpagnois , <3c our lequel il a renoncé à tout ce ue fa naii|knc€ & its fervices lui voient acquis dans le Royaume. Il achà iTeanmoins ce fentiment au- ant qu'il lui Rit poffible, & fit pa- oicre le même delir pour la paix , aquelle on traicoit toujours inutile- ment. La Cour éroit alors à Saint ^enis 5 & le Maréchal de la Ferté ;voit joint Parmée du Roi avec les roupes qu'il avoit amenées de jorraine. Celle de Monileur le ^rince plus foible que le moindre le ces deux corps, qui lui étoient )pporésj avoit tenu jufques- le >otk de Saint Cloud , afin de fe Ter- nir du Pont, pour éviter un combat Jiégal> mais Parrivée du Maréchal

350 Mémoires de la Ferté donna moyen aux trou pes du Roi de fe féparer , & d'attî > qiier Saint Cloud par les deux ce tez, en faifant un Pont de bateau vers Saint Denis ; Se fit réfoudi Monfieur le Prince à partit de Saii Cloud, dans le delïèin de ira^nt

CD

Chaienton , ôc de fe pofter dai cette langue de terre , t^vii fait ] jondion de la rivière de Marne avec la Seine. Il eût pris fans doui un autre parti , s'il eut eu la libeii de choifir , & il eut été bien suri plus facile , de laiilèr la rivière d Seine à la main gauche , 6c d'alh par Meudon ôc par Vaugirard , 1 pofter tous le Fauxbourg Sait Germain , peut-être on ne l'ei pas attaqué , de peur d'engager pa les Pariliens à le défendre.. Khi Mr. le Duc .d'Orléans n'y voulu jamais conkntir , par la craint qu'on lui donna , non feulemeii de l'événement d'un combat , qu'i

D E M. D. L. R. 331

e avoit voir des fenêrres du Luxem- turg, mais aufïi parce qu'on lui li croire , que Partillerie du Roi y (oit de continuelles décharges f ur l'en chafTer. De forte que par ipinion d'un péril imaginaire ,

1:. le Duc d'Orléans expofa ainfi vie &c la fortune de Mr. le Prince f un des grands dangers qu'il ait j nais courus. Il lit donc marcher ; troupes à l'entrée de la nuit le emier de Juillet 1651 , ôc cro- .nt arriver à Charentcn avant que 5 ennemis le pu(îènt joindre , il pafîèr fes troupes par le Cours de Reine Mère , ôc par le dehors de ville 5 depuis la porte Saint Ho- Dré jufqu'à celle de Saint Antoine^ Dur prendre de - le chemin de harenton.

Il voulut éviter de demander aflage dans Paris, craignant de ne : pas obtenir , & qu'un refus dans n temps comme celui-là ne fis

532. Mémoires paroître le mauvais état de Tes z faires. Il craignoit aufTi , que Pay^ , obtenu , Tes troupes ne le cliflîpj 1 fent dans la ville , & qu'il ne fut pi en Ton pouvoir de les en faire forii quand il en auroit befoin. La Coi fut aufïi-tôc avertie de fa marchi 5c le Maréchal de Turenne paitiç riieure même avec ce qu'il avoit ( troupes , pour joindre celles de M le Prince , & pour les arrêter ju qu'à ce que le Maréchal de la Fert qui fuivoit avec les fiennes , ei\t temps d'arriver. Cependant on 1 aller le Roi à Charonne , afin qi de ce lieu-là, comme de deffiis ju théâtre il fôt témoin d'une aâ:ion qui félon les apparances devoit êti la perte inévitable de Monlieur 1 Prince, <5c la fin de la guerre civile mais qui fut en eifet une des plu périlleufes occa/ions qu'on ait vue dans la guerre , & celle les gran des qualités de Monfieur le Princ

DE M. D. L. R. 5 55

ûrent le plus avantageufemenr. fortune même fembla fe recon- er avec lui en cette occafion , ôc dut avoir part à un fuccès , donc i &c l'autre parti ont donné la ire à fa valeur ^ de à. fa. conduite :

il fut attaqué précifémenc dans :emps , auquel il fe pût fcrvir

recranchemens que les Bour- •is du Fauxbourg Saint Antoine âent fait , pour fe garantir d'être es des troupes de Monfîeur de Taine 5 ôc il n'y avoit que ce lieu is toute la marche qu'il vouloic e qui flic retranché , (Se il pue npêcher d'être entièrement dé-

i quelques efcadrons même de . arrière - garde furent chargés is le Fauxbourg Saint Martin par ; gens 5 que le Maréchal de Tu- LÙe avoit décachés pour l'amufer; fe retirèrent en defordre dans le ranchement du Fauxbourg Saine .toine il s'ccoic mis en bataille.

3 54 Mémoires H n'eût que le temps qui lui éïpJ néceiïàire pour cela , ôc pour garti d'infanterie 3c de cavalerie tou^l poftes, par lefquels il pouvoit & attaqué j il fut contraint de meilt le bagage de l'armée, fur le bord c foffe de Saint Antoine, parce qù'c avoit refufé de le lai (Ter entrer Paris. On avoit même pillé qUe ques chariots, & les partifans de Cour avoient ménagé , qu'on y ve roit l'événement de cette affai comme d'un lieu neutre.

Le Prince de Condé conferva a' près de lui ce qui s'y trouva dei domelliques, ou de perfonnes ') qualité , qui n'avoient point ( commandement , qui étoient i nombre de trente 6u quarante : Maréchal de Turenne difpofa f attaques avec toute la diligence la confiance , que peut avoir i homme qui fe croit afTuré de la vi toire. Mais comme fes gens dét

D E M. D. L. R. 3 3X

j es furent à trente pas du rctranche-

( ;nt 5 Mr. le Prince forcit avec l'ef-

I iron que j'ai dit , & ie mêlant

I pée à la main défit entièrement le

I [aillon 5 qui écoit commandé, prit

s Officiers prifonniers , emporta

drapeaux de fe retira dans Ton

ranchement.

D'un autre côté , le Marquis de int Mefgrin attaqua le pofte qui Dit défendu par le Comte de Ta- nes Lieutenant-Général & Lan- ais Maréchal de Camp : la re- lance y fut fi grande que le Mar- lis de Saint Mefgrin , voyant que n infanterie moUlloit, emporté de laleur &c de colère , avança avec Compagnie des Chevaux-legers \ Roi dans une rue étroite, fermée une barricade , il fut tué avec Marquis de Nantouillet, le Foui!- ux & quelques autres. Mancini ?veu du Cardinal Mazarin , y fut effé 6-: en mourut quelque temps nés. ^

53^ Mémoires

jL'on continuoit les attaques à toutes parts avec une extrême vi- gueur , de le Prince de Condé char géa une féconde fois les ennemî avec le même fuccès que la premie re 5 il fe trouvoit par tout dans i< milieu du feu & du combat, & don noit les ordres avec une netteté d'tl prit 5 qui eft rare Se Ci néceflàir dans ces lieux-là. Enfin les trou pcs du Roi avoient forcé la demie re barricade de la rue du Cours , qu va au bois de Vincennes , ôc elle étoient entrées en bataille jurqul la Halle du Fauxbourg St. x4.ntoine lorfque le Prince de Condé y ac- courut , les chargea , & taillant er pièces tout ce qu'il rencontra , re- gagna ce pofte (a) , &c en chalT.

le

(il) Gcrialis turbklis rébus inti;epîdust & fngientes manu retraliens , promptus intér tela , felici tementât'e , recuperâ- tum pontem le6la manu iîrmavit. Hrfl. 4.

D 1 M. D. L. R. 337

es ennemis. Ils étoient néanmoins naîtres d'une féconde barricade, [ui étoit dans la rue qui va à Cha- anton , laquelle étant quarante pas u-delà d'une fort grande Place, [ui eft fur cette même rue , le Mar- dis de Noâilles s'en étoit renda aaître j Se pour la mieux garder il voit fait percer les maifons , & mis les moufquetaires dans toutes cel- és de la rue , pardevanc lefquelles l falloir pafler , pour arriver à la >arricade. Le Prince de Condé .voit deffein de les déloger avec le Tinfanterie , & de faire percer l'autres maifons , pour les chafïèc >ar un plus grand feu , comme c'é- oit en effet le parti qu'on dévoie )rendre : mais le Duc de Beauforc a) 5 qui ne s'étoit pas rencontré au- )rès de Mr. le Prince au commen- :emcnt de l'attaque , & qui fentic

(a) Profperis lebus anxius quod de- uifîct. Hiji. 3.

Tmc II. P

558 Mémoires quelque dépit de ce que le Du< de Nemours y avoic toujours été prefla Mr. le Prince de faire atta quer cette barricade par de Pinfan terie déjà lalTée & rebutée , laquell au lieu d'aller aux ennemis, fe m: en haye contre les maifons , ôc n voulut pas avancer.

Dans ce temps -là un efcadro- des troupes de Flandre avoit éi pofté dans une rue , qui aboutillo à un coin de la place du côté d< ennemis , Se ne pouvant demeur< davantage de peur d'être couj quand on auroit gagné les maifoi proches de lui , revint dans la pi; ce ; le Duc de Beau fort croyant qi c'étoient les ennemis , propofa ai Ducs de la Rochefoucault , Se c Nemours qui arrivèrent en ce lie» 5 de les aller charger , <Sc toi trois étant fuivis de ce qu'il y avo de gens de qualité Se de voloi taircs , on pouflà à eux , <Sc c

D E M. D. L. R. 5 5^

î'expofa ainfî inutilement à tout le Feu de la barricade , ôc des maifons le la place j car en abordant ils fc reconnurent pour être d'un même 5arti ; mais voyant en même temps pelque étonnement parmi ceux pi défendoient la barricade , les 3ucs de Nemours , de Beaufort , le la Rochefoucault , Se le Prince le Marfillac , y pouflerent & la îrent quitter aux ennemis. Ils mi- rent pied à terre , ôc la gardèrent îux fculs fans que l'infanterie , qui ;toit commandée voulût les foù- ;enir.

Le Prince de Condé ût ferme lans la rue avec ce qui s'étoit rallié luprès de lui de ceux qui les avoient lu vis. Cependant les ennemis qui enoient toutes les maifons de !a •uë , voyant la barricade gardée pat quatre hommes feulement , l'euf^ ent fans doute, reprife fi l'efcadr. n lu Prince de Condé ne les en eut P 1

J40 Me Mb i R E s

empêchés ; mais n'y ayant point d'infanterie , qui les empêcliat de tirer par les fenêtres, ils recom- mencèrent à faire feu de tous côcést & voy oient en renvers depuis le? pieds jufqu'a la tête ceux qui te- noient la barricade (a). Le Duc d( Nemours eut treize -coups fur lu dans fes armes ; le Duc de la Ro- chefoucault y reçût auiïî une mouf quetade , qui lui perça le vifag< au-deflus des yeux , ôc lui faifant l l'inftant perdre la vue ( b ) oblige: le Duc de Beaufort &: le Prince di

(a) Romani confpicuam bnrbatorun aciem , & fi quis audacia , aut infîgni- bus ctfulgcns , ad ii^tum deflinabant Hijl. 4.

( b ) Ah ftijet de cet accident , il fit gtM> •ver un portrait de Madame de Longuevili Mvec ces dsux vers au bas,

, Faifant la guerre au Roi , j'ai perdi ' ' les deux yeux.

Mais pour un tel objet , je Teufle foi aux Dieiu.

D I M. D. L. R. 341

^arfiUac à fe retirer avec fes deux ►lefîes. On les pourfuivic j mais le 'rince de Condé avança pour les légager , &c leur donna le temps de lonter à cheval j de forte qu'ils aiflerent aufli aux troupes du Roi 2 pofte qu'ils venoient de leur fai- e quitter. Prefque tous ceux qui voient été avec eux dans la pla- 4 , furent tués ou bleflés ; on y •erdit entr'autres les Marquis de lamarin Se de la Rocheguiffart , le [Jomte de Cadres , le Comte de iolTu, Desfourneaux , la Marciniere, 1 Motte-Guyonne , Bercenes Capi- aîne des Gardes du Duc de la Ro- hefoucault , de l'Huillere qui étoic ufTi à lui , 8<: beaucoup d'autres , .ont on ne peut mettre ici les noms : nfin le nombre des morts ou bleflés ut il grand de part & d'autre , qu'il bmbloit 5 que chaque parti fongeât •iucot à réparer fes pertes qu'à atta* [uer fes ennemis,

p }

34i Mémoires

Cette forte de trêve étoit néan- moins plus avantageufe aux troupe: du Roi 5 rebutées de tant d'atta- ques 5 elles avoient été battue: ëc repouffées ; car durant ce temps- le Maréchal de la Ferté avoi marché en diligence , & il fe pré paroit à faire un nouvel effort ave- fon armée fraîche de entière , lorf que les Parifiens , qui jufques - 1; avoient été fpedateurs d'une Ci gran de action , fe déclarèrent en faveu <le Monfieur le Prince. Ils avoien été 11 prévenus des artifices de 1 Cour 5 ôc de ceux du Cardinal d Rets 5 5c on leur avoit tellemer pcrfuadé , que la Paix particulier de Monfieur le Prince écoit fait fans y comprendre leurs inteiêts qu'ils avoient confideré le com mencement de cette adion comm une Comédie , qui fe jouoit d concert avec le Cardinal Mazarii Monfieur le Duc d'Orléans les cor

D E M. D. L. R. 345 irma même dans cette penfée , en le donnant aucun ordre dans la /"ille 5 pour fecourir Monfîtur le 'rince. Le Cardinal de Rets étoic uprès de lui , qui augmentoit en- ore le trouble de Hrréfolution de on efprit , en formant des difiicul- és fur tout ce qu'il vouloic cncrc- >rendre.

D'autre part , la porte St. Antoine 'toit gardée par une Colonelle dfe bourgeois , dont les Officiers qui itoient gagnés de la Cour j empê* :hoient prefque également de fortir le la ville Ôc d'y entrer. Enfin tout toit mal dirpoie pour y recevoit vlonfieur le Prince & fes troupes, orfque Mademoifelle faifant un :fïort fur Pefpric de fon pcre , le tira le la létargie , le tenoit le Car- iinal de Rets -, elle alla porter Tes >rdrcs à la Maifon de Ville pour aire prendre les armes aux Bour- geois -, en même temps elle com- P 4

344 Mémoires -rnanda au Gouverneur de la Baftillc ''^- de faire tirer le canon fur les trôù. pes du Roi , & revenant à la port< Saint Antoine , elle difpofa non- feulement tous les Bourgeois à re^ cevoir Mr. le Prince & fon arméi mais même à fortir & efcarmoù- cher pendant que fes troupes entre roient. Ce qui acheva encore d*é mouvoir le peuple en faveur d !Mr. le Prince , ce fut de voir rem porter tant de gens de qualité blei fés ou morts. Le Duc de la Roche foucault voulut profiter de cett conjon6lure pour fon parti; & quoi que fa blelTure lui fît prefque forti les deux yeux hors de la tête, il ail à cheval du lieu il fut blefîe jufqu'au Fauxbourg St. Germain exhortant le peuple à fecourir Mt le Prince , 6c de mieux connoître ; l'avenir l'intention de ceux qui l'a voient accufé d'avoir traité avec 1 Cour. Cela fit pour un temps TefFe

DE M. D. L. R, 545

qu'on defiroit , Se jamais Paris n'a été mieux intentionné pour Mr. le Prince qu'il le fut alors. ? ^rCependanc le bruit du canon de la Baftille produilit en même temps deux fentimens bien différens dans Pefprit du Cardinal Mazarin j car d'abord il crût que Paris fe décla- roit contre Mr. le Prince , & qu'il alloit triompher de cette ville & de Ton ennemi j mais voyant qu'en effet on tiroit fur les troupes du Roi, il envoya les ordres aux Maré- chaux de France de retirer Tarmée , §c de retourner à Saint Denis. 32cCette journée fut u;ie des plus glorieufes de la vie de Monfieur le Prince ( a ) i jamais fa valeur & .fa conduite n'ont eu plus de part à fa

g ( a ) Clara & antiquis viûoriis par ea d'ie laas parta. Ann. 14. Gloria? ejus acce/lît , quod modica manu univerfi çxercitûs famam adipifceretur. Ibidem.

34^ M E M OI^R E S

vldoire 'i & l'on peut dire avec vé» tité 5 que jamais tant -de gens de qualité n'ont fait combattre un pluî petit nombre de troupes. On fie porter les drapeaux à Notre-Dame i ^ on lailfa aller tous les prifonniers fur leur parole. ->'- >-> i^i^

Cependant , on cônt?intia les né- gociations V chaque cabale vouloir faire la paix , ou empêcher que les autres ne la fifTènt -y de Monfieur Prince & le Cardinal «toient entic- hement réfolus de ne la point faireà Monfieur de Chavieni s'étoit bieil îTiis en apparence avec Monfieur le Prince ; mais il feroit mal aifé de dire dans quels fentimens il avoit été jufqu'alors , parce que fa legé- fêté naturelle luien infpir-oit tous les jours de directement oppofés (a); il confeilloit de poufler les chofes à rextrémité toutes les fois qu'il efpe-

< b ) Ad honeft^ fcuprava juxta levis, v4»». II, , j : .^

D E M. D. L. R. 547

rok de détruire le Cardinal , ôc de rentrer dans le Miniftére ; ôc il vou- loit qu'on demandât la paix à ge- noux toutes les fois qu'il s'imagi- iioit qu'on pilleroit (es terres , ôc qu'on raferoit Tes maifons. Néan- moins, dans cette rencontre il- fut d'avis 5 comme tous les autres , de profiter de la bonne dirpoficion du peuple, &' de propofer une allem- blée à l'Hot'él de Ville, pour fou- dre que Monfieur fut reconnu Lieu- tenant-Géricrai-de' la Gouromie de France j qu'on s-ùniroitinféparable- ment , pour procurer l'éloignement du Cardinal ; qu'on pourvoiroit Duc de Beaufort du 'Gouvernement de Paris en la place du Maréchal âé, l'Hôpital y de qu'on' é^ablirôic Brouilel Prévôt des Marchands au lieu de le Febvre. Mais cette aiTem- blée l'oa cro.yoic, trouver la- sû- reté du parti , fut une des princir pales eau fe^vde fa ruine , par u-ne P (^

348 Mémoires

violence qui penfa faire périr tout ce qui fe trouva dans l'Hôtel de Ville ( a ) 5 6c fit perdre à Mr. le Prince tous les avantages , que la bataille du Fauxbourg St. Antoine lui avoit apportés.

Je ne puis dire qui fut l'auteur d'un fi pernicieux deiïèin , car tous l'ont également défavoué (b) 5 mais enfin , lorfque l'affembliée fe tenoit j on fufcita une troupe compofée de toutes fortes de gens en armes , qui vint crier aux portes de la Maifoa de Ville , qu'il falloic non - feulet ment , que tout s'y pafsât félon l'in» tention de Monfieur le Prince , mais qu'on livrât dès l'heure même tous ceux qui étoient attachés au Cardi-. liai Mazarin, D'abord on crut quç

* .. ; "■/ >\ ^ r

-.(a) Oru feditio piopc urbi cxcidid fuit. H//?. I. i

(h) Arguentibus ipfis , qui fuaferant* H'tfi. 4. Comme il arrive toujours dans les affaires odienfes qui ne H't^Jpjjm pas^

DE M. D. L. R. 34^

ce- bruit n'étoit qu'un effet ordinai- re de l'impatience du menu peuple •, mais voyant , que la foule &c le tu- multe augmentoient, que les fol- ' dats &c les Officiers mêmes avoient part à la fédition , 6c qu'en même temps on mit le feu aux portes, ôc on tira aux fenêtres j alors tout ce qui étoit dans l'aflemblée , fe crût également perdu. Plufieurs , pour éviter le feu , s'expoferent à la fu- reur du peuple, dcily eut beaucoup de gens tués ( a ) de toutes condi- tions ôc de tous les partis ; Se cha- cun crût que Mr. le Prince avoit facrihé Tes amis , afin de n'être pas fo upçonné d'avoir fait périr Tes en- nemis. On ne donna nulle part de

^^^aj Hapça arma, nudati gladîi , urbem ac palatium petunt fortiiitus ne militum furor, an ioluîprincipis , modo conftan- tiam fîmulare , modo formidine detcgi. Miiitum impetus ne foribus quidemi pa- latii coërcitiis, vulneratis & c^fis plerif'» que dum ruentibus obriftunt. Ji^id,

550 Mémoires cette affaire à Mr. le Duc d'Orléan^ de on rejetta toute la haine fur Mfl' le Prince, bien que je crois que l'un & l'autre s'étoient fervis de l'entre^ niife de Mr. le Duc de Beaufort^ pour faire peur à ceux de l'affemt blée qui n'étôient pais dans leurJ intérêts ; mais qu'en effet pas urt d'eux n'eut deflein de faire mal â perfonne. Quoi qu'il en foit , il» appaiferent promptement le defor* dre j mais ils n'effacèrent pas l'im- pï^lïion' ^uil avoic faite dans tous ks -esprits (^a).

On propofa enfuite de créer utt Confeil compofé de Mr. de Mr. Prince, du Ghanrelier de France i des Princes Ducs & Paii-s ^ Maré-i chaux deiprancç j^rOiiciersGéNe- raux du parti. Deux Préfidcns à Mortier y dévoient aiTifVer de la parc

(a.) Huç ejus vkà 'fnmaque'inclin.af y m confciUs fceleris Tuçrit , cùjùs cauUa

ei-at. Hlfl.'i. ■' -"■" -^' ••-- ■■■i^

DE M. D. L. R. 3/t lu Parlement j 6c le Prévôt des Mar- chands de la part de la ville, poui: Liger déhnitivement de tout ce qui 'ôiicernoit la guerre ôc la police. •' Ce Confeil augmenta le défordre Al -lieu de le diminuer , par les pré- emiom du rafïg qu'on y de voit enir y & il -eut enfin des fuites fu- leftes 5 comme avoit eu l'afTemblée : :ar les Ducs de Nemors & de Beau- ort 5 aigris par leurs différends paf- ës 5 ou piqués de jaloufie au fujec le quelques Dames , fe querellèrent )Our prélTéance au Confeil, & fe )attirent à coups de piftolet , ôc le Duc de Nemours fut tué , (a) par le )uc de Bcaufort fon beau-frere. -Cette mort donna de la compaf- ïon & de la douleur à ïOUs ceux qui :Onnoi(roient ce Prince; le public nême eut fujet de le regretter : car ♦utre fes belles & aimables qualités^,

. cfaO ^n vt^ V^ JQ- Jf^UfU 'si

jyi Mémoires

il contribuoic à la paix de tout fojfc pouvoir , ôc lui & le Duc de la Rq.^? chefoucault a voient renoncé aux avantages que Monfîeur le Princje leur devoit faire obtenir par le trai- té 3 pour apporter plus de facili à fa conclulion. Maiî^ia mort de l*anj Ôc la bleiïure de l'autre , laiflèrenf aux amis de Madame de Longuç- ville , toute la liberté qu'ils deû- roient, pour entraîner Monfieurk Prince ; ils n'appréhendèrent plus , que les propoficions de meijer Mr. le Prince en Flandre, fufTent con- tcilées j ils l'ébloiiirent d'efpérancesj ôc il fembla que Madame de Châ- tillon lui parût moins aimable, par- ce qu'il lie trouva plus de rival il- luftre à combattre dans (cm toeur. Cependant , il ne rejptta pas d'a- bord les proportions de paix y mais prenant fes mefures pour faire la guerre , il offrit le même emploi du Duc de Nemours au Duc de la Ro-

% 1 M. D. L. R. 355

çhefoucault , qui ne le pût accep- ter à caufe de fa blelTure j de forte tju'il le donna enfuite au Prince de Tarente.

- Paris étoic alors plus divifé qu'il ^n'avoit encore été , la Cour gagnoic tous les jours quelqu'un dans le le Parlement, & dans le peuple , le tneutre de PHocel de Ville ayant donné de l'horreur à tout le monde : l'armée n'ofoit tenir la Campagne , ôc Ton féjour à Paris augmentoic Paigreur contre Moniicur le Prince. Enfin, Tes affaires étoient réduites au plus mauvais terme , elles eufïènt jamais été, lorfcjue les EC- pagnols voulant égalem^ent empê- cher la ruine & fon élévation , afin de perpétuer la guerre , firent mar- cher une féconde fois Monfieur de Lorraine à Paris avec un corps afïez confidérable, pour arrêter l^rmée du Roi : il la tint même invcflie à Villeneuve-Saint- George, de man-

354 Mémoires' da à Paris , que les ennemis fe- roicnt contraints de donner bataille, ou de mourir de faim dans leur camp.

Cettte efpérance flata Monfieur le Prince , 3c il crût tirer de grands avantages de l'événement de cette adion , bien qu'il foit vrai , que le Maréchal de Turenne ne man- quât point de vivres , ôc qu'il eut toujours la liberté de fe retirer à Melun , fans bazarder un combat. Il le fit auffi 5 fans trouver de réfif- tance , pendant que Monfieur de Lorraine étoit venu à Paris , &c que Monfieur le Prince y étoit malade d'une fièvre continue. Ce fut en ce temps-là 3 que les troupes de Pal- luau joignirent l'armée du Roi, après avoir pris Montrond : le Marquis de Perfan avoit été bloqué dedans dès le commencement de la guerre par le Comte de Palluau , avec allez peu de troupes j mais lorfque la

D E M. D. L. R. 355 ganiifon fut affoiblie , par la faim 3c par les maladies , on l'attaqua de force 5 & on le prit avec moins de réfiftance qu'on n'en de voit atten- dre de il braves gens dans une des meilleures Places du monde , Il on n'y eût manqué de rien. Sa perte dût être d'autant plus feniible à Monfieur le Prince, qu'elle étoit arrivée par fa négligence, puifque dans le temps que Tarmée du Roi étoit vers Compiegne, il pouvoic aifément fecourir Montrond : au lieu que Tes troupes, ruinant les en- virons de Paris , augmentèrent la haine qu'on lui portoit.

Moniîeur le Prince ne fut pas plus heureux, ni mieux fervi en Guienne , la divifion du Prince de Conti & de Madame de Lon- gueville fervit de prétexte à tout ce qui voulut quitter Ton parti. Plu- fieurs villes , à l'exemple d'Agen ^ avoient ouvert les portes aux trou-

35^ Mémoires pes du Roi , & le peuple de Péri- gueux avoit poignardé Chanloft , fon Gouverneur , de chaire la garni*- fon; Villeneuve d'Agenois, k Marquis de Tefbon s'étoic jette, fut la feule qui fe réfolut de fe dé- fendre , ôc elle le fit avec tant de vigueur , que U Comte d'Harcourt fut contraint de lever le liège, il fé- journa peu en Guienne, après cette, petite difgrace j & foit qu'il eût de véritables défiances de la Cour, ou qu'il crût que fe rendant maître de Brifach , de Philifbourg, de de l'Al- face, il pourroit y jetter les fonde- mens d'an établiilèment alTuré ôc indépendant , il partit de fon armée, comme un homme qui craint d'y être arrêté prifonnier, &c fe rendic à Phili(bourg avec toute la diligen- ce polTible.

Cependant la maladie de Mr. le Prince s'augmentoit, de bien qu'elle fût très- violente , elle fut tout^foi^

D E M. D. L. R. 3^7

moins funefte pour lui , que pour Monlîeur de Chavigni; car dans an éclairciflemeiic fort aigre, qu'il 'SUC avec Monfîeur le Prince , il en forcit avec la fièvre, dont il mou- rut (a) peu de jours après. Son mal- leur ne finit pas avec fa vie j ôc la nort , qui doit terminer les haines , Tcmbla avoir réveillé contre lui cel- le de fes ennemis. On lui imputa roures fortes de crimes , Se Mr. le Prince particulièrement fe voulut juftifier à fes dépens des foupçons que les Efpagnols de les Frondeurs conçurent d'un traité fecret avec la Cour. Il fe plaignit donc que Cha- vigni avoit écouté des propoficions de l'Abbé Fouquet fans fa partici- pation , (bien qu'il lui en eût donné charge par écrit ^ & qu'il avoit pro- mis de le faire relâcher fur des arti- cles 3 dont il ne pouvoit fe départir.

) E?t^ 16 j i,agé fenUment de 44. anu

358 Mémoires Monfieur le Prince fie faire auiïi une copie d'une lettre interceptée d< TAbbé Fouquet, dont j'ai vu l'origi- nal où il mandoit à la Cour , qu( Goulas porteroit Monfieur le Du» d'Orléans à fe détacher d'avec Mr le Prince, s'il n'acceptoit les condi tions de paix qu'on lui offroic mais dans des copies, que Mr. L Prince en a données de fa main il mettoit le nom de Chavigni en l place de celui de Goulas ; de fort qu'il l'accufoic en même temps d le trahir , f^.ns en donner d'autre preuves que les copies falfifiées d. cette lettre écrite par le même Abb' Fouquet , avec qui Mr. le Princ îraitoit tous les jours, de en ren doit compte à Chavigni.

Je ne puis attribuer la caufe d'ui procédé ii injufte Se fi extraordinai re, qu'à l'extrême envie , que Mr. l Prince avoit de faire la guerre , la quelle étant combattue par fes amis

DE M. D. L. R. 3 59

lui lit changei" de conduite avec eux> Se donner toute fa confiance aux Efpagnols.

En ce temps, le Duc de Bouillon mourut auiTi à Pontoife. Mort, qui devroit guérir les hommes de l'am- bition , & les dégoûter de tant de plans divers qu'ils font pour leur élévation. Car l'ambition de ce Duc étoit foi^itcnue de toutes les grandes qualités , qui pouvoient la rendre heureufe : il écoic vaillant , Ôc fça- voit parfaitement les ordres de la guerre ; il avoit une éloquence fa- cile 5 naturelle , &c infinuante j l'ef- prit net , fertile en expédiens , ôc propre à foûtenir les affaires diffici- les j le fens droit & un difcerne- ment admirable. Il écoutoit avec xiouceur , les confeils qu'on lui donnoit , & il faifoic tant de cas des raifons des autres , qu'il fembloic en tirer Tes réfolution. Mais ces avantages lui furent inutiles par l'o-

^(jo Mémoires

pini arrêté de fa fortune , qui s'op-

pofa toujours à fa prudence.

Les Efpagnols ven^eoient par une longue Ôc rude prilon l'entreprifc que le Duc de Guife avoit faite fur U Royaume de Naplcs , & ils fe mon- troient inexorables depuis long- temps à tous ceux qui les preC foient pour fa liberté. Ils l'accor- derent pourtant à Mr. le Prince .. ôc ils renoncèrent en cette rencon- tre , à une de leurs principales ma- ximes ; pour le lier encore plu; étroitement à leur parti , par um déférence , qui leur eft fi peu com- mune.

Le Duc de Guifè reçut donc h liberté lorfqu'il l'efperoit les moins ôc il fortit de prifon , engagé pai un fi grand bienfait , & par fa pa- role , dans les intérêts d^ Mr. 1< Prince. Il le vint trouver à Paris ôc croyant peut-être s'être acquitté par quelques complimens , & pai

quelque.'

B E M. D. L. R. 364

tjuelques vifites , de ce qu'il lui de- voit , il s'en alla bien-tôt après au- devant de la Cour , pour offrir au Roi ce que de (i grandes obligations lui faifoient devoir à Mr. le Prince,

Dès que Monfieur de Chavignî fut mort 5 Mr. le Prince commença à prendre toutes Tes mefures , pour partir avec Mr. de Lorraine -, de en effet fa conduite avoit rendu ce confeil fi nécelfaire, qu'il ne lui reftoit de parti à prendre , que ce- lui-là ; car la paix étoit trop géné- ralement defirée à Paris, pour y pouvoir demeurer avec sûreté dans le deffein de l'empêcher. Monfieur le Duc d'Orléans , qui de Ton côté l'avoit toujours defirée , de qui crai- gnoit le mal , que la préfence de MonGeur le Prince lui pouvoit at- tirer , contribua d'autant plus vo- lontiers à Ton éloignemenr , qu'il Te voyoit par-là en liberté de faire Ton traité particulier,

Tçme //. Q^

}6i Mémoires

Bien que les chofes fuflent en ces. termes , elles n'avoient pas arrêté le cours ordinaire de la négociation ; car dans le temps que le Cardinal Mazarin fortoic pour la féconde fois du Royaume , pour faire cefler le prétexte de la guerre civile, ou pour faire voir que Mr. le Prince avoic d'autres intérêts , que fon éloigne- ment j il envoya Langlade Secrétai- re du Duc de Bouillon vers le Duc de la Rochefoucault , foit qu'il eut véritablement delfein de traiter pour faciliter fon retour j ou qu'il prétendit tirer quelques avantages , en faifant paroître qu'il defiroit la paix. Enfin Langlade vint avec des conditions beaucoup plus amples , que toutes les autres , &c prefque conformes à ce que Mr. le Prince âvoit demandé -, mais elle furent également refufées , ôc fa deftinéei qui l'entraînoit en Flandres , ne lui' a permis de connoîcre le précipice ,

D È M. D, L. R. 565

que lorfqu'il n'a plus été en état de s'en retirer (a). Il partit enfin avec Mr. de Lorraine , après avoir pris de vaines mefures avec Mr. le Duc d'Orléans , pour empêcher que le Roi ne fût reçu à Paris : mais foîi crédit n'étoit pas alors en état de balancer celui de la Cour. Il eue ordre de fortir de Paris le jour que le Roi y de voit arriver, & il y obéît à Pheure même , pour n'être pas té- moin du triomphe de Tes ennemis (b) au{ïi-bien que de la joye pu- blique.

(a.) Ut evenit in confîliis infelicibus ; optima videbantur, quorum tempus effu- gerat. Hijl. i,

(h) Ne difîîmilitudo fortuna: gloriaat (inimicorum^ augeret. Ann. i j.

a*

3^4 Mémoires

SUT? LE MENT AUX RELA-

tions des Guerres de Paris & de

Cuienne*

I. ;

LA ralfon qui a obligé Mr. le Prince à quitter le comman- demenc de l'armée après la bataille de Lens , a été non feulement la crainte de bazarder fa réputation après tant de grands événemens; mais encore le defir de jouir du fruit de fes victoites (a) , & d'être dans les affaires en un temps , la foiblelfe du Gouvernement faifoit croire; à fes procbes , 6c à fes amis, .^u'il feroit le maître de la Cour. ^

'■(î() Redire ad decretiim triumphum ; fatis^cimevcntuiim •■, fatis cafuum ; pro{- pera iUi & tnagna pra:lui. Ann. i.

D E M. D. L. R. 3^5

II. Sous prétexte de rendre vilite à Madame de Longueville, qui étoic à Noi/i 5 les Frondeurs en2:a2:erent le Prince de Comi , &: le Duc de Longueville , à entrer dans les inté- rêts du Parlement , l'on vouloic même , que Monfieur le Prince eue promis d'entrer , comme le Coad- juteur l'a toujours dit depuis , &: le lui a même reproché dans le Parle- ment. Ce qui produifit le démêlé , que ce Prélat eut au Palais avec le Duc de la Rochefoucault , & penfa être caufe de fa perte. Or quoique Mr. le Prince défavoue de lui avoir jamais donné cette parole, l'apparen- ce eft très-grande , qu'il avoi: bien voulu fe faire Chef des Frondeurs , fur l'efpér an ce qu'il avoir de les pouvoir mettre dans les intérêts de la Cour , aufquels il étoit autanc attaché que jamais , quelque mine qu'il fit. Mais comme il s'apperçûr, qu'ils ne lui donneroient point d'au- Q. 5

^66 M E M O I R I s torité fur eux, qu'autant qu'il lui en faudroit pour détruire la puiflance qu'il vouloir maintenir , il feignit d'oublier lui - même d'avoir jamais eu de correfpondance avec eux.

IIÎ. Le départ de Saint Germain eu Prince de Conti , des Ducs de Longueville &de la Rcchefoucaulr, ôc du Marquis de Noirmouftier , fut un effet des mefures prifes à Noifi. Monfieur le Prince qui étoic tout-à'fait dans le parci de la Cour, y fit aller Ton frère. Le Duc de Lon- gueville s'y rendit auflî , tant par fon irréfolution naturelle, que par l'efpérance , que les chofes s'accom- modercient ; mais comme le Duc de la Rochcfoucaulc, Se le Marquis de Noirmouftier furent interellési par leur liaifon avec les Frondeurs à^ lui faire tenir fa parole , ils le con- traignirent enfin à fuivre le Prince de Conti à Paris. Il eft vrai que n'y étant pas arrivés dans le temps qu'ils"

D E M. D. L. R. 3^7

a voient promis , ce retardement avoit obligé le Parlement à recevoii* •les offres du Duc d'ElboÊuf, de à lui donner la Charge de Général : & ce Duc fit d'abord fa cabale Ci pui fian- te dans le Parlement , de parmi le peuple, qu'il fut en fon pouvoir d-c faire arrêter le Prince de Conti (a) , ôc tous ceux qui l'avoient accom- pagné ; les accufant d'être d'inrelli- •gence avec la Cour, ôc d'être venus de concert avec Moniieur le Prince qui avoit abandonné le Parlement. Cela pafTa Ci avant , que l'on mit des Corps de Garde devant l'Hôtel de Longueville , de qu'enfin le Prince de Conti , & la DuchefTe de Lon- gueville 5 furent contraints d'aller* loger à l'Hôtel de Ville. Mais ce

0-4

(a) Tant unfeul homme qui a du cou~ rage , efi capable de fe faire valoir dans U7ie guerre civile , dit Tacite. Tanîùm civililDUS difcordiis eiiam fingulorum au- dacia valec. Hijl. 3.

3^8 Mémoires qui avoit attiré fur eux le foup- çon 5 c'eft que l'engagement qu'ils avoient pris dans le parti du Parle- ment, n'avoit été confié qu'à très-pe)i de parriculiers de cette Compagnie, qui n'oferent même s'en déclarer^, que quand la préfence de Mr. \c Prince de Conti , &c de ceux qiji l'avoient accompagné , leur laiflajla liberté de publier ce fecrer. .^^n IV. Les vivres , qu'on laifîà en- trer à Paris , ne furent point l'effet d'aucunes intelligences de Moniieur le Prince avec fes proches , qui y €toient enfermés j car ils n'ont ja- mais été fi brouillés enfemble qu'en ce temps-là ; mais ce fut par l'ex- trême delir que la Cour avoit de pa- cifier promptement les chofes avant l'arrivée de l'Archiduc Se de fon armée , & le foulevement entier de toutes les Provinces. Et l'entrée des vivres étoit une conditions , fans laquelle on ne vouloit point com- mencer la conférence.

DE M. D. L. R. 3(^9 V. Le principal fujet de la brouil- leiie qui arriva entre Mr. le Prince 6c le Cardinal , vint de ce que celui- ci rejetta la haine des peuples fur l'autre, Se le fit pafïèr pour auteur de toutes les violences qu'ils avoienc fouffertes. De forte que Monsieur le Prince , qui crût ne pouvoir mieux détruire cette imprelïîon, que par le moyen des Frondeurs , dont les peu- ples époufoient les affedions & les fentimens , fe réfolut Aq Çc recon- cilier avec eux , en faifant un éclat contre le Cardinal , & en leur fai- fant voir qu'il n'étoit pas dans une telle dépendance de la Cour , qu'ils avoient cru. Ce n'cft pas qu'il fie cela , pour fe déclarer leur Chef; mais pour être plus redoutable à la Cour 5 pour fe remettre dans l'ef- prit des peuples , & pour en faire fa condition plus avantageufe. Et d'au- tant qu'il avoit fenti le mal , que la divifion de fa famille lui avoit eau-

370 Mémoires

5 il fouhaita ardemment de Ce re- concilier avec le Prince de Conri, avec la Ducheflè de Longueville , ôc avec le Duc de la Rochefoucaulc qui avoit alors toute la confiance du Prince de Conti 6c de la Du- cheflè de Longueville. Ce fut donc pour toutes ces raifons qu'il prit le prétexte d'éclater, fur le refus qu'on £t au Duc de Longueville du Gou- vernement du pont de l'Arche : ôc comme il ne vouloir pas demeurer long- temps à la Cour , il crût bien- tôt en avoir aflèz fait , ôc fe raccom- moda dans huit huit jours avec le Cardinal. Cela lui fit perdre de nouveau les Frondeurs ôc les peu- ples 3 de ne lui donna aucun avan- tage que la réunion de la famille.

VL M on (leur le Prince appuya les intérêts de Bordeaux , pour obli- ger à bon marché un grand Parle- ment Se une puiflante ville, ôc afin que cela le rendit plus confidérable

D E M. D. L. R. 571

3 la Cour y de le mît plus en éta: d'en tirer des avantages. VII. La liaifon du Prince de Con- ti avec l'Abbé de la Rivière fe fit fans la participation de Monfieur le Prince : c'eft- à-dire , Monfieur le Trince n'y eut autre part , que de ^confentir, que l'Abbé de la Rivière fit obtenir dans la paix de Paris à Mondeur le Prince de Conti , foix 'rétablilîement dans Tes Gouverne- mens ; celui de Monfieur de Lon- 'gueville dans le fien , dont il avoic été refufé abfoltiment par la Cour , & de plus le Gouvernement de Damvilliers , moyennant que Mr. le Prince de Conti renonceroit au Chapeau en faveur de l'Abbé de la Rivière, Ce fut le Duc de la Ro- chefoucault , qui traita cette affaire- , parce que le Prince de Conti ne vculoit pas être d'Eglife , & parce qu'il jugea , que tant que l'Abbé de la Rivière efpéreroit d'ê- 0^6.

37i Mémoires tre Cardinal , il feroit toujours pren- dre à Monfieur toutes les meiures , que Monlieur le Prince de Condé defireroir. Cela réulïit ainii jufques à la prifon des Princes , que l'Abbé de la Rivière fut chalTé du confente- ment de ces Meffieurs. -^

VIIL L'affaire de Jolly n'a ja- mais été bien éclaircie , pour en pou- voir parler affirmativement : majs ce que j'en crois , c'eft que ce fut la Boulaye , qui fufcita la féditioa du matin par la participation du Duc de Beaufort ; èc qu'il eilaya le foir d'en fufciter une féconde , pour faire peur à la Cour , ôc fe mettre par à couvert de la première. Aufîi 5 le Cardinal , qui cherchoic depuis long-temps , les moyens de mettre le Prince de Condé en guerre ouverte avec les Frondeurs , fe fervit de cette conjoudure, pour les divi^ fer irréconciliablement. Il fit croire au Prince de Condé , qu'on en

DE M. D. L. R. 571

vouloir à fa perfonne. La démonf- tration , qu'il en fit au Pai-lement , donna enfin lieu aux Frondeurs de fe reconcilier avec la Cour , & de faire le projet de la prifon des Prin- ces , qui s'éxécura bien-tot après > & qui produifit tous les maux , que tfious avons vu arriver depuis.

MANIFESTE DE MON^ jpi» fieur le Prince de Condc , contenant -■' les véritables raifons de fa [ortie de Paris le 6. Juillet 165 i.

JE ne doute pas que ma fortic n'ait beaucop travaillé les efprits de ceux , qui ne fçavent pas les raifons , qui m'ont obligé de la pré- cipiter 5 même en un temps , je devois préfumer qu'il ne fe pouvoic que ce départ ne fut necelTairement fuivi de i'éconaeinent public , ^^ns

374 Mémoires la créance générale qu'on a que je donne le branle à cous les mouve- mens de l'Etat , ôc que je balance fi puiffamment les affaires, qu'elles ne prennent jamais d'autre pente , que celles que je leur donne au gré de mes feules inclinations.

Si ceux j qui font dans ce fentN mcnt , ne jugent de ia forte qu'en- fuite de la haute réputation que je me fuis acquife dans une infinité de rencontres , oii j'ai toujours pris plaifir de prodiguer mon fang , afin d'en cimenter la gloire 8c le repos de la France i je leur avoue , qu'ayant eu ce bonheur dans toutes mes etl- treprifes , que de les avoir faites conftamment réliilîr , tant au gré de ma propre 5c jufte ambition ,, qu'à l'avantage de la Royauté, pour la défenfe de laquelle je n'épargnerai jamais ni mon honneur , ni mes richelîès , ni ma vie ; il n'eft point 4c véritable zélateur du bien de la

D F. M. D. L. R. 375

Monarchie , qui ne m'aie toujours déféré, comme à celui ^ qui n'ayant pour but que les intérêts de l'Etat, ne pou voit par même raifon man- quer de juftifier tous les mouvemens de ceux qui voudroient régler les leurs au niveau de ma conduite.

Auiîi puis-je proteller à toute la France , que je n'ai jamais eu d'au- tres ennemis que les fiens j de que je ne fuflè jamais tombé dans le malheur qui fit , il y a deux ans ^ triompher Hnjuftice de ma géné- roiité , fi les perturbateurs du repos public n'euflènt bien prévu, que je ne ferois jamais afïez lâche pour complaire fervilement au deflèiii qu'ils av oient de traverfer le repos de l'Etat ; &c que loin de les favori- fer 5 je ferois le premier à contre- miner toutes leurs menées , par les obftacles invincibles que l'honneur & la qualité de premier Prince du Sang me devoit obliger d'y former ^ pour Ie§ intérêt du peuple.

37^ Mémoires

Cette haine , qui fembloit avorr été pleinement alToiivie par un cruel emprifonnement de quatorze mois 5 ôc que le banni(ïèment du Cardinal me faifoit déformais re- garder comme incapable de me pouvoir nuire , m'a fait voir par à& grands indices , qu'elle n'avoit lâ^ ché la prife de trois Princes , que par force j & que les créatures d\i Cardinal , appuyées de l'autorité Souveraine , la nourrifloient dans leur cœur , pour la faire éclater à la première occalion , par un fécond attentat , qui leur eût réiillî , fans doute. Cl leur imprudence ne m'eut oblige de me dérober à leurs em- bûches.

J'avoue 5 que depuis mon élar- gilTement je n'ai jamais vécu que dans les appréhendons > quoique fecrettes , de cette féconde entreprîï- fe 5 Ôc que je me fuis toujours dou- té 3, que cet heureux calme que mon

T> I M. D. L. R. 377

ëlargifTement avoit ramené dans la France , étant incompatible avec l'impatience de mes ennemis , ne manqueroit jamais d'être troublé par ceux , qui ne fe font il prodi- gieufement agrandis qu'à la faveur des défordres de la France. Mais je croyois , qu'ils auroient encore allez de prudence , pour épargner cette rude corvée au déclin de la Minorité ; & qu'ils attendroient du moins , que l'autorité d'un Majeur leur fît efperer un favorable fuc- ces 5 en fécondant le deilèin qu'ils

.auroient de me faire arrêter. ^ Cette précipitation me fait croi- re qu'ils ont prcflénti , que l'inno-

,cence de mes intentions ^ & la fidé- lité de mes fervices , ne pourroienc jamais être décriées dans l'idée de jpotre jeune Monarque, lequel étant

parfaitement inftruit des trahifons de leurs monopoles , & de la iincé- nté de mon procédé ^ bien loin de

37S Mémoires les favoriler, feroit pour me juftî- fier 5 par la faveur de fon autorité, dans la créance publique : & poui cette raifon ils ont jugé qu'il faU loit prévenir ce temps fatal à leurs perverfes intentions, &c tâcher de fe faifir de ma perfonne , avant que le Roi fut en état de fîgnaler le pre- mier coup de fa Juftice , par 1^ condamnation de leur injuftice , & par la juftification entière de mon innocence.

En effet , depuis le temps de mon élargilTcment, de de la chafïè que la Juftice a donnée au Cardinal , les Et allons de fa tirannie , ont il cauteleufement difpofé les affaires > à l'exécution de ce fécond attentât , forçant pour cette intention les dé- bonnaires inclinations de la Régen- te , que la France étoit à la veille der'avoir le Cardinal fur les bras, &c de retomber dans le malheur des dernières guerrres 5 -fi par le confeil

15 E M. D. L. R. 3-^9 ée mes amis je n'eufTe préféré une prudente fuite à une vigourcufe réliftance , pour obvier aux troubles qui en feroient arrivés.

Je penfe qu'il n'eft point àe fu- jet 5 quelque ignorant qu'il foie dans les affaires d'Etat, qui ne foie parfaitement inftruit des brigues continuelles que les ennemis de notre repos n'ont jamais interrom- pues, pour le rétabliifem.ent du pro- tedeur de toutes leurs menées j Sc -pour tâcher de me faire condefcen- dre à cette fanglante cabale , dont les proposons ne m'ont jamais fem- blé que très-criminelles, èc dont j'ai toujours jugé que le paiti n'étoic pas moins défavantageux à la tran- quillité de l'Etat , que celui qui fe forme tous les jours ou dans Bru- xelles , ou dans Madrid.

Il eft vrai que le motif de ces propofitions fembîoit du moins appuyé d'un prétexte Tpécieux, que

380 Mémoires les émiflaires de Mazavin emprun- toîent du mariage du Duc de Met» cœur avec la Mancini, prétendais qu'après cette aliance du Sang de Vendôme avec celui d'un étrangeir inconnu, les raifons de s'oppofer au rétablidèment du nouvel oncle n'é> | toient plus que des opiniâtretés ar* tificieufement déguifées, de qu'on ne pouvoir plus empêcher Ton re- tour, à moins qu'on ne fut en àeC- fein de vouloir allumer des guerres civiles , par les efforts que Tes par- ti fans feroient contre les plus juftes réfiftances de ceux qui refuferoient de le iic^ner.

Si Son Alteflfe Royale , que j'ai toujours regardé comme le niveau de ma conduite , ne fe fût conftam- ment infcrit contre la féditieufe propolîtion qu'on faifoit de r'ap* peller ce Cardinal ; je crois que tant d'importunités eurfènt du moins ébranlé ma confcience , ôc que

B E M. D. L. R. 381 'eufle eu bien de la peine à réfifter

tant de pourfuites : mais outre ue mon confentement eût été tuès- lutile , j'ai crû qu'il ne falioit ja- mais fléchir après cet illuftre exem- le; &c que je devois cette force /efprità la foiblede d'un Mineur, .ont le Trône devoit infaillible- iient être ébranlé par les troubles , [ue le retour de cet ennemi eût alTu- ément excités dans le Royaume.

Ces oppolîtions , que la qualité le Prince du Sang ne m'a jamais aiffé interrompre , ont enfin fait :onclure aux émiffaires du Cardi- nal 3 le funefte delTein de me faire arrêter; fur la créance qu'ils ont ^ûë, que s'ils m'avoient une fois lié les bras, ils auroient plus de liber- té de travailler au rétablilTement de ce profcrit , de qu'ils n'auroient qu'à s*-a{îurer de ma perfonne , pour fe mettre à l'abri de toute forte de dangers. oriv^.^^iii

582 Mémoires

Le dcfTein étoit fur le point d'être exécuté , lorfque je m'en fuis apper- çu 5 & que ceux qui obfervoient foi- gneufement la contenance de mes ennemis 5 m'ont averti qu'il étoic temps de fonger à ma fureté ; ôc que la violence des affaires ne permet- toit pas à ceux qui avoient ce dertèin , de le différer davantage , de peur de le voir avorter , par la promptitude avec laquelle j'en an- ticiperois aflurément l'exécution. Voilà l'unique motif qui ma fait fortir de Paris , & qui ne fera pas défapprouvé de ceux qui conddére* ront , que ni ma détention , ni le retour de Mazarin ne pourroient arriver qu'avec le danger manifefte de voir retomber la Monarchie dan^ les dernières convulfions.

Mes ennemis pourroient bien fair re paflèr cette raifon pour un beau prétexte du motif qu'ils voudroienc feuflèment imputer à ma fortie ; û

D E M. D. L. R. 38^

e n'établiilois le foupçoii de cette :onjediire fur des raifons éviden- esj ôc fi je ne faifois voir par Pau- orité des preuves de tout ce qui fe )allè de fecret dans PEtat , qu'on 'eut rappeller le Cardinal Mazarin i quel prix que ce foit , pour le aire remonter au timon de la Mo- larchie j ôc que par conféquent , )n en veut à l'Etat ôc à ma per- bnne.

Les deffeins inconnus que le Coad- iuteur de Paris Ôc le Sieur de Lion- le pratiquent fecrettement dans un :ommerce fi grand, qu'il marque ane amitié très-particulière , de qui le peut être fi étroitement renouée après un mortel divorce , que pair an motif qu on peut raifonnablemcnç foupçonncr , me font juftement ap- préhender les effets que je laifle au raifonnement politique d'un cha- cun j puifque l'un étant le plus mor- tel de tous mes ennemis > ^ l'autre

384 Mémoires le plus zélé des partifans du Gardi- nal j il me femble , que ce n'eft pas fans raifon , que je me défie du fuc- cès de leur négoce.

Ceux qui fçavent les noms des perfonnes , que mon emprifonne- inent avoit unies avec le Coâdju- teur 5 par le faux précexte d'un prin- cipe d'amitié , & que le mauvais fuccès d'une alliance préméditée a mortellement aigries contre ma maifon, ne pourront condamner la jufte crainte que j'ai , que leur réii- nion , appuyée du bras Souverain que je refpeàe , ne fiu à la fin pour difpofer une féconde fois les affai- res à ma perte j l'expérience m'a- yant appris . qu'on ne fçauroit ja- mais trop fe défier de la conduite du temps , ni des fourbes , que le Cardinal Mazarin a fait gliffer dans la politique de la France.

Je voudrois encore imputer ce grand commerce du Coadjuteur &:

du

D E M. D. L. R. 385 du Sieur de Lionne , au renouvelle- ment de quelque amitié innocente Contradtée par les inftinds de quel- que autre motif, H le voyage du Duc de Mercoeur, qui partit, il y a quelques jours , pour Cologne , à deiïèin d'aller voir fon oncle le Cardinal , ne me faifoit encore plus raifonnablenient foupçonner , qu'en effet on a braffé le dellèin de rap- peller malgré moi ce profcrit. Les politiques jugeront, s'il leur plaît, de la fincérité de mon procédé , cnfuite du voyage de ce Duc , de confidereront , Ci ce n'eft pas avec grande raifon , que je me fuis allar- du retour de cet ennem.i com- mun , qui tout abfent qu'il eft , gouverne la Monarchie plus fouve- rainement que jamais.

Si la France confidéroit le Car- dinal Mazarin , comme le véritable ennemi de l'Etat , n'eft-il pas vrai que la plus grofïicre politique ne lui

Tomç II. R

586 Mémoires défendroit pas leulemenc ce com- merce Cl vidble , avec le pertuir- bateur de ioii repos j mais même robligeroit de le choquer ,, lui. &; tout fon parti , pour détromper en-t lieremeiic les efprits de l'idée pré-» tendue , ou véritable qu'on auroit ^ qu'elle vivroit encore avec lui dans une fecrete intelligence ? Tant s'en faut qu'elle fc comporte de la forte^ que non contente d'avoir conftam-» ment entretenu fon amitié , par l'en- tremife des Couriers exprès qu'elle lui dépêchoit fecretement , elle a enfin confenti , qu'un Prince même ait entrepris ce voyage , ôc qu'à la barbe de tous les fujets de l'Etat, que les tyrannies de cet Etranger avoient unanimement foulevés , il s'en allât lui porter les nouvelles ef- pérances certaines de fon prochain rétabliiTcment.

On d beau déguifer cette fortie du Duc de Mercocur , ôc la vouloir

D E M. D. L. R. 3 Sx

faire palTer pour une promptitude d'un jeune Prince , que les mouve- mens d'une première boutade ont fait échapper des mains de ceux qui l'épioient de bien près. Ce beau pré- texte ne peut amuier que des efprits foibles 5 ou ceux qui ne fçavent que cette fortie fe trouve dans une con- joncture d 'affaires , qui m.e fait dé- fier trop raifonnablement du de(îèia qu'on avoit , ou de rappeller Maza- rin 5 fuppofé qu'on pût m'arrêcer ; ou de lui donner un lieu de lureté dans les dépendances de la Couron- ne j (i j'avois alTez de pouvoir pour faire avorter les defleins de mes en- nemis fur ma liberté.

Toute la France n'eft que trop infti'uite des importunités extrava- gantes du Cardinal , qui ayant été condamné à fortir de l'Etat pour des malverfations , qui feroient ca- pables de faire exécuter à mort cent premiers Miuiftres , a néanmoins eu

R 2

388 Mémoires l^efFronterie d'interefTer vivement toutes fes créatures , pour obtenir vm azile dans quelque Place forte dépendante de la Couronne. Qiioi- quc cette proportion ait été fifflée dans le Confcil , elle n'a pas laifle de trouver des agens fecrets, qui fé- duifant méchamment la bonté na- turelle de la Régente , ont porté fon efprit à des confeils, aufquels elle n'eût jamais confenti , fi elle n'eût été malheureufement obfcdée par ceux qui ne fubriftent que par leurs fouplclîes, ôc par leurs fourbes.

Pour cet effet , ces fecrets ennc- rnis de l'Etat , ayant jette les yeux fur Brizac -, c'eft-à-dire, fur une des plus fortes Places de la Chrétienté (i îe font imaginé que leur maître fe- roit à l'abri de toutes les menaces des bons fujets de la France , s'ils pouvoient trouver le moyen de lui en ouvrir la porte , en procurant ce Gouveniement à quelqu'une de fes

I

DE M. D. L. R. 389

créatures. Le defTein a réiilTi parfai- tement à leur gré , par la faveur de Charlevoy , Lieutenant pour le Ro£ dans Brizac , lequel leurré par les MazarinSj des efpérances d'une plus haute fortune , a fi fecrettement mé- nagée fa trahifon contre le fieur de Tillaclct, Gouverneur de la Place , qu'il l'en a chafle fans autre ordre , que celui des fecrettes intelligences qu'il a eues pour cet effet avec les émiflaires de ce profcrit.

Ce qui me fait croire , fans aucun doute 3 que mes ennemis , & ceux du repos de la France , deftinenc Brizac pour en faire le Port , Mazarin confervera le débris de fon naufrage ; c'effc que je vois qu'on en donne le Gouvernement à Var- dcs y in (igné partifan de ce Cardi- nal 5 & lâche déferteur du fervicc de Son Alteflè Royale. Et Comme cela fe fait dans la conjondure da départ du Duc de Mercœur pour

R 3

390 Mémoires Cologne 5 ce n'eft pas fans raifon , <]^ue je fonpçonne que ce Prince t'en va lui faire efcorte , comme pour l'y conduire avec plus d'éclatj pour la réparation de fa gloire , flc- riie par tant d'Arrêts.

Que dois- je foupçonner autre chofe de cette aflutance , qu'on procure au plus grand de mes enne- mis 5 & au boutefeu des defordres de cette Monarchie ? Ne puis- je pas dire fans témérité , qu'on en veut à ma perfonne j qu'on en veut au repos de la France , qu'on en veut au Trône de mon Roi ; qu'on en veut à la tranquillité des peu- ples ; puifque malgré les ré(i(l:ances JduConfeil, ô: malgré tous les Fran^ ^ois 5 on fe fert de toutes fortes de foupleflès 3 pour lui chercher un lieu c lurete ?

Toutes ces raifons , ne feroient encotc que des prétextes , que je ne fcrois palier que pour de foibles

D E M. D. L. R. 391 préjugés de l'attentat que les Ma- zaïius méditent une féconde fois fur ma peiTonnc , li deux ou trois cent perfonnes armées, qui rôdaient toute la nuit du ilxiéme du courant, dans le Fauxbourg Saint Germain , ôc le Régiment des Gardes redoublé en même temps , ne m/cnUent fair entrer en foupçon de Pentreprife -qu'on alloit exécuter 5 après l'avoir concertée prefqiie depuis le temps de mon élargiiièment. Cette con- jonéture , fortifiée des confeils de tous mes amis , ne m'a plus permis de différer mon départ , afin de pourvoir à ma fùrecé, par une prom- pte retraite , que j'ai même été coi>- traint de précipiter , de. peur de me voir obligé à quelque réiiilance , que je n'cuiTe janxais pu former , fans troubler la tranquillité publi- que. Encore en eut-il fallu venir aux mains , dans la rencontre q»je j'ai faite à ma fortie , de deux ccnz

3^2 Mémoires

Mazarins armés , fi ma feule pre- fence ne les eût combattus , ou ne les eût du moins empêchés de tra- verfer ma fortiespar l'appréhenfion qu'ils ont eue , que m.a réfiftance ne fift honteufement avorter toutes leurs attaques.

Voilà une bonne partie des motifs & des raifons , qui m'ont obligé de me retirer à Saint Maur , en atten- dant que la Juftice conjurât Torage que mes ennemis alloient faire tom- ber fur ma tête. Ai- je pu , ou plutôt ai-je me comporter avec plus de précaution ? Pou vois- je plus pru- demment épargner le repos public, que j'eufïè fans doute mortellement traverfé , fi j'eufïe armé , pour ma défeufe , tous ceux que la juftice de ma caufe eût pu intereflèr pour la querelle de mon parti ? Qu'on juge de mon procédé ; qu'on en balance les raifons ; je ne rccufe aucun J^ge , pourvu quUl foit dç-

DE M. D. L. R. 395

fintereiïe ; & je protefte à toute la France , que fi je n'avois une par- faite fincerité pour la gloire de Ton fervice , je ne ferois pas maintenant réduit à l'état je me vois , par les injuftes pourfuites de mes enne- mis.

Après avoir naïvement expofé les motifs de ma fortie , je penfe qu'il ne fera pas hors de propos de faire voir les raifons qu'on a eu de me perfecuter , après que mon élargiffement , fi genereufement procuré par la Juftice , m'avoit , ce lemble , mis en état de ne pouvoir plus être traverfé par les efforts de la calomnie.

La première , ou plutôt la feule raifon générale , n'eft autre que l'a- verfion , que des Partifans du Car- dinal Mazarin ont conftammenc entretenue contre moi , depuis que forcés de confèntir à mon élargifle- ment 5 ils ont été contraints de difr

35?4 Mémoires iimuler leur haine , jufqu'à ce que quelque autre occafîon les mk en écat de la produire , ou de l'étein- dre tout-à-faic 3 fuppofé qu'ils pûf- fent fléchir la réfolution que j'a- vois prife de ne démordre jamais du deflèin d'être l'ennemi le plus irréconciliable du Cardinal Maza- rin. En effet, je ne doute pas , que les importunités qu'on m'a faites incelTamment pour tâcher de m'cn- gâger dans Ton parti , & que j'ai toujours repoulTées comme des fug- geftions criminelles , n'ayent été les caufes des complots qu'on a braf- fcs contre ma perfonne : aufïi ne m'a-t'il jamais été pofïible de rafTu- rer mon efprit dans l'idée qu'on me vouloir faire concevoir , que mon emprifonnement avoit encierc- inent effacé tout ce qu'on avoit con- çu de mal -talent contre l'innocen*- ce de ma conduite : parce que je Toyoisa que l'efprir du Cardinal

D £ M. D. L. R. 55)rj animoic encore fouverakiement cou- re la Cour j que Tes créatures étoienc mieux écoutées , que les Princes du Sang ) ôc que le^ expéditions des affaires importantes ne fe faifoienc jamais , à moins qu'elles ne fufTènc autorifées du confentement de celui qu'on a honteufement chaiTé, com- me un criminel d'Etat.

Il ne feut pas être fort iittelligent dans les affaires d'Etat , pour fça- voir 5 que la Cour ne reculoit Ci conftamment de me donner le Gou- vernement de Guienne , que parce- ■que le Cardinal ne le trouvoit pas à propos •>, & qwf» fa politique lui faifoit fbrgéï des fantômes , plutôc que des raifons , pour appuyer l'in- juftice de ce refus. Il ne faut pas , dis- je 5 pénétrer bien avant dans les fecrers d<^ l'Etat , pour voir que la négociation de Sedan , qu'on â donnée en échanse du Duché de Bourgogne à la Reine Ressente , e(i R "^

39^ Mémoires

un des plus vifibles effets de fes îiv trigues , Se du defïèin qu'il a de trouver une porte pour rentrer dans le Gouvernement de la Monarchie.

Cette forte obftination de la Cour à pourfuivre le retour de Ma- zarin , & à fe défier de ma con- duite 5 parceque j'y formois les plus puiffantes oppofitions, m'a fait épar- gner les viiites , que mon devoir iTie faifoit fouvent réitérer dans le Palais-Royal , jufqu'à ce que par la faveur de Son Altefïè Royale , qui s'efi: entremife pour donner quel- que meilleure & plus véritable idée de la fîncérité de mes déportemens, je pu(ïè çonnojtre , que je n'y étois plus regardé de Ci mauvais oeil , & que je pouvois cfperer de n'y être plus traité avec tant de défiance.

Mais cette illuftre entremife n'a pas été moins inutile que les efforts que je faifois conftamment pour en faciliter la crçance j d< les c^lom-

D E M. D. L. R, 397

nies de mes ennemis ayant prëvahi par-deiïus les bons offices du Lieu- tenant-Général de l'Etat 3 on n'a pu davantage tirer en longueur le def- fein de me perdre, pour fauver, aux: dépens d'un Prince de la Maifou Royale, les débris de la fortune d'un inconnu. Il eft vrai qu'on n'en a précipité l'exécution , que parce- qu'on a vu que le mariage du Duc de ^'lercœur étant découvert, il n'étoic plus temps de complaire aux oppo- ïîtions de la France , &c que cette alliance du Cardinal Mazarin avec la Maifon de Vendôme juftifieroic déformais tous les efforts qu'on feroit pour difpofer les affaires à fon retour.

Tellement qu'on peut aifément conclure, que ma difgrace efl un pur effet des oppolîcions que j'ai conflamment formées contre le ré- tablKîèment de cet ennemi public, di qu'il ne tiendroit qu'à moi de

55?S Mémoires me remetne hautement dans la fa- veur 5 avec une pleine affurance , qu'on afTouviroit toutes mes ambi- tions 5 fi je voulois féconder le per- nicieux defTein qu'on a de rappel- 1er ce Cardinal au Gouvernement de l'Etat. Mais à Dieu ne plaife , que je me ravale jamais jufqu'à cet- te lâcheté 5 qui me rendroit fans doute crim.inel d'Etat > dans la par- faite connoiïfance que j'ai qu'on lie fçauroit procurer ce retour fans ébranler daneereufement cette Mo- narchie: à Dieu ne plaife, que je remette ce fardeau intolérable fur les épaules des peuples, que les fai- -gnées pialïees , dont cette fangfue s'eft cruellement engrai(ïëc , ont réduit jufqu'à la dernière nécelfité v â Dieu ne plaife, que je donne fujet •au Roi Majeur, de me reprocliet d'avoir contribrué en aucune façon au rétabliffemcnt de celui qui ne peut revenir que pour ramener avec

D E M. D. L. R. 399 foi toutes fortes de troubles dans la Monarchie.

Je fçai trop ce que je dois à Sa Majefté pendant le temps de fon enfance j ce que je dois à Son Altef- fe Royale , qui s'eil li vigoureufe- ment entremife pour briier les fers de ma captivité j ce que je dois aux Parifiens , qui me font la faveur de me regarder maintenant comme recueil fatal de cecce tirannie étran- gère, & comme le reftaurateur de leur ancienne & jufte liberté; ce que je dois à toute la France , la- quelle s'étant 11 généreufem.ent inte- reiféc pour mon élargi (ïèment , exi- ge juftement de ma reconnoiffance ^ que du moins je ne confente jamais au retour de fon ennemi capital.

Ces motifs font trop juftes , pour ne devoir pas donner le branle à tous mes mouvemens ; ces raifons font trop pertinentes , pour ne pas faire la régie de toute ma conduite s

400 Mémoires enfin je fais refolu de facrifier tous mes intérêts à la gloire du Roi, à Tavantagc des Princes , à la défenfe des Pariemens , au progrès des af- faires de l'Etat ôc au foulagemenc des peuples.

APOLOGIE DE MONSIEUR

le Duc de Beaufort, contre la Cour,

la Nohlejfe & le peuple.

M

ESSIEURS

Si j'étois auilî éloquent , que ceux qui ont écrit pour la Cour , ou pour les Princes , vous auriez une belle apologie en faveur du Duc de Beaufort ; mais n'ayant fait que chader toute ma vie , & joiier à la longue paume avec lui, vous me difpenferez, s'il vous plaît, de la fatigue de l'éloquence , ôc me per-

DE M. D. L. R. 401

mettrez d'aller mon grand chemin fans barguigner.

Pour entrer d'abord en matière ^ il me femble, qu'il y a trois point: en mon difcours aufti-bien que d^ns fon avis. Le premier eft de le jafti- fier à la Cour, qui le croit, dit-on 5 mal intentionné; le fécond, de le rétablir auprès de la Nobleile, qui Ta méprifé ; le troificme, de lui re- donner Tamitié du public qui l'a- bandonne. Jugez 5 Meilleurs , fi j'ai peu de chofe à faire , & s'il ne feioit pas plus aifé de délivrer les Prii:^es, Ôc de perdre le Cardinal , que de réiiiïir à ce que j'en treprends. Mais il n'importe , in magnh voLujj} fat eft ; Jt periculum fu^rj vires, animus faltem non défait*

Je dis, que la Cour eft tout-à- fait injurieufe à Monsieur de Beau- fort, de croire, qu'il a de mauvais fentimens contre elle ; & voici com- me je raifonne là-delTus. Si Moa-

401 Mémoires fieiir de Beaufort avoit confervé quelque haine pour la Cour, h la reconciliation de Moniieur le Car- dinal n'étoic pleine de Hncericé &c de franchife , il fe maintiendroit en état de lui nuire, ou de s'en garan- tir : mais tant s'en faut : pour ôter tout fujet de crainte & de foupçon , pour établir une entière confiance, il fe décrédite exprès dans le Parle- inenr , il s'attire le mépris des hon- nêtes gens , ëc la haine des peuples. Quelle apparence donc , que Mon- fieur de Bcaufort faifant toutes les chofes qui doivent plaire à la Cour j air deffein de la deflcrvit, ou de broiiiller avec elle ?

Davanti^ge : s'il étoit vrai , qu'il voulût entretenir une confédération défavantageufe à l'autorité du Roi, il feroit uni avec les Frondeurs , & tous enfemble auroient un même but & les mêmes intérêts ; mais chacun f^ait qu'il a rompu avec Madame de

D E M. D. L. R. 405

Chevrcufe, de peur qu'il ne femblâc aller contre le teftament Je Louis XIII. s'il confervoic quelque forte de liaifon avec elle. Qu'elle apparence donc 5 qu'un homme qui a des rei^ pecls il délicats pour la mémoire du fea Roi , pût avoir des fentimens Ci pernicieux contre celui-ci ?

Pour l'union du Miniftre Se de l'Amiral , on ne fçauroit apparem- ment la defirer ni plus forte , ni plus étroite ; &c ils Ibnt trop géné- reux l'un ôc l'autre , pour croire qu'on ait donné &c reçu quatre- vingt mille livres de rente comme un gage trompeur d'une faulîe re- conciliation.

Mais afin de lailTer les conjecla- res 5 il y a mille chofes concluan- tes , pourquoi IVaroit-on appelle Maz^arin fur le pont-neuf, au Pa- lais, & dans tous les lieux publics? Pourquoi dans la dernière afièm- blée du Parlement, auroit-il foUici-

404 Mémoires ce qui lui refte d'amis en fa fa- veur , s'il n'étoit véritablement dans fes intérêts ?

On l'accufe de contribuer de tout fon crédit à la ruïne du Duc d'Ef- pernon. Et que peut faire autre cho- fe ce généreux Prince , à moins que de fouffrir les injures chrétienne- ment, 6c de s'enfermer dans un Cloître ? Ne faut- il pas avouer , que jamais perfécution ne fut pareille à celle que lui fit le Duc de Can- dale j ôc fon acharnemenr à desho- norer un parent fi proche ne mérite- t'il pas bien cette vengeance ?

Mais à dire vrai , ce ne font qu'intérêts particuliers ; en tout cas il fe venge de fes ennemis malgré la Cour, 6c par une efpece de com- penfation , il fçait abandonner fes amis pour lui plaire, Fontrailles ÔC Matta autrefois fi palTionnés pour fes intérêts , en ont fait l'expérien- ce j ôc le Comte de Fiefque , après

DE M. D. L. R. 40; avoir reçu le même traitement , de- vroit fe reprocher toute fa vie l'inu- tile générolîté qu'il eut pour lui.

Concluons donc , que jamais per- fonne n'a mieux fuivi les intentions de la Cour , de que la Reine auroic fort mauvaife grâce de lui refufer le Gouvernement de Bretagne , fi elle croyoit que les grands fervices quil a rendus , ne font pas bien payés de l'Amirauté.

Après avoir juftilîé ce grand Duc pour ce qui regarde la Cour , je le veux juftifier auprès de la vraie No- bleffe 5 & faire voir que rien n'eft plus déraifonnable que le mépris qu'on en a fait depuis quelque temps.

Quand je parle de la vraie No- ble[îe 5 je n'entends pas parler de ceux 5 que le feul langage de ce Prince fait Tes ennemis ; gens nour- ris dans la mollefle & dans l'oifive- 5 à qui les ruelles ont donné des

entretiens particuliers.

40^ Mémoires

Mr. de Beauforc fe fait gloire- d'ignorer des termes trop délicats , & capable d'amollir les courages , comme d'affoiblir les efprits. il ne fçait ce que c'eft de jufteiTe , ni de diicernementj il ne cherche ni la po-. litelTe aux repas , ni la propreté aux habits y mais il fçait fe faire aimer de fes voifins j Se quand il a beioin d'amis , il trouve des cent Gentils* hommes traveftis en diables, qui ne manquent point de brocher Bayard. Voilà quelle eft la manière de vi- vre de ce grand Duc. Je vois bien, que j'ai à fatisfaire la Noblelfe fur un autre point , & qu'il y a peu de Gentilshommes, qui parlant de l'af- faire de Renard, ne parlent aufïi du peu d'envie qu'on a eu de fatis- faire des gens de qualité ii fort of- fenfés. Avaiit que de venir au dé- tail 5 je vous dirai, que le bon Prinr ce s'eft repenti mille fois de cette su^ïon : de pour vous montrer > que

D E M. D. L. R. 407

je n'approuve pas l'aftaire , ni la fui- te qu'elle a eue , je l'accufe d'avoir eu trop d'emportement de de cou- rage chez Renard , ôc trop de réfle- xion &c de fageflè dans le procédé. Mais pour peu de bonté que vous ayez , Mefïieurs , vous excuferez un homme , qui a pris feulement une chofe pour l'autre ; qui fut vaillantj quand il falloir être fage j &c qui fut fage 5 quand il falloit être vaillant : il bien que ce n'eft qu'un peu de mécompte , &: vous auriez trop de févérité fi vous ne lui pardonniez cette méprife.

Et après tout , quand on vou-» droit prendre les chofes à la ri- gueur , contre qui fe devoit battre Monfieur de Beaufort ? S'il fc fôc battu contre Mr. de Caudale., qui étoit le vrai procédé en cette affai- re 5 au moindre défavantage qu'il eût eu 5 toute la Cour s'en fut ré- jouie : la Reine étoit encore aigrie

4o8 Mémoires de la guerre de Paris j fa réconciliât tion avec le Cardinal Mazarin n'é» toit pas encore bien faite , prefque tous les gens du monde s'étoient offerts à Monfieur de Candale : Dieu fçait quelle joye , s'il eût reçu quelque blelTure , ou rendu l'épée ? De fe battre contre Boute ville, c'étoic une cliofe prefque auifi fâcheufe j il ne lui pouvoit arriver du defordre , que Mr. le Prince &c tous fes amis n'en euflènt pris un merveilleux avantage. De la façon qu'il avoit traité Jarzay, c'étoit une affaire fans quartier , de dans le vœu qu'il a fait d'obferver le précepte naturel toute fa vie , il n'avoit garde de fe porter à cette inhumanité.

Il eft certain , qu'il fe fut battu contre Moret j mais celui-ci lui donna un rendez-vous trop éloigné des Chirurgiens , comme lui dit judicieufement Mr. de Beaufort : dc quant à ce que difoit là-deffus Mr.

dc

D E M. D. L. R. 409 de Palluau , qu'il devoit fe conten- ter de la poudue de iimpatie , ceia eft bon à des'^ gens comme lui fans confcience \ mais ce Prince eft crop homme de bien pour fe fervir des remèdes 5 qui ne font pas naturels , Madame de Vendôme lui prêchanc toujours 5 qu'il vaut mieux mouriu mille fois , que de chercher fa gué- rifon dans la Magie,

Voilà les raifons , qu'il avoît de ne point tirer Pépée : chacun en aura les lentimens qu'il voudra : pour moi, je croirai toujours qu'un homme généreux ne fçauroit ap- porter trop de précaution , pour empêcher , que fes ennemis n'ayenc avantage fjr lui ; ce qui pou voie arriver à Monfieur de Beaufort , s'il fe fût commis avec des perfonnes défefpérées. Mais je veux qu'il aie été emporté de trop de chaleur , & que par l'impétuofité d'un grand cccur , dont il ne fut pas le maître

Tome II, S

410 Mémoires en cette occalion , il ait oifenfé mal à propos tant d'honnêtes gens : eft-» ce à dire qu'un outrage ne le pui(ïè réparer que par la mort } Et lors qu'un grand Prince a la bonté de revenir , Tes civilités doivent-elles être méprifées ? Quels complimen$ n'a-t-on pas faits aux inte reliés , ôc quelles fatisfadtions ne leur a-t-on pas données , vous en exceptejs celle de le battre ; fatisfadlion cruelle ôc fanglante , que toutes les Na- tions ont fujet de nous reprocher î Si ce eénéreux Prince avoit les Ccn» timens aulïî délicats pour les inju- res , que ces MetTieurs qui fe plai- gnent 5 quels chagrins ne devoit-il pas rellèntir , pour faire voir qu'il n'a rien oublié , qui pût gagner le cœur de l'amitié de la Nobleffe ? Vous fçavez , qu'aulli-tôt qu'il eue fait fon accommodement , il com- mença à fonder à la fortune des homiêces-gens , ôc réfolut d'empla?

DE M. D. L. R. 41 1

yci' tout Ton crédit pour les autres 5 fans penfer à tes propres interêcs., Aux uns 5 ce crénéreux Prince offrit la fiireté de fa protection j aux au- tres , ce Prince libéral offrit tous les avatages , qu'on pouvoit tirer de fa faveur : il diftribuoit les Char- ges 5 les Gouvernemens , &c ne pue jamais trouver une créature parmi ces ^ens abufés des efpérances de la Cour : il n'y en eut point , qui ne refusât Tes bienfaits. Le dépit , qu'il eut de voir fes liberalicés méprifées, le força de fonger à fes affaires , Se malgré le deffein , qu'il avoir de ne rien prendre , il fe vit réduit à cette fâcheufe néceffité de folliciter fes interêcs.

Voilà le premier déplaifir , que le Duc de Beaufort reçut des Gen- tilshommes 5 &c particulièrement de la Cour ^ voilà les premières mar- ques de leur mépris , qui a palTé en fort peu de temps jufqu'aax injures S 1

4 î 1 M E îil O I R E s

les plus fanglantes. Dans la guerre de Paris on ne parioic que de fa gencrofîté ôc de fa valeur : voyez cjuelle eft rinjuftice du liéclc , on prétend le déshonorer aujourd'hui par les mêmes adtions j dont eft ve- nue fa réputation.

Chacun fçait, que tout le monde lui Ht des complimens fur la mort de Nerlieu ; ôc quand véritablement il ne l'eut pas tué, les plus miodeftes s'y fuilent laiiTé perfuader au (Ti- bien que lui. Ce même monde , plein de complaifance &c d'agrément en ce temps-là 5 devenant de mauvaifc humeur prcfentement, lui veut ôter la gloire qu'il lui a donnée , ôc par une recherche aufTi éxadte qu'inge- iiieufe 5 trouve , à ce qu'on dit j qu'il n'approcha de Nerlieu qu'a- près fa mort.

Son combat contre Briole , étoii allégué comme un combat extraor- dinaire 5 qui faifoic trembler touî

D E ^î. D. L. R. 415 les Héros des Romans : aujourd'hui Briole lui arrache ion épce , comme à un homme perdu , que l'emnor- temenc ou quelque autre pairioii avoir m.is hors de lai-même.

Ces Meilleurs fc figurent - ils , qu'il foit prêt de changer de créance auiîi légèrement qu'ils ont Fait , ôc qu'une perfonne , qui s'eft imaginé d'avoir tué Neriieu , quand on lui en a fait des complimens , foit re- foluë de n'en rien croire , lorfqu'il leur prend fantaiiie de fe dédire ? Non 5 non , Meffieurs , vous devez avoir plus de {-ermeté , de jam.ais on ne lui reprochera une pareille in- conftance. Il pouvoir bieir être , qu'il ne l'avoit pas tué ; mais puif- que vous l'avez voulu , fi à préfenc vous tenez le contraire , cela n'em- pêchera pas qu'il n'ait tué Neriieu.

Des actions particulières, on palîc aux qualités de fa perfonne. On le

fait être ^roiTier fans franchife ; arti- ^ c

5 3

414 Mémoires ficieux fâiis efpric j «Se pau un mélaiv ge bizarre , il poilede foaveraine- nicnt 5 difciu-iis , les artifices de Mr. de Vendôme 3c la fimplicité de Madame fa Mère. Si vous les croyez. , il promet à tout le monde, ëc ne tient jamais fa parole ; il en- voyé trois Couriers , dont pas un ne monte à cheval , &: fe refiife lui- même de la part de la Reine ce •qu'il n'a pas demandé. Que vou- lez-vous de plus 'i 11 follicite pu- bliquement pour un homme , ôc follicite en particulier contre lui. Je ne fçai ce que l'on ne dit point de fou langage , de de fon efprir. On lui fait écrire des lettres ridi- cules à Monfieur de Bethune , je m'alTure qu'il ne penfa jamais. Les inci'Jens des procès font pour lui des accidens de la vie j quand on mange de la viande en Carême , il y veut mettre la politique ; les chambres tendues de noir iont lu-

D E M. D. L. R. 415 briques , & les yeux les plus lafcifs font lugubres. Laval efl mort d'une confufîon (a) à la tête , ôc le Che- valier de Chaboc , pour avoir été jnal timpanë. Il n'y a lâcheté qu'on ne lui faiTe faire , il n'y a fottife qu'on ne lui Ç^Sic dire , de cepen- dant il faut croire cu'il cft fmcere & fpirituel , & ciu'il ne manque de bonne foi , ni d'intelligence.

Peut-on s'imaginer qu'une per- fonne nourrie dans l'innocence des pi ai (1rs des champs foit devenue ca- pable de tant de fourbes ? Pc ut- on s'imaginer, qu'un Prince de fa naif. fance ignore l'ufage des termes les plus communs ? Pour moi 3. je vous avoue 5 c|u'au lieu de me figurer des chofes il écranges , ôc fi déiavanta- s 4

(a) C'cjl qtv^il p.irloit comme les payfans, Défc.vd qii'il tenait de fa mère , la plus ^rojfiere fe-mme qui fût en France , quoi- qu'elle fût de la Maifoyi de Lorraine,

4i<5 Mémoires geufes à Mr. de Beaufort , j'admire toujours fa généroficé , ou fa patien- ce à pardonner ou à foutirir les in- jures qu'on lui fair.

Si je ne craignois de paiTer ici pour déckmareur, je tînirois ce cha- pitre de la NoblelTe , en l'exhortant •de vivre auiTi-bien avec lui , qu'il eft réfolu de bien vivre avec elle ; de m'adreflant aux Gentilshommes , je leurs dirois de fa part : Quittez, , Jl'iejficurs , quittez, cette hai?ie malt- cieufe , & ce ?ncpris affecîé ; rentrez, dans les fe77timens ou vous étiez, à la mort du feu Roi : fouvene^-vous de ce temps généreux , oit tout le monde fe jettoit en foule dans fes intérêts ; ou le Colonel des Suijjes ( a) , les Officiers de la A<faifon du Roi , & les gens de cjualité renon^oient a la Cour , & à la fortune, pour l'amour de lui. Si vous revenez. , Meffieurs , // eft prêt de vous recevoir, & en état de faire pour vous

(n) MonfeuY de la Châtre.

D E M. D. L. R. 417 les mêmes chofes quil a faites, SI vous ne revenez pas , je vous déclare ^hU vous abandonne , & va tacher de Je rétablir dans l'ajfeciion des peuples qui l'ont quitté. Il vous a dit les CQ'tnmen- cemens de fa réputation ; mais il vous doit la meilleure partie defon mépris , & fe trouve ajfez. déchargé de toute reconnoijfance par les rejfentlmens oii vous le poujfe^ : Meffieurs , il^^nefi pas h e foin de barouioner davantace.

Il eft temps de venir à la jaflihca- tlon auprès des peuples ; & comme il avoue lui-même, qu'il leur doit fou falut, fa fortune 3 ôc {on crédit, il n'y a rien qu'il ne faiîe, pour leur ôter la mauvaife impreiïion , qu'ils ont prife, ou par ion propre malheur, ou par la malice de les ennemis.

Ce n'eft pas , s'il vouloir s'e- xempter de reconnoilTance , qu'il ne piit dillinguer l'obligation i ùC qui- conque voudroit examiner les cho- fes avec la dernière rigueur , trou-

s i

4i8 Mémoires veroit fans doute, que leur afFc(Stion étoit plutôt un effet ncceflaire defon étoile, qu'un mouvement libre &c obligeant de leurs cfprits. Au feul nom de Monfieur de Beaufort , les peuples fe font trouvés émus fans le connoître , &c par je ne fçai quelle impulfion , tous les coeurs fe font portés à cette furieufe amitié. Il eft certain , qu'il eil devenu leur Pôle , fans les avoir fervis, fans les avoir pratiqués , fans avoir rien fait qui pût attirer ni leur gratitude , ni leur . amitié, ni leur eftime. De cette forte, ils ont fait pour lui ce qu'ils ne fe pouvoient emipêcher de faire j &c à parler fainement, il eft beaucoup plus obligé au bonheur de fa naiiïance qu'à leurs bonnes volontés. Cepen- dant , il avoue , qu'il leur doit tou- tes chofes , de ne prétend point par une méconnoiiïance fi exquife payer de véritables obligations. Il ne pro- tcfte pas feulement , qu'il fera toû-

D E Mo D. L. R. 41^ jours dans le deirein de fervir des peuples 3 qui Vont lervi ; il aiTure qu'il aura toute la vie des ientimens d'amitié particuliers pour eux , une parfaite reilemblance d'humeurs , un iecret rapport de penfées, une con- formité admirable de langage & de manière qui doivent entretenir en- tr'eux une liaifon éternelle.

Et toutefois Meilleurs de Paris veulent rompre injurieufcment : d'une paflion , qui alloit jufqu'à la folie 5 on les voit pafier à une haine, qui va jufqu'à la fureur j ce ne font que reproches d'inconfcance de de periîdie. Et du moment qu'ils l'ont vu moins miférable , il l'ont traité comme un ingrat & un corrompu. Souffrez , Meffieurs , que je vous parle fans paHion. Si j'ai dit quel- que chofe en fa faveur ^ ne croyez pas que je fois gagné , ni prévenu , ni que je veuille m'attirer une an- mofité générale , pour confervcr les S 6

410 Mémoires bonnes grâces d'un particulier. Je fais ici profeilion d'une fincerité toute entière i ôc Dieu m'eil; témoin. Il je luis d'autre mouvement que celui de la raifon.

Trois chofes , (i je ne me trompe , ont ruiné Monfieur de Beaufort dans votre efprit , fon accommode- ment avec Monfieur le Cardinal ; TAmirauté qu'il a prife ; de les folli- citations qu'il a faites dans les der- jiiieres affemblées.

Pour fon accommodement 5 à moins que de le traiter avec beau- coup d'injuftice , vous ne le fçau- riez trouver mauvais. S'il s'étoit vïccommodé fans confiderer vos in- térêts 5 ôc n'avoit eu foin que des iiens , vous auriez fujet de vous plaindre ; mais il cfc certain , que le bur de fa reconciliation eft de cher- cher des moyens plus fûrs ôc plus faciles de perdre le Cardinal. Il a TU toutes les Provinces foulevces

D E M. D. L. R. 42 1 fansfruit; il a vu que lahaine ouver- te ôc déclarée ne ieivoit de rien ; il a eu recours aux apparences de Pami- tié ; Ôc comme il dit lui-même , il a fait deflcin de le perdre par le ca- binet.

Son efpric auiïi capable d'intri- gue, que de la guerre, ôc de dex- térité que de hardiede , lui fourni- ra mille moyens adroits & ii^^ge- nieux , fans parler de fon étoile po- litique, qui le deiline au Gouverne- ment de l'Etat , 6c le met au-deiTus de toutes les finedes dltalie.

Si quelque perionne un peu trop délicate fur l'honneur ne peut ap- prouver , que I\ir. de Beaufort con- ferve les fentimens de ruiner le Car- dinal, après en avoir reçu des bien- faits confidérables j je lui réponds qu'il n'a point traité avec lui com- me fon ami j mais au contraire je me perfuade qu'en prenant l'Ami- rauté , il lui a fait le tour du plus cruel ennemi qu'il eût au monde*

42.1 Mémoires

Et quoi , Meflieurs , ne penfez- vous que ce Prince l'a moins in- commodé dans la guerre de Paris , que dans la paix ; &c à votre avis , le combat de Yitry n'étoit - il pas plus indifférent à la Cour , que la négociation de l'Amirauté ?

Dans cette guerre , il étoit tou- jours en état , ou de s'enfuir , ou d'être battu , ^^ jamais fon courage & fa fureté ne s'accordoient en- femble : on n'alloit à la campagne qu'avec frayeur , on rentroit peu fou vent dans Paris frais honte , dc les fuccès les plus heureux étoient de faire venir du pain fans com- battre.

En ce temps-là Monficur de Beau- fort réduit avec vous aux dernières nécefïités , ne faifoit , pour dire le vrai 3 ni beaucoup de peur , ni beau- coup de mal aux troupes de Saine Germain , mais aujourd'hui qu'il force la Cour , qu'il ote quatre-

D E M. D. L. R. 425 vingt mille livres de rente à la Rei- ne même, vous appeliez cela recon- ciliation, de bonne amitié? Non, Iviefrieurs, détrompez-vous, je vous prie, 6c croyez qu'il a exercé la plus fine de toutes les vengeances.

Si dans le com^pliment quil fal- lut faire au Cardinal pour le remer- cier de cette affaire, il l'aiTura d'a- voir le miême attachement à fes in- térêts que Champfleury (a ) , il faut croire qu'il ajoûtoit la mocquerie au premier outrage , ôc c'eft violer le refpeâ: , qu'on doit à fa qualité de Prince , de s'imiaginer qu'il ait été capable de cette ballèfle. Ceux qui font dans le haut rang, peuvent bien fe dire amas des Miniftres ; mais de defcendre à l'attachement de Capitaine de leurs Gardes , cela ne s'eft jamais fait: & pour vous ôter tous les foupçons , que vous

(a) Capitaine des Cardes du Cardinal MaMirin.

42 4 Mémoires avez injuftement pris , je vous de- mande 5 il les défiances de Mr. de Beaufoit font moindres , qu'elles n'éroienc auparavant. Loriqu'une perfonne de qualité le fait appeller, &z qu'il renvoyé ces Meilleurs à Commeny , comme on renvoyé des créanciers à un Intendant, ne faut- il pas dire , que c'eft un artifice de la Cour :- Et n'a-t-on pas im.primé une lettre , qui témoigne aflez le fentiment , qu'il a dans toutes les affaires qui fe préfentent? Il cher- che les précautions 5 que lui donne la défiance 5 i\ l'on délibère au Pa- lais-Royal , Il l'on délibère à l'Hôtel de Montbazon , ils ont tous leur confeil, de dans leur cabinet on ré- fout toutes les affaires d'impor- tance.

Javoue que le Duc de Beaufort a foUicité pour le Cardinal ; mais on lie me fçauroit dénier , que c'étoic moins eji fa faveur , que contre les

D B M. D. L. R. 415

Princes j & ii vous lui donnez moyen de perdre le Cardinal par les Princes , (Se les Princes par le Car- dinal 5 il vous aura la dernière obli- gation. C'ell: le malheur de la fitua- tion il eft , plus que la malice de Ton naturel qui lui fait craindre tout le m.onde , &c n'aimer perfon- ne. La bonté qui fe peut conferver parmi des intérêts il délicats , lui refte encore. Il n'envie point à Mr. le Prince la conftance qu'il, témoi- ene au Bois de Vincennes , &: com- me il peut arriver tel deiordre qui feroit tort à fa gloire , il fouhaite qu'il fînifle promptemcnt les jours , pour mettre fa réputation à cou- vert.

Le tempéramment du Prince de Ccnti eit , à Ton avis , (1 foible & (1 délicat , que le moindre exercice ^ une chalïe , une débauche , une pe- tite agitation , feroit capable de le faire mourir s'il étoic en liberté.

^l6 M E M O I i2. E s

Dans la dévotion il ed , il ne fe peut lader de louer Dieu de la con- veiiion du Duc de Longueville , ÔC la joye qu'il a de lui voir dire Ton Bréviaire ne fe fçauroit exprimer, lied fâché, que le Cardinal foie occupé au gouvernement d'un peu- ple tumultueux , comme celui de France ; &c pour exercer la délica- teiïc de Ton efprit , il lui fouhaite quelque bon emploi dans Tltalie. Outre les fentimens de bonté , qui le portent à defirer la gloire de ces Mefïieurs , Il faut avouer , que le foin du bien public ne lui laillè point de repos ; l'intérêt de l'Etat lui devient li précieux , qu'il ne le fçauroit fouftiir entre les mains de perlbnne , & la vie même lui fem- ble inutile , s'il ne l'employé chari- tablement à nous gouverner.

Sans le flater , Meffieurs , il y a peu de chofe , qu'on ne doive at- tendre de fun zèle <^ de fa capacité.

D E ^î. D. L. R. 417 Faut - il empêcher , que l'autorité Royale ne foit reconnue ? Faut-il en niême temps s'oppofer à la liberté des Princes , & tirer le Duc d'Ef- parnon de fon Gouvernement } Faut il exciter une iédition pour le bien de l'Etat, faire tendre les chaî- nes, armer les fad-ieux ? Faut-il fe trouver à toute forte d'a(ïem.blées au Palais , à l'Hôtel de Ville , à tous les Confeils ? il n'y a fatigue ni dan- ger , qu'il refufe pour l'amour de vous. On peut attendre de lui ces grands fervices ; & le moindre foupçon qu'on auroit de fa fidé- lité 5 lui feroir infiniment fenfible. Il eiï prêt de facrifier fon repos pour le vôtre.

Il me femble néanmoins qu'on doit avoir de la confidération , de ne rien exiger, qui foit au-defTùs de fes forces. N'attendez-pas qu'il i aille imprudemment s'oppofcr à l'Archiduc j on fcaic bien , que la

41 8 Mémoires guerre de la campagne lui ell: in- connue ', de combattre avec des troupes réglées eft pour ce Héros une chofe nouvelle. C'eft à faire aux Gallions , ôc aux perfonnes peu confidérables par leur n.ailîance , de palTer leur vie , comme des Crava- tes -, c'eft à faire à des gens défcf- perés de commettre la fortune à\\n Erac au hazard d'une bataille -, pour lui , que fa condition Se la naiflan- ce rendent incapable de balîelle Sc de folie , il tiendra glorieufement fa place dans les Confeils , de em- ployera tout fon temps à former un avis 5 qui puiiTe être dans la bouche de tout le monde , après être forti de la Tienne.

Cette purs ejl attribuée k Mr. de Saint Evremo7Jt. Il ejl pr.rlé de lui daus le Dif- cours de la retraiie de Moyifienr le Duc de Lon^UQville en 'Normandie.

D £ M. D. L. R. 499

LETTRE DE MONSIEU R

le Cardinal Adar^arin . a Air, de Brienne,

LA Reine a crû , à ce que j*âp- prens, que vous m^avezhmple- ment envoyé une lettre du Roi con- formément à ce que Ton a accoutu- mé de faire à tous, les Cardinaux Nationnaux, lorsqu'on reçoit nou- velle de Rome , que le Pape foie en danger. Mais pour moi , j'étoic privilégié , puifque outre la première du Roi 5 & le duplicata , j'en ai reçu une autre , & trois de vos dé- pêches 5 le tout conçu en termes preflans , pour me faire prendre fans aucun délai , la route de Rome , que j'avoue d'en avoir été fourpris au point que je devois , ne pouvant m'imaginer en quoi j'avois manqué

430 Mémoires à leurs Majeftés , pour me prciTcr à faire un voyage avec tant d'igno- minie , tant de rifque , & lans au- cun moyen de fubfifter. De croire, qu'avec une lettre de recommanda- tion pour le Pape l'on facisfait à tout 5 comme fl à Rome on con- noilfoit il peu les chofes , qu'on ne fçut pas inférer quelle forte de protection je pourrois avoir en ce lieu-la 5 puifque j'étois abandonné à la perfécution de mes ennem.is en France , ou le Roi eft maître. Avec tout cela , fi j'eulTe eu l'honneur de recevoir un petit mot de la Reine^ qui m'eût fait connoître , que l'iiT- tention du Roi Se la Tienne étoit ^ que je m'y en allalle , ainfi qu'elle a eu la bonté de me le faire fçavoir, lorfqu'elle a voulu que je fortiffe du Royaume, & que je m'cloignalTe jufqu'au Rhin ; je vous allure , qu'a- près avoir mis mes nièces dans un Monaftére , de licentié ma famille ,

D £ M. D. L. R. 431

je m*y en fei-ois allé avec deux valeis, pour confirmer en touces rencontres à leurs Majeflés , que mon obéiT- iance eil: aveugle , & nia fidélité à touue épreuve. En effet, je fuis prêc de faire fans aucune réplique , ce que la Reine m^'ordonnera là-de(Ius, quoique je ne puifïe recevoir une plus grande mortification , que de faire ce voyage dans l'état je fuis, qui d'ailleurs ne peut être que pré- judiciable à la dignité du Roi. Sur ce que Madame d'Aiguillon m'a fait dire par Rouzereau , je l'ai pro- pofé moi-même , demandant les conditions que vous fçavez , &c toute la négociation a abouti à des ordres de m'y en aller , fans parler d'autre chofc. Ce qui eft de mal- heur en cette affaire , c'eft qu'on a eu l'adreile de la faire palîèr auprès de la Reine pour une grâce , que l'on me faifoit , afin que je reiîèn- tiiTe encore quelque eftet de la ré-

432- Mémoires jouiffance publique pour la majorité du Roi. Tout cela m'a accablé de déplaifir , voyant à quel point mes emiemis fe prévaloient de ma dif- grace ; & avec quel bonheur ils employoient leur adrefiè , pour me faire recevoir des traitemens ru- des 5 dans un temps je pou- vois 3 avec juftice , efperer qu'on donneroit quelque foulagemenC laux perfécutions violentes que j'ai {outTcrtes huit mois durant , avec un il notable préjudice de rautoritc Royale.

Mais tout cela n'efl: pas compara* ble à l'excès de douleur, dans lequel je fuis 5 après avoir vu dans toutes les lettres de quantité de mes amis , qui font à Paris , Ôc dehors , le plaifir qu'on a du contenu en la Déclaration du Roi , qui avoit été enregiftrée au Parlement , & que l'on crioit par la ville j tous , fans avoir concerté enfemble , tombant

d'accord

D E M. D. L. R. 4î$ d'accord , que depuis la Monarchie, on n'avoic jamais rien fait de fi fanglanc contre qui que ce foit , quelque crime qu'il eût pu commet- tre. Perfonne ne me l'a ofé envoyer, de je vous puis jurer de ne l'avoir pas vue. Mais c'eft afîèz de fçavoir , que le Roi a déclaré , que j'ai em- pêché la paix , & fait faire toutes les pirateries fur les Alliés de la France , pour être perfuadé , que mon Maître veut que je fois recon- nu pour le plus infâme Se le plus fcélérat de tous les hommes , Se pour le fieau de la Chrétienté. Après cela , on m'envoye au lieu de ma naidànce , pour faire parade à mes parens de amis des beaux titres, que j'ai remportés pour récompenfe de vingt-trois ans de fervices aulïî fidèles &c aulïî utiles , qui jamais ayent été rendus par quelque Minif- rre auflî zélé èc défintéreiïe que ce puiflè être.

Tome II, T

434 Mémoires

Tous mes ennemis ont travaillé fix mois durant , avec l'application que chacun fçait , envoyant des CommiiTaires par tout, s'appliquant à toutes les recherches imaginables j quelques-uns d'cnrr'eux fu (citant de faux témoins , pour voir , fi l'on me pourrait noircir de quelques crimes , lefquels juftifiant dans Pef- prit des peuples l'opprelTion qu'on me faifoit , augmentafïènt encore leur haine contre moi : fans que tout cela ait rien produit que des effets très-avantageux pour les dé- tromper 5 d>c faire connoître mon innocence , ôc l'injuftice avec la- quelle on l'âttaquoit. Dans ce tempsr mefdits ennemis dérefpérant de pouvoir rien faire d'ailleurs , ont trouvé le moyen de me calomnier auprès de leurs Majeftés , de faire donner une Déclaration contre moi en la forme ra plus éclatante Ôc la plus autentique , dont on puiflè ufer envers un voleur.

D E M. D. L. R. 45 5

Après cela , il me femble , qu'on dcvroit plutôt me confeiller de me cachei- &z de m'enievelir pour ja- mais 5 que non pas d'aller à Rome; puifque je ne dois pas feulement appréhender les peuples de France , mais encore tous ceux , qui font troublés par la continuation de la guerre, ôc qui doivent avec raiion ^ jetter des pierres à celui qui en elt déclaré la caufe.

Je fçai bien , que leurs Majeftés ne peuvent pas avoir eu connoillance en détail de tout ce qui étoit con- tenu en la Déclaration du Roi y car je les crois trop équitables , pour m'imaginer, qu'elles eulïent vou- lu confentir à me déclarer le plus méchant ôc le plus "Sbominable homme du monde. Et c'eft un grand malheur pour le fervice du Roi > qu'il ne fe foit trouvé perfonne qui ait Fait connoître de quel avantage il etoic aux ennemis de la France .^ - T i

43^ M E M O I R E s

que par cette Déclaration toute l'Eu- rope fût perfuadée , que le principal îvliniftre du Roi avoit empêché paix. Les Efpagnols ne pou voient obtenir rien de plus avantageux , que de pouvoir rejetter fur la Fran- ce la haine de la Chrétienté , pour les maux , que la guerre lui fait fouftrir j de les Alliés de la Couron- ne auroient droit de demander le dédommagement des déprédations qu'on a faites , qui vont à des mil- lions ', de en cas de refus j de faire une querelle à la France , puifqu'en- fia il eft certain que le Roi de l'Etat font refponfables de la conduite de ceux , qui ont la diredion des af- faires.

! Je fçai 'auffi , que ma confidé- ration n'étoit pas alTez forte , pour obliger de parler en ma faveur ; mais l'intérêt du Roi , de l'Etat , 6c de la Reine même , étoit engagé par tant d'autres raifons , outre

D £ M. D. L. R. 437 celles-ci, qui font très-prefTantes , qu'il faut avouer, que c'a été un étrange malheur, que perfonne n'aie ofé leur en dire un feul mot -, Se le mien eft d'autant plus grand , qu'ou- tre ce que je loutTl-e clans mon par- ticulier , la palTion que j'ai pour leurs Majeftés & pour PErat , me fait auiTi relTentir dans le Fond de l'ame le contre- coup qu'elles en re- çoivent.

Vous voyez, qu'après les crimes, defquels on a obligé le Roi de me déclarer coupable , je ne fins plus en état d'avoir participation d'au- cune alTaire. C'ed: pourquoi vous ne devez pas prendre la peine de m'en communiquer ; ^c li mes en- nemis n'ont pas le concer.tem.enc de m.e voir aller à Rome , ils au- ront celui de me voir cacher , fans me mêler de quoi que ce foit , jufqu'a ce qu'il plaife au Roi de me faire jufticc : le iuppliant très- T 3

458 M E "NI O 1 R i s

humblement de trouver bon que je me mette prifonnicr en tel lieu qu'il ordonnera , ôc même dans une des Places de Monfieur le Duc d'Or- iéarrs ; afin que h j'ai failli , j'en reçoive une punition exemplaire. £t pour ôter les difficultés , qui s'y pourroient rencontrer , à caufe de la dignité , dont je fuis revêtu , je recevrai la finguliere grâce , qu'il me foir permis d'en envoyer la dé- mifïion 5 car auffi-bien, elle ne peut plus être en ma perfonne d'aucune utilité au Roi. Je vous ferai fort obligé 5 fi vous vous employez en forte 5 que cette grâce me foit ac- cordée , d'autant qu'elle peut con- tribuer à la réparation de m. on hon- neur y Se je vous prie d'excufer en-, "core cette ieule fois mes impor» lunicés.

ARTICLES ETCONDITIONS,

dont S. A, R.& Monfieur le Prin-^ ce fom CQ'/wemiS -pour fexpuljion dtû Cardwal M^^arin^ en conséquence des Déclarations du Roi , & des Arrêts des ParUmens de France»

I.

PREMIEREMENT , qUC S. A. R. & Monfieur le Prince fonc prêts de pofer les armes , de rapprocher de la perfonne du Roi , de rentrer dans les Confeils , & de contribuer tout ce qui dépendra d^eu:^ , pour procurer la paix générale , remettre les affaires , & rétablir l'autorité du Roi y s'il plaît à. S. M. de comman- der de bonne-foi au Cardinal Ma- zarin de fortir du Royaume , & des Places de fon obéïiTance ; & de l'é- loigner de fes confeils , & d'auprès T 4

440 M I M O 1 R I 3

de fa perfonne , fes proches & fes adhérans , & d'exécuter finalement les Déclarations , qu'elle a données fur ce fujet , en forte que Sadite A, K. & Monfieur le Prince ayent lieu tl'étre perfuadés qu'on ne violera ylus la foi publique.

IL

Qiie au contraire le Cardinal Mazarin prévaut par fes artifices fur Tefpric du Roi , & que contre les vœux ôc les fentimens de toute la France , &C au préjudice des Décla- rations 5 l'on perfévcre à le mainte- nir , la qualité d'oncle de S. M. qu'a S. A. R. l'obligeant à veiller au bien du Royaume , & à s'oppo- fer à ce qui le peut troubler pen- dant le bas âge de Sadite Majefté i ôc Mr. le Prince ne pouvant fe dif- penfer d'avoir les mêmes fentimens^ vu riicnneur qu'il a d'être du Sang-

D E M. D. L. R. 44î 'Royal ; & confidérant auflî , qu'ils ne peuvent trouver aucune fureté pour leurs perionnes , pendant que le Cardinal Mazarin fera maître des affaires ; ont promis & fe font réciproquement obligés , de s'obîi-» gent tant pour eux , que pour Mr. le Prince de Conti fon frère, ôc Ma- dame la Duchefïè de Longue ville fa fœur 5 aufquels ils promettent 8c s'obligent de faire ratifier le préfent traité au même temps que lui j comme aufli > pour ceux qui font; dans leurs intérêts de union , de joindre leurs forces , employer leur crédit de leurs amis , pour procurée l'expulfion du Cardinal Mazarin hors du Royaume de Péloignement de fes proches j & de fes adhérans , qui fe font déclarés tels par le con- tinuel commerce qu'ils ont eu avec lui hors de la Cour de des affaires.

T 5

442. Mémoires

III.

Ils promettent de ne point pofer les armes jufqu'a ce q^u'ils ayent ob- tenu l'effet ci-dcfTus , & de n'enten- dre direclement , ou indiredlemen- à un accommodement , qu'à cette condition , 6c d'un commun con- fentement.

I V.

Ils maintiendront 3c au cimente- ront les troupes qu'ils ont fur pied, autant qu'il leur fera polTible^ <3c les feront agir conjointement ou fépa- rément , ainii qu'ils le trouveronc plus à propos y promettant pareille- ment d'apporter tous leurs foins , pour les faire fubfifter avec le moins d'incommodité qu'il fe pourra pour les peuples.

V.

Ils promettent d'accepter volon-

D E M. D. L. R. 445

tiers tous les expédiens raifonna- blés 5 qui leur feront propofés pour la pacification du Royaume , aux conditions de l'excluiion du Cardi- nal Mazarin , énoncées dans le fé- cond article j 3c de travailler in- cellan:îment pour l'établidemenc de la paix générale 3 qui eil une des principales fins du préfenn traité : à laquelle fans doute il n'y aura plus d'obilacle , quand celui qui a vou- lu la continuation de la guerre , fera éloigné , ôc que la réunion de la Maifon Royale , qu'il a empêchée fi long-temps, fera rétablie,

VI.

S. A. R. & Monfîeur le Prince prom.etrenL de maintenir les Parle- mens 3 les Compaf^nies Souveraines du Royaume , les principaux Offi- ciers de l'Etat , la Noblerfè , & tou- tes les perfonnes de condition ^ T (S

444 Mémoires dans tous leurs privilèges , de de leur faire raifon fur les prétentions légitimes , qu'ils pourroient avoir ; de ne faire aucun traité fans leur participation , & qu'on ne leur ait réparé les torts Sz les pertes qu'ils pourroient avoir fouffertes en con- féquence de celui-ci , & particuliè- rement empêcher , qu'il ne foit donné atteinte à l'obfervation de la Déclaration du 21. Odiobre 1648. ôc pour ce ils font conviés d'entrer en la préfente Union Se de concou- rir aux fins pour lefqu'elles elle efl: établie.

VII.

Le Cardinal Mazarin , qui a tou- jours gouverné en etfet , quoiqu'il fût banni en apparence , ayant em- pêché l'alTemblée des Etats-Géné- raux 5 dont le Roi avoit promis la convocation au 8. Septembre der- nier , ôc ayant obligé les Députés ,

D E M. D. L. R. 445 qui s'étoienc rendus à Tours au jour préfix 5 de s'en retirer avec honte ôc confuiîon , de fçachant d'ailleurs , qu'il ne changera pas la conduite qu'il a tenue , &: qu'il empêchera par tous moyens , l'effet que l'on attend de leurs délibérations j ou que s'il eO: capable de confentir qu'ils s'aflemblent , ce ne fera que pour les mettre dans un lieu il fera le maître : S. A. R. de Mr. le Prince , pour obvier à ces deux in- convéniens , promettent & s'obli- gent de travailler inceflamment , afin de les convoquer à Paris , ou dans la ville la plus proche de la plus commode ; enforte qu'ils puif- ient agir avec une pleine liberté , auquel cas ils déclarent , qu'ils fou- mettent de très-bon cœur à leur dé- cifion tous leurs intetêts , n'en vou- lant point avoir d'autres , que ceux du Roi de de l'Etat : dont il fera dïQ(& un Edit perpétuel 6c irrévo-

44<J Mémoires cable 5 pour être vérifié dans le Par- lement de Paris , &z dans tous ceux qui feront entrés en la préfente Union,

VIII.

S. A. R. Se Monfieur le Prince ne pouvant tenir pour légitime , ni reconnoîcre le Confeil , qui a été établi par le Cardinal Mazarin , un de ceux , qui le compofent , ayant acheté fon emploi , avec une nota- ble fomme d'argent qu'il a donnée audit Cardinal ; 3c étant obligés , chacun félon le degré du Sang , dont ils ont l'honneur de toucher S. M. d'avoir foin de Faire fes af- faires 5 de de faire en forte qu'elles foient bien gouvernées j promettent de n'entendre à aucun accommode- ment 5 que les créatures , 3c les adhérans publics du Cardinal Ma- zarin ne foient exclus du Confeil d'Etat , de qu'à condition qu'il ne

D E M. D. L. R. 447 fera compofé, que de ceux dudit Confeil Ôc autres qui ne pourront être foupçonnés d'avoir aucune part avec lui.

IX.

Et d'autant que les ennemis de Monfieur le Prnce font capables de vouloir décrier fa conduite , en publiant , qu'il a des liaifons avec les Etrangers ; S. A. R. de mondic Sieur le Prince déclarent , qu'ils n'auront jamais aucun commerce ni correfpondance avec eux , que pour l'établifTement de la paix géné- rale ; &c qu'ils n'en prendront plus à l'avenir avec aucun Prince étran- ger , qu'autant que le Parlement Ôc les perfonnes principales, qui en- treront dans la préfente Union , le jugeront avantageux au fervice du Roi ôc de l'Etat.

44^ Mémoires

Et afin que les mal-intentionnés, de les perfonnes les plus attachées à la perfonne du Cardinal Mazaiin , ne puiflent douter avec raifon des bonnes intentions de S. A. R. ôc de Monfieur le Pnnce , ils ont cC- limé à propos de déclarer expreflë- ment par cet article particulier, qu'ils n'ont autre intérêt , que celui de Penticre fureté de leurs perfon- nes: & foit qu'ils faffent des pro- grès, pendant que le malheur de TEtat les obligera d'employer leurs armes pour l'expulfion dudit Car- dinal Mazarin , ou que les affaires s'accommodent par fon exclufion , ainfi qu'il a été ci-delfus expliqué , de ne prétendre aucuns nouveaux étabHlïèmens, Se de trouver leur entière fatisfadion dans celle que la France aura de voir la fin des

troubles ,

DE M. D. L. R. 449

troubles , 6c la tranquilité publique aflurée.

XI.

S. A. R. &c Monfîeur le Prince ont eftimé néanmoins à propos , pour bonnes coniidérations, de con- venir qu'ils contribueront de tout leur pouvoir , dans raccommode- ment qui fe pourra faire , pour les fatisfadions juftes & raifonnables de tous ceux qui font préfentemenc engagés dans la caufe commune , ou qui s'y joindront ci-après, en for- te qu'ils reçoivent des marques cf^ fedives de leur protection tout au- tant qu'il leur fera pofTible.

Ce préfent traité a été figné dou- ble par Son Alteffe Royale , ôc par les Sieurs Comtes de Fiefque ôc de Gaucourt pour & au nom de Mon- fîeur le Prince , Mr. le Prince de Conti 5 (Se Madame la Duchefïè de

Tome II. V

45© Mémoires, &c» Longueville , en vertu du pouvoir, qu'en a donné Monfieur le Prince , (k qui a été préfentemcnt remis es mains de S. A. R. par ledit Sieur Comte de Fiefque. Lefquels font obligés , 6c s'obligent de fournir à Sadite A. R. leurs ratifications dans un mois eu plus tard. Fait à Paris, ce 24. jour de Janvier 1652. Signé Gafton. Charles Léon de Fiefque* Jofeph de Gau court.

Fin dn Tome ftcovd.

PW

i-\y>

ï^;-'